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Full text of "Dictionnaire de chimie et de minéralogie"

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University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/dictionnairedech54jh 


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T^DIE  QUATHIEME. 

n(n  a  mi 

DICTIONNAIRE  DES  PERSÉCUTIONS. 

2    VOLUMES,    PRIX   :    16   FRANCS, 
TOME   PREMIER 


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^^   S»1MPRÎME   ET    SE   VEND   CHEZ    J.-P.   MIGNE ,  ÉDITEUR, 

AUX  ATIiLIliKS  CATHOLIQUES,  RUE  D'AMBOISE,  AU  PETIT-MONTROUGE , 

BARRlèRE    d'enfer    DE    PARIS. 
1851 


NOUVELLE 

ENCYCLOPÉDIE 

THÉOLOGIQUE, 

ou  NOUVELLE 

SÉRIH  DE  DICTIONNAIRES  SUR  TOUTES  LES  PARTIES  DE  LA  SCIENCE  RELIGIEUSE  , 

orra&NT,  en  français  et  par  ordre  alphabétique, 

LA  r-LUS  CLAlIVlv,  LA  PLUS  FACILK.  LA  PLUS  COMMODE,  LA  PLUS  VAIilÉE 
tr  L\  PLUS  COMPLÈTE  DES  THÉOLOGIES. 

CKS   DICTIONNAIRES  SONT   CEUX    : 

DES  LIVRES  APOCRVMIES,  —  DES  DÉCRETS  DES  CONGRÉGATIONS  ROMAINES, 
—  DE  DISCIPLINE  ECCLÉSIASTIQUE,  —  DE  LÉGISLATION  MIXTE,  THÉORIQUE  ET  PRATIQUE,  —  DE  PATROLOGIE, 

—  DE    blOGRAPHIE     CHRÉTIENNE    ET    ANTI-CHRÉTJENNE  ,     —   DES     CONEUÉRIES  ,    —    D  HISTOIRE     ECCLÉSIASTIQUE, 
—  DES  CROISADES,—  DES  MISSIONS,  —  DES  LÉGENDES,  —  d'aNECDOTES  CHRÉTIENNES,  — 

d'ascétisme,  des  lNJl^0evTm^'S  a  la  Vm^rge,  et  des  indulgences, 

—  DES    PROPHÉTIES     ET     DES    MJRACLES  ,    —    DE     lilIlLIOGRAPlIlE     CATHOLIQUE  , 
—  d'érudition  ECCLÉSIASTIQUE,— de  STATISTIQUE  CHRÉTIENNE+mç- d'ÉCONOMIE  CHARITAULE  , 
—  DES   PERSÉCUTIONS,  —  DES  ERREURS  SOCIAtïSTES  , 
—  DE     PHILOSOPHIE   CAIllOLIQUE,  —  DE  PHYSIOLOGIE    SPIRITUALISTE,   --    u'aNTIPHILOSOPHISME, — 

DES  APOLOGISTES  INVOLONTAIRES, —  ' 

DE    LA    CHAIRE    CHRÉTIENNE,    -    d'ÉLOQUENCE  ,    id.,   —  DE    LITTÉRATURE,     1(1.,    —   D  ARCHÉOLOGIE  ,     Id.,^ 

—  D  ARCHITECTURE,    DE     IM.INTURE     ET     DE     SCULPTURE,    jd.,  —  DE    NUMISMATIQUE,    jd^  —  D  HÉRALDIQUE  ,   iU», 
—  DE  MUSIQUE,  i«/.,— DE  PALÉONTOLOGIE,  Jd.,  —DE  BOTANIQUE,  Jd.,  —DE  ZOOLOGIE,  îrt., 

—  DE  MÉDECINE  USUELLE,  —DES  SCIENCES,   DES   ARTS  ET  DES   MÉTIERS,  ETC. 

PUBLIÉE 

PAR   M.    L»ABBÉ   MIGNE, 

ÉDITEUR   DE  X.A  BIBLXOTâÈQ U E  Olf I VERSELtE  DU   CLEReÉ,     . 

OU 
I 

DES   COURS  COiaPZ.CTS   SUR   CHAQUE   BRANCHE   DE    LA    SCIENCE   ECCLÉSIASTIQUE. 

rRIX  :  6  FR.  LE   VOL.  POUR  LE  SOUSCRIPTEUR  A  LA  COI  LECTION  I  NTlÈllE,  7  FR,,    8  FR.,  ET  MÊME  lO  FR.  POUR  L6 
SOliCRlPTEUR    A    TEL   OU    TEL    DICTIONNAIRE   PARTICULIER. 


U^jrc^yu^^&T^jyît^^Tr^Ly^t^r^^ 


-EXPORTATION 

uie-CItaumière,  8 
\RIS 

:ns  et  floiJcrncs 

&  CURIEUX 


NOUVELLE 


ENCYCLOPEDIE 


THÉOLOGIQUE, 


7 


ou  NOUVELLE 


SÉRIE  DE  DICTIONNAIRES  SUR  TOUTES  LES  PARTIES  DE  LA  SCIENCE  RELIGIEUSE , 

OFFRANT,  EN  FKANÇAIS  ET  PA»  ORDRE  ALPHABÉTIQUE, 

Là  PLUS  CLAIRt:,  L\  PLUS  FACILE,  L.\  PLUS  COMMODE,  L\  PLUS  VARIÉE 
ET  LA  PLUS  COMPLÈTE  DES  THÉOLOGIfiS. 

Cn:S   DICTIONNAIRES  SONT   CEUX 

DES  LIVRES  APOCRYPHES,  — DES  DFXRETS  DES  CONGRÉGATIONS  ROMAINES, 

—  DE  DISCIPLINE  ECCLÉSIASTIQUE,  — DE  LÉGISLATION  MIXTE,  THÉORIQUE  ET  PRATIQUE, 
DE  PATROLOGIE,  —  DE  BIOGRAPHIE  CATHOLIQUE,  — DES  CONFRÉRIES,  —  d'hISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE, 

-  DES    CROISADES,  —    DES    MISSIONS,    —    DES     LÉGENDES,    —    d'aNECDOTES    CHRÉTIENNES,    —    d'ASCÉTISME, 

des  invocations  a  la  sainte  vierge, 

—  des  indulgences,  —  des  prophéties  et  des  miracles,  — de  bibliographie  catholique, 
—  d'Érudition  ecclésiastique, — de  statistique  chrétienne, 

—  d'économie  religieuse  et  charitable,  —  DES  persécutions,  —  DES  athées,  incrédules,  etc., 

DES    ERREURS    SOCIALISTES,    —  DE   PHILOSOPHIE   CATHOLIQUE,  —  DE  PHYSIOLOGIE    SPIRITUALISTE, 

—  d'aNTIPHILOSOPHISME,  — DE  CRITIQUE  CHRÉTIENNE, DES  APOLOGISTES  INVOLONTAIRES, 

DE  LA  CHAIRE  CHRÉTIENNE,  —  D'ÉLOQUENCE,  îrf.,  —  DE  LITTÉRATURE,  \d.,  — - 

d'archéologie,  xd.,  —  DE  PEINTURE  ET  DE  SCULPTURE,  \d.,  —  DE  NUMISMATIQUE,  \d.,  —  d'hÉRALDIQUE,  m., 

—  DE  MUSIQUE,  if/., — DE  PALÉONTOLOGIE,  irf.,  — DE  BOTANIQUE,  irf.,  — DE  ZOOLOGIE,  îrf., 
—  DE  MÉDECINE  USUELLE,  —  DES  ARTS  ET  MÉTIERS. 

PUBLIÉE 

PAR   M.    L'ABBÉ   MIGNE, 

ÉDITEUR  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  UNIITERSELLE  DU  CLERGÉ, 

OU   1 
DES  COURS  COMPZ.ETS   SUR  CHAQUE   BRANCHE  DE  LA    SCIENCE  ECCL; 


PRIX  :  6  FR.  LE  VOL.  POUR  LE  SOUSCRIPTEUR  A  LA  COLLECTION  ENTIÈRE,  7  FR.,   8  PR.,  ET  MÈMR  10  FR.TOUR  LE 

M..  \ 


SOUSCRIPTEUR    A    TEL   OU   TEL   DICTIONNAIRE   PARTICUL»R. 


TOME  QUATRÏEIIIE 


DICTIONNAIRE  DES  PERSÉCUTIONS. 

TOME   PREMIER. 
2  VOLUMES,    PRIX  :   16  FRANCS. 


S'IMPRIME   ET   SE  VEND   CHEZ    J.-P.  MIGNE,  ÉDITEUR, 

AUX  ATELIERS  CATHOLIQUES,  RUE  D'AMBOISE,  AU  PETIT-MONTROUGE , 

BARRIÈRE    d'enfer    DE    PARIS. 


«Ottawa. 


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DICTIONNAIRE 

GÉNÉRAL  ET  COMPLET 

DES  PERSÉCUTIONS 

SOUFFERTES   PAR  l'ÉGlISE  CATHOIIQUE 

,  DEPUIS  JÉSUS-CHRIST  JUSQU'A  NOS  JOURS. 

PERSÉCUTIONS   DES  JUIFS,    DES    EMPEREURS    ROMAINS,    DES    EMPEREURS   d'ORIENT,    DES   ARIENS, 

DES    ICONOCLASTES,    DES    VANDALES,    DES    ROIS   DE   PERSE,    d'aRMÉNIE. 

PERSÉCUTIONS  DANS  LES  MISSIONS  MODERNES,  NOTAMMENT  EN  CHINE,  EN  COCUINCHINE, 

AU   JAPON,    EN    ABYSSINIE,    EN    ÉGÏPTE,    EN    AMÉRIQUE; 

PUIS   EN   ANGLETERRE,    EN   ALLEMAGNE,    EN   RUSSIE   ET  EN   FRANCE,   EN   1793,   ETC.,  ETC.         ^ 

Lesitsources  principale»  auxquelles  on  'a  puisé  sont  s 

LES  ACTES  DES  APÔTRES ,    LES   PÈRES   DE   l'ÉGLISE  ,    ET    NOTAMMENT    EUSÈBE ,    SOCRATE  ,    SOZOMÈNE,    LACTANCE  , 

SAINT  JUSTIN,  SAINT  CYPRIEN,  SAINT  JÉRÔME,  SAINT  JEAN  DAMASCÈNE,  SAINT  JEAN  CHRVSOSTOME, 

SAINT  GRÉGOIRE  DE  TOURS,  SAINT  MARUTHAS,  LE  MARTTROLOGE  ROMAIN  ET  AUTRES,  LES  MENÉES  DES  GRECS, 

SULPICE  SÉVÈRE,  ELISÉE  WARTABED,  BOLLANDUS  ET  SES  CONTINUATEURS,  BARONIUS, 

SURIUS  ,  FERRARIUS,  USSÉRIUS  ,  BEDE,  MABILLON ,   TILLEMONT,  FLEURY, 

ROINART,  LES  ASSEMANI,  LES  LETTRES  ÉDIFIANTES,  TOURON,  FONTANA,  HENRION,  ROHRBACHER, 

ET  LA  PLUPART  DES  HISTORIENS  ANGLAIS,  FRANÇAIS  ET  AUTRES. 

ïPiiîa  Hc»  ÎLI2  W  SIBÎLCD^ÎISή^ 

Auteur  de  l'Histoire  générale  des  Persécutions  de  l'Eglise;  des  Passions  dons  leurs  rapports  avec  la  religiont 

la  philosophie,  la  phusioïogie  et  la  médecine  légale; 

De  La  femme  (pbysiologie ,  histoire  ei  morale);  de  l'Oraison  dominicale  (Commentaire  sur);  du  Livre  des  Pauvres 

PUBLIE 

PAR   M.    L'ABBÉ    MIGNE, 

ÉDITEUR  DE  LA  BIBIOTHEQCE  UNIVERSELLE  DU  CLERGÉ, 

00 
DES  COVIUI  GOmriiETS  SUR  CHAQUE  BRANCHE  DE  LA  SCIENCE  ECeLÉSIASTiQOE. 


TOME    PREMIER. 

2   TOL.   PRIX  :   16  FRANCS. 


S'IMPRIME  ET  SE  VEND  CHEZ  L'EDITEUK, 

AUX   ATELIERS    CATHOLIQUES    DU    PETIT  -  MONTROUGE, 

BARRIÈRE   d'enfer   DB    PARIS. 
1851 


3 


Imprimerie  Mionr,  au  Pelil-MonirouKe. 


AVERTISSEMENT. 


Il  est  dans  le  monde  un  livre  pour  lequel 
on  n'a  pas  |)u  trouver  un  nom  assez  giaml, 
assez  splendide  en  dehors  du  nom  généri- 
que, on  l'a  nommé  le  Livre,  la  Bible  (ikCÀia), 
c'est-à-dire  le  livre  par  excellence,  le  seul 
digne  d"étre  ainsi  appelé.  Il  est  la  base  de  la 
foi  des  chrétiens,  le  soleil  auquel  toute  lu- 
mière ici-bas  est  due.  L'histoire,  les  arts, 
les  sciences,  la  civilisixtiou,  la  politique,  la 
morale,  tout  pivote  sur  ce  livce  sublime.  Il 
est  comme  le  contre  du  monde  ;  c'e^t  au 
point  qui>  tout  ce  qui  s'approche  de  ce  foyer 
de  lumière  pros[)ère  et  grandit,  et  que  tout 
ce  qui  s'en  éloigne  dégénère.  On  peut  me- 
surer la  civilisation  comme  la  barbarie  d'un 
peuple,  son  bonheur  comme  sa  misère,  sa 
grandeur  comme  sa  décadence,  au  plus  ou 
moins  de  lumière  qu'il  reçoit  de  ce  centre 
universel,  d'oij  r  lyonnent  sur  la  terre  les 
croyanci'S  qui  civilisent  et  qui  vivilient.  Ce 
livre,  le  plus  ancien  que  nous  [)OSS('dions,est 
plein  d'une  sagesse  plus  h  lute,  plus  i)ure, 
d'une  morale  plus  saine,  d'une  politi(]ue 
P'US  rationnelle,  que  tous  les  écrits  di3S 
philosophes.   Aussi  l'un    d'eix  s'écriait-il  : 

«   La    m  jesté   des    Ecritures  m'étonne 

Voyez  les  livres  des  philosophes  avec  toute 
leur  pompe  :  qu'ils  sont  petits  près  de  celui- 
là  !  »  (.lean-Jacques,  Pensées,\o].  I",  p.29,Lon- 
di  es,  178'j.)  Comme  tout  le  monde  le  sait,  la 
Bible  contient  l'Ancien  et  le  Nouveau  'l'esta- 
ment.  Ces  deux  parties  de  la  parole  divine 
forment  le  trésor  des  croyances  de  l'Eglise. 
Devant  ce  livre  il  faut  incliner  sa  foi  et  ado- 
rer, car  ce  livre,  c'est  la  révélation,  c'est 
Dieu  parlant  aux  homuK^s.  Puis  le  Dieu  qui 
l'a  dicté  l'a  scellé  de  son  sang  divin.  Le 
.  Verbe  incarné,  en  mourant  sur  la  montagne 
sainte  pour  sauver  l'humanit',  attestait  la 
vérité  des  Ec  itures.  Rien  d'aussi  granJ, 
d'aussi  saint  que  la  Bible,  encore  une  fois,  la 
Bible  c'est  D.eu,  car  c'est  sa  |)arole. 

Ce  que  l'Eglise  vénère  le  plus  après  ce  li- 
vre divin,  ce  sont  les  actes  des  martyrs,  qui, 
sur  les  traces  de  leur  Sauveur,  sont  morts 
martyrs,  c'est-à-dire  témoins  à  leur  tour  des 
vérili's  contenues  dans  la  Bible.  Les  actes 
authentiques  des  martyrs,  les  actes  vrais, 
contiennent 4es  réponses  que  ces  généreux 
suidats  de  Jésus-Christ  faisaient  aix  juges 
dans  lcu:i'S  interrogatoires  :  or,  souvent  ces 
réponses  sont  insfjirées.  On  sait  que  Jésus- 
Chi-isl  avait  forinellement  assuré  à  ses  disci- 
ples que  quand  ils  seraient  interrogés  par  les 
persécuteurs,  ce  serait  le  S.unt-Èsi)rit  qui 
parierait  par  leur  bouche.  Le  livre  ues 
actes  des  martyrs,  contenant  toutes  h^urs 
rép.Jiises,  serait  donc,  quant  à  ct's  réponses, 
un  livre  divin,  s'il  était  bien  démontré 
>  DicTioNN.   i>Es  Persécutions^    I. 


qu'elles  nous  fussent  arrivées  exactes,  pures 
de  tout  changement. 

Les  actes  authentiques  n'ont  cependant 
pas  eux-mêmes  l'autorité  nécessaire  |)0ur 
que. nous  devions  leur  accorder  ce  litre,  car 
l'Eglise  permet  qu'on  les  discute;  quelque 
considéi'ables  que  soient  les  caractères  qui 
établissent  leur  authenticité,  ces  caractères 
ne  sont  jamais  de  nature  à  démontrer  que  les 
faits  rapportés  soient  assez  com[)lélement 
à  l'abri  de  toute  contestation  pour  qu'on 
puisse,  à  l'égard  des  réponses  des  mar- 
tyrs, obliger  absolument  la  foi  des  lidèles. 
î»!ais  dans  cet  élat  de  choses,  on  conçoit 
le  respect  et  la  vénération  que  l'Lglise  doit 
avoir  pour  les  actes  de  ses  martyrs.  Il  est 
évident  qu'après  les  saintes.  Ecritures,  ils 
sont  ce  qy'il  y  a  de  plus  vénérable  d.-ns  les 
trésors  que  possède  l'Eglise. 

L'ouvrage  que  nous  donnons  au  public 
n'est  autre  chose  que  l'histoire  par  ordi-e  al- 
phabétique des  persécutions  endurées  par 
l'Eglise  catholique  pour  iyi  défense  des  vérités 
contenues  dans  les  saintes  Ecritures.  Les  ac- 
tes des  martyrs,  quand  ils  existent,  sont  donc 
la  base  de  notre  travail.  A  déftut  de  ces  actes 
c'est  l'histoire  qui  nous  guide.  Aussi,  dès 
le  début  de  cette  préface,  nous  prévenons 
le  lecteur  qu'autant  que  nous  1  avons  pu 
nous  avons  donné  les  actes  des  Oiartyis. 
Partout  où  nous  avons  pu  croire  trouver 
l'authenticité,  nous  avons  donné  textuelle- 
ment. De  (piel  droit  aurions-nous  mis  notre 
style,  nos  récits,  nos  a[)[)réciations,  à  la 
place  de  ces  réponses  inspirées,  à  la  place 
de  ces  monumenis  si  véné.ables?Quel  est  le 
lecteur  qui  puisse  nous  savoir  mauvais  gré 
de  ce  respect  qui  nous  a  servi  de  règle? 
Quel  est  celui  qui  eût  préféré  que  notre 
plume  sacrilège  eût  icommis  un  tel  crime? 
Oui,  parto.it  où  cela  a  été  possible,  nous 
avons  cité  textuellement.  En  présence  d'un 
pareil  devoir  à  accomplir,  nous  n'<ivoi-s  re- 
culé ni  devant  les  redites,  ni  devant  les  lon- 
gueurs. Nous  n'avons  jamais  trouvé  tro|»  éten- 
dus les  actes  authentiques  que  l'Eglise  vé- 
nère et  que  des  martyrs  eux-mêmes  ou  des 
témoins  oculaires  ont  écrits.  Nous  jirotes- 
tons  de  toutes  nos  foi-ces  contre  ce  vanda- 
lisme sacrilège  qui  se  permet  de  décapiter 
les  monuments  historiques  les  pi  s  saints, 
les  plus  vénérables,  conti-e  l'orgue  1  incon;  e- 
vable  d'écrivains  qui  se  mettent  à  la  place 
des  Pères  de  la  foi,  des  martyrs  de  Jésus- 
Christ,  des  narrateurs  qui  ont  recueilli  de 
la  bouche  des  martyrs  ou  de  celle  de  lé- 
moins  oculaires,  les  choses  qu'ils  racontent. 
Le  soin  avec  lequel  les  premiers  chrétiens 
recueillaient  ces  monuments  qui  constatent  la 

1 


il 


.WERTISSEMENT. 


)3 


pieté,  la  foi,  le  courage,  les  combats,  la  mort 
des  martyrs,  le  profond  respect  avec  lequel 
les  Eglises  les  conservaient,  l'acharnement 
que  les  persécuti'urs  mettaient  à  les  dé- 
truire, tout  cela  doit  nous  donner  la  mesure 
de  la  vénération  profonde  avec  laquelle 
nous  devons  les  recevoir  et  les  conserver. 
Nous  avons  donc  estimé  avec  raison  qu'il 
était  convenable  de  donner  dans  notre  dic- 
tionnaire autant  que  possible  les  pièces  au- 
thentiques. C'est  mouis  brillant  peut-être 
pour  l'écrivain  ;  au  fond  c'est  plus  utile 
pour  le  lecteur,  c'est  plus  utile  pour  l'his- 
toire en  elle-même. 

Ce  que  nous  avons  fait  pour  les  actes  des 
martyrs,  n«us  l'avons  fait  souvent  à  propos 
des  récils,  des  ap.iréciations  que  nous  avons 
rencontrés  dans  les  Pères  de  l'Eglise,  dans 
les  h'stori  ns  universellement  reçus  comme 
autorité  dans  ia  matière.  Ce  qui  nous  préoc- 
cupait, c'était  i'inlérél  de  notre  livre  en  lui- 
même,  et  non  pas  le  beso  n  né  d'un  amour- 
propre  outrecuidant  de  faire  nous-mème  des 
apprécia' ions  et  des  récts.  Qu'on  dise  msin- 
tenant  q  le  cela  rom[)t  l'unilé  de  couleur 
d'un  livre  et  lui  donne  ra|>parence  d'aï  tra- 
vail de  marqueterie  fait  d'une  im'inité  de 
pièces  dissemblables,  nous  n'en  disconve- 
nons pas  ;  seulement  nous  prétendons  que 
ce  défaut,  infiniment  moins  sensible  dans 
un  dictionnaire  que  dans  une  histoire  sui- 
vie, cesse  d'èlre  un  défaut  pour  ainsi  dire, 
quand  on  considère  que,  par  ce  moyen  de 
faire,  l'auteur  a  conservé  autant  que  possi- 
ble, et  les  pièces  authentiques,  et  les  appré- 
ciations, et  les  récits  universellement  reçus 
connue  bons.  Il  faut  conserver  l'histoii-e 
écrite  avec  le  plus  grand  respect  :  c'est  le 
moyen  de  ne  pas  la  déconsidérer  dans  les 
sièch  s  futurs. 

Nous  commençons  notre  préface  par  l'ex- 
position de  ces  idées,  (jui  nous  ont  paiu  les 
plus  importantes  de  celles  que  nous  y  de- 
vions traiter.  Parlons  inai-i  enant  du  plan(pje 
nous  avons  suivi.  Nous  avons  fait  un  Dii;- 
tiomiaiie  des  persécutions  de  Tlilglise  d'a- 
près ces  données,  ou  plutôt  d'a[)rès  cette  sy- 
nopse,  histoire  des  persécutés,  dos  poisécu- 
teiirs,  d(;s  lieux  de  persécution,  des  causes 
des  persécutions ,  dus  e.lets  des  pei  sécu- 
ti(»ns. 

Il  ne  faut  demander  h  un  ouvrage  que  ce 
que  son  titre  .•ompurte.  Nous  avons  lait  un 
Dictionnaire  dis  persécutions  du  l'Eglise  ca- 
tholi(/ne.  On  voit  du  premier  coup  les  limi- 
tes dans  hxpiellcs  nous  avons  dû  rester. 
Les  persécutions, si  peu  nombreuses  qu'elles 
soient,  soullerles  pour  les  hérésies,  étaient 
en  dehois  de  notre  cadre  ;  à  plus  forte  rai- 
son, celles  (pi'un  faux  zèle  a  pu  porter 
non  (las  l'Kglise,  mais  certains  d  entre  ses 
enfants,  à  fau'e  endurer  aux  dissidents  quels 
qu'ils  fuss(;nt. 

il  faut  d(;iuander  h  un  ouvrage  tout  ce  (}ue 
son  litre  coui[)Orte.  Nous  croyons  avoir,  h 
peu  de  clios(!  [)rès,  répondu  à  cette  obliga- 
tion. Nous  disons  à  peu  prh,  parce  (juo, 
(juelsquesoient  lesoin  av(!C  lequel  on  vw\\n'- 
ciie,  ia  méthode  que  l'on  suit,  il  est  imiiossi- 


ble  d'arriver  à  être  complet.  Il  n'y  a  pas  un 
ouvrage  du  genre  qui  le  soit.  Les  diction- 
naires historiques  j)rétendus  généraux,  les 
plus  renommés,  les  meilleurs,  ne  contien- 
nent pas  cinquante  mots  sur  cent  de  notre 
Dictionnaire,  qui  triple  le  Martyrologe  ou 
Catalogue  général  des  saints, publié  par  l'or- 
dre des  papes  Grégoire  XIII,  Urbain  VIII, 
Clément  X  et  Benoît  XIV.  Nous  croyons 
avoir  donné  des  détails  qu'on  ne  trouve 
nulle  part  dans  les  ouvrages  spéciaux  ,  en 
particulier  tout  ce  qui  est  relatif  aux  persé- 
cutions d'Arménie  sous  Yesdedjerd,  11'  dii 
nom,  et  aux  saints  martyrs  qu'elles  couron- 
nèrent. On  trouvera  encore  dins  ce  Diction- 
naire des  traductions  fidèlement  faites  par 
nous  des  actes  des  martyrs  recueillis  par 
Etienne  Assemani,  et  que  persoime  n'a  don- 
nées d'une  façon  complète  et  satisfaisante. 
Nous  donnons  de  même  les  actes  des  mar- 
tyrs d'Osde,  sous  Claude  le  Gothique,  p;  ince 
(jue  la  j)lupart  des  auteurs  n'ont  pas  classé 
parmi  les  persécuteurs  de  l'Eglise,  et  qui 
Je  fut  bien  réellement,  ainsi  que  nous  le  dé- 
montrons. 

Nous  avons  cru  devoir,  par  une  réserve 
que  chacun  comprendra,  nous  l'espérons,  ne 
pas  nous  occuper  des  questions  encore  pen- 
dantes et  pour  ainsi  dire  en  litige.  Bien  qu'à 
notre  gré  les  prétendues  libertés  de  l'Eglise 
gallicane  ne  soient  que  les  servitudes  de 
l'Eglise,  et  que  les  diiférentes  conséquences 
qui  en  sont  découlées  comme  faits,  aient 
constitué  de  véritables  persécutions,  nous 
avons  gardé  le  silence  à  cet  égard.  Il  y  a 
encore  dans  notre  clergé  quelques  prélats, 
beaucoup  d'ecclésiastiques ,  qui  sont  do 
bonne  foi  dans  l'opinion  contraire.  L'Eglise 
universelle,  bien  qu'elle  en  gémisse,  a  cru 
devoir,  dans  un  esprit  de  conciliation  sage, 
puisqu'elle  l'a  eu,  tolérer  cette  opinion.  Il 
ne  convenait  pas  que  nous,  laïque,  vinssions 
jeter  nos  a[)pi'éciations  au  milieu  des  doc- 
leurs,  juges  naturels  dans  de  semblables 
coullils.  C'est  déjà  bien  assez  que  nous 
osions  nous  faire  écrivain  narrateur  des 
choses  et  des  faits  qui  ne  sont  pas  en  dis- 
cussion. A  notre  avis,  les  lai(jues  doivent  se 
mêler  le  moins  possible  des  choses  reli- 
gieuses. On  ne  peut  donc  nous  savoir  mau- 
vais gré  do  notre  réserve. 

Maintenant,  qu'on  vienne  nous  dire  que 
nol;-e  travail  est  incomplet  sous  une  infinité 
de  rapi)Oi'ts,  nous  n'eu  serons  point  étoiuié  ; 
nous  n'attendrons  pas  ce  reproche.  Nous 
courons  au-devant,  |)Our  le  recevoir  nous- 
môme  à  litre  de  vérité.  Ou'v  a-t-il  de  com- 
pl(!t  dans  le  genre?  Pas  un  liistoiien,  pas  un 
recueil,  pas  môme  les  Bollandistes;  et  quand 
on  voitcettti  montagne  de  volumes  à  coté  de 
notre  opuscule,  on  demanderait  à  ce  dernier 
d'être  complet?  Mais  il  renferme  non  pas 
dix,  mais  deux  cents  articles  qui,  traités  à 
fond,  exigeraient  plus  de  place  (lu'il  n'en 
prend  tout  enti(!r  lui-même.  Nous  savons, 
qu'on  nous  pardonne  cet  orgutîil,  comment 
il  faudrait  traiter  un  [)aieil  sujet,  s'y  dévouer 
eniièr(nne,!it,  sans  autre  préoccupation,  sans 
autre  bul,i>ajis6uucidercxistence  matérielle; 


13 


AVKIVTISSEMEN'f. 


14 


sans  obstacles  aucuns  autour  de  soi,  se  met- 
Ire  h  la  lAtlie  sans  viser  ^  la  (in  dès  le  coui- 
raencenienl,  et  passer  sa  vie  ii  l'œuvre,  con- 
tent dVlre  allé  jusciu'où  Dieu  l'aurait  per- 
mis. Les  auteurs  sont  trop  pressés,  les 
éditeurs  calculent,  les  lecteurs  attendent.  A 
qui  la  faute  ?  au  siècle  ([ui  nous  distrait  des 
grandes  choses  et  qui  nous  loj-ce  à  ylisser 
avec  une  rapidité  navrante  sur  toutes  les  su- 
perficicîs.  11  n'y  a  pJus  guère  de  Bénédictins. 

On  sait  les  dillerences  essentielles  qui 
fout  qu'un  dictio'uiaire  et  une  histoire  sont 
deux  travaux  absolument  distincts  :  chacun 
a  ses  avantages  et  ses  inconvénients  ;  l'un  ne 
saurait  sui)pléer  à  l'autre.  11  n'entrera  jamais 
dans  la  pensée  de  personne  quun  dictionnaire 
historique  puisse  remplacer  les  histoires 
générales  ou  partkulièi'es  ;  mais  il  entrera 
dans  les  convictions  de  tous,  que  le  diction- 
naire est  indispensable  pour  l'étude  du  fait 
en  parliculier,  pour  la  recherche  des  malé- 
riaux  de  travail,  pour  la  réminiscence  ou  |-our 
la  coinaissanVe  d'un  point  d'histoire.  L'his- 
toire est  plussjiécialemeiitfaite  j)0urceuxqui 
veulent  savoir,  le  dictionnaire  pour  ceux  qui 
savent  déjà.  L'ordre  de  ce  dernier,  oiic!  a(iuo 
f;\it  se  trouve  h  sa  lettre,  [)ermet  de  le  trouver 
sans  hésitation,  et  évite  la  peine  de  feuille- 
ter des  volumes  et  de  dépenser  des  heures 
précieuses. 

Dans  tout  le  cours  de  cet  ouvrage  nous 
avons  constamment  visé  à  ne  pas  émettre 
une  proposition  qui  ne  fût  orthodoxe.  Nous 
répr  uvons  d'avance  tout  ce  qu  on  pourrait 
attribuer  comme  sens  à  nos  paroles,  qui  ^é 
le  fût  pas.  Nous  avons  en  général  ehoiNÎ  des 
guides  snrs,  autant  que  poss.ible,  j^uisant  aux 
sources  elles-mêmes. 

Comme  nous  le  disons  plus  haut,  nous 
donnons  beaucoup  de  biographies  de  martyis 
ou  (le  confesseurs  dont  les  noms  ne  sont  p.  s 
au  catalogue  des  iramts;  souvent  nous  I  ur 
attribuons  ce  titre.  Avons-nous  besoin  de 
dire  au  lecteur  que  nous  n'avons  pas  plus 
l'intention  que  nous  n'avons  laulorlé  de 
mettre  au  nombre  des  saints  ceux  qui  n'ont 
pas  formellement  été  reconnus  coir.me  tels 
par  l'Eglise?  Evidemment  non;  cet.e  quali- 
licat  on,  sous  notre  plume,  exprime  simp:e- 
mmt  (|ue  les  personnages  desquels  nous 
parlons  sont  dignes  de  la  vénération  pi. bi- 
que, à  cause  de  leurs  mérites,  de  leurs  souf- 
frances; mais  elle  ne  va  ;  oint  jusciu'à  con- 
trevenir par  le  fait  au  décret  d'Urban  "S'IIl 
sur  cette  matière.  Nous  savons  paitaitemei.t 
que,  qu.  Isque  soient  les  tit.es  d'un  peison- 
nage  qu.lconqiie,  il  ne  peut  être  regodé 
authi  nti  jiiCment  comme  sa  nt  <  t  reçu  comme 
tel  [)ar  l'Eg  ise,  quai/tiait  c|u'il  a  éléprojfosé 
à  la  vénération  |  ubbque  par  l'aulorité  du 
sauit-sié^e,  ou  par  celle  des  églises  [)articu- 
lières,  avant  que  ce  dro.t  eût  été  réservé 
formellemenl.  ux  successeurs  de  saint  Pierre. 
Nous  fais'.jns  aussi  h  môme  remarqua'  rela- 
tivement aux  miracles  qui  n'o.  t  pas  éié  exa- 
minés ni  approuvés  juri(iiqueme  U.  Histo- 
rien, nous  racontons  les  faits;  quant  à  les 
marquer  du  sceau  infaillible  de  1  authenti- 
cité, ce  droit  est  réservé  aux  juges  institués 


pour  cola.  Nous  devons  dire  ici  que  nous 
avons  quelquefois  été  très-réservé  dans  la 
narration  de  certains  f.iils  léputés  niiiacu- 
leux.  Il  y  a  des  [)ersonnes  qui,  \>nr  un  sen- 
timent de  piété  fort  ïual  eut.  ndue,  acceptent 
comme  constants  tous  les  récils  qui  rap- 
I)oitent  un  [)rétendu  miracle.  Il  leur  sem- 
blerait en  quelque  .sorti;  commettre  une  im- 
[tiélé  si  elles  le  contestaient;  c'est  ui  e  fiii- 
blcsse  dans  laquelle  un  h  stoi  len  ne  doii  [las 
tomber.  Il  est  dis  auteurs  originaux  qu'il  ne 
faut  fias  suivre  avec  une  conliance  aveugle  : 
de  la  meilleure  foi  du  monde,  ils  ont  [)U  se 
tromper.  Il  ne  suffit  [las  qu'ils  uiseni  avoir 
vu,  (juils  aient  réellement  vu,  pourqu>j  les 
f  iits  racontés  soieni  vrais.  Qui  leur  a  donné 
l'infaillibilité  ?  Sera  t-ce  l'antiquité  du  récit? 
Malgré  tout  le  respect  que  nous  dev(;ns  aux 
anciens,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher 
de  dire  ceci  :  Ce  qui  n'est  pas  vrai  uans  un 
temps,  n'est  piis  plus  vrai  iroiscents  ans,  mille 
ans  plus  taïu.  Les  observateurs  le^  mieux 
intentionnés  peuvent  très-bien  manciuer  de 
discernement;  le  [tréjugé  peut  très-bien  les 
avoir  égalés.  Nous  avons  eu  occasion  de 
voir  Ueinièremcnt  un  homme  mstiuil,  un 
de  nos  «mis,  qui  ne  concevait  ]îas  que  liOus 
pu.'sions  Uiscuter  une  légende.  —  Ce  qu'on 
a  cru  si  lon.^temps,  disait-il,  devait  être  vrai. 
Discuter  une  <eu\e  de  ces  pièce>,  c'est  se 
donner  le  droit  de  les  disent'  r  toutes;  c'est 
arriver  h  ne  plus  lien  admettre;  c'est  f  ire 
du  voltairianisme.  On  sent  que  de  |  areiUes 
objections  ne  sont  pas  discutables.  Oui,  nous 
avons  souvent  omis  les  récits  de  certains 
tiiiracles  qui  nous  ont  paru  eniachés  der- 
renr.  Souvent  nous  avons  critiqué  certains 
faits  généralement  admis.  Faliait-il,  par 
exemple,  que  nous  acceptassions  eomUift 
miracle  le  fait  suivant  ?  Un  sant  envoie  son 
discip'e  puiser  de  l'eau  à  une  fonta.ne;  le 
disciple  revient  épouvanté,  disant  qu'il  a  vu 
une  vipère  dans  la  fontaine  :  le  saint  retourne 
avec  le  discip.e,  fait  le  signe  de  la  cioix  sur 
l'eau,  en  puise,  la  boit  ci  n'en  meuft  [las. 
D'abord  les  vipères  i  e  vont  pas  dans  le.^  fon- 
tiiines,  à  moins  qu'i  1  es  n'y  tombent.  Leur 
vcn  n  ne  se  mélange  pas  à  l'eau;  y  lût-.l  mé- 
langé, (ju'on  [ounait  le  boie  impui;ément. 
Le  veiiin  do  la  vipère  n"a  pas  d';,clion  sur  le 
tubed'gest  f  dans  l'état  noi  mal.  laut-il  noire 
au  récit  suivant  ?  D>  ux  saints  missionnaires 
sont  pris  en  Amériqu  -.  On  leur  r-uvre  le 
ve.  tre,  on  lei  r  ariaihe  Je  caur,  on  les  en 
frai;|)e  au  visage  et  ils  [)arient  ensuite.  Nous 
non-,  bornons  a  cette  question.  Souvent  nous 
avons  été  à  même  de  voir  avec  quelle  légè- 
leté  des  persoiiLes  très- pieuse.^  acmettan  nt 
des  iaits  conuiie  miraculeux.  Nous  avons 
souveiàr  d'avoir  vu,  dans  une  grande  ville 
de  rOuesî,  un  couvent  (;L1  on  jirétcndait 
qu'un  giand  miracle  avait  eu  lieu.  ISous  fû- 
mes très-mal  venu  en  voulant  tonte.'îter  ce 
miiacle.  Les  bonnes  religieuses  ne  souf- 
fraient pas  de  discussion  à  l'endioit  de  leur 
miracle.  Voici  le  fait  :  Un  médecin  déclara 
incurable  une  jeune  tille  appartenant  à  l'une 
des  nombreuses  maisons  religieuses  confiées 
à  ses  soins.  Après  cet  arrêi  de  la  science. 


15 


AVERTISSEMENT. 


16 


les  relisieuses  tirent  une  neuvaine,  et  la 
jeune  fille  guérit.  Aussitôt  on  publia  que  le 
ciel  venait  Refaire  un  miracle;  le  tout  re- 
posait sur  l'infaillibilité  du  docteur.  Quant  h 
nous,  eussions-nous  eu  pour  y  croire  toutes 
]cG  raisons  que  nous  n'avions  certes  pas, 
nous  n'eussions  pas  osé  pousser  notre  con- 
fiance en  sa  parole  jusqu'à  en  faire  la  preuve 
d'iui  miracle,  sa  base  j)0ur  ainsi  dirf.  Il  n'y 
avait  rien  de  miraculeux  h  ce  (^u'une  malade 
j^nérit,  quoique  conJamnée  par  lui;  au  con- 
traire. Encore  un  fait  ijui  '"evient  à  notre 
mémoire.  Dans  les  Vies  des  sain' s  de  la  Thé- 
baide,  nous  voyons  que  le  diable,  pour  faire 
})erdre  son  sérieux  à  un  saint  qui  s'était  im- 
posé Tobligation  de  ne  pas  rire,  faisait  dan- 
ser en  l'air  une  plume  attachée  au  bout  d'un 
bûton  avec  une  ficelle.  Peut-on  sérieusement 
admettre  de  pareils  faits?  Nous  ne  donnons 
pas  les  noms  des  personnages,  parce  qu'avec 
les  r.oms,  ces  faits  deviendraient  bien  plus 
facilement  une  arm-  entre  les  mains  de  ceux 
qui  voudraient  en  faire  une  moquer.e  :  nous 
n'y  voulons  pas  prêter.  Bon  nombre  d'écri- 
vains rejomma  idables  pi^uvent  quelquefois 
embarrasst^r  beaucoup  ceux,  qui  les  consul- 
tent. Pleins  de  bonne  foi  eux-mômes,  iis  n'ont 
pas  f)sé  se  défier  de  la  bonne  foi  dos  autres, 
et  ils  ont  adopté  des  récils  qu'une  confiance 
muins  grande  leur  eût  fait  rejeter.  Us  sont 
ainsi  devenus  eux-mêmes,  pour  ainsi  dire, 
une  seconde  autorité.  Du  reste,  nous  ne 
croyons  pas  que  cette  dernière  réfiexion 
puisse  concerner  autre  chose  que  des  faits 
de  peu  d'importance. 

De  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  est 
juste  de  conclure  qu'il  faut  de  la  critique  et 
du  discernement  pour  distinguer  le  vrai  du 
faux.  Cependant,  il  est  équitable  de  convenir 
qu'à  l'époque  où  nous  sommes,  les  secours 
ne  font  [)as  défaut  à  qui  veut  écrire  un  ou- 
vrage du  genre  du  notre.  De  nombreux  au- 
teurs, tous  fort  recommandables,  ont  publié 
des  travaux  qui  permettent  de  marcher  d'un 
pas  assez  sur  dans  le  dédale  de  l'histoire  ec- 
clés  asti(iue.  A  la  tête  de  tous,  d  f  .ut  mettre 
les  Bollandistes  ,  auteurs  des  Acta  Sancto- 
rnm,  Baronius,  Le  Nain  do  Tdlemonl,  Uui- 
nart,  les  deux  Assemani,  et  une  foule  d'au- 
tres non  moins  recommand  d)les.  (^e  sont  ces 
auteui'S  fjue  nous  avons  suivis.  Nous  man- 
querions à  la  reconn  dssance  si  nous  ne  les 
citions  pas,  ainsi  que  Fleury,  Uohrbacher, 
dont  l(;s  i.isloirus  nous  ont  aussi  beau:;oup 
servi.  Nous  nous  sommes  aidé  bien  souvent 
de  l'ouvrage  d'Alban  Butler,  traduit  par  Go- 
des;art.  .Malgré  toutes  ses  imjterl'ect dus,  ce 
livre  est  un  lecueil  [précieux,  qu'on  a  beau- 
coup lro|)  pris  l'habitude  de  décrier. 

Nous  lermineioûs  cet  avertissement  en  ré- 


pétant que  nous  n'avons  pu  faire  dans  ce  li- 
vre qu'un  abrégé,  et  que  ce  serait  vraiment 
une  prétention  injuste  d"y  vouloir  trouver 
autre  chose  que  les  qualités  d'un  abrogé. 
Les  matières  que  nous  avons  traitées  sont 
très-abrégées  dans  Fleury,  qui  .1  6  volumes 
de  notre  format.  Tillemom,  qui  a  IG  volu- 
mes in-i",  n'est  allé  que  jus  ju'au  W  siècle. 
Rohibacher  lui-même,  avec  ses  28  volumes 
in-8%  compactes,  n'a  fait  qu'un  abrégé,  si  on 
considère  les  faits  en  particulier.  Les  Bol- 
landistes seuls  ont  disent  •  s.ienliliquement  ; 
aussi  leur  œuvre  n'est-elle  pas  achevée,  mal- 
gré les  montagnes  de  do  umeiits  qu'ils  ont 
entassés.  11  y  a  cependant  une  fiartie  que 
nous  avons,  autant  que  [)Oss  ble,  wonnée  m 
extenso  :  c'est  ce  qui  a  trait  aux  faits  ['arfai- 
tement  authentiques.  Là  les  citations  ne 
font  pas  faute  dans  notj^e  livre.  Nous  l'avons 
déjà  dit  :  le  res/iect  des  documents  authen- 
tiques doit  être  la  principale  préoccupa- 
tion de  l'historien  qui  traite  de  ces  matièi  es. 
A  propos  d'un  autre  ouvrage  du  même  genre 
que  nous  publions  [Histoire  générale  des 
persécutions  de  l'Eglise  ;  Périsse  frères  ),  plu- 
sieurs prélats  nous  ont  félicité  d'avoir  donné 
sans  les  altérer  ces  trésors  de  l'histoire  ec- 
clésiastique. L'évoque  d'Angers ,  notam- 
ment, nous  écrivait  ces  mots  :  «  Vos  lecteurs 
vous  sauront  gré.  Monsieur,  de  leur  avoir 
fait  connaître  les  pièces  les  plus  précieuses 
de  ce  grand  procès  entre  le  christianisme  et 
l'idolâtrie.  L'insertion  de  ces  pièces  dans  le 
corps  de  votre  ouvrage  fait  honneur  à  votre 
discernement.  »  M.  Uohrbacher,  qui  nous  a 
donné  une  si  excellente  Histoire  de  l'Eglise, 
a  pensé  aussi  que  l'inseriion  des  pièces  au- 
thentiques était  bien  importante.  Nous  ne 
craignons  pas  d'être  déuienti  en  disant  que 
dans  son  ouvrage  les  citations  font  près  des 
tro.s  quarts  du  texte.  Qaelques-uns  pour- 
raient prendre  cette  phra>e  [)Our  une  criti- 
que, ellesignitie  le  contraire.  Hiumnage  à 
1  écrivain  qui  sait  construire  avec  de  tels 
matériaux!  Pour  nous,  cette  histoire  est  In- 
comparablement la  meilleure,  [)arce  qu'elle 
est  la  plus  nourrie  de  faits;  parce  (|ue  c'est 
moins  l'historien  (jul  |)arlc  que  lligllse  de 
Dieu,  qu'il  a  constammeiit  mise  en  scène  en 
faisant  parler  ses  docteurs  et  ses  saints,  ils 
avaient  ta. Hé  les  pierres  de  l'édifice,  il  les  a 
réunies  avec  une  certitude  de  coup  d'œil  et 
une  puissance  d  érudition,  dt^S(iueiles  on  ne 
sauiaii.  trop  faire  l'éloge.  L'homme  (jul  tra- 
vaille poui  la  vérité  lait  ainsi.  Nous  avons 
tàcué  d'agir  de  même  en  ellac^aiit  le  plus 
souvent  possible  notre  récit,  nos  apj)récia- 
tioiis  ;  nous  serions  trop  heureux  si  nous 
avions  quelque  peu  réussi. 


AVIS. 


Pour  ne  pas  embnrrasser  le  leclenr,  nous  n'avons  pas  mis  d'abréviations  dans  ce  Dictionnaire.  Rien,  par 
consL'qucnt,  à  iniliqiier  à  col  cndroil.  Quant  au  rlassenient  des  faits,  voici  Tordro  que  nous  avons  suivi  ;  il 
a  ses  inconvénients  (jui  nous  ont  semblé  moindres  que  ses  avantages.  Aulantque  possible,  nous  avons  placé 
les  saints  du  même  nom  par  ordre  chronologique,  sans  nous  préoccuper  de  ce  qui  aurait  pu  nous  louruir 
1  élément  d'un  autre  ordre  de  classement,  des  prénoms,  par  exemple,  quand  il  en  existe;  ce  qui,  du  reste, 
n'a  pas  lieu  pour  les  saints  de  la  primitive  Eglise.  Les  saints  à  date  ignorée  ou  très-incertaine,  nous  le» 
avons  rejeiés  en  niasse  après  leurs  homonymes  à  dates  certaines.  Nous  plaçons  les  persécutés  avant  les  per- 
sécuteurs du  même  nom  qu'eux. 

Dans  les  .Martyrologes  et  dans  beaucoup  d'historiens,  nombre  de  martyrs  sont  indiqués  comme  ayant 
souffert  sous  tel  ou  tel  empereur,  sous  tel  ou  tel  souverain,  sans  fixation  exacte  d'anii:  e.  Une  telle  indica- 
tion est  une  date;  mais,  sans  faire  injure  à  la  plupart  de  nos  lecteurs,  nous  croyons  ([u'idie  est  iiisulïisaiilc 
pour  eux.  Généraiemoni  on  sait  peu,  ou  du  moins  on  ne  se  souvient  guère,  que  Tr.;jaii,  par  exemple, 
monta  sur  le  trône  en  98,  Adrien  en  117,  Marc-Aurèle  en  161,  Valérien  en  253,  etc.  Or,  quand  il  sera 
dit  d'un  saint  ceci  :  «  Son  martyre  eut  lieu  sous  Alexandre-Sévère,  »  cela  fera-t-il  que  le  lecteur  se  reporte  à 
la  date  222?  Nous  ne  le  croyons  pas.  Donc,  pour  éviter  que  le  lecteur  gourmande  inutilement  des  souvenirs 
récalciiranls,  ou  qu'il  soit  forcé  de  recourir  sans  cesse  à  un  dictionnaire  des  dates,  nous  croyons  conve- 
nable de  donner  ici  la  nomenclature  des  empereurs  jusqu'à  ceux  sous  lesquels  l'Eglise  a  cessé  d'être  par- 
sécuiée. 


NOMENCLATURE  DES  EMPEREURS   ROMAINS. 


N°^  d'ordre. 

1er 
2 

3 

4 


6 
7 
8 
9 
10 
il 
12 
13 
U 
15 
16 
17 
18 
19 
20 
21 
22 
23 
U 
25 
26 
27 
28 
29 
30 
31 
32 
33 
34 
35 
36 
37 
38 

39 
40 


Nom  s  des  empereurs. 

Dates  d'avénemeot 

.\ngnste     . 

avant J.-C.  27 

Til  ère  .     . 

aprèsJ.-C.  14 

Caligula  .    . 

37 

Claudel"  . 

41 

Néron    .     . 

54 

Galba     .     . 

65 

Olhon    .     . 

69 

■Vilellius.     . 

69 

Vespasien  . 

69 

Titus.     .     . 

79 

Domitien.   . 

81 

Nerva.    .     . 

96 

Trajan    .     . 

98 

Adrien   .     . 

417 

Anloîiin .     . 

138 

Marc- Au  IV  le 

161 

Commode    . 

180 

Pertiiiax.    . 

193 

Sévère   .     . 

195 

Caracalla    . 

211 

Maeriii   .     . 

217 

Iléliogaîiale. 

218 

Alexandre-Sévère.     . 

222 

Maxiinin.     . 

235 

Pubien  .     . 

238 

Gortlien .     . 

239 

Philippe.     . 

245 

Décius.  .     . 

249 

Gailus    .     . 

251 

Emilien  .     , 

252 

Valérien.     . 

253 

Gallien  .     . 

261 

Claude  IL   . 

269 

Aurélien.    . 

270 

Tacite    .     . 

276 

Probus  .     . 

"      276 

Carus.    .     . 

282 

Dioelélien   et 

Maxi- 

mien  .     . 

•     . 

284 

Constance-Chlore.     . 

304 

Constantin  . 

• 

306 

NOMENCLATURE  DES  SOUVERAINS  DE  CONS- 
TANTINOPLE. 

N*>9  d'ordre.     Noms  dos  empereurs.    Dates  d*avén(>meat 


1"^  Constantin  le  Grand 

2  Constance.       .     . 

5  Julien   l'Apostat   . 

4  Jovien    .... 

5  Valentinien.     .    . 

6  Gralien  .... 

7  Théodose  le  Grand 

8  Arcadius .... 

9  Théodosell.  .  . 
10  Marcien.  .  .  . 
H  Léon  I".     .     .     . 

12  Léon  11  ...     , 

13  Zenon 

14  Anastase     .     .     . 

15  Justin  l»""    .     .     . 

16  Jjslinienl*''.    .     . 

17  Jubtin  IL     .     .     . 

18  Tiiière  Constantin 

19  Maurice.     .     .     . 

20  Phocas  .... 

21  Héraclius.    .     .     . 

22  Consiantin  111  .     , 

23  lléracléonas.    .     . 

24  Constance  II    .     . 

25  Constantin  IV  .     . 

26  Jusiinien  IL     .     . 

27  Léonce  .... 

28  Absimare    .     .     . 

29  PhilippiqueBardanez 

30  Anastase  II .     .     . 

31  Théodose  III   .     . 

32  Léon  111,  d'Isaurie. 

33  Constantin  V  .     . 

34  Léon  IV  . 

33  Constantin  VI .     . 

36  Irène 

37  NiC'  phore  1"  .     . 

38  Michel  I"    .     .     . 

39  Léon  V  .     .     .     . 

40  Michel  IL    .     .     . 

41  Théophile   .     .     . 

42  Michelin    .     .     . 


330 
335 
361 
563 
364 
575 
379 
595 
408 
4b0 
457 
474 
474 
491 
518 
527 
665 
576 
683 
602 
611 
641 
641 
642 
669 
686 
696 
699 
7l2 
715 
717 
717 
741 
775 
780 
797 
802 
815 
815 
820 
ZZd 
B42 


DICTIONNAIRE 


DES  PERSÉCUTIONS 


DE  l'EGIISE  (CATDOIIPE. 


AARON  (saint),  martyr,  était  Breton  de 
naissance.  Il  vint  d'abord  à  Rome,  où  jl 
s'appliqua  beaucoup  à  1  étude'  de  l'Ecriture 
sainte,  il  passa  ensuite  en  Angleterre,  où  il 
reçut  la  couronne  du  martyre  sous  Dioclé- 
ti en,  vers  l'an  287,  à  Caerléon  sur  l'Usk,  dans 
le  comté  de  Montmouth,  avec  saint  Jules. 
L"Eglise  fait  la  fête  de  saint  Aaron  et  de  saint 
Jules  le  1*"  juillet.  (Voy.  Alford,  ad  annum 
287.) 

ABACHUM  fsaint),  fils  de  s^int  Maris  et  de 
sainte  Mar.he,  frère  de  saint  Audifat,  viit  à 
Rome  avec  eux  pour  visiter  les  tombeaux 
des  apôtres.  Arrêté  avec  eux  comme  chré- 
tien, il  soulfrit,  sous  Claude  II  le  Gothique, 
la  bastonnade,  le  chevalet,  le  feu,  les  ongles 
de  fer,  eut  les  mains  coupées  et  ensuite  fut 
décapité.  Son  corjts  fut  Itrûlé. L'Eglise  honore 
sa  mémoire  le  19  janvier. 

ABDAICLA  (saint),  m:irtyr  en  Perse  sous 
le  règne  de  Sapor,  a  des  actes  qui  lui  sont 
corauiuns  avec  saint  Siméon ,  évoque  de 
Ctésiphon  et  de  Séleucie.  Nous  y  renvoyons 
le  lecteur.  (Fête  le  17  avril.) 

ABDAS  (saint),  martyr,  évoque  de  Cascar, 
en  Clialdée,  vivait  sous  le  roi  Sapor.  Ce  fut 
dans  la  GG*  année  du  règne  de  ce  prince  (par 
consé(pient  en  37G  ou  377)  qu'il  remporta 
la  couroime  du  martyre  avec  vingt-huit  au- 
tres chrétiens,  dans  la  vilie  de  Lédan,  au 
pays  des  l!iizil(;s.  Il  soulfrit  un  vendredi, 
vers  le  15  mai.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  IG. 

AB.jON  (sailli),  martyr,  était  Persan  d'ori- 
gine; il  vint  avec  saint  SeniuMi  à  Rome  :  il  y 
iiit  arrêté  avec  lui  comme  chréticm,  souffrit 
de  très-orands  loiirnuMits  poiir  la  fti,  et  1er- 
niiiia  enliii  s(;s  jours  [lar  l'épée,  sous  l'em- 
pire <t  en  |)résf'nce  di;  l'empereur  Dèce,  en 
l'ann/^Mi  2.i0.  Les  actes  (h;  c(!S  deux  saints 
sont  sans  auloriié.  L(;s  chi-éliens  de  Rome 
reçurent  es  d(;ux  sjiinis,  non  noint  comme 
des  étrangers,  mais  comme;  des  frères  (pie  la 
môme  espérance,  la  même  foi  leur  unissaient 


d'esprit  et  de  cœur,  parenté  chrétienne  plus 
puissante  et  plus  forte  que  les  liens  de  na- 
tionalité, et  môrhe  que  les  liens  de  famille. 
Les  deux  sajnts,  après  leur  mort,  fuient  dé- 
posés dans  la  maison  d'un  sous-diacre  nommé 
Quirin.  Sous  le  règne  de  l'einpereur  Cons- 
tantin on  déposa  leurs  corps  dans  le  cime- 
tière de  Pontien.  On  dit  que  le  pape  Gré- 
goirelV  transporta  leurs  corps  dans  l'église  de 
Sainl-Marc,  dans  l'intérieur  de  la  ville.  D'au- 
tres disent  que  le  pape  Damase  les  avait 
doipés,  en  l'année  370  ou  à  peu  près,  h  saint 
Zén.Qbo  de  Florence.  D'autres,  enfin,  ont  pré- 
tentlù  qu'ils  furent  transportés  à  Saint-Mé- 
dard  de  Soissons,  et  qu'ils  y  sont  demeurés 
jusqu'aux  guerres  des  huguenots,  qui  les 
brûlèrent.  L'Eglise  fait  la  fête  de  ces  deux 
saints  h'  30  novembre. 

ABIBE  (saint),  diacre  et  martyr,  versa  son 
sang  pour  la  foi  à  Fdesse,  en  Syi-ie,  du  lemps 
de  i'ejnpereur  Licinius.  Le  juge  le  fit  déchi- 
rer avec  des  ongles  (Je  fer,  puis  ensuite  le  lit 
jeter  dans  le  feu.  L'Eglise  honoi'e  sa  mémoire 
le  15  novembre.  (Extrait  du  Martyrologe 
romain.  Pas  d'actes  sérieux.) 

ABJÉSUS  (sauit),  martyr,  évêque  de  Cas- 
car, donna  son  sang  pour  la  foi  en  l*eise, 
sous  le  roi  IsJegerde,  ou  mieux  Yesded- 
jerd.  Le  Martyrologe  romain  le  met  dans 
le  iv'  sièchs  sans  date  précise.  11  est  pour- 
tant facile  de  l'établii-  h  fort  i)eu  de  chose 
près.  Le  roi  Yesdedjerd  monta  sur  le  trùne 
en  39i),  et  mourut  en  'i20.  Or  il  ne  régna 
pas  tout  h  l'ait  deux  ans  durant  le  iv  siècle. 
Saint  Abjésus  dut  donc  ê  re  martyrisé  à  la 
lin  de  39!)  ou  au  couis  de  l'an  khO.  Il  eut 
poui'  compagnons  (h*  son  martyre  sei/.e-  pi'ê- 
tres,  neuf  (liacres,  six  moines  et  sept  vier- 
ges. Sa  fête  a  ;\ussi  lieu  h»  16  mai. 

ABONDANCE  (saint),  mait,>r,  UKuirut  à 
Ronu!  pour  la  loi  (  ln('lie!Uie,  avec  les  saints 
L(''oii.  Donal,  lNicéplior(^  et  ncid'antres.  L'E- 
glise honore  leur  mémoire  le  l"  mars. 


SI 


ABO 


ABO 


î« 


ABONDANCE  (saint),  diacre  et  martyr, 
inonrut  pour  la  foi  avec  saint  Abonde,  prôlre, 
sous  Diocléliun.  Sa  l'ôte  a  lieu  le  IG  septem- 
bre. 

ABONDE  (saint),  martyr  comme  le  précô- 
dent,  fut  martyrisé  h  Borne  pour  la  défense 
do  1,1  leligio'l  de  J(^siis-('.liri  t.  11  eut  pour 
compagnons  de  son  martyre  les  saints  Alexan- 
dre, AiitigOïK?  et  Fortunat,  (pii  sont  honorés 
avec  lui  |)nrrKylise,  lo27  février. 

ABONDIi  (sai'it),  évtVpje  et  confesseur, 
soulfrit  divers  loiirinenls  pour  la  foi  chré- 
tienne, «^  Conio.  On  ne  sait  ni  la  date  ni  les 
détails  de  sa  confession.  Sa  fête  arrive  le  2 
avril. 

ABONDE  (saint),  prêtre  et  martyr,  souffrit 
la  mort  pour  Jésns-Cluist ,  sou^  je  réj^ne  et 
durant  la  iierséculion  de  Dioclélien,  avec 
saint  Abondance,  diacre,  saiui  Marcien,  per- 
son"ia;e  dlustre  de  Kume,  el  son  tils  Jean, 
que  les  deuv  saints  avaio-it  rt'ssiisciié.  Ils 
furent  tous  exéiuilés  sur  la  voi^^  Flauii- 
niei>ne.  L'Kglise  honore  leur  mémoire  le  16 
septembre. 

ABONDE  (saint),  d'acre  et  martyr,  sous  le 
règne  et  durant  la  persécution  deDioclétien, 
eut  pour  compagnon  de  ses  souffrances  saint 
Carpnphore,  prêtre.  D'abord  on  les  nnurtrit 
de  coups  de  bûton  ;  on  les  mit  ensuite  en 
prison,  où  on  les  tint  longtemps  sans  leur 
donner  ni  à  boire  ni  à  manger.  Après  cette 
longue  torture,  on  les  mit  sur  le  chevalet, 
où  ils  furent  cruellement  tourmentés.  Enfin 
ils  eurent  la  tète  tranchée.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  10  décembre. 

ABONDE  (saint)  fut  martyrisé  à  Rome 
sousTempire  de  Valérien,  avec  saint  Irénée. 
Ils  avaient  relire  le  corps  de  sainte  Concorde 
d'un  cloaque  où  O'i  l'avait  jeté.  Ils  y  furent 
eux-mêmes  jetés  et  noyés.  Le  prêtre  Justin 
les  en  ayant  retirés,  ils  furent  enterrés  dans 
une  crypte  [irès  du  corps  de  saint  Laurent. 
L'Eglise  vénère  leur  mémoire  le  26  août. 

ABONDE  ou  ABONDANCE  (saint),  est  cité 
dans  le  bréviaire  de  Tolède,  avec  saint  Just, 
comme  ayant  été  martyrisé  pour  la  foi  chré- 
tienne, sous  l'empereur  Numérien  et  sous  le 
juge  Olybre.  On  ne  sait  pas  dans  quel  pays  il 
a  souffert.  Le  Martyrologe  romain  dit  qu'ils 
furent  condamnés  au  feu,  mais  que  n'en  ayant 
souti'ert  aucune  atteinte,  ils  périrent  par  le 
glaive.  La  fête  de  ces  deux  saints  est  célé- 
brée par  l'Eglise  le  H  décembre. 

ABONDE  (saint),  prêtre  et  martyr,  versa 
son  sang  à  Cordoue,  pour  avoir  parlé  avec 
trop  de  liberté  contre  la  secte  de  Mahomet, 
dans  le  temps  où  les  Maures  étaient  maîtres 
de  l'Espagne.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le 
Il  juillet. 

ABOR.VIIO,  franciscain  et  Itahen  de  nation, 
fut  pris,  en  1746,  le  dimanche  de  Pâques, 
dans  le  Chan-si.  Il  fut  traîné  de  prison  en 
prison,  pendant  onze  mois,  et  conduit  enfin 
à  Macao,  où  on  le  remit  aux  mains  du  pro- 
cureur de  la  ville,  avec  charge  de  répondre 
de  lui.  Lessoldnts  lui  donnèrent  des  soufflets, 
pillèrent  ce  qu'il  ava^t  de  meubles  et  se'por- 
tèrent  envers  son  domestique  à  de  si  rudes 
traitements,  qu'il  en  mourut  quelques  jours 


après.  Les  tribunaux  se  saisirent  de  l'alfairto 
et  le  nri.sonnier  fut  forcé  de  comparaître. 
Alors  le  (uandarin,  se  voyant  obligé  de  l'en- 
voyer, le  suivit  [)Onr  lui  flemander  avant  l'au- 
dience de  vouloir  bien  ne  rien  din,'  des  mau- 
vais traitements  ([u'il  lui  avait  fait  subir  et 
des  vols  commis;»  son  préjudice,  lui  promet- 
tant qu'il  ferait  son  po.ssible  pour  obtenir  sa 
liberté.  Le  P.  Abormio  ne  comptait  guère  sur 
ses  promess(!s;  mais  ne;  jugeant  pas  utile  hia 
religion  de  tirer  vengeance  de  ce  qu'il  avait 
soulf^.'rt,  il  [)romit  ceqmj  le  mandarin  lui  de- 
mandait. C{îlui-ci,  bien  loin  de  vouloir  tenir 
parole,  forma  l'alfrcux  projet  de  se  garantir 
tout  à  fait  des  accusations  (ju'il  redoutait,  en 
faisant  secrèlement  mourir-  le  religieux  dans 
sa  prison.  Un  seigneur  condannié  h  une  pri- 
son perpétin^lîe,  (!t  (pii  s'était  trouvé  renfermé 
avec  le  missionnaii-e,  It^quel  l'avait  iiulié  à 
la  connaissance  de  la  foi,  fit  avorter  le  pro- 
jet du  mandarin.  Instruit  des  ordres  que 
celui-ci  avait  donnés,  il  lui  lit  dire  que  si  le 
P.  Abormio  mourait  en  prison,  il  en  écrirait 
à  un  de  ses  parents  qui  était  puissant  |)rès 
dfc  l'empereur.  Le  mandarin  crut  qu'il  évite- 
rait de  voir  connu  d.i  tribunal  ce  qu'il  avait 
tenté,  en  resserrant  tellement  ses  prison- 
niers qu'ils  ne  pussent  avoir  aucune  commu- 
nication ni  entre  eux,  ni  avec  personne  du 
dehors.  Il  fil  construire  un  nouveau  mur  de- 
vant la  prison,  et  fit  attacher  les  détenus  avec 
des  chaînes  chacun  aux  deux  murailles  op- 
posées d'un  cachot  fort  étroit,  de  sorte  qu'ils 
ne  pouvaient  ni  se  tenir  debout,  ni  s'asseoir, 
ni  même  se  remuer.  L'unique  adoucisse- 
ment qu'on  leur  accordât  fut  de  les  détacher 
quelques  heures  chague  jour.  Ce  supplice 
dura  un  mois  et  demi.  Des  chrétiens  ayant 
sauté  par  dessus  les  murs,  jetèrent  par  une 
petite  fenêtre  du  pain  aux  missionnaires. 
Ayant  été  pris,  ils  furent  rudement  châtiés 
par  ordre  du  mandarin.  Enfin,  les  mandarins 
supérieurs  le  renvoyèrent  à  Macao  sous  la 
garde  de  deux  soldats.  En  chemin,  le  P.  Abor- 
mio prêchait  tous  les  jours.  Plusieurs  man- 
darins voulurent  l'entendre  et  l'invitèrent 
même  à  leur  table.  Un  seul  le  maltraita  dans 
sa  route  ;  ce  fut  celui  (ÏHyang-Chan.  Cet 
homme,  qui  avait  signalé  sa  haine  contre  la 
religion  par  ses  traitements  barbares  envers 
le  P.  Beutli,  lit  donner  32  soufflets  au  P.  Abor- 
mio et  le  fit  mettre  deux  fois  à  la  torture. 
Voici  une  partie  de  l'entretien  qu'ils  eurent 
pendant  l'audience  :  «  Es-tu  Chinois  ou  Eu- 
ropéen ?  —  Je  suis  Européen.  —  C'est  faux, 
tu  es  Chinois  comme  moi  ;  ta  mère  habitait 
le  Hou-Kouang ; ie  l'ai  deshonorée;  qu'on 
donne  dix  soufflets  à  ce  menteur,  pour  avoir 
méconnu  sa  patrie.»  Après  les  soufflets  don- 
nés, le  mandarin  reprit  :—«  Quelle  est  ta 
religion  ?  —  J'adore  le  Seigneur  du  ciel.  —  Il 
n'y  a  pas  de  seigneur  du  ciel  ;  tu  ne  sais  ce 
que  tu  dis.  —  Dans  une  maison  n'y  a-t-il  pas 
un  chef  de  famille?  dans  un  empire,  un  em- 
pereur? dans  un  tribunal,  un  président?  De 
même  le  ciel  a  son  Seigneur,  maître  de  toutes 
choses.  »  Ce  fut  sur  ces  réponses  que  le  man- 
darin fit  frapper  et  mettre  deux  fois  à  la  ques- 
tion ce  généreux  confesseur  de  la  foi.  Le  P. 


25 


\BR 


ABR 


U 


Abormio  fut  malade  plusieurs  semaines  des 
mauvais  traitements  qu'il  avait  reçus. 

ABRAAMIUS  (saint],  martyr,  évèque  d'Ar- 
belles,  ville  capitale  de  l'Abiadène,  lui  mis  à 
mort  ()Our  la  loi  clnétienue  en  l'an  de  Jésus- 
Christ  3iS,  L'Eglise  honore  sa  mémoire,  le  5 
février.  Il  fut  un  des  iiomhieux  martyrs  que 
lit  la  persécution  de  Sa{)or.  [Voy.  Sozomène, 
1.  II,  ch.  1-2.) 

ABHAHAM  fsaint),  solitaire,  prêtre  et  con- 
fesseur, s'est  distingué  de  plusieurs  autres 
saints  qui  ont  })orté  comme  lui  le  nom  du 
patriardie  et  du  i)ère  de  tous  les  tld'.-les,  par 
I'honi:eur  |)articulier  qu'il  a  eu  d'avoir  pour 
historien  le  grand  saint  Ephrem  d'Edesse, 
qui  non-seulement  viv.iit  dansleméme  temps 
que  lui,  c'est-à-dire  durant  le  iV  siècle  de 
TE^^Iise,  mais  qui  se  représente  comme  son 
ami  particulier,  qui  le  visitait  quelquefois, 
qui  |)renait  part  à  ses  alllictions  et  h  ses  joies, 
qui  unissait  ses  larmes  avec  les  siennes.  L'u- 
nion de  ce  saint  avec  saint  Ejjhrem  nous  fait 
croire  qu'ils  ont  vécu  dans  le  même  pays, 
c'ebt-h-dire  autour  d'Edesse,  capitale  de  l'Ôs- 
rohène,  dans  la  Mésopotamie.  11  naquit  au 
plus  tard  vers  l'an  300,  autant  qu'on  ]c  peut 
juger  par  ce  que  nous  dirons  de  la  suite  de  sa 
vie.  Il  eut  pour  parents  des  perso  mes  fort 
riches  qui  l'aimaient  extraordinairement, 
mais  qui  ne  songeaient  qu'à  l'avancer  dans 
le  monde  pendant  qu'il  ne  pensait  qu'à  s'ap- 
procher de  Dieu  en  fréquentant  l'Eglise,  en 
méditant  ce  qu'il  y  avait  entendu  de  l'Ecri- 
ture, et  j)ar  d'autres  exercices  de  piété.  Le 
r.espect  de  ses  parents  le  iorça  de  céder  enfin 
aux  tréquenles  instances  qu'ils  lui  tirent  pour 
épouser  une  tille  à  qui  ils  l'avaient  accordé 
encore  enfant.  M.ùs,  le  septième  jour  des  no- 
ces, avant  senti  dans  son  cœur  un  vif  rayon 
de  la  gr..ce,  il  quitta  son  épouse  et  la  maison 
de  son  père,  et  alla  se  cacher  plein  de  joie 
dans  une  cabane  qu'il  trouva  vide  à  une  pe- 
tite lieue  de  la  ville.  On  prétend  que,  selon  la 
coutume  de  ce  temps-là,  les  mariages  nes'ac- 
coinplissaient  qu'ap  es  sept  jours  de  solenni- 
tés et  de  l'eslins  ;  de  sorte  que  saint  Abraham 
peut  avoir  conservé  sa  virginité  entière  et 
celle  de  son  épouse.  Ses  parents  le  trouvè- 
rent dans  sa  cabane  dix-sept  jours  après,  et 
Dieu  lui  donna  la  force  de  les  faire  consentir 
à  l'v  laisser  en  repos  pleurer  ses  péchés  1  11 
en  mura  même  la  porte,  n'y  laissant  qu'une 
petite  fenêtre  pour  recevoir  la  nourriture 
(lu'on  lui  api)Ortait.  I!  avait  vingt  ans  lorsqu'il 
se  retira  ainsi  dans  la  solitude,  et  il  persé- 
véra durant  cinquante  ans,  c'est-à-dire  jus- 
qu'à ce  que  la  mort  vint  l'en  faire  quitter  à 
r;lge  de  soixante-dix  ans,  cinq  ans  au  moins 
avant  l'an  .'578,  auquel  saint  Ephrem  mourut. 
C'est  ce  qui  nous  a  lait  mettre  sa  naissance 
vers  l'an  300. 

iTy  vécut  dans  une  grande  austérité,  ne 
mangeant  pas  môme  de  pain, dans  les  veilles, 
dans  les  larmes,  dans  l'humilité,  d.ms  une; 
chaiilé  et  une  douceur  ég.des  envers  tout  le 
monde,  sans  jamais  changer,  durant  tant 
d'années,  sans  se  relAcher,  sans  s'enimyer, 
ou  plutôt  sans  se  ra.ssasier  jamais  de  la 
douceur  de   la   pénitence,  regardant  chacine 


jour  comme  celui  de  sa  mort.  Il  ne  passa  ja- 
mais un  seul  jour  sans  verser  des  larmes,  et 
jamais  au  contraire  on  ne  le  vit  même  sou- 
rire. Au  milieu  d'une  vie  si  dure  et  si  aus'ère, 
il  conserva  toujours  un  visage  frais,  un  air 
agréable  et  un  corps  qui  ne  manquait  point 
de  force  ni  de  vigueur,  parce  que  !a  grAce  de 
Dieu  qui  le  soutenait  suppléait  au  défaut  de 
la  nourriture.  11  semble  qu'il  y  ait  eu  aussi 
quelque  espèce  de  miracle  dans  la  durée  de 
ses  habits.  Dieu  récom!<ensa  plus  avantageu- 
sement sa  piété  par  la  lumière,  la  sagesse  et 
l'intelligence  que  la  grâce  lui  donna  ;  de  sorte 
que  sa  ré[)utation  se  répandant  de  toutes 
paris,  on  accourait  à  lui  de  tous  côtés  jiour 
profiter  de  ses  discours.  Toutes  ses  richesses 
consistaient  en  un  manteau,  une  tunique  de 
poil  de  chèvre,  un  peiit  plat  pour  manger  et 
une  natte  de  jonc  pour  dormir;  car  il  ne  tra- 
vaillait à  rien  tant  qu'à  dégager  son  cœur  et 
son  esprit  de  toutes  les  choses  temporelles, 
pour  !  ap|)liquer  à  la  f)rière  et  à  pleurer  ses 
pé'hés.  C'est  pourquoi  son  iièrc  et  sa  mère 
étant  morts  dix  ans  après  qu'il  les  eut  quittés, 
il  pria  un  ami  de  distribuer  aux  pauvres  les 
grands  biens  qu'ils  lui  avaient  laissés,  sans 
s'en  embarrasser  davantage.  Il  restait  encore 
quel(|ue  chose  de  celte  distribution,  lorsque 
l'obéissance  l'obligea  de  quitter  sa  retraite 
pouraller  travailler  à  la  conversion  d'un  grand 
village  du  diocèse  où  il  vivait,  dont  tous  les 
habitants  étaient  païens,  et  si  attachés  à  leurs 
superstitions,  que  jamais  ils  n'avaent  voulu 
écouler  ni  divers  prêtres  et  diacres  (|ue  l'é- 
vêque  y  avait  établis,  ni  un  grand  nombrede 
solitaires  qui  avaient  entrepris  plusieurs  fois 
d'y  travailler.  Ils  persécutaient  même  si  cruel- 
lement ceux  qui  leur  venaient  prêcher  la  foi, 
qu'ils  avaient  toujours  été  obligés  de  se  reti- 
rer sans  rien  faire.  L'évêque  d'Edesse,  extrê- 
mement ailligé  de  leur  résistance,  proposa  d'y 
envoyer  Abraham  comme  le  plus  grand  ser- 
viteur de  Dieu  qu'il  connût,  et  le  plus  capa 
ble  de  les  convertir  par  sa  charité  et  par  sa 
patience.  Tous  ses  ecclésiastiques  entrèrent 
dans  son  sentiment.  Ils  vinrent  tous  ensem- 
ble à  la  cellule  du  saint,  et  après  une  longue 
résistance,  ils  forcèrent  enfin  son  humilité, 
l'emmenèrent  à  la  ville  où  l'évêque,  avec  bien 
de  la  joie,  l'ordonna  prêtre  et  l'envoya  tra- 
vailler à  l'ouvrage  du  Seigneur.  11  le  fit  au- 
tant en  priant  Dieu  pour  ce  peu|)le,  dont  la 
dureté  môme  le  touchait  de  compassion, 
qu'en  leur  prêchant  la  vérité.  11  employa  ce 
qui  lui  restait  de  son  bien  à  y  bAtir  prom[)le- 
ment  une  église  fort  belle  et  fort  ornée;  de 
sorte  que  les  habitants  vtnaient  tous  les 
jours  la  voir  par  curiosité  ;  et,  après  qu'elle 
fut  achevée,  il  l'odril  à  Dieu  par  ses  prières, 
en  le  conjniant  û'y  vouloir  bientôt  rassem- 
bler ces  infidèles,  qui  apparemment  n'avaient 
osé  l'cnnpôcher  de  la  bAtir,  parce  qu'il  était 
appuyé  de  l'autorité  des  magistrats  et  |)eut- 
ôtr(!  par  un  l'escrit  de  l'empereur  môme  ob- 
t(niu  par  révè(pie.  Car,  selon  la  suile  de  so'.i 
histoire,  il  |)ar'ait  (ju'il  fut  envoyé  à  ce  villa  ;e 
sous  le  règne  de  Constantin,  eiitie  l'an  330 
et  l'an  33'i.  Juscpie-là  il  av;nl  souvent  passé 
;ui  milieu  des  idoles, dont  levillage  étaitplein, 


25 


ABR 


ABR 


2C 


en  so  contentant  do  gémir  et  do  pleurer  de- 
vant Dieu,  sans  dire  môtne  une  parole.  Mais 
alors  animé  d'un  nouveau  zèle,  en  sortant 
de  i'é|:;iise,  il  alla  briser  toutes  les  idoles  du 
bourg  el  re'iverser  leuis  autels,  autorisé  |)ar 
le  mouvement  de  l'esprit  de  Dieu  aul;uit(pie 
()ar  le-«  lois  que  le  yiand  Conslaitin  av  lil  th'jà 
publiées,  (ies  [teuples,  furieux,  se  jetèrent 
sur  lai,  le  l'oueltèrent  et  le  chassèrent  de 
leur  bour^.  1!  y  revint  aus-^  tôt  et  s'en  alla 
priei"  et  plein-or  poui' eux  à  l'égl  se.  Ils  turent 
tout  étonnés  de  l'y  trouver  le  lendemain,  et 
il  prit  cette  occasion  [)Our  leur  ()arler;  mais 
au  lieu  d' l'écouter,  ils  le  ballirenl  cruelle- 
ment et  le  traînèrent  pir  les  pieds  avec  une 
corde  jus(iue  hors  du  bourg,  où  après  l'avoir 
accablé  de  cou()s  de  picri'es  et  le  croyant 
ex|»iré,  ils  le  laissèrent  |)resi|ue  sans  vie. 
Aussi  furent-ils  étrangement  surpris  lorsque 
le  lendemain  ils  le  virent  encore  dans  l'église, 
qui  chantait  les  louanges  de  Dieu  debout. 
Cependant  leur  étonnement  se  changeant  en 
fureur,  ils  le  traitèrent  encore  comme  ils 
avaient  fait  la  veille. 

Il  passa  trois  ans  de  la  sorte,  dans  une  suite 
perpétuelle  de  soulfrances  et  de  douleurs. 
Mais,  (luoiqu'oii  le  b,.ttît,  qu'on  l'outiageAt, 
qu'on  le  traînât  parles  pieds,  qu'on  lui  fît 
enduier  la  faim  ou  la  soif,  au  milieu  de  tant 
de  maux,  il  restait  ferme  sans  s'ébranler  ja- 
mais ;  sans  avoir  aucun  mouvement  de 
colère  ou  d'aversion  pour  ceux  qui  lui  fai- 
saient tant  de  maux.  Au  contraire ,  plus  ils 
le  maltiaitaient,  plus  il  les  aimait  ;  au  milieu 
de  leurs  raiLeiies  et  de  leurs  insultes,  il  ne 
cessait  point  de  les  exhorter  et  de  les  ins- 
truire avec  toutes  les  marques  de  la  charité 
la  plus  tendre.  Entin  Dieu  exauça  ses  prières 
et  ses  souffrances,  et  le  jour  de  sa  miséri- 
corde étant  arrivé,  ces  inlidèles  rassemblés 
un  jour  ensemble  commencèrent  à  se  témoi- 
gner les  uns  aux  autres  l'admiration  où  ils 
étaient  de  la  patience  et  de  la  charité  du  saint, 
e't  qu'assurément  il  fallait  que  ce  qu'il  leur 
prêchait  fût  bien  véritable,  et  qu'ils  ne  pou- 
vaient mieux  faire  que  d'obéir  à  Dieu  qui 
leur  parlait  par  sa  bouche.  Sur  cela  ils  s'en 
allèrent  en  foule  àl'église  où  le  saint,  voyant 
qu'ils  venaient  pour  renoncer  à  leurs  erreurs, 
]es  reçut  avei^  toute  la  joie  dont  son  âme 
était  capable.  Il  les  instruisit  sur  le  mystère 
de  la  Trinité  consubstantielle  et  sur  les  au- 
tres points  de  la  foi,  et  les  baptisa  ensuite 
jusqu'au  nombre  de  mille  personnes.  Il  passa 
encore  un  an  entier  avec  eux,  les  instruisant 
jour  et  nuit  pour  les  fortilier  dans  la  piété. 
Aiais,  quelque  amour  qu'il  eiit  pour  eux,  la 
Ci-ainte  d'être  obligé  de  changer  sa  manière 
de  vivre,  ce  qu'il  n'avaU  point  fait  au  milieu 
de  tous  les  maux  cju'il  avait  soufferts,  et  de 
se  trouver  embarrassé  dans  les  soins  de  la 
terre,  lit  que,  les  jugeant  assez  affermis  dans 
la  foi  et  la  charité,  il  se  retira  la  nuit,  après 
les  avoir  recommandés  à  Dieu  par  une  prière 
très-ardente  et  avoir  béni  le  village  par  trois 
signes  de  croix.  On  peut  juger  de  la  don  eur 
où  fut  ce  peuple  lor.ciuôn  no  le  vit  plus  le 
lendemain,  et  que  ceux  qui  l'allèrent  cher- 
cher partout  ne  purent  avoir  de  ses  nouvelles. 


lU  eurent  recours  h  l'évèque,  qui,  l'ayant 
aussi  fait  chercher  inutilement ,  vint,  avec 
tout  son  clergé,  consoler  ces  nouveaux  (idè- 
les,  et  il  eu  choisit  (juelques-uns  (pi'il  lit  lec- 
teurs, diacres  et  |)rêtres.  I.e  saint,  (iuan(J  il 
le  sut,  en  bénit  Dieu,  et  s'en  retourna  alors 
à  son  ancienne  demeure  où  il  s'cMd'erina 
comme  auparavant.  Le  diable,  irnlé  des  avan- 
tages qu'il  venait  de  reuipurler  sur  lui,  l'alla- 
qua  plusieurs  fois  visiblement  ;  mais  il  fut 
t(jujours  re()oussé  [)ar  l'humilité  et  la  con- 
tiance  qu'Abraham  avait  en  Dieu,  sans  avoir 
pu  seulement  lui  faire  peur,  et  le  saint,  sans 
s'amuser  à  lui,  ne  songeait  i|u'h  s'avancer  de 
plus  en  f)lus  dans  la  veriu.  Quand  il  appre- 
nait que  quelqu'un  marchait  avec  ardeur 
dans  le  chemin  de  la  piété,  ou  qu'un  autre 
oifensait  Dieu  fiar  sesciinies,  il  ne  man'|uaii 
point  de  demander  dans  ses  prières  la  pei'sé- 
vérance  pour  l'un  et  la  grâce  du  salut  pour 
l'autre.  Il  était  assurément  rent;  é  dans  la  so 
litude  en  la  trente-huitième  année  de  son 
âge,  lorsqu'on  lui  amena  Marie,  sa  nièce, 
que  son  frère,  en  mourant,  avait  laissée  or- 
pheline. Elle  n'avait  encore  que  sept  ans;  et 
néanmoins  le  saint  lit  aussitôt  distribuer  aux 
pauvres  les  grands  biens  que  son  père  lui 
avait  laissés,  et  la  fit  mettre  dans  une  cellule 
proche  de  la  sienne,  où  il  y  avait  une  fenêtre 
par  laquelle  il  l'instruisait.  Elle  profita  telle- 
ment sous  sa  conduite,  qu'elle  devint  parfaite 
imitatrice  de  sa  vertu,  à  quoi  saint  Ephrem 
contribua  aussi  par  les  exhortations  qu'il  lui 
faisait  lorsqu'il  venait  voir  saint  Abraham 
Cependant,  au  bout  de  vingt  ans,  elle  se 
laissa  malheureusement  tromper  par  un  faux 
moine  qui  l'avait  vue  par  sa  fenêtre  en  ve- 
nant souvent  voir  le  saint,  et  qui  la  séduisit. 
Pendant  deux  ans  elle  vécut  dans  le  péché 
et  ne  fut  tirée  qu'alors  de  ce  dé.dorable  état 
par  notre  saint,  qui  avait  eu  connaissance  du 
lieu  où  elle  s'était  retirée.  Il  la  gagna  par  ses 
saintes  exhortations,  et  elle  revint  pleurer 
ses  péchés  et  finir  sa  vie  dans  la  solitude. 
Abraham  mourut  enfin  âgé  de  soixante-dix 
ans.  Presque  toute  la  yille  d'Edesse  voulut 
être  présente  è  son  enterrement  ;  chacun  se 
pressa  avec  dévotion  pour  s'approcher  de  ce 
corps  si  chaste,  et  pour  emporter  ce  qu'il 
pouvait  de  ses  habits  ;  on  assure  que  tous 
les  malades  qui  le  touchèrent  furent  guéris  à 
l'heure  même.  Les  Grecs  font  la  fête  de  saint 
Abraham  et  de  sainte  Marie,  sa  nièce,  le  29 
octobre,  auquel  ils  en  font  leur  principal 
olîice,  conjointement  avec  celui  de  sainte 
Anastasie,  et  l'on  croit  que  cet  oflice  a  été 
composé  par  un  saint  Joseph,  qui  vivait 
au  IX.'  siècle.  Les  Cophtes  font  aussi  la  fête 
de  saint  Abraham  le  dernier  du  mois  Babai 
ou Paiiphi,  cest-à-dire  vers  le  27  d'octobre. 
Les  Latins  ne  l'honorent  que  depuis  peu, 
tantôt  le  29  d'octobre  avrc  les  Grecs,  tantôt 
le  16  de  mars,  auquel  Baronius  l'a  mis  dans 
le  Martyrologe  romain.  Eux  et  les  Grecs  le 
nomment  quel(|uefois  seul  et  quehjuefois 
avec  sa  nièc^  (Tillemont,  vol.  VII,  pag.  586.) 
ABRAHAM  (saint),  martyr  en  Perse,  donna 
sa  vie  pour  le  christianisme,  en  l'an  de  Jé- 
sus-Christ   339,  sous  l'empire  et  durant  la 


«7  ACR 

l'i-rsécution  do  Sapnr.  Ses  actes  étant  les  mô- 
nips  que  ceux  de  sai-it  Sapor,  évoque  de  Beth- 
Nictor,  nous  re-ivoyons  le  lecteur  au  titre 
de  ce  dernier  saint.  La  fête  de  saint  Abra- 
ham est  célébrée  par  rE,Miso  avec  celle  de 
ses  fompagnons,  \o  30  novembre. 

ABllAHAM  DE  NIUCHABOUH  (saint),  con- 
fesseur, soallVit  pour  la  foi  chrétienne  sous 
Haziiei-d,  deuxième  du  nom,  roi  de  Perse,  eu 
l'anlkS'i-  ou  455.  Après  la  mort  des  six  martyrs 
d"Ab.u-Sahay,  Joseph  et  leurs  compagnons, 
le  chef  des  bourreaux  vint  trouver  leurs 
serviteurs,  et  en  prenant  deux  qu"il  jugeait  à 
la  simplicité  de  leur  phjsio  lomie,  plus  fa- 
ciles que  les  autres  à  persuader,  il  leur  dit  : 
«  Comment  vous  nomme-t-on?  —  J'ai  reçu 
de  mes  parents,  répondit  celui  auquel  la 
question  était  adressée,  le  noui  deKhoren,  et 
celui-ci  s'appelle  Abraham.  Quant  h  notre 
honorable  condition,  nous  sommes  serviteurs 
de  Jésus-Christ  et  disciples  des  saints  que 
vous  avez  mis  à  mort.  ^  Pourquoi  êles-vous 
venus,  demanda  l'officier  du  roi,  et  qui  vous 
a  amenés?  —  Vous  auriez  puapprendre  cela 
de  mes  maîtres,  répondit  froidement  Abra- 
ham. Ce  n'étaient  pas  des  personnages  de 
peu  de  considération  ;  ils  avaient  de  magni- 
fiques patrimoines  et  un  grand  nombre  de 
serviteurs  tels  que  nous,  ou  plutôt  medleurs 
que  nous,  car  ds  les  avaient  instruits  et  éle- 
vés depuis  leur  tendre  enfance  chez  eux  ; 
nous  faisions  partie  de  ces  serviteurs  et  nous 
sommes  venus  ici  avec  eux,  car  le  comman- 
dement de  Dieu  nous  oblige  de  vénérer  nos 
supérieurs  siùrituels  à  légal  de  nos  pères  et 
de  les  servir  comme  nos  maîtres.  »  Le  ciief 
des  i)Ourreaux,  irrité,  s'écria  :  «  Tu  es  trop 
hardi  ;  tu  me  parles  sans  peur,  comme  un 
insolent;  si  vous  étiez  en  pleine  p:uxetdans 
votre  pays,  h  la  bonne  heure.  Vos  maîtres 
oU  i)iévai'i(|ué  dans  les  alfairesde  lèse-ma- 
jesté'; ils  ont  été  reconnus  criminels  et  vous 
n'auriez  pas  même  dû  vous  en  approcher. 
Ne  voyez  vous  pas  à  la  cour  du  grand  roi, 
que  loi'squ'un  seigneur  est  tombé  malheu- 
reusement dans  ladisgrAce  du  prince  et  qu'il 
est  Jeté  dans  les  prisons  île  1  Kta',  il  prend 
d  'S  habits  de  deuil,  s'assied  par  terre, sisole 
de  tout  le  monde,  et  que  personne,  soit  ami, 
Soit  domestique,  n'ose  l'aijprocher?  Et  vous, 
serviteurs,  qui  êtes  criminels  aussi  bien  que 
vos  maîtres,  vous  osez  encore  vous  en  van- 
ter coinuie  ayant  fait  une  bonne  action  ?  — 
Vos  usigesne  sont  pas  injustes,  ré])ondit 
Kliorcn,  en  pi-enanl  la  parole  ;  mais  vous  ne 
dev(;/.  pas  nous  faire  un  reproche  du  notre. 
Un  dig  litaire  coniblé  d'honneurs  par  le  roi 
doit  être  exact  et  diligent  dans  le  service  de 
son  mailr  ■,  d(î  sf)rl(!  (ju'il  serait  élevé  de  di- 
g  lité  en  dignité.  Mais  s'il  a  ma  u[ué  <àson  de- 
voir, il  est  juste  (pi'il  soit  dégradé  et  puni. 
Si  nos  maîtres  eussent  été  cou[»ai)les  devant 
le  roi  ou  deva  it  Dieu,  nous  les  (dissions 
ti-ailés  com  ne  vous  le  dit(;s,  et  nous  ne  les 
aurions  rn  atjp.ochés  d  mis  noln;  pays,  ni 
suivis  dans  le  votre.  Ma  s  puis(ju'ils  sontir- 
ri'qtroc  lables  devant  Di.iU  i-t  devant  le  roi, 
vous  les  avez  égorgés  à  tort  et  nous  souiun-s 
plus  cjue  jamais  les  .serviteurs  de  leurs  sani- 


ÀBR 


^» 


tes  re\iques.  —  Je  vous  l'ai  déjà  dit,  s'écria 
le  chef  des  bourreaux,  vous  n'êtes  qu'un  im- 
pertinent, et  il  est  facile  de  présumer  que 
vous  avez  participé  en  qualité  de  complice 
dans  tous  les  désastres  dont  ces  hommes  ont 
été  cause.  —  Quels  dé-^astres  donc?  demanda 
Abraham.  —  La  révolte  de  l'Arménie  d'a- 
bord, répondit  le  chef  des  bourreaux,  puisla 
mort  des  mages,  sans  parler  d'une  foule  d  au- 
tres. — Cela  est  trop  vrai,  reprit  Abraham, 
non-seulement  de  notre  part,  mais  aussi  sui- 
vant vos  usages,  car  le  roi  vous  ordonne 
une  chose  et  vous  la  commandez  à  vos  su- 
bordonnés qui  font  leur  devoir  sans  plus  de 
question.  «Le  clvf  desbourreauxs'emj)orla: 
«  Par  le  dieu  Miher  (  le  soleil),  s'écria-t-il, 
vous  parlez  [)lus  insolennnenl  que  vos  pré- 
cej)teurs,  et  il  e>t  clair  comiiie  le  jour  que 
vous  êtes  des  hommes  [)lus  coupables  qu'eux; 
or,  il  ne  m'est  plus  possible  de  vous  sauvei-; 
adorez  le  soleil,  et  suivez  notre  loi  <à  lins- 
tant  môme.  —  Jusqu'à  présent,  répondit  Kiio- 
ren,  vous  avez  assez  mal  raisonné  comme 
homme,  et  maintenant  voilà  que  vous  aboyez 
inutilement  comme  un  cinen.  Si  le  soleil 
pouvait  vouse  iten<lre,  voa*  lui  feriez  hoiite; 
mais  il  est  insensible  de  sa  nature  (  t  vous 
l'êtes  encore  plus  que  lui  par  méchanceté. 
Quand  est-ce  que  vous  nous  avez  vus  recu- 
ler dans  la  voie  où  ont  maiché  nos  [)ères? 
Ne  perdez  pas  le  temps  en  vains  discours  : 
Agissez  1  allons,  que  tardez-vous,  (ils  du  dé- 
mon ?  Meltez-i:ous  à  l'épreuve,  essayez  no- 
tre fermeté,  afin  que  vous  et  votre  père  in- 
fernal vous  soyez  confondus.  Je  ne  parle  [»as 
seulement  pour  nous  qui  avons  atteint  1  Age 
milr,  mais  les  plus  jeunes  et  les  plus  fdblcs 
d'entre  nous  vous  braveront  de  manière  à 
vous  percer  1  Ame  et  le  cœur.  »  Alors  le 
chef  des  bourreaux,  ne  sachant  [dus  ce  q  l'il 
ftiisait  et  sous  rinlluauce  d'une  excessive  co- 
lère, couim  uida  qu'on  les  traînât  par  terre  si 
Violemment  et  si  longteiiq)s,  que  lorsque  ce 
supplice  cessa,  on  les  crut  morts.  Au  bout  de 
trois  heures  ayant  repris  leurs  sens,  ils  di- 
rent :  «  Nous  comptons  pour  peu  de  chose 
l'outrage  que  vous  venez  de  nous  faire,  et  les 
douleui's  que  nous  venons  d'éprouver  pour 
rien.  Nous  sommes  heureux  d'avoir  subi  vos 
mauvais  traitements  et  vos  sujiplices,  pour 
l'amour  de  Dieu,  comme  l'ont  fait  nos  pères 
spirituels.  Allons  donc,  ne  vous  lassez  |)as, 
point  de  pitié  ;  ce  que  vous  avez  fait  à  nos 
maîtres,  faitivs-le-nous.  Si  leurs  actions  vous 
ont  paru  criminelles,  nous  le  souimes  da- 
vantage, car  ils  nous  coupnandaicnt  seide- 
ment,  c'était  nous  qui  exécutions  en  elfet 
avec  une  ardeur  excessive.  »  Le  chef  des 
bourreaux.,  de  [dus  en  plus  irriié,  ordonna 
qu'on  les  battît  de  verges  jusipi'à  la  mort. 
Six  bourreaux  attachés  à  chaqnechrélie!!  de- 
vaient reu)j)lir  cet  alfreux  oflii  e  en  se  re- 
layant tour  à  tour.  Pendant  (pie  ces  confes- 
srmis  étaient  étendus  à  t.n-rc  et  demi-nioits, 
on  leur  cf)upa  les  oreilles;  ce  (pii  fut  exé- 
cuté d'une  manière  si  cruelle,  qu'il  ne  rcista 
plus  à  la  place  qu'un  trou.  Après  un  éva- 
nouissement profond  à  cause  de  lu  baston- 
nade, dont  les  violonltjs  douleurs  de  l'aïupu- 


29  APK 

talion  les  tiivroiil  suulos,  les  coiircssiuus 
bienheureux  crièrent  d'une  voix  su[)i)liantc 
auchefdcis  bourreaux  :  (inlee,  i^a-Ace,  vail- 
lant oHiiier  du  roi,  cxlerniinez-nous  conuno 
nos  pères  1  nous  souunes  piivés  de  l'ouie  et 
fions  ne  pourrons  plus  pécher  par  cesons-1^; 
njais  en  Vevanche  nous  n'en  entendrons  ((uo 
mieux  les  inspirations  célestes.  11  nous  reste 
(  ncoro  nos  ne/  ;  ne  nous  faites  pas  à  demi 
vos  présents;  vous  nous  priveriez  d'une 
jHirtie  du  bonheur  du  ciel,  vous  av(>z  fait 
expier  à  !ios  coi'ps  leurs  j)échés  en  les  ti-ai- 
nant  i)ar  terre,  ef  ceux  que  nous  avons  com- 
mis par  les  oreilles  en  les  con{)ant;  faites- 
nous  expier  de  même  ceux  de  l'odorat  eu 
nous  coufiant  le  nez  ;  car  plus  vous  nous 
rendrez  diilormes  sur  la  terre,  i)lus  nous  se- 
rons beaux  dans  le  paradis.  »  Le  chef  des 
bourreaux,  stui)éfait  de  cette  prière,  leur  ré- 
pondit d'un  ton  plus  calme:  «Si  je  restais  un 
peu  de  temps  avec  vous,  vous  seriez  capa- 
bles de  me  vaincre  et  de  me  convertir  à  vo- 
tre obstination  ;  mais  je  vais  vous  révéler 
maintenant  l'ordre  de  la  cour  :  votre  châti- 
ment se  borne  Ih  ;  vous  allez  partir  pour  l'As- 
syrie afin  d'y  labourer  la  terre  pour  le  compte 
du  roi  ;  ceux  qui  vous  verront  apprendront 
par  votre  exemple  ce  qu'il  en  coûte  à  ceux 
qui  s'obstinent  à  ne  point  ohéir  aux  ordres 
de  la  cour.  »  Abraham  et  Khoren  lui  répon- 
dirent :  «  A'ous  nous  avez  ôté  la  moitié  de  nos 
membres,  comment  pourrons-nous  travailler 
au  domaine  royal  avec  des  corps  si  mutilés? 
—  Conduisez-les  Lujours  en  Assyrie,  dit  à 
ses  soldats  l'officier  du  roi,  et  en  y  arrivant, 
laissez-les  aller  oi!i  il  leur  plaira.  »  Ces  con- 
fesseurs arméniens,  qui  avaient  subi  avec 
joie  un  atlVeux  supplice,  étaient  inconsola- 
bles de  n'avoir  pas  reçu  la  mort.  Celait  avec 
des  regrets  amers  et  une  grande  répugnance 
qu'ils  prenaient  le  chemin  de  la  terre  d'exil; 
leurs  chaînes  aux  pieds  et  aux  mains  leur 
pesaient  moins  que  l'oppiession  qni  était 
lourde  sur  leur  cœur,  lorsqu'ils  songeaient 
qu'ils  n'avaient  pas  été  jugés  dignes  de  rem- 
porter la  palme  du  martyre.  Ce  regret  dura 
aussi  longtemps  que  leur  vie.  Arrivés  dans 
la  province  de  Babylpne,  au  pays  qu'on  ap- 
pelle Chéher/our,  ds  furent  reçus  des  haiii- 
tanls  soit  en  secret,  soit  en  public,  avec  véné- 
ration et  respect ,  tout  con^iamnés  qu'ils 
étaient  par  la  cour  de  Perse.  Ils  tirent  tous 
leurs  efforts  pour  être  utiles  aux  princes  ar- 
méniens et  alléger  les  rigueurs  de  leur  cap- 
tivité en  pourvoyant  à  leurs  besoins.  Ils 
communiquèrent  ce  projet  charitable  aux 
chrétiens  les  plus  aisés  de  ce  pa_ys  ;  les 
grands  et  les  petits  y  consentirent  avec  un 
égal  empressement.  Toutes  les  personnes 
pieuses  furent  aussitôt  invitées  à  faire  une 
quête  pour  subvenir  aux  besoins  temporels 
des  illustres  captifs  qui  étaient  en  exil  dans 
ces  pays  lointains.  Tous  les  ans,  les  chré- 
tiens mutilés  allaient  recueillir  des  aumônes 
et  de  l'argent,  chacun  plus  ou  moins,  dans 
les  provinces  voisines,  et  les  apportaient  re- 
ligieusement aux  captifs  dans  leur  prison.  Ils 
remplirent  pendant  presque  six  ou  sept  an- 
nées ce  pieux  office.  Ces  voyages  fciligants 


ABR 


30 


qu'ils(;ntre])renaienl  sans  repos,dansun]»a_ys 
âpre  et  brûlant,  de  (^héherzour  au  Méched 
et  au  Cachgar,  pai'  toute  l'Assyrie  enfin  et 
le  Kouzislan,  étaient  si  pénibles  (|ue  Khoren 
mourut  en  voyage  le  lassitude  et  de  l'excès 
de  chaleur.  11  fut  révéré  avec  les  saints  con- 
fesseurs par  les  habitants  du  pays.  Abraham 
continua  la  môme  œuvre  de  charité  ;  il  re- 
cueillait en  tous  lieux  les  oïlVandes  des  fidè- 
les et  les  portait  dans  dilférents  [)ays  pour 
secourir  tous  les  captifs;  il  pourvut  ainsi  d(j 
son  mieux  h  tous  leurs  besoins. 

La  douzième  année  depuis  leur  arresta- 
tion, une  partie  des  prhjces  (jui  avaient  été 
délivrés  d(!  leurs  chani  s  el  étaient  rentrés 
en  grâc!',  prièrent  Abraham  avec  les  [)lus 
vives  instances  d'aller  au  pays  d'Arménie, 
afin  que  la  nation  y  pût  voir  l'image  vi- 
vante des  héroïques  martyrs  tombés  sous 
la  hache,  et  d'instruire  en  inème  temps  leurs 
familles  et  leurs  amis  do  la  manière  coura- 
geuse dont  ils  supportaient  les  cimuis  de 
leur  captivité  ;  car,  })ensaient-ils,  quand  les 
martyrs,  les  confesseurs  et  les  prisonniers, 
qui  souffrent  pour  la  foi,  seront  vus  par  lui, 
tout  le  royaume  d'Arménie  sera  béni  et 
sanctifié.  A  la  vue  do  ce  digne  chrétien  qui 
porte  les  marques  de  son  supplice,  les  en- 
fants grandiront  dans  la  sainteté,  les  jeunes 
gens  resteront  dans  le  sentier  de  la  sagesse, 
les  vieillards  s'encourageront  à  la  patience,  et 
les  seigneurs  appr.'udront  à  pratiquer  1  hu- 
manité. A  sa  prière.  Dieu  mettra  la  pitié 
dans  le  cœur  du  roi,  et  il  se  déterminera  à 
purifier  notre  patrie.  Nos  églises  et  nos  ora- 
toii'es  où  sont  les  tombeaux  des  martyrs,  se 
glorifieront  de  voir  le  soldat  de  Jésus-Christ, 
nos  martyrs  eux-mêmes,  et  béniront  ce 
martyr  vivant.  Le  champ  d'Avaraïr,  tout 
blanchi  des  ossements  des  héros  ,  et  dont  le 
sol  a  bu  le  sang  des  saints,  ce  vaste  théâtre 
de  nos  batailles,  ti-essaillira  de  joie  plus  que 
s'il  était  arrosé  par  des  pluies  abondantes, 
sous  les  pas  de  ce  inart,,r;  il  y  aura  en  cet 
endroit  une  réunion  mystériimse  entre  le 
martyr  vivant  et  les  martyrs  morts,  et  tous 
ces  cantons  seront  vivifiés.  Quand  les  moi- 
nes et  les  ermites  d'Arménie  ve.rront  ce  digne 
confesseur,  ils  auront  souvenir  de  celte  im- 
mense armée  de  chrétiens  qui,  pour  le  pré- 
server de  tout  mal,  ont  versé  leur  sang 
comme  une  oblation  agréable  à  Dieu.  Vai 
voyant  ce  serviteur  des  prêlres  martyrs,  tous 
nos  compatriotes  se  souviendront  de  ses  maî- 
tres,ces  prêtres  illustres  qui  fui-ent  égorgés 
par  l'ordre  du  roi  dans  un  '  terre  lointaine, 
et  qui  apaisèrent  sa  co.ère.  Peut-être  aussi, en 
voyant  ce  saint  homme,  le  pays  reconnais- 
sant se  souviendra-t-il  d  ■  noire  longue  cap- 
tivité ;  on  demandera  à  Dieu  qu'il  nous  dé- 
livre de  cet  esclavage  el  que  nous  puissioiis 
revoir  notre  chère  pairie,  loin  de  laquelle 
nous  languissons  depuis  tant  d'années.  Ce 
n'est  pas  seulement  le  désir  de  revoir  i]as 
familles  qui  nous  presse,  c'est  celui  de  con- 
templer de  nouveau  les  églises  que  nous 
avons  bâties  el  les  prêtres  que  nous  y  avons 
placés  pour  les  desservir.  Si  le  bon  Dieu 
permet  que  ce  saint  homme  arrive  au  terme 


51 


ABR 


ABR 


Si 


de  ce  voyagp,  el  qu'il  calme  les  inquiétudes 
de  nos  familles,  nous  n'en  serons  que  plus 
fondés  à  espérer  qu'ils  nous  ouvrira  les 
portes  de  sa  miséricorde  infinie,  pour  re- 
tourner dans  nos  foyers  par  le  môme  che- 
min que  les  pieds   de  ce  saint  homme  vont 

parcourir Ainsi  pensèrent  nos  JDienheu- 

rpux  princf's,  et  à  force  d'insiances,  ils  par- 
vinrent à  lui  persuader  (Tentreprendic  ce 
vovage.  Accoutumé  comme  il  était  mw  œu- 
vres de  vertu  et  de  chanté,  il  y  consentit 
sans  trop  liésiter,  et  il  se  rendit  en  Armé- 
nie.!] est  impossible  de  rendre  l'accueil  res- 
pectueux qii'on  lui  lit  de  tous  côtés  :  hom- 
mes, femmes,  grands,  petits,  nobles,  pay- 
sans, chacun  se  prosternant  devant  lui,  lui 
baisait  les  pieds  et  les  mains.  «  Bén:  soit  , 
cessaient-ils,  le  Dieu  qui  vous  envoie  comme 
un  messager  céleste  pour  nous  annoncer  la 
bonne  nouvelle  de  la  résurrection  et  des  fé- 
licités du  ciel  ;  car  nous  voyons  en  vous 
tous  les  morts  qui  ont  expiré  en  Jésus- 
Christ,  avec  l'espérance  de  l'immortatilé,  et 
les  captifs  qui  ne  sont  pas  encore  tous  déli- 
vrés. En  vous  nous  esjjérons  le  rétablisse- 
ment de  la  paix  du  royaume;  par  vous,  nos 
égl  ses,  notre  clergé,  les  saints  martys  qui 
sont  nos  intercesseurs  auprès  de  Dieu,  se 
réjouiront  d'une  commune  joie.  Bénissez- 
nous,  saint  Père;  vous  êtes  la  bouche  des 
saints  qui  sont  morts;  en  recevant  votre  bé- 
nédiction par  votre  bouche,  nous  croirons 
recevoir  celle  des  saints  dans  nos  cœurs. 
Vous  avez  ouvert  le  chemin  à  ceux  qui  as- 
pirent nuit  et  jour  à  rentrer  dans  leur  pa- 
trie ;  priez  Dieu  qu'ils  y  reviennent  bientôt 
sur  vos  traces,  vous  avez  ouvert  la  route  dé- 
fendue du  retour,  route  fermée  depuis  si 
longtemps.  Ouvrez-nous  aussi,  à  nous  qui 
sonmies  pécheurs,  la  i)orle  du  ciel  par  vos 
prières.  Nos  supplications  à  Dieu  se  join- 
dront aux  vôtres  [)Our  intercéder  en  faveur 
des  captifs,  et  comme  nous  avons  eu  le  bon- 
heur de  vous  voir  de  nos  yeux  corporels , 
notre  félicité  sera  sans  doute  complétée  en 
revoyant  ceux  que  nous  pleurons  du  fond 
du  cœur  depuis  un  si  grand  nombre  d'an- 
nées. V' otre  arrivée  est  pour  nous  un  gage 
de  bonheur,  et  votre  charitable  présence 
nous  est  garant  que  nous  aurons  bientôt 
rinevf)rimable  joie  de  contempler  ces  bi-aves 
et  patients  captifs  qui  soutirent  pour  l'amour 
de  Jésus-Christ.  Leur  vue  guérira  les  plaies 
saignantes  de  nos  Ames,  el  leur  majestueux 
aspect  nous  fera  ounlier  nos  lotigues  dou- 
leurs. »  Ainsi  fut  reçu,  dans  le  pays  qui  l'a- 
vait vu  naître,  ce  saint  coidesseur  ;  mais  il 
ne  voulut  pas  y  mener  une  vie  publi(]ue. 
Choisissant  un  lieu  écarté  et  éloigné  du 
bruit  du  monde,  il  s'y  élanlit  avec  trois  ver- 
tueux frères,  et  y  m)urut  en  odeur d(i  sain- 
teté a[)rès  liue  j)énilence  exemplaii(î.  Il  est 
dillieib;  de  riconl<'r  la  vie  de  ce  saint  er- 
mite dans  sa  retraite,  sa  (Ȏnilence  et  toutes 
les  vertus  (ju'il  y  prati(piail.  Il  veillait  toute 
la  imit  comme  une  lamj)e  ardente  et  jeûnait 
tous  les  jours  de  sa  vie  comme  l(;sang(;s  (pii 
n'ont  j)as  besoin  de  so  nourrir.  Quant  à  la 
modestie,  la  douceur  et  l'humilité,  personne 


ne  lui  était  comparable  ;  et  quant  aux  be- 
soins temporels  et  aux  choses  du  monde,  il 
était  comme  un  mort  qui  n'a  envie  de  rien. 
11  était  assidu  à  réciter  l'office  divin,  et,  |)ar 
une  jirière  ])erpétuelle,  il  s'entretenait  sans 
cesse  avec  Dieu,  il  était  le  sel  de  l'Ev.tngile 
pour  donner  saveur  à  qui  il  en  manquait 
(Matth.  v,  13),  et  l'aiguillon  des  paresseux. 
Auprès  de  lui  l'avarice  se  senl.nt  mai  dite,  la 
débaucheet  lagourmandiseav.iient  honte  d'el- 
les-mêmes. Il  fut  la  santé  de  notre  |)ays  d'Ar- 
ménie, et  bon  nombre  de  blessés  (jui  souf- 
fraient secrètement  dans  l'àme,  reçurent  de 
lui  leur  guérison.  Il  fiit  le  docteur  des  doc- 
teurs et  le  |)ère  instructeur  de  ses  propres 
pères.  Au  seul  bruit  de  son  nom,  les  inso- 
lents rentraient  en  eux-mêmes,  et  devant 
lui  les  impudents  rotigissai  nt  de  honte.  Il 
n'habitait  qu'une  hutte  étroite  ;  mais  le  re- 
nom de  sa  sainteté  saisissait  les  absents 
comme  les  présents.  Les  démons  le  fuyaient, 
mais  les  anges  venaient  à  lui,  à  cause  de 
lui;  les  habitants  de  la  Grèce  nous  répu- 
taient  heureux,  et  les  barbares  des  pays  les 
plus  éloignés  venaient  le  voir  dans  sa  cel- 
lule. 11  fut  l'ami  des  amis  de  Dieu,  et  rame- 
na un  grand  nombre  de  ses  ennemis  au  sein 
d-e  l'Eglise.  11  était  entré  dès  sa  plus  tendre 
enfance  dans  la  carrière  de  la  vertu,  et  ce 
fut  dans  l'exercice  de  la  vertu  qu'il  rendit  le 
dernier  soupir.  Comme  il  ne  se  lia  point  par 
le  saint  nœud  du  mariage,  il  ne  fut  astreint 
à  aucun  des  besoins  de  ce  monde  périssable; 
enfin  il  échangea  les  choses  du  corps  pour 
celles  de  l'âme,  et  il  fut  ainsi  transporté  de 
la  terre  au  ciel.  (E.  V.  tiad.  G.  K.  G.  223.) 

ABRAHAM,  abbé  en  Auvei'gne,  confes- 
seur, naquit  dans  la  haute  Syrie,  sur  les 
bords  de  l'Eujjhrate.  Voulant  imiter  le  saint 
patriarche  dont  il  portait  le  nom,  il  partit 
dans  le  dessein  d'aller  visiter  les  anachorè- 
tes qui  peu})laient  l'Egypte  ;  ayant  été  pris 
en  chemin  pai-  des  barbares,  il  resta  cinq  ans 
en  prison.  Quand  il  eut  recouvré  sa  liberté, 
il  se  rendit  dans  les  Gaules  et  s'arrêta  en 
Auvergne  :  il  fonda  un  monastère  auprès 
d'une  église  que  l'on  bâtissait  en  l'honneur 
de  saint  Cirgues,  martyr,  et  y  forma  un 
grand  nombre  de  disciples  à  la  perfection 
évangélique  et  à  la  pratique  des  plus  saintes 
vertus.  Nous  voyons  dans  saint  Grégoire  de 
Tours  que  notre  saint  abbé  fut  honoré  du 
don  des  miracles.  11  mourut  vers  l'an  kll,  et 
saint  Sidoine,  évêque  deClermout,  composa 
lui-même  son  éloge  en  forme  d'épitanhe.  On 
inhuma  le  corps  de  saint  Abraham  clans  l'é- 
glise de  Saint-t^irgues,  aujourd'hui  une  des 
])aroisses  de  Clenuont.  L'Eglise  célèbre  sa 
mémoire  le  15  juin. 

ABI\AHA.M  (saint),  diacre,  du  village  d'A- 
ralzj'ut  niarlyiisé  sous  le  l'ègne  d'IIazguerd, 
roi  de  Perse,  avec  le  prêtre  Sannud.  Ils  sout- 
fiirent  le  niartvrc  h  Vartesse,  pour  n'avoir 
p(nnt  voulu  i(!nier  leur  foi  et  embrasser  le 
culte  (lu  feu. 

AHKAHAM  (saint),  évêque  de  Carres  et 
conresscur,  na(piil  dans  le  diocèse  cc  Cyr. 
Ce  saint,  [)lein  du  désir  d'avancer  dans  les 
voies  du  salut,  so  retira  dans  le  désert  et  y 


33 


ABR 


Y(.''(iit  longtemps  (hns  la  pi-aliqno  dos  pins 
^raulcs  aiistriilôs.  Ses  mortilicatiuris  lurent 
si  Torlos  (ït  si  noiiibrcusos,  (ju'il  loiiii)a  ma- 
la  le.  Dieu  lui  ayant  rcnilu  la  sanlo,  il  réso- 
lut (le  la  eonsaiirer  au  service  de  celui  qui 
s'était  souvenu  d'un  si  humble  serviteur. 
S'etarit  i-evôtu  d'nn  habit  de  marchand,  il  se 
dii'igea  avec  [)lusieurs  autres  solitaires  vers 
nu  ^rand  village  tlu  Mont-Liban,  assez  près 
d'Iunése,  dont  les  habitants  étaient  encore 
plofij^és  dans  les  ténèbres  du  paganisme  Ils 
commencèrent  à  chanter  des  psaumes  et  à 
prèclKM-  le  nouï  du  Crucifié  ;  mais  les  habi- 
tants furieux  voulurent  les  lapider.  Ce  ne 
fut  qu'à  la  prière  ne  plusieurs  d'entre  eux, 
que  la  patience  de  ces  saints  honunes  avait 
touchés  ,  qu'ils  abandonnèrent  leurs  des- 
seins ,  mais  toutefois  en  leur  ordonnant  do 
quitter  leur  village  aussitôt.  Au  môme  mo- 
m(mt,  des  S(M'gents  du  lise  arrivaient  pour 
lever  les  im[)ùts,  et  trdTivant  les  habitants 
insolvables,  ils  Itvs  fi'af)pèrent  rudement. 
Notre  saint,  rem[)li  de  charité,  les  reprit  de 
h'ur  inhumanité,  ré;  ondit  de  la  somme  exi- 
gée, partit  l'emprunter  à  Emèse,et  vint  sol- 
der rim[)(H.  Les  habitants,  [)!eins  de  recon- 
naissance, le  prirent  pour  seigneur  et  em- 
brassèrent la  loi.  Il  leur  fallait  un  prêtre, 
ils  n'(  n  voulurent  point  d'autre,  et  il  fut  or- 
donné leur  pasteur.  A|)rès  trois  années  de 
séjour  au  milieu  d'eux,  les  voyant  bien  af- 
fermis dans  la  religion  chrétienne,  il  se  re- 
tira dans  .son  ancienne  solitude,  d'où  on  le 
tira  une  seconde  fois  pour  le  faire  évèque 
de  Carres.  Quoiqu'il  fut  élevé  à  la  dignité 
ép'scopale,  il  resta  toujours  moine  par  le 
cœur,  ])ar  sa  profonde  humilité  et  parles 
austérités  auxrpielles  il  se  livrait.  La  ville, 
qui  était  confiée  à  ses  soins,  était  encore 
plongée  dans  l'imjjiété  et  adorait  la  lune. 
Bientôt  sa  piété,  ses  vertus,  lui  gagnèrent 
k'S  cœurs,  et  ses  instructions  achevèrent  ce 
que  sa  sainteté  avait  commencé.  Le  bien 
qii'il  y  lit  fut  si  grand,  (jue  le  bruit  s'en  re- 
paru it  jusqu'à  la  cour,  etThfodrse  leGranii 
souhaita  de  le  voir.  Il  le  lit  venir  à  Constan- 
finople,  l'y  retint  et  le  combla  d'honneurs 
et  de  lespects  toute  sa  vie.  A  sa  mort  qui 
arriva  en  422,  l'empereur  renvoya  son  corps 
à  son  troupeau,  et  gai-da  un  de  ses  vête- 
ments, ({u'il  portait  à  cei'tains  jours  par  res- 
pect pour  sa  mémoire.  L'Eglise  fait  sa  fête 
le  1^  févi'ier. 

AIJKAHAiM  (le  bienheureux  Georges), 
prêtre  de  la  compagnie  de  Jésus,  naquit  à 
Alep  et  fut  élevé  à  Uome,  au  collège  des 
Mai-i.mites,  que  les  jésuites  y  dirigeaient.  11 
embrassa  leur  or-dr-e  en  1582,  à  l'Age  de 
vingt  ans.  Pendant  quelque  temps,  il  exei^ça 
son  saint  ministère  chez  les  chrétiens  de 
Saiiît-Thomas;  ensuite, déguisé  en  marchand 
turc,  il  s'embar'qua  pour  l'Abyssinie.  Une 
tempête  l'ayant  for-cé  d'aborder  à  l'île  de  Mas- 
saouah,  un  jeune  Abyssin,  qui  lui  servait  de 
guide,  le  tit  soupçonner  par  son  imprudence 
et  le  trahit  entièrement  après  qu'on  lui  eut 
appliqué  la  bastonnade.  Notre  bienheureux 
ayant  refusé  de  renier  sa  foi  et  traité  Maho- 
met d'imposteur,  le  gouverneur  s'élança  fu- 


ABU  54 

rieux  de  son  tribunal  jiour  le  fi'a|)p('r  do 
son  cimetei're.  Urre  for-ce  secrète  l'ayant  ar- 
rêté, il  fut  ÙTcé  de  recpiérir  le  bourreau, 
fpii  émoussa  deux  cimeterres,  sans  que  no- 
tre bienheureux  eAt  été  nrème  blessé.  Ce  ne 
fut  (|ue  sous  le  tro(sièrr\(>  qm;  la  tête  tomba, 
au  mois  d'avr-il  159.5.  Abr-aharn  n'avait  que 
trente-deux  ans.  Son  cadavre  ayant  été  jeté 
à  la  voirie,  y  resta  quar'ante  jours  enviioniré 
de  lumièr-es  mir-aculeuses.  Peu  de  temps 
après,  les  meurtriers  périrent  miséi-ableriKi'it. 
(  l'aimer,  Sociclas  Jesu  usque  ad  sanijuinis 
et  vitœ  profusionnn  milituns,  p.  184  ;  Du 
Jarwie,  Histoire  des  choses  plus  mémora- 
bles, etc.,  t.  II,  p.  2.;J9.) 

ABUEU  (Le  P.  Egide  d'),  jésuite  portu- 
gais, mourut  en  XiSz'-l,  martyr  de  la  religion 
chrétienne.  Pris  sur  mer  par  les  hérétiques 
holland.ùs,  il  fut  accablé  par  eux  de  mau- 
vais traitements  et  mourut,  à  l'époque  que 
nous  venons  de  dire,  des  suites  de  ses  bles- 
sures, dans  les  ))risons  de  Batavia. 

ABIUiU  (D'),  natif  d'Arouca,  dans  la  pr^o- 
vince  de  Béira,  entra  au  noviciat  desjésuit(\s 
à  l'âge  de  10  ans,  le  17  février  1724.  Le  10 
mars  173G,  il  s'embarqua  à  Macao  pour  aller 
évangéliser  le  Tonkin,  avec  les  Pèr*es  Jean 
Gaspard  Cratz,  allemand,  Barthélémy  Alva- 
rez, Vincent  de  Cunha,  Christophe  de  Sam- 
payo  et  Emmanuel  Carvalho,  portugais.  Le 
12  avril  1736,  quatre  d'entre  eux  furent  pris 
à  Batxa ,  avec  les  catéchistes  tonkinois , 
Marc  et  Vincent.  Le  P.  Sampayo  avait  été 
arrêté  j)ar  la  maladie  à  So-Feou,  et  le  P.  Car- 
valho était  resté  pour  l'y  soigner;  de  sorte 
que  ces  deux  Pères  ne  pénétrèrent  que  plus 
tard  dans  le  royaume.  On  peut  voir  à  l'article 
Alvarez  le  détail  des  souffrances  et  du  mar- 
tyre de  nos  quatre  saints  missionnaires,  ils 
furent  décapités  le  12  juin  1737.  La  tête  du 
P.  D'Abi'eu,  à  demi  tranchée,  resta  pendante 
sur  sa  poitrine  jusqu'à  ce  que  le  bourreau 
l'eAt  détachée  tout  à  fait.  Le  catéchiste  Vin- 
cent, cjui  avait  été  pris  avec  eux,  était  mort 
en  prison  le  30  juin  1736.  L'autre  catéchiste 
nommé  Mar-cfut  exilé. 

ABKOSIME  (saintj,  prêtre  et  martyr,  mou- 
rut en  Perse  pour  le  chinstianisrae  en  l'an 
341  de  notre  ère,  sous  le  règne  de  Sapor, 
qui  persécutait  violemment  l'Eglise.  Ses 
actes  lui  étant  communs  avec  saint  Milles, 
évêque,  nous  renvoyons  le  lecteur  à  ce  titre. 
Les  noms  de  ces  saints  sont  au  Martyrologe 
romain  le  10  novembre. 

ABKSAN,  prince  arniiénien,  de  la  famille 
Arzerounik,  fut  l'un  de  ceux  qui  soulVriient 
volontairement  la  captivité  pour  Jésus-Christ 
sous  le  règne  d'Hazguei'd,  deuxième  du  nom, 
roi  de  Per-se,  et  qui  ne  furent  remis  en  liberté 
et  renvoyés  dans  leur  pays  que  huit  ans  aj/iès 
la  mort  de  ce  prince,  sous  le  règne  de  s.  n  fils 
Bérose.  (Pour  plus  de  détails,  y 0)Qz: Princes 
arméniens.) 

ABSALON  (saint),  martyr,  mourut  en  Cap- 
padocepourla  foi  chrétienne,  avec  saint  Lu- 
cius,  évoque,  et  saint  Lorge.  L'Eglise  honore 
sa'mémoirele2mars.  (Pas dedétails  certains). 

ABUDÈME  (saint),  martyr,  habitait  l'île  de 
Ténédos  du  temps  de  l'atroce  persécution  de 


55 


ABY 


remperenr  Diocldtien.  Il  y  versa  son  sang 
pwurJ 'sus-Christ.  Alalheureuseraenl  les  dé- 
tails nous  manquent  à  son  sujet.  Sa  fête  a 
lieu  le  15  juillet. 

ABYSSINIE,  grande  contrée  de  l'Afrique 
orio'Uale,  ancienne  Lydie.  Les  Abyssins  ou 
Ai>yssiniens  s'eaiparèient  de  celte  conliée 
vers  la  tii  du  rèj^'ie  de  Constantin  le  Grand. 
Il  est  constant  qu'à  réj)oque  où  les  Abyssins 
embrassèrent  le  christianisme,  ils  faisaient 
profession  du  judaïsme  :  depuis  le  règne  du 
iils  de  Salomon  jusqu'à  leur  conversion, 
leur  histoire  n'otlVe  rien  de  certain  ;  elle 
n\i;)prend  pas  même  quand  une  partie  des 
Homérites  jointe  à  d'autres  Arabes,  passa  la 
m.T,  conquit  la  province  de  Tigré  sur  les 
Ethiopiens,  et  fonda  le  ro>aume  d'Axuma. 
Ce  royaume  était  gouverné  par  deux  frères, 
Abraham  et  Atzhée,  quand  Frumence,  (ils 
d'un  marchand  alexandrin  et  captif,  leur  an- 
nonça TEvangile  ;  les  deux  rois  dont  l'histoire 
et  les  hymnes  qu'on  chante  encore  font  l'é- 
loge, renoncèrent  au  judaïsme.  Saint  Alha- 
nase  ordonna  Frumence  premier  évêque  de 
cette  nation,  qui  depuis  n'a  jamais  eu  qu'un 
seul  évoque  pour  tout  le  pays,  et  a  regardé 
l'Eglise  d'Alexandrie  comme  sa  métropole  ; 
ce  pays  ne  lui  a  et'-  que  trop  soumis, 
puisqu'il  a  reçu  d'elle  les  erreurs  de  Dios- 
corii  et  s'est  sé()aré  comme  elle  de  l'Eglise 
catholique. 

On  n'a  que  des  conjectures  sur  le  temps 
où  l'Ethiopie  fut  engagée  dans  les  erreurs 
des  Jacobites.  La  Nubie,  voisine  de  l'Egypte, 
ne  fut  pervertie  que  vers  le  milieu  du  viir 
siècle.  L'histoire  des  Jacobites  nous  fournit 
une  preuve  certaine  que  les  patriaiches  d'A- 
lexandrie, dès  lors  hérétiques,  ne  consa- 
craient point  l'évoque  d'Ethiopie  au  com- 
mencement de  ce  viir  siècle;  enfin,  on  ne 
voit  dons  cette  histoire  la  communication 
de  l'Egl'se  éthiopienne  avec  les  patriarches 
jacobites  qu'au  commencement  du  i\'  siècle; 
on  peut  donc  su});  oser  que  rEtliio[)iea  con- 
servé la  foi  jusqu'au  ix'  siècle:  elle  ne  la 
perdit  pos  sans  que  ce  changement  de  reli- 
gion excitAt  des  troubles.  L'évoque  jacobiie, 
envoyé  par  le  patriarche  d'Alexandrie  ,  Ja- 
cob, éj)rouva  de  la  résistance  dans  l'exécu- 
tion (le  son  projet  ;  il  fut  chnssé  après  quel- 
ques ani  ées,  mais  le  parti  hérétique  {jréve.lut 
enfin.  L'abouna  (Père,  c'est  le  nom  qu'un 
donne  à  l'évèque  d'ICthiopiej  jacobite  fut  rap- 
pelé ;  l'Eglise  éthiopienne  ne  pouvait  alors 
tirer  aucun  secours  de  l'Eglise  grecque,  in- 
fectée et  persécutée  pai-  les  iconoclastes. 

Un(3  nouvelle  A  thnlie  voulut,  veisl'an  î!60, 
détruire;  l.i  f<Uiiille  de  Salornon  ;  elle  réussit 
en  partie,  usiu'pa  la  couronne  et  la  laissa  à 
un  (ils  né  de  s^n  mariage  avec  un  seigneur 
éthiopien  :  cette  nf)uvelle  race  royale  a  donné 
de  grands  rois  à  ri-Uhiopie  ;  elle  litiit  vers 
l'an  13;)().  Ikun-Amlac,  des<'endant  du  seul 
priti((!  de  la  niarson  de  Salomon,  échappé  à 
bfureurde  l'usurpatrice,  recouvra  leroyamiie 
(bi  S(.'S  pères  ;  un  de  ses  succ(;sseurs,  nonnriô 
Constantin,  envoya  des  députés  au  concile 
de  Florence.  David,  son  arrière-petil-(ils , 
Agé  de  12 ans  ut  sous  la  tutelle  de  sa  giand'- 


ABY  5(> 

mère  Hélène,  demanda  à  Emmanuel,  foi  de 
Portugal,  du  secours  contre  ses  ennemis,  et 
des  prédicateurs  qui  l'instruisissent  de  la  foi 
catholique.  Après  la  mort  de  cette  sage  ré- 
gente, David  se  plongea  dans  l'oisivtté  et 
dans  le  libertinage  :  Hamet  (lanhé,  visir  du 
roi  d'Adel,  mahométan,  le  chassa  de  pres- 
que tous  ses  Etats.  Dans  cette  triste  situa- 
tion il  eut  recours  h  Jean  JIl,  roi  de  Portu- 
gal, comme  il  avait  eu  recours  à  Enunanuel  ; 
il  mourut  avant  que  d'avoir  obtenu  ce 
qu'il  souhaitait.  Claude,  son  fils  et  son  suc- 
cesseui',  fut  plus  heureux  ;  le  roi  de  Portu- 
gal lui  envoya  des  troui)es  qui  lui  furent 
très-utiles  ;  ce  religieux  j)rince  joignit  à  ces 
troupes  un  patriarche,  des  évoques  et  des 
missionnaires  orthodoxes.  Saint  Ignace,  fon- 
dateur de  la  compagnie  de  Jésus,  que  le  pape 
Jules  m  chargea  de  cette  entreprise  aposto- 
lique, choisit  Jean  IVugnez  pour  patiiarctie,et 
pour  sulfiagants et  coadjute  ^rs  du  j)atiiarche, 
AiidréOviédo  et  Melchior  Carneio  :  le  {)atriar- 
che  partit  de  Lisbonne  l'an  1550. 

Cependant  Claude  avait  succédé  à  David 
son  père,  sous  le  nom  d'Atznaf.  Le  roi  de 
Portugal  n'avait  pas  voulu  exposer  le  patriar- 
che à  l'inconstance  du  prince  abyssin  :  il 
avait  ordonné  que  Nugnez  attendit  à  Goa  le 
retour  de  J:icques  Dias,  son  an.bassadeur 
vers  l'emjiereur  d'Ethiopie.  Gonsalve  Rodri- 
guez,  jésuite,  accomp;igr)ait  l'ambassadeur  ; 
ils  trouvèrent  le  nouvel  empereur  dais  des 
sentiments  fort  contraires  à  ceux  que  David 
avait  fait  paraît:  e.  Clau.ie  avait  de  granues 
qualités,  de  l'esiTit  et  plus  d'étuiie  qu'un 
p]ince  n'en  a  d'ordinaire;  il  faisait  le  théo- 
logien, et  il  pouvait  lefaiie,  car  les  mission- 
naires avouèrent  qu'il  en  savait  plus  que  ses 
doiteurs,  et  que  dans  les  disputes,  qu'il  ai- 
mait, il  donnait  à  ses  erreurs  un  toui  fort 
subtil  et  fort  imposant.  Il  publia  une  confes- 
si(  n  def'j  })Oui- juvtifier  sou  Eglise  .suspec- 
tée de  judaïsme;  il  avait  l'Auje  grande.  Avec 
le  se.ours  de  quatre  cents  Portugais,  il  re- 
con(p,iit  ses  Etats  ;  mais  après  dix-huit  ans 
et  (pu,'l(]ues  mois  de  guérie  contre  les  ma- 
hornétans  d'Adel,  aband  nné  de  ses  troupes 
dans  une  b  daille,  il  tint  ferme  avec  dix-liut 
Portugais  et  mourut  glorieusement  comme 
eux. 

André  Oviédo  était  <:rrivé  en  Ethiopie  dès 
l'an  1557,  (  l  quoi'.jue  l'empereur  lui  eût  dé- 
fendu de  f)arler  d  religion  à  ses  sujets,  il 
en  avait  converti  un  petit  nombre.  Adai»as 
Srghcd,  frère  et  successeur  de  Cla;iii(î,  |)rince 
féroce,  exila  Oviédo  (  t  ses  compngnons  sur 
une  haute  montagne  froide  et  stérile;  ils  y 
[lassèrent  huit  mois  exposés  aux  injures  de 
l'air,  a»ix  bêles  féroces  et  à  un  peuple  [ilus  fé'- 
roce  encor(!.  Privés  de  la  consola, ion  de 
pouvoir  dire  la  messe,  on  leur  avait  ùlé  jus- 
qu'à leur  calice;  on  peiséc  ta  encore  plus 
ciuellement  hs  nouveaux  lidèhs,  plusieurs 
obtinrent  la  couronne  du  martyre.  Une  prin- 
cesse du  s;uig  royal,  (pm  la  curiosité,  ou  plu- 
tôt la  [)rovidence  avait  conduite  à  la  caverne 
qui  .servait  de  retraite  «u\  jé.suite.s  exilés,  et 
(pi'tdle  vit  enviionm-e  d'une  lumière  mira- 
culeuse, oblijit  d'Adaiiia.s  le  rappel  des  saints 


37 


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ABY 


58 


nii^sîonnniros.  T/h'^ntonx  succès  dnzèlo  d'O- 
vii'tlo  a-^iiva  hietilAl  la  raiO  du  <  cr-éciitcnr; 
poil  s"(ii  f;ilhit  fjiril  ne  tiiAt  dosa  \)foy\'o 
niaui  le  sailli  tWtV|iio;  il  le  ha-Miit' avec  tous 
1  s  Porlug  is  diiiit  il  r'ctihl  les  f  mviios  (  l  les 
eiHia "fs  (Mus  INsolav.-^^c.  Srt  e(uaul(''nL'  so 
bfiruàit  prt's  aux  ratli(tli(jnes  ;  sît;  sujf>ts  nial- 
tràilis  élcvèivnt  sur  lo  Irùne  Tazcar,  lils  na- 
tur(  I  de  Jarob  son  frèro.  Adanias,  pri  ssr  par 
les  ri'bellcs,  fit  revenir  d^ns  son  camp  I(>s 
Poruigaiset  les  jésuites;  d'abord  il  fui  vaincu: 
dans  une  ^ecoiidi^  b.iladle  il  vai  Mpiit  l'usur- 
pateur (  t  lui  Ôla  la  vie.  11  ne  fut  pas  si  heu- 
reux ronire  un  graud  capitai'n',  (''lliiO|)ien, 
Isaae  Rarna;i;as,  lequel,  uiéeontent  d'Atîainas, 
introduisit  les  Turcs  dans  l'Ethiopie  et  ré- 
duisit (;e  prince  à  de  gramies  extrémités. 
Adi'inas  mourut  dans  ce  triste  et  il  l'an  15()3. 

Les  grands  d'Klhiopie  se  partagèrent  entre 
l)lusieurs  prétendants  à  renii)irc  et  ce  n»-  fut 
qu'après  dix-sept  ans  que  Mclec-Segned,  (ils 
d'Ad.im<is,  posséda  tranquillement  la  cou- 
ronne: qu(ii(jue  attaché  aux  erreurs  de  sa 
sei  te,  \\  laissa  les  e-itholiques  ei  f)aix  ;  il  ai- 
ma t  là  vertu.  Un  historien  hérétique  nous 
a[)prtnd  que  lii  nocencc  des  mœurs  et  Ja vie 
sainledes  jésuites  lui  inspiraient  le  plus  tou- 
chant intérêt,  (]uelque  éloigné  qu'il  fût  de 
leur  doctrine.  Il  n'eut  point  de  tils  légitime, 
mai<  il  en  eut  deux  naturels.  Quoi(iue  son 
iiiciination  le  poi  tAt  à  mettre  sur  le  trône 
Jacob,  le  plus  jeune  de  ses  (ils,  la  justice 
l'eiUi  orta,  et  se  voyant  près  de  mourir,  il  dé- 
clara Zadengiiel,  son  neveu,  son  légitime  suc- 
cesseur. L(  s  grands,  qui  voulaient  profiter 
d'u  e  minorité,  n'eue^t  aucun  ég-irdà  la  der- 
nière volont  de  l'empereur,  et  ils  préférèrent 
Jacol>,qui  n'avait  que  7ans,àZadenghel.Leur 
am»)ition  fui  trompée  :  Jacob,  ïOrli  de  l'en- 
fance, voulut  être  le  maître.  Les  deux  prin- 
cipaux seigneurs  qui  l'aviient  mis  sur  le 
trône,  ramenés  à  leur  devoir  par  l'Higrati- 
tude  de  celui  auquel  ils  l'avaient  sacriiié, 
tirèrent  de  prison  Zatlenghel,  leur  roi  légi- 
time, et  le  couronnèrei.l.  Il  i)ril  le  nom  d'Atz- 
naf-Segued  11.  Jacoij,  fuyant  avec  huit  gar.jes 
qui  seuls  n'avaient  point  changé  comuie  sa 
fortune,  fut  arrêté  et  livré  à  l'empereur  qui, 
sans  écouter  des  déiiances  assez  bien  lon- 
dées  et  une  [lolitique  cruelle,  pardonna  à 
l'usurpateur  et  se  contenta  de  le  bannir. 
Tous  les  partisans  de  l'u.surpateur  éprouvè- 
rent la  clémence  de  leur  monarque  légitime; 
i!  ne  se  vengea  d'eux  (ju'en  leur  monlrout 
par  sa  conduite  combien  il  était  digne  de 
lempire. 

Oviédo,  devenu  patriarche  par  la  mort  de 
Nugnez,  mo  rut  à  Fromen.-i,  l'an  1.577,  au 
mois  de  septeuibi  e.  Son  extrême  pauvreté, 
jointe  aux  pers.  cuLons  qu'il  soulIVait  ;iYec 
une  iiatience  inVinciLb-,  sa  char. té,  les  fré- 
quents miiacies  que  Dieu  opérait  fnr  son 
serviteur,  le  faisaient  .CLhercher  également 
des  catholiques  et  dcs  schismat.ques.  Après 
sa  mort,  tous  honorèrent  son  sépulcre:  les 
guérisons  des  malades  et  les  conversions 
qui  se  firent  k  son  tombeau  le  faisaient  re- 
giarder  comme  uû  homme  miraculeux,  qui 
exei'(;.ait  encore  après  sa  vie  son  apostolat. 


r.es  cinq  (compagnons  d'Oviédo  continuèrent 
de  irava  lier  h  la  conversion  de  l'i'ithiopie  : 
Fr.ii  (;o  s  Lopez  mourut  h'  dérider,  l'an  151)7. 
1  eur  mémoire  l'ut  longtemps  vénérab'e  aux 
schismaliipies,  dont  quel(]ues-iuis  rendaient 
un  téuioignage  rréciisalde  de  leur  siinteté 
d.:ns  les  informations  juriijiques  qm;  larche- 
v(\pie  de  Tioa  en  (it  faire;  par  Michel  de  Silva, 
son  grand  vicaire. 

Le  P.  Pierre  Paès,  castillan,  choisi  parsog 
sup'i'ieurs  pour  la  mission  d'Ethiofiie  ,  avait, 
dès  raniiée  1580,  tenté  ce  vovage.  Dieu,  (]ui 
voulut  lui  faire  acheter,  par  die  cruelles  souf- 
frances, les  succès  qui  lui  étaient  réservés, 
l'éprouva  par  les  plus  tristes  avinitures,  par 
de  dures  prisons,  par  rdlîreux  travail  des  ga- 
lères au\(iuelles  les  Turcs  le  condamner  ni. 
Kntin,  l'an  1003,  il  pénétra  jusque  dans  l'E- 
thopie  et  fut  favorablement  reçu  par  l'eni- 
jiereur  Jacob.  Apres  la  révolution  qui  réta- 
blit le  piiiice  légitime,  Paès  trouva  encore 
plus  défaveurs  auprès  de  ce  prince.  Atznaf- 
Seghe.l  avait  autant  d'esprit  que  de  cou- 
rage ;  droit  et  sine  ère,  il  aima  et  embrassa 
la  vérité  siiôt  qu'il  l'aperçut:  «  Je  no  puis, 
disait-il ,  ne  pas  reconnaître  pour  chef  de 
l'Eglise  le  successeur  de  Pierre,  a  .quel  Jé- 
sus-Christ a  donné  le  soin  de  paître  les  bre- 
bis et  les  agneaux  et  sur  lequel  il  a  fondé 
son  Eglise.  Je  crois  que  lui  refuser  l'obéis- 
sance ,  c'est  la  refuser  h  Jésus-Christ.  »  Il 
abjura  ses  erreurs,  et  après  avoir  caciié  sa 
conversion  pendant  quelque  temps,  il  se 
déclara  ouvertem  nt  catholique  et  il  (écrivit, 
l'an  lëO'j,  au  roi  d'£s|  agne,  Philippe  111,  pour 
demander  un  patriarche,  tles  évoques  et  des 
missionnaires. 

La  faveur  extraordinaire  de  Lύa-iMariam 
avait  iriité  les  grands;  ils  cherchaient  un 
jnétexte  pour  le  perdre.  Les  écrits  du  prince 
en  faveur  de  la  lel  gion  romaine  leur  en  of- 
frirent un  qu  ils  ne  négligèrent  pas.  Zaslacé, 
homme  d'une  naissance  obscure,  mais  que 
son  mérite  militaire  égalait  aux  premiers 
do  la  cour,  donna  le  signal  de  la  révol  e  ;  il 
fut  ingrat  et  perlide  envers  son  souverain  qui 
l'avait  rap,  elé  de  l'exil  aujuel  l'usurpateur 
Jaiob  l'avait  condamné.  L'empereur  suivit 
le  rebelle  po;jr  le  combatlre  ;  mais  dans  la 
mar.he  il  fut  abandonné  de  Ras-Athanase. 
L'abouna  ou  l'évêque  hérétique  Pier.c,  était 
parmi  les  révoltés  ;  par  un  attentat  i;n>ui  en 
Eihiopio,  il  osa  absoudre  les  Ab^  ssnis  du 
serment  prêté  à  l'empereur.  On  coml)altit,  et 
l'empereur,  trahi  par  ses  propres  troupes, 
mo.iiut  en  combattant.  L(eça-iMariam  j-.sti- 
ha  l'amitié  que  son  prince  avait  pour  lui  et 
fut  tué  en  le  couvrant  de  son  corpis. 

Susneios,  arrière-petit-Iils  de  l'empereur 
David  et  héiitier  légiîiine  de  l'empire,  après 
Aîznaf-Seghed,  s'était  retiré  parmi  les  Galles 
pour  éviter  la  cruauté  de  l'usurpateur  Ja- 
cob. 11  saisit  l'occasion  de  monter  sur  le 
trône,  et  il  envoya  un  de  ses  amis  pour 
traiter  avec  le  fameux  Ras-Athanase,  qui 
avait  déjà  disposé  deux  fois  de  la  couronne  ; 
mais  pour  assurer  l'eilet  de  la  négociation, 
il  suivit  lui-même,  avec  ses  t'coiipes,-  M  dé- 
puté qu'il   envoyait.  Athanase   délibérait, 


59 


ABT 


AB-Ï 


40 


quand  raiTiy(''e  de  Susneios  le  contraignit  ^ 
se  détcrininor.  Susneios  fut  recoanu  souve- 
rain par  toute  l'armée  d'Athanase  ;  il  s'atta- 
cha h  rétablir  la  justice  et  h  remédier  aux 
mau\  que  les  guerres  civiles  avaient  causés. 
La  religion  eut  sa  première  attention.  11  fit 
venir  h  la  cour  le  P.  Pierre  Paès,  jésuite, 
qui  avait  converti  son  prédécesseur  Atznaf- 
Seghed.  Le  P.  Paès  gagna  la  confiance  de 
Susneios  aussi  promptement  qu'il  avait  ga- 
gné le  cœur  d'Atznaf;  ce  digne  missionnaire, 
selon  le  témoignage  des  hérétiques  mêmes, 
joignait  à  une  vertu  héroïque,  à  un  esprit 
universel,  une  prudence  rare  et  une  poli- 
tesse perfectionnée  par  la  vraie  charité  ;  il 
ouvrit  les  yeux,  du  prince  aux  lumières  de 
la  foi.  Susneios,  sans  être  effrayé  par  les  dis- 
grâces d'Atznaf,  pensa  sérieusement  à  rendre 
l'Ethiopie  catholique  ;  les  moines  abyssins 
et  ïabouna  ou  métropolitain,  hérétiques, 
furent  confondus  dans  plusieurs  conféren- 
ces ;  Uas-Zela-Christ,  frère  utérin  de  l'empe- 
reur, beaucoup  de  grands  et  plusieurs  olli- 
jiers  distingués,  renoncèrent  au  schisme. 
L'empereur  crut  ne  devoir  plus  ditférer  à 
ordonner  que  tous  ses  sujets  reçussent  le 
concile  de  Calcédoine.  L'abouna  Siméon,  à 
la  tête  des  moines,  employa  d'abord  les 
sollicitations  les  plus  fortes  et  finit  par  ex- 
communier tous  ceux  qui  abandonneraient 
l'ancienne  religion  ;  on  fit  peu  d'attention  à 
des  excommunications  si  téméraires.  La  ré- 
volte d'Emana  Chrislo,  frère  utérin  de  l'em- 
pereur et  d'OElnis,  gendre  de  l'empereur, 
donna  plus  d'inquiéiude  ;  elle  fut  bientôt 
apaisée  par  la  mort  d'OElnis  et  de  l'abouna 
Siméon;  d'autres  rebelles,  qui  s'élevèrent 
l'un  après  l'autre,  eurent  le  même  sort.  L'em- 
pereur prolila  de  tant  de  succès;  il  déclai-a  à 
ses  peuples  sa  conversion  par  une  espèce 
de  manifeste,  où  il  faisait  d'atlreux  portraits 
des  patriarches  d'Alexandrie  et  des  mélro- 
p  plitains  d'Ethiopie.  Les  moines  schismati- 
ques,  que  les  jésuites  avaient  tant  de  fois 
réduits  au  silence,  eurent  recours  aux  ca- 
lomnies ;  ils  en  répandirent  de  bien  ridicu- 
les pour  rendre  les  Pères  odieux. 

La  missioi  d'Elhio[)ie  lit,  l'an  1022,  au 
mois  de  mai,  une  grande  perte  ;  le  P.  Pierre 
Paès,  apfjclé  par  l'empereur  (on  nomme  vul- 
gairement l'empereur,  Néjous),  pour  enten- 
dre sa  confession  généiale,  moui'ut  d'une 
maladie  contractée  par  la  fntigue  du  voyage 
et  d'un  jeûne  rigoureux  qu'i^  n'avait  point 
voulu  interromure  ;  son  corps  usé  parles 
travaux  apostoliques  n'y  put  résister.  La 
cour  le  regretta,  mais  remf)ereur  en  fut  in- 
consolable ;  il  vint  dans  l'église  des  Jésuites 
se  jeter  sur  le  tomb;îau  du  Père  et  l'arrosa 
de  ses  larmes  :  «  Ne  me  parlez  |)oint  de  mo- 
dérer ma  douleur,  s'écriait-il  ;  j'ai  perdu 
1 

sr)leil  qi 

pie  était  couverte,  s'est 'donc  éclipsé;  nous 
n'aurons  plus  devait  les  yeux  ce  niO(lèle(le 
pénitence,  de  dévotion,  d'humilité.  »  C'est 
ainsi  que  son  allliction  s'exprimait.  Quatre 
ans  après  la  mort  du  P.  Paès,  M(!lcc- 
Seguea,  Négous,  avait  écrit   au  roi  d'IN- 


'ami  le  plus  lidèle,  j'ai   perdu   mon  père  ;  le 
ioleil  qui  a  dissipé  les  ténèbres  dont  l'Eihio- 


pagne   et  au    pape  pour  demander  un  pa- 
triarche  et   des  missionnaires.  (1^1.   édif., 
t.  VI,  p.  OV.)  Alphonse  Mendez,  jésuite  do 
Portugal,  fut  sacré  en  qualité  de  patuiarche, 
le  25  mai  162.V.  On  lui  nomma  deux  coadju- 
tenrs  ;  Jacques  Sicco  fut  le  premier,  avec  le 
titre  d'évêque  de  Nicée  :  il   eut  le  droit  de 
succession  immédiate.    11   avait   longtemps 
professé   la   théologie  à  Coïmbre,  puis  au 
collège  Romain.  Le  second  qui  fut  nommé 
fut  Jean  de  la  Rocca,  qui  ne  put  pas  dépasser 
Go'i,  ol'i  il    fut  contraint  de  rester;   il  avait 
le    titie  d'évêque  d'Hiérapolis.  Le  premier 
coadjuteiir,  Jacques  Sicco,  ne    parvint  f;as 
non  plus  en  Abyssinie  ;  il  mourut  durant  la 
traversée.    On   nomma   pour  les  remjilacer 
le  P.  Apollinaire  Almeida  de  Lisbonne.  Aus- 
sitôt que  Melec-Segued  (  t   son  frère  le  Ras- 
Sela-Christos  furent  informés  de  la  promo- 
tion de  Mendez,  ils  lui  écrivirent  pour  hAter 
son   arrivée,  et  pour  qu'il  araeiiAt  avec  lui 
d'autres  missionnaires.  Le  Négous,  en  dic- 
tant sa  lettre,  dit  qu'on  pouvait  e  itrer  dans 
son    royaume  par  Dankali  ;  mais   le  secré- 
taire, au  lieu  de  ce  mot,  écrivit  Zeila.  Cette 
erreur  fut  fatale  aux  PP.  Fr.inçois  Machado 
et   Bernard  Pereiia,  auxquels  elle  coûta  la 
vie.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  d  n"!ger  pour  péné- 
trer en  Abyssinie  était  grand,  (^t  quelle  qrte 
fût  la  route  qu'on  suivi  ,  elle  exposait  à  une 
multitu  le  de  dangers.   La  voie  de  mer  n'é- 
tait pas  plus  sûre  que  cel  e  de  terre.  .Mendez 
sé[)ara  sa  troupe  en  deux   bandes  ;  quatre 
de  ses   religi.'ux  allèrent    par  mer,  quatre 
par  terre.  Ceux  qui  s'embarquèient   furent 
plus  heureux  que  les  autres.  Le  bâcha,  de 
M:.ssaouah    ne  voulut   pourtant  les  laisser 
passer  qu'a[)rè3  que   le  Négous  lui   eut  en- 
voyé un  zeura  ou  âne  sauvage,  espèce  d'a- 
nimal qu'on  estime  beaucoup  dans  ces  con- 
trées,  et  dont  l'Abyssmie  fournit   les   [dus 
b  aux.   Ceux  qui  voyageaient   par  terre  ne 
savaient    pas  même   les  noms  des    p  uples 
au  milieu  desquels  ils  devaient  passer;  ils 
se  séparèrent  ;  deux  i)ritent   le  chemin   de 
Zeila.  les  deux  autres  celui  de  MeJinde.  Le 
roi  de  Zeila  se  saisit  des  PP.  Machado  et  Pe- 
reira,  et  les  lit  enfermer  dans  un  cachot  ;  ils 
y  demeurèrent  fort   longtemps.  Vainement 
le  N.'gous  insi^^ta  poni-  les  ravoir,  et  lit  tou- 
tes les  ollVes  imaginables  pour  leur  rançon  ; 
le  roi  barbare  leur  til  trancher  la  tête.  Les 
deux  autres,  a|)rès  une  marche  de  plusieurs 
mois,reviui'ent  sur  leurs  fias,  et  h  Baçaïm  re- 
joignirent le  patriarche,  avec  lc<iuel  ils  dé- 
barquèrent Ji  Raylour  dans  le  D.mkali.   Six 
semaines   durant,  ils  voyagèrent  dans   des 
déserts  brûlants  poin"  ariiver,    le    17  ju  n 
1G25,  aux  montagnes  dci  Duan,  oiî  ils  trou- 
vèrent le  P.  Emmanuel  Haradas.u'i  nev(  u  du 
Négous,  et  |)lusieurs  seigi.eurs  d'Abyssinie, 
(pu  les  y  attendaient  depuis  longtemiis  (léjh. 
Us  gagnèrent  Frémone  h;  21  du  mèmemos; 
ne  jiouvant  pas  tout  de  suite  voir  lo  Négous 
(pii  était  fort  loin  de-  là    occupé  h    faire   la 
guerre,    ils  s'occupèrent  h   évangéliser  les 
(mvirons  de  Frémone.  Us  y  eurent  des  suc- 
cès (pii  dépassaient  toute  espérance.  Les  pi'ê- 
ires  et  les  jnoiuos  schismatiques  firent  tout 


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M 


ce  qu'ils  piiront  pour  nuire  aux  sucrés  dns 
missionnairivs.  Ils  lt>s  accusaient  d'ôtro  les 
ennemis  de  Dieu,  cl  (l'attirer  h  leur  suite 
toutes  sortes  de  inakHlictions,  C'étaient  eux 
disaient-ils,  qui  faisaient  tomber  sur  l'Abys- 
«inie  les  nuées  de  sauterelles  ([ui  désolaient 
les  campagnes.  Mais  bientôt  le  peuple  vit 
que  les  missionnaires  passaient  sans  que  les 
fléaux  annoncés  vinssent  après  eux  ;  il  cessa 
de  croire  à  des  calomnies  qui  d'abord  l'a- 
vaient trouvé  crédule.  Peu  de  temps  après 
le  Négous  revint  de  la  guerre,  il  lit  au  pa- 
triarche et  à  ses  missionnaires  une  réception 
magnifique.  L'année  d'après,  dans  une  as- 
semblée solennelle,  on  proclame  l'union  de 
l'Abyssinie  avec  Uome,  et  on  reconnaît  la 
suprématie  du  souverain  pontife.  Le  bruit 
de  ces  événements  produisit  en  Europe  un 
effet  vraiment  merveilleux.  On  se  racontait 
les  prodiges  que  Dieu  accomplissait  dans  ce 
bienheureux  pays,  et  les  jésuites  brûlaient  du 
désir  d'y  rejoindre  leurs  confrères.  Plusieurs 
partent  d'Italie,  cinq  viennent  de  Lisbonne. 
Bientôt  les  conversions  devinrent  excessi- 
vement nombreuses  ;  ces  adhésions  à  la  foi 
catholique  se  comptaient  par  milliers  dans 
chaque  partie  de  ce  vaste  territoire  ;  mais 
Dieu  voulait  qu'il  fût  arrosé  du  sang  des 
martyrs.  Dans  le  Tigré,  deux  prêtres  furent 
•assommés  par  l'ordre  du  chef  d'un  village. 
Le  Négous  avait  porté  une  loi  qui  défendait 
de  suivre  une  autre  religion  que  la  religion 
catholique.  Ici  nous  ne  saurions  être  de  l'a- 
vis de  ceux  qui  approuvent  une  telle  con- 
duite de  la  part  d'un  souverain.  Trouver  bon 
qu'un  prince  force  aujourd'hui  ses  sujets  à 
se  faire  catholiques ,  c'est  s'enlever  le  droit 
d€  trouver  mauvais  que  demain  il  les  en 
«mpêche.  Nous  n'aimons  pas  mieux  le  sabre 
mis  au  service  de  la  propagande  catholique 
qu'au  service  de  la  propagande  mahométane. 
Le  Négous,  en  violentant  les  consciences,  fit 
un  tort  immense  à  la  religion  dans  ses  Etats  ; 
il  en  prépara  la  ruine.  Les  missionnaires,  qui 
rapportent  les  événements  que  nous  venons 
de  raconter,  trouvent  la  conduite  du  Négous 
digne  d'éloges.  Nous  serions  tenté  d'en  être 
peiné  pour  eux.  Soixante  moines  d'un  mo- 
nastère aimèrent  mieux  se  précipiter  du 
haut  d'un  rocher  que  d'obéir  aux  ordres  de 
leur  souverain.  Evidemment  c'étaient  là  des 
martyrs.  Hérétiques  ,  dira-t-on.  En  fait  oui , 
en  intention  non.  En  suivant  la  religion  de- 
puis si  longtemps  suivie  en  Abyssinie,  pays 
isolé  du  reste  de  la  chrétienté,  ces  hommes 
pensaient  avoir  gardé  pure  la  foi  qu'ils 
avaient  puisée  aux  sources  de  la  primitive 
Eglise.  Ils  mouraient  pour  leur  conviction. 
Nous  estimons  qu'il  eût  mieux  valu  les  con- 
vertir que  les  précipiter;  et  nous  trouvons 
étonnant  que  les  jésuites ,  qui  avaient  tant 
d'influence  sur  l'esprit  du  Négous,  n'aient  pas 
empêché  les  atrocités  que  commettait  ce  tyran 
en  opposition  formelle  avec  l'esprit  évangé- 
lique.  Mais  on  ne  se  borna  pas  là.  On  fit  la 
guerre  aux  hérétiques,  qu'on  traita  de  re- 
belles. Six  cents  religieux  ou  religieuses 
s'avancèrent  à  la  tête  de  leurs  troupes,  por- 
tant sur  leurs  têtes  des  pierres  d'autel,  et  af- 
DiCTioNN.  DES  Persécutions.  L 


firmant  au  peuple  qu'à  la  seule  vue  de  ces 
pierres  les  catholujues  s'oiiruiraiont  sans 
combattre.  L(;  narraKîur  dit  que,  comme  ils 
furcMit  tiiés  les  premiers,  leur  moit  ne  con- 
ti'ibua  [)as  peu  à  (iétrom|)er  ces  hommes  sim- 
ples et  ignorants.  C'est  la  seule  réflexion  qu'il 
lasse  sur  cet  événement.  Quant  à  nous,  nous 
trouvons  admirable  la  foi  de  ces  moines  et  do 
ces  religieuses,  qui,  croyant  combattre  pour 
la  bonne  cause,  attendaient  avec  toute  la 
ferveur  de  la  piété  la  plus  sincère  que  Dieu 
fît  des  miracles  en  leur  faveur.  Mais  c'étaient 
des  rebelles ,  dira-t-on.  N'arrangeons  pas 
l'histoire  pour  le  besoin  d'une  cause,  et  sou- 
venons-nous que  nous  ne  sommes  pas  si  sé- 
vères dans  certaines  circonstances.  Nous  di- 
sons :  Les  martyrs  d'Arménie  ;  nous  disons  : 
les  martyrs  de  la  Vendée. 

La  vraie  cause  de  la  ruine  de  la  religion 
en  Abyssinie,  ce  fut  cette  conduite  odieuse 
du  gouvernement,  cette  tyrannie  du  Négous. 
En  comprimant  violemment  les  consciences, 
il  prépara  l'explosion.  S'il  eût  laissé  la  li- 
berté, il  n'eût  pas  fait  d'hypocrites  ni  de 
conspirateurs.  Les  hommes  qui  autour  de 
lui  n'avaient  pas  eu  le  courage  de  résister  à 
ses  ordres,  se  la.^sèrent  de  sa  tyrannie,  et  pro- 
fitèrent du  premier  prétexte  qu'on  leur  oflVit 
de  se  révolter.  Nous  estimons  être  bien  plus 
dans  le  vrai  que  ceux  qui  prétendent  que  ce 
furent  l'erreur ,  la  superstition  ,  la  disso- 
lution des  mœurs,  enracinées  depuis  si  long- 
temps, qui  étoufl'èrent  le  bon  grain.  Non;  ce 
grain  qu'on  avait  semé  poussait  en  Abyssi- 
nie avec  infiniment  de  vitalité.  Ce  qui  le  fit 
mourir,  c'est  qu'on  ne  sut  pas  le  cultiver. 
Une  femme  voluptueuse ,  disent  les  narra- 
teurs, causa  la  ruine  de  la  religion  en  Abys- 
sinie. Nous  ne  croyons  guère  qu'une  cause 
si  minime  puisse  en  général  produire  d'aussi 
grands  résultats.  Ce  ne  fut  point  pour  les 
désordres  d'une  femme  voluptueuse  que  les 
rebelles  prirent  parti.  Encore  une  fois  ils  sai- 
sirent un  prétexte  pour  secouer  une  odieuse 
tyrannie.  Técla  Georgis,  vice-roi  du  Tigré, 
avait  épousé  une  fille  du  Négous.  Cette  femma 
fut  mauvaise  épouse,  et  mérita  par  sa  con^ 
duite  dissolue  les  reproches  les  plus  sévères 
de  la  part  de  son  mari.  Elle  se  réfugia  près 
de  son  père,  qui  l'accueillit  dans  son  palais, 
et  la  mit  ainsi  à  l'abri  de  la  juste  colère  de 
son  époux.  Georgis  fit  entendre  des  plaintes 
parfaitement  fondées,  et  demanda  à  Melec- 
Segued  de  ne  pas  tolérer  les  désordres  de 
sa  fille  ;  de  permettre  qu'on  procédât  à  un 
jugement  qui  intervînt  pour  montrer  si  elle 
était  coupable  ou  innocente.  Le  souverain 
s'y  refusa.  Georgis  fut  pendant  quelque 
temps  dans  la  plus  noire  mélancolie,  dans  le 
plus  profond  chagrin.  Il  résolut  de  se  ven- 
ger. Pour  se  faire  chef  de  parti,  pour  com- 
battre son  souverain  en  se  mettant  à  la  tête 
d'une  partie  des  Abyssiniens,  vint-il  mon- 
trer au  peuple  ses  griefs  domestiques,  et  par- 
ler du  déni  de  justice  dont  il  était  l'objet? 
Aucunement.  Le  peuple  ne  prend  pas  parti 
pour  un  mari  trompé  et  malheureux.  S'il  le 
plaint,  c'est  déjà  beaucoup  11  ne  se  soulève 
pas  pour  de  semblables  causes.  Georgis  le 


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savait  bien.  H  apostasia  la  religion  catholi- 
que, qu'il  avait  embrassée,  et  se  mit  à  la  tûto 
de  tous  ceux  dont  les  lois  récemment  por- 
tées violentaient  la  conscience.  Alors  il  fut 
entendu.  Le  feu  do  la  révolte  s'étendit  de 
toutes  paris  ;  il  v  eut  uncmbrasementprosque 
générrd.  On  résolut  le  massacre  de  tous  les 
missionnaires.  Ils  furent  prévenus  à  temps, 
et  se  mirent  en  sûi-eté.  Georgis,  furieux  de 
voir  sa  ])roie  lui  échapper,  tourna  sa  rage 
contre  Jacques  son  confesseur,  qui  avait  été 
élevé  dans  un  séminaire  fondé  à  Frémonc. 
ïl  se  le  ht  amener  enehaînéau  milieu  de  son 
camp.  Lui-même  lui  porta  le  premier  coup. 
Aussitôt  les  conjurés  se  j)récipilent  et  le  per- 
cent de  leurs  épées.  Ceux  qui  ne  peuvent  pas 
contribuer  à  sa  mort  viennent  tremper  dans 
son  sang  la  pointe  do  leurs  glaives.  Sur  le 
premier  cadavre,  ils  jurent  tous  de  ne  pas 
déiioser  les  armes  avant  d'avoir  détruit  en 
ALfvssinie  la  foi  catholique,  et  exterminé  tous 
ceux  qui  viennent  l'y  prêcher.  Tout  ce  qu'on 
trouve  de  crucilix,  de  médailles,  de  reliques, 
devient  la  proie  du  feu.  Le  Négous  nomma 
Keba  Christos  vice-roi  du  ïigré,  et  envoya  sous 
ses  ordres  une  armée  considérable  combattre 
les  rebellcsqui  furent  entièrement'défails.  Té- 
cla  Georgis ,  trouvé  caché  dans  une  grotte,  fut 
amené  au  camp  dulNégous  et  condamné  à  être 
pendu.  Mais  tandis  que  de  ce  côté  les  armes  du 
souverain  étaient  victorieuses,  d'un  autre  elles 
recevaient  de  rudes  échecs.  Les  habitants  du 
Lasta,  très-indépendants  par  caractère,  ne  pu- 
rent supporter  les  violences  qu'on  commit  à 
leur  égard  pour  les  amener  h  la  foi  catholique. 
Le  Négous    avait  ordonné  de  les  convertir. 
Le  vice-roi  publia  un  édit  sévère  qui  exigeait 
qu'immédiaiemont  ttms   se    fissent  catholi- 
ques. Il  employa  contre  les  récalcitrants  des 
amendes  et  les  supplices.  Aussitôt  les  habi- 
tants du  Lasta  coururent  aux  armes,  et  à  plu- 
sieurs reprises  laiilèrent  en  pièces  les  trou- 
l)es  du  vice-roi.  Les  sch'smatiques  insistèrent 
alors   très-fortement   auprès   du   roi ,    pour 
qu'on  rétablit  l'ancienne  liturgie.  Mendez,(pii 
l'avait  supprimée,  la  rétablit   à  la  demande 
du  prince  ,  ajirès  en   avoir  corrigé  les  nom- 
breuses erreurs.  Sur  ces  entrefaites  arriva  le 
P.  Apoll.naire   Alm^ida,  évèque  m  partibus 
de  Nicée,  nommé  coadjuteur  de  Mendez,  et 
porteur  de  lettres  du  pape  pour  le  Négous, 
pour  Basilides  sm  lils  et  pour  Mendez.  De 
plus  un  bref  accordait  à  I  Abyssinie,   pour 
icn,  le  jubilé  publié  à  Rome  en  1623.  Ce 
jubilé  produisit  des    fruits  abondants.   De 
nombnîuses  conversions  s'opérèrent. 

De  nouveaux  trouilfs  ne  tardèrent  pas  à 
éclater.  B.isilides,  déjà  avancé  en  âge,  con- 
voitait la  conionne  rjue  la  longue  e.v  slence 
duN'gous  l'empôcbait  d'avoir  aussi  vite 
(pi'il  l'aurait  di'-siré.  H  blAmait  tout  ce  que 
faisait  Melec-Seguel,  désapprouvait  tous  ses 
actes,  et,  en  tout  ce;  rpji  dé|)endail  de  lui, don- 
nait des  ordres  contraires  aux  siens.  Ce  prince 
avait  embrassé  la  foi  calholiipie  par  coinpl  u- 
sance  jio'ir  son  [)èr(!  [dulol  (juc  par  convic- 
tion. Jicaucoup  d'Abyssins,  (pii  avaient  agi 
par  les  niéni(;s  motifs,  n'attendaient  qu'une 
occasion  favorable   pour   revenir  h  l'erreur 


et  se  rattacher  îi  l'église  schismatique  d'A- 
lexandrie. Serca  Christos,  vice-roi  du  Gojam, 
était  le  plus  ardent  de  tous  ces  mécontents. 
Il  parvint  à  faire  accepter  à  Basilides  le  titre 
de  chef  de  la  consjjiration  ;  mais  ayant  mis 
trop  de  précipitation  à  agir,  il  fut  découvert 
et  amené  devant  Melec-Segued,  auquel  il  dé- 
voila ses  desseins  et  ses  complices.  Le  vieux 
Négous,  déconcerté  de  voir  son  iils  dans  une 
conspiration  pareille,  et  eiïrayé  de  voir  les 
tendances  de  la  plus  grande  partie  de  ses  su- 
jets à  l'égard  des   questions  religieuses,  sen- 
tit, disent  les  narrateurs,  son  courage  faiblir.   • 
Il  publia  un  édit  qui  permettait  de  retenir 
tous  les  rttes  anciens.  Pour  nous,  nous  admet- 
trons volontiers  c^ue  son   courage  faiblit  en 
cette  circonstance  ;  mais  comme  il  l'avait  di- 
rigé jusque-là  dans  des  voies  de  violence  et 
d'oppression,  nous  ne   saurions  lui  faire  un 
crime  de  son  changement.  Il  fit  ce  qu'il  de- 
vait faire  en  proclamant  la  liberté  de  cons- 
cience. Il  ht  au  patriarche  la  promesse  d'en- 
lever des  anciens  rites  ce  qui  était  contraire 
à  la  foi  catholique.  Ce  prince   triompha  peu 
après   des   habitants  du   Lasta.  Après  une 
victoire  sanglante  qu'il  remporta,  quelques-  , 
uns  de  ses  oiiiciers  saisirent  le  moment  où 
il  visitait  le  champ  de  bataille  pour  lui  parler 
en  faveur  de  l'ancienne    religion  du  pays. 
«  Prince,  lui  disent-ils,  ceux  que  vous  voyez 
étendus  morts, quoique  rebelles, quoique  bien 
dignes  de  perdre  la  vie,  sont  néanmoins  vos 
sujets.  Dans  ces  monceaux  de  cadavres,  vous 
voyez  de  nombreux    serviteurs,    d'anciens 
amis,  des  parents.  Ce  carnage,  c'est  la  reli- 
gion nouvellement  introduite  qui  l'a  causé, 
et  elle  en  causera  de   plus   sanglants  et  de 
plus  affreux  encore,  si  vous  n'y  avisez.  Gar- 
dez-vous de  croire  que  la  guerre  soit  termi- 
née, ce  n'est  là  que  le   commencement  de 
I)lus    grands    désastres.   Partout  le   peuple 
Irémit  et  redemande  la  foi  d'Alexandrie,  qu'il 
avait  reçue  de  ses  ancêtres.  Vous  connaissez, 
prince,  l'audace  et  la  fureur  de  la  multitude; 
elle  ne  respecte  rien,  pas  même  les  rois,  sur- 
tout lorsqu'il  s'agit  de  religion.  Pour  nous, 
jamais  nous  ne  vous  abandoiinerons;  mais 
simlsconlre toutes  les  iirovinces,àquoi  abou- 
tiront nos  etibrts?  Déjà,  et  nous  ne  l'avons 
appris  iu'avec  la  plus  vive  douleur,  plusieurs 
d'tMitre  les  chefs  et  le  [)lus  grand  nombre  des 
soldats  ont  déserté  vos  di'apeaux  ;  les  autres 
suivi'ont  bientôt  leur  exemple,  si  vous  con- 
tinuez à  é>:outer  les  docteurs  étrangers.  Que 
la  foi  romaine  soit  plus  sainte,  nous  l'accor- 
derons, ciuoique  vous  n'ignoriez  ])as,  |)riuce, 
que    des    [)erso'.ines  très-habiles  le  mettent 
en  doute.  (Ju'unc  réforau.',  dans  les  mœurs 
soit   nécessaire,   nous  l'avouerons   encore  ; 
niais  il  faut  y  procéder  avec  douceur  et  at- 
tendre queles  esprits  spieiit  mieux  pré|>arés. 
Ne  pas  en  suspendre  maintenant  la  j)ouisuilc, 
c'est  courir  à  une  ruine   certai'ie,  c'est  vous 
perdre  et  perdre  l'einpirc!.  »  (lleurion,  Uist. 
des  missions,  tom.  III,  pa;^.  21).{.j 

Les  Négous  d'Ain  ssiuie  étaient  un  peu  à 
la  discrétion  d(!  l'armée,  ([ui  les  nommait  et 
les  (lé])0sait  suivant  son  caprice.  Ajelec-So- 
guéd  n'eut  pas  la  forcede  protéger  la  religion 


«s  ABY 

catholique,  qu'il  avait  embras.s(5o.  Los  dis- 
cours dcst's  ollicicr^,  les  i)ri(^r(vs  inenaeanlcs 
de  son  lils,  riM)n»iilèi"t'iit.  H  cotiseiitil  (lu'oa 
assenibl.U  tous  les  corps  de  l'Klat,  i)Our  dis- 
cuter la  question  de  savoir  si  on  {jçarderait 
ou  non  la  relif^ion  eatliolique.  Ce  fut  là  le 
ni.il,  car  Melec-Se^ued  devait  maintenir  pour 
iui-nu'^nie  et  pour  les  callioli([ues  la  liberté 
de  conscience,  (ju'il  av.ut  naguère  accordéi^à 
ses  adversaires.  A  rass(>mbl(!e  qui  fut  convo- 
quée, O'i  n'admit  ni  le  patriarche  ni  aiuuui  dos 
autres  iuissionnain>s.  L:»  religion  calhohquo 
fulproscrite;  cependant  beaucouj)  d'Abjssins 
protestèrent  que  jamais  ils  ne  se  rendraient 
couf)ables  d'apostasie.  Le  ratriaclie,  fut  accusé 
de  sédition,  et  reçut  l'ordre,  ainsi  que  les  au- 
tres missionnaires,  de  ne  plus  prêcher  à  l'a- 
venir. On  leur  désigna  une  ville  où  ils  duix'ut 
attendre  leur  embarquement  pour  aller  aux 
Indes.  Le  14  juin  1032,  Basilides  publia  un 
édit  qui  ordonnait  do  revenir  à  la  foi  d'A- 
lexandrie. Melec-Segued,  livré  aux  remords 
les  plus  cuisants  en  voyant  les  filiales  con- 
séquences de  sa  faiblesse,  ne  prenait  plus 
aucune  nourriture,  ne  se  livrait  à  aucun  re- 
pos. Il  lit  venir  le  P.  Diego  de  Matos  et  pro- 
mit devant  lui  de  rétablir  le  culte  catholique, 
s'il  revena  t  à  la  santé;  mais  il  mourut  entre 
les  mains  du  missionnaire,  le  26  septembre 
1G32,  dix  ans  après  sa  conversion.  Il  avait 
soixante  et  un  ans;  il  en  avait  régné  vingt- 
huit.  Dès  lors  Basilides  ne  garda  plus  au- 
cune mesure  :  après  avoir  fait  tuer  ou  em|)oi- 
sonner  ses  frères,  qui  étaient  au  nombre  de 
vingt-cinq,  dépouillé  de  ses  titres  et  relégué 
dans  un  désert  SeraChristos  son  oncle,  dont 
il  redoutait  la  capacité,  il  reconnut  pour 
abonna  un  aventurer  égyptien,  lequel  se  di- 
sait envoyé  par  le  patriarche  d'Alexandrie. 
On  n'était  pas  même  certain  qu'il  fut  prêtre. 
Il  était  violent  de  caractère  avec  le  public, 
flatteur  vis-à-vis  du  Négous.Ii  déclara  immé- 
diatement qu'il  ne  pouvait  pas^emeurer  en 
AbyssiniL',  si  les  jésuites  y  restaient.  On 
confirma  donc  l'ordre  précédemment  donné 
de  leur  sortie.  .^îendez  écrivit  au  Négous  une 
lettre  très-respectueuse  et  cependant  très- 
forte,  dans  laquelle  il  le  priait  de  lui  dire 
pour  quelle  faute  on  voul  àt  faire  partir  les 
jésuites,  atin  qu'il  pût  en  instruire  le  souve- 
rain pontife  et  les  princes  caliioliques  tjui  le 
lui  demandaient.  Il  réclamait  en  outre  une 
conférence  i)ublique  oij  il  pût  être  mis  en 
présence  des  docteurs  abys^^ins,  et  où  on  dis- 
cutât la  bonté  de  la  religion  catholique.  Mais 
les  hérétiques,  redoutant  la  capacité  de  Mon- 
dez, ne  voulurent  pas  que  leur  nouveau  chef 
se  mesurât  avec  lui.  Ils  engagèrent  Basilides 
à  refuser  la  conférence,  puisque,  dirent-ils, 
la  question  était  jugée.  Les  jésuites  reçurent, 
au  mois  de  mars  1633,  l'ordre  de  se  rendre 
à  Frémone.  On  n'excçpta  que  le  P.  Louis 
Azevedo,  qui  avait  passé  plus  de  vingt-huit 
ans  dans  cette  mission.  Il  ne  vécut  que  quel- 
ques mois  après  le  départ  de  ses  confrères. 
En  parlant,  les  jésuites  confièrent  leur  cher 
troupeau  à  des  moines  aussi  instruits  que 
zélés.  Non  contents  de  cela,  ils  se  décident  à 
rester  en   Abyssinie ,  quels  que  soient  les 


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dangers  qui  puissent  les  y  attendre.  Ils  sa- 
vaient d'ailleuis  qu'on  avait  le  dessein  de  les 
livrer  aux  Tiucs.  Le  baharnagasch  Jean  Akaz 
était  d(!puis  (pie!(pK;  temps  (lans  rindé|)en- 
dance  et  s'y  mainte/îait  ;  ils  se  nurent  sous 
sa  protection,  et  furent  b!en  reçus  par  lui. 
Dès  que  le  Négous  en  fut  informé,  i!  envoya 
un  corfjs  de  troupes  pour  contraindre  les  jV 
suites  à  partir.  Les  soldats  d'Akaz  rcsièrent 
triom|)hants,  et  le  Négous,  comi)»  jnant  qu'il 
ne  [)Ouvait  rien  obtenir  |»ar  la  force,  eut  re- 
cours ti  la  prière.  Il  demanda  h  Akaz  de  fure 
partir  les  jésuites  pour  l'Inde,  le  menaçant, 
en  cas  (Je  refus,  de  l'attaquer  avec  toute  son 
armée.  Akaz  fut  ébranlé  fiar  ce  message,  et 
les  jésuites  virent  bien  que  les  disf)Ositions 
de  leur  protecteur  étaient  changées.  Alors  ils 
se  décident  à  parlir  et  h  ne  laissa  r  que  quel- 
ques-uns d'entre  eux  en  Abyssinie.  Apolli- 
naire Almeida,  évêque  de  Nicée,  fut  désigné 
avec  six  jésuites,  pour  y  demeurer.  Akaz  en 
retint  deux  auprès  de  lui,  en  les  faisant  ha- 
biller comme  les  autres  Portugais  qui  étaient 
à  son  service  ;  puis  il  donna  aux  autres  des 
lettres  de  recommandation  pour  le  gouver- 
neur de  Massaouah.  Cette  ville  est  un  portdt 
la  mer  Rouge,  vers  lequel  il  les  fit  conduire 
par  un  corps  de  six  cents  soldats.  Les  enne- 
mis des  jésuites  avaient  fait  croire  aux  Turcs 
que  ces  religieux  emportaient  avec  eux  tou- 
tes les  richesses  d'Abyssinie.  Aussi  on  les 
fouilla  avec  un  soin  extrême  ;  on  ne  trouva 
en  leur  possession  que  deux  calices  et  quel- 
ques reliquaires.  Le  bâcha  de  Souatrim,  de 
qui  Mas-aouah  dépendait,  était  un  homme 
violent  ei  excessivement  cupide.  Avant  l'ar- 
rivée des  jésuites,  il  s'étaitvanté  qu'il  les  tue- 
rait tous  de  sa  propre  main.  Basilides  l'avait 
prié  de  le  faire.  11  ne  fut  arrêté  dans  ce  des- 
sein que  par  la  pensée  que  les  Poitugais  ra- 
chèteraient les  captifs  en  payant  une  forte 
rançon.  Il  fit  dire  aux  jésuites  quils  eussent 
à  choisir  entre  la  mort"  et  un  rachat  de  trente 
mihe  écus,  que  successivement  il  réduisit  à 
vingt,  puis  à  quinze.  Il  les  menaçait  de  les 
faire  em|!aler,  s'ils  ne  comptaient  pas  sur 
l'heure  cette  dernière  somme.  Enfin,  quel- 
ques-uns de  ceux  qui  lentotiraient  le  déci- 
dèrent à  accepter  quatre  mille  trois  cents 
écus,  qu'avancèrent  les  marchands  portugais 
sur  la  parole  des  jésuites.  Ils  devaient  s'em- 
barquer dans  deux  heures;  mais,  changeant 
bientôt  de  résolution,  il  exige  que  trois  des 
jésuites  restent  en  otage  jusqu'au  payement 
de  la  somme  promise.  Le  patriarche  Diego 
de  Matos  et  Anioine  Fernandez  furent  dési- 
gnés pour  rester.  Fernandez  était  âgé  de  plus 
quatre-vingts  ans  ;  les  autres  religieux  firent 
tout  ce  qu'ils  purent  j)Our  rester  à  sa  i)iace. 
Le  P.  Jérôme  Lobo  dit  au  bâcha  que  le  P. 
Fernandez  étant  si  âgé,  il  s'exposait,  s'il  ve- 
nait à  mourir,  à  perdre  ainsi  une  rançon; 
qu'il  serait  plus  piudentde choisir  à  sa  j'iace 
un  otage  parmi  ceux  qui  étaient  plus  jeunes. 
Le  bâcha  consentit  à  cette  substitution.  Le 
P.  Lobo,  ayant  essayé  vainement  de  faire  ren- 
voyer aussi  le  patriarche,  se  rendit  de  l'Inde 
à  Rome  eî  à  Lisbonne,  pour  y  raconter  l'état 
de  la  mission   d'Abyssinie.  Le   général  de» 


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jésuites  s'adressa  à  l'ambassadeur  de  France 
à  Konie,  lequel  écrivit  au  consul  de  sanatiou 
au  Caire.  Ce  fonctionnaire  (il  écrire  par  le 
bâcha  de  cette  ville  à  celui  de  Souakim,  qui 
était  son  subordonné,  qu'il  eût  à  rendre  im- 
médiatement les  prisonniers.  On  les  relûcha 
en  elFet ,  mais  ce  ne  fut  qu'après  que  le  cu- 
pide bâcha  eut  extorqué  encore  aux  mar- 
chands portugais  six  mille  cruzades. 

Les  jésuites   restés  en  Abyssinie   étaient 
dans  la  position  la  [)lus  déplorable  :  obligés 
de  se  cacher  sans  cesse,  ils  erraient  dans  les 
lieux   sauvages,  ex[)Osés   sans  cesse  à  ôtre 
dévorés  i)ar  les  animaux  féroces,  ou  bien  à 
mourir  ae  faim.    Bnsilides  ,  sachant   qu'il  y 
avait  encore  des  jésuites  dan'^  ses  Etats,  fit 
mettre  dans  un  cachot  le  vice-roi  Téela  Em- 
riianuel,  qui  les  protégeait.  Il  mit  5  sa  place 
Mecla  Christos,  ennemi   déclaré  des  catho- 
liques. Ce  nouveau  vice-roi,  ayant  été  infor- 
mé que  trois   Pères  jésuites  étaient  cachés 
dans    une  vallée  avec  quelques  Portuga  s, 
plaça  des  troupes  en  embuscade,  et  s'empara 
des"  Pères   Bruno  de  Sainte-Croix,  Gaspard 
Pacz  et  Jean  Pereira.  Il  les  ht  iunnédiat  ment 
mourir   en  les  faisant  percer  de  nombreux 
coups  d'épée.  Les   Portugais,   ayant  appris 
leur  martyre,  recueillirent  leurs  corps  ;  quand 
ils  les  enlevèrent,  Bruno    et   Pereira  respi- 
raient  encore.    Ils  prodiguèrent   des  soins 
empressés  k  ces  deux  saintes  victimes.  Bruno 
survécut;    mais   Pereira    mourut    quelques 
jours  après,  le  2  du  mois  de  mai.  Basilides 
témoigna  que  cette   exécution  suffisait  à  sa 
vengeance,  mais  il  n'agissait  ainsi  que  pour 
s'emparer  plus  facilement  de   l'évôtiue  Al- 
meida  et  des  jésuites  qui  étaient  encore  avec 
lui.  Il  défendit  qu'on  les   inquiétât  en   au- 
cune façon,  leur  permit  de  retourner   dans 
leurs  maisons,  et  montra  môme  le  désir  de 
les  voir  à  la  cour.  L'cvèque  de  Nicée   s'était 
réfugié   auprès    de  Jean  Akaz,  qui  n'hésita 
pas  à  lui  conseil'er  de  profiler  de  la  permis- 
sion qu'on   lui  accordait.    Za  Mariam,  vice- 
roi  de   ïemben,  était  d'un  avis  dillerent  et 
répétait  aux  missionnaires  que  la   douceur 
qu'on   leur  faisait   voir  n'était  qu'un  piège 
dans  lequel  ils  devaient  bien  se  donner  garde 
de  tomlJer.  Malgré  cela,  les  jésuites  estimè- 
rent (pi'il  convenait  de  tenter  les  dispositions 
du  Négous  :  ils   se   lendirent  à  son  camp. 
L'évôquede  Nicée,  le  P.  Hyacinthe  Fr.inceschi 
et  François   Uodriguez    ne   reçurent  sur  la 
route  (jue  des  témoignages   de    vénération. 
A  [icine  furent-ils  arrivés,  que  Basilides  les 
fit  charger   de   chaînes.  Ils  comparurent  de- 
vant  l'abouna,  (jui  les  traita  avec  inliniment 
de  dédain   et  de  mépris,  puis   huit  par  dire 
que  l'allaire  n'était  i)as  de  sa  compétence,  et 
que  c'était  au  Négous  à  prononcer  dans  l'in- 
térêt de  la   chose  publi(}ue.  On  forma  pour 
juger  les  missionnaires  un  tribunal  c(jmpos6 
des  grands  de  l'empire,  qui  prononcèrent  la 
peine  de   mort.  La   sentence  ne  fut  pas  (!xé- 
culée    immédiatcriient    :    Basilides    voulait 
montrer  (pje  li  moi  t  n'est  pas  un  supplice 
suîiisail  au    gié  de  ci;rlaines  Ames.  Il  (;onlia 
les  prisojmiers   à    la    garde   d'un   hérétique 
extrèmomont  inhumain,  <pii  trouva  dans  les 


atroces  imaginations  de  sa  cruauté  le  moyen 
de  satisfaire  les  désirs  du  tyran.   Rien  de  ce 
qui  i)eut  être  mis  en  œuvre  f)our  faire  souf- 
frir cruellement  ne  fut  omis  par  cet  homme. 
La  faim,  la  soif,  les  tortures,  il  em])loya  lout 
avec  une  férocité  sans  égale;  la  nuit,  il  fai- 
sait ])lacer  les  prisonniers,    é  roitement  en- 
chaînés, sous  son  lit;  le  jour,  il   les  faisait 
traîner  derrière  son   char.   Leurs  membres, 
entamés  parles  fers  dont  ils  étaient  chargés, 
étaient  couverts  d'ulcères.  Le  moindre  mou- 
vement déterminait  d'atroces  douleurs;  n'im- 
porte, il  fallait  qu'ils  marchassent  le  jour,  et 
la  nuit,  qu'ils  se  tinssent  dans  la  même  i:)0- 
sition  sans  pouvoir  en  changer,  tant  ils  étaient 
étroitement   attachés.  On  les  exila    ensuite 
dans  une  île  du  lac  Dembéa,  où  il  y  avait  des 
moines  fanatiques  qui  les  abreuvèrent  d'ou- 
trages, les   accablèrent  de   mauvais    traite- 
ments. Ils  eurent  dans  cet  exil  quelques  con- 
solations :  les  catholiques  venaient  les  visi- 
ter, afin  de   s'édifier  de  leur  exemple  et  se 
retremj)er  au  spectacle  de  leurs  soutfrances. 
Les  moines  hérétiques,  furieux  de  voir  les 
m  irques  de  vénération  qu'on  prodiguait  aux 
saints    confesseurs,    écrivirent   au   Négous 
pour  lui  dire  qu'il  était  scandaleux  de  laisser 
vivre  les  ennemis  de  la  foi   et  de  la  religion 
de  l'Abyssinie,  les  artisans  de  tous  les  trou- 
bles qui  depuis  quelque  temps  avaient  agité 
l'Etat.   Cédant  à  leurs  obsessions  ,  Basilides 
leur  abandonna  les  captifs.   Ces  moines  fu- 
rieux se  saisirent  aussitôt  des  trois  martyrs, 
et  les   dépouillant  de   leurs  vêtements,  les 
suspendiient  à  des  branches  d'arbres  oià  ils 
les  tirent  mourir  sous  une  g  èle  de  pierres. 
Cette  mort  arriva  dans  le  mois  de  juin  1G38. 
Il  ne  restait  plus  que  les  PP.  Bruno  etCardciia; 
ils  étaient  près  de  Za  Mariam,  qui  ne  voulut 
jamais  consentir  qu'ils  quitiass  nt  l'as. le  qu'il 
leur  avait  donné.  Ba.-ilides   l'attaqua   et  fut 
vaincu;  mais,  peu  de  temps  après,  ce  brave 
défenseur   du   catholicisme   tomba  et  périt 
dansuneembuscade.  Bientôtles  missionnaires 
furent  découverts,  et,  le  12  avril  1G40,  mou- 
rurent du  môme  genre  de  supplice  que  leurs 
saints  compagnons.   Ajirès  leur  mort,  il  n'y 
eut  plus  en  Abyssinie,  pour  administrer  les 
sacrements  aux  catholiques,  que  cinij  prêtres 
portugais  et  quatre  religieux  abyssins.  V' oici 
les  noms  des  prêtres  portugais  :  B  'rnard  No- 
giieira,  vicaire  du  patriarche  Mendez  ;  Jean- 
Ciabriel,  Grégoire  Pirez  ,  Antoine  Almança, 
Christophe    Gonçalez.   Les    quatre    prêtres 
abyssins  étaient  :  l'abba  Abala  Melca   Chris- 
tos; Meica  Christos,  supérieur  du  séminaire 
de  Gorgora;  Paul    de   Saiiite-Crux,  et  Oiasi 
Christos.  Pi'csque  tous  furent  égorgés;  mais 
avant   d'arriver  h  ce  terme   fatal,  ds  furent 
exposés  à  toutes  les  soullVances  que  peuvent 
ocoasionn(>r  la  faim,  la  soif  et  h;  dénuement 
pres((uo  absolu  de  toutes  les  choses  néces- 
saires h  la  vie. 

Pendant  que  les  derniers  événements  que 
nous  venons  de;  raconter  avaient  lieu, le  papo 
chargeait  hvs  capucins, (jui  avaient  une  mis- 
sion en  Kgyplc!,  de  liavaillerh  ranimer  la  foi 
(jui  était  sur  le  point  de  .se  perdre  en  Abys- 
sinie. Le  Pore  supérieur  des  cauucins  d  E- 


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ABT 


£0 


gypte  était    lo   bieiiheareui   AgatliariKe  «le 
Vendôme.  SitAl  i[a'il  eut  appris  l'état  déplo- 
rable aïKiiicl  était  réduit  le  catliolicisinti  eu 
Abyssiiiie,  et  les  persécutions   dont  il   était 
l'objet,   il   alla   trouver    lo    patriairlio   d'A- 
lexandrie et  le  conjura  de  prendie  pitié  des 
cath()li(|ues  persécutés.  Sur  sa  prière,  le  p.l- 
triartlie  uoiruna  abou'ia,  à  la  place  de  l'aven- 
tuiier  duquel    nous  avons  |)arlé  plus  haut, 
l'abbé  Marc,  ami  du  P.  Agatliange.  Le  supé- 
rieur des    capucins  avait  eu  avec  ce  Marc 
plusieurs  conférences,  h  la  suite  desquelles 
il  croyait  lui  avoir  doiné  le  d  '"sir  de  revenir 
à  l'unité.  En  outre,  le  patriarche  écrivit  au 
Négous  de  traiter  les  catholiques  avec  moins 
de  cruauté,  et  de  cesser  d'employer  vis-h-vis 
d'eux  les  mesures   vioh^ntes    que  réprouve 
toujours  l'esprit  évangélique.  Marc,  en  pas- 
sant à  Souakim,  où  Mendez  était  encore  dé- 
tenu, lui  remit  une  lettre  du  P.  Agathange. 
Mendez  ne  partagea  pas  les  illusions  du  bon 
capucin  :  il  entrevit  ce  qu'était  Marc,  et  ne 
fut  aucunement  dupe,  ni  de  ses  faux  sem- 
blants d'amitié,  ni  de  la  tolérance  qu'il  af- 
fectait de  montrer  envers  les  catholiques.  Le 
P.  Agathange  devait,  expier  bien  chèrement 
sa  contiance  et  l'amitié  qu'il  avait  témoignée 
à  ce  Judas.  11  destina  cniq  des  religieux  de 
son  ordre  à  entrer  en  Abyssinie,  et  se  mit 
lui  sixième  U  leur  tête.  11  ])artit  du  Caire, 
avec  le  P.  Cassien  de  Nantes,  le  23  décembre 
1637,  et  s'embarqua  avec   un  bâcha  que  le 
Grand  Seigneur  envoyait  à  Souakim.  Ils  fu- 
rent à  peine  arrivés  en  Abyssinie,  que,  bien 
que  déguisés  en  marchands  arméniens,  ils 
furent  pris  et  conduits  à  l'abouna  Marc.  11  les 
reconnut  aussitôt,  et  déclara  que  c'étaient  des 
prêtres  catholiques  romains,  ennemis  de  la 
foi  d'Alexandrie,  et  qu'ils  venaient  en  Abys- 
sinie pour  l'y  détruire  s'il  était  possible.  Ces 
paroles,  dans  la  bouche  du  traître,  équiva- 
laient à  un  arrêt  de  mort.  11  le  savait  bien  : 
les  deux  saints  lurent  lapidés  sur-le-champ. 
Leur  mort  bienheureuse  arriva  en  1638.  Ainsi 
le  P.  Agathange  fut  tué  par  celui-là  môme 
en  qui  il  avait  mis  si  contiance,  à  qui  il  avait 
accordé  son  amitié,  et  qu'il  avait  fait  élever 
à  la  dignité  de  laquelle  il  se  servait   pour 
faire  mourir  son  bienfaiteur  et  son  ami.  Les 
PP.  Chérubin  et  François  s'embarquèrent  à 
Mascate,  et  furent  massacrés  à  Magadoxo. 
Li'S  PP.  An'oine   de  Virgoleta  et  de  Petra 
Sau^a  furent  longtemps  à  Massaouah,  sous  la 
protection  du  bâcha  de  Souakim.  Ils  y  firent 
de  nombreuses  conversions.  Le  P.  de  Vir- 
goleta mourut  au  commencement  de  1642; 
le  P.  de  Petra  Santa  demanda  des  auxiliaires. 
On  lui  envoya  les  PP.  Félix  de  Saint-Séve- 
rin  et  Joseph  Tortulani  d'Altino.  Quand  on 
sut  en  Abyssinie  l'arrivée  de  ces  deux  nou- 
veaux missionnaires,  l'alarme  y  fut  grande. 
Un  nouveau  bâcha  venait  de  succéder,  à  Soua- 
kim, à  celui  que  nous  avons  vu  si  favorable 
aux    catholiques.   Basilides   lui  écrivit ,    et 
chargea  l'ambassadeur  porteur  du  message 
de  lui  faire  cadeau  de  cent  cinquante  onces 
d'or  et  de   cinquante  esclaves,  en  le  priant 
de  lui  remettre  ces  étrangers,  ou  bien  de  les 
faire  mourir  lui-môme.  Aussitôt  le  bâcha  fit 


venir  et  décapiter  en  sa  présence  les  PP.  Fé- 
lix de  Saint-Séverin  et  Joseph  Tortulani.  îl 
connaissait  particulièrement  le  P.  de  Petra 
Santa,  il  ne  voulut  pas  le  faire  venir  et  se 
boi-na  h  ordonner  cpi'on  lui  appor-lAt  sa  tête. 
Le  f)atriar(;he  M  nid  iz  était,  pendant  ce;  temps- 
là,  dans  l'Inde.  S  )n  cœur  gémissait  aux  la- 
mentables récits  des  douleurs  de  son  Eglise 
abandonnée,  et  des  soulfrances  des  bienheu- 
reux martyrs  qui, af)rès  lui, avaient  évangéli- 
sél'Abyssinie.  Les  autres  jésuites,  qui  comme 
lui  en  étaient  sortis,  prenaient  part  h  ses 
douleurs,  et  ne  i)()uvaient  se  i)ardonner  d'ê- 
tre sortis  d'une  contrée  où  ils  eussent  i)u, 
comme  leurs  successeurs,  recevoir  la  cou- 
ronne du  martyre.  Ils  résv)lurent  d'y  rentrer; 
mais  leurs  efforts  à  cet  égard  (,'emeurèrent 
stériles.  Ce  fut  sur  ces  entrefaites  que  Men- 
dez reçut  de  Nogueira,  alors  à  Massaouah, 
la  leltre  suivante,  écrite  au  nom  du  Ras  Sela 
Christos  : 

Ti'ès-illustres  seigneurs,  évoques  et  gou- 
verneur des  Indes,  Uas  Sela  Christos,  à  tcms 
les  c-hrétiens  catholiques  et  vrais  enfants 
de  l'Eglise  de  Dieu,  paix  et  salut  en  Notre- 
Seigneur. 

«  Je  ne  sais  ni  en  quelle  langue  je  dois 
vous  écrire,  ni  de  quels  termes  je  dois  me 
servir,  pour  vous  représenter  les  périls  et  les 
souffrances  de  cette  Eglise  qu'on  alilige,  d'au- 
tant plus  que  je  les  vois  de  mes  yeux. 
Je  prie  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  qui  a 
été  attaché  en  croix,  qui  est  plein  de  misé- 
ricorde, de  les  faire  connaître  à  tous  nos 
frères,  à  tous  les  recteurs,  prélats,  évoques, 
archevêques,  rois,  vice-rois,  princes,  gou- 
verneurs, qui  ont  quelque  autorité  au  delà 
des  mers.  J'ai  toujours  cru,  et  je  me  suis 
souvent  dit  à  moi-même,  qu'ils  nous  auraient 
secourus  et  qu'ils  n'auraient  pas  tant  tardé 
à  nous  racheter  des  mains  de  ces  barbares 
et  de  cette  nation  perverse,  si  la  multitude 
et  l'énormité  de  mes  péchés  n'y  étaient  un 
obstacle.  Autrefois,  lorsqu'il  n'y  avait  point 
d'Eglise  ici,  lorsque  le  nom  de  chrélien  et  de 
catholique  nous  était  inconnu,  on  est  venu 
à  notre  secours,  on  nous  a  délivrés  de  la 
puissance  des  mahométans.  Aujourdhui 
qu'il  y  a  un  si  grand  nombre  de  fidèles,  on 
nousoublieetpersonnene  penseànous  secou- 
rir. Quoi  !  le  pontife  romain,  notre  père,  notre 
pasteur,  que  nous  chérissons  tant,  n'est-il 
plus  sur  la  chaire  inébranlable  de  saint  Pierre, 
et  ne  veut-il  plus  songer  à  nous  consoler? 
Nous  qui  sommes  ses  brebis,  n'aurons-nous 
pas,  avant  que  nous  sortions  de  cette  misé- 
rable vie,  la  satisfaction  d'apprendre  qu'il 
pense  à  nous,  et  qu'il  veut  empêcher  que  ces 
hérétiques,  qui  nous  font  une  si  cruelle 
guerre,  ne  nous  dévorent?  Le  Portugal  n'a-t- 
ilplus  de  princes  qui  aient  le  zèle  ardent  qui 
enflammait  Christophe  de  Gama?  N'y  a-t-il 
point  quelque  prélat  qui  lève  ses  mains  au 
ciel  pour  nous  obtenir  le  secours  dont  nous 
avons  besoin  ?  Je  n'en  puis  plus,  je  me  tais, 
ma  langue  se  sèche,  et  la  source  de  mes  lar- 
mes ne  tarit  point.  Couvert  de  poussière  et  de 
cendre,  je  prie  et  je  conjure  tous  les  fidèles 
de  nous  secourir  prompiement,  de  peur  quQ 


SI 


ABY 


ABY 


5i 


nous  ne  périssions.  Tous  les  jours  mes  chaî- 
nes deviennent  plus  pesantes  et  on  me  dit  : 
Rangez-vous  de  notre  parti,  rentrez  dans 
notre  communion,  nous  vous  rappellerons 
de  votre  exil.  On  rao  tient  ce  discours  poui? 
me  perdre  et  pour  faire  périr  avec  moi  tout 
ce  qu'il  v  a  ici  de  catholicjues  :  on  veut  rui- 
ner TE^Ïise  de  Dieu,  et  la  ruiner  de  fond  en 
comble.  Si  donc  il  y  a  encore  des  chrétiens 
au  delà  de  la  mer,  qu'ils  nous  en  donnent 
des  preuves,  qu'ils  nous  reconnaissent  pouF 
leurs  frères  en  Jésus-Christ,  nous  qu;  soute- 
nons la  vérité  comme  eux  ;  qu'ils  nous  déli- 
vrent de  cette  hérésie  et  de  cette  captivité 
d'Egypte.  —  Ici,  ajoute  Nogueira,  finissent 
les  paroles  du  Ras  Sela  Christos,  notre  ami. 
Il  me  les  a  dictées  lui-même  sanglotant  et 
fondant  en  larmes,  [)endant  la  visite  que  je 
lui  rendis  au  mois  d'août  de  l'année  der- 
nière 16i8.  C'est  h  mon  tour  aujourd'hui  de 
pleurer.  Un  torrent  de  larmes  me  fait  tomber 
la  plume  de  la  main,  je  ne  puis  écrire.  Jugez 
de  ma  tristesse  et  de  ma  douleur.  Je  suis 
arrivé  dans  ce  port  de  Massaouah  le  26  de 
ce  mois  (janvier  16 V9),  j'ai  exposé  ma  vie,  il 
n'est  point  de  danger  que  je  n'aie  couru,  per- 
suadé que  nos  fidèles  amis  des  Indos  ou  du 
Portugal  nous  auraient  envoyé  quelques  se- 
cours, et  je  n'ai  rien  trouvé.  J'ai  même  été 
mal  reçu  aes  Banians  et  particulièrement  de 
Xabandar  et  de  Xarraii,  qu'on  sait  être  ici  les 
maîtres  de  l'argent.  Ils  m'o:  t  f.iit  très-mau- 
vais visage,  et  pas  un  n'a  voulu  me  montrer 
ses  lettres,  ni  me  faire  part  des  nouvelles 
qu'il  reçoit.  J'ai  écrit  plusieurs  lettres  de 
Dembea,  je  n'en  ai  aucune  réponse.  Je  crois 
que  toutes  ont  fait  naufrage  et  queDieu,  pour 
mes  péchés,  n'a  pas  permis  qu'utie  seule  soit 
arrivée  jusqu'à  vous.  Je  retourne  vers  le  Ras 
SelaChrist.js,  et  je  laisse  ici  Jacques  Xarem, 
qui  est  fort  connu  des  Banians.  Il  attendra 
1"S  réponses  à  mes  lettres,  et  il  me  les  appor- 
tera, s'il  en  vient  quelques-unes.  Il  demeure 
ordinairement  à  Addi,  pays  d'Engana.  Mes 
compagnons ,  abba  Melca  ('hrislos  ,  abba 
Tensa  Chrislos,  Jean-Gabriel,  (îrégoire,  An- 
toine d'Almança  et  Christophe  ne  sont  plus 
que  d  'S  squ  'It.'tlfs  animés  ;  ils  ont  été  traî- 
nés en  prison,  fo  leltés;  leur  peau  est  tom- 
bée de  misère;  et,  s'ils  ne  sont  pas  morts, 
du  moins  ils  ont  soull'ert  tout  ce  qu'une  ex- 
trême pauvreté  a  de  plus  lude,  m.'ndiant  do 
porte  e;i  porte.  Le  21  octobre  de  l'année  16V7 
on  a  fait  mourir,  en  h-iincî  de  notre  sainte 
religion,  abba  Zara  Chrislos,  disciple  de  l'alaba 
Kéril,fière  dii  l'abba  drégoire,  et  lesénat.^ur 
Ando,  aussi  rtïcommandable  pour  sa  piété 
(pie  pour  sa  doctrine.  Le  30  se;  lembn;  de 
l'année  16V8,  on  a  mis  en  f)rison  dom  Jliuiu 
Laça  Mariarn,  d(jm  Je  m,  dom  Mel  a  (Christos, 
dom  Théodore.  Le  capitaine  (iabiicl  Dona- 
céos  a  été  exilé  pour  n'avoir  pas  voulu  me 
livrer  entre  les  niîtins  des  héréti([iies.  I  s  se 
sont  [Kirlésaux  plus  gr.iri  Is  excès  contre  moi  : 
ils  m'ont  trailéavec  toute sort(j  d'inhiiiu'.nité. 
lis  m  ont  dénoncé  à  l'abbé  Emana  (^li.  istos, 
notre  plus  cruel  (Minfiini,  qui  a  déjà  fait  mou- 
rir tant  (le  calfioli(pies.  linUti,  j(!  pars  d'ici 
sans  la  moindre  consolation,  et  sans  aucune 


espérance,  n'ayant  ni  vivres  ni  habits,  et  n'o- 
sant pas  demeurer  davantage,  de  peur  des 
Turcs,  qui  pourront  arriver  au  temps  de  la 
navigation.  Je  reviendrai  l'année  prochaine, 
si  Dieu  le  permet.  Je  prie  le  Seigneur  que 
cette  lettre  puisse  être  lue  d(!  tous  nos  pré- 
lats et  autres  ecclésiastiques,  et  principale- 
ment de  M.  le  f)atriarche  et  du  P.  Emmanuel 
d'Almeida,  s'ils  sont  encore  en  vie.  Prosterné 
le  visage  contre  terre,  je  me  recommande  à 
leurs  |)iières,  et  demande  leur  bénédiction. 
—  A  Massaouah,  le  .3i)  janvier  16V9 Ber- 
nard NoGUKiRA.»  (Henrion,  Hist.  des  missions, 
t.  III,  p.  297.) 

L'auteur  de  cette  lettre  précieuse  fut  pen- 
du dans  le  Gojam,  en  1653.  Mendez  mourut 
aux  Indes  quelque  temps  après,  âgé  de 
soixante-seize  ans.  On  a  reproché  à  ce  pa- 
triarche d'avoir  compromis  la  mission  d'Abys- 
sinie,  en  voulant  forcer  les  Abyssins  à  re- 
noncer à  certains  usages,  à  certaines  coutu- 
mes, suivis  de  temps  immémorial  dans  ce 
pays,  et  que  la  religion  ne  condamnait  pas, 
disait-on ,  formellement.  La  pluralité  des 
femmes,  la  circoncision,  l'observance  du  sab- 
bat, sont  au  nombre  des  choses  que  le  pa- 
triarche voulait  i)roscrire.  Nous  ne  croyons  pas 
'  que  ceux  qui  sont  sérieusement  catholiques 
puissent  trouver  qu'il  ait  usé,  relativement 
à  ces  choses,  d'une  rigueur  trop  grande.  Si  on 
peut  reprocher  quelque  chose  à  Mendez,  ce 
n'est  pas  d'avoir  usé  de  trop  de  sévérité  powr 
maintenir  la  doctrine  en  telles  circonstances; 
c'est  d'avoir  permis,  quand  il  pouvait  l'empô- 
cher,  qu'on  employât  des  moyens  violents 
pour  convertir  les  dissidents;  c'est  d'avoir 
ainsi  laissé  se  produire  en  Abyssinie  l'irri- 
tation qui  y  causa  la  ruine  de  la  mission  et 
jcclle  des  fruits  de  catholicisme  qu'elle  avait 
'produits. 

Urbain  Cerri  {Etat  présent  de  VEgîise  ro^ 
maine,  p.  218),  parlant  des  tentatives  faites 
après  l'expulsion  de  Mendez  pour  évangéli- 
ser  l'Abyssinie,  s'exprime  ainsi  :  «  Les  Réfor- 
més et  les  capucins,  ayant  entrepris  depuis  ce 
temps-là  de  s'établir  en  Ethiopie,  furent  mis 
à  mort  àSouakim  et  dans  d'autres  endroits;  et 
l'évèque  de  Crisopoli,  qui  fut  envoyé  dans  ce 
pays-là  en  qualité  de  vicaire  apostolique,  ne 
put  aller  que  jusqu'au  Caire.  Depuis  cela,  un 
piaronite,  qui  avait  été  trente  ans  en  Ethio- 
pie, étant  arrivé  à  Jérusalem  en  1665,  rap- 
porta les  particularités  suivantes  :  que  le  i-oi 
qui  persécutait  la  religion  était  mort  (le  30 
septembre  de  c(>tte  année);  que  son  tils  (Han- 
nès  ou  OKlal'e  Segued),  ([ui  lui  avait  succédé, 
témoignait  être  bien  int(!ntionné  pour  les  ca- 
tholifjucs,  et  qu'il  leur  perm(>llait  d'exercer 
pul)li((uem(Mit  leur  religion;  <juc,  dans  une 
prf>vince  frontière  d'Egvple,  il  y  avait  plus 
30,000  catholiques,  et  (pu'  dans  la  ville  où  il 
avait  demeuré  avec  sa  l'amille,  I.-ur  nombre 
montait  à  environ  six  nnlh;;  qu'ils  parlaient 
l)orlugais  et  (pi'ils  souliaitaiciil  exlrèinement 
d'avoir  (les  prêtres;  (lu'enlin  on  pouvait  faire 
de  grands  progn'^s  dans  la  conversion  des 
si;hismati([ues,  pourvu  que  les  missionnaires 
voulussent  se  contenter  de  ce  (pii  est  néces- 
saiie  à  la  vio  et  ne  s'ai)i>liquassent  à  autre 


55 


AB\ 


chose  qu'à  l'avancement  do  la  gloire  de 
Dieu.  Cotte  nouvelle  ayant  été  coiumuniqnéo 
à  une  eoiigP('ji;;ilio!i  particulière,  le  7  décoin- 
bre  JG(>(),  il  l'ut  résolu  ([u'on  reuouvollorait 
la  missif)ri  el  qu'on  euvorrait  dans  C(s  pays 
un  ceitaiii  Anloiuo  Andrado,  nalif  d'Ethio- 
pio,  à  ([ni  on  donna  le  titre  de  vicaire  apos- 
tolique, et  qui  avait  été  chapelain  du  paliiar- 
che  et  lait  ensuite  évéquo  de  (lalipoli.  Pour 
cet  effet,  on  donna  aux  unssionnaires  de  l'ar- 
gent, des  livres  et  autres  ciioses  nécessaires. 
Etant  arrivés  à  Suez,  ils  firent  savoir  à  la 
con;j;Tégation,  en  1(>()9,  que  la  persécution  y 
régnait  toujours,  mais  non  pas  avec  la 
même  violence  que  dans  les  commencements. 
En  1()7I,  la  congrégation  apprit  que  ces  mis- 
sionnaires et  le  vicaire  apostoli([ue  avaient 
été  mis  h  mort  par  un  etîet  de  la  haine  con- 
tre la  religion  catholique.  Ainsi  cette  mis- 
sion fut  entièrement  abandonnée.  Mais,  de- 
puis ce  temps-là,  on  l'a  jointe  à  celle  d'E- 
gypte et  on  a  ordonné  au  supérieur  d'en- 
voyer des  missionnaires  en  Ethiopie  dès  qu'il 
y  aurait  une  occasion  favorable  pour  cela,  et 
on  a  eu  soin,  en  môme  temps,  de  procurer 
l'argent  nécessaire  à  celte  entreprise.  » 

De  Maillet  nous  permet  de  suivre  la  trace 
des  essais  de  missions  tentés  pour  l'Abyssi- 
nie  :  «  Il  y  a  huit  ou  dix  années  (vers  1693), 
écrit  ce  consul,  qu'il  se  trouvait  au  Caire  des 
missionnaires  italiens  de  la  réforme  de  Saint- 
François,  indépendants  du  gardien  de  Jéru- 
salem et  cependant  entretenus  aux  dépens  de 
la  Custodie  de  Terre-Sainte,  dont  les  reli- 
gieux de  cette  ville  (mineurs  observantins) 
demeuraient  en  un  même  hospice  avec  les 
premiers.  Cette  indépendance  et  la  dépense 
nécessaire  à  l'entretien  de  ces  religieux  mis- 
sionnaires, chagrinant  ceux  de  Jérusalem,  ils 
agirent  si  fortement  à  Rome,  soit  en  offrant 
de  se  charger  de  la  mission  d'Egypte  et  de 
fournir  pour  cela  les  sujets  nécessaires,  soit 
en  y  représentant  d'autres  choses  ,  qu'enfin, 
après  l'envoi  de  plusieurs  commissaires  en 
ces  quartiers-ci,  la  congrégition  de  la  Pro- 
pagation de  la  foi,  établie  à  Rome,  leur  ac- 
corda cette  mission  d'Egypte.  Le  gouverne- 
ment de  Jérusalem,  en  étant  en  conséquence 
entré  en  possession,  renvoya  d'aborJ  tous  les 
missionnaires  qui  étaient  des  sujets  de  cette 
même  congrégation,  et  n'en  adopta  que  deux. 
Ceux  qui  avaient  été  congédiés,  étant  retour- 
nés à  Rome,  travaillèrent  longtemps  pour  se 
faire  rétablir  en  Egypte  ;  mais  n'ayant  pas 
trouvé  moyen  d'y  réussir  directement,  ils  y 
parvinrent  par  une  autre  voie.  Ils  présentè- 
rent au  pape  et  à  la  congrégation  de  la  Pro- 
pagation une  relation ,  laquelle  a  été  im- 
primée. Elle  était  dressée  par  les  deux  des 
leurs  que  la  Custodie  de  Terre-Sainte  avait 
gardés,  et  portait  en  substance  que  telles  et 
telles  personnes  v  désignées  les  avaient  as- 
surées que,  dans  le  pays  de  Fungi,  sur  les 
confins  d'Ethiopie,  il  y  avait  un  très-grand 
nombre  de  familles  chrétiennes  catholiques, 
qui  s'y  étaient  retirées  d'Abyssinie,  lors  de 
la  persécution  y  livrée  aux  catholiques,  en 
1  an  leVO  ou  kl  dudit  siècle;  que  ces  pauvres 
âmes,  au  nombre  de   plus  de  quinze  cents, 


AHY  5i 

étaient  sans  pasteur  et  sans  aucun  secours 
spirituel ,  offrant   lesdits    religieux    de  s'y 
trans()orler  et  de  |)énétriM'  même  jusqu'en 
J<;thiopi(!,  où  ils  assurai(!nt  qu'il  y  avait  beau- 
coup d'autres  (.•atholi(iuos  et  des  dis(»osilions 
favorables  ii  réunir  celle  Eglise  h  la  romaine. 
Cett(!  permission  ne  fut  [joint  seulement  ac- 
cordée à  c<!s  Perces,  mais  l'on  fut  encore  si 
persuadé  do  la  réalité  dos  choses  qui  étaient 
ref)résenlées  et  du  succès  de  la   réunion   de 
l'iiglise   éthiopienne,  qu(!  le  pape  Innocent 
douzième,  sous  lequel  cela  se   passait,  lit  un 
fonds  considérable  j)our  rontretien  perpétuel 
d'un  grand  noml)re  do  sujets  destinés  à  celle 
mission  (pie  l'on  ai)pela  d'iithiopic,  et  dont 
le  soin  fut  commis   aux  religieux  réformés 
de   Sainl-Fran(;ois.  On  leur  poruiil  en  mèm(! 
temps  de  tenir  deux  ou  trois  religieux   au 
Caire,  en  qualité  de  procureurs  de  cette  mis- 
sion;  et,   pour  la  commodité  de  ceux  qui 
iraient    ou    viendraient  d'Elhiopie    môme, 
d'avoir   un  hospice  à  Achmin  (la  Panapolis 
dos  anciens),  dans    la   haute   Egy[)te,   lieu 
qu'ils  avaient  représenté  être  nécessaire  pour 
le  rafraîchissement  des  religieux  qui  passe- 
raient du  Caire  en  Ethiopie,  eloii  il  y  aurait 
aussi  beaucoup  de  fruit  à  faire  auprès  des  chré- 
tiens cophtes  qui  y  étaient  en  grand  nombre. 
C'est  de  cette  sorte  que  ces  religieux,  exclus 
en  quelque  manière  de  l'Egypte,  trouvèrent 
moyen  de  s'y  rétablir.  Cependant  comme  on 
ne  parlait  à  Rome  et  dans  toutes  les  cours 
catholiques  que  de  cette  grande  mission,  les 
RR.  PP.  jésuites  crurent   ne  devoir   point 
s'oublier  dans  une    conjoncture  si    impor- 
tante pour  la  gloire  de  la  religion...  Ils  ju- 
gèrent  à  propos,   avant  de  s'adresser  à  Sa 
Sainteté,  de  prévenir  le  roi  de  la  résolution 
qu'ils  avaient  prise  d'envoyer  de  leurs  ou- 
vriers dans  cette  grande  mission  d'Ethiopie; 
résolution  que  S.  M.  loua  et  promit  de  se- 
conder. Cette   démarche  ayant  été  faite,  le 
R.  P.  Verseau,  de  leur  compagnie,  passa  de 
France  à  Rome,  avec  de  fortes  lettres  de  re- 
commandation... Il  arriva  au  Caire  en  1697, 
avec  des  ordres  de  protection,  que  lui  et  les 
siensy  ont  constamment  éprouvéede  ma  part, 
bien  au  delà  de  mes  obligations.  Je  l'ai  reçu 
dans  ma  maison  avec  son  compagnon  ;  j'enga- 
geai  ensuite  la  nation  (française)  à  leur  en 
acheter  et  présenter  une  autre,  ce  qui  n'avait 
point  encore  eu  d'exemple...  Quant  à  l'en- 
treprise d'Ethiopie,  j'en  dis  mon  sentiment 
au  R.  P.  Verseau,  et  que  ce  serait  une  es- 
pèce de  miracle    de  pouvoir  y  pénétrer,  et 
plus  encore  de  s'y  conserver   et  d'y  faire 
quelques  progrès.  Je  l'assurai,    comme   le 
temps  l'a  justifié,  que  l'histoire  des  chrétiens 
établis  sur  les  confins  de  l'Ethiopie  était  une 
fable,  et  lui  promis  cependant  que  je  ne  né- 
gligerais aucune  occasion  de  contribuer  au 
dessein  qu'il  me  paraissait  avoir  de  tenter 
une  entrée  dms  cet  empire.  Après  cela  il 
partit  pour  la  Syrie,  où  il  fit  sa  résidence  en 
qualité  de  supérieur  général  de  sa  compagnie, 
tant  de  cette  contrée  que  d'Ethiopie.  Alors 
étaient  au  Caire  deux  sujets  de  sa  compa- 
gnie, dont  l'un  Ilalien  et  l'aiilre  Français.  Le 
dernier  s'a[);'ielait  le  R.  P.  Brévédent,  et  on 


5ft 


ABT 


ABY 


5Ô 


peut  dire  que  c  était  un  saint  religieux,  éloi- 
gné de  l'esprit  d'intrigue  et  de  dissimulation, 
et  d'une  humilité  profonde.  En  l'année  1698, 
un  certain  Ha  igi-Ali,  marchand,  vint  d'EMiio- 
pie  au  Caire  avec  quelques  commissionsduNé- 
gous  (Yasous  I"),  dont  l'une  était  de  lui  amener 
quelques  médecins,  s'il  en  trouvait...  Il  eut 
besoi'i  pour  sa  "iropre  personne  de  quelques 
remèdes  de  chirurgie,  et  le  hasard  l'ayant  con- 
duit entre  les  mains  du  sieurCharlesPoncet, 
Français  établi  au  Caire,  il  s'en  trouva  fort  bien 
et  lui  proposa  sur  cette  expérience  de  passer 
avec  lui  en  Etiiiopie,  où  il  lui  promit  de  lui 
faire  faire  une  fortune  onsidérable.  Le  sieur 
Poncet   m'ayant    communiqué   la  chose,  je 
l'invitai  à  accepter  cette  proposition,  dans 
l'espérance  que  j'eus  d'i'itroduire  avec  lui 
quel;jups-uns  des  Pères  jésuites  dans  la  cour 
d'Abyssinie.  Je  leur  lis  part   ensuite  de    ce 
dessein,  qu'ils  approuvèrent  extrêmement,  et 
duquel  nous  donnâmes  avis  au  R.  P.  Ver- 
seau. Cependant,  comme  le  temps  du  départ 
de  cet  Hadgi-Ali   pressait  et  que  nous  ne 
doutions  point  que  le  R.  P.  Verseau  n'ap- 
prouvât ce  que  nous  lui  avions  proposé,  le 
R.  P.Brévédent,  déguisé  en  domestique,  par- 
tit du  Caire  le   10  juin  1698,  avec  le  sieur 
Poncet   et  lui,  sans  avoir  l'approbation  de 
son  supérieur...  Comme  la  caravane  fut  re- 
tenue longtemps  dans  la  haute   Egypte  par 
la  crainte  des  Arabes,  le  R.  P.  Grenier,  jé- 
suite, envoyé  par  le  R.  P.  Verseau  en  cette 
ville,  pour  détùurnt^r  le  voyage  du  R.  P.  Bré- 
védenl,  arriva  assez  à  tem[)s  pour  le  rappe- 
ler; mais  trouvant  la  chose  à  moitié  con- 
sommée, et  satisfait  des  mesures  qui  avaient 
été  prises,  il  lui  laissa  continuer  sa  route.  » 
Dans  la  relation  que  Poncet  a  donnée  de 
sa  curieuse  excursion  hors   de  l'Egypte,  il 
dit  que,  durant  le  trajet  deMoscho  à  Dongola, 
duiau  13  novembre,  il  rencontra  des  peuples 
qui, bienqu'ilsiissentalors profession  du  ma- 
hométisme,  n'en  savaient  quelaformuledefoi. 
«  Ce  qui  est  déplorable,  ajoute  le  voyageur, 
et  ce   qui  tirait   des  larmes   des   yeux  du 
P.Brévédent,  mon  cher  compagnon,  c'est  qu'il 
n'y  a  pas  longtemps  que  ce  pays  était  chré- 
tien et  qu'il  n'a  perdu  la  foi  que  parce  qu'il 
ne  s'est  trouvé  personne  qui  ait  eu  assez  de 
zèle  pour  se   consacrer   à  l'instruction   de 
cette   nation  abandonnée.  Nous  trouvâmes 
encore  sur  notre  route  quantité  d'ermitages 
et  d'églises  à  demi  ruinés.  »  Pendant  le  sé- 
jour des  voyageurs  à  Sennaar,  capitale  de  la 
Nubie,   on  apporta  à  Poncet  une  fille  maho- 
raélane,   âgée  de  cinq  à  six  mois,   pour  la 
traiter  d'une  maladie  :  «Comme  cette  enfant 
était  à  l'extrémité  et  sans  espérance  de  vie, 
dit-il ,  le  P.  Brévédent  la  baptisa  sous  pré- 
texte de  lui  donner  un  remède,  et  cette  fille 
l'ut  assez  heureuse  pour  mourir  après  avoir 

jcçu  le  saint  bai)lème Le  P.   Brévédent 

était  si  pénétré  de  joie  d'avoir  ouvert  le  ciel 
à  cette  Ame,  qu'il  In'assur.iit,  avec  un  trans- 
port que  j(!  n(!  puis  e\|)rimer,  ({ue,  quand  il 
n'auniil  Wnl  que  cela  en  sa  vie,  il  se  tenait 
fiour  Ijieii  récoiii|)ensé  di;  loutns  les  |>(!ines 
tju'ii  avait  eiu^s  en  ce  voya,j;e.  »  I^orscjue  ce 
missiOJinairo  se  trouvait  à   Ti  ipoli  de  Syrie, 


on  lui  avait  donné  fort  mal  à  propos  un  vio- 
lent purgatif  de  pignons  d'Inde,  dit  catapu- 
tia,  et  ce  remède,  toujours  dangereux,  lui 
avait  causé  un  flux  dont  il  était  incommoder 
et  qu'il  cacha  par  modestie  à  Poncet.  Cepen- 
dant sa  position  empira,  et  à  Barcos,  il  se 
vit  en  peu  de  jours  réduit  à  la  dernière  ex- 
trémité. «  Je  n'eus  pas  plutôt  appris  l'état 
oh.  il  était,  dit  Poncet,  que  je  me  fis  porter 
dans  sa  chambre,  quoique  je  fusse  alors 
très-mal.  Mes  larmes  plutôt  que  mes  paro- 
les lui  firent  connaître  que  je  désespérais  de 
sa  guérison  et  que  son  mal  était  sans  re- 
mède. Ces  larmes  étaient  sincères,  et  si  j'a- 
vais pu  le  sauver  aux  dépens  de  ma  vie  ,  je 
l'aurais  fait  avec  plaisir.  Mais  il  était  mûr 
pour  le  ciel,   et   Dieu  voulait  récompenser 

ses    travaux    apostoliques Pour   rendre? 

justice  au  P.  Brévédent,  je  puis  dire  que  ja- 
mais je  n'ai  connu  d'homme  plus  intrépide 
et  plus  courageux  dans  les  dangers,  plus  ar- 
dent et  plus  ferme  lorsqu'il  fallait  soutenir 
les  intérêts  de  la  religion,  plus  modeste  et 
plus  religieux  dans  ses  manières   et   dans 

toute  sa  conduite Pendant  tout  le  voyage,. 

il  ne  me  parla  que  de  Dieu,  et  ses  paroles 
étaient  si  vives  et  si  pleines  d'onction,  qu'el- 
les faisaient  sur  moi  de  profondes  impres- 
sions. Dans  les  derniers  moments  de  sa  vie,, 
son  cœur  se  répandit  en  des  sentiments  d'à— 
mour  et  de  reconnaissance  envers  Dieu,  si 
ardents  et  si  tendres  que  je  ne  les  oublierai 
jamais.  C'est  dans  ces  sentiments  que  ce 
saint  homme  mourut  dans  une  terre  étran- 
gère, à  la  vue  de  la  ville  capitale  d'Ethiopie,, 
comme  saint  François  Xavier,  doatil  portait 
le  nom,  était  mort  autrefois  à  la  vue  de  la 
Chine ,  lorsqu'il  était  près  d'y  entrer  pour 

gagner  ce  vaste  empire  à  Jésus-Christ Il 

mourut  le  9  juillet  de  l'année  1699,  h  trois 
heures  du  soir.  Plusieurs  religieux  d'Ethio- 
pie, qui  furent  présents  à  sa  mort,  en  furent 
si  touchés  et  si  édifiés,  que  je  ne  doute  pas 
qu'ils  ne  conservent  toute  leur  vie  un  grand 
respect  pour  la  mémoire  d'un  si  saint  mis- 
sionnaire. Ces  religieux  vinrent  le  lende- 
main en  corps ,  revêtus  de  leurs  habits  de 
cérémonie,  ayant  chacun  une  croix  de  fer  k 
la  main.  Après  avoir  fait  les  prières  pour  les 
morts  et  les  encensements  ordinaires,  ils 
portèrent  eux-mêmes  le  corps  dans  une 
église  dédiée  à  la  sainte  Vierge,  en  laquelle 
il  fut  inhumé.  »  ' 

Quand  Poncet  se  fut  rendu  à  Gondar,  l'em- 
pereur lui  dit  être  aiUigé  de  la  mort  de  son 
compagnon,  dont  on  avait  fait  connaître  le 
mérite  et  la  capacité  h  ce  prince.  Comme  on 
ne  recevait  aucune  nouvelle  ni  du  P.  Bré-^' 
védenl,  ni  de  Poncet,  les  PP.  Grenier  et  Pau-  % 
let,  jésuites,  ])leins  de  zèle  pour  la  mission   \ 
d'Abyssinie  ,   partirent  avec  des   lettres  du   ' 
consul  de  Maillet.  Le  roi  de  Sennaar  les  re- 
çut avec  honneur,   comme  des  envoyés   <lii 
roi  di;   France,  et  les  rcM-ommanda  à  un  am- 
bassa'leur  du  Négous  cpii  était  venu  coiu-Iure 
la  j)aix  entre  son   maître  et  lui  ;   ils  accom- 
pagnèrent c(!l  ambassadiïur  à  son  retour  en 
Abyssinic,  mais  il   n'est  plus   fait  mention 
d'eux.   Quoi(juo    les   franciscains    réformés 


5Î 


ABV 


AB¥ 


58 


italiens  eussent  un  des  leurs  attaché  au  roi 
de  Sennaar  en  qualité  de  médecin,  et  qu'ils 
prissent  le  titre  d'envoyés  du  pape  auprès 
du  Néj^ous,  moins  favorisés  que  les  jésuites, 
ils  durent  attendre  une  réponse  aux  lettres 
qu'ils  avaient  adressées  à  Yasous,  à  l'abouna 
et  aux  moines  abyssins,  pour  leur  exposer 
leur  commission.  Le  voyage  de  Poncet  avait 
un  double  but  :  d'abord,  de  guérir  le  Né- 
gous  malade,  ensuiie  de  déterminer  Yasous 
à  envoyer  un  ambass;ideur  au  roi  de  France. 
Il  reparut,  en  ellet,  au  Caire,  avec  un  cer- 
tain Mourad,  et  le  P.  Verseau,  qui  s'y  trou- 
vait alors,  les  accomi)agna  à  Paris.  Lorsque 
Poucet  reprit,  en  1703,  avec  Mo  .rad,  le  che- 
min de  l'Abyssinie  par  la  mer  Rou-^e,  le 
P.  du  Bernât,  jésuite,  qui  voulait  pénétrer 
dans  cet  empire,  alla  rattendf(và  Suez.  Ce 
religieux  se  lit,  h  son  tour,  passer  pour  le 
serviteur  du  médecin.  Jacques  <.hrislo[>hc, 
marchand  cypriote,  se  joignit  à  eux.  Mfiisdès 

3u'on  fut  arrivé  à  Djedda,  le  P.  du  IJeroat 
ut  retourner  au  Caire  avec  Christophe,  tan- 
dis que  Mourad  et  Poucet  poursuivaient  leur 
destinée  errante  ;  le  premier  mourui  à  Mas- 
kate,  et  le  second  passa  en  Perse,  où  il  acheva 
sa  vie  marquée  par  les  servie  -s  qu'il  a  ren- 
dus à  la  géographie  des  cotitiées  inconnues 
dont  il  a  parlé.  Bruce  et  Sait  l'ont  traité  avec 
plus  de  justice  que  le  consul  de  Maillet, 
L'Arménien  Elias,  attaché  au  service  de  la 
nation  française,  fut  envoyé  en  Abyssinie 
par  la  voie  de  Massaouah,  pour  préparer 
Yasous  à  recevoir,  comme  ambassadeur  de 
France,  Le  Noir  du  Roule,  vice-consul  à  Da- 
miette,  dont  le  succès  eût  ouvert  cet  empire 
aux  jésuites.  Malheureusement  du  Roule 
périt  assassiné  le  25  novembre  1705,  à  Sen- 
naar ;  caiastrophe  que  Bruce  impute  calora- 
nieusement  aux.  franciscains  réformés,  alors 
établis  en  Nubie,  et  qu'un  sentiment  de  ja- 
lousie contre  les  jésuites,  auxquels  le  vice- 
consul  frayait  le  chemin,  aurait,  dit-il,  por- 
tés à  faire  échouer  son  ambassade.  Le  P.  Jo- 
seph, leur  préfet,  avait  non-seulement  péné- 
tré en  Abyssinie,  mais  reçu  de  Yasous  une 
lettre  pour  le  pape,  et  il  conduisit  à  Rome 
sept  Abyssins.  La  cupidité  des  Nubiens , 
excitée  par  les  présents  dont  du  Roule  était 
chargé  pour  le  Négous,  explique  le  meurtre 
des  Français ,  et  la  calomnie  de  Bruce  est 
d'autant  plus  évidente  que  les  franciscains 
réformés  ne  séjournaient  pas  à  Sennaar  au 
moment  de  l'aitentat.  L'auteur  anglican  se 
borne,  au  reste,  à  reproduire  les  odieuses 
accusations  du  consul  de  Maillet. 

Malgré  le  malheur  que  du  Roule  venait 
d'éprouver  à  Sennaar,  il  resta  dans  l'Atbara 
des  missionnaires  qui  eurent  assez  de  cou- 
rage pour  tenter  un  voyage  en  Abyssinie,  et 
assez  d'adresse  pour  réussir.  Oustas,  étran- 
ger à  la  famille  de  Saloraon,  occupait  le  trône 
lorsque  arrivèrent  les  PP.  Libéral  Weis  (  ou 
de  Wies),  préfet  apostolique  d'Autriche;  Mi- 
chel Pie  de  Zerba,  de  la  province  de  Pa- 
doue,  et  Samuel  de  Bienno  (ou  de  Beamo), 
né  dans  le  Milanais,  religieux  de  l'ordre  de 
Saint-François.  Ce  pri'ue,  dit  Bruce,  avait 
conçu,  comme  Yasous,  une  idée  avantageuse 


de  la  religion  romaine  ;  aussi  il  les  reçut 
favorablement  et  les  mit  sous  la  garde  d'Ain 
Egzié,  ancien  oflicier  d'Yasous  et  gouver- 
neur du  Walkayt.  11  leur  donna  ,  en  outre, 
pour  interpièle,  un  moine  abyssin  qui  avait 
été  h  Jérusalem  et  qui  était  très-attaché  à  la 
communion  de  Rome.  11  le  chargea  de  de- 
meurer s  ins  cesse  auprès  d'eux  et  de  veiller 
à  leurs  intéiéts.  Charmé  de  leur  pauvreté  et 
de  leur  refus  constant  d'accepter  les  biens 
u'il  leur  offrait,  il  leur  défen^lit  néanmoins 
e  prêcher  en  public ,  dans  la  crainte  d'a- 
meuter le  peuple  :  «  L'œuvre  que  nous  en- 
treprenons est  difficile,  leur  dit  le  prince; 
elle  demande  du  temps,  des  ménagements  et 
de  la  patience  ;  Dieu  n'a  pas  créé  le  monde 
en  un  instant,  mais  en  six  jours.  »  Se  déro- 
b  int  lui-même  à  ses  courtisans  pendant  la 
chasse,  Oustas  allait  vi  iter  les  missionnai- 
re-, entendait  la  messe,  communiait  de  leurs 
mains.  Ces  démarches  furent  bientôt  con- 
nues de  beaucoup  de  prôires  et  de  laïques 
de  sa  cour,  mais  la  sévérité  du  Négous  leur 
imposa.  La  race  de  Salomon  ressaisit  le  scep- 
tre, au  mois  ue  janvier  171i ,  dans  la  per- 
sonne de  David,  fils  de  Yasous.  Le  chef  des 
moines  de  Debra-Libanos  déclara  alors,  dans 
une  assemblée  du  de.  gé  ,  et  offrit  de  prou- 
ver que  trois  prèt.-es  catholiques,  avec  un 
interprète  ai)yssiii,  étaient  éiablis  dans  le 
Walkayt  depuis  plusieurs  années,  et  qu'ils 
avaient  été  entretenus  ,  protégés  ,  consultés 
par  Oustas,  qui  assistait  souvent  à  la  messe, 
célébrée  suivant  le  rite  romain.  David,  élevé 
dans  les  préventions  du  schisme,  ordonna 
aussitôt  d'arrêter  les  missionnaires  et  leur 
interj)rète,  l'abba  Grégoire.  Les  confesseurs 
furent  conduits  devant  le  plus  partial  et  le 
plus  barbare  de  tous  les  tribunaux.  L'abba 
Masmaré  et  Adug  Tesfo,  qui  avaient  fait  le 
voyage  du  Caire  et  de  Jérusalem,  et  qui  en- 
tendaient l'arabe,  interrogèrent  les  francis- 
cains et  traduisirent  leurs  réponses.  La  pre- 
mière question  fut  ainsi  formulée  :  «  Rece- 
vez-vous ou  ne  recevez-vous  pas  le  concile 
de  Calcédoine  comme  une  règle  de  foi,  et 
croyez-vous  que  le  pape  Léon  l'a  présidé  et 
dirigé  régulièrement  et  légitimement?  »  Ils 
répondirent  «  qu'ils  regardaient  le  concile 
de  Calcédoine  comme  le  quatrième  concile 
général  ;  qu'ils  recevaient  ses  décisions 
comme  des  règles  de  foi,  qu'ils  croyaient  que 
le  pape  Léon  l'avait  présidé  et  dirigé  régu- 
lièrement et  légitimement,  comme  chef  de 
l'Eglise  catholique  et  successeur  de  saint 
Pierre  et  vicaire  de  Jésus-Christ  sur  la  terre.» 
A  ces  mots,  un  cri  génf^ral  s'éleva  avec  fu- 
reur du  milieu  de  l'assemblée,  et  l'on  n'en- 
tendit que  ces  paroles  terribles  :  «  Qu'ils 
soient  lapidés  I  Quiconqne  ne  leurjetiera  pas 
trois  pierres,  sera  maudit  et  ennemi  de  la 
vierge  Marie!  »  Et  soudain  cette  sentence 
cruelle  fut  exécutée.  Un  seul  prêtre,  homme 
distingué  par  son  savoir  et  par  sa  piété,  et 
l'un  des  cliefs  de  Tass^mb  ée  ,  déclara  avec 
véhémence  que  les  missioinares  étaient  ju- 
gés irrégulièrement  et  injustement  ;  mais  sa 
voix  se  perdit  au  milieu  des  clameurs  de 
cette  multitude  de  barbares.  Les  martyrs 


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iCA 


ACA 


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restèrent  en  butte  à  la  fureur  de  leurs  fana- 
tiques ennemis.  Ou  leur  mit  une  corde  au 
cou  et  on  les  traîna  sur  une  plane,  derrière 
l'église  d'Abbo,  dans  le  chemin  de  Tedda, 
où,  conformément  à  la  sentence,  on  les  la- 
pida. Ils  reçurent  la  mort  avec  une  patience 
et  une  résignation  égales  à  celles  dos  pre- 
miers martyrs.  Non  contents  de  ce  triple 
meurtre,  les  moines  abyssins  voulurent  im- 
moler Tabba  Grégoire,  interprète  des  prê- 
tres d'Europe;  mais  David,  considérant  ([ue 
Grégoire,  en  résidant  avec  les  missionnaires 
dans  le  Walkayt,  n'avait  fait  qu'accomplir 
les  ordres  d'Oustas,  alors  son  souverain  , 
n'autorisa  point  sa  mort,  et  le  renvoya  dans 
sa  province.  (Henrion ,  Hisf.  des  missions, 
roi.  III,  p.  299,  etc.,  citant  Urbain  Cerri,  de 
Maillet,  Poucet,  Bruce.  ) 
•.  Depuis  lors  l'Abyssinie  n'a  plus  été  une 
terre  de  persécution  ,  les  enfanîs  de  saint 
Vincent  de  Paul  l'ont  de  nouveau  évangéli- 
sée,  et  maintenant  la  religion  catholique  y 
est  tolérée. 

AGACE  (saint),  évêque  d'Antioche  (petite 
ville  de  Phrygie,  Antiochia  ad  Cragum),  eut  la 
gloire  de  combattre  pour  la  foi  sous  le  règne 
de  l'empereur  Dèce,  par  ordre  du  consulaire 
Martien.  Ce  saint  évèque  avait  maintenu, 
durant  le  cours  de  la  persécution,  tout  son 
troupeau  dans  la  foi,  tandis  que  les  marcio- 
nites,  nombreux  dans  ce  pays,  sacrifiaient  aux 
idoles  par  la  crainte  des  supplices.  Nous 
donnons  ici  les  actes  cités  par  Ruinart. 

Martien,  personnage  consulaire  et  enne- 
mi déclaré  des  chrétiens,  se  trouvant  à  An- 
lioche,  petite  ville  de  son  gouvernement, 
ordonna  qu'on  lui  amenAt  l'évêque  ;  il  se 
nommait  Acace,  et  sa  vigueur  épiscopale, 
jointe  à  une  charité  universelle,  lui  avait 
fait  donner  le  surnom  de  bouclier  et  de  re- 
fuge du  pays.  Lorsque  ce  saint  homme  eut 
été  introduit  en  la  présence  de  Martien,  ce 
gouverneur  lui  dit  :  «  Puisque  vous  avez  le 
bonheur  de  vivre  sous  la  protection  des  lois 
romaines,  vous  êtes  obligé  d'aimer  et  d'a- 
dorer nos  princes,  qui  en  sont  eux-raômes. 
les  protecteurs.  »  Acnce  répondit  à  Martien  : 
«  Sachez  que  de  tous  les  sujets  de  l'empire, 
11  n'y  en  a  point  qui  aiment  et  qui  honorent 
plus  l'empereur  que  les  chrétiens.  Nous 
prions  sans  discontinuation  pour  sa  ])erson- 
ne,  et  nous  demandons  à  Dieu ,  dans  nos 
lirières,  qu'il  lui  accorde  une  vie  longue, 
jjleinc  de  succès  heureux  et  comblée  de  tou- 
tes sortes  de  bénédictions;  qu'il  lui  donne 
Icsprit  de  justice  et  de  sagesse  pour  gouver- 
ner ses  peuples,  et  que  tout  son  règne  se 
I  asse  dans  une  i)aix  florissante,  et  qui  entrc- 
lieune  la  joie  et  l'abondance  dans  loutes  les 
jiiovinces  qui  lui  ohéissent.Mr/r^/en:  Cela  est 
fort  louable  ;  mais  alin  que  l'em|)ereur  puisse 
efre  encore  plus  foiteiiKint  j)ersuadé  de  vo- 
tn;  fidélité  et  du  zèle  que  vous  avez  [)Our 
son  service,  comme  aussi  de  l'attachenuînt 
que  \()us  dites  avfjir  [)Our  sa  personne,  ve- 
nez lui  offrir  avec  nous  un  sacrifice.  Avacc  : 
Je  viens  de  vous  dire  que  j'ull're  mes  vœux 
pour  le  salut  du  jjrince  ,  .'i  mou  Dieu,  qui 
est  le  seul  ot  véritable  Dieu  :  mais,  îi  l'égard 


du  prince,  il  ne  peut  exiger  de  nous  aucun 
sacrifice,  et  nous  ne  devons  lui  en  offrir  au- 
cun ;  car  enfin  ce  qui  s'appelle  sacrifice  n'est 
dû  à  homme  tel  qu'il  soit.  Martien .-  Ilépon- 
dez-moi  :  Quel  Dieu  adorez- vous  donc,  afin 
que,  de  notre  côté,  nous  puissions  aussi  lui 
présenter  nos  vœux  et  notre  encens  ?.lracc  : 
Je  souhaite  de  tout  mon  cœur  que  vous  le 
connaissiez.  Martien  :  Apprenez  -  moi  son 
nom.  Acace  :  Il  se  nomme  le  Dieu  d'Abra- 
ham, d^lsaac  et  de  Jacob.  Martien  :  Sont-ce 
là  aussi  des  dieux?  Acace  .-Non,  sans  doute  ; 
ce  sont  des  hommes  auxquels  véritablement 
Dieu  a  parlé.  Il  n'y  a  que  lui  seul  qui  soit 
Dieu,  et  lui  seul  doit  être  adoré,  craint  et 
aimé.  Martien  :  Quel  est-il  enfin,  ce  Dieu  ? 
Acace  :  Adonai,  le  Très -Haut,  qui  est  assise 
sur  des  cliérubins  et  sur  des  séraphins. 
Martien  :  Qu'est-ce  qu'un  séraphin  ?  Acace  : 
C'est  un  des  ministres  du  Dieu  très-haut,  et 
un  des  principaux  seigneurs  de  la  cour  cé- 
leste, qui  approche  le  plus  près  du  trône. 
Martien  :  Quelles  chimères  nous  débitez- 
vous  là?  Laissez  toutes  ces  choses  invisibles, 
et  adorez  [ilutôl  des  dieux  que  vous  puissiez 
voir  et  connaître.  Acace  :  Dites-moi  donc  ,  à 
votre  tour ,  quels  sont  ces  dieux  à  qui 
vous  voulez  que  je  sacrifie?  Martien  :  Apol- 
lon, le  sauveur,  le  libérateur  des  hommes, 
qui  peut  nous  préserver  de  la  famine,  de  la 
peste  et  des  autres  fléaux  ;  qui  éclaire,  régit 
et  gouverne  l'univers.  Acace  :  Apollon,  di- 
tes-vous? Quoi,  ce  jeune  fou,  qui,  épris  de 
l'amour  d'une  fille,  courait  après  elle,  sans 
prévoir  que  dans  le  moment  même  il  allait 
la  perdre  pour  toujours?  Il  est  constant  qu'il 
n'était  pas  prophète,  puisqu'il  ignorait  ce 
qui  devait  lui  arriver,  et  il  était  encore 
moins  dieu,  puisqu'il  se  laissa  tromper  par 
une  fille.  Mais  ce  ne  fut  pas  là  le  seul  malheur 
qui  lui  arriva,  ni  la  seule  sottise  qu'il  fit. 
Comme  il  aimait  les  beaux  garçons,  il  con- 
çut une  passion  détestable  pour  le  beau 
Hyacinthe,  comme  tout  le  monde  sait,  et  il 
fut  assez  maladroit  pour  casser  la  tête  à  ce 
beau  mignon,  du  môme  palet  dont  il  jouait 
avec  lui.  N'est-ce  pas  aussi  ce  dieu  qui, 
avec  Neptune,  un  autre  dieu  comme  lui,  se 
fit  maçon  et  se  loua  à  un  roi***,  pour 
bâtir  lés  murailles  d'une  ville?  Ce  fut  aussi 
lui  qui,  chassé  du  ciel  et  n'ayant  le  sou,  se 
mit  à  garder  les  troupeaux  du  roi  Admètc. 
Et  vous  voulez  m'obliger  à  offrir  des  sacri- 
fices à  une  telle  divinité?  Ne  voiidriez-vous 
j)as  aussi  que  j'en  offrisse  à  Esculape,  quoi- 
que foudroyé  par  Jupiter?  à  Vénus,  malgré 
sa  vie  libertine  et  ses  infimes  amours,  et  à 
cent  autr(\s  monstres  semblables,  à  ({ui  vous 
sacrifiez  vous-mêmes?  Ne  croyez  pas  que  la 
crainte  de  |)erdre  la  vie  au  milieu  des  plus 
affreux  sup|)lic<;s  ])uisse  jamais  me  faire  ré- 
sou(lr(!  à  adorer  ceux  (jue  je  rougirais  d'imi- 
ter, pour  lesipiels  j(!  n'ai  (pie  du  mépris,  que 
de  riioi'i'eur.  Dites-moi,  si  (pielipi'un,  dans 
son  gouvernement ,  après  avoir  commis  do 
pareils  forfaits,  voulait  se  justifier  par 
l'excMiiple  d(î  vos  dieux  ,  aurie/.-vous  ()0ur 
eux  assez  de  respect  «4  de  complaisance  j>our 
lo  renvoyer  absous?  El  ccpeiulanl  vous  ado- 


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6? 


rez  dans  vos  ditMiK  ce  quo  vous    puiiirii.'Z 
sévèrement  dans  les  hommes.   Martien  :  Je 
sais  que  c'est  votre  ordinaire,  h  vous   antres 
chrétiens,  de  vomir  force  injures  contre  la 
majesté    de  nos   dieux;    c'est    |)Ourqnoi  je 
veux  ((ue  vous  veniez  tous  présentement  avec 
moi  au    tem()le    do   Jupiter  et  de  Junon , 
pour   leur  rendre,  dans  un   banquet    reli- 
gieux que  nous  y  ferons  ei  leur  honneur, 
ce  qui    est    dil    à    ces    gran.ies    divinités. 
Acace  :  Bon  !  j'irais  sacritier  à   un    homme 
dont  on  voit  encore  aujourd'hui  le  tondjeau 
dans  l'île  de  Crète  fCandie)!  Quoi,  est-il  res- 
suscité ?  Martien  :  Tout  cela  ne  sert  de  rien  ; 
il  faut  ou  sacrifier,  ou  mourir,  xicace  :  Voilà 
justement   comme  en  usent  les  brigands  de 
Dalmatie,  dans  les  défilés  de  leurs  monta- 
gnes, envers  les  pauvres  voyageurs  que  leur 
malheureuse  destinée  y  conduit  :  La  bourse 
ou  la  vie  1  vous  demandent-ils  :  il  faut  lais- 
ser l'une  ou  l'autre.  De  même  ici,  il   faut, 
ou  perdre  la  vie,  ou  commettre  un  crime.  Je 
vous  déclare  que  je  ne  crains  rien,  que  je 
n'appréhende  rien  ;  les  lois    punissent  les 
adultères,  les  voleurs,  les  homicides  :  si  j'é- 
tais   coupable   de    quelqu'un  de    ces    for- 
faits, je  serais  le  premier  k  me  condamner  et 
à   me  punir  sans  attendre  votre  jugement. 
Mais  si  tout  mon  crime  est  d'adorer  le  vrai 
Dieu,  et  que  pour  cela  seul  je  sois  conduit 
au  supplice,  ce  ne  sera  plus  la  loi  qui  me 
condamnera,  mais  l'injustice.  Il  est  dit- en 
plus   d'un  endroit  dans   nos   livres   sacrés 
\Ps.  xni  et  lu)  :  Ils   se  sont   tous  détournés 
du  bon  chemin;  ils  sont  tous  devenus  inutiles  : 
il  n'y  en  a  pas  un  qui  fasse  le  bien,  il  n'y  en 
a  pas  un  seul.  Et  il  est  écrit  ailleurs  {Luc  vi)  : 
Vous  serez  jugés  de  la  même  manière  que  vous 
jugerez,  et  l'on  vous  fera  comme  vous  faites 
aux  autres.  Martien  :  Moi,  je  n'ai  pas  ordre 
de  juger,  mais  de  contraindre  ;  c'est  pour- 
quoi, si  vous  n'obéissez  de  bon  gré,  je  sau- 
rai bien   vous  faire  obéir  par  force.  Acace: 
Et  moi  j'ai  aussi  reçu  un  commandement  au- 
quel je  prétends  déférer  ;   c'est  de  ne  point 
renoncer    mon    Dieu.  Si  vous   croyez  être 
obligé  d'exécuter  les    ordres   d'un  homme 
morteU  qui  demain  sera  la  pfdure  des  vers, 
quelle  doit  être  ma  fidélité  et  mon  exactitude 
à  obéir  à  un  Dieu  dont  la  durée  est  éternelle 
et  ]>i  puissance  infinie,  et  qui  a  prononcé  ce 
terrible  arrél  contre  ceux  qui  le  renonceraient 
[Matth.  x)  :  Quiconque  ne  confessera  pas  mon 
nomdevant  leshommes^jene  lereconnaîtrai  pas 
non  plus  moi-même  en  la  présence  de  mon  Père, 
lorsque  je  viendrai,  tout  environné  de   gloire 
et  de  majesté,  juger  les  vivants  et  les  morts  ! 
Martien  :  Vous  venez  tout  à  propos  de  décla- 
rer cette  erreur  de  votre  secte,  qu'il  y  avait 
longtemps  que  j'avais  envie  de  savoir.  Vous: 
dit-es  donc  que  Dieu  a  un  fils?  Acace  :  Oui,  il 
en  a    un.  Martien:  El  qui  est-il  ce  fds  de 
Dieu  ?  Acace  :  Le  Verbe  de  grâce  et  de  vérité. 
Martien  :  Est-ce   là  son  nom?  Acace :Yo\is 
ne  m'aviez  pas  demandé  son  nom,  mais  quelle 
était  sa   puissance.  Martien  :  Eh  bien  !  son 
nom?   Acace  :  Jésus  -  Christ.   Martien  :  De 
quelle  femme  Dieu  a-t-il  eu  ce  fils  ?  Acace  : 
Jésus-Christ  est  né  de  la  bienheureuse  vierge 


Marie.  Martien  :  Dieu  a-t-il    eu  ce  fils  à  la 
manière   diS   hommes?  Acace  :  Lh  Eils    de 
Dieu  a  été  conçu  dans  le  sein  de  Marie   j)ar 
l'opération    Ja    Saint -Es[)rit.   Quand    Dieu 
créa  le  premier  homme,  il  lui  forma  un  cor[)s 
avec  un  peu  de  terre,  et  ensuite  il  lui  inspira 
l'Ame  et  la  vie.  Car  ne  pensez  f)as  (pie  cette 
divine  Majesté  ,  qui  est  un  pur  esprit,  souille 
son  infinie   pureté  par  le  commerce  d'une 
femme  mortelle.  Ainsi    le   Fils   de  Dieu,  le 
Vei-be  de  vérité  est  sorti   do  rentendt;ment 
de  Dieu;  c'est  ce  qui  est  exprimé  dans  les 
livr((S  divins,  en  ces   termes  :  Mon   cœur   a 
produit   une  parole  sainte  {Ps.   xliv).   Mar- 
tien :  Dieu  a  donc    un   corf)S  ?   Acace  :  Lui 
seul  se  connaît  ;  pour   nous,  nous  ne  sau- 
rions  dire  quelle  forme  il  a,   [)arce  qu'elle 
est  invisible.  Nous  nous  contentons  do  re- 
connaître et  d'adorer  son   pouvoir  souve- 
rain. Martien  :  Si  Dieu    n'a   pas  un  corps, 
comment  lui    donnez-vous  un   cœur  ?  car, 
tout  ce  qui  a  sentiment  doit  nécessairement 
avoir  un  corps.  Acace  :  La   sagesse  subsiste 
indépendamment  des  organes  du  coips;  c'est 
Dieu  qui  en  est  le  principe.  Et  quel  besoin, 
je   vous    prie,   l'entendement   a-t-il    d'un 
corps  ?    Martien  :  Revenons  au  fjoint.  Con- 
sidérez les  cataphryges  (anciens  hérétiques); 
ce  sont  gens  qui  professant  une  ancienne 
religion;  eh   bien,  ils  ont  renoncé  à  leurs 
vieilles  erreurs,  et  se  sont  joints  à  nous  pour 
offrir  des   sacriiices  à  nos  dieux.  Croyez- 
moi,    hâtez -vous    d'en   faire    autant,   kas- 
semb'ez  tous   les  chrétiens   qui  sont   sous 
votre   charge,  et  persuadez-leur  d'embras- 
ser la  religion  de  l'empereur.  Que  tout  le 
peuple  vous  suive    au  temple.    Acace  :  Ce 
n'est  pas  à   moi  que  tout  ce  peuple  obéit  ; 
c'est  à  Dieu.  Ainsi  il  m'écoutera  volontiers 
lorsque  je  voudrai  lui  enseigner  des  choses 
justes  et  raisonnables,  et  qui  ne  serant  point 
opposées  à  la  loi  de  Dieu  ;  mais  tous  m'aban- 
donneront, n'auront  que  du  mépris  pour  mes 
paroles,  s'ilsreconnaisscntqu'elies  soientcon- 
trairesà  cette  divine  loi,  etqueje  chercheàles 
pervertir.  Martien  :  Donnez-moi  leurs  noms. 
Acace  :  Leurs  noms  sont   écrits  au  ciel   et 
dans  les  sacrés  registres  de  Dieu.  Croyez- 
vous  que  les  yeux  d'un  mortel  puissent  lire 
des  caractères  formés  de  la  main  de  Dieu 
même  ?  Martien  :  Où.  sont  les  autres  magi- 
ciens, vos  compagnons,  ces  adroits  impos- 
teurs, qui  font,  comme  vous,  profession  de 
cet  art  trompeur?  Acace  :  11  n'y  a  persomie 
au  monde  qui  ait  plus  d'horreur  de  la  ma- 
gie que  les  chrétiens.  Martien  :  Cette  nou- 
velle religion  que  vous  introduisez,  qu'est-ce 
autre  chose  que  magie  et  qu'enchantements  ? 
Acace  :  Appelez-vous  enchantements  ce  que 
nous  faisons  à  l'égard  de  vos  dieux,  que  nous 
renversons  souvent  d'une  seule  parole,  et  que 
nous  dégradons  de  ce  haut  rang  où  vous  les 
aviez  placés,  leur  ôtant  la  divinité  qu'ils  te- 
naient de  vous  ?  car  enfm,  ces  pauvres  dieux 
demeureraient   imparfaits,  si  le  bois  ou  la 
pierre  vetiait  à  manquer  à  l'ouvrier  qui  les 
fait.  Pour  nous,  nous  craignons,  non  celui 
que  nous  avons  forgé  de  nos  mains  ,  mais 
celui  qui  nous  a  formés  des  siennes  ;  qui 


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nous  a  créés  comme  le  maître  el  .e  seigneur 
de  la  nature,  qui  nous  a  aimés  comme  un 
bon  père,  qui  nous  a  arra;  h6s  h  la  m  )rt  et 
à  l'enfer,  comme  un  pasteur  soigneux  et  af- 
fectionné. Mirtien  :  Do-i'iez-moi,  vous  dis-je, 
les  noms  que  je  vous  demande  ;  et  craignez 
qu'un  second  refus  ne  vous  coûte  cher. 
Arace  :  Je  comparais  devant  vous  ,  et  vous 
me  demandez  mon  nom  ;  vous  voulez  aussi 
savoir  celui  des  autres  ministres  du  Sei- 
gneur. Croyez-vous  en  pouvoir  désarmer 
plusieurs,  vous  qui  ne  pouvez  résister  h.  un 
seul.  E!i  bien  1  si  vous  aimez  tant  à  savoir 
des  noms,  je  m'appelle  Acace;  et  si  vous 
en  voulez  encore  savoir  davantage,  on  me 
nomme  Agathange ,  et  mes  deux  compa- 
gnons, Pison,  évoque  des  Troyens,  el  Méan- 
dre, prôtre  de  cette  Eglise.  Faites  mainte- 
nant ce  qu'il  vous  plaira.  Martien  :  Vous 
tiendrez  prison  jusqu'à  ce  que  j'aie  informé 
l'empereur  de  vos  sentiments,  et  j'attendrai 
là-dessus  ses  ordres.»  Decius,  ayant  lu  cette 
relation  ,  ne  put  s'empêcher  d'admirer  les 
réponses  vives,  et  pleines  de  feu  et  de  jus- 
tesse du  saint  évêque  Acace.  Et  tournant  en 
raillerie  toute  cette  dispute,  il  ne  laissa  pas 
de  récompenser  Martien  du  gouvernement 
de  laPamphylie;  mais  il  permit  à  Acace  de 
professer  librement  sa  religion. 

L'Eglise  fait  la  fête  d  ;  saint  Acace  le  31 
du  mois  de  mars.  Saint  Acace,  après  ce  glo- 
rieux combat,  convertit  beaucoup  d'infidèles 
à  la  religion  chrétienne,  et  plus  tard  mourut 
tranquillement  dans  la  paix  du  Seigneur. 

ACACE  (saint),  est  indiqué  dans  les  mar- 
tyrologes latins  et  grecs  comme  ayant  souf- 
fert le  martyre  avec  saint  Ménandre  et  saint 
Polyène,  en  même  temps  que  saint  Patrice,  à 
Pruse  en  Bithynie.  Les  actes  de  ce  saint 
évoque  ne  donnent  pas  de  détails  sur  le  mar- 
tyre des  trois  saints  que  nous  venons  de 
nommer.  Leur  fête  est,  comme  celle  de  saint 
Patrice,  célébrée  par  l'Eglise  le  28  avril.  Le 
martyre  de  ces  saints  eut  lien  dans  le 
ni'  siècle,  sous  le  règne  de  Dioclétien. 

ACACE  (saint),  prêtre  et  martyr,  illustra 
par  sa  mort  la  ville  de  Séhaste  en  Arménie, 
sous  l'empereur  Dioclétien.  11  eut  pour  com- 
pagnons de  son  martyre  le  saint  prêtre  Hi- 
rénarqueet  septfemmes  chrétiennes.  L'Eglise 
célèbre  leur  fête  le  vingt-sept  de  novembre. 

ACACE  (saint),  martyr,  habitait  Milet 
quand  l'empereur  Licinius,  violant  les  enga- 
gements qu'il  avait  pris,  se  déclarant  l'en- 
neuii  de  C(i  (pi'il  avait  protégé,  se  mit  à  per- 
sécuter violemment  his  chrétiens.  Saint 
Acace  fut  arrêté,  soudVit  divers  tourments, 
fut  jeté  par  les  persécuteurs  dans  une  four- 
naise où  la  Providence  le  (conserva  miracu- 
leusement, et  (Milin  eut  la  tête  tianchét.'.  Sa 
fête  a  lieu  le  28  juillet. 

A(]AC1US  (sîiinlj,  niarlyr,  l'un  di!S  ({uaranle 
martyrs  de  Sébaste,  sous  Licinius.  Voij.  Mau- 

'J  YUS   I)K  SkJIASTK. 

A(L\THE  (saint),  ccnluiion  à  Hyzance, 
sous  h.'  lè^ne  de  Dioch-tien  et  de  Maximieii, 
fut  accusé  ji.ir  la  tribun  Kirnnis  défaire  |)ro- 
fession  du  cliristiarusim;.  Le  juge  llihieii  lui 
iil  soull'rir  à  Cériiithc  d'atrocci)  tortures,  puis, 


le  proconsul  Flaccus  le  conaamna,  quand  on 
l'eut  ramené  à  Bysance,  à  perdre  la  tête.  On 
dit  que  son  corps  fut  porté  miraculeusement 
sur  le  bord  do  la  mer  à  Squillace,  où  il  est 
conservé,  dit  le  oiartyrologe  romain,  avec 
honneur.  L'Eglise  célèbre  sa  fête  le  8  du 
mois  de  mai. 

ACCURSE  (saint),  martyr,  était  religieux 
de  l'ordre  de  Saint-François.  Il  eut  la  gloire 
de  mourir  pour  la  foi  à  Maroc  en  Afrique.  Il 
eut  des  compagnons  de  martyre,  ce  furent 
les  saints  Pierre,  Berard,  Ajut  et  Olhon.  L'é- 
poque où  eut  lieu  leur  martyre  est  inconnue. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  IG  janvier. 

ACEPSIMAS  (saint),  martyr,  mourut  en 
Perse  pour  la  foi  chrétienne,  en  l'an  de  Jésus- 
Christ  380,  sous  le  roi  Sapor,  surnommé 
Longue-Vie,  prince  qui  ravagea  l'Eglise  du- 
rant quarante  années.  Saint  Maruthas,  qui 
finit  son  histoire  de  la  persécution  de  Sapor 
par  celle  du  martyre  de  saint  Acepsimas  et 
de  ses  compagnons,  dit  avoir  recueilli  tout 
ce  qu'il  raconte,  do  la  bouche  de  témoins 
oculaires.  Durant  trois  années,  Acepsimas, 
évêque,  Joseph,  prêtre,  Aithilahas,  diacre, 
soulfrirent  d'incroyables  tourments.  Ils  de- 
meurèrent dans  une  affreuse  prison,  furent 
plusieurs  fois  appliqués  à  la  question,  cruel- 
lement torturés,  sans  cesse  menacés  de  la 
mort.  Ce  fut  dans  la  trente-septième  année 
de  la  persécution  du  roi  Sapor,  qu'un  nouvel 
édit  parut,  enjoignant  aux  magistrats,  aux 
gouverneurs  de  provinces,  de  sévir  avec  une 
nouvelle  rigueur  contre  les  chrétiens,  non 
qu'ils  eussent  commis  de  nouveaux  crimes, 
('  mais,  disait  l'édit,  parce  qu'ils  détruisaient 
la  doctrine  anciennement  reçue  dans  le 
royaume,  parce  qu'ils  enseignaient  aux  peu- 
ples le  culte  d'un  seul  Dieu,  condamnaient 
celui  du  soleil,  détournaient  du  mariage  , 
défendaient  d'entrer  dans  les  armées  du 
prince,  et  de  l'aire  du  mal  à  qui  que  ce  fût; 
parce  qu'ils  permettaient  de  tuer  toutes 
sortes  d'animaux,  de  donner  la  sépulture 
aux  morts,  et  disaient  que  c'était  Dieu,  et 
non  le  diable,  (iui  était  le  créateur  des  ser- 
jients  et  des  scor|)ions.  »  Certes  dans  ces 
dilférentes  allégations  il  y  avait,  les  chrétiens 
s'en  font  gloire,  infiniment  de  vérité.  Mais  il 
s'agit  de  bien  comprendre  certaines  d'entre 
elles  ;  celle,  par  exemple,  où  il  est  question 
du  mariage.  Les  Perses  se  faisaient  ou  alfec- 
taient  de  se  faire  une  fausse  idée  de  la  doc- 
trine d  'S  chrétiens  sur  ce  point.  Non,  les 
chrétiens  n'allacpiaient  pas  le  mariage  conniie 
mauvais  en  soi  ;  seulement,  ils  prêt  ndaient 
que  la  virginité  était  un  état  meilleur  et  plus 
partait.  Dès  que  cet  édit  eut  été  publié,  on 
arrêta  l'év.'que  d'Honite  en  Assyiie.  11  se 
nommait  Acepsimas.  Il  avait  quatre-vingts 
ans.  Son  g. and  Age  ne  [)ut  le  mettre  à  l'abri 
(les  mauvais  traitements  des  persécuteurs. 
On  le  mena  enchaîné  jus(pi'à  Arbelles,  où  se 
tenait  le  gouverneur  de  la  province.  —  Eh 
qiKji!  lui  dit,  en  K;  voyant,  ce  migistrat,  tu 
nies  la  divinité  du  soled  (lue  tout  l'Orient 
pi().;lam<^!  Vraiment,  je  ny  |)nis  croire. 
— Acepsimas  iui  réijondil  (pie  lui,  de  son  côté, 
ne  savait  cujnmenl  cruiie  que  des  homuioi 


«5 


ACE 


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raisonnables  -pussent  préférer  la  créature  à 
son  auteur,  et  (juMl  ne  llétrirait  point  sa 
vieillesse  par  une  semblable  et  si  crnninello 
démence.  —  Aussitôt  qu'il  eut  fini  de  parler, 
iG  gouverneur  lui  lit  gariotter  les  deux  pieds 
avec  de  grosses  cordes,  et  l'ayant  fait  cou- 
cber  sur  la  terre,  ordonna  qu'on  le  frappât 
si  cruellement,  (|uc  bientôt  son  corps  tout 
entier  n'offrit  plus  que  l'aspect  d'une  plaie 
saij^nante.  Au  sortir  de  cet  supplice  atroce, 
il  fut  jeté  en  prison. 

A  celte  époque  aussi  on  arrôta  un  nommé 
Joseph,  prôtre  de  Bélli-Catuba,  ainsi  qu'Ailhi- 
lahas,  diacre  de  l'église  de  Beth-Nuhadra.  Ce 
diacre  était  un  homme  aussi  éminent  par  sa 
sainteté  que  par  son  profond  savoir.  Tous 
deux  furent  amenés  devant  le  gouverneur, 
qui,  s'adressant  à  Joseph,  lui  demanda  s'il 
adorait  le  soleil. — Comment  !  dit  Joseph, 
vous  croiriez  que  j'adore  le  soleil,  moi  qui 
ai  enseigné  aux  autres  à  le  considérer 
comme  une  créature  inanimée,  et  qui  n'a 
rien  de  divin  !  Non,  vous  ne  connaissez  pas 
les  chrétiens.  —  Le  gouverneur  le  condamna 
au  même  supplice  que  le  saint  évêque.  Jo- 
seph, couché  par  terre,  fut  frappé  successive- 
ment par  dix  bourreaux,  qui  se  fatiguèrent  à 
celle  cruelle  tâche.  Il  était  tellement  déchiré 

3ue  les  assistants  pensaient  qu'il  allait  ren- 
re  l'ûme.  Mais  lui,  les  yeux  levés  au  ciel, 
et  ranimant  ses  forces,  dit  à  haute  voix: 
«  Oh!  je  vous  rends  grâces,  Seigneur  Jésus, 
Fils  de  Dieu,  car  vous  avez  daigné  me  laver 
dans  mon  sang ,  comme  dans  un  second 
baptême,  pour  me  purifier  de  mes  péchés.  » 
Les  bourreaux,  entendant  cette  prière,  le 
tourmentèrent  avec  une  nouvelle  rage.  En- 
suite ils  le  mirent,  chargé  de  chaînes,  dans 
la  même  prison  qu'Acepsimas. 

Après  cela,  ce  fut  le  tour  d'Aithilahas. 
Quai.d  il  fut  devant  le  tribunal  :  «  En  quel- 
ques mots,  lui  dit  le  gouverneur,  adore  le 
soleil,  qui  est  un  dieu,  mange  du  sang, 
mords-toi ,  je  te  laisserai  vivre.  —  J'aime 
mieux  mourir,  pour  vivre  dans  l'éternité  , 
dit  le  saint,  que  de  vivre  aux  conditions  que 
vous  m'otïrez,  pour  ensuite  être  condamné  à 
une  mortquin'auraitjamaisde  tin. —Qu'on  lui 
lie  les  mains  sur  les  genoux,  dit  le  gouver- 
neur ;  qu'on  le  mette  sous  une  poutre,  et 
que  douze  hommes  foulent  sur  les  extrémi- 
tés. »  Après  cet  atroce  supplice  ,  le  saint 
eui  à  enuurer  une  fustigation  excessivement 
barbare  :  ses  os  étaient  disloqués,  sa  chair 
tombait  en  lambeaux,  quand  on  cessa  de  le 
tourmenter.  H  était  dans  un  tel  état  de  fai- 
ble>se,  qu'il  ne  pouvait  plus  faire  usage  de 
Fes  membres.  On  fut  contraint  de  le  porter 
dans  la  prison.  Dès  le  lendemain  les  saints 
martyrs  furent  ramenés  au  tribunal.  Les 
menaces  les  plus  atroces  leur  furent  faites, 
sans  pouvoir  en  rien  ébranler  leur  cons- 
tance. Ils  furent  couchés  à  terre,  et  on  leur 
lia  le  corps  et  les  membres  avec  des  cordes 
tellement  serrées,  qu'on  entendait  craquer 
leurs  os.  Durant  cette  effroyable  torture,  les 
ofUciers  royaux  les  pressaient  d'obéir  aux 
édits  du  monarque.  Les  saints  ne  faisaient 
qu'une  réponse  :  «Nous  plaçons  en  Dieu 


toute  notre  confiance;  nous  ne  voulons  pas 
obéir.  »  Les  persécut(!urs,  au  comble  de  la 
fureur,  leur  refusèrent  la  mort  pour  les  vain- 
cre [lar  la  souffrance  i)rolongée.  Trois  ans 
ils  demeurèrent  en  prison,  privés  de  tout 
secours  et  sans  cesse  tourmentés  de  la  fa- 
çon la  plus  cruelle  par  leurs  impitoyables 
bourreaux.  Cependant  le  roi  arriva  dans  la 
Médie.  Adarsapor,  le  premier  des  gouver- 
neurs des  provinces  d'Orient ,  l'accompa- 
gnait. Les  martvrs,  tirés  de  prison,  furent 
amenés  devant  lui.  Ils  étaient  méconnaissa- 
bles. Les  païens  eux-mêmes  ne  pouvaient 
s'empêcher  de  les  prendre  en  pitié.  Adarsa- 
por siégeait  entouré  de  beaucoup  de  satra- 
pes et  de  gouverneurs.  «Professez-vous  la 
religion  du  Christ?  leur  dit-il. — Oui,  répon- 
dirent les  martyrs,  et  nous  n'adorons  qu'un 
Dieu,  qui  a  créé  l'univers  et  oui  en  est  le 
maître.  —  Obéissez  au  prince,  ait  le  juge. 
— Votre  espérance  demeurera  vaine,  dit  Acep- 
simas  ;  nous  n'abjurerons  pas  notre  foi. 
Condamnez-nous  à  n'importe  quels  suppli- 
ces ;  cessez  de  nous  faire  languir.  Jamciis 
nous  ne  nous  laisserons  intimider  par  vos 
menaces.  Nous  avons  appris  à  ne  pas  redou- 
ter la  mort.  —  C'est  le  propre  des  criminels 
de  la  souhaiter,  reprit  le  juge;  ils  sont  par 
là  délivrés  des  peines  qu'ils  méritent.  Vous 
vivrez,  mais  je  vous  rendrai  la  vie  aussi 
insupportable  qu'une  mort  continuelle.  Je 
veux  que  vous  serviez  d'exemple  à  tous 
ceux  de  votre  secte.  —  A  quoi  servent  vos 
menaces?  reprirent  les  saints,  le  Dieu  en 
qui  nous  mettons  notre  confiance  saura 
nous  donner  de  la  force  et  du  courage.  » 
— Adarsapor,  furieux,  proféra  contre  les  saints 
les  plus  cruelles  menaces.  «  Votre  sang,  leur 
dit-il,  va  souiller  vos  cheveux  blancs;  je 
vais  détruire  vos  corps,  les  réduire  en  pous- 
sière et  les  jeter  au  vent.  —  Faites,  dit  Acep- 
simas,  nos  corps  vous  appartiennent  ;  quant 
à  nos  âmes,  elles  sont  à  Dieu,  et  vous  n'y 
pouvez  rien.  Vous  comblerez  nos  désirs  les 
plus  ardents,  en  exécutant  vos  menaces.  » 
Adarsapor,  cédant  à  sa  rage,  commanda  que 
trente  hommes,  tirant  en  sens  divers  avec 
des  cordes  les  membres  du  saint  vieillard, 
essayassent  de  l'écarteler.  Pendant  ce  temps- 
là,  deux  licteurs  le  frappaient  encore  avec 
des  courroies.  Ce  fut  au  milieu  de  ce  sup- 
plice atroce  qu'Acepsimas  rendit  l'âme. 
Des  gardes  furent  mis  auprès  de  son  corps  ; 
mais  au  bout  de  trois  jours,  malgré  leur  sur- 
veillance, les  chrétiens  l'emportèrent.  11  fut 
enterré  par  l'ordre  et  les  soins  d'une  fille  du 
roi  d'Arménie,  alors  en  otage  chez  les  Perses. 
Le  même  supplice  fut  infiigé  à  Joseph  et  à 
Aithilahas  ;  mais  ils  n'y  perdirent  pas  la  vie, 
étant  plus  forts  et  plus  jeunes.  Le  dernier 
disait  au  juge  :  «  Vos  tortures  sont  trop 
douces;  vous  pouvez  les  augmenter  tant 
qu'il  vous  plaira. — Quoi  l  s'écria  le  juge,  ces 
hommes  vont  à  la  mort  comme  d'autres 
iraient  à  un  festinl  —  N'en  soyez  pas  surpris, 
lui  répondirent  les  assistants,  ceci  est  une 
conséquence  de  leurs  croyances  qui  leur  pro- 
mettent une  autre  vie  dans  un  monde  que 
les  yeux  ne  sauraient  pas  voir.  »  Alors  il  les 


67 


ACE 


ÂCH 


68 


fit  déchirer  avec  la  plus  révoltante  cruauté, 
ordonnant  que,  s'ils  suivi vaient,  ils  fussent 
cond  ;itî>  dans  le^r  pays  jiûur  y  subir  le  der- 
niei-  supplice.  Dieu  les  gaidail  à  de  nouvel- 
les gloires,  ils  survécurent.  On  les  transporta 
donc  sur  des  bètes  de  somme  à  Arbellcs. 
Durant  le  chemin  ils  endurèrent  un  continuel 
supplice,  occasionné  tant  par  les  douleurs  que 
leur  causaient  leurs  blessures  que  par    la 
liarbarie  de  leurs  gardes,  qui  se  faisaient 
un  jeu  cruel  de  les  tourmenter.  A  leur  airi- 
yée,   JazdLindocte,   dame  de  la  ville,  obtint, 
en  donnant  une  grande  somme  au  gouver- 
neur, de  garder  quelque   temps    les   deux 
saints    dans   sa  maiso.i.   Elle  leur  prodigua 
tous   les  soins   de  la  plus  ardeute  charité. 
Dieu  les  fit  returaber  en  bénédictions  sur  son 
ûme,   eu   l'attachant  de  plus  en  plus  à  son 
amour.   Au  bout  de  quelque  temps  les  deux 
martyrs  furent  enlevés  de  ce  pieux  asile.  On 
les    mit  en  prison.  Ils  y  restèrent  six  mois, 
entièrement  privés  des  soins  les  plus  stric- 
tement nécessaires  à  leur  position.  Au  bout 
de  ce  temps  arriva  un  nouveau  gouverneur, 
qui  surpassait  beaucoup  en  cruauté  le  pre- 
mier.  Il  était  porteur  d'un  édit  du  roi,  par 
lequel  il  était  ordonné  que  tous  les  chré- 
tiens qui  refuseraient  de  sacrifier  et  d'adorer 
le   solciil    fussent  lapidés  par  des  gens  de 
leur  propre  religion.  Les  chrétiens,  épouvan- 
tés d'une  telle  abomination,  prirent  la  fuite, 
et  se  réfugièrent  dans  les  déserts,  dans  les 
forêts,  dans  les  montagnes,  partout  enfin  où 
il  n'y  avait  d'autre  danger  que  de  mourir  de 
misèVe  ou  d'être  la  proie  des  bêtes  féroces  , 
mais   où  du   moins  aucun  u)Onstre  ne  se 
trouverait    qui   leur  ordonnât  d'être   eux- 
mêmes   les   bourreaux   de   leurs  frères.  On 
mit  des  soldats  à  leur  poursuite.  Beaucoup 
furent  arrêtés. 

Les  deux  frères  en  Jésus-Christ,  que  déjà 
les  souifrances  avaient  ceints  de  la  glorieuse 
couronne  du  martyre,  furent  amenés  devant 
le  gouverneur.  Josei)h  fut  attaché  par  les 
gros  orteils  et  susj.endu  la  tête  en  bas.  Dans 
cette  position,  il  fut  horriblement  fouetté 
durant  deux  heures.  Il  parlait  duiant  ce 
temps-là  de  la  résurrection.  «  Quoi  1  lui  dit 
le  juge,  quand  tu  seras  lessuscité  tu  me  pu- 
niras?— Non,  dit  Joseph;  on  nous  a  a{)pris  la 
douceur  et  le  pardon  des  injures.  Nous  ren- 
dons le  bien  pour  le  mal.  —Comment,  tu 
me  feras  du  bien  pour  le  mal  que  je  te  fais 
aujourd'hui.  11  n"y  aura  alors  plus  de  faveur 
à  espéicr,  plus  de  grâce  à  obtenir. — Je  j)rieiai 
donc  mon  Dieu  de  vous  amener  à  la  connais- 
sance de  son  nom,  tatidis  que  vous  êtes  (en- 
core dans  celte  vie. — Tu  pensei'as,dit  lejuge, 
à  tout  cela  dans  le  monde  où  je  vais  t'e'i- 
voyer,  mais  dans  celui-ci  obéis  au  loi. — La 
mort  dont  vous  me  menacez,  dit  Joseph,  no 
m'épouvante  [)a.s,  elle  est  l'objc't  de  mes  iilus 
ard(!nis  désiis.  »  L'interrogatoire  d'Ailhila- 
has  ayant  montré  en  lui  les  mêuuïs  senti- 
ments, il  fut  condamné  au  même  su|)pli(;(! 
que  Joseph.  Le  juge  le  fil  délachei',  pensant 
que  l'exemple  d'un  mafiicliéen,  (jui  venait 
d'abjurer  sa  religion,  l'engagerait  â  en  faire 
nntant.  «Je  ne  suis  pas  do  1<i  mAme  religion 


que  ce  misérable,  dit  le  saint  diacre  ;  je  ne 
ferai  j)as  la  même  chose  que  lui.  »  Alors  le 
juge  ordonna  qu'on  le  flagellât  de  nouveau. 
On  le  fit  avec  une  si  révoltante  cruauté  qu'il 
eut  bientôt  toute  sa  chair  en  lambeaux.  11 
perdit  connaissance.  Alors  on  le  jeta  dans  un 
coin,  comme  une  chose  inanimée.  Un  mage 
qui  le  vit  en  eut  pitié,  et  s'approchant  il 
ôta  son  manteau  pour  en  couvrir  le  saint 
martyr.  Le  gouverneur,  l'ayant  su,  fit  donner 
au  mage  charitable  deux  cents  coups  de  bâ- 
ton. Ce  mage  aussi,  lui,  perdit  connaissance. 

Cinq  jours  après  ces  événements,  Tam- 
sapor  arriva  dans  les  environs  d'A>  belles, 
au  château  de  Beth-Thabala.  Le  gouverneur 
lui  envoya  les  deux  saints.  Promesses,  me- 
naces, tout  les  trouva  inébranlables.  «  Avalez 
au  moins  du  jus  de  ces  raisins,  leur  dit-i  )n ,  pour 
laisser  croire  au  peuple  que  vous  avez  obéi. 
— Loin  de  nous  un  tel  crime,  répondirent- 
ils.  La  dissimulation  est  incompatible  avec  no- 
tre foi,  qui  ne  veut  pas  que  nous  produisions 
le  scandale  par  l'apparence  même  du  crime.» 
Après  quelques  instants  de  délibéraiion,  le 
gouverneur  et  Thamsapor  condamnèrent 
les  deux  saints  à  la  peine  que  portait  le  der- 
nier édit,  à  être  lapidés  par  des  chrétiens. 
Ce  fut  à  Arbelles  que  Joseph  fut  exécuté.  On 
avait  assemblé  cinq  cents  chrétiens  pour 
son  supplice.  Au  nombre  d'entre  eux  était 
Jazdundocte.  On  voulut  qu'elle  piquât  seu- 
lement le  saint  avec  une  plume,  afin  qu'elle 
parût  avoir  obéi  aux  ordres  du  roi.  Elle  re- 
fusa avec  tant  de  générosité,  que  les  païens 
eux-mêmes  furent  en  admiration  devant  elle. 
Tous  n'imitèrent  pas  son  généreux  courage; 
il  y  eut  des  chrétiens  assez  lâches  pour  lapi- 
der le  saint.  On  l'avait  préalablement  enterré, 
de  manière  que  la  tête  seule  fût  au-dessus 
du  sol.  Des  gardes  furent  mis  auprès  de  ses 
restes;  mais,  à  la  faveur  d'une  tempête  for- 
midable qui  arriva  dans  la  nuit  du  troisième 
jour,  les  chrétiens  les  enlevèrent,  et  leur 
rendirent  les  honneurs  dont  ils  étaient  di- 
gnes. Saint  Ailhilahas  fut  mis  à  mort  de  la 
môme  façon  à  Beth-Nuhadra.  Ainsi,  ces  deux 
glorieux  combattants,  après  avoir  si  long- 
temps soutfert  ensemble,  lurent  séparés  au 
dernier  moment.  Dieu  les  réunit  au  ciel. 
L'Eglise  romaine  vénère  la  mémoire  de  ces 
trois  saints  martyrs,  le  IV  du  mois  de  mars. 
(Stephen  Assemani,  trad.  de  l'auteur.) 

ACIIE  (saiiU)  soulfi-it  le  martyre;  à  Amiens, 
en  200,  avec  saint  Aciieul,  sous  le  règne  des 
empei'curs  Dioclétien  et  Maximien.  On  ne 
sait  rien  de  j)Ositif  ni  sur  leur  vie,  ni  sur 
les  circonstances  de  leur  marlyre.  L'KglisQ 
célèbre  leur  fête  le  1"  du  mois  de  mai.  A 
Amiens,  on  ne  fait,  malgré  cela,  leur  fête  i^ue 
le  h  du  même  mois 

ACIIEIIL  (saint).  Voij.  le  précédent. 

AClllLLÉlî  (saint),  l'un  des  serviti'urs  do 
sainte  Domitifle  (Flavie),  la  mère  et  non  pas 
l'épouse  du  consul  Clément,  mart\  r,  fut  déca- 
pité à  Teiracine  avec  saint  Nérie,  j)ar  ordre 
d(!  Domitien.  L'Eglise  fait  sa  f(Me  le  12  mai. 

ACIIILLÉE  (saint),  diacre  et  martyr,  eut  la 
gloire  de  donjier  sa  vie  pour  Jésus-Christ, 
à  N'alencc  en  I)au|)lnné.  II  eut  pfair  compa- 


69 


ACT 


ACT 


70 


giion3  do  .son  martyre  le  pr<>tre  Félix  et  lo 
diacro  Foiluiiat.  Ces  saints  martyrs  ayant  été 
envoyés  par  saint  Jrénée,  évoque,  pour  ()rA- 
chor'la  parole  de  Dieu,  et  ayant  converti  à 
la  loi  de  Jésus-Christ  la  plus  grande  par- 
tie de  la  ville,  lurent  mis  en  ])rison  [)ar  lo 
général  Corneille.  Ensuite  ils  subirent  une 
longue  ilagellation,  curent  les  jambes  bri- 
sées, fiu'ent  attachés  à  des  roues  (ju'on  fai- 
sait tourner  avec  beaucoup  de  vitesse,  sus- 
pendus sur  le  chevalet  au  milieu  d'une 
épaisse  fumée,  enliu  mis  à  mort  par  le  glaive. 
L  Kglise  fait  collectivement  leur  fête  le  23 
avril. 

ACHILLÉE  (saint),  martyr,  honoré  par  l'E- 
glise le  1"  mai.  Sans  autre  indication. 

ACHOD,  prince  arménien,  de  la  famille 
Camsaragank,  fut  l'un  de  ceux  qui  soullVi- 
ront  volontairement  la  captivité  pour  Jésus- 
Christ,  sous  le  règne  d'Hazguei'd,  deuxième 
du  nom,  roi  de  Perse,  et  qui  ne  furent  remis 
en  liberté  et  renvoyés  en  leur  pays  que  huit 
ans  après  la  mort  de  ce  prince,  sous  le  règne 
de  son  lils  Bérose.  (Pour  plus  de  détails,  voyez 
Princes  arméniens.) 

ACISCLE  (saint),  martyr,  habitait  Cor- 
doue,  avec  sa  sœur  Victoire,  sous  le  règne 
de  Dioclétien.  Le  président  Dion  les  lit  pren- 
dre tous  les  deux  et  cruellement  tourmenter. 
Ils  reçurent  la  couronne  du  martyre  ensem- 
})\e,  et  sont  honorés  par  l'Eglise  le  17  du 
mois  de  novembre. 

ACOSTA  (Simon  d'j,  Portugais,  de  la  com- 
pagnie de  Jésus,  faisait  partie  de  la  troupe 
de  missionnaires  que  le  P.  Azevedo  était 
venu  recruter  à  Rome  pour  le  Brésil.  Voy. 
Azevedo.  Leur  navire  fut  pris  le  15  juillet 
1571,  (lar  des  corsaires  calvinistes,  qui  les 
massacrèrent  ou  les  jetèrent  dans  les  flots. 
Notre  bienheureux,  dont  l'extérieur  et  les 
manières  annoaçaient  une  naissance  distin- 
guée, fut  amené  devant  Sourie,  le  chef  cal- 
viniste. Moyennant  une  rançon  et  une  sim- 
ple dénégation  il  eût  sauvé"  sa  vie,  mais  il 
aima  mieux  dire  la  vérité,  fut  étranglé  et 
jeté  par-dessus  le  bord.  11  n'avait  que  dix- 
îmit  ans.  fDu  Jarrie,  Histoire  des  choses  plus 
mémorables,  etc.;  t.  Il,  p.  278. — Tanner, 
Societas  Jesu  usque  ad  sanguinis  et  vitœ  pro- 
fusionein  militans,  p.  166  et  170.) 

ACQUIGiNY,  village  situé  aux  environs 
d'Evreux,  célèbre  par  le  martyre  de  saint 
Maxime  et  de  saint  Venerand,  qui  y  eurent 
la  tète  coupée  parles  idolâtres.  Ces  deux 
saints  avaient  d'abord  prêché  en  Lombardie. 
Voyant  leurs  etforts  infructueux,  ils  pas- 
sèrent les  Alpes,  et  Auxerre,  Sens  et  Paris 
furent  su^.cessivement  témoins  de  leurs  pré- 
dications. Ils  continuaient  leur  marche,  se 
dirigeant  sur  Evreux,  lorsqu'arrivés  auprès 
d'Acquigny,  une  troupe  d'idolâtres  s'empa- 
rèrent d'eux  et  leur  coupèrent  la  tète  ainsi 
qu'à  trente-huit  soldats  qu'ils  avaient  con- 
vertis. 

ACTES  DES  MARTYRS.  On  nomme  ainsi 
les  récits  écrits  des  souffrances,  des  coiWiats 
des  confesseurs  et  des  martyrs.  Ces  Actes 
ont  de  tout  temps  été  regardés  par  l'Eglise 
comme  éminemment  dignes  de  sa  vénéra- 


tion. Ils  viennent  au  premier  rang  après  les 
saintes  Ecritures.  Quoi  de  plus  précieux 
pour  elle,  en  elTet,  ([ue  l'histoire  exacte,  au- 
thenti({ue,  des  saints  (|ui  ont  souffert ,  qui 
sont  morts  |)our  la  défense,  pour  la  confir- 
mation des  vérités  contenues  dans  les  saintes 
Ecritures? 

Quand  Jésus-Christ  donna  pour  mission  à 
ses  apôtres,  h  ses  disciples,  d'aller  prêcher 
les  nations,  il  leur  annonça  qu'ils  seraient 
persécutés  ;  mais  il  leur  promit  en  même 
îem[)S  que  quand  ils  paraîtraient  devant  les 
juges  de  ce  monde,  le  Saint-Esprit  parlerait 
par  leur  bouche,  et  dicterait  les  réponses 
qu'ils  auraient  à  faire.  Quoi  donc  de  plus 
saint,  de  plus  vénérable  que  les  interroga- 
toires de  ces  héros  qui  mouraient  pour  la  foi 
chrétienne?  Il  y  a,  clans  les  Actes,  des  pas- 
sages qui  évidemment  sont  inspirés  :  nous 
en  avons  pour  garant  la  promesse  de  Jésus- 
Christ  lui-même.  Il  importe  aux  lecteurs  de 
savoir  comment  ces  Actes  ont  été  recueillis 
dans  les  différents  siècles,  de  savoir  en  un 
mot  f-eur  histoire  précise.  Le  P.  Ruinart , 
bénédictin  de  Saint-Maur,  a  traité  ce  sujet 
avec  une  telle  supériorité,  que  nous  serions 
vraiment  coupable  en  substituant  notre  récit 
au  sien. 

Divers  moyens  dont  les  chrétiens  se  sont  ser- 
vis pour  recueillir  et  conserver  les  Actes 
des  martyrs. 

Le  premier  moyen,  et  un  des  plus  ordi- 
naires dont  les  chrétiens  se  servaient  pour 
avoir  la  communication  de  ces  Actes,  était 
de  gagner  à  force  d'argent  les  commis  du 
grefïe  où  les  registres  publics  étaient  gardés, 
et  d'en  tirer  des  copies.  Secondement,  lors- 
que les  juges  faisaient  tourmenter  quelque 
chrôîien  qui  avait  été  dénoncé  ou  qui  s'était 
présenté  de  lui-môme ,  plusieurs  fidèles  qui 
n'étaient  pas  reconnus  pour  tels  se  mêlaient 
parmi  les  païens,  et  recueillaient  soigneuse- 
mont  les  demandes  et  les  réponses,  et  les 
autres  circonstances  de  ces  sortes  de  procès 
criminels.  Puis,  de  ces  différentes  pièces 
réunies  en  un  corps,  ils  en  composaient  un 
discours  suivi,  en  forme  de  relation,  qu'on 
portait  à  l'évêque  ou  à  celui  que  l'évèque 
nommait  pour  en  faire  l'examen  :  l'approba- 
tion donnée,  ce  discours  était  distribué  aux 
fidèles ,  qui  en  faisaient  leur  lecture  ordi- 
naire. Ce  fut  par  l'un  de  ces  moyens  que  les 
Actes  qui  contenaient  la  première  confession 
de  saint  Cyprien  (Cypr.,  ep.  77)  tombèrent 
entre  les  mains  de  Némésien  et  des  autres 
confesseurs  d'Afrique  qui  avaient  été  con- 
damnés aux  mines,  et  que  ces  généreux  sol- 
dats de  Jésus-Christ  les  reçurent  comme  des 
armes  que  le  ciel  leur  envoyait  pour  les 
mettre  à  couvert  des  traits  de  la  persécution 
et  de  la  fureur  des  tyrans.  Et  que  l'on  ne 
s'imagine  pas  qu'il  n'y  eût  que  les  personnes 
considérables  par  leur  naissance  ou  par  leur 
dignité  dont  on  prît  soin  de  recueillir  les 
Actes  :  la  vénération  que  les  chrétiens  avaient 
pour  les  manyrs  était  telle,  que,  suivant  le 
témoignage  du  diacre  (Ponce)  qui  a  écrit  la 
Vie  de  saint  Cyprien,  ce  même  honneur  était 


71 


AGT 


ACT 


72 


accordé  aux  personnes  du  peuple,  et  même 
aux  catéchumènes. 

•Ces  précieux  restes  de  l'antiquité  se  sont 
encore  conservés  par  la  plume  des  martyrs 
même  qui  écrivaient  leur  histoire.  Sainte 
Félicité  nous  a  laissé  la  sienne;  Sature,  Fla- 
vien  et  quelques  autres  ont  fait  un  récit  de 
leur  martyre;  saint  Ignace,  dans  ceîte  lettre 
digne  d'un  apôtre,  qu'il  écrivit  aux  chrétiens 
de  Rome  un  peu  avant  sa  mort,  leur  apprend 
la  manière  dure  et  cruelle  dont  il  était  traité 
par  une  troupe  de  soldats  insolents  qui  le 
conduisaient.  Nous  devons  à  saiiit  IJenys 
d'Alexandrie  ce  que  nous  savons  des  mar- 
tyrs de  cette  ville,  et  nous  l'apprenons  d'une 
relation  de  leur  mort,  que  ce  savant  homme 
envoya  à  Fabius ,  évoque  d'Antioche.  El  le 
même  saint  Denys,  écrivant  contre  Germain, 
ne  fait  point  de  nifticulté  d'insérer  dans  sa 
lettre  ce  qui  s'était  passé  à  son  égard  lors- 
qu'il confessa  Jésus-Chirst.  Nous  avons  en- 
fin, dans  les  lettres  de  s  iit  Cyprien,  plu- 
sieurs circonstances  de  l'histoire  des  mar- 
tyrs :  ce  saint  docteur  s'en  sert  pour  animer 
ceux  qui  se  préparaient  à  souffrir  pour  la  foi, 
ou  qui  pouvaient  être  un  jour  expo-és  à  la 

f)ersécution.  Souvent  même  les  évèques,  sur 
e  point  de  répandre  leur  sang,  éciivaient  à 
leur  peuple  pour  l'avertir  de  ne  point  se 
laisser  ébranler  par  la  vue  des  supplices  ni 
par  la  crainte  de  la  mort,  et  pour  1  encoura- 
ger, par  leur  exemple  et  par  celui  des  auti-es 
martyrs,  à  y  courir  avec  joie.  11  nous  reste, 
dans  Eusèbe,  une  belle  lettre  de  ce  carac- 
tère ;  elle  est  de  Philéas,  évêque  de  Thmuis. 
11  l'écrivit  aux  chrétiens  de  son  diocèse,  lors- 
qu'il allait  au  martyre,  pour  leur  apprendre 
l'état  où  il  se  trouvait,  mais  principalement 
pour  les  exhorter  à  persévérer,  après  sa 
mort,  dans  les  sentiments  de  piété  et  de  re- 
ligion envers  Jésus-Christ  qu'il  avait  tâché 
de  leur  inspirer  durant  sa  vie.  Enlin ,  les 
Eglises  qui  avaient  porté  ces  illustres  con- 
fesseurs, se  tro.vant  honorées  par  leur  mar- 
tyre, en  ramassaient  les  circonstances  dans 
une  lettre  cn-culaire ,  qu'elles  envoyaient 
aux  autres  Eglises,  afin  que  leur  gloire  no 
demeurât  pas  renfermée  dans  un  seul  ei- 
droit,  mais  qu'elle  passât  avec  leur  nom  jus- 
qu'aux provinces  les  plu3  éloignées.  Sm^rne 
en  usa  ainsi  après  la  mort  de  saint  Polycar]>e; 
Lyon  et  Vienne  firent  la  môme  chose  au 
martyre  de  saint  Polhin,  et  plusieurs  autres 
villes  écrivirent  aussi  de  ces  lettres. 

Les  païens  font  tous  leurs  efforts  pour  les 
supprimer. 

Il  faut  cependant  demeurer  d'accord  qu'un 
grand  nombre  de  ces  Actes  se  sont  perdus 
dans  la  longue  suite  des  temps,  ou  ont  été 
supprimés  par  la  malice  d.js  persécuteurs; 
car  les  ennemis  du  nom  chrétien,  s'ap(;ree- 
vant  que  hmr  lectur(!  servait  beaucoup  à 
alfernur  les  fidèles  dans  leur  relii^ion  en- 
treprirent une  guerre  ouverte  contre  leuis 
kvres.  Arnobe,  avant  la  sanglante  persécu- 
tion de  J)io(l(''lien,  avait  l'eproclié  aux  |)aiens 
tu»  |)rocédé  si  pitu  étpitable  {Lidr.  iv  adv. 
Gent.j.  11  y  eut  même  des  gouverneurs  do 


province  qui  défendirent  qu'on  gardât  parmi 
les  actes  publics  les  interrogatoires  des  mar- 
tyrs, de  peur  que  ces  pièces  juridiques,  oii 
la  constance  des  accusés  triomphait  de  l'in- 
juste cruauté  des  juges,  n'éternisassent  la 
victoire  de  ceux-là  et  la  honteuse  défaite  de 
ceux-ci.  C'est  la  pensée  d'un  ancien  auteur 
qui  a  écrit  le  martyre  de  saint  Vincent,  que 
Dacien  ,  gouverneur  d'Espagne ,  fit  mourir. 
Un  autre  historien  [In  pass.  S.  Anast.  fullo- 
nis  Salonitani)  s'exprime  de  la  môme  sorte 
au  sujet  des  gouverneurs  de  quelques  pro- 
vinces d'Italie.  Mais  le  désordre  fut  si  grand 
et  l'injustice  si  criante  durant  la  dernière 
persécution,  qu'on  ne  sauvait  pas  même  les 
apparences  dans  la  condamnation  des  chré- 
tiens :  on  les  tuait  par  troupes,  sans  observer 
la  moindre  formalité,  et  on  se  jetait  sur  eux 
comme  sur  des  ennemis  déclarés  de  l'Etat  et 
do  la  patrie  (Euseb.).  C'est  ce  qui  fait  que 
non-seulement  leurs  Actes,  mais  leurs  noms 
même  sont  demeurés  inconnus  à  la  pos- 
térité. 

VJigllar.  fait  lire  publiquement ,  dans  les  aS' 
semblées  des  fidèles,  les  Actes  des  martyrs. 

Et  c'est  de  là  que  les  saints  Pères  ont  pris 
occasion  de  se  plaindre  que  de  tant  de  mar- 
tyrs qui  sont  morts  pour  la  foi,  il  y  en  eût  si 
peu  dont  les  Actes  fussent  parvenus  à  la 
co  maissance  des  fidèles,  et  dont  on  pût  faire 
publiquement  la  lecture  dans  l'Eglise  ;  car 
c'était  une  ancienne  coutume  de  l'Eglise  ca- 
tholique de  lire,  dans  les  assemblées  publi-' 
ques  des  chrétiens,  les  Actes  des  martyrs  au 
jour  de  leur  fête  [Apud  Lab.,  t.  II).  Nous  ap- 
prenons, de  divers  passages  de  saint  Augus- 
tin, que  c'était  l'usage  de  l'Eglise  d'Afrique; 
et  du  recueil  des  canons  de  cette  Eglise,  que 
cet  usage  fut  reçu  du  consentement  unanime 
et  par  un  décret  solennel  des  Pères  [Ibid.y 
t.  VIî).  C'est  ce  décret  que  le  pape  Adrien 
cite  honorablement  dans  la  lettre  qu'il  écrit 
à  Charlemagne,  pour  répondre  aux  objections 
que  l'Eglise  de  France  opposait  aux  décisions 
du  septième  concile  général.  Mais  une  cou- 
tume si  sainte  et  si  édifiante  n'était  pas 
moins  en  vigueur  dans  les  Gaules  que  dans 
le:  autres  parties  du  monde  chrétien,  comme 
on  i)eut  le  voir  dans  un  sermon  de  saint 
Césaire  d'Arles  [Serm.  î)5).  Ce  saint  prélat 
s'y  plaint  de  la  délicatesse  peu  religieuse  de 
quelques  jeunes  filles,  ([ui  s'asseyaient  pour 
eutendie  la  lecture  qu'on  faisait  des  Actes 
des  martyrs,  et  qui,  dans  une  santé  parfaite 
et  une  jeunesse  vigoureuse,  se  servaient  do 
la  permission  qu'il  avait  accordée  aux  infir- 
mes et  aux  valétudinaires  de  s'asseoir  du- 
rant cette  lecture.  Saint  Avit ,  évêcjue  do 
Vienne,  dans  une  honiélie  dont  il  ne  nous 
rester  rien  (ju'un  fragment,  dit  qu'on  vient 
de  lire  les  Actes  des  martyrs  de  Savoie  (la 
légion  thébaine),  selon  l'usage  presci-it  par 
l'Eglise.  On  trouve  des  Actes  de  martyrs  in- 
sérés dans  nos  liturgies,  et  le  savant  P.  Ma- 
billon  en  a  doimé  une;  au  public,  après  l'avoir 
lii-ée  d'un  ancien  nuuuiscrit  du  monastère  de 
Ijixeuil,  (pii  conlieMl  plusieurs  de  ces  Actes. 
On  peut  dire  la  même  chose  des  Eglises 


73 


ACT 


ACT 


n 


d'Espagne,  non-seulement  parce  qu'elles  so 
sont  toujours  conformc'îos  h  celles  des  Gau- 
les, mais  parce  qu'on  en  a  un  témoignage 
particulier  dans  la  préface  que  IJraulion  , 
évéque  de  Saragosse,  a  mise  au  devant  dt'  la 
Vie  de  saini  Emilien, qu'il  a  composée, dit-il, 
alin  qu'on  la  i)ût  lire  h  la  messe  qui  so  célé- 
brait au  jour  de  sa  fête.  Au  reste,  la  même 
coutume  était  observée  dans  les  monastère^, 
et  les  anciennes  règles  des  jnoines  y  sont 
expresses.  Saint  Ferréol,  évéque  d'Uzès,  en 
fait  une  ordonnance.  Aurélien,  évoque  d'Ar- 
les, veut  qu'aux  fêtes  des -martyrs  Von  dise 
trois  ou  quatre  leçons,  dont  la  première  soit 
de  l'Kvangile,  et  les  autres  des  Actes  des 
martyrs  mêmes  (Cap.  18  in  Ord.  PsaL).  Et 
saint  Césaire ,  son  successeur,  se  sert  des 
mêmes  termes,  dans  la  règle  qu'il  a  compo- 
sée pour  des  religieuses  {Apud  Bolland.  12 
Januar.).  11  semble  cependant  qu'Agobard, 
qui  gouvernait  l'Eglise  de  Lyon  au  ix*  siècle, 
n'ait  pas  approuvé  cet  usage ,  et  qu'il  ait 
voulu  insinuer,  dans  un  de  ses  ouvrages  , 
que  l'on  ne  doit  recevoir  dans  l'office  divin 
que  des  leçons  tirées  de  l'Ecriture  sainte  {In 
lib.  de  Correct.  antiphon.).\\  faut  aussi  avouer 

3ue  l'Eglise  romaine,  pour  obéir  au  décret 
u  pape  Gélase,  ne  permettait  pas,  dans  les 
basiliques  de  la  ville ,  la  lecture  publique 
des  Actes  des  martyrs,  quoiqu'elle  les  reçût 
ailleurs.  Mais  cela  ne  doit  s'entendre  que  de 
la  basili(|ue  de  Latran  et  des  Actes  dont  les 
auteurs  étaient  inconnus,  selon  que  l'a  re- 
marqué l'illustre  antiquaire  de  notre  siècle 
[D.  Mab.  in  disquisii.  de  cicrsu  Gallic,  §  1); 
et  l'on   ne  saurait  douter  que  la  Vie  des 
saints  n'ait  été  lue  à  Rome,  dans  les  assem- 
blées du  peuple,  pour  peu  qu'on  fasse  atten- 
tioiȈ  ces  paroles  d'Adrien  1",  dans  la  lettre 
qui  vient  d'être  citée  (Zi'/jù/.  ad  Caro/.Ma^n.)  : 
«  On  ne  lit  point  dans  l'Eglise,  dit  ce  pape, 
les  Vies  des  saints  Pères  dont  les  auteurs 
sont  incertains,  mais  seulement  celles  qui 
portent  le  nom  d'auteurs  connus  et  ortho- 
doxes. »  Cette  vérité  se  soutient  par  le  té- 
moignage de  Jean,  diacre  de  l'Eglise  romaine, 
qui  a  écrit  la  Vie  de  saint  Grégoire  le  Grand 
[In  Prœfat.  ad  Joan.  VI II).  Et  ce  qui  avait 
donné  lieu  à  une  précaution  si  sage  était  la 
mauvaise   foi   et    l'insolente   malignité  des 
hérétiques,  qui  avaient  fabriqué  les  Acte  s  de 
quelques  martyrs,  et  les  avaient  remplis  de 
fables  absurdes  et  de  faits  ridicules  et  mons- 
trueux. Au  reste,  les  princijiales  actions  des 
martyrs  étaient  insérées  parmi  les  prières  de 
la  messe,  comme  il  est  facile  de  le  montrer 
par  les  plus  anciennes  liturgies  des  Eglises 
de  France,  par  la  liturgie  Mosarabique  et  par 
celle  de  saint  Grégoire  même.  Car  ce  que 
nous   appelons   maintenant   préface ,  et   ce 
qu'on  nommait  alors  le  témoignage,  n'était 
autre  chose  qu'un  narré  et  une  exposition 
succincte  des  faits  les  plus  glorieux  du  martyr 
en  l'honneur  de  qui  l'on  célébrait  la  messe. 
C'est  de  cette  sorte  de  préface   historique 
qu'on  doit  entendre  le  passage  d'Hilduin , 
qu'on   lit   dans  une  lettre  de  cet  abbé  de 
Saint-Denis  à  l'empereur  Louis  le  Débon- 
naire (Ep.  Hild.  prœf.  areopagitic),  et  qui 
DiCTiONN.  DES  Persécution».   L 


est  conçu  en  ces  termes  :  «  Les  anciens 
missels  dont  on  se  servait  en  France,  avant 
qu'on  y  eût  reçu  celui  de  Home,  faisaient 
mémoire  des  martyrs  au  milieu  de  la  célé- 
bration des  saints  mystènîs,  et  maniuaie  't 
en  abrégé  les  tourments  qu'ils  avaient  souf- 
ferts. »  Mais  comme  dans  ces  préfaces,  et 
même  dans  les  véritables  Actes  des  martyrs, 
les  choses  étaient  souvent  rapportées  dans 
un  style  ou  trop  élevé,  ou  troj)  pou  clair,  ou 
avec  moins  d'ordre  qu'il  n'eût  été  nécessairo 
pour  en  rendre  au  peuple  rintelligence  fa- 
cile, les  évêques  avaient  coutume,  au  jour 
que  l'Eglise  consacrait  à  leur  mémoire,  do 
les  exi)oser  d'une  manière  familière,  accom- 
modant leur  discours  h  la  portée  do  leur  au- 
ditoire :  de  là  sont  venues  ces  homélies  à 
l'honneur  des  martyrs,  qu'on  trouve  à  cha- 
que pas  dans  les  Pères. 

Les   chrétiens  en  faisaient  leur  lecture   or- 
dinaire. 

Ce  n'était  pas  seulement  dans  les  assem- 
blées publiques  et  dans  les  églises  qu'on  li- 
sait les  Actes  des  martyrs  ;  mais  chaque  fidèle 
en  particulier,  en  faisait  dans  son  logis  sa 
lecture  la  plus  ordinaire.  Saint  Nil,  disciple 
de  saint  Chrysostome,  recommande  fort  cotte 
lecture  à  son  propre  disci[)le  (Lib.  iv,  ep.  1; 
Instit.  divin.  Liltcr.  c.  32]  ;  Cassiodore  la  juge 
très-utile  aux  moines;  et  Guillaume,  abbé 
de  Saint-Thierry,  écrivant  aux  Frères  du 
Mont-Dieu,  croit  qu'il  est  à  propos  de  repré- 
senter souvent  aux  novices  quels  ont  été  les 
martyrs,  et  leur  remettre  à  tous  moments 
devant  les  yeux  leurs  actions  et  leurs  souf- 
frances, rien  n'étant  plus  propre  à  exciter  en 
eux  l'amour  de  Dieu,  et  à  les  porter  au  mé- 
pris d'eux-mêmes.  On  a  vu  des  saints  avoir 
pour  ces  sacrés  monuments  un  respect  si 
profond  et  une  attache  si  religieuse  ,  qu'ils 
les  portaient  sur  eux,  ne  pouvant  s'en  sépa- 
rer même  dans  leurs  voyages.  L'auteur  de  la 
Vie  de  saint  Siran  rapporte  que  ce  saint, 
dans  le  voyage  qu'il  fit  à  Rome,  avait  tou- 
jours entre  les  mains  les  livres  de  l'Ecriture 
et  les  Actes  des  martyrs  (  Sœc.  ii  Benedict., 
p.  437).  Et  une  lettre  qu'on  trouve  parmi 
cefies  de  saint  Boniface  nous  apprend  que  ce 
saint  archevêque  de  Mayence  avait  le  même 
empressement  pour  cette  lecture  :  car  la 
personne  qui  lui  écrit  cette  lettre  s'excu&e 
de  ne  lui  avoir  pas  envoyé  THistoiie  des 
martyrs,  qu'il  lui  avait  demandée,  ^ur  ce 
qu'elle  n'avait  pu  encore  la  recouvrer;  mais 
que,  si  Dieu  lui  conservaii  la  vie,  elle  la  lui 
enverrait  au  plus  tôt  (Buggœ  ep.,  inter  Bonif. 
35).  Et  l'on  ne  doit  point  douter  que  saint 
Boniface  n'ait  pris  d^ns  cette  lecture  le  goût 
du  martyre  et  les  dispositions  nécessaires 
pour  le  soufl'rir  comme  il  faut.  Mais  rien 
n'est  plus  édifiant  que  ce  qu'on  raconte,  sur 
ce  sujet,  de  saint  Ai  astase,  religieux  persan 
et  martyr;  car  on  dit  de  lui  qu'il  arrosa't  do 
ses  larmes  les  livres  où  les  combats  des 
martyrs  et  leurs  trophées  étaient  décrits.  11 
demandait  sans  cesse  de  pouvoir,  comme 
eux  ,  mourir  pour  Jésus-Christ  ,  et  il  no 
croyait  pas  qu'il  y  eût  pour  lui  dans  la  vie 

3 


7S 


ACT 


ACT 


76 


quelque  autre  chose  qui  lût  plus  digne  de 
toute  son  application  que  cotte  lecture  {In 
ejus  Act.  a  Synod.  approbat.).  Ce  fut  cette 
dévotion  aCfectueuse  des  Iklèlis  envers  les 
mailyrs  qui  mit  d  ins  les  églises  les  images 
et  les  peintures,  atiii,  disent  les  sainls  Pères, 
5UC  ceux  qui  étaient  privés  de  la  connais- 
sance des  lettres  ne  le  fussent  pas  du  se- 
cours de  tant  de  bi-aux  exempl  s.  Qu  1  elfet 
ne  firent-ils  pas,  par  ces  exemfiles  admira- 
bles, sur  le  cœur  de  sainte  Thérèse  [Chap.  1 
desaVie)  1  Mais,  sans  parler  du  tous  les  etfels 
surfirenants  qu'ils  ont  produiis  dans  l'àme 
d'une  infinité  de  personnes,  nous  nous  con- 
tenterons de  rappoi'ier  (juels  ont  été,  pour 
ces  grands  honuues,  les  sentiments  de  Joseph 
Scaliger,  qu'on  n'aecusera  pas  sans  doute  de 
donner  dans  une  dévotion  do  femme.  Ce  sa- 
vant critique  {Remarques  sur  Eusêbc),  parlant 
des  Actes  de  saint  Po'ycarpe  et  de  (pielques 
autres  martyrs, dit  ces  i)aroles  remarquables: 
«  Cette  lecture  est  si  touchante,  qae  l'esprit 
ce  peut  jamais  s'en  rassasier.  Chacun  ['eut 
l'avoir  éprouvé,  selon  le  degré  de  sensibilité 
et  d'intelligence  qu'il  a  ;  mais  pour  moi ,  j'a- 
voue que  je  n'ai  jamais  rien  lu,  dans  l'histoire 
ecclésiastique,  qui  ait  excité  en  mon  cœur 
des  mouvements  si  extraordinaires ,  mais 
en  môme  temps  si  violents,  qu'en  quittant 
.e  livre,  je  ne  me  connais  plus  moi-même.  » 
Les  savants  de  tous  les  siècles  s'appliquent  à 
les   recueillir. 

Doit-on  s'étonner,  après  cela,  qu'un  res- 
pect si  général  et  si  uniforme,  répandu  dans 
ïe  cœur  de  tous  les  fidèles  pour  les  sainls 
Martyrs  et  pour  leurs  Actes,  ait  fait  naître 
dans  l'esprit  des  savants  de  tous  les  siècles 
et  des  amateurs  de  la  sainte  antiquité,  la  pen- 
sée de  s'appliquer  à  les  recueillir?  Celui  qui 
s'est  le  plus  signalé  dans  cette  recherche, 
est  Eusèbe,  évèque  de  Césaréc  dans  la  Pa- 
lestine, lequel ,  outre  ce  qu'il  en  rapporte 
dans  son  Histoire,  en  comi)osa  deux  livres 
exprès.  Le  premier,  qu'il  nomme  le  Recueil 
des  martyrs  anciens,  contenait  les  actes  vé- 
ritables et  originaux  des  anciens  martyrs, 
comme  on  le  conjecture  de  ce  qu'il  en  dit 
dans  son  histoire;  et  d-ins  le  second,  qui  a 
pour  titre  :  Des  martyrs  de  la  Palestine,  il  fait 
un  récit  de  tout  ce  qui  s'est  j)assé  dans  sa 
province, durant  la  persécution  de  Dioclétien, 
et  dont  il  avait  été  lui-même  le  témoin.  Nous 
donnerons  ce  dernier  livre  tout  entier,  et  tel 
qu'il  est  venu  jusqu'h  nous  :  pour  le  [ivo- 
niier,  on  ne  le  trouvait  |)lus  du  temps  de 
saint  Grégoire  le  (Irand  {Gref/.,  ep.  29,  lib. 
yii,  indict.  i),  ni  dans  Alexandrie; ,  ni  dans 
aucune  bibliothèque  d(!  Home,  et  s'il  n'est  en- 
ti(Vement  [)eiiiu,il  est  si  bi<;n  caché,  qu'il  n'a 
pu  être  jnsf^u'ici  découvert,  cl  (ju'il  a  e>  ha|;pé 
à  la  recherche  la  [)lus  exacte  et  a  la  perspi- 
cacité des  ()lus  curieux  d'entre  les  doctes. 
Chaque  l'^jUse  particulière  a  fuit  écrire  les 
Actes  de  ses  propres  martyrs.  Actes  sup- 
posés, corrompus. 

Au  reste,  après  que  Dieu  (iul  donné  la 
paix  à  son  l'^ghse  en  donnant  l'iunitire  à  des 
prioces  chrélienii,  comme  la  dévoUon  cnvcjs 


les  martyrs  ne  fut  plus  contrainte  ni  gênée, 
il  n'y  eut  presque  aucune  Eglise  qui  ne  se 
mît  en  devoir  de  rechercher  les  Actes  de  ses 
propres  mai-lyrs,  pour  en  faire  la  lecture 
d.ins  l'assemljiée  des  fidèles.  Ces  Actes  fu- 
r;  ni  tirés,  comme  nous  avons  dit,  ou  des 
gi'elfes,  ou  d'S  mémoires  de  quelques  chré- 
ti;Mis  qui  s'étaient  rencontrés  aux  inter- 
rogatoires di.;s  juges,  ou  de  ce  que  l'on 
en  put  trouver  dans  la  tradition  et  dans  le 
souvenir  de  ceux  qu;  étaient  encore  en  vie 
et  qui  avaient  vu  les  peisécut  ons.  Mais 
Comme  la  plu[)art  des  [)rovin(;es  de  l'empire 
vinrent  à  tomuer  sous  la  piùs.>ance  des  Bar- 
bares, qui  s'en  ('m})arèrent  après  les  avoir 
pillées,  une  gnnde  partie  de  ces  Actes  fut 
enveloppée  dans  cotte  désolation  générale 
d(;s  provinces.  On  en  substitua  dans  la 
suite  d'autres  à  leur  place,  mais  qui  n'avaient 
ni  le  même  carac  tère  de  vérité,  m  par  consé- 
quent la  même  autorité.  Ce  sont  ceux  qui  se 
trouvent  en  {)lus  grand  nombie  dans  les 
m  «nuscrits  et  dans  les  livres  imprimés.  Nous 
ne  croyons  pas  ci'pendant  qu'on  les  cive 
entièrement  rejeter,  quoiqu'ils  n'aient  pas 
t  iute  la  pureté  et  toute  l'intégrité  des  pre- 
miers Actes,  et  (juoiqu'on  y  remarque  p  u- 
sieurs  fautes,  soit  pour  ce  qui  regaide  les 
})ersonnes,  soit  pour  ce  qui  concerne  les 
temps.  11  fiut  mettre  au  même  rang  les  Ac- 
tes qui,  vérilab  es  dans  leur  origine,  ont  été 
gâtés  e  corrompus  par  une  main  ignorants 
et  térnéraiie,  qui  y  a  souvent  ajouté  de  faux 
miracles,  ou  des  dialogues  entre  les  juges  et 
les  inartyi'S,  dans  la  pensée  que  c  s  .^ortes 
de  fictions  pourraient  donner  à  ces  pièces 
plus  de  force  et  de  relief,  cela  n'ayant,  au 
contraire,  servi  qu'à  leur  faire  perdre  leur 
crédit  dansl'espril  des  savants,  malgré  quel- 
ques éiincebes  de  vérité  qui  brille  il  parmi 
les  ténèbres  dont  on  les  a  couvertes. 

Actes  légitimes,  quoiqu'on  y  ait  aiouté  quel- 
que  circonstance. 

Il  faut  toutefois  prendre  garde  à  ne  pas 
confondre  avec  ces  actes  adultéiins  d'auires 
qui  sont  très-légitimes,  quoiqu'on  voie  au 
commencement  une  petite  piéface,  et  une 
apostille  à  la  fin,  l'une  et  l'autre  ajoutée  par 
une  main  éti'angère.  Car,  comme  la  pluparldes 
Actes  finissent  à  la  seiilenetedu  juge,  etcpi'il 
y  en  a  peu  (jui  contiennent  la  mort  du  mar- 
tyr, à  moins  qu'elle  nesoil  arrivée  ù  la  ques- 
tion, les  lidrics  suppléaient  ce  qui  manquait 
à  ces  A(,'tes;  mais,  soit  que  ce  supplément 
y  ait  été  ajouté  du  tem'ps  même  de  la  p.isé- 
cutioti.  Soit  (ju'il  n'y  ail  élé  inséré  (|ue  lors- 
que; le  recueil  en  a  été  fait,  il  est  cm't  lin  cpie 
cela  ne  doit  rien  diminuer  do  leur  valeur  ni 
de  leui'  autorité. 

Quelques  écrivains  ont  compilé  les  Actes.  Ce- 
ruune  de  Paris.  Anaslase  le  liibliothécaire. 
D.  J.  Mabillon,  et  />.  /)/.  livrmoiu.  Jean, 
diacre  de  Rome.  Ililduin.  Siméon  Meta- 
phrasie.  Pierre,  éré'iue  de  Jcsol,  dans  l'iilnt 
de  Venise.  Lipoiiutn.  Surins.  Jacques  le 
fèvre.N.  de  Belforesl.  Uollundus  et  ses  con- 
tinuateurs. 
On  peul  jugt'r,  par  coque  nous  avons  Jit, 


77  ACT 

.',onibicn  il  serait  diïïicilo  de  faire  un  catalo- 
gue .juslo  (le  tous  ceux  qui  ont  travaillé  h  re- 
cueillir les  Actes  des  martyis,  [)uisque  no-i- 
sculeiueut  chaque  Eglise,  mais  aussi  chaque 
fidèle  y  mettait  la  uiaiii,  et  y  donnait  tel  or- 
dre et  t(d  oruiMuent  que  bon  lui  sendjiait. 
Cependant,  parmi  ce  ^rand  nombre,  on  en 
trouve  quelques-uns  (jui  S(!  sont  disti"<g;u''s, 
soit  par  leur  exactitude,  soit  |)ar  la  yrandenr 
dt!  leur  travail.  Tel  fut,  au  counnencement 
du  vn'  siècle,  Cèraune,  tWèciue  d'  Paris,  (jue 
"NVharnaiie  égale  i»  Eusèbe  de  Césaréc,  [)0>n' 
avoir,  par  un  sentiment  de  respect  et  d'a- 
mour pour  la  religion,  fait  un  recueil  des 
Actes  des  niartyi-s,  et  l'avoii'  do  lîié  à  son 
peuple  [Apud  Sur.  et  Bolland.  M ianuar.). 
Le  môme  auteur  déclare,  dans  l'Instoire  du 
martyre  de  saint  Didier,  évèque  de  Langres, 
et  dans  celle  des  six  fameux  martyrs  de  cette 
ville,  (ju'il  n'a  entrepris  l'une  et  l'autre 
qu'à  la  prière,  ou  plutôt  par  l'ordre  de  Té- 
vè(|ue  Céraune.  Au  ix"  siècle ,  Anastase  le 
Bibliothécaire  entreprit,  à  la  persuasion  de 
Pierre,  évèque  de  Gavi,  de  traduire  du  grec 
eu  latin, quelques  Actes  de  martyrs,  comme 
on  l'apprend  des  diverses  préfaces  de  ces 
Actes,  qui  ayant  été  tirées  de  la  bibliothèque 
du  Moni-Gassin  par  deux  savants  hommes 
de  ce  siècle,  font  partie  du  premier  tome  de 
la  bibliothèque  italique:  Tune  <le  ces  préfa- 
ces fait  SOj  hione,  évèciue  de  Jérusalem,  au- 
teur des  Actes  de  saint  Cyr  et  de  saint  Jean. 
Au  même  siècle ,  Jean  ,  diacre  do  l'Eglise 
romaine,  lit  aussi  un  recueil  d'Actes,  suivant 
le  témoignage  de  l'évoque Gaudence  [Gauden. 
Veiller.,  cpist.  ad  Joan.  VIII  ).  11  n'y  eut 
pas  jusqu'aux  rois  et  aux  empereurs  qui  ne 
lissent  gloire  de  voir  leurs  noms  augustes  à 
la  tète  de  ces  recueils.  G'est  ce  qui  paraît  par 
rinscri|)tion  des  Actes  de  saint  Corneille  et 
de  saint  Cy[)rien  ,  qui  porte  qu'Hilduin, 
grand  chancelier,  les  a  recueillis  par  le  com- 
mandement de  rempereui-  Lothaire,  et  par 
le  titre  de  la  Vie  de  sainte  Marie  d'Egypte, 
que  Jean,  diacr-e,  écrivit  par  l'ordre  du  roi 
Charles  {Mss.S.  Germ.  Anlissiodor.).  Siméon 
Metiqihraste  se  rendit  célèbre  au  siècle  sui- 
vant, selon  la  commune  opinion,  par  une  am- 
ple couqjilation  qu'il  fit  de  plusieurs  Actes 
de  mai  tyrs,  qu'il  ramassa  de  tous  côtés  avec 
beaucoup  de  soin,  mais  avec  peu  de  choix, 
et  mo-ns  encore  de  sincérité;  et  c'est  avec 
justice  qu'il  s'est  attiré  la  censure  des  sa- 
vants ,  qui  lui  reprochent  d'avoir  remjdi 
son  ouvrage  de  faits  'incertains  ,  d'avoir 
mêlé  en  beaucoup  d'endroiis  le  mensonge 
avec  la  vérité,  et  d'avoir  mis  des  fables,  dont 
il  était  l'iuvenîeur,  à  la  place  des  anciens 
monuments,  qui  s'étaient  perdus  {Vide  Léon. 
Allât,  diatr.  de  Siineonuin  sa'iptis).  Nous  ne 
dirons  rien  de  l'auteur  de  la  Légende  Dorée 
{Joan.  deVoragine),  ni  de  Pie  re,  surnommé 
de  Natalibus,  ni  de  Georges  Wicel,  ni  d'au- 
tres semblables  compilateurs  ,  pour  venir  à 
Lipoman,  évoque  de  Vérone,  qui,  dans  le 
milieu  du  x.vr  siècle,  publia  les  Vies  des 
saints  et  les  Actes  des  martyrs,  avec  des  no- 
tes séparées.  11  donna  aussi  plusieurs  textes 
grecs,  que   le  cardinal   Sirlet,  Hervet,  cha- 


ACt 


78 


noine  de  Reims  ,  et  quelques  autres  inter- 
prètes, oni  traduits  en  lat  n.  Le  cliarlieux 
Surius[)arut  quelque  temps  après;  il  retoucha 
l'ouvi'age  d(î  tous  ceux  (pii  1  avaicnil  précédé; 
il  lui  donna  une  nouvelle  forme;  il  l'aug- 
menta de  plusieurs  nuuuiscrits;  il  l(>  gi'O'^sil 
de  ce  (pi'il  tira  de  divers  livres  imprimés; 
il  changea  le  style  ancien,  et  il  disposa  ce 
nouveau  recueil  sidon  les  jours  et  les  mois 
de  l'année.  Il  eut  |)lusieurs  abr('vialeurs, 
Jacques  le  Fèvre,  natif  d'Etaples,  méditait 
une  ami)le  collection,  sous  le  nom  des  Com- 
bats des  martyrs;  mais  il  ne  i  ul  (sxécuterce 
vaste  dessei  1,  et  il  ne  nous  a  laissé  qu'un 
très-petit  volume,  contenant  quehpu'S  Actes 
des  martyrs  du  mois  d"  janvier.  Nicolas  de 
Belforest,  chanoine  régulier  de  l'alibaye  de 
Saint-Jean  des  Vignes,  à  Soissons,  avait  aussi 
formé  un  projet  qui  n'était  pas  d'une  moin- 
dre étendue,  sous  le  nom  de  su[!plément 
de  Surins;  mais  Auberl  le  M're  en  arrêta 
l'exécution  ,  sous  firétexte  qu'il  en  avait 
conçu  un  encore  plus  am;  le,  qu'il  était  près 
de  mettre  ap  jour  :  cependant  rien  ne  parut, 
et  le  travail  de  Belforest  fût  demeuré  inutile, 
si  ses  écrits  ne  fussent  tombés  eidre  les 
mains  des  révérends  Pères  delà  compagnie 
de  Jé-us,  qui  les  ont  inséiés  dans  leur  re- 
cueil, sous  le  nom  de  leur  auteur.  Ce  recueil, 
au  reste,  est  le  plus  ample  de  tous  ceux  qui 
ont  paru  jusqu'ici.  Bollandus  l'a  commencé, 
et  ses  doctes  continuateurs  ,  par  le  secours 
d'une  multitude  presque  infinie  de  pièces  con- 
cernant Il  vie  et  l'histoire  des  saints, recher- 
chées avec  un  soin  extrême,  et  tirées  de  tou- 
tes les  bibliothèques  de  l'Europe,  avec  un 
travail  in-concevable,  l'ont  enfin  conduitjus- 
qu'à  la  fin  du  mois  de  juin.  Personne  n'i- 
gnore combien  nous  sommes  redevables  à 
ces  savantes  recherches. 

Ce  qui  rend  ces  recueils  défectueux. 

Mais  il  est  arrivé  que  ces  Actes  qui  de- 
vaient, après  tant  d'éditions  et  de  recueils,  pa- 
raître dans  un  jour  admirable  ,  ont  perdu 
une  partie  de  leur  pureté  originelle ,  à  me- 
sure c[u'ils  ont  passé  par  les  mains  des  co- 
pistes et  sous  les  presses  des  imprimeurs, 
et  cette  multitude  de  corrections  et  de  ré- 
visions fréquentes  n'a  servi  qu'à  les  rendre 
plus  douteux  et  moins  authentiques.  Car  de 
tous  ces  compilateurs,  les  uns  ont  ajouté  au 
texte  les  produ^'tions  de  leur  imagination; 
les  autres  en  ont  retranché  ce  qui  ciioquait 
leur  goût  et  blessait  leur  délicatesse;  les  au- 
tres ont  même  osé  toucher  au  style,  pour  le 
rendre  plus  poli  et  plus  élégant:  ce  qui  est 
une  espèce  de  sacrilège,  rien  ne  devant  être 
plus  inviolable  que  des  paroles  consacrées 
par  une  antiquité  si  sainte.  Et  ceux  enfin 
qui,  respectant  également  et  le  texte  et  le 
style,  ont  produit  les  Actes  tels  qu'ils  les 
ont  trouvés  dans  les  anciens  manuscrits,  et 
sans  aucun  choix,  ont  fait  un  amas  confus 
de  tout  ce  qui  s'est  présenté  à  leur  recher- 
che, de  faux,  de  douteux  et  de  vrai,  et  n'ont 
pu,  après  tout,  nous  donner  dans  plusieurs 
énormes  volumes,  qu'un  petit  nombre  d'Ac- 
tes véritables,  et  si  fort  confondus  et  embar- 


79 


ACT 


ACT 


80 


rassés  parmi  les  incertains  et  les  apoci\vphes, 
que  li's  plus  éclairés  d'entre  les  savants  ne 
peuvent  les  démêler  sans  un  travail  extraor- 
diiaire. 

Pour  peu  qu'on  eût  de  vénération  et  d'a- 
mour pour  l'antiquité,  on  ne  pouvait  s'em- 
pêcher de  gémir  en  voyant  tant  de  sacrés  et 
précieux  monumcnis  [»rùfanés  [var  des  mains 
peu  respectueuses,  et  déligurés  par  l'atten- 
tat de  quelques  écrivains  peu  connus  ;  et 
l'âme  pénétrée  de  douleur,  on  s'écriait, 
avec  un  auteur  célèbr.^  :  «  Quelle  honte  pour 
nous  autres  chrétiens,  quel  sujet  de  confu- 
sion, de  laisser  ansi  les  actions  les  plus 
héroïques  et  les  plus  éclatantes  des  Saints, 
dans  un  état  si  peu  digne  d'elles,  d'en  lais- 
ser été  ndre  ou  du  moins  obscurcir  la  mé- 
moire, et  par  le  peu  de  soin  que  nous  avons 
d'exjioser  en  vue  leurs  vertus  ;  nous  priver, 
nous  et  notre  postérité,  du  secours  de  leurs 
exemples  1  »  {Lud.  de  Vivez,  lib.  ii  de  Caus. 
corrupt.  art.)  Les  h  reliques  mêmes  ont  bien 
eu  l'audace  de  repro,;her  à  l'Eglise  catholi- 
que, qu'elle  avilit  peu  de  martyrs  ;  ils  n'ont 
pas  craint  de  soutenir  que  nous  n'avons 
aucuns  arguments  solides  pour  prouver  un 
nombre  aussi  considérable  que  celui  que 
nous  nous  vantons  d'avoir,  et  que  les  Actes 
que  nous  produisons  ne  sont  que  de  pures 
iables,  publiées  par  des  moines  oisifs  ou  su- 
perstitieux. 11  éta.t  donc  d'une  extrême  im- 
portance que  quelqu'un  voulût  prendre  le 
soin  de  faire  un  choix  parmi  une  si  grande 
confusion,  et,  par  un  discernement  juste  et 
éclairé,  séparât  les  Actes  véritables  des 
Actes  faux,  supposés  et  incertains.  C'était  le 
souhait  de  plusieuis  personnes  considéra- 
bles {)ar  leur  piété  et  par  leurs  belles  con- 
naissances. Ces  personnes  ont  enlin  jeté  les 
yeux  sur  moi  (D.  Thierry  Ruinartj  ;  ils 
m'ont  exhorté,  sollicité,  pressé  ;  et,  pour 
m'oter  tout  sujet  d'excuse  ou  de  retarde- 
ment, ils  m'ont  promis  de  m'aider  de  leurs 
lu'inières.  Ainsi,  quoi  |ue  convaincu  de  ma 
faiblesse,  j'ai  ba-ssé  les  épaules  pour  rece- 
Toir  le  fardeau  qu'on  voulait  m'imposer  ;  et 
comptant  beaucoup  sur  les  secours  qu'on 
me  promettait,  j'ai  cru  devoir  accorder  à 
mes  amis  ce  qu'ils  demandaient  de  moi  en 
cette  rencontre. 

De    quelle    manière  Vautcur  a  composé  son 
Recueil. 

Je  nu!  suis  donc  donn/'  tout  entier  à  ce 
travail.  J'ai  d'abord  conunencé  par  faire  un 
choix  des  Actes  qui  se  trouvent  dans  les 
livres  imprimés  ;  j'ai  consulté  ensuite  les 
manuscrits,  pour  en  tirer  ces  sories  de  piô- 
jes,  en  cas  qu'il  s'y  en  trouvât  (|ui  ne  fus- 
sent pas  encoi'e  veinies  h  la  connaissance 
des  aulein-s,  ou  di  moins  alin  qu'à  l'aide  de 
ces  maMusc:ils,  je  pusse  rendre  aux  Actes 
déjà  imprimés  leur  pureté  premiêi'e.  Pour 
Venir  à  bout  d(;  mon  dessein,  j'ai  visité  soi- 
gneusement les  bibliothèques  d(;  Paris  les 
plus  liches  en  ces  srj.les  de  monuMUMils  ; 
je  n'ai  pas  laissé  de  pousser  ma  recherc  lie 
dans  les  autres  villes  du  rfiyaume,  autant 
qu'il  a  pu  être  permis  à  un  lujiiniie  de  ni.i  pro- 


fession. Enfin, j'ai  eu  recours  âmes  amis  et 
à  mes  confrères  ;  je  les  ai  priés  de  fouiller 
dans  leurs  monastères,  dans  les  cabinets  des 
curieux,  et  généralement  dans  tous  les  en- 
droits qui  leur  pour,  aient  fournir  quelque 
pièce  propre  à  entrer  dans  le  i)lan  et  la  struc- 
ture de  mon  ouvrage.  Et  certes,  en  cela  j'ai 
sujet  de  me  louer  de  la  diligence  de  mes 
amis,  et  de  me  féliciter  moi-même  de  l'heu- 
reux succès  qu'a  eu  leur  diligence.  Car  en- 
fin, toutes  choses  ont  réussi  avec  tant  de 
bonheur  et  de  conformité  à  mon  dessein, 
que,  hors  quelques  Actes  qui  n'avaient  pas 
encore  vu  le  jour,  et  qui  le  voient  aujour- 
d'hui pour  la  première  fois,  à  peine  y  en 
a-t-il  un  ou  deux  qui  n'aient  été  confron- 
tés avec  un  ou  plusieurs  manuscrits,  corri- 
gés et  revus  sur  eux  avec  une  exactitude  et 
une  attention   extraordinaires. 

Au  reste,  quel(|ue  soin  que  j'aie  pu  ap- 
porter pour  rendre  ce  recueil  très-ample  et 
très-correct,  quelque  ap|)lication  que  j'aie 
eue  à  lui  donner  toute  la  |)erfection  dont 
il  est  capable,  je  ne  prétends  f)as  y  avoir 
mis  tous  les  Actes  véritables  et  légitimes 
qu'on  peut  recouvrer.  Ce  n'est  pas  non 
plus  ma  pensée,  de  faire  passer  pour 
illégiiime  et  pour  supposé  tout  ce  qui  ne 
s'y  trouvera  [)as  compris  ;  je  suis  même 
prêt  à  recevoir  jour  auihtntiques  ceux 
qu'on  me  fera  voir  être  marqués  au  coin  de 
l'antiquité.  Je  ne  contrains  personne;  cha- 
cun peut  librement  demeurer  dans  son 
opnion.  Mais  celle  de  Dodwel  touchant  le 
petit  nombre  prétendu  des  martyrs  n'est 
pas  moins  nouvelle  qu'insoutenable,  et 
nous  allons  tâc'.îer,  en  la  combattant,  de 
faire  voir  qu'on  ne  doit  pas  juger  du  petit 
nombre  des  fiiartyrs  par  celui  des  Actes  qui 
nous  en  restent.  (Kuinart,  Préface  aux  Actes 
autlienti(/ucs). — Vorj.  l'article  Martvks  dans 
ce  Dictionnaire. 

ACUCE  (saint),  martyr,  était  bourgeois 
de  Pouz/ol'.'S,  en  l'an  de  Jésus-Christ  30k, 
durant  (]ue  la  persécution  de  Dioclétien  dé- 
cimait l'Eglise  calholicîue.  Etant  venu  visiter 
dans  sa  prison  saint  Sosie,  diacre  de  Misène, 
qui  avait  été  arrêté  i)ar  ordre  du  gouverneur 
I)raco.  ce,  il  le  fut  lui-même,  et  emprisonné 
aussi  après  avoir  été  fouetté  cruellement. 
Il  r(>sta  en  prison  jusqu'à  la  venue  de  Ti- 
mothée,  que  Diocléiien  nomma  gouverneur 
en  |)lace  de  Draconce.  Ce  nouveau  gouver- 
neur le  fit  conduire  avec  ses  compa-uons  à 
ram[)lutliéâlre,  où  d  les  fit  tous  jeter  aux 
bêtf's.  Celles-ci  n'ayant  pas  voulu  fa.re  do 
mal  aux  saints,  Timolhée  les  fit  tous  déca- 
piter. Le  corps  du  sa  ni  resta  à  Pou/zoles. 
L'i";glis(^  célèbre  sa  fêle  le  10  janvier. 

ACVNDINI'^  (sailli),  martyr,  mourut  pour 
la  relig.oii  de  Jésus-Christ  sous  la  persécu- 
tion s  nguinaircî  (jue  l'impie  Dioclétien  fit 
soiilfrir  à  l'Eglise.  Il  eut  pour  coiiipa.:nons 
d(î  son  martyie  les  saints  Victcr,  Zoiiqut!, 
Zenon,  Césaire,  Sévérien,  Chrysophore, 
Théonas  et  Antonin.  ils  souH'rirent  plu- 
sieurs tourments  fort  cinels  avant  de  rece- 
voir hnir  cour  Mine.  L'Eglise  honore  leur 
mémoire  le  20  avril. 


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ADA 


ADA 


83 


ADAOAUD  (saint),  martyr,  mari  de 
sainte  Rictnulc,  honorée  dans  rEyliso  le  12 
mai,  (Hait,  suivant  (|uel(jues  autonis,  frère 
dArchainbaud,  maire  du  palais;  ils  lui  ont 
môme  donné  le  titre  de  seij^neur  de  Douai. 
Quoic^u'il  en  soit  de  ces  hypothèses,  on  con- 
vient généralement  (|u'il  était  resté  long- 
temps à  la  cour  de  Clovis  II,  et  qu'il  possé- 
dait de  grands  biens.  Quand  l'clge  de  se  ma- 
rier ai-riva,  Dieu,  (jui  voulait  récompenser 
sa  tendr'e  piété,  lui  lit  trouver  une  épouse 
aussi  vertueuse  que  lui,  sainte  ilictrude, 
que  l'Kglise  honore  comme  sainte  le  12  mai, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut.  Ils  eu- 
rent ({uatre  enfants,  qu'ils  élevèrent  dans  les 
pratiques  de  la  vertu,  et  qui  sont  honorés, 
comme  leurs  saints  parents,  d'un  culte  pu- 
blic. Ce  sont  :  saint  Mauront,  al)bé  de 
Brueil  en  Flandre,  dont  l'Eglise  fait  la  fête 
le  5  mai  ;  la  bienheureuse  Clotsende,  ab- 
besse  de  Marchiennes,  honorée  dans  l'Eglise 
le  30  juin;  sainte  Isoye,  abbesse  de  Hamay, 
dont  la  mémoire  se  fait  le  IG  mars,  et  enfin 
la  bienheureuse  Adalsende,  religieuse  de 
Hamay,  honorée  par  l'Eglise  le  2'i.  dé- 
cembre. 

Adalbaud  ayant  été  forcé  d'entreprendre 
un  voyage  en  Aquitaine,  sa  sainte  épouse 
l'accompagna  jusqu'à  une  certaine  distance  : 
en  le  quittant,  elle  fut  prise  d'une  grande 
tristesse  et  d'un  secret  pressentiment  qu'elle 
ne  le  verrait  plus.  Adalbaud,  en  effet,  fut 
attaqué  en  chemin  par  des  scélérats  qui  le 
massacrèrent  vers  l'an  645. 

Nous  lui  donnons  le  titre  glorieux  de 
martyr,  suivant  en  cela  la  coutume  de  la 
primitive  Eglise,  qui  révérait  comme  mar- 
tyrs les  saints  personnages  mis  injustement 
à  mort.  Du  reste.  Dieu  lui-même  ne  tarda 
pas  à  manifester  d'une  manière  sensible  la 
sainte  é  de  son  serviteur  :  plusieurs  mira- 
cles s'opérèrent  sur  son  tombeau.  Bientôt 
après,  ses  r(diques  furent  transférées  à  l'ab- 
baye d'Elnon,  dans  un  tombeau  préparé  par 
sainte  Kictrude.  La  tète  seule  de  saint  Adal- 
baud fut  appo.tée  plus  tard  à  Douai,  dans 
l'église  de  Saint-Amé,  oij  elle  est  restée  jus- 
qu'à la  démolition  de  ce  saint  monument. 
L'Eglise  fait  la  mémoire  de  notre  saint  le 
2  lévrier. 

ADALBERT  (saint  ),  évoque  de  Prague, 
martyr,  naquit  en  956  d'une  famille  il  ustre 
de  la  Bohême.  Ayant  été  atteint  d'une  m  la- 
die  dangereuse  dans  sa  jeunesse,  ses  parents, 
désespérés  du  danger  imminent  oij  il  se 
trouvait,  promirent  à  la  Mère  de  Dieu  de  le 
vouer  au  culte  des  autels,  s'il  revenait  à  la 
vie  et  à  la  santé.  Lorsqu'il  fut  guéri,  ses  pa- 
rents le  confièrent  à  Adalbert,  archevêque  de 
Magdebourg,  c^ui  lui  donna  des  maîtres  ha- 
biles. Dès  lors,  il  se  faisait  déjà  remarquer 
par  son  amour  pour  la  ()iété  et  sa  grande 
charité  pour  les  malheureux.  L'archevêque 
de  Magdebourg  étant  mort  en  981,  notre 
saint  retourna  en  Bohême,  et  reçut  les  or- 
(hes  sacrés  des  mains  de  Dieihmar,  évêque 
«le  Prague,  qui,  peu  de  temps  après,  mourut 
Jans  le  désespoir,  en  s'écriant  qu'il  était  dam- 
iié  pour  avoir  trop  aimé  les  richesses  et  les 


honneurs.  Cette  mort  fit  une  grande  impres- 
sion sur  notre  saint,  ({ui  pi'it  le  ciliée  et  se 
livra  entièrement  aux  exercices  de  la  piété 
et  d(î  la  vertu.  Il  fut  élu  successeur  de  Di- 
eihmar, Ie29juin983,  et  futsacré  par  l'arche- 
vêcpie  de  Mayeuc(i.  Il  entra  dans  sa  ville 
épiscopale  les  pieds  nus,  et  y  fut  reçu  avec 
un  enthousiasm(3  difficile  à  décrire.  Chaque 
jour  il  nouri-issait  douze  pauvres  en  l'hon- 
neur des  do.ize  apôtres,  et  couchait  sur  la 
terre  nue.  Tout  le  temps  qu'il  [)Ouvait  dis- 
traire des  devoirs  de  sa  charge  était  eniployé 
à  visiter  les  pauvres  et  les  })iisonn'ers. 
N'ayant  pu  parvenir  à  faire  fleurir  la  piété  dans 
son  diocèse,  encore  plo'igé  dans  les  ténèbres 
de  l'idolâtrie,  il  obtint  du  pape  Jean  XV,  en 
989,  la  permission  de  quitter  son  évèché.  Il 
visita  alors  le  Mont-Cassin  ,  puis  revint  à 
Rome,  où  il  entra  dans  le  monastère  de  Saint- 
Boiiface  avec  son  frère  Gaudence,  et  y  passa 
cinq  années  dans  les  jeûnes  et  les  macéra- 
tions les  plus  grandes. 

Cependant  l'archevêque  de  Mayence,  tou- 
ché de  voir  le  diocèse  de  Prague  sans  évêque, 
en  écrivit  au  pape  afin  d'obtenir  qu'Adalbert 
revînt  prendre  ses  anciennes  fonctions  de 
premier  pasteur.  Le  pa;)e  ordonna  donc  h 
notre  saint  de  reiourner  à  Prague,  lui  accor- 
dant toutefois  la  permission  de  s'en  retirer 
dans  le  cas  où  son  troupeau  se  montrerait 
rebelle  à  ses  exhortations.  Il  revint  donc  et 
fut  reçu  comme  la  première  fois  avec  une 
joie  très-vive  ;  le  peuple  lui  fit  même  la  pro- 
messe de  se  conformer  désormais  à  ses 
instructions.  Bientôt  cependant  notre  saint, 
voyant  que  le  peuple  oubliait  ses  promesses, 
le  quitta  [)our  toujours,  et  retourna  dans  sa 
chère  solitude.  On  sait  que,duraitson  retour 
au  monastère,  il  prêcha  chez  les  Hongrois  et 
convertit  leur  roi  Etienne,  qui  plus  tard  mé- 
rita que  l'Eglise  l'honorât  comme  saint. 
De  retour  à  son  monastère,  il  fut  fait  prieur 
et  s'acquitta  de  cette  charge  avec  beaucoup 
d'humilité  ;  souvent  l'empereur  Othon  111  le 
venait  visiter  et  passait  de  longues  heures 
dans  son  intimité.  Le  pape  Grégoire  V,  suc- 
cesseur de  Jean  XV,  pressé  par  les  sollicita- 
tions de  l'archevêque  de  Mayence,  renvoya 
Adalbert  à  Prague.  Le  peuple,  loin  de  venir 
au-devant  de  lui  comme  parle  passé,  devint 
furieux  quand  il  apprit  son  retour,  tua  plu- 
sieurs de  ses  proches  et  pilla  leurs  châteaux. 
Ayant  été  instruit  le  ce  qui  venait  de  se 
passer,  notre  saint  alla  trouver  son  ami  Bo- 
leslas,  duc  de  Bohème,  qui  envoya  des  dé- 
putés aux  habitants  de  Prague.  Ceux-ci  ré- 
pondirent en  se  moquant  qu'ils  n'étaient  pas 
dignes  de  vivre  sous  un  si  saint  évêque,  et  que 
du  reste  s'il  voulait  revenir  parmi  eux,  c'était 
moins  pour  les  diriger  dans  les  voies  du  sa- 
lut que  pour  venger  sur  eux  la  mort  de  ses 
proches  et  le  pillage  de  leurs  biens.  Cette 
ré[)onse  ayant  fixé  les  irrésolutions  d'Adal- 
bert,  il  se  consacra  à  la  conversion  des  ido- 
lâtres de  la  Pologne.  Après  en  avoir  converti 
un  grand  nombre ,  il  passa  dans  la  Prusse 
avec  Benoît  et  Gaudence,  et  ils  y  tirèrent  un 
grand  fruit  de  leurs  prédications,  surtout  à 
Dantzick.  Il  passa  ensuite  dans  une  petite. 


83 


ADJ 


ADR 


84 


lie  ofi  il  fut  accnblé  d'outrages  et  d^'  mauvais 
traiteiuonls.  U'i  jour  même  un  inlidèle  lui 
donna  un  si  terrible  couj)  d'aviron  ([u'il  resta 
à  demi  mort.  Ayant  quitté  ce  lieu  pour  se 
rendre  dans  un  autre,  les  lia!)itants,  qu'il 
voulait  convertir,  lui  ordonnèrent  de  se  re- 
tirer. La  fatigue  l'ayant  obligé  de  se  reposer 
quelques  inslanl>j,  les  païens,  furieux,  se  sai- 
sirent de  lui.  Un  prêtre  des  idoles  le  perça 
de  sa  lance  en  lui  disant  avec  ironie  :  Réjouis- 
toi  donc  maintenant,  puisque  tu  voulais  mou- 
rir pour  ton  Christ.  Six  autres  païens  lui 
donnèrent  encore  chacun  un  cou;)  de  lance. 
Son  martyre  arriva  le  23  avril  9!)7.  Le  duc 
Boleslas  ayant  racheté  le  corps  de  notre  saint, 
letit  transjjorler  dans  la  cathédrale  deGne^ne, 
où  on  le  voit  encore.  On  lui  a  donné  le  litre 
d'Apôtre  de  Prusse.  L'Eghse  fait  son  illustre 
mémoire  le  23  avril. 

ADANÉ,  château  situé  en  Turquie,  où  fu- 
rent envoyés  parle  Grand  Seigîieur,  Ignace- 
Pierre,  patriarche  de  Syrie,  et  Oenis  Rezkal- 
lah,  archevêque  d"Alei).  On  peut  voir  à  leur 
titre  respectif  ce  qui  a  rapport  à  ces  deux 
saints  martyrs  de  la  foi  catholique. 

ADAUCTE  (saint),  martyr,  fut  décapité  à 
Rome  avec  saint  Félix,  prêtre.  Ce  saint  mar- 
chait aastrpplice,  quand  un  homme,  perçant 
la  foule,  s'avance  au  premier  plan  et  s  écrie  : 
«  Moi  aussi  je  suis  chréti-^n,  j'adore  le  même 
Dieu  qu'adore  cet  homme,  le  même  Jésus- 
Christ,  et  je  veux  mourir  avec  lui  !»  Outréde 
ce  qu'il  nommait  son  audace,  h;  magistrat  le 
fit  arrêter  cl  décapiter  avec  Félix.  Cet  honnue 
couiageux  était  Adaucte,  nom  qui  signitie 
adjoint,  ajouté,  et  que  lui  donnèrent  les 
chrél.ens,  i)arce  qu'ils  ignoraient  son  nom 
véritable.  La  fêle  des  deux  saints  est  mar- 
quée dans  le  Martyrologe  romain  au  30  du 
mois  d'août. 

ADAUQl'E  (saint),  était  originaire  d'Italie  ; 
dans  la  faveur  toute  [larliculière  des  empe- 
reurs, il  fut  promu  par  eux  succe^sivem;}nt 
à  la  plupart  d<'b  dignités  de  l'inupire.  Il  était 
questeur  en  IMirygie  quand  il  fut  martyrisé 

Cour  la  foi.   L'E^bse  honore  sa  mémoire  le 
février. 

ADELPHIUS,  confesseur,  évêque  d'Onu- 
phiz,  fui  banni  à  Diocésarée  en  Palestine,  en 
373,  sous  l'empereui-ai'ien  Valens,  [)ar  Mag- 
nus,  qui  voulait  le  contraindre  à  abandonn.;r 
la  foi  orthodoxe.  11  n'vst  pas  au  Martyrologe. 

ADEIUT  (saint),  évêque  de  Uavenne  et 
confesseur,  soulfiit  j)0ur  la  foi  divers  tour- 
ments en  Italie.  On  croit  (pie  ce  fut  dans  la 
ville  de  Ravenne.  11  mérita  d'être  mis  par 
l'Eglise  au  nond)re  des  saints  et  des  confes- 
seurs. Sa  fêle  est  inscrite  au  Martyrologe  le 
27  de  septf!iid)re. 

ADJUILLU  (saint),  martyr,  eut  h;  bonheur 
de  dotnier  sa  vie  |)(jur  la  défense  du  cluis- 
tianisme  dui-ant  les  persécutions  que  les 
empereurs  lomains  iiicnil  soullVir  à  1  Fglise. 
11  veisa  son  sang  dans  celle  l<;i'i(;  d'Abiqu(î 
si  jiiofondémcnl  nnidégnéedi;  sang  (chrétien, 
3t  si  riche  «lors  de  foi,  de  généreuv  dévoue- 
ments et  de  sublimes  vertus  chrétiennes.  On 


ne  sait  pas  l'époque  de  son  martyre.  Seule- 
ment on  sait  qu'il  soutlVit  avec  les  saints 
Victur,  Victor,  Victorin,  Quart,  ei  trente  au- 
tres qui  ne  sont  pas  nommés  dans  les  mar- 
tyrologes ;  cohorte  partie  i)our  le  ciel  sans 
laisser  h  la  terre  le  nom  de  ses  soldats,  mais 
en  lui  léguant  l'exemple  de  son  courage  et 
le  fruit  précieux  de  ses  combats.  L'Eglise 
honore  leur  mémoire  le  18  du  mois  de  dé- 
cembre. 

ADJUTEUR  (saint) ,  reclus  à  Vernon-sur- 
Seine,  était  hls  de  Jean,  seigneur  de  Ver- 
non,  et  de  Rosemonde  de  Biaru.  Après  avoir 
passé  son  enfance  dans  la  pratiiiue  des  leçons 
de  vertus  que  lui  donnait  sa  mère ,  il  em- 
biassa  la  cari'ièie  des  armes,  et  parût  en  Pa- 
lestine, comme  croisé,  à  la  tête  d'une  com- 
pagnie de  deux  cents  h  mmes.  Après  avoir 
donné  en  dillcientes  occasions  des  marques 
de  sa  grande  valeur,  ii  fut  pris  par  les  Sar- 
rasins. Pendant  sa  captivité,  il  eut  à  soulfrir 
toutes  sortes  de  mauvais  traitements  à  cause 
de  sa  persévérance  danslafoi  lie  Jésus-Christ. 
Quand  il  eut  recouvré  sa  libellé,  il  revint  en 
France  ,  et  prit  l'h.ibit  dans  Tabbaye  do  Ti- 
ron ,  à  laquelle  il  lit  don  de  tous  ses  biens  , 
à  la  condition  qu'on  lui  bâtirait  une  cellule 
et  un  oratoire  près  de  V^ernon.  11  y  passa  , 
comme  reclus,  le  reste  de  sa  vie  dans  la 
pratique  des  plus  grandes  austérités.  11  ex- 
pira le  30  avril  113J,  et  les  religieux  l'enter- 
rèrent dans  son  oratoire.  11  est  principale- 
ment honoré  dans  la  cha})elle  de  Sainte-Ma- 
deleine, près  de  la  ville  de  Vernon,  où  l'on 
voit  encore  aujourd'hui  son  tombeau.  L'Et- 
glise  fait  sa  samte  mémoire  le  30  avril. 

ADOM,  prince  arménien  de  la  famille  Ki- 
nunik ,  fut  l'un  de  ceux  qui  soulfrirent  vo- 
lontairement la  captivité  pour  Jésus-Christ, 
sous  le  règne  d'Ha/guerd,  IP  du  nom  ,  roi 
de  Perse,  el  qui  ne  furent  remis  en  liberté  et 
renvoyés  en  leur  pays  «lue  huit  ans  après  la 
mort  de  ce  prince,  sous  le  règne  de  son  hls 
Bérose.  l*our  plus  de  détails  ,  voy.  Princes 

AU.MKMKNS. 

ADRIAS  (saint) ,  fut  martyrisé  à  Rome  , 
sous  l'empire  de  Valérien  ,  avec  les  saints 
Hippolyte,  Eusèbe,  Marcel ,  Maxime,  Heon, 
et  les  saintes  Pauline  et  Marie.  L'Eglise  fait 
sa  fête  le  2  décembre.  Pour  plus  amples  dé- 
tails, voy.  HiPi'OLYTE  (saint). 

ADRIEN  (  P.  /Elius  Adrianus),  cousin  do 
Trajan,  et  adopté  par  lui,  nu. nia  sur  le  Irono 
inipérial  en  117.  Ce  prince  lit  le  bonheur  do 
l'empire  ()ar  sa  douceur  et  par  sa  justice; 
mais  il  fut  loin  d'avoir  les  qualités  (pii  con- 
viennent 5  un  prince.  Visant  ù  la  grandeur, 
il  était  moralemenl  taillé  dans  des  propor- 
tions trop  mesciuines  [)our  pouvoir  y  attein- 
dre. TiOj)  petit  i)()ur  monter  jusqu'à  l'or- 
gueil, il  se  complut  dans  toutes  les  vanités 
puériles  (pii  sont  rélémenl  des  Ames  faibles. 
Besogneux  el  leumant,  il  agit  beaucoup  i>our 
faire  peu  de  chose.  Il  aima  nneuv  abandon- 
ner h  (]liosroës  les  compièles  dt^  Traian  que 
de  les  garder  en  fai>anl  la  guerre.  Il  acheta 
la  paix  des  barbares.  Il  fut  envieux  de  tou« 
ce  (pn"  le  dépassait,  el,  C(msé(pjemment,  dut 
l'être  sans  cesse.  Il  se  montra  généreux  danî 


85  ADI\ 

des  circonstances  solonnolles ,  ot  fit  tuor 
sournoisoinont  qiiatro  consulaires  qui  l\ii 
porlaiont  oinhra.^e.  Sans  cosse  occupi'i  de 
petites  choses,  il  faisait  des  vers,  des  é,ii- 
gr.unnies  ,  et  voulait  qu'on  les  ailmiivU.  Il 
p.MTDurait  ineessannnent  l'empire  pou-  y 
l'aire  des  r('';^liMntMits  do  police  O'.i  aulrc-s 
choses  semblables,  (pi'il  aurait  dit  laisser  au 
soi'i  des  gouverneurs.  Il  se  miui'ra  attaché 
à  l'excès  aux  su[)erslitions  païenuivs  ,  aux 
nratiques  du  culte  des  idoles.  11  l'ut  adonné 
a  la  magie  :  ces  croyances  d  s  esprits  faibles 
furent  une  des  grandes  occupations  de  sa 
vie. 

.  A  une  époque  où  la  religion  paionno  crou- 
lait de  toutes  parts,  où  dans  les  esprits  éclai- 
rés elle  avait  perdu  tout  son  [)restige  ;  quand 
elle  n'était  plus  ap[)uyée  ,  ^  vrai  dire,  que 
sur  une  seule  bn-e,  la  coutume  et  la  raison 
d'état,  on  voit  AJr-ien  revenir  aux  miiui- 
ties,  aux  pratiques  du  culte  païen,  avec  au- 
tant de  ferveur  et  de  crédulité  qu'un  dévot 
ignorant  et  su[)erstitieux  des  f)remiers  teui[)s 
de  la  répid)lique.  Ce  prince  était  donc  un 
espiit  faible  et  sans  portée.  Ce  fut  son  fana- 
tisme inintelligent  (|ui  le  porta,  d.'s  les  com- 
mencements de  son  règne,  à  p;Msécuter  les 
chrétiens,  et  à  les  laisser  persécuter  dans 
tout  l'empire  par  les  ju^es  et  les  gouver- 
neurs de  province  :  ils  faisaient  ainsi  une 
flatterie  atroce  et  sanguinaire  aux  s:i|)eisti- 
tions  de  l'einpereur.  L'histoire  d'Antinous 
prouvera  à  quel  degré  était  arrivée  la  su- 
perstition chez  Adrien.  Il  é|)rouvait  pour  An- 
tinous, j  une  tiomme  de  Bithynie,  une  pas- 
sion infâme  ;  il  le  menait  partout  avec  lui. 
Désirant  sacritier  quelqu'un  à  l'cifer  pour  se 
prolonger  l'existence,  et  ne  t  ouvant  per- 
sonne, parce  qu'il  fallait  une  victime  volon- 
taire, il  fit  égorger  Antinoiis,  qui  y  consen- 
tait. Il  en  eut  ui  chagrin  profond  ;  il  le  mit 
au  nombre  des  dieux,  et  ordonna  qu'où  l'a- 
dorût  en  cette  qualité.  Bientôt  toute  la  terre 
fut  couverte  de  temples  que  la  lâcheté  dos 
peuples  élevait  à  celui  qui  méritait  l'horreur 
du  genre  humain. 

Adrien  persécuta  donc  les  chrétiens  avec 
violencejusqu'en  l'année  125  ou  126.  A  cette 
époque ,  saint  Quadrat  et  saint  Aristide  lui 
ayant  remis ,  en  faveur  des  chrétiens,  cha- 
cun une  apologie  pleine  de  raisonnements 
puissants  et  éloquemment  rendus,  il  ordonna 
qu'on  cessa  de  persécuter  les  chrétiens. 

L'Eglise  jouit  de  la  paix  pendant  quelque 
temps;  mais  les  Juifs  s'étant  révoltés  sous 
la  conduite  de  Barcochcbas  ,  Adrien,  qui  , 
comme  beaucoup  dans  ce  temps-ià,  déver- 
sait sur  les  chréticiis  la  haine  que  méritaient 
les  Juifs,  recommença  dejjuis  loi'S,  jusqu'à 
la  lin  de  son  règne,  à  pe.sécuter  les  chré- 
tiens, oubliant  les  termes  et  l'esprit  du  res- 
crit  qu'il  avait  donné,  et  qu'on  verra  à  l'ar- 
ticle Persécution.  Beaucoup  d'auteurs  ont 
dit  qu'Adrien  avait  été  si  bien  disposé  pour 
.le  christianisme,  qu'il  avait  voulu  faire 
mettre  Jésus-Christ  au  rang  des  dieux  ,  et 
lui  faire  élever  des  temples.  Beaucoup  aussi 
ont  cru  que  ces  temples  qu'il  fit  bâtir,  et  qui 
De  furent  consacrés  à  aucune  divinité  ,  et 


ADR 


8G 


que  depuis  on  a  nommés  les  Adrianécs,  avaient 
celte  destination.  Ceci  nous  paraît  assez  dif- 
ficile h  concilier  avec  la  haine  fpi'il  montra 
contrôles  chrétiens,  leur  doctrine,  et  les 
lieux  do  leiM'S  mystères,  «piaïul  il  rebâtit  Jé- 
rus/ilem  sous  le  nom  d'Olilia ,  en  l'année 
VM. 

Adrien  comprenait  la  profanation  :  il  (it 
dresser  une  statuer  à  Jupiter  au  lieu  de  la 
résurrectio  \  de  Jésus-Christ;  une  de  Vénus, 
en  marbre,  au  Cilvaire.  Il  lit  planter  un  bois 
en  faveur  d'Adonis  à  Bethléem  ,  et  lui  con- 
sacra retable  où  le  Sauveur  était  né  :  trois 
emblèmes  fiaiens  destinés  à  répondre  mot 
pour  mot  :  à  la  toute-puissance  qui  ressus- 
cite les  morts;  h  l'amour  de  la  femme,  mère 
du  Dieu  d',  mour  ;  à  l'amour  Dieu  enfant, 
naiss  mt  pour  le  bonheur  du  monde  !  Mais 
la  profanation  passe,  et  il  reste  [)Our  l'éter- 
nité sur  la  poussière  du  profanateur  et  do 
ses  idoles,  au  tombeau  du  Christ,  le  tout 
puissant  maître  de  la  vie  et  do  la  mort  ;  au 
Calvaire,  une  femme  qui  réhabilite  son  sexe, 
et  qui  personnifie  l'amour  maternel  dans  son 
ardeur  dans  les  souffrances,  et  la  chasteté 
dans  sa  plus  pure  expression;  à  Bethléem, 
un  enfant,  Dieu  d'amour,  qui  naît  pour  le  sa- 
lut de  tou'^;  en  un  mot,  Jésus-Christ.  Mais, 
à  côté  de  la  profanation,  Adrien  mit  l'injure 
grossière  et  dégoût '.nie:  sur  la  porte  qui  re- 
gariia  t  Bot  il  du  ,  il  fit  placer  un  pourceau 
eu  niarbre.  Ne  diiait-on  pas,  en  voyant  ces 
impiétés  et  cette  ig  loble  mjure,  le  précurseur 
de  nos  vol  tairions  ? 

Adrien  mourut  en  138,  chargé  du  poids 
du  sang  innocent.  Dieu  peut-être  l'épargna 
sur  la  tv'rre  [)0ur  le  récompenser  de  certai- 
nes vertus  humaines  ;  le  secret  du  reste  est 
au  ciel. 

Adrien  persécuta  les  chrétiens  avec  vio- 
lence, et  Ruinart  l'a  très-bien  établi  contre 
Dodwel,  qui  prétend  dans  ses  écrits  que  les 
chrétiens  n'eurent  presque  pas  de  martyrs 
sous  les  empereurs  romains. 

La  persécution  d'Adrien  est  mise  au  qua- 
trième rang  par  quelques-uns,  et  ne  passe 
chez  les  autres  que  pour  une  suite  de  la 
troisième.  Dodwel  trouve  le  moyen  d'ac- 
corder ces  deux  sentiments,  en  décidant 
qu'il  n'y  a  eu  sous  ce  prince  aucune  persé- 
cution. Il  lâche  d'appuyer  sa  décision  sur  un 
passage  de  l'apologie  de  saint  Justin,  où  ce 
saint  martyr,  pour  porter  l'empereur  Anto- 
nm  à  donner  la  paix  aux  chrétiens,  lui  pro- 
pose l'exemple  d'Adrien.  De  quel  front,  dit 
Dodwel,  aurait-il  o.^é  se  servir  du  nom  d'A- 
drien, si  ce  prince  avait  été  un  des  persé- 
cuteurs de  l'Eglise?  Mais,  au  contraire, il  pa- 
rait que,  SîJi)pusé  la  persécution  d'Adrien, 
l'argument  de  saint  Justin  a  bien  plus  de 
force  si,  en  effet,  cet  empereur  l'a  fait  en- 
fin cesser.  Car  ce  saint  philosophe  remon- 
tre à  Àntonin  qu'il  est  de  sa  clémence  de 
faire  cesser  le  meurtre  des  chrétiens,  après 
avoir  reconnu  leur  innocence,  à  l'exemple 
d'Adrien,  qui,  après  h'S  avoir  longtemps 
persécutés,  détrompé  enfin  par  les  apolo- 
gies que  des  philosophes  chrétiens  lui  pré- 
sentèrent, et- par  les  remontrances  de  quel- 


87 


ADR 


ADR 


sa 


qucs  gouverneurs  tle  province,  ordonna 
qu'on  arrôlât  les  cruautés  qu'on  exerçai!  con- 
tre eux.  Et  il  est  aisé  de  voir  que  saint 
Justin  avait  eu  cette  pensée  en  composant 
son  apologie,  puisqu'il  y  a  inséié  un  rescrit 
d'Adrien,  adressé  à  JNJinutius  Fundanus,  par 
le  pii'l  l'empereur  déclare  que,  défénint  à 
l'avis  qui  lui  a  été  donné  par  Sérénius  dra- 
n.us,  pr«-^décesseur  de  Minutiu"?,  il  veut  qu'on 
ne  condamne  point  les  chrétiens  qu'on  n'ait 
Auparavant  observé  dans  l'instruction  de 
leur  procès  toutes  les  formalités  prescrites 
i  ar  les  lois.  Dodwel  répond  que  ce  rescrit 
peut  marquer  une  persécution  prête  à  écla- 
ter, ujais  non  une  perséchtion  (}ui  ait  déjà 
fa  t  quelques  pro^'r-ès.  A  quoi  Kusèbe  est  en- 
tièrement contraire,  car  voici  comme  il  parle 
de  C'  fait  dans  son  histoire:»  Sérénius, 
(li(-il,  remontrait  à  l'empereur  que  c'était 
une  chose  injuste  de  faire  mourir  les  chré- 
tiens sans  qu'il  leur  fût  reproché  aucun 
crime,  mais  uniquement  pour  plaire  à  une 
populace  emportée,  qui,  par  des  cris  sédi- 
tieux, faisait  violence  aux  juge<.  A  quoi 
r  mpereur  envoya  son  rescrit,  qui  portait 
qu'il  l'avenir  on  ne  rendrait  aucun  jugement 
(le  mort  c  ntrc  ks  chrétiens,  qu';.près  que 
le  crime  dont  ils  seraient  légitimement  ac- 
cusés eût  été  avéré.  »  Saint  Justin  nous 
fournit  une  autre  preuve  de  cette  persécu- 
tion. C'est  dans  sa  première  apologie  où, 
l)arlant  de  sa  conversion  qui  arriva  sous 
l'empire  d'Adrien,  il  nous  fait  comprendre 
que  ce  fut  à  l'occasion  des  martyrs  qu'il 
vint  à  connaître  la  vérité  de  la  religion  chré- 
tienne. «  J'étais,  dil-il,  de  la  secte  des  pla- 
toniciens, et  j'entendais  dire  que  les  chré- 
tiens,  quoique  leur  vie  fût  très-innocente, 
succombaient  tous  les  jours  snus  de  fausses 
accusations  :  je  les  voyais  marchor  au  sup- 
plice d'un  pas  assuré, 'et  alfronier  d'un  air 
intrépide  ce  qu'il  y  a  de  plus  terrible  dans 
la  naiure.  Je  disais  en  moi-même  :  Qui  est 
l'homme  qui,  étant  amolli  par  la  volupté,  se 
trouve  assez  de  force  et  de  courage  pour 
courir  volontairement  à  la  mort  ou  pour  la 
recevoir  sans  émoiion  ?...  » 

O'i  ne  doit  pas  croire  non  plus  que  la 
haine  qu'Adrien  avait  pour  les  juifs  le  ren- 
dit plus  favorable  aux  chrétiens,  selon  la 
plaisante  imagination  de  Dodwel.  11  est  vrai 
(pje  Burchocfiébas,  chef  des  juifs  révoltés, 
ht  mourir  plusieuis  chrétiens  dans  les  tour- 
ments pour  n'avoir  [)as  voulu  renoncer  Jé- 
sus-Christ, ou  pour  avoir  refusé  de  prendre 
les  armes  contn;  1  s  Romains;  mai<,  comme 
le  dit  fort  judicieusement  s.iinl  Justin,  «  les 
juifs  fout  l.i  guerre  aux  chrétieiis,  les  païens 
les  i)erséculent,  sans  que  ni  les  uns  ni  les  au- 
tres sac.li(;nt  précisénuTit  ce  qui  l(;s  fait  agir 
avec  tant  d'emportement  et  si  peu  de  jus- 
tice. )'  il  n'y  a  pas  plus  d'aijparenci!  qu(!  cet 
C'uipereur  eut  desseui  de  favoriseï-  les  chré- 
ti(.'i)s,  en  relevant  les  uuirs  de  Jérusalem, 
puisquo  au  (;ontraire  l'aversion  (|u'il  avait 
pour  eux  lui  inspira  \v,  dessein  sacrilège 
d'abolir  eiilièrcîment  la  méuioiru  des  lieux 
sa(  rés  et  d'en  ellacei'  les  moiiidr(;.s  traces,  en 
y  filaça/it  ses  idoles.  C'est  le  sentiment  do 


saint  Paulin,  de  saint  Jérôme,  de  Sévère 
Sulpice  et  de  plusieurs  autres  écrivains  ec- 
clésiastiques,  à  l'autorité  desquels  Dodwel 
n'a{>as  la  moindre  autorité  h  o  poser;  il  se 
contente  de  nous  dire  qu'Adrien  n'avait 
aucurje  connaissance  de  la  sainteté  de  ces 
lieux ,  et  que  les  chrétiens  se  mettaient 
})eu  en  peine  d'en  conserver  la  mémoire. 
Mais  il  vaut  mieux  en  croire  Origène,  qui 
nous  assure  que  longtemps  après  Adrien,  ces 
lieux,  consacrés  j)ar  les  grands  mystères  qui 
s'y  sont  opérés,  n'étaient  pas  seulement  en 
vénération  aux  chrétiens,  mais  aussi  aux 
infidèles,  qui  respectaient  la  grotte  de  Be- 
thléem comme  un  lieu  que  Jésus,  Dieu  des 
chrétiens,  avait  honoré  par  sa  naissance  :  et 
pour  ce  qui  regarde  les  chrétiens  ,  Eusèbe 
écrit  que,  lorsqu'Alexandre  fut  fait  évêque 
de  Jérusalem,  il  y  était  venu  de  Cappadoce 
pour  visiter  les  saints  lieux. 

II  n'est  pas  moins  certain  qu'Adrien  aimait 
à  répandre  le  sang.  Spartien  dit  que  la  cruauté 
lui  était  natunlle  ;  Dion  Cassius  fait  le  dé- 
nombrement de  ceux  qu'il  avait  fait  tuer;  et 
quoique,  selon  ïertullien,  il  n'ait  publié  au- 
cun édit  contre  les  chrétiens,  il  était  toute- 
fois superstitieux  jusqu'<i  l'excès,  et  il  pre- 
nait soin  de  tous  les  sacrifices  qui  se  faisaient 
h  Rome;  il  méprisa  toutes  les  religions  étran- 
gères, mais  il  exerça  la  charge  de  souverain 
pontife,  et  fut  sacrificateur  du  temple  d'Eleu- 
sine.  Ayant  passé  un  hiver  à  Athènes  et  s'y 
étant  fait  initier  à  tous  les  mystères  de  la 
Grèce,  il  permit  aux  païens  de  persécuter  les 
chrétiens,  et  cette  persécution,  au  rapport  de 
saint  Jérôme,  fut  très-sanglante.  Cependant, 
il  reçut  voloitiers  les  a:  ologies  qui  lui  fu- 
rent présentées  par  Aristide  et  Quadratus, 
pliilosophes  chrétiens;  il  se  laissa  persuader 
par  leur  éloquence  et  fit  cesser  la  [persécu- 
tion. Il  résulte  de  tous  ces  faits  qu'on  ne 
doit  point  rejeter  les  martyrologes  qui  font 
mémoii-e  des  martyrs  qui  ont  souffert  sous 
Adrien,  auxquels  nous  ajouterons  encore  Ma- 
rius ,  officier  d'armée,  qui  perdit  la  vie, 
comme  on  croit,  durant  le  règne  de  cet  em- 
pcreiu-,  et  comme  on  le  lit  dans  une  ins- 
cription trouvée  au  cimetière  de  Caliste,  où 
il  fut  enterré  parmi  les  larmes  et  la  crainte 
de  ceux  qui  lui  rendaient  ce  [)ieux  office, 
sans  doute  à  cause  de  la  persi'cution. 

ADRIEN  (saint),  martyr,  avait  un  grade 
important  dans  les  armées  im|)ériales.  11  avait 
pendant  quehpie  tem|)S  violenmienl  persé- 
cuté les  chrétiens;  mais  enfin,  touché  de  leur 
constance;  extraordinaire  au  milieu  des  tour- 
ments, il  avait  fini  par  embrasser  la  religion 
qu'il  avait  tant  combattue.  Arrêté  en  .')Oti ,  il 
souffrit  d'horribles  tourments,  et  enfin  reçut 
la  couronne  éternelle  à  Nicomédie.  Ses  reli- 
(pu.'S  furent  successivcnuentà  RonuietàCons"* 
lantinople.  Depuis  elh>s  fui-eut  poilées  en 
Flandre.  La  fête  de  saint  Adrien  a  lieu  le 
8  septembre.  {Voy.  Eemire  ,  Diolom.  liclg.y 
p.  h\h.) 

A-DRIEN  (saint),  martyr  en  Palestine,  souf- 
fiil  pour  la  foi  cnrélieiuie  en  l'an  de  Jésus- 
Christ  .'{00,  sous  les  success(nns  de  Dioclé- 
tuMi.  Cu  fut  le  tjouverncur  Firmilien  qui  lo 


89 


ADR 


AFR 


9Ù 


condamna  h  ninrt.  Sa  sentence  fut  exécutée 
à  Césaré.'.  D'abord  on  lui  déchira  les  côtés 
avec  les  on^^lcs  de  Ter;  ensuite,  le  5  de  mars, 
il  fui  e:^|)Osé  à  un  lion  et  aciievé  d'un  (joup 
d'épée.  Saint  Eubule  eut  le  même  sort.  Tous 
deux  eraieut  venus  de  Mangane  à  Césarée 
pour  visiter  les  confesseurs  à  la  porte  de  la 
ville  ,  ainsi  que  cela  se  praticpiait  alors  ;  on 
leur  avait  demandé  ce  qu'ils  venaient  faire  : 
sur  leur  réponse  qui  dit  ingénuement  la  vé- 
rité, ils  furent  arrêtés  et  menés  au  gouver- 
neur (V'oj/.  Eusèbe,  Des  mart.  de  Palest.).  Le 
Martyrologe  romain  marque  la  fête  de  ces 
deux  saints  le  5  de  mars. 

ADRIEN  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
défense  du  christianisme  dans  l'antique  co- 
lonie des  Phocéens,  dans  cette  ville  de  Mar- 
seille que  tant  de  martyrs  illustrèrent.  Il  eut 
pour  compagnon  de  ses  glorieux  combats 
saint  Hermès  ,  dont  l'Eglise  fait  la  fcte  avec 
la  sienne  le  1"  mars. 

ADRIEN  (saint),  martyr,  vivait  à  Alexan- 
drie du  temps  des  empereurs  romains ,  et 
très-probablement  sous  le  règne  de  Dioclé- 
tien  et  de  Maximien  ,  dont  l'atroce  persécu- 
tion répandit  tant  et  de  si  généreux  sang 
chrétien  dans  la  terre  d'Egypte,  et  notam- 
ment à  Alexandrie.  La  rage  de  la  persécution 
V  sévissait  toujours  avec  infiniment  d'inten- 
sité. Cette  ville,  étant  la  seconde  de  l'em- 
pire, appelait  immédiatement  l'attention  des 
empereurs.  Saint  Adrien  y  fut  martyrisé  pour 
la  ioi  chrétienne  à  une  époque  malneureuse- 
ment  ignorée.  L'histoire  a  recueilli  son  nom, 
mais  n'a  enregistré  aucun  détail  touchant  les 
combats  qu'il  eut  à  soutenir.  Tant  de  saints 
ont  ainsi  combattu  laissant  à  peine  un  nom 
aux  hommes,  tant  était  grand  parfois  le  soin 
que  mettaient  les  persécuteurs  à  empêcher 
qu'on  (écrivît  leurs  actes,  qu'on  recueillît 
leurs  reliques,  qu'on  fit  rien,  en  un  mot,  qui 
pût  mettre  leurs  noms,  leur  glorieuse  résis- 
tance, leur  mort  plus  glorieuse  encore,  à 
hauteur  d'exemple  pour  les  autres  chrétiens  ! 
Saint  Adrien  se  trouva  probablement  dans 
ce  cas,  avec  les  compagnons  de  son  martyre, 
car  il  ne  mourut  pas  seul.  Dans  le  Martyro- 
loge romain ,  dans  celui  de  saint  Jérôme  et 
dans  plusieurs  autres  ,  on  trouve  que  saint 
Basile  et  saint  Victor  souffrirent  avec  lui. 
L'Eglise  fait  la  fête  de  ces  trois  généreux  sol- 
dats de  Jésus-Christ  le  17  de  mai. 

ADRIEN  (saint),  martyr,  était  issu  de  sang 
impérial.  Son  père  Probus  avait  été  revêtu 
de  la  pourpre  romaine.  Il  vivait  dans  la  re- 
traite, que  lui  imposaient  les  souvenirs  qu'il 
avait  à  porter.  Il  y  a  des  noms  qui  sont  pour 
l'homme  qui  les  porte  une  espèce  d'exil  au 
milieu  des  autres  hommes  :  déchus  de  la 
grandeur  suprême ,  ils  ne  doivent  pas  dé- 
cheoir  des  sentiments  qui  y  sont  inhérents. 
Adrien  était  dans  ce  cas.  Il  avait  eu  le  bon- 
heur, en  outre,  d'être  instruit  de  la  religion 
chrétienne.  Il  était  considéré  dans  la  ville  de 
Nicomédie  tout  à  la  fois  à  cause  de  l'éclat 
de  sa  naissance,  et  à  cause  de  sa  piété  comme 
chrétien.  Il  ne  put  s"erapêcher  de  témoigner 
son  indignation  quand  il  vit  Licinius  persé- 
cuter les  chrétiens, desquels  naguère  il  s'é- 


tait déclaré  protecteur  de  concert  avec  Cons- 
tantin. Il  lui  Hiprocha  hautement  l'odieux  d(» 
sa  conduite.  Licinius,  furieux,  le  fit  ni(;ltre  à 
mort.  Domic(; ,  évoque  de  Byzancc  ,  et  soii 
oncle,  fit  enlever  son  corps,  qu'on  enterra  à 
ArgyrO|)olis. 

ADRIEN  (saint),  évoque  de  Saint-André  ei» 
Ecosse,  martyr,  se  trouva  maintes  fois  ex 
{)Osé  aux  fureurs  des  Danois  qui  faisaient  de 
fréquentes  irruptions  dans  la  contrée  qu'il 
habitait.  Souvent  il  vint  à  bout  de  calmer 
leurs  fureurs,  d'y  mettre  obstacle  ,  et  môme 
il  en  convertit  un  assez  grand  nombre.  Mal- 
gré cela,  ils  revenaient  fréquemment  :  une 
lois  entre  autres,  ils  se  montrèrent  si  mena- 
çants que  le  saint  jugea  prudent  de  se  retirer 
dans  la  [)etite  île  de  May.  Cette  île  est  située 
à  l'embouchure  du  Forth.  Les  Danois  l'j 
ayant  trouvé  le  massacrèrent  avec  un  autre 
é>6que,  saint  Stalbrand,  et  beaucoup  d'autres 
chrétiens.  Le  bréviaire  d'Abcrdeen  en  port« 
le  nombre  à  plus  de  six  mille.  Ce  massacre! 
effroyable  eut  lieu  en  87i.  Les  reliques  du 
saint  furent  déposées  dans  un  monastère 
qu'on  bâtit  en  son  honneur  dans  la  ville  qui 
avait  été  témoin  de  sa  mort ,  et  auquel  pen- 
dant longues  années  eurent  lieu  de  fréquents 
pèlerinages.  L'Eglise  fait  la  fête  de  saint 
Adrien  et  de  ses  compagnons  le  4  du  mois 
de  mars. 

ADRUMÈTE,  ville  d'Afrique,  aujourd'hin 
ruinée,  à  130  kilom.  de  Carthage,  dans  la  By- 
zacène  (  Etat  de  Tunis  ) ,  est  célèbre  par  le 
martyre  des  deux  époux  Boniface  et  Thècle. 
On  ignore  à  quelle  époque  leur  martyre  eut 
lieu. 

ADULPHE  (saint),  martyr,  remporta  la 
couronne  du  martyre  à  Cordoue,  pendant  la 
cruelle  persécution  que  les  Arabes  y  susci- 
tèrent contre  les  disciplesdu  Christ.  Les  mar- 
tyrologes n'ont  conservé  que  son  nom  et  ce- 
lui de  saint  Jean,  son  frère  et  son  compagnon 
de  soutïrances.  C'est  le  27  de  septembre  que 
le  Martyrologe  romain  inscrit  le  nom  de  ces 
deux  saints  martyrs. 

ADVENTEUR  (saint),  martyr,  était  soldat 
dans  la  légion  Thébéenne,  qui  fut  massacrée 
par  Maximien  dans  un  endroit  des  Alpes  ap- 
pelé aujourd'hui  Saint-Maurice  ,  pour  avoir 
refusé  d'assister  à  des  cérémonies  païennes. 
Plusieurs  légioimaires  dont  Adventeur  faisait 
partie  se  trouvaient  alors  à  Turin,  soit  en  dé- 
tachements, soit  comme  retardataires.  Ce  fut 
là  qu'il  cueillit  la  palme  du  martyre  avec 
deux  autres  soldats  ses  compagnons  ,  saint 
Octave  et  saint  Soluteur.  Ils  sont  inscrits  au 
Martyrologe  le  20  novembre. 

AËTIUS,  était  président  en  Pamphylie.  Ce 
fut  lui  qui ,  durant  la  persécution  ()ue  l'em- 
pereur Aurélien  fit  souffrir  aux  chrétiens,  fit 
mettre  h  mort  saint  Héliodore,  qui  refusait 
d'abandonner  sa  foi  et  sa  religion. 

AFRE  (sainte),  souffrit  le  martyre  dans  la 
persécution  d'Adrien.  Il  est  parlé  d'elle  dans 
les  Actes  de  saint  Faustin  et  de  saint  Jovite  ; 
mais  on  convient  généralement  que  ces  Ac- 
tes n'ont  pas  une  grande  autorité.  Le  corps 
de  sainte  Afre  est  dans  une  église  de  son 
nom,  à  Bresse.  Sa  fête  a  lieu  le  2^  de  mai. 


91 


AFR 


AFR 


92 


AFRE  (sainte),  ^/"ra,  était  fille  publique  ît 
Augsbourg.  Ouiind  vint  la  persécution  de  Dio- 
ciétien,  eu  Tande  Jésus-Chrisl  30'i.,Di(Hi  per- 
mit que  sainte  Afre  cueillit  la  palme  glorieuse 
du  martyre  ,  avec  sa  mère  Hilaria  et  ti-ois 
servantes,  complices  de  ses  désordres,  Euno- 
mie,  Entropie  et  Digne.  Il  voulait  ainsi  luou- 
trer,  dans  la  personne  de  cette  autre  Made- 
leine, que,  quels  que  soient  les  péchés  dans 
lesquels  tombe  une  ûiue ,  jamais  il  ne  faut 
désespérer  de  sou  salut,  et  qu'il  n'est  pas  de 
souillure  qu'un  rayon  de  la  grâce  divine  ne 
puisse  faire  disparailie.  Nous  donnons  ici  en 
entier,  d'après  Ruinart ,  les  Actes  de  sainte 
Afre. 

«  La  persécution  allumée  dans  Augsbourg 
lui  enlevait  chaque  jour  plusieurs  de  ses  ci- 
toyens :  on  les  traînait  devant  les  idoles  , 
pour  les  contraindre  à  leur  olfrir  de  l'encens; 
on  les  tourmentait  en  mille  manières  pour 
arracher  de  leur  bouche  quelque  blasphème 
contre  Jésus-Christ ,  et  leur  sang  coulait  de 
tous  côtés  ,  mêlé  avec  le  sang  impur  des 
laureau\  que  les  gentils  immolaient  à  leurs 
dieux.  Une  foraeuse  courtisane  nommée  Afra 
fut  arrêtée  avec  quelques  autres  chrétiens. 
Lorsqu'elle  fut  devant  le  juge,  et  qu'elle  eut 
confessé  qu'elle  était  chrétienne,  le  juge  lui 
dit  :  Sacrifiez  aux  dieux ,  car  je  crois  que 
vous  comprenez  assez  qu'il  vaut  mieux  vi- 
vre que  de  s'exposer  imprudemment  à  expi- 
rer dans  les  supplices.  Afra  répondit  :  Hé- 
las !  j'ai  assez  de  mes  péch.''s  passés,  sans  y  en 
ajouter  encore  de  nouveaux  ;  ainsi  n'espérez 
})as  que  je  fasse  jamais  ce  que  vous  me  con- 
seillez de  faire.  Le  juge  dit  :  Allez  au  temple, 
croyez-moi ,  et  sacrifiez  aux  dieux.  Afra  ré- 
pondit :  Jésus-Christ  est  mon  Dieu,  je  le  vois, 
je  l'ai  toujours  devant  les  yeux  ,  je  lui  con- 
fesse mes  péchés  dans  toute  l'amertume  de 
mon  cœur;  je  suis  indigne,  il  est  vrai,  de  lui 
oll'rir  un  sacrifice,  mais  je  brûle  du  désir  de 
me  sacrifier  moi-même  pour  la  gloire  de  son 
nom,  afin  que  ce  corps,  que  j'ai  tant  de  fois 
souillé  par  mes  impuretés,  soit  purifié  dans 
son  propre  sang.  Le  juge  dit  :  A  ce  que 
j'entends,  tu  fais  le  métier  de  courtisane  ;  et 
puisque  cela  est ,  tu  ne  dois  nullement  pré- 
tendre h  l'amitié  du  Dieu  des  chrétiens;  c'est 
pourquoi  je  le  conseille  de  sacrifier  aux  nô- 
tres ,  qui  sont  beaucoup  plus  indulgents. 
Afra  répondit  :  Jésus-Chr-ist  mon  Seigneur 
a  dit  qu'il  était  descendu  du  ciel  exprès  pour 
les  pauvres  pécheurs  ,  et  son  Evangile  nous 
apprend  qu'il  permit  à  une  courtisane  connue 
moi  do  lui  arroser  les  pieds  de  ses  larm.^s  , 
et  qu'il  lui  pardonna  tous  ses  |)éché.s;  il  n'a 
jamais  témoigné  aucun  mépris  pour  les  j):''- 
cheurs;  il  s'(;ntretenait  f.unilièrement  avec 
eux,  et  il  mangeait  souvent  à  leur  table. 

«  Le  jug(!  dit  :  Sacrifie  du  moins,  afin  ([uo 
iCS  dieux  te  fassent  avoir  beaucoup  d'amants, 
i't  surtout  de  ceux  qui  aiment  à  dunner.  Afra 
répondit  :  Plutôt  mouiic  mille  fois  qu(i  de 
rec(;v(jii' aucun  [)iési;nl  d'un  homme.  Je  n'en 
ai  voulu  garder  aucun  de  tous  c(;ux  qu'on 
m'avait  faits,  je  les  ai  jetés.  Je  les  voulais 
donner?)  hkîs  rrèr(!S  les  pauvres;  mais  quel; 
»iu«;  instance  que  je  leur  aie  laite  de  les  ac- 


cepter, jamais  ils  n'en  ont  voulu  (i),  quoique 
je  leur  (lisse  que  je  les  leur  donnais  afin  qu'ils 
])riassent  Dieu  pour  moi.  J'ai  donc  été  obli- 
gée de  les  j(!ter  :  counnent  voulez-vous  que 
je  prenne  maintenant  ce  que  je  ne  regarde 
qu'avec  horreur  et  qu(,'  comme  de  la  boue. 
Le  juge  dit:  Mais  ton  Christ  ne  veut  point 
de  toi ,  il  n'a  plus  que  du  mépris  pour  toi , 
tu  n'as  plus  que  faire  de  rai)peler  ton  Dieu. 
Oses-tu  môme  te  d  re  chrétienne?  une  coiu'- 
tisane!  Afra  répondit  :  Je  l'avoue,  je  ne  mé- 
rite pas  d'être  aimée  de  mon  Dieu  ,  mais  je 
sais  aussi  que  ce  môme  Dieu,  pour  aimcn\  ne 
consulte  que  sa  miséricorde  ,  et  non  le  mé- 
rite de  ceux  qu'il  honore  de  son  amour;  je 
crois  donc  qu'il  m'aime.  Le  juge  dit  :  l-'t 
comment  le  sais-tu?  Afra  répondit  :  Je  cou- 
nais  bien  que  mon  Dieu  ne  m'a  pas  rejetée, 
puisqu'il  me  permet  de  confesser  son  saint 
nom  devant  vous ,  et  j'ai  une  ferme  espé- 
rance que  l'aveu  libre  et  sincère  que  je  fais 
maintenant  m'obtiendra  le  pardon  de  mes 
péchés.  Le  juge  dit  :  Contes  en  l'air  que 
tout  cela  ;  je  te  conseille  plutôt  de  sacrifier 
aux  dieux,  qui  peuvent  seuls  te  rendre  heu- 
reuse. Afra  répondit  :  Vous  vous  trompez  , 
il  n'y  a  que  Jésus-Christ  qui  puisse  faire  mon 
bonheur,  comme  il  n'y  a  que  lui  qui  puisse 
sauver  mon  âme.  Ne  sauva-t-il  pas  le  boiî 
larron,  et  ne  lui  promit-il  pas  son  paradis  ,. 
parce  qu'il  confessa  sa  divinité  un  moment 
avant  que  d'expirer?  Le  juge  dit  :  Sacrifie, 
ou  je  te  ferai  donner  les  élrivières  en  pré- 
sence de  tes  amants.  Afra  répondit  :  Faites 
ce  qu'il  vous  plaira,  mais  il  n'y  a  plus  que  le 
souvenir  de  mes  péchés  qui  puisse  me  cau- 
ser de  la  confusion.  Le  juge  dit  :  Oh  bien  l 
sacritie  ,  c'est  une  chose  honteuse  pour  moi 
de  disputer  si  longtem;-)s  avec  une  courti- 
sane. Si  tu  n'obéis,  je  te  ferai  mourir.  Afra 
répondit  :  Ah!  c'est  ce  que  je  souhaite  de 
tout  mon  cœur,  si  toutefois  je  suis  trouvée 
digne  de  mourir  pour  mon  Deu.  Le  juge 
dit  :  Sacrifie  ,  je  te  le  dis  pour  la  dernièrn' 
foi ,  sinon  ,  je  vais  commencer  par  te  faire 
tourmenter,  et  puis  te  brûler  toute  vive. 
Afra  ré{)ondit  :  Que  ce  corps  malheureux, 
qui  s'est  souillé  de  tant  de  crimes,  souiïre 
mille  tourments  ,  qu'il  brûle  ,  j'y  consens,  il 
l'a  bien  mérité  ;  mais  pour  mon  Ame  ,  je  la 
conserverai  |)ure ,  et  l'on  ne  verra  jamais  la 
courtisane  Afra  donner  de  l'encens  à  vos 
idoles. 

«  Alors  ce  méchant  juge  prononça  celle 
sentence  :  «  Nous  ordonnons  que  la  courti- 
saiK!  Afra,  recoinnui  de  toute  la  ville  d'Augs- 
bourg  pour  une  infAme  prostituée,  et  qui 
outre  cela  se  dit  chrétienne  ,  soit  brûlée 
toute  vive  ,  i)!)ur  avoir  la  t  refus  de  sacrifier 
auv  dieux  immortels.  »  Aussitôt  elle  fut  li- 
viée  aux  bourreaux,  qui  la  tinnit  passer  dans 
une  îl(i  qu(!  le  fieuve  Liens  (le  Lick)  l'orme  au- 
dessus  d(;  la  ville,  où,  l'ayant  dépouillée  dti 
ses  habits,  ils  la  lièrent  à  un  poteau.  Cej)en- 
daut  la  sainte,  élevant  au  ciel  ses  yeux  tout 

(I)  \iliiiiraltit;  (lésiiilércssoincnt  des  premiffrs  chrc- 
ticiis.  U(!s  pauvres  n-jelicul  k's  ainiioncs  d'une  pros- 
liuiéc. 


93 


AFIl 


AGA 


04 


baignés  de  larracs,  fit  cette  prière  :  0  Jdsiis! 
Dieu  tout  -  puissant ,  qui  ôtes  venu  en  ce 
monde  non  pour  appeler  les  justes,  mais  les 
pécheurs  i^  la  pénileiiecî;  Sei.;n(Hir,  (jui  avez 
promis  au  pécheur  d'oublier  ses  crimes  au 
môme  moment  (ju'il  retournera  à  vous  (et  je 
sais  que  vous  êtes  lidèle  dans  vos  promesses), 
recevez  le  sincère  ref)entirque  vousollVe  u'i 
cœur  contrit  et  humilié,  recevez -le,  Sei- 
gneur, avec  les  tourments  qu'on  me  pré- 
pare. Heureuse  si  ce  feu  qui  va  réduire  mon 
corps  en  cendres  peut  ex[)ier  les  dérègle- 
ments honteux  do  tna  jeunesse  1  Ge;)endant 
OR  élevait  autour  d'elle  un  biïcher.  Dcijà  la 
flamme  commençait  à  gagner  les  endioits 
les  plus  proches  de  la  sainte ,  lorsqu'elle  lit 
entendre  distinctement  ces  paroles  :  Je  vous 
rends  grâces  ,  ô  mon  Jésus,  de  ce  que  vous 
daignez  me  recevoir  comme  une  hostie  im- 
molée à  la  gloire  de  votre  nom  ,  vous  qui 
êtes  la  véritable  et  la  seule  hostie  qui  a  été 
offerte  pour  le  salut  de  tout  le  monde.  Vous 
qui  étant  l'innocence  même,  la  bonté  essen- 
tielle, le  Dieu  de  bénédiction  ,  le  Saint  des 
saints,  avez  voulu  mourir  pour  des  crimi- 
nels ,  pour  des  méchants  ,  pour  des  enfants 
de  malédiction  ,  pour  des  pécheurs,  je  vous 
otfre  ma  vie  en  sacrifice.  Seigneur,  qui  vivez, 
avec  le  Père  et  le  Saint-Esprit,  dans  les  siè- 
cles des  siècles. 

«Tandis  que  la  bienheureuse  Afra  s'ouvrait 
à  travers  les  flammes  de  son  bûcher  un  che- 
min vers  le  ciel,  Eunomie,  Entropie  et  Di- 
gne étaient  restées  sur  le  bord  de  la  rivière; 
c'étaient  trois  hlles  qui  servaient  Afra  ,  et 
qui ,  après  l'avoir  imitée  dans  son  péché  , 
l'avaient  suivie  dans  sa  conversion  ;  elles 
avaient  reçu  le  baptême  de  la  main  du  saint 
évèque  Narcisse.  Une  barque  étant  venue 
aborder  à  l'endroit  où  elles  étaient ,  elles 
prièrent  le  batelier  de  les  passer  dans  l'île. 
Elles  trouvèrent  le  corps  de  leur  maîtresse 
tout  entier.  Une  jeune  esclave  qui  les  avait 
accompagnées  se  jeta  promptement  dans  le 
fleuve  ,  et  l'ayant  traversé  à  la  nage  ,  courut 
chez  Hilaria  ,  mère  de  la  sainte  ,  lui  donner 
avis  de  cette  merveille.  Ceite  vertueuse 
femme  ,  prenant  avec  elle  deux  prêtres  ,  se 
rendit  la  nuit  suivante  dans  l'ile  du  Lick  ; 
d'où  ayant  enlevé  secrètement  le  sacré  corps 
de  sa  lîlle  ,  elle  le  plaça  dans  un  tombeau 
qu'elle  avait  fait  construire  pour  elle  et  pour 
les  siens  à  doux  milles  d'Augsbourg.  La  chose 
ne  |)ut  ê:re  si  secrète  qu'elle  ne  vînt  à  la 
connaissance  du  juge,  qui  sur  l'heure  en- 
voya au  tombeau  quelques-uns  de  ses  ar- 
chers, avec  ordre  de  lui  amener  Hilaria  et  les 
trois  servanies.  Toutefois,  leur  dit-il,  ne  leur 
faites  d'ahord  aucune  violence  ;  mais  après 
vous  être  assurés  d'elles  ,  proposez-leur  ci- 
vilement QO  sacrifier  aux  dieux  ;  si  elles  y 
consentent ,  conduisez-les  ici  avec  tous  les 
honneurs  qu'on  rend  aux  personnes  distin- 
guées. Si ,  au  contraire  ,  elles  refusent  de 
rendre  à  nos  dieux  leurs  hommages  ,  rem- 
plissez le  tombeau  d'épines  sèches  et  d'au- 
tre bois  facile  à  s'allumer;  et  y  ayant  ren- 
fermé ces  femmes  ,  bouchez-en  soigneuse- 
ment l'entrée,  et  mettez-y  le  feu.  Prenez 


garde  surtout  que  pas  une  n'en  échappe.  Les 
archers  exécutèrent  leurs  ordres  h  la  lettre. 
Hilaria  refusa  co-istnnuient  de  sacrifier;  les 
tro  s  servantes  en  firent  autant  :  on  les  ren- 
ferme dans  le  tomheau,  on  le  remplit  de  ma- 
tièies  combustibles,  on  y  met  h;  feu  ,  et  ces 
saintes  femmes,  y  laissant  leurs  corps  à  demi 
consumés,  allèrent  rejoindre  dans  le  ciel 
la  bi(;nheiireuse  Afra  le  môme  jour  qu'elle  y 
était  e   trée.  »  —  5  août. 

AFRICAIN  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
pour  la  foi  chrétienne  durant  la  persécution 
de  l'empereur  Dèce,  sous  le  gouvernement 
du  |)roi;oiisul  Fortunatien,  eu  Afi-ique,  en 
250,  avec  saint  Pompée,  saint  Térence,  et 
plusieurs  autres  vaillants  soldats  de  Jésus- 
Christ.  Les  Crées  et  les  Russes  les  ont  en 
très-grande  vénération.  Leurs  Actes  n'ollVent 
pas  les  caractèi-es  qui  donnent  h  des  faits  le 
cachet  de  l'authenticité.  Il  y  est  raconté  qu'ils 
furent  battus  do  verges,  mis  à  la  torture, 
tourmentés  de  divei'ses  autres  manières,  et 
enfin  décapités.  Théodore  le  Lecteur,  qui  vi 
vait  vers  la  fin  du  vi"  siècle,  dit  que  leurs 
reliques  furent  placées,  sous  le  règne  de 
Théodose  le  Grand,  dans  l'église  de  Sainte- 
Euphémie,  au  quartier  de  Constai\tinO|)le 
appel j  la  Pierre.  Us  sont  inscrits  au  Marty- 
rologe romain,  à  la  date  du  10  avril. 

ACABE  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi  durant  les  persécuiions  que  les 
empereurs  romains  firent  souffrir  aux  disci- 
ples du  Christ.  Il  eut  deux  com()agnons  dans 
ses  soulfr.nces,  saint  Donat  et  saint  Sabin. 
L'EJise  les  honore  le  25  janvier. 

AGABE  (saint),  évèque  et  confesseur,  souf- 
frit pour  sa  foi  dans  la  ville  de  Vérone.  Les 
martyrologes  ne  donnent  aucun  détail  sur 
son  martyre.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le 
4  août. 

AGABUS  ou  AGAB,  prophètf^,  et  l'un  des 
soixante-dix  disciples,  prédit  la  grande  fa- 
mine qui  désola  l'empire  sous  le  règne  de 
Claude.  Il  prédit  à  saint  Pa.l,  dans  la  v  lie 
de  Césarée,  sa  captivité  et  son  martyre.  Il 
prit  la  ceinture  du  saint  apôtre,  et  se  liant 
les  pieds  et  les  mains,  il  dit  :  VoiUi  ce  que 
prophétise  le  Saint-Esprit  :  Les  juifs  lieront 
ainsi,  dans  Jérusalem,  lliomme  à  qui  est  cette 
ceinture,  et  ils  le  livreront  aux  mains  des 
gentils.  {Actes  xxi,  11.)  —Les  Grecs  préten- 
dent qu'Agabus  mourut  martyr  ;  mais  rien 
n'est  certain  dans  toutes  les  histoires  qu'on 
rapporte  de  lui.  Il  semble  que  la  tradition 
ait  choisi  ce  saint  personnage  pour  en  faire 
le  sujet  des  contes  les  plus  absurdes.  Il  existe 
des  tableaux  qui  représentent  saint  Agabus 
tellement  colère  de  n'avoir  pu  épouser  la 
sainte  Vierge,  qu'il  en  casse  son  buton  et  va 
se  faire  carme  de  dépit.  (Nous  avons  vu  un 
tableau  dans  lequel  sainte  Anne  fait  lire 
la  Vierge  dans  un  paroissien  relié  en  ve 
leurs,  avec  tranches  dorées  et  fermoirs.  C'est 
un  de  ces  élégants  volumes  que  vendent  nos 
libraires  ù  la  mode.  Il  est  impossible  de  pous- 
ser [)lus  loin  l'ignorance  et  le  ridicule.) 

AGAPE  (saint),  martyr,  eut  l'avantage  de 
verser  son  sang  pour  la  religion  chrétienne, 
mais  on  ignore  le  lieu  et  la  date  de  son  mar- 


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AGA 


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ivre.  On  voit  seulement,  dans  le  Martyro- 
loge romain,  qu'il  eut  pour  compa;;-  !0  is  de 
son  martyre  saint  Aphrodise,  saiiit  (^avalippe 
et  saint  Èusèbe.  C'est  le  28  du  mois  d'avril 
que  l'Eglise  honore  la  mémoire  de  ces  saints 
martyrs. 

AGAPE  (saint),  fut  martyrisé  à  Rome,  au 
commencement  du  règne  d'Adrien,  avec  son 
père  saint  Eustate ,  sa  mère  et  sa  sœur, 
qui  toutes  deux  se  nommaient  ïliéopiste.  Sa 
fête  tomlje  le  20  de   septembre.   Voy.  Eus- 

TATHE. 

ACiAPE  (saint),  martyr,  souffrit  durant  la 
persécution  de  Valérien,  à  Cyrthe  en  Numi- 
die,  avec  les  saints  Secondin,  Emilien,  sol- 
dat, et  les  saintes  TertuUe  et  Antoinette. 
Voi/.  pour  les  détails,  Marikn  (saint). 

ÀGAPE  (saint),  marlyr,  donna  sa  vie  pour 
la  foi,  h  Edesse  en  Syrie,  durant  la  persé- 
cution de  Maximien.  11  souffrit  le  martyre 
avec  saint  Tliéogone  et  saint  Fidèle,  ses  frè- 
res. Ce  fut  leur  mère,  sainte  Basse,  qui  elle- 
même  fat  décapitée  plus  tard  dans  la  môme 
persécution,  qui  les  encouragea  à  donner 
leur  vie  pour  Jésus-Christ.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  21  août. 

AGAPE  (saint),  martyr,  fut  décapité  à  Cé- 
sarée  en  Palestine,  sous  le  président  Urbain, 
dans  la  {)ersécution  de  Dioclétien.  11  eut  pour 
compagnons  do  son  glorieux  martyre  les 
deux  saints  Denis,  les  deux  saints  Alexan- 
dre, saint  Timolaiis,  saint  Pauside  et  saint 
Romule.  C'est  le  21  mars  que  l'Eglise  honore 
la  mémoire  de  ces  illustres  martyrs. 

AGAPE  (saint),  était  citoyen  de  Césarée 
en  Palestine,  quand  la  féroce  i)ersécution  de 
Dioclétien  vint  désoler  l'Eglise.  C'était  Ga- 
lère Maximien  qui  commandait  dans  ces 
contrées.  Ce  saint  fut  condamné  à  être  jeté 
aux  botes.  Mais  la  Providence,  qui  protégeait 
souvent  les  saints  martyrs  pour  éclairer  le 
cœur  des  persécuteurs,  ne  permit  pas  que  les 
bètes  féroces  fissent  aucun  mal  h  saint  Agape. 
11  sortit  sain  et  sauf  de  l'amphithéAtre.  Plus 
sanguinaires  que  les  tigres  et  les  lions,  les 
persécuteurs  ne  voulurent  pas  épargner  ce- 
lui que  la  Providence  avait  couvert  de  sa 
protection.  Ils  firent  jeter  le  saint  dans  la  mer, 
avec  des  fers  aux  pieds. 

AGAPE  (saint),  l'un  des  glorieux  combat- 
tants de  l'armée  de  Jésus-Christ,  en  Pales- 
tine, fut  mis  à  mort  pour  son  nom,  en  30()  de 
l'ère  chrétienne,  par  ordre  du  gouverneur  Ur- 
bain, l'un  des  plus  acharnés  p(;rsé.;ut(!urs 
narmi  les  gouverneurs  de  j)rovince.  D'abord 
le  saint  martyr  souffrit  avec  sainte  Thècle 
div(.'rs  touiincnts.  Conduit  h  Césarée,  il  y  fut 
exposé  aux  bêles  avec  Thècle.  Cette  der- 
nière fut  di'chirée  en  pièces  par  les  bêtes  fé- 
roces, mais  Agapt;  écliappa  ce  jour-là  à  la 
fureur  d(;s'  animaux  et  au  glaive  des  confec- 
teurs.  Dieu  le  réservait  à  (le  nouveaux  com- 
bats. Il  r(ista,  diîpuis,  deux  ans  en  prison. 
Maximin  Daia  donna  l'ordrt;  fju'on  le  fil  mou- 
rii's  il  refusait  d'abjui'cr.  Exposé  de  nouveau 
dans  ranij)hilh(''àtr(!,  un  ours  se  j(!la  sur  lui 
cl  ne  fil  (jue  le  bhîsser.  L(;  lendemain  l(!s  [njr- 
séeuteurs  le  jetèrent  dans  la  im-r.  L'Eglise 
^liibm  sa  fêle,  avec  celle  de  sainte  Thôcio 


et  de  saint  Timothée,  le  19  août.  (Voy.  Eu- 
sèbe, dr  Mart.  Palest.,  c.  3;  Stephan.  Asse- 
mani,  Acla  sincera  mart.  Occiaenl.y  t.  II, 
p.  ISi.) 

AGAPE  (saint),  fut  une  des  nombreuses 
victimes  que  la  persécution  de  l'impie  Lici- 
nius  ht  mourir  pour  la  foi  chrétienne  dans 
la  ville  d'Edesse,  quand,  oubliant  la  protec- 
tion dont  il  avait  jusque-là  couvert  les  chré- 
tiens, et  les  promesses  faites  à  Constantin, 
son  beau-frère,  ce  prince  perfide  et  cruel  se 
mil  à  persécuter  l'Eglise  du  Seigneur.  Le 
saint  dont  nous  parlons  eut  pour  compa- 
gnons de  son  triomphe  les  saints  Cartère, 
Styriaque,  Tobio,  et  plusieurs  autres  que  le 
Martyrologe  romain  ne  nomme  pas,  mais 
dont  il  marque  la  fête  avec  la  sienne,  à  la 
date  du  2  novembre. 

AGAPE  (sainte),  martyre,  fut  mise  à  mort  à 
Thessalonique  pour  la  religion  de  Jésus- 
Christ,  en  l'année  30i,  sous  le  règne  et  du- 
rant la  persécution  de  Dioclétien.  Elle  et  ses 
compagnes  sont  honorées  par  l'Eglise  le  3  du 
mois  d'avril.  Voici  ses  actes  authentiques 
pris  dans  Ruinart,  ils  lui  sont  communs  avec 
les  saintes  Quionie  et  Irène. 

Dulcétius  tenant  l'audience,  Artémésius, 
greffier,  dit:  Voici  une  information  envoyée 
par  le^stationnaire,  et  faite  par  lui  contre  six 
femmes  chrétiennes  qui  sont  ici  présentes , 
ef  un  homme  qui  est  avec  elles.  Si  votro 
grandeur  l'ordonne,  j'en  vais  faire  la  lecture. 
Dulcétius  dit  :  xNous  ordonnons  que  la  lec- 
ture soit  faite  de  ladite  information.  Le  gref- 
fier lut  ce  qui  suit  :  Le  pensionnaire  (I)  Cas- 
sandre  à  Dulcétius,  gouverneur  de  la  Macé- 
doine. J'envoie  à  votre  grandeur  six  femmes 
chrétiennes,  avec  un  homme,  lesquels  ont 
refusé  de  manger  des  viandes  immolées  aux 
dieux;  elles  se  nomment  Agape,  Quionie, 
Irène,  Casie,  Philippe  et  Eulyquie,  et  l'hommo 
qui  est  avec  elles,  Agathon Le  gouver- 
neur, l'interrompant, dit:  C'est  assez. Puis,  se 
tournant  vers  ces  femmes,  il  leur  dit  :  Misé- 
rables, quelle  fureur  et  quel  esprit  de  révolte 
vous  possèdent,  vous  autres  chrétiens  ?  Pour- 
quoi ne  pas  obéir  aux  saintes  ordonnances 
des  empereurs  et  des  Césars?  Puis,  s'adres- 
sant  à  Agathon,  il  lui  dit  :  Quelle  raison  avez- 
vous  eu  de  ne  vouloir  point  loucher  au  vin 
et  aux  viandes  qu'on  ollVe  aux  dieux,  comme 
tous  ceux  qui  sont  initiés  à  leurs  mystères 
ont  coutume  de  faire.  Agathon  lui  répondit  : 
La  raison,  c'est  que  je  suis  chrétien.  Dulcé- 
tius, se  tournant  ensuite  vers  les  femmes,  dit 
à  Agape  :  Et  vous,  qu'avez-vous  à  dire  ? 
Agape  répondit  :  Moi,  je  crois  au  Dieu  vi- 
vant, et  je  n'ai  |)oint  voulu  par  mie  mauvaise 
action  j)er(h(!  le  fruit  de  toutes  les  bonnes 
(pi(!  j'ai  faites  jus(ju'ici.  Alors  le  gouverneur 
(fit:  Et  Quionie,  que  me  direz-vous  ?  Je 
vous  (lirai  aussi,  répli(pia  Quionie,  que  je 
crois  au  Dimi  vivant,  et  (pie  je  n'ai  (ni  garde 
de  faire  ce  (pi'ordonnait  l'édit.  Le  g(»uverneur 

(1)  Beneftciarius,  on  xlationarim  :  celaient  def 
j)l;i((s  (luOii  (lonri.'iit  à  des  oniciers  pour  réconipense, 
cl  (|iii  ont  assez  de  i':i|)|)(>rl  à  nos  cuiiunaiidenes,  ou 
aiiik  liiuars  des  Tiucs. 


97 


AGA 


AGA 


9S 


faisani  approcher  Irène  :  Et  vous,  quo  dites- 
vous  à  cela?  d'où  vient  que  vous  n'avez  pas 
V(inlu  ol)éir  aux  ordres  des  cuipercurs? C'est 
parce  que  je  crains  Dieu,  rcfiarlil  lièno.  Le 
{^■ouverneur  faisant  si^iie  à  Casie  do  répon- 
dre, Casie  dit  :  Pour  moi,  c'est  que  je  veux 
sauver  mon  ûme.  Le  gouverneur  ajouta  :  Ne 
voulez-vous  pas  bientôt  paiticiper  à  nos  sa- 
criliccs?  Non,  assurément,  re|)rit-elle.  Le  gou- 
verneur dit  :  Pour  Philippe,  elle  nous  dira 
quelque  cliose  de  meilleur  (lue  les  autres. 
Philippe  répondit  :  Je  ne  dirai  que  ce  que  les 
autres  ont  dit.  Le  gouverneur  lui  dit  :  Et 
quoi?  que  drez-vous?  Que  j'aime  mieux 
niourir,  repartit  promptement  Philippe,  que 
de  toucher  le  moins  du  monde  à  vos  sacrifices. 
Le  gouverneur  s'adressa  entin  îi  Eutyquie,  et 
lui  dit  :  Euty(iuie,  vous  serez  plus  raisonnable 
quovoscompagncs.  Eutyquie  répondit:  Je  n'ai 
pas  d'autres  sentiments  qu'elles.  Legouver- 
neurluidit  :  Ave/-vousunmari?  Mon  mari  est 
mort,  répondit  Eutyquie.  Ya-t-il  longtemps, 
continuale  gouverneur?  Depuisseptmois,  ré- 
pliqua Eutyquie.  De  qui  êtes-vousdoncgrosse, 
dit  le  gouverneur?  Du  mari  que  Dieu  m'a- 
vait donné,  rejirit  modestement  Eutyquie  et 
en  rougissant  un  peu.  Croyez-moi,  ajouta  le 
gouverneur,  défaites-  vous  de  toutes  ces  chi- 
mères-là, et  suivez,  avec  toutes  les  person- 
nes de  bon  sens,  une  religion  bien  plus  con- 
forme à  la  raison  et  à  la  nature.  Qu'en  pen- 
sez-vous, ne  voulez-vous  pas  obéir  à  l'édit 
impérial  ?  Non ,  Seigneur,  re|)artit  Eutyquie  : 
je  suis  chrétienne  et  servante  du  Dieu  tout- 
puissant,  je  ne  veux  obéir  qu'à  lui.  Alors  le 
gouverneur  dit.  Qu'on  mène  Eutyquie  en  pri- 
son, et  qu'on  en  ait  soin  jusqu'à  ce  qu'elle 
soit  accouchée. 

Le  gouverneur  revint  ensuite  à  Agape.  Eh 
bien!  Agape,  lui  dit  il,  quelle  résolution 
avez-vous  prise  ?  N'est-ce  pas  votre  intention 
de  faire  ce  que  nous  faisons  tous  tant  que 
nous  sommes,  qui  sommes  entièrement  dé- 
voués aux  empereurs  et  aux  Césars  ?  Agape 
répondit  :  Pour  moi,  je  ne  suis  pas  d'avis  de 
me  dévouer  au  démon.  Quionie,  dit  le  gou- 
verneur, sera  sans  doute  plus  complaisante; 
n'est-il  pas  vrai,  ma  fille  ?Rien  ne  poui  raja- 
mais  me  faire  changer  de  sentiments,  repar- 
tit Quionie.  Le  gouverneur  :  Dites-moi  un 
peu,  n'y  a-t-il  point  chez  vous  de  ces  mé- 
chants livres  que  ces  impies  de  chrétiens  ap- 
pellent les  saintes  Ecritures,  qui  sont  écrites 
sur  du  parchemin,  dont  les  feuilles  sont  at- 
tachées ensemble,  ou  roulées  sur  du  bois. 
Quionie  répondit  :  Nous  n'en  avons  point. 
Seigneur,  on  nous  les  a  ôtées  toutes  par  l'or- 
dre des  empereurs.  Le  gouverneur,  reve- 
nant à  la  charge  :  Mais  qui  vous  a  mis,  leur 
dit-il,  cette  fantaisie  dans  la  tête?  Agape  ré- 
pondit :  Le  Dieu  tout-puissant  a  bien  voulu 
nous  éclairer  de  ses  divines  lumières.  Je  vous 
demande,  poursuivit  le  gouverneur,  qui  sont 
ceux  qui  vous  ont  enseigné  ces  folies  ?  Quio- 
nie prit  la  parole  et  dit  :  Ma  compagne  vous 
a  déjà  répondu  que  c'était  le  Dieu  tout- 
puissant  qui  nous  avait  fait  part  de  ses  lu- 
mières. Je  n'ai  pas  autre  chose  à  vous  répon- 
are.  Dulcétius  dit  :  Nulle  puissance  sur  la  , 


terre  ni  dans  le  ciel  ne  peut  vous  dispenser 
de  l'obéissance  que  vous  devez  à  nos  très- 
jmissants  et  très-excellents  princes,  les  em- 
pereurs et  les  Césars.  Ainsi,  puisqu'après 
tant  d'avertissements,  tant  d'édils  publiés, 
tant  de  menaces,  tant  de  délais  accordés,  vous 
persévérez  toujours  avec  une  opiniAtrelé  cri- 
minelle dans  le  mépris  formel  de  leurs  or- 
donnances, et  que  vous  vous  faites  gloire  au 
contraire  de  ce  nom  odieux  de  chrétiennes;  et 
qu'enlin,  après  avoir  été  interpellées  par  les 
stationnaires  et  les  principaux  ofliciers  de 
professer  la  religion  de  l'empire,  vous  n'avez 
jamais  voulu  y  consentir,  je  ne  puis  me  dis 
penser  de  vous  condamner  aux  peines  por 
tées  par  lesdites  ordonnances.  Alors,  pre 
nant  des  tablettes,  il  y  lut  la  sentence  qui 
suit  :  «  Attendu  qu'Agape  et  Quionie,  par  un 
esprit  d'orgueil  et  de  désobéissance,  font 
gloire  do  mépriser  les  divines  ordonnances 
des  invincil)les  Augustes  et  Césars,  nos  très- 
religieux  seigneurs  et  maîtres,  et  que  contre 
leurs  défenses  expreses  elles  font  profession 
*  de  la  secte  des  chrétiens,  proscrite  et  con- 
damnée par  divers  édits  comme  vaine,  témé- 
raire, impie,  et  comme  étant  en  exécratioi  à 
tous  les  gens  de  bien  ;  Nous  condamnons  les 
dites  Agape  et  Quionie  à  la  peine  du  feu.  E^ 
à  l'égard  d'Agathon,  de  Casie,  de  Philippe,  et 
d'Irène,  nous  ordonnons  qu'ils  tiendront  pri 
son  jusqu'à  ce  qu'il  nous  plaise  de-  travail- 
ler à  une  nouvelle  instruction  de  leur  pro 
ces.  » 

Après  que  la  sentence  rendue  contre  ces 
deux  saintes  femmes  eut  été  exécutée»  Dul 
cétius  fit  venir  Irène  en  sa  présence,  et  il  lui 
parla  en  ces  termes  :  Irène,  votre  conduite 
fait  pitié,  et  il  n'y  a  pas  la  moindre  ombre 
de  bon  sens  et  de  prudence.  Car  enfin,  aprè« 
avoir  nié  d'avoir  en  dépôt  ce  grand  nombre 
de  livres,  d'écrits,  de  feuilles  volantes,  de 
tablettes  et  de  cahiers  appartenant  à  ces 
impies  de  chrétiens,  les  plus  méchants  hom- 
mes qui  soient  sur  la  terre,  et  qu'on  vient 
de  trouver  chez  vous,  vous  avez  été  obligée 
de  les  reconnaître  lorsqu'on  vous  les  a  repré- 
sentés. Ainsi  vous  voilà  convaincue  de  men- 
songe, de  mauvaise  foi  et  de  désobéissance 
aux  ordonnances  des  empereurs,  et  par  con- 
séquent vous  avez  encouru  la  peine  portée 
par  ces  mêmes  ordonnances.  Mais  ce  qu'il  y 
a  de  plus  étonnant,  c'est  que  ni  le  supplice 
de  vos  sœurs,  ni  la  crainte  d'une  fin  sem- 
blable à  la  leur,  ne  vous  ont  point  encore 
ouvert  les  yeux  pour  vous  faire  voir  votre  im- 
prudence et  le  danger  où  elle  vous  jette.  Je 
veux  bien  toutefois  vous  faire  grâce,  Irène, 
j'oublierai  votre  crime  (et  c'est  le  moins  que 
je  puisse  exiger  de  vous),  pourvu  toutefois 
que  vous  vouliez  reconnaître  les  dieux.  Ré- 
pondez maintenant  :  êtes-^vous  prête  à  faire 
ce  que  les  empereurs  et  les  Césars  ont  or- 
donné ;  êtes-vous  disposée  à  manger  des 
viandes  qui  ont  été  immolées  aux  dieux,  à 
leur  sacrifier  ?  Non,  répondit  Irène,  je  ne  suis 
disposée  à  rien  de  tout  cela,  et  si  vous  ne 
m'en  croyez  pas,  j'en  jure  par  ce  Dieu  tout- 
puissant  qui  a  créé  le  ciel  et  la  terre,  la  mer 
et  tout  ce  qu'ils  contiennent.  Je  ne  m'exjjo- 


?9  AGA 

berai  ])as,  par  complaisance  pour  vous,  à 
soiitl'rir,  toute  une  éternité,  le  feu  qui  est  pré- 
paré i  our  ceux  qui  auront  renoncé  Jésus,  le 
Verbe  de  Dieu.  Dulcétius  lui  dit  :  Avouez- 
moi  Ja  vérité  :  Qui  est  la  personne  qui  vous 
a  portée  à  garder  jusqu'ici  et  avec  tant  de 
soin  et  un  si  grand  secret  ces  méchants  li- 
vics  ?  C'est  Dieu  lui-même,  répondit  Irène, 
qui  nous  commande  de  l'aimer  jusqu'au  der- 
nier soupir  (le  notre  vie.  Nous  étions  donc 
résolues  de  nous  laisser  brûler  toutes  vives, 
plutôt  que  délivrer  ses  Ecritures  et  de  tra- 
hir ainsi  les  intérêts  de  notre  Dieu.  Vous 
aviez,  dit  !e  gouverneur,  quel(|ue  autre  com- 
plice qu'il  faut  que  vous  me  nommiez?  Hors 
Dieu  seul,  qui  voit  tout  et  qui  sait  tout,  dit 
Irène,  aucun  autre  n'en  avait  connaissance  : 
nous  n'avions  garde  de  confier  ce  secret  à 
qui  que  ce  fût,  de  crainte  qu'on  ne  vînt  à 
nous  déceler.  Mais,  dit  le  gouverneur,  où 
vous  tîntes-vous  cachées  l'année  dernière, 
lorsqu'on  commença  à  publier  l'édit  de  nos 
tiès-pieu\  empereurs  ?  Où  il  a  plu  à  Dieu, 
répondit  Irène;  dans  les  montagnes,  Dieu  le 
sait,  exposées  h  toutes  les  injures  de  l'air. 
Où  vous  retiriez-vous,  reprit  le  gouverneur? 
Nous  n'avions  point  d'autres  retraites,  repar- 
tit Irène,  que  le  creux  des  rochers,  tantôt 
d'un  côté,  tantôt  d'un  autre.  Qui  vous  nour- 
rissait, continua  le  gouvern;'ur?  Dieu  en 
])renait  le  soin,  répliqua  Irène,  lui  qui  nour- 
rit les  moindres  animaux.  Votre  i)ère,  pour- 
suivit le  gouverneur,  savait-il  tout  cela?  11 
n'eu  savait  rien,  répondit  Irène,  vous  m'en 
p:)uvez  croire.  Vos  voisins  du  moins  ne  l'i- 
gnoraient pas,  dit  le  gouverneur?  Vous 
])  .uvez  les  interroger,  répondit  Irène,  et 
Aous  informer  plus  |)arliculièrement  de  tou- 
tes les  circonstances  que  vous  désirez  savoir. 
Mais,  ajouta  le  gouverneur,  lor^jue  vous 
fûtes  de  retour  à  la  ville,  lisiez-vous  quelque- 
fois ces  sortes  de  livres,  et  y  avait-il  quelque 
autre  que  vous  qui  fût  (irésent  à  cette  lec- 
ture? Comme  nous  tenions  c  'S  livres,  re.irit 
Irène,  soigneusement  renfermés  chez  nous, 
et  ([ue  nous  u'osiuns  pas  les  trans[)orter  ail- 
leurs (Ij.  c'était  j)Our  nous  un  sujet  de  dou- 
leur bi.n  sensible,  de  ne  pouvoir  plus  va(juer 
à  cotte  sainte  lecture  le jouret  la  nuit,  comme 
nous  avions  accoutumé  de  faire  avant  la  pu- 
blication de  l'édit  dont  vous  pa.lez.  Vos 
sœurs,  dit  alors  le  gouverneur,  ont  été  pu- 
nies comme  elles  le  méritaient.  Pour  vous, 
quoi.iut;  vous  ne  so.vez  pas  moins  criminelle 
qu'elles,  et  (]ue  vous  aje'.  encouru  la  j)eine 
de  mort  pour  avoir  tenu  caciiés  dans  votre 
logis  ces  livres  impies,  je  prétends  vous 
punir  d'une  autr(!  manière:  je  vous  laisse- 
rai la  vie,  mais  vous  serez  conduite  toute 
nue  par  de.<>  soldats  et  j)ar  Z(jzime,  l'exécu- 
teur de  haute  justice,  dans  un  lieu  de  dé- 
bauche où  vous  (lemeurer(!Z  jus^pi'ii  nouvel 
ordre,  vivant  chaqiKîjoun.lu  paui  qu'on  vous 
portf.'ta  du  p.ilais.  l-il  u;  veux  (pi'il  y  ail  tou- 
jours là  (pK'hpies  soldais  \u)\ii  vous  empê- 
cher d'eu  sortir.  Puis,  se  toui-nant    vers    h; 

(1)  C'est-à-dire  à  rassemblée  des   lideleb,   ou  à  la 
Coikcle. 


AGA  iOG 

bourreau  et  les  soldats,  il  leur  dit  :  Je  vous 
avertis  que  si  je  viciis  à  savoir  que  vous 
ayez  souffert  que  cette  fille  sort  ■  seulement 
une  heure  de  l'enUroit  où  je  l'envoie,  vous 
me  le  paierez  de  votre  tête.  Qu'on  m'ap- 
porte ces  livres  qu'on  a  trouvés  dans  sa 
cassette. 

Cependant  les  soldats  conduisirent  Irène 
dans  un  lieu  de  prosti  ution  des  plus  fameux 
de  la  ville.  Mais  le  Dieu  de  pureté  si!  déclara 
si  hautement  son  protecteur,  qu'il  ne  se 
trouva  là  aucun,  môme  des  plus  emportés, 
qui  osAt  approcher  d'elle,  ni  dire  en  sa  pré- 
sence la  moindre  parole  déshonnête.  Cela 
obligea  le  gouverneur  à  la  citer  une  seconde 
fois  devant  son  tribunal.  Lorsqu'elle  y  fut, 
il  lui  dit  :  Persistez-vous  toujours  dans  cette 
audace  téméraire  qui  vous  révolle  si  inso- 
lemment contre  les  puissances  légitimes  ?  Ce 
que  vous  nommez  audace  et  révolte,  répon- 
dit Irène,  je  l'appelle  piété  et  religion,  et  je 
vous  déclare  que  j'y  persiste.  Puisque  cela 
est,  dit  le  gouverneur,  et  que  je  trouve  en 
vous  ce  même  esprit  de  désobéissance,  je 
vais  faire  ma  charge.  Il  demanda  du  papier, 
et  il  écrivit  cette  sentence.  «  Irène  ayant 
refusé  avec  opiniâtreté  d'obéir  à  l'édit  des 
empereurs,  et  d'  sacrifier  aux  dieux,  et 
ayant  fa.t  sa  déclaration  qu'elle  persiste  tou- 
jours à  vouloir  vivre  et  mourir  chrétienne, 
nous  ordonnons  qu'elle  soit  brûlée  toute 
vive,  ainsi  que  ses  deux  sœurs.  »  La  sentence 
l'ut  exécutée  à  l'heure  même,  et  au  même 
lieu  où  ses  deux  sœurs  avaient  soulferl  quel- 
cju  s  jours  auparavant,  le  jour  des  calendes 
d'avril,  sous  le  neuvième  consulat  deDioclé- 
tien,  et  le  huitième  de  Maximien  Auguste. 

ACAPE  (sainte),  martyre,  versa  s.ui  sang 
pour  la  foi  a  Nicomédie,  durant  la  persécu- 
tion que  Dioclétieu  lit  souffrir  aux  disciples 
du  Christ.  Elle  eut  pour  compagnons  de  son 
illustre  martyre  saint  Idnès,  un  des  oliiciers 
du  p;dais,  les  vierges  Domne,  Théophile  et 
leurs  compagnons,  que  le  Martyrologe  romain 
ne  nomme  pas.  C'est  le  28  décembre  que 
l'Eglise  honore  la  mémoire  de  ces  saints 
mai'tyrs. 

AGAPE  (sainte),  vierge  et  martyre  ,  vécut 
sur  la  terre  en  sainte  et  mourut  en  hérouie; 
elle  monta  au  ciel  avec  une  double  couronne  : 
celle  qui  failles  anges  d(;  vertu,  celle  (jue 
Dieu  donne  aux  géiiénnix  défenseurs  de  sa 
loi.  Ce  fut  à  Terni  ([u'elle  l(irmina  sa  car- 
rière. Son  sang  coula  dans  les  lieux  (ju'elle 
avait  |)arfumés  de  ses  vertus  et  remplis  des 
bonnes  ceuvres  de  sa  charité.  L'Eglise  fait 
sa  fêl(î  le  15  février. 

AGAPliou  CnAiirnc  (sainte),  (ille  i\o,  sainte 
Sophie,  S(i;ui'  de  sainte  Pistis  ou  Foi,  et  do 
saint-  Elpis  ou  l*lspérauce,  ciunllil  la  palme 
du  martyre  à  Home,  durant  la  persécution 
d'Adrien.  Martyrisée  avec  ses  ihnix  su'urs, 
elle  pi'écéda  au  ciel  sainte  Sophie,  sa  mèr(> , 
(pu;  l(!s  pvn'sécuteurs  w.  lircnil  mourir  que 
trois  jours  après.  L'Eglise  fait  sa  fêle  et  celle 
d(!  ses  ^(eUrs,  le  1"  août. 

A(iAPET  (saint),  diacre  el  martyr,  fut  mis 
à  mort  en  iiîiO,  sous  N'ah-rien,  avec  s.unlSixt', 
en  même  temi)S  (jue  les  saints  diacro«  Eéli- 


iOI  AGA 

cissime,  Janvier,  Magne,  Vincent,  Iiticnno; 
ils  fui'cnl  tous  décapités.  L'Ej^ilisi'  Iiononî  la 
ni('Mnoire  de  tous  ces  saints  le  G  août.^ 

A(iAPI<yr  fsaint),  est  un  de  ces  saints 
UKuiyis  (jui  donnùrent  à  Dieu  leur  vie  ;i  la 
ileur  de  leur  ;1ge  et  qui,  plus  auiour(Mix  des 
choses  du  ciel  que  des  illusions  qui  s'olTient 
ti  nos  yeux  si  riantes  et  si  spkuLiides  quand 
nous  sommes  encore  au  seuil  (J(;  re\islence, 
allèrent  trouver  au  sein  du  Très-Haut  la 
source  des  f  licite^ ,  seules  vraies ,  seules 
grandes,  seules  dijçnes  des  auihilions  du 
cœur.  Les  païens  arrêtèrent  saint  A-;;apet  à 
Prén 'ste,  aujourd'hui  Palcslrine,  et  lui  tirent 
soulfrir  de  cruelles  tortures.  On  ne  dit  pas 
commetit  il  consomma  son  sacrilice.  Son 
martyre  eut  lieu  durant  la  persécution  d'Au- 
rélien.  L^'s  sacranientaires  de  saint  riélas(;, 
de  saint  Grégoire  le  Grand,  les  mai'tyi'ologes 
de  Bè  le  et  de  saint  Jérôme,  l'ont  mention  de 
lui  avec  gr-and  îjonneur.  Rien  ne  méiile,  en 
ellel,  l'admiration,  rien  n'est  touchant,  comme 
de  voir  ces  jeunes  tètes  que  le  vent  du  tré- 
pas incline  si  vite,  surtout  quand  c'est  v;)- 
lontairement  qu'elles  se  courbent  sous  son 
aile.  Le  sacritice  a  toujours  quelque  chose 
d'autant  plus  attendrissant ,  que  la  victime 
est  plus  l'aible,  plus  jeune,  plus  douci^,  plus 
résignée.  Voir  tomber  upe  tète  que  la  mort 
doit  b  entôt  moissonner,  ne  touche  jamais 
autant  que  de  voir  to  i:ber  celle  sur  la- 
quelle se  posent  en  couronne  toutes  les  pro- 
messes de  la  vie,  toutes  les  espérances,  toutes 
les  illusions,  qui  dorent  pou:  nous  tous  les 
horizons  de  1  avenir.  Eu  445 ,  révè(|ue  de 
Besançon,  Chélidnine,  apporta  de  Uome  le 
chef  du  saint  mar  yr  et  le  mit  dans  l'église 
de  Saint-Etienne.  C'est  i'égliso  de  Saint-J(;an 
qui  le  possè.ie  aujouni'lmi ,  l'archevêque 
Hugues  l'y  ayant  transféré  vers  le  milieu 
du  xr  siècle.  L'Egiise  lait  sa  fête  le  18  août. 

AGAPET(saii;t),  maityr,  recueillit  la  palme 
du  martyre  à  Héraclée  en  Thrace.  La  date 
de  son  martyre  est  inconnue,  il  eut  deux 
compagnons  de  souil'rances  appelés  Derus 
et  Bassus,  et  quarante  autres  dont  on  ignoi'e 
les  noms.  L'Egiise  célèbie  Ja  mémoire  de 
ces  saillis  le  20  novembre. 

AOATHANGE  (saintj,  martyr,  fut  mis  à 
mort  pour  la  religion  chrétienne,  au  com- 
mencement du  IV  siècle ,  sous  le  règne  et 
durant  la  persécution  de  Dioclétien,  le  môme 
jour  que  saint  Clément  d'Ancyre  et  avec  lui. 
{Voy.  Le  Quien.  Or.  Christ.,  L  I,  p.  457.)  Il 
est  fêté  par  l'Eglise  le  môme  jour  que  lui, 
le  23  janvier. 

AGATUANGE  (le  bienheureux),  martyr, 
était  supérieur  des  Capucins  d'Egypte,  que 
le  pape  avait  chargés  de  tâcher  de  rallumer 
la  foi  en  Abyssinie,  où  la  persécution  de 
Basilides,  hls  de  Mélec-Segued,  lavait  pres- 
que éteinte  depuis  l'année  1632,  époque  à 
laquelle  ce  prince  avait  succédé  à  son  père. 
Le  P.  Agathange  s'empressa  d'exécuter  les 
ordres  qu'il  avait  reçus  du  pontife  suprême. 
Il  alla  trouver  le  patriarche  hh-étique  d'A- 
lexandrie, et  lui  exiiosa  l'état  déplorable  de 
l'Arménie,  le  priant  de  prendre  en  pitié  les 
catholiques   qu'on  y  persécutait  avec  une 


AGA 


102 


violence  inouïe.  Il  lui  représenta  que  co 
malheureux  pays  était  livré  à  un  abouna  qui, 
sous  tous  rapports,  était  indigue  de  ce  litre 
et  le  conjura  d'en  envoyer  un  autre  qui  ne 
fût  ni  un  méchant  homme  ni  un  aventurier 
comme  celui  ((U(3  Basilides  avait  reçu.  Lo 
patriarche  reçut  fort  bien  les  demandes  du 
P.  Agathange,  il  écrivit  au  Négous  de  trai- 
ter les  calh(jliques  avec  moins  de  dureté, 
puis  il  sacra  abouna  l'abbé  Marc  ,  ami  du 
P.  Agathange.  Ce  dernier  avait  eu  avec 
l'abbé  A'arc  [ilusieurs  conférences,  à  la  suite 
desquelles  il  croyait  lui  avoir  inspiré  le  dé- 
sir de  revenir  à  l'unité.  Le  P.  Agathange  , 
jugeant  les  circonstances  favorables  jiour 
pénétrer  en  Abyssinie,  s'adjoignit  le  P.  Cas- 
sien  de  Nantes,  un  de  ses  religieux,  et  s'em- 
barciua  avec  un  bâcha  que  le  Grand  Seigneur 
envoyait  à  Souakim.  A  penne  les  deux  capu- 
cins eurent-ils  mis  le  pied  en  Abyssinie , 
qu'ils  fuient  pris,  quoiqu'ils  eussent  eu  la 
])récaulioii  de  se  dégu'ser  en  niarchaniis 
arméniens.  Us  furent  conduits  devant  Marc, 
le  nouv  1  abouna.  Cet  abominable  Judas  les 
lecon  lut  et  dit  que  c'étaient  ties  prêtres  ca- 
tholi(jues  romains,  ennemis  de  la  foi  d'A- 
lexandrie, et  qu'ils  venaient  en  Abyssinie 
pour  y  détiuire  la  religion  reçue  depuis  tant 
de  siècles.  Dans  la  bouche  de  cet  homme  , 
de  semblables  paroles  avaient  la  valeur  d'un 
arrêt  de  moit.  Il  le  savait  bien  quand  il  les 
j)rononça,  aussi  les  deux  missionnaires  fu- 
rent immédiatement  saisis  par  la  populace 
et  lapidés.  L'ahouna  récompensa  ainsi  le 
P.  Agathange  de  la  vive  amitié  qu'il  lui  avait 
montrée  et  de  la  dignité  qu'il  lui  avait  pro- 
curée, en  le  fusant  choisir  ])ar  le  patriarche. 
La  mort  de  nos  deux  saints  arriva  en  1038. 
Le  P.  Agathange  était  né  à  Vendôme  en 
France. 

AGATHE  (sainte),  vierge  et  martyre  ,  souf- 
frit à  Calane  pour  la  foi  chrétienne  sous 
l^empire  du  cruel  empereur  Dèce,  et  sous 
un  juge  nommé  Quintien.  Ses  actes  sont  de 
ceux  que  Bollandus,  ordinairement  si  facile 
dans  ses  jugements,  déclare  mauvais  et  peu 
authentiques.  Tillemont  déclare  ,  lui ,  qu'il 
se  contente  des  raisons  de  Bollandus.  Tout 
le  respect  que  nous  avons  pour  de  si  puis- 
santes autorités  ne  peut  nous  empêcher,  en 
lisant  ces  actes,  d'éprouver  des  sentiments  , 
des  émotions,  qui  nous  constituent  une  opi- 
nion personnelle  dilférente  de  la  leur.  Pré- 
tendre que  les  narrateurs  n'aient  pas  un 
peu  embelli ,  c'est  ce  que  nous  ne  ferons 
pas.  Mais  sous  cette  broderie  de  la  forme 
et  des  détails  ,  le  fond  nous  apparaît  ex- 
trêmement grave  et  certain.  Les  faits  ra- 
contés sont  complètement  d'accord  avec 
ce  génie  de  la  persécution  dont  s'inspiraient 
les  ennemis  des  chrétiens ,  et  avec  les  pas- 
sions qui  forment  le  triste  apanage  de  no- 
tre humanité.  Quintien  nous  y  est  révélé 
sous  un  jour  vrai  et  saisissant  de  naturel. 
Qu'on  trouve  ses  procédés,  à  part  son  rôle 
de  persécuteur,  ignobles  et  grossiers,  en  ce 
qui  concerne  sa  passion,  nous  en  conve- 
nons ;  certes,  trop  souvent  Vignoble  et  le 
grossier    viennent    affliger    notre    regard , 


i05 


AGÂ 


AGA 


loi 


quand  nous  étudions  la  nature  humaine.  Est- 
ce,  par  liasard,  la  délicatesse  dans  le  vice  que 
nos  contradicteurs  voudraient  trouver  ici 
I)our  .'îdmettre  le  rôle  de  ce  vice  dans  l'his- 
toire qui  nous  occupe  ?  Mais  Quintien  n'é- 
tait pas  un  homme  qui  voulût  plaire,  qui 
prétendit  exercer  une  séduction  .à  l'égard 
de  la  sainte  :  non,  c'était  un  homme  cor- 
rompu, qui  ne  voulait  cpi'une  victime  à  sa  con- 
voitise. Il  voulait  le  corps  sans  s'inquiéter  d'a- 
voir le  cœur.  (Certes  s'il  eût  eu  d'autres  inten- 
tions, il  eût  agi  autrement  à  l'égard  de  la  sain- 
te :  il  l'eûl  prise  chez  lui  ou  placée  dans  un 
lieu  où  les  prévenances,  les  attentions  et  les 
éj;ards  de  toutes  sortes  l'auraient  entourée, 
au  lieu  de  la  mettre  dans  une  maison  f)uhli- 
que,  chez  des  femmes  de  mauvaise  vie.  Ceux 
qui  étudient  le  monde  réel,  tel  que  mal- 
heureusement il  est  toujours,  savent  qu'il 
est  rempli  de  ces  hommes  de  chair  et  de 
sang,  qui  ne  voient  dans  une  passion  que 
le  côté  brutal  à  satisfaire.  Ces  hommes , 
qu'il  nous  soit  permis  de  le  dire  en  j)as- 
sant,  sont  pour  l'innocence  et  la  vertu 
les  moins  dangereux  de  tous.  Jamais,  pour 
notre  compte,  nous  ne  ferons  comme  cer- 
tains actes  (jui  attribuent  à  des  saintes  un 
grand  mérite  pour  avoir  résisté  dans  de 
telles  circonstances.  Les  épreuves  auxquel- 
les on  les  soumettait  en  pareil  cas-,  ne  sont 
point  dignes  de  se  nommer  des  tentations: 
c'étaient  simplement  des  supplices  outra- 
geants qu'elles  avaient  à  subir.  Qn'une 
lemme  ait  un  mérite  réel  à  garder  sa  vertu  , 
quand  elle  est  exposée  aux  tentations  dont 
lentoure  une  passion  (toujours  coupable, 
nous  le  savons)  qui  veut  arriver  à  son  but 

f»ar  la  délicatesse  des  manières,  par  les  sol- 
icitations  du  cœur,  nous  l'admettons;  mais 
nous  ne  croyons  pas  qu'il  faille  grand  ehort 
de  vertu  à  une  femme  bien  élevée,  douée 
de  sentiments  nobles  et  grands  pour  résister 
à  un  corrupteur  grossier  et  brutal  qui,  pour 

f)remier  moyen  de  séduction,  commence  par 
a  mettre  en  mauvais  lieu,  et  par  la  faiie 
solliciter  en  sa  faveur  par  des  femmes  qui 
font  métier  de  leurs  charmes.  Qu'elle  éprou- 
ve de  l'indignation,  du  dégoût,  que  sa  pu- 
deur ait  à  souffrir  matériellement,  cela  se 
coiiçoit.  Mais,  par  respect  pour  elle,  nous 
n'admettons  pas  que  son  cœur  puisse  être 
t'flleuré  seulement.  C'est  une  tleur  qu'on 
aura  beau  jeter  dans  la  fange ,  on  ne  par- 
viendra jamais  à  faire  (ju'elle  participe  de  sa 
nature.  Aussi  nous  devons,  puisque  nous 
.sommes  on  train  de  digression,  nous  de- 
vons rappeler  ici  cette  histoire  d'un  saint 
que  les  persé(;uteurs  tirent  olacer  dans  un 
jardin  rempli  de  lleiirs  et  plein  des  séduc- 
tions qui  entrent  dans  l'Ame  par  hissens, 
attaché  sur  un  lit  mocdleux,  et  (pj'ils  liient 
tenter  par  uix;  lille  de  mauvaise  vie.  L'his- 
toire raconte  (jue,  pour  éteindre  en  lui  les 
révoltes  de  la  chair  et  déconcerter  la  tenla- 
tric'i ,  le  saint  se  broya  la  langue  av(îc  les 
dénis,  et  la  lui  cracha  au  visage.  Ah!  sans 
d(;ule,  l'argile  (11;  I.Kpielle  Dieu  .'vc  sert  jjour 
]>étrir  riiumanilé,  n'est  pas  la  même  pour 
chacun  de  nous  ;  mais  cnJin  on  ric  nou»  jxîr- 


suadera  guère  qu'un  saint  qui  avec  tout  le 
courage  de  sa  foi  a  su[)porté  les  tourments, 
puisse  se  laisser  tenter  par  une  courtisane, 
qui  vient  d'olTic  pourle  séduire.  La  tentation 
en  général,  naît  dans  le  cœur  pour  ce  qu'il 
convoite,  le  regardant  comme  digne  de  ses 
désirs.  Il  n'en  est  autrement  que  chez  les 
individus  que  le  vice  a  déjà  dégradés.  L'art 
a  déjà  été  de  notre  avis.  Anciennement,  les 
peintres  représentant  la  tentation  de  saint 
Antoine  plaçaient  autour  de  lui  des  tenta- 
trices à  figures  hideuses,  avec  des  coi  nés 
sur  la  tète.  C'était  le  diable  habillé  en  fem- 
me,  avec  tous  ses  attributs  j)lus  ou  moins 
apparents.  Si  c'est  la  forme  que  prit  le  dé- 
mon pour  tenter  le  saint  anaidiorète,  d  faut 
convenir  qu'il  fut  bien  mal  inspiré  ou  qu'il 
se  fit  d'étranges  idées  sur  les  séductions 
que  pouvait  faire  son  propre  visage.  Le 
saint  dut  rire  et  se  moquer  d'un  diable  aus- 
si peu  avisé;  mais  être  tenté,  non,  cent 
mille  fois  non  I  Certes,  les  hallucinations 
que  le  diable  envoya  au  saint, ou,  si  l'on  veut, 
la  forme  qu'il  prit,  n'eurent  rien  de  ce  que 
nous  venons  de  dire.  Le  peintre  qui,  cette 
année,  a  j)eint  pour  le  salon  (18W^  une  ten- 
tation de  saint  Antoine,  a  été,  bien  mieux 
que  ses  prédécesseurs,  dans  la  vérité.  Il  a 
entouré  le  saint  de  femmes  charmantes , 
créatures  délicieuses  qui  rappellent  les  plus 
beaux  types  de  l'humanité.  Toutes  sont 
charmantes  de  forme,  attrayantes  de  pudeur 
et  de  grAces  naïves.  Si  le  diable  les  poussait, 
il  avait  du  moins  l'habileté  de  ne  pas  se  mon- 
trer. Résumons-nous  :  pour  qu'il  y  ait  tenta- 
tion, il  faut  qu'il  y  ait  un  objet  digne  de 
tenter.  Encore  une  fois,  nous  ne  pouvons 
partager  l'admiration  de  ceux  qui  trouvent 
les  saints  éminemment  vertueux,  pour  avoir 
résisté  à  des  séductions  de  filles  publiques 
et  de  fennnes  qui  vendent  les  charmes  d'au- 
trui.  Voilà  une  digression  qui  aura  peut-être 
un  succès  de  scandale.  Si  nos  lecteurs  veulent 
faire  de  toutes  les  légendes  et  de  toutes  les 
interprétations  qui  touchent  les  saints,  une 
sorte  d'arche  sainte  que  jamais  la  critique 
et  la  raison  ne  puissent  loucher,  nous  se- 
rons jugé  sévèrement.  Mais  si,  en  hommes  sa- 
ges, ils  veulent  se  donner  la  peine  de  chercher 
la  vérité  en  interrogeant  le  cœur  iiumain,  tel 
qu'il  est,  nous  serons  absous.  Nous  disons 
la  vérité.  Loin  de  nous  d'avoir  voulu  faire 
autre  chose.  Le  plus  grand  respect  possible 
pour  la  vérité,  c'est  de  la  dire. 

Nous  sommes  bien  loin  de  sainte  Agathe, 
revenons-y.  Ses  actes  sont  des  plus  beaux  (pie 
nous  trouvions  dans  les  Vies  des  saints.  Nous 
allons  les  donner  en  les  émondanl  des.sur- 
ciiarges  (jne  les  oi'nementistes  y  ont  nnses. 

Les  villes  de  Palerme  et  de  Catane  se  dis- 
putent la  gloii(ï  d'avoir  donné  naissance  à 
.sainte  Agathe.  IJollandus  a  cité  en  plus  do 
«piatre-vnigls  articles  les  prétentions  de  l'une 
et  de  l'autre,  |)our  conclun^  (\n'\\  ne  sait  (juo 
décider.  11  valait  mi(!ux  (onclun;  sans  les 
(juaire-vingls  articles,  l'our  couper  le  meud 
gor(ii(.'n  d<;  cette  dit'licullé  ,  disons  aux  habi- 
tants d(!  ces  d(;ux  villes  (|ue  les  saints  sont 
concitoyens  do  tous  t'^ux  qui  suivent  sur  la 


105 


AGA 


AGA 


iOO 


terre  la  voie  qu'us  ont  tracée,  et  qu'ils  ne 
se  souvioniieiit  plus  au  ciel,  quand  ils  regar- 
dent ceux  (ju'ils  protègent  et  (jui  les  im{)I()- 
rent,  des  délimitations  qui  font  ici-bas  les 
îsitoyens  et  les  peu|)les.  Dans  la  vérité,  dans 
la  sainteté,  dans  les  vertus,  tous  les  honinies 
sont  IVôres  et  concitoyens.  Les  limites  sont 
b.Uies  h  cause  de  nos  imperfections,  jamais 
à  cause  de  nos  vertus.  Ce  cpi'il  y  a  de  posi- 
tivement certain,  c'est  que  ce  fut  dans  la  ville 
de  Catane  que  saint(;  Agathe  soutfrit  le  m^ir- 
iycQ.  Elh;  était  d'une  famille  riche  et  noble. 
Elle  avait  une  excessive  beauté,  cette  ri- 
chesse des  feuiUies  que;  notre  époque  met 
au-dessus  des  auti'es.  Dès  sa  jeunesse  elle 
résolut  de  se  consacrer  à  Dieu.  Sans  doute, 
belle,  jeune  et  riche,  elle  eut  à  soutenir 
contre  les  séductions  du  monde  et  contre 
celles  de  son  cœup  bien  dcss  combats.  Mais 
Dieu  étendit  sur  son  innocence  l'ombre  de 
sa  [)rotection.  11  est  des  ileurs  de  sainteté 
que  Dieu  protège,  ce  sont  les  lis  des  vallées 
qu'il  abrite  contre  les  feux  du  soleil  et  qui 
gardent  leur  blancheur  veloutée  jusqu'au 
soir.  Leur  naissance  a  lieu  loin  des  regards 
du  monde,  leur  existence  est  un  mystère; 
ils  vivent  dans  une  atmosphère  parfumée, 
et  quand  ils  meurent,  c'est  un  vent  du  soir 
qui  emporte  leurs  pétales  vers  les  sommets 
voisins.  Sainte  Agathe  eût  vécu  et  tini 
comme  l'un  d'eux,  si  la  persécution  ne  fût 
pas  venue  violer  son  refuge. 

L'infâme  Dèce  venait  de  monter  sur  le 
trône  en  assassinant  celui  qui  l'occupait;  il 
avait  soulevée  une  violente  persécution  con- 
tre les  chrétiens.  Quinlien,  consulaire,  gou- 
vernait la  Sicile.  11  connaissait  Agathe,  et 
une  passion  désordonnée  pour  elle  s'était 
emparée  de  lui.  Saint  Méthode  dit  que  la 
sainte  fut  obligée  de  se  retirer  de  Catane 
à  Païenne,  pour  éviter  les  pièges  (nous  gar- 
dons l'expression  textuelle)  que  ce  gouver- 
neur dressait  à  sa  chasteté.  Sans  doute  Quin- 
lien, ce  passage  le  prouve,  lit  ce  qu'il  put  pour 
séduire  Agathe,  avant  d'en  venir  aux  moyens 
violents  qu'il  employa  plus  tard.  Ses  obses- 
sions, ses  insistances,  tout  fut  inutile.  Agathe 
croyant  qu'il  l'oublierait  peut-être  changea 
de  résidence.  Comme  nous  venons  de  le  dire, 
elle  se  réfugia  à  Palerme.  Mais  hélas  !  ses 
prévisions  furent  trompées  :  l'innocence  s'a- 
buse si  facilement  !  Quintien,  voyant  sa  pas- 
sion repoussée,  trouva  dans  son  amour-pro- 
pre blessé  les  éléments  d'une  haine  furieuse. 
N'ayant  pu  réussir  dans  ses  premiers  des- 
seins, il  crut  que  les  édits  que  Dèce  venait 
de  lancer  contre  les  chrétiens  lui  seraient 
un  excellent  moyen  de  s'emparer  de  sa  vic- 
time, et  de  la  réduire  à  ses  volontés.  11  la  lit 
donc  arrêter  comme  chrétienne.  Quand  on 
vint  pour  la  prendre,  elle  obtint  de  rentrer 
un  instant  dans  sa  chambre,  et  fit  à  Dieu 
cette  prière  que  nous  trouvons  dans  ses  ac- 
tes :  «  Jésus-Christ,  seigneur  et  maître  de 
toutes  choses,  vous  voyez  mon  cœur;  vous 
savez  quel  est  mon  désir  ;  soyez  seul  le  pos- 
sesseur de  tout  ce  que  je  suis,  et  conservez- 
moi  contre  le  tyran.  »  Durant  la  route,  elle 
pria  constamment  pour  que  Dieu  lui  fît  la 
DiCTioNN.  DES  Persécutions,   l. 


grAce  de  j)ei'sévér(3r,  ei  surtout  d'avoir  lu 
forc(^  de  supporter  les  condjats  auxfjuels  elle 
allait  être  exposée.  Arrivé(!  à  Catane,  elle 
fut  [)lacé(!  |)ar  Quintien  chez  une  femme 
nommée  A])hrodite  ou  Aphrodisic,  (jui,  avec 
neuf  lilles  (|u'(dle  avait  chez  elle,  faisait  |)ro- 
fession  d'impudicité.  La  sainte  fut  dans  cet 
intïïme  repaire  ex|)Osé(!  à  toutes  les  sollici- 
tations possibles,  et  sa  chasteté  y  souffiit  de 
mille  manières.  Nous  avons  dit,  dans  le  com- 
mencement de  cet  article,  pourquoi  nous  ne 
voulions  pas  dire  ([u'elle  y  eut  à  supj)orter 
des  tentations.  Il  est  des  situations  qui  ne  les 
comportent  pas.  Pour  l'honneur  de  la  sainte, 
nous  croyons  que  celle-ci  est  du  nombre. 
Son  indignation  lui  fut  un  refuge,  et  elle  sut 
placer  son  âme  assez  haut  pour  que  toutes 
ces  infamies  n'arrivassent  |)as  jusqu'à  elle. 
Ses  jours  et  ses  nuits  se  passaient  en  priè- 
res ;  le  martyre  était  l'objet  de  ses  désirs  les 
plus  ardents. 

Quintien,  voyant  qu'Aphrodisie  avait  inu- 
tilement employé  tous  les  moyens  qu'elle 
était  capable  de  mettre  en  œuvre,  fit  amener 
la  sainte  dans  son  prétoire.  Agathe  y  ht  une 
solennelle  profession  de  la  foi,  et  fut  amenée 
par  le  juge  à  dire  cette  belle  parole,  que  la 
plus  illustre  noblesse  consiste  à  être  l'hum- 
ble serviteur  de  Dieu.  Quintien  la  pressant 
d'adorer  les  faux  dieux,  la  sainte  lui  demanda 
s'il  trouverait  bon  que  sa  femme  ressemblât 
à  Véims ,  et  s'il  voudrait  ressembler  lui- 
même  à  Jupiter.  Arrivé  au  paroxysme  de  la 
fureur,  cet  ignoble  juge  la  fit  soulïleter  par 
les  bourreaux.  Il  y  a.  Dieu  le  veut  ainsi,  des 
outrages  qui  rejaillissent  vers  celui  qui  les 
envoie.  L'homme  fort  et  l'autorité  se  brisent 
ou  se  dégradent  quand  ils  s'attaquent  â  la 
puissance  de  la  faiblesse.  L'homme  qui 
frappe  une  femme,  un  prêtre,  un  ennemi 
vaincu,  se  déshonore.  11  y  a  des  êtres  qui, 
dans  certaines  situations,  sont  revêtus  du 
caractère  sacré  de  la  faiblesse,  qui  leur  fait 
une  telle  armure  qu'on  peut  diie  à  la  fois 
honte  et  malheur  à  qui  les  touche.  Quintienla 
fit  après  reconduire  en  prison.  Quand  la  vierge 
insultée  entra  dans  cette  prison,  la  pierre  du 
seuil  s'amollit  sous  ses  pieds,  comme  si  elle 
se  fût  abaissée  sous  cette  femme  ainsi  gran- 
die par  l'outrage.  Aujourd'hui  encore  on 
voit  cette  empreinte  à  la  porte  de  cette 
même  prison  convertie  en  chapelle.  Ce  fait, 
absent  des  actes,  se  trouve  dans  saint  Mé- 
thode. 

Le  lendemain,  Quintien  la  fit  ramener  de- 
vant lui,  et  lui  demanda  si  elle  avait  songé 
au  moyen  de  sauver  sa  vie.  La  sainte  répon- 
dit :  «  Jésus-Christ  est  ma  vie  et  mon  salut.» 
Alors  il  la  fit  étendre  sur  le  chevalet,  et  or- 
donna qu'on  lui  donnât  la  question  avec  les 
formes  ordinaires.  Agathe  soutfrit  les  tour- 
ments,  non-seulement  avec  courage,  mais 
encore  avec  joie.  De  plus  en  plus  irrité, 
Quintien  ordonna  qu'on  la  tourmentât  long- 
temps aux  seins,  et  ensuite  les  lui  fil  cou- 
per. Dans  ce  lait  atroce,  il  y  a  pour  nous, 
physiologiste,  plus  que  de  la  cruauté,  il  y  s 
la  féroce  jouissance  de  la  passion  qui' se 
venge  en  s'assouvissant  à  sa  manière.  Pour 

k 


î07 


ÂGA 


i;oiu;evuir  cela,  il  faut  coiiiiaître  le  cœur  hu- 
main dans  ses  rejiiis  les  plus  piof  luls.  Quin- 
tien  lit  recouiiuii'e  Agathe  dans  sa  j)riso'i,  eti 
défenùaiit  qu'o:i  pansai  ses  plaies.  Dieu  gué- 
rir miraculeusement  Agathe  dans  la  nuit 
même.  On  dit  que  toute  la  nuit  le  cachot  fut 
remj.li  d'une  vive  lumière,  et  que  les  pri- 
sonniers qui  étaient  enchaînés  tandis  qu'A- 
gathe ne  Tétait  pas,  lui  conseillaient  de  s'en- 
fuir. Mais  elle  leur  dit  :  Croyez-vous  donc 
que  je  veuille  perdre  le  prix  de  mes  com- 
bats et  renoncer  à  ma  couronne?  Croyez- 
vous  que  je  veuille  ôire  cause  que  mon 
évasion  fasse  mourir  ou  emprisonner  mes 
gardiens?  Elle  refusa. 

Au  bout  de  quatre  jours,  Quintien  la  fit 
amener  devant  lui,  et  la  tit  rouler  toute  nue 
sur  des  morceaux  de  pots  cassés,  mêlés  de 
charbons  ardents.  Les  actes  disent  que  la 
sainte  ne  sentit  aucune  douleur;  ils  ajoutent 
que,  pendant  son  supplice,  un  tremblement 
de  terre  eut  lieu,  et  qu'un  pan  de  nmraiile 
en  tombant  écrasa  l'assesseur  de  Quintien 
et  un  de  ses  amis;  le  premier  nommé  Sil- 
vam,  et  le  second  Falcone. 

Revenue  en  prison ,  la  sainte  leva  les 
mains  au  ciel,  et  après  avoir  rendu  grâces  à 
Dieu  de  l'avoir  fortiiiéc  contre  les  tourments, 
de  lui  avoir  ôté  l'amour  des  choses  d'ici- 
bas,  et  de  la  vie  terrestre,  elle  le  pria  ins- 
tamment de  la  retirer  du  inonde.  Dieu 
l'exauça,  et  comme  sa  prière  tinissait,  son 
âme  s'envola  vers  lui. 

Ainsi  la  llamme  qui  dévore  un  parfum  se 
balance  oscillante  sur  son  dernier  vestige. 
Elle  semble  donner  un  baiser  au  foyer  qui 
l'alimentait,  puis  elle  monte  au  ciel  invisi- 
ble connue  un  souj)ir  ou  comme  un  ange 
qui  passe.  Après  la  mort  de  la  sainte,  la  jus- 
tice de  Dieu  se  ht.  Quintien  sempara  des 
biens  d'Agathe,  et  s'étant  mis  en  chemin 
pour  les  aller  visiter,  il  entra  dans  un  ba- 
teau pour  passer  la  rivière  nommée  Jai'utte. 
L'un  de  ses  chevaux  le  mordit  à  la  gorge,  et 
un  auir-'  le  jeta  d'un  coup  de  pied  h  la  ri- 
vière. Son  co.'-|)s  alla  s.'  perdre  dans  la  mer. 

Après  la  jii4icc,  la  miséricorde.  Un  an 
plustanJ,  l'hlna  grondait  ùo.  ce  bruit  précur- 
seur des  catadys  nés;  les  habitants  eif.ayés 
fuyaient.  Déjà  le  cratère  vomit  sa  lave,  les 
chan.ps  et  les  hibitaiions  vont  ôtrc  englou- 
tis. Un  voile,  pris  sur  la  tombe  de  la  sainte, 
est  ajiporté  [)ar  les  (ideh.'S,  pour  servir  de 
barrière  au  toirent  de  feu.  Soudain  il  s'ar- 
rête, les  feux  souterrains  s'apaisent,  et  le 
fleuve  ue  fei  rentre  dans  son  lit.  Bien  des 
lois,  dil-on,  depuis  cette  époque,  un  tel  mi- 
racle s'est  renouvelé. 

Sainte  Agathe  mourut  le  5  féviier,  jour 
auquel  ri';glis  ;  Ci'Iebre  sa  fêle.  S(^s  r.  Inp.es, 
jKirle.  saCoiistantino|»le  en  lOîO,  fuient  rap- 
portées à  Calane  en  1127. 

AdATllUIS,  était  pro.;onsnl  h  Soia,  sous 
le  régn  ■  de  l'i  inp(;ienr  Aurélicii;  il  Ih  souf- 
frir le  martyre  a  sainte  Uestilnte,  qui  fui  dé- 
capitée, par  smi  ordre,  en  riionn».M,r  de  la 
religion  chrétienne. 

A<.iATHO(^LlE  (sainte),  martyre,  élait  ser- 


vante  d'une  femme  païenne.  Elle  était 
espagnole  et  soi  tait  d'une  famille  [lauvre. 
Etant  entrée  au  service  d'une  dame  riche  , 
attachée  comme  elle  au  culle  des  idoles,  elle 
s'y  montra  légère,  inconsidéi'ée,  tant  qu'elle 
servit  les  faux  dieux.  Plus  tard,  ayant  été 
convertie  à  la  foi  par  une  autre  servante, 
elle  changea  entièrement  de  conduite.  Sa 
maîtresse,  voulant  la  faire  renoncer  à  sa  foi, 
la  til  fouetter  d'aijord  chez  elle,  mais  inuli- 
lement.  Voyant  que  ses  efforts  étaient  vains, 
elle  la  tit  conduire  devant  le  juge,  qui  la  lit 
cruellement  déchirer.  On  lui  coupa  la  langue, 
et  elle  fut  enhn  jetée  dans  un  brasier.  On 
ignore  la  date  et  le  lieu  de  son  martyre. 
L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  17  sep- 
tembre. 

AGATHODORE  (saint) ,  martyr ,  mourut 
sous  l'eminre  de  Dèce,  en  251,  sous  le  pro- 
consul Valère,  dans  la  ville  de  Sardes.  Ce 
saint  était  au  service  de  saint  Carp  ■,  évoque 
de  Thyatires,  lequel  avait  été  arrêté  avec  son 
diacre  Papyle,  et  conduit  devant  le  procon- 
sul, qui  les  avait  fait  conduire  h  Sirdes. 
Ag'ithodore  n'avait  [)as  voulu  les  quitter,  et 
cette  fidélité,  a  beau  dévouement,  lui  méri- 
tèrent le  bonheur  d'être  persécuîé  comme 
enx  et  mis  à  mort  pour  la  foi.  Valère  le  lit 
cruellement  déchirer  à  coups  de  nerf  de 
bœuf.  Le  saint  mourut  dans  ce  supplice.  Le 
féroce  proconsul  ordonna  que  son  corps  fût 
jeté  aux  chiens,  mais  des  fidèles  l'enlevèrent 
la  nuit  et,  l'ayant  enseveli,  le  déposèrent 
dans  une  caveine.  La  fête  de  ce  saint  maityr 
arrive,  avec  celle  de  ses  compagnons,  le  13 
avril. 

AGATHODORE  (saint),  martyr,  eut  la 
gloire  de  répandre  son  sang  pour  la  foi.  Il 
était  évêque  dons  la  Chersonèse.  Il  eut 
poUi-  compagnons  de  j-es  tortures  les  saints 
évoques  Basile,  Eugène,  Elpide,  Eîhère,  Ca- 
piton, E[)lirem,  Nestor  et  Arcade.  On  ignore 
la  date  à  kupieile  eut  lieu  ce  mai'tyre.  L'E- 
glise célèbre  la  mémoire  de  ces  saints  évo- 
ques le  4  mai  s. 

AGATHON  (saint),  élail  homme  de  guerre, 
et  servait  à  Alexandrie,  dans  les  armées  im- 
périales, du  tem()S  de  l'empereur  Dèce.  Ayi.nit 
eu  occasion  de  témoigner  son  indign;  tion 
contre  des  païens  (|ui  tra.tai  nt  avec  irré- 
vérence les  corps  de  plusieurs  sainis  mar- 
tyi'S  (jui  vena.ciit  de  tomber  vituiincs  de  la 
persécution,  il  ne  recula  pas  devant  l'immi- 
nence  du  danger  que  cet  acte  courageuv  ap- 
pelait sur  sa  tête.  Il  empêcha  ces  piof.iua- 
teurs  de  continuer.  Cela  excita  contre  lui 
une  de  ces  émeutes  populair»  s,  si  ^  (/unnu- 
m  s  dans  c(;s  t  mps  malheureu"v.  Il  fut  mal- 
trruté,  arrêté  et  coniiuit  devait  leju^e.  Y 
ayant  persisté  à  (oniesstM'  Jésus-Ch:  ist,  il 
eut  la  tête  iraïuliée,  cl  consomma  a. nsi  son 
sacrilice,  en  recevant  le  |)riv  mérité  de  son 
com-age.  L'Eglise  honore  sa  mémoiro  le  7 
décmiibre. 

A(iATHON  (saint),  nommé  comme  martyr 
dans  un  grand  nombre  d'actes  et  de  maily- 
rologes,  coidessa  généreusement  la  foi  h 
Thessalouique,  ou  l'an  do  l'ôro  chrélienu« 


too 


ÀCA 


AGW 


liO 


30i-.  Ses  actes  lui  sont  coiuimuis  avec  suinte 
AK,apeet  ses  compagnes.  (ry.//f=-ies.)  L'E^^lise 
ho:ioi-e  la  inéinuire  de  tous  ces  saints  le  3 
avril. 

A(iATIION  (saint),  est  i'iscrit  au  Martyro- 
loge romain  le  quatorzième  jour  du  mois 
de  février.  11  eut  pour  compagnons  de  son 
martyre,  sur  lequel  nous  n'avons  point  de 
détails,  les  saints  Cyrion,  Hassien  et  Moïse. 
Ils  lurent  jetés  dans  un  brasier  ardent,  où  ils 
reculent  la  couronne  du  martyre.  L'Eglise 
honore  leur  glorieuse  ménioirele  1^* février. 

ACiATHON  (saint),  mourut,  en  Sicile,  vic- 
time courageuse  pour  la  dél'tuise  de  la  foi 
chrétienne,  on  ignore  en  quelle  année.  Il  eut, 
pour  compagne  de  son  martyre,  sainte  Tri- 

Ehine,    que    l'Eglise    honore    avec   lui    le 
juillet. 

AGATHONIQUE  (saint),  martyr,  tomba 
glorieuseuient  victime  de  la  persécution  do 
Maximie'i,  à  Nicomédie,  condamné  à  la 
peui'^  ca[)itale,  avec  saint  Zotique,  compa- 
gnon de  ses  soutf.  ances  et  de  son  triomphe, 
par  le  président  Eulholome.  L'Eglise  honore 
sa  mémoire  le  2*2  août. 

AGATHONIQUE  (sainte),  martyre  à  Per- 
gamc,  sous  remi)ire  de  Dèce,  en  251,  avait 
suivi  son  frère  saint  Carpe,  évê;jue  de 
Thyatu-es,  d'abord  à  Sardes,  où  le  proconsul 
Valère  l'avait  fait  co  Kiuire,  et  ensuite  h  Pb  - 
garae.  Quand  elle  vit  so!i  frèie  dans  le  bû- 
cher oiî  l'avait  fait  jeter  le  procousul,  elle 
s'y  préci[)ita  avec  lui  et  y  fut  consumée. 
L'Eglise  fait  sa  fête  en  môme  temps  que  celle 
de  son  fière,  le  13  avril.  A  propos  de  C!>  fait 
comme,  à  l'égard  de  sainte  Apollonie,  il  faut 
nécessairement  admellrerintorvention  d'une 
inspiration  divine,  portant  sainte  Agathoni- 
que  à  agir  comme  elle  Ta  fait,  autrement 
nous  ne  saurions  comment  excuser  une  ac- 
tion qui  serait  un  suic.de  et  rien  (Je  plus. 
Dieu  ne  permet  pas,  d'après  les  règles  com- 
munes, qu'un  individu,  quel  qu'il  so^t,  dis- 
f)oso  ainsi  de  .'on  existence.  Sr.ns  cela,  au 
ieu  de  mettre  Agathonique  au  nombre  ucs 
saintes  et  des  mn-tyr  s,  l'Eglise  eût  blâmé 
sévèrement  sa  conduite.  {Voy.  Cakpe  de 
Thyatires.) 

AGATHOPODE  (saini), martyr,  était  diacre 
à  Thessaloni(|ue.  11  y  cue.llit  la  palme  du 
martyre  avec  Théodule,  qui  était  lecteur.  Ce 
fut  sous  rem[)e(eur  iVLixunien  et  le  piés;dent 
Faustm  ([u'on  les  jeta  dans  la  mer  avec  une 
pierre  au  cou.  La  date  de  leur  martyie  est 
ignorée.  C'est  le  4  avril  que  I  Eglise  célèbre 
leur  fête. 

AGATHUS,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égypt  ens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte  et  desquels  Ruinait  a  laissé 
les  actes  authenti(jues.  Voy.  Martyrs  (les 
trenle-sept)  égyptiens. 

AGATOfE  (s,iint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
mourir  pour  Jésus-Christ,  en  Crète,  dans  la 
ville  de  Gortyne,  sous  le  règne  de  Dèce, 
durant  la  persécution  si  terrible  que  ce 
prince  féroce  alluma  contre  l'Eglise.  Il  fut 
décapité  après  avoir  soutfert  d'horribles  tour- 
ments. Sa  fête  arrive  le  23  décembre.  Saint 


Agatope  est  l'un  des  dix  martyrs  do   Crète. 
{Voy.  Martyks  de  Crète.  ) 

ÀGAUNE  {Ayminuinj,  aujourd'hui  Saint- 
Maurice,  ville  de  Suisse,  céleb  e  par  le  mar- 
tyre que  saint  Maurice;  y  subit  en  280,  avec 
l<nite  sa  légion,  par  ordre  de  Maximien,  col- 
lègue de  Dioclétien. 

x\GEN  ,  vill(!  de  France  (chef-lieu  du  dé- 
partement de  Lot-et-Garonn(;),  anciennement 
Ayinuin,  capitale  des  Niliobriges,  fut  témoin 
du  martyre  de  sainte  Foi  et  de  ses  <  om[)a- 
gnons,  sous  le  règne  de  Dioclétien  et  de 
Maximien,  et  sous  le  gouverneur  Dacien. 
Sainte  Foi  a[)[)artenait  à  une  des  premières 
familles  de  la  ville.  Agen  possède  oncoie  les 
reiiqucsde  cesglttrieux  martyrs,  compagnons 
de  sainte  Foi.  Celles  de  sainte  Foi  ont  été 
transléiées  à  [)lusieui'S  reprises  en  d'autres 
lieux.  Voyez  Foi  (saintej.  Quelque  temps 
après,  saint  Caprais,  qui  s'était  caché  dans 
une  caverne  pour  éviter  la  persécution,  ayant 
appris  de  quelle  manière  sainte  Foi  avait 
combattu  pour  Jésus-Christ,  se  rendit  au  lieu 
où  on  persécutait,  c'est-h-dii'e  à  Agen,  et  y 
reçut  la  glorieuse  couronne  qu'il  ambition- 
nait. Voy.  Capiiais  (saint). 

AGGÉE  (saint),  fut  immolé  pour  la  foi 
chrétienne  à  Bologne,  du  temps  de  l'empe- 
reur romain  Maxiniien,  avec  les  saints  Her- 
mès et  Caïus.  L'Eglise  vénèi'c  la  mémoire 
de  ces  saints  martyrs  le  4- janvier. 

AGilIAS  (saint),  martyr,  l'un  des  quarante 
martyrs  de  Sébaste  sous  Licinius.  [Voy.  Mar- 
tyrs de  Sébaste.) 

AGILÉE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
verser  son  sang  pour  la  confession  de  la  foi. 
Les  martyrologes  nu  donnent  aucun  détail 
sur  son  martyre  ;  on  sait  seulement  qu'il  eut 
lieu  à  Cartilage.  Ce  saint  martyr  n'est  connu 
que  par  un  sermon  que  saint  Augustin  fit 
sur  lui  au  peuple.  L'Eglise  honore  la  mé- 
moire de  ce  saint  martyr  le  15  octobre. 

AGLIBEIIT  (saint),  martyr,  originaire,  com- 
me saint  Agoard,  des  bords  du  Rhin,  vint 
habiter  C:éteil  avec  lui.  il  dut  également 
la  connaissance  de  l'Evangile  aux  prédica- 
tions de  saint  Allin  et  de  saint  Coald.  Dans 
un  excès  de  zèle,  ayant  un  jour  renversé  un 
temple  d'idoles,  il  futiué,  ainsi  qu'une  troupe 
de  chrétiens  qui  l'accompagnaient,  parocdro 
du  gouverneur  qui  était  païen;  d'autres  pré- 
tendent qu'il  fut  martyrisé  par  les  Vandales. 
On  place  générahmient  son  mart, re  vers  l'an 
400  de  Jésus-Christ.  Ses  reliques ,  comme 
celles  desaint  Agoard,  sontgardées  dansucux 
châsses  précieuses,  placées  (ians  une  église 
qui  a  été  bâtie  sur  leur  tombeau.  11  est  ins- 
crit sous  la  date  du  2'(  juin  au  Martyrologe 
romain,  quoiqu'àCréteil  et  dans  tom  le  d;o- 
cè  e  de  Paris,  sa  l'ète  ne  soit  célébrée  que 
le  25. 

AGNAN  (saint),  martyr,  était  diacre  à  l'E- 
glise d'Antioche.  11  soutlrit  le  mai'tyre  avec 
saint  Démètre,  évèque  de  cette  ville,  saint 
Eustose  et  vingt  auties  saints  martyrs.  On 
ignore  l'époque.  L'Eglise  fait  leur  fè^e  le  10 
novembre. 

AGNÈS  (sainte),  vierge  et  martyre,  tomla 
victime  de  la  persécution  de  Dioclétien,  w 


ni 


AGiN 


AGN 


US 


l'ati  de  Jésus-Christ  304.  Elle  n'avait  alors 
(jue  douze  ou  treize  ans.  Native  de  Rome, 
elle  appartenait  à  une  famille  illustre  et  des 
plus  liaut  placées.  Ce  qui  le  prouve, c'est  cette 
circonstance  relatée  dans  ses  actes,  que  le 
fils  du  préfet  de  Rome  voulait  l'épouser.  Elle 
ne  voulut  jamais  y  consentir,  parce  qu'elle 
avait  voué  sa  virginité  au  Seigneur.  Ce  fut 
la  cause  de  son  martyre,  soitquecela  attirât 
sur  elle  l'attention,  soit  que  le  fils  du  préfet 
l'eût  dénoncée,  comme  cela  arrivait  souvent 
en  pareille  circonstance.  Elle  souffrit  coura- 
geusement les  chaînes  de  fer  dont  on  la 
chargea.  Elle  méprisa  également  et  les  cares- 
ses et  les  menaces  qu'on  lui  fit  pour  l'obliger 
de  renoncer  à  la  foi.  Elle  fit  voir  qu'elle  était 
prête  d'endurer  i)lulùt  toutes  sortes  de  sup- 
jtlices  et  le  feu  môme  dont  le  juge  la  mena- 
çait. On  la  traîna  par  force  aux  autels  des  dé- 
mons, mais  étendant  ses  mains  vers  Jésus- 
Christ,  elle  éleva  le  trophée  de  la  croix  parmi 
ces  brasiers  sacrilèges.  Alors  le  juge  croyant 
qu'elle  serait  plus  sensible  à  la  jierte  de  sa 
chasteté  qu'à  tous  les  supplices,  lui  dit  que 
si.  elle  n'adorait  Minerve  et  ne  lui  deman- 
dait pardon,  il  l'exposerait  à  l'impudicité  de 
la  jeunesse.  Mais  elle  ne  s'épouvanta  pas  de 
«■ette  menace  ,  mettant  toute  sa  confiance  en 
Jésus-Christ,  qui  était  le  protecteur  de  sa 
chasteté,  et  elle  ne  manqua  pas  d'éprouver 
.son  assistance.  Ses  actes  disent  qu'ayiin't  été 
exposée  toute  nue,  elle  fut  couverte  m ii-acu- 
leusement  de  ses  cheveux.  Damase  semble 
marquer  la  même  chose,  mais  Prudence  ni 
saint  Ambroise  n'en  disent  rien.  Tout  le 
monde,  dit  Prudence,  détournait  la  vue  du 
lieu  public  où  on  l'avait  exposée,  hormis  un 
jeune  homme  qui  la  regardait  d'une  manière 
moins  chaste.  Mais  un  éclat  de  feu  vint  com- 
me un  coup  de  foudre  frapper  les  yeux  de 
cet  impudent  et  le  renversa  par  terre  aveu- 
gle et  à  demi-mort.  Ses  compagnons  l'em- 
portèrent en  pleurant,  pendant  que  la  sainte 
chantait  des  hjmnesà  Jésus-Christ.  li  y  en 
a  qui  disent  qu'elle  pria  Dieu  pour  ce  mal- 
heureux et  lui  rendit  la  santé  avec  la  vue. 
Ainsi  elle  conserva  sa  chasteté  au  milieu  des 
plus  grands  dangers.  Ses  actes  n'oublient  pas 
cet  événement,  mais  le  racontent  d'une  ma- 
nière bien  différente. 

-\  cette  première  couronne  sainte  Agnès 
en  ajouta  bientôt  une  autre  ;  car  le  persécu- 
teur se  voyant  vaincu  la  condamna  h  la  mort. 
Elle  fut  ravie  de  joie  quand  elle  vil  l'exécu- 
teur. Elle  alla  au  lieu  de  l'exécution  avec 
plus  de  plaisir  et  d(!  promptitude  (pi'une  au- 
tre n'irait  au  lit  nuptial.  Elle  courut  à  la 
mort,  allant  non  à  la  mort,  mais  à  l'immor- 
talité. Ell(;  parut  seule  lesyeuxsecs  pendant 
que  tout  l(!  monde  la  pleurait.  I-Ille  dfuncura 
sans  craint(!,  fpioiqufî  r(;xécut(!ur  trc^nblàt  et 
pâlit  de  fray(;ur.  Elle  fil  sa  |)rièr(!  cl  baissa 
lecou,  tant  pour- adftrei' Jésus-Christ  (pie  pour 
recevoir  jtlus  aisément  uneplaie  si  favoiable, 
et  (;rilin  cllr;  s'envola  au  ciel  sans  ressentii- 
jiucune  douleiM' ,  rcivéculeui'  lui  ayant  Iran- 
ché  la  tête  (l'un  seul  coup. 

Son  martyre  arriv.i  \t',-2\  dejanvier,  comme 
on  peut  le  conjerturer  de  sa  fêle,  qui  se  fai- 


sait ce  jour-là  dès  le  iv  siècle,  selon  l'ancien 
calendrier  de  Bucherius.  Saint  Augustin 
témoigne  aussi  que  le  jour  de  son  martyre 
était  celui  delà  fête  de  saint  Fructueux,  qui 
a  soulfert  le  21  de  janvier,  selon  ses  actes. 
La  fête  de  sainte  Agnès  est  aussi  marquée 
ce  jour-là  dans  le  Calendrier  de  l'Eglise  d'A- 
frique, dansles  martyrologes  de  saint  Jérôme, 
dans  Bède  et  les  autres  postérieurs.  Elle  l'est 
encore  dans  le  Sacramentaire  de  saint  Gré- 
goire, dans  le  Calendrier  du  P.  Fronlo,  dans 
le  Missel  romain  de  Thomasius.  Elle  a  aussi 
son  olnce  propre  dans  le  Missel  des  Gaules, 
donné  par  le  même  auteur,  et  il  n'y  a  point 
d'Eglise  parmi  les  Latins  qui  n'en  i'asse  au- 
jourd'hui l'ofiice.  Il  semble  qu'on  en  ait  fait 
autrefois  quelque  mémoire  le  18  octobre , 
peut-être  i)our  la  dédicace  de  quelque  église 
de  son  nom.  Les  Grecs  en  font  aussi  le  21 
janvier,  et  encore  le  ik  du  même  mois  et  le 
5  juillet. 

AGNÈS  .(la  bienheureuse) ,  martyre  au  Ja- 
pon avec  Jeanne,  sa  belle-mère,  Madeleine, 
veuve  de  Minami,  et  Louis,  fils  adoptif  de 
cette  dernière  et  de  son  mari,  épouse  de  Ta- 
cuenda,  mourut  ])Our  Jésus-Christ  en  l'année 
1602.  On  peut  voir  aux  titres  de  Minami  et  de 
Tacuenda  comment  ces  saintes  femmes  les 
encouragèrent  au  martyre,  comment  la  mère 
et  l'épouse  de  Tacuenda  furent  les  courageux 
témoins  de  sa  mort.  L'arrêi,  qui  avait  j)ro- 
noncé  la  peine  capitale  contre  ces  deux  saints, 
(Condamnait  les  saintes  que  nous  venons  de 
nommer  à  être  crucifiées.  Après  la  mort  de 
Tacuenda,  Jeanne  et  Agnès  venaient  de  pas- 
ser dans  un  cabinet  atten  nt  à  la  chambre  où 
l'exécution  avait  eu  lieu.  Elles  avaient  avec 
elles  la  tête  du  saint  martyr,  elles  l'embras- 
saient et  la  conviaient  d  larnu^s.  Tout  à 
coup  un  bonheur  inattendu  leur  fut  donné. 
Madeleine,  femme  de  Minami,  entra  avec  le 
petit  Louis,  enfant  âgé  do  7  ou  8  ans,  qu'elle 
et  son  mari  avaient  adopté.  Elle  leur  dit 
qu'elle  venait  partager  avec  elles  le  bonheur 
de  mourir  pour  la  foi  et  leur  annonça  que  le 
lendemain  elles  allaienl  être  crucifiées.  On 
peut  voir  au  titre  Jeanne  ïo  détail  de  leur 
martyre.  Agnès  fut  martyrisée  la  dernière. 
Sajeunesse,  l'éclatante  beauté  qui  resplen- 
dissait en  elle,  son  extrême  douceur,  atten- 
drissaient tous  les  assistants.  Elle  demeurait 
agenouillée  au  j)ied  de  la  croix  qui  lui  était 
destinée.  Personne  n'osait  venir  l'y  attacher. 
Voyant  cela,  elle  s'y  plaça  elle-même  de  son 
mieux  et  pria  les  soldats  de  l'aider.  Mais  la 
modestie,  mais  la  grAce  (pi'elle  fit  voir  dms 
cette  circonstance,  achevèrent  de  lui  gagner 
tous  les  cœurs  :  les  soldats  refusèrent  de  la 
supplicier.  Ce  furent  ([uelquc^s  misérables  do 
la  lie  du  peuple ,  (pii,dans  l'esjjoir  du  gain, 
remplirent  cel  office.  Inhabiles  à  se  sei'vir 
de  la  lance,  ils  lui  en  portèrent  un  très-grand 
nombre  de  coups  avant  de  la  tuer. 

AGNÈS,  belfij-lilledu  prince  Jean,  troisième 
iWsdi)  Sounou,  ri'gulo  chinois,  sonlli'it  l"e\il 
poiu'  la  foi  en  1724-,  avec  toul(!sa  famille,  sous 
l'i  iiipereiu'  Y(,'ng- Tcliini^.  On  les  envoya 
à  Veou-Oué,  pelil(!  bouigach^  dtï  la  'l'arlarie, 
nu   del(i  de  la  grande  muraille,  à  plus  de  80 


113 


AGR 


AGR 


lli 


lieues  de  Pékin.  (Voir,  pour  tous  les  détails 
de  cet'exil,  les  articles  Sounou  et  Chine.) 

AGNÈS  (la  princesse),  belle-fille  du  prince 
François  Xavier,  tils  aîné  de  Sounou-Peylé 
(réyulo  de  3"  ordre  h  la  cour  de  Pékin),  [)ar- 
tagca  l'exil  auquel  l'empereur  Youg-Tching 
condamna  toute  sa  famille,  i)our  la  loi,  eu 
172i.  On  sait  (pie  toute  celte  famille  si  nom- 
breuse l'ut  exilée  à  Yeou-Oué,  i)0sle  mili- 
taire en  Tarlarie,  h  00  lieues  de  Pékin,  au 
delà  do  la  grande  muraille.  La  veille  du  dé- 
part ])Our  l'exil,  cette  princesse  communia 
avec  Xavier,  Thérèse,  sa  femme,  et  leur  se- 
cond lils  Pierre.  (Pour  les  détails,  voir  les 
ai'ticles  Sounou  et  Chine.) 

AGOAUD  (saint),  martyr,  était  originaire 
des  bords  du  Rhin.  Il  vint,  avec  saint  Agli- 
bert,  son  compatriote,  habiter  Créteil,  près 
Paris.  Les  prédications  de  saint  Altin  et  de 
saint  Coald  les  amenèrent  à  la  connaissance 
de  l'Evangile.  Ayant  un  jour,  dans  mî  excès 
de  zèle,  renversé  un  temple 'd'idoles,  ils  fu- 
rent tous  deux  tués  par  ordre  du  gouver- 
neur, qui  était  j)ajen,  avec  une  troupe  de 
chrétiens  qu'on  arrêta  avec  eux.  Quelques- 
uns  disent  que  ce  furent  les  Vandales  qui  les 
martyrisèrent.  On  s'accorde  généralement  à 
placer  leur  martyre  vers  l'an  iOO  de  Jésus- 
Christ.  Une  église  a  été  bûtie  sur  leur  tom- 
beau. On  y  garde  encore  leurs  reliques  dans 
deux  châsses  précieuses.  Tous  deux  sont  ins- 
crits au  Martyrologe  romain  ,  sous  la  date 
du  24  juni ,  mais  leur  fèto  n'est  célébrée  que 
le  25  à  Paris,  dans  tout  le  diocèse  et  à  Cré- 
teil. {Voj/.  le  nouveau  bréviaire  de  Paris.) 

AGRICOLAN  (Aurîîle),  était  lieutenant  du 
préfet  du  prétoire  ,  dans  la  Mauritanie  Tin- 
gitane,  en  298,  sous  le  règae  de  Dioclétien. 
Ce  fut  lui  qui,  dans  la  ville  de  Tanger,  où  il 
faisait  sa  résidence,  condamna  à  mort  le 
centurion  Mjrcel ,  que  Fortunat,  son  com- 
mandant, avait  envoyé  devant  son  tribunal, 
parce  qu'il  avait  refusé  de  servir  davantage 
l'empereur,  auquel  on  voulait  le  forcer  d'of- 
frir des  sacrifices.  Agricolan  condamna  aussi 
à  mort  Cassien,  secrétaire,  qui  tenait  la 
plume  lors  du  jugement  de  Marcel,  et  qui, 
dans  l'indignation  qu'il  éprouvait  du  lan- 
gage d'Agricolan  et  de  la  condamnation  qu'il 
prononçait  ,  malgré  les  réponses  victorieu- 
ses de  Marcel,  jeta  à  la  face  des  juges  son 
encrier,  sa  plume  et  son  papier. 

AGRICOLAUS,  qualifié  président  dans  les 
actes  de  saint  Biaise  de  Sébaste,  fit,  en  316, 
sous  Licinius,  martyriser  le  saint  évêque 
que  nous  verrons  de  nonmier,  avec  deux  en- 
lants  et  sept  femmes,  qui  avaient  recueilli  du 
sang  qui  couhiit  de  ses  plaies.  [Voy.  saint 
Blaise.)  Ce  fut  lui  qui  fit  mouiir  à  Sébaste 
les  quarante  martyrs,  connus  sous  le  nom 
des  quarante  martyrs  de  Sébaste.  (Foy.  Mar- 
tyrs de  Sébaste.) 

AGRICOLE  (saint),  eut  le  bonheur  de 
mourir  pour  la  défense  du  christianisme,  sous 
le  règne  de  Maximien.  Il  eut  pour  compa- 
gnons de  son  triomphe  saint  Naval  et  saint 
Concorde,  avec  saint  Valentin,  père  de  ce 
dernier.  Saint  Valentin  était  maître  de  la  mi- 
lice à  Ravenne.  Ce  fut  dans  cette  ville  que  tous 


ces  saints   accomplirent  leur  martyre.  L'K- 
glise  honore  leur  mémoire  le  16  décembre. 

AGRICOLE  (saint), martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi  chrétienne,  en  Pannonie.  On  ne 
sait  pas  la  date  de  son  martyre.  L'Eglise  cé- 
lèbre saleté  le  3  décembre. 

AGRICOLE  (saint),  martyr,  iiabitait  Bolo- 
gne. Il  y  soutfrit  le  martyre  avec  Vital,  son 
domestique,  qui  devint  ainsi  son  collègue 
dans  la  soutfranre.  Agricole  mourut  sur  une 
croix,  ok  on  l'avait  attaché  avec  des  clous, 
tandis  quu  le  corps  de  Vital  ne  formait  plus 
qu'une  plai«.  Saint  Ambroise  dil  qu'étant 
présent  à  la  translation  de  leurs  corps,  il 
mit  sous  l'autel  les  clous  et  le  bois  de  la 
croix,  avec  le  sang  du  saint  martyr.  On 
ignore  l'époque  oii  ils  souffrirent  pour  la  re- 
ligion. L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  4 
novembre. 

AGRIPPA  I"  (Hérode),  filsd'Aristobule  et 
petit-fils  d'Hérode  le  Grand,  passa  une  par- 
tie de  sa  jeunesse  à  Rome,  oii  Tibère  le  re- 
çut d'abord  très-bien  ,  le  nomma  gouver- 
neur de  Caligula,  son  petit-fils  ;  mais  en- 
suite le  fit  mettre  en  prison,  le  soupçonnant 
d'avoir  souhaité  sa  mort.  Il  y  resta  six  mois, 
Caligula,  à  son  avènement,  l'en  fit  sortir  et 
le  nomma  tétrarque  ou  roi  de  Judée.  Ce  fui 
pour  plaire  aux  Juifs  que  ce  prince  persé- 
cuta les  chrétiens.  Il  fit  trancher  la  tête  h. 
saint  Jacques  le  Majeur  ;  il  fit  mettre  en  pri- 
son saint  Pierre,  à  qui  il  réservait  le  môme 
traitement.  Dieu  délivra  miraculeusement  le 
chef  de  son  Eglise. 

.  «  Agrippa  fut,  ainsi  que  nous  l'avons  vu, 
le  premier  souverain  qui  ait  persécuté  l'E- 
glise. Ce  fut  lui  qui  fit  mourir  saint  Jacques 
le  Majeur  avec  plusieurs  autres  chrétiens,  et 
qui  fit  jeter  saint  Pierre  en  prison.  Quand 
Dieu  eut  tiré  miraculeusement  son  apôtre 
de  la  prison  où.  il  était  renfermé.  Agrippa, 
furieux,  fit  donner  la  question  à  ceux  qui  le 
gardaient,  et  les  fit  ensuite  étrangler.  Ce  fut 
immédiatement  après  qu'il  se  rendit  à  Césa- 
rée,  où  il  donnait  des  jeux  magnifiques  pour 
la  santé  de  l'empereur.  Une  ailluence  con- 
sidérable de  peuple  s'y  était  rendue  ;  tous 
les  grands  du  pays  y  assistaient.  Au  matin 
du  second  jour.  Agrippa  entra  au  théâtre 
avec  des  habits  royaux  tout  brodés  d'argent 
et  d'une  magnificence  inouïe.  Les  rayons  du 
soleil  qui  se  levait  alors  les  faisaient  briller 
d'une  lumière  si  éclatante,  que  les  assis- 
tants regardaient  le  roi  avec  une  admiration 
mêlée  de  crainte  et  de  respect.  Il  prononça 
un  discours,  et  les  courtisans  qui  l'envi- 
ronnaient s'écrièrent  que  ces  accents  étaient 
ceux  d'un  dieu,  et  non  pas  ceux  d'un  simple 
mortel.  '<  Jusqu'à  présent,  disaient-ils,  nous 
vous  avons  vénéré  comme  un  homme,  désor- 
mais nous  vous  adorons  comme  un  dieu.  » 
En  effet,  ils  se  mirent  à  l'invoquer,  le  priant 
de  leur  être  propice.  Gonflé  d'orgueil  et  de 
vanité,  le  roi  ne  repoussa  point  ces  hom- 
mages sacrilèges.  Si  nous  en  croyons  Jo- 
sèphe,  un  hibou  vint  se  placer  au-dessus 
de  la  tête  d'Agrippa,  sur  une  corde  qui  tra- 
versait le  théâtre.  Alors  il  se  souvint  de  ce 
qui  lui  avait  été  prédit  autref.>is,  quand  il 


IIS 


ÀiQR 


était  prisonnier  à  Romu.  Cet  oiseau  lui  était 
apparu,  lui  présageant  alors  sa  liberté  pro- 
cnaine;  mais  il  lui  avait  été  révélé  que, 
quand  il  le  verrait  pour  la  seconde  fois  ,  il 
n'aurait  [)lus  que   cinq  jours  à  vivre.  Quoi 

3uil  en  soit  de  ce  fait,  dont  nous  ne  vou- 
rions  en  aucune  manière  garantir  rautlien- 
ticité,  la  main  de  Dieu  atteignit  soudaine- 
ment le  roi  persécuieur  au  milieu  des  eni- 
vrements de  son  orgueil.  Il  sentit  tout  j\ 
couj)  de  viole-ites  douleurs  d'entrailles,  et 
comprit  qu'il  était  frappé  de  mort.  Se  tour- 
nant vers  ses  couitism^  :  «  Regardez  votre 
dieu,  dit-il ,  CHr  vous  m"a;)pelliez  .'linsi  tout 
à  riieure  :  commandeme'U  lui  est  fait  de 
laisser  cette  vie,  et  la  destinée  fa'ale  vient 
lui  prouver  la  fausseté  de  vos  paroles.  Je 
me  soumets  à  la  volonté  de  Dieu  ;  j';ù  con- 
fia.nce,  car  ma  vie  a  été  si  sainte  cl  si  bonne, 
que  tous  me  disent  bienheureux.  »  (  Josè- 
phe,  chap.  19,  Ant.  jud.j 

«  C'est  ainsi  (jue  Dieu  frappait  d'aveugle- 
ment ce  prince  persécuteuc,  au  i)oint  de 
faire  qu'il  n'eAt  aucun  remords  des  crimes 
qu'il  avait  commis.  Aux  yeux  de  la  foi,  c'est 
là  le  plus  te  rible  de  tous  h'S  châtiments. Oa 
transporta  le  roi  dans  son  polais,  et  bientôt 
la  noiivelle  de  sa  mort  prochaine  se  répan- 
dit parmi  le  peuple.  Suivait  la  coutume  des 
Juifs,  les  habitants,  hommes,  femmes  et  en- 
fants, se  couvrirent  de  sacs  et  se  prosternè- 
rent, [)riant  avec  larmes  et  gémissements  , 
pour  la  santé  d'Agrippa.  11  les  voyait  de  ses 
fenêtres,  et  ce  spectacle  douloureux,  lui  rap- 
pelait incessamment  le  sort  qui  l'attendait. 
—  L'arrêt  de  Dieu  était  prononcé.  Après  ces 
cinq  jours  d'atroces  souUVances,  Agrip[)a 
rendit  l'àme  dans  la  cinquante-quatrième  an- 
née de  son  âge  et  la  se[)tième  de  son  règne. 
Quand  il  mourut,  on  lui  voyait  les  entniilles 
qui  pulliilaient  de  vers.  Dès  qu'il  fut  mort, 
sa  mémoire,  qu'il  pensait  devoir  être  véné- 
rée,  fut  outragée  de  la  manière  la  plus 
cruelle  par  le  |)eu|)le  :  les  soldats  enlevèrent 
du  pa'ais  les  statiies  de  ses  tilles,  et  les  trai- 
tèrent de  la  façon  la  plus  ignonnnieuse.  Il  y 
en  a. ail  trois  :  Héréiu(;e,  ûgée  de  seize  ans  ; 
Mariamne,  de  dix  ;  Druzill.',  de  sept.  Dans 
les  rues  et  sur  les  j)laces  |)ubli()ues,  on  se 
livrait  il  des  réjouissances;  dos  hommes 
couronnés  d(î  Heurs  oïlVaient  des  saciilices  à 
Charon,  et  faisaient  des  hbalions  en  action 
de  grâces  de  la  mort  du  roi.  C'est  aijisi 
(lu'après  avoii'  frai)pé  ce  prince  persécuteur 
(l'une  ma'iière  si  terrible,  Dieu  rendait  son 
nom  un  objet  d'exécration  pour  ses  piopres 
sujets.  Agrippa  avait  cependant  de  boimes 
qualités  :  il  était  géuéicnx  jus  ju'a  la  |)rodi- 

§  alité.  11  avait  gouv(.-iiié  les  Juifs  avecas^ez 
('  gloire  et  tJe  bonheur,  durant  «les  temps 
didiciies  ;  mais  il  avait  per.sécuté  les  sai-its, 
re.)ou."'Sé  la  vérité,  i.es  plus  biillaiiles  (juali- 
tt'S  ne  servent  ■■  r  e"i  aux  pi  iuces  qui  veuleil 
lutter  contre  Dieu  et  conire  s  n  liglise- 
{IJist.  de»  ijcrséc,  l"  vol.,  p.  80. j 

ACKII'I'A  11,  (ils  du  pr  céd(!i;t,  et  dernier 
roi  de.s  Juiis.  (it;  lut  drva;;l  lui  el  sa  .sieur 
héif-nice  (pje  .saint  l'.iul  comparut  ,  piésc;  :té 
par  i'e&lus,  et  plaida  sa  cause  àCesarée  avant 


de  se  rendre  à  Rome.  On  croit  que  le  frère 
et  la  sœur  entretenaient  un  commerce  in- 
cestueux. Agrippa,  ()rivé  de  son  royaume 
par  Claude,  reçut  en  échange  d'autres  pro- 
vinces. Il  se  joignit  aux  Romains  pour  châ- 
tier les  Hébreux.  Il  mourut  sous  Domitien, 
vers  l'an  \)ï  de  Jésus-Christ. 

ACiRIPPA,  jug(!  qui,  sous  le  règne  de 
Maximii.'ii,  lit  martyriser  cruellement  dans 
le  Pont  saint  Basilisque.  Il  lui  fit  mettre  des 
chaussures  gandins  lie  pointes  embiasées,  et 
ensuite,  l'ayant  fait  tourmenter  de  \  lusieurs 
autres  maiiières  et  fort  cruellement,  il  le 
condamna  h  être  décapité.  La  sentence  fut 
exéi  utée,  et  les  restes  du  saint  furent  jetés 
dans  la  rivière. 

AGRIPPA,  (jualifié  préfet  dans  les  actes  de 
sainte  Théo  'Ole  de  Ph  lip'  es,  fit  martyriser 
cette  sainle  avec  la  dei-nière  cruauté,  stms 
le  rogne  de  Licinius,  eu  l'an  318  de  Jésus- 
Christ.  Il  la  fit  metire  en  prison,  où  elle 
resta  vingt  jours.  En  so  tant  de  là,  elle  fut 
fouettée  cruellement,  étendue  sur  le  cheva- 
let, où  on  lui  déc'iira  les  côtés  avec  les  pei- 
gnes de  fer.  Voyant  que  la  (ons;ance  delà 
sainte  ne  cédait  à  aucun  des  su|»plices  qu'il 
eiij|)loyait  conire  elle,  Agri|>pa  lui  fit  arra- 
clier  toutes  les  dents,  et  ensuite  l'envoya 
hors  de  la  ville  pour  y  èire  lapidée.  Cette 
sentence  fut  exécutée,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut,  l'an  318  de  l'ère  chrétienne. 

AGKIPPIN,  était  lieutenant  à  Ancyre,  en 
Galat.e.  Il  fit  souffrir  le  martyre  à  saint  Pla- 
toj  ;  ce  saiiit  fut  rudement  fouetté,  déchiré 
avec  des  ongles  de  fer,  et  souffrit  plusieurs 
autres  tourments  encore  plus  cruels.  Agrip- 
pin  leur  fit  enfin  trancher  la  tète.  Les  mira- 
cles de  Platon  en  fîiveur  des  captifs  sont 
attestés  par  les  actes  du  second  concile  de 
Nicée. 

AGRIPPINE  (sainte)  et  vierge,  fut  marty- 
risée sous  l'empereur  Valérien,  à  Rome.  Son 
corps,  porté  en  Sic  le,  y  opéra  une  grande 
quantité  de  miracles.  L'Eglise  ftiit  la  iète  de 
cette  sainte  le  23  juin. 

AIGUILLON  (stimulus)  ,  instrument  em- 
ployé ])ai'  les  persécuteurs  contre  les  chré- 
tiens des  jiremiers  siècles  de  l'Eglise  pour 
les  martyriser.  Tout  le  monde  sait  ce  que 
c'est  qu'un  aiguillon  ,  insirument  dont  se 
servent  les  conducteurs  de  bieufs  attelés  [lour 
les  faire  marcher  et  les  exciter  au  travail.  La 
seule  différence  consistait  en  ce  que  la  pointe 
de  celui  (ju'on  emjiloyail  j)Our  les  martyrs 
était  i)lus  longue  que  celle  des  paysans  pour 
leurs  b>eufs. 

AîGlJLPflE  (saint) ,  martyr,  était  abbé  du 
monastère  de  Lérins  ,  fondé  par  saint  Ho- 
norai ,  dans  l'ile  qui  porlt;  maintenant  soi) 
nom,  située  sur  les  côles  du  déj)arlement  du 
Var.  Il  soullVit  de  grands  lonrmenis  avec 
plusiouis  moines,  ses  (O.npag'ions.  On  leur 
coupa  la  langue,  on  leur  arracha  les  yeux,  et 
ils  furent  eiisnile  décapités.  L'Iiglise  honoi'O 
leui'  im'iiioirc!  li'  3  septembre. 

AITIIILULVS  (sainlj,  diacre  et  martyr,  fut 
mis  ;i  iiioii  pour  la  foi,  en  Perse,  sous  le  rè- 
;.:,iie  de  Sapor,  en  l'an  .'180.  il  eut  pour  com- 
pagnons do  son  tjloi'ieux  luarlyre,  saint  Jo- 


117  ALC 

seph  ,  prêtre  ,  et  saint  Acepsimas,  évoque. 
(Voij.  1  article  de  ce  dernier»)  L'Eglise  fuit 
leur  fùte  le  IV  mars. 

AI\  {Aqaœ  Sextiœ) ,  ville  anciennement 
fort  importante  du  temps  dos  Rom-iins  ,  est 
située  en  Provence  ,  t^  30  i.il.  dt;  Marseille. 
Aujourd'hui  cette  ville  ,  bien  déc'uK!  de  sa 
grandeur,  n'est  plus  qu'un  cliel-lieu  d'arron- 
dissement du  depai'tement  drs  lîouches-du- 
R!)i)ne.  Les  ruines  de  sa  splendeui-  antique 
s'y  rencontrent  h  cliacpie  pas.  Rtune  déchue, 
elle  montre  avec  orgueil  aux  visiteurs  les 
restes  de  ses  palais  et  de  ses  teuqjles  ;  ses 
mo  unnents,  ébréchés  par  Iv.  feni|)s,  ce  so  it 
les  joyaux  de  sa  couronne.  Petit  à  petit,  les 
'  siècles,  en  passant  ,  les  longent  et  (iniroit 
'  par  les  f:iire  disparaître.  Ainsi  vont  les  cho- 
ses d'ici-bns.  Ma  s  il  est  des  gloires  (pie  les 
années  n'elfacent  pas;  bitm  au  contraire,  le 
respect  des  ;1ges  y  met  sa  is  cesse  un  nou- 
veau lustre  et  agrandit  leur  auréole.  Que 
Dieu  |)ei'mettc  qu'un  de  ses  plus  Immbles 
serviteurs  [oudje  (jueUiue  part  sous  la  main 
des  persécuteurs  et  meure  pour  sa  gloire,  ce 
souvenir  se  {perpétuera  d';1ge  en<lge.  Le  lieu 
béni  où  le  ciel  a  remporté  cette  victoire  si'.r 
l'enfer,  dans  la  personne  d  un  dj  ses  élus, 
devient  un  lieu  consacré.  La  foi  y  élève  un 
temple  qui  prend  le  nom  du  liéi  os  martyr, 
et,  pendant  la  durée  des  siècles  ,  les  généra- 
tions viennent  pieusement  s'agenouiller  de- 
vant l'autel  placé  sous  l'invocation  du  saint. 
Ainsi  la  ville  d'Aix  vit  dans  ses  murs  le  mar- 
tyre de  saint  Mitre  ou  Morre,  et,  deiniis  l'é- 
poque de  la  persécution  de  Diocléticn,  à  la- 
quelle cet  événement  eut  lieu,  elle  est  placée 
sous  son  patronage. 

AJECT  (saint),  martyr,  était  religieux  dans 
l'ordre  de  Saint-François.  11  cueillit  la  palme 
du  martyre  à  Maroc  ',  en  Afrique  ,  avec  les 
saints  Accurse,  Pierre,  Othon  et  Bérard.  On 
ignore  la  date  de  leur  martyre.  L'Eglise  ho- 
nore leur  mémoire  le  16  janvier. 

ALABÈS  (Louis  de) ,  de  la  compagnie  de 
Jésus  ,  naquit  à  Guaxaca  ,  dans  la  Nouvelle- 
Espagne,  et  entra  au  noviciat  des  Jésuites  de 
Mexico  vers  l'an  1607.  On  l'envoya  prêcher 
les  Tépéguans  avec  le  P.  Jean  de  Valle.  Ils 
tirent  une  grande  moisson  chez  ces  peuples, 
dont  ils  étaient  les  domestiques  autant  que 
les  |)ères.  Les  deux  compagnons  reçurent  la 
révélation  de  leur  martyre.  Nous  verrons 
aux  articles  Didace  de  Ôrosco,  Bernard  de 
Cisneros  ,  Ferdinand  de  Culiacan,  etc.,  que 
les  Tépéguans  avaient  résolu  le  massacre  de 
leurs  missionnaires.  Le  18  novembre  1016, 
ils  se  portèrent  sur  le  bourg  de  Saint-Ignace, 
que  dirigeaient  Louis  de  Alabès  et  Jean  de 
Valle.  Nos  deux  bienheureux  furent  massa- 
crés au  moment  ou  ils  se  disposaient  à  cé- 
lébrer les  divins  mystères.  Un  jeune  enfant 
et  un  dominicain,  nommé  Sébastien  du  Mont, 
«à  qui  Louis  de  Alabès  avait  annoncé  leur 
martyre,  subirent  le  même  sort. 

ALBAN  (saint),  l'un  des  compagnons  du 
saint  martyr  Cyriaque  ,  diacre  de  l'Eglise  ro- 
maine, mourut  en  303,  à  Rome,  sur  la  voie 
Salaria,  oiî  il  fut  enterré.  Ils  furent  vi  îgt-six, 
dans  le  môme  jour,  mis  à  mort  au  même  en- 


ALB 


11g 


droit.  L'Eglise  célèbre  leur  fôte  collective  le 
jour  de  leur  translation,  qui  eut  lieu  le  8 
aoiU.  {Voy.  Cyhiaole,  dans  ce  Dictionnaire, 
et  l'abbé  (irandidier,  His' -ire  de  rEylise  de 
Strasbourq.) 

ALHAN  (saint),  martyr,  habitait  Mayence, 
où  il  accomplit  beaucoup  et  de  longs  travaux 
[)our  la  foi  chrétienne.  Il  mérita  de  recevoir 
la  couronne  immortelle  que  les  [)ersé(niteurs 
décernaient  à  ceux  qu'ils  choisissaient  pour 
victimes.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  21  juin. 

ALiiAN  (saint),  martyr,  est  considéré 
comme  le  jjrenner  qui  ,  dans  la  (Irande-Bi  e- 
tagiie,  ait  versé  son  sang  [)Our  Jésu>-Chrisl 
Cette  île  avait  reçu  la  lumière  évangéliquo 
du  tem{)s  du  pa[)e  Éleulhère  ,  quand  le  roi 
Lucius  se  convertit.  Jusqu'à  ré()oque  de 
Bioclélien  ,  elle  fut  à  l'ahi'i  de  la  rage  des 
])eisécutions.  Celles  des  Dèce,  des  Sévèi-e,  des 
Valérien  ,  avaient  passé  sans  qu'elle  en  fût 
atteinte.  La  (irande-Bi'ctagne  était  couime  le 
nouveau  monde  de  ce  temps-là.  Aussi  de- 
venait-(;lle  le  lieu  de  refuge  de  beaucoup 
do  ceux  qui  craignaient  d'être  atteints  par 
les  persécuteurs.  Dieu,  dit  saint  Gildas,  vou- 
lut enfin  étendre  aussi  le  bras  de  sa  miséri- 
corde sur  ce  pays;  il  lui  donna  des  martyrs. 
Plusieurs  hommes  et  femmes  soutinrent 
pour  la  foi.  Saint  Alban  est  généralement 
mis  à  leur  tête,  comme  le  plus  célèbre  do 
tous.  Nous  ne  savons  pas  l'époque  exacte  de 
la  mort  de  saint  A.lban,  seulement  on  sait 
qu'il  souffrit  dans  les  commencements  de 
Dioclétien,  c'est-à-dire  de  sa  persécution. 
Alban  Butler  dit  que  ce  fut  environ  l'an  303. 
Quelques  modernes  font  naître  notre  saint 
d'une  famille  noble  et  distinguée  sous  le  rap- 
port de  la  fortune.  Cette  affirmation  serait 
peu  fondée  ,  s'il  faut  en  croire  Bède ,  qui 
nomme  une  cabane  la  maison  qu'il  habitait. 
Ce  fut  dans  cette  modeste  demeure  qu'il  re- 
çut et  cacha  un  ecclésiastique  que  poursui- 
vaient les  persécuteurs.  Cet  homme  de  Dieu 
se  nommait  Amphibole.  A  cette  époque,  Al- 
ban était  encore  païen.  L'action  charilalde 
qu'il  fit  en  cachant  ce  prêtre  fui  la  cause  de 
son  salut.  11  fut  extrêmement  touché  de  la 
piété,  de  la  résignation  de  son  hôte,  qui  pas- 
sait toutes  les  journées  et  une  partie  des 
nuits  en  prières.  11  voulut  s'iiistruire  d'une 
religion  qui  produisait  une  perfection  si 
grande  ,  et  bientôt  il  fut  tellement  illuminé 
par  la  grâce,  que  sa  ferveur  et  sa  piété  furent 
sans  bornes.  Au  bout  de  quelque  temps,  le 
gouverneur  ayant  appris  qu'Alban  donnait 
l'hospitalité  à  cet  ecclésiastique,  envoya  des 
soldats  pour  se  saisir  de  ce  dernier.  Alban 
avait  pourvu  à  sauver  son  hôte ,  en  chan- 
geant d'habit  avec  lui.  Il  se  présenta  à  sa 
place  aux  soldats  ,  qui  l'emmenèrent  :  l'ec- 
clésiastique avait  pris  la  fuite.  L'habit  que 
portait  cet  ecclésiastique,  et  que  prit  saint 
Alban,  était  une  caracalle,  vêtement  qui  des 
cendait  jusqu'aux  talons.  On  prétend  que 
cette  cararalle  de  saint  Alban  était  autrefois 
gardée  à  Eli ,  ville  épiscopale  du  comté  de 
Cambridge,  au  royaume  d'East-Angles  ,  sur 
la  rivière  d'Ouso.  Edouai'd  II  ayant  fait  ou- 
vrir, en  1314,  le  cotire  oui  la  contenait,  on  la 


119 


ALB 


ALB 


120 


trouva,  dit-on,  tachée  de  caillots  de  sang  qui 
paraissait  tout  frais. 

Quand  on  amena  Alban  devant  lui,  le  gou- 
verneur était  à  l'autel,  oifrant  un  sacrifice.  11 
entra  dans  une  grande  colère  en  voyant  la 
supercherie  dont  avait  usé  Alban  pour  sau- 
ver l'ecclésiastique.  «  Eh  bien  !  lui  dit-il , 
puisque  vous  l'avez  fait  évader  en  changeant 
avec  lui  de  vêtement,  vous  irez  au  supplice 
à  sa  place,  si  mieux  n'aimez  sacrifier  sur-le- 
champ  à  nos  dieux.  »  Alban  avait  déjà  déclaré 
auxsoldats  qu'il  était  chrétien.  Alban  protesia 
ouvertement  de  son  attachement  à  la  foi,  et 
déclara  qu'il  n'obéirait  pas  aux  ordres  du 
gouverneur.  Ce  dernier,  l'intei-rogeant ,  lui 
demanda  de  quelle  fanulle  il  élait.  Alban.  Que 
vous  importe  ma  famille  ?  Désirez-vous  con- 
naître ma  religion  ?  je  suis  chrétien.  Legoxi- 
rerneur.  Votre  nom.  Alban.  Je  me  nomme 
Alban  et  j'adore  le  seul  vrai  Dieu,  le  Dieu 
vivant,  le  souverain  créateur  de  toutes  cho- 
ses. Le  gouverneur.  Sacrifiez  aux  dieux  im- 
mortels ,  ou  bien  je  vous  ferai  mourir.  Al- 
ban. Vous  sacrifiez  aux  démons  qui  ne  i)eu- 
vent  secourir  leurs  adorateurs  ni  leur  ac- 
corder l'etfet  de  leurs  prières.  L'enfer  et  ses 
supplices  seront  le  partage  de  cjuiconque  les 
adorera  et  leur  offrira  des  sacrifices.  »  Le 
gouverneur  ,  exaspéré  ,  fit  fouetter  cruelle- 
ment le  serviteur  de  Jésus-Christ ,  qui  sup- 
porta patiemment  ce  supplice  et  qui  demeura 
inébranlable.  Le  gouverneur  ,  voyant  qu'il 
ne  pouvait  rien  obtenir,  le  condamna  à  être 
décapité. 

Pour  aller  au  lieu  de  l'exécution,  il  fallait 
traverser  la  rivière  de  Cole  ,  car  c'était  près 
de  la  ville  de  Verulam  ,  autrefois  grande  et 
belle  ,  aujourd'hui  ruinée.  Une  grande  mul- 
titude de  p(,'uple  était  sortie  de  la  ville  pour 
assister  au  su[»plice.  Elle  encombrait  telle- 
ment le  pont  qu'il  était  impossible  d'y  pas- 
ser. Le  saint,  qui  désirait  ardemment  cueillir 
la  palme  du  nuirtyre ,  s'a|)i)rocha  d'abord  de 
Peau  et  lit  sa  prière.  Immédiatement  le  lit  de 
la  rivière  se   trouva  sec,  et  il  y  passa  avec 
})lus  (le  mille  pei'sonncs.  Les  eaux  du  fleuve, 
dit  saint  (iddas  ,   s'élevaient  de  chaque  côté 
comme  deux  hautes  montagnes.  Quand  tout 
le  monde  fut  passé,  elles  reprirent  leur  cours. 
Témoin  de  ce  mii-acle  ,  le  soldat  qui  devait 
exécuter  le  saint  se  convertit.  Il  vint  se  jeter 
h  ses  pieds ,  et  dit  qu'il  ne  désirait  ([u'une 
chose,  mourir  à  sa  place; ,  ou  du  moins  avec 
lui.  Ce  désir  du  soldat  fut  exaucé.  Pendant 
(jue  les  ministres  de  la  persécution  délibé- 
raient   sur   cet  incid(înt ,  Alban  ,    avec    une 
grande  inultitu  le  de  peuple,  monta  sur'  une 
colline  ,  éloignée  d'environ  cimi  cents  i)as 
de  la  rivière.  Par  ses  prières  ,  il   obtint  (pie 
Dieu  y  fit  jaillir  une  source.  Il  fut  décaj)ité 
(ni  ce  lieu  iiu^me.  Le  soldat  (jui  s'était  con- 
v(;rti ,  et  qui  refusa  d'exécuter  h;  saint ,  fut 
décapité  avec  lui.  liaptisé  dans  son  propre 
.sang,  il  monta  au  ciel  avec  la  palme  du  mar- 
tyre. 

Saint  Alban  souffrit  le  '22  juin,  jour  au(piel 
tous  les  martyrologeiS  marepient  sa  fêle  :  l'K- 
glise  la  célèbi-e  ce  join-la.  J{(.'aucoup  d'au- 
teurs,   et  entre  autres  FJoius  ,  lui  donnent 


pour  compagnons  huit  ou  neuf  cents  mar- 
tyrs. Bède  et  Usuard  ne  parlent  que  du  sol- 
dat qui  se  convertit  et  qui  fut  décapité  avec 
lui.  Ainsi  cfue  nous  l'avons  dit  plus  haut,  il 
versa  son  sang  pour  la  foi  près  de  la  ville  de 
Verulam ,  autrefois  l'une  des  plus  im- 
portantes de  l'Angleterre  ,  tant  par  son  éten- 
due que  par  ses  richesses.  Cette  ville  est 
complètement  ruinée.  Quelques  fondements 
de  murailles ,  des  chai)iteaux  et  des  marbres 
épars  sont  tout  ce  qui  reste  d'elle.  Saint- 
Alban  ,  que  Bède  dit  être  la  même  ,  est  une 
ville  neuve,  complètement  difl'érente  de  l'an- 
cienne. Le  corps  du  saint  fut  trouvé  sous  ie 
roi  OfTa  ,  en  793  ,  et  transporté  dans  une 
église,  oii  ce  roi  fonda  une  abbaye  de  Béné- 
dictins. (Voy.  Bède,  Ussérius.) 

ALBANE  ou  ALBANIE,  aujourd'hui  Holna, 
sur  les  limites  de  l'Assyrie  et  de  la  Médie. 
C'est  dans  cette  ville  qu'on  prétend  que  l'a- 
pôtre saint  Barthélémy  fut  écorché  vif. 

ALBE-ROYALE,  dite  aussi  Stuhlweissem- 
bourg ,  ville  de  Hongrie  ,  célèbre  par  les 
souffrances  que  saint  Emeri ,  fils  de  saint 
Etienne,  roi  de  Hongrie,  y  endura  en  l'hon- 
neur de  la  foi  chrétienne. 

ALBENGA  {Albingaunum) ,  actuellement 
dans  les  Etats  sardes,  sur  les  côtes  de  Gênes; 
c'est  dans  cette  ville  que  fut  martyrisé  saint 
Calocère.  Les  habitants  d'Albenga  préten- 
dent avoir  son  corps  dans  l'église  des  reli- 
gieuses de  Sainte-Claire.  Les  habitants  de 
Bresse  soutiennent  qu'ils  l'ont  dans  leur 
église  de  Sainte-Afre. 

ALBIillT  (saint),  évoque  de  Liège  et  mar- 
tyr, naquit ,  en  1159  ,  à  Louvain  ,  du  comte 
Go(iefroi  III  et  de  Marguerite  de  Limbourg. 
De  bonne  heure  le  jeune  Albert  se  consacra 
à  Dieu  dans  le  clergé  de  la  cathédrale  de 
Liège  ,  et  son  mérite  le  fit  élever  jusqu'au 
rang  d'archidiacre  de  laCampine.  Raoul,  évê- 
que  de  Liège,  revenant  de  la  croisade,  mou- 
rut de  poison  le  5  août  1191  ,  comme  il  était 
près  de  rentrer  chez  lui.  Il  y  eut  partage  pour 
l'élection  du  successeur;  la  plupart  élurent 
notre  saint,  frère  de  Henri,  duc  de  Lorraine 
et  de  Louvain;  quelques-uns,  par  la  faction 
de  Baudouin  ,  comte  de  Namur  ,  élurent  un 
autre   Albert ,  frère  du  comte  Rétiiel,  aussi 
archidiacre  de  Liège ,  homme  sans  lettres  et 
sans  esprit,  qui  n'avait  (i'autr(^  mériti;  que  sa 
naissance.  Ils  s'adressèrent  l'un  et  l'autre  îi 
l'empereur  Henri  pour  recevoir  l'investiture; 
mais  ce  prince,  (pii  avait  choisi  un  autre  su- 
jet ,   et  haïssait  depuis  longtemps  le  duc  de 
Lorraine  ,  soutint  (pie  ,  quand  il  v  avait  par- 
tage, l'élection  était  caduque  et  lui  apparte- 
nait à  lui  seul;  ainsi  il  donna  l'investiture  à 
Lothaire  ,  prévôt  de  Bone  ,  homme  riche  et 
d(''jà  pouivu  de  plusieurs  dignités  ecclésias- 
li<iues,  frère  du  comie  d'Hoi-slade,  cpii  avait 
r(îii(lu  d(>  glands  servi(;es  à  l'eiupereur.  Les 
chanoines  ap|)elèrent  au  pape,  soutenant  (juo 
l'élection   d'Albert  de   Louvain  était  canoni- 
(pie;  mais  Lothaire  vint  à  Liège  et  se    mit 
eu  possession  (h;  l'évêcké  et  des  forteresses 
(pii  en  dépeiidaictiit. 

Albert    fit    le    voyage   de   Rome  avec  do 
grandes  difficultés,  ])arce  que  l'empereur  lui 


121 


ALB 


ALC 


122 


avait  t'ernu^  tous  les  passages.  Il  fut  obligé 
de  prendre  des  chemins  détournés  et  de  se 
(lé;^uisor  en  valet ,  et  on  le  présenta  en  cet 
é([uipaiio  au  |)ape  Célestin ,  ([ul  en  fut  tou- 
ché jusqu'aux  laruu^s.  Il  Fenibrassa  et  le 
consola,  le  connaissant  déjà  de  réputation. 
Albert  arriva  à  Home  aux  fcMes  de  I'/kjucs, 
qui,  celte  année  119-2,  fut  le  5  avril,  et  y  de- 
meura jus([u'après  l'octave  de  la  Pentecôte. 
Il  produisit  les  preuves  de  la  régularité  do 
son  élection;  mais  quelques  cardinaux  étaient 
d'avis  de  céder  à  la  violence  des  Allemands 
et  à  la  haine  imi)lacable  de  l'empereur.  En- 
lin  ,  le  pape  ayant  pris  jour  pour  le  juge- 
ment,, il  fut  rendu  publiquement  dans  le  pa- 
lais de  Latran  ,  l'élection  d'Albert  jugée  ca- 
nonique et  conlirmée  par  le  pape,  qui  même 
le  lit  cardinal ,  l'ordonna  diacre  le  samedi 
des  Quatre-Temps  de  la  Pentecôte  ,  et  lui  fit 
chanter  l'évangile  à  la  messe.  11  lui  donna 
toutes  les  bulles  nécessaires  ,  entre  autres 
une  pour  se  fidre  sacrer  par  Guillaume,  ar- 
chevêque de  Reims  ,  en  cas  que  Brunon ,  ar- 
chevêque de  Cologne ,  son  métropolitain ,  le 
refusât  par  la  crainte  de  l'empereur;  et  il  lui 
Ht  délivrer  toutes  ces  expéditions  gratis. 

Albert  étant  venu  à  Reims  fut  parfaitement 
bien  reçu  par  l'archevêque  Guillaume,  qui 
l'ordonna  prêtre  le  samedi  des  Quatre-Temps 
de  septembre,  et  le  dimanche  suivant,  20 du 
même  mois ,  il  le  sacra  solennellement  évo- 
que de  Liège.  Le  lendemain  ,  on  apprit  que 
l'empereur  était  à  Liège ,  extrêmement  irrité 
et  résolu  de  perdre  tous  ceux  qui  adhére- 
raient à  l'évêque  Albert.  Le  duc  d'Ardenne, 
oncle  de  ce  prélat,  qui  l'avait  amené  à  Reims, 
lui  proposait  de  se  soutenir  par  la  force  avec 
le  secours  de  leurs  amis,  mais  Albert  lui  dé- 
clara qu'il  ne  voulait  point  user  de  tels 
moyens  ,  et  qu'il  espérait  apaiser  l'empe- 
reur par  son  humilité  et  sa  patience.  Peu  de 
temps  après  arrivèrent  à  Reims  trois  cheva- 
liers allemands  et  quatre  écuyers,  qui  se  di- 
saient chassés  de  la  cour  de  l'empereur  à  l'oc- 
casion d'une  querelle.  Ils  vinrent  saluer  l'é- 
vêque de  Liège,  et  s'insinuèrent  si  bien  dans 
son  amitié,  qu'ils  l'accoiupagnaient  ordinai- 
rement et  mangeaient  souvent  à  sa  table  : 
plusieurs  personnes  les  soupçonnaient  de 
(jnelque  mauvais  dessein,  mais  l'évoque  ne 
s'en  défiait  point.  Entin ,  ils  le  tirèrent  de 
la  ville  sous  prétexte  d'une  promenade,  suivi 
seulement  d'un  chanoine  et  d'un  chevalier. 
Quand  ils  furent  à  cinq  cents  pas  ,  les  deux 
qui  marchaient  à  ses  côtés  lui  percèrent  la 
tête  par  les  tempes,  et  tous  ensemble  lui  don- 
nèrent tant  de  coups  d'épée  et  do  couteau, 
qu'on  lui  trouva  treize  grandes  plaies.  Aus- 
sitôt ils  piquèrent  leurs  chevaux,  et,  quoi(jue 
la  nuit  fût  proche,  ils  firent  telle  diligence 
qu'ils  arrivèrent  à  Verdun  à  neuf  heures  du 
matin;  puis  ils  allèrent  trouver  l'empereur, 
de  qui  ils  furent  très-favorablement  reçus. 

L  évoque  Albert  fut  ainsi  tué  le  mardi  24 
novembre  1192,  et  enterré  solennellement 
dans  l'église  métropolitaine  de  Reims  ;  on  le 
regarda  comme  martyrdela  lii)erté  ecclésias- 
ti(iue  ,  et  on  lui  en  "donna  le  litre  dans  son 
épitaphe.   On    rapporte   quelques    miracles 


faits  h  son  tombeau  :  enfin  plus  de  auatre 
cents  ans  après  ,  savoir,  l'an  1G12,  l'arcliiduc 
Albert  et  l'infante  Isabelle,  son  épouse  ,  du 
consentement  du  roi  Louis  XIII,  obtinrent 
du  cardiiuil  de  Guise,  ai'clmvè(pi(!  de  Reims, 
la  permission  d'eidever  son  cor()s,  et  le  firent 
transférer  solenncilhiuunit  à  l'église  des  Car- 
mélites, ([u'ils  venai(!nt  de  fondei- à  Bruxel- 
les. Il  est  marqué,  dans  le  Martyrologe  ro- 
main au  21  novembre. 

ALBERT  (saint) ,  habitait  Messine,  en  Si- 
cile. Il  était  de  l'ordre  des  Carmes,  et  fut  cé- 
lèbre par  ses  miracles.  Il  confessa  sa  foi  au 
milieu  des  plus  grandes  douleurs.  Les  mar- 
tyrologes no  donnent  aucun  détail  sur  sa  con- 
fession ni  sur  sa  date.  L'Eglise  honore  sa 
mémoire  le  7  août. 

ALBINE  (sainte),  fut  décapitée  à  Lyon,  en 
l'an  de  Jésus-Christ  177,  sous  le  règne  de 
l'empereur  Marc-Aurèle.  Sa  qualité  de  ci- 
toyenne romaine  fit  qu'on  ne  l'exposa  pas 
aux  bêtes,  comme  le  furent  plusieurs  de  ses 
compagnons.  L'Eglise  fait  lafôte  de  ces  qua- 
rante-huit héros  et  de  ceux  que  l'histoire  no 
nomme  pas,  mais  qui  cueillirent  dans  cette 
circonstance  la  palme  du  martyre,  le  2  juin. 

ALBINE  (sainte),  vierge,  fut  martyrisée  k 
Formici,  en  Campanie,  sous  le  règne  et  durant 
la  persécution  de  Dèce.  L'Eglise  fait  sa  fête 
le  16  décembre. 

ALCIBIADE  (saint),  martyr,  fut  décapité  à 
Lyon ,  en  l'an  177  de  Jésus-Christ,  sous  le 
règne  de  l'empereur  Marc-Aurèle.  Ce  fut  à  sa 
qualité  de  citoyen  romain  qu'il  dut  de  ne  pas 
être  exposé  aux  bêtes,  comme  plusieurs  de 
ses  compagnons.  L'Eglise  célèbre  sa  fête  le  2 
juin,  avec  celle  de  saint  Pothin. 

ALCMOND  (saint),  martyr,  était  fils  d'Elred 
et  frère  d'Osred ,  tous  deux  rois  des  Nor- 
thumbres.  Tant  qu'il  fut  au  sein  delà  pros- 
périté, il  sut  en  faire  un  saint  usage  pour  sa 
sanctification  et  le  bonheur  des  autres.  Bien- 
tôt le  temps  de  l'épreuve  arriva  pour  lui.  Les 
Northumbres,  s'étant  ligués  avec  les  Danois, 
levèrent  l'étendard  de  la  révolte ,  et  notre 
saint  fut  forcé  de  s'enfuir  avec  son  père.  Il 
resta  vingt  années  chez  les  Pietés  ,  et  profita 
de  ce  temps  pour  s'attacher  de  plus  en  plus 
à  Dieu.  A  cette  époque,  les  Northumbres  se 
voyant  opprimés  par  des  tyrans,  supplièrent 
Alcmond  de  se  mettre  à  leur  tête  pour  se  dé- 
livrer. 11  accepta  dans  le  seul  désir  d'être  so- 
courable  à  des  malheureux  ,  et  vainquit  les 
tyrans.  Mais  il  fut  assassiné  par  les  Danois, 
disent  les  uns  ,  en  819  ,  el  par  une  trahison, 
disent  les  autres ,  ourdi(;  par  Eardulp , 
qui  avait  usurpé  la  souveraineté.  Son  corps 
fut  enterré  à  Lilleshut,  dans  le  Shropshire. 
On  le  transporta  ensuite  à  Derby,  où  il  était 
honoré  comme  patron.  On  dit  que  l'église  oij 
ses  reliques  étaient  déposées  devint  célèbre 
par  un  grand  nombre  de  miracles.  L'Eglise 
honore  la  mémoire  de  ce  saint  prince  le  19 
mars. 

ALCOBER  (  Jean  ) ,  naquit  à  Girone,  en 
Espagne,  en  1094.  Il  partit  en  1728,  et  de 
Manille  vint  à  Macao,  puis  h  Canton.  L'évê- 
que de  Mauricastre  l'envoya,  en  1730,  dans  Hff^ 
territoire  de  Fou-ngan.  Seize^ans  il  l'évan-  ^& 

O.  H.  I 


{ 


Ï^TA^l 


hlù 


ALE 


Ai^. 


1-! 


gélisa  et  fut  nommé  vicaire  provincial  dans 
Cv.4tepartie(ielaChine.Danslaper>éoutionqui 
s'éleva  en  17+0,  une  bande  de  soldats  f  nvoyée 
])ar  roiricierf'aus'étant  diri;^ée  sur  le  village 
de  Mo-Yan^,  les  mission  lair.^s,  cachés  dins 
cevillag'  et  lousdoiuin  'ains,  prirent -'a  fuite, 
il  rex.ce,)lioi  du  P.  Alcober,  que  des  t:)rlures 
précède  itesavaion'  réduU  à  riiUj)i)Ssibililéde 
marcîier.  il  fut  pris  et  conduit  <^  Fon-n^jan, 
où  le  gouverneur  le  1  igo'a  chez  lui  et  le  fit 
servir  [)ar  ses  doinestijucs.  Dans  l'iiterro- 
gatoirc  <|ui  l'Ut  lieu,  ce  gouver.icur  lui  de- 
min  laat  |)ourq  lOi  il  était  venu  à  la  C'iine  : 
«  C'est,  rép mdit  le  P>r.\  pouv  y  p:ô,;her  la 
religion  chrétienne.  »  Là-  lossus  il  expliq  sa 
les  command  «ments  de  Dieu.  I/ofùcier  Frai 
lui  fit,  à  ()r)i)os  des  prisonnières,  de >  questions 
tellemsiit  outrageantes  i.our  In  pudeur,  que 
le  Père  dut  lui  (lire  :  «  Des  qiiestions  si  di- 
gnes d'un  enfant  de  Sitin  ne  méritent  pas 
de  r'ponse.  »  Le  10  juillet  il  fut  conduit  en- 
chaîné à  Foa-Tcheoa-Faii,  cipitile  de  la  pr  >- 
yiiice,  distante  de  27  lieues  de  Fou-ngan. 
Les  missionnaires  prisouuiers  étaient  sur 
des  c'iarretles  que  suivait  la  populace  en 
vomissait  les  malédictions  et  les  iij  ires. 
Arris'és  dans  la  cipitalo,  ds  furent  aussitôt 
interrogés  p\r  le  vice-roi.  Oi  les  accusait  de 
ma^is  et  (ïiinpadicité ,  parce  qu'on  avait 
trouvé  chez  ui  chrétien  une  caisse  d'osse- 
ments que  le  P.  Aljober  y  avait  déposés. 
L'ofiicier  prétendait  que  les  missionnaires 
tuaieit  de  petits  eifants  pour  tirer  de  leurs 
tôtf^s  des  (il très  propres  à  séduire  les  fem- 
mes. Alcober  dit  aux  juges  que  ces  ossements 
et  deut  les  restes  d'un  des  pi'édéce>^seurs  des 
missionn;\ires,  mort  sous  la  dynastie  pré- 
cédente, et  qu'il  les  avait  recueillis  pour  les 
envoyer  eu  Europe^  dans  sa  patrie.  On  p^ut 
voir  à  l'article  Chine  commont  fat  fait  l'exa- 
men de  cette  caisse.  Le  P.  Alcober  reçut,  dans 
le  cours  de  cette  instruction,  plusieurs  fois 
des  soudLts  et  une  fois  la  basto made.  La 
sentence  de  mort  portée  dans  le  Fo-Kien, 
confiraiée  h  Pékin  par  le  tribunal  des  crimes 
et  sigaée  de  l'emnoreur,  fut  communiquée 
aux  coidamnés.  Le  P.  Alcober  devait  être 
étranglé;  il  fut  mis,  avec  le  P.  Diaz,  dans  une 
m'^me  prisoi.  On  lui  marqua  sur  le  visage, 
au  fer  rouge,  deux  caractères  chinois,  qui 
exprinnient  le  genre  de  supplice  qu'il  de- 
vait sij!)ir.  I!  fut  étranglé  dans  sa  })rison  le 
28  û:;tobre  17W. 

ALliP,  ville  de  Syrie,  sur  le  Koik,  pres- 
que eniièrement  ruinée  en  1822  par  des 
tremblements  de  terre,  était  au;)aravant  la 
troisième  ville  de  l'empiie  Turc,  pour  la 
'grandeur  et  l'importance  :  elle  com[)tait  deux 
cent  mille  hai)it.ints.  D;;puis  cetl  •  époque, 
elle  est  réduite  à  civiroi  cent  vingt  mille. 
Cette  ville  fut  le  siège  de  la  preiiiière  mis- 
sion (jui  fut  él  tbli(i  (Ui  S/rie.  (a'  fut  en  lG2"i 
r(ue  le  [)ape  Urbiin  VIII  y  envoya  des  mis- 
siounaii'es.  Les  PP.  (l;isp;n-d  \lanillier  et 
Jean  Stella  arrivèrfvit  h  Alep  celte  miMue  an- 
née, ils  furent  d'abord  expulsés.  Sylv.'Stre, 
auteur  des  perse. aititns  f|u'ds  en  Jurèrent, 
était  un  sc'iisiu.iti  pu;  furieux  et  opi  liAtre, 
mais  souple   et  intrigant,  qui  se  proposait 


d'éteindre  la  foi  à  Damas  et  dans  la  Syrie. 
Pour  y  réussir,  il  fallait  être  élu  patriarche 
d'Antioche;  Athinase,  son  ennemi,  l'était; 
il  plia  sa  haine  à  son  ambition,  sut  gagner 
ses  bonnes  grades  et  se  fit  nommer  son  suc- 
cesseur. Les  habitants  de  Damas  n'apprirent 
cette  nouvelle  qu'avec  fi^ayeur;  ils  connais- 
saient le  caractère,  violent  et  emporté  de  Syl- 
vestre, et  ils  cherché  ent  aie  prévenir  par 
nn  clioix  plus  <;  'uforme  aux  canons  et  plus 
avantageux  à  la  ville.  Ils  cho  sirent  pour  pa- 
triarche C^Tille  ;  on  l'ordonna,  il  fut  intro- 
nisé à  D:\rais  avant  que  S/lvestre  le  fût  à 
Constantinoole.  oj  il  s'élail  transporté.  Cette 
ordimtioi  imprévue  l'étonna,  il  en  fut  alar- 
mé; la  crainîe  qu'elle  ne  fût  co  itirmée  h  la 
Porte  l'engagea  dans  to  itjs  les  manœuvres 
qu'il  ju^ea  capables  de  l'empêcher;  il  s'atta- 
cha le  nalriarche  de  Jérusalem  et  celui  de 
Constantinople;  il  s'appu/a  du  crédit  de 
quelques  seigieurs  ottomans  et  obtint  de 
la  Porte  un  commandemen'  (jui.  en  l'établis- 
sant patriarche,  lui  permettait  do  faire  arrê- 
ter ou  exder  son  concui-rent  et  tous  ceux 
qiii  suivraient  son  parti.  Son  ambition  était 
satisfaite,  il  croyait  sa  puissance  assurée  et 
il  ne  s'occupait  {dus  que  des  moyens  d'as- 
souvir SI  fureur.  Les  missionnaires  fran- 
çais en  furent  le  premier  objet  :  comme  ils 
étiient  le  premier  obstacle  à  ses  prétentions, 
il  conféra  avec  les  deux  patrinrches,  ses 
amis,  sur  les  moyens  de  les  éloigner,  et  ils 
obtinrent  le  firman  ou  l'ordre  qu'ils  deman- 
daient de  nous  exiler  et  de  nous  bannir  de 
la   mission. 

L'expédition  de  cet  ordre  n'échappa  point 
à  la  vigilance  de  M.  le  comte  d'Andrezel, 
alors  notre  ambassadeur  h  la  Porte  ;  par  ce 
lirman  les  missionnaires  étaient  chassés  de 
tous  les  endroits  où  il  ny  aurait  pas  de  con- 
sul de  nation  française;  on  voit  assez  que 
cet  ordre  ne  regardait  que  la  mission  de 
Damas.  M.  l'ambassadeur  en  p  >rtases  plaintes 
au  grand-visir;  il  représenta  à  ce  ministre 
combien  cette  démarche  était  contraire  aux 
capitulations  ;  on  suspendit  l'exécution  de 
col  ordre  rigoureux.  Ou  travaillait  à  l'an- 
nuler, torsqîie  la  mort  nous  enleva  cet  am- 
bassadeur, si  digne  de  la  conliam^e  du  roi 
et  des  regrets  des  catholiques  de  la  mission. 
A  la  première  nouvelle  de  ces  ordres  dont 
Sylvestre  était  porteur,  son  compétiteur  Cy- 
rille se  retira  dans  les  montagnes;  l'usurpa- 
teur partit  de  Constantino;)l.î  avec  cet  air  de 
triomplie,  par  1 'quel  la  passion  satisfaite  croit 
se  donn  M"  du  lustre  et  couvrii-  la  honte  de  ses 
démarches;  il  se  disait  chargé  de  lettres  qui 
l'autorisaient  h  mettre  dans  les  fm-s  (piicon- 
que  se  refuserait  à  ses  lois;  il  était  accom- 
gié  d'un  religieux,  son  procurimr  ou  son 
agent,  aussi  fuiàeux  et  plus  foui-be  (pie  lui, 
et  d'un  chavichy  (pii  devait  être  l'exérute  u' 
de  ses  or  'res  et  le  miLiis"lr(!  de  ses  ciaïautés. 
Il  (!  itra  dans  Alej);  son  comuia  ulein(Uit  fut 
signilié,  on  somma  tons  hvs  (hrétien>>  de  lo 
laico  maître  pour  pitriarchî;  rév(\que  Gé- 
rasimos  fut  arrêté  et  envoyé  en  exil.  Di'di- 
vré  de  ce  concurreiit  verluruv,  il  proj.osa 
deux   fonuules  ou   piofessions  de  foi  qu'il 


1-23 


AIE 


ALE 


m 


avait  lui-mômc  dressées  :  l'une  était  pour 
les  pi-ôtros  catholiques  et  contenait  une  ma- 
lédiction contre  la  reli:^ion  des  Francs,  con- 
tre le  pape  et  contre  le  huitième  concile, 
c'est-à-dire,  selon  les  (Irecs,  contre  le  saint 
concile  de  Floi'cnce;  celte  profession  devait 
ôtre  lue  publiquement  ;  l'auli'e  était  pour  les 
hcques;  elle  consistait  dans  la  manière  de 
souscrire  à  la  prciinière  et  dans  une  [)roles- 
lalion  de  n'avoir  jamais  do  commerce  avec 
les  prêtres  fra nos  jii  de  croyancti  dans  ce  qui 
est  enseigné  par  le  pape.  Ces  formules  ré- 
voltèrent beaucoup  de  callioliipies  :  ils  re- 
gardèrent celte  souscrij)tioii  comme -une  es- 
pèce d'a()OSlasie.  \j'^  gi-and  nombi-e  de  prê- 
tres la  reçut  ;  ceux  qui  refuseront,  allèrent 
(laiis  les  montagnes  se  joindre  au  [)atriarcho 
Cyrille,  rKglise  des  Pères  francs  n'en  fut 
pas  moins  i'réquentée.  Sylveslre  envoya,  le 
jour  de  la  fête  du  Saint-Sacrement,  son  cha- 
vic'i  avec  des  hommes  armés  pour  se  saisir 
des  Grecs  qui  s'y  rendraient. 

M.  le  consul  y  était;  il  fut  témoin  de  cette 
violence,  et  il  envoya  faire  des  plaintes  au 
gouverneur;  on  arrêta  le  chavich,  son  es- 
corte et  quelques  héréliques  qui  favori - 
saifut  la  manœuvre.  Sylvestre  fut  cité;  il 
lui  en  coûta  douze  bourses  pour  éviter  'a 
prison.  L'épreuve  qu'il  venait  de  faire  du 
crédit  des  catholiques  et  des  dispositions  du 
bâcha  fil  impress  on  si:rlui,et  suspendit 
pour  un  temps  ses  fureurs.  On  crut  même 
son  caractère  changé:  il  passa  de  la  plus  iin- 
péiieuse  airogance  à  la  plus  lâche  timidité; 
il  craignit  que  l'alfaire  ne  fût  portée  à  Cons- 
tantinople,  et  que  le  Grand-Seigneur,  dont 
il  avait  outrepassé  les  ordres,  ne  le  regar- 
dât coiiiino  un  esprit  brouillon  et  digne  des 
punitions  qu'il  avait  sollicitées  contre  les 
autres.  La  frayeur  qu'il  laissa  entrevoir  ins- 
pira de  la  hardiesse  à  ceux  qu'il  persécu- 
tait; on  le  menaça,  il  disjjarut  et  s'embarqua 
pour  la  capitale  de  l'empire,  chargé  déplus 
de  malédictions  qu'il  n'en  donnait  à  la  reli- 
gion.L;s  catholiques  présentèrei!  tau  c>.di  une 
lo  gue  requête  où  étaient  ex}.osé>leurs griefs 
co  tre  ce  faux  [)alriarche  ;  le  cadi  permit 
qu'on  les  envoyai  à  la  Porte.  Trois  dépulés 
furei.t  chargés  de  la  commission  :  l'objet  et 
la  conclusi<n  delà  requête  étaient  la  dépo- 
sition de  Sylvestre;  elle  fut  obtenue.  La  vic- 
toire était  entièi'e;  deux  députés  vinrent 
Tannoncer  :  par  malheur,  le  troisième  resta 
à  Constanlinople;  il  se  noninimi Ciici  ver i  lii- 
lar.  Silvestre  entreprit  de  le  gagne.-,  et  il  y 
réussit.  Ge  député,  Ilatté  de  se  voir  recher- 
ché, voulut  bien  se  prêter  à  un  accommode- 
ment ;  on  convint  que  Sylveslre  resterait  pa- 
triarche d'Aitioche,,  mais  qu'Alep  serait  sous 
la  juridiction  de  Gonslantinople ,  et  qu'on 
enverrait  aux  habita: :ts  d'Alep  tel  évêque 
qu'ils  demanderaient  eux-mêmes.  Gelui 
q  l'on  leur  donna  d'abord  se  nommait  Gré- 
gou'e;  peu  attaché  à  la  religion  par  principe, 
ii  le  fut  quelque  temps  pat  intérêt,  ou  plu- 
tôt il  aifecta  de  le  paraître;  mais  il  se  dé- 
mentit bientôt.  Les  catholiques  se  séparè- 
rent de  lui  et  demandèrent  au  cadi  la  ])er- 
liiissiou  de  se  choisir  un  évêque  qui  filt  de 


leur  pays  et  indépendant  de  tout  patriarche; 
il  y  consentit.  Ils  nommèrent  Maxime,  un  dé 
leurs  coiiq)atriotes ,  homme  irréprochablo 
dans  ses  moeurs  et  dans  sa  foi,  d'un  carac- 
t( n."  liant  et  propre  h  réunir  ](!.s  es()rits;  ce 
choix  fut  conlirméîi  Gonslantinople...  Géra- 
simos  était  exi'é,  mais  non  pas  (lépo>-é  ;  sa 
démission  était  nécessaire  pour  (jne  l'élec- 
lion  de  l'autre  ïùl  lég  lime;  il  la  donna  sans 
peine,  et  ce  vertueux  prélat -consatra  lui- 
même  celui  qui  était  élu  ii  sa  place. 

Plus  sûr  dans  la  foi  que  Grégoire,  plus 
ferme  que  Géiasinr  s,  Maxime  se  lit  un  ]ilan 
de  gouvci-neuient  qui  lit  respeol^  r  la  reli- 
gion et  charma  tous  ses  diocésains.  Les  [)rê- 
Ires  qui  s'é;aient  laissés  troaq)er  par  Syl- 
vestre vinrent  se  jelei-  entre  le>  bras  de  co 
j)asleur  chu'ilabie,"qui  les  reçut  avec  bonté 
et,  ajarès  une  répa  alion  |  ro|  orlionnée  au 
scand.ile,  les  rétablit  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions.  Les  é.ilises  et  les  écoles  oes  mis- 
sionnaires furent  [)ius  fiéquentées  q.e  ja- 
mais ;  ce  calme,  qui  dura  qiie.ques  années, 
rappe'a  dans  la  Syrie  les  beaux  jours  au 
chrislianiSfje  naissant. 

Sylvestre  resta  quelque  temps  obscur  et 
presque  inconnu  dans  Gonstant.nople  ;  mais 
i'inacuonel  l'obscurité  soi, t  un  état  bien  vio- 
lent pour  un  esprit  inijuiei  et  an. bilieux.  Il 
alla  en  Valachie,  (jù  ii  trouva  sonanui  n  pro- 
tecteur,  le  pnnce  ScaPatogli,  Us  de  Mauro 
Cordato,  jnemier  interprète  du  Giand-Sei- 
gneur.  Ij  lui   fit   une  peinture  vive  et  tou- 
chante de  ses  malheurs,  surprit  la  compassion 
de  ce  j)rjnce  et  parvint  jusqu'à  s'en  assurer  la 
protection.  Il  le  renvoya  à  Gonslantinople, 
muni  des  recommandations  les  [  lus  pres- 
santes; là   il    recommença  ses  manèges  et 
demanda  la  révision  de  son  procès.  La  pro- 
tection du  prince  fit  aimettre  sa  requête;  le 
Grand-Seigneur  lui  donna    même  un  c  :m- 
mandement  par  lequel,  anéantissant  tout  ce 
qui   s'é  ait  fait  conlre  lui,  il  le  rétablissait 
dans  tous  les  droits  de  son  patriarcat,  sou- 
mettait de   nouveau    x\lep  à  sa  juridiction, 
l'autorisait  à  y  nommer  un  évêqu.^  et  à  se 
ftiire  leiiibours  r  do  toutes  les  sommes  qu'il 
n'avait  })as  touchées  pendant  les  sept  années 
de  son  exil.  Le  palr.arche  rétabli  se  hâta  de 
not.her   cet   ordre  du   Grand  -  Seign(  ur.    11 
vii.t  à  Tripoli  et  à  Damas,  et  cette  dernière 
ville  fut  choisie  de  préférence  pour  ôtre  le 
théâtre  de  la  persécution  nouvelle  qu'il  mé- 
ditait. Il  craignait  les  habitants  d'Alep,  et  il 
se  contenta  de  leur  envoyer  son  commande- 
ment par  son  charvich  et  par  un  religieux, 
son  procureur;  cette  démarche  même,  quoi- 
que modérée,  ne  fut  pas  heureuse.  On  dressa 
un  acte  signé  de  plus  de  six  cents  pe  sonnes 
où   l'on  représentait  au  Grand-Seigneur  ce 
même  Sylvestre  qui  l'avait  trompé,  comme 
un  méchant  homme,  e.ont  la  puissance  ne 
s'établissait  que  sur  tes  vexations  les  plus 
tyranniques    et  les    persécutions   les   plus 
odieuses  :    l'on    y    peignait   au    contraire 
Maxime  comme  v;i  homme  sans  passions, 
et  dont  le  zèle,  conduit  par  la  douceur,  n'a- 
vait pour  objet  que  la  paix  et  avait  le  talent 


127 


ALE 


de  la  maintenir.  Ce  contraste  produisit  enfin 
l'effet  désiré. 

Les  religieux  français  surtout  étaient  les 
victimes  de  choix  sûr  lesquelles  Sylvestre 
aimait  à  exercer  ses  vexations.  Il  fit  défen- 
dre aux  catholiques,  sous  peine  de  la  vie, 
d'aller  ou  d'envoyer  leurs  enfants  à  l'église 
ou  à  l'école  des  missionnaires;  il  fit  présen- 
ter par  son  procureur  une  requête  contre 
eux,  au  grand  juge,  mais  on  n'y  eut  point 
d'égard.  Il  menaça  de  l'envoyer  à  Constan- 
tinople,  on  le  craignit.  Le  P.  Seguiran,  mis- 
sionnaire jésuite,  fut  chargé  d'écrire  à  M.  le 
marquis  de  Villeneuve ,  ambassadeur  à  la 
Porte,  au  nom  de  tous  les  autres  mission- 
naires :  il  le  fit.  La  lettre  fut  accompagnée 
d'un  mémoire  des  liabitants  de  Damas,  qui 
contenait  5  articles  principaux  ;  ils  l'accu- 
saient :  1°  d'avoir  dit  au  bâcha  que  les  ca- 
tholiques ne  refusaient  de  communiquer 
avec  lui  que  parce  que  c'était  le  (Îrand-Sei- 
^neur  qui  l'avait  fait  patriarche.  C'est  une 
imposture;  2°  d'avoir  défendu  aux  pères  et 
aux  mères,  sous  peine  de  la  vie,  d'envoyer 
leurs  enfants  à  l'école  des  missionnaires , 
contre  la  coutume  établie  depuis  quatre- 
vingt-dix  ans;  3°  d'avoir  suscité  aux  mission- 
naires français  des  procès  injustes  et  de  leur 
avoir  causé  des  insultes  sans  nombre;  i°  d'a- 
voir parlé  en  public  contre  le  nom  français 
et  contre  les  ministres  du  roi;  5"  d'avoir  mis 
îe  trouble  et  le  désordre  dans  Alep ,  par  les 
lettres  qu'il  avait  écrites  au  bâcha  contre  les 
chrétiens  et  les  religieux  français. 

Ces  griefs,  envoyés  à  Constantinople,  y 
firent  une  grande  impression  ;  le  quatrième 
surtout  parut  d'une  conséquence  digne  de  la 
plus  sérieuse  attention.  On  sait  combien  le 
roi  de  France  est  respecté  à  la  cour  Otto- 
mane, et  la  préférence  éclatante  que  Ton  y 
donne  à  nos  ambassadeurs  sur  tous  les  au- 
tres. M.  le  marquis  de  Villeneuve  eut  toute 
la  satisfaction  qu'il  demanda,  et  l'on  expé- 
dia en  faveur  des  missionnaires  un  com- 
mandement qui  assura  leur  repos.  On  lit 
rendre  les  six  bourses  extorquées  aux  jé- 
suites de  Damas  avec  la  dernière  violence; 
un  leur  donna  un  dipiouK;  ou  sauvegarde 
|K)ur  les  mettre  désormais  à  couvert  de  pa- 
reilles avanies.  M.  de  Lane,  témoin  des  dés- 
ordres qui  s'étaient  passés,  manda  à  M.  le 
comte  de  Castellane,  ({U(;  le  moyen  le  plus 
sûr  j)Our  couper  jusfpi'h  la  racine  du  mal, 
(•(ait  de  solii(:il(;r  vivement,  auprès  du  (Irand- 
Seigneur,  la  déposition  de  Sylvestr(\  Elle  fut 
demandée  et  accordée  sur-le-champ.  M.  de 
Lauc  fut  cliaigé  de  l'exécution  des  ordres 
(pii  porlaic'iil  en  même  temps  la  déjxj.silion 
de  Sylvestre  et  le  rétablisscmtînt  (Ut  (Cyrille 
sur  le  siège  patriarcal  d'Antioclie.  Ce  doidilo 
événement  a  [jorté  un  coup  mortel  au 
schisme  ;  nos  églises  sont  li'érpieiitées,  et 
les  callioli(pies,  <i  (]ui  nous  ik;  l.iissons  pas 
iguurer  (pi'ils  ne  sont  n;devables  de  ces 
changements  heurciux  (\nnn  zèle  du  roi, 
fuiit  sans  cesse  des  V(i!ux  au  ciel  jjoui-  la 
coriscîrvalion  do  sa  personne  sacrée,  poiu'  la 
gloire  de  son  règne,  j)our  la  j)rosj)éiité  de 


am:  H'i 

la  famille  royale.  [Lettres  édilîantes,  vo\  Vj 
p.  161.) 

Dans  le  passage  que  nous  venons  de  citer, 
on  voit  que  les  missionnaires  furent  autori- 
sés à  résider  à  Alep;  mais  celui  qui  les  avait 
fait  chasser  d'abord  essaya  encore  de  sur- 
prendre la  religion  du  bâcha  à  cet  égard,  et 
de  le  porter  à  les  chasser  de  nouveau.  Il  se 
trouva  que  ce  fonctionnaire,  qui  venait  d'ar- 
river à  Alep,  avait  connu  les  missionnaires  à 
Constantinople.  Il  Ut  venir  devant  son  tribu- 
nal les  missionnaires  et  leurs  accusateurs. 
«  Vous  êtes  des  imposteurs,  dit-il  ci  ces  der- 
niers :  j'ai  vu  ces  religieux  à  Constantinople, 
et  moi-même  j'ai  signé  l'ordre  qui  leui  per- 
met de  résider  ici.  Je  ferai  mettre  en  prison 
quiconque  les  molestera.  »  Ensuite,  s'adres- 
sant  aux  Pères  :  «  Soyez  tranquilles,  leur 
dit-il,  vous  avez  ma  protection.  «Mais  bientôt 
après,  un  nouveau  bâcha  ayant  succédé  à 
celui  qui  montrait  de  si  bonnes  dispositions 
en  faveur  des  missionnaires,  les  accusateurs 
furent  écoutés  et  les  PP.  Jérôme  Queyrot, 
Aimé  Ghezeaud,  les  frères  Fleury  Bechesnes 
et  Raymond  Bourgeois,  furent  emprisonnés, 
chargés  de  chaînes  et  jetés  dans  un  cachot, 
dont  le  sol  fut  couvert  de  cailloux  anguleux. 
L'intervention  du  consul  de  France  les  fit 
bientôt  élargir,  et  cette  persécution  n'eut  pas 
d'autres  suites. 

Plus  tard,  les  PP.  Sauvage  et  Pagnon  eu- 
rent à  soutenir  des  persécutions  vioientes. 
Ce  dernier  s'occupant  à  faire  réparer  une 
maison  que  M.  Lemaire,  consul  d'Alep,  lui 
avait  donnée,  fut  accusé  d'avoir  voulu  faire 
bâtir  une  chapelle  publique.  On  le  fit  pren- 
dre par  des  soldats,  conduire  devant  le  cadi, 
qui  lui  fit  mettre  un  carcan  et  l'envoyii  en 
prison.  L'affaire  n'eut  heureusement  pas  do 
suites  graves,  parce  que  M.  Lemaire  inter- 
posa son  autorité  et  le  tira  des  mains  de  ses 
ennemis 

Le  patriarche  et  l'archevêque  d'Alep  avaient 
eu  à  soullVir  quelques  années  auparavant 
pour  la  religion  catholique.  Sur  ce  seul  fait, 
qu'ils  en  faisaient  profession  i)ublique,  le 
patriarche,  (pii  se  nommait  Ignace  Pierre,  re- 
çut quatr®-  vingts  coups  debAton  sous  la  plante 
des  pieds;  il  fut  ensuite  emprisonné  avec 
l'archevêque  d'Alep,  qui  se  nommait  Denis 
Rezkalah.  Ils  n'en  sortirent  que  pour  être 
conduits  au  cliAteau  d'Adané,  prison  où 
ils  devaient  rester  perpétuellemeiil.  Ils  y 
moururent  bi(MUôt,  connue  on  peul  le  voir  à 
leurs  titres.  Ici  se  bornent  les  renseigne- 
ments que  nous  possédons  relativement  à 
Alep. 

^  ALEXANDRE,  l'un  des  quatre  person- 
nages désignés  dans  les  Actes  des  apôtres, 
connue  siégeant  dans  le  Safdiédiin,  en  33, 
(piand  saint  Pierre  et  saint  Jean,  après  la 
guérison  du  boiteux  ,  comparurent  devant 
cette  assemblée.  On  est  géuéialement  fondé 
à  croire  que  ce  meml)r(!  du  SanlK'diin  est 
Alexandre  Lysima(pie,  frère  de  Philon.  Il 
était  prêlre,  et  le  plus  rich''  ihî  tous  les  Juifs 
d'Ale\an(lru>,où  il  avait  été  alaharcpie.  C'est 
cet  Alexandre   ([ui  lit  conviir  d'or  et    d'ar- 


129 


ALE 


ALE 


130 


genl  noufpoitos  du  lemplo.  Son  fils  nommé 
Tibère  Alcxa-idro  devint    idoIAtre. 

ALEXANDUh:  (saitU),  martyr  à  Antioche 
do  Pisidii',  l'ut  mis  à  mort  pour  la  foi  ehré- 
tienn(>  avec  saint  Aïarc,  beri^er,  son  frère,  ses 
deux  autres  frèi'es  Alplic  el  Zo/ime,  les  saints 
Nieon,  Niîon,  Hélioilorc!,  plus  trente  soldats 
que  la  vue  des  miracles  de  saint  Marc  avait 
convertis.  l'Eglise  fait  sa  fête  le  28  se[)teni- 
bre. 

ALEXANDRE  (saint).  Nous  trouvons  sa 
fête  avec  celle  de  saint  Eveuce  et  de  saint 
Tlîéodule,  dans  le  Sacramentaire  de  saint 
Grégoire,  ils  y  sont  désignés  comme  des  mar- 
tyisau  3  mai.  Evideunnent  ces  trois  saiids 
sont  des  martyrs,  ils  sont  morts  pour  la  foi 
sous  remi)ire  d'Adiien  ;  mais  s'agit-il  ici, 
comme  beaucou[)  l'ont  cru  et  écrit,  de  saint 
AK'xandre  pa|)e,  cinquième  évèque  de  Komc, 
et  successeur  de  saint  Evai'iste  ?  Rien  no  le 
lu'ouve.  Raronius,  |ias  plus  que  Tillemont,et 
nous  n'hésitons  pas  à  être  de  leur  avis,  ne 
regardent  pas  les  actes  que  nous  avons  de 
ces  saints,  et  que  Bède  croit  être  bons, 
comme  suffisamment  authentiques. 

ALEXANDRE  (saint),  martyr,  versa  son 
sang  pour  la  foi  sous  l'empereur  Antonin, 
sur  la  voie  Claudienue,  à  20  milles  de  Rome. 
Il  soulfrit  les  chaînes,  les  coups  de. bâton, 
le  chevalet,  les  torches  ardentes,  les  pointes 
de  fer,  les  bêtes  et  les  llammes  d'une  four- 
naise ;  enfin  ayant  eu  la  tète  tranchée,  il  en- 
tra dans  la  gloire  qui  ne  finit  point.  Le  pape 
saint  Damase  lit  depuis  transîerer  son  corps  à 
Rome,  le  26  novembre,  et  fixa  chaque  année 
sa  fête  au  jour  de  cette  translation.  l'Eglise 
honore  sa  mémoire  le  21  septembre. 

ALEXANDRE  (saint) ,  l'un  des  sept  fils 
de  sainte  Félicité,  fut  martyrisé  avec  elle  et 
tous  ses  frères  à  Rome,  le  10  juillet  164, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Marc-Aurèle.  Le 
préfet  Publius  l'ayant  fait  amener  à  son  tri- 
bunal, lui  dit  :  «  Jeune  homme,  ta  destinée 
est  entre  tes  mains  ;  prends  pitié  de  toi- 
même,  sauve  mie  vie  qui  ne  fait  encore  que 
commencer  et  dont  je  ne  pourrais  m'empê- 
cher  de  regretter  la  perte.  Obéis  aux  ordres 
de  l'empereur;  sacritie,  et  tâche  de  mériter, 
par  cette  complaisance  religieuse,  la  protec- 
tion des  dieux  et  la  faveur  des  Césars.  » 
Alexandre  se  hâta  de  répondre  au  magistrat: 
«  Je  sers  un  maître  plus  puissant  que  César: 
c'est  Jésus-Christ.  Je  le  confesse  de  bouche, 
je  le  porte  dans  le  cœur,  et  je  l'adore  sans 
cesse.  Cet  âge,  au  reste,  qui  vous  paraît  si 
tendre,  qui  l'est  en  elfet ,  aura  toutes  les 
vertus  de  l'âge  le  plus  avancé,  et  surtout  la 
prudence,  si  je  demeure  fidèle  à  mon  Dieu. 
Quant  aux  vôtres,  puissent-ils  périr  avec 
ceux  qui  les  adorent.  »  Le  rapport  de  ce  qui 
s'était  passé  ayant  été  fait  à  l'empereur,  il 
fit  comparaître  Alexandre  devant  un  juge 
qui  le  condamna  à  avoir  la  tête  tranchée,  ce 
qui  fut  exécuté  le  10  juillet,  jour  auquel 
l'Eglise  fait  la  fête  de  saint  Alexandre. 

ALEXANDRE  (saint),  fut  martyrisé  à  Ro- 
uie, sous  le  règne  de  l'empereur  Marc-Au- 
rèle. Il  était  évoque,  mais  on  ignore  de  cj;uel 
sii'ge.  Les  documents  qui  nous  restent  ne 


nous  permettent  pas  de  nous  étendre  davan- 
tag(i.  Sa  fête  est  manjuée  au  Martyrologe 
romain  le  21  septembre. 

(ALEXANDRE  (saint),  martyr.  Nous  don- 
nons ici  ses  actes ,  ({ui  renferment  aussi 
ceux  de  saint  Iilpipode. 

Il  y  avait  dix-sept  ans  (pie  Lucius  Verus 
et  Marc-Aurèle  étaient  assis  sur  le  lrùn(!  des 
Césars,  lorsque  la  fur(;ur  des  gentils  se  ré- 
pandit comme  un  torrent  inq)élueux,  dans 
touti^s  les  provinces  de  l'em.pire,  contre  l'E- 
glise. Mais  ce  fut  particulièrement  dans  la 
province  de  Lyon  qu'elle  causa  de  plus 
grands  ravages  ,  et  les  traces  qu'elle  y  laissa 
furent  d'autant  plus  funestes  et  en  plus 
grand  nombre,  qu'elle  la  trouva  peuplée 
d'un  plus  grand  nombre  de  fidèles.  Les  ma- 
gistrats et  les  officiers  d'armée,  les  soldats 
et  le  peuple  travaillaient  de  concert  et  avec 
une  égale  animosité  à  détruire  la  religion, 
en  employant  contre  elle  toutes  sortes  de 
tourments,  et  persécutant  sans  relâche  tout 
ce  qui  portait  le  nom  de  chrétien,  sans  faire 
de  distinction  ni  d'âge  ni  de  sexe.  Les  noms 
de  quelciues-uns  ont  été  conservés  avec  les 
circonstances  de  leur  mort;  mais  il  y  en  a 
beaucoup  plus  qui  ,  pour  avoir  fini  leurs 
jours  dans  les  chaînes  et  dans  l'obscurité 
d'une  prison,  ou  ayant  péri  dans  quelque 
émeute  populaire,  ont  été  confondus  dans  la 
foule  et  ne  sont  écrits  que  dans  le  livre  de 
la  vie  bienheureuse.  Car,  après  cet  horrible 
carnage  des  chrétiens,  dont  le  sang  remplit 
la  ville  de  Lyon  et  fit  changer  de  couleur 
aux  eaux  du  Rhône  (ainsi  qu'on  le  i)eut  voir 
dans  la  lettre  que  les  Eglises  de  Vienne  et 
de  Lyon  écrivirent  sur  ce  sujet  aux  Eglises 
d'Asie  et  de  Phrygie) ,  les  païens  crurent 
avoir  entièrement  éteint  le  nom  de  la  reli- 
gion de  Jésus-Christ.  Ce  fut  pour  lors  qu'E- 
pipode  et  Alexandre,  qui  en  faisaient  une 
profession  secrète,  furent  dénoncés  au  gou- 
verneur par  leurs  propres  domestiques.  Ce 
magistrat,  en  colère  de  ce  que  deux  chré- 
tiens avaient  échappé  à  l'exacte  recherche 
qu'il  croyait  en  avoir  faite,  donna  des  ordres 
très-précis  de  les  arrêter,  s'imaginant  pou- 
voir enfin  achever  d'abolir  en  leur  personne 
une  religion  qui  lui  était  si  odieuse. 

Mais  avant  que  de  venir  aux  particularités 
de  la  mort  de  ces  saints,  il  faut  dire  un  mot 
de  leur  vie.  Alexandre  était  Grec,  Ejiipode 
était  natif  de  Lyon  :  tous  deux  étaient  unis 
dès  leur  plus  tendre  enfance  par  les  mêmes 
études  et  les  mêmes  exercices,  mais  plus 
unis  encore  dans  la  suite  par  les  liens  d'une 
véritable  charité.  Leur  amitié  croissait  avec 
leurs  lumières ,  et  augmentait  à  mesure 
c^u'ils  faisaient  de  nouveaux  progrès  dans 
les  sciences.  Leur  union  devint  si  intime,  et 
leurs  sentiments  se  trouvèrent  si  conformes 
en  toutes  choses,  que  ,  quoiqu'ils  eussent 
reçu  de  ceux  qui  leur  avaient  donné  la  nais- 
sance une  éducation  très-sainte,  ils  ne  ces- 
saient cependant  de  s'exciter  l'un  et  l'autre 
par  do  réciproques  et  de  continuelles  exhor- 
tations à  tendre  à  une  plus  haute  perfection. 
Ils  y  réussirent  si  bien,  que,  s'exerçant  avec 
une  attention  toute  particulière  à  la  fempé" 


iSl 


ALË 


rance,  à  la  pauvreté  et  à  la  foi,  à  la  chasteté, 
aux  œuvres  de  miséricorde,  et  généralement 
à  toutes  les  vertus  les  plus  excellentes  du 
christianisme,  ils  se  rendirent  des  victimes 
dignes  d'cMre  immolées  à  Dieu  ;  et  ils  eun-nt, 
par  une  neureuse  anticipation,  tout  le  mé- 
rite du   martyre  avant  que  d"en  soutïrir  la 
peine.  Ils  étaient  dans  la  Heur  de  leur  jeu- 
nesse, et  ils  n'avaient  |  oint  voulu  engager 
leur  liberté,  ni  se  charger  du  joug  du  ma- 
riage. Dès  qu'ils  eurent  ape.  çu  les  premiers 
feux  de  la  persécution,  ils  songèrent  à  sui- 
vre le  conseil  de  l'Evangile  ;  car,  ne  pouvant 
pas  fuir  de  ville  en  ville,  ils  se  contentèrent 
de  chercher  une  retraite  où  ils  pussent  de- 
meurer cachés  et  y  servir  Dieu  en  secret.  Ils 
la   trouvèrent  dans  un  faubourg  de  Lyon, 
proche  Saint-Seize,  et  ce  fut  le  polit  logis 
d'une  veuve  chrétienne  et  d'une  singulière 
piété  qui  les   mit  d'abord  à  couvert  de  la 
première   enquête  des   persécuteurs.   Ils  y 
furent  quelque  temps  inconnus,  par  la  lidé- 
lité  que  leur  garda  la  sainte  hôtesse  et  par 
le  peu  d'apparence  qu'avait  leur  asile.  Mais 
enlin  ils  furent  dé.  ouverts,  et  ils  ne  purent 
échapper  cà  l'importune  et  trop  curieuse  re- 
cherche d'un  ollicier  du  président.  Ils  furent 
arrêtés  au  passage  étroit  d'une  petite  cham- 
bre, dans  le  moment  qu'ils  se  sauvaient,  et 
ils  demeurèrent  si  éperdus  lorsqu'ils  se  vi- 
rent entre  les  mains  cruelles  des  gardes  du 
gouverneur,  qu'P2pipode  perdit  un  de  ses 
souliers,  que  sa  charitable  hôtesse  trouva  et 
qu'elle  conserva  comme  un  riche  trésor.^  Ils 
furent  d'abord  mis  en  prison,  et  avant  même 
que  d'avoir  é;é   inierrogés,  le  seul  nom  de 
chrétien  portant  alors  avec  soi  une  convic- 
tion manifeste  des  plus  giands  crimes.  Trois 
jours  après,  ils  f  .rent  conduits,  ayant  les 
mains  attachées  derrière  le  dos,  an  pied  du 
tribunal  du  gouverneur.  Cet  homme  cruel 
leur  demanda  leur  noui,et  quelle  était  leur 
profession.  Une  multitude  innombrab  e  de 
peuple  remplissait  l'audience,  et  l'on  voyait 
sur  le  visage  do  chacun  la  haine  [)einte  a\  uc 
les  plus  noirt'S  conleurs.  Les  accusés  dirent 
le  ,r  nom,  et  confessèrent  naïvement  qu'ils 
étaient  chrétiens.  A  cet  aveu,  et  le  juge  et 
l'assemblée    se    récrient,    s'emportent,  fré- 
missent de  ViVxe.  Toute  une  vide  est  en  mou- 
vement [)Our  perdre  deux  innoc(nits,  «Ouoil 
dit  le  gouverneur,   d'un  ton   que  lai  fureur 
rendait  terrible,  douv  jeunes  téméraires  ose- 
ront bravi-r  les  iiumortels?  les  .saintes  or- 
donnances de  nos  princes  seront  foulées  aux 
pied^?  A  quoi  ont  donc  servi   tant  de  sup- 
plices? c'est  donc  (m  vain  ({u'on  a  drosé 
des  croix,  qu'on  a  nus  en  usage  le  fer  et  le 
feu?  en  vain  les  bêles  se  sonl  rassa-iées  des 
corps  de  ces  im[).esl  Où  sont  les  ch.  valets,!  -s 
iami.'S  de  cuivre  a. dentés?  où  so:.t  les  lou.- 
ments  les  plus  alfreux,  prolongés  mmue  jis- 
(pi'au  delà  du  Irépas?  Qu(ji  !  tout  cela  a  élé 
inutile  1  les  hommes  n(!  sont  plus,  leurs  os 
ont  élé  réduits  en  cendre,  <i  |)ein(!  trouve- 
l-on  la  [ilace  où  furent  leurs  tombeaux,   cl 
le   nom   de   Christ    reteniit    encore   à   nos 
oreilles?  des  bouches  sacrilé^os  font  encoro 
éiitèndre  co  nom  odieux  à  la  vue  dés  autels, 


âle:  isis 

devant  les  images  sacrées  des  Césars  1  Non, 
non,  n'attendez  pas  que  cette  audace  crimi- 
nelle demeui'e  imi)unie.  Le  ciel  et  la  terre 
demandent  votre  supplice,  i!  est  juste  de  les 
satisfaire.  Mnsde  crainte  qu'ils  ne  s'encou- 
ragent l'un  l'autre  et  ([u'ils  ne  s'animent  à 
soutfrir  par  des  paroles  ou  j)ar  des  signes, 
comme  on  sait  assez  que  c'est  la  coutume  de 
ces  gens-ci,  qu'on   les  sépare,   qu'on  fasse 
retirer  Alexandre,  qui  paraît  le  |ilus  vigou- 
reux, et  qu'on  a[)plique  Epi[)ode  h  la  ques- 
tion. »  Le  gouverieur  ciul  qu'il  pourrait  ti- 
rer quelque  avantage  de  la  co  \joneture  où 
se  trouvait  ce  pauvre  jeune  homme,  privé 
du  secours  de  son  ami,  abandonné  à  sa  pro- 
pre faiblesse,  et  laissant  présumer  que  dans 
une  si  grande  jeunesse  on  ne  devait  pas 
craindre  une  résistance  trop  opiniâtre.  Sui- 
vant donc  les  traces  de  l'ancien  serpent,  il 
commenç:!  par  employer  la  do.ice  persuasion 
et  à   f'iiriî  glisser  dans  son  âme  le  p.oison 
moriel  de  la  tl-'tterie.  «  A'»  1  c'est  dommage, 
lui  dit-il,  qu'un  si  aimable  jeune  hoinrie 
pelisse    ]>our  la   défense    d'une    mauvaise 
cause;  je  sais  que   vous  avez  de  h  jiiéié, 
que  votre  Ame  est  renifilie  de  t(  ndres  senn- 
menis  de  religion  :  mais  nous  croyez-vois 
des  impies  ?  n'avons-nous  f-as  une  re!igi->n 
et  des  dieux,  et  la  piité  est-elle  bannie  do 
nos  temples  ?  Toute  la  terre  adore  les  mêmes 
divinités  q  le  nous,  et  nos  augustes  |)rinces 
sont  les  [)iemiers  à  leur  rendre  leurs  hom- 
mages. Au  reste,  nos  oieux  aiment  la  joii'  : 
c'est   au   milieu   des   banquets    somptueux 
qu'on  leur  adresse  des  piières  ;  et  les  vœux 
qu'on  leurfatt  ne  sont  jainiis  mieux  exaucés 
que  lorsqu'on  les  accompagne  de  jeux,  de 
danses  el  de  charmants  concerts.  Que  vous 
dirai-je,   entin  ?  l'amour   et  les   plaisirs,  la 
bonne  chère  et  les  vins  délicieux,  la  magni- 
licence  des  spectacles,  les  agréables   intri- 
gues du  théâtie  ;  en  un  uîoI,  les  phis  doux 
))asse-lemps  de  la  vie  font  la  pins  grande 
partie  de  leur  cuite.  Mais  pour  vous,  vous  aviz 
une  religion  sombre  et  ch.igrine  :  vous  ado- 
rez un  homme  qui  a  été  cloué  à  une  croix, 
qui  ne  |)eut  souifrir  ((u'on  jouisse  de  tais 
ces  plaisirs,  qui  cond  nnn  '  la  joie,   qui  se 
plaît  à  avoir  dus  adoraleu-rs  evlénués  par  les 
jeunes  ;   enlin,  qui    conseile    une  clia^teto 
triste  et   infé>;  nde.   Mais  apr'^s   tout,   (;uel 
<q)pui  peut-un  attendre  de  ce  Dieu,  quel  l)i'nî 
peut-il  faire  a  ceux  qui    -'vdla- lient  à  son 
service,  lui  qui  n'a  pu  garai;tir  sa  vi(^  de  1  at- 
tentat formé  co:  ti'e  elle  par  le>  dtrn  .rs  des 
IiouniKîS  ?  J'ai  bien  voulu  vous  reprcsen'  r 
toutes  ces  choses,  aiin  qu<-,  renonçant  <\  cet  o 
leligion  larouc-he.  et  sauvage,  vo.is  ih'  son- 
giez pins  qu'à  passer  votre  jeunesse  ii'<rmi 
les  doux  et  tendres  amu-enn-nts  de  cel  âge, 
destiné  par  la  nature  h  la  joii  ssaïK.    d>-  tous 
les  contcuteiiKnils  que  le  monde  oll're  à  ceux 
(|ui  (iii  sav(  Ml  l'aire  un  bon  us.ige.  »  Le  b  eii- 
h(!ureux   J"]pii)0(l(î   ré,;ouilit   ai    go.ivein.nr 
en  ces  teimes  :   «   La  lAiAce  di'  Jésus-Christ 
mon  maître,  el  la  foi  catholicpie  ipie  je  nro- 
l'>  sse,  ne  me  laissinont  jamais  surprenurc  il 
la   douceur   empoisonnef    de    vos    paroles. 
>  «lus  feignez  d'être  sensible  aux  maux  (|uo 


135 


ALI-: 


je  me  prépare  ;  mais  sachez  que  je  ne  regarde 
cette  fausse  compassion  (pie  comme  une  v<';- 
ritable  ciu.iuti^.  La  vie  (\ue  vous  me  [)ropo- 
sez  est  pour  moi  une  élernclle  mort,  et  la 
moiidont  vous  me  menacez  n'est  qu'un  {)as- 
sage  h  une  vie  <iui  ne  linira  jamais;  il  est 
glorieux  de  mourir  d'une  main  comme  ia 
vôlre,  accoulum(^e  <i  répandi'c  le  sang  de 
ceux  (pii  refusent  d"ai»andt)'iner  le  parti  de 
la  vertu.  Au  reste,  ce  Dieu  que  nous  ado- 
rons, ce  souverain  Seigneui-  de  tout  l'uni- 
vers ;  en  un  mot,  ce  Jc^sus  que  vous  diies 
avoir  soutF(^rt  le  su|)p!ice  de  la  croix,  savez- 
vous  qu'il  (^st  ressuscité  ?  qu'Homme  et  Dieu 
tout  ensemble  il  s'est  élevé  dans  le  ciel  par 
sa  propre  vorlu,  traçant  lui-même  à  ses  ser- 
viteurs un  chemin  à  l'immortalité,  et  leur 
préparant  là-haut  des  trùnes  tout  brillants 
de  gloire  ?  Mais  je  m'aperçois  que  ces  choses 
sont  trop  relevées  [)our  vous,  je  veux  bien 
me  rabaisser  en  votre  faveur  et  vous  parler 
le  Jaiiga^ie  des  hommes.  Les  ténèbres  dont 
votre  esprit  esl  couvert  sont-elles  si  éjiaisses 
qu'elles  ne  vous  laisse;  t  pas  voir  (jue  tout 
homme  est  composé  de  deux  'iitférentes  sub- 
stances, l'àme  ei  \(^  c  -rps  qui  lui  obéit  ;  ces 
plaisirs  infâmes  que  vous  me  vantez  tant 
flattent  agréablement  le  corps,  mais  il  s  donnent 
la  mort  à  l'âme.  Pour  nous,  nous  prenons 
le  parti  de  nctre  ame  contre  notre  corps,  et 
nous  la  défendons  des  vices  qui  l'attaquent. 
Ne  nous  vantez  [loinltant  votre  piété  envers 
vos  dieux  immortels  :  le  premiei-  et  le  plus 
grand  de  vos  diiux,  c'est  \otre  ventre;  vous 
lui  sacrifiez  la  pius  noble  partie  de  vous- 
raém  s  ;  et  vous  rabaissant  jusqu'à  la  nature 
des  bêtes,  après  avoir  vécu  comme  elles, 
vous  naîtendez  qu'une  fin  'pareille  à  la  leur. 
Mais  lors(|ue  nous  périssons  par  vos  ordres, 
que  font  vos  tourments,  sinon  de  nous  faire 
passer  du  temps  à  l'éternité,  et  des  misères 
d'une  vie  mortelle  au  bonlieur  d'une  vie  qui 
n'ist  plus  sujette  à  la  mort?  »  Le  gouver- 
neur ne  put  lefuser  son  admiration  à  un 
discours  si  rempli  de  sagesse  et  de  généro- 
sité ;  il  en  fut  toucijé  :  mais  ce  sentiment 
ne  dura  p;.s  longtemjis,  et  la  honte,  le  dépit 
et  la  ra,^e  lui  succéder,  ni  bi  ntôt  avec  tou- 
tes les  hcrreurs  qui  les  accompagnent.  Ne 
pouvant  donc  '"ési-ter  à  ces  trois  furies,  il 
commanda  qu'on  frappilt  à  coums  de  po;ng 
celle  bouche  qui  avait  [.arlé  avec  tant  d'élo- 
quence. La  douleur  que  ressentit  le  saint 
maityr  ne  fit  qu'afiVrmir  sa  constance;  et, 
malgié  le  sang  qui  sortait  de  sa  bouche  avec 
une  partie  de  ses  dents,  il  ne  laissa  pas  ue 
profé.er  ces  paroles  :  «  Je  confesse;  que  Jé- 
sus-Chrisi  est  un  seul  Dieu  avec  le  i*èi  e  et 
le  Saint-Espiit  ;  il  est  juste  que  je  lui  rende 
une  (Uiie  q  li  est  sortie  de  ses  mains  et  qu'il 
a  rache  et;  de  son  sang.  Ainsi  la  vie  ne  m'est 
point  ôtée,  elle  n"est  que  cliangée  en  une 
plus  heureuse  ;  et  il  m'im[)orte  peu  de  quelle 
manière  ce  corps  cesse  de  vivre,  })Ourvu  que 
l'espiit  qui  i'anmie  retourne  à  celui  qui  lui 
a  donné  l'être.  »  A  peine  saint  Kpipode  eut 
fini  ces  derniers  mots,  que  le  juge  le  fit  éle- 
ver sur  le  chevalet  et  placer  des  bourreaux 
à  droite  et  à  gauche,  qui  lui  déchirèrent  les 


ALÈ  1S4 

côtes  avec  des  ongles  de  fer.  Mais  voilh 
(pie  tout  à  cou[)  on  entend  un  bruit  elfroja 
ble  :  tout  le  peuple  demande  le  mari^^r; 
il  veut  qu'on  le  lui  abandonne.  Les  uns  ra- 
massent des  pierres  j)Our  l'eu  accabler;  les 
autres,  plus  furieux,  s'ollVent  à  le  mettre  en 
piôc(3s  ;  tous  enfin  trouvent  la  cruauté  du 
gouverneur  trop  lente  à  leui'gré.  11  n'est  pas 
lui-nuîme  en  sûreté.  Surpris  de  cette  vio- 
lence inopinée ,  il  craint  (ju'on  ne  viole  le 
respect  dii  à  son  caractère,  el  désirant  assou- 
|)ir  dès  sa  naissance  ce  commencement  de 
sédition,  il  fcut  enlever  le  martyr,  et,  sans 
donner  le  temps  aux. mutins  de  poursuivre 
leur  attentat,  il  le  fait  tuer  d'un  coup  d'épéc. 
Ainsi,  par  une  disposition  favorable  de  la 
Providence,  l'emportement  les  ennemis  de 
saint  Epipode  ne  fit  que  hâter  la  fi:i  de  son 
martyre ,  Jésus-Christ  se  h.Uant  lui-même 
de  couronner  son  serviteur.  Ce|)endai.t  le 
gouverneur  bi  ûlait  d'impatience  tle  tremper 
dans  le  sang  d'Alexandre  ses  mains  encore 
fumantes  de  celui  de  son  cher  Epipode.  Il 
1  avait  laissé  un  jour  en  prison,  et  remettant 
son  interrogatoire  au  jour  suivant ,  il  se  le 
fit  amener  uans  le  dessein  de  pouvoir  par 
son  supplice  rassasier  sa  fureur  et  celle  de 
tout  le  peui)le.  Il  fit  toutefois  son  etfort  sur 
lui-môiue,  et,  retenant  avec  peine  les  mou- 
vements imj)étueux  d'un  couiroux  a  eugle, 
il  vouiut  bien  tenter  la  voie  de  la  douceur 
avant  que  de  prendre  celle  des  tourments. 
«  Vous  voilà,  lui  dit-il,  encore  maître  de 
votre  destinée  ;  pruiiiez  du  délai  qu'on  vous 
douiie  et  de  l'exemple  de  ceux  qu'un  f<-l  en- 
têtement a  lait  péiir.  Grâces  aux  dieux  im- 
mortels, nous  avons  fait  une  si  bonne  guerre 
aux  sectateurs  du  Christ,  que  vous  êtes  pres- 
que le  seul  qui  soyez  resté  de  ces  misé.ables  : 
car  enfin  ajiprenez  que  le  comjiagnon  de  vo- 
tre impiété  ne  vit  plus  ;  cessez  donc  de  vous 
piome.tre  l'impunité  si  vous  persévérez 
d.ins  votre  crime  ;  ayez  pitié  de  vous-même, 
et  venez  remercier  les  d.eux  d'une  vie  qu'ils 
ont  la  bonté  de  vous  conserver.  —  C'est  à 
mon  Dieu  (|ue  je  dois  toute  ma  reconnais- 
sance ,  répondit  AlexatKiie  ,  que  son  nom 
adorable  suit  béni  à  jamais.  Vous  croyez 
m'épouvanler  par  le  souv>-iiir  que  vous  l'ap- 
peîez  dans  ma  mémoire  des  touiments  C|ue 
tant  de  martyrs  ont  enduri'S  ;  mais  sacîhez 
que  vous  ne  faite-  qu'enilammei-  davantage 
l'urde.ir  que  j'ai  de  les  suivre  en  reir.içant 
à  mes  yeux  leurs  tr.omphes.  Pensez-vous 
avoir  fa.t  péiii-  ces  âmes  bienheureuses,  que 
vous  avez  chassées  >ie  leur  co  ps  à  fui  ce  de 
supplices;  désabusez-vous,  eles  sont  dans 
le  Ciel  où  elles  régnent.  Mais  le  cr-oirez-vous  ? 
ce  sont  les  persécuteurs  eux-mêmes  qui  ont 
péri  en  cette  rencontre.  Que  j'ai  pitié  de 
l'erreur  oii  je  vous  vois  !  Ce  nom  sacré,  que 
vous  vous  imaginez  pouvoir  éteindre  dai.s 
les  flots  de  sang  que  vous  versez,  n'en  est 
que  [dus  éclatant.  Cette  religion  que  vous 
prétendez  renverser  par  vos  faibles  eU'orts  , 
c'est  Dieu  qui  en  a  jeté  les  fondements,  ils 
sont  inébranlables  ;  la  vie  puie  et  sainte  des 
chrétiens  soutient  l'édifice,  et  leur  mort  pré- 
cieuse l'augmente  el   l'embellit.  C'est'  cq 


iôo 


ALE 


ALE 


ize 


niêiiie  Dieu  qui  a  fait  le  ciel  et  la  terre ,  et 
il  règne  par  sa  justice  dans  les  enfers.  Ap- 
prenez que  les  âmes  auxquelles  vous  croyez 
donner  la  mort  s'éihappent  de  vos  mains  et 
prennent   leur    essor  vers   le    ciel  où    un 
royaume  les  attend,  au  lieu  que  vous  descen- 
drez dans  l'enfer  avec  vos  dieux.  En  faisant 
mourir  mon  cher  frère,  vous  avez  assuré  son 
bo'.dieur,  et  je  meurs  d'impatience  de  le  par- 
tager avec  lui.  Qu'attendez-vous  donc?  Je  suis 
chrétien,  je  l'ai  toujours  été,  je  ne  cesserai 
de  l'être.  Vous  i)ouvez  cependant  tourmen- 
ter ce  corps  qui ,  étant  formé  de  terre,  est 
sujet  aux  puissances  de  la  terre  ;  mais  mon 
âme,  d'une  nature  toute  céleste  ,  ne  recon- 
naît point  votre  i)Ouvoir;  et  celui  qui  l'a 
créée  saura  bien  la  garantir  de  votre  cruauté.  » 
Ce  discours  ne  lit  qu'augmenter  dans  l'âme 
du  gouverneur  la  honte  et  la  colère.  Il  lit 
étendre  le  saint  martyr  les  jambes  écartées, 
et  trois  bourreaux  le  frappaient  sans  relâche. 
Ce  tourment  ne  diminua  rien  de  la  sainte 
fierté  de  ce  généreux  athlète  ,  et  il  no  s'a- 
dressa jamais  qu'à  Dieu  pour  implorer  son 
secours.  Comme  sou  courage  ne  se  démen- 
tait point ,  et  qu'il  commençait  à  lasser  les 
bourreaux  qui  s'étaient  déjà  relayés  plusieurs 
fois,  le  gouverneur  lui  demanda  s'il  persis- 
tait toujours  dans  sa  première  confession. 
«  Oui,  répondit-il,  d'un  ton  d'autorité,  et  qui 
témoignait  la  grandeur  de  sa  foi  ;  car  vos 
dieux  ne  sont  que  de  mauvais  démons  ;  mais 
le  Dieu  quej'adore,  et  qui  seul  est  tout  puis- 
sant et  éternel ,  me  donnera  la  force  de  le 
confesser  jusqu'au  dernier  soupir.  Il  sera  le 
conservateur  et  le  gardien  de  ma  foi.  »  Le 
gouverneur  dit  alors  :  '(  Je  vois  la  pensée  de 
ces   misérables  ;   leur  fureur   insensée    est 
montée  à  un  tel  point ,  qu'ils  mettent  toute 
leur  gloire  dans  la  durée  de  leurs  soutiVan- 
ces  ,  et  ils  croient  par  là  avoir  remporté  une 
victoire  signalée  sur  ceux  qu'ils  nomment 
leurs  persécuteurs  ;  mais  il  faut  les  guérir  de 
cette  folle  présomption.  »  Puis,  s'etforçant 
de  prendre  un  ton  [)lus  grave  et  plus  modéré, 
il  prononça   celle   sentence  :  «    Etant  une 
chose  contraire  au  bon  exemple  et  au  respect 
dû  à  la  religion  des  dieux  et  à  la  dignité  de 
notre  siège ,  de  soull'rir  plus  longtemps  l'o- 
piniâtreté impie   du   nommmé  Alexandre , 
convaincu  de  christianisme  ;  et  comme   ce 
serait   en  quehpie   sorte  s'en  rendre  com- 
plice que  d  en  dilïérer  la  punition,  nous  or- 
donnons qu'il  sera  attaché  à  une  croix  |)0ur 
y  expier  son  crime  par  sa  mort.  »  Les  bour- 
reaux prirent  aussitôt  ce  saint  et  le  lièrent 
à  ce  bois  qui  est  devenu  le  signe  de  notre 
salut.  11  n'y  demeura  pas  beaucoup  sans  y 
expirer;  car  son  corps  était  si  fort  déciiiré 
dans  cette  cruelle  llagellation,  que  ses  cotes 
décharnées  laissaient   voii-  à  découvert  les 
entrailles.  Ayant  donc  son  âme  unie  à  Jé- 
su.s-(Jhrist,  il  la  lui  rendit  en  invo([uanl  son 
saint   nom.   Im  lomheau   réunit  deux  amis 
que  la  mort  seule  avait  pu  séparer  durant 
<{iit;lqu(.'S  moin(;iils  ;  les  lidèlcs,  ayant  enlevé 
secreleuKuit  leurs  corj^s  ,  allèrent  cacher  ce 
pieux  larcin  dans  un  endroit  iMconnii  aux 
inlideles.  Il  y  avait  sur  le  penchant  d'une  des 


collines  de  la  ville  un  enfoncement  couvert 
d'arbres  épais  ;  là  ,  parmi  des   broussailles  , 
on  trouvait  une  espèce  de  grotte  :  la  chute 
des  eaux  l'avait  insensiblement  creusée  ,  et 
leur  humidité  féconde  avait  fait  naître  à  l'eii- 
tour  des  ronces  et  des  épines  qui  en  déro- 
baient la  vue  à  ceux  que  le  hasard  condui- 
sait en  ces  lieux  écartés.  Ce  fut  cette  ca- 
verne qui  fut  choisie  j)Our  être  la  dépositaire 
des  sacrées  dépouilles  de  uos  martyrs,  et  qui 
les  mit  à  couvert  d'une  seconde  persécution 
des  païens,  qui,  par  une  inhumanité  incon- 
nue aux   peuples  les  plus  barbares  ,  refu- 
saient aux  morts  le  repos  de  la  sépulture.  Ce 
lieu  est  devenu  dans  Ja  suite  célèbre  par  les 
miracles  qui  s'y  o[)èrent  tous  les  jours,  et  qui 
y  attirent  la  dévotion  du  peuple.  Et  voici  ce 
qui  commença  à  le  mettre  en  réputation  : 
une  maladie  Contagieuse  ravageant  toute  la 
ville  de  Lyon,  un  jeune  homme  de  condition, 
consumé  des  ardeurs  d'une  lièvre  maligne, 
fut  averti  en  songe  d'avoir  recours  aux  re- 
mèdes que  lui  donnerait  une  certaine  femme 
qui  lui  fut  nommée.  C'était  celle-là  même 
qui  avait  le  soulier  de  saint  Epipode.  Elle 
fut  fort  surprise  de  la  prière  qu'on  lui  faisait 
de  vouloir  s'employer  à  la  guérison  de  ce 
jeune   gentilhomme  ;   elle    dit   ingénument 
qu'elle  n'avait  aucune  connaissanc  de  la  mé- 
decine; qu'à  la  vérité  elle  avait  guéri  plu- 
sieurs maladies  par  le  moyen  du  soulier  qui 
avait  servi  à  un  saint  martyr,  et  que  Dieu 
avait  fait  tomber  entre  ses  mains  pour  la 
récompenser   de  l'hospitalité  qu'elle    avait 
exercée  envers  ses  serviteurs.  En  môme  temps 
Lucie  (c'est  ainsi  que  se  nommait  cette  cha- 
ritable veuve)  lit  la  bénédiction  sur  un  verre 
d'eau,  qu'elle  présenta  au  malade  ;  il  ne  l'eut 
pas  i)lutot  ])ris,  que  le  feu  de  sa  lièvre  s'é- 
teignit, non  par  un  ettel  naturel,  mais  par 
un  miracle  de  la  toute-])uissance  divine.  Le 
bruit  de  cette  merveille  se  répand  par  toute 
la  ville  ;  la  foi'  chrétienne  est  exaltée,  le  pou- 
voir des  saints  est  reconnu.  Une  multitude 
de  peuple  court  en  foule  au  tombeau  des 
martyrs,  demande  la  santé,  la  reçoit,  et  avec 
la  santé,  la  grâce  du  ciel  et  la  lumière  de 
l'Evangile  ;  on  ne  cherche  que  la  guérison 
du  corps,  et  on  obtient  encore  celle  de  l'âme. 
Les  miracles  se  multii)lient,  et,  à  l'aspect  de 
cette  sainte  caverne,  les  démons  sortent  i\i's 
corps,  les  maladies  prennent  la  fuite ,  tous 
les  maux  disparaissent ,  et  il  s'y  })asse  de  si 
grandes  choses,  que  l'incrédulité  est  obligée 
d(î  se  rendre  malgi-é  elle  à  l'évidence  des 
faits.  (îardons-nous  donc  d'être  incrédules  ; 
la  i)uissance  de  Dieu  aime  à  se  découvrir 
aux  esprits  dociles,  elle  les  favorise,  elle  les 
aime  ;  mais  elle  se  réserve  pour  ceux  (pii 
(hjulenl,  et   elle  ne  daigne  riiMi  opérer  eu 
leur  faveur.  (Kuiuarl.  )  —  G,  22  et  2'i.  avril. 
AEEXANDUK  (saint),  fut  martyrisé  à  Lyon 
durant   la   pcu'sécution   de    Marc-Aurèle.  11 
était  de  Phrygii;   et  médecin.    «    C'était  un 
homiiKi  révéré  (h;  tous   les  lidèles  pour  son 
•  irdeiitc!  charité  enver's  Dieu,  et  pour  celle  li- 
bellé vraiment  ajxistoliipK!  avec  laquelle'    il 
prêchait  la  loi  de  Jesiis-llhrisl  (car  il   avait 
reçu  de  lui  la  grâce  et  la  mission  pour  aiuion- 


137 


ALE 


ALE 


11^8 


nor  .os  vtTilôs  de  l'Evangilo  i  ;  et!  saiiil 
lionuiie  s'(Hait  a|)|)roL;lu''  du  liibunal,  et  par 
tif's  signes  i-t'(l()ul)l('s  cxlioi'lail  ceux  (|iii  su- 
bissaient riuterrogaloire  à  denieurei'  l'eruies 
dans  la  loi.  A  lo  voir  s'agiter,  l'aire  des  Res- 
tes (le  la  main  et  ilos  mouvements  do  la  tète 
et  des  yeux,  et  don-ier  h  tout  son  corps  di- 
verses contorsions,  ou  l'eût  pris  |)Our  une 
Ceunne  <]ui  soutire  les  tranchées  de  l'enlan- 
Irmefit.  Le  i)eui)le  qui  s'en  a[)erçut  et  qui 
('•(ait  au  désespoir  de  ce  que  ceux  (pii  avaient 
renoncé  la  foi  la  confessaient  avec  une  nou- 
velle ferveur,  tourna  l(mte  sa  rage  contre 
Al(!xandre,  l'auteur  de  ce  cliang(Mnent,  qu'il 
rei;ardait  connue  un  crime  énorme,  et  l'ayant 
sur  l'heure  déféré  au  gouveineur,  ce  magis- 
j  trat  lui  demanda  qui  il  était  :  il  lépondit 
■  (|u'il  était  chrétien;  ce  qui  ayant  mis  le  juge 
en  co!ère,  il  le  condannia  aux  bêles.  Le  len- 
demain donc,  on  le  vit  entrer  avec  Atlale 
dans  rampliilhéàtro  ;  car  lo  président,  pour 
faire  plaisir  au  peui)le,  avait  résolu  d'cxp(3- 
ser  encore  celui-ci  aux  bètes.  Ainsi  l'un  et 
l'autre,  après  avoir  enduré  tous  les  tour- 
monts  ordinaires  de  l'amphithéâtre,  furent 
égorgés.  Alexandre  ne  poussa  pas  le  moin- 
dre soupir  ;  mais  se  retirant,  |)Our  ainsi  dire, 
tout  eu  lui-même,  il  s'entre: int  toujours 
avec  Dieu.  )i  (Ruinart.)  —  Sa  fête  arrive  le 
•22  avril. 

ALEXANDRE  (saint),  versa  son  sang  pour 
la  défense  de  la  foi  chrétienne,  avec  saint 
Gains,  à  Apamée  en  Phrygie  :  nous  ne  savons 
sur  leur  compte  que  ce  que  nous  dit  Eusèbe 
d'après  Astérius  IJrbanus,  auteur  contempo- 
rain. Tous  deux  étaient  de  la  ville  d'Eumé- 
nie,  dans  la  grande  Phrygie.  Cette  contrée 
était  celle  oii  les  montanistes  avaient  fait  le 
plus  (le  progrès  ;  elle  était  entièrement  in- 
fectée de  leur  hérésie.  Quand  par  hasard  des 
catholiques  se  trouvaient  arrêtés  avec  des  hé- 
rétiques, ils  se  séparaient  d'eux  et  déclaraient 
qu'ils  n'avaient  jjas  la  môme  foi.  Les  deux 
sanits  de  qui  nous  parlons,  s'étant  trouvés 
arrêtés  avec  des  montanistes,  déclarèrent 
qu'ils  se  séparaient  entièrement  d'eux,  et  que 
leurs  croyances  n'étaient  pas  les  mêmes.  On 
met  leur  martyre  sous  Marc-Aurèle,  d'au- 
tres le  placent  sous  Sévère.  L'Eglise  célèbre 
leur  fête  le  10  mars. 

ALEXANDRE  (saint),  de  Jérusalem,  évê- 
que  et  martyr,  fut  un  des  plus  glorieux  dis- 
ciples de  la  fameuse  école  d'Alexandrie.  Ce 
fut  1.1  qu'il  étudia  les  mystères  de  notre  re- 
ligion, sous  saint  Panthène  et  sous  saint  Clé- 
ment. Il  y  eut  pour  condisciple  le  fameux 
Origène,  avec  lequel  il  resta  toujours  étroi- 
tement lié.  11  fut  un  de  ses  protecteurs  les 
plus  constants  et  les  plus  dévoués  durant  les 
épreuves  et  les  persécutions  qu'il  eut  à  sou- 
tenir, par  suite  de  l'envie  que  lui  portait  son 
évêque.  Nous  transcrirons  ici  Ruinart  pour 
ce  qui  concerne  ce  saint  évêque. 

Nous  n'avons  point  les  Actes  de  saint 
Alexandre,  évoque  de  Jérusalem  et  martyr, 
mais  nous  avons  cru  pouvoir  y  suppléer  en 
quelque  sorte  parce  lecueil  de  diverses  par- 
ticularités concernant  sa  vie  et  sa  mort,  qus 
nous  avons  tirées  d'Eusèbe  et  des  autres  au- 

DlCilONN.    OES   PeUSKCI  TIONS.    l. 


(ions  auteurs  ue  rHisloir(î  (■(;clésiaslique.  Ou 
ne  sait  l'ien  do  positif  de  son  pays,  ni  d(^  la  ma- 
nière (prili)assa  les  [tremières  années  de  sa 
vie;et  leshistori(Misnouslemontrent  tout  d'un 
co(q»  dans  les  fei'S,  combattant  |)Our  Jésus- 
Christ,  sous  le  règne  et  (hirant  la  persécution 
de  Sévère,  environ  Tan  20'i..Au  reste,  nous  au- 
rions assez  de  [)eti(hant  à  croii-e  (ju'il  était  [)Our 
lors  évèipu'  dans  la  j)rovi)ice  de  Cappadoce,  si 
ce  sentiment  pouvait  s'accoi'der  avec  une 
lettre  (|u'ii  écrivit  en  c(î  temps-là  de  sa  pri- 
son au  peuple  d'Antioche,  au  j-ujet  de  l'or- 
dination d'Asclépiade,  dans  la(fuelle  il  ne 
j)rend  pas  la  qualité  d'évê(]ue,  mais  simple- 
ment celle  de  serviteur  et  de  prisonnier  de 
Jésus-Chiist.  Après  la  mort  de  Sévère,  la 
l)aix  ayant  été  rendue  à  l'Eglise,  Alexandre, 
étant  d(''jà  évè(jue  en  Cap|)adoce,  mais  dune 
église  dont  ou  ignore  le  nom,  lit  un  voyage 
à  Jérusalem  pour  y  rendre  ses  vceuxau  tom- 
beau de  Notre-Seigneur  Jésus-Chrisi.  Il  y  ar- 
riva dans  le  temps  que  Narcisse,  évoque  de 
cette  ville  sainte,  et  do  retour  depuis  peu 
dansson  église, aprèsunefortlongue  absence, 
la  gouvernait  à  l'âge  de  près  de  cent  ans.  Ce 
saint  vieill-ard,  croyant  n'avoir  pas  assez  de 
force  pour  soutenir  lui  seul  ie  pesant  fardeau 
de  i'épiscopat,  jeta  les  yeux  sur  Alexandre, 
pour  s'en  décharger  sur  lui  d'une  partie.  La 
chose  réussit  comme  il  l'avait  projeté; 
Alexandre  fut  retenu  à  Jérusalem,  et,  avec 
l'applaudissement  du  clergé  et  du  peuple, 
placé  sur  le  même  trône  avec  Narcisse  par 
les  évêques  de  la  province.  A  la  vérité,  il  fut 
nécessaire  que  le  ciel  se  déclarât  en  faveur 
de  cette  élection  par  des  révélations  divines 
qui  portèrentle  [teuple  et  le  clergé  à  la  faire, 
et  par  divers  miracles  qui  la  confirmèrent. 
Et  certainement  une  chose  aussi  extraordi- 
naire que  celle-là,  et  si  formel. enient  oppo- 
sée aux  canons  et  à  l'usage,  devait  avoir  de 
pareils  garants  pour  n'être  pas  condamnée 
])ar  les  autres  églises.  Rufin  s'étend  beau- 
coup sur  ces  révélations  ;  car,  après  avoir 
parlé  de  l'arrivée  de  saint  Alexandre  à  Jéru- 
salem, il  ajoute  que  le  ciel  déclara  sa  vo- 
lonté évidemment  par  des  révélations  et  des 
signes  miraculeux,  non-seulement  au  bien- 
heureux Narcisse,  mais  aussi  à  phisieurs 
personnes  du  peuple  ;  que  celui  qui  parut  le 
plus  manifeste  etle  plus  éclatant  futcelui-ci  : 
le  jour  qu'Alexandre  devait  arriver  à  Jéru- 
salem, plusieurs  fidèles  étant  sortis  hors 
l'une  des  portes  de  la  ville  pour  le  recevo'r, 
on  entendit  distinctement  une  voix  venant 
du  ciel  qui  proiéra  ces  paroles  :  «  Recevez 
))Our  votre  évêque  celui  que  Dieu  lui-même 
vous  a  destiné.  »  Mais  ce  ne  furent  pas  seu- 
lement ces  prodiges  et  ces  lévélations  qui 
contribuèrent  à  élever  saint  Alexandre  sur 
le  trône  épiscopal  de  Jérusalem  ;  la  glo- 
rieuse confession  qu'il  avait  faite  du  nom  de 
Jésus-Christ  ne  fut  pas  un  motif  moins  puis- 
sant pour  y  déterminer  les  évoques  etlei)eu- 
ple.  Eusèbe  a  piis  soin  de  nous  marquer  ce 
motif,  en  même  temps  qu'il  nous  marque 
Tannée  de  cet  événement.  «  Sévère,  dit  cet 
hisLorien,  ayant  tenu  l'empire  dix-huit  ans, 
le  laissa  par  sa  mort  à  son  fils  Antonin,  sur- 

5 


150 


ALE 


ALE 


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nommé  Caracalla,  pour  la  manière  bizarre 
dont  il  s'Iiabillait  ordiiiairemetit.Ce  fut  pour 
lors  qu'Alexandre,  du  nombre  de  ceux   qui 
avaient  généreusement  combattu  durant  la 
persécution,  et  qui,  par  une  providence  par- 
ticulière, avaient  survécu  à  la  cruauté  des 
bourreaux  et  à  la  rigueur  des  tourments,  fut 
élevé  à  l'épiscopat  en  considération  de  cette 
généreuse  et  fidèle  persévérance  à  confesser 
Jésus-Christ,  quoique  Narcisse,  qui  en   était 
évoque,   fût   encore    en  vie.  »  Au  reste,  les 
canonistes  remarquent  dans  cette  ordination 
deux  défauts  considérables   et  directement 
op[)Osés  aux  règles   de  la  discipline  ecclé- 
siastique ;  premièrement,  en  ce  qu'Alexan- 
dre fut  transféré  d'un  siège  à  un  autre  ;  en 
second  lieu,   en  ce  que,  du  vivant  même  de 
révoque  Marcisse,  il  lui  fut  donné  pour  suc- 
cesseur, ou  du  moins   pour  coadjuteur,  n'y 
avant  encore  eu  dans  l'Eglise   aucun  exem- 
ple de  ces  sortes  de  substitutions;  et  voilà 
où  l'on  f)eut  prendre  l'origine  des   coadju- 
teurs,  qui  sont  maintenant  un  peu  plus  fré- 
quents qu'ils  ne  l'étaient  eii  ce  temps-là.  A 
la  vérité,  Alexandre  doit  plutôt  être  nommé 
successeur    que    coadjuteur    de    Narcisse, 
comme  le  remarque  M.  de  Valois,  et  comme 
Alexandre  semble  Tinsinuer  lui-même  dans 
sa   leltre   au   peuple  d'Antinoé,  «  Narcisse, 
leur  dit-il,  vous  salue,  cet  illustre  vieillard, 
âgé  de  cent  seize  ans,  qui  avant  moi  a  rem- 
pli si  dignf'ment  le  siégede  Jérusalem  ;  d'où 
ron  pourrait  conclure  quon  aurait  conservé 
à  Narcisse  le  nom  d'évêque  et  les  honneurs 
de  l'épiscopat  ;  mais  qu'Alexandre  en  aurait 
eu  l'autorité   et   la  juridiction,  qu'il  aurait 
exercée  non  pas  au  nom  de  l'ancien,  ce  que 
font  aujourd'hui  les  coadjuleurs,  mais  en  son 
propre  nom  et  par  le  droit  de  son  élection  et 
de  sa  consécration.  «Après  tout,  il  faut  avouer 
de   bonne  foi  que  presque  tous  les  anciens 
auteurs  ont  dit  quAlexandre  avait  été  l'ad- 
joint de  Narcisse  et  son  collègue  dans  l'évè- 
ché  de  Jérusalem.  Au  reste,  quoique  les  ca- 
nons, pour  réprimer  l'ambition  ou  l'avarice 
de  certains  ecclésiasli({ues,  eussent  défendu 
ces  sortes  de  translations  d'un  siège  à  un  au- 
tre, et  ((u'on  donnait  des  coadjuteurs  aux  évo- 
ques, de  crainte  qu'une  môme  église  eût  en 
même  temps  deux  époux  vivants,  toutefois, 
lorsqu'une     nécessité     pressante    semblait 
l'exiger,  et  que  sans  avoir  égard  à   l'ulililé 
.  des    particuliers,  on  n'avait  en  vue  que  les 
besoins  de  l'Eglise,  alors   les  évoques   as- 
semblés dans    un  concile  provincial     pou- 
valent  dispenser  de  ces  règles,  conuno  il  pa- 
rait |iar  plusieurs    exemples   (fue  l'histoire 
ecclésiiisii(iue  nous  fournit.  I)i(;u   couronna 
d'un  glorieux  martyre  les  travaux  qu'Ale\«in- 
dre   avait   essuyés  durant  plusieurs  années 
dans  le  gouvernement  de  ses  deux  Eglises; 
car  Philippe,  qui   fut  toujours  iavoiable  aux 
chrétiens,  après  avoir  tenulempir.'  sept  ans, 
ayant  eu  pour  successeur  Décius,  c»;  nouvel 
em[»(!reur,  en  haine  de  Philippe,  «excita  con- 
tre  l'Eglise  une  nouvelle    [lersécution.    Elle 
enleva  d'abord  à  Kome  le  pape  saint  Fabien, 
à  la  place  duqu(;i  on  élut  saiiiK^orMcille.  S'é- 
tant  ensuite    étendu(^    dans   la    Palestine  , 


Alexandre  fut  cité  devant  le  président  de  la 
province  ;  là,  ayant  remporté  une  nouvelle 
gloire  [)Our  avoir  confessé  Jésus-Christ  une 
seconde  fois,  il  fut  jeté  en  prison,  quoique 
ses  cheveux  blancs  et  la  pureté  de  ses  mœurs 
le  rendissent  vénérable  à  tout  le  monde  :  il 
y  expira  après  avoir  persévéré  jusqu'à  la  fm 
dans  le  témoignage  authentique  qu  il  rendit 
plus  d'une  fois,  en  plein  tribunal,  à  la  vérité 
de  la  religion  chrétienne.  Le  Ménologe  des 
Grecs  en  fait  mention  le  12  décembre,  et  le 
Martyrologe  romain  le  18  mars. 

ALEXANDRE  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
pour  Jésus-Christ,  sous  le  règne  de  l'empe- 
reur Maximin  1".  llfut  décapité  à  Uiéts  (dans 
rOmbrie  ),  avec  saint  Silon  et  saint  Uufm, 
évêque  des  Marses  et  père  de  s.iint  Céside. 
L'Eglise  fait  leur  fête. le  11  août.  Les  Actes 
de  ces  saints,  pleins  d'erreurs  et  d'inexacti- 
tudes, n'ont  aucune  autorité. 

ALEXANDRE  (saint),  reçut  la  couronne 
du  martyre  à  Alexandrie,  sous  l'empire  de 
Dèce,  en  250,  et  sous  le  gouvernement  de 
Sabinus.  Ayant  souifert  pendant  plusieurs 
jours,  avec  saint  Epimaque,  les  horreurs  d'une 
prison  obscure,  il  fut  tourmenté  avec  les 
fouets,  les  ongles  de  fer,  et  de  mille  autres 
manières.  Le  jUge  voyant  qu'il  ne  pouvait  pas 
abattre  son  courage,  le  fit  jeter,  avec  saint 
Epimaque,  dans  une  fosse  de  chaux  vive  où 
il  fut  entièrement  consumé.  Son  corps  avec 
la  chaux  ne  faisait  plus  qu'une  masse,  où  il 
était  impossible  de  distinguerforme  humaine. 
Sa  fête  a  lieu  le  12  décembre. 

ALEXANDRE  (saint),  fut  martyrisé  àCésa- 
rée  de  Palestine,  sous  l'empereur  Valérien, 
avec  les  saints  Malch  et  Prisque.  Tous  trois 
habitaient  la  campagne  près  la  ville  ;  sainte- 
ment envieux  de  la  couronne  des  martyrs, 
ils  allèrent  àCésarée  déclarer  au  gouverneur 
qu'ils  étaient  chrétiens,  ils  furent  horrible- 
ment tourmentés  et  ensuite  livrés  aux  botes. 
L'Eglise  latine  fait  la  fétu  de  saint  Alexan- 
dre le  28  mars.  (  Voij.  l'article  de  saint  Pris- 
que.) 

ALEXANDRE  (  saint  ),  martyr,  fut  mis  à 
mortàEdesse,sousrempercuriNumérien,pHr 
ordre  du  juge  Théodore,  avec  les  saints  Tha- 
lalée  et  Aslère  et  plusieurs  autres. Voilà  tout 
ce  qu'on  sait  de  jtositif  sur  son  compte,  car 
il  ne  faut  pas  s'en  rapporter  aux  Actes  que 
nous  donne  RoUandus  ,  qui,  d'après  lui- 
même,  s-mt  [deiiis  d'absurdités.  (Voy.  saint 
TiiALALÉK.  L'I'iglisefaitlaiêtede  saint  Alexan- 
dre le  20  mai. 

ALEXANDRE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire 
de  verser  son  sang  pour  hi  religion  à  Thes- 
salonique,  et  durant  la  persécution  de  Maxi- 
mien.  On  ignore  répoiiue  et  hîs  ciiconslan- 
ces  de  ses  eomb  its.  L'Eglise  honore  sa  mé- 
moire le  9  iKjvembre. 

ALEXANDUK  (saint),  martyr,  était  soldat 
dans  la  légion  Thébéenne.  Ayant  confessé 
Jésus-Christ,  il  fut  décapité  a  Rergame  en 
Lombardie,  et  accomplit  ainsi  son  martyre. 
On  ignore'  l'époipu;  de  son  martyre.  L'Eglise 
célèbre;  sa  mérnoire  le  20  août. 

ALEXANDRE  (saint),  tils  de  saint  Claude  et 
de  sainte  Prépédignc,  fut  arrêté  [)Our  la  foi  au 


lit 


ALE 


ALE 


in 


temps  de  la  persc^culio'i  de  l'eiupereiir  Dioclé- 
tien, avec  son  \)('Vii  el  sa  mère,  son  oncle  Ma- 
xime et  son  IVéïeCulins.  l.e  lyran  |)ar  l'ordre 
duquel  ils  avaient  été  arrètéseutd'abord  égard 
à  leur  naissaîice,  et  à  leur  positio!i.  Ils  appar- 
tenaient ù  une  lamille  exlrèniemenl  illustre. 
Il  11  s  condamna  d'abord  à  l'exil,  mais  bien- 
tôt, se  re|)er)tant  d'nnc^  douceur  qui  n'était 
ni  dans  ses  habitudes  ni  dans  son  caractère, 
il  ordonna  qu'ils  [)érissenl  tous  au  milieu  des 
llamraes.  La  seitence  fut  exécutée  dans  la 
ville  d'Ostie.  Cette  sainte  famille  mouiut 
donc  tout  entière  sur  le  bûchei',  offrant  à 
Dieu  son  saeritice  avec  un  courage  vraiment 
admirable.  Les  païens,  qui  ne  voulaient  i)as 
que  les  chrétiens  pussent  reeueillii'leui'S  re- 
li(|ues,  les  jetèrent  dans  le  Tibre  ;  mais  la 
plus  grande  partie  put  être  reprise  et  enter- 
rée près  de  la  ville.  La  fête  de  ces  saints 
martyrs  est  célébrée  par  l'Eglise  le  18  fé- 
vrier. 

ALEXANDRE  (saint),  martyr,  répandit 
son  saMg  pour  la  foi  à  Césarée  en  Palestine, 
sous  le  président  Urbain,  dans  la  persécution 
de  Dioclétien.Le  Martyrologe  romain  lomrae 
ses  compagnons  de  martyre,  qui  sont  un  au- 
tre saint  Alexandre,  saint  Timolaùs,  les 
deux  saints  Denys,  saint  Pauside,  saint  Ro- 
mule  et  saint  Agape.  L'Eglise  célè!>re  la  mé- 
moire de  ces  glorieux  mart.  rs  le  2i  mars. 

ALEXANDRE  (  saint  ),  martyr,  fut  déca- 
pité au  môme  lieu  et  dans  les  mêmes  cir- 
constances que  le  saint  précédent.  (  Voy.  ci- 
dessus.) 

ALEXANDRE  (saint),  laboureur,  habitait 
la  Pampliylie,  sous  le  règne  et  durant  la  per- 
sécution de  Dioclétien.  Il  fut  arrêté  avec  saint 
Atte,  saint  Léonce  et  six  autres  laboureurs, 
que  le  président  Flavien  (it  décapiter  à  Perge. 
L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  1"'  août. 

ALEXANDRE  (saint),  dit  le  Charbonnier, 
martyr,  devint  évoque  de  Comanes,  dans  le 
Pont,  dans  les  circonstances  suivantes  :  les 
habitanis  de  cette  ville,  qui  étaient  devenus 
très-nombreux,  sentirent  le  besoin  d'un  évo- 
que sage,  qui  |  ût  les  diriger  dans  la  voie  du 
salut.  Vers  l'an  248,  ils  députèrent  vers  saint 
Grégoire  le  Thaumaturge,  pour  le  prier  de 
venir  les  soutenir  de  ses  conseils  dans  l'élec- 
tion qu'ils  voulaient  faire  d'un  évèque.  Au 
jour  désigné,  on  présenta  au  saint  évoque 
plusieurs  candidats  remarquables  par  leur 
richesse  et  leurs  connaissances.  Mais  aucun 
ne  plut  à  saint  Grégoire,  qui  dit  au  peuple, 
que  dans  une  sphère  moins  élevée ,  on 
pourrait  trouver  un  homme  digne  de  les  di- 
riger. Un  assist.Tnt  dit  en  plaisantant  que 
l'on  pourrait  donc  fixer  le  choix  sur  Alexan- 
dre le  Charbonnier.  Le  saint  évèque  pria  les 
assistants  de  lui  amener  cet  homme,  qui  se 
présenta  les  mains  et  le  visage  couveits  de 
poussière,  qui,  par  sa  couleur  noire,  témoi- 
gnait assez  du  métier  qu'il  faisa.t.  Le 
peuple  l'accueillit  par  des  rires.  Mais  saint 
Grégoire,  faisant  approcher  cet  homme,  causa 
avec  lui,  le  reconnut  pour  être  au-dessus  de 
sa  profession,  et  lui  ût  avouer  qu'il  était 
d'une  noble  famdle,  et  se  livrait  ainsi  au  mé- 
tier de  charbonnier,  afin  de   gagner   plus 


sûrement  le  ciel.  Saint  Grégoire  raconta 
son  histoire  au  peuple,  qui  le  désigna  aussi- 
tôt poiu-  son  évè(pie.  Al  xaiidn;  répondit 
y)arfaitenient  à  la  haute  i(]é(^  que  saint  (Gré- 
goire le  Thaumaturge  s'était  formée  de  lui 
el  mérita  que  saint  Grégoire  de  Nysse,  dans 
son  panégyri(pie  de  saint  (irégoiie  le  Thau- 
maturge, parIcU  de  lui  en  termes  fort  hono- 
rables. Ce  saint  évèque  soullrit  le  martyre  par 
le  feu.  On  n'est  pas  d'accord  sur  l'époque  de 
sa  mort,  maison  la  [)]ace  généralemcmt  dans 
le  temps  de  la  persécution  que  l'empeieur 
Dèce  (it  souffrir  aux  chrétiens.  L'Eglise  ho- 
nore sa  mémoire  le  11  août. 

ALEXANDRE  (saint),  soldat,  eut  la  tête 
tranchée  pour  la  foi  durant  la  persécution 
de  Maximien.  Il  accom|)lit,  dit-on,  de  i. om- 
breux miracles,  et  soutint  (ie  violents  com- 
bats pour  la  sainte  cause  qu'il  défendait,  il 
consomma  son  sacrihce  dans  la  vihe  de 
Drisipare  en  Pannonie.  L'Eglise  fait  sa  fôte 
le  27  mars. 

ALEXANDRE  (saint),  l'un  des  soldats  qui 
gardaient  saint  Victor  dans  sa  prison  à  Aiar- 
seille,  se  convertit  en  voyant  la  lumière  mi- 
raculeuse qui  éclaira,  duiant  la  nu. t,  cette 
prison.  AJaximien  l'ayant  su,  tii  venir  saint 
Victor  avec  les  trô  s  soldats  conveitis, 
Alexandre,  Longin  et  Félicien,  et  les  ht  dé- 
capiter tous  les  trois.  L'Eglise  honore  la  mé- 
moire de  ces  troio  saints,  avec  celle  de  saint 
Victor,  le  21  juillet.  {Voy.  saint  Victor  de 
Marseille.) 

.  ALEXANDRE  (saint),  martyr  à  Pyane , 
avait  d'abord  été  [laion,  et  même  ardent  per- 
sécuteur des  chrétiens.  Il  se  convertit,  sans 
que  ses  Actes  disent  de  quelle  manière.  Rol- 
landus  raconte  sa  vie  au  14  lùars.  Galère  lui 
fit  tranchiT  la  tète  en  l'année  298. 

ALEXANDRE,  gouverneur  à  Séleucie , 
sous  Dioclétien,  en  l'an  de  Jésus-Christ  304, 
fit  mourir  pour  la  foi  chrétienne  sainte  Ju- 
htte  et  son  Ids  saint  Cyr,  a^é  seulement  de 
tioisans.  Cet  homme  féroce  le  ht  d'aboid 
frap.erà  coups  de  nerf  de  bœuf,  et  ensuite  , 
l'ayant  pris  par  un  pied,  lui  brisa  la  têt  •  sur 
les  marches  de  son  tribunal.   (Voy.  sainte 

JULITTK.) 

ALEXANDRE  (saint),  martyr,  l'un  des 
quarante  m.utyrs  de  Sébaste,  sous  Licinius. 
{Voy.  Maktyus  de  Sébas:e.) 

ALEXANDRE  (saint),  martyr,  souifrit 
pour  la  foi  3  Corinthe,  sous  Julien  l'Apos- 
tat et  le  président  Salluste.  L'année  de  son 
martyre  est  inconnue,  et  les  martyrologes  ne 
donnent  point  de  détails  sur  ses  souliVan- 
ces.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  ie  24  no- 
vembre. 

ALEXANDRE  (saint),  martyr,  fut  marty- 
risé à  Alexandrie,  sous  Juhen  l'Aposlal,  avec 
Palermuthe  el  Copiés.  On  ignore  eu  quelle 
année.  L'Eglise  célèbre  la  mémoire  de  ces 
sainls  martyrs  le  Ojui.lct. 

ALEXANDRE  (saini),  po  lier,  fut  marty 
risé  pour  ia  religion  de  Jésus-Christ,  en  l'an 
3*J7,  sous  l'empire    d'Arcadius.  Les  païens 
du  canton  d'Anaune  (aujourd'hui  Val-d'A- 
nayna)   le  mirent  à  mort,  avec  saint  Lici 
nius  et  saint  Martyrius.  Pour  plus  de  détails 


r.3 


A  LE 


A  LE 


144 


(Voi/.  saint  Licimls.)  L'Kglise  honore  saino- 
nioire  lo  29  mai,  jour  anniversaire  de  sa 
mort, 

ALRXANDRK  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
avecHéraclius,  soldat  et  leurs  compagnons, 
dont  le  Martyrologe  romain  ne  donne  pas 
les  noms,  et  "dans  des  circonstances  (}iril  a 
laissées  obscures.  L'Eglise  ci-lèbre  leur  m^j- 
moire  le  2*2  octobre. 

ALEXANDRE  (saint),  martyr,  éiait  soldat 
à  Constantinople.  Ce  fut  sous  le  i)résident 
Festus  qu'il  cueillit  la  palme  du  martyre  : 
voici  à  quelle  occasion.  Sainte  Antoniue 
avait  été  condamnée  à  être  prostituée  dans 
un  lieu  de  débiuche  :  notre  saint  la  fit  éva- 
der et  se  mit  à  sa  place.  On  les  fit  soulfrir 
ensemble  ;i's  eurent  les  mains  coupées  et 
furent  ensuite  jetés  dans  un  brasier  ardent. 
On  ignore  l'époque  où  finit  leur  martyre. 
L'Itg'dse  honore  la  mémoire  de  ces  deux 
saints  martvrs  le  3  mai.  • 

ALEXANDRE  (saint),  honoré  par  l'Eglise 
comme  martyr,  à  la  date  du  17  octobre  ,  fut 
mis  à  mort  pour  la  foi  chrétienne,  avec  les 
saints  Victor  et  Marien.  L'histoire  se  tait  sur 
les  détails  de  leurs  combats. 

AI>EXANDHE  (saint),  martyr,  honoré  })ar 
l'Eglise  le  17  mars,  fut  martyrisé  à  Rome 
avec  ^aint  Théodore.  On  ne  connaît  pas  l'é- 
poque précise  de  son  martyre. 

ALEXANDRE  (saint),  rnartyr,  cueillit  la 
couronne  des  glorieux  combattants  de  Jésus- 
Christ  à  Rome,  avec  les  saints  Abonde,  An- 
tigone  't  Fortunat.  Tous  quatre  sont  honorés 
par  l'Eglise  le  27  février. 

ALEXANDRE  (saint),  évéque  et  martyr  à 
Fiesole  en  Toscane,  est  honoré  par  l'Eglise 
le  6  juin. 

ALEXANDRE  (saint),  fut  martyrisé  à  Rome 
avec  trente-huit  autres  chrétiens.  Ou  ne  sait 
pas  la  date  de  son  martyre.  L'Eglise  le  fête 
le  9  février. 

ALEXANDRE  {siùnia),  Alexandra,  martyre, 
versa  son  sang  pour  la  foi  à  Amide  en  Pa- 
phlagonie.  On  n'a  aucun  détail  sur  son  mar- 
tyre, ni  sur  l'époque  oii  il  eut  lieu.  On  sait 
seulement  qu'elle  eut  pour  compagnes  de 
souffrances  Claude  ,  Euphrasie  ,  Matrone, 
Justine,  Eupbéinie  et  Thi'odosc,  sainte  Der- 
phute  et  sa  sœur.  L'Eglise  les  honore  le  20 
mars. 

ALEXANDRIE,  ville  capitale  de  la  basse 
Egypte,  aujourd'hui  peu[)Iée  seulement  de 
.VO,O0O  habitants.  Elle  en  eut  jusqu'à  900,000 
dans  l'anlicpiité.  C'était  après  Rome  la  se- 
conde ville  du  monde  connu.  Cette  ville  fut 
très-célèbre  par  ses  richesses,  son  impor- 
tance commerciale,  ses  académies,  ses  éco- 
les de  philosophie,  et  par  sa  fameuse  biblio- 
thèipie  brûlée  par  Omar  en  (iVl.  En  202,  cette 
ville,  (jii  avait  pour  gouveriunir  Létus,  fut 
témoin  d'une  violciili!  pei'sécution  (jue  le 
gouveiTieur  fit  snbii'  aux  (;hir'li('ns,  en  a-j- 
conq)lissement  d(!  l'édit  que  S(!ptime  Sévère 
venait  du  rcJKU'e  conire  eux.  A  cotte  éixKpie 
llorissiil  il  Alexandrie,'  l'école  des  calécnèses, 
et  le  christianisme  faisait  d'inimenses  pr'-)- 
)irès  dans  celte  grande  cité.  Saint  l,éouide. 
père  d'Origine,  lut  le   premic     martyr   qui 


souffrit  |)Our  Jésus-Christ  dans  cette  persé- 
cution. Plus  tard,  Origène  étant  devenu 
le  chef  de  l'école  des  catéchèses  ,  eut  la 
gloire  de  voir  un  grand  nombre  de  ses 
disciples  payer  à  Jésus-Christ  cette  rançon 
de  sang  (jue  les  persécuteurs  prélevaient  à 
cette  époque  sur  les  chrétiens.  Saint  Plutar- 
que  et  ses  compagnons, les  deux  saints  Ser- 
nène,Héraclide,  Héron,  sainte  Heraide,  sainte 
Polamienîie,  un  soldat  nommé  Rasilide,  ver- 
sèrent leur  sang  pour  la  foi.  Origène  lui- 
même  faillit  être  victime  de  son  zèle.  Il  fut 
presque  tué  par  la  populace  qui  le  lapida. 
Depuis  cette  époque,  rien  d'absolument  mé- 
morable, en  fait  de  persécutions,  no  se  passa 
h  Alexandrie,  jusqu'<à  la  fin  du  règne  de 
l'empereur  Philippe,  c'est-à-dire  en  2^9.  A 
cette  date,  et  dans  les  derniers  mois  du  règne 
de  ce  prince,  il  s'éleva  une  tempête  popu- 
laire terrible contreles  chrétiens.  SaintDenis. 
dans  une  lettre  citée  par  Eusèbe,  s'exprime 
en  ces  ternies  :  «  La  dernière  année  du  règne 
del'einpf  TeurPhili]ipe,uncertaiiîhommed'A 
lexandrie,  quise  mêlailde  prédire  l'avenir  et 
qui  était  au-si  quelquefois  saisi  de  la  fureur 
poéiique,  se  servit  du  moiifdela  religion  pour 
animer  contre  les  chrétiens  le  peuple  decette 
grande  ville.  Comme  il  n'avait  déjà  que  trop 
de  penchant  pour  toutes  sortes  de  crimes,  il 
fut  ravi  de  trouver  une  occasion  si  favoi-f  ble 
d'accorder  son  inclination  dominante  avec 
l'intérêt  de  ses  dieux,  et  il  s'abandonna, 
sous  prétexte  de  piété,  à  tous  les  excès  que 
l'enfer,  dont  il  soutenait  le  parti  contre  le 
ciel,  put  lui  suggérer  pour  perdre  les  fidè- 
les. » 

SaintMétran,  saint  Sérapion,  sainte  Quinte, 
sainte  Apolline,  furent  les  principales  victi- 
mes de  cette  sédition.  Saint  Denis  termine 
ainsi  sa  lettre.  «  Aucun  chrétien  n'osait  se 
montrer  dc^  jour  ni  de  nuit  dans  les  rues 
d'Alexandrie  :  des  gens  couraient  aussitôt 
après  lui,  l'arrêtaient  et  le  menaçaient  du 
feu,  à  moins  qu'il  ne  prononçât  sur  l'heure 
cette  formule  impie  et  sacrilège,  qu'ils  fai- 
saient redire  après  eux.  Il  n'y  eut  qu'une 
guerre  civile  qui  put  mettre  fin  à  tant  de 
mauvais  traitements.  Pendant  ([ue  nos  enne- 
mis se  déchiraient  les  uns  les  autres,  et  qu'ils 
tournaient  contre  eux-mêmes  le  fer  et  le  feu 
dont  ils  s'étaient  servis  contre  nous,  nous 
resi)irAnies  un  peu.  » 

Nous  laisserons  saint  Denis  continuer  le 
récit  de  ce  qui  se  passa  à  Ah'xandrie  :  «  Mais 
ce  caliiKi  ne  dura  ])as  longtem[)s,  et  l'cMnjjire 
ayant  changé  de  maître,  après  un  gouverne- 
ment doux  et  modéré,  et  (juc  nous  avions 
trouvé  favorable,  nous  nous  vîmes  expo- 
sés à  de  nouvtilles  alarmes.  Il  parut  cet  hor- 
rible édit  de  l'empereur  Décins,  si  (M'uel  et 
si  funeste  à  l'Eglise,  ({u'on  a  douté  si  ce  n'é- 
taitpoint  celui  (pre  leSeigneur-avaitpr-édit  de- 
voir êtr'c  aux  élus  mêmes  un  sujet  dcscandale 
et  dv  cliuie.  L'é|)(Mivanh'  se  répandit  généra- 
h'ineni  parmi  Ions  les  lidèh-s.  l-^llc  s'empara 
d'abnr'd  d(î  (•eux  ipri,  par  Icur's  grands  bicnis 
(it  Icirr's  hautes  digrriti's,  font  dans  h;  monde 
uru!  ligur'c  «(Uisidér-abU)  ;  ds  fureirt  les  pr'o- 
niiei"'  'pii  se   i  ehilin  nt.  Il  y  en  eut  (pii,  par 


I4l 


au: 


A  LE 


140 


une  mallitnii't'usf  iiocessilé  (rongageinoiil 
([u'ils  avait'iil  :v;cc  lo  prinoc,  h  cause  des 
ad'.u'res  publiiiu/s  dont  ils  l'taiont  cliarf^i'S, 
se  virent  connue  lbrc(^s  à  avoir  pour  lui  une 
lAche  complaisance.  D'autres,  (pii  ne  pou- 
vaient résister  aux  prières  de  leurs  proches, 
se  laissaient  entraîner  aux  pieds  do  Taulcl 
des  taux  dieux  ;  (pu'hpnîs-uns  y  apportaient 
nn  visage  |)Ale  (>t  défait,  et  (pioicpi'ils  parus- 
sent être  dans  la  résolution  du  ne  !)oint  sa- 
crifier, elle  était  toutefois  si  fa  hle  et  si  chan- 
celante qu'on  aurait  plutôt  cru  (juMls  ve- 
naient pourôtre  sacrifiés  eux-niènies,  et  c{u"on 
no  pouvait  s'empêcher  do  rire  en  les  voyant 
si  peu  résolus  ou  à  mourir  on  h  sacrifier. 
D'autres  se  présentaient  sans  façon,  et  sans 
s'embarrasser  beaucoup  de  sauver  les  ap[)a- 
rences,  donnaient  de  l'encens  aux  idoles, 
l)rotestaienl  hautement  qu'ils  n'avaient  ja- 
mais été  chrétiens.  Enfin,  le  gi-and  noml)re 
se  rendit  honteusement;  plusieurs  j)rirent 
la  fuite,  et  on  en  arrêta  ciuel({ues-uns.  l^lais 
parmi  ces  derniers,  il  y  en  eut  qui  n'eurent 
de  fermeté  que  pour  sonll'rir  la  prison  et  les 
fers,  et  qui  la  virent  évanouir  dès  qu'ils 
aperçurent  le  visage  des  juges;  d'autres,  qui 
n'en  avaient  fait  fond  que  pour  les  premiers 
tourments  qu'on  leur  faisait  endurer,  et  qui 
en  manquaient  lorsqu'on  venait  à  redoubler. 
Mais  enfin  la  foi  ne  fut  [)as  abandonnée  de 
tous  ;  il  se  trouva  encore  de  ces  honnnes 
bienheureux,  de  ces  colonnes  fermes  et  iné- 
branlables et  que  la  main  du  Seigneur  avait 
elle-même  affermies,  qui  se  sentirent  une 
force  et  une  générosité  capables  de  rendre 
témoignage  à  la  vérité  de  cette  foi  et  à  la  puis- 
sance souveraine  de  Jésus-Christ.  » 

Les  saints  martyrs  qui  donnèrent  leur  vie 
pour  Jésus-Christ  dans  cette  persécution,  et 
qui  sont  nommés  dans  l'histoiie,  sont  les 
sain! s  Julien  et  Chronion,  son  domestique, 
aussi  nommé  liune,  à  cause  de  sa  fidélité  à 
son  maître,  un  soldat  nommé  Bèse  ou  Besas, 
les  saints  Epimaque  et  Alexandre  ;  saint 
Macaire,  nommé  aussi  Macar  (M«x«p),  les 
deux  saintes  Anmionaire,  sainte  Mercurie  et 
sainte  Denise  ;  d'un  autre  côté,  les  saints 
Héron,  Arsène  ou  Ater,  Isidore.  Saint  Dios- 
corc,  arrêté  avec  eux,  s'illustra  par  une  cou- 
rageuse confession  du  nom  de  Jésus-Christ. 
Némésion  fut  martyrisé  quekjue  temps  après 
eux,  ainsi  qu'un  saint  nommé  Pausophe  dans 
les  menées  des  Grecs.  A  la  même  époque, 
les  saints  Fauste,  prêtre,  Bibe,  cité  dans  les 
menées  grecques  (et  non  pas  Abibe,  comme 
le  dit  Tillemont),  et  un  saint  Macaire,  souf- 
frirent avec  onze  antres  dont  nous  ne  savons 
jias  les  noms.  Le  Martyrologe  romain  donne 
aussi  comme  ayant  reçu  la  couronne  du  mar- 
tyi-e  à  Alexandrie,  à  cette  époque,  les  quatre 
soldats  saint  Ammon,  Zenon,  Ingénu,  Pto- 
lémée  et  le  vieillard  Théophile.  Qu'ils  aient 
confessé  le  nom  de  Jésus-Christ  av-'C  infini- 
ment de  courage,  cela  n'est  pas  le  moins  du 
monde  douteux  ;  qu'ils  aient  été  martyrs , 
là-dessus  il  y  a  plus  que  du  doute  :  nous  ci- 
tons un  passage  de  saint  Denis,  qui  est  for- 
mel pour  affirmer  que  le  juge  ne  leur  fit 
aucun  mal,  et  qu'après  leur  généreuse  confes- 


sion, ils  purent  librement  sortir  du  prétoire. 
i*onr  voir  ce  morceau  de  saint  Denis,  recou- 
ic/.  au   titre  tie  saint  A]\i\io.\,   martyr  d'A- 
lexandrie). 

Saint  Jschyrion  fut  tué  p((ur  la  foi  dans 
une  petite  ville  d'Egypte;  mais,  connue  on 
peut  le  voir  à  son  titre,  sa  nuirt  fut  le  fait 
de  la  colère  de  son  maître,  et  si  elle  doit  être 
attribuée  h  la  persécution  de  Dèce,  (jui  per- 
mettait qu'un  maître  se  portAl  iin|iunément 
envers  ses  serviteurs  à  de  tels  excès  de  bar- 
barie ,  elle  ne  peut  en  aucune  façon  êlic  at- 
tribuée ni  aux  juges  ni  aux  magistrats.  Nous 
venons  d'énumérer  les  noms  des  martyrs 
d'Alexandrie  que  l'histoire  a  mentionnés 
dans  ses  fastes.  Mais  «  qui  pourrait  (c'est 
saint  J)enis  qui  parle)  dire  maintenant  com- 
bien (le  fidèles,  durant  cette  persécution  , 
ont  péri  parmi  les  déserts  et  dans  les  mon- 
tagnes, où  la  faim  et  la  soif,  le  froid  et  la 
nudité,  les  voleurs  et  les  bêtes,  h  ur  ont  ôté 
une  vie  qu'ils  cherchaient  à  dérober  à  l'épée 
des  persécuteurs.  Et  si  quelques-uns  d'en- 
tre eux  ont  échappé  à  tant  d'ennemis  jiar 
une  providence  particulière,  ils  n'ont  été 
réservés  que  pour  venir  publier  les  victoires 
de  ces  généreux  combattants,  qui,  sans  ces 
témoins,  seraient  demeurés  ensevelis  dans 
le  silence  des  solitudes  et  l'obscurité  des  fo- 
rêts. Le  saint  vieillard  Chéremon  était  évo- 
que de  Milopse;  s'étant  sauvé  avec  sa  femme 
dans  les  rochers  d'une  montagne  d'Arabie 
(nommée  Croïque  |)ar  les  géographes)  ,  ni 
l'un  ni  l'autre  n'ont  plus  paru  depuis  ;  en 
vain  les  frères  en  ont  fait  une  recherche 
exacte  :  l'on  n'a  pu  même  trouver  leurs  corps. 
Plusieurs  autres  sont  tombés  entre  les  mains 
des  Sarrasins  qui  les  ont  mis  aux  fers;  on 
en  a  racheté  quelques-uns  à  force  d'argent, 
mais  il  en  reste  encore  beaucoup  qui  n'Out 
pu  encore  être  rachetés  jusqu'ici,  » 

Sous  l'empire  de  Dioclétien,  en  l'an  de  Jé- 
sus-Christ 3i}k,  le  préfet  Augustal  Eustratms 
Proculus  fit  arrêter  sainte  Tiiéodore,  jeune 
fille  d'une  des  premières  familles  de  la  ville. 
Ne  pouvant  l'amener  à  renier  sa  loi,  il  la  con- 
damna à  perdre  sa  virginité  dans  une  maison 
de  prostitution  de  la  ville.  Elle  fut  sauvée 
par  ledévouement  d'un  jeune  hommenommé 
Didyme,  ainsi  qu'on  le  peut  voir  à  son  arti- 
cle. Le  préfet  les  condamna  tous  deux  à  être 
décapités;  ce  qui  fut  exécuté  immédiate- 
ment. 

Sous  l'empire  des  successeurs  de  Dioclé- 
tien, Maximin  Daia  étant  venu  dans  la  ville 
d'Alexandrie,  en  l'an  de  Jésus-Christ  311, 
nt  arrêter  et  mettre  à  mort  saint  Pierre  cjui 
en  était  évêque,  ainsi  que  les  prêtres  Fauste, 
Dion  et  Ammonius  ou  Ammon.  Depuis  lors 
jusqu'au  règne  de  Constance,  Alexandrie  fut 
presque  toujours  en  paix;  mais  alors  elle 
eut  à  supporter  une  des  plus  cruelles  per- 
sécutions dont  les  fastes  de  son  église  aient 
gardé  souvenir.  Elle  avait  la  gloire  d'avoir 
pour  évêque  le  grand  saint  Athanase  ,  la 
plus  ferme  colonne  de  l'Eglise  d'Orient,  ce- 
lui qui  fil  dans  ces  contrées  triompher  le 
catholicisme  de  l'arianisrae.  Ce  saint  évêque 
fut  le  point  de  mire  de  toutes  les   attaques 


147 


ALI 


ALM 


m 


des  ariens;  il  tut  chassé  par  eux  plusieurs 
fois  de  son  Eglise;  et  les  habitants  catholi- 
ques d'Alexandrie  furent  exposés  à  tous  les 
tourments,  à  toutes  les  persécutions  imagi- 
nables. Nous  ne  voulons  pas  revenir  ici  sur 
des  détails  que  le  lectenr  trouvera  à  l'article 
de  saint  Athanase.    (Foy.  George.) 

ALEXIS  (saint),  confesseur,  était  fils  du 
sénateur  Euphéinien.  On  rapporte  que  la 
nuit  iQÔme  de  ses  noces  ,  laissant  sa  femmo 
vier-;e,  il  s'enfuit  et  revint  dans  la  maison 
paternelle  après  un  long  pèlerinage.  Il  y  vé- 
cut en  qualité  de  domestique  pendant  dix- 
sept  ans,  sans  se  faire  reconnaître  de  ses 
parents.  Il  ne  fut  reconnu  après  sa  mort  que 
par  un  billet  qu'il  avait  l.iissé  et  par  une 
voix  qu'on  entendit,  dit-on,  en  plusieurs 
églises  de  Rome.  Ses  reliques  o..t  opéré  do 
nombreux  miracles  dans  l'église  de  saint 
Boniface,  où  le  papo  Innocent  l"lcs  avait  fait 
transporter.  L'Egl'so  célèbre  sa  fôie  le  17 
juillet. 

ALGER,  en  arabe,  Al-Gezair,  ville  de  l'A- 
frique septentrionale,  capitale  do  l'Algérie 
et  des  possessions  françaises  en  Afrique, 
était  de  temps  immémorial,  avant  l'occupa- 
tion des  Français  en  1830,  un  repaire  de  pi- 
rates, vivant  de  déprédations,  de  pillages  et 
de  vols.  Du  temps  des  Romains,  il  en  éiait 
ainsi.  Après  la  conquête  vand  île,  l'Afrique 
devint  le  repaire  du  fameux  Genséric  qui, 
se  fit  écumeur  de  mer  après  avoir  été  con- 
quérant, et  qui  fut  le  fléau  de  tout  l'empire. 
Il  amena  d'Italie,  de  Grèce  et  d'une  infinité 
d'autres  lieux,  une  multitude  d'esclaves  qui, 
comme  on  peut  le  voira  son  titre,  finirent 
tristL'ment  leurs  jours  sur  celte  terre  de  cap- 
tivité. Depuis,  toutes  les  dominations  qui  se 
sont  succédé  sur  ce  sol  qu'avaient  iliustré 
de  si  grands  docteurs  et  de  si  nombreux 
martyrs,  ont  semblé  prendre  à  tàclie  do 
suivre  les  traces  de  Genséric.  Plusieurs  fois 
les  souverains  d'Europe,  justement  indignés 
des  actes  de  piraterie  qui  se  renouvelaient 
sans  cesse,  envoyèrent  châtier  dais  leurs 
repaires  les  cos'saires  de  la  cote  d'Afrique  ; 
mais  ce  n'étaient  pas  des  ch.ifiinenls  qu'il 
leur  fallait;  les  cxjiéd'.tions  qu'on  envoyait 
contre  eux  n'avaient  pour  effet  rpje  de  dé- 
vaster quelques  points  dulittoral,  de  détruire 
quel  |uos  u)onume  Ils  dais  les  cités  qu'on 
bombardait;  miis  ijuelque  temps  après  les 
piiateries  rccounnençaient ,  les  insultes  \\ 
l'humaiiité  redevenaient  journalières.  Quand 
les  souverains  cliAtiaient  ainsi  ces  barbares, 
géiieialem.îut  ils  causaient,  sans  le  vo  .loir, 
\'A  mort  d'un  grand  nombre  de  chrétiens, 
sur  lesquels  tombait  la  vengeance  des  mu- 
sulmans. Ainsi,  (piand  l'escadre  de  Du- 
:îuesne  parut,  ei  1()8:{,  devant  Alger,  tes 
Turcs  mirent  le  I*.  Le  Vacher  h  la  gu(!nle 
d'un  canon,  et  ur»  boulet  (uuporla  son  coips. 
Mic'nd  Monluia'-so  1  subit  le  même  su[)plice 
le  5  juillet  l(o8,  (piand  l'amii-al  d'KsIrées 
[larul  dev.jul  Algei-  ;  W  i'rèic  François  Fran- 
cillon,  de  l'ur-lrode  la  Mission,  mourut  avec 
Ini  de  la  mùmi!  m.inière. 

ALISE,  petit    village  du  diocèse  d'Autun 


en  Bourgogne;  sainte  Reine  y  fut  marty- 
risée. Autrefois  Alise,  sous  le  nom  ù'Aleeia, 
était  une  ville  considérable,  qui  souùnt 
contre  César  un  siég'  mémorable. 

ALMANCA  (Antoine  d'),  prêtre  portugais, 
fut  un  des  derniers  prêtres  catholiques  qui 
restèrent  en  Abyssinie,  après  le  départ  ou 
la  mort  des  missionnaires,  lors  de  la  crueilo 
persécution  que  Basilidjs,  Négous  du  pays, 
suscita  contre  les  catholiques.  [Voy.  Melca 

ClIRISTOS.) 

ALMAOUE,  nom  du  préfet  du  prétoire, 
qui,  d'après  les  Actes  de  sainte  Cécile,  fit 
mettre  à  mort,  pour  cause  de  christianisme, 
cette  sainte,  ai  isi  que  Valérien  son  mari, 
Tiburce,  son  beau-frère,  et  Maxime,  l'un  de 
ses  propres  ofiiciers,  lequel  s'était  converti, 
en  voyant  comment  les  saints  que  nous  ve- 
nons de  nommer  supportaient  les  tourments 
pour  leur  foi.  Il  fit  mourir  tous  ces  saints 
sur  la  voie  Appienne.  L  "s  Actes  de  sainte 
Cécile  qui  donnent  tous  ces  détails,  sont 
remplis  de  faits  qui  obligent  à  n'y  ajouter 
qu'une  foi  très-douteuse.  L'histoire  n'a  point 
enregistré  le  nom  de  ce  préfet  du  prétoire. 

ALMAQUE  (saint),  martyr,  était  un  pau- 
vre solitaire  d'Oritnit,  qui  vivait  dans  le  dé- 
sert, se  livrant  à  la  contnnnlation  et  priant 
ponrce  monde  qu'il  avait  abandonné.  Par 
lois  ses  bruits  arrivaient  encore  à  son  oreille 
et  venaient  rappeler  à  son  cœur  de  tristes 
souvenirs.  Il  songeait  aux  crimes  qui  souil- 
laient encore  le  monde  romain,  malgré  la 
régénération  chrétienne.  Il  déplorait  que  la 
lumière  évangélique  n'eût  pas  encore  effacé 
complètement  les  restes  de  la  barbarie 
païenne.  Ainsi  quand  il  songeait  que  des 
hommes  enfants  dn  même  Dieu,  tous  rache- 
tés de  son  sang,  s'entre  égorgeaient  dans  les 
amphithéiUres  pour  le  ilaisir  des  assistants, 
il  gémissait  dans  son  cœur  et  demandait  à 
Dieu  de  faire  cesser  un  tel  étal  de  choses. 
Ses  prières  et  ses  larmes  montaient  sans 
cesse  au  ciel,  comme  une  invocation;  c'é- 
tait là  son  but,  c'était  la  part  de  bien  qu'il 
était  provide  iliellenient  destiné  à  accomj)lir. 
Ainsi  fait  chaque  homme  ici-bas,  s'il  suit 
les  voies  de  sa  destinée.  Chacun  de  nous, 
connue  une  pierre  dans  un  vaste  édifice,  a 
une  place  à  ienq)lir,  un;?  œuvre  à  mener  h 
bi(m.  Ce  n'est  })as  assez  peut-êtr  ■  poui-  les  am- 
bitions, pour  les  convoitises  du  cœur;  c'est  as- 
sez [)our  le  ciel,  c'est  assez  pour  la  vraie  gloire. 
Les  hommes  qui  se  dévonent  h  \\\  fait,  à 
une  œuvre,  sont  les  hounnes  prali(iues,  les 
honnues  utiles.  Saint  Vincent  de  Paul 
avait  rêvé  e  salut,  le  rachat  des  petits  en- 
fants abandonnés  ;  et  saint  Vincent  de  Paul 
fut  un  des  bienfaiteurs  de  l'hunumité.  Notre 
solitair(!  av.  it  rêvé  l'extinction  des  combats 
de  gladiateurs  ;  pauvre  iUncs  simple,  onibt'a- 
sé(î  d'amour  pour  ses  semblable-,  il  croyait 
dans  la  naivelé  d'u'i  saint,  (pi'il  allait  arrêter 
la  fincnrdes  combatlants  et  atleindre  son  but 
\)\w  sa  pro()r(!  [juissance.  N'admirez-vous  pas 
la  l'olie  d(!  c<!  saint  lionnne,  pcntanl  de  son 
d'Vserl  |)our  vcniir  à  Home  accoinpii"  son  des- 
sein. Le  voilà  daîis  la  grande  ville,  perdu 
dans  C(Ute  solitude  humaine,  où  trois  mil- 


1 


149  Lui 

lions  d'hommes  s'agitent  ;  inconnu,  sans  re- 
lations, sans  nuissance,  il  attend  les  jours 
des  fôtes  du  cirque.  Le  peuple  est  assemblé, 
les,gla(liateurs|)araissenl  dans  l'arène, lafoule 
applaudit,  leconibat  commence.  Tout  .'i  coup 
le  pauvr(î  solitaire,  IVaMcliissant  l'enceinte, 
court  aux  combattants  (^t  vent  les  séparer. 
I)c  (ju(;î  droit  vient-il  i'iterrompre  les  plai- 
sirs du  peuple  roi?  Les  gladiateurs  le  sai- 
sissent, le  renversent,  il  tombe  baigné  dans 
son  sang,  il  paye  de  sa  vie  son  audace  et  sa 
folie.  Cert(KS,  c'est  ainsi  qu'au  point  de  vue 
de  l'humaine  sagesse,  il  faut  juger  un  acte 
aussi  extraordinaire,  aceom[)li  en  dehors  de 
de  toutes  les  |)r6visions  de  la  raison.  Mais 
Dieu  menait  son  serviteur,  il  avait  entendu 
ses  prières,  compté  ses  larmes,  il  accepta 
celte  rançon  du  sang  d'un  juste,  pour  le  ra- 
chat de  tant  de  crimes  conunis  et  de  tant  de 
sang  versé.  L'empereur  llonorius  ayant 
su  cet  événement,  {)roscrivit  les  combats  de 
gladiateurs.  Le  fou  que  Dieu  mène  est  le 
plus  grand  des  sages,  parce  qu'il  suit  la  voie 
qu'un  doigt  divin  lui  montre.  Saint  Alma- 
que  mourut  en  W*.  L'Kglise  fait  sa  fête  le 
1"  janvier. 

ALAIAQUE,  était  président  h  Mérée  en 
Phrygie,  sous  le  règne  de  Julien  l'Apostat. 
11  est  connu  dans  le  Martyrologe,  pour  avoir 
fait  mettre  à  mort  les  saints  Macédone  , 
Théodule  et  Tatien,  qui  ne  voulaient  point 
sacrifier  aux  idoles. 

ALMEIDA  (Apollinaire)  [le  bienheureux], 
jésuite,  fut  nommé,  en  1G28,  évoque  de  Nicée 
et  coadjuteur  d'Alphonse  Mendez,  patriar- 
che d'Abyssinie.  Il  arriva  dans  ce  pays  en 
1630,  après  deux  ans  de  voyage,  apportant 
des  lettres  du  pape  Urbain  VIII  à  Mélec- 
Segued,  Négous,  à  Basilides,  son  tils,  à  Men- 
dez, patriarche,  un  bref  qui  ouvrait  pour  l'A- 
byssinie,  en  1631,  le  jubilé  qui  avait  été 
publié  à  Rome  en  1625.  Deux  ans  après,  le 
Négous,  ayant  malneureusemenl  cédé  aux 
instances  de  ses  courtisans,  et  aux  menaçan- 
tes prières  de  son  (ils  Basilides,  publia  i'é- 
dit  qui  ordonnait  aux  missionnaires  de  ne 
plus  prêcher  dans  ses  Etats,  et  de  se  retirer 
à  Frémone,  pour  y  atiendre  leur  embarque- 
ment pour  les  Indes.  Ai^rès  sa  mort,  qui 
arriva  le  26  s&ptembre  1632,  Basilides  con- 
firma l'édit  d'exil  ;  après  plusieurs  tentatives 
infructueuses  pour  rester,  les  jésuites  du- 
rent s'éloigner.  Ils  se  mirent  sous  la  protec- 
tion du  baharnagasch  Jean  Akaz,  qui,  de[)uis 
quelque  temps,  se  maintenait  dans  l'indé- 
pendance, et  qui  les  accueillit  bien  ;  mais, 
peu  de  temps  après,  le  Négous  l'ayant  inti- 
midé, il  coiiseilla  aux  jésuites  de  se  retirer, 
et  six  d'entre  eux  seulement  restèrent  sous 
la  conduite  du  P.  Almeida,  qui  devait  bien- 
tôt après  payer  son  tr.but  de  dévouement  à 
la  foi  catholique,  en  mourant  pour  elle.  Le 
25  avril  1635,  Melca  Christos,  vice-roi  du 
Tigré,  ayant  fait,  martyriser  les  saints  mis- 
siomaires  Bnmo  de  Sainte-Croix,  Gaspard 
Paez  et  Jean  Pereira,  le  Négous  Basilides 
lit  semblant  d'être  apaisé,  pour  s'emparer 
plus  fcicilement  des  autres  missionnaires.  11 
Ordonna  de  ne  plus  les  inquiéter,  de  ne  les 


ALO 


i&C 


maltraiter  d'aucune  façon,  et  alla  môme  jus- 
qu'à montrer  le  désir  de  les  voir  à  sa  cour. 
Jean  Akaz  était  d'avis  que  les  missionnaires 
acceptassent  ce  qui  leur  était  offert  ;  Basili- 
des leur  permettait  de  rentrer  dans  leurs 
anciennes  maisons.  Za-Mariam,  vice-roi  du 
Temben,  ne  croyait  pas  aux  promesses  de 
Basilides  ;  il  dissuadait  autant  (pi'il  était  en 
lui  Aiméida  et  ses  compagnons,  de  se  ren- 
dre aux  invitations  hypocrites  de  cet  en- 
nemi du  christianisme.  Aiméida  crut  qu'il 
était  de  son  devoir  de  tenter  ce  qui  pouvait 
être  utile  au  progrès  du  christianisme  ;  il 
vint  donc  au  camj)  du  Négous,  avec  les 
PP.  Hyacinthe,  Franccschi  et  François  llo- 
driguez.  Sur  leur  passage,  on  les  combla 
d'honneurs  ;  mais  h  p(,nne  furent-ils  arrivés, 
que  Basilides  les  lit  charger  de  chaînes.  On 
les  traduisit  devant  l'abouna,  qui  les  reçut 
d'une  façon  très-méprisante,  et  qui  les  ren- 
voya, en  déclarant  son  incompétence,  et  en 
disant  que  c'était  au  Négous  à  prononcer, 
dans  l'intérêt  de  la  chose  publique.  On  forma 
un  tribunal,  composé  des  grands  de  l'em- 
pire, et  les  saints  y  ayant  comparu,  furent 
condamnés  h  mort.  Basilides  jugeant  que  la 
mort  était  chose  trop  douce  pour  eux,  si  on 
les  y  envoyait  tout  de  suite,  les  remit  à  la 
garde  d'un  hérétique  cruel  et  ennemi  acharné 
de  la  foi  catholique.  Cet  homme  fit  soutfrir 
aux  saints  toutes  les  tortures  imaginables  ; 
ils  les  traînait  partout,  le  jour  derrière  son 
char,  sans  se  laisser  toucher  par  les  souf- 
frances atroces  que  leur  occasionnaient  les 
blessures  faites  à  leurs  membres,  par  les 
chaînes  qu'ils  portaient  constamment.  La 
nuit,  il  l 'S  enchaînait  sous  son  lit,  et  si 
étroitoraent  qu'ils  ne  pouvaient  pas  changer 
de  position.  Enfin,  Basilides  les  exila  dans 
une  île  du  lac  Dembea,  où  étaient  des  moi- 
nes fanatiques,  qui  les  tourmentèrent  de 
milles  manières.  Ils  disaient  hautement  que 
c'était  un  scandale  de  laisser  vivre  plus 
longtemps  ces  ennemis  de  la  religion.  Ils 
écrivirent  dans  ce  s  ns  à  Basilides,  qui  leur 
abandonna  complètement  ces  missiotmaires, 
leur  permettant  d'en  faire  ce  qu'ils  vou- 
draient. Alors  ces  hommes  féroces,  indignes 
du  nom  de  chrétiens  qu'ds  portaient,  dé- 
pouillèrent en  partie  les  missiunnair.'S  de 
leurs  vêtements,  et  les  suspendant  ainsi  dé- 
pouillés à  des  branches  d'arbres  ;  ils  les  fi- 
rent mourir  sous  une  grêle  de  pierres.  Le 
martyre  de  ces  bienheureux  soldats  de  Jé- 
sus-Christ arriva  au  mois  de  juin  1638. 

ALOBKANDIN  (saint) ,  frère  franciscain, 
natif  de  Florence,  versa  son  sang  pour  la 
foi  en  Perse,  vers  l'année  1287,  sous  le  rè- 
gne d'un  prince  monghol  qui  persécutait  vi- 
vement les  chrétiens,  et  surtout  les  minis- 
tres de  Jésus-Christ. 

ALODIE  (sainte),  martyre,  était  originaire 
d'Huesca  en  Espagne.  Ayant  confessé  la  foi 
avec  sa  sœur,  sainte  Nunilon,  elles  furent 
condamnées  par  les  Sarrasins  à  la  peine  ca- 
pitale. On  ignore  en  quelle  année.  L'Eglise 
célèbre  leur  fête  le  22  octobre. 

ALOMNE  (sainte),  martyre,  mourut  à  Lyon, 
en  177,  sous  le  règne  et  durant  la  persécution 


V6\  ALV 

d'  rempcreur  Anto:iin  .Marc-Aurèle.  Elio 
s'êleignit  oa  prisoa  comme  saint  Pothiii  ol 
une  foule  d'autres  martyrs ,  Dieu  voulant 
épargn^'P  îi  sa  faiblesse  les  tlernières  fatigues 
du  coiubit.  Les  tOiirinents  qu'elle  avait  (in- 
durés l'avaient  épuisée.  Elle  alla  se  rafraî- 
chir à  l'ombre  éternelle  de  la  palme  qu'elle 
av.-rit  conquise  par  son  courage.  Safétearrive 
Je  2  juin. 

AL'JPH  (saint),  martyr  en  Lorraine,  donna 
sa  vie  pom-  la  foi,  en  l'an  de  Jésus-Christ 
362,  sons  le  règne  de  Julien  l'Apostat.  D'a- 
bord emprisonné  à  Toul,  il  fut  bientôt  nrs 
en  liberté  ;  une  seconde  fois  em[)risonné,  il 
souifrit  diverses  tortures,  avant  d'être  con- 
damné à  la  peine  capilale,  qu'il  subit  ei  3G2. 
Sa  fête  est  inscrite  .lu  Martyrologe  à  la  date 
du  16  octobre.  Ses  reliques  ont  été  brûlées 
en  1587  par  les  reitres.  (Voy.  sa  Vie,  par  Ru- 
i.'erl,  abbé  de  Duytz,  près  Cologne.) 

ALPHE  (sainl),^nartyr,  frère  de  saint  Marc 
berger,  fut  martyrisé  avec  lui  à  Antiochede 
Pisidie,  avec  Alexandre  et  Zozime,  ses  au- 
tres frères,  jmis  les  s.ùnts  Nicon,  Néon  et 
HélioJore,  plus,  tr.Mite  soldats  que  les  mira- 
cles de  saint  Marc  avaient  convertis  à  la  re- 
ligion chrétienne.  L'Eglise  honore  sa  mé- 
moire le  28  septembre. 

ALPHÉE  (saint),  martyr,  sonffrit  la  mort 
pour  la  foi  chrétienne,  le  17  novembre  303, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Diodétien.  A 
cette  époqu'%  le  gouverneur  de  Palestine, 
résidant  à  Césarée,  obtint  de  l'empereur  la 
grûce  de  tous  les  criminels.  Cela  se  pratiquait 
ainsi,  quand  on  célébrait  les  jeux,  des  quin- 
quennales, décennales,  vicennalesdu  souve- 
rain; c'est-à-dire  des  cinquième,  dixième, 
vingtième  année  de  son  règne.  Les  chrétiens 
furent  seuls  exceptés,  étant  regardés  comme 
plus  coui)ables  que  les  voleurs,  les  assassins 
&.  autres  scéléi-ats  retenus  dans  les  prisons. 
Alphée  ,  issu  d'une  des  premières  familles 
d'Eleuthéropolis,  lecteur  et  exorcist(^  dans 
l'église  de  Césarée,  fut  arrèlé  avec  Zachée, 
son  parent,  qui  était  diacre  à  Caadun!.  {Votj. 
saint  Z.veuKK.)  Il  était  célèbre  par  'e  zèle 
qu'il  dé[)loyait  à  exhorter  les  chrétiens,  à 
ivs  pousser  à  confesser  généreusement  Jé- 
sus-Christ. Mis  en  |)rison,  il  subit  deux  in- 
terrogatores,  fui  ballu  de  verges  et  <nit  les 
côtés  déchirés  av(,'C  des  (.t'Ocs  de  fer.  Après 
un  troisième  interrogatoire,  il  fut  condamné 
avec  suint  Zai;hé.!  à  perdre  la  tète.  La  sen- 
tence fut  evécutée  le  17  novembre.  L'Egiise 
honore  sa  mémoire  le  18  du  même  mois. 

ALTINO,  ville  ([ui  a  été  illustrée  par  le 
m-irtyre  de  l'évêtiue  Théoncste,  lue  par  les 
arit;ris.  On  ignoi-e  à  quelle  époque. 

ALVAKKZ  (le  bienhcnreuv  (iASPAui)  ) , 
l'ortugMis,  de  la  compagni(;  de  J('.sns,  faisait 
partie;  des  saints  et  courageux  missionnaires 
(fue  le  P.  Azevedf)  vint  rei:rul(!r  h  Rome  pour 
le  Brésil.  {Voy.  Azkvkuo.j  Limr  navire  fut 
pris,  le  15  juillet  15/"!,  par  dc-s  corsaires  cal- 
vinisl(;s,  (pii  les  massaci'èrent  ou  lesielèreiit 
dans  les  Ilots.  (Du  Jarric,  Histoire  des  cho- 
Hfs  plus  tnnnor(ihles,i^U\,  t.  Il,  j).  '278;  Tan- 
ner, Socictds  Jesa  us(jne  ad  HnixjuiniH  et  vifœ 
rnofusinnein  u>ilitnn.tf  [),  JOO  iH  171).) 


ALV 


I5i 


ALVARE  (le  bienheureux  Fernand),  Por- 
tugais, de  la  compagnie  de  Jésus,  souffrit  le 
nurtyre  en  se  rendant  au  Brésil,  avec  une 
troupe  d'autres  missionnaires,  conduits  par 
les  PP.  Pierre  Diaz  et  François  de  Castro. 
Ils  furent  noyés  en  mer  par  les  calvinistes 
le  13  septembre  1571.  {Voy.  l'article  suivant 
et  François  du:  Castro,  etc.). 

ALVAIIE  le  bienheureux  Jean),  de  la  com- 
pagnie de  Jésus,  Portugais,  faisait  partie  de 
la  troupe  de  missionnaires  que  le  P.  Diaz 
conduisait  au  Brésil,  à  la  suite  du  P.  Azevedo. 
Un  mois  après  le  dépait  du  Saint-Jacques, 
qui  porlait  ce  dernier,  Diaz  et  ses  compa- 
gnons (}uittèrent  Madère,  aîin  de  poursuivre 
la  roule  vers  le  Brésil  avec  le  reste  de  la 
flotte.  La  tempête  ayant  disi)ersé  les  navires, 
celui  que  montaient  notre  bienheureux  et  ses 
compagnons  dévia  vers  l'île  de  Cuba,  et  à 
San-Iago  on  dut  abandonner  le  vaisseau  qui 
faisait  eau  de  toutes  parts.  Les  voyageurs 
trouvèrent  une  barque  qui  les  conduisit  au 
port  d'Abana,  d'où  un  navire  qu'ils  y  frétè- 
rent les  transporta  aux  Açores,  le  mois  d'août 
1571.  Ils  y  trouvèrent  le  commandant  de  la 
flotte,  Louis  de  Vasconcellos,  avec  le  P.  Diaz 
et  cinq  auires  jésuites  qui  les  y  avaient  de- 
vancés. L'amiral,  voyant  son  monde  si  ré- 
duit, ne  conserva  qu'un  navire,  et  ils  se 
rembarquèrent  le  6  septembre  1571.  Bientôt 
ils  rencontrèrent  cinq  vaisseaux  de  haut 
bord,  commandés  par  le  Béarnais  Capdeville, 
calviniste,  qui  s'était  trouvé  à  l'abordage  du 
Saint-Jacques.  Le  combat  ne  fut  pas  long,  et 
les  calvinistes  s'emparèrent  du  navire  catho- 
lique. Le  bienheureux  Diaz  fut  massacré, 
puis  jeté  à  la  mer,  le  13  septembre  ;  Fran- 
çois de  Castro  confessait  le  pilote  au  mo- 
ment où  les  calvinistes  montaient  à  l'abor- 
dage, il  fut  massacré  ;  Gaspard  Goès  subit  le 
même  sort;  le  P.  Michel,  qui  avait  été  ren- 
fermé avec  d'autres,  durant  la  nuit,  dans  la 
cabine  de  Vasconcellos,  ayant  jeté  un  soupir 
que  lui  arrachait  la  blessure  de  son  bras,  au 
moment  où  on  les  lui  liait  derrière  le  dos, 
les  calvinistes  se  saisirent  de  lui  et  le  jetè- 
rent à  la  mer  avec  le  bienheureux  François 
Paul.  Jean  Alvare  fut  précipité  également 
dans  les  flots,  et  fut  noyé  presque  aussitôt 
avec  Pierre  Fernand,  ne  sachant  nager  ni 
l'un  ni  l'autre.  Les  autres  compagnons  de 
leur  martyre  fuient,  Allbnse  F(n"nandez, 
Portugais;  Alfons. '-André  Pais,  Portugais  ; 
un  autre  Pierre  Diaz,  Portugais;  Jacijues 
Carvalzo,  Porlugus;  Fernand  Alvare,  Portu- 
g;iis.  (Du  Jarri(.',  ilisluire  drs  choses  plus  vïc- 
morablcs,  etc.,  t.  H,  p.  205;  Tanner,  Socielas 
Jcsa  usquc  ad  sanyuiiiis  et  vitœ  profusionein 
mUilans,  p.  17i  et  177.) 

ALVAUËS  (le  bienheureux  BAUTriÉLEMi), 
jésuite  et  missionnaire  au  ToiKpiin,  élait  né 
à  Parâmes,  (ont  près  de  IJi'agamu'.  Il  élait  on- 
Iré,  il  r.'^ge  d(!  (lix-se|)t  ans,  au  noviciat  do 
Coimbre,  le  30  du  mois  d'aoûl  1723.  Le  10 
mars  1736,  il  s'cnnb.iinpia  ;>  >Li('ao,  avec  les 
PP.  Ji';ui-(iaspard  Cral/,  lùmnaiiuel  d'Abi-cni, 
Niiirenl  du  Cunlia,  Chinslophe  d(;  Sampa\o 
et  lùninanuel  Caivalho.  11  |)énétra  dans  k- 
'l'iHKpiin  avec  (ux  et  les  caléchisles  tonnui- 


153 


ALT 


ALY 


m 


nois,  Marc  ctVincfiil.  Le  P.  Sanipflzo  ayant, 
(''té  nirHit  [)ar  une  maladie  à  Lo-lt-ou,  le 
P.  Cai'vallio  resta  pour  le  soij^iUM-.  Tous  les 
autres  péiiétr(''reut  dans  le  Tou(iuiM.  A  peine 
l'ui'ent-ils  arriv(Vs  à  Halya,  qu'ils  lurent  arrê- 
tés, It^  \>  avril  173(1,  avec  le  batelier  (pii  les 
avait  anieni'^s.  On  les  envoya  à  la  eour.  Ils 
furent  interroj^és  par  l(;s  euinumes  du  palais, 
dans  une  salhî  inl(^rieure,  où  le  roi  était  ca- 
ché derrière  une  la  isserie,  pour  les  voir  et 
pour  entendi'e  leui's  ré[)onses  sans  être 
aperçu.  On  leur  coninianda  de  niai-clier  sur 
un  cruciliv:  (pii  était  étendu  h  terre,  et  de  le 
fouler  aux  pieds.  Remplis  d'iiorreur,  ils  s'é- 
crièrent qu'on  leur  couperait  [)lutot  les  pieds, 
les  mains  et  la  tète.  Comme  on  voulait  les 
contraindre  par  la  violence  à  commettre 
cette  impiété,  ils  embrassèrent  la  sainte 
image  ci  rélevèrent  au-dessus  de  leur  tète, 
ce  qui  est,  dans  le  Tonquin,  la  manpie  de  la 
nlus  ^Tande  véni'ration.  Un  seul  a|)ostasia, 
le  batelier,  ([ui  fut  alors  le  sujet  d'amères 
plaisanteries  de  la  |)art  des  eunuques. 
«A' oyez,  disaient-ils,  le  scélérat,  (|ui  foule 
aux  pieds  celui  (fu'il  respectait,  il  n'y  a  qu'un 
moment,  comme  un  dieu!  w  Les  lettrés,  ayant 
été  saisis  de  cette  alfaire,  condamnèrent  nos 
saints  confesseurs  à  la  martelade,  supplice 
qui  consiste  à  recevoir  de  grands  coups  de 
marteau  sur  les  genoux.  Un  des  juges,  stu- 
péfait de  la  constance  de  î\Lirc  et  de  Vin- 
coiit,  déclara  qu'il  était  inutdo  de  les  faire 
soutfrir  davantage  ;  Vincent  mourut  sainte- 
ment, le  30  juin,  dans  le  Ngue-Dom  ou  En- 
fer de  l'Kst,  prison  obscure,  liuiuide  et  in- 
fecte, où  l'on  enfermait  les  voleurs,  et  d'où 
ils  ne  sortaient  que  pour  aller  au  supplice. 
Les  confesseurs  y  eurent  à  subir  les  injures 
et  les  outrages  d'une  troupe  de  scélérats  ;  les 
gardes  refusaient  l'entrée  aux  chrétiens  qui 
venaient  leur  apj3orter  des  vivres,  et  une 
fois,  ces  lionmies,  pleins  d'inhumanité,  lais- 
sèrent leurs  })risonniers  deux  jours  sans 
manger.  Sur  ces  entrefaites,  le  tribunal  des 
crimes  ayant  confirmé  la  sentence  qui  les 
condamnait  à  mort,  un  secrétaire  du  tribunal 
vint,  le  7  janvier  1737,  à  la  prison,  alin  de 
s'assurer  de  l'identité  des  prisonniers  ;  car 
c'est  la  coutume  au  Tonquin,  à  l'égard  de 
ceux  qui  sont  condamnés  à  mort.  Trois  jours 
après,  un  catéchiste,  nommé  Benoît  vint  se 
jeter  aux  pieds  des  saints  confesseurs,  en 
leur  disant:  «  Comment  me  récompenserez- 
vous  de  la  bonne  nouvelle  que  je  vous  ap- 
porte? le  12  de  ce  mois  sera  certainement  le 
jour  de  votre  triomphe.  »  A  ces  mots,  les 
missionnaires  levèrent  les  yeux  au  ciel,  et 
rendirent  grâces  à  Dieu  du  grand  bienfait 
ciu'il  voulait  bien  leur  accorder.  Le  10  de 
janvier,  on  vint  leur  lire  la  sentence.  Les 
bourreaux,  tirant  de  temps  en  temps  leur 
Sabre  du  fourreau,  semblaient  sexercer  à  la 
décapitation  des  saints  confesseurs.  Ce  jeu 
barbare  des  bourreaux  offrit  à  nos  saints  l'oc- 
casion de  faire  plusieurs  fois  le  sacrifice  de 
leur  vie  au  Seigneur.  On  avait  laissé  libre 
l'entrée  de  la  prison  ;  les  chrétiens  y  accou- 
raient en  foule  pour  embrasser  les  genoux 
des  futurs  martyrs,  ainsi  que  les  fers  qui  les 


enchaînaient.  Deux,  jours  après,  des  soldats 
entrèrent,  l'épée  à  la  main,  lircMit  sortir  tout 
le  monde,  et,  attachant  chacun  des  inission- 
naires  à  une  longue  chaîne,  les  co'iduisu'ent 
avec  l<!  catéchiste,  Marc,  auprès  du  [)alais(pii 
était  h  tnie  lieue  de  là.  Ils  liienl  le  chenua 
pieds  nus;  c'élait  le  P.  Alvarès  (pii  ouvrait 
la  marche;  il  élait  suivi  des  l^M».  d'Abreu, 
Cralz,  (la  C-unha  et  du  ca.téchisie.  Auprès  de 
chacun  d'eux  marcha iisnl  unsoldat,lalanc(.'au 
|)oing,  et  un  bouriMîau,  sabre  nu.  Arrivés  au 
lieu  du  supplice,  on  leur  permit  de  se  repo- 
ser (pielques  instants,  (pii  turent  rem|)l!S  p-ar 
les  insnlt(KS  do  la  po[)ulace.  lîienlol,  un  s(;- 
crétaire  du  tribunal  sui)rèine  leur  lut  la  se'i- 
tence,  écrite  en  langue  tonquinoise.  Elle  ne 
condamnait  le  catéchiste  Marc  cpi'ù  l'exil; 
aussi,  ce  fut  vainement  (pi'il  rej)résenta  (jue, 
si  les  missionnaires  méritaient  la  mort  |)0ur 
avoir  [)rèché  la  religion  chrétienne,  à  bien 
plus  forte  raison  la  méritait-il  lui-mèmo  pour 
les  avoir  introduits  dans  le  royaume.  On  con- 
duisit alors  les  missionnaires  à  deux  lieues 
de  distance  pour  les  décapiter.  Un  des  man- 
darins qui  devaient  présider  à  l'exécution, 
témoin  de  la  joie  qui  rayonnait  sur  le  visage 
du  P.  da  Cunha,  lui  envoya  demander  s'il  ne 
savait  pas  où  on  le  conduisait  :  «  Je  n'ignore 
pas,  répondit  le  Père,  que  l'on  va  me  tran- 
cher la  tète,  en  haine  de  la  foi  que  je  suis 
venu  prêcher  au  Tonquin  ;  mais  je  sais  aussi 
que,  dès  qu'on  m'aura  arraché  la  vie  pour 
une  si  juste  cause,  mon  Ame  s'envolera  au 
ciel,  où  elle  jouira  d'un  bonlieur  sans  lin.  » 
Cette  réponse  ayant  été  transmise  au  manda- 
rin, il  répondit  avec  mépiis:  «  Ce  fou  d'é- 
tranger ne  com|)rend  pas  ce  qu'on  lui  dit  ;  il 
s'imagine  qu'on  le  mène  à  Macao.  «  On  avait 
déjà  parcouru  la  moitié  de  la  route,  lorsqu'il 
envoya  aux  missionnaires  quelques  petites 
monnaies  de  cuivre,  alin  qu'ils  pussent  s'a- 
cheter des  rafraîchissements;  mais  ils  refu- 
sèrent. Ils  reçurent  seulement  des  fruits  que 
des  chrétiens  leur  offraient  ;  encore,  après 
les  avoir  goûtés,  ils  les  donnèrent  aux  bour- 
reaux. Les  mantlarins,  qui  craignaient  que 
la  nuit  ne  les  surprit  avant  l'exécution,  or- 
donnèrent aux  soldats  de  presser  la  marche. 
Les  confesseurs,  que  leurs  souffrances  dans 
les  prisons  avaient  réduits  à  la  plus  extrême 
faiblesse,  ne  pouvaient  pas  marcher  au  gré 
de  ceux  qui  les  conduisaient.  De  temps  en 
temps  les  soldats  les  poussaient  en  les  frap- 
pant du  bout  de  leurs  lances,  les  menaçant 
de  leur  en  décharger  de  grands  coups,  s'ils 
n'avançaient  pas  davantage.  Arrivés  au  lieu 
du  supplice,  ces  saints  athlètes  du  Seigneur 
se  prosternèrent,  embrassèrent  la  terre  à  plu- 
sieurs reprises,  et,  les  yeux  levés  au  ciel, 
demeurèrent  unis  à  Dieu  par  la  prière.  Une 
heure  se  passade  la  sorte,  pendant  qu'on  fai 
sait  les  préparatifs  du  supplice.  Enfin,  les 
bourreaux  leur  rasèrent  le  derrière  de  la  tète, 
et  les  conduisirent  aux  potaux  qui  leur 
étaient  destinés.  Les  saints  les  embrassèrent, 
comme  s'ils  leur  eussent  été  reconnaissants 
de  ce  qu'ils  allaient  servir  à  leur  martyre. 
Les  soldats,  le  sabre  levé,  attendaient  le 
geste  du  mandarin:  ils  frappèrent  tous  «  lu 


f56 


ÂMÀ 


AMA 


156 


fois  quand  il  le  fit.  Le  P.  Alvarôs  eut  la  tôle 
tranchée  d'an  seul  coup,  ainsi  que  le  P.  Cralz. 
Le  P.d'Abieu  ne  l'eut  qu'à  demi  coupée  ;  elle 
demeura  suspendue  sur  sa  poitrine  jusqu'à 
ce  que  le  bourreau  l'on  délacliàt  entièrement. 
Le  P.  da  Cunlia  ne  fut  déi-apilé  qu'au  troi- 
sième coup  de  sabre.  Les  chrétiens  parla;^è- 
rent  leurs  hibits  ensanglantés,  leur  en  mi- 
rent d'autres  tout  neufs,  et,  les  ayant  trans- 
portés dans  leurs  massons,  les  y  laissèrent, 
en  attend-Mit  qu'on  [)ût  les  envoyer  aux  jé- 
suites de  Macao. 

ALVAUEZ  (le  bienheureux  Vincent),  Por- 
tugais, de  la  compa^'nie  de  Jésus,  se  rendait, 
en  1006,  de  Baçaim  àGoa.  Il  fut  })r:S  par  des 
corsaires  mahomélans  de  la  côte  de  Malab;ir, 
et  décapité  sur  le  tillac  du  navire.  On  le  pré- 
cipita ensuite  dans  les  flots.  (Du  Jàrvic,  His- 
toire des  choses  plus  mémorables,  etc.,  t.  III, 
p.  i2  )  ;  Tanner,  Societas  Jesu  usque  ad  san- 
guinis  et  vitre  profusionem  militans,  p.  267.) 

AL\'ARO  (le  bienheureux  Eviviamjel), 
Portugais,  de  la  compagnie  de  Jésus,  fais  lit 
partie  de  la  troupe  de  missionnaii-es  que  le 
P.  Azevedo  était  venu  recruter  à  Rome  pour 
leBrésil.  ro?/.AzEVEDo.)  Leur  navire  fut  pris, 
le  15  juiih  1 1571,  par  des  corsaires  calvinis- 
tes, qui  les  massacrèrent  ou  les  jetèrent  dans 
les  flots.  Noti'e  i)ieiiheureux  encourageait  les 
Portugais  à  combattre:  il  fut  blessé  au  vi- 
sage; puis,  les  bourreaux  l'ayant  étendu  à 
demi  mort  sur  le  tillac,  lui  rompirent  L-s  jam- 
bes, lui  brisèrent  les  os  et  le  jetèrent  en  cet 
état  dans  les  flots.  (Du  Jarrie,  Histoire  des 
choses  plus  mémorables,  etc.,  t.  II,  p.  278; 
Tann(  r,  Societas  Jesu  unque  ad  sanguinis  et 
vitœ  profusionem  militans,  p.  100  et  i70.) 

AMA  (siiint  j,  jeune  vierge  consacrée  à 
Dieu,  et  martyre  en  Perso  dans  la  septième 
an:iée  de  la  grande  persécution  de  Sapor,  fut 
mise  à  morta.ec  sainte  ïhècle.  {Voy.  ce 
nom.) 

AMANCE  (saint),  était  tribun  dans  les 
troupes  de  l'empereur  Adrien.  Il  était  frère 
de  saint  Gétule  et  beau-frère,  par  consé- 
quent, de  sainte  Syriq^horose,  sa  femme.  Il 
Uem  urait  avec  son  frère  à  Tivoli,  quand  il  y 
fut  arrêté  avec  lui  et  Céréal  vA  Primitif,  par 
Liciniiis.  Fouetté,  torturé  do  diverses  ma- 
nières, emprisDiuié  dura  u  vingt-sept  jours, 
il  refusa  de  sacrilier,  et  fui  ontin  décapité  à 
5  lieues  de  Home,  sur  le  borii  du  Tibre,  avec 
les  t  ois  saints  (]ue  nous  venons  de  nommer, 
le  10  juin,  jour  où  on  fait  sa  fête.  {Voy.  (1é- 

TL'LE  et  CÉhÉAI..) 

AMANU  (saint),  confesseur,  évè(jue  do 
Maesliiclil,  na(pjit  aux  environs  de  Nantes. 
Ses  parents,  r(;m,  .lisde  piété,  étaient  seigneurs 
du  pays.  A  l'ilg  •  de  vingt  ans,  il  i^ntra  dans 
un  monastère  d'Oye,  petite  de  voisine  de 
celle  de  Uhé.  11  y  avait  à  penu;  uii  an  qu'il 
y  goillait  le  bonheur  de  servir  Dieu  loin 
des  dangers  «J'uii  monde  peivers,  qiand  son 
nerf!  ayant  découvei't  <;nlin  sa  i-elraile,  viiit 
l'y  troiver,  et  le  pressa  vivement  d'  sortir 
du  monastère,  le  menaçant  de;  le  d.'shériler 
s'il  n  •  lui  (obéissait.  H  se  refusa  resp(!ct  leu- 
seinent  ;i  Tordre  pat(îniel,  et  bientôt  ;ijirès, 
alla  vi.siter  le  tombeau  do  suiut  Martin,  a 


Tours.  L'année  suivante,  s'étant  retiré  dans 
la  ville  de  Bourges  ,  il  y  resta  près  de  quinze 
ans  dans  une  petite  cellule  située  dans  les 
alentours  de  la  cathédrale,  et  y  vécut  sous 
la  sainte  direction  de  l'évèque  Austrégisile. 
Pendant  ces  qidnzo  années  de  réclusion  vo- 
lontaire, il  porta  continuellement  le  cilice  et 
ne  prit  pour  toute  nourritui'e  que  du  |)ain 
d'orge  et  de  l'eau.  U  fil  ensuite  un  pieux  p(  le- 
rinige  à  Rome,  et  revint  a()rèî:  en  France, 
où  il  fut  sacré  évèque'  en  l'année  1/28.  On  ne 
lui  donna  aucun  siège  particulier,  et  sa  mis- 
sion devait  être  de  pur  e/  la  lum  ère  de 
l'Evangile  aux  infidèles.  Il  [)ai'tit  prèclnn*  dans 
la  Flandi'e,  chez  les  Slaves,  dans  la  Carinlhie 
et  d ms  les  provinces  avoisinanl  le  Danube. 
Plus  tard,  a.anl  repris  le  roi  Dagobert  de  ses 
scandaleux  désoi'dres,  ce  prince  le  bannit. 
Pendant  son  court  exil,  il  instruisit  les  Gas- 
cons et  les  Navarrais  des  mystères  qu'en 
seigne  notre  .^ainte  religion.  Bientôt  après, 
Dagobert  s'étant  repenti  de  ses  rigueurs  con- 
tre notre  saint,  le  rappela  d'exil  et  le  pi-ia, 
en  se  jetant  à  ses  pieds,  de  le  baptiser,  ainsi 
que  le  dis  qui  venait  de. lui  naître  (saint  Si- 
gebert,  qui  mourut  [ilus  tard  roi  d'Aus  rasie). 
Dévoré  d'un  saint  zèle  |)Our  la  conversion 
des  infidèles,  saint  Ainand  alla  en  mission 
dans  le  territoire  de  Gan  I.  Il  y  trouva  des 
peuples  encore  barbares  et  livrés  aux  supers- 
titions les  plus  grossières.  Il  eut  d'abord  à 
souilrir  de  leur  part;  il  fut  cruellement  bai  tu 
et  jeté  daiis  l'eau  ;  mais  Dieu,  voulant  récom- 
penser son  zèl.',  ht  luire  eniin  pour  ces  peu- 
ples le  moment  de  ses  miséricordes.  Il  fa- 
voris i  notre  saint  du  don  des  miracles  : 
Amand  ayant  ressicité  un  mort,  les  inhJèles 
renversôi  eut  leurs  idoles  et  accoururent  de- 
mander le  baptême.  Notre  saint  bûlit  plu- 
sieurs églises  en  033,  et  fonda  deux  inonas- 
tèr.'S  à  Gand ,  sons  l'invocation  de  saint 
Pierre.  PlusieiJi's  années  après,  il  en  bâtit  un 
autre  à  trois  lieues  de  la  ville  de  Tournai, 
on  ra[)pelle  aujourd'hui  Saint-Amand,  ainsi 
que  la  ville  qui  s'y  est  formée. 

i)ans  le  courant  de  l'année  6i9,  notre 
bienheureux  confesseur  fut  promu  au  siège 
de  Maëslricht,  malgré  ses  pressants  refus; 
mais  il  n'y  resta  pas  longtemps.  Toujours 
rempli  du  désir  de  gagner  des  ;lmes  à  Jésus- 
Christ,  il  donna  sa  démission  au  b<jut  de  trois 
ans,  après  avoir  désigné  lui-même  pour  sou 
successeur  saint  Reinacle,  abbé  de  Cougnon. 
Il  se  livra  dès  lors  entièrement  aux  travaux 
apostoliques  h»  restant  de  ses  jours.  Q  land 
la  vieilless(!  et  les  fatigues  lui  eurent  iuiposé 
l'obligation  do  se  reposer,  il  se  relira  à  l'ab- 
baye d'EInoii  qu'il  gouverna  comme  abbé, 
pendant  quatre  ans  environ.  U  mourut  enlin 
en  075,  âgé  de  (pialre-vingl-d  x  ans.  Son 
corps  fut  inhumé  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre  d'Elnon.  Son  culte  était  fort  célèbre 
autrefois  en  Anglelei're.  L'Eglise  honore  sa 
mémoire  le  0  février. 

AdANDINUS  (saint),  l'un  des  gardes  delà 
prison  de;  Saint-Geiisorin  ou  (ieiisorinus,  souS 
(Claude  kl  le  Gelhicpie,  hit  converti  à  la  foi 
chrélitniiK!  par  saint  Maxime,  ave(;  les  autres 
gardes  de  la  prison,  lesquels  élaioul  Félix, 


157 


AMR 


AMB 


m 


Maxime,  Faustin,  Herciilan,  Numère,  Stora- 
ci'uis,  iM^Mo,  Commode,  Merne,  Maur,  En- 
sùbe,  !vii.sii((ue,  Moiiacre,  Olympe,  Cy|)rien 
el  Tlu^oloro.  (Pour  voii"  leur  histoire,  recîoii- 
rez  ?»  larticle  Martyus  d'Ostie.  C(\s  saints  iio 
SDiit  pas  nomnu'is  dans  li;  Martyrologe  ro- 
main.) 

AMAIlANDou  Amara  tiii':  (.ainl),  lïitmar- 
tyi'isc^,  les  uns  dis(>nt  sous  Dèee,  les  aulies 
sous  Vali''rien.  Il  est  |)robil)l(>  ({ue  ce  fut 
sous  ce  d(M'nier  prince,  quand  Chrocus,  ce  roi 
féroce  des  Allema-ids ,  vint  rava^^er  les 
Gaules,  et  y  lit  périr  un  grand  nombre  de 
chréîiens.  Ce  fut  dans  le  villa-^e  de  Vians 
ou  Vieux,  t0)Jt  [)rès  d'Albi,  (|ue  1(^  saint  con- 
fessa la  foi.  Son  tombeau  ayant  été  décou- 
vert, la  piété  des  lidèles  les  y  attirait  en 
grand  nombre  et  il  s'y  lit  une  grande  quan- 
tité de  miracles.  Saint  Eugén;'  que  les  Van- 
dales bannirent  de  Cartilage  cl  reléguèrent 
dans  les  Caules,  voulut  mourir  au  pied  du 
tombeau  nu  saiid  martyr.  Depuis,  leui-s  re- 
liques ont  été  réunies,  et  on  les  a  placées 
dans  la  cathédrale  d'Albi,  qui  est  sous  l'in- 
vocation de  sainte  Cécile.  Presque  tous  les 
martyrologes  mar(pient  la  fè;e  du  saint  le 
7  novembre.  C'est  ce  jour  que  l'Eglise  latine 
fait  sa  fèie 

AMAUIN  (saint),  martyr,  était  un  solitaire 
qui  vivait  i étiré  au  fond  des  Vosges,  dans 
un  lieu  nommé  Doroangus,  aujourd'hui  val- 
lée de  Saint-Amarin.  SI  tomba  gravement  ma- 
la  ie  et  fut  miraculeusement  guéri  par  un 
évoque  qui  passait.  C'était  saiit  Prix,  évèque 
de  Clermont,  qu  s'en  allait  à  la  cour  de  Chil- 
déi'ic  1,  pour  les  atfair.s  de  son  diocèse.  Le 
solitaire  fut  si  touciié,  si  reconnaissant  du 
service  que  lui  avait  reiidu  saint  Prix,  qu'il 
s'attacha  à  lui,  et  le  suivit.  Comme  saint  Prix 
retournait  au  bout  de  quelque  temps  dans 
son  diocèse,  suivi  de  srdnt  Amarin  ,  des 
hommes  postés  pour  l'attendre  l'assassi- 
nèrent avec  son  compagnon  de  voyage,  dans 
un  lieu  nommé  Volvic.  L'Eglise  les  honore 
tous  doux  le  25  janvier. 

AàîASTRIDE,  ancienne  Sésame,  est  si- 
tuée dans  la  Turquie  asiatique.  Elle  est  cé- 
lèbre dans  les  annales  des  martyrs,  par  les 
soutlVances  qu'y  endura  saint  Hyacinthe, 
sous  le  président  Castrice. 

AMATEUR  (sainti,  martyr,  était  prêtre  à 
Cordoue.  Ce  fut  dans  cette  ville  qu'il  versa 
son  sang  pour  la  foi,  avec  le  solitaire  Pierre 
et  saint  Louis.  Le  Martyrologe  romain  ne 
marque  pas  l'année  où  ils  souffrirent  et 
ne  dôme  pas  de  détail  sur  leur  martyre.  L'E- 
glise honore  leur  s  dnte  mémoire  le  3.)  avril. 

AMBKÎQUE  (saint),  cueillit  la  palme  du 
martyre  à  Nicomédie  avec  saint  Victor  et 
saint  Jules.  Le  Martyrologe  romain  ne  dit 
point  à  ({uelle  époque  ef  ne  donne  pas  de 
détails  sur  leurs  souffrances.  L'Eglise  les 
lioi:ore  le  3  décembre. 

AMBROISE  (saint) ,  confesseur  ,  disciple 
d'Origène,  était  d'une  haute  naissance  et  fort 
riche.  Il  était  d'Alexandrie,  et  du  nombre  de 
ceux  qu'y  convertit  Origène.  Avant  sa  con- 
version, il  parut  avec  éclat  à  la  cour  des  em- 
pereurs ;  il  fut  môme  dans  les  charges  et 


dans  les  honneurs,  puisque,  plusieurs  fois, 
on  le  reçut  avec  grande  pompe  dansl  s  villes 
où  il  passait.  Il  avait  épousé  Marcelle,  femme 
d'un  ran^  mérite,  et  il  en  avait  eu  plusieurs 
eidanls.  11  eut  le  malheur,  ayant  mal  choisi 
ses  gnides  et  ses  lectures  ,  de  tomber  dans 
les  erreurs  des  valentini(;ns;  mais  au  bout 
d(!  (pielques  (nitreticnis  avec  Origène,  il  re- 
vint h  la  vérité.  D'a|)rès  Eusèbe,  sa  conver- 
sion arriva  vers  l'an  212,  par  consiMpunil,  au 
comm(;nccment  du  règiiecleCaracalla.  Aiumé 
d'un  désir  insatiable  d(!  s'instruire,  il  iit  une 
espèce  de  pat;le  avec  Origène  ,  (|ui  travailla 
pour  lui  {)en(lant  longues  années.  Le  savant 
docteur  éiail  pauvre;  il  ac(;(;plait  d  Anibroise, 
qui  avait  une  fortune  considérable  ,  des  co- 
])istes  et  tout  ce  qui  lui  était  nécessaire  pour 
son  travail.  C'est  à  ]ui  que  nous  devo'  s  la 
plus  grande  j)artie  des  travaux  (TOrigène. 
il  ne  lui  laissait  aucun  re[)OS,  el  exigeait  de 
lui  une  tAche  journalièi-e.  «  Il  me  surpasse  , 
disait  ce  docteur,  dans  l'ardeur  qu'il  a  pour 
la  |)arole  de  Dieu,  et  je  succmnbe  presque  à 
la  fatigue  et  aux  travaux  qu'il  m'impose.  » 
Ambroise,  d'après  saint  Jérôme,  passait  son 
temps  à  lire  et  à  prier.  La  plupart  des  ou- 
vrages d'Origène  lui  sont  dédiés,  et  l'auteur 
se  plaignait  souvent  de  ce  que  fon  ami  pu- 
bliait les  livres  qui  n'étaient  composés  que 
pour  lui.  Il  paraît,  d'après  saint  Jérôme  , 
qu'il  fit  un  voyage  en  Grèce.  Probablement 
qu'il  y  accompagna  son  ami.  Sa  vie  était 
sainte  et  toute  consacrée  aux  œuvres  saintes 
et  pieuses.  Plusieurs  anciens  martyrologes 
.ui  donnent  le  titre  de  diacre  de  l'église  d'A- 
lexandrie. 

Dieu  permit  que  l'ardeur  de  sa  foi  et  son 
courage  fussent  éprouvés  par  la  persécution. 
Sous  Maximin,  il  fut  pris  avec  Protoctète  , 
prôtre  de  Césnrée,  en  Palestine,  par  les  gens 
qui  cherchaient  Origène,  lequel  s'était  caché 
à  Césarée  de  Cappadoce ,  où  il  resta  deux 
ans.  Leurs  biens  furent  pillés  ;  ils  furent 
abreuvés  de  toutes  les  ignominirs  possibles, 
et  on  les  traîna  en  Germanie,  où  éiait  Maxi- 
min. Longtî  mus  il  les  tint  à  sa  suite,  les  fai- 
sant voyager  de  ville  en  ville,  pour  y  être 
donnés  en  spectacle  ,  et  leur  faisant  sôuifrir 
toutes  sortes  u'incommodités  et  même  (.e 
tourments.  Protoctète  n'avait  rien  qui  l'at- 
tachât à  la  vie  et  à  sa  patrie,  comme  Ambroise, 
lequel  avait  laissé  à  Alexandrie  sa  femme 
et  ses  enfants.  Mais  rien  ne  put  ébranler 
le  courage  du  saint  confesseur.  Origène  sa- 
chant ses  souffrances  et  celles  de  Protoc- 
tète, leur  écrivit  un  discours  pour  les  en- 
gager à  souffrir  courageusement  pour  Jésus- 
Christ.  Maximin  aurait  fait  mourir  les  saints 
confesseurs,  mais  des  préoccupations  plus  gra- 
ves pour  lui  le  forcèrent  à  partir  brusque- 
ment de  Germanie,  pour  venir  combattre 
les  empereurs  nommés  pour  le  dét  ôner  par 
le  sénat  de  Rome  ,  qui  l'avait  déclaré  en- 
nemi public.  Saint  Ambroise  et  saint  Protoc 
tèie  furent  mis  en  liberté  ,  à  l'instant  où  ils 
pensaient  n'avoir  })lus  qu'à  verser  leur  sang 
pour  la  foi.  Saint  Ambroise  vivait  encore 
sous  le  règne  de  Philippe ,  puisque  ce  fut 
lui  qui  engagea  Origène  à  faire  son  ouvrage 


l;)d 


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160 


contre  Celse.  11  mourut  sous  Dèci»,  vers  l'au 
250.  Saint  Jérôme  dit  qu'il  fut  blAmé  de  n'a- 
voir pas  songé  en  mourant  à  Ori^^^éno,  qu'il 
laissait  vieux  et  pauvre;  mais  il  suffit  de 
connaître  passablement  l'iiistoire  d'Origène, 
pour  savoir  (}u'il  ne  faut  [)oi'it  attribuer  la 
conduite  d'Ambroise  à  un  ouljli,  uiais  bien  à 
lamour  qu'avait  son  ami  pour  la  pau- 
vreté. Origène,  qui  avait  consenti  à  accepter 
d'Ambroisj  ce  cjui  lui  était  nécessaire  pour 
son  travail,  n'ivait  jama:s  rien  voulu  pren- 
dre |)Our  ses  besoins  personnels.  11  y  a  plus 
que  de  la  légèreté  à  accuser  ainsi  une  ami- 
tié que  l'histoire  tout  entière  montre  si  fi- 
dèle et  si  dévouée.  Quelques  martyrologes 
lui  donnent  la  qualité  de  martyr.  Peut-être 
Dieu  lui  accorda-t-il  sous  Dèce  la  couronne 
(ju'il  avait  été  si  près  de  recevoir  sous  Maxi- 
min.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  il  mars. 

AMBROiSE  (saint),  archevêque  de  Milan, 
docteur  de  l'Eglise  et  confesseur,  est  un  des 
l)lus  grands  parmi  les  saintsque  l'Eglise  hono- 
re. Il  naquit  dans  les  daules  vers  l'an  3i0.  Son 
père,  Ambroise,  était  préfet  du  prétoire  de 
ce  pays,  et  résidait  à  Trêves.  Du  reste,  sa 
famille  était  originaire  de  Rome,  qui  était 
vraiment  sa  patrie;  car  né  dans  les  Gaules  , 
il  y  dut  être  inscrit  comme  tils  d'étranger.  Il 
avait  une  sœur,  sainte  Marcelline  ,  et  un 
fi-ère  nommé  UranusSatyrus.  Marcelline  était 
l'aînée.  Lui  était  le  plus  jeune  des  trois.  Nous 
passerons  sous  silence  l'histoire  des  abeilles 
(lui  vinrent  se  re|)Oser  sur  son  visage,  dans 
son  berceau  ,  pour  passer  à  quelque  chose 
de  sérieux.  On  raconte  la  môme  chose  de 
Platon.  L'histoire  est  ainsi  faite,  elle  sème 
les  merveilles  sur  le  chemin  des  grands  hom- 
mes. A  C"tte  époque,  on  le  voit  souvent  trop, 
elle  garde  encore  cet  amour  du  ni.Tveilleux 
({ui  marque  chez  tous  les  peuples  l'enfance 
(les  civilisations.  Après  la  mort  de  son  père, 
le  jeune  Ambroise  vint  demeurer  à  Rome 
avec  sa  mère,  sa  sœur  Marcelline  ,  qui  s'é- 
tait vouée  à  Jésus-Christ,  et  une  autre  jeune 
vierge  nommée  Candide,  qui  avait  aussi  em- 
brassé l'état  de  virginité.  Ce  fut  dans  cette 
compagnie  douce  et  sainte  (pi'Ambroise  fut 
élevé  ;  aussi  garda-t-il  la  pureté  de  son  Ame, 
chose  si  rare  dans  ces  temps-là.  Du  reste  ,  il 
fut  élevé  en  laison  de  la  position  de  sa  fa- 
mille et  de  l'avenir  (|u'on  prévoyait  natu- 
rellement devoir  être  le  sien.  11  passa  donc 
Sel  première  jeunesse  dans  l'étude  des  scien- 
ces humaines  ;  il  y  réussit  adiuii'abhnnent  : 
h'S  précieux  ouvrages  qu'il  a  laiss(''s  en  sont 
la  pi-euve.  Après  (pi'il  eut  lini  ses  études  , 
il  entra  dans  le  barreau,  et  |)laida  quehiue 
temps,  en  dehors  de  Rome,  devant  le  ti'ibu- 
nal  du  préi'..'l  du  piétoire,  dont  hî  siég(!  or- 
dinaire élnit  à  .Milan.  Il  remplit  e(!tt(;  fonc- 
tion avec  tant  d'éeîat,  (pic  le  préfet  h;  choisit 
pour  êti'e  son  ass(;ss('ur.  Ce  préfet  se  nom- 
miit  Pelroriins  Probus.  Ambioise  était  aussi 
très  en  faveur  auprès  di;  Syunnaipie,  grand 
sei'gneur  romain,  mais  aussi  ardemment  at- 
taiifié  au  paganisme  (pie  Probus  et  Audjroise 
l'étaient  a  \;\  i(!ligion  chrétienne.  Ri(nitùt , 
f^r.lee  a  soi  inéiiie  et  ii  i'.ippui  (jue  lui  pi'6- 
laient  ces  JKUTnnes  émin(,'nts,  Ambroise  ar- 


riva aux  plus  hautes  dignités,  il  fut  nommé 
gouverneur  de  la  Ligurie  et  de  l'Emilie, 
c'est-à-dire  d  >  tout  le  [)ays  tenu  par  les  ar- 
chevêchés de  Milan,  de  Turin  ,  de  Gênes,  de 
Bologne  et  de  Ravenne.  Il  exeri-i  sa  charge 
à  la  satisfaction  générale  et  se  fusant  aimer 
de  tous  ses  administrés.  Il  v  avait  plus  de 
vingt  ans  que  l'Eglise  de  Milan  était  oppri- 
mée par  Auxence,  évêque  arien,  ami  de  Gré- 
goire ,  avec  lequel  il  avait  commis  divers 
crimes  à  Alexandrie.  Conslance  l'avait  in- 
trus h  la  place  do  saint  Denis,  qu'il  avait 
banni.  Saint  Denis  aima  mieux  mourir  dans 
son  exil  que  de  revenir.  Quand  Valentinien 
parvint  au  trnie,  Auxence,  pourp.air'  au 
nouveau  monarque  ,  qui  était  catholique, 
dis-imula  si  bien  ses  sentiments  ,  que  saint 
Hilaire,  qui  entreprit  de  le  dévoiler  ,  reçut 
l'oixlre  de  sortir  de  Milan.  Auxence  gardait 
le  siège  de  Milan  malgré  le  pape  lui-même 
et  malgré  les  principaux  évèques  de  la  chré- 
lienlé.  Enlin,  Dieu  Unit  parla  mort  du  pré- 
lat intrus  ce  que  la  puissance  des  hommes 
n'avait  pu  fcdre,  Auxence  mourut  en  STV.  Les 
évê({ues  de  la  province  dé  Milan  écrivirent 
à  Valentinien,  qui  était  alors  dans  bs  Gau- 
les, pour  qu'on  remplaçât  Auxence.  Valen- 
tinien leur  fit  une  réjjonse  dictée  par  la 
sagesse ,  s'excusant  de  nommer  lui-même 
le  nouvel  évêque  de  Milan,  et  s'en  remet- 
tant aux  j)rélats  bien  plus  aptes  que  lui  , 
disait-d,  h  fair(;  un  pareil  choix.  Les  évo- 
ques délibérèrent  longtem|)s  ;  mais  le  choix 
était  difficile.  Les  catholiques  d'un  côté, 
les  ariens  do  l'autre,  parmi  les  hab  tanis  de 
Milan,  voulaient  avoir,  tant  les  uns  les  autres, 
un  évêque  de  leur  parti.  Comme  on  |)ré- 
voyait  une  sédition,  Ambroise  lit  nnè  allo- 
culion  au  peuple.  Il  l'engageait  à  faire  ce 
choix  sagement  et  sans  tumulte.  11  parlait 
encore  que  toute  l'assemblée,  d'une  com- 
mune voix,  s'écria  qu'elle  voulait  Ambroise 
pour  évê([iie,  et  dit  que  c'était  à  cette 
condition  seulement  qu'elle  recevrait  un 
môme  évêque  et  une  même  foi.  Saint  Am- 
broise n'était  alors  que  c  itéihuinène;  mal- 
gré cela,  il  savait  très-bien  (|ue  le  comman- 
dement de  saint  Paul  et  les  canons  défen- 
daient d'élever  à  l'épiscopat  ceux  qui  ou  n'é- 
taient pas  encoi'e  baptisés ,  ou  ne  l'étaient 
que  depuis  \)e\i  de  t(Miips.  Pourtant  nous  ne 
vo.ons  [)as  (]u'il  ait  allégiu' d'antre  raison  d(^, 
refuser  (pie  celle  tirée  dt;  l'indigiiité  qu'il  se 
sentait  ])Our  r(nni)lir  des  l'onclions  si  saintes 
et  si  importantes.  \'()yaiit  donc  ce  consente- 
ment unanime  de  (oui  le  peuph»,  il  lit  dres- 
ser son  tribunal,  et  lit  uu^tti-e  à  la  (juestinii 
avec  une  grande  rigueur  plusieurs  person- 
nes, alin  (pie  le  jugeant  cruel  et  méclrint, 
on  le  trouvât  indigne  du  sacerdoce.  Le  peu- 
ple n'en  cria  «pie  plus  lort  (ju'il  ne  voulait 
pas  d'autre  évêqiui  (prAuibioise.  M  so  relifa 
chez  lui  dans  une  graud(.'  per'pl(;\il(''.  il  (it 
enti-(M'  pul»li(pienie'itdanssa  mnisou  desfem- 
UK.'S  (1<;  mauvaise  vie  ;  mais  le  peuple  ne  se 
laissa  pas  plus  surpr(!ndre  par  cet  aililice 
(pie  par  le  premiei'.  Voyant  ipie  tout  ce:  (|u'il 
fais;iil  ne  pouvait  réussir,  il  prit  la  fuite  au 
milieu  de  la  nuit,  et  prit  If  eheinin  do  Pa- 


IGi 


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10? 


vie;  mais  Dieu  IT'^^ara  (clleiiKMit  qui;  le  nui' 
tin  il  so  tfoiiva  à  la  porto  (h;  Milan,  nomniro 
|)ort()  (le  Uoiue.  Quand  on  l'eut  retrouvé  ,  lo 
p(Mi|)l(i  lui  donna  dos  jjjardos.  On  écrivit  ii 
v'alontinion  coqni  s'était  passé.  L'oniporour, 
enchanté,  roniorcia  Dieu  d'un  toi  choix;  non- 
sculoniont  il  a|)prouva  ce  choix,  mais  il 
donna  dos  ordres  pour  qu'il  eût  iuunédiate- 
ment  son  ell'ct.  Pendant  qu'on  avait  écrit 
dans  lesCiauIes,  Aud)roise  s'était  do  nou- 
veau caché  chez  un  nommé  Léonce.  Quand 
l'oi'dro  do  l'empereur  fut  venu ,  et  (ju'on 
commanda  h  tous  de  dénonc t  Ambrois(î , 
Léonce  le  lit.  Alors  il  fut  pris  et  amené  à 
iMilan.  Voyant  qu'il  n'y  avait  plus  moyen 
d'éluder,  il  demanda  h  n'être  baptisé  que 
}iar\ui  évoque  catholi(iue,  crai^vint  fort  d'è- 
Iro  surpris  do  quoUiue  côté  pour  l'hérésie  des 
ariens.  Ba|)(isé  le  30  novembre  ,  il  exerça 
successivement  toutes  les  fonctions  ecclé- 
siastiques, et  fut  emin  ordonné  évèiiuo  huit 
jours  a()rès  son  b:q)témo.  Toute  l'Eglise 
d'Occident  approuva  soîi  ordination.  Par  le 
fait  de  cette  ordination  de  saint  Aiubroise , 
l'aiianismo  se  trouva  immédiatement  détruit 
à  Milai,  et  l)ientot  dans  toute  l'Italie.  11  dé- 
buai  par  donner  tout  son  bien  aux  pauvres. 
îl  mit  une  telle  l'ègio  dans  sa  conduite  et 
dans  sa  vie  entière  que  rien  ne  le  déran- 
geait des  austérités  qu'il  s'imposa.  11  dormait 
peu,  travaillait  beaucoup,  et  jeûnait  tous  les 
jours  :  il  ne  dînait  que  le  samedi  et  le  di- 
manche, ou  bien  encore  les  jours  de  fête  des 
plus  célèbres  mnrlyrs.  Il  n'acceptait  aucun 
festin,  à  moins  qu'il  ne  fût  hors  do  Milan  et 
chez  ses  amis.  Il  recevait  quelquefois  les 
grands  personnages  avec  lesquels  il  était  lié  ; 
mais  il  le  faisait  d'une  façon  simple,  quoique 
convenable.  La  porte  de  sa  chambre  était 
continuellement  ouvert:;  à  tout  le  monde  ; 
chacun  y  entrait  librement  et  sans  se  faire 
annoncer.  Il  y  a  loin  de  cette  simplicité 
vraiment  apostolique  aux  façons  princières 
de  certains  prélats  mo  lernes,  ch.'Z  lesquels 
il  faut  solliciter  audience,  et  qu'on  ne  trouve 
qu'en  traverscuit  de  fastueux  appartomeuts  , 
où  chaque  porte  est  gardée  par  des  laquais 
en  livrée.  Saint  Pierre  et  saint  Paul  n'ose- 
raient vraiment  jias  entrerdans  d'aussi  beaux 
logis  et  chez  d'aussi  grands  seigneurs.  Le 
pape  Damase  lui  envoya  Simplicien,  prêtre 
de  Rome,  pour  le  diriger  dans  les  commen- 
cements, touchant  la  science  et  la  conduite 
de  l'Eglise. 

Après  la  mort  de  Valentinien,  les  ariens 
enti éprirent  de  troubler  l'église  de  Milan; 
mais  l'avènement  de  Gratien,  fervent  catho- 
lique, lit  avorter  leurs  projets.  Ce  nouveau 
prujce  protégea  le  saint  évoque,  qui  lui 
écrivit  pour  l'en  remercier.  Saint  Ambioise 
lit  ses  premiers  écrits  bientôt  après.  Il  con- 
sacra son  talent  à  l'éloge  de  la  virginité.  On 
peut  admirer  dans  ses  œuvres  ce  qui  a  trait 
a  ce  sujet  si  intéressant. 

Dans  les  guerres  que  les  Romains  fai- 
saient aux  barbares,  ces  derniers  ayant  fait 
nombre  de  prisonniers,  dans  la  Thrace  et 
dans  riUyrie,  vendaient  ces  malheureux. 
Le  nombre    en  était   si  grand,  ([u'il  y    en 


avait  do  (pioi  |»oupler  une  province.  Les 
Eglises  en  raclnHèi-ent  une  grande  quantité, 
mais  saint  Ambroise  se  signala  uarticuliè- 
rement  :  il  n'hésita  pas  à  sacrifier  les  vases 
sacrés  ([ui  servaient  dans  les  églises  de  son 
diocèse.  Il  lit  rompre  et  servir  au  rachat  des 
captifs  tous  ceux  qui  n'avaient  |)as  encore 
servi  au  saint  sacrilice.  Si  cette  quantité 
n'eût  pas  suiïi ,  il  eût  de  môme  fait  briser 
ces  derniers.  Les  ariens,  en  lui  faisant  un 
crime  de  cela,  lui  fournirent  l'occasion  d'un 
discours  au  peu|)le  où  il  étale  avec  un  noble 
orgueil  toutes  les  magnificences  do  la  cha- 
rité chrétienne. 

Il  n'est  point  inutile  de  remarquer  sur 
cette  action  si  illustre  de  noire  saint,  que, 
ayant  surmonté  l'avarice  ordinaire  aux  gens 
du  monde  en  se  dé|)Ouillant  do  ses  biens,  il 
avait  surmonté  celle  qui  se  rencontre  assez 
souvent  dans  les  cnr[)s  ecclésiastiques  et 
dans  les  communautés  les  plus  saintes.  On 
s'y  lait  une  maxime  do  piété  de  conserver 
ce  qui  appartient  à  l'Eglise  et  à  la  commu- 
nauté avec  la  même  attache,  et  souvent  avec 
une  beaucoup  plus  grande,  que  celle  qu'on 
condamne  si  justement  dans  les  séculiers  à 
l'égard  do  leur  bien  |)roi)rc.  On  préfère  cet 
intérêt  qui  pour  être  commun,  ne  cesse  pas 
d'être  f)articulier,  non-seulement  à  ce  que 
la  bienséance  demande,  mais  à  ce  que  la 
charité,  l'Evangile  et  quelquefois  même  la 
justice  la  plus  rigoureuse  exigent  de  nous. 
On  ruine  des  familles  et  on  perd  son  propre 
repos  pour  faire  revenir  des  terres  qu'on 
prétend  avoir  appartenu  à  l'Eglise  des  siè- 
cles auparavant;  et  l'on  aime  mieux  laisser 
périr  des  provinces  que  de  vendre  ou  d'en- 
gager des  richesses  qui  ont  souvent  été  fort 
mal  acquises,  et  qui  au  moins  ne  servent 
d'ordinaire  qu'à  donner  un  vain  éclat  et  à 
parer  d'une  magnihcence  toute  séculière  des 
temples  consacrés  à  un  Dieu  pauvre  et  où 
l'on  prêche  aux  autres  la  pauvreté  ,  l'au- 
mône et  le  mépris  des  richesses.  (Tillemont, 
vol.  X,  p.  112.) 

Peu  de  temps  après,  saint  Ambroise  eut  le 
malheur  de  perdre  son  frère  Satyre,  qui 
lit  naufrage  en  se  rendant,  en  Afrique  en 
378,  et  .qui,  quelque  temps  après,  revint 
mourir  à  Milan  près  de  lui,  des  suites  peut- 
être  de  cet  accident.  A  la  prière  de  Gratien, 
saint  Ambroise  écrivit  ses  livres  sur  la  foi. 
En  380,  Ambroise,  qui  venait  d'ordonner 
Anème  évêque  de  Sirmich,  malgré  Justine, 
revint  à  Milan,  où  cette  princesse  le  fit  atî;-- 
quer  par  toutes  sortes  de  moyens.  Elle  était 
arienne  fanatique.  Elle  fit  de  très-grandes 
instances  près  de  Gratien ,  pour  qu'on 
donnât  dans  Milan  une  église  à  ceux  de  sa 
secte.  Gratien  fit  mettre  une  église  en  sé- 
questre, ce  qui,  disait  saint  Ambroise,  ne  ve- 
nait pas  de  lui.  Ambroise  invoqua  le  ciel 
dans  cette  circonstance.  Dieu  l'exauça,  car 
Gratien  lui  ayant  demandé  d'écrire  sur  la 
divinité  du  Saint-Esprit,  il  promit  de  le  faire. 
L'empereur  en  fut  si  touché,  qu'il  commanda 
de  rendre  la  basilique  aux  catholiques.  Peu 
de  temps  après  on  tint  le  concile  d'Aquilée, 
^xU\\,  Ambroise  y  assista;  il  y  confondit  Pal- 


Î63  AMB 

lade,  Secondien  et  Attale,  qui  furent  anathé- 
matisés  parle  concile.  Le  concile  d'A(iuilée 
demanda  un  concile  œcuménique.  E'i  382, 
eut  lieu  le  concile  de  Rouieau|uel  saint  Am- 
broise  assista;  mais  il  y  tomba  malade.  Peu 
de  temps  aptes,  Ambfoisc  fut  dé[)uté  par 
Valenliiiie-i  II  à  Maxime,  avec  lequel  il  con- 
clut la  paix.  Revenu  à  Milan,  il  eut  le  bon- 
beur,  par  sa  chiuiié  et  par  ses  discours,  de 
convertir  saint  Augustin.  Puis  il  réfuta  son 
ami  S\-mmaque,qui  doniandailà  Volentinien 
qu'on  rétablit  à  Rome  l'autel  de  la  Victoire. 
Ce  fut  ei  38'+  qm;  commencèrent  pour  saint 
Ambroise  les  persé^utio;:s  qui  portent  l'E- 
glise à  l'bonorer  comme  confesseur.  Justine, 
cette  nouvelle  Jézabel,  arienne  outrée,  qui 
avait  échoué  dans  ses  projets  durant  la  vie 
de  son  époux  Valentinien  1",  et  sous  Gra- 
tien,  crut  pouvoir  abuser  de  la  jeunesse  de 
Valentinien  II.  Elle  avait  auprès  d'elle  un 
nommé  Auxence,  qui  se  prétendait  évêque 
et  qui,  de  concert  avec  l'impératrice,  quel- 
ques dames  de  la  cour  et  un  certain  nombre 
d'étrangers, avait  résolu  de  perdre  saint  Am- 
broise. Justine  promettait  argent  et  hon- 
neurs à  ceux,  qui  soulèveraient  le  peuple 
contre  lui.  Elle  offrit  la  charge  de  tribun  à 
quiconque  voudiait  le  tirer  de  lEglise  elle 
conduire  en  exil.  Plusieurs  l'essayèrent, mais 
n'en  purent  venir  à  bout.  Va  nonuné  En- 
tliyme  le  tenta.  Cette  entreprise  lui  devint 
funeste.  C'état  en  mars  385.  Il  vint  se  lo- 
ger près  de  l'église  et  se  procura  un  char- 
riot  pour  pouvoir  emmener  le  saint.  Mais 
au  bout  d'un  an,  lejour  même  où  il  croyait 
pouvoir  surprendre  le  saint,  il  fut  saisi  et 
conduit  en  exil,  dans  ce  même  charriot  qu'il 
avait  destiné  à  Ambioise.  Le  vénérable  pré- 
lat lui  envoya  dans  son  exil  l'argent  et  les 
autres  choses  des(iuelles  il  pouvait  avoir  bu- 
soin.  Peiidaiil  qu'on  cherchait  ainsi  ài'enle- 
ver,  il  fut  mandé  au  palais  impérial.  Valen- 
tinien voulait  qu'il  cédât  une  église  aux 
ariens  :  c'était  la  basilique  Portienne,  située 
hors  des  murs  de  la  ville.  Cette  atlaire  fut 
traitée  en  plein  conseil.  Ambroise  ne  se 
laissa  pas  intimider  :  à  Dieu  ne  plaise,  dit-il, 
qu'une  Ame  consacrée  au  service  du  Seigneur 
craig'^c  plus  la  rigueur  des  touimenis  (ju'elle 
n'aime  les  règles  de  la  jiiété.  Le  peu])le,  sa- 
chant qu'il  était  au  [lalais,  s'y  porta  enfouie 
et  avec  tant  d'impétuosité,  (pie  rien  ne  pou- 
vait le  contenu-.  On  envoya  un  comte  avec 
des  soldr.ls,pourd;ssi[)cr  ce  rassemblement, 
mais  tous  s'otli  ,rent  à  perdre  la  vie  pour  la 
foi.  On  fut  réduit  à  prier  saint  Ambroise  de 
vouloir  bien  lui-même  calmer  le  peuple, 
et  de  |)iOMiettre  (jn  •  personne  n'entrepren- 
drait rien  sur  l;i  b!isili{pie  (pie  d(nnan(laient 
les  a  iens.  Après  fju'il  eût  rendu  ce  service, 
on  lui  im[)ula  cette  ('•meute  à  crime.  Dès  le 
lerideni.nn,  au  heu  de  deuiandir  seulem(;nt 
la  tjasiliijue  Poilienne  (pii  était  hors  des 
murs,  on  demanda  la  neuve,  ((ui  était  d;ms 
renci'inle  de  la  ville.  Probablement  (^'était 
l'église  des  Ap('')tr(;s ,  billie  par  saint  Am- 
broise, près  de  la  porl(!  d(!  Rome.  L'iinpéra- 
tiif!'  i-i\oya  ores,  de  lui  des  c(>ns(.'iliers  d'E- 
lîii,  qui   lui  demandèrent  de  livrer  cette  ba- 


mB 


164 


silique  neuve,  et  de  faire  en  sorte  que  le 
peu|)le  ne  remuAt  pas.  Il  ré;  ondit  qu'il  n'a- 
v.iit  pas  plus  le  droit  de  la  donner  que  lem- 
pereur  de  la  prendre  ;  (|ue  si  le  pouvoir  de 
l'empereur  ne  pouvait  aile  jusqu'à  s'empa- 
rer de  la  maison  d'un  simple  i  articulier,  à 
plus  forte  raison  n'al'ail-il  |)as  jusqu'à  jiren- 
dre  la  maison  du  Seigneur.  On  lui  dit  que 
tout  appartenait  à  l'empereur.  Le  saint  ré- 
pliqua que  l'autorité  impériale  ne  s'étendait 
pas  sur  ce  qui  appartenait  à  Dieu;  qu'un 
prince  ne  pouvait  mieux  prolong  r  son  rè- 
gne qu'en  se  soumettant  humblement  au 
Très-Haut.  Le  lendemain,  le  samedi  5  avril, 
le  peuple  acclama  dans  léglise  tout  ce  que 
le  saint  évèque  avait  répondu  aux  envoyés. 
Le  préfet  du  prétoire  s'y  rendit  et  demanda 
qu'on  livrAtau  moins  la  basilique  Portienne. 
Le  |>eu[)le  refusa  énergijuement.  Le  magitrat 
se  retira,  disant  qu'il  en  ftraitson  rap[iort  à 
l'empereur.  Le  lendemain,  jour  du  dimanche 
des  rame-mx,  saint  Ambroise  donnait,  c'est-à- 
dire  expliquait  le  symbole  aux  compétents, 
quand  on  vint  lui  annoncer  que  l'on  avait 
envoyé  du  p<ilais  à  la  basilique  Portienne 
des  hommes  qui  en  prenaient  [)Ossession,  y 
mettaient  des  tentures,  et  que  le  peuple  ca- 
tholique s'y  rendait  en  foide,  [)Our  s'oppo- 
ser à  cette  entreprise.  Il  continua  et  ensuite 
commença  l'oblation  du  saint  sacrifice.  On 
vint  alors  lui  dire  que  le  peuple  s'étiit  saisi 
d'un  nommé  Caslule,  |)rèlre  aritm.  11  f»leura 
amèi'ement,  et  pria  Dieu  de  ne  pas  permet- 
tre qu'il  y  eût  du  sang  versé  pour  la  cause 
de  l'Eglise.  Il  envoya  prompt»  ment  des  prê- 
tres et  des  diacres ,  qui  arrachèrent  cet 
homme  à  la  fureur  du  peuple.  Ensuite,  en 
punition  de  l'émotion  populaire  qui  s'était 
manifestée ,  la  cour  fit  punir  sévèrement 
toute  la  corporation  des  marchands.  On  les 
chargeait  do  chaînes,  et  le  plus  grand  nom- 
bre était  condamné  h  payer  sous  trois  jours, 
pour  se  racheter,  la  somme  de  deux  cents  li- 
vres d'or.  Les  comtes  et  les  tribuns  vinrent 
de  nouveau  trouver  saint  Ambroise,  pour  le 
sommer  de  livrer  promptement  la  b  .sili(|ue. 
Si  vous  voulez  mon  patrimoine,  prniez-le, 
leur  dit-il  :  prenez  mon  sang,  ma  vie,  met- 
tez-moi dans  les  fers;  mais  quant  à  l'église, 
elle  ne  m'ajipartient  pas,  et  je  ne  puis  la  li- 
vrer. Alors  on  envoya  des  hommes  armés 
pour  s'em[)aier  de  la  basilique.  Le  saint 
tremblait  de  IVayeur,  cai- il  craign;\it  qu(nes 
catholiipies  faisant  résista  n-e,  il  ne  survint 
un  coiillit  sanglant.  (3n  lui  dcma^ida  d'à  ai- 
ser  le  peujle.  il  dé[)en(l  de  moi,  dil-i  ,  de 
ne  pas  le  soulever;  mais  Dieu  seul  |»i  ut  l'a- 
paiser ;  si  vous  c  o\ cz  que  je  -ois  cause  de 
sédition,  |)unissez-m  en  sur  l'heure,  dil-il  ; 
envoyez-moi  dans  quehiuo  désert.  Ntms  no 
voyons  plus  rien  de  ce.  (jui  concer.c  la  basi- 
li(|ue  l'oilienne.  Il  y  n  aj)|iaicnce  (;ue  les 
soldais,  voyant  (|ue  ]v  peujtle  ('t.ul  le  jihis 
fort,  se  retirèrent  ave("  les  s(Miten(  (>s  ((u'ils 
avaunit  apportées.  On  ne  dit  rien  de  ce  (jui 
S(!  passa  l(!S  deux  jours  suivants;  mais  le  mer- 
CHidi  l)  avril,  saint  Ambroise  ne  fut  pas  plu- 
têt  sorti  d(î  son  logis  ,  (pi(>  la  basilique 
neuve  fut  investie  et  occupée  par  (ie.*  sol 


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ÂMB 


ÂMB 


166 


dats.  On  y  mit  dos  lenturos  pour  qu'A uxenco  " 
pûl  y  c(?i(''l)i'(M- rolFice;  mais  les  calholicuics 
y  enir(''n'nl  tic  force,  et  on  si  jj,'  niici  nnnilirc, 
que  Ti^^lisc  en  élail  enlièreinenl  roiiiiilie.  Ils 
ueinaïulaie'U  un  leelciir  pour  leur  lire  l'I']- 
vaiîgilo.  Saint  Ambi-oise,  (jui  céléhrail  rollico 
(la-^s  l'ancienne  basili(Hie,  connut  par  Je  jjji'- 
nusscHK  nt  du  peuple,  (pu*  l'églisi^  neuve 
était  envahie,  alors  il  commanda  (pm  les 
soldats  fussent  séj  ares  de  la  comiuunio'i 
s'ils  ne  se  i-etiraient.  Pendant  qu'il  lisait  les 
leçons,  qui  étaient  dulivre  de  Job  cejour-lh, 
on  vint  lui  a[)prendre  que  l'église  neuve 
était  [.leine  de  catholiques.  Il  craignait  un 
conflit ,  mais  les  soldats  ayant  su  l'excom- 
munication dont  il  les  menaçait,  quittèrent 
la  basilique  neuve  et  vinrent  à  l'ancienne  se 
somnettie.au  saint  prélat.  Le  peu[)le  souhai- 
tait que  le  saint  évé(pie  se  rendît  à  la  basili- 
que neuve;  beaucoup  le  lui  conseillaient, 
il  ne  le  voulut  pas  faire.  Il  répondit  qu'il  n'a- 
vait pas  plus  le  droit  de  combattre  que  celui 
de  livrer  la  basili(|ue.  Il  fil  ensuite  au  peu- 
ple un  discours  dan»  lequel  il  profile  de  sou 
désir  du  martyre,  et  stigmatise  les  femmes 
qui  persécutent  l'Eglise  en  sa  personne,  no- 
tamment Justine,  (|u'il  compare  à  Jézabel  et 
à  Hérodiade.  Pendant  qu'il  prêchait,  on  vint 
lui  dire  que  les  tentures  qu'avait  fait  mettre 
rem|)ereur  étaient  enlevées,  en  même  temps 
on  le  priait  de  venir  à  la  bisilique  neuve.  Il 
refusa,  mais  il  y  envoya  des  prêtres.  Un  ins- 
tant après  on  vint  lui  diie  qu'un  secrétaire 
envoyé  de  l'empereur  demandait  h  lui  par- 
ler. Le  saint  se  mit  un  peu  à  l'écart  poui'  le 
recevoir.  «  Comment  avez-vous  osé  entre- 
prendre, lui  dit  ce  secrétaire,  de  vous  oppo- 
ser à  l'ordre  de  l'empereur  ?  —  Je  ne  sais,  ré- 
pondit le  saint,  de  quel  ordre  vous  me 
parlez  ni  quelle  est  cette  témérité  qu'on 
trouve  dans  ma  conduite.  — Pourquoi,  repar- 
tit le  secrétaire,  avez-vous  envoyé  des  prê- 
tres à  la  basilique?  L'empereur  veut  savoir 
si  vous  prétendez  vous  ériger  en  tyran,  afin 
de  prendre  ses  mesures  contre  vous.»  Saint 
Ambroise  lui  rendit  raison  de  son  procédé 
avec  beaucoup  de  douceur,  et  il  ajouta  :  «  Si 
cette  manière  d'agir  vous  semble  être  une 
tyrannie,  les  armes  dont  je  me  sers  sont  au 
nom  de  Jésus-Christ.  Toid  mon  pouvoir  est 
de  vous  présenter  mon  corps;  si  on  me  juge 
un  tyran,  pourquoi  ditfère-t-f)n  à  me  punir 
de  mort?  Il  est  vrai  que  nous  avons  une  ty- 
rannie assez  particulière.  La  tyrannie  d'un 
éyêque  consiste  dans  sa  faiblesse.  Valenti- 
nien,  que  Dieu  laisse  sans  adversaire,  de- 
vrait prendre  garde  de  s'attirer  quelque  ty- 
ran véritable.  Ce  n'est  pas  la  pensée  de 
Maxime  que  je  sois  le  tyran  d."  Valentinien, 
lui  qui  se  [-laint  que  je  l'ai  empôciié  par  mon 
ambassade  de  passer  en  Italie.  Les  évêques 
ne  se  sont  jamais  érigés  en  tyrans  ;  mais  ils 
ont  souvent  souffert  de  la  part  des  tvrans.  » 
(îiIlemont,vol.X,  [i.  173.) 

Tout  le  reste  du  jour  se  passa  dans  la  dou- 
leur. Ambroise  ne  put  jamais  regagner  son 
logis,  qui  était  contigu  à  la  basilique  neuve. 
Des  soldats  l'environnaient  de  toutes  parts. 
Au  lieu    donc    de  rentrer,  il  passa  toute 


la  nuit  à  chanter  des  psaumes  avec  les 
fidèles,  dans  la  petite  basilitpie  de  l'église. 
Le  jour  suivant,  comme  on  venait  de  liie 
selon  la  coutume  le  livre  d(!  Jonas,  Am- 
broise cnmnieiiça  son  sermon  par  ces  paro- 
les :  On  vient,  mes  frères,  de  lire  un  livre,  où 
il  est  f)ro|)héiisé  (jue  les  pécheurs  revien- 
dront un  jour  h  Dieu  par  la  pénitence.  On 
crut  (pie  ces  paroles  du  saint  étaient  en  elfet 
prophétiques  relativement  au\  événements 
qui  préoccupaient  si  fortinnent  ro[)inion  pu- 
bli(|ue.  En  etlVt,  quelques  in- tans  après  on 
vint  dire  que  l'emoeriHir  faisait  retirer  ses 
soldats  de  la  basilique  neuve,  et  restituait 
aux  marchands  tout  l'argent  qu'on  leur 
avait  extorqué.  Ce  fut  ainsi  que  se  termina 
cette  persécution,  mais  saint  Ambroise  crai- 
gnait avec  raison  qu'elle  ne  se  renouvelAt 
bientôt.  Les  seigneurs  do  la  cour  priant 
l'empereur  de  se  rendre  à  l'église  parmi  li'S 
catholiques,  disant  que  c'étaient  les  sol- 
dats qui  le  désiraient  :  «  Vraiment,  leur  dit 
l'empereur,  je  pense  que  si  Ambr.iise  vous  le 
commande;  vous  me  livrerez  à  sa  discré- 
tion.» Ces  mauvais  sentiments  lui  étaientdic- 
tés  par  l'impératrice  Justine,  et  par  Cal- 
lyone,  grand  chambdlan  et  premi,  r  eunu- 
que. Cet  homme  eut  l'effronterie  de  faire  dire 
à  Ambroise  :  «  Quoil  vous  méprisez  Valenti- 
nien de  mon  vivant  I  je  vous  couperai  la  tête.» 
Le  saint  sans  s'étonner  lui  répondit  :  «  Dieu 
vous  permette  d'exécuter  vos  menaces.  Je 
souffrirai  ce  qu'il  convient  à  un  évèque  d'en- 
durer, et  vous  ferez  une  action  digne  d'un  eu- 
nuque. »  Quelque  temps  après  cet  homme 
eut  lui-même  la  tête  tranchée  pour  avoir 
commis  un  crime  habituel  aux  eunuques 
dans  ces  temps  de  débauches,  où  les  prin- 
cesses et  les  grandes  dames  aimaient  à  se 
donner  des  plaisirs  sans  dangers.  Justine, 
irritée  au  dernier  point  contre  saint  Ambroise, 
recommença,  en  l'an  386,  à  persécuter  les 
églises,  à  menacer  les  évêques  de  les  chasser 
de  leurs  sièges,  s'ils  ne  reconnaissaient  les 
décrets  du  concile  de  Rimini.  Elle  voulait 
ainsi  abattre  Ambroise.  L'empereur  consen- 
tit à  faire  des  ordonnances  contre  la  foi  des 
catholiques.  Il  donna  des  ordres  à  Bénévole 
pour  qu'il  les  rédigeât.  Bénévole,  élevé  dans 
l'amour  de  la  foi  catholique,  fit  voir  bientôt 
qu'il  en  saurait  garder  les  enseignements.  A 
la  première  proposition  qu'on  lui  en  fit,  il  re- 
fusa soa  concours,  et  déclara  qu'il  n'écrirait 
pas  des  choses  qui  attaquaient  Dieu  lui- 
même.  On  lui  promit  des  honneurs,  un 
grade  plus  élevé.  «  Pourquoi,  répondit-il, 
m'otlVez-vous  de  plus  grandes  charges,  en 
récompense  d'une  impiété?  Otez-moi  plutôt 
cel'e  que  jai.  Je  serai  content,  pourvu  que  je 
conserve  inviolablement  ma  foi,  et  que  je  ne 
fasse  rien  contre  ma  conscience.  »  Il  quitta 
alors  les  insignes  de  sa  dignité,  et  les  jetant 
aux  pieds  de  ceux  qui  lui  donnaient  ces  or- 
dres impies,  il  se  relira  chez  lui,  aimant 
mieux  n'être  plus  rien  dans  l'Etat  que  de 
conserver  son  rang  et  la  laveur  impériale  au 
prix  de  son  salut  et  de  ses  convictions.  Jus- 
tine trouva  d'autres  personnes  qui  n'hésitè- 
rent pas  à  lui  tenir  lieu  de  Bénévole  dan* 


167 


AMB 


A  MB 


168 


celto  circonstance.  La  loi  parât  le  -il  janvier 
de  cette  année  38G.  Elle  statuait  en  subs- 
tance, ({Lie  ceux  qui  suivaient  la  foi  de  Ri- 
mini  auraient  liberté  entière  du  tenir  des  as- 
semblées, et  défendait  aux  catholiques,  sous 
})eine(le  la  vie,  d'y  faire  aucune  o|)i)osition, 
déclarant  que  dans  le  cas  où  ils  enfrein- 
draient cette  défense,  ils  seraient  considérés 
commeséditieux,  perturbateurs  de  l'Eglise  et 
criminels  de  lèse-majesté.  Saint  Ambroisedit 
qu'en  ex:'Cution  de  cette  loi,  on  commajidait 
partout  de  chasser  les  évèques  catholiciues, 
et  de  décapiter  tous  ceux  qui  résisteraient 
et  refuseraient  de  livrer  les  éj-dises.  L'hom- 
me qui  dicta  cette  loi,  qui  l'éciivit,  fut  Au- 
xence,  cet  arien  de  t}ui  nous  avons  déjà  eu 
l'occasion  de  parler  dans  le  cours  de  cet  ar- 
ticle. C'est  de  lui  que  saint  Ambroise  dit  : 
qu'il  portera  malgré  lui  ses  lois  dans  l'autre 
monde.  11  y  portera  sa  conscience,  ajoute-il, 
quoi(iu'ii  n'y  porte  pas  sou  papier.  11  y  por- 
tera son  àmè  teinte  du  sang  des  saints, quoi- 
qu'il n'y  porte  pas  sa  lettre.  Ton  péché,  ô  Ju- 
das !  est  écrit  avec  un  burin  de  fer  et  un 
ongle  de  diamant,  il  est  écrit  dans  ton  cœur 
parce  ({uec'est  loncœurqui  encst  le  principe. 
Ccite  loi  portée  contre  tous  les  catholi- 
ques jeta  |)artout  l'aiarme  elle  deuil.  L'em- 
pereur Maxime  parle  de  cette  persécution 
comme  d'une  calamité  dans  la([uelle  les  ca- 
tholiques de  Rome,  d'itidie  et  des  autres 
provinces,  perdirent  leurs  évèques  et  leurs 
églises.  Pourtant  nous  ne  voyoïis  pas  qu'au- 
cun évoque  ors  saint  Ambroise  ail  éié tour- 
menté. Quand  on  vi-U  lui  signilier  qu'il  quit- 
tât l'église  Portiennc:  «  Dieu  m'eapiéserve, 
réponuil-d.  Je  ne  livrerai  pas  l'héritage  des 
saints  évèques  mes  prédécesseurs  ;  je  ne  li- 
vrerai pointla  maison  du  Seigneur.  »  llajou- 
ta,  connue  il  avait  déjà  lait,  que  s'il  possé- 
dait quelque  chos(t  en  propre,  de  l'or,  des 
iniisons,  des  terres,  il  h,'  donnerait  immé- 
diatement ;  mais  qu'il  n'était  [)oint  le  maili-e 
délivrer  cequi  était  le  patrunoiniMle  Jésus- 
Christ.  Vous  savez,  disait-il  à  son  |)euple, 
que  j'ai  toujours  eu  pour  les  enqxM'Curs  une 
juste  déférence.  11  est  vrai  que  je  ne  sais 
pas  (■■  '  que  c'est  (jue  bassesse;  loin  de  crain- 
dre les  sujjplieesdonton  me  menace,  je  m'y 
jirésente  volontieis  do  moi-même  ;  (juand 
l'empereur  deniande  le  t.  ibui,nous  ne  le  lui 
refusons  pas.  Les  terres  de  l'églisi;  le  j)ayejit. 
S'il  veut  même  prendre  ces  t^M-res,  il  a  le 
{(ouvoir  de  s  eu  emparer,  personne  ne  s'y 
op|)osera.  Les  aumùn(  s  du  peu|)le  peuvent 
suihre  pour  la  subsistance  des  pauvres.  Je 
ne  do,,n<;rai  |  as  crste;  res  à  l'emijcreur,  mais 
je  ne  m'opposerai  pas  à  lui  sd  veut  s'en 
rendre  le  maître.  Le  tiibut  appartient  à  Cé- 
sar, ainsi  on  ne  le  lui  refuse  point;  mais  l'é-- 
glise  appartient  a  Dieu,  et  on  ne  doit  pas  la 
donnera  tlésar,  |)arce  ([ue  ce  temple  d.-  Dieu 
ne  dépend  pas  de  Cés.ir.  l'ersoniie  ne  p(;ut 
nier  (pjc  celte  indéi)cndance  de  l'Kglise  ne 
soit  même  glorieuse  à  l'empereur.  Car 
(ju'ya-l-ilde  |)lushonoi/ible  àrempereuripu; 
tl'éire  appelé  le  lils  de  l'Kglise?  Lui  donner 
celle  (jualilé,  ce  n'est  pas  l'ollenser,  mais 
J'honorer.  Un  bon   empereur  se   tient  dans 


l'Eglise  et  ne  s'élève  pas  au-dessus  de  l'E- 
glise. Il  en  cherche  la  jirotection  et  ne  la 
rejettei)as.  Je  le  dis  sans  orgueil,  mais  avec 
une  généreuse  liberté.  On  me  menace  de 
m'envoyer  en  exil,  de  me  trancher  la  tète, 
de  me  brûler  tout  vif.  Mais  des  serviteurs 
de  Jésus-Christ  ont  appris  à  ne  rien  craindre 
de  tout  cela.  Et  quand  on  ne  craint  r:en, 
on  ne  se  met  point  en  peine  de  ces  sortes  de 
terreurs.  » 

On  connaissait  asse'.  la  fermeté  de  saint 
Ambroise  pour  être  bien  sûr  (ju'il  ne  lléchi- 
rait  pas.  On  se  résolut  donc  à  le  faire  sortir 
de  Milan.  Quant  à  lui,  il  ne  prenait  aucune 
précaution,  allant  et  venant  comme  d'habi- 
tude, passant  tous  les  jours  devant  le  ])alais 
sans  être  accompagné  de  personne.  Il  s'at- 
tendait chaque  jour  nu  martyre,  et  c'était  là 
l'objet  de  toute  son  audDilion.  On  allait  jus- 
(|u'à  faire  courir  le  bi'uit  publiquement  que 
des  gens  étaient  apostés  pour  l'assassii.er. 
Des  tribuns  envoyés  ])ar  l'empereut  vinrent 
lui  apporter  l'ordre  de  sortir  de  Milan.  Il  en 
éprouva  d'abord  de  la  joie;  c'était  une  j»  r- 
sécution,  et  les  saints  les  ainienL  comme  les 
soldats  aiment  le  combat.  ?tlais  samt  Am- 
broise comprit  aux  observations  qui  lui  fu- 
rent faites,  qu'on  n'avait  d  autre  but  d  •  le 
renvoyer  que  de  donner  aux  Ariens  les  égli- 
ses de  la  ville,  et  que  son  déj  art  équivau- 
drait à  la  tradition  qu'on  lui  demandait.  Il 
demeura  donc,  résolu  à  ne  quitter  que  de- 
vant la  violence.  L'exemple  de  saint  Am- 
broise montre  que,  si  dans  des  cas  sembla- 
bles, des  |)rélats  ont  cru  devoir  obéir  aux 
princes,  leur  exemple  ne  saurait  èire  don- 
né comme  règle  générale.  Chacun  en  pareil 
cas  doit  obéir  a.x  prescriptions  de  sa  cons- 
cience et  aux  inspirations  de  l'Espril-Saint. 
Dernièrement  (à  l'instant  où  nous  écrivons, 
nous  eu  lisons  la  nouvelle)  deux  archevê- 
ques bannis,  ceux  de  Turin  et  de  Cagliari, 
ont  jugé  à  propos  de  laisser  entre  les  mains 
du  gouvernement  qui  les  proscrit  leurs  dé- 
missions. N'est-ce  pas  là  pousser  troj)  loin 
l'amour  de  la  paix,  et  renoncer  trop  aux 
droiis  ([ue  l'Eglisedoit  mamtenirà  ses  prélats 
contre  les  gouvernements  qui  em[)ièlent  sur 
son  autorité ?. 

Après  avoir  mûr.Miicnt  jjcsé  sa  réponse, 
Ambroise  dit  aux  envoyés  qu'il  ne  [)uuvail 
aucunement  songer  à  quitter  son  église,  par- 
ce (pie  jiour  cela  il  ne  reconnaissait  ([u  >  1  au- 
torité de  Dieuipii  l'avad  fait  évê>|ue;  (pie  du 
reste  l'empereur  était  le  maître;  d'employer 
les  moyens  violents  que  la  puissance  mettait 
entre  ses  mains;  qu'alors  il  serait  bicni  obli- 
gé de  faire  ce  tjue  tant  d'évê({u  s  avant  lui 
avaient  fait,  mais  (ju'ilne  pouvait  consentir 
à  (juitter  volontairementsonéglise.  il  pi'ia  et  lit 
prier  .son  peuph»  pour  (pie  Dieu  voulût  bien 
(■loign  I  (le  lui  les  maux  (pii  le  mena(;aient  ; 
car  il  identiliailsa  caus(!à  celle  de  son  peuple 
et  aux  iulérêtsde  son  église.  Il  faisait  d'abon- 
dant(!s  aunu'ines,  disant  (.pie  .a  charité  ap- 
pe.le  l(!  sec  mrs  de  Dieu.  Le  pcniple,  (jui  crai- 
gnait ([u'on  lui  enlevAt  son  évêipi(>,  ou  (pi'il 
consinilità  se  retirer,  passait  les  jours  elles 
nuits  à  le  garder,  résolu  de  soullrir  avec  lui. 


169 


AMB 


AMB 


170 


On  rapporte  plusieurs  faits  aui  sont  regard(^s 
comme  miraculeux.  Le  peuple  était  barricadé 
dans  l'Eglise,  et  en  avait  fermé  exactement  les 
portes.  Or  il   arriva    deux    fois  qu'une   des 

Ïirincipalesportes  se  trouva  ouverte,  sans  que 
es  soldats,  qui  cherchaient  partout  le  moyen 
d'entrer,  s'en  ai)erçussent.  Du  reste,  les  soldats 
qu'on  envoyait  ainsi  se  faisaient  eux-mêmes 
les  défenseurs  des  catholiques.  Ils  laiss  dent 
entrer  dans  l'éylise  tous  ceux  qui  voulaient. 
Seulement  ils  empochaient  qu'on  en  pût 
sortir. 

Sur  ces  entrefaites,  Dalmace,  tribun  et  no- 
taire, vint  de  la  part  de  l'empereur  sommer 
Ambroise  de  venu*,  en  sa  présence,  disputer 
contre  Auxence,  et   de  choisir  des   arbitres 
comme  cet  évoque  Arien  avait  fait.  S'il  ne  se 
fût  agi  que  d'exposnr  sa  personne,  Ambroise 
eût  acce[)té;  mais  ni  les  évoques  présents  ni 
le  peuple  ne  voulurent  consentir  h  ce  qu'il 
s'exposât  dans  le  palais.  Il  répondit  à  l'em- 
pereur,  par   une  lettre   signée  de  tous  les 
évêques  présents,  s'excusant  d'aller  au  palais 
pour  y  disputerni  devant  lui,nidevant  d'au- 
tres laïques.  C'est  une  indignité,  dit-il,  que 
défaire  des  laïques  juges  des  choses  de  l'E- 
glise, en  présence    des   évêques.   Ambroise 
ne   vaut    pas   la    peine    qu'à  cause   de  lui 
on   avilisse  le  sacerdoce.    La  vie  d'un  évo- 
que  ne    mérite   pas  que,  pour  la  racheter, 
tuusles  autres  ]  eident  l'honneur  de  leur  di- 
gnité. Il  proleste  ensuit,!  qu'il  nejccssera d'ad- 
hérer au  concile  de  Nirée,  et  d'exécrer  celui 
de  Kimini.  Il  finit  en  disant  que  si  Auxence 
veut  faire  juger   son  atlalre  par  un  synode, 
il  ne  manquera  point  de    s'y  trouver,  quoi- 
qu'on ne  doive  pas  tioubler  la  paix  de  l'E- 
glise pour  un  seul    homme  ;  mais  qu'il  ne 
sait  ce  que  c'est  que  de  s:.^  trouver  à  un  con- 
seil pour  y  parler  des  choses  delà  foi;  que  ce 
serait  différent,  s'il  s'agissait  de  l'intérêt  du 
prince.  Ce  fut  peu  de  temps  après  avoir  écrit 
cette  lettre,  qu'il  prononça  le  discours  inti- 
tulé :  quil  ne  faut  point   livrer  les  temples. 
Paulin  nous  assure  que  Justine  tenta  d'ac- 
complir, à  l'aide  des  crimes  les  plus  atroces, 
ce  qu'elle  ne  pouvait  réussir  à  faire  par  la 
persécution  ouverte.  Elle  voulut  faire  assas- 
siner saint  Ambroise  par  un  homme  qui,  à 
cet  eflet,  entra  jusque  dans  sa  chambre,  mais 
qui,  n'ayant  pu  exécuter  son  dessein,  déclara 
pourquoi  Justine  l'avait  envoyé.  Ce  fut  vers 
ce  temps-là  que  Maxime  certainement ,    et 
Théodose  peut-être,  écrvirent  àValentinien 
pour  le  supplier  de  ne  plus  persécuter  la  re- 
ligion catholique.  Maxime  allait  même  jus- 
qu'à menacer  Valentinicn  de  prendre  fait  et 
cause  pour  les  persécutés.  Il  lui  disait:  «C'est 
une  chose  bien  périlleuse  de  toucher  à  ce 
qui  regarde  Dieu.  »  La  persécution  cessa  en 
386  ou  387. 

Cette  persécution  de  Justine  a  valu  à  saint 
Ambroise  le  titre  de  confesseur.  Le  reste  de 
sa  vie  nous  appartient  beaucoup  moins  :  nous 
allons  l'esquisser.  Quelque  temps  après  il 
baptisa  saint  Augustin  et  saini  Alype.  Ce  fut 
aussi  en  ce  temps-là  que  Maxime  passa  en 
Italie  et  que  Valentinien  s'enfuit  eri  Orient. 
Ambroise  fut  député  vers  lui,  pour  demander 

DiCTiONN.  DES  Persécutions.  I. 


1(!  corps  de  Gratien  et  pour  traiter-  ue  la  paix. 
Il  ne  put  rien  obtenir.  Ce   lui  alors  que  Va- 
lentinien s'enfuit  en  Orient.  Théodo^e  passa 
en    Italie  et  vainquit  Maxime.   11  demeura 
longtemps  à  Milan.  Ce  fut    durant  qu'il  y 
était,  ([ue  le  gouverneur  d'Orient  lui  écrivit 
que  les  chrétiens  ava  eut  détruit  une  syna- 
gogue juive,  [ytv  le  comm.indeinent  d'un  évô- 
([ue,   et   (|ue  des  moines  avaient  brûlé    un 
temple  appartenant  aux  hérétiques  valenti- 
niens.  Théodose  ne  se  préoccui)antpas  delà 
question  religieuse,  et  ne  voyant  là  qu'une  af- 
faire de  police  et  une  atteinte  à  la  propriété, 
ordonna  que  l'évoque  rebâtit  la  synagogue, 
et  qu'on  réédiliat  le  temple  aux  frais  des 
moines.  Saint  Ambroise  prétendit  que  cette 
ordonnance   était    honteuse  à    la    religion 
chrétienne,  se  fondant  sur  certains  exemples 
tirés  de  l'Ecriture  et  des  Actes  des  martyrs. 
Il  écrivit,  à  ce  sujet,  une  lettre  extrêmement 
énergique  à  Théodose.  Ce  prince  n'en  tenant 
compte,  il  l'attendit  à  l'église,   et   étant   en 
chaire  il  lui  dit  qu'il  n'otfrirait  le  saint  sa- 
crifice que  s'il  consentait  à  rétracter  ses  or- 
dres. Il  obtint  ainsi  ce  qu'il  désirait.  Bien- 
tôt après  il  s'opposaaussiaurétablissement  de 
l'autel  de  la  Victoire.  Nous  ne  trouvons  plus 
rien  qui  regarde  ce  saint,  dans  le  courant  de 
l'année  389.  L'année  suivante,  eut  lieu  la  fa- 
meuse sédition  de  Thessalonique.  Bollieric, 
qui  commandait  les  troupes  dans  la  contrée  , 
avait  fait  mettre  justement  en  prison  un  co- 
cher aimé  du  peujdc.  Le  peuple  se   souleva 
pour  le  ravoir,  et  Botheric  fut  tué.  Théodose 
ne  punit  pas  la  ville  selon  la  justice.  Il  frappa 
avec  l'aveugle  rage  de  l'emportement.  11  tît 
tuer  dans  la  ville  indistinctement,  et  sans  re- 
cherche des  vrais    coupal)les  ,  une   grande 
quantité  de  personnes.  Ambroise,  dans  cette 
circonstance,  avertit  Théodose,  et  enfin   lui 
refusa  l'entrée  de  l'église  jusqu'à  ce  qu'il  eût 
fait  pénitence.  Théodose  accepta  la  pénite'ice. 
L'évoque  et  l'empereur  se  grandirent  tous 
deux  dans    cette   circonstance  mémorable  : 
l'évêque  par  le  courage ,  l'empereur  par  l'hu- 
milité. 

Cette  même  année,  390,  saint  Ambroise 
tint  à  Milan  un  concile  contre  les  Ithaciens 
et  Jovinien.  En  391,  il  assista  au  concile  de 
Capoue,  travailla  au  rétablissement  de  la  paix 
à  Antioche,  troublée  par  la  division  de  saint 
Mélèce  et  de  Paulin,  vivante  encore  dans  les 
hommes  de  leur  parti  après  la  mort  du  pre- 
mier. Théodose,  ayant  reconstitué  la  puis- 
sance impériale  en  Occident,  remit  l'autorité 
à  Valentinien  II,  et  retourna  dans  ses  Etals. 
Après  la  mort  de  sa  mère  Justine,  Valenâ- 
nien  était  devenu  extrêmement  sage  et  ver- 
tueux. Il  manda  Ambroise  pour  recevoir  de 
lui  le  baptême,  mais  il  fut  tué  avant  l'arrivée 
du  saint,  qui  pleura  sa  mort,  et  fit  son  orai- 
son funèbre.  Après  l'avènement  d'Eugène  à 
l'empire,  il  se  retira  de  Milan  pour  n'y  point 
assister  à  l'arrivée  de  ce  prince,  qui  semblait 
prendre  à  tâche  de  rétablir  le  paganisme.  Il 
alla  à  Florence,  où  il  ressuscita  un  mort,  et 
se  fit  beaucoup  aimer  des  Florentins.  Après 
que  Théodose  eut  vaincu  Eugène,  il  revint 
y  Milan,  et  fit  en  sorte  que  le  v.:ri  iqueur  usât 


m 


AMI 


AMM 


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modérément  de  sa  victoire.  Peu  de  temps 
après  il  eut  à  faire  l'oraison  funèbre  de  ïhéo- 
dose,  en  39'i-.  Peu  après,  il  ordonna  un  évo- 
que pour  la  ville  de  Pavie,  et  tomba  malade. 
Stilicon  dit  que,  si  le  saint  mourait,  l'Italie 
était  menacée  de  ruines.  Il  assembla  les  no- 
tables, et  les  força  d'aller  prier  le  saint  de 
demander  à  Dieu  une  prolongation  d'exis- 
tence. «  Je  n'ai  point  vécu  de  manière,  dit-il, 
à  craindre  de  rester  encore  quelque  temps 
parmi  vous.  Je  ne  crains  pas  non  j)lus  do 
mourir,  car  nous  avons  affaire  à  un  bon  maî- 
tre. »  Il  mourut  dans  la  nuit  du  vendredi  au 
samedi  saint,  en  397.  Son  corps  est  encore 
aujourd'hui  dans  une  cave,  sous  le  grand 
autel  de  la  basilique  Ambroisienne.  L'Eglise 
fait  sa  fôte  le  7  décembre. 

AMBROISE  (saint),  martyr,  était  centu- 
rion. Durant  la  persécution  de  Dioclétien,  il 
souffrit  divers  tourments,  et  passa  par  le  f^'u. 
Le  tyran,  le  voyant  en  sortir  sans  aucun  mal, 
le  (it  plonger  dans  l'eau,  d'oii  il  s'envola  vers 
le  ciel.  On  ignore  l'année  de  son  martyre. 
L'Eglise  honore  sa  sainte  mémoire  le  16  août. 

AMBROISE,  prêtre  habitué  de  la  paroisse 
de  la  Trinité,  de  Laval,  fut  guillotiné  dans 
cette  ville,  le  21  janvier  1794,  avec  treize  au- 
tres prêtres.  Cet  ecclésiastique  passait  pour 
attaché  au  parti  janséniste.  «  J'espère,  lui 
dit  le  président,  que  tu  ne  refuseras  pas  ce 
qu'on  te  demande,  car  tu  ne  partages  pas  les 
opinions  de  tes  confrères.  —  Je  veux  bien, 
répondit  M.  Ambroise,  obéir  au  gouverne- 
ment, mais  je  ne  veux  pas  renoncer  à  ma 
religion.  —  N'es-tu  pas  janséniste?  reprit  le 
juge.  —  Je  conviens,  répondit-il,  que  j'ai  eu 
le  malheur  d'adopter  des  opinions  qui  n'é- 
taient pas  conformes  à  la  saine  doctrine; 
mais  Dieu  m'a  fait  la  grâce  de  reconnaître 
mes  erreurs,  je  les  ai  abjurées  devant  mes 
confrères,  qui  m'ont  réconcihéavec  l'Eglise.  » 
On  témoin  déclare  même  qu'il  ajouta  :  «  Je 
suis  content  de  laver  ma  faute  dans  mon 
sang.  »  Ce  pieux  souhait  fut  exaucé,  et,  quel- 
ques instants  après,  sa  tête  roulait  sur  l'é- 
chalaud.  (  Tiré  des  Mémoires  ecclésiasti- 
ques, etc.,  par  M.  Isidore  Boullier,  curé  de 
la  Trinité  de  Laval,  1846.) 

AMELIA,  vilh;  de  l'Etat  ecclésiastique,  est 
célèbre  par  le  martyre  qu'y  souffrit  sainte 
Firmine,  sous  le  règne  de  l'impie  Dioclétien. 

AMIDE,  en  Paphiagonie,  ville  célèbre  ()ar 
le  martyre  des  saintes  femmes  Alexandra, 
Claude,  Euphrasie,  Matrone,  Justine,  Euphé- 
mie,  Tliéodose,  Derphute  et  sa  sœur. 

AMIENS,  ville  de  France,  ancienne  capi- 
tale de  la  Picardie,  anjourd'lnii  chef-lieu  du 
dé|)artenient  di:  la  Somme,  eut  pour  |)reniier 
évoque  saint  Firmin,  que  le  juge  Valèic  Sé- 
bastien lit  emprisonner  et  décapiter  (;n  l'an- 
née 287,  sous  l'empire  de  Dioclétien.  Un  se- 
cond saint  Fuiiiin  lit  bMir,  sur  le;  tombeau 
de  celui  dont  nous  parlons,  une  église  dédiée 
à  la  vierge  Marie.  La  cathédrale  d'Amiens 
possèd(j  (jncore  une  grande,  pai'tie  d(;s  reli- 
ques de  son  premier  évèque.  En  l'année  2H6, 
durant  la  violente  persécution  (pie  Butins 
Varus  avait  ex(;itée  contre  les  chrétiens,  et  de 
laquelle  saint  Quentin  venait  d'être  victimo, 


iCs  deux  saints  Fuscien  et  'Victoric,  qui 
avaient  fixé  à  Terouenne  le  siège  de  leur 
mission,  étant  venus  dans  cette  ville  pour  y 
voir  saint  Quentin,  et  ne  l'y  ayant  pas  ren- 
contré, prirent  le  chemin  de  Paris,  où  ils  se 
rendaient.  Arrêtés  sur  la  route  i)ar  un  vieil- 
lard, nommé  Gentien,qui  leur  raconta  la  mort 
du  saint  martyr,  ils  acceptèrent  Ihospitalité 
qu'il  leur  offrit  dans  sa  maison.  Ils  y  furent 
j)resque  immédiatement  arrêtés  par  ordre  de 
Riclius  "Varus,  qui,  ayant  fait  couper  la  tête 
à  saint  (lentien,  lit  ramener  les  deux  saints  à 
Amiens,  oii  ils  furent  aussi  décapités.  Nous 
avouons  qu'il  y  a  dans  le  récit  de  tous  ces 
faits  quelque  chose  qui  nous  étonne  profon- 
dément. Comment  se  fait-il,  en  etfet,  que 
saint  Fuscien  et  saint  Victoric  eussent  besoin 
de  rencontrer  saint  Gentien,  en  se  rendant 
d'Amiens  à  Paris,  pour  apprendre  de  lui  la 
mort  de  saint  Quentin  ?  Comment  ne  la  leur 
avait-on  pas  apprise  à  Amiens?  La  mémoire 
de  ce  fait  y  était  encore  toute  palpitante. 
On  ne  saurait  admettre  que  les  deux  saints, 
n'ayant  pas  i  encontre  celui  qu'ils  venaient 
voir,  soient  partis  sans  demander  au  moins 
où  il  était,  ce  qu'il  était  devenu  :  peut-être 
la  narration  des  actes  de  ces  saints  signiiie- 
t-elle  seulement  que  Gentien,  mieux  instruit 
que  d'autres  sur  ce  qui  s'était  passé,  leur 
raconta  sur  le  martyre  du  saint  des  détails 
plus  précis  et  plus  circonstanciés  que  ceux 
qu'ils  connaissaient  déjà. 

AMINIEN  (saint),  fut  honoré  de  la  palme 
du  martyre,  sous  l'empereur  Maximien,  avec 
les  saints  Théodore,  Océan  et  Julien.  Après 
avoir  eu  les  pieds  coupés,  ils  furent  jetés 
dans  le  feu,  et  accomplirent  ainsi  leur  triom- 
phe. Ils  sont  inscrits  au  Martyrologe  ro- 
main le  4  septembre. 

AMITERNE,  Amiternum,  aujourd'hui  San 
Vittorino,  était  jadis  une  ville  assez  impor- 
tante de  l'Italie,  dans  le  pays  des  Vestini. 
Elle  fut  la  patrie  de  Salluste;  mais  sa  gloire 
la  })lus  grande  est  d'avoir  eu  pour  évèque 
saint  Viclorin,  qui  y  mourut  martyr  durant 
la  persécution  de  Trajan.  Depuis,  cette  ville, 
déchue  de  son  ancienne  grandeur ,  est  un 
bourg  modeste,  mais  il  se  nomme  Saint-Vic- 
torin.  Le  souvenir  du  saint  martyr  a  sur- 
vécu à  la  grandeur  de  la  cité,  et  la  tradition 
suOit  pour  répondre  à  ceux  qui  nient  que 
saint  Victoria  ait  été  évèque  d'Amiterne  et 
martyr. 

AMMIE  (sainte),  martyre,  versa  son  sang 
pour  la  foi,  à  Césarée  en  Cappadoce.  Elle 
soulfrit  le  niai'tyre  avec  saint  Théodole,  père 
du  martyr  saint  Mamès,  et  sainte  Ruline,  sa 
mère,  (pii  le  mit  au  monde  en  })rison.  L'E- 
gli.s(;  fait  leui'  fête  le3t  août. 

AMMON  (saint  ),  est  inscrit  au  Martyro- 
log(!  i-omain  conniu!  martyr,  ainsi  que  les 
trois  soldats  et  le  vieillard  Théophile  (pii  se 
trouvaient  avec  lui  près  du  tribunal  du  juge 
(]'Ale\andri(;  (pii,  sous  l'empire  de  Dôct*, 
faisait  mourir,  (>n  250,  saint  Némésion.  L'E- 
glise fait  sa  fêl(!  au  20  décembi'e  avec  celle 
(le  ses  compagnons,  ils  soûl  (pialitiés  mar- 
tyrs par  [)i(;s(pie  tous  les  historiens,  qui  ci- 
tent saint  Dcnys  faisant  mention  d'eux  dan:» 


475  AMM 

sa  lettre  sur  lo  martyre  des  saints  d'Alexan- 
drie. Nous  nous  contenterons  de  citer  le 
passait!  (le  saint  Denjs. 

«  Il  y  avait  |)roclie  le  tribunal  du  gouver- 
neur quelques  soldats  de  sa  garde  (jui  étaient 
clu'étiens,  et  entres  autre  Anuuoii,  Jeuon, 
Ptoléniée,  Ingénu  et  le  vieillard  Théophile. 
On  interrogeait  alors  un  chrétien  ;  et  coiuiue 
le  juge  le  pressait  vivement ,  le  pauvi-e 
liomiiie  commençait  à  se  troubler  et  à  don- 
ner des  marques  d'une  loi  chancelante;  peu 
s'en  fallait  cpi'il  ne  renonçât  Jésus-Christ. 
Voilà  l'inquiélude  qui  prend  à  nos  soldats  ; 
ils  ne  peuvent  s'empêcher  de  la  faire  paraî- 
tre ;  et  les  divers  signes  qu'ils  tirent  pour 
encourager  ce  faible  athlète  les  trahirent 
bientôt.  Mais  ils  n'attendirent  pas  qu'on  se 
saisit  d'eux  ;  et,  s'approchant  encore  plus 
près  du  juge  ,  ils  déclarèrent  qu'ils  étaient 
chréliens.  Cet  aveu  si  peu  attendu  épou- 
vanta le  préfet  et  les  autres  juges  ,  et  sus- 
pendit pour  un  temps  leur  sévère  cruauté  : 
ils  n'osèrent  lien  ordonner  contre  ces  braves 
soldats,  qui  sortirent  du  prétoire  pleins  de 
joie  et  couverts  de  gloire,  pour  avoir  fait 
triompher  Jésus-Christ  de  l'impiété  et  des 
idoles,  à  la  vue  même  de  leurs  autels  et  en 
présence  de  leurs  ministres  les  plus  dé- 
voués. )) 

AMMON  (saint),  diacre  à  Andrinople  dans 
la  Thrace,  n'avait  pas  tenu  compte  de  la  dé- 
fense qu'avait  faite  Licinius  aux  hommes 
d'enseigner  la  religion  aux  femmes.  Il  fut  ar- 
rêté avec  quarante  vierges  qu'il  instrui- 
sait. Un  juge,  nommé  Rabde ,  leur  fit  souf- 
frir divers  tourments,  d'abord  à  Andrinople, 
puis  à  Bérée  ;  entin,  ils  furent  tous  envoyés 
à  Licinius,  à  Héraclée.  Ce  prince  fit  mourir 
les  quarante  vierges  par  divers  supplices. 
Saint  Ammon  fut  décapité.  L'Eglise  honore  la 
mémoire  de  tous  ces  saints  le  1"  septembre. 
(  Voy.  le  Ménologe  des  Grecs,  se|)t.,  p.  19. j 

AMMON  (saint),  martyr,  soulfrit  pour  la 
foi  à  Alexandrie.  11  eut  pour  compagnons  de 
son  martyre  les  saints  Théophile,  Néotère  et 
vingt-deux  autres  que  le  Martyrologe  ro- 
main ne  nomme  point.  On  ignore  l'époque 
où  eut  lieu  leur  glorieux  martyre.  L'église 
célèbre  la  mémoire  de  ces  saints  le  8  sep- 
tembre. 

AMMONAIRE  (sainte),  martyre  (Ammona- 
rium),  mourut  pour  la  foi  sous  l'empire  de 
Dèce,  à  Alexandrie,  en  l'année  250,  et  sous 
le  gouverneur  Sabinus.  Elle  était  vierge.  Le 
juge  la  fit  longtemps  tourmenter,  pour  l'o- 
bliger à  prononcer  quelque  blasphème  con- 
tre Jésus-Christ  ;  mais  elle  refusa  toujours, 
avec  une  constance  a  Imirable,  de  souiller 
ses  lèvres  de  cette  impiété.  Le  juge  l'envoya 
au  supplice.  Nous  citons  les  propres  paroles 
de  saint  Denys.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  12  dé- 
cembre. 

AMMONAIRE  (sainte),  martyre,  comme 
celle  qui  précède,  donna  sa  vie  pour  Jésus- 
Cllrist,  dans  les  mêmes  circonstances  et  dans 
le  même  jour.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  même 
jour  aussi.  Le  Martyrologe  romain  dit  que 
le  juge,  ayant  eu  honte  de  se  voir  vaincu 
par  la  première  Ammonaire ,    envoya  ses 


AMP 


m 


trois  compagnes  au  supplice,  les  fit  décapi- 
ter, pour  ne  pas  se  voir  contraint  de  céder 
h  leur  constance  s'il  exerçait  sur  elles  les 
mêmes  rigucui's.  Saint  Deuys  dit,  en  parlant 
de  la  seconde  yVnnnonaire,  qu'elle  ne  céda 
en  lien  à  la  générosiié  dii  la  première.  Dans 
le  catalogue  du  Mailyrologc;  romain,  publié 
j)ar  ordre  de  (Irégoire  XIII,  revu  par  Ur- 
bain V1!I  cl  Clément  X,  corrigé  par  Biî- 
noil  XIV,  il  n'y  a  qu'une  seule  Ammonaire 
inscrite,  c'est  une  faute. 

AMMONE  (saint),  martyr ,  fut  décapité  à 
Alexandrie  avec  saint  lienis.  Les  détails 
manquent  complètement  sur  eux.  L'Eglise 
fait  leur  fête  le  ik  lévrier. 

AMMONE  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi,  dans  la  |)entapole  de  Libye  ;  il 
était  lecteur.  Les  compagnons  d(,'  son  martyre 
l'ur.'iit  Théodore,  évêque,  Irénée,  diacre',  ot 
Sérapion,  lecteur.  On  ignore  la  date  de  leur 
martyre,  et  le  Martyrologe  romain  ne  donne 
point  de  détails  sur  leurs  combats.  L"Eglise 
honore  leur  mémoire  le  26  mars. 

AMMONE  (saint),  martyr,  était  soldat 
dans  la  province  du  Pont.  Il  avait  d'abord 
été  condamné  aux  mines  avec  un  de  ses 
compagnons,  nommé  Mosée,  mais  ils  furent 
ensuite  brûlés.  On  ignore  à  quelle  époque. 
L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  18  jan- 
vier. 

AMMONE  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  pour  la  foi  à  Sole  en  Chypre,  avec  saint 
Alexandre.  Le  Martyrologe  romain  ne  mar- 
que point  à  quelle  époque  eut  lieu  leur  mar- 
tyre, et  n'en  donne  aucun  détail.  L'Eglise 
les  honore  le  9  février. 

AMMONIUS,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé 
les  actes  authentiques.  Voij.  Martyrs  (  les 
trente-sept)  égyptiens. 

AMMONIUS  (saint),  martyr,  prêtre  de  l'E- 
glise d'Alexandiie,  fut  mis  à  mort  pour  la 
foi,  en  lan  311,  avec  saint  Pierre,  évoque  de 
cette  ville,  par  ordre  de  Maximien  Daia, 
avec  les  saints  Dion  et  Fauste.  L'Eglise  cé- 
lèbre leur  lête  à  tous  le  26  du  mois  de  no- 
vembre. 

AMMONIUS,  évêque  de  Pacnémoune,  con- 
fesseu,',  fut  exilé  pour  l'orthodoxie,  par  le 
comte  Magnus,  sous  l'empereur  arien  Va- 
lons. Il  fut  envoyé  à  Diocésarée  en  Pales- 
tine. Il  n'est  pas  inscrit  au  Martyrologe 

AMPELE  (saint),  soutfrit  le  martyre  à 
Messine  en  Sicile,  avec  saint  Caïus.  On  n'a 
aucun  détail.  L'Eglise  célèbre  leur  mémoire 
le  20  novembre. 

AMPELIUS  (saint),  fut  lun  des  quarante- 
huit  martyrs  mis  à  mort  avec  saint  Saturnin 
en  Afrique,  sous  le  proconsul  Anulin,  en 
l'an  de  Jésus-Christ  305,  sous  le  règne  et 
durant  la  persécution  atroce  que  l'infâmo 
Dioclétien  suscita  contre  l'Eglise  du  Sei- 
gneur. (Voij.  saint  Saturnin.)  L'Eglise  célè- 
bre la  fête  de  tous  ces  saints  le  11  février. 

AMPHIEN  (saint),  soutfrit  le  martvreàCé- 
sarée  en  Palestine,  sous  la  persécution  de 
Galère-Maximien,  pirce  qu'il  avait  repris  le 
président  Urbain  de  sacrifier  aux  idoles.  On 


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ANA 


ANA 


17C 


le  déchira  cruellemenl  ;  on  lui  enveloppa  les 
pieds  avec  un  linge  trempé  dans  l'huile, 
puis  on  y  mit  le  feu.  Enlin  il  fut  précipité 
dans  la  mer.  L'Eglise  honore  la  mémoire  de 
ce  courageux  martyr  le  2  avril. 

AMPHILOQUE  (saint ),  raarlyr,  était  chef 
de  mihce.  On  n'a  aucun  détail  sur  son  mai- 
tyre.  On  sait  seulement  qu'il  eut  pour  com- 
pagnons de  ses  combats  saint  Philet,  séna- 
teur, ssinte  Lydie,  saint  Macédo  et  saint 
Théoprépide,  femme  et  hls  du  dernier.  Le 
Martyrologe  romain  nomme  encore  saint 
Cronidas,  greflier.  L'Eglise  honore  lamé- 
moire  de  ces  glorieux  martyrs  le  27  mars. 

AMPHIPOLIS,  ville  de  Macédoine,  oii  eut 
lieu  le  martyre  des  saints  Aucte  et  Taurion, 
et  de  sainte  Thessalonice. 

AMPLLVT  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  pour  l'Evangile.  Il  eut  pour  compagnons 
de  sa  gloire  saint  Urbain  et  saint  Narcisse. 
Saint  Paul  parle  de  ces  glorieux  martyrs  dans 
son  Epître  aux  Romains.  L'Eglise  célèbre 
leur  mémoire  le  31  octobre. 

ANACLET  (saint),  troisième  pape.  C'est 
le  même  que  saint  Clet.  Baronius  veut  que 
ce  pape  soit  mort  martyr,  en  91  ;  mais  des 
Pontificaux  disent  qu'il  est  mort  en  paix. 
SepuUus  est  in  pace.  Le  doute  plane  sur  cette 
question.  Saint  Anaclet  gouverna  l'Eglise 
environ  neuf  ans.  —  13  juillet. 

ANAGNI,  ville  des  Etats  ecclésiastiques, 
est  célèbre  dans  les  annales  des  martyrs  par 
la  mort  de  l'évèque  saint  Magne,  qui  y  per- 
dit la  vie  en  confessant  la  foi  de  Jésus- 
Christ.  Son  martyre  arriva  durant  la  persé- 
cution de  l'empereur  J)èce. 

ANANIE,  hls  de  Ncbedée,  avait  été  fait 
grand  pontife  avant  la  huitième  armée  de 
Claude  (de  J.-C.  48),  par  Hérodc,  roi  de 
Chalcide.  11  fit  donner  un  soulilet  à  saint  Paul 
quand  il  eut  été  arrêté  à  Jérusalem  par  les 
Juifs.  Saint  Paul  l'apostropha  avec  véhé- 
mence, l'appelant  «  muraille  blanchie  »,  et 
lui  annonçant  que  Dieu  le  frapperait  lui- 
même.  Ceux  qui  étaient  présents  dirent  à 
Paul  :  «  Quoi!  tu  maudis  le  grand  prêtre  de 
Dieu?  »  Paul  ré[)Ondit  qu'il  ne  savait  pas 
que  ce  fût  le  grand  jirêtre.  Saint  Chrysoslome 
croit  que  la  réponse  de  saint  Paul  était  iro- 
nique, disant  (ju'un  homme,  élevécomme  lui 
parmi  les  Juifs,  devait  connaître  le  grand 
prêtre;  saint  Chrysostome  n'a  pas  rétléchi 
(jue  saint  Paid  ,  absent  depuis  vingt-quatre 
ans  de  Jérusalem,  pouvait  très-bien  ne  pas 
connaîti-e  Ananie,  lequel  n'était  grand  prêtre 
que  de()uis  dix  années.  Ananie  vnit  à  Césarée 
dfvant  le  proconsul  Félix  pour  y  accuser 
saint  Paul,  il  amena  avec  lui  |)Iu.sieur.s  séna- 
teurs et  un  oraleurappeléTertulle.  Agrippa  11 
lui  ôla  la  grande  [)rêtri.se  en  02.  Il  mourut 
en  00  (Vojj.  Josèphej.  11  fut  massacré  d.ms 
Jérus.ilern  au  couurienccuiient  de  la  guerre 
(les  Juifs  comIii;  les  Komains.  Ainsi  fut  ae- 
COiii|)li<'  1.)  préilielion  de  saint  Paul. 

ANAMI"^,  l'un  des  soixant(;-dix  disciples. 
Ce  fui  lui  qu(!  le  Seigne'ur,  dans  une;  v/sutn, 
d.iarge;i  d' .iller  cherclw.'r  s;iinl  l'.uil,  (|ui  v('n;iit 
d'e-utrer  h  D.im.'is  et  (|ui  était  dans  la  maison 
de  Jude.  Il  eut  le  bonheur  d'instruire  le  futur 


apôtre  des  gentils  et  de  le  baptiser.  Les  nou- 
veaux Grecs  (Bollandus,  29  janv.,  p.  013, 
§  2)  disent  qu'il  a  été  martyrisé  ,  et  font  sa 
iete  le  1"  d'octobre.  Suivant  eux,  il  fut  évo- 
que de  Damas.  Les  Grecs  et  le  martyrologe 
romain,  d'après  eux,  disent  qu'il  fut  lapidé 
par  ordre  du  gouverneur  Lucien.  D'abord, 
les  Romains  ne  condamnaient  personne  à 
êlie  lapidé;  ensuite,  les  actes  que  donne 
Bollandus  sont  paifaitement  dignes  de  la 
réputation  de  Métaphraste,  à  qui  Léo  Allatius 
les  attribue.  En  dernier  lieu,  enfin,  ces  actes 
portent  qu'Ananie  fut  martyrisé  à  Belha- 
gaure  d'Eleutéropolis,  qui  se  trouve  en  Pa- 
lestine. Or,  durant  tout  le  temps  qu'on  peut 
attribuer  à  la  vie  de  saint  Ananie ,  aucun 
Lucien  ne  fut  gouverneur  de  la  Palestine. 

ANANIE,  cinquième  fils  d'Anne,  le  grand 
prêtre,  dont  il  est  si  souvent  question  dans 
l'Evangile  ,  fut  nommé  grand  prêtre  par 
Agrippa  le  Jeune,  en  02,  à  la  place  de  Joseph 
Cabi.  Ce  fut  lui  qui  fit  mourir  saint  Jacques 
le  Mineur  et,  ainsi  que  le  dit  Josèphe  ,  dans 
le  xx°  liv.  de  ses  Antiquités  judaïques,  ch.  8, 
plusieurs  autres  chrétiens.  11  fut  accusé  par 
les  principaux  de  Jérusalem,  devant  Agrippa 
et  devant  Albinus,  gouverneur,  qui  succédait 
à  Festus.  Agrippa  lui  ôta  la  grande  sacrifica- 
ture,  pour  le  fait  de  la  mort  de  saint  Jacques, 
et  la  donna  à  Jésus,  fils  de  Damneus.  Ananie 
ne  fut  grand  prêtre  que  quatre  mois. 

ANANIE  (saint),  martyr,  baptisa  saint  Paul. 
Ayant  prêché  l'Evangile  à  Damas,  à  Eleulé- 
ropohs  et  ailleurs,  il  fut  meurtri  et  déchiqueté 
à  coups  de  nerf  de  bœuf,  sous  le  juge  Lici- 
nius;  enfin,  accablé  de  pierres,  il  consomma 
son  martyre.  L'Eglise  vénère  sa  sainte  mé- 
moire le  25  janvier. 

ANANIE  (saint),  martyr,  mourut  en  con- 
fessant la  foi,  à  Arbelles  en  Perse.  Le  Mar- 
tyrologe romain  ne  dit  point  à  quelle  époque 
il  soutlrit  le  martyre,  et  ne  donne  aucun  dé- 
tail sur  ses  combats.  L'Eglise  célèbre  sa 
mémoire  le  1"  décembre. 

ANASTASE  (saint),  cueillit  la  glorieuse 
palme  du  martyre  sous  le  règne  de  Dèce, 
dans  la  ville  de  Camérino,  en  Italie,  peu  de 
temps  après  saint  Venant  ou  Yenance  ,  et 
par  ordre  du  môme  juge,  nommé  Antiochus. 
L'Eglise  célèbre  la  fête  de  ce  saint  et  de  ses 
compagnons  le  11  mai. 

•  ANASTASE  (saint),  martyr,  était  grelher 
en  chef  h  Saloiie.  La  constance  de  saint 
Agapil  dans  les  tourments  le  toucha  si  fort , 
qu'il  se  lit  subitement  chrétien.  Il  confessa 
le  nom  de  Jésus-Christ,  et  lut  mis  à  mort 
])ar  l'ordre  de  l'empereur  Aurélien.  L'Eglise 
vénère  sa  sainte  mémoire  le  21  aoiU. 

ANASTASE  (saint),  prêtre,  souffrit  pour  la 
loi  sous  le  règne  de  (îalèr(;  et  de  Maximin, 
le  0  janvier  313,  avec  saint  Julien  IHuspita- 
liei'.  Sa  fête  arrive  le  9  janvier.  {Voij.  (^lias- 
lelain,  p.  100.) 

ANASTASE  (saint),  ((jiilesstMir,  était  pa- 
Iriarclie  d'Alexandrie.  Son  /èle  poui'  la  dé- 
fense d(!  la  foi  calliolique  fut  cause  tlu  long 
exil  ipi'il  eut  à  soull'rir,  comme  nous  allons 
If  v(Mr  plus  bas.  Lorsque  l'eiupereui' Justi- 
nien  se  décl.n-a  favorable  aux  hérétiques  qui 


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ANA 


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soutenaient  que  Jésus-Clirist,  durant  sa  vie 
mortolle,  avait  pu  un  corps  incapable  de 
soullVir,  notre  saint  patriarclKi  s(>  montra 
leur  plus  grand  ennemi  et  prit  la  phime  pour 
d(^teu(lre  la  vérit(^.  L'eni()er(!ur  était  sur  le 
l)()int  de  l'exiler  quand  la  mort  vint  le  sur- 
pre-ulre.  Mais  Justin  h;  Jeiuu> ,  son  suc- 
cesseur, chassa  bientôt  notre  saint  de  sou 
siégG,  mit  ^.  sa  place  un  nxunc  appelé  (îré- 
goire,  et  le  tint  en  exil  pendant  vingt-trois 
ans.  Anastase  fut  rapt)elé<i  Anlioche  en  l'an- 
née 593,  et  continua  de  gouverner  son  Eglise 
jusqu'il  sa  mort,  qui  eut  lieu  vers  l'année 
598.  L'Eglise  célèbre  sa  fôte  le  21  avril. 

ANASTASE  (saint),  martyr,  était  évoque. 
Il  reçut  la  couronne  du  martyre  à  Antioclie. 
Les  Juifs  le  massacrèrent  d'une  manière 
barbare,  sous  l'empire  de  Pliocas.  On  ignore 
en  quelle  année.  L'Eglise  célèbre  sa  glorieuse 
mémoire  le  21  décembre. 

ANASTASE  (saint).  Persan,  fut  martyrisé 
pour  la  foi  en  628.  Le  roi  de  Perse  Chosroès, 
ayant  pris  Jérusalem,  emporta  dans  ses  Etats 
la  vraie  croix.  La  présence  de  ce  saint  ins- 
trument de  notre  salut  fut  l'occasion  de  la 
conversion  d'un  grand  nombre  de  Persans  , 
parmi  lesquels  saint  Anastase.  Il  appartenait 
a  une  famille  de  mages.  Son  père  l'avait  ins- 
truit dans  les  sciences  que  possédaient  ces 
prêtres  orientaux.  De  bonne  heure  Anastase 
embrassa  le  métier  des  armes.  Ayant  entendu 
parler  de  la  vraie  croix,  il  désira  savoir  au 
juste  ce  que  c'était.  Il  étudia  la  religion  chré- 
tienne ,  et  immédiatement  demeura  frappé 
de  la  grandeur  de  ses  dogmes  et  de  la  beauté 
de  sa  morale.  Après  avoir  servi  dans  une 
expédition  contre  les  Romains,  il  revint  en 
Perse,  et,  ainsi  que  son  frère,  quitta  la  pro- 
fession qu'il  avait  embrassée.  Il  alla  se  loger 
à  Hiéraple,  chez  un  monnayeur  persan  qui 
suivait  la  religion  de  l'Evangile.  Souvent  ce 
dernier  le  menait  aux  réunions  des  chrétiens. 
Anastase  se  faisait  expliquer  les  peintures 
qui  dans  les  églises  chréiiennes  représen- 
taient les  combats  des  martyrs;  il  s'enflam- 
mait au  récit  de  ces  glorieux  combats.  Il 
brûlait  de  verser  aussi  son  sang  pour  Jésus- 
Christ.  Il  avait  l'extrême  désir  de  s'instruire 
à  fond  de  la  doctrine  évangélique.  Au  bout 
de  peu  de  temps,  il  quitta  Hiéraple,  et  vint 
h  Jérusalem  recevoir  le  baptême.  Ce  fut 
.  Modeste,  vicaire  général  de  cette  église,  qui 
\  le  lui  administra.  Il  se  nommait  Magundat  et 
prit  au  baptême  le  nom  d'Anastase.  Après 
avoir  reçu  ce  sacrement  régénérateur,  il  se 
retira  dans  un  monastère  à  deux  lieues  de  Jé- 
rusalem. L'abbé,  qui  se  nommait  Justin,  lui  fit 
apprendre  la  langue  grecque  et  les  psaumes  ; 
puis  il  le  tondit  et  lui  fit  prendre  l'habit  en  l'an 
de  Jésus-Christ  621.  Bientôt  Anastase  devint 
le  modèle  du  couvent  tout  entier.  Sa  lecture 
favorile,  celle  qu'il  faisait  le  plus  souvent, 
était  celle  des  vies  et  des  combats  des  saints 
martyrs.  Poussé  par  le  désir  d'obtenir  lui- 
même  la  palme  du  martyre,  il  sortit  de  son 
monastère  ,  près  de  Jérusalem  ,  et  vint  à 
Césarée  de  Palestine.  Comme  les  Perses  en 
étaient  les  maîtres,  il  vit,  en  passant,  quel- 
ques-uns de  leurs  mages  ,  qui  pratiquaient 


leurs  superstitions.  Il  les  en  reprit  et  .eur 
parla  avec  tant  de  force,  qu'ils  le  prièrent  de 
ne  les  pas  découvrir.  Ensuite  il  renconlrn 
d(3s  cavaliers  qui  le  prirent  pour  un  espion. 
Il  fut  arrêté  et  présenté  au  gouverneur,  nom- 
mé Marzaban,  cpii,  l'ayant  interrogé  (il  trouvé 
ferme  dans  la  confession  de  Jésus-Christ,  le 
fit  enchainer  avec  un  autre  et  travailler  à 
porter  de  grosses  pierres.  Quelques  Perses 
de  sa  province,  le  voyant  en  cet  état,  le  mal- 
traitaient encore ,  disant  qu'il  déshonorait 
leur  pays.  Marznban  le  fit  ramener  devant 
lui,  et  le  voyant  toujours  constant,  le  fitbattro 
en  sa  présence  à  coups  de  bâton.  Anastase 
priait  seulement  qu'on  lui  ôtât  son  habit  mo- 
naslique  ,  pour  ne  pas  le  profaner.  Après 
avoir  ainsi  confessé  Jésus-Christ  par  trois 
fois,  il  fut  remis  en  prison,  où  il  ne  cessait 
point  de  louer  Dieu  et  de  célébrer  son  ofiice 
le  jour  et  la  nuit,  prenant  garde  seulement 
de  ne  pas  troubler  le  repos  du  jeune  homme 
qui  était  attaché  à  la  même  chaîne.  L'abbé 
de  son  monastère  ,  ayant  appris  le  commen- 
cement de  ses  souffrances  ,  fit  faire  des 
prières  pour  lui  par  toute  la  communauté, 
et  envoya  deux  moines  à  Césarée  ,  avec  des 
lettres,  pour  l'encourager.  Marzaban  avait 
écrit  au  roi  Chosroès,  pour  savoir  ce  qu'il  de- 
vait faire  d'Anastase  ;  et  ayant  reçu  la  réponse, 
il  lui  fit  encore  parler,  l'exhortant  à  renoncer 
à  Jésus-Christ ,  au  moins  en  secret ,  de- 
vant lui  et  deux  autres  témoins.  Le  voyant 
inébranlable ,  il  lui  déclara  l'ordre  du  roi 
de  le  mener  en  Perse,  chargé  de  fers,  le  fit 
mettre  dans  la  prison  publique,  pour  par- 
tir dans  cinq  jours  avec  deux  autres  chré- 
tiens. La  fôte  de  l'Exaltation  de  la  sainte 
croix  arriva  dans  ces  jours-là  ,  le  quator- 
zième de  septembre  627;  et  Anastase,  avec 
ses  deux  compagnons  ,  les  deux  moines  de 
son-  monastère  et  quelques  hommes  pieux 
de  la  ville,  célébrèrent  la  veille,  dans  la 
prison,  passant  la  nuit  en  prières.  Un  rece- 
veur des  tributs,  qui  était  chrétien  ,  obtint, 
même  du  gouverneur  la  liberté  de  tirer 
Anastase  hors  de  ses  fers,  pour  le  mener  en 
l'église,  le  jour  de  la  fôte  :  ce  qui  donna  une 
grande  consolation  à  tous  les  fidèles.  Ils  en- 
courageaient le  martyr,  baisaient  ses  chaînes 
et  lui  rendaient  tous  les  honneurs  possibles. 
Les  cinqjours  étant  passés,  les  prisonniers 
partirent  et  furent  conduits  par  plusieurs 
chrétiens  de  Césarée  ,  tant  de  Perse ,  que 
d'autres  nations.  Un  des  deux  moines  du 
monastère  d'Anastase  l'accompagnait  dans  ce 
voyage,  suivant  l'ordre  de  l'abbé,  pour  lui 
rendre  tous  les  services  possibles ,  et  rap- 
porter une  relation  exacte  de  ce  qui  lui  serait 
arrivé.  Partout  où  le  martyr  passait ,  il  était 
reçu  avec  grande  joie  et  grand  honneur, 
comme  il  l'écrivit  par  deux  fois  à  son  abbé. 
Etant  arrivé  en  Perse,  il  fut  rais  en  prison  à 
six  milles  du  lieu  où  demeurait  le  roi,  qui, 
en  étant  averti,  envoya  un  de  ses  officiers 
pour  l'examiner.  Anastase  répondit  par  in- 
terprète ,  ne  voulant  plus  parler  la  langue 
persanne,  confessa  librement  Jésus-Christ, 
et  refusa  les  offres  qu'on  lui  faisait  d'une 
grande  fortune.  Le  roi,  l'ayant  appris,  ren- 


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voya  le  lendeniaiu  le  même  olïicier,  qui  fit 
étendre  le  martyr  couché  sur  le  dos,  puis  on 
lui  mit  sur  les  jambes  une  pièce  de  bois  , 
sur  les  bouts  de  laquelle  montèrent  deux 
huîumes  robustes.  Après  ce  tourment ,  on  le 
remit  en  prison;  mais,  au  bout  de  quelques 
jours,  le  même  olficier  revint  et  lui  fit  doimer 
quantité  de  coups  de  bâton;  ce  qu"il  réitéra 
jusqu'à  trois  fois  en  divers  jours.  Puis  il  le 
fit  pendre  par  une  main  avec  une  grosso 
j)ierre  à  un  pied  et  le  laissa  ainsi  pendant 
deux  heures. 

Cinq  jours  après,  le  roi  renvoj^^  le  même 
ollicier  pour  laire  mourir  Anastase  avec 
d'autres  chrétien><  captifs.  On  les  tira  de  la 
vide,  et  on  commença  par  étrangler  tous  1(!S 
autres,  qui  étaient  environ  soixante-dix,  et, 
entre  eux,  les  deux  qui  avaient  été  amenés 
de  Césarée  avec  saint  Anastase.  Ensuite  on 
lui  demanda  s'il  voulait  périr  malheureuse- 
ment comme  eux,  ou  obéir  au  roi  et  devenir 
un  des  plus  grands  de  sa  cour.  Le  martyr, 
regardant  le  ciel,  rendit  grâces  à  Dieu  de  ce 
que  son  désir  était  accompli ,  et  leur  dit  : 
«  J'espérais  que  vous  me  feriez  raettie  en 
pièces  pour  l'amour  de  Jésus-Clirist ,  mais 
si  c'est  là  cette  mort  dont  vous  me  menacez, 
je  remercie  mon  Dieu  de  me  faire  partici[)er 
à  la  gloire  de  ses  martyrs  par  une  peine  si 
légère.  »  On  l'étrangla  comme  les  autres, 
mais  ensuite  on  lui  coupa  la  tête  et  on  l'en- 
voya au  roi  :  c'était  le  vin^t-deuxième  de 
janvier,  la  dix-huitième  année  de  l'empereur 
Héiaclius ,  c'est-à-dire  l'an  628.  Le  corjis 
du  saint  fut  racheté  et  mis  dans  le  monas- 
tère de  Saint-Serge,  à  un  mille  de  là,  par 
le  moine  qui  l'avait  suivi. 

Environ  dix  jours  après,  et  le  premier  de 
février,  l'empereur  Héraclius  arriva  avec 
son  armée,  suivant  la  prédiction  du  saint, 
qui  avait  dit,  la  veille  de  son  martyre  :  «  Sa- 
chez, mes  fières,  que  demain  je  finirai  par 
la  grAce  de  Dieu;  vous  serez  délivrés  dans 
jii-u  de  jours,  et  ce  roi  injuste  sera  mis  à 
mort.  »  Le  moine  qui  l'avait  suivi  revint  au 
bout  d'un  an  au  monastère,  rapportant  la 
tunique  du  martyr.  Il  raconta  à  l'abbé  toute 
.•^on  histoire,  qui  fut  écrite  dès  lors  comme 
nous  l'avons.  Le  corps  de  saint  Anastase  fut 
depuis  apporté  par  1(!  même  moine  à  Cons- 
taiiliiiople  ,  et  ensuite  en  Palestine ,  à  son 
monastère.  Enfin  l'image  de  sa  tête,  et  sa 
tète  même,  furent  apportées  à  Uome,  où  (^n 
les  voit  encore,  au  monastère  nonnné  Ad 
aquas  Salvias  ,  qui  porte  le  nom  de  S.iint- 
Viiiccni  et  de  Saint-Anastasc,  car  l'Eglis  > 
romaine  les  honore  ens(;mbl<î  le  22  janvier. 
(l'Ieury,  vol.  II,  p.  821.) 

ANASTASK  (sainfj,  prêtre  et  moine,  souf- 
frit le  martyre  à  Cordoue  diu-anl  la  ncrsécu- 
tion  d'Abdéraîiie  II.  Il  l'ut  instruit  dès  l'cn- 
lanceà  Sainl-Acisclc  de  (>)rd()U(;.  Etant  dia- 
cre, il  en  (pjifla  les  fonctions  poui'  embr-asscr 
la  vie  rn()naNfi(pi(',  et  lut  ciiliii  ordoinié  prê- 
tre. S'élant  donc  [)iésriifé  aux  juges  (il  ayant 
f>arlé  (;onlr<!  leur  prophète,  il  l'ut  aussitôt 
exécuté  avec,  h;  moine  saint  Féliv,  natif  (h; 
Complut,  mais  africain  d'origine.  Ils  eurent 
l'un    et   l'outre    la    tête   tranchée.    L'Kglise 


nonore  leur  glorieuse  mémoire  le  li  juin 

ANASTASE  (saint!,  qui  était  homme  de 
guerre,  fut  décapité  avec  saint  Marcel  dans 
la  ville  d'Argenton.  On  ignore  les  circons- 
tances qui  illustrèrent  leur  martyre.  L'Eglise 
honore  leur  glorieuse  mémoire  le  29juin. 

ANASTASE  (saint),  martyr,  était  prêtre. 
Il  eut  la  gloire  de  répandre  son  sang  j  our  la 
religio!!  de  Jésus-Christ,  et  eut  pour  compa- 
gnons de  ses  combats  saint  Placide,  saint  de 
nés,  et  d'autres  saints  martyrs  qu'on  ne  con- 
naît pas.  L'Eglise  les  honore  le  11  octobre. 

ANASTASE  (saint),  martyr,  avait  un  tel 
désir  de  mourir  pour  Jésus-Christ,  qu'il  vint 
se  présenter  de  lui-même  aux  persécuteurs. 
C'est  tout  ce  que  le  Martyrologe  romain 
donne  de  détails  sur  ce  saint  martyr.  L'E- 
glise honore  et  célèbre  sa  mémoire  le  5  dé- 
cembre. 

ANASTASE  (saint)  ,  martyr ,  cueillit  la 
palme  du  martyre  à  Nicomédie,  avec  les 
saints  Cyriaque,  Paucille,  Second,  Syndime, 
et  d'autres  compagnons  dont  les  noms  sont 
inconnus.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  19  dé- 
cembre. 

ANASTASE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire 
de  verser  son  sang  pom^  la  foi,  à  Aquilée. 
C'est  tout  ce  que  le  Martyrologe  romain  en 
dit  :  On  ignore  l'époque  de  son  martyre.  L'E- 
glise célèbre  sa  mémoire  le  7  septembre. 

ANASTASE  (saint),  évêque,  confessa  sa  foi 
à  Terni.  Le  Martyrologe  romain  ne  donne 
aucun  détail  sur  ses  souffrances.  L'Eglise 
l'honore  le  17  août. 

ANASTASIE  (sainte),  martyrisée  h  Rome, 
en  66,  avec  sainte  Basilisse.  Elle  fut,  comme 
cette  sainte  ,  décapitée  après  qu'on  lui  eut 
coupé  les  pieds  et  les  mains,  pour  avoir  pris 
soin  des  corps  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul.  Les  Grecs,  et  à  leur  imitation  les  Ro- 
mains, en  font  la  fête  le  15  avril. 

ANASTASIE  (  sainte  ) ,  vierge  ,  appelée 
l'Ancienne,  donna  sa  vie  pour  la  foi  à  Rome 
sous  l'empire  de  Valérien,  et  sous  le  préfet 
Probus.  Après  avoir  été  chargée  de  chaînes, 
soufllefée  ,  tourmentée  par  le  feu,  frappée  à 
coups  de  bâtons,  elle  eut  les  mamelles  dé- 
chirées, les  ongles  arrachés,  les  dents  cas- 
sées, les  mains  et  les  pieds  coupés.  i^>nfin, 
pour  terminer  son  martyre,  on  lui  trancha  la 
tête.  Cyrille,  qui  assistait  à  son  supplice,  lui 
ayant  donné  de  l'eau  qu'elle  lui  avait  de- 
niandée,  fut,  à  cause  décela,  j)ris  par  les  per- 
sécuteurs, et  reçut  la  couronne  du  martyre. 
L'Eglise;  fait  la  fêle  de  sainte  Anastasie  le  28 
octobre. 

ANASTASIE  (sainte)  ou  Anastask,  mar- 
tyre, était  dune  illustre  famille  de  la  ville 
(le  Roin(\  Saint  Chrysogone  avait  été  son 
tut(Mn' et  son  insliluteui- dans  la  foi.  Quand 
(•(!  saint  niarlyi-  eut  été  arrêté  à  A(piilée,  (dNî 
le  rejoignit  pour  le  consoler  et  lui  prodiguer 
les  soins  desfpu'ls  il  [louvait  avoir  besoin. 
Elle  l'ut  elle-même  arrêtée,  et,  après  avoir 
soull'eif  divers  sumilices,  elle  fut  hiillée  vive, 
|iar'  ordre  du  iiretet  d'Illyrie'.  Ses  reli(pies 
lurent  |toi'lé(!S  a  Home,  où  elles  sont  encore, 
(l.uis  rt''glis((  placée  sous  son  invocation. 
L  Egiis(!  célèbre  sa  fôto  le  25  décembre. 


181 


ANA 


AND 


189 


ANATHALON  (saint),  martyr,  était  disci- 
ple de  l'apAtro  saint  B;irnah(^  et  fut  son  sue- 
cossenr  à  l'évôciiô  de  Milan.  Il  reçut  la  palme 
du  martyre,  mais  on  ignore  h  quelle  date. 
L'Kj^liso  célèbre  sa  mémoire  le  25  sep- 
tembre. 

ANATOLE  (saint),  oucillil  la  palme  du 
martyre  h  Nieée  en  Bithyiiie.  Il  eut  pour 
compagnons  de  ses  glorieux  combats  saint 
Eustache  et  saint  Tliespèse.  Ce  lut  sous  la 
persécution  que  rim|)ie  Maximin  fit  subir 
aux  chrétiens  qu'eut  liiu  ce  martyre.  L'E- 
glise honore  leur  mémoire  le  20  novembre. 

ANATOLE  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
défense  (le  la  religion  avec  sainte  IMiotine  et 
ses  deux  fils  Victor  et  Joseph,  les  saints  Sé- 
bastien,ofiicier  de  l'armée,  Photius,  Photide, 
les  saintes  Parascève  et  Cyriaque,  sœurs.  Le 
Martyrologe  romain  ne  marque  point  à 
quelle  époque.  L'Eglise  honore  leur  mé- 
moire le  20  mars. 

ANATOLIE  (sainte),  sœur  de  sainte  'Vic- 
toire ,  était  fiancée  à  un  jeune  homme 
nommé  Aurélièn;  Victoire  l'était  h  un  jeune 
homme  nommé  Eugène.  Cette  dernière  ayant 
pris  la  résolution  de  consacrer  sa  virginité 
au  Seigneur,  Anatolie  fut  priée  par  Eugène 
de  vouloir  bien  se  rendre  auprès  de  Victoire 
pour  la  ramener  h  d'autres  desseins.  Ana- 
tolie, au  lieu  de  changer  sa  sœur,  fut  con- 
vertie par  elle  à  la  même  résolution.  Les 
deux  fiancés  des  deux  saintes,  n'ayant  rien 
pu  obtenir  d'elles,  s'adressèrent  à  l'empereur 
Dèce,  qui  les  autorisa  à  les  emmener  à  la 
campagne,  pour  obtenir  d'elles,  soit  par  per- 
suasion, soit  par  violence,  ce  que  jusqu'alors 
ils  n'avaient  pas  pu  obtenir.  Ces  deux  sain- 
tes, accablées  de  mauvais  traitements  par 
leurs  fiancés,  privées  d'aliments  ,  ne  perdi- 
rent ni  le  courage  ni  l'amour  de  la  chasteté. 
Voyant  qu'ils  ne  pouvaient  les  vaincre,  Eu- 
gène et  Aurélièn  les  traduisirent  devant  le 
juge,  qiii,  par  ordre  de  Dèce,  les  fit  mourir 
toutes  deux.  Nous  .renvoyons  le  lecteur  au 
titre  de  sainte  Victoire  pour  ce  qui  la  con- 
cerne, et  aussi  pour  certaines  observations 
que  nous  avons  jugé  convenable  de  faire  re- 
lativement aux  détails  contenus  dans  les 
actes  des  deux  saintes  desquelles  nous  par- 
lons. Le  juge  Faustinien  fit  endurer  divers 
tourments  à  sainte  Anatolie  :  on  jetta  sur  elle 
un  serpent,  qui,  à  la  yérité,  ne  lui  fit  aucun 
mal.  Audax,  qui  était  présent,  fut  tellement 
impressionné  du  courage  de  la  sainte  fille, 
qu'il  se  fit  chrétien.  Sainte  Anatolie  fut, 
comme  sa  sœur,  percée  d'un  coup  d'épée. 
L'Eglise  fait  sa  fête  le  9  juillet.  Quant  à  Au- 
dax, mis  en  prison,  il  fut  aussitôt  décapité. 

ANAUNE  (canton  d'),  aujourd'hui  Val  d'A- 
nagna,  dans  les  Alpes,  est  célèbre  par  le  mar- 
tyre qu'y  endurèrent  pour  la  foi  les  saints 
Sisinius diacre,  Martyrius  lecteur,  et  Alexan- 
dre portier,  en  l'an  de  l'ère  chrétienne  397, 
sous  l'empire  d'Arcadius ,  successeur  du 
grand  Théodose.  Les  habitants  de  ce  pays, 
au  milieu  des  remparts  naturels  que  leurs 
montagnes  avec  leurs  vallées,  leurs  préci- 
pices, leurs  neiges  éternelles,  opposaient  au 
commerce  fréquent  avec  les  peuples  voisins, 


étaient  restés  idol.\tr(,'S,  h  une  é|)0(iue  où  ou 
comptait  dans  le  reste  du  monde  romain  les 
sectateurs  de  cette  reTij^ion,  ruinée  par  le 
christianisme.  Ils  gardaient  fidèlement  leur 
religion  traditionnelle.  On  sait  combien  est 
grande  la  force  d(!S  habitudes  che/.  les  peu- 
pU's  des  montagnes.  Saint  Vigile,  évô([ue  de 
Trente,  envoya  pour  les  convertir  les  saints 
que  nous  venons  de  nommer.  Tous  trois 
étaient  Cappadociens,  et  avaient  (pjillé  leur 
])ays,  pour  se  consacrer  h  Dieu,  et  [lour  por- 
ter la  lumière  de  son  Evangile  chez  les  peu- 
ples (|ui  avaient  le  ujalheur  de  ne  ()as  la  con- 
naître encore.  Nobles  soldats  du  Chiist  qui, 
couune  tant  d'autres,  trouvèrent  la  mort  au 
milieu  des  travaux  de  l'apostolat  1  Les  habi- 
tants d'Anaune,  furieux  de  voir  que  chaque 
jour  leurs  prédications  enlevaient  queluues 
adorateurs  aux  faux  dieux,  les  saisirent  dans 
l'église  où  ils  chantaient  les  louanges  du  Sei- 
gneur, et  les  firent  mourir  au  milieu  des  plus 
cruels  supplices.  {Voij.,  pour  les  détails,  saint 
Sisinius.) 

ANGYRE,  aujourd'hui  Angora  ou  Angou- 
RiGH,  ville  de  l'Asie  Mineure,  dans  laGalatie, 
fut  illustrée  sous  le  règne  de  Dioclétien,  au 
commencement  du  iv°  siècle,  par  le  martyre 
des  saints  Clément  évoque,  et  Agathange. 
[Voy.  Chastelain,  p.  386,  et  Le  Quien,  Or. 
Christ.,  t.  l,  p.  457.)  En  303,  Théoctène, 
gouverneur  de  cette  ville,  fit  arrêter  Théo- 
dote,  cabaretier,  et  sept  vierges  consacrées  au 
Seigneur.  11  les  fit  tous  mourir  pour  la  foi. 
(Pour  plus  de  détails,  voy.  Théodote,  Théoc- 
tène.) 

ANDÉOL  (saint),  envoyé  d'Orient  en  Gau 
le  par  saint  Polycarpe,  fut  martyrisé  dans 
le  Vivarais.  Ses  actes  racontent  qu'il  fut  ru- 
dement frappé  avec  des  bâtons  garnis  d'épi- 
nes, et  qu'ensuite  on  lui  fendit  la  tète  en 
cjuatre  avec  une  épée  de  bois.lds  disent  qu'il 
fut  martyrisé  presque  aussitôt  après  son  ar- 
rivée en  Gaule;  or  saint  Polycarpe,  qui  l'a- 
vait envoyé,  étant  mort  en  166,  il  en  faudrait 
conclure  que  ce  fut  sous  Marc-Aurèle.  Or 
ces  mômes  Actes  ajoutent  que  ce  fut  sous 
Sévère,  présent  lui-même  dans  les  Gaules. 
Sévère  ne  vint  dans  les  Gaules  qu'en  197, 
lorsqu'il  était  encore  favorable  aux  chré- 
tiens ;  puis  en  l'an  208,  lorsqu'il  alla  en  An- 
gleterre. Sévère  ayant  co  .imandé,  sous  Com- 
mode, dans  la  Lyonnaise  en  qualité  de  gou- 
verneur, on  pourrait  peut-être  dire  que  saint 
Andéol  fut  martyrisé  sous  son  gouverne- 
ment, et  qu'on  confond  dans  ses  Actes  son 
gouvernement  avec  son  empire.  Cette  expli- 
cation serait  plausible,  bien  qu'encore  elle 
reculât  la  mort  du  saint  jusque  sous  Com- 
mode, au  moins  vingt  ans  après  la  mort  de 
saint  Polycarpe.  Mais  une  observation  vient 
la  combattre  :  c'est  que  le  gouverneur  de  la 
Lyonnaise  n'avait  aucune  sorte  d'autorité 
dans  le  diocèse  de  Viviers,  où  fut  martyrisé 
saint  Andéol.  Laissant  de  côté  ces  difficultés 
que  nous  n'avons  pas  la  prétention  de  tran- 
cher, nous  ferons  remarquer  une  circons- 
tance assez  extraordinaire,  signalée  dans  les 
Actes.  Saint  Andéol,  disent-ils,  eut  la  tète 
fendue  en  quatre  av^c  une  épée  de  bois. 


183 


AND 


AND 


184 


L'Eglise  fait  la  fête  de  saint  Andéol  le  l"mai. 

ANDO  le  bienheureux),  sénateur,  fut  rais  <\ 
mort  pour  la  foi  catholique  en  Abvssinie,sous 
Je  règne  et  dînant  la  persécution  du  tyran  Ba- 
*;i]ides,Négousdecepavs,le21  octobre  IGïl. 

ANDOCHE  (saint),  disciple  de  saint  Poly- 
carpo,  fut  envoyé  par  ce  saint  évoque  dans 
les  (iaules  pour  y  prêcher  l'Evangile,  avec 
saint  Bé'iigne ,  prêtre  comme  lui,  et  saint 
ïhyrse  diacre.  Ils  arrivèrent  heureusement 
à  Marseille  ;  de  là  se  rendirent  à  Lyon,  puis  à 
Autun.  Saint  Bénigne  les  ayant  quittés  pour 
aller,  à  la  prière  de  Fauste,  convertir  à  Lan- 
gres  les  petits-fils  de  sainte  Léonille,  saint 
Speusippe,  saint  Elcusippe  et  saint  Méleu- 
sippe,  ils  se  rendirent  à  Saulieu,  quittant 
Aulun,  où  ils  avaient  fait  de  nombreuses  con- 
quêtes à  l'Evangile.  Lk  ils  furent  reçus  par 
un  marchand,  nommé  Félix,  chrétien  fervent 
qui  donnait  aux  pauvres  tous  les  bénéfices 
de  son  négoce.  Un  des  officiers  du  gouver- 
neur, étant  venu  chez  Félix  pour  y  loger, 
y  trouva  les  saints  qui  instruisaient  quelques 
personnes,  alla  les  dénoncer  au  gouverneur. 
Ce  magistrat  donna  ordre  de  les  arrêter.  Fé- 
lix, leur  liAte,  voulut  part;iger  leurs  dangers 
et  leur  trioiuphe.  Conduits  devant  le  juge, 
dont  ils  méprisèrent  les  prières  et  les  me- 
naces ,  ils  furent  fouettés  ,  pendus  pendant 
tout  un  jour  par  les  mains  à  des  arbres  avec 
de  grosses  pierres  aux  pieds,  ensuite  jetés 
dans  le  feu,  qui  ne  les  brûla  point,  et  enfin 
assomra'^s  avec  des  bâtons.  Ou  fait  leur  fête 
le  2i  septembre. 

ANDRACT,  ou  AUDACTE  (saint'),  martyr, 
était  un  prêtre  d'Afrique,  attaché  h  l'église  de 
Thibare.  Peu  de  temps  après  que  Dioclélien 
eut  renouvelé  la  persécution  contre  les  chré- 
tiens, Andract  fut  pris,  chargé  de  chaînes  et 
conduit  en  prison,  avec  saint  Félix,  son 
évêque,  par  qfdre  du  magistrat  Magnilien, 
tenu  iJe  mettre  à  exécution  les  édits  sangui- 
naires de  l'empereur.  Ces  deux,  confesseurs 
furent  exilés  dans  la  Sicile  et  n'obtinrent 
pas  alors  la  couroinie  du  martyre  après  la- 
qaelle  ils  soupiraient.  Dieu  la  leur  accorda 
enfin,  et  ils  furent  plus  tard  misa  mort,  avec 
plusieurs  autres  dont  on  ne  cite  pas  les  noms, 
dans  la  Pouiile,  l'an  303.  L'Eglise  honore 
saint  Andract  le 2V  octobre. 

ANDllADA  (Jacqlks  o'),  Portugais,  de  la 
compagnie  de  Jésus, faisaitparlie  de  la  sainte 
troupe  de  missionnaires  qui  suivaient  le  P. 
Azevedo  au  Brésil  (Voi/.  Azkvkdo;.  Leur  na- 
vire fut  pris  le  Lojuillet  loli  perdes  corsaires 
C'dvinisles,  qui  les  massacrèrent  ou  lesjelèrent 
dans  les  Ilots.  Noire  bienheureux,  ayant  été 
aperçu  conh'ssant  ses  compagnons,  fut  poi- 
gnardé et  j(!lé  à  l'eau.  (I)ii  Jarri(;,  Jlistojre 
d(s  choses  ftlns  memorahlcs,  etc.,  t.  Il,  p.  '278; 
Tanner,  Socirlns  Jésus  usqiic.  ad  saïKjuinis  et 
vitœ  profusionein  tiiililans,  p.  100  cl  170.) 

ANDKADE  fie  bienheureux  .Antoink),  na- 
lifd'Elhiopie,  anciennement  chapelain  du  |)a- 
Iriarche  .Mendez  et  fait  depuis  évêqu(!  de  Ca- 
li[)()li,  l'ut  nouHué,  le  7  (léctsmbre  1000,  vi- 
caire aposloliipie  d'Abyssinie.  Ilannès  rm 
OI-la|)h<;  Sc^ued  venait  de  succéder  ii  llasi- 
lides.  Arrivé  <'i  Suez,  eu  1060,  il  a])prit  que 


la  persécution  durait  toujours  en  Abyssinie; 
ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'aller  en  avant 
avec  ses  compagnons.  En  1671 ,  la  congré- 
gation dont  faisait  partie  Andrade  ap|)rit 
qu'il  avait  été  mis  à  mort  avec  les  mission- 
naires qui  l'accompagnaient,  en  haine  de  la 
religion  catholique. 

ANDRÉ  (saint),  apôtre,  frère  de  saint  Pierre 
et  pêcheur  comme  lui,  fut  a(i[ielé  le  premier 
de  tous  par  Jésus-Christ.  II  était  de  Bethbaïde 
en  Galilée.  Son  père  se  nomma. t  Jonas  ou 
Jean.  Anrôs  la  mort  du  Sauveur,  il  porta 
l'Evangile  dans  un  très- grand  nombre  de 
pays,  sans  qu'on  ait  sur  ses  travaux  des  do- 
cuments bien  positifs.  Ce  fut  à  Patra^,  en 
Achaïe,  qu'il  cueillit  la  [aime  du  martyre.  11 
fut  condamné  à  être  crucitié  par  Egée,  gou- 
verneur de  cette  province,  il  le  fut  à  un  ar- 
bre, suivant  saint  Pierre  Chrysologue  :  le 
faux  Hippolyte  veut  que  ce  soit  à  un  olivier. 
L'église  de  Saint-Vicior  de  Marseille  prétend 
posséder  la  croix  (lui  fit  l'instrument  de 
son  triomplie.  Elle  a  la  inè:ne  forme  que  celle 
de  Notre-Seigneur.  On  ignore  pourquoi  les 
jieintres  la  figurent  louj  )i;rs  ditféremment. 
Son  corps  fut  enterré  à  Patras,  et  ensuite 
transporté  à  Con>t.intinople  avec  celui  de 
saint  Luc,  en  357.  11  fat  uéposé  dans  la  basi- 
l.que  des  Apôtres.  On  célèbre  sa  fête  Ij  30 
novembre.  On  ne  sait  pas  précisément  la 
date  de  sa  mort.  Il  y  a  lieu  de  croire  qu'elle 
arriva  sous  Néron,  vers  l'an  64. 

ANDRÉ  (saint),  martyr  <\  Lampsaque  en 
25),  avec  les  saints  Pierre,  Paul  et  sainte 
Denise,  sous  l'empereur  Dèce,  fut  mis  à 
mort,  comme  ses  compagnons,  par  ordre  du 
proconsul  Oplimus.  Dans  uii  premier  inter- 
rogatoire, il  comparut  devant  ce  magistrat 
avec  Paul  etNicomaque.Paul  et  lui  confessè- 
rent glorieusement  le  nom  de  Jésus-Christ. 
Leurs  Actes  mar.juent  qu'ils  montrèrent  une 
grande  humilité,  tandis  que  Nicomaque,  qui 
se  présenta  avec  une  grande  assurance,  n'eut 
pas  la  force  de  résister  aux  tourments.  Le 
len  lemain,  le  })euple  s'attroupa  autour  du 
logis  du  proconsul,  et  se  mit  à  demander  à 
grands  cris  André  et  Paul  ;  Onésicrate  et 
Macédon.  tous  deux  prêtres  de  Diane,  s'é- 
taient mêlés  parmi  le  peuple  et  réchauffaient 
encore  davantage.  La  sédition  s'augmentant, 
le  proconsul  envoya  quérir  André  et  Paul,  et 
leur  dit:  «  Il  n'y  a  qu'un  moyen  d'apaiser  ce 
tumulte;  c'est  de  sacrifier  tout  présente- 
ment à  la  grande  Diane.  »  Les  deux  martyrs 
ré})ondirent  :  «  Nous  ne  connaissons  point 
Diane  pour  une  déesse,  ni  pour  des  dieux  les 
autres  démons  ipie  vous  adorez.  Nous  n'a- 
doi'ous  (pi'un  seul  Dieu.  »  Le  peuple,  enten- 
dant cela,  |)ressa  le  proi-onsul  de  les  lui  li- 
vrcM'  pour  les  fair(i  moui'ir  ;  ce  que  le  procon- 
sul lui  accorda,  après  avoir  fait  déchirer  do 
verges  les  marlu'.s.  L(!  peuple  s'en  étant 
saisi,  ils  furent  menés  hors  de  la  ville,  où 
l'on  commença  à  faire  pleuvoir  sur  eux  une 
grèhï  de  cadloux.  L'Eglise  fait  la  fiMe  des 
.saints  iiiaityrs  de  Lampsaipas  h;  l.'i  mai. 

ANDIIÉ  "(saint),  tribun,  avait  reiui)urté  un 
avaiitagi;  coiisidérabhî  sur  les  Ptîrsos,  en  in- 
voquant le  nom  de  Jésus-<^hrisl.  A  la  suite 


185  AMD 

de  cet  év(^nement,  il  se  convertit,  avec  un 
grand  nombre  de  soldats.  Dénoncé  au  géné- 
ral Anliochus,  il  fut  arrêté  avec  tous  les 
nouveaux  convertis.  Saint  André  lut  étendu 
par  ordre  d'Antioeluis  sur  un  lit  de  l'er  rougi 
au  l'en  ;  mais,  ne  voulant  pas  prendre  la  res- 
ponsabilité d'une  condamnation  à  mort,  il 
en  référa  ^  (lalère.  Celui-ci,  hypocrite  et  lA- 
clic  autant  que  cruel,  écrivit  à  son  général 
qu'd  tallait  user  de  ménagements  a  l'égard 
tiun  personnage  aussi  considérabh;  ([u'An- 
(iré.  Il  lui  enjoignit  de  mettre  a[)[)areniment 
les  prisonniers  en  liberté  et  de  chen^her  par 
tous  les  moyens  en  son  pouvoir  à  les  faire 
renoncer  à  leur  foi.  11  lui  disait  qu'en  cas 
d'insuccès  il  eût  à  les  accuser  d'un  crime 
quelconque,  autre  que  le  crime  de  christia- 
nisme, et,  sous  ce  prétexte,  de  lesfaiie  mou- 
rir. Les  ordres  de  Galère  furent  ponctuelle- 
ment exécutés.  S  il  faut  en  croire  les  Actes 
qui  racontent  ces  événements,  peu  de  temps 
après  saint  André  fut  rais  à  mort,  avec  2593 
soldats.  Quant  à  nous,  nous  inclinons  à 
croire  que,  si  ce  cliiftVe  était  vrai,  un  tel  évé- 
nement eût  été  remarqué ,  eût  fait  grand 
bruit  dans  le  monde,  et  eût  laissé  dans  l'his- 
toire des  traces  faciles  à  retrouver,  et  qui 
n'eussent  pas  la«sé  le  moindre  nuaga.  Les 
faits  que  nous  racontons  sont  rap[)Ortés  par 
Surius,  sous  la  date  du  19  août,  jour  auquel 
la  léte  de  saint  André  est  marquée  au  Mar- 
tyrologe romain. 

ANDRÉ  (saint),  martyr,  était  prêtre  en 
Asie.  Il  souffrit  le  martyre  avec  l'évoque 
Hypace  pour  le  culte  des  saintes  images,  sous 
le  règne  de  Léon  llsaurien.  Leur  barbe  fut 
enduite  de  poix,  puis  brûlée.  Le  bourreau  leur 
ayant  enlevé  la  peau  de  la  tête,  il  les  égorgea 
ensuite.  L'Eglise  honore  leur  sainte  mé- 
moire le  29  août. 

ANDRÉ  DE  CRÈTE  (saint),  martyr,  était 
un  solitaire  deConstantinople.  Il  fut  souvent 
fouetté  pour  le  culte  des  saintes  images 
sous  Constantin  Copronyme,  et  eut  enfin  un 
pied  coupé.  Il  mourut  ainsi.  L'Eglise  célèbre 
sa  mémoire  le  17  octobre. 

ANDRÉ  (le  bienheureux),  de  Chio,  souf- 
frit un  courageux  martyre  h  Constantinople 
pour  la  foi  de  Jésus-Christ.  Les  mahométans 
le  torturèrent  cruellement  pour  l'amener  à 
renier  sa  foi.  Chaque  jour,  on  marquait  avec 
le  couteau  dans  <on  corps  un  morceau  de 
chair  que  l'on  arrachait  ensuite  violemment. 
Quand  il  ne  resta  plus  de  chair  à  couper, 
on  lui  trancha  la  tète.  Stupéfait  du  courage 
extraordinaire  de  notre  bienheureux,  Maho- 
met II  permit  que  ses  restes  fussent  inhu- 
més au  faubourg  de  Galata,  dans  une  église 
dédiée  à  la  Mère  de  Dieu.  (Wadding,  année 
li65,  n"  20.) 

ANDRÉ,  vénérable  curé  d'une  des  parois- 
ses de  Laval,  fut  guillotiné  dans  cette  ville, 
le  21  janvier  179i,  avec  treize  autres  prêtres. 
Comme  il  montait  l'escalier  de  la  guillotine, 
le  grellier  du  tribunal,  qui  était  un  prêtre 
apostat,  lui  dit,  en  montrant  un  verre  de  vin 
rorige  :  «  A  ta  santé  1  Je  vais  boire  comme  si 
c'était  ton  sang  :  —  Et  moi,  je  vais  prier  pour 
vous,  répondit  le  saint  martyr  1  »  (Tiré  des 


ANG 


186 


Mémoires  ecclésiastiques ,  etc.,  par  M.  Isi- 
dore BouUier,  curé  de  la  Trinité  de  Laval, 

18it).) 

ANDRÉ  (saint),  évêriue  de  Florence.  11 
confessa  sa  foi  au  milieu  des  toin-ments, 
mais  resta  lidôle  à  sa  religion.  Le  M  irtyro- 
ioge  romain  ne  donne  aucun  détail  sur  l'épo- 
«pie  et  les  circonstan(,'es  de  son  martyre. 
L'Eglise  célèbre  la  mémoire  de  ce  saint  mar- 
tyr le  2()  février. 

ANDRÉ  (saint),  martyr,  donna  se  vie  pour 
la  défense  de  la  religion,  en  Afrique,  avec 
ses  saints  compagnons  Jean,  Pierre  et  An- 
toine. On  ignore  à  quelle  époque  eut  lieu  ce 
martyre.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le 
23  septembre. 

ANDRINOPLE,  ville  de  la  Turquie  d'Eu- 
rope ([ui  fut  témoin  du  martyre  des  saints 
Maxime,  Théodore  et  Asclépiodote,  qui  fu- 
rent couronnés  sous  le  règne  de  l'empereur 
Maximien. 

ANDRONIC  (saint),  fut  martyrisé  pour  la 
foi  chrétienne,  en  l'an  de  Jésus-Christ  305, 
sous  le  règne  et  durant  la  persécution  de 
l'empereur  Dioclétien.  Le  juge  qui  les  con- 
damna se  nommait  Maxime.  {Voy.  Taraque.) 
ANECT  (saint),  fat  raart^isé  à  Corintho 
durant  la  persécution  de  Dèce,  sous  le  pré- 
sident Jason,  avec  les  saints  Codrat,  Denys, 
Cyprien,  Paul  et  Crescent.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  10  mars. 

ANECTE  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi  à  Césarée  en  Palestine,  durant  la 
persécution  de  Dioclétien,  sous  le  président 
Urbain.  Ayant  exhorté  les  autres  au  martyre  et 
renversé  les  idoles  par  sa  prière,  il  fut,  sui- 
vant l'ordre  dujuge,  fouetté  par  dix  soldats  ; 
il  eut  ensuite  les  mains  et  les  pieds  coupés, 
la- tête  tranchée,  et  reçut  la  couronne  du  mar- 
tyre. L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  27  juin. 
ANOMPODISTE  (saint),  martyr,  répandit 
son  sang  en  Perse,  pour  la  défense  de  la  foi. 
Il  eut  pour  compagnons  de  ses  combats  les 
saints  Acyndine,  Pégase,  Aphtone,  Elpidé- 
phore,  et  plusieurs  autres  qui  sont  inconnus. 
L'Eglise  les  honore  le  2  novembre. 

ANÈSE  (saint),  fut  martyrisé  en  Afrique 
avec  les  saints  Théodule,  Félix,  Cornélie  et 
leurs  compagnons  qui  sont  inconnus.  L'Eglise 
honore  la  mémoire  de  ces  saints  martyrs  le 
31  mars. 

ANGE  (saint),  martyr,  naquit  de  parents 
juifs,  dans  la  ville  de  Jérusalem.  Ayant  eu  le 
bonheur  de  se  convertir  à  la  religion  chré- 
tienne, il  vécut  pendant  quelque  temps  au 
milieu  des  anachorètesdes  bords  du  Jourdain, 
puis  il  se  retira  parmi  les  ermites  du  Mont- 
Carmel.  11  fut  certainement  un  des  premiers 
religieux  de  l'ordre  que  l'on  connaît  sous  le 
nom  de  Carmes.  Ayant  passé  dans  l'Occident, 
il  y  prêcha  l'Evangile  avec  zèle  et  persévé- 
rance. Rempli  d'indignation  à  la  vue  du  scan- 
dale que  donnait  un  puissant  personnage  de 
Sicile  en  vivant  avec  sa  propre  sœur,  il  l'en- 
gagea plusieurs  fois  à  réformer  sa  conduite  ; 
la  sœur  de  l'incestueux  se  laissa  toucher  néan- 
moins, et  rompit  tout  commerce  criminel 
avec  son  frère.  Ce  dernier,  ayant  fait  d'inutiles 
efforts  pour  ramener  à  lui  la  victime  de  ses 


487 


ÀNG 


AÎs'ii 


st." 

168 


passions,  tourna  toute  sa  fureur  contre  saint 
Ange.  Il  aposta  des  scélérats  pour  l'assassi- 
ner. Saint  Ange  mourut  ainsi,  victime  de  son 
zèle,  hLicateou  Léucate  en  Sicile,  dans  l'an- 
née 1225.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  glo- 
rieuse le  5  mai. 

ANGLETERRE  PROTESTANTE  (Persécu- 
tions de  1').  Pour  suppléer  aux  commenc^e- 
ments  de  cet  article,  voir  lesarticles  Henri  M!  I 
et  Elisabeth,  que  nous  avons  jugés  trof) 
imporlantspour  les  renfermer  dans  un  article 
général.  Après  la  mort  d'Klisabeth,  quand 
Jaccjues  1''  monta  sur  le  trône,  les  catholi- 
ques espérèient  beaucoup  de  lui.  Ce  prince 
aurait,  en  effet,  dû  se  souvenir  que  la  reine 
papesse  avait  fait  mourn-  sa  mère,  Marie 
Stuart,  sur  l'échafaud,  et  qu'il  avait  à  venger, 
par  sa  conduite,  la  mort  de  celle  qui  lui  avait 
donné  le  jour  et  ([u'un  pape  avait  reconnue 
comme  martyre.  Les  catholiques  avaient  aidé 
Jacques  1"  à  monter  sur  le  trône.  11  avait 
promis  au  pape  de  rester  fidèle  à  la  foi  ro- 
maine. A  peine  ce  prince  fut-il  sur  le  trône, 
qu'il  oublia  ses  promesses,  se  fit  ai)Ostat  tout 
à  la  fois  de  sa  religion,  et  des  sentiments 
filiaux  qui  n'auraient  pas  dû  sorlir  de  son 
cœur.  Il  comm#iça  à  persécuter  violemment 
les  catholiques.  Tous  ceux  qui  n'allaient  pas 
au  prêche  étaient  condamnés  à  payer  une 
amende  de  cinq  cents  francs  par  mois  lunaire. 
Il  fit  payer,  en  montant  sur  le  trône,  même 
les  arrérages,  de  sorte  qu'il  ruina  un  grand 
nombre  '!e  familles.  Plusieurs  des  seigneurs 
de  sa  cour,  n'a\  ant  pu  supporter  de  si  atroces 
vexations,  com[)lotèrent  de  faire  sauter,  à 
l'aide  de  barils  de  poudre,  la  ville  de  West- 
minster, quand  le  roi  y  ouvrirait  le  parle- 
ment. Ce  complot  ayant  élé  découvert,  le 
jésuite  Garni'tfut  atrocement  martyrisé  pour 
en  avoir  eu  connaissance,  et  pour  ne  l'avoir 
pas  révélé.  11  n'avait  connu  ce  complot  que 
sous  le  sceau  de  la  confession  ,  et  avait  du 
reste,  fait  tout  ce  qu'il  avait  pu  pour  en  em- 
pêcher l'exécution. 

Le  parlement  [)roposa,  le  roi  sanctionna 
un  nouvi'au  code  pénal  contre  les  Anglais 
fidèles  h  la  foi  de  la  vieille  Angleterre.  Il  y 
avait  [)lus  de  soixante-dix  articles  qui  leur 
infligeaient  despeines  suivant  leur  condition 
de  maîtres  ,  domestirpies,  époux,  parents, 
enfants,  héritiers  ,  [la Irons,  avocats  et  mé- 
decins, i"  l\  fut  défendu  aux  catholiques  ré- 
fraclaires,  sous  des  peines  particujièi'es,  de 
paraîtie  h  la  cour,  do  demeiu^er  on  dedans 
des  b  u'iièr(;s  ou  à  dix  milhîs  des  limites  de 
la  cité  de  Londres,  ou  de  s'éloigner  en  au- 
cune circonstance  de  plus  de  cin(j  milles  (h; 
leur  habitation,  sans  un  permis  spécial  signé 
de  quatre  magistrats  du  voisinage.  2' On  les 
déclara  incapables  de  [)ratiquer  la  chiriugie 
ou  la  médecine,  de  faire  les  f  uiclions  de 
jurisconsultes,  d'exerc(!r  celles  de  juges,  do 
secrétaires  ou  d'officiers  dans  aucum;  cour 
ou  corporation  quelconque,  ou  de  présent(!i' 
dr;s  sujets  pour  les  l)énéfic(!s,  les  écohjs,  les 
hôpitaux,  où  ils  auraient  des  places  à  don- 
ner, ou  de  remplir  l(!s  charges  d'adniiuistra- 
tours,  d'exéculfMirs  t(!stamenlaires  ou  de  tu- 
teurs. 3'  A  moins  qu'ils  no  fussent  mariés 


par  un  ministre  protestant,  tes  deux  conjoints 
encouraient  la  confiscation  de  tous  les  béné- 
fices aux(piels  leur  eût  donné  droit  la  pro- 
priété de  l'unoude  l'autre;  si  leurs  enfants  n'é- 
taient pas  baptisés  par  un  ministre  protestant, 
un  mois  après  leur  naissance,  cette  omission 
les  assujettissait  à  une  amende  de  deux  mille 
cinq  cejits  francs;  et  si  leurs  morts  n'étaient 
pas  enterrés  dans  un  cimetière  protestant, 
les  exécuteurs  testamentaires  étaient  pas- 
sibles d'une  amende  de  vingt  francs  ])our 
chaque  corps  ;  tout  enfant  envoyé  outre 
mer  pour  son  éducation  était,  de  ce  moment, 
jirivé  de  tous  legs,  héritages  ou  donations,  à 
moins  qu'il  ne  revint  se  soumettre  à  l'Eglise 
établie, etlaloisubstituaità  sesdroitsson  plus 
proche  héritier  protestant.  i°Toutréfractaire, 
c'est-h-dire  tout  catholique  qui  refusait 
d'assister  au  prêche  de  l'hérésie,  était  placé 
dans  la  môme  position  que  s'il  eût  été  ex- 
communié nominativement  :  sa  maison  pou- 
vait être  visitée  ;  ses  livres  ou  papiers  ou 
meubles  ,  que  l'on  croyait  avoir  quelque 
rapport  à  son  culte  ou  à  sa  religion,  pou- 
vaient être  brûlés,  et,  sur  un  ordre  des  ma 
gistrats  voisins,  il  était  obligé  de  iivrer  ses 
armes  et  ses  chevaux.  5°  Toutes  les  peines 
existantes  pour  absence  du  prêche  furent 
conservées  avec  deux  dispositions  addition- 
nelles :  d'abord  on  laissa  au  roi  le  choix  de 
prendre  l'amende  de  vingt  livres  sterling 
par  mois  lunaire,  ou,  à  sa  i)lace,  toute  la  pro- 
priété personnelle  et  les  deux  tiers  des  terres. 
Ensuite  chaque  tenancier  propriétaire,  quelle 
que  fût  sa  religion,  s'il  recevait  des  visiteurs 
catholiques,  ou  conservait  des  domestiques 
catholiques,  fut  assujetti  à  payer  dix  livres 
sterling  pour  chaque  individu  et  par  mois 
lunaire.  (  Rorhbacner  citant  Lingard ,  vol. 
XXV,  p.  323.) 

Comme  si  ce  code    tyrannique   n'eût  pas 
sutli,  on  y  ajouta  une  mesure  excessivement 
astucieuse,  qui,  sous  prétexte  du  serment  de 
fidélité,  menait  à  faire  celui  de  suprématie. 
Par  1(!  serment  de  suprématie  ,  les  anglicans 
reconnaissaient  la  puissance    ecclésiastique 
émanant  de  saint  Pierre  dans  leur  souverain, 
loi  ou  reine.  Ce    serment,    les    catholiques 
l'avaient  en  horreur  et  pour  rien  au  monde 
ne  l'eussent  voulu  prêter.  Quant  au  serment 
de  fidélité  civile,  c'était  autre  chose,  et,  avec 
l'approbation  de  Rome  ,   les  catholiques  an- 
glais n'avaient  pas  fait  difficulté  de  le  prêter 
à  lîlisabeth  et  à  Jaccjues.  Ce  dernier  monar- 
(juc  v(julut   ajout(M"  quelque   chose   qui   fût 
assez  é(juivo({ue  pour  mener,  sans  (ju'on  s'en 
aperçût,  au  serment  de  suprématie.  Jacques 
voulait  contraindre!  ses  sujets,  dans   le   ser- 
ment de  fidélité,  à  ne  pas  r(!connaître  au  pape 
l(!  pouvoir  d'excommunier  un  roi  héréti(jiie, 
de  délier  du  serment  de  fidélité  si  le  roi  ex- 
communié persistait  dans  l'hérésie  ;  en  troi- 
sième lieu,  i\o  ne  plus  le  rt.'connaître  comme 
suz(;rain  de  l'Angleteire.  Comme  on  le  voit, 
poui'  une  partie  (lu   moins,   ce   n'était  plus 
un  seriiKînt  (h;  fidélité  politi(pie;    c'était  un 
se/nient  emportant  jugement  tliéologicpie  sur 
h;s  deux  dei'iiieis  points.   Jac(pies  avait  par- 
faitement raison.  Il   u'aiipartient  in  aucune 


m 


àng 


ANG 


190 


autorité  dr  déWov  les  sujets  du  serment  de 
fidcMité  envers  leur  souverain.  Le  spirituel 
ne  doit  pas  plus  empiéter  sur  le  lempon;!, 
que  le  temporel  sur  le  spirituel.  Ouaiit  i\  la 
jirétentiou  des  jiafxvs  d'cMrc  et  de  rester  su- 
zerains de  l'Angleterre,  nous  la  trouvons  assez 
étrange,  et  du  reste  assez  bien  résolue  dans 
les  idées  de  nos  jours,  pour  ne  devoir  pas 
nous  y  arrêter.  Maintenant,  sur  le  i)remier 
point,  le  roi  d'Angleterre  avait  aussi  certai- 
nement tort  qu'il  avait  raison  sur  les  deux 
derniers.  Toute  autorité  sj)ir'ituelle  a  i)arlai- 
lement  le  droit  d'oxconHiunii!'r(pii  quecesoit 
en  ce  monde.  Paul  V  condanuia  ce  serment 
•  en  1G06,  par  un  bref  daté  du  2*2  septembre,  et 
un  an  après  par  un  seco'id,  donné  aussi  le  22 
,  septembre,  lin  des  crchiprêtres  anglais  ayant 
■*  cru  pouvoir  prêter  ce  serment  en  dt'^pit  du 
bref  papal,  le  cardinal  Bellarmin  lui  écrivit 
pourbl;\mer  sa  conduite.  Jacques,  de  son  côté, 
prit  la  plume  pour  justitier  rarclii[)rêtre.  Par 
une  contradiction  qu'on  n'explique  pas,  il  le 
laissa,  malgré  cela,  mourir  en  prison.  Lepam- 
phet  royal  fut  réfuté  p.ir  Bellarmin.  La  logi- 
que la  plus  pressante  employée  par  le  roi 
Jacques  était  dans  une  suite  d'arguments 
de  la  nature  de  ceux-ci  :  prison  perpétuelle 
pour  ceux  qui  refuseront  de  prêter  le  ser- 
ment. Confiscation,  leur  vie  durant,  de  leurs 
propriétés  et  de  leurs  revenus  :  si  les  délin- 
quants étaient  dos  femmes  mariées  ,  elles 
étaient  emprisonnées  dans  une  geôle  com- 
mune. Les  prêtres  qui  refusaient  le  serment 
étaient  impitoyablement  mis  à  mort. 

Quand  Charles  1"  monta  sur  le  trône,  les 
catholiques  d'Angleterre  prirent  parti  pour 
lui  contre  les  protestants,  qui  l'assassinèrent. 
EarannéelGiS,  le  parlement  rendit  un  décret 
qui  ordonnait  que  les  deux  tiers  dos  biens  des 
papistes  fussent  saisis  et  vendus  auprotit  de 
l'Etat.  On  nommait  papistes  tous  ceux  qui 
durant  un  certain  temps  auraientlogéchezeux 
des  prêtres,  auraient  manqué  d'assister  au 
jirêche,  auraient  entendu  la  messe,  ou  bien 
auraient  permis  que  leurs  enfants  fussent 
élevés  dans  la  religion  catholique.  Il  suf- 
fisait aussi,  pour  être  réputé  papiste,  de  refu- 
ser de  prêter  le  nouveau  serment  qui,  sous 
prétexte  de  serment  de  fidélité,  était,  comme 
nous  l'avons  vu,  un  serment  de  suprématie. 
SousCromwell  et  sous  la  r(''[)ublique  ,  l'An- 
gleterre protestante  persécuta  vivement  l'Ir- 
lande catholique,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  au 
titre  de  ce  malheureux  pays. 

Sous  le  règne  de  Charles  II ,  la  situtation 
des  catholiques  d'Angleterre  devint  de  plus 
en  plus  intolérable.  L'an  1673,  il  imagina 
d'ordonner  un  nouveau  serment.  On  le  nom- 
ma serment  du  Test.  C'était  une  protesta- 
tion contre  la  foi  de  l'Eglise  romaine.  On 
déclarait  incapable  de  tout  emploi  civil  ou 
militaire  quiconque  ne  voulait  pas  prêter  le 
serment  de  suprématie,  et  recevoir  la  com- 
munion suivant  les  nouvelles  coutumes  de 
l'Eglise  anglicane.  Tous  ceux  qui  occupaient 
des  emplois  furent,  en  conséquence,  sommés 
de  faire  les  serments  prescrits,  et  de  com- 
munier à  la  façon  anglicane.  Ce  n'était  -pas 
assez  :  on  exigea  qu'ils  signassent  formel- 


lement ne  pas  admettre  la  transsubstantia- 
tion, et  on  condamna  ceux  qui  ne  le  voulu- 
rent pas  faire,  à  une  amende  de  cinq  cents 
livres  sterling,  et  de  plus  à  la  perte;  de  tous 
les  droits  civils.  Cela  signifiait  qu'ils  ne  pou- 
vaient plus  poursuivre  pour  quoi  que  ce  fût, 
dans  aucune  cour  de  justice,  être  tuteurs  ou 
exécuteurs  testamentaires,  recevoir  aucuns 
legs  ou  donations  ou  exercer  aucunes  fon- 
ctions publiques. 

Les  protestants  ,  qui  avaient  assassiné 
Charles  V%  accusèrent  les  catholiques  de 
vouloir  à  leur  tour  assassiner  Charles  11. 
L'histoire  tout  entière  dément  cette  abomi- 
nable calomnie.  Malgré  ce  témoignage  irré- 
cusable, l'Angleterre  a  pendant  très-long- 
temps été  exaspérée  par  cette  odieuse  et  sotte 
imputation. 

Le  premier  auteur  ou  instrument  de  cette 
longue  mystification  fut  Titus  Oates,  faiseur 
de  rubans,  puis  ministre  anabaptiste  sous 
Cromwell,  puis  ministre  anglican  sous  Char- 
les H,  mais  chassé  de  tous  ses  emplois  pour 
son  inconduite,  pour  ses  inclinations  contre 
nature,  pour  deux  faux  témoignages  dont 
il  fiit  convaincu  en  justice,  ^ns  feu  ni  lieu, 
il  se  mit  aux  gages  d'un  ministre  anglican, 
nommé  Tonge,  pour  faire  l'espion  parmi  les 
catholiques  et  lui  fournir  matière  à  des  dé- 
clamations périodiques  contre  eux.  Oates 
feignit  donc  de  se  convertir  au  catholicisme, 
et  obtint  une  place  dans  un  collège  sous 
l'administration  de  jésuites  anglais,  à  Val- 
ladolid  en  Espagne.  Il  en  fut  chassé,  pour 
indiscipline,  au  bout  de  cinq  mois.  Par  l'avis 
de  Tonge,  il  s'adressa  de  nouveau  aux  jé- 
suites, et  obtint,  par  ses  larmes  et  ses  pro- 
messes, d'être  reçu  au  collège  de  Saint-Omer. 
Comme  il  ne  put  dompter  son  humeur  déré- 
glée ni  cacher  tout  à  fait  son  hypocrisie,  il 
fut  encore  chassé.  Il  revint  auprès  de  Tonge, 
sans  pouvoir  lui  rapporter  quelque  chose 
qui  en  valût  la  peine.  Seulement  il  avait  ap- 
pris que,  le  4  avril  1678,  quelques  jésuiles 
s'éta  ent  réunis  à  Londres  pour  leur  chapitre 
triennal.  D'un  fait  aussi  simple,  les  deux 
imposteurs  en  font  une  conspiration  épou- 
vantable, oi^i  ils  font  entrer  tous  les  jésuites 
dont  Oates  avait  retenu  les  noms  ,  bien  ou 
mal,  entre  autres  le  P.  Lachaise,  confesseur 
de  Louis  XIV  qu'il  appelait  Leshée.  Ils  fa- 
briquent des  lettres,  des  correspondances: 
le  roi  Charles  II  devait  être  assassiné,  son 
frère,  1(î  duc  d'York,  mis  à  sa  place,  la  reli- 
gion protestante  abolie  ;  ils  avaient  nommé 
de  nouveaux  ministres,  de  nouveaux  géné- 
raux, de  nouveaux  gouverneurs,  dont  plu- 
sieurs, par  leur  âge  et  leurs  infirmités,  étaient 
notoirement  incapables  deremplirles  emplois 
assignés.  Aux  deux  premiers  imposteurs  s'en 
joignit  un  troisième,  Bedioe,  puni  en  divers 
pays  pour  escroquerie  et  inconduite  ,  con  - 
damné  à  mort  pour  vol  en  Normandie,  sorti 
récemment  de  prison  à  Londres.  La  déclara 
tion  de  Bedioe  et  d'Oates  était  tellemen* 
absurde,  qu'il  est  impossible  d'imaginer  au- 
jourd'hui comment  des  hommes  sensés  y 
ajoutèrent  la  moindre  confiance. 

Nous  ayons  vu  que  sous  Charles  II  l'An- 


m 


ANG 


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192 


gleterre  était  déchirée  en  deux  factions , 
celle  de  la  cour  et  celle  des  révolutionnaires, 
l'une  et  l'autre  soudoyées  par  le  roi  de 
France,  Louis  XIV.  Les  révolutionnaires, 
ayant  à  leur  tète  le  comte  de  Shallesbury, 
ministre  du  roi,  travaillaient  à  exclure  du 
ti'ône  le  duc  d'York,  frère  du  roi,  et  porté 
pour  l'ancienne  religion,  et  à  lui  subs- 
tituer le  duc  de  Monmouth,  un  des  bâtards 
de  Charles  IL  L'imposture  d'Oates  et  com- 
pagnie leur  vint  fort  à  propos.  Shafl^sbury 
aida  les  imposteurs  à  mettre  un  peu  plus 
de  vraisemblance  dans  leurs  mensonges  ; 
il  ameuta  la  partie  révolutionnaire  du  par- 
lement et  du  peuple.  L'Angleterre  pro- 
testante devint  folle  ;  cinquante  mille  hom- 
mes étaient  continuellement  sous  les  armes 
à  Londres,  et  les  chaînes  prêtes  à  être  ten- 
dues pour  arrêter  les  papistes  qui  venaient 
égorger  le  roi  et  la  nation  :  en  attendant,  les 
catholiques  étaient  mis  hors  la  loi,  traqués, 
emprisonnés,  pendus  pour  une  conspiration 
imaginaire  ;  ils  ne  purent  siéger  dans  au- 
cune des  chambres  ni  de  législature,  ni  de 
justice,  sans  faire  le  serment  d'apostasie, 
sans  abjurer  la  suprématie  spirituelle  du 
pape  pour  la  reconnaître  au  roi,  sans  décla- 
rer que  la  religion  catholique  était  une  ido- 
lâtrie ;  en  un  mot,  les  fidèles  héritiers  de  la 
vieille  Angleterre  furent  traités  par  les  An- 
glais renégats  et  novateurs  comme  des  pa- 
rias, des  ilotes,  des  esclaves;  et  ce  n'est  que 
de  nosjours  que  les  noms  si  catholiques  et 
si  anglais  de  Norfolk,  de  Talbot,  d'Arundel, 
do  Clifford,  ont  pu  rentrer  à  la  chambre  des 
pairs.  (Rohrbacher,  citant Lingard,  vol.  XXV, 
p.  327:) 

En  1688,  il  y  avait  en  Angleterre  quatre 
vicaires  apostoliques,  avec  le  titre,  le  carac- 
tère et  la  juridiction  épiscopale,  et  gouver- 
nant les  quatre  districts  du  royaume,  le 
nord,  le  sud,  l'ouest,  et  le  milieu.  La  ré- 
volution de  1688  ayant  expulsé  le  dernier 
roi  anglais  et  catholique  pour  lui  substituer 
un  hollandais  calviniste,  elle  statua  tout  d'a- 
bord qu'aucun  catholique  ou  époux  de  ca- 
tholique ne  })Ourrait  hériter  du  trône.  Les 
catholiques  ou  ceux  réputés  tels  eurent  or- 
dre de  s'éloigner  h  dix  milles  de  Londres. 
On  les  désarma,  on  prit  leurs  chevaux,  on 
ferma  quelques  écoles  qu'ils  avaient  for- 
mées; on  les  excepta  seuls  de  l'acte  de  to- 
lérance. Leur  droit  de  patronage  fut  con- 
féré aux  universités.  On  accorda,  en  1700, 
des  récorn|)enses  à  (pii  ferait  prcndi-e  uii  prê- 
tre ou  un  jésuite.  Il  fut  défendu,  sous  peine 
de  cent  livres  sterling  d'amende,  d'envoyer 
ses  enfants  hors  dii  royaume  pour  les  faire 
élever  dans  la  religion  catholi(pie.  L(!S  ca- 
tholiques étaient  inhabiles  à  héiùter.  Les 
évêqucs  noiivclicmi'nt  envoyés  en  An.^le- 
Icrre  étaient  particulièrement  l'objet  de  la 
jalousie  [irotest  uile.  Dfiux  des  vi(;air(!s 
apostoliques  furent  arrêtés,  emprisonnés, 
nuis  relâchés,  mais  uKMiacés  sans  cesse.  A 
la  moindre  alarme  ils  étaient  obligés  de  se 
tenir  cachés.  Les  prêtres  furent  soigneuse- 
ment recherchés,  et  [ilusicurs  accompagnè- 
rent Jacques  dans  .sa  fuite.  D'autres   restè- 


rent en  prison  :  des  laïques  eurent  le  même 
sort.  Walker,  président  du  collège  de  l'uni- 
versité d'Oxford,  qui  s'ét;fit  déclaré  catholi- 
(pie  et  avait  converti  plusieurs  personnes, 
l'ut  mis  à  la  Tour,  interrogé  en  plein  parle- 
ment, et  excepté  noiumément  de  l'acte  d'am- 
nistie. Ce[)endant  il  faut  savoir  gré  a  Guil- 
laume III  de  n'avoir  pas  versé  le  sang  et  de 
n'avoir  pas  renouvelé  les  scènes  atroces 
de  1679  et  des  années  suivantes.  (Roihba- 
cher,  citant  Picot,  mémoires,  etc.,  Intro- 
duction, vol.  XXVI,  p.  500.) 

Au  milieu  de  ces  traverses,  la  religion  ca- 
tholique se  soutint  par  elle-même,  et  son 
état  dans  ce  pays  était,  en  1701,  aussi  satis- 
faisant que  possible.  Ses  vicaires  apostoli- 
ques y  gouvernaient  leurs  districts  avec  un 
zèle  mêlé  de  prudence.  M.  Leyburn,  fort 
âgé,  vicaire  apostolique  du  midi,  restait  à 
Londres,  tandis  que  M.  Giffard  gouvernait 
le  district  du  milieu.  Ce  dernier  faisait  de 
fréquentes  visites,  établissant  des  mission- 
naires, donnant  la  confirmation  et  encoura- 
geant les  catholiques  dans  la  foi.  Il  secon- 
dait M.  Leyburn  dans  l'administration  du 
district  du  sud  et  visitait  aussi  celui  de 
l'ouest  ,  privé  d'évêque.  Le  clergé  comp- 
tait dans  son  sein  des  hommes  distingués 
l)<ir  leurs  talents,  desquels  deux  refusè- 
rent l'épiscopat  par  modestie.  Plusieurs 
chapelains  de  Jacques  II  laissèrent  des  ser^ 
mons  imprimés.  Le.jésuite  Pulton  publia  la 
relation  de  sa  conférence  avec  l'anglican 
Tenison.  Son  confrère  Dorrel  est  auteur  de 
livres  de  controverse  et  de  piété.  Plusieurs 
missionnaires  trouvaient,  au  milieu  de 
leurs  travaux,  le  temps  de  composer  de  bons 
écrits,  dont  quelques-uns  sont  encore  esti- 
més des  catholiques  anglais.  Quelques  laï- 
ques donnaient  l'exemple  d'une  haute  piété. 

Les  lois  sévères  qui  interdisaient  aux  ca- 
tholiques la  faculté  de  tenir  des  écoles  les 
obligeaient  d'envoyer  leurs  enfants  sur  le 
continent.  Il  s'était  formé,  à  cet  elfet,  difîé- 
rents  établissementsà  Rome,  à  Paris,  à  Douai, 
à  Valladolid.  Le  plus  célèbre  de  ces  collèges 
était  celui  d(ï  Douai,  qui  était  comme  la  pé- 
pinière du  clergé  séculier  en  Angletoire.  Il 
avait  été  créé  vers  le  commencement  du  xvii'' 
siècle,  et  les  papes  l'avaient  protégé  et  lui 
avaient  accordé  une  pension  annuelle.  Les 
présidents  des  collèges  étaient  choisis  par  le 
cardinal  protecteur  des  églises  d'Angleterre 
à  Rome.  Le  collège  des  Anglais,  à  Lisbonne, 
était  le  plus  considérableaprèscelui  de  Douai. 
Il  avait  été  fondé  par  un  seigneur  portugais. 
A  I*aris,  le  collège  des  Anglais  venait  d  être 
établi  par  le  docteur  Betham,  chapelain  do 
.Iac(pies  II. et  pi'écepteur  du  prince  de  (Jalles. 
l»armi  les  ordres  religieux  (]iii  fournissaient 
des  sujets  aux  missions  d'Angleterre,  les  bé- 
nédictins et  les  jésuites  étaient  les  plus  nom- 
breux. Les  premiers,  (pii  formaienl  uik;  cou 
grégatioii  à  part,  sous  le  nom  de  Hcnéclictins 
atif/ldis,  avaient  d(!s  maisoll'^  A  Paris,  h  Douai, 
?i  Saiiit-Malo,  ^  Dieulouard  en  Lorraine.  Ils 
fournirent  plusi(!urs  évê(pi(!S  ;\  la  mission  e* 
tenaient  tous  les  quatre  ans  des  chapitres 
pour  nommer  leurs  supérieurs. 


i93 


ANG 


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194 


Enfin  1  Angleterre  ontholiqne  du  xvii'sièciO 
compte  païuii ses  eni'anls  les  Ir'ois  i)lusgi'ands 
poètes  dont  l'Angleterre  s'honora  h  <ct(o 
époque:  Shakespeare,  Dryden  et  Pope.  Sha- 
kespeare, (lue  les  Anglais  |)rononcenl  (]heks- 
pire,  né  en  15(i4,  mort  en  IGKî,  surnonmié 
le  S()[)lioele  anglais,  fit  un  grand  nombre  de 
tragédies  fameuses,  la  plupart  sur  des  sujets 
nationaux,  dans  lesquelles  il  n'y  a  jjas  un 
mot  eonlre  l'Eglise  catholique  et  sa  créance; 
ce  qui  seul  équivaut  h  une  profession  de  foi, 
surtout  h  une  époqiu»  oi'i  toutes  les  plumes 
iM'Otestantes  se  faisaient  un  mérite  d'injurier 
la  religion  de  la  vieille  Angleterre.  Dryden, 
né  en  JG31,  mort  en  1707,  se  fit  calholi(|ue 
en  1688,  et,  malgré  les  pertes  temporelles 
que  lui  attira  celte  démarche,  il  persévéra 
courageusement,  ainsi  que  ses  trois  fils,  dont 
les  deux  j)remiers  furent  employés  à  la  cour 
du  pape  Clément  XI,  et  le  troisième  se  fit 
religieux.  Dryden  est  auteur  de  plusieurs 
tragédies  estimées  et  d'autres  poèmes  ;  son 
chef-d'œuvre  est  une  ode  pour  la  félc  de 
sainte  Cécile,  }iatronno  des  musiciens  ;  on  la 
regarde  comme  l'ode  la  plus  belle  de  la  poésie 
moderne.  Alexandre  Pope  naquit  à  Londres 
en  1688,  d'une  famille  noble  et  catholique, 
fort  zélée  pour  la  cause  des  Stuarts.  Il  passa 
les  premières  années  de  son  enfance  dans  de 

f)etites  écoles  dirigées  par  des  prêtres  catho- 
iques.  Le  goût  de  la  poésie  s'éveilla  chez 
lui  de  si  bonne  heure,  qu'il  ne  pouvait  se 
souvenir  du  temps  où  il  avait  commencé  à 
faire  des  vers.  A  l'âge  de  12  ans,  il  composa 
une  ode  sur  la  solitude,  remarquable  par  sa 
maturité  précoce.  Tous  ses  ouvrages  se  dis- 
tinguent par  la  pureté  du  style.  Les  princi- 
paux sont  une  traduction  en  vers  de  Ylliade 
et  son  Essai  sur  l'homme,  dans  lequel  se 
trouvent  quelques  propositions  peu  exactes, 
qui  ont  besoin  d'une  bénigne  interprétation. 
Accusé,  à  propos  de  cet  ouvrage,  de  vouloir 
établir  la  fatalité  de  Spinosa,  Pope  écrivit, le 
1"  septembre  17i2,  une  lettre  à  Racine  le  fils, 
où  il  témoignait  son  chagrin  de  se  voir  im- 
puter des  principes  qu'il  abhorrait.  Il  disait 
que  ses  traducteurs  s'étaient  mépris  sur  ses 
véritables  sentiments,  et  finissait  par  déclarer 
trcs-hautement  et  Ircs-sincèrement  que  ses  sen- 
timents étaient  diamétralement  opposés  à  ceux 
de  Spinoso,  piàsquils  étaient  parfaitement 
conformes  à  ceux  de  Fénelon,  dont  il  se  faisait 
gloire  d'imiter  la  docilité,  en  soumettant  tou- 
jours toutes  ses  opinions  particulières  aux 
décisions  de  T Eglise.  Pope,  d'mia  constitution 
faible  et  maladive,  mourut  le  30  mai  1744,  à 
l'âge  de  cinquante-six  ans.  (Rohrbacher,  ci- 
tant Biogr.  univ.  Picot,  Mémoires,  T.  XXVI, 
pag.  502.) 

Quant  à  l'Ecosse,  vers  la  fin  du  xvn*  siècle, 
elle  comptait  un  assez  grand  nombre  de  ca- 
tholiques, et  elle  en  aurait  eu  davantage  sans 
le  manque  de  prêtres  et  d'écoles.  Ces  deux 
circonstances  favorisèrent  beaucoup  le  succès 
des  Réformateurs  du  xvr  siècle.  Le  saint 
siège  y  faisait  passer  de  temps  en  temps  des 
Franciscains  irlandais.  Mais  la  plupart  étaient 
rebutés  de  la  rigueur  du  climat,  au  moins 
dans  la  partie  septentrionale  de  l'Ecosse,  où 


le  froid  rend  la  vie  pénible,  et  ils  restaient 
peu  dans  cette  mission.  Un  pieux  et  zélé 
missionnaire,  nonnné  Whilc,  fut  plus  cons- 
tant. Aidé  de  la  protection  de  lord  Macdo- 
nald,  il  fit  rcn'ivre  la  foi  dans  les  montagnes 
d'Ecoss(î  et  ramena,  [)ies(iue  sans  difiiculté, 
les  familles  que  le  n)alheur  des  tenq)s  avait 
éloignées  de  la  religion.  Ses  travaux,  vrai- 
ment apostoliques,  datent  de  la  lin  d(!  Crom- 
\vell  et  du  commencement  de  Charles  11.  On 
essaya,  vers  le  môme  temps,  d'établir  quel- 
ques écoles  pour  former  des  prêtres  et  en 
même  temps  pour  préseiver  les  enfants  des 
catholi{|ues  de  la  séduction  des  écoles  ])ro- 
testantes.  Mais  ces  établissements  avaient 
peine  à  se  soutenir  au  milieu  des  traverses 
qu'on  suscitait  aux  catholiques. 

La  révolution  de  1688  n'eut  pas  des  résul- 
tats moins  fâcheux  pour  ce  pays  que  j)our 
l'Angleterre,  et  l'attachement  d'un  grand  nom- 
bre d'Ecossais  aux  Sluarts ,  leurs  anciens 
maîtres,  servit  de  prétexte  à  de  longues  vexa- 
tions. Les  protestants  s'y  montrèrent  pres- 
qu'aussi  jacobites  ou  partisans  de  l'ancienne 
dynastie  que  les  catholiques,  et  les  premiers, 
comme  les  seconds,  parurent  vouloir  profiler 
de  toutes  les  occasions  pour  soutenir  les 
droits  de  leur  souverain  légitime.  On  les 
comprima  donc  avec  soin.  Le  gouvernement 
anglais  cessa  de  protéger  les  épiscopaux,  et 
les  presbytériens  devmrent  dominants  en 
Ecosse.  Les  préjugés  politiques  se  mêlant 
aux  préjugés  religieux,  on  poursuivit  à  la 
fois  en  eux  les  partisans  des  Stuarts  et  les 
adhérents  à  une  foi  proscrite.  On  tint  des 
prêtres  cathohques  en  prison  pendant  plu- 
sieurs années,  ensuite  on  les  bannit.  On  en- 
voya des  troupes  dans  les  montagnes,  on 
ravagea  les  terres  des  catholiques,  et  un  ca- 
pitaine, nommé  Porringer,  se  rendit  fameux 
dans  l'ouest  par  ses  dévastations  et  ses  cru- 
autés. En  même  temps,  le  parlement  d'E- 
cosse statua  que  les  enfants  qui  ne  se  feraient 
pas  protestants  seraient  privés  de  la  succes- 
sion ue  leurs  père  et  mère. 

Cependant  la  foi  se  soutint  au  milieu  des 
efforts  faits  pour  la  comprimer.  II  parait  que 
Jacques,  dans  sa  retraite,  entretenait  des  re- 
lations étroites  avec  l'Ecosse.  11  y  fit  passer 
quelques  fonds  avec  lesquels  on  établit  dans 
les  montagnes  une  école  dirigée  par  Georges 
Panton,  élève  du  collège  des  Ecossais.  Ce 
prince  s'unit  avec  les  missionnaires  d'Ecosse 
pour  demander  l'envoi  d'un  évêque  dans  ce 
pays.  Le  saint-siége  accéda  à  leurs  désirs. 
Thomas  Nicolson  fut  fait,  en  1694,  évêque 
de  Peristachium  et  vicaire  apostolique  en 
Ecosse,  où  il  se  rendit  secrètement  en  1797. 
Il  n'y  trouva  que  vingt-cinq  missionnaires 
dont  il  augmenta  successivement  le  nombre. 
11  commença,  dès  cette  année,  à  faire  quel- 
ques Visites  dans  le  nord,  où  les  catholiques 
sont  plus  nombreux.  Il  en  fit  également,  les 
quatre  années  suivantes,  dans  les  différentes 
parties  de  son  vicariat.  Son  activité  et  son 
zèle  produisirent  beaucoup  de  fruit  dans  un 
pays  qui  n'avait  pas  vud'évêque  depuis  près 
de  cent  ans.  11  adressa  des  avis  aux  pasteurs 
qui  furent  acceptésdans  une  réunion  de  nuis-» 


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AISG 


ANK 


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sionnaires   écossais  et  confirmés  depuis  à 
Rome.  Dans  un   voyage  de  plus  de  quatre 
cent  milles  par  des  montagnes  fort  rudes  et 
des  mers  dangereuses,  il  contirma,  l'an  1700, 
un  grand  nombre  de  personnes,  s'instruisit 
du  besoin  des  peuples,  réprima  les  abus,  an- 
nonça à  ces  tidèles  catholiques  la  [)arole  de 
Dieu  et  les  exhorta  à  la  constance  dans  la  foi. 
ils  étaient  assez  nombreux  dans  ces  quar- 
tiers. Plusieurs  îles  de  l'ouest  étaient  exclu- 
sivement peuplées   de  catholiques,  et  dans 
une  seule  station  le  vicaire  apostolique  con- 
firma plus  de  700  personnes.  11   trouva  ces 
bons  montagnards  réglés  dans  leurs  mœurs, 
respectueux  |)Our   les  piètres,    et  observant 
avec  exactitude  les  lois  de  l'Eglise.  Quelques- 
uns  d'entre  eux  avaient  été  mis  à  mort  peu 
auparavant  par  le  cruel  Porringer,  sur  le  re- 
fus qu'Us  avaient  fait  de  renoncer  à  la  foi 
catholique.    L'évoque  Nicolson    encouragea 
ses  prêt  les  et  en  nomma  deux  ses  provicai- 
res. 11  inspecta  aussi  l'école  d'Arasaick,  sur 
laquelle  il  fondait  ses  espérances,  et  qui  ser- 
vait  comme  de  préparation  aux  sujets  que 
l'on  envoyait  ensuite  au  collège  Ecossais,  à 
Paris,  maison  qui  était  la  principale  ressource 
pour  l'éducation  des  prêtres,  et  la  principale 
pépinière    de   missionnaires  pour  l'Ecosse. 
Outre  ce  collège,  il    y  en   avait  encore  un  à 
Rome  et  un  à  Katisbonne   chez  les  Bénédic- 
tins écossais,   qui  avaient  trois  maisons  en 
Allemagne.  (Rohrbacher   citant  Biog.  univ.; 
Picot,  Mémoires,   Introduction,!.   XXVI, 
p.  504.) 

L'Irlande,  ce  peuple  martyr,  a  constam- 
ment repoussé  les  innovations  religieuses  vi 
conservé  ses  évoques.  La  succession  des  pas- 
teurs légitimes  s'est  maintenue  dans  ce  pays 
à  travers  tous  les  orages.  Forcés  d'abandon- 
ner aux  évoques  anglicans  leurs  églises,  leurs 
maisons  et  leurs  revenus,  ces  bons  pasteurs 
ont  continué  de  gouverner   leurs  troupeaux 
dans  une  honorable  indigence   et  dans  des 
retraites  où  leurs  ennemis  venaient  souvent 
les  troubler.  Les    catholiques  formaient  les 
trois  quarts  de  la  population  de  l'îie,  et,  mal- 
gré celte  disproportion,  ils  étaient  exclus  de 
toutes  les  faveurs  et  de  toutes  les   i)laces, 
privés  de  tout  droit  politique,  inquiétés  dans 
ce  qu'ils  avaient  de  plus  chei",  asservis  à  des 
lois  rigoureuses.  Ils  voyaient  un  petit  nom- 
bre de  protestants  dominer  sur  eux  et  s'arro- 
ger tous  les  avantages.  Cependant  Charles  P' 
trouva  j)lusde  lidélité  dans  les  irlandais  que 
dans  les  anglicans  o])presseurs.  Les  premiers, 
instruils    par    les    archevêques   OKeilly   et 
VValsli,  se  dévouèrenlà  la  cause  d'un  prin.;e 
malheuHMix.  Aussi  le  régicide  Cronnvell  ne 
leur    pardoima-l-il  jamais,  il    aggrava   leur 
)0ug  par  de   nouvelles  dis|)Ositioiis.  Une  loi 
déshérita  et  mit  hors  la  loi  tout  étudiant  ca- 
Iholique    qui    (mibrassait   l'état  clérical.  Le 
règne  de  Charles  II  ne  fut  guère  plus  favo- 
rable aux  catholupjes  irlandais,  et  le  supplice 
du   vènèrabhî  archi'vèfjuc;   (rAriiiagh  jeta  la 
terreur  parmi  eux.  l)euxaulr(!S  évèques,ceux 
de  hildure  et  d(!  Corck,  fur(;rit  mis  en  prison. 
i)'autre.>  sf  r«;lirerenl  eu  l'rance. 

Le  rè^ne  de  .)a<qu<s  li  tut  trop  court  pour 


apporter  beaucoup  d'avantages  aux  catho- 
liques, ou  du  moins  ces  avantages  ne  furent 
guère  durables.  Les  faveurs  même  que  ce 
prince  accorda  dans  ce  pays  à  ceux  de  sa 
communion  irritèrent  l'envie  contre  eux,  e* 
sa  chute  les  exposa  à  de  nouvelles  traverses. 
Plus  ils  lui  restèrent  tidèles  dans  sa  disgrâce, 
plus  on  usa  de  rigueur  envers  eux,  et  ils 
expièrent  par  toutes  sortes  de  vexations  leur 
courageux  dévouement.  La  capitulation  de 
Limerick  avait  assuré  aux  irlandais  quelques 
avantages.  On  était  convenu  que  les  choses 
restei  aient  sur  le  pied  où  elles  étaient  sous 
le  règne  de  Charles  il,  et  qu'on  n'exigerait 
des  catholiques  que  le  serment  général  de 
hdéliié  qu'il  est  d'usage  de  demander  aux 
peuples  qui  passent  sous  une  autre  domina- 
tion. Ces  concessions  déi)lurent  aux  protes- 
tants fanatiques,  qui  demandèrent  qu'on  les 
enfreignît  sur-le-champ. 

Guillaume  de  Hollande  se  montra  plus 
modéré  et  parut  vouloir  tenir  les  articles  de 
Limerick.  11  réprima  plus  d'une  fois  les  ef- 
forts du  parlement  d'Irlande  pour  les  en- 
freindre et  empêcha,  entre  autres,  un  projet 
de  loi  qui  bannissait  à  perpétuité  tous  les 
archevêques ,  évêques  et  religieux.  Mais 
tandis  que  la  cour  suivait  ce  système  de  mo- 
dération, la  masse  des  protestants  établis  en 
Irlande  montrait  un  tout  autre  esprit  contre 
les  catholiques,  el  tous  les  documents  de  l'é- 
poque font  un  portrait  déplorable  de  la  si- 
tuaùou  de  la  religion  catholique  en  Irlande 
à  la  Un  du  xvir  siècle  et  au  commencement 
du  xviir.  Les  catholiques  étaient  en  butte  à 
toutes  sortes  de  vexations,  et  les  protestants, 
quoiqu'en  inoindre  nombre,  appesantissaient 
sur  eux  le  joug  le  plus  dur. 

L'épiscopat  irlandais  était  réduit,  en  1701, 
à  un  très-petit  nombre  de  membres.  Les 
troubles  ,  les  guerres  ,  les  persécutions  , 
avaient  rendus  vacants  la  plupart  des  sièges. 
11  ne  se  trouvait  dans  l'île,  à  celte  époque, 
que  deux  prélats  :  Comorfort,  arc  levèque  de 
Cashel,  qui  était  fort  Agé,  elDonelly,  évêque 
de  Dromore,  qui  était  en  prison.  On  cile 
aussi  l'évêque  de  Clonfert,  comme  ayant 
échappé  aux  poursuites  ;  les  autres  évêques 
avaient  été  obligés  de  s'ex[)atrier.  Les  arche- 
vêques d'Armagh,  de  Dublin,  de  Tuam,  et  l'é- 
vê(iued'Ossory  étaient  en  France,  et  l'évoque 
de  Cork  s'était  réfugié  à  Lisbonne.  Le 
clergé  de  France  faisait  une  pension  à  l'ar- 
chevêijue  de  Cashel  et  à  l'évêque  de  Clon- 
fert. Les  vacances  des  autres  sièges  duré,  eut 
encore  i)lusieurs  années,  et  ce  ne  fut  qu'en 
1707  (pie  l'on  commença  à  y  nommer.  Le 
clergé  du  second  ordre  n'était  pas  dans  une 
|)osilioii  ])lus  heureuse.  Beaucoup  de  reli- 
gieux et  de  prêlres  avaient  été  contraints  do 
fuir  l(;ur  patrie;  plusieurs  avaient  suivi 
Jacques  dans  son  exil.  La  France  et  les  Pays- 
B.is  coiiij)taient  un  grand  nombre  de  ces 
honorables  [MOscrits,  aux(juels  leur  double 
iidélité  à  leur  croyance  et  à  leur  prince 
avait  coulé  tant  de  sacritices. 

Lo  cKîrgô  calholiciue  d'Irlande  se  compo- 
sait, comme  c(dui  d'Angleterre,  de  séculiers 
et  de  réguliers.   Les  réguliers  étaient  fort 


i9t 


ANG 


nombrouï.  Les  ordres  qui  fournissaient  le 
plus  à  cette  mission  étaient  les  Dominicains, 
tes  iMaiiciscains,  les  Augnstins.   Ils  avaient 
des  colh'i^es  h  Rome,  à  Louvain,  h  Douai  et 
à  Prague.  Le  clergé  séculier  en  avait  à  Uome, 
à  Lisboime,  à  Compostelle,  <à  Salaman(|ne,  à 
Séville,   h    Alcala,   à   Bordeaux  ,  à  Paris,  à 
Douai,  j\  Lille,  c^  Louvain  et  h  Anvers.   On 
avait  adopté  pour  l'éducation  du  clergé  irlan- 
dais  un   usage    singulier,    qui    n'était   pas 
sans  de  graves  inconvéïiienls.  La  pauvreté  de 
la  plupart  des  sujets  et  la  dillieulté  de  pour- 
voira leur  entrelien  avaient  lait  imaginer  do 
renverser  l'ordre  naturel.  Leurs  évôciues  les 
ordonnaient  prêtres  dans  leur  {^ays  et  les  en- 
voyaient ensuite  étudier  à  Paris,  princi[)alo 
pépinière  du  clergé  irlandais,  et  où  ils  trou- 
vaient quelque  ressource  dans  l'exercice  des 
fonctions  du  ministère.  On  ne  peut  se  dissi- 
muler ,  observe  le  respectable    Picot  dans 
ses  mémoires,  que  cette  méthode  n'introdui- 
sit souvent  dans  l'état  ecclésiastique  des  su- 
jets médiocres,  soit  pour  la  conduite,   soit 
pour  la  doctrine.  On  s'éleva  plusieurs  fois 
contre  cet  abus  et  contre  la  facilité  avec  la- 
quelle les  évêques  conféraient  les  ordres. 
Mais  ces  plaintes,  quelque  fondées  qu'elles 
fussent,  ne  doivent  pas  nous  empêcher  de 
reconnaître  qu'il    y    eut    souvent  dans    le 
clergé  irlandais  des  hommes  recommanda- 
bles  par  leurs  talents,  leur  piété  et  leur  zèle. 
Un   prêtre  irlandais,   un  prêtre  du  peuple 
martyr ,   dira  au  roi  martyr  de  France,  à 
Louis  XVI  :  «  Fils  de  saint  Louis,  montez  au 
ciel  !  » 

Le  protestant  Cobbet  résume  ainsi  le  Code 
pénal  ou  Code  de  sang  de  l'Angleterre  pro- 
testante ,  contre  l'Angleterre  catholique  ; 
code  composé  de  plus  de  deux  cents  actes 
du  parlement,  rendus  depuis  le  règne  d'E- 
lisabeth jusqu'à  la  vingtième  année  de  celui 
de  Georges  IIL  En  Angleterre,  il  privait  les 

f)airs  catholiques  du  droit  de  siéger  au  par- 
ement, qu'ils  tenaient  de  leur  naissance,  et 
le  reste  de  leurs  coreligionnaires  de  celui  de 
faire  partie  de  la  Chambre  des  communes.  Il 
enlevait  à  tous  les  catholiques  le  droit  de 
voter  aux  élections.  Bien  que,  d'après  la 
grande  Charte,  aucun  homme  ne  doive  être 
taxé  sans  son  consentement,  il  imposait  de 
doubles  taxes  aux  catholiques  qui  refusaient 
d'abjurer  la  religion  de  leurs  pères.  11  leur 
refusait  l'accès  du  pouvoir  et  les  empêchait 
d'arriver  aux  plus  minces  emplois.  Il  les 
déclarait  inhabiles  à  présenter  des  sujets 
aux  bénéfices  ecclésiastiques,  bien  que  ce 
droit  fût  exercé  par  des  quakers  et  des  juifs. 
Il  les  condamnait  à  une  amende  de  vingt 
livres  sterlings  par  mois,  s'ils  ne  fréquen- 
taient pas  avec  exactitude  les  temples  du 
culte  établis  par  le  parlement,  fréquentation 
qu'ils  ne  pouvaient  considérer  que  comme 
un  véritable  acte  d'apostasie.  Il  leur  défen- 
dait, sous  peine  de  châtiments  graves,  de 
garder  des  armes  dans  leurs  demeures,  même 
pour  leur  propre  sûreté,  de  plaider  en  jus- 
tice, d'être  tuteurs  ou  exécuteurs  testamen- 
taires, d'exer(;er  la  profession  de  médecin 
ou  d'avocat,  et  dé  s'éloigner  de  plus  de  cinq 


AN6  IM 

milles  de  leur  domicile.  Toute  femme  ma- 
rié((  qui  ne  fréiiuentail  |)as  assidûment  le 
tenqde  de  VJùjlise  établie  perdait  les  deux 
tiers  de  sa  dot;  elle  n'était  plus  apte  à  de- 
venir exécutrice  testamentaire  d(ï  son  maii, 
et  pouvait  être  renfei'mé(î  [)endant  la  vie  de 
celui-ci,  à  moins  qu'il  ne  payât  pour  elle 
dix  livres  sterling  d'amende  par  mois. 
Ouand  un  homme  était  atteint  et  convaincu 
du  même  crime,  les  quatre  premiers  juges 
de  f)aix  venus  j)ouvaient  le  citf.'i-  à  leur  ban  e, 
le  forcer  <v  abjurer  sa  foi,  et,  s'il  refusait,  le 
condannier,  sans  l'avis  d'aucun  jury,  à  un 
bannissement  ])erpéluel,  et  à  mort  s'il  re- 
mettait les  pieds  sur  le  territoire  anglais. 
Les  deux  premiers  juges  de  paix  venus 
avaient  droit  de  citer  devant  leur  tribunal, 
et  sans  aucun  information  préalable,  tout 
honnne  âgé  de  plus  de  seize  ans  ;  s'il  refu- 
sait d'abjurer  la  religion  catholique,  et  s'il 
persistait  pendant  six  mois  dans  son  refus,  il 
devenait  inca])able  de  posséder  des  terres  ; 
toutes  celles  qui  lui  appartenaient  reve- 
naient de  droit  à  son  plus  proche  héritier 
prolestant,  lequel  ne  lui  devait  ensuite  au- 
cun compte  de  leur  produit.  Le  catholique 
obstiné  ne  pouvait  plus  aclseterde  terres,  et 
tout,  acte  ou  contrat  souscrit  par  lui  était 
radicalement  nul.  Etaient  passibles  d'une 
amende  de  six  livres  sterling  par  mois  les 
personnes  qui  employaient  dans  leurs  mai- 
sons un  précepteur  catholique,  et  celui-ci 
était  en  outre  puni  d'une  amende  de  deux 
livres  sterling  par  jour.  Etaient  passibles 
de  cent  livres  sterling  ceux  qui  envoyaient 
un  enfant  à  une  école  catholique  étrangère, 
et  cet  enfant  devenait  de  plus  inhabile  à  hé- 
riter, à  acheter  ou  posséder  des  terres,  des 
revenus,  des  biens,  (ies  dettes,  des  legs  ou 
des  sommes  d'argent.  Etait  punissable  de 
cent  vingt  livres  sterling  d'amende  celui 
qui  célébrait  la  messe,  et  de  soixante  livres 
seulement  celui  qui  l'entendait.  Tout  prêtre 
catholique  qui  revenait  par-delà  les  mers, 
et  qui  dans  les  trois  premiers  jours  de  son 
arrivée,  n'abjurait  pas  sa  religion,  ou  toute 
personne  qui  rentrait  dans  la  foi  catholique 
ou  y  ramenait  un  autre  individu,  était  con- 
damnée à  être  pendue,  éventrée  et  écartelée. 

«  En  Irlande,  le  code  pénal  auquel  les  ca- 
tholiques étaient  soumis  était  encore   plus 
hideux  et  plus  féroce  ;  car  un  simple  trait  de    j 
plume  avait  suflTi  pour  faire  appliquer  à  ce    1 
malheureux   pays    toutes    les    dispositions    ? 
cruelles  du   code  anglais,  indépendamment    \ 
des  dispositions  pénales  spécialement  desti- 
nées à  la  population  irlandaise.  Ainsi  : 

«  Tout  instituteur  catholique,  public  ou 
particulier,  et  même  le  modeste  sous-maître 
d'une  école  tenue  par  un  protestant,  était 
puni  de  l'emprisonnement,  du  bannissement, 
et  considéré,  en  un  mot,  comme  un  félon, 
s'il  était  catholique.  Les  membres  du  clergé 
catholique  ne  pouvaient  demeurer  dans  le 
pays  sans  être  enregistrés  comme  des  es- 
pèces de  prisonniers  sur  parole;  des  récom- 
penses faites  avec  les  fonds  levés  en  partie 
sur  les  catholiques  étaient  décernées,  dans 
ies  proportions  suivantes,  à  ceux  qui  dé- 


199 


ANG 


ANG 


200 


couvraient  des  contrevenants  à  cette  disposi- 
tion de  la  loi,  à  savoir  :  cinquante  livres  ster- 
ling pour  un  archevêque  ou  évêque,  vingt 
livres  sterling  pour  un  prêtre,  et  dix  pour  un 
maître  ou  sous-maitre  d'école.  Les  deux  pre- 
miers juges  de  paix,  venus  pouvaient  citer 
tout  catholique  à  leur  barre  et  lui  oi'donner 
de  déclarer  sous  serment  où  et  quand  il  avait 
entendu  la  messe,  les  personnes  qui  y  avaient 
assisté  avec  lui,  le  nom  et  le  domicile  des 
prêtres  et  maîtres  d'école  de  sa  connaissance; 
que  s'il  refusait  d'obéir  à  cet  ordi-e  tyranni- 
quc,  ils  avaient  droit  de  le  condamner,  sans 
plus  de  formalités,  à  une  année  de  prison 
ou  à  vingt  livres  sterlings  d'amende.  Tout 
protestant  qui  voyait  un  catholique  en  pos- 
session d'un  cheval  d'une  valeur  de  plus  de 
cinq  livres  sterling,  pouvait  s'emparer  de 
ce  cheval  en  comptant  les  einq  livre's  ster- 
ling au  propriétaire.  Pour  que,  dans  de  pa- 
reils cas,  les  tribunaux  ne  pusseiit  jamais 
faire  droit  à  qui  il  appartenait,  on  n'admet- 
tait sur  les  listes  des  jurés  que  des  protes- 
tants connus.  La  succession  d'un  protestant 
dont  les  héritiers  directs  étaient  catholiques 
passait  à  son  plus  proche  héritier  protestant, 
comme  si  les  héritiers  catholiques  étaient 
prédécédés.  Tout  mariage  contracté  entre 
protestant  et  catholique  était  nul  de  plein 
droit,  encore  qu'un  grand  nombre  d'enfants 
en  fût  né.  Tout  prêtre  catholique  qui  célé- 
brait un  mariage  entre  un  catholique  et  un 
protestant,  ou  entre  deux  protestants,  était 
condamné  à  être  pendu.  Toute  femme,  épouse 
d'un  catholique,  qui  voulait  devenir  protes- 
tante, sortait  par  cela  même  de  la  puissance 
de  son  mari  et  participait  à  tous  ses  biens, 
quelque  répréhensible  qu'eût  d'ailleurs  été 
sa  conduite  soit  comme  épouse,  soit  comme 
mère  ;  si  le  fils  d'un  père  catholique  se  faisait 
protestant,  ce  iils  devenait  maître  de  tous 
les  biens  de  son  père,  lequel  ne  pouvait  plus 
en  vendre,  engager  ou  léguer  une  partie 
quelconque,  à  quelque  titre  qu'il  les  possé- 
dât et  quand  bien  même  ils  étaient  le  fruit  de 
son  travail.  » 

Après  avoir  résumé  ces  articles  et  d'autres, 
le  protestant  Cobbet  conclut  :  «  Je  le  demande 
à  mes  lecteurs,  y  a-t-il  un  seul  d'entre  eux 
qui  n'ait  gémi  du  plus  profond  de  son  cœur 
en  in'entendant  rapporter  toutes  ces  horribles 
cruautés,  exercées  contre  des  hommes  uni- 
quement coupables  d'être  restés  fidèles  à  la 
foi  de  leurs  pères  et  des  noires,  à  la  foi 
d'Alfred  le  Grand,  fondateur  de  la  puissance 
dt;  noire  nation,  à  la  foi  des  hounnes  (^ui 
établirent  la  grande  Charte  et  créèrent  toutes 
ces  vénérables  institutions  qui  font  la  gloirii 
de  notn;  [)ays  ?  Kt  si  l'on  rétléiliil  ([ue  tant 
d'horreurs  et  d'atrocités  n'cjnt  été  connnises 
(]ue  f)Our  assurer  la  prédominancedc!  l'Eglisi; 
anglicane,  conniu;nt  ne  pas  s'alUiger  et  rou- 
gir de  »;e  qui  s'est  passé,  et  ne  pas  ardem- 
ment souhaiter  (pie  bientôt  pleine;  et  entière 
justice  soit  (îulin  rendue  auv  malheureux 
qui  soullVcnt  d(!piiis  si  longtemps!  »  (Uohr- 
bacher,  t.  XXVI,  p.  509;  Cobbel, ///s/,  delà 
réforme  dWnf/lelcrrc,  lettre  l.i.j 

Les  souhaits  du  protestant  Cobbet  ont  été 


accomplis  en  1828,  par  l'émancipation  légale 
des  catholiques  dans  tout  le  royaume  d'An- 
gleterre. De()uis  cette  époque,  le  gouverne- 
ment anglais  a  bien  voulu  accorder  à  plu- 
sieurs collèges  caiholiques  les  privilèges  des 
universités  de  l'Etat,  ce  qui  n'existe  pour 
aucun  établissement  catholique  en  France. 
D'un  autre  côté,  il  est  des  îles  de  la  mer 
qui,  tant  qu'elles  ont  apj)artenu  à  la  France, 
n'ont  pu  avoir  d'évêques  et  qui  en  ont  de 
catholiques  depuis  qu'elles  appartiennent  à 
l'Angleterre.  B'après  ces  faits  et  d'autres 
nous  ne  serions  pas  étonnés  de  voir,  dans  une 
vingtaine  d'années,  la  nation  anglaise  devenir 
lapremièie  etlaplus  fervente  des  nations  ca- 
tholiques, et  ravir  cette  gloire  antique  à  lana- 
tion  française.  (Hohibacher,t.  XXVT,  p.  509.) 

En  1714,  la  reine  Anne  Stuart  étant  morte, 
son  frère  Edouard,  qui  vivait  retiré  en  Lor- 
raine, entreprit  de  faire  valoir  ses  droits  au 
trône,  contre  ceux  d'un  prince  étranger  ori- 
ginaire de  Hanovre.  Deux  ans  après,  il  opéra 
une  descente  en  Ecosse,  où  son  parti  s'était, 
dès  17 J  5,  organisé  en  sa  faveur  et  avait 
même  rassemblé  des  traupes.  Les  partisans 
d'Edouard  furent  nommés  jucobites,  du  nom 
de  leurs  anciens  rois.  Ils  prirent  pour  devise  : 
Pour  Jacques  JIl  et  pour  la  religion  protes' 
tante,  il  est  donc  bien  évident  que  les  ca- 
tholiques ne  dominaient  pas  parmi  eux.  Ce- 
pendant le  charlatanisme  politique  trouva 
bon  d'agir  exactement  comme  si  la  tentative 
eût  été  faite  par  les  catholiques.  Après  que 
le  parti  du  prétendant  eut  été  vaincu,  on 
publia  qu'eux  seuls  en  avaient  été  l'àme ,  et 
de  tous  côtés  on  se  mit  à  les  persécuter,  à 
les  traquer,  aussi  vivernent  que  du  temps  de 
la  trop  fameuse  Elisabeth.  Ils  furent  désar- 
més dans  toute  l'étendue  du  royaume.  On 
leur  ôta  leurs  chevaux.  Tous  ceux  qui  ne 
purent  pas  trouver  deux  prolestants  pour 
leur  servir  de  caution  furent  emprisonnés. 
Pour  découvrir  immanquablement  les  catho- 
liques, on  entreprit  de  faire  jurer  à  tout  le 
monde  haine  à  la  doctrine  de  la  transsub- 
stantiation, comme  à  une  erreur  détestable. 

En  juillet  1717,  le  26,  le  roi  signa  un  bill 
qui  contraignait  tous  les  catholiques  à  don- 
ner une  déclaration  détaillée  de  leurs  biens. 
Cinq  ans  après,  le  duc  de  Norfolck,  premier 
pair  du  royaume,  fut  mis  en  prison,  parce 
qu'il  était  catholique  fervent,  et  en  outre 
fort  riche.  A  la  même  époque,  on  frappa  d'une 
contribution  considérable  toutes  les  terres 
des  calholi({ues. 

En  17iG,  après  la  bataille  de  Culloden,  le 
gonvernemenl  anglais  montra  une  sévérité 
excessive  envers  les  catholiciues.  On  abattit 


leur: 


dises.  Le  séminaire  de  Scalan  fut  dé- 


triiii,  les  missionnai.  es  furent  vivement  pour- 
suivis. Colin  (.lamiibell  mourut  par  suite  des 
mauvais  traitements  cpi'il  avail  reçus.  Les 
Jésuites  Cordon  et  Cameron  moururent  en 
j)ris()n.  (]qI  état  de  clios(!S  dura  foit  long- 
temps. En  1751,  messieurs  (Iraiil  et  Cordon 
prèti'es  furent  pris,  (iordon  fut  (•ondamné 
au  baimisscMiienl.  Hugues  Maedonald,  évè- 
<pie  de  Dia  ,  vicaire  a|)osloli{iue  dans  le 
jiays  des  luonlaiines,  l'ut  dénoncé  et  mis  en 


IM 


A^m 


ANN 


202 


J)rison  en  1755.  Celui  qui  le  livra  reçut  pour 
cela  huit  conts  éms.  On  rt'iKJiivela,  on  lt57, 
comme  on  l'avait  fait  (](^j<^  en  1736,  les  vieilles 
lois  qui  |)ortaient  int(  idiction  des  droits  ci- 
vils contre  qiiicon(iue  reniscrait  de  prêter 
au  roi  d'Aiii.',letci're,  sernu-nt  de  suprématie 
spirituelle.  De  i»lus  on  condanriait  quicijii- 
que  se  rendait  coupablt;  de  ce  forfait,  à  payer 
la  somme  de  douze  mdic  cintj  cents  francs. 

A  partir  de  ce  moment  jusqu'à  I828  et 
182 J,  é{)oque  à  la(iuelle  on  accorda  l'éman- 
cipation aux  cathol  ques  d'Anji,l('terfe,  l'état 
du  catholicisme  demeura  le  même.  c'<'St-à- 
dire  qu'il  fut  soumis  à  l'oppression  de  ce 
code  persécuteur  et  barbare,  au  |uel  chacun 
des  souverain'^  anglais  eut  la  triste  gloire 
d'ajouter  quelque  chose.  Mais  enfin  la  civi- 
lisation l'a  emporté,  et  de[)uis  (]ue  la  foi-ce 
des  choses  a  contraint  l'A-igleterre  à  revenir 
à  la  suprême  justice,  le  catholicisme  reprend 
de  jour  en  jour  sa  supréma  ic.  De  toutes  les 
nations  protestantes,  l'Angleterre  est  le  plus 
près  de  sa  co"iversio"i.  Sa  doctrine  est  la  plus 
évidemment  absurde  et  la  plus  évidemment 
près  de  la  vérité. 

ANIGET  (saint),  martyr  et  pape,  reçut  la 
pahue  du  martyre  durant  la  persécution  que 
Marc-Aurèie-Antonin  et  Luce-Vère  flreat 
souti'rir  aux.  chrétiens.  On  ignore  en  quelle 
année.  L'Eglise  honore  la  mémoire  de  ce 
saint  pape  le  17  avril. 

ANICET  (saint),  martyr,  était  comte  et 
habitant  de  Nicomédie.  Ce  fut  sous  l'empe- 
reur Diocléiien  qu'il  fut  martyrisé  avec  soi 
frère  saint  Photin  et  plusieurs  autres  saints 
compagnons  dont  on  ignore  les  noms.  L'Eglise 
fait  leur  fête  le  12  août. 

ANNE  faisait  partie  du  sanhédrin ,  tribu- 
nal devant  lequel  comparurent  saint  Pierre 
et  saint  Jean,  arrêtés  dans  le  teniple  [lar  les 
prêtres  et  les  sadciucéens,  afirès  la  guérison 
du  boiteux.  Dans  le  G'  verset  du  chatûtre  iv 
des  Actes,  Anne  est  qualilié  grand  prêtre, 
quoiqu'à  l'époque  dont  il  est  question  dans 
cet  endroit  il  n'en  exerçât  plus  les  fonctions.  Ce 
passage  des^cfcsprouvesimplcment  qu'il  gar- 
dait le  t  tre  honoraire  de  la  charge  qu'il  avait 
occupée,  et  qui  depuis  avait  passé  aux  mains 
d'Eléasar,  son  fiis,  puis  ensuite  à  celles  de 
Caïj)lie,  son  gendre.  Anne  conservait  toujours 
une  grande  autorité  |)armi  les  Juifs.  11  sié- 
geait ()robablement  dans  le  sanhédrin  qu  -nd 
ce  tribunal  Ut  fouetter  les  apôtres  et  con- 
damna saint  Etienne  à  la  mort. 

ANNE  (sainte),  vierge,  souffrit  le  martyre 
en  l'an  343  de  Jésus-Christ,  sous  le  règne  de 
Sapor  dit  Longue-Vie.  Elle  était  originaire 
de  Beth-Seleucie.  Sa  fête  est  inscrite  au  Mar- 
tyrologe romain  le  30  novembre. 

ANNE  (sainte)  est  célèbre  dans  la  persé- 
cution des  icoaoclastes ,  sous  l'empereur 
Constantin  Copronyme.  Cette  sainte  femme, 
étant  devenue  veuve,  résolut  de  se  consacrer 
à  Dieu.  Le  bruit  de  la  sainteté  d'Etienne, 
abbé  du  Mont-Auxence,  était  presqsie univer- 
sel. Ses  austérités,  ses  éminentes  vertus,  les 
miracles  qu'il  opérait  lui  amenaient  de  tous 
côtés  de  nombreux  disciples.  11  y  avait  au 
Mont-Auxence  deux  monastères,  lun  d'hom- 

DiCTioNN.   DES  Persécutions.  I, 


mes,  l'autre  de  femmes.  Celui  des  femmes 
était  au  bas  de  la  montagne,  et  avait  une  ab- 
b(sse  qui  le  gouvernait,  sous  la  direction 
})ourtant  de  l'abbé  du  couvent  d'hommes. 
Sainte  Anne,  (pii  ne  prit  ce  nom  (ju'en  se 
vouant  h  l'état  monastique,  et  (]ue  nous  ne 
connaissons  |)as  sous  un  autre  nom,  vint 
trouver  le  saint,  et  le  pria  de  vouloir  bien  la 
dirigerdans  les  voiesdelaperfectir.n.  Kticnine 
la  reçut  et  la  confia  aux  soins  de  l'abbesse  du 
CMUvent  d'en  bas,  c'est-à-dire  du  couvent  des 
femmes.  Or  l'empereur  Constantin  CofJiocy- 
me,  ayant  entendu  parler  delà  sainteté  d'E- 
tienne du  Monf-Auxence,  entrepiit  de  le  ga- 
gner à  la  secte  des  iconoc  a-tes.  Il  lui  envoya 
Calliste,  prêtre,  qui,  comme  on  peut  lo  voir 
dans  la  vie  du  saint,  échoua  dans  sa  négocia- 
tion. Comme  on  le  f)eul  voir  aussi,  l'empe- 
reur fit  mettre  saiiit  Etienne  en  prison,  où  il 
resta  six  jours  sans  boire  ni  marger.  Après 
cela,  partant  pour  une  guerre  contre  les  Bul- 
gares, il  le  fit  reconduire  dans  sa  cellule  ;  mais 
Calliste,  dont  l'amour-pro.iro  avait  été  cruel- 
lement blessé,  gag-ia  m  moine  de  Saint- 
Auxence,  nommé  Sergius,  ei,à  prix  d'argent, 
le  fit  consentir  à  calomnier  son  abbé.  Ce 
moine  prévaricateur,  do  concert  avec  Auli- 
calame,  receveur  de  l'impôt  du  goife  de  Ni- 
comédie, rédigea  pour  l'empereur  un  libelle 
dans  lequel  il  accusciil  le  saint  de  ditiérenis 
crimes.  Parmi  ceux  qu'il  lui  reprochait  était 
celui  d'avoir  séduit  une  femme  noble  qui 
n'était  autre  que  la  s  inie  de  qui  nous  écri- 
vons la  vie.  Cet  imposieur  prétendait  que, 
toutes  les  nuits,  elle  moulait  dans  la  cellule  du 
saint  abbé  pour  s'y  livrer  avec  lui  à  un  com- 
merce adultère.  On  remit  ce  lib.  Ile  à  l'em- 
pereur, qui  pour  lors  se  trouvait  en  Scythie. 
11  témoigna  une  giande  colère,  et  envoya 
l'ordre  à  Antès,  son  lieutenant  à  Constanti- 
nople,  de  se  rendre  au  Mont-Auxence,  chez 
d.s  ièmmes  qui,  disait-il,  sous  l'apparence 
d'une  vie  sainte  et  pieuse,  cachaient  dinfi- 
mes  impudicités,  de  se  saisir  de  celle  qui  se 
nommait  Anne,  et  de  la  lui  amener  à  son 
camp.  Lorsque  l'abbesse  fut  instruite  du  but 
de  l'envoyé  de  l'empereur,  elle  fit  venir  Anne 
devant  elle  a\ec  une  religieuse  nommée 
Théopham».  «  Allez,  dit-elle,  mes  filles,  allez 
vers  l'empereur;  dites  la  vérité  sans  faiblesse, 
etquoD.eu  vous  accompagne  et  vous  garde.  » 
Elles  partirent,  et,  dès  qu'elles  furent  arrivées 
au  camp,  l'empereur  prit  à  part  saime  Anne  : 
«Je  connais  la  faiblesse  des  femmes,  lui  dit-il, 
et  ne  serai  pas  surpris  de  vos  aveux.  Faites- 
les  entièrement  :  dite-^-moi  comment  il  se  fait 
que  cet  abominable  ait  pu  vous  séduire.  Ré- 
vélez-moi quels  sont  les  moyens  employés 
par  lui.  —  Je  n'ai  trouvé  en  lui  qu'un  saint 
homme,  répondit  Anne,  un  sage  directeur, 
apte  à  donner  d'excellents  conseils  ;  je  n'ai 
qu'à  me  louer  de  sa  direction.  »  Constan- 
tin n'en  put  rien  tirer  autre  chose.  Alors  il  la 
menaça  de  la  faire  rigoureusement  punir,  et 
même  de  la  faire  mettre  à  mort  ;  mais  elle 
ne  voulut  jamais  se  souiller  par  le  mensonge. 
Alors  l'empereur  la  fit  d'abord  battre  cruel- 
lement, et  ensuite  mettre  en  prison,  où  elle 
demeura  jusqu'à  ce  qu'il  revînt  de  son  expé' 


20o                              ANS  ANT                              204 

ditioQ  à  Constantinople,  Pour  Tliéophano,  il  ANTÈRE  (saint),  p.ipo,  succéda  au  pape 
la  renvoya  à  son  couvent.  Aussitôt  qu'il  fut  saint  Pontien,  martyr,  en  rannéo  235,  pre- 
de  retour  ;iConstantinO|)le,  il  til  mettre  Anne  mière  de;  Maximin.  Il  ne  tint  le  siège  do 
dans  la  prison  des  bains  du  |)alais,  et  i'inter-  liomu  (pi'un  mois  el  dix  jours,  étant  mort  le 
rogea  de  nouveau.  11  la  trouva  toujours  iiié-  3  janvier  d(;  Tan  23G.  Il  élait  (iiec  de  nais- 
branlable,  toujours  dans  les  mêmes  dispo-  sance,  et  (ils  d'un  nommé  Kdumh.'.  Le  peu 
sitions.  Alors  il  envoya  vers  elle  un  lionnuc,  de  temps  que  dura  son  ponlilieal,  sa  mort 
({ui  lui  était  dévoué,  et  qui  lui  dit:  «  Pour-  arrivée  ilurant  la  persécution  de  Maximin, 
i[uoi  persistez-vous  à  nier  les  faits  (]ui  sont  donnent  lieu  de  croire  rpie  le  martyre  a 
j)rouvés  parleléuloiAnage  de  votre  esclave?  »  couronné  sa  vie.  "^epinidant  ce  n'est  (pi'nnp 
i^On  avait  en  ell'el  gagné  à  prix  d'or  un  des  opinion  douleus.).  Un  ancien  l^oiilitieal,  cpii 
esclaves  de  la  sainte.)  Klle  refusa  énergique-  nouune  sa  vii;  on  sonnn(.'il,  ne.  contredit 
mentde  mentir.  Alorson  intioduisit  l'esclave  point  celte  opinion,  cai'cetle  expression  du 
qui  lui  aftirmo  avec  serment  qu'il  avait  dit  la  Pontilical  pointait  s'appliipn'i-  à  sa  mort  ar- 
vérité,  et  qai  lui  craclia  au  visage.  Ensuite,  rivée,  par  exemple,  en  (irison,  comme  celle 
huit  hommes  vigoureux  la  saisirent,  et  lui  de  tant  d'autri.'s;  ce  qui  rio  (limitnu'rait  en 
tenant  les  bras  forteuient  écartés  en  forme  rien  la  gloire  de  son  martyre.  1/K-lise  cè- 
de croix;,  la  présentèrent  toute  nue  aux  bour-  lébre  la  fèliî  de  saint  Anière  le  3  janvier.  Il 
reaux  chargés  de  son  supplice.  Ils  étaient  fut  enterré  dans  le  cimetière  de  (lallisli'. 
deux,  qui  avec  des  nerfs  de  bœuf  la  déchi-  AN  THÉS  (saint),  marivr,  fut  décai'ilé  à 
rèrcnt  cruellement,  l'un  la  frappant  au  dos,  Salern(>,  sous  l'emijereur  Diodélien  et  le 
l'autre  sur  le  ventre.  On  la  laissa  pour  morte,  proconsul  Li'oru-e,  avi-c  les  saints  (laiiis  et 
Cependant  elle  revint  à  elle,  et  l'empereur  la  Fortunat.  I/Eglise  honon'  la  mémoire  di-  ces 
liljerer  dans  un  des  couvents  de  femmes  de  glorieux  mariyrs  le,  28  aoùi. 
Constantinople.  Janu\is[)luson n'entendit  par-  AN'I'HIK  (sainte),  mère  de  saint  El-Hitlièrc, 
1er  d'elle.  Le  nom  de  cette  glorieuse  mariyre  fut  martMi.si'e  avec  lui  à  Kome,  sous  l'cin- 
delafoinese  tiouvfc  pas  insci'it  au  Marlyro-  [)ire  d'Adrien.  Nous  n'av(ms,  diniï>  tous  les 
loge,  et  c'est  à  tort.  Les  combats  ((u'elle  eut  à  Actes  (pii  parlent  il'clle,  rien  (pu  soit  siifli- 
soutenir,  les  souDrances  qu'elle  endura,  l'ont  samnicnl  aullientique.  L'Eglise  célebie  sa 
rendue  digne  de  tigurer  à  cùté  de  ceux  que  léle  le  18  avril. 

l'Eglise  vénère  comme  martyrs,  ou  tout  au  ANTULME  (saint),  prêtre  et  niartvr,  était 

moins  comme  confesseurs. (  Ko//.  icO-xocLASTiis  détenu  dans  les  prisons  d'Asie,  par  (udre  de 

et  EriENNE  DU  MoNT-AuxiiNCE.)  PiuiiMi,  procuiisul  «l'Asie,  avet;  les  sauils  Si- 

ANSAN  (saint)  reçut  la  couronne  du  glo-  sinie,  .\iaxime,  laisse,  Fabn-M,  Oiodélien  et 

rieux  martyre  à  Home,   avec  sainte  Maxime.  Florent.    Lucine,    lemme  t\v.   Pinn-n,    le  lit 

Ils  confessèrent  .Té>us-Clirist  durant  le  règne  sortii-  avec  saint  Sisinne  pour  Veinr  auprès 

de  l'empereur  Dio -lélien,  et  rendirent  l'es-  de  son  mari,  alleint  d'une  maladie  de  la- 

prit  sous  les  coups  de  bâton  dont  les  b(mr-  (pielle  les  iiK'dêcins  déscspiMaienl.   Il  guéiit 

reaux  les  accablaient,  ils  sont  honorés  dans  juiiai;uleuse'menl  Pinien,  (|ui,  touché  du  la 

l'Eglise  le  2  septembri!.  grâce  de   Dieu,  se  convertit  t-t  fut  baptisé 

ÀNSAN  (saint),  martyr,  ayant  confessé  Je-  b cnlùl  aprè>  avec  sa  femme   et  ses  amis. 

gus-(^lirist  sous   l'empereur  Dio.:lélien,    fut  Ouand   Piiiien  revint  d'Asie,  il  amena  avec 

emprisonné  à  Rome,  de  là  conduit  à  Sienne,  lui  saint   Anihime  étions  ses  compagnons; 

en  Coscane,  où,  ayant  eu  la  tète  tranchée,  il  mais  biisnlùt    leur    séjoui*  dans  sa  maison 

acheva  de  fournir  sa  glorieuse  caiiière.  On  ayant  éveillé  les  soufiçons,  il    tes  ht  |/ariir 

igiore  l'année  de  son  martyre.  L'Eglise  ho-  pour  ses  terres.  Ils  y  vécurent  on  |)aix  assez 

nore  sa  mémoire  le  1"  dé;emi)re.  longtemps.   Veis  l'an  290,  un  |Mèueduiio 

ANSEViN  (saint),  confesseur,  était  évoque  idole  iKjmmée  Sihona.s,   avant  été  possédé 

h  Tamérino.  11  endura  de  grands  tourments  du  démon   dans   un   sacrilice,  devint  si  lii- 

Four  la  défense  de  la  religion,  et  mérita  que  rieux,  tpi'il  tuait  loiiles  les  personnes  ([u'il 
Eglise  le  mît  au  nombre  de  s>'S  saints.  On  rencontrait.  Anihime  l'ayanl  appris,  le  guéiil, 
ignore  à  quelle  é[)oque  il  confessa  sa  foi.  et  trois  jours  après  le  conveilil  avec  sa 
L'Eglise  l'honore  le  13  mars.  femme  et  ses  (nilanls.  Reancoup  d*aulit\s 
ANSUÈRE  (saint), et  plusieurs  moines,  pré-  imilèrent  le  prêtre  de  l'idole,  et  atialiirent  ce 
très  et  vierges  martyrs,  fureiit  massacrés,  j)rélendu  dimi,  ainsi  (pie  le  bois  au  milieu 
vers  le  milieu  du  xi' sièfde,  parles  peu-  duipiel  on  1  honorait.  Mais  ceux  (pn  rcsièreiil 
plades  encore  barbares  des  SKiviïs  et  di's  V'an-  iiilideles  ac(  usèrent  Anihime  (K-vanl  Pris- 
dales  qui  [lortaienl  une  liaitie  implacable  au  (pie,  consulaire.  Celui-ci  l'axaiU  fait  |>ien- 
christianisme.  Saint  Ansuère  fut  lapidé  av(!c  (ire,  et  ne  pouvant  le  coiilraindr(!  «i  sacri- 
irente  moines  qu'il  gouver  liait.  11  di  manda  lii'r,  le  lit  ji-ter  tians  le  'libre  avec  une  pimre 
aux  bourreaux  d'(Hre  m.ntyinsé  le  dciniei';  ;m  cou.  Avant  de  le  jeter  dans  l'eau,  les 
il  voulait  ainsi  olfrir  h  Dieu,  en  montant  au  jtaiens  lui  brisèinnil  tous  les  nunubres.  Les 
ciel,  une  double  couronne:  celle  qu'il  ac-  Actes  de  saint  Anihime  portent  (pi'il  l'ut  re- 
quérait en  soull'ranl  p(MSonnellein(M»t,  et  en-  liié  vivant  par  un  ange  (pii  le  déposa  dans 
suite,  celle  d(;s  doiibniis  (pi'il  (induiail  dans  son  oratoire.  Le  bnubmiain,  les  pannis  so 
3'i  charité,  en  vrjya  il  soulfrir,  avant  lui,  tous  moipiaient  des  chréliinis  ipii,  comme  h  I'op- 
«es  saints  comj).igno  is.  S.i  demande  fut  exau-  dinaire,  venaicMit  voir  le  saint;  mais  ils 
Cce.  L'Eglise  fait  colJectiv>nnenl  leur  glo-  furent  exlr('minnent  surpris  d'apprendre 
rieuse  riiémoii'e  le  15  juillet.  d'eux  (^u'il  était  bien,  en  ell'et,dans  sonoi'tt 


20S 


ANf 


ÀNT 


<HHj 


icire.  Ils  le  dô'ionc(''renl  do  nouveau  h  Piis- 
qut',  ([ui,  (xvuJanl  tioi-i  join-s,  essaya  Je  l'a- 
ballic  pur  la  lueiiaeo  des  supplices  et  par 
Jes  ii,.îueurs  de  la  prison,  el  c|ui  enliu  le  Ut 
d(^ea|)ilei'.  L'Kglise  lioîioio  saint  Anlliinie  le 
11  mai.  (Voif.  LtciNE.) 

ANTHIMK  (saint),  Trère  des  saints  Cosino 
et  Daiu  en,  l'ut  martyrisé  avec  eux,  en  303, 
sous  l'empire  de  Dioclélien.  Sa  IcHe  arrive 
avec  la  leur,  le  27  septembre.    Voy.  Cosmi:. 

ANTUl SiE  (sai;it),  martyr,  évoque  de  Ni- 
comédie,  versa  son  sang  pour  la  loi  sous  le 
règne  et  durant  la  |)ersiHulion  de  Dioclétien. 
On  ignore  l'année  précise  de  sa  mort.  Divers 
auteurs,  notammcit  Alban  l^utler,  ont  lait 
sa  vie  avec  ce  qu'ils  ont  trouvé  dans  Eusèbe 
el  dans  Lactance.  Celte  vie  est  plutôt  l'his- 
toire de  la  persécution  que  celle  du  saint. 
Tout  ce  qu'on  peut  dire  de  lui  se  trouve  ré- 
sumé dans  ces  lignes  du  Martyrologe  romain, 
que  nous  tjanscrivons.  «  A  Nicomédie  (le 
27"=  jour  d'avril),  la  fête  de  saint  Anthime, 
évoque  et  martyr,  qui,  durant  la  persécu- 
tion de  Dioclétien,  eut  la  tête  tranchée,  [)Our 
la  défense  du  nom  de  Jésus-Christ.  Presque 
tout  son  troupeau  le  suivit,  et  la  plupart  do 
ses  diocésains  souHVii-ent  la  mort  avec  lui  : 
les  uns  furent  décapités,  les  autres  brûlés; 
le  juge  en  mit  plusieurs  dans  des  bai-ques 
et  les  lit  noyer  dans  la  mer.  » 

ANTilOLElN  (saint)  fut  martyrisé  à  Cler- 
mont,  en  Auvergne.  On  ignore  h  quelle  épo- 
que et  dans  quelles  circonstances.  L'Eglise 
honore  sa  mémoire  le  6  février. 

ANTHUSE  (sainte)  reçut  la  couronne  du 
martyre  à  Tarse,  sous  l'empereur  Valérien, 
avec  deux  de  ses  esclaves  dont  on  ignore  les 
noms,  et  lévéque  saint  Athanase,  qui  l'avait 
baptisée.  L'Eglise  honore  leur  sainte  mé- 
moire le  22  août. 

ANTHUSE  (sainte),  martyre,  était  vierge 
et  vivait  du  temps  de  Constantin  Copronyme. 
Après  avoir  été  cruellement  fouettée  et  ban- 
nie pour  le  culte  des  saintes  images,  elle 
mourut  en  paix.  On  ignore  l'année  où  elle 
confessa  sa  foi.  L'Eglise  honore  cette  vierge 
le  27  juUlet. 

ANl'lDE  (saint),  martyr,  était  évêque"tie 
Besançon,  il  y  fui  massacré  par  les  V  aU'iales, 
pour  la  foi  de  Jésus-Christ.  On  ignore  en 
quelle  an  lée  son  ma;  tyre  eut  heu.  L'Eglise 
honore  sa  mémoire  le  23  juin. 

ANTiCONE  (.>aint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi,  à  Rome,  avec  les  saints  Abonde, 
Antigone  et  Fortunat.  L'Eglise  honore  la 
mémoire  de  ces  quatre  illustres  martyrs  le 
27  fé/rier. 

ANTINOÉ,  primitivement  Besa,  aujour- 
d'hui En>ène,  est  située  dans  l'Egypte.  Cette 
ville  est  célèbre  par  le  martyre  qu'y  soutl'i  it 
sainte  Iraire,  et  un  grand  nombre  de  prê- 
tres, de  diacres  et  de  vierges,  dont  le  nom- 
bre et  les  no. us  sont  com  détement  ignorés. 

ANTIOCHE,  Antiochia,  Antakieh  des 
TuriS,  vUle  dei'.incienne  Syrie  (Turquie  d'A- 
sie). Saint  Ignace  en  était  évêque  en  l'an  107, 
quand  l'rajan  y  vint  et  y  persécuta  violem- 
ment les  chrétiens.  Ignace  fut  amené  devant 
lui,  et  ayant  répondu  à  cet  empereur  avec 


l'énergie  qui  convenait  à  nn  chrétien  ,  à  un 
évé  |Ue,  à  lui  disciple  des  apùti-es,  il  fut  con- 
damné à  être  conduii  à  Home  jiour  y  périr 
dans  les  spectacles  (}ue  U's  empereurs  don- 
naient au  peu  le  dans  les  am|)liilliéàlres.  En 
237,  celte  ville  eut  l'honneur  d'avoir  pour 
évècpie  sa'nt  Babylas,  qui  fut  vraiment  digne 
d'illustrer  ini  siégeoù  avaientdéj.^  brillé  de  si 
grands  saints.  Ce  fut  dans  cette  ville,  au  raj)- 
}iort  de  saint  Jean  Chrysostome,  qu  il  donna 
ce  spectacle  étonnant  au  milieu  du  monde 
païen,  d'un  évèque  défendant  l'entrée  de  son 
église  à  un  empereur  romain  {h  l'empereur 
Philippe),  le  forçant  de  confesser  publique- 
ment ses  fautes  ,  et  de  prendre  rang  dans 
l'église  parmi  les  pénitents.  Sous  Dèce ,  ce 
saint  évèque  eut  la  gloire  de  donner  sa  vie 
pour  Jésus  -  Christ.  Il  monrut  en  prison, 
comme  saint  Alexandre  de  Jérusah-m.  li  de- 
ra/uida  à  ôirc  enterré  <ivec  ses  chaînes.  L'his- 
toire des  ditl'érentes  translations  de  ses  reli- 
ques est  rapportée  à  son  titre.  Sous  l'empire 
de  Valérien  ,  la  ville  d'Anlioche  vit  le  glo- 
rieux martyre  de  Nicéphore  ,  laïque  ,  et  la 
chute  terrible  de  Saprice  ,  prêtre  de  son 
Eglise.  Cette  histoire ,  Tune  des  plus  belles 
pages  de  la  morale  h:storiqu  >,  est  ra[)i)Ortée 
en  entier  à  liOt.  e  article  Nicéphohe.  (  Voy. 
aussi  l'article  Saprice.) 

En  1208,  Antioche  eut  le  malheur  de  tom- 
ber sous  la  tyrannie  de  Bibais,  sultan  d'E- 
gypte. Cetie  Ville  avait  alors  deux  couvents 
de  femmes,  l'un  de  Dominicaines,  l'autre  de 
Franciscames.  Quand  le  patriaiche  sut  que 
les  musulmans  approchaient,  il  réisnit  toutes 
ces  tilles  du  Seigneur  dans  le  couvenr  des 
Dominicaines,  el  là  il  les  prêcha  avec  force  , 
les  invitant  à  souifrir  la  more  plutôt  qu'à 
consentir  aux  outrages  dont  les  vainqueurs 
ne  manqueraient  i)as  de  vouloir  les  rendre 
victimes.  Ces  saintes  femmes,  qui  savaient 
bien  que  la  meilleure  volonté  ne  saurait  pas 
les  soustraire  aux  exigences  des  musul- 
mans ,  se  déligurèrent  toutes  en  se  coupant 
mutuellement  le  nez.  Ce  moyen  de  sauve- 
garder leur  pudeur,  de  la  mettre  à  l'abri  des 
insultes  ,  fut-il  une  inspiration  du  Saint-Es- 
prit? Il  faut  l'admettre  [lour  le  trouver  excu- 
sable. Avec  une  foi  vive  et  une  grande  con- 
fiance en  Dieu ,  ehes  auraient  pu  ne  pas  se 
dédgurer,  en  se  souvenant  comment  Dieu  , 
dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise  mili- 
tante, savait  protéger  les  saintes  que  la  bru- 
talité des  juges  pré.eniait  livrer  à  la  bruta- 
lité des  débauchés.  Les  musulmans  les  voyant 
en  cet  état  les  égorgèrent  toutes.  Le  pa- 
triarche fut  égorgé  avec  quatre  frères  prê- 
cheurs au  pi  d  du  grand  autel  de  son  église, 
où,  prosterné,  il  priait  Dieu  pour  son  [leuple. 
Tous  les  Franciscains  que  les  vainqueurs 
trouvèrent  dans  la  ville  et  dans  les  couvents 
voisins,  furent  emmenés -captifs.  Cette  an- 
née vit  le  martyre  de  plus  de  cent  Domini- 
cains, de  la  province  de  Terre-Sainte,  que  le 
barbare  suiian  fit  mourir  et  envoyer  rejoin- 
dre au  ciel  leurs  gloiieux  compagnons  d'An- 
lioche. (Fontana,  Monumenla  Dominicana.) 

ANTIOCHE  ,  ville  ruinée  de  la  Turquie 
d'Asie  (ancienne  Cilicie),  anciennement  An- 


207 


A  NT 


ANT 


20S 


tiochia  ad  Cragnm  ,  eut  pour  évoque  saint 
Acacr,  qui,  sou>  L'  vhx^-yQ.  de  l'omporeur  Dèce 
et  sous  le  consulaire  Marcien  ,  confessa  glo- 
rieu'^euie'it  la  foi  do  Ji'su^-Christ. 

ANT;0'^HE  DE  PISID'E,  Antiochia  ad  Pi- 
sidiain,  ville  qu'oi  nommait  aussi  Cœsarœa  , 
dépendait ,  sous  Probus  ,  du  gouverueuient 
de  Plirygie.  Elle  était  gouvernée  par  le  vi- 
caire du  gouverneur  m-mmé  Ailicus  Helio- 
dorus.  Saint  Tropliime  et  saint  Sab:icco  ayant 
été  arrêtés  lui  furent  amenés.  Il  les  lit  met- 
tre à  la  question.  Saint  Trophime  l'ayant 
supportée,  il  l'envoya  à  Dionisius  Perennius, 
gouverneur  de  Phr. gie.  Saint  Sabbace,  plus 
faible,  mourut  h  An;ioc!ie  au  milieu  des  tour- 
ments. Ces  faits  se  passèrent  sous  l'empire 
de  Probus. Cette  ville  fui  plus  tard  témoin  du 
marty,e  de  saint  Marc,  berger.  On  en  ignore 
l'épo  jue  certaine.  Cet  homme,  dans  ses  ibiic- 
tions  si  calmes  et  si  tranq.iilles ,  s'était  fait 
une  hab  tude  de  la  contem.ilalion  et  de  l'as- 
cétisme. Sa  piélé  était  si  éminente  qu'il  avait 
le  don  des  miracles.  Témoins  de  ceux  qu'il 
opérait,  un  grand  nombre  de  soldats  jl'liis- 
toire  dit  trente  ,  se  convertirent ,  et  s'étant 
hautement  déclarés  chrétiens,  furent  marty- 
risés en  diiférents  lieux.  11  eut  aussi  pour 
compagnons  de  son  martyre  ses  trois  frères, 
Alphe,  Alexandre  et  Zozime,  plus  les  saints 
Nicon.  Néon  et  Héliodoi  e. 

ANTIOCHUS  était  piésident  à  Marciano- 
p.e-en  Thrace  ,  sous  le  règne  de  l'empereur 
Antonin.  il  (it  -oullVir  le  ujârtyre  à  une  saime 
femuje  nommée  Mélitine. 

ANTIO  nus,  juge  qii  lit  mourir  à  Caraé- 
rino,  sous  l'empire  de  Dèce,  d'abord  le  saint 
martyr  Venant  ou  Venance  et  ses  co.npa- 
gnous,  et  un  [leu  plus  tard,  toujours  so  s  le 
mùme  prince  ,  saint  Anastase  et  ses  compa- 
gnons. 

ANTIOCîRjS  (saint) ,  martyr,  était  tribun 
à  Cé.-arée  de  Piiilipne.ll  y  sontfrit  le  mariyre 
avec  un  autre  tribun  appelé  Ni  ostratc  et 
queljues-uns  de  ses  soKlals  djnt  les  noms 
ne  sont  point  ma.quésdans  le  .aityrologe 
romain.  L'Eg  ise  célèl)re  la  mémoire  de  ces 
courageux  martyrs  lu  21   m;w. 

ANTiOCHL'S,  général  en  Orient  sous  l'em- 
pire de  Dioclélien  ,  en  l'an  207,  lit  mourir 
saint  Euly;|ue,  (ils  de  Polyeuele.  Il  le  iitcru- 
citier.  Ce"  fut  aussi  lui  qai  lit  mourir  saint 
André,  ti-ibun.  11  le  til  étendre  sur  un  lit  de 
f(.'r  rougi  au  feu.  Ne  voulant  pas  prendre  sur 
lui  la  rcspoiisabililé  d'une  tondamnalion  à 
moil,  il  le  renvoya  <i  (lalere.  Celui-ci,  ciai- 
gnanl  u'.ielqie  sédition  tjans  les  troupes  , 
donna  1  ordre  à  Antioclius  de  le  mettre 
a|)pareMunent  en  li.  erlé  ,  de  faire  ensuite 
tout  .son  possible  pour  le  faire  renoncer  ù  sa 
fui  ,  et  s'il  refusait,  de  le  condamner  en  l'ac- 
cusant d'un  autre  crimts  (pii  |)rjt  servir  de; 
r^rétexte.  Anliochus  exécuta  des  ordres  aussi 
baibares  el  aussi  injusies.  {Voij.  Anduê,  Iri- 
biui.) 

ANTIOQrE  (saint),  premier  mailyr  d(!  Sar- 
daigni'  ,  lut  mis  <i  rrjort  pour  Jésus-Cluisl 
sous  l'emprc!  (l'A  iricn,  dans  l'île  de  Suici  où 
d'abord  il  availéié  exilé.  D('jiu.s,(('tleil<  a  j)iis 
le  nom  du  saint  marlvi'.  Aujoiudluii  encore 


elle  se  nomme  île  Saint-Antioque.  L'Eglise, 
célèbre  la  fête  de  ce  saint  martyr  le  13  dé- 
cembre. 

ANTIPAS  (saint),  martyr,  fut  martyrisé  à 
Pergame  sous  Domitien.  Son  martyre  est  de 
foi,  étant  rapporté  dans  l'Apocalypse  (ch.  ii, 
V.  13).  Ses  Actes  ne  méritent  aucune  autorité. 
L'Eglise  fait  sa  fête  le  11  avril.  On  prétend 
que  l'église  de  Pergame  possède  ses  reli- 
ques. 

ANTIPATER,  était  président  en  Achaie 
sous  le  règiie  d  ?  l'empereur  Dèce.  Il  lit  dé- 
capiter le  prêtre  Miron  dans  la  ville  de  Cy- 
rique. 

ANTIPATRIDE,  petite  ville  située  entre 
Jérusalem  et  Césarée.  Ce  fut  là  que  les  cen- 
turions, à  qui  Claude  Lysias  avait  confié  saint 
Paul  pour  le  conduire  au  gouverneur  Félix, 
le  firent  s'arrêter  la  nuit.  Le  lendemain  il  ga- 
gna Césarée. 

ANTOINE  (saint),  martyr,  fut  jeté  a  a  mer 
pour  la  défense  de  sa  foi,  à  Alexandrie.  Il  eut 
pour  compagnons  de  son  martyre  les  saints 
Bassus  et  Prololique.  Le  Martyrologe  ro- 
main ne  marque  point  à  quelle  époque  eut 
lieu  ce  martyre.  L'Eglise  honore  leur  sainte 
el  glorieuse  mémoire  le  iï  février. 

ANTOINE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
verser  son  sang  pour  la  foi  à  Rome  ,  sous 
le  règne  de  Valérien.  Les  compagnons  de  son 
martyre  sont  saint  Irénée ,  saint  Théodore, 
saint  Satiunin ,  saint  Victor  et  dix-sept  au- 
tres dont  les  noms  sont  inconnus.  On  ne  sait 
[)as  en  quelle  année  eut  lieu  leur  martyre. 
L'Eglise  célèbre  la  mémoire  de  ces  saints 
mariy  s  le  15  décembre. 

ANTOINE  (saint),  martyr,  cueillit  la  palme 
du  mai  tyre  en  Afiique  ,  avec  ses  compagnons 
saints  André,  Jean  et  Pierre.  On  ignore  l'é- 
poque et  les  circonstances  de  leur  martyre. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  23  septembre. 

ANTOINE  (saint),  piètre,  soutfril  pour  la 
foi  sous  le  règne  de  Galère  et  de  Maximin  , 
le  6  janvier  3l3,avec  saint  Julien  l'Hospita- 
lier. Saleté  arrive  le  9  janvier.  (  Voy.  Clias- 
telain,  p.  lO'G.) 

ANTOINE  (sa  nt),  martyr,  versa  son  sang 
po.u-  la  foi  à  Amyre,  sous  Julien  l'AfJOStat, 
avec  les  saints  Mélasippe  et  Carinne.  L'Eglise 
cé.èbre  leur  inémoite  le  7  novembre. 

ANTOINE,  (]ualilié  patrice  et  domestique, 
sous  ConstantinCo;ironyme, fut  un  des  prin- 
cipaux ministres  des  ciuautésdece  prince, 
dans  sa  [)ersé(ut  on  contie  les  catholiques  , 
en  faveur  de  l'hérésie  des  iconoclastes. 

ANTOINE  (saint  ) ,  martyr  Agé  de  quinze 
ans,  était  enfant  de  cliœ.u-  chez  les  Eiancis- 
cains  du  Ja[)on.  Quand  on  vint  les  arrêter 
])ar  oi'dre  de  l'empereur  Taïcosama,  en  l'an- 
né(î  1590,  il  insista  pour  (|u'on  l'emmenAl  avec 
eux,  ce  ipi'on  ne  voul.ul  |)as  faire  à  cause  do 
son  Age.  Il  fut  martyrisé  h  Naiigaza([ui  le 
5  février  de  l'année  suivante.  Sur  la  croix 
où  il  était  élciulu  ,  apiès  t[ue  le  P.  Raptiste 
(Mit  chanté  le  Nunc  <liiiiiltis.  In  petit  Antoine 
chanta  li'.  Laudalc,  puoi,  Doininiiiii  :  mais  le 
bourreau  le  tua  d'un  coup  de  lanci;  avant 
(pi'il  eût  achevé  (Ko//.  Japon).  L'Eglise  fait 
la  fêle  de  ce  sainl  h'  5  février. 


209 

ANTOINE 

saint  Kucloy, 


ANT 


ANT 


ÎIO 


saint  ),  martyr,  vulgairement 
naquit  on  Litiuianio  (i'uii(>  ft- 
inille  IriXs-iïlustre.  Il  <''lail  clininbcllaii  d'Ol- 
gcrd,  grand  duc  de  Litinianic,  et  pC'nî  du 
famf'ux  Jagcllon.  Avant  d\Mre  converti  à  la 
fui  par  UM  |)r(Hrc  nonnné  Ncslorius,  il  ado- 
rail  lo  feu  couune  les  habitants  du  pays. 
Avant  refusé  de  manger  des  viandes  défen- 
dues, un  jour  déjeune,  il  fut  mis  en  prison 
el  bie-itot  cxéoulé.  Il  fut  ex  unité  le  l'i-juin, 
Jean  son  frère,  le  2'i-  avril,  cl  saint  Kuslaclie, 
son  troisième  coiupagion  (  vulgairement  a])- 
P'ié  Nizilon),  le  fut  le  13  décembre,  ('.es 
trois  saints  moururent  à  Wilna,  vers  l'an 
i:iV2.  Ou  les  pendit  à  m  grand  ehône  cpii 
servait  de  potence  pour  les  malfaiteurs  ;  mais 
après  leur  martyre  on  n'y  [)endit  plus  per- 
sonne. Les  chrétiens  achetèrent  du  prince 
l'arbre  et  le  terrain,  et  ils  y  b,\tirent  ensuite 
une  ('glisc.  Leurs  coi'ps  sont  encore  dans  l'é- 
glise delà  Trinité,  qui  est  desservie  par  des 
moines  de  Saint-Jîasde.  On  fait  leur  féto  à 
Wilna  le  IV  avril,  et  ils  sont  reg  u-dés  comme 
les  |irincipaux  [tatrons  de  cette  ville. 

AN  TOINE  (  le  bienheureux  Fuançgis  ), 
prêtre  de  la  compagnie  de  Jésus,  fut  associé 
au  martyre  du  B,  Aquaviva,  recteur  du  col- 
lège que  les  Jésuites  avaient  dans  l'ilo  de 
Salcelte,  avec  les  BB.  AlfonsePacheco,  P  erre 
Berna,  prêtres,  et  le  frère  eoadjuteur  François  . 
Aragua.  (Tanner,  SocietasJesu  usquead  san- 
ijuinis  et  vitœ  profusionem  mllitans,  p.  2V7. 
Le  P.  d'Outreman,  Recueil  des  hommes  illus- 
tres de  In  compagnie  de  Jésus,  p  457.  Du  Jir- 
ric,  Histoire  des  choses  plus  mémorables,  etc. 
t.  1,  p.  352.) 

ANTOINE  (saint),  franciscain,  mourut 
pour  la  foi  chrétienne  à  Salmastre  en  Perse, 
sous  le  règne  d'un  prince  monghol,  qui  per- 
sécutaif  vivement  les  chrétiens  et  su.'lout  les 
ujinistres  de  Jésus-Christ.  Sa  mort  arriva  en 
i287.  Dans  le  même  pays,  le  frère  Alobran- 
dindc  Florence,  les  frères  Conrad  et  Voisel, 
de  l'ordre  des  Frères  Mineurs,  furent  aussi 
ra:irtyrisés  pour  la  foi.  Les  mahométans  les 
lièrent  à  des  poteaux,  et  leur  dépouillèrent 
le  crâne.  Comme  ils  continuaient,  malgré  ce 
supplice, à  chanter  à  pleine  voix  le  .Sa/fe, /îe- 
gina,  les  bourreaux  les  noyèrent.  [Voy.  Wad- 
ding,  an.  1284,  n"  H.  ) 

ANTOINE  DE  MILAN  (  le  bienheureux  ), 
avec  ses  deux  compagnons  François  Pitriolo 
et  Monaldo  d'Ancône,  fut  martyrisé  pour  la 
foi  chrétienne,  en  l'an  de  Jésus-Christ  1288. 
Ces  sainis  missionnaires  choisissaient  de 
préférence  le  vendredi,  jour  consacré  à  Dieu, 
chez  les  musulmans,  pour  leur  annoncer  l'E- 
vangile. Us  se  livraient  à  la  prédication, 
même  en  présence  du  cadi  d'Erzingan.  Cet 
ofïlcier,  voyant  que  le  peuple  était  ébranlé  par 
les  discours  des  s.ùnts  pi-édicateurs,  crut  ne 
pouvoir  mieux  faire  que  de  les  mettre  en 
présence  d'un  des  prinoi-paux  docteurs  de  la 
toi  pour  qu'ils  fussent  vaincus  publiquement 
dans  la  discussion  ;  mais  son  espoir  fut  sin- 
gulièrement trompé.  Ce  fut  au  contraire  je 
docteur  mahométan  qui  fut  vaincu  par  les 
disciples  de  Jésus-Christ.  Les  musulmans  en 
éprouvèrent  une  grande  fureur.  Néanmoins 


le  cadi  laissa  les  saints  prédicateurs  se  reti- 
rer ;  mais  le  conseil  des  principaux  d'entre 
les  nnisnlmans  s'éiant  assemblé,  il  y  fut  dé- 
cidé (ju'on  contraindrait  les  prédicateurs 
chrétiens  <\  désavouer  [)nbli(iuemenl  leur 
doctrine.  Us  furent  doiu  tous  les  trois  pris 
et  conduits  devant  le  conseil.  Au  lieu  d'y  dé- 
savou 'r  Jésus-Christ,  ils  exaltèrent  son  di- 
vin nom  et  montrèrent  que  Mahomet  n'était 
(pi'uii  imposteur:  il  y  avait  un  aveugle  dans 
l'assembléfi.  Le  cadi  dit  aux  saints  confes- 
seurs :  «  Vous  aflirmez  que  la  foi  que  vous 
prêchez  a  été  prouvée  par  des  miracles;  eh 
bien  !  ordonn"z  ([ue  cet  aveugle  voie  :  s'il  re- 
couvre la  lumière,  nous  croirons  à  vos  en- 
seignements. »  — «  Dieu  a  la  toute-puissance, 
dirent  les  confesseurs  ,  s'il  lui  plaît  que  ce 
niirac'e  s'accomplisse,  il  s'accomplira  !  »  Ils 
firent  le  signe  de  la  croix  sur  les  yeux  de  l'a- 
veugle ;  il  en  sortit  du  sang  et  de  l'eau  et  il? 
s'ouvrirent  .^  la  lumière.  Ce  miracle  ne  réus- 
sit pas  à  vaincre  l'aveuglpment  des  mahomé- 
tans. On  lit  sortir  l'aveugle  guéri,  et  les  Fran- 
ciscains furent  unanimement  condamnés  à 
mort.  Ces  trois  religieux  marchèrent  gaie- 
ment au  supplice,  se  félicitant  mutuellement 
de  voir  la  réalisation  de  ce  qu'ils  avaient 
tant  désiré.  Arrivés  au  lieu  de  l'exécution, 
ils  levèrent  les  yeux  au  ciel,  étendirent  les 
bras  en  croix,  quand  ils  virent  les  mahomé- 
tans armés  d'épées  se  ruer  sur  eux.  Un  ma- 
hométan, pris  de  pitié  pour  les  saints  mar- 
tyrs, ayant  ailressé  quelques  mots  de  repro- 
che aux  bourreaux,  fut  immédiatement  mis 
à  mort  [)ar  ses  coreligionnaires.  Effrayés  de 
la  rage  des  mahométans,  les  chrétiens  de  la 
ville  s'étaient  enfuis  d.ins  la  campagne.  Ce 
fut  un  vendredi  h  midi  que  les  trois  Francis- 
cains moururent.  On  coupa  leurs  corps  en 
quatre  et  on  attacha  les  morceaux  aux  por- 
tes de  la  ville.  Des  gardes  furent  placés  au- 
près pour  empêcher  les  chrétiens  de  les  en- 
lever. Un  prêtre  arménien,  qui  avait  donné 
ostensiblement  son  approbation  aux  Francis- 
cains dans  la  discussion  qu'ils  avaient  sou- 
tenue, fut  saisi  par  les  mahométans.  On  lui 
attacha  au  cou  la  tête  d'un  d.'S  martyrs  avec 
une  de  ces  cordes  qui  servent  de  ceinture 
aux  frères  M.neurs,  et  on  le  fjromena  en  le 
fustigeant  par  toute  la  ville.  Dès  qu'il  eut  re- 
couvré sa  liberté,  il  en  profita  pour  recueillir 
religieusement  les  restes  des  saints  martyrs. 
(  Voy.  les  Chroniques  des  Frères  Mineurs^ 
t.  II,  p.  U6  ) 

ANTOINE  DE  NAYROT  (saini),  était  fort 
jeune,  lorsqu'il  se  consacra  à  Dieu  dans  l'or- 
dre de  Saint-Dominique,  et  dans  le  couvent 
de  Saint-Marc,  que  dirigea  saint  Antonin, 
futur  archevêque  de  Florence.  Saint  Antoine 
étant  parti  pour  Naples  d'après  les  ordres  ae 
ses  supérieurs,  fit  pris  en  mer  par  les  cor- 
saires de  Tunis.  Ces  barbares  lui  firent  en- 
durer de  si  cruels  tourments  qu'il  renia  son 
Dieu,  et  resta  dans  cettedéplorable  apostasie 
environ  quatre  mois.  La  grâce  l'ayant  toU' 
ché,  il  confessa  publiquement  sa  foi,  en  pré- 
sence du  dey  qui  tenta  d'abord  de  le  rega- 
gner par  des  promesses  et  des  caresses.  On  le 
mit  en  prison  ensuite,  mais  inutilement.  A- 


m 


ANT 


ANT 


m 


près  cinq  jours  de  captivité,  il  fut  condamné 
a  ôtre  lapidé,  le  10  avril  UGO.  Les  niahoiué- 
lans  tentèrent  de  brûler  son  corts,  mais  ils 
n'y  purent  i>arvcnir  ;  ils  le  vendirent  à  dos 
marchands  (génois  qui  remarquèi'entla  bonne 
odeur  qu'il  ex'ialait.  Le  pape  Clément  Xlll 
approuva,  le  22  février  1707,  le  culte-  public 
qu'on  commençait  à  rendre  à  notre  saint,  à 
cause  de  plusieurs  ^r<kes  obteiues  de  Dieu 
parso')  cri'dit.  L'Eglise  vénère  sa  mémoire  le 
20  avril 

ANTOINE  -DE  SAXE  (  le  bienheureux  ), 
francisjain,  souffrit  le  mu'tyre  dans  la  capi- 
tale des  Bulgares  aiec  quatre  autres  bien- 
heureux de  son  ordre,  nommés  Grégoire  de 
ïrau,  en  Dalmatie,  Nicolas  de  Hongrie,  Tho- 
mas de  roligno,  et  Ladislas  de  Hoigrie. 
Bussaralh,  prince  schismatique,  qui  régnait 
au  delà  du  Danube,  surprit  la  ville  oij  étiient 
nos  saints,  aidé  par  les  schismatiques  qui 
riiabilaient.L'u'i  de  ces  martyrs  futmassacré 
dans  le  premier  tumulte,  et  le^  quatre  autres 
furent  décapités  sur  le  bord  du  tluuve.  le  12 
février  131)9.  L'endroit  du  i  ivage  où  gisaient 
les  corps  des  martyrs  fut  illuminé  d  une 
clarté  splendide  ;  on  y  entendit  une  musique 
qui  semblait  j)rovenir  des  chœurs  cèle -tes. 
Quand  on  raconta  ces  prodiges  à  Bussarath, 
il  se  rendit  immédiatement  sur  les  lieux; 
mais,  quoi  qu'il  put  faire,  son  cheval,  n'obéis- 
sant ni  aux  coups  ni  h  Tépcron,  roiusa  d'ap- 
procher des  corps  des  -ainls.  Alors,  descen- 
dant de  cheval,  il  voulut  s'en  approcher  ; 
mais  une  terrible  apparition  lui  en  défendit 
le  chemin.  11  fut  obligé  de  se  retirer  l'épou- 
vante dans  le  cœur;  les  moines  du  rite  grec, 
qui  craignaient  qu'on  rendît  les  honneurs 
accoutumés  [)armi  les  catholiques  aux  reli- 
ques des  saints,  amenèrent  des  chiens  pour 
les  dévorer.  Quand  ces  animaux  voulureiit 
accomplir  cette  horrible  curée,  la  main  de  ce- 
lui qui  commande  à  toutes  choses  ici-bas, 
les  frappant  d'une  façon  invisible  jour  les 
spectateurs,  les  força  de  fuir  en  jeîant  des 
cris  épouvantables.  L'un  deux,  ayanlm  rdu 
un  de  ces  corps  sacrés,  parut  immédiate- 
ment la  gueule  en  feu  aux  yeux  des  specta- 
teurs épouvantés.  Gefut  alors  que  Dieu,  met- 
tant le  comble  à  ces  prodiges,  fit  sortir  le 
fleuve  de  son  lit  ;  ses  vagues  vinrent  soule- 
ver sur  la  rive  ces  corps  que  tant  û  t  mira- 
cles avaient  gh/riliés,  et  les  placèrentdansdes 
cercueils  qu'a[)portèrent  des  anges.  Qu-m  I 
cet  ensevelissement  miraculeux  fut  leiiuiné, 
le  fleuve  souvrit  pour  coimer  aux  martyrs 
une  sépulture  non  moins  miraculeuse  au 
«ein  de  ses  flots.  L((S  vén'n-ablcs  n^li  pies 
n'oiU  pas  été  retrouvées.  Voilà  ce  (jue  raconte 
Wadding,  et,  d'après  lui,  Heniion.  Nous  ai- 
mons h  croire  (jue  d(!S  faits  d(;  celte;  nalui-(! 
oi.'l  été  élayés  de  preuves  suflisa  il(!S  pour 
que  des  aut(!uis  reconunandables  aient  ac- 
cejité  la  rosfionsabilité  d'un  tel  récit. 

ANTOINE  (le  bienheunnix  ),  lils  de  Xico- 
tcncalt,  C'Ii'Vi'  du  séminaire  que  gouveinait  à 
Tlascala,  au  Mexiipie,  le  P.Martin  de  Valenci;, 
«uivil,  avec  Didace, autre  élève  du  séminaire, 
Bernardin  de  . VI maza,  qui  allait  ,'i  Guaxadona 
avecAjvarezdeSandoval.  Arrivés  h  Tei)eaca, 


lieu  distant  de  dix  lieues  de  Tlascala,  les 
voyageurs  commencèrent  à  briser  les  idoles 
des  habitants  do  ce  lieu  et  des  environs: 
ceux  de  Tecali  et  de  Quantillan  les  avaient 
cachées.  Bernardin  engagea  ses  jeunes  com- 
l)aguons  h  faire  des  fouilles  pour  les  cher- 
cher. Ces  invesli^^ations  irritèrent  tellement 
les  idohUres,  qu'ils  résolurent  de  tuer  ces 
jeunes  gens.  Pour  cela  ils  les  guettèrent,  car 
ils  n'osaient  pas  accomplir  leur  crime  ouver- 
tement. Antoine  et  Jean,  sou  serviteur  (  qui 
l'avait  suivi  par  dévouement  ),  étant  entrés, 
hors  de  la  ville,  dans  une  maison  en  l'ab- 
sence du  prof)riétaire,  pour  y  faire  leurs 
fouilles,  furent  suivis  par  des  indigènes  qui 
les  assommèrent  sur  |)lace.  Ce  crime  devait^ 
s'il  était  découvert,  attirer  sur  ses  auteurs 
des  chAtiments  sévères.  Les  meurtrier^,  pour 
dépister  les  investigations,  portèrent  les  ca- 
davres dans  un  endroit  éloigné,  et  les.  jetè- 
rent dans  une  fosse  profonde.  Cependant  les 
assassins  furent  découverts ,  et  on  les  fit 
p  ndre.  Il  nous  est  impossible  de  justifier 
par  les  règles  ordinaires  le  zèle  de  Bernar- 
din et  de  SCS  jeunes  compagnons.  Pour  ne 
pas  le  condamner,  il  faut,  connue  le  fil  Mar- 
tin de  Valence,  supérieur  du  couvent  de 
Tlascala,  admettre  une  intervention  directe 
du  Saint-Esprit.  Sans  cela  nous  ne  saurions 
voir  dans  la  conduite  de  ces  briseurs  d'ido- 
les qu'un  fanatisme  inconsidéré.  Pourquoi 
détruire  ces  idoles?  que  sont-el'es  sans  le 
culte  qu'on  leur  rend  ?  Bien  évidemment. 
Ce  qu'il  faut  détruire, c'est  le  culte  et  non  l'i- 
dole. L'idolâtre  converti  brisera  de  sa  main 
le  ridicule  objet  de  son  adoration.  Si  on  brise 
l'idole  avant  de  convertir  son  adorateur,  il 
demeurera  d'autant  [)lus  attaché  à  sa  croyance 
qu'il  la  verra  persécutée.  Le  bris  des  idoles, 
la  destruction  des  tem[)lys  des  faux  dieuï, 
ne  sent  que  le  fait  d  un  fanatisjne  inintelli- 
gent, qui  ne  saurait  plaire  <i  Dieu,  et  qui  ne 
saurait  produire  de  bous  fruits.  La  prédica- 
tion eut  iuliiiimenl  mieux  valu  que  ces 
moyens  violents,  qui  ne  sont  le  fait  que  des 
persécuteurs. 

ANTOINETTE  fsainte),  martyre,  souffrit 
dur:mt  la  persécution  de  Valérien  à  Cirlhe 
en  Numidie,  avec  lessainls  Agapc,Secondin, 
Emilien  soldat,  et  sainte  Tertulle.  {Voij.,  pour 
les  détails,  les  Actes  de  saint  Mauhcn.) 

ANTOINETTE  (-ainle),  martyre,  était  ori- 
ginaire de  Nicomédie.  h^llefut  d'abord  mise 
à  la  quetion  d'une  manière  cruelle  et  éprou- 
vée par  d'au  1res  sortes  de  tortures;  ensuite,  du- 
rant trois  jours,  on  la  suspendit  |)ar  un  bras, 
après  quoi  elle  fut  rentermée  pendant  deux 
an>^  dans  un  cachot,  d'où  on  la  sortit  pour 
6trc'  bri~dé(;  par  ordi'o  du  présitlent  Pri>cil- 
lien,  à  cause  de  sa  pcn-sévérance  à  conf-ssor 
Jésus-ChriNt.  L'Eglise  honore  sa  .sainte  mé- 
moiic  le  It-  niai. 

ANT0LI1':N  (saint),  ou  Anatoukn,  soulTril 
environ  l'an  2r)(),  un  glorieux  martyre  pour 
la  foi,  quand  Ghrociis,  roi  des  Allemands, 
vint  rava,;er  les  Gaules.  Au  v'  siècle,  !^es  rc- 
li(pu\s  étaient  dans  une  église  qu'on  avait 
bAtie  en  sou  liomunn-.  Depuis,  elles  fin-ent 
mises  dans  l'église  de  Saiul-Gal,  i»uis,  j>lus 


Ci3 


ANT 


ANT 


ai4 


.ard,  dans  celle  de  Saint-Allyrc.  L'Ei^lisofait 
sa  fôlelc  11)  m.ii,  avec  celle  de  saiiil  Cassius 
€l  de  SOS  comparAMoiis. 

AiNTOMli  (  sainte  ),  martyre,  fat  couroi- 
née  par  la  porséciiliori  sous  l'eMiipire  d'Ai- 
to  )iii  Marc  -  Aiirèle  ,  à  Lyon  ,  en  177.  î'ille 
niournl  e  »  [iriso  ),  n'ayant  |)aseu  la  force  de 
sup,>orter  jusqu'au  bout  les  to'.u-incnls  (juir 
lui  lirent  cndui'er  les  persécuteurs.  8a  f^'to 
arrive  le  2  juin,  avec  celle  dci  saint  Tolliin 
et  do  tous  les  glorieux  martyrs  ses  compa- 
gtions. 

ANTONIN,  Aurelius  Fulvius  Antoniniis 
Pius,  fils  adoplif  d'Adrien,  monta  sur  lo 
trône  en  138.  C'est  le  nitulleur  empereur 
q  l'aient  eu  les  Romains.-  11  donna  sur  Je 
trône  1  exenifile  de  toutes  les  vertus  qui  con- 
viennent à  un  particulier  et  h  un  souverain. 
Sa  justice,  son  liumauiti'»,  sa  bieufaisanciî,  le 
lirent  aimer  autant  qu'admirer,  uon-seulc- 
ïuent  de  ses  sujets,  mais  encore  do  tous  les 
autres  peu[)les,  qu'il  domina  \)av  l'ascendant 
de  la  vertu,  plus  que  n'avaient  pu  faire  les 
empereurs  les  plus  belliqueux  p^r  lasi'-en- 
daiii  de  la  terreur.  Ce  prince  ne  lit  point  de 
lois  ni  d'édils  contre  les  chrétiens,  aaint  Mé- 
îiton  w'ans  son  apolo.gie  à  Marc-Aurèle,  Ter- 
lullien  dans  la  sienne,  disent  positivement, 
qu'il  n'v  eut  pas  d(;  persécution  sous  son  rè- 
gne. Suipice  Sévère  et  Oiose  n'en  indiquent 
pas  no.i  plus.  Le  premier  parle  même  do 
l'heureuse  tranquillité  donj  Jouissaient  alors 
les  Eglises. 

Nous  ne  pensons  pas  qu'on  puisse  prendre 
à  la  lettre  ces  affirmations,  il  n'y  eut  pas  de 
pei.^ji;ution  sous  Antouin,  cela  veut  dire 
qu'en  elfet  il  ne  fit  point  de  lois  contre  les 
chréiKMis,  mais  cela  ne  signilie  pas  qu'ils  ne 
lurent  pas  isolément  persécutés  sous  son  rè- 
gne, suivant  le  caprice  des  gouverneurs,  en 
dépit  des  lois  anciennes.  Nous  discuterons 
cette  question  à  l'article  Persécitions  (1). 

(1)  Dodwel  avoue  que,  sous  le  pieux  Antonin,  la 
persécution  parcourut  plusicuis  villes  de  l'empire  el 
qu'elle  y  lit  q^iel  [ues  niariyrs,  au  nombre  desfuicls 
il  met  saint  Poîycarpe  cl  douze  martyrs  de  Piiikuiel- 
pliie,  Jusiin  el  ceux  dont  soa  apologie  fait  mentioi), 
Lucius  et  quelques  antres;  mais  q.ioique  nous  soyons 
d'un  se'.i'.i  iieiil  contraire  au  sien,  pour  ce  qui  re- 
garde le  lenqjs  auquel  ces  martyrs  ont  soulîert,  le 
nôtre  élanl  (prils  o..t  enUiré  la  mort  sons  .Marc-Au- 
réle,  nous  sommes  d'acrord  avec  fii  pour  ce  qui 
concerne  le  nombre  de  ceux  que  la  persécution  d'An- 
tonin  a  enlevés;  saint  Jusiin  y  est  formel  dans  l'a- 
pologie qu'il  présente  à  cel.  empeieur  :  «  Tout  notre 
crinie,  dii-il  en  adressant  la  parole  aux  juges,  est 
de  (onfesser  que  no  .s  sommes  cbrétiens;  voiià  unl- 

quemoiit  ce  que  vous  punissez   en   nous "Vous 

commer.cez  par  condainner  ceux  qui  sont  déférés  à 
voire  Hibuaal,  et  vous  les  envoyez  au  sup^)Iice  avant 

que  de  connaître  s'ils  l'onl  mérité »  El  plusieurs 

lignes  après  :  «  Nous  confessons  neileneat  que  nous 
sommes  ciiiétiens,  à  la  première  demande  que  vous 
non.-  ti!  (ailes,  quoique  îious  n'ignorions  pas  que  la 
moil.  noil  èlre  aussitôt  ie  prix  de  celle  confession 
sincère.  Si  nous  n'avions  en  vue  que  d'acquérir  un 
royauuit  sur  la  terre,  nous  nous  donnerions  i  ien  de 
garde  <J  avouer  une  chose  qui  doil  sur-le-champ  nous 

couler  la  vie Si  noiis  êonlcssous  Jésus-Chr.st,  ce 

n'est  pas  que  nous  y  soyons  forcés,  et  si  nous  al- 
lons à  la  mort,  c'est  volontairement  que  nous  y 
allons )  Que  ce  soit,  au  reste,  par  des  ordres  e.x- 


Sous  Antonin,  durant  la  première  année 
do  .son  règne,  saint  Télesphore,  septième 
pasteur  de  l'Ejisc  romaine,  fut  martyrisé  à 
l(ome  méin".  Ce  seul  fait  pi'ouvo  qu'il  y 
eut  au  moins  des  perse  niions  isoléessous 
Antonin.  Beaucoup  d'inscriptions,  d'histoi- 
res de  martyrs,  beaucou[)  do  passages  des 
Mirlyrologes  ont  fait  atirdMier  à  ce  [irinco 
des  persécutions  auxquelles  il  est  complète- 
ment étranger.  On  sait  (pi'h  partir  de;  lui^ 
plusieurs  souverains,  et  notamment  Marc- 
Aurèle,  se  nomment  Antonius  comme  d'au- 
tres se  sont  nommés  (Césars.  Or  la  pluj)art 
des  ma' tyrs  indiqués  comme  ayant  souffert 
sous  le    règne  d'Anlonin,    ont  réellement 


près  de  l'empereurqu'on  en  ail  usé  ainsi  envers  les 
clirétiens,  les  dernières  paroles  de  celte  apologie  le 
l'onl  assez  connailre,  car  voici  comme  son  bienheu- 
reu\  anteur  parle  à  Anlonin  même  :  «  Ceu.\  que 
vonsconiianmez  à  mort  no. il  jamais  commis  aucun 
cri. ne  :  ils  sont  innocents;  ne  les  Iraitez  pas  coiiune 
des  coupables  ou  comme  des  ennemis  de  votre  em- 
pire; mais  sacliez  que  si  vois  persistez  dans  votre 
injustice,  vous  n'éviterez  pas  le  terrible  jugement  du 
Dieu  vivant;  c'est  de  sa  pari  que  nous  vous  l'annon- 
çons. 1  D'ailleurs,  il  est  clair  que  celle  apologie  ne 
fut  pas  présentée  à  Antonin  au  commeifcemeiit  de 
son  règne,  puisque,  outre  que  l'aiileuryparledesmar- 
cioniles,  dont  l'Iiérésien  avait  pas  encore  alors  éclaié, 
il  manjue  expressément  qu'il  écrit  la  cenl  cinquan- 
tième aimée  de  Jésus-Christ,  qui  revient  à  la  treiziè- 
me d'Anlonin. 

Le  même  auteur  dans  son  dialogue  avec  Tryphon, 
après  avoir  dit  que  les  cnreliens  viennent  de  perdre 
la  vie  pour  n'avoir  pas  voulu  renoncer  Jésus-Christ, 
ajoute  vers  le  milieu  :  <  Il  p  irait  assez  que  rien  n'est 
cap-i  le  de  nous  faire  changer  de  religion,  puisque 
no  is  aimons  mieux  elie  égorgés ,  attachés  à  des 
croix,  exposés  aux  bêles,  charges  de  chaînes,  brûlés 
à  petit  leu,  en  un  mol,  eniurer  toutes  sortes  de 
snp  lices,  que  de  donner  la  moindre  marque  d'une 

foi  chancelante  et  douteuse ;  «et  ensuite:»  On  ne 

souffre  plus  aucun  chrétien  sur  la  terre,  i  Tous  ces 
p.iss  ges  lîe  sailli  Jusiin  s'accordent  fort  bien  avec 
une  ancienne  inscription ,  trouvée  au  cimetière  de 
Calisle.  C'est  l'épilaphe  d'un  martyr  nommé  Alexan- 
dre, où  on  lit  ([ue  les  temp»  fiirent  si  malheureux 
sous  l'empire  dWnlonin,  <iiie  les  cavernes  les  jdus 
reculées  et  les  antres  les  plus  obscurs  ne  pouvaient 
servir  d'asiles  aux  chivtie.is  contre  la  fureur  des 
persécuteurs,  el  que  l'on  faisait  un  crime  aux  pa- 
rciits  et  aux  amis  des  devoirs  que  la  nature  ou  l'a- 
niilié  leur  faisait  rendre  à  ceux  que  la  pers  culion 
immola. t.  Certainement ,  si  nous  en  croyons  un 
auieur  (jui  a  écrit  la  vie  d'Anlonin  ,  ce  prince  avait 
une  si  graiule  attache  à  ses  dieux,  qu'il  leur  ofl'rait 
sans  cesse  des  sacrilices,  ce  qu'il  faisait  toujours  lui- 
même,  à  moins,  qu'il  ne  fût  malade.  Et  si  quelquefois 
il  s'abstenait  de  répandre  le  sang  des  chrétiens,  ce 
n'était  (luc  parce  que  les  voyant  courir  à  la  mort 
avec  la  même  joie  que  les  autres  courenl  à  la  vic- 
toire; il  reconnaissait  qu'il  ne  pouvait  leur  faire  un 
plus  grand  plaisir  que  de  les  faire  mourir.  Enfin, 
ces  perséculions  locales  se  prouvent  par  un  res- 
crit  de  ce|  empereur  même,  à  plusieurs  villes  de 
so.i  empire  auxquelles  il  défend  d'inquiéter  à  l'ave- 
nir les  chrétiens ,  voulant  qu'on  fasse  cesser  tout 
trouble  et  tout  tumulte  excité  contre  eux,  car  ces 
émotions  populaires  n'allaient  pas  moins  qu'à  ré- 
pandre le  saiig  des  fidèles,  ce  que  le  rescrit  exprime 
en  ces  termes  :  <  Vous  chassez  avec  violence  les 
chrétiens  de  vos  villes,  et  vous  les  poursuivez 
avec  tant  d'auimosilé,  qu'il  en  coûte  la  vie  à  plu- 
sieurs. I 


2!5 


ANT 


ANU 


210 


souffert  sous  Antonin  Marc-Aurèle,  ou  sous 
Commode.  Cependant,  et  par  le  martyre  de 
saiiit  Télosphore,  et  par  les  afùrmations  de 
saint  Justin  dans  son  apologie,  il  est  impos- 
sijjle  do  ne  ])as  admettre  des  persécutions 
SOIS  Antonin.  Mais  ce  qui  est  certain,  c'est 
cpi'on  ne  doit  croire  qu'à  d(^s  persécutions 
isolées  et  indépendantes  de  l'action  directe 
de  l'empereur. 

Ce  fut  dans  l'année  139  que  saint  Justin 
I)résenta  sa  grande  apologie  à  l'empereur 
Antonin.  Tourhé  par  la  force  des  raisons  de 
saint  Justin,  Antonin  rendit  en  faveur  des 
chrétiens  un  r^'scrit  qu'on  peut  lire  à  l'arti- 
cle Persécutions.  An'onin  fit  publier  cet  édit, 
et  écrivit  dans  le  môme  sens  à  beaucoup  de 
gouverneurs  de  province^.  Les  dernières  an- 
nées de  son  règne  furent  des  années  de  paix 
pour  l'Eglise.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  la  li- 
berté qu'eurent  sùnt  Justin  d'aller  visiter 
l.'S  Egl  ses  d'Orient,  saint  Polycarpe  évcque 
de  Smyrne,  et  siiit  H'gésippe,  de  venii- à 
Ro-me.  Saint  Polycarpe,  put  môme  y  combat- 
tre publiquement  et  avec  succès  les  hérésies 
prôchéespar  Valentin  et  par  Marcion. 

Après  un  règne  de  vingt-trois  ans,  qui  fit 
le  bonheur  de  l'empire  romain  ,  Antonin 
mourut  dans  son  palais  de  Lorie  le  7  mars 
10 1. 

Ce  prince  donna  sur  le  irone  l'exemple  de 
toutes  les  vertus  publiques  et  privé  'S.  Un 
conte  absurde  porte  que  saint  Grégoire  le 
Grand  obtint  de  Dieu  la  béatification  de  Tra- 
jan.  11  aura't  été  convenable  de  choisir  au 
moins  le  me'lleur  des  empereurs  romains, 
pour  en  faire  l'objet  d'une  telle  h'stoire. 
Pourquoi  n'avoir  pas  choisi  Antonin? 

ANTONIN  (saint),  fut  martyrisé  h  Rome, 
vers  le  commencement  du  règne  de  Gallien, 
avec  sainte  Flore,  sainte  Lucille  et  lessaints 
Eugène,  Théodore  et  leurs  compagnons  au 
nombre  de  dix-huit.  L'Eglise  fait  leur  fête 
le  29  juillet. 

ANTONIN  (saint),  martyr,  faisait  partie  de 
l'illustre  légion  Thébéenne.  Il  soulfrit  le 
martyre  à  Plaisance;  le  Martyrologe  romain 
ne  marque  jjoint  en  quelles  circonstances  ni 
h  quelle  éjKjque.  L'Eglise  honore  sa  mémoire 
le  3  septembre. 

ANTONIN  (saint),  raarlvr,  versa  son  sang 
pour  la  défense  de  la  religion  sous  la  cruelle 
persécution  que  Dioclétien  fit  soulfrir  aux 
chrétiens.  Il  eut  pour  compagnons  de  son 
martyre  les  saints  Victor,  Zoli(iue,  Zenon, 
Césaire,  SévéricF),  Chrysophore  et  Théonas. 
L'Eglise  honore  leur  illustre  mémoire  le  20 
avril. 

ANTONIN  (saint),  martyr,  était  tout  jeune 
lorsqu'il  versa  son  sang  |)Our  la  défense  de 
Il  religion  à  Capoue.  Il  eut  ()Oiir  compagnon 
«le  soij  glorieux  combat  saint  Aristée,  évô(|U(î. 
0.1  no  aucun  détail  sin-  hiur  martyre,  et  le 
-Martyrologe  ne  niJuipie  point  à  iju.  Ile  épo- 
que il  eut  lieu.  L'Eglise  honore  h;ur  sainte 
mém.)ir(!  h;  ;{  sept(!mbr(;. 

ANTONJN  ("saintj,  martyr  à  Pamiers,  est 
honoré  par  Tl'^glise  (h;  l'amiers  le  2se[)tem- 
J.M'e.  Il  est  h  |)eu  près  certain  (pie  ce  saint 
n'est  autre  (jne  celui  (pii  soulfrit  pour  la  foi 


h  Apamée  en  Syrie.  La  similitude  des  nom5 
entre  ces  deux  villes  a  probablement  causé 
cette  erreur 

ANTONIN  (saint),  confesseur,  était  évoque 
à  Milan.  Il  y  confessa  sa  foi  dans  des  circons- 
tances que  malheure  sèment  le  Martyrologe 
romain  ne  dit  pas.  On  ig  ore  égalcm  nt  à 
quelle  époque.  L'Eglise  honore  sa  glorieuse 
mémoire  le  31  octobre. 

ANTONIN  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi  à  Rome  par  l'oidre  du  juge  Vi- 
tellins.  On  n'a  aucun  détail  sur  son  martyre. 
Il  fut  eriterré  sur  la  voie  Aurélienne.  L'E- 
glise célèbre  sa  glorieuse  mémoire  le  22 
août. 

ANTONIN  (saint)t  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi  à  Césarée  eh  Palestine,  Il  eut 
pour  compagnons  de  son  martyre  les  saints 
Zébinas,  Germain,  et  sainte  Ennathe,  vierge, 
qui  fut  d'abord  meurtrie  de  coups  et  ensuite 
brà  ée.  Ils  furent  décapités  sous  Galère-Maxi- 
mien,  parce  qu'ils  accusaient  d'impiété  le 
président  Firmilien  et  le  reprennent  de  ce 
qu'il  sacrifiait  aux  faux  dieux.  L'Eglise  ho- 
nore leur  mémoire  le  13  novembre. 

ANTONINE  (sainte),  mart.^re,  versa  son 
sang  pour  la  foi  durant  la  persécution  de 
Maximien  ,  sous  le  président  Festus.  Elle 
avait  d'abord  été  condamnée  à  être  prosti- 
tuée dans  un  lieu  de  débauche;  mais  elle  en 
fut  retirée  secrètement  par  le  solJat  Alexan- 
dre ,  qui ,  changeant  dhabit  avec  elle  ,  de- 
meura à  sa  ()lace.  Cette  pieuse  fraude  ayant 
été  découverte  ,  on  la  mit  avec  lui  à  la  tor- 
ture ;  ils  eurent  tous  deux  les  mains  coupées 
et  furent  jetés  ensemble  dans  le  feu  ,  où 
étant  mirts  pour  Jésus-Ch;ist ,  ils  reçurent 
la  couronne  du  martyre.  L'Eglise  honore  la 
mémoire  de  ces  deux  glorieux  martyrs  le 
3  mai. 

ANTONINE  (sainte),  martyre,  s'étant  mo- 
quée des  dieux  des  gentils  durant  h  persé- 
cution de  Dioclétien,  fut,  après  divers  tour- 
ments ,  enfermée  dans  un  tonneau  et  siKb- 
mergée  dans  le  marais  de  la  ville  de  Gée. 
L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  1"  mars. 

ANTONINUS  (  Arrius  ),  proconsul  d'Asie  , 
sous  l'empire  de  Marc-Aurèle,  persécuta  vio- 
lemment les  chrétiens  dans  sou  gouverne- 
ment. Ce  fut  à  la  suite  de  ces  persécutions 
ou  môme  pendant  qu'elles  duraient,  qu'A- 
thénagore  présenta  à  l'empereur  sa  fameuse 
Apologie.  Sous  Commode ,  successeur  do 
Marc-Aurèle,  ce  gouverneur  conliinia  à  sévir 
avec  rage  contre  les  chrétiens.  Sa  fureur 
donna  lieu  à  une  démonstration  magnifique 
de  la  jiart  des  habitants  d'une  petite  ville 
cntièrenumt  chrétienne.  Ils  vinrcnil  en  niasse 
se  |)résenter  au  proconsul,  s'olfrant  h  la  mort. 
«  Malheureux  ,  leur  dit-il ,  si  vous  avez  si 
grande  envie  de  nuuinr  ,  vous  ne  man(piez 
ni  de  cordes  ni  de  précipic<'s.  »  Il  en  lit  niou- 
rii-  (piehpies  -  uns  et  renvoya  les  autres. 
Oui'l([ue  temps  après  ,  il  périt  de  mort  vio- 
lente. Les  chrétien"^  virent  dans  cette  mort 
une  vengeance  du  ciel. 

ANIJLIN,  proconsul  (rAfii(|ue  sous  Dio- 
«létieu,  lit  mourir  pour  la  toi,  en3()'i,  à  Thé- 
baste  ,  sainte  CiiisriMi.  (  Voij.  son  litre.  )  \ 


217 


APH 


APH 


2IS 


fil  aussi  mourir,  on  l'an  (1((  Jésus-Christ  305  , 
s.iinlS;ilurnin,  prôtre,  ot  quariuit(vluiit  autres 
martyrs.  (Pour  plus  do  détails,  voy.  les 
Actes  d(>  saint  Satukmn.  ) 

ANYSIK  (sainte) ,  martyre,  versa  son  san;^ 
pour  Jésus -Clu-ist  à  Tiiessalonique.  On  n'a 
au.'U'i  détail  sur  sou  martyre  ;  on  ignore 
même  l'épo  |ue  où  il  eut  lieu.  I/bv^lise  ho- 
nore s.i  sainte  mémoire  le  30  décembre. 

APAMÉE,  ville  (le  Syrie ,  fut  témoin  du 
martyre  de  l'évèque  Marcel  ,  qui  fut  massa- 
cré |)ar  une  troupe  de  gentils  en  fureur. 

APKLLK  (saint),  m.irtyr,  cueil  it  la  [)ahne 
du  martyre  avec  les  sainis  Luc  et  Clément. 
On  ignore  à  quelle  époque  et  dans  (|uelles 
circonstances  eut  lieu  leur  martyre.  L'Eglise 
célèbre  leur  glorieuse  mémoire  le  10  sep- 
tembre. 

APHUAATE,  solitaire  près  d'Antioche, 
confesseur.  Comme  Dieu,  dit  ïillemont, 
veut  avoir  des  saints  dans  toutes  les  na- 
tions, il  a  tiré  saint  Aphraate  du  milieu  de 
la  corruption  etfroyablo  qui  régnait  alors 
parmi  les  Perses.  11  le  fit  naître  d'une  fa- 
mille illustre,  mais  criminelle,  et  ce  semble 
même,  dans  une  famille  de  mages,  c'est-à- 
dire  de  ceux  qui  étaient  les  maîtres  de  l'i- 
dolAtrie  chez  les  Perses  et  les  plus  grands 
ennemis  de  la  religion.  Cependant,  après 
être  né  et  avoir  été  élevé  dans  l'impiété, 
il  connut  et  aima  la  vérité,  l'embrassa  de 
tout  son  cœur,  et  dans  la  douleur  de  voir 
qu'elle  lût  si  peu  aimée  dans  son  pa,s,  il  le 
quitta  sans  se  mettre  en  peine  de  tou'e  la 
grandeur  de  sa  maison,  et  vint  s'enfermer 
avec  joie  dans  une  cabane  qu'il  trouva  au- 
près d'Edosse  en  Mésopotimie.  Après  y 
avoir  été  quelque  temps  à  acquérir  l'entière 
pureté  de  son  Ame,  il  vint  à  Antioche  où  il 
se  retira  dans  un  monastère  hors  de  la  ville, 
prenant  son  logement  auprès  de  la  porte, 
pour  ouvrir  à  tous  ceux  qui  demandaient  à 
entrer  et  les  reconduire  quand  ils  s'en  al- 
laient. Il  ne  parlait  aux  lemmes  que  hors 
de  la  [.orte.  On  ne  put  jamais  l'obliger  de 
prendre  personne  avec  lui,  parce  qu'il  vou- 
lait to  jo.irs  se  servir  lui-même,  quelque 
occupation  quil  eût.  11  ne  recevait  aussi 
rien  de  personne  que  d'un  seul  de  ses  amis 
qui  lui  fournissait  les  choses  dont  il  avait 
besoin  ;  ce  qui  ne  le  chargeait  pas  beau- 
coup, car  le  saint  ne  mangeait  qu'un  peu 
dv3  pain  a[)rès  le  soleil  couché  jusqu'à  ce 
qu'en  son  extrême  vieillesse  il  y  ajoutât 
quelques  herbes.  Anthème,  qui  fut  depuis 
préfet  et  consul  en  l'an  4-05,  et  le  plus  loué 
aussi  bien  que  le  plus  puissant  de  tous  les 
magistrats  de  son  temps,  ayant  été  envoyé 
ambassadeur  en  Perse,  en  rapporta  une  tu- 
nique qu'il  pria  le  saint  d'accepter  parce 
que  c'était  un  ouvrage  de  son  pa.  s.  Mais  il 
s'en  excusa  d'une  manière  fort  civ.le  et  fort 
ingénieuse,  ne  voulant  pas  changer  celle 
qui  lui  servait  depuis  16  ans,  ni  en  avoir 
deux,  et  il  obligea  Anthème  même  d'avouer 
qu'il  avait  raison. 

Depuis  qu'il  fut  venu  à  Antioche,  il  ap- 
prit un  peu  de  grec,  et  avec  ce  langage  moi- 
tié grec,  moitié  persan,  il  attirait  tout  ce 


(|u'il  y  avait  de  monde  dans  Antioche.  Les 
personnes  do  lettres  el  de  qualité  y  accou- 
raient   aussi   bicm  que   le    simple  peuple  ; 
chricun  se   pressait  de  venir   enl(,'ndre   les 
exhortations  qu'il  faisait  à  la  porte  du  mo- 
nastère et  les  ré[)onses  (|u'il  faisait  à  ceux 
(jui  lui   pr()[)osaieiit  quehiucs  (juestions.    Il 
parlait  souv(!iit  par  paraboles  à  l'imitation  du 
Sauveur.   C'est   l'ordiiMire    des  Ori(mlaux. 
Théodoret  dit  (pi'il  vint  à  Antioche  qui  était 
violemment  aj.itée  j)ar  la  temfiôte  de  l'héré- 
sie. On  peut  dire  ([u'elle  fut  toujours  en  cet 
état  depuis  que  saint  Eustacho  en  eut   été 
chassé  en  331  jusqu'en   378    que   mourut 
Valeuv  Et  il  semble  en  eifet  par  la  suite  de 
Théodoret  que  saint  Aphraate  y  était  avant 
le  règne  de  Jovien.  11  est  certain  qu'il  y  sou- 
tint admirablement  l'Eglise  durant  la  persé- 
cution que  Valons  y  excita  après  qu'il  y  fut 
venu  fiiire   sa   résidence   en  371.    Il    sortit 
alors  de  la  retraite  où  il  avait  toujours  vécu, 
afin  de  défendre  l'Eglise,  quoiqu'il  n'y  fût 
engagé  que  par   son  zèle  et  non  jjar  aucun 
ministère  ecclésiastique.   Il  se  joignit   aux 
prêtres  Flavien  et  Diodore,  qui  étaient  les 
chefs  de  cette    Eglise,   parce   que  l'évoque 
saint  Mélèce  était  banni,  et  se   donna  tout 
entier  à  encourager  le  peuple  et  à  le  forti- 
fier dans  la  vraie  foi,  autant  par  la  sainteté 
de  sa  vie  et  par  ses  miracles  que  par   ses 
paroles.  Ce  fut  lui  qui  avec  Flavien  et  Dio- 
di»  e   envoya  Acace    de    Bérée  prier   saint 
Julien  Sabbas  de  venir  rendre  témoignage  à 
la  vérité. 

Un  jour  que  l'empereur  Valons  regardait 
les  passants,  il  aiierçut  notre  saint  qui  se 
rendait  à  l'assemblée  des  chrétiens.  Valons 
voulut  lui  faire  un  reproche  de  ce  qu'il 
avait  quitté  sa  cellule  et  lui  reprocha  à  lui- 
même  d'avoir  rais  le  feu  dans  l'Eglise,  lui 
demandant  si  après  cela  il  n'était  pas  obligé 
de  faire  tout  ce  qu'il  pouvait  pour  l'éteindre. 
Un  des  eunuques  de  l'emfjoreur  maltraita 
le  saint,  et  le  menaça  même  de  le  faire 
mour.r.  Quelques  moments  ap.ès,  on  le 
trouva  mort  dans  le  bain  qu'il  avait  fait  pré- 
parer à  l'empeieur  et  où  il  était  tombé  par 
mégarde.  Dieu  avait  ainsi  vengé  Aphr.iate. 
Cette  punition  si  prompte  et  si  visible 
etfraya  Valons  et  l'empêcha  d'envoyei'  ce 
saint  en  exil,  comme  l  s  ariens  le  voulaient, 
à  cause  de  la  grande  autorité  qu'il  avait 
parmi  le  peuple. 

Après  que  la  mort  funeste  de  Valons  eut 
rendu  la  paix  à  l'Eglise,  Aphraate  entra  dans 
sa  première  retraite  où  il  continua  à  faire 
paraître  son  éminente  vertu  et  à  briller  par 
un  grand  nombre  de  miracles.  Théodoret 
s'est  contenté  d'en  marquer  deux,  dont  il  fit 
le  premier  à  la  prière  d'une  femme  affligée 
de  ce  que  son  mari,  ensorcelé  par  une  misé- 
rable, préférait  un  amour  criminel  à  un  légi- 
time. 11  pria  pour  elle  et  pour  son  mari,  lui 
dit  de  s'oindre  avec  de  l'huile  qu'il  avait 
bénite,  et  ce  remède  fit  tout  l'efiet  qu'elle 
souhaitait.  Par  l'autre  miracle,  il  préserva 
avec  de  l'eau  qu'il  avait  aussi  bénite,  le 
champ  d'un  j)auvre  homme  contre  une  nuée 
de  sauterelles  qui  ravageaient  tout  le  pays. 


219 


APO 


T-!iéo(loret,  étant  enconj  bien  jeune  (h  l'âge 
peut-ôtre  de  10  ou  12  ans),  .-illait  avec  sa 
mère  rer^evoir  sa  bi^niédiction,  d"où  nous 
pouvons  juger  que  ce  saint  a  vécu  jns- 
qu'iprcs  lan  iOO.  Tliéodor.'t  qui  était  en- 
core jeune  lorsqu'il  fut  foit  évôqui;  en  423, 
devant  être  né  après  890,  il  faut  que  saint 
Aphraate  fiU  alors  dans  une  extrême  vieil- 
lesse, puisque  Ton  marqup  que,  dès  le 
temps  de  Valens  (vers  l'an  375)  il  était  d'\j;i 
cassé  et  fort  Agé.  11  fut  enterré  au  faubourg 
d'Antioche,  dans  l'église  des  martyrs,  où 
était  le  corps  de  saint  Julien,  célèbre  mar- 
tyr, dont  saint  Ghrysoslome  a  fait  l'éloge. 
Les  Grecs  font  la  fèto  de  saint  Ai)liraate  le 
29  janvier,  avec  une  histoire  qui  est  l'abrégé 
de  ce  qu'en  dit  Tliéodoret.  Baronius  l'a  rais 
le  sepiième  d'avril  dans  le  Martyrologe 
romain. 

Saint  Théodose  d'Antioche  et  saint  Macé- 
done  furent  mis  depuis  dans  le  môme  tom- 
beau que  saint  Aphraate.  (Tillemont,  vol.  X, 
pag.  477.) 

APHRODISE  (saint),  fut  martyrisé  en  Afri- 
que durant  la  persécution  dos  Vandales.  Il 
eut  pour  compagnon  de  son  martyre  saint 
Pierre.  L'Eglise  fait  collectivement  leur  fête 
le  iï  mars. 

APHRODISE  (saint),  martyr,  était  prêtre  à 
Alexandrie.  Il  y  soulfrit  le  martyre  avec 
trente  autres  saints  dont  on  ignore  les  noms. 
Le  Martyrologe  romain  ne  <Jit  point  dans 
quelles  circonstances.  L'Eglise  vénère  leur 
mémoire  le  30  avril. 

APHRODISE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire 
de  verser  son  sang  pour  la  foi.  On  ignore  le 
lieu  et  la  date  do  son  martyre.  Le  Martyro- 
loge romain  dit  seulement  qu'il  eut,  nour 
compagnons  de  soulfrance,  saint  Caralippe, 
saint  Aga[)e  et  saint  lîusèbe.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  28  avril. 

APHTONE  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  pour  la  foi,  en  Per-;e,  avec  les  saints 
Ac.ndine,  Pégase,  EI[)idépliore,  Anerapo- 
diste  et  plusieurs  autres  dont  les  noms  ne  se 
trouvent  pas  au  Martyrologe  romain.  L'E- 
{^ilise  célèbre  leur  sainte  mémoire  le  2  no- 
vembre. 

APODÈME  (saint),  fut  martyrisé  h  Sara- 
go-^se,  en  Espagne,  parles  ordres  de  Dacien, 
qui  CH  était  gouverneur,  en  Tan  de  Jésus- 
Clirist  30V,  durant  la  persécution  d,i  Dioclé- 
tiim.  Dix-sept  autres  furent  martyrisés  avec 
lui.  On  trouvera  leurs  noms  à  l'article  Dacien. 
Les  dix-huit  martyrs  de  Saragossc  sont  très- 
honorésen  Espagne.  C'est  P.  udencfi  qui  rap- 
porte ce  qu'on  sait  d'eux.  Ils  sont  ni'>;crils 
au  .Martyrolog(,'  romain  sous  la  date  du  IG 
avril,  rr  lleiiH)nl,vol.  V,  j).  229.) 

APOLIJNAIRi:  (saint;,  fut  martyrisé  à 
Ravenric,  sdus  le  règne  d(;  Vespasien.  Ee 
piince  n'ayant  l'ail  ni  lois  ni  édits  contre  les 
chi-éliens,  Apollinaire^  lut  êti-e  condamni!  en 
vertu  des  lois  (pie  Néron  avait  porté«.'s.  (Pas 
d(;  dociiirienls  certains. j  L'Eglise  fait  sa  fête 
Je  23  iuill(!t. 

APOLLINAIRE  (saint;,  était  l'ini  des  bour- 
reaux de  Reirus,  dans  le  m'  siècle,  sous  l'em- 
pire de  Galère  et  de  Maximin.   A)'ant  été 


APÔ  220 

charge  de  tourmenter  saint  Timothée;  il  fut 
tellement  frappé  de  son  courage,  qu'il  se 
convertit.  Conduit  en  pr-ison,  il  fut  t)aptisé, 
et  eut  le  bonheui',  deux  jours  après,  de  cuenl- 
lir  la  |)aliiie  >iu  martyre  av<'c  le  saint  cause 
de  sa  conversion.  L'Eglise  hoiiore  Unir  mé- 
moire le  23  août. 
APOLLINAIRE  (saint).  Voy.  Claude  Apol- 

LIWIRE. 

APOLLINAIRE  (saint),  martyr,  eut  le  glo- 
rieux [îrivilége  de  donner  sa  vie  pour  la 
défense  d*;  la  religion,  en  Afrique,  avec  saint 
Cyriaipio.  Les  martyrologes  ne  donn(>nt  j)oint 
de  détails  su'  leur  martyre,  et  ne  disent  point 
à  quelle  épojue  il  eut  lieu.  L"Eglise  honore 
la  sainte  mémoire  de  ces  martyrs  de  la  foi  le 
21  juin. 

APOLLINAIRE  (saint),  confesseur,  évêque 
de  Valence,  en  Daaphiné,  eut  pour  père 
saint  Isique,  qui,  après  avoir  été  sénateur  de 
Vienne,  en  était  devenu  évoque;  et,  pour 
mère,  sainte  Audence;  il  comptait  dans  sa 
fcunille  plusieurs  évoques  illustres.  Il  fut 
élevé  sous  la  direction  do  saint  Mamert, 
évê  (ue  (le  Vienne,  qui  lui  donna  les  ordres 
sacrés  et  le  lit  entrer  dans  son  clergé.  Vers 
l'année  480,  l'Eglise  de  Valence,  en  Dau- 
pliiné,  s'étant  trouvée  sans  [)!Steur,  j)ar 
suite  de  la  condamnation  de  Maxime,  qui 
s'était  rendu  coupable  de  plusieurs  crimes, 
son  gouvernement  fut  coniié  à  notre  saint. 
Il  réforma  les  Uimbreux  abus  introduits  par 
son  prédécesseur,  et  se  livra  à  de  nombreux 
travaux  apostoliques.  Son  zèle  fut  cause  de 
son  exil  ;  voici  h  quelle  occasion 

Le  trésorier  des  tinances  de  Gondebaud  et 
de  Sigismond,  rois  de  Bourgogne,  nommé 
Etienne,  avait  contracté  une  aJiance  ince»^- 
tuense  avec  sa  belle-sœ  ir,  après  la  mort  de 
sa  femme.  Les  évoques  dos  provinces  de 
Lyon  et  de  V^ienne  s'assembièi-ent  en  con- 
cile, excommunièrent  le  coupaole  et  le  con- 
damnèrent à  la  pénitence  (pie  les  canons 
prescrivaient  en  pareil  cas  ;  mais  Etienne  se 
refusa  h  tout  amendeinent  dans  sa  c;)nduite, 
et  ne  voulut  point  se  soumettre.  La  cour, 
qui  était  infectée  de  l'hérésie  d'Arius,  four- 
nit au  coupable  des  protecteurs  puissants  qui 
s'élevèi'onl  contre  le  concil;',  et  tirent  exder 
les  évoques  qui  l'avaient  composé.  On  tenta, 
mais  inutdement,  de  gagner  Apollinair-e  ;  il 
répondit  avec  fermeté  (pi'Etienne  ne  serait 
re(;u  c\  la  communion  ((u'après  avoir  fait  pé- 
nitence de  son  criir\o.  Après  avoir  souiïert 
quehpie  temps  sa  peine  avec  une  grande 
constance,  sa  veitu  Je;  lit  triompher  de  ses 
nombreux  ennemis,  et  il  revint  dans  son 
diocèse.  On  assure  (pi'il  lit  |>lusieuis  mira- 
cles, et  (pn^  Sigismond  lui-même,  tourmenté 
d'une  maladi(!  danger(;use,  ne  dut  son  réta- 
blissement (|u'au\  prières  de  notre  saint  con- 
J'esseiir.  L'opinion  la  plus  répandue  est  (pi'A- 
|)ollinair(î  momul  vei-s  rmi  525.  Il  l'ut  in- 
innné  dans  l'église  de  Saint-Pierre  et  d(3  Saint 
Paul.  Son  (^orps  fut  brillé  |tai-  les  huguenots 
dans  l(!  xvi' siècle.  L'Eglise  célèbi'e  sa  glo- 
rieuse, et  sainte  mémoire;  le  5  octobre. 

Al'OLLON  (saint),  martyr,  .soiilVrit  la  morl 
iions  Dioclétien  avec  les  saints  Isaco  et  Cru- 


m  Apo 

tato.  On  Ignore  en  quel  lieu  et  ?i  quelle  ('po- 
que.L'Kgliso  linnore  la  mémoire  de  ces  saints 
ujartvrs  le  î2l  avril. 

APOl.LONl*:  (saint),  l'un  des  quarante-huit 
nKirlvi's<l('  Lyon,  sous  le  règne  de  rem[)e- 
reiir 'Antoine "Marc-Aurèle,  mourut  en  [)rison 
dans  cette  ville.  Connue  saint  Potliin,  le  v6- 
II  rable  évoque  de  Lyon,  comme  une  multi- 
tude d'autres  saints  inartyrs,  il  fut  é{)nisé  par 
la  violence  des  tourments  que  les  persécu- 
teurs lui  tirent  subir,  et  ne  put  i)as  arriver 
jusqu'h  la  tin  des  su|i[)lices  qui  l'altendaient. 
L'Kj^lise  célèbre  sa  iète  le  2  juin. 

APOLLONE  (saint),  martyr,  ré|)andit  son 
sang  pour  la  foi  avec  les  saints  Procule  et 
Ephèbe.  Le  consulaire  Léonce  les  ayant  fait 
surprendre  une  nuit  (ju'ils  piiaieiitauprôsdu 
corps  de  saint  Valentin,  il  les  lit  mouiir  par 
le  glaive.  C'est  le  L'i-  lévrier  (lu.'  l'Eglise  lio- 
nore  la  mémoire  de  ces  saints  niait vrs. 

APOLLONE  (saint),  martyr,  cueillit  la  palme 
du  martyre  en  Egypte  ious  la  persécution 
de  dalère-Maximieh.  Il  eut  jour  comjiagnons 
de  son  martyre  les  saints  Marcien,  N.canor 
et  quelqu'S  autres  que  le  Martyrologe  ro- 
main ne  nomme  point.  L'Eglise  célèbre  leur 
immortelle  mémoire  le  5  juin. 

APOLLONE  (saint),  4po//o/u'us, anachorète 
en  Thébaïile,  fut  arrêté  pour  la  foi  en  l'an  de 
Jésus-Christ  311,  sous  le  règne  des  succes- 
seurs de  Diocléîien,  dans  la  ville  d'Artinoé. 
Parmi  la  po[)ulace  qui  s'était  attroujiée  au- 
tour de  lui,  un  homme  se  faisait  remai-quer 
par  la  fougue  avec  laquelle  il  injuriait  le 
saint.  C'était  un  nommé  Philémon,  célèbre 
joueur  de  flûte,  que  le  jieuple  a  mait  beau- 
coup. Apollone,  s'entendant  traiter  par  lui 
d'impie  et  de  séducteur,  lui  répondit  sim- 
plement :  «  Mon  tils,  je  prie  Dieu  qu'il  vous 
prenne  en  rilié,  et  qu'il  ne  vous  iin()ute  pas 
les  discours  que  vous  tenez.  »  Vivement 
touché  d'une  telle  douceur,  Philémon  dé- 
clara immédiatement  qu'il  était  chrétien,  et 
qu  il  renonçait  au  paganisme.  Il  fut  mené 
avec  A[)olione  au  magistrat,  ainsi  que  plu- 
sieurs autres  chrélieiis.  Ce  magistrat,  après 
les  avoir  fait  cruellement  soullVir,  les  fit  jeter 
dans  un  bûcher.  Apollone  fit  cette  prière  : 
«  Seigneur,  ne  livrez  pasaux  bêtes  lésâmes 
de  ceux  qui  confessent  votre  saint  nom; 
mais  manifestez  votre  ()uissance.  »  Aussitôt 
un  nuage  environna  le  bûcher,  éteignit  le 
feu,  et  arracha  les  deux  saints  aux  flammes. 
Le  magistrat  et  tous  les  assistants  stupéfaits 
se  mirent  à  crier  :  «  Le  Dieu  des  chrétiens 
est  puissant,  il  est  le  seul  vrai  Dieu.  »  Le 
préfet  d'Egypte  se  fit  amener  à  Alexandrie 
le  juge  et  les  deux  saints  chargés  de  chaînes. 
Durant  le  voyage,  Apollone  convertit  les 
soldats  qui  le  conduisaient.  Arrivés  à  Alexan- 
drie, tous  confessent  généreusement  la  foi 
chrétienne.  Le  préfet,  voyant  qu'il  ne  pou- 
vait pas  parvenir  à  ébranler  la  foi  de  tous  ces 
saints,  les  condamna  à  être  tous  précipités 
dans  la  mer.  Cette  sentence  fut  exécutée  en 
l'année  311.  Au  bout  de  quelques  jours,  la 
vague  ayant  ramené  leurs  corps  sur  la  rive, 
ou  les  enterra  tous  dans  le  même  tombeau. 
llufin  raconte  que  beaucoup  de  miracles  s'o- 


APO 


222 


pérèrent  sur  ce  tombeau  jiar  l'intercession 
des  saints.  Il  dit  qu(!  lui-même  y  reçut  les 
preuves  de  la  puissance  (;t  d(!  la  bouté  di 
viiH'.  L'Eglise  célèbre  la  fête  de  tous  ces 
sai  Us  le  8  mars.  Voici  les  actes  authen- 
tiques de  sai'it  Apollonius  et  de  ses  compa- 
gnons; ils  sont  tirés  du  livre  (h;  Uiiliu,  de  la 
Vie  des  Pires,  cliap.  19,  conféré  avec  VJIis- 
toire  LausicK/HC  de  Pallade. 

«  Ces  anciens  solitaires  nous  racontent 
que,  du  temps  de  la  persécution,  il  y  en  avait 
un  nommé  Apollonius,  dont  la  vertu  et  le 
mérite  furent  récom])ensés  du  diaconat. 
Oi  le  voyait  aller  de  cellule  en  cellule,  et  de 
monastère  en  monastère,  exhorter  les  frères 
au  martyre,  et  leur  inspirer  sa  fermeté  et 
son  courage.  Ayant  été  ])ris  lui-même,  et 
mis  en  prison,  plusieurs  païens  y  venaient 
pour  lui  insulter,  et  i)Our  avoir  le  bizarre  et 
détestable  plaisir  de  blasphémer  en  sa  i)ré- 
sence  contre  Dieu.  De  ce  nombre  était  un 
certain  joueur  de  flûte,  nommé  Philémon; 
cet  homme,  qui  s'était  rendu  agréable  au 
peuple  [)ar  ses  chansons  et  ses  boufl'onne- 
ries,  voulant  mériter  encore  davantage  ses 
bonnes  grâces,  atfectait  de  dire  au  saint 
diacre  toutes  sortes  d'injures.  Il  l'appelait 
scélérat,  imj)ie,  séducteur,  un  homme  enfin 
qui  mh'ifait  la  haine  publique,  Apollonius 
ne  répondait  autre  chose,  sinon  :  Je  prie 
Dieu,  mon  fils,  qu'il  vous  pardonne  toiis  vos 
emportements,  et  qu'il  ne  vous  impute  point 
à  péché  les  paroles  injurieuses  que  vous  me 
dites,  Philémon  fut  touché  de  la  modération 
de  ce  saint  solitaire,  et  il  sentit  dans  le  mo- 
ment que  ce  peu  de  mots  faisait  sur  son 
cœur  une  impression  qui  avait  quelque  chose 
de  surnaiurel  et  de  divin;  en  sorte  que  ne 
pouvant  plus  résister  h  cette  violente  émo- 
tion, il  s'écria  qu'il  était  chiélien.  Cette  dé- 
claration fit  du  bruit,  et  fut  bientôt  portée 
aux  oreilles  du  juge.  Lui-même  s'approchant 
du  tribunal  lui  dit  hardiment,  en  présence 
d'une  foule  de  peuple  qui  l'environnait  : 
«  Vous  agissez  en  mauvais  juge,  lorsque  vous 
punis-ez  des  innocents,  des  hommes  aimés 
de  Dieu,  de  saints  religieux;  les  chrétiens 
sont  irrépréhensibles  dans  leur  doctrine 
comme  dans  leurs  mœurs.» Le  juge,  qui  con- 
naissait Philémon  pour  un  homme  clont  le 
métier  était  de  fan^e  rire  et  de  plaisanter  sur 
toutes  choses  ,  crut  d'abord  qu'il  méditait 
quelque  scène  bouffonne;  mais  reconnais- 
sant enfin  qu'il  parlait  sérieusement,  il  lui 
dit  :  «  Vous  avez  perdu  l'esprit,  Philémon,  et 
vous  êtes  hors  de  votre  bon  sens.  — Ce  n'est 
pas  moi,  répondit  Phdémon,  qui  ai  perdu 
l'esprit,  c'est  vous-même.  Oui,  une  injuste 
fureur  vous  possède,  et  elle  vous  fait  ré 
pandre  le  sang  d'une  infinité  de  gens  de  bien 
Pour  moi,  je  vous  déclare  que  je  suis  chré- 
tien; et  sachez  qu'd  n'y  a  point  d'hommes 
sur  la  terre  qui  leur  soient  comparables  en 
bonté.  »  Le  juge  voulut  d'abord  le  faire  re- 
venir à  force  de  caresses  et  de  flatteries; 
mais  voyant  aue  cela  était  inutile,  il  eut  re- 
cours à  la  violence,  quoique  avec  aussi  peu 
de  succès. 

«  Cependant  on  apprend  que  le  change- 


223 


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224 


ment  do  Philémon  n'est  arrivé  que  depuis 
qu'Aj'ollonius  lui  a  parlé.  Sur  cette  pré- 
somptio  1  on  met  Apollonius  sur  le  chevalet; 
il  est  traité  de  séducteur,  et  puni  comme  tel. 
«  Plût  à  Dieu,  s'écria  le  saint  homme  au  mi- 
lieu des  tourments,  que  vous,  ô  juge!  et 
vous  tous  qui  m'écoutez,  voulussiez-vous 
laisser  ainsi  séduire  !  Quelle  heureuse  séduc- 
tion pour  vousl  qu'une  pareille  erreur  est 
désirable!  »  L"  juge,  l'entendant  parlerde  la 
sorte,  le  condamna  à  être  brûlé  avec  Philé-  ,^ 
mon.  Ils  entrèrent  dans  le  feu  avec  un  visage 
riant,  et  l'on  entendit  Apollonius  qui,  du 
milieu  des  flannnes.  priait  o'i  ces  termes  : 
Seigneur,  n  abandonnez  pas  à  la  fureur  des 
bétes  farouches  les  âmes  de  ceux  qui  croient 
en  vous;  mais  faites  voir  que  vous  êtes  véri- 
tablement leur  Sauveur.  A  peine  le  saint 
avait-il  fini  sa  prière,  qu'h  la  vue  du  juge  et 
de  tout  le  peu[)le,  une  nuée  descendit  sur  le 
bûcher  et  en  éteignit  entièrement  le  feu. 
Cette  merveille  causa  un  prodigieux  étonne- 
raent  dans  les  esprits  ;  en  sorte  que  le  juge 
et  le  peui)le  s'écrièrent  tout  d'une  voix  :  «Le 
Dieu  des  chrétiens  est  grand,  il  est  immortel, 
il  est  le  seul  et  le  vrai  Dieu.  »  Le  préfet  d'A- 
lexandrie ,  ayant  eu  connaissance  de  toute 
cette  affaire,  devenu  pour  ainsi  dire  plus 
cruel  que  lui-môme,  et  enchérissant  sur  sa 
cruauté  ordinaire,  il  envoie  des  commissaires 
sur  les  lieux  pour  informer  contre  le  juge  et 
contre  le  peuple  qui  s'était  converti  à  la  vue 
du  miracle  dont  on  vient  de  parler,  et  pour 
les  amener  chargés  de  chaînes  à  Alexandrie. 

«  Mais  ceux  qui  avaient  ordre  deles  arrêter 
se  trouvèrent  eux-mêmes  pris  par  les  dis- 
cours d'Apollonius,  que  la  grAce  rendit  si 
eOicaces,  que  ces  hommes,  ayant  reçu  de 
tout  leur  cœur  la  foi  qu'il  leur  annonçait,  se 
livrèrent  eux-mêmes  au  préfet  avec  ceux 
qu'ils  conduisaient,  et  confessèrent  haute- 
ment qu'ils  étaient  (hrétiens.  Le  préfet, 
épouvanté  de  tant  de  conversions,  et  irrité 
de  la  généreuse  résistance  que  lui  faisaient 
ces  nouveaux  fidèles,  les  lit  tous  jeter  au 
fond  de  la  mer,  ne  sachant  pas,  l'impie,  qu'il 
en  faisait  des  chrétiens,  de  simi)les  catéchu- 
mènes qu'ils  étaient  auparavant.  Car  enfin 
ce  fut  moins  la  mort  (lue  le  ba[)tême  qu'ils 
reçurent  dans  les  Ilots. 

«Cei)endant  leurs  corps,  par  unedisposition 
toute  particulière  de  la  Providence,  furent 
noussés  sur  le  rivage  par  les  vagues  et  en- 
levés par  les  fidèles  (jue  la  charité  avait  con- 
duits en  ce  lieu.  Ils  furent  tous  mis  dans  un 
mêm(!  tombeau  oii  il  se  fait  cluupu'  if)ur  di- 
vers mirar-les,  ces  saints  martyrs  étant  tou- 
jours j)rêts  (1  rf-cevoir  les  v(eu\  et  les  prières 
de  ceux  (pii  ont  recours  à  leur  intercession, 
qu'on  n'emploie  jamais  en  vain  aujirès  de 
Dieu.  ); 

APOLLONE  (saint)  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre avec  saint  l'jigène.  On  igiiori!  dans 
quel  lieu  et  dans  (nielles  circonstances.  L'K- 
glise  célèbre  la  mémoire  de  ces  deux  saints 
le  '2.'{  juilj(,i. 

APOLLONK  (saintj,  martyr,  était  évêquc 
h  J{i'e.ss(!.  C(;  fut  1?»  cpi'il  confessa  sa  foi  au 
rniJieu  des  tourments.  Le  Martyrologe  ro- 


main ne  donne  malheureusement  pas  de  dé- 
tails. L'Eglise  célèbre  sa  mémoire  le  7  juillet. 

APOLLONE  (saint),  accomplit  son  martyre 
sur  la  croix  dans  la  ville  d'Icône.  On  n'a 
aucun  détail.  Le  Martyrologe  romain  ne  dit 
p:<s  non  plus  en  quelle  année.  L'Eglise  célèbre 
la  mémoire  de  ce  saint  martyr  le  10  juillet. 

APOLLONIE  (sainte)  ou  Apolline,  eut  la 
gloire  de  mourir  pour  Jésus-Christ  à  A'exan- 
drie,  au  milieu  d'une  émeute  popuiaire  qui 
s'éleva  contre  les  chrétiens  sous  le  règne  de 
l'empereur  Philippe,  qui  monta  sur  le  trône  en 
2'i-5.VoicicommentsainlDenis,dans  une  lettre 
citée  par  Eusèbe,  raconte  le  martyre  de  cette 
sainte.  Il  se  forma  tout  à  coup  dans  Alexan- 
drie un  orage  si  universel  contre  les  chré- 
tiens, qu'on  le  vit  fondre  en  un  instant  de 
tous  côtés  sur  leurs  maisons  et  sur  leurs  per- 
sonnes. On  forçait  leurs  logis,  on  se  jetait 
sur  ceux  qu'on  y  trouvait,  on  les  en  chas- 
sait, on  les  dépouillait.  Les  meilleurs  meu- 
bles étaient  enlevés,  comme  un  butin  pris  de 
bonne  guerre  sur  des  ennemis,  et  on  brû- 
lait ceux  qui  n'étaient  que  de  bois;  en  un 
mot,  on  voyait  partout  dans  Alexandtie 
l'image  d'une  ville  prise  d'assaut.  Les  frères, 
de  leur  côté,  n'opposaient  que  la  fuite  à  cette 
horrible  violence;  ils  paraissaient  peu  tou- 
chés de  la  perte  de  leurs  biens,  et  ils  en 
voyaient  le  pillage  avec  cette  joie  tranquille 
qui  marque  le  peu  d'attache  qu'on  y  a. 
Mais  leur  foi  ne  fut  pas  moins  ferme  que 
leur  désintéressement  fut  parfait;  car  de 
tous  ceux  qui  tnmbèrent  entre  les  mains  de 
ces  furies,  il  n'y  en  eut  qu'un  seul  que  je 
sache,  qui  fut  assez  malheureux  i)Our  re- 
noncera Jésus-Christ.  L'admirable  Ajiollonie 
que  la  vieillesse  et  la  virginité  rendaient 
également  vénérable ,  ne  put  l'être  à  ces 
hommes  de  sang.  Ils  lui  tirent  sauter  les 
dents  à  force  de  lui  décharger  des  coups  de 
poing  sur  les  mâchoires,  puis,  ayant  fait  al- 
lum  r  un  grand  feu  hors  de  la  ville,  ils  la 
menacèrent  de  la  brûler  toute  vive  si  elle  ne 
disait  avec  eux  de  certaines  paroles  impies; 
elle  leur  demanda  quelque  moment  comme 
pour  s'y  résoudre;  mais  ce  ne  fut  que  pour 
se  lancer  d'elle-même  dans  le  feu,  ne  vou- 
lant pas  qu'on  pût  soupçonner  le  moins  du 
monde  son  sacrilice  de  n'être  pas  volontaire. 
L'Eglise  fait  la  fête  de  sainte  A[)olline  le  9 
févi'ier. 

APOLLONIUS  (saint),  se  convertit  à  la  re- 
ligion chrétienne  durant  la  paix  dont  l'E- 
glise jouit  sous  rem()ereur  Cou  mode.  II 
était  sénatinn-  et  eut  la  gloire  d'ajouter  à 
c((  litre  c(^lui  d'apologiste  et  de  maityr.  Il 
était  [)liilosophe  ei  versé  dans  la  connais- 
sance des  belles-lettres.  Ou  sait  rab>urdo 
jnrispiudence  (pu^  J'rajan  et  ensuite  Marc- 
Aurèle  avaient  établie.  Si  un  chrétien  était 
(If'iio  icé,  le  dénonciateur  devait  être  puni 
de  mort;  mais  le  chrétien  devait  l'être  aiKssi, 
s'il  ne  renonçait  pas  à  sa  religion.  Nous 
avons  apprécié  ailleurs  ce  (pi'il  y  a  d'ab- 
surde dans  une  telle  loi.  Sauit  Apollonius 
en  fui  victime.  Un  misérable  esclave,  nommé 
Si'vèie,  accusa  saint  Apollonius  d'être  chré- 
tien devant  Péreiniis,  (jui  était  préfet  du  pré- 


225 


APO 


APP 


22b 


loiro.  Cette  charge  iUi  donnait  l'autorité  do 
juger  les  sénateurs.  Il  est  [)robable  que  ce 
fut  en  185  ou  en  18G  ([ue  cet  événoiiicrit  eut 
lieu,  puis(|ue  Péreiuiis  fut  tué  à  la  lin  do 
cette  dernière  année.  Pérennis  condamna 
l'accusatcnr  i»  moi't,  et  à  avoir  les  janihes  et 
les  bras  rompus  à  coups  do  barres  de  fer.  11 
fut  attaché  ?i  un  poteau  sur  le({uol  il  subit 
son  supplice.  Ensuite  Pérennis  ordonna  à 
saint  Apollonius  de  rendre  compte  de  sa  i-c- 
ligion  au  sénat,  en  qualité  d(î  membre  de 
cette  compagnie.  Le  saint  composa  une  a[)o- 
logie  Irôs-forte  et  très-savante,  qu'il  lut  dans 
le  sénat.  Saint  Jérôme  en  fait  le  plus  grand 
éloge.  Mais  comme  il  était  défendu  d'ab- 
soudre un  chrétien  qui  persistait  dans  sa  foi, 
le  sénat  condamna  saint  Apollonius  à  avoir 
la  tète  tranchée.  L'Eglise  romaine  honore 
sa  mémoire  le  18  avril. 

Nous  citerons  ici  ses  actes  tirés  d'Eusèl)C  : 
«  Sous  le  règne  de  l'empereur  Commode, 
les  affaires  de  la  religion  demeurèrent  dans 
un  état  assez  tranquille,  l'Eglise,  par  la  mi- 
séricorde de  Dieu  jouissant  de  la  paix  par 
toute  la  terre.  Cependant  la  parole  qui  opère 
le  salut  dans  les  Ames  attirait  un  très-grand 
nombre  de  personnes  au  culte  de  Dieu;  en 
sorte  que  les  plus  considérables  do  Rome, 
soit  pour  la  naissance  ou  pour  les  biens  de 
la  fortune,  accouraient  tous  les  jours,  suivis 
de.toute  leur  maison,  pour  recevoir  le  saint 
baptême.  Le  démon,  l'ennemi  irréconciliable 
des  gens  de  bien,  ne  put  voir  sans  une  ex 
trême  rage  le  progrès  étonnant  que  faisait 
le  christianisme  dans  la  première  ville  et 
parmi  les   premiers  hommes  de  l'univers. 
Le  voilà  qui  dresse  de  nouvelles  machines 
contre  nous;  il  s'arme  de  nouveaux  artifices 
pour  tâcher  de  détruire  un  culte  qui  détrui- 
sait le  si(  n  ;  il  corrompt  le  domestique  d'un 
nouiraé  Apollonius,  personnage  que  l'étude 
des  belles-lettres  et  de  la  philosophie  ren- 
dait recommandable,  et  qui  s'était  acquis  par 
sa  vertu  l'estime  de  tous  les  honnêtes  gens. 
Cet  esclave,  homme  perdu  et  digne  de  con- 
tribuer à  l'accomplissement  des  desseins  du 
prince  des  ténèbres  déféra  son  maître  de- 
vant le  préfet  de  Rome;  mais  ce  fut  si  mal 
<i  propos  pour  lui  qu'il  lui  en  coûta  la  vie; 
car,  par  un  édit  de  l'empereur,  il  était  dé- 
fendu, sous  peine  capitale,  à  qui  que  ce  fût, 
de  se  rendre  délateur  contre  les  chrétiens; 
ainsi  ce  misérable  fut  en  môme  temps  ex- 
pédié, et  par  seijtence  du  préfet  Pérennis,  il 
tut  rompu  tout  vif.  Cependant  Apollonius,* 
qui,  dans  son  cœur,  s'otfrait  déjà  à  D;eu  en 
sacrifice,  et  que  Dieu  acceptait  comme  une 
victime  qui  lui  était  agréable;  Apollonius, 
dis-je,  après  avoir  généreusement  résisté  à 
tout  ce  que  le  préfet  lui  put  dire  de  tou- 
chant pour  ébranler  sa  fermeté,  obtint  la 
permission  de  parler  devant  le  sénat  et  de 
rendre  raison  de  sa  foi  ;  il   fit  un  discours 
fort  éloquent  pour  la  défense  de  cette  môme 
foi  et  sa  propre  justification.  Après  qu'il  eut 
cessé  de  parler,  tout  le  sénat  le  condamna 
i'une  commune  voix  à  avoir  la  tête  tran- 
j-hée.  Car  il  y  avait  un  règlement  fait  depuis 
auelque  temps  par  cette  compagnie,  qui  por- 


tait qiie  dès  qu  un  chrétien  aurait  été  une 
fois    dénoncé  ,  d   n(;   ponrrait  être  renvoyé 
absous,  à  moins  (ju'il  ua  chang(!àt  de  senti 
ments  et  d(^  religion.  » 

APPIA  (sainte),  eut  pour  compagnon  de 
son  martyre  saiid  Piiilé(non,  connue  Vile  dis- 
ciple de  saint  Paul,  apoire.  Ils  soullVicent  à 
Coloss(\s,  en  Phrygie,  sous  la  persécution  do 
Néron.  Sa  fête  a  lieu  le  2'J  novend)ie. 

APPIEN  (saint),  maityr, mourut  à  Alexan- 
drie en  confessant  sa  foi.  On  ignon»  à  quelle 
époque.  Il  eut  pour  compagnons  de  son  mar- 
tyre saint  Mansuet,  saint  Sévère,  saint  Do- 
uât, saint  Honorius  «t  d'autres  saints  dont 
les  noms  sont  ignorés.  L'Eglise  célèbre  leur 
immortelle  et  sainte  mémoire  le  30  dé- 
cembre. 

APPIEN   (saintl,  martyr  à  Césarée  de  Pa- 
lestine, naquit  dans  la   Lycie.  Ses  parents 
étaient  fortunés  et  nobles.  Envoyé  de  bonne 
heure  à  l'école  de  Béryte,  en  Phénicie,  pour 
V  apprendre   l'éloquence,  la  philosophie   et 
le  droit,  il  fit  de  rapides  progrès  dans  ces 
diverses  sciences.  îl  s'y  convertit  à  la  reli- 
gion chrétienne,  et  armé  des  vertus   qu'on 
puise  dans  l'amour  divin,  il  se  jiréserva  des 
passions  et  des   écarts  dans  lesquels  tombe 
d'ordinaire  la  jeunesse  des  écoles.  De  re- 
tour dans  sa  patrie,  il  eut  la  douleur  de  ne 
pouvoir  pas  convertir  ses  parents,  ce  qui  lui 
fit  prendre  la  résolution    de  s'éloigner  de 
chez  eux.  Il  vint  à  Césarée  de  Palestine    se 
mettre  au   nombre    des  disciples  de   saint 
Pamphili,   célèbre  par  ses  leçons  érudites 
sur  les  Ecritures.  L'empereurGalère  Maxi 
mien,  ayant  renouvelé  la  persécution  contre 
les   chrétiens,  ordonna  au  gouverneur  de 
Césarée  de  contraindre  tous  les  sujets  de 
l'empire  de  se  trouver  aux  sacrifices  publics. 
Appien  n'attendit  pas  qu'on  recherchât  quels 
étaient  ses  sentiments.  Il  quitta  son  logis, 
dit  Eusèbe,  sans  avoir  dit  son  dessein  à  per- 
sonne, pas  même  à  nous,  avec  lesquels  il  de- 
meurait. Il  se  rendit  au  temple.  Les  soldats 
de  garde  l'ayant  Liissé  passer,  il  s'approcha 
du  gouverneur  Urbain ,   et  lui  saisissant  le 
bras  à  l'instant  où  il  le  levait  pour  sacrifier, 
il  lui  dit  qu'on  ne  devait  adorer  que  le  vrai 
Dieu,  et  que  tout  culte  rendu  aux  idoles 
était  sacrilège.  Cette  action  d'Appien,  jugée 
d'après  les  règles  ordinaires,  ne  serait  pas 
de  nature  à  être  approuvée  ;  mais  il  est  pro- 
bable que  Dieu  inspira    ce  jeune  homme 
pour  abattre  la  vanité  des  idolâtres,  et  pour 
faire  voir  à  tous  jusqu'à  quel  point  les  dis- 
ciples du  vrai  Dieu  méprisaient  la  mort.  Les 
gardes  se  ruèrent  sur  Appien,   le  renversè- 
rent et  le  couvrirent  de  blessures.  Il  passa 
ving-quatre  heures   en   prison,  les  jambes 
prises  d  ins  des  ceps  ;  ensuite  on  le  déchira 
avec  les  ongles  de  fer,  au  point  qu'on   lui 
voyait  à  découvert  les  os  et  les  entrailles. 
Son  visage  fut  tellement  meurtri    à    coups 
de  verges  armées  de  plomb,  qu'il  devint  mé- 
connaissable pour  ceux  qui  le  voyaient  jour- 
nellement. A  tout  ce   qu'on  lui  disait,  il  ne 
répondait  qu'une   seule  cho-e  :  Je  suis  le 
serviteur   de  Jésus  -Christ.  Le  gouverneur, 
transformé  en  bête  féroce  par  la  rage  qu'il 


2£Tr 


AQO 


AQIJ 


m 


éprouvait,  lui'fit  eivciOppcr  \25  pieds  avec 
une  étoile  iml)iî>(.^c  d'huile.  On  y  mit  le  fou. 
La  !1  iimne  le  brûl;i  profoudoineiit,  uKiis  son 
courage  resta  invincible.  Keporté  en  i^rison, 
il  y  resta  trois  j')urs,  après  Icsqui^ls  le  ;^ou- 
vcrneur  onJoina  qu'oi  le  jetât  d;\ns  ]\  mer. 
A  iss  tôt  qu'il  fut  dans  la  mer,  une  tempête 
furieuse  s'éleva ,  et  tiuoiqii'on  eût  attaché 
d'énormes  [)ierres  au\  pieds  du  saint,  elle 
T)0ussa  son  corps  vis-à-vis  une  des  portes  de 
la  ville. Sai-ilA[)pien  n'avait  que  dix-ne  if  aïs 
■quand  il  mo'U'ut  pour  Jésus-Christ.  Ce  fut 
en  30(5,  le  2  avril,  jour  auquel  sa  fête  est  ins- 
crite au  M.irlvrolo^e  romain. 

APKONIEN  (>aint),  marlyr,  était  geôlier  à 
Rome.  Un  jour,  éuint  encore  païen,  tirant 
de  prison  sanit  Sisinne  pour  le  faire  compa- 
raître devant  le  préfet  Laodice,  il  entendit 
ces  parol'-s  prononcées  jiar  une  voiv  veime 
du  c  el  :  «  Venez,  les  bénis  de  mon  père  ;  pos- 
sédez le  royaume  qui  vous  a  été  préparé  dès 
la  création  du  monde.  Aussitôt  il  crut  et  re- 
çut le  haplôme.  Et  [)ersévérant  dans  la  suite 
a  C{mfes^er  Jésus-Christ,  il  fut  condamné  à 
perdre  la  tête.  L'  Ejjlise  célèbi'e  sa  mémoire 
le  2  février. 

APUONiEN,  préfet  de  Rome  sous  Julien 
l'Apostat,  se  montra  fort  acliaraé  contre  .lt5S 
chétiens,  (|u'il  peisécuta  violemment.  Il  (it 
mourir,  en  362,  les  saints  Jean  et  P.ml,  tous 
deux  oiïiciers  dans  les  iroupes  impériales. 
Quiind  ce  magistrat  eut  été  nommé  [)ar  Ju- 
lien, en  s'acheminant  vers  Rom/\  il  perdit 
un  œil.  Dans  sa  rage  de  cet  accident,  il  l'at- 
tribua aux  magiciens,  et  sous  ce  nom  il  en- 
tendait les  chrétiens.  Il  résolut  de  leur  en 
faire  [)ort('r  la  peine.  Il  fit,  à  cause  de  cela, 
un  gi  and  nombre  de  martyrs,  parmi  lesquels 
onciimpte  sainte  Bibi me.  Elle  étaitllomaine 
et  vivait  faintement  dans  l'état  de  virginité. 
Son  [)ère  se  nommait.  Flavien,  et  sa  mère 
Dafrose.  Tous  deux  étaient  chrétiens  fer- 
vents. Flavien,  qui  était  chevalier  romain, 
fut  pris,  et  on  lui  ôta  un  (unploi  considéra- 
ble qu'il  remplissait  depuis  longtemps.  Après 
qu'on  lui  eut  brûlé  le  visage  avec  un  fer 
rouAe,  il  fut  banni  à  Aqua-Pendente,  qu'on 
nommait  ,\\ov^Aqnœ-Taurin!e.  Il  y  mourut  fort 
peu  de  tem()s  après  des  suites  Je  ses  bles- 
sures. Quant  t»  Dafros  ',  on  la  renferma  du- 
l'ant  queh^ue  temps  dans  sa  maison.  Puis 
enfin  on  l'en  tira,  par  l'ordre  d'A[)ronien. 
Ce  juge  féroce,  n'ayant  pu  venir  à  bout  de 
Ribiane,  ni  par  menaces  ni  [lar  séduction, 
la  cjudnuna  à  être  attachée  à  un  pilier  et 
battue  à  co  qjs  de  fouets  armés  de  plomb, 
jusqu'à  ce  (Qu'elle  expirât. 

APULfil-:  (saint,  avait  été  converti  par  l'a- 
pôtru  s.iint  Paul.  Il  (nieidit  la  palnuidu  mar- 
tyre durant  la  persécution  de  l'empereur 
Doiu  tien,  sans  (pi'on  ail,  sur  le  lieu  et  sur 
le  gcni'e  de  son  su;i|)li(;(',  aucun  document 
autlienli(4ue.  L'Eglise  l'ait  sa  fête  le  7  oc- 
tobre. 

AQUAVIVA  (h;  bicmhenreux),  d(i  la  com- 
pagni(i  (le  Jésus,  après  avoir  évangélisé  avec 
i'i'uit  dans  l'eiiqjire  monghol,  lut  noiumé 
re!;t(:ur  du  <ol;é^t;  (pn;  les  Jésuites  avaient 
dans  l'île  d"  Salcetle.  Il  }■  cueillit  la  jialnir  du 


martyre  le  15  juillet  15^3,  pende  mois  après 
son  retour  de  l'empire  monghol.  Il  eut  pour 
comjiagnous  de  son  marivrelesP.  Al[)honse 
Pachc'O,  Antoine  -  rran.jois,  Pierre  Berna, 
prêtres,  et  le  frère  coadjuîeur  François  Ara- 
gna.  (Tinner,  S:)cietis  Jesu  nsque  ad  sangui- 
nis  et  vitœ  profusionem  mililans,  p.  2'i-7.  Le 
P.  d'Outrenian,  Recueil  des  hommes  illustres 
de  la  compagnie  de  Jésus,  p.  i57.  Du  Jarrie, 
Histoire  des  choses  mémorables,  etc. ,  tom.  I, 
p.  352.) 

AQUJË  GRADATM.  Voy.  Sa^-Cantiano. 
AQUILA,  nom  d'un  juge  qui,  sous  l'em- 
pire d.'  Septime-Sévère,  fit  mourir  en  .Ma- 
cédoine saint  Sérapion,  inscrit  au  Martyro- 
loge romain  au  13  juill  I. 

AQUILA,  gouverneur  d'Alexandrie  sous 
l'empire  de  Sévère,  fait  mourir,  dans  cette 
capitale  de  l'Egypte,  sainte  Polamienne , 
saint  Plutarque  et  six  autres  disciples  d'O- 
rigène.  Il  se  distingua  par  la  cruauté  des 
supplices  qu'il  fit  endurera  ces  saints  mar- 
tyrs. 

AQUILA,  prêtre  de  l'Eglise  d'Alexandrie, 
qui  allait  de  côté  el  d'autre  dans  l'Egypte, 
pour  se  cacher  durant  la  persécution  deDèce, 
tandis  que  les  autres  prêtres,  envoyés  par 
saint  Denis,  allaient  secourir  et  consoler  les 
fiilèles.  Les  expressions  de  saint  Denis  sont 
celles  que  nous  soulignons.  L'admirable  in- 
dulgence du  saint  ne  caractérise  pas  autre- 
ment la  désertion  dont  ce  prêtre  se  rendait 
coupable.  11  faut  distinguer,  entre  le  chré- 
tien, prêtre  ou  non,  qui  prend  la  fuite  en 
temps  de  persécution,  quand  sa  vie  est  di- 
rectement menacée,  et  qu'il  n'est  point  utile 
aux  autres  en  restant,  et  celui  qui,  sans 
être  actuellement  menacé,  ou  même  l'étant, 
déserte  un  poste  où  Dieu  lui  donne  des  de- 
voirs à  rem;ilir  au{)rès  de  ses  frères.  Le  prê- 
tre en  temps  de  persécution,  le  soldat  le 
jour  de  la  bataille,  le  médecin  dans  les  temps 
d'é[)idémie ,  doivent  rester  à  leur  poste  ; 
faire!  autrement,  c'est  déserter. 

AQUILAS  (saint],  martyr,  eut  le  glorieux 
privilège  de  verser  s  >n  sang  [)Our  la  foi.  Il 
eut  pour  compagnons  de  gloire  saint  Domice, 
saint  Eparque,  les  saintes  Pélagie  et  Théo- 
dasie.  La  date  et  le  lieu  de  leur  martyre 
sont  inconnus.  L'Eglise  honore  leur  mé- 
moire le  23  mars. 

AQUILAS  (saint),  martyr,  vivait  dans  la 
Théijaide.  Il  fut  déihii'é  avec  des  peigm^s  de 
fer  [)our  l'amour  de  Jésus-Christ.  On  ignore 
à  (juelle  épo(pie.  L'Eglise  célèbre  sa  mé- 
mo ne  le  20  mai. 

AQUILAS  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  pour  Jésus-Chiist  à  Pliiladelphie,  en 
Arabie.  Il  eut  |)our('ouipa  nous  tie  son  mar- 
tyre les  saints  Cyrille^  Pierre,  Domilien, 
lluf  (!t  Mena  idi'e.  L(i  Martyrologe  romain  ne 
mar(iu(î  point  répo([ue  oCi  eut  lieu  hnir  mar- 
tyre. L'Eglise  lionore  leur  mémoire  le  1" 
août. 

AQUILK  (sainte),  martyre,  .«-ouirrit  la 
mort  à  Césan.'e.  en  Miuritaihe ,  avt'C  sou 
mari  Sévéricni.  Ils  furent  liviés  aux  llamaies 
cl  furent  ainsi  couronnés.  L'^C^liie  fait  loui 
fête  le  23  janvier. 


iennt'iiioil  capitiilc  des  iann,  \)q  pie  no 
é'iilio.  Ikiiiillet  (Dict.  universel  d'histoire 
'  lie  qi'o(jraphie)  dil  qircIlL'  osl  lo  sii^ge  d'uii 
ahiarc.it  (jui  était  d'abord  h  (ji'ado.  Pour 


2-29  ACU 

AOUILKE,  ville  dn  royaiimo  (nilyrio,  an- 
cieniu'iiioil  capitale   des  Carni,   |)('   pie  do 

Vé-  ■         ■         ■         '    '"■  ' 

et 

patriarc.it  (ji--   ^  -  - 

(Hro  p.jrfaituiiHMit  exact  il  faut  dire  :  que  (;e 
si'''j;o  é'ait  d'ahord  h  Aquiléo ,  qu'il  fut 
ti  aiisféré  Ji  (irado  avec  les  coi'ps  de  saiul  Iler- 
inagorc ,  premier  évoque  trA({uilée,  et  de 
saint  Fortunat,  son  archidiacre,  (jui  fureiit 
les  premiers  martyrs  qu'ait  vus  mouiir  celle 
ville.  Kn  transférant  h  une  épcxpie  plus  rap- 
nrotliée  le  siéj^e  épi.-copal  de  Grado  à  Aqui- 
lée,  on  n'a  lait  que  rendre  h  celte  dernière 
ville  ce  qu'anciennement  on  lui  avait  ôté. 
Dans  la  môme  persécution  (celle  de  Néron) 
celt(^  ville  vit  couronner  les  saintes  Doro- 
thée, luiphémie  et  Tliècle ,  ainsi  que  saint 
Erasme.  On  manque  de  doiunucnts  sur  tous 
ces  saints  mait_>  rs.  Sous  l'empire  de  Numé- 
rien,  cette  ville  vit  le  mart.re  de  saint  Hi- 
laire,  sou  évéquo  ,  de  saint  Tatien  diacre,  et 
(les  saints  Lar-,e,  Félix  et  Denis,  (|ue  lieroine, 
qualitié  président  par  le  Martyrologe  romain , 
lit  mettre  à  mort  pour  la  foi  chiéliennc.  On 
ne  sait  pas  comuientil'S  terminèrent  leur  sa- 
critii'e  ;  mais  ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'est 
que  Boroine  les  lit  appliquer  au  chevalet  et 
ensuite  tourmenter  tle  diverses  lagons.  Dans 
les  commenceuients  du  iv^  siècle,  et  de  la 
persécution  de  D  oclétien,  saint  Chrysogone 
qu'on  avait  arrêté  à  lloine,  fut  d(''capité  dans 
la  ville  d'Aquilée.  On  a  peu  de  détails  sur  ce 
martyre.  En  l'an  de  Jésus-Christ  3()'i.,  sainie 
Anastasie,  pupille  et  élevée  dans  la  foi  du 
saint  (|ue  nous  venons  de  nommer,  fut  mise 
à  moil  pour  la  foi.  Ayant  appris  l'arresta- 
tioïi  de  saint  Chrysogone ,  elle  était  venue 
lui  prodiguer  des  co  isolations  et  les  soins 
qui  lui  étaient  nécessaires,  {Voy.  Anastasik.) 

AQUILIN  (saint),  maityr,  mourut  pour  la 
foi  à  Fossombr(»ne  II  eut  pour  compagnon 
de  son  martyre  les  saints  Géminé,  Gélase , 
Mag,  e  et  Donat.  On  igaore  la  date  de  leur 
coujbat.  L'Eglise  cclèbie  leur  mémoire  le  4 
février. 

AQUILIN  (saint),  martyr,  mourut  en  Afri- 
que en  confe^sant  sa  foi.  Il  eut  pour  com- 
p  ignons  de  sa  gloire  les  saints  Géminé,  Eu- 
gène, Marcien,  Quinctus,  Théodote  et  Tri- 
phon.  On  ignore  l'époque  où  eut  lieu  leur 
martyre.  L'Eglise  célèbre  leur  sainte  mé- 
moiie  le  h  janvier. 

AQUILIN  (saint) ,  martyr,  mourut  pour  la 
foi  dans  la  ville  de  Nyon.  Les  compagnons 
de  son  martyre  furent  les  saints  Héracle , 
Paul  et  deux  autres,  que  le  Martyrologe  ro- 
main ne  nomme  pas.  On  ignore  les  ci,- 
constances  et  la  date  de  leur  martyre.  L'E- 
glise fait  leur  fête  le  17  mai. 

AQUILIN  (saint),  martyr,  était  prêtre  à 
Milan.  Il  y  eut  la  gorge  percée  d'un  coup 
d'épée  par  les  Ariens,  et  reçut  ainsi  la  cou- 
ronne du  martyre.  On  ignore  à  quelle  épo- 
c{ue.  L'Eglise  célèbre  sa  mémoire  le  29  jan- 
vier. 

AQUILIN  (saint),  martyr,  souffrit  le  mar- 
tyre en  Isauric  avec  saint  Viclorien.  On 
ignore   en  quelle  circonstance  et  à  quelle 


AHA 


2.-0 


époque.  L'Eg'ise  célèbre  son  illustre  mé- 
mo re  le  10  uiai. 

AQUILIN  {Gracchus  Claudius  Aquilinm) ^ 
gouveimur  de  IJitliynie  sous  Tempiic  do 
Dèce ,  se  îit  l'instrument  bien  cruel  de  la 
nersé(rution  que  ce  prince  sanguinaiie  al 
luma  contre  les  chrétiens.  Si  nous  en  jug(!ons 
j)ai'  l'exécrable  ai'deur  (ju'il  mit  à  toeriuen 
ter-  saint  'Jfy|)lion  et  saint  Res|)ice,  il  dut 
cxer-c(M'  de  grandes  cr-uautés  dans  son  gou- 
vernement. Il  lit  endurer  aux  deux  saints 
que.  noirs  venons  de  nommer  des  supplices 
ellïoyables  dui-ant  plusieurs  jours,  et  cela 
avec  un  raffinement  de  cruauté  excessif.  Les 
Actes  (le  ces  deux  saints  racontent  (pie  dans 
rinfervalle  des  allVeuses  tortures  qu'il  leur 
faisait  endur(T,  il  se  livrait  à  ses  amuse- 
ments ordinaires.  Ainsi,  en  sortant  de  les 
fair'e  déchirer  ixMidant  trois  heures  avec  les 
•  ongles  de  fer,  il  partait  [)Our  la  chasse,  en 
ordonnant  ({u'on  les  laissât  ainsi  tout  mu- 
tilés, tout  couverts  de  i)laies,  exposés  à  l'ac- 
tion d'un  froid  rigoureux  qui  régnait  alors. 
Voyant  au  bout  de  ([irelques  jours  que  tou- 
te>  ses  fureurs  et  ses  cruautés  étaient  inuti- 
les, il  fil  décapiter  les  deux  saints. 

AQUILIN,  juge  qualifié  président  par  le 
Martyrologe  romain,  fit  mettre  à  mort  sous 
Dèie,  sans  désignation  de  lieu,  saint  ^^ara- 
mon  et  trois  cent  soixante-quinze  cni(^tiens 
avec  lui. 

AQUILINE  (sainte),  martyre,  était  mère  de 
saint  Victor,  lévite  à  Roda  près  Gironne,  en 
Espagne.  Victor  ayant  reçu  dans  sa  maison 
L's  deux  saints  Vincent  et  Oronte,  et  les 
ayant  ensevelis  après  que  Rutin,  qui  gouver- 
nait le  pays  pour  Dioclétien,  les  eut  fait  mar- 
lyj'iser,  fut  lui-même  mis  à  mort  par  ordre 
de  Ruiin,  qui  lui  fit  piéalablemevii  souffrir 
d'horribles  tourments.  Sainte  Aquiline  avec 
son  mari  as.^istail  au  supplice  de  son  bien- 
heureux fis.  Epouvanté  h  la  vue  du  sang 
qui  coulait  des  plaies  de  .^on  fils  sous  le  fouet 
des  bourr-eaux,  le  ;.ère  de  Victor  vo.ilut  [)ren- 
dre  11  fuite  ;  m  us  Aquiline  le  i^elinl  en  lui 
disant  :  Soyons  fermes  dans  la  foi ,  et  mou- 
rons pour  Jésus-Christ.  R  entôt  les  bour- 
reaux se  .-aisirent  d'eux,  et  tous  deux  s'étant 
agenouillés  reçurent  le  coup  mortel.  Comme 
saint  Vrctor,  ils  sont  inscrits  au  Martyro- 
loge romain,  à  la  date  du  22  janvier. 

AQUILLNE  (sainte),  martyre,  répandit  son 
sang  pour  la  foi  en  Lycie  avec  sainte  Nicette, 
convertie  comme  elle  à  la  religion  chrétienne 
par  .'^aint  Christophe,  martyr.  On  ignore  à 
quelle  époque  leur  martyr  e  eut  lieu.  L'Eglise 
célèbre  leur  mémoire  le  2i  juillet. 

AQUIN ,  ville  du  royaume  de  Naples,  cé- 
lèbre par  les  to.rmeuts  qu'y  endura  saint 
Cligne  pour  la  confession  de  la  foi  chré- 
tienne. 

ARABIE  (sainte),  martyre,  cueillit  la  palme 
du  martyre  à  Nicée  avec  les  saints  Theusétas 
et  Horrez ,  son  fils,  les  saintes  Théodora  , 
Nymphodora  et  saint  Mfirc.  Ils  furent  tous 
livrés  aux  fiammes.  L'Eglise  célèbre  la  mé- 
moir-e  de  ces  illustres  martyrs  le  13  mars. 

AHAGNxV  (le  bienheureux  François),  de 
la  compagnie  de  Jésus,  frère  coadjuteur,  fut 


tel 


ARA 


associé  au  martyre  du  B.  Aquaviva,  recteur 
du  coH<''se  que  les  jésuites  avaient  dans 
Vile  de  Salcette,  avec  les  B.  Pierre  Berna, 
Antoine  François  et  Alfonse  Paclieco,  prê- 
tres de  la  môme  compagnie.  Leur  martyre 
eut  lieu  le  15  juillet  1583.  (Tanner,  Societns 
Jesn  usque  ad  sanguinis  et  vitœ  profusionem 
militans,  p.  2M.  Le  P.  d'Outreman,  Recueil 
des  lioinmes  illustres  de  la  compaguie  de  Jé- 
sus, p.  i57.  Du  Jarrie  ,  Ilistoires  des  choses 
plusméinorables,  etc.,  t.  I,  p.  352.) 

AUANDA,  VALDIVIA  (Martin  d'),  de  la 
compagnie  de  Jésus, et  parent  du  P.  Louis  Val- 
divia,  était  né  à  Villaricca  du  Chili,  en  1561, 
de  colons  espagnols,  et  avait  servi  comme  offi- 
cier de  cavalerie.  Ayant  été  nommé  au  gou- 
vernement d'une  })rovince  ,  il  voulut,  avant 
de  se  rendre  à  son  nouveau  poste,  faire  les 
exercices  spirituels,  alin  d'attirer  sur  lui  les 
bénédictions  du  ciel.  Dieu  toucha  son  cœur, 
il  renonça  au  monde  et  entra  dans  la  com- 
pagnie, il  avait  trente-un  ans.  Il  fut  envoyé 
par  son  p^arent  pour  évangéliser  la  tribu 
des  Klicurieiis,  avec  les  bienheureux  Horace 
de  Vecchi  et  le  coadjuteur  Diego  de  Mon- 
tai van.  Peu  de  temps  auparavant,  le  P.  Louis 
ValJivia  avait  baptisé  trois  des  femmes 
d'Anganomon,  cacique  des  Arançanos.  Ces 
feiOmcs  s'étaient  évadées  avec  leurs  enfants 
tout  jeunes  encore,  et  réfugiées  auprès  des 
Espagnols.  Anganomon  les  ayant  réclamées 
en  vain,  résolut  de  se  venger.  Ayant  appris 
le  départ  de  nos  trois  missionnaires,  il  les 
suivit  avec  deux  cents  cavaliers,  et  fondit 
sur  eux  au  moment  oti  ils  faisaient  leur  pre- 
mière exhortation  aux  Llicuriens.  Ils  furent 
as>-onnnés  à  coup  de  massue,  percés  de  tlè- 
ches,  et  eurent  ensuite  la  tête  tranchée  le 
4  décembre  1C12.  D'autres  auteurs  préten- 
dent (ju  ayant  été  liés  à  un  arbre  pour  être 
écorchés  vifs,  on  le  ir  arrach i  le  cœur  et 
qu'ils  furent  achevés  à  coups  de  massue. 
(Tanner,  Societas  Jesu  risque  ad  sanguinis 
et  vitœ  profusionem  militans,  p.  kGï.) 

ARA.NZAK,  prince  arménien  ,  de  la  fa- 
mille Ancadounik,  fut  l'un  de  ceux  qui  souf- 
frirent volontairement  la  captivité  pour  Jésus- 
Christ  sous  le  règne  d'Hazguerd, deuxième 
du  nom,  roi  d^  Perse,  et  (pu  ne  furent  re- 
mis en  liberté  et  renvoyés  en  leur  pays  que 
huit  ans  après  la  mort  de  ce  prince,  sous  le 
rè.^ne  de  son  lils  Bérose.  (Pour  plus  de  dé- 
tails, vog.  Princes  arméniens.) 

AKAKAT,  montagne  d'Arménie,  la  plus 
haute  de  toutes.  Les  Menées  des  (Irecs,  et 
d'après  cette  autorité  Bai'onius,  disent  que 
onze  mille  chr/tiens  fiirent  crucifiés  sur  le 
sounnet  de  cette  montagne.  Ce  fait  se  con- 
cilie mal  avec  les  données  géographi(pie.s. 
L<;  mont  Ararat  a  (pialre  niilh;  mètres  de 
hauteui.  Son  sommet  connue  celui  des  hau- 
tes montagnes  des  Alpes,  est  couronné  de 
neiges  éternelles.  Néanmoins,  connue  l'ii- 
gli-.e  fait  la  fête  au  22  juin,  de  nombreux 
chi  étiens  cruciliés  sur  le  mont  Araral,  il  fuit 
croire  qu'en  (tllet  il  y  eut  bciaueoup  de  mar- 
tyrs saciiliés  sur  eelte  montagne,  mais  non 
]j;is  à  .son  soiiinnji.  Ivi  tome  matière  il  laut 
admettre  des  opinions  raisonnables,  et  sur- 


ARC  ÎS3 

tout  qui  puissent  concorder  avec  l'état  réel 
des  lieux  et  des  faits. 

AKATOR  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  à  Alexandrie  où  il  était  prêtre.  Il  mou- 
rut en  prison  aveeles  saints  Fortunat,  Félix, 
Silvin  et  Vital.  Le  Martyrologe  romain  ne 
dit  point  à  quelle  époque.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  21  avril. 

ARATUS  ,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé 
les  actes  authentiques.  {Voy.  Martyrs  [les 
trente-sept]  égyptiens.) 

ARAVAN,  prince  arménien  de  la  famille 
Anzevadzik,  lut  l'un  de  ceux  qui  souffrirent 
volontairement  la  captivité  pour  Jésus-Christ, 
sous  le  règne  d'Hazguerd ,  deuxième  du 
nom,  roi  de  Perse,  et  qui  ne  furent  remis 
en  liberté  et  renvoyés  en  leur  pays  que  huit 
ans  après  la  mort  de  ce  prince,  sous  le  règne 
de  son  tils  Berose.  (Pour  plus  de  détails, 
voy.  Princes  arméniens.) 

ARBFLLLS,  ville  de  Perse  ,  capitale  de 
l'Abiadène,  aujourd'hui  Irbii,  est  fameuse 
par  la  grande  victoire  qu'y  remporta  Alexan- 
dre; mais  pour  nous  plus  encore  par  le 
martyre  qu'y  endura  son  évêque  saint  Abraa 
mius ,  sous  Sapor,  en  l'an  de  Jésus-Chris* 
3i8.  {Voy.  Sozomène,  1.  ii,  ch.  12.)  Ce  fu* 
aussi  dans  cette  ville  que,  sous  le  même  roi, 
en  l'an  de  l'ère  chrétienne  308,  saint  Joseph, 
prêtre,  fut  lapidé,  comme  le  portait  le  der- 
nier édit  royal,  par  des  chrétiens.  On  l'avai* 
enterré  jusqu'au  cou  avant  de  lui  faire  su- 
bir le  dernier  supplice.  Jazdundoife  refusa 
généreusement  de  rien  faire  au  saint  homme 
deDieu.  On  voulait  que,  pour  avoir  l'air  d'o- 
béir, elle  le  piquâtseulementavecune plume; 
elle  refusa.  Les  païens  eux-mêmes  furent 
obligés  d'admirer  sa  vertu.  (Foy.  Acepsimas.) 

ARBUÊS  (saint  Pierre  d'),  premier  inqui- 
siteur de  la  foi  dans  le  royaume  d'Aragon, 
fut  martyrisé  à  Saragosse  en  Espagne.  Son 
zèle  pour  la  foi  catholique  dans  l'exercice 
de  sa  charge  le  lit  massacrer  par  les  juifs 
relaps.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  17  sep- 
tembre. 

ARCADE  (saint),  martyr ,  répandit  son 
sang,  pour  la  religion  ,  en  Chersonèse  où 
il  était  évêque.  Il  eut  pour  compagnons  de 
tortures  les  saints  évèques  Basile,  Eugène, 
Agat  .odore, Elpide, Etheve, Cépiton, Epiiiein 
etiNestor.  La  date  de  leur  martyre  est  ignorée. 
L'Eglise  célèbre  la  fête  de  ces  illustres  évè- 
ques le  k  mars. 

ARCADE  (saint),  martyr  en  Afrique,  donna 
sa  vie  par  allachement  à  la  vraie  religion. 
Il  eut  ])our  compagnons  de  son  martyre  les 
saints  Pascase,  Probe  et  Eutychien.  Durant 
la  |ierséculion  d»s  Vandales,  a^ant  déclaré 
•lu  ils  ne  suivraient  jamais  la  secte  impie 
des  ariens  ,  ils  furent  d'abord  i)roscrits  par 
Censéric,  roi  arien,  puis  exilés.  Fiilin,  après 
avoir  enduré  des  tortures  elIVoyaoles,  un 
les  lit  mourir  j)ar  divers  genres  de  mort. 
Alors,  parut  a. eu  é>  lat  la  constance  d'un 
jeune  enfant  nommé  P.uilille,  iVere  des  saints 
Pascase  et  Futychien  ,  le(juel,  ne  pouvan* 
être  ébranlé  dans  sou  attachcuienl  à  la  foi 


233 


ARC 


ARC 


«4 


catholique,  fut  longtemps  frappé  h  coups  de 
bAloii  et  condamné  enliii  au  plus  vil  escla- 
vage. L'Eglise  célùbn;  la  mémoire  de  saint 
Arcade  le  13  novembre. 

AUCADIUS  (saint),  martyr,  soutînt  dans 
le  in"  siècle,  on  ne  sait  ni  |)récisément  à 
quelle  époque,  ni  en  quel  lieu.  Toujours 
est-il  que  c'était  durant  une  persécution  vio- 
lente :  partout  on  poursuivait  les  chrétiens, 
on  enfonçait  les  maisons  et  on  y  faisait  les 
perquisitions  les  plus  rigoureuses.  Avant  de 
conduire  devant  les  juges  ceux  desquels  on 
s'emparait,  on  leur  faisait  subir  toutes  sor- 
tes de  supplices.  Partout  on  forçait  les  iidù- 
les  à  assister  aux  sacritices  offerts  aux  dieux; 
on  leur  ordonnait  d'en  otfrir  eux-mêmes, 
ou  bien  on  les  envoyait  au  supplice.  Dans 
de  telles  circonstances,  Arcadius  abandonna 
ses  biens  et  sa  maison  pour  chercher  un  sé- 
jour plus  tranquille.  Il  se  retira  donc  dans 
un  lieu  éloigné  de  la  ville,  où  il  servait  Jé- 
sus-Christ librement,  s'adonnant  à  la  prière 
et  aux  pratiques  religieuses.  Le  gouverneur, 
ayant  su  qu'on  ne  le  voyait  pas  aux  sacriti- 
ces, envoya  des  soldats  pour  l'arrêter.  Sa 
maison  fut  investie,  mais  on  n'y  trouva  qu'un 
des  parents  du  saint.  Ce  digne  parent  fit  tout 
ce  qu'il  put  pour  expliquer  et  justifier  l'ab- 
sence d'Arcadius,  mais  les  envoyés  du  gou- 
verneur ne  se  rendirent  pas  à  ses  raisons  et 
le  conduisirent  à  ce  magistrat,  qui  donna 
l'ordre  de  le  tenir  en  prison,  et  de  l'y  gar- 
der jusqu'à  ce  qu'il  eût  révéîé  le  lieu  de  la 
retraite  d'Arcadius.  Ce  dernier,  ayant  appris  le 
danger  que  courait  son  parent,  vint  de  lui- 
même  se  présenter  au  gouverneur  :  Si  c'est  à 
cause  de  moi,  lui  dit-il,  que  vous  retenez  mon 
parent  dans  les  fers,  accordez-lui  la  liberté  ; 
je  suis  cet  Arcadius,  l'unique  cause  de  sa  dé- 
tention. Je  viens  vous  déclarer  qu'il  igno- 
rait le  lieu  de  ma  retraite,  et  je  satisferai  en 
personne  à  toutes  les  questions  que  vous 
voudrez  me  faire.  —  Je  veux  bien,  répondit 
le  juge,  vous  pardonner  à  tous  deux,  mais 
à  condition  que  vous  sacrifierez  aux  dieux. 
— Qu'osez-vous  me  proposer,  répondit  Arca- 
dius ?  Connaissez- vous  les  chrétiens  et 
croyez-vous  que  la  crainte  de  la  mort  soit 
capable  de  leur  faire  trahir  leur  devoir  ? 
Jésus-Christ  est  ma  vie,  et  la  mort  m'est  un 
gain.  Inventez  tel  supplice  qu'il  vous  plaira, 
jamais  je  ne  serai  infidèle  à  mon  Dieu. 
Le  gouverneur  exaspéré,  ne  trouvant  pas 
les  supplices  ordinaires  assez  cruels  pour 
lui,  donna  l'ordre  de  lui  couper  successive- 
ment toutes  les  articulations  des  membres, 
et  d'y  mettre  une  telle  lenteur,  que  la  bar- 
barie du  supplice  en  fût  de  beaucoup  aug- 
mentée. Conduit  au  lieu  du  supplice,  il  eut 
d'abord  lesdoigts  coupés,  puisles mains,  puis 
les  bras,  ensuite  les  pieds,  les  jambes  et  les 
cuisses.  11  présentait  successivement  ses 
membres  à  ceux  qui  le  martyrisaient,  té- 
moignant par  une  patience  admirable  le 
grand  courage  qu'il  avait  dans  le  cœur.  Il 
s'applaudissait  de  ses  souffrances,  il  disait 
au  peuple  assemblé  tout  le  bonheur  qu'il 
avait  à  mourir  pour  Jésus-Christ.  Les  païens 
et  les  bourreaux  eux-mêmes  ne  pouvaient 
DiCTioNN.   DES  Persécutions.  I. 


lui  refuser  leur  admiration.  Il  expira  dans 
les  su[>plices  le  12  janvier,  jour  auquel  lE- 
glise  célèbre  sa  fête.  S'il  faut  en  croire  cer- 
tains martyrologes,  ce  fut  à  Césarée  en  Mau- 
ritanie (pi'il  reçut  la  couronne  du  martyre. 
Tels  sont  relativement  à  saint  Arcadius  les 
documents  que  nous  avons  trouvés  dans  les 
meilleurs  historiens  :  voici  maintenant  ses 
actes  autlnnitiques  pris  dans  Kuinarl,  et  qu'il 
a  tirésdulivredes  Combatsdes  martyrs  et  d'un 
sermon   attribué  à   saint  Zenon  de  Vérone. 

«  La  fureur  des  tyrans  se  répandait  avec 
une  extrême  violence  dans  toute  l'Achaïe  ; 
le  démon,  pour  favoriser  leur  entreprise, 
avait  fait  prendre  les  armes  à  ses  soldats, 
qui,  comme  autant  do  loups  ravissants,  se 
jetaient  sur  le  troupeau  de  Jésus-Christ,  et 
faisaient  une  guerre  sanglante  h  tous  ceux 
qui  adoraient  le  vrai  Dieu.  Sur  le  moindre 
soupçon  on  enfonçait  les  maisons ,  on  v 
faisait  une  recherche  rigoureuse ,  et  lors"^ 
qu'il  s'y  rencontrait  quelques  chrétiens , 
aussitôt  la  haine  qu'on  leur  portait  se  si- 
gnalait par  un  crime.  Chaque  jour  voyait 
commettre  plusieurs  sacrilèges  ;  on  contrai- 
gnait les  fidèles  à  assister  à  des  cérémonies 
superstitieuses,  à  faire  des  libations,  h  con- 
duire par  les  rues  des  victimes  couronnées 
de  Heurs,  à  brûler  de  l'encens  devant  les 
idoles,  à  chanter  à  la  manière  des  bacchan- 
tes, et  à  respirer  l'odeur  des  sacrifices.  C'est 
qu'on  espérait  par  ce  moyen  pouvoir  arra- 
cher la  foi  du  cœur  des  chrétiens,  et  leur 
faire  renoncer  Jésus-Christ. 

«  Mais  pendant  qu'il  se  livre  divers  com- 
bats entre  les  ministres  du  démon  et  les  sol- 
dats du  vrai  Dieu,  Arcadius,  l'un  de  ces  der- 
niers, voyant  la  ville  où  il  demeurait  dans 
une  effroyable  confusion,  et  qu'on  traînait 
les  chrétiens  malgré  eux  dans  les  temples  des 
faux  dieux,  résolut  de  s'enfuir  et  d  abandon- 
ner tous  ses  biens.  Ayant  donc  trouvé  aux 
environs  de  la  ville  un  lieu  écarté,  il  s'y  tint 
caché,  servant  Jésus-Christ,  dans  les  veilles, 
dans  l'oraison  et  dans  tous  les  autres  exer- 
cices d'une  vie  austère  et  pénitente.  Sa  fuite 
ne  put  pas  être  longtemps  ignorée  ;  on  ne  le 
voyait  plus  aux  sacrifices  ;  le  gouverneur  en- 
voie des  soldats  à  son  logis;  ils  l'environ- 
nent, ils  le  forcent,  ils  pensent  y  surprendre 
Arcadius,  mais  ils  n'y  trouvent  qu'un  de  ses 
parents,  qui  y  était  venu  ce  jour-là  par  occa- 
sion. Cet  homme  fit  tout  son  possible  pour 
justifier  l'absence  de  son  parent.  Les  soldats, 
au  désespoir  de  n'avoir  pas  trouvé  ce  qu'ils 
cherchaient,  se  saisirent  de  ce  que  le  hasard 
leur  mettait  entre  les  mains.  Ils  emmènent 
ce  parent;  le  gouverneur  le  fait  garder  étroi- 
tement, jusqu'à  ce  qu'il  découvre  le  lieu  où 
s'était  retiré  Arcadius.  Ce  saint  homme 
ayant  appris  ce  qui  se  passait,  et  brûlant  du 
désir  du  martyre,  abandonne  sa  chèi-e  re- 
traite ;  et  ne  pouvant  se  résoudre  ni  à  dissi- 
muler plus  longtemps,  ni  à  souffrir  qu'un 
autre  fût  plus  maltraité  pour  lui,  il  se  mon- 
tre tout  à  coup  dans  la  ville,  se  remet  volon- 
tairement au  pouvoir  du  gouverneur.  Si 
c'est  à  cause  de  moi,  lui  dit-il  en  l'aboidanf 
et  en  se  nommant,  que  vous  retenez  dans 

8 


235 


ARC 


ARC 


les  fers  mon  parent,  faites-lui  donner  la  li- 
berté, il  est  innocent  ;  je  viens  le  dégager, 
vous  apprendre  le  lieu  de  ma  retraite  qu'il; 
n'a  jamais  su,  et  répondre  aux  autres  choses 
que  vous  voudrez  savoir  de  moi.  Je  veux 
bien,  repartit  le  gouverneur,  lui  pardonner 
le  secret  qu'il  m'a  fait  de  votre  fuite,  qu'il  ne 
craigne  rien,  mais  à  condition  que  dès  ce 
soir  vous  sacrifierez  aux  dieux.  Qu'osez-vous 
me  proiwser,  répliqua  Arcadius,  connais- 
sez-vous les  chrétiens,  et  croyez-vous  que  la 
crainte  de  la  mort  soit  capable  de  les  faire 
manquer  à  leur  devoir?  comme  si  nous 
ignorions  cette  parole  du  grand  Apùtre  :  Jé- 
sus-Christ est  ma  vie,  et  la  mort  m'est  un  gain 
{Pkilipp.  II,  23j.  Inventez  tel  supplice  qu'il 
vous  plaira,  n'écoutez  plus  que  votre  fu- 
reur, ob'issez,  j'y  consens,  à  lout  ce  qu'elle 
vous  inspirera,  et  vous  verrez  s'il  est  facile 
de  me  faire  renoncer  mon  Dieu. 

«  Le  gouverneur,  à  ces  paroles,  sent  que  sa 
bile  s'enflamme,  et  qu'un  fiel  de  vipère  s'in- 
sinue dans  son  cœur  et  y  excite  une  rage 
forcenée.  Il  est  tout  occupé  de  la  p;'nsée  de 
faire  souffrir  au  martyr  des  tourments  inouïs, 
et  que  les  lois  les  plus  sévères  n'osèrent  ja- 
mais ordonner  pour  les  plus  criminels.  Les 
ongles  de  fer  lui  semblent  trop  doux,  les 
plombeaux  ne  font  à  son  gré  (|u'('ffleurer  la 
peau  ;  il  ne  daigne  pas  seulement  regarder 
le  chevalel,  et  une  grêle  de  coups  de  bâton 
ne  satisferait  pas  sa  fureur.  L'idée  qu'il  se 
forme  de  quelque  supplice  extraordinaire 
lui  fait  négliger  tous  ceux  dont  il  s'est  servi 
jusqu'alors.  Il  croit  enfin  l'avoir'  trouvé,  ef, 
l'insensé  qu'il  est,  il  pense  qu'à  celte  fois  il 
faudra  bien  que  Dieu  lui  cède.  Il  ordonne 
donc  à  ses  bourreaux  de  se  saisir  du  saint, 
et  il  ne  leur  prescrit  autre  chose,  sinon  qu'ils 
fassent  en  sorte  que  la  grandeur  des  tour- 
ments l'oblige  à  souhaiter  la  mort,  sans  qu'il 
la  puisse  obtenir  qu'après  l'avoir  longlemps 
souhaitée.  Qu'il  1  attende  toujours,  s'é>:rie 
cet  homme  furieux,  sans  qu'elle  vienne. 
Qu'il  puisse,  encore  vivant,  voir  son  corps 
semnlable  à  un  tronc  d'arbre  auquel  on  a 
ôté  toutes  les  branches.  Que  toutes  les  join- 
tures de  ses  membres  soient  coupi'cs  l'une 
afirès  l'autre,  et  que  tout  leur  assemblage  se 
roiiijje  et  se  désunisse.  Commencez  par  les 
articlesdes  doigts,  séparez  ensuite  les  mains 
des  bras,  les  bras  des  épaules,  et  les  épaules 
de  la  poitrine.  Qu'on  commence  pareille- 
ment par  les  doigts  des  |)ieds,  et  remontant 
toujours,  venez  aux  pieds,  puis  aux  jambes, 
aux  genoux,  aux  cuisses  ;  et  lorsque  vous  en 
serez  là,  détaxiez  les  cuisses  des  hanches  ; 
mais  que  toutes  ces  opérations  se  fassent 
lentement;  faites  dunn-  la  douleur  1.'  plus 
que  vous  [lourrez,  afin  (]u'il  apiireiine,  le 
iiiisérabl",  ce  que  c'est  que  d'abandonner 
les  di(jux  de  ses  pères,  pour  suivre  un  Dieu 
étranger  et  inconnu. 

"  Les  bourreaux,  obéissant  h  ces  ordres 
cruels,  |)reiin''nl  Arcadius,  et  le  mènent  au 
lieu  où  plusieurs  autres  victimes  connue  lui 
avaient  él'-  égi)igées.  Lieu  chéri  (il  souhaité 
avec  ardeur  de  ceux  (pii  .s<!U|)iienl  après  la 
vie  éternelle  '  Arcadius,  y  étant  arrivé,  lève 


236 


les  yeux  au  ciel,  prie  et  sent  que  sa  prière 
lui  a  donné  des  forces.  Il  présentait  le  cou 
aux  bourreaux,  dans  la  jjcnsée  que  le  gou- 
verneur se  contenterait  de  sa  mort,  lors- 
qu'on lui  coinmanda  de  donner  ses  mains. 
II  les  donne;  ot  pendant  qu'on  les  coupe  en 
morceaux,  il  dit  :  Seigneur,  vos  mains  m'ont 
formé  ,  donnez-moi  l'intelligence.  Et  tant 
que  son  supplice  dura,  il  ne  cessa  point  de 
louer  Dieu.  Le  gouverneur  avait  oublié  de 
lui  faire  couper  la  langue,  et  il  s'en  servit 
toujours  à  confesser  un  seul  Dieu,  à  publier 
que  les  idoles  n'étaient  rien,  à  proclamer 
Jésus-Christ  vainqueur  des  tyrans.  Après 
qu'on  Teut  démemoré  par  en  haut,  on  le  fit 
coucher  sur  le  dos..  Lorsqu'il  fut  en  cette 
posture,  il  se  mit  à  glorifier  Dieu  d  un  ton 
de  voix  encore  plus  élevé.  C'était  la  vue  du 
ciel  qui  augmentait  sa  force.  Il  donne  en- 
suite ses  pieds  avec  joie,  ses  jambes  et  ses 
cuisses  :  la  séparation  s'en  fait  aussitôt,  et 
l'art  cruel  des  bourreaux  sait  même  détacher 
les  hanches  du  ventre.  Ce  fut  pour  lors  que 
la  constance  admirable  du  martyr  tira  les  lar- 
mes des  yeux  à  ses  propres  bourreaux,  qui  no 
purent  s'empêcher  d'avouer  qu'une  si  grande 
patience  ne  pouvait  être  qu'un  don  du  ciel. 
Après  autant  de  martyres  différents  qu'il 
s'était  fait  de  séparations  dans  le  corps  d'Ar- 
cadius,  ce  qui  en  restait  n'était  plus  qu'un 
tronc  qui  nageait  dans  le  sang.  Le  saint  n'en 
était  pas  plus  ému  ;  son  Ame,  toujours  tran- 
quille, n'abandonne  point  encore  ce  corps 
qui  n'est  plus  que  la  moitié  de  ce  qu'il  avait 
été,  et  qu'on  ne  doit  plus  appeler  un  corps. 
Il  voit  devant  lui  ses  membres  épars  çà  et 
là,  il  les  regarde  comme  des  parties  de  lui- 
même,  mais  inutiles  et  embarrassantes,  dont 
il  fait  les  funérailles;  toutefois  il  les  offre  à 
Dieu  l'un  après  l'autre,  et  demande  une  cou- 
ronne pour  chacun  d'eux  en  particulier. 
Heureux  membres,  leur  dit-il,  qui  avez  eu 
le  bonheur  de  servir  votre  Dieu,  vous  ne  me 
fdlesjamais  si  chers  lorsque  vous  étiez  atta- 
chés à  mon  corps,  que  vous  me  l'êtes  main- 
tenant en  étant  retranchés,  il  vous  est  avan- 
tageux d'être  sé[)arés,  i)our  être  réunis  dans 
la  glo.re,  et  afin  que,  de  membres  mortels 
que  vous  étiez,  vous  |)uissiez  un  jour  deve- 
nir des  membres  glorieux  et  immortels.  C'est 
à  présent  que  vous  êtes  les  membres  de 
Jésus  -  Christ  ,  c'est  à  présent  (lue  j'ap- 
partiens vériiablcmenl  à  Jésus-Cnrisl ,  ce 
que  j'ai  toujours  désiré  av.c  une  extrê- 
me ardeur,  lit  vous,  ajouta-l-il  ,  qui  êtes 
sjM'Ctateuis  d'une  si  sanglante  tragédie,  ap- 
prenez (pie  ces  tourments,  qui  vous  |  arais- 
sent  si  horribles,  ne  sont  r;en  à  quicoïKiuc 
envisage  1  immoi-lalilébienhiiureuse.  Crovez- 
en  un  homme  qui  ne  prend  plus  de  part  à 
la  vie,  vos  dieux  ne  sonfpas  des  dieux  ;  re- 
noncez à  le.ur  culte  impie  et  vain  ;  cl  recon- 
naissez enfin  qu'il  n'y  a  noinl  d'autre  Dieu 
(pi(!  celui  (pii  iiK!  console  et  me  soutient 
dai;S  rét;»l  où  vous  m<'  considérez.  Mourir 
pour  lui,  (;'esl  vivre;  (  t  soufliir  |)0ur  lui,  c'est 
(^tre  dans  les  ddics.  L'aïuouv  (pi  on  a  oour 
lui  ne  se  ralentit  jamais,  il  ne  cause  jamais 


237 


ARC 


ARE 


258 


je  dégoilt,  il  ne  soiinVira  janiois  do  diinimi- 
lion.  l'niir  récompense  du  peu  (]iie  j'endure 
|><)ur  lui,  je  vais  recevoir  une  vie  iuunorteile, 
et  qui  m  unira  <^  lui  pour  touj(»urs.  \i\\  disant 
cela  il  evpira  doucement,  le  i'2  de  janvi(M'. 
Les  idolAlres  ne  i)ure'U  refuser  leur  adnui-a- 
tion  h  riinmitablf^  constance  de  ce  fi,lorieux 
marlyr,  el  les  chrétiens  s'en  trouvèrent  en- 
core plus  dispo><és  à  répandre  leur  san^  [)0ur 
JéMis-Christ.  Ils  recueillirent  ses  relicfues, 
et,  les  réunissant  toutes,  ils  les  renleriuèrent 
daîis  un  niéuie  ton)l)e,iu.  »  —  12  janvier. 

ARCÉ  (le  bienheureux),  missionnaire  de  la 
compagnie  de  J  sus,  s'embarqua  à  l'Assom- 
ptiou  le  2V  juillet  1715, aveo  le  P.  Barthélémy 
de  Blende.  Ils  remontèrent  le  Paraguay  jus- 
qu'au la.;  M.mioré,  el  là  se  (piiUèr(nit.  Le 
P.  Arcé  se  dirigea  vers  le  pays  des  Cdiicjuitos, 
dans  le  but  de  d'coiivrir  une  communication 
d'un  facile  accès  entre  le  Tucuman  et  le  Para- 
guay. A  son  retour,  la  b:n(jue  avait  disparu  ; 
réquipag(>,  rebelle  aux  orilresduP.de  Blende, 
avait  voulu  reprendre  le  chemin  d(>  l'Assom- 
ptioîi,  et  les  Payaguas,  après  avoir  massa- 
cré les  matelots,  avaient  lait  subir  le  môme 
sort  au  missionnaire  et  avaient  précipité 
son  cadavre  dans  le  fleuve.  Aidé  de  (juelques 
néophytes,  le  P.  Arcé  se  construisit  une  [)i- 
rogue  et  commença  à  descendre  le  fleuve. 
Les  meurtriers  de'  son  compagnon,  l'ayant 
surpris  k  son  retour,  le  massacrèrent  et 
abandonnèrent  son  corps  sur  la  rive.  Il  fut 
percé  à  coups  de  lances  par  les  duaycuros. 
Ce  double  martyre  arriva  en  1718. 

ARCHAVIK,  prince  arménien  de  la  famille 
Gamsaragank,  lut  l'un  de  ceux  qui  souffri- 
rent volontairement  la  captivité  pour  Jésus- 
Christ,  sous  le  règne  d'Hazguerd,  deuxième 
du  nom,  roi  de  Perse,  et  qui  ne  furent  remis 
en  liberté  et  renvoyés  en  leur  pays  que  huit 
ans  après  la  mort  de  ce  prince,  sous  le  règne 
de  son  tils  Bérose.    (Pour  plus  de    détails, 

VOy.  PlU>CES   ARMÉNIENS.) 

AFxGHKLAUS  (saint),  diacre,  fut  martyrisé 
à  Ostie,  du  temps  de  l'empereur  Alexandre, 
par  ordre  d'Ulpien,  préfet  du  prétoire,  avec 
saint  Quiriace,  évoque,  et  saint  Maxime,  prê- 
tre. L'Eglise  fait  leur  fête  le  23  août  (Marty- 
rologe romain). 

ARCHELAUS  (saint),  diacre,  eut  la  tête 
tranchée  pour  la  fui  chrétienne,  sous  l'em- 
pire de  Claude  II  le  Gothique,  avec  saint 
Maxime,  prôlre,  et  saint  Cyriaque,  évoque. 
(Pour  plus  de  détails,  voy.  Martyus  d'Ostie.) 

ARCHELAUS,  exécuteur  de  haute  justice 
à  Egée  en  Cilicie,  sous  le  règne  de  Dioclé- 
tien.  Ce  fut  lui  qui,  en  2t5,  par  ordre  du  pro- 
consul Lysias ,  tourmenta  d'une  mraiière 
atroce  et  fit  enfin  mourir  les  saints  Astère, 
Claude  et  Néon,  et  les  saintes  Doranine  et 
Théonille.  (Yoy.  l'article  Clauoe.j 

ARCHELAUS  (saint),  martyr,  reçut  la 
palme  du  martyre  avec  les  saints  CyrJle  et 
Photius.  On  ignore  le  lieu,  la  date  et  les 
circonstances  de  leur  martyre.  Le  Martyro- 
loge romain  n'en  dit  rien.  L'Eglise  hoiwre 
leur    îiiémoire  le  4  mars. 

ARCHEN  (saint),  était  un  prêtre  arménien. 
Ce  saint  souffrit  le  martyre  sous  le^ègne 


du  cruel  Hazguerd,  roi  do  Perse.  On  lui  lia 
les  pieds  et  h'S  mains,  qu'on  serra  si  fort, 
que  ses  nerfs  en  craipiaient,  el  il  resta  ainsi 
longtemps  sous  les  yeux  de  ses  compagnons; 
il  eut  ensuite^  la  tête  tranchée,  |)ui.s  on  le 
jeta  dans  une  fosse  qui  était  à  sec. 

ARCHINI.\IE  (saint),  martyr,  était  origi- 
naire d(;  la  ville  d(!  Mascula  en  Numidie. 
Les  i)erséculeurs  cherchèrent  |)ar  les  mena- 
ces et  les  caresses  à  le  rendre  parjure  h  sa 
foi,  mais  en  vain.  Furieux  d'être  vaincus, 
les  ennemis  de  sa  foi  le  condamnèrent  à  avoir 
la  lèle  tranchée.  Le  bourreau  levait  déjà  la 
hache,  mais  on  lui  laissa  la  vie  |)arce  que 
les  ariens  n'aimaient  point  à  faire  de  mar- 
tyrs, disant  que  les  chrétiens  h  s  honoraient 
alors  comme  des  saints.  On  ignore  ce  ([u'il 
devint  parla  suite  ;  mais  si  lEgîise  l'honore, 
on  doit  en  conclure  qu'il  persévéra  toujours 
dans  sa  foi. 

ARCONCE  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi,  à  Capoue,  avec  les  saints  Quince 
el  Donat.  On  ignore  la  date  el  les  circons- 
tances (ie  leur  martyre.  Le  Martyrologe  ro- 
main n'en  dit  rien.  L'Eglise  fait  leur  fête  le 
5  septembre. 

^  ARDACIRUS,  prince  persan,  probablement 
l'un  des  fils  de  Sapor  Longue-Vie,  fil  mou- 
rir, en  3/1.3,  à  Belh-Séleucie,  saint  Jean,  qui 
en  était  évêque.  {Voy.,  pour  plus  de  détails, 
Narsès,  évêque  de  Sciaharcadal).  Etant  vice- 
roi  d'Abiadène,  il  fit  mettre  à  mort  Papa, 
prêtre  d'Helmine,  dans  le  château  de  Gabal. 
Il  commanda  à  des  femmes  de  Beth-Séleucie, 
qui  avaient  apostasie,  de  lapider  un  jeune 
prêtre,  nommé  Uhanam.  GuhsciatazaJes,  eu- 
riuque  de  son  palais,  ayant  refusé  de  sacri- 
fier, il  ordonna  à  Vartranes,  prêtre  apostat, 
de  le  massacrer  de  sa  propre  main. 

ARDAVAZD,  prince  arménien  de  la  fa- 
mille Mara  goniank,  fut  l'un  de  ceux  qui 
souffrirent  volontairement  la  captivité  pour 
Jésus-Christ,  sous  le  règne  d'Hazguerd  deuxiè- 
me du  nom,  roi  de  Perse,  et  qui  ne  furent 
remis  en  liberté  et  renvoyés  en  leur  pays 
que  huit  ans  après  la  mort  de  ce  prince, 
sous  le  règne  de  son  fils  Bérose.  (Pour  plus 
dedétnls.  voy.  Princes  arméniens.) 

ARÈCE  (saii  l),  martyr,  donna  sa  vie  pour 
Jésus-Christ  à  Rome,  avec  saint  Dacien.  On 
ignore  la  date  et  les  circonstances  de  leur 
mrfyre.  Le  Martyrologe  romain  n'en  dit 
absolument  rien.  L'Eglise  les  fête  le  4  juin. 

ARhSCE  (saint),  martyr,  mourut  k  Lyon, 
en  l'année  177,  sous  l'empire  d'Anton  n 
31arc-Auièie.  Il  fut  du  nombre  de  ceux  qui, 
comme  saiiit  Poihin,  n'eurent  pas  la  force 
de  iubir  jusqu'au  bout  les  tourmenis  que 
les  persécuteurs  lui  lironi  endurer;  il  mou- 
rut en  prison.  L'Eglise  fait  sa  lôlo,  avec 
celle  de  tous  ses  compagnons,  le  2  juin. 

ARÈSE  (saint),  martyr,  répandit  .'^on  sang 
en  Afrique  pour  la  foi  de  Jésus-Christ.  11  fut 
martyrisa  avec  saint  Rogat  et  quinze  autres 
dont  I  '  Martyrologe  romain  n'a  pas  conservé 
les  noms.  L'Église  vénère  leur  sainte  et  glo- 
rieuse ménioiie  le  10  juin. 

ARÉTAS  (saint),  martyr,  cueiljit  la  palme 
du  martyre  à  Rome  avec  cinq  cent   quatre 


139 


Àra 


ARl 


i4Q 


de  ses  compagnons,  dont  le  Martyrologe  ro- 
main ne  donne  malheureusement  pas  les 
glorieux  nomà.  On  ignore  môme  la  date  et 
les  circonstances  de  leur  martyre.  L'Eglise 
fait  leur  fôte  le  1"  octobre. 

ARÈTAS  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  à  Nagran,  dans  le  pays  des  Horaérires, 
avec  trois  cent  quarante  de  ses  compagnons, 
du  temps  de  l'empereur  Justin,  sous  un  ty- 
ran juif  nommé  Dunaan.  Après  eux,  on  livra 
aux  tlammes  une  femme  chrétienne  dont  le 
fils,  âgé  de  cinq  ans  et  qui  confessait  Jésus- 
Christ  en  bégayant,  n'ayant  pu  être  retenu 
ni  par  caresses  ni  par  menaces,  se  précipita 
lui-même  dans  le  brasier  où  sa  mère  était 
consumée.  L'Eglise  fa:t  la  fête  de  l'illustre 
Arétas  lo  2i  octobre. 

AREZZO,  ville  de  la  Toscane,  où,  sous 
l'empire  de  Dèce,  le  président  Tiburce  fit 
mettre  h  mort  pour  la  foi  les  deux  jeunes 
frères  Laurentin  et  Per^entin.  Au  commen- 
cement du  règne  de  Julien  l'Apostat,  le  pré- 
fet impérial  Quadratien  y  lit  décapiter  le 
saint  évêque  Donat  ainsi  qu'un  moine 
nommé  Hilarin  La  ville  a  les  reliques  du 
premier;  celles  du  second  sont  à  Ostie,  où 
on  les  a  transférées. 

ARGENTON,  ville  de  France,  qui  fut  té- 
moin de  la  décapitation  des  saints  Marcel  et 
Anastase;  ce  dernier  était  homme  de  guerre. 

ARGIMIR  (saint),  martyr,  était  moine  à 
Cordoue.  Il  y  fut  martyrisé  pour  la  foi  de 
lésus-Christ ,  durant  la  persécution  des 
Arabes.  Le  Martyrologe  romain  ne  précise 
point  l'année  et  ne  donne  aucun  détail  sur 
son  martyre.  L'Eglise  célèbre  la  fête  de  ce 
saint  martyr  le  28  juin. 

ARIADNÉ  (sainte),  illustra  par  son  mar- 
tyre la  Phrygie,  sous  l'empire  et  durant  la 
persécution  d'Adrien.  On  ne  sait  rien  de 
précis  sur  le  genre  de  supplice  qui  termina 
la  vie  de  sainte  Ariadné,  non  plus  que  sur 
sa  date  réelle.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  17  sep- 
tembre. 

ARIEN  (saint),  martyr,  périt  pour  la  foi 
de  Jésus-Christ.  Il  fut  noyé  dans  la  mer  avec 
saint  ïhéolique.  On  prétend  que  les  dau- 
phins rapportèrent  leur  corps  sur  le  rivage. 
On  ignore  la  date  de  leur  martyre.  L'E- 
glise célèbre  leur  sainte  mémoire  le  8  mars. 

ARIEN,  était  gouverneur  en  Thébaide.  11 
donna  la  couronne  du  mart.)re  à  saint  ïi- 
molhée  et  à  son  épouse,  sainte  Maure. 

ARIENS,  hérétiques  qui  niaient  l'unité  et 
la  consubstantialité  des  trois  personnes  de  la 
sainte  Triîiilé  (  t  la  divinité  de  Jésus-Christ, 
soutenant  ([uc  le  Verbe  était  une  simple  créa- 
ture, tirée  du  néant  et  sujette  au  péché.  Les 
ariens  furent  de  violents  persécuteurs  de  l'E- 
glise. C'est  à  ce  titrequ'ils  trouvent  placedans 
cet  ouvrage.  Nous  nenous  bornerons  pourtant 
pas  à  narrer  la  guerre  qu'ils  ont  faite  à  l'É- 
ghse  catholique,  l'articie  que  nous  faisons 
ser.iit  trop  ecourté,  nous  devons  les  faire 
co'iri.'iiire.  Nous  traiteions  succinctement  ce 
<pii  coni;(;riie  leur  héiésie,  et  nous  nous  éten- 
druns  laigernent  sur  ce  qui  concerne  leurs 
persécutions.  Les  ariens  tirent  leur  nom  du 
cheid(;  leur  hérésie,  qui  se  oommait  Arius. 


Il  était  né  en  Lybîe,  ou  à  Alexandrie,  s'il 
faut  en  croire  Constantin,  qui ,  voulant  le 
renvoyer  en  cette  ville,  lui  promet  de  le 
renvoyer  en  son  pays.  Cependant  n'esl-il  pas 
permis  de  croire  que,  par  ce  mot  parjs,  Con- 
stantin entendait  l'Afrique,  et  non  pas  seu- 
lement la  ville  d'Alexan'drie?  Arius  était 
instruit  et  habile  en  discussion.  Il  était  élo- 
quent et  avait  l'abord  prévenant.  On  voyait 
en  lui  toutes  les  apparences  de  la  vertu, 
prétexte  dont  il  couvrait  son  ambition  et  son 
goût  démesuré  pour  la  nouveauté.  Il  com- 
posait son  extérieur  avec  un  art  admirable  ; 
cependant  l'observateur  voyait,  sous  son  air 
abattu  et  austère,  la  mélancolie  et  les  pas- 
sions haineuses  qui  l'animaient.  11  était  d'un 
caractère  dominant ,  et  voulait  absolument 
commander.  «  Tout  le  monde  ne  voit-il  pas, 
dit  Constantin,  quels  cris  lui  fait  jeter  la 
blessure  qu'il  a  reçue  du  démon?  Le  venin 
de  ce  serpent  qui  remplit  ses  veines  lui 
cause  d'elfroyables  convulsions.  Son  corps 
sans  vigueur  et  sans  force,  son  visage  pâle, 
hâve,  sec ,  décharné  jusqu'à  faire  horreur, 
abattu  de  chagrins  et  d'inquiétudes,  font  voir 
la  maladie  qui  le  tourmente  au  dedans;  sa 
voix  éteinte  et  à  demi  morte,  ses  cheveux 
épais,  mal  peignés  et  sales,  ce  mélange  af- 
freux que  font  en  lui,  depuis  longtemps,  la 
vanité,  la  rage  et  la  fureur,  le  rendent  tout 
farouche  et  tout  sauvage,  et  le  font  moins 
ressembler  à  un  homme  qu'à  une  bête.  » 

Outre  son  humeur  noire  et  mélancolique, 
il  se  rendit  esclave  de  la  vaine  gloire,  de 
l'ambition  et  de  l'envie.  Il  se  laissa  empor- 
ter à  une  passion  furieuse  de  vouloir  com- 
mander aux  autres  et  de  posséder  les  pre- 
mières dignités  de  l'Eglise,  et  ce  désir  de 
s'élever  au-dessus  des  autres ,  qui  passe 
souvent  dans  le  monde  pour  une  vertu,  fut 
ce  qui  le  rendit  hérésiarque.  On  le  taxe 
aussi  assez  ouvertement  d'avarice.  (Till.,  vol. 
VI,  240.) 

Ayant  quitté  le  schisme  des  méléciens, 
dans  lequel  il  était  engagé,  il  fut  ordonné 
diacre  par  saint  Pierre  d'Alexandrie,  qui 
bientôt  le  chassa  de  l'Eglise,  parce  qu'il  le 
blâmait  d'excommunier  les  })artisaiis  de  Mé- 
lèce.  Achillas,  successeur  de  saint  Pierre, 
reçut  en  grâce  Arius  qui  vint  lui  demander 
pardon,  lui  permit  d'exercer  ses  fonctions  de 
diacre,  et  enfin  l'admit  à  la  prêtrise.  11  pa- 
raît qu'il  fut  curé  à  Alexandrie,  dans  la  pa- 
roisse nommée  Bancale.  Arius  avait  de  bonne 
heure  commencé  à  répandre  sa  doctrine  en 
particulier  et  dans  les  conversations  privées; 
le  mal  demeura  longtem[)s  caché ,  mais , 
quand  il  eut  beaucoup  étendu  le  nombre  de 
ses  partisans,  il  se  crut  assez  fort  pour  prê- 
cher publiquement  ses  principes.  Saint 
Ah'xandre  avait  alors  réuni  son  clergé,  et 
avait  excomnmnié  Arius  ainsi  que  plusieurs 
de  ses  sectateurs.  Voici  les  noms  des  princi- 
paux :  Achillas,  Aïthale  ,  Carpone,  Sarmate, 
et  un  autre  Arius,  tous  j)iêties  ;  Euzoïus, 
Luce,  Julien,  Mène,  Heilade,  Caïus,  diacres. 
Les  deux  évêques  Second  et  Théonas,  qui 
suivaient  les  mêmes  erreurs,  furent  comj)ris 
dans  la    méuio  excomtQunicatitjn.   Secoa4 


Ml 


▲RI 


ARl 


SU 


était  évêque  de  Ptoléraaide,  Théonas  l'était 
de  Mamiorique  en  Libye.  11  y  eut  encore 
d'autres  |)ersonnes  excommuniées.  Saint 
Athaiiaso  marque  Sisinne,  Jule,  Marc,  Am- 
mon,  Irénée,  Zozime,  Sérapion,  cpii  |)lus 
tard  furent  presque  tous  placés  par  les 
ariens.  A  ces  excommuniés  il  faut  joindre 
une  grande  quantité  de  siujples  lidèles,  qui 
partageaient  les  mêmes  erreurs.  Saint  Epi- 
pliane  dit  que,  dans  ces  commencements , 
Arius  eut  avec  lui  jusqu'à  sept  cents  vierges, 
l'el  fut  le  noyau  des  ariens.  Bientôt  Ursaco 
et  Valens  se  joignirent  h  eux,  ainsi  que  Mé- 
lèce,  évoque  de  Lycopolis.  Après  cela,  Arius 
se  retira  en  Palestine  ,  où  il  travailla  à  sur- 
prendre la  foi  des  évoques.  11  en  surprit 
quelques-uns  ;  d'autres  le  repoussèrent  tou- 
jours. Eusèbe  de  Gésarée,  Théodole  de  Lao- 
dicée,  Paulin  de  Tyr,  Athanase  d'Anazarbe, 
Grégoire  de  Béryte,  Aëce  de  Diospolis,  em- 
brassèrent ses  cloctrines  hérétiques.  11  faut 
en  ajouterplusieurs  autres,  qui  se  déclarèrent 
depuis  :  Patropliile  de  Scythopolis,  Narcisse 
de  Néroniade,  Ménophante  d'Ephèse,  ïhéo- 
gnis  de  Nicée,  Maris  de  Chalcédoine  et  Eusèbe 
de  Nicomédie.  Ce  dernier  est  le  plus  célèbre 
de  tous,  et  celui  de  tous  les  ariens  qui  fit  le 
plus  de  mal  à  l'Eglise.  Il  était  d'abord  évê- 
que de  Beryte.  Selon  les  règles  de  ce  temps- 
là,  il  était  défendu  à  un  évêque  de  quitter 
son  siège  pour  un  autre.  Eusèbe  n'en  tint 
compte,  et  passa  au  siège  de  Nicomédie. 
Cette  ville  était,  depuis  Dioclétien,  la  capi- 
tale de  l'empire  d'Orient,  et  son  évêque,  de- 
puis la  conversion  de  Constantin,  était  un 
des  personnages  les  plus  importants  de  l'em- 
pire. Ces  considérations  n'avaient  pas  échappé 
à  Eusèbe.  Constantin,  parlant  de  l'élévation 
d'Eusèbe  à  cet  évêché,  dit  que  l'Eglise  de 
Nicomédie  n'avait  pas  eu  la  liberté  de  se 
choisir  un  prélat  digne  de  cette  charge,  à 
cause  que  ceux  qui  y  étaient  alors  firent  de 
grands  efforts  pour  y  porter  Eusèbe ,  dont 
l'impudence  troubla  l'ordre  et  les  règles  si 
équitables  des  canons.  Ce  terme,  ceux  qui 
étaient  alors ,  ne  peut  guère  marquer  que 
ceux  qui  dominaient,  c'est-à-dire  Licinius. 
Et  en  effet,  Constantin  accuse  Eusèbe,  au 
même  endroit,  de  s'être  absolument  attaché 
k  ce  prince,  jusqu'à  avoir  été  la  principale 
cause  de  la  guerre  qu'il  lui  avait  faite,  ou  au 
moins  de  l'avoir  servi  contre  lui,  durant  le 
plus  grand  feu  de  la  guerre,  d'une  manière 
qui  ne  convenait  nullement  à  un  évêque.  Il 
se  plaint  qu'il  envoyait  des  espions  contre 
lui,  et  qu'il  rendait  à  Licinius  toutes  sortes 
de  services,  presque  jusqu'à  .porter  les  ar- 
mes pour  le  défendre;  et  il  assure  que  tout 
cela  était  très-bien  justifié  par  ses  prêtres  et 
ses  diacres  que  l'on  avait  pris,  et  qui  avaient 
peut-être  servi  eux-mêmes  d'espions  à  Lici- 
nius, sous  prétexte  de  venir  ménager  quel- 
aue  traité.  Il  ajoute  qu'Eusèbe  était  complice 
es  cruautés  du  tyran  Licinius,  même  de  la 
persécution  qu'il  avait  faite  aux  chrétiens, 
et  du  sang  des  plus  saints  évêques.  Le  crédit 
qu'il  avait  à  la  cour  venait,  comme  quelques- 
uns  croient ,  de  ce  qu'il  possédait  la  faveur 
de  Gonstancie ,  femme  de  Licinius  el,  sœur 


de  Constantin  ;  et  il  est  assez  probable  que 
ce  fut  par  son  moyen  qu'il  monta  à  l'évêché 
de  Nicomédie.  Au  moins,  l'on  ne  voit  point 
que  la  ruine  de  Licinius  ni  le  changement 
de  l'empire  aient  diminué  son  autorité.  L'on 
voit  de  plus  que  Gonstancie  avait  de  l'incli- 
nation |)0ur  l'arianisme,  quoicfu'on  en  rap- 
porte d'autres  causes;  et  môme  saint  Jérôme 
dit  qu'Arius,  pour  tromper  le  monde,  avait 
d'abord  trompé  la  sœur  du  [)rince.  Eusèbe 
pouvait  même  être  son  parent,  car  il  l'était 
de  Julien  l'Apostat,  quoique  de  loin.  On 
verra  dans  la  suite  qu'il  ne  s'arrêta  pas  en- 
core à  Nicomédie,  et  qu'il  passa  de  là  à 
Constantinople,  lorsque  cette  ville  fut  deve- 
nue la  capitale  de  tout  l'empire  d'Orient;  et 
quoique  ces  changements  fissent  horreur  à 
ceux  qui  avaient  quelque  respect  pour  les 
canons,  la  flatterie  n'a  pas  laissé  d'y  faire 
trouver  à  Eusèbe  de  Gésarée  une  matière  de 
le  louer. 

Outre  le  crédit  qu'il  avait  auprès  des  puis- 
sances du  siècle  et  l'avantage  de  son  siège, 
il  avait  encore  celui  de  l'éloquence.  On  ne 
peut  douter  aussi  qu'il  n'eût  bien  de  l'esprit 
pour  intriguer  et  pour  cabaler.  Philastorge 
ne  trouve  personne  entre  les  ariens  dont  la 
vie  lui  parût  plus  digne  de  ses  éloges,  et  il 
lui  attribue  même  dos  miracles.  Mais  sa 
force  était  dans  ses  liaisons  avec  la  cour;  et 
c'est  là  ce  qui  faisait  que  beaucoup  d'évê- 
ques  suivaient  aisément  ses  sentiments. 
C'est  donc  sans  doute  aussi  par  .là  qu'il  a 
mérité  que  ceux  de  sa  faction  le  qualifias- 
sent de  grand  évêque. 

Après  tant  de  crimes  dont  il  s'était  rendu 
coupable,  il  ne  faut  pas  s'étonner  qu  il  soi» 
tombé  dans  l'hérésie,  puisque  la  corrup- 
tion de  la  doctrine  et  de  la  foi  est  assez  sou- 
vent une  punition  du  dérèglement  de  la  dis- 
cipline et  des  mœurs;  l'indulgence  même  de 
l'Eglise,  qui  ne  le  punit  point  d'avoir  passé, 
contre  ses  lois,  de  Béryte  à  Nicomédie .  lui 
fit  croire  qu'il  en  était  le  maître  et  l'arb'tre, 
et  qu'il  pouvait  sans  crainte  se  rendre  le 
prolecteur  de  la  révolte  d'Arius.  Il  y  fut 
porté  sans  doute  par  l'ancienne  union  qu'ils 
avaient  ensemble  ;  car  on  voit  par  um-  let- 
tre écrite  vers  ce  temps-ci  qu'ils  avaient  une 
liaison  particulière  et  qu'ils  étaient  déjà 
dans  les  mêmes  sentiments.  Us  avaient  as- 
sez vraisemblablement  été  compagnons  dans 
l'école  de  saint  Lucien  d'Antioche,  puisque 
Arius  appelle  Eusèbe  un  véritable  collucia- 
niste.  Et  saint  Epiphane  témoigne  que  le 
vieil  Eusèbe  de  Nicomédie  (il  le  qualifie 
ainsi)  avait  vécu  assez  longtemps  avec  saint 
Lucien.  Les  ariens  se  vantaient  même  que 
ce  saint  avait  eu  pour  disciples,  non-seule- 
ment cet  Eusèbe,  mais  encore  les  autres 
principaux  auteurs  de  leur  secte,  comme 
M.iris  de  Chalcédoine,  Théognis  de  Nicée, 
Ménophante  d'Ephèse,  Athanase  d'Anazarbe, 
Eudoxe  de  Germanicie,  Léonce  d'Antioche, 
Antoine  de  Tarse  et  le  célèbre  sophiste  As- 
tère.  C'est  apparemment  ce  qui  a  fait  soup- 
çonner la  foi  de  ce  saint  martyr.  Quelques- 
uns  prétendent  qu'il  retira  tous  ceux  que 
nous  venons  de  nommer,  du  crime  de  l'a-- 


245 


AKI 


ÂRI 


SU 


postasie  où  ils  s'étawnt  engagés  durant  la 
persécution;  et  Philastorge ,  de  qui  cela 
vient  originairement,  donne  quelque  limido 
le  croire  ;  mais,  assurt^uent,  il  ne  l'a  voulu 
dire  que  d'Astère,  qui,  à  cau&e  de  cela,  ne 
put  jamais  être  élevé  à  Tépiscopat  par  les 
eusébiens  mêmes,  et  d'un  Alexandre  quon 
ne  voit  point  non  plus  avoir  été  évè(pae.  Il 
semble  même  qu'Eusèbe  fut  plutôt  le  maître 
que  le  disciple  de  l'impiété  d'Arius ,  car 
saint  Alexandre,  parlant  des  lettres  que  cet 
évêque  écrivit  en  laveur  d'Arius,  dit  qu'il  ne 
prétendait  pas  tant  détendre  Arius  que  se  dé- 
fendre lui-même,  puisqu'il  ne  faisait  que 
renouveler  par  Arius  ses  anciennes  impiétés, 
dont  le  temps  avait  aboli  le  souvenir.  C'est 
donc  pour  ce  snjet  que,  selon  saint  Alha- 
nase,  les  ariens  ou  Arius  môme  suivaient 
Eusèbe  comme  leur  maître,  lorsqu'ils  met- 
taient le  Fds  au  nombre  des  créatures.  Eu- 
sèbe est  néanmoins  aussi  appelé  le  disciple 
de  l'impiété  d'Arius,  parce  que  c'était  ce 
prêtre  qui  avait  commencé  à  la  rendre  célè- 
bre, et  à  exciter  le  trouble  dans  l'Eglise. 
Mais,  sans  disputer  trop  qui  mérite  l'hon- 
neur d'une  si  funeste  hérésie,  il  est  certain 
que  l'un  et  l'autre  ne  craignaient  pas  de  pu- 
blier, tant  de  houche  que  par  écrit,  les  plus 
horribles  blasphèmes.  Eusèbe  avait  néan- 
moins abandonné  à  Arius  le  soin  de  prêcher 
ouvertement  son  hérésie,  et  s'était  réservé 
celui  de  la  soutenir  par  son  crédit. 

L'unioîi  si  particulière  que  ces  deux  ser- 
pents, comme  les  appelle  saint  Athanase, 
avaient  entre  eux,  paraît  tout  à  fait  dans  une 
lettre  qu'Arius  écrivit  à  Eusèbe  avant  que 
de  l'aller  trouver  et  aussitôt  après  sa  sortie 
d'Alexandrie,  dont  il  lui  mande  la  nouvelle. 
Cette  lettre  est  ranportée  tout  entière  par 
saint  Epiphaiie  et'[)ar  Théodoret.  On  voit 
dès  l'inscription  son  esprit  de  tlatterie,  par 
les  titres  de  lionnne  de  Dieu  et  de  défen- 
seur de  la  vérité  qu'il  donne  à  Eusèbe,  et 
son  endurcissement  [)lein  de  vanité  lorsqu'il 
se  qualifie  un  liomme  injustement  persécuté 
par  le  pape  Alexandre  pour  la  cause  de  l:i  vé- 
rité toute-puissante.  Il  continue  dans  sa  let- 
tre à  se  plaindre  de  ce  ([ue  cet  évêque  le 
poursuivait  sans  relAche ,  (ju'd  em[)loyait 
contre  lui  toutes  sortes  de  machines,  ju-^- 
quà  le  faire  chasser  de  la  ville  comme  un 
impie  et  un  athée.  11  fait  ensuite  une  |)etite 
exposition  de  la  foi  de  ce  saint  prélat,  h  la- 
quelle il  o|)pose  en  un  mol  son  blasphème. 
—  H  ajoute  que  tous  les  évoques  d'Orient, 
hors  trois,  suivaient  ses  sentiments,  et 
avaient  été  analhérnatisés  pour  ce  sujet ,  ce 
qui  est  une  calotrnii(!  visibl(î.  (ilnr,  (pM'Ifjucs 
plaintes  que  fassf!  saint  Alexan  Ire  contre  les 
évoques  qui  favorisaient  Arius,  jamais  il  ne 
parle  d'anathènu,',  et,  au  contraire,  il  renvoie? 
positivemrnil  au  jugement  de  l'h^glise  ceux 
d'enlie  eux  cpii  étaient  les  plus  coupables. 
Il  dépeint  Eusèbt;  coirune  nn  honunc  (pii 
mérit;iil  toutes  les  foudres  de  l'Kglisc!;  mais 
il  se  conlfîiile  de  demander  (lu'on  n'nil  point  ' 
d'égard  a  tout  r.c.  (|u  il  poiui-a  dire  ou  écrire, 
f;l  il  ne  le  m(;l  jiouil  parmi  cimix  co  lire  qui 
l'on  avait  prononcé  raualhômc.  Mais  parce 


que  cet  anathème  tombait  sur  tous  les  com- 
plices de  Ihérésie  d'Arius,  il  voulait,  pour 
décrier- saint  Aleiandi'e,  que  tous  ceux  qu'il 
s'imaginait  être  ses  partisans  y  fussent  en- 
veloppés, et  cela  pouvait  être  vrai  devant 
Dieu  de  beaucoup  d'entre  eux. 

Ce  calomniateur,  dans  la  suite  de  sa  let- 
tre à  Eusèbe,  ne  représente  pas  plus  sincè- 
rement la  foi  que  la  conduite  de  î^es  adver- 
saires, et  il  impose  faussement  dos  hérésies 
aux  plus  illustres  défenseurs  de  la  vérité.  Il 
est  plus  croyable  dans  l'obstination  qu'il 
fait  paraître,  en  disant  qu'il  aimerait  mieux 
souffrir  mille  moris  que  d'écouter  seule- 
ment la  doctrine  de  ces  saints,  qu'il  api^elle 
des  ignorants  dans  notre  foi,  des  hérétiques, 
des  impies.  Il  finit  par  une  petite  exposition 
de  sa  croyance  ,  où,  quoicpi'il  tâche  de  ca- ; 
cher  son  venin,  il  le  «lécouvre  assez  pour 
justifier  la  vérité  de  tout  ce  que  saint  Alexan- 
dre et  les  autres  défenseurs  de  la  consub- 
stantialité  en  ont  écrit.  Il  remet  le  reste  à  la 
connaissance  d'Eusèbe,  qui  assurément  l'en- 
tendait fort  bien  h  demi-mot,  quand  on  n'en 
ju^^erait  que  par  ces  trois  lignes  que  saint 
Athanase  nous  a  conservées  d'une  de  ses 
lettres  à  Arius.  C'était  vraisemblablement  la 
réponse  à  celle-ci  même  :  «  Vos  sentiments 
sont  fort  bons,  leur  dit,  cet  impie,  et  vous 
n'avez  rien  à  souhaiter  que  de  les  voir  em- 
brassés par  tout  le  monde  ;  car  personne 
ne  peut  douter  que  ce  qui  a  été  fait  n'était 
pas  avant  qu'il  fût  fiut,  puisqu'd  faut  qu'il 
ait  commencé  h  être.  »  (Tillemont,  vol.  II , 
p.  252. ) 

Ce  fut  i)rès  d'Eu«èbe  de  Nicomédie  qu  A- 
rius  se  retira,  ai^'ès  ([ue  saint  Alexandre  se 
fut  amèrement  plaint  de  ce  que  les  évêques 
de  Palestine  l'avaient  reçu.  Ce  fut  de  \h  qu'il 
écrivit  h  saint  Alexandre,  et  là  aussi  qu'il 
comi)osa  sa  Thalie,  cantique  dans  lequel  il 
avait  renfe:mé  sa  doctrine.  Il  était  fait  sur 
l'air  et  conséquemment  dans  la  mesure  des 
chansons  infâmes  que  Sotade  avait  autrefois 
composées  pour  les  danses  et  les  festins.  Il 
en  lit  aussi  quelques  autres  pour  les  ré- 
jiau'Jire  dans  le  bas  pcnq^le.  Il  y  en  avait 
pour  les  voyageurs,  pour  les  mariniers,  j)Our 
les  toiH-neurs  de  meule.  Longtemps  Eusèbe 
de  Nicomédie  intercéda  ,  insista  auprès  de 
saint  Alexandre  [.our  qu'il  leçûl  Arius  fi  sa 
communion  :  toutes  ses  démai'ches  furent 
inutiles.  Vf)yant  cela,  il  fit  rassembler  deux 
concil-.'S,  l'un  on  Hiïhyuie,  l'autre  en  Pales- 
tine. Arius  y  fut  l'egu.  De  là,  il  écrivit  <\  tous 
les  évêques  de  recevoir  Ai'ius  en  leur  com- 
nuinion,  comme  ayant  des  sentiments  ))ar- 
fail(;meul  orthodoxes.  Ces  lettres  eurent  un 
trè.s-f;\(heux  ell'et,  et  détachèrent  de  la  foi 
un  grand  nombre  d'évêiiues.  Sur  ces  entre- 
faites, ut)  nonuué  Ceorge,  prêtre  d'Alexan- 
diie,  voulut  se  postT  comme  médiateui-  entre 
son  évê(|U(!  cl  les  ariens.  Il  écrivit  donc  aux 
uns  et  aux  autres;  mais  les  erreurs  qu'il  ren- 
ferma dans  ses  lettres,  la  façon  dont  il  ex- 
cusait Arius,  lui  valurent,  non  moins  que  le 
scandali!  (i(î  sa  conduite,  (pii  était  tiès-dé- 
baucliée,  une  excommunication  de  la  part 
de  saint  Alexandre.  Déposé  à  Aloxaudrio,  ii 


i45 


ARI 


ARl 


i46 


voulut  so  l'niro  recevoir  d;ins  le  clergé  d'An- 
tioclie;  mais  s.iiiit  Etisf.Ttlie  le  repoussa.  Il 
se  retira  h  ArétiuiSiMU  Syrie,  où  il  fut  reru, 
ouis(iU(>  C(»nslatilin,  le  pioposant  plus  tard 
.onuu(>  (WcVjue  d'Aiitioclie,  l'appelle  [irOtre 
d'Arétlmse.  Dans  ce  iiu^'uic  temps,  le  f^rand 
Osius,  étant  venu  ii  Alexa'ulrie,  y  litiL  un 
concile  dans  lecjuel  Arius  fut  e\cunnuunié. 
Ce  prôlre  écrivit  h  ('oiislauiin  ,  pour  s'en 
plaindre,  une  lettre  dans  la([uellc  cet  empt;- 
reur  découvrit  l'impiété  qui  animait  cet  hé- 
résiarque. 11  prit  la  plume  pour  le  réfuter. 
11  le  lit  d'une  manière  tellement  savante, 
qu'il  fut  50up(,'0nué  d'avoir  été  aidé  par  le 
grand  Osius.  A  la  suite  de  cela,  Arius  vint 
trouver  Conslantin,  (]ui  lui  avait  écrit  de 
venir  lui  rendre  com[ile  de  sa  loi.  Arius  le 
\\\  en  des  termes  tellement  an»bigus,  qu'il  était 
inqiossible  d'y  découvrir  l'hérésie  de  laquelle 
on  l'accusait.  Mais  bientôt  afirès  il  se  dévoila, 
et  l'empereur,  voyant  ([uil  était  impossible 
de  le  ramener  h  bien,  convoqua  le  concile 
œcuménique  de  Nicéc.  C'est  ce  qu'il  avait  de 
mieux  à  faire,  ce  qu'il  aurait  dû  faire  tout 
d'abord.  Et,  ici,  qu'on  nous  permette  quel- 
ques réflexions. 

Pendant  les  trois  siècles  qui  viennent  de 
s'écouler,  siècles  pendant  lesquels  nous 
avons  vu  l'Eglise  littéralement  sous  la  ha- 
che des  bourreaux,  les  |)rinces  qui  se  succé- 
dèrent ne  cessèrent  presque  pas  d'être  per- 
sécuteurs. Lorscjue  vint  Constantin,  et  qu'il 
se  fut  converti  à  la  religion  chrétienne,  il  se 
fit  une  réaction  extrême  eu  sens  opposé.  11 
devint  le  protecteur  de  la  religion  qu'il  ve- 
nait d'embrasser.  Or,  nous  voyons  là  un 
mal,  un  mal  véiitable.  L'Eglise  ne  doit  vou- 
loir de  la  protection  de  personne.  Ce  qu'd 
lui  faut,  c'est  l.\  liberté,  l'indépendance.  Si 
ses  persécuteurs  l'ont  frappée  à  coups  de 
hache,  ses  protecteurs  ont  voulu  l'enchaî- 
ner. Jésus-Christ  a  institué  pour  l'Eglise  des 
évêques,  des  docteurs,  c'est  à  eux  de  la  gou- 
verner. Les  princes  de  la  terre,  eux,  sont 
institués  pour  gouverner  leurs  états.  A  chacun 
son  rôlj  et  ses  fonctions.  Constantin  et  ses 
successeurs  furent  beaucoup  trop  prompts 
h  se  mêler  des  affaires  de  l'Eglise.  Sous  pré- 
texte de  la  protéger,  ils  citent  devant  eux 
les  prêtres  et  les  évêques  pour'  qu'ils  y 
vienneijt  rendre  compte  de  leur  foi;  ils  as- 
sistent aux  conciles,  les  dirigent  eux-mêmes 
Ou  par  1  urs  représentants.  On  les  voit  dé- 
poser des  prélats,  se  faire  juges  des  ditïé- 
rends  ecclésiastiijues  ,  et  usurper  l'autorité 
des  successeu/s  des  apôtres.  11  y  a  ceriains 
services  qu'oii  paye  toujours  tro|)  cher.  Ceux 
que  les  princes  rendent  à  l'Eglise  sont  de 
ce  nombre.  Presque  toujours  elle  perd  en 
indéjiendance  ce  qu'elle  reçoit  en  protec- 
tion. Ce  n'est  })oint  aux  princes  porleuis  du 
glaive  à  instruire  et  à  enseigner  la  vérité. 
Quand  ils  mettent  leur  puissance  d'un  côté, 
ils  oppriment  de  l'autre,  et  fussent-ils  du 
côté  de  la  vérité,  l'opprimé  a  toujours  le 
droit  d'appel,  car  la  conscience  ne  relève  que 
d'elle-même  et  non  pas  de  la  force.  Dans 
les  premiers  siècles  de  l'Egiise  oi  voit  un 
spectacle  atfligeant.  L'Eglise  catholique  aime 


et  bénit  les  princes  qui  la  protègent;  mais 
elle  fait  entendre  à  ceux  qui  se  uKittent 
contre  elle  du  côté  des  héréti(iues  de  sévères 
avertissements.  Ou'est-(Ui  ([ne  cela  |)rouve? 
sinon  que  le  pouvoir  civil,  (|ui  n'a  pas  reçu 
mandat  de  diriger  les  clios(!s  religieuses,  n'y 
devrait  jamais  mettre  la  main  ;  et  que  l'o 
j)ouvoir  religi(!ux  est  loujours  inqinident 
quand  il  réclame  un  concours  qui  ouvie.  la 
})orte  à  un  abus.  Encore  une  fois,  p'as  de 
protection  :  liberté  |)Our  tous.  La  vérité  est 
assez  puissante  [)Our  n'avoir  pas  besoin  d'ap- 
puis étrangers. 

Le  concile  do  Nicéc  anathéraatisa  Arius  et 
ses  partisans.  A  la  suite  do  ce  concile,  Arius 
fut  banni  en  lllyrie  par  Constantin.  La  con- 
damnation du  concile  était  juste.  Le  bannis- 
sement était  de  trop.  Plusieurs  partisans 
d'Arius  furent  anathématisés  avec  lui  ;  mais 
Eusèbe  de  Nicomédie  et  [)lusieurs  autres 
évêques  trouvèrent  moyen  d'esquiver  la 
sentence  du  concile,  en  signant  la  consub- 
slantialité.  Ils  ne  changèreni  pas  pour  cela 
de  sentiment,  et  attendirent  seulement  une 
occasion  plus  favorable  pour  se  déclarer. 
«  Bientôt  ils  firent  paraître  que  leurs  sous- 
criptions n'avaieiit  pas  été  sincères.  On  dit 
cju'ils  les  effacèrent,  ayant  gagné  celui  qui 
gardait  les  actes  du  concile  par  ordre  de 
l'empereur,  et  qu'ils  entreprirent  d'ensei- 
gner publiquement  qu'il  ne  faut  pas  croire 
que  le  Fils  soit  consubstantiel  au  Père.  Qu'Eu 
sèbe,  en  étant  accusé,  dit  hardiment  à  l'em- 
pereur, en  montrant  l'habit  qu'il  i)ortait  : 
Si  on  déchirait  ce  manteau  en  ma  présence,  jr 
ne  dirais  jamais  que  les  deux  pièces  fussen» 
de  la  môme  substance.  Il  est  certain  que 
l'empereur  ayant  fait  venir  d'Alexandrie  des 
ariens  qui  brouill  dent  encore,  Eusèbe  eJ 
ïhéognis  les  reçurent,  les  mirent  en  sûreté 
et  communiquèrent  avec  eux.  On  tint  donc 
un  concile ,  ils  furent  déposés  et  d'au- 
tres évêques  mis  à  leur  jtlace  :  Amphioa 
à  Nicomédie  et  Chrestus  à  Nicée.  Pour  Eu- 
sèbe et  ïhéognis,  l'empereur  irrité  les  en- 
voya en  exil  dans  les  Gaules,  trois  mois 
après  le  concile  de  Nicée,  et  ils  y  demeurè- 
rent trois  ans. 

^  «  En  même  temps,  Constantin  écrivit  à 
l'Eglise  de  Nicomédie  une  grande  lettre , 
dont  la  première  partie  est  un  discours  de 
IhJologie  assez  obscur  sur  la  divinité  du 
Verbe,  le  reste  est  une  invective  véhémente 
contre  Eusèbe.  Il  l'accuse  d'avoir  été  com- 
plice de  la  cruauté  du  tyran,  c'est-à-dire  Li- 
cinius,  dans  les  massacres  des  évêques  et 
dans  la  persécution  des  chrétiens.  Il  a,  dit- 
il,  envoyé  contre  moi  des  espions  pendant 
les  troubles,  et  il  ne  lui  manquait  que  di> 
prendre  les  armes  pour  le  tyran;  j'en  ai  dei 
preuves  par  les  prêtres  et  les  diacres  de  sa 
suite  que  j'ai  pris.  Et  ensuite,  pendant  le 
concile  de  Nicée,  avec  quel  empressement  et 
quelle  impudence  a-t-il  soutenu,  contre  le 
témoignage  de  sa  conscience,  l'erreur  con- 
vaincue de  tous  côtés?  tantôt  en  m'envoyant 
diverses  personnes  pour  me  parler  en  sa  fa- 
veur; tantôt  eu  implorant  ma  protection,  de 
peur  qu'étant  convaincu  d'un  si  grand  crime, 


247 


ARI 


il  ne  fiU  privé  de  sa  dignité.  Il  m'a  circon- 
venu et  surpris  honteusement,  et  a  fait  pas- 
ser toutes  choses  comme  il  a  voulu.  Encore 
depuis  peu,  voyez  ce  qu'il  a  fait  avec  Th.'^o- 
gnis.  J"avai3  commandé  qu'on  amenAt  d'A- 
lexandrie quehpies  déserteurs  de  notre  foi 
qui  allumaient  la  discorde  :  ces  bons  évo- 
ques ,  que  le  concile  avait  réservés  pour 
faire  pénitence,  non-seulement  les  ont  reçus 
et  protégés,  mais  encore  ont  communiqué 
avec  eu\.  C'est  pourquoi,  j'ai  fait  prendre 
ces  ingrats,  je  les  ai  envoyés  au  loin.  Il 
exhorte  les  peuples  à  qui  ii  écrit  à  s'atta- 
cher à  la  vraie  foi,  et  à  recevoir  avec  joie 
les  évôcjucs  fidèles,  purs  et  sincères,  c'est- 
à-dire  Amphion  et  Chrestus,  usant  de  me- 
naces contre  ceux  qui  oseront  encore  faire 
mention  des  séducteurs  et  leur  donner  des 
louanges.  L'empereur  écrivit  aussi  à  Théo- 
dote  de  Laodicée ,  pour  l'exhorter  douce- 
ment à  profiler  de  cet  exemple  et  à  effacer 
de  son  esprit  les  mauvaises  impressions 
qu'Eusèbe  et  ïhéognis  pourraient  lui  avoir 
données.  »  (Fleury,  vol.  I,  p.  450.) 

Quelque  temps  après,  Alexandre  d'Alexan- 
drie  mourut,  le  17  avril  326.  (  Voij.  saint 
Atiiaxase.  )  Un   peu    plus    tard,    en    329, 
Eusèbe    et  Théognis    furent    rappelés   par 
Constantin,  dont  ils  surprirent  la  bonne  foi. 
On  préteîid  que  ce  fut  Constancie,  sœur  de 
Constantin,  qui  obtint  la  grâce  de  ces  deux 
évêques.  Non-seulement  ils  revinrent  d'exil, 
mais  encore  ils  furent  rétablis  dans  leurs 
sièges,  et  eurent  autant  d'autorité  que  ja- 
mais. Quand  ils  virent  que  Constantin,  qui 
les  avait  reçus  en  grâce,  les  croyait  et  avait 
en  eux  grande  confiance,  ils  résolurent  de 
chasser  des  églises  les  évoques  qui  s'oppo- 
saient  à  leur   cabale,  pour   en  établir  qui 
fussent  de  leur   parti.  Eusèbe  n'osait   pas 
intercéder  directement    pour  Arius  ;  mais, 
ayant  fait  en  sorte  de  faire  arriver  un  prê- 
tre arien  dans  les  bonnes  grâces  de  Cons- 
tancie, sœur  de  l'empereur,  il  fit  obtenir,  par 
l'intercession  de  ce  prêtre  auprès  de  la  prin- 
cesse, le  rappel  d'Arius.  Constancie,  sur  le 
point   de  mourir  ,  recommanda  très  -  forte- 
ment ce  prêtre  à  son  frère.  Constantin  peu 
à  peu   se   laissa  gagner  et  promit  que,   si 
Arius  voulait  recevoir  le  concile,  il  l'admet- 
trait en  grâce.   11  le  fit  revenir  d'exil  pour 
déclarer  quelle  était  sa  véritable  croyance. 
Socrale  rapporte  une  lettre  toute  pleine  de 
bonté  et    d'amitié  (|ue  Constantin  écrivit  li 
Arius  pour  le  faire  venir  prom|)t('ment  à  la 
cour  par  les  voitures  publiques,  afin  de  le 
j-envoy(;r  ensuite  en  sou  pays.  Elle  est  datée 
du  27  novemljrede  l'an  330,  .uitant  que  nous 
en  jiouvons  juger    par    l'histoire.   On  voit 
par  cette  lettre  iiue  Constantin  lui  avait  en- 
voyé assez  longlemi)s  auparavant  l'ordre  de 
venir    à  la   cour,  et   il  s'étonne  de  ce  qu'il 
n'était  pas  encore  veini.  Ai-ius  |)0uvait  être 
alors  mal;id(',  car  nous  ih;  voyons  pas  ce  qui 
aurut  j)u  1(3  retenir  dans  h;  lieu  de  son  exil 
hors  l'uMpossibilité  d'en  soitii-.  lùi  (slfel,  So- 
craU;  .ijoule  (pi'ayanl  reçu  la  lelli'e  de  Ouis- 
l.intin,   il  ne  manqua  pas  de  le  veiiii'  bientôt 
iiou\er  h  Consiaptiuople,  Cl  d  amena  Eu- 


zoïus  avec  lui.  Constantin  leur  ayant  de-' 
mandé  s'ils  tenaient  la  foi  catholique  du  ' 
concile  de  Nicée,  ils  répondirent  que  oui,  et 
comme  il  voulut  avoir  leur  croyance  par 
écrit,  ils  lui  présentèrent  une  confession  de 
foi  rapportée  par  Socrate  et  par  Sozomène, 
jurant  que  c'était  leur  véritable  croyance  et 
qu'ils  ne  tenaient  rien  autre  chose. 

Cette  confession,  que  l'on  compte  pour  le 
deuxième  formulaire  des  ariens,  ne  parais- 
sait avoir  rien  que  de  catholique  dans  les 
termes,  mais  elle  cachait  un  sens  hérétique, 
étant  composée  de  telle  sorte  qu'elle  pou- 
vait exprimer  et  la  foi  et  l'hérésie,  laquelle 
en  effet  elle  n'exclut  i)oint  du  temps.  Ils 
avaient  seulement  évité  d'y  exprimer  leurs 
blasphèmes  les  plus  grossiers,  et  avaient  af- 
fecté de  n'y  employer  que  des  termes  au- 
torisés par  l'Ecriture.  Cependant  Rufin  as- 
sure qu'elle  fut  cause  qu'une  partie  des  sec- 
tateurs d'Arius  l'abandonnèrent  et  ne  vou- 
lurent plus  communiquer  avec  lui  depuis 
son  rappel,  soutenant  qu'il  fallait  dire  hau- 
tement ou  plutôt  impudemment,  que  le  Fils 
n'était  pas  né,  mais  fait  et  formé  du  néant. 
Ce  fut  le  parti  qu'embrassèrent  depuis  Aëce 
et  Eunome.  Car  l'histoire  ne  nous  apprend 
rien  sur  ceux  qui  purent  se  séparer  d'Arius 
dès  ce  temps-ci. 

Cette  confession  finissait  par  la  prière 
qu' Arius  et  Euzoïus  y  faisaient  à  Constan- 
tin, qu'ils  eussent  le  bonheur  de  se  voir 
réunis  à  l'Eglise  par  sa  piété.  Constantin, 
fort  réjoui  de  les  voir  entrer  comme  il  le 
pensait  dans  la  croyance  de  l'Eglise,  consentit 
sans  aucune  peine  à  ce  qu'ils  lui  deman- 
daient, et  Arius,  ravi  de  l'avoir  trompé,  s'en 
alla  à  Alexandrie,  prétendant  y  être  reçu 
dans  l'Eglise  par  saint  Atlianase,  qui  gou- 
vernait cette  Eglise  depuis  que  saint  Alexan- 
dre était  mort  en  320.  Mais  il  trouva  dans  ce 
saint  une  lumière  à  l'épreuve  de  ses  four- 
beries et  un  courage  invincible  à  tous  les 
efforts  de  sa  cabale.  Ainsi,  il  se  vit  réduit  à 
exciter  dans  la  ville  quelques  troubles  dont 
nous  n'avons  pas  de  connaissance  particu- 
lière, non  plus  que  de  ce  qu'il  devint  de- 
puis, jusqu'au  concile  de  Tyr,  en  l'an  335. 
(Tillemont,vol.  VI,  p.  272.) 

Ce  refus  que  fit  saint  Athanase  fut  cause 
de  la  persécution  acharnée  que  lui  suscita 
Eusèbe  de  Nicornédie.  «  Un  autre  ennemi 
redoutable  des  ariens  était  Eusialhe,  évoque 
d'Antioche,  la  première  église  après  Alexan- 
drie, et  la  troisième  du  monde.  11  était  con- 
fesseur, docte  et  éloquent,  et  combattit  l'hé- 
résie par  plusieurs  écrits.  Son  exactitude 
l'empêcha  u'admetlre  dans  le  clergé  plusieurs 
personnes  suspectes,  dont  la  jilupart  furent 
depuis  faits  évêques  par  le  crédit  des  ariens, 
connue  Etienne,  Léonce  l'eunucpie,  et  Eu- 
doxe,  alors  évoque  do  (iermanie,  (pii  furent 
tous  trois  évêipies  d'Antioche  l'un  après 
l'autre  :  (ieorgo  de  Laodicée;  Théo  los»  do 
'l'ripoli,  et  Eustalho  de  Sèbasie.  Saint  Lus- 
tache  d'Antioche  ne  se  contentait  pas  de 
conserver  son  église  ;  il  envoyait  dans  les 
auti'es  des  hommes  (•a|)al)les  d'instruire  et 
d'encuuragor  les  fidèles.  11  attaqua  en  parti- 


U9  ARt 

cnlier  F.iiS(M)e  do  C(^sarée,  et  l'accusa  d'avoir 
altéré  la  confession  de  l'»i  de  Nicée  ;  Kusèbe 
soutenait  (|ii'il  no  s'en  était  point  écarté, 
mais  qu'Kusiatlie  introduisait  io  sabellia- 
iiisnio.  Car,  c'était  Io  roprocht»  ordinaire  de 
ceux  qui  n'aituaient  pas  le  mot  de  coiisub- 
stantiel ,  ils  accusaient  (;oux  qui  le  rece- 
vaient de  favoriser  les  erreurs  de  Sabeliius, 
de  Montan.  Ce  n'est  piS  que  Moiitan  lui- 
mémo  eOt  rien  avancé  contre  la  Trinité,  mais 
il  y  avait  do  ses  disciples  ({ui  niaient  , 
coiùrae  Sabellius ,  la  distinction  des  [)er- 
sormes,  et  disaient  que  Io  mémo  était  Père, 
Fils  et  Saint-Esprit.  Saint  Kustatho  n'était 
pas  moins  déclaré  contre  Paulin  d  ■  Tyr,  et 
Patrophilo  de  Scylhopolis,  qui,  par  lem-  au- 
torité, entraînaient  la  plupart  des  évéques 
d'Orient. 

«  Les  ariens  ayant  donc  résolu  de  le  per- 
dre, Eusôbc  de  Nicomédie  feignit  un  grand 
désir  de  voir  Jérusalem  ,  et  on  particulier 
l'église  magnifique  que  l'empereur  y  faisait 
Mtir.  Il  le  tlatta  si  bien  par  ce  prétexte,  qu'il 

Partit  de  Nicomédie  avec  grand  honneur, 
empereur  fournissant  les  voilures  et  tous 
les  frais  du  voyage.  Tliéognis  de  Nicée,  son 
confident,  partit  avec  lui.  Arrivés  à  Antio- 
che,  ils  se  couvrii'cnt  du  masque  de  l'amitié, 
et  reçurent  de  saint  Eustathe  toutes  sortes 
de  bons  traitements  et  touies  les  marques 
de  la  charité  fraternelle.  Quand  ils  furent 
arrivés  aux  saints  lieux,  ils  virent  ceux  qui 
étaient  dans  leurs  sentiments,  Eusèbe  de 
Césarée,  PatrOf)hile  de  Scythopolis,  Aëtius 
de  Lydde,  Théodoie  de  Laodicée  et  les  au- 
tres ariens  ;  ils  leur  découvrirent  leur  des- 
sein, et  revinrent  avec  eux  à  Antioche  ;  car 
tous  ceux-ci  les  accompagnèrent  au  retour, 
sous  prétexte  de  leur  faire  honneur. 

«  Tous  ces  évoques,  se  trouvant  ensemble 
à  Antioche,  tinrent  un  concile  où  Eustathe 
assista  et  plusieurs  évêques  catholiques,  qui 
ne  savaient  rien  du  complot.  Quand  on  eut 
fait  sortir  tout  le  monde,  les  arions  firent 
entrer  une  femme  débauchée  qu'ils  avaient 
apostée;  et  qui,  montrant  un  enfant  à  la 
mamelle,  qu'elle  nourrissait,  dit  qu'elle  l'a- 
vait eu  de  l'évoque  Eustathe,  criant  avec 
impudence.  Eustathe  demanda  qu'elle  pro- 
duisît quelque  témon  :  elle  dit  ({u'eile  n'en 
avait  pont;  mais  les  juges  lui  déférèrent  le 
serment.  Elle  jura,  et  dit  encore  à  haute  voix 
que  l'enfant  était  à  Eustathe;  et,  comme  s'il 
eût  été  convaincu,  il  fut  condamné  à  la  plura- 
lité des  voix.  Les  évêques  qui  n'étaient 
point  du  complot  réclamaient  ouvertement 
contrôla  sentence,  et  défendaient  à  Eustathe 
d'y  acquiescer.  Ils  représentaient  qu'elle 
était  contre  toutes  les  règles,  puisque  la  loi 
de  Dieu  dit  expressément ,  que  pour  la 
preuve  il  faut  deux  ou  trois  témoins;  et 
saint  Paul  défend  de  recevoir  autrement  une 
accusation  contre  un  prêtre.  Toutefois  Eus- 
tathe demeura  condamné  et  déposé,  seule- 
ment on  ne  publia  pas  la  cause.  On  dit  sour- 
dement qu'il  avait  été  chargé  d'un  crime 
honteux,  à  quoi  l'on  joignit  le  reproche  gé- 
néral de  sabellianismo. 
«  A  la  place  de  saint  Eustathe,  on  voulut 


AKI 


250 


mottro  Eusèbe  de  Césarée,  et  le  transférer  à 
Antioche.  Sa  réputation  était  grande ,  et 
l'empereur  même  l'estimait.  \ai  concile  donc 
en  écrivit  à  rcmperein-,  témoignant (pj'ils  dé- 
siraient cette  tiansl.ition,  et  (lue  le  |)eupl(i  y 
consentait.  Mais,  en  elfet,  il  n'y  en  avait 
((u'uno  [)artie  ;  l'autre  tenait  forme  pour 
Eustathe,  et  voulait  le  conserver.  Celt(!  di- 
vision du  peuple  vint  jusrju'ci  la  sédition, 
et  pensa  renverser  la  ville  d'Antiocho  ;  car 
tout  le  inonde  prit  parti,  mémo  les  magis- 
trats et  les  soldats;  et  ils  en  seraient  venus 
aux  mains,  si  l'empereur  n'y  eût  mis  ordre. 
Eusèbe  et  Théognis  retournèrent  prom|)te- 
ment  auprès  de  lui,  laissant  les  autres  évê- 
(]ues  assemblés  à  Antioche.  Ils  persuadèrent 
h  l'empereur  qu'Eustathe  était  coupab  e , 
non-seulement  du  crime  dont  on  l'accusait, 
mais  d'avoir  autrefois  fait  injure  à  sainte 
Hélène,  sa  mère,  et  d'agir  tyranniquement  ; 
car  ils  faisaient  tomber  sur  lui  la  haine  de 
la  sédition.  L'empereur  envoya  à  Antioche, 
pour  adoucir  les  esprits,  un  do  ses  i)lus  fi- 
dèles serviteurs  qui  avait  la  dignité  de  comte, 
et  écrivit  lettres  sur  lettres  pour  les  exhor- 
ter à  la  paix.  Il  se  fit  envoyer  Eustathe,  qui, 
avant  de  partir ,  assembla  son  peuple  ,  et 
l'exhorta  à  demeurer  ferme  dans  la  bonne 
doctrine,  et  ces  exhortations  furent  de  grand 
poids,  comme  la  suite  le  fera  voir.  L'empe- 
reur, l'ayant  ouï,  ne  laissa  pas  d'ajouter  foi 
aux  calomnies,  et  l'envoya  en  exil  en  Thrace  ; 
plusieurs  prêtres  et  plusieurs  diacres  furent 
bannis  avec  lui.  On  croit  qu'un  de  ces  prê- 
tres bannis  alors  fut  Paul,  depuis  évêque 
de  Constantinople,  que  l'empereur  Constan- 
tin envoya  dans  le  Pont.  Saint  Eustathe  crut 
que  le  meilleur  parti  était  de  porter  tran- 
quillement cette  persécution,  et  nous  ne 
voyons  aucun  effort  qu'il  ait  fait  pour  se  ré- 
tablir. Il  mourut  dans  son  exil,  et  fut  en- 
terré à  Trajanopolis,  dans  la  Thrace.  La 
malheureuse  femme  qui  l'avait  accusé,  étant 
tombée  dans  une  longue  et  fâcheuse  mala- 
die, déclara  à  plusieurs  évêques  toute  l'im- 
posture ,  et  avoua  qu'on  l'avait  engagée  à 
cette  calomnie  pour  de  l'argent;  mais  elle 
ne  croyait  pas  son  serment  entièrement 
faux  ,  parce  qu'elle  avait  eu  cet  enfant  d'un 
ouvrier  en  cuivre,  nommé  Eustathe. 

«  Cependant  Eusèbe  de  Césarée  ne  ju- 
gea pas  à  propos  d'accepter  la  translation 
de  son  église  à  celle  d'Antioche,  so.t  par 
zèle  de  la  discipline,  comme  l'empereur  le 
crut,  soit  par  la  crainte  du  peuple  catholi- 
que d'Antioche,  qui  ne  voulait  point  recon- 
naître d'autre  évêque  que  saint  Eustathe. 
Eusèbe  écrivit  donc  à  l'empereur,  et  l'em- 
pereur lui  répondit  par  une  lettre  qu'Eusèbe 
a  pris  grand  soin  de  nous  conserver.  Cons- 
tantin le  loue  de  son  attachement  aux  ca- 
nons et  à  la  tradition  apostolique,  et  le  fé- 
licite de  ce  que  presque  tout  le  monde  l'a 
jugé  digne  de  gouverner  l'Eglise.  L'empe- 
reur écrivit  en  même  temps  au  peuple  d'An- 
tioche, pour  le  détourner  du  dessein  d'élire 
Eusèbe.  Je  connais  ,  dit-il ,  depuis  long- 
temps sa  doctrine  et  sa  modestie,  et  j'ap- 
prouve la  bonne  opinion  que  vous  en  avez  j 


251 


ÂRI 


ARl 


25S 


mais  il  ne  faut  pas  pour  cela  renverser  ce 
qui  a  été  sagement  établi,  ni  priver  les  au- 
tres de  ce  qui  leur  appartient.  Ce  que  vous 
avez  fait  n'est  pas  retenir  un  évoque,  c'est 
l'enlever;  il  n'y  a  que  de  la  violence  en  un 
tel  procédé,  et  point  de  justice;  c'est  un 
sujet  de  sédition.  Il  les  exhorte  enfin  à  con- 
server la  tranquillité,  puisque  l'on  a  ôté 
(l'entre  eu\  ce  qui  pouvait  causer  de  la  cor- 
ruption. Par  oiJ  il  semble  marquer  la  ca- 
lomnie contre  Eustatlie,  à  laquelle  il  avait 
ajouté  foi. 

«  Eusèbe  rapporte  une  troisième  lettre  de 
Pempereur  ailressée  à  Théodote,  à  Théo- 
dore, à  Narcisse,  à  Aëtius,  à  Alphée  et  aux 
autres  évoques  qui  étaient  à  Anlioche.  Si 
Eusèbe  deNicomédie  et  Théognis  y  eussent 
encore  été,  il  est  vraisemblable  qu'ils  eus- 
sent été  nommés.  Dans  cette  lettre,  Cons- 
tantin témoigne  qu'il  a  été  in'ormé  de  tout, 
tant  par  les  lettres  des  évoques  que  par 
celles  d'Acace  et  de  Stratéi^ius.  On  croit 
qu'Acace  était  le  comte  d'Orient,  dont  la  ré- 
sidence était  à  Antioche,  et  Stratéji,ius,  au- 
trement Mausonien,  le  comte  que  l'empe- 
reur y  avait  envoyé  exprès  pour  apaiser 
cette  sédition.  Les  lettres  d'Eusèbe,  dit-il, 
me  paraissent  très-conformes  aux  lois  de 
l'Eglise  ;  mais  il  faut  aussi  vous  dire  mon 
avis.  J'ai  appris  qu'Euphronius,  prêtre,  ci- 
toyen de  Césarée  enCappadoce,et  George  d'A- 
réthuse,  aussi  prêtre,  or.ionnés  par  Alexan- 
dre d'Alexandrie,  sont  très-éprouvés  pour 
la  foi.  Vous  pourrez  les  proposer  avec  les 
autres  que  vous  jugerez  dignes  de  l'épisco- 
pat,  pour  en  décider  conformément  à  la  tra- 
dition af)ostolique.  Une  telle  proposition  de 
l'empereur  ne  [)Ouvait  manquer  d'être  d'un 
grand  poids.  Aussi  furent-ils  tous  deux  évo- 
ques, (jeorge  à  Laodicée,  Euphrune  à  An- 
tioche même,  mais  après  quelijueinlervalle; 
car  dabord  on  y  mit  Paulin  de  Tyr,  qui 
uiourut  six  mois  après  ,  et  Eula'-ius  lui 
succéda.  C'était  l'an  328  ou  environ.  Eu- 
laJius  ne  Jura  (jue  trois  mois,  et  Euphronius 
lui  succéda ,  (|ui  mourut  aussi  après  un 
an  et  quelques  mois.  Le  peu  de  durée 
de  ces  trois  évèques  fait  que  les  histo- 
riens ne  les  coni|)tent  pas  tous,  ou  les 
placent  diversement.  Enfin  Placillusou  Flac- 
cillus  fut  ordonné  évêque  d'Antioclie  vers 
l'an  331,  et  tint  le  siège  douze  ans.  Tons 
ces  évêfjues  étaient  du  parti  des  ariens,  et 
ce[)endant  le  jieuple  catholique,  qu'ils  riom- 
maient  les  euslathiens,  tenait  à  part  ses  as- 
semblées. 

«  Les  ariens  firent  aussi  chasser  en  mémo 
temps  deiix  autres  sauits  évôfiues,  Asclépas 
de  Gage  et  Eutrope  d'Andrinople.  Asclépis 
fut  accusé  de  mauvaise  doctrine,  elQuinlien 
fut  mis  en  sa  place.  Entr0;ie  reprenait  sou- 
vent Eusèbe  de  Nicomédie,  et  conseillai l  h 
ceux  qui  passaient  chez  lui  à  An  rinople  de 
ne  pas  cron-e  ses  discours  im|)ies.  Ils  se  s(!r- 
virent  ronlre  lui  de  la  passion  de  Basiline, 
femiJH!  do  Jules  (>)nstintins,  et  mère  do  i\--\ 
lien  l'Apostat;  car  Eusebt;  était  paient  de 
celte  princesse,  et  elle  haïssait  ÉutiOi/C.  » 
(fleury,  vol.  1,  p.  IGl.) 


Les  eusébiens  mirent  à  la  place  d'Eus- 
tathe  Paulin  et  Eulale  consécutivement  sur  Je 
siège  d'Antioclie.  Eusèbe  ayant  refusé  le  siège 
d'Antioche,  les  ariens  y  mirent  Eupliro-ie 
et  puis  Placille.Onant  à  "la  persécution  qu'ils 
firent  endurer  à  saint  Eutrope  et  à  saint 
Luco  d'Andrinople,  elle  mérite  d'être  rap- 
portée ici.  Cet  évêque  était  homme  d'émi- 
nente  vertu  et  dt'  grand  savoir:  souvent  il 
reprenait  Eusèbe  de  Nicomédie,  et  conseil- 
lait à  lojs  ceux  (pii  passaient  par  Andrino- 
ple  de  ne  pas  se  laisser  persuader  par  ses 
paroles  imj)ies.  Ce  fut  ce  (|ui  lui  att  ra  la 
haine  d'Eusèbe,  et  lui  valut  d'êîre  chassé 
de  son  église  comme  Enstathe  l'avait  été  de 
la  sienne.  Ces  faits  se  passèrent  en  331,  ou 
332  au  plus  tard.  Saint  Luce,  successeur  de 
saint  Eutrope,  eut  le  môme  sort  ([uo  lui.  En 
Palestine,  saint  Macaire  de  Jérusalem  eut 
aussi  à  souifrir  des  ariens;  miis  il  les  obli- 
gea à  demeurer  en  rep  !S,  en  se  sé[)arant  im- 
médiatement de  leur  communion.  Li'S  prin- 
cipaux de  ceux  qui  le  persécutèrent  furent 
Eusèbe  de  Césarée  et  Palrophile.  «  Ce  fut 
peu  do  temps  après,  de  333  à  335,  que  les 
ariens  tinrent  à  Tyr  leur  fameux  concile, 
où  saint  Alhanaso  fut  déposé.  {Voy.  son  ar- 
ticle.) Ayant  gagné  quelques  méléciens,  ils  les 
présentèrent  à  l'ompciour,  renouvelant  contre 
Athanase  des  accusations  vagues  de  crimes 
énormes.  Ils  firent  tant  qu'ils  le  i)ortèrent  à 
assembler  un  concile,  et  proposèrent  la 
ville  de  Césarée  en  Palestine,  à  cause  d'Eu- 
sèbe, qui  en  était  évêque,  l'un  des  princi- 
paux du  parti.  Saint  Athanase  ne  voulut 
jjoint  s'y  rendre,  sachant  qu'il  n'y  aurait 
point  de  liberté.  11  se  passa  trente  mois, 
c'est-à-dire  deux  ans  et  demi ,  depuis  l'an 
331 ,  que  ce  concile  avait  été  indiqué,  jus(iu'à 
l'an  33'i-.  Enfin  les  eusébiens  se  plaignirent  à 
l'empereur  de  la  désobéissance  d'Athanase, 
le  traitant  de  superbe  et  de  tyran.  L'empe- 
reur en  fut  irrité,  et  en  prit  do  mauvaises 
impressions  contre  lui.  Il  changea  le  lieu 
du  concile,  et  ordonna  qu'il  s'assemblerait  à 
Tyr.  C{i  fut  (m  l'année  335,1a  trentième  du 
règne  (i(!  Constantin,  sous  le  consulat  de 
Constantius  et  d'Albin.  La  cause  de  la  con- 
vocat  on  de  ce  concih^  était,  liisait-on,  pour 
réunir  ios  évèques  divisés,  et  rendre  la  paix 
à  l'Eglise,  L'empereur  était  bien  aise  encore 
d'assemUler  un  grand  nombre  d'évêcpies  en 
Palestine,  pour  rendre  solennelle  la  dédicace 
de  l'Église  de  Jérusibnii,  (jui  était  achevée; 
mais  les  eusébiens  liront  en  sorte  (ju'il  ne 
manda  h  ce  concile  (ju.3  les  évê(|u  s  qu'ils 
lui  m:u'(pièreiit,  et  (ju'il  y  erivoya  un  comte 
pour  les  a[)puyor  doson  autorité,  sous  pré- 
texte do  inaint(n)ii'  l'ordre  et  d'empêcher  le 
tumulte.  Ce  comte  était  Flavius  Denis,  nuj'a- 
ravanl  consulaire  do  Phénieie,  dmit  Tyr 
était  capitale.  L'assemblée  fut  nombr(Mise.  11 
y  eut  des  évèques  do  tontes  les  |)arties  (|(>  l'E- 
gy|)te,  delà  Libye,  de  l'Asie,  dt'  la  IJythinio, 
de  toutes  les  parties  de  l'Orient,  do  la  Ma- 
cédoine, de  la  Pannonio;  mais  ils  étaient 
ari(n)s  |)Our  la  plupart.  Los  plus  célèbics 
él  li.'Mt  :  les  deux  Ensobo;  Placille  ou 
Elaccillo  d'Antioche,  Théognis  de    Nicée , 


I 


3!!;3 


ÂRl 


ARl 


25i 


Maris  de  Chaloédoine,  Narcisse  do  Néro- 
niado,  TlK^ndorf!  de  Périntho  ou  Hénulée, 
hoiiimo  tirs-savani,  qui  ('rrivit  des  (ouiinon- 
taiics  sur  rEvangile  d»'  s.iiiil  iMatlhicu  et  do 
saiiit  Jean,  sur  saint  l*aul  et  sur  les  i)sau- 
/ncs;  sou  stylo  était  c\n\v  et  ('-lé^^ant,  ot  il 
s'adai-hait  au  sens  luslori(|ue;  Patrophiic  de 
Scvthopolis,  ThoO[)hilo,  Ursaoo  do  Siir^idou, 
*^t  Valons  de  Murse,  deux  villes  de  Panuo- 
nio;  ces  deux  évAiiues  étaient  des  preiuiers 
disciples  d'Arius  ;  Macédonius  dis  Mo})- 
suoste,  Georges  de  Laodicée.»'Fleury,  vol.l, 
p.  407.) 

A  co  connilo  il  se  trouva  bien  quelques 
évêques  catholiques;  mais  i'iliniuionl  moins 
nombreux  que  les  ariens,  et  d'ailleurs  la 
condamnation  était  déciclée  d'avance.  Le 
saint  [)atriarche  Athanas(î  eut  beau  démon- 
trer la  fausseté,  l'absurdité  des  aeeusi lions 
dirigées  co'ilre  lui,  il  fut  C()r*<lamné.  [Voi/. 
son  article.)  On  le  déposa.  A  peine  ce  con- 
cile était-il  terminé,  que  les  évoques  reçu- 
rent do  Constantin  l'invitation  de  se  rendre 
h  Jérusalem  pour  la  dédicace  de  l'église 
qu'il  y  faisait  construire.  Avec  les  facilités 
de  voyage  qu'il  leur  fournit,  le  plus  grand 
nombre  de  ceux  cjui  étaient  au  concile,  et 
une  intinité  d'autres  s'y  rendirent.  «  Arius 
y  vint  avec  une  lettre  de  l'empereur,  et 
une  confession  de  foi  qu'il  lui  avait  pré- 
sentée; car  l'empereur  l'avait  invité  plu- 
sieurs fois  à  le  venir  trouver,  espérant  (ju'il 
se  repentirait  sincèrement  de  ses  erreurs,  et 
voulant  le  renvoyer  à  Alexandrie.  11  vint  en- 
fin à  Constantinople  avec  le  diacre  Euzoius, 
que  saint  Alexandre  d'Alexandrie  avait 
déposé  avec  lui;  et  ils  présentèrent  à  l'em- 
pereur un  écrit  en  ces  termes  :  A  Constan- 
tin, notre  maître  très-pieux  et  très-chéri 
de  Dieu,  Arius  et  Euzoius.  Suivant  vos  or- 
dre-, seigneur,  nous  vous  ex|)OSons  notre 
foi,  et  nous  déclarons  par  écrit,  devant 
Dieu,  que  nous,  et  ceux  qui  sont  avec 
î.'OwS,  croyons  comme  il  s'ensuit  ;  c'est  à  sa- 
voir en  un  seul  Dieu,  père  tout-puissant, 
et  en  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  son  fils, 
produit  de  L.i  avant  tous  les  siècles.  Dieu- 
verbe,  par  qui  tout  a  été  fait  au  ciel  et  sur 
la  terre.  Qui  est  descendu,  s'est  incarné,  a 
soutfert,  est  ressusciîé  et  monté  aux  cieux, 
et  doit  encore  venir  juger  les  vivants  et  les 
morts.  Et  au  Saint-Esprit.  Nous  croyons  la 
résurrection  de  la  chair,  la  vie  éternelle,  le 
royaume  des  cieux  ;  et  en  une  seule  Eglise 
catho  ique  do  D.eu,  étendue  d'une  cxtrém  té 
à  l'autre.  C'est  la  foi  que  nous  avons  prise 
dans  les  siints  Evangiles,  oh  le  Seigneur 
dit  à  ses  diciples  :  Allez,  instruisez  toutes 
les  nations,  et  les  baptisez  au  nom  du  Père, 
et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit.  Si  nous  ne 
croyons  pas  ainsi,  et  ne  recevons  pas  véri- 
tablement le  Père,  le  Fils,  et  le  Saint-Esprit, 
comme  toute  l'Eglise  catholique,  et  comme 
l'enseignent  les  Ecritures,  que  nous  croyons 
en  toutes  choses,  Dieu  est  notre  juge,  et 
maintenant,  et  au  jugement  futur.  C'est 
pourquoi  nous  vous  su'.'plions,  très-pieux 
emp  rour,  puisque  nous  sommes  enfants  de 
l'Eglise,  et  que  nous  tenons  la  foi  de  l'Eglise 


et  des  saintes  Ecritures,  que  vous  nous  fas 
sio  réunir  à  l'Kglist!  notre  mère,  en  retran- 
chant toutes  les  (pusslions  vi  les  pai'olos  su- 
|)(M'llu(!s,  alin  qu'étant  (ni  [taix  avec  l'Eglise, 
nous  puissions  tous  ensembh;  faire  les  priè- 
res accoutumées  pour  la  prospérité  do  votre 
empire  et  de  voire  famille.  »  (EJourv  vol.  I, 
p.  W.'J.) 

Constantin  avait  été  satisfait  de  cette  pro- 
fession de  foi,  ne  faisant  pas  atl(;nlion  que  le 
mot  consubstanticl  n'y  était  pas  ,  mais  qu'il 
y  était  au  contraire  rejeté  sous  le  nom  géné- 
ral de  paroles  superflues,  cl  que  la  prêtent ioiî 
de  croire  selon  les  Ecritures  était  colle  de 
laisser  h  chacun  le  droit  de  les  interpréter 
à  sa  façon,  sans  s'inquiéter  des  décis  ons  de 
l'Eglise' à  cet  égard.  Croyant  donc  Arius  et 
Eii/oius  revenus  h  la  foi  de  Nicée,  il  les  en- 
voya au  concile  do  Jérusalem,  invitant  ce  con- 
cile à  les  recevoir,  s'il  les  trouvait  ortho- 
doxes ou  calomniés  par  envie.  C'était  ce  que 
les  évoques  du  parti  d'Arius  attendaient; 
aussi  ne  se  firent-ils  pas  faute  de  recevoir 
Arius,  Euzoius  et  tous  ceux  que  la  sentence 
de  Nicée  avait  exclus  du  sein  do  l'Eglise.  Ils 
écrivirent  une  lettre  synodale,  adressée  à 
l'Eglise  d'Alexandrie,  aux  évoques  d  Egypte, 
do  la  Libye,  de  la  Thébaïde,  do  la  Pontapole, 
et  généralement  à  l'Eglise  tout  entière.  Ils 
invitaient  les  évoques  et  tous  les  chrétiens  à 
recevoir  Arius  et  les  siens  dans  leur  commu- 
nion, prétendant  que  do  l'exposition  do  leur 
foi  il  résultait  qu'ils  ne  s'étaient  pas  éloignés 
de  la  doctrine  orthodoxe,  et  avaient  gardé 
les  croyances  et  les  traditions  apostoliques. 
Saint  Àthanase  s'était  rendu  à  Constantino- 
ple, pour  s'y  plaindre  à  l'empereur  de  l'in- 
justice commise  à  son  égard  au  concile  de 
Tyr,  et  des  indignes  traitements  dont  il  y  avait 
été  l'objet. 

Constantin  manda  à  tous  ceux  qui  avaient 
élé  du  concile  de  Tyr  de  le  venir  trouver  à 
Constantinople,  pour  répondre  aux  plaintes 
que  saint  Athanase  faisait  contre  eux.  Comme 
ils  se  croyaient  les  maîtres  do  tout,  ils  jugè- 
rent plus  à  propos  de  persuader  aux  autres 
évoques  de  s'en  retourner  dans  leurs  diocèses, 
et  s'en  allèrent  eux  seuls  à  Constantinople, 
c'est-h-dire  les  deux  Eusèbe,  Théogiis,  Ma- 
ris, Patrophile,  Ursace  et  Valons.  Quand  ils 
y  furent,  ils  chorclièront  de  nouvelles  <  a- 
lomnies,  et,  sans  songer  à  Isquyros  ni  à  Ar- 
sène, ils  prétendirent  que  .^aint  Alhnnase 
avait  menacé  d'empocher  qu'on  apportât  do 
l'Egypte  du  blé  à  Constantinople.  Leur  heure 
était  venue,  et  Dieu,  irrité  contre  eux,  leur 
accorda  ce  qu'ils  souhaitaient  depuis  si  long- 
temps. Constantin,  par  une  faiblesse  inconce- 
vable, crut  des  calomniateurs  de  profession, 
condamna  l'innocent  et  relégua  dans  Jos 
Gaules  le  grand  Athanase.  Voilà  comment 
se  termina  l'année  335,  qu'on  peut  dire  avoir 
été  pour  l'Eglise  une  année  d'humiliation  et 
d'affliction. 

Les  eusébiens  n'étaient  pas  encore  con- 
tents d'avoir  fait  bannir  saint  Athanase;  ils 
voulaient  mettre  à  sa  place  un  loup  capable 


255 


AAI 


ARI 


S56 


de  dissiper  le  troupeau  de  Jésus-Christ.  Ils 
en  avaient  déjà  un  tout  trouvé,  mais  Dieu 
voulut  épargner  ce  surcroît  de  douleur  à  ses 
serviteurs,  et  Constantin  ne  put  soutlVir  qu'on 
lui  en  parlât.  Les  eu-<ébiens  s'en  conso- 
lèrent en  se  vengeant  d'un  autre  de  leurs 
ennemis,  savoir  de  M;ircel,  évoque  d'xVncyre, 
qui  s'était  toujours  opposé  à  eux  avec  une 
axtrôme  vigueur,  et  qui  avait  parlé  avec 
beaucoup  de  force  contre  les  deux  Eusèbe 
iais  un  ouvrage  qu'il  avait  composé  depuis 
peu.  Les  eusébiens  crurent  trouver  dans  cet 
ouvrage  que  Marcel  soutenait  tellement  con- 
tre eux  l'unité  de  la  nature  divine,  qu'il 
niait  même  la  distinction  des  personnes.  Et 
il  est  certain  qu'il  y  a  eu  lieu  de  soupçon- 
ner aumoinsMarcel  de  cette  erreuret  dequel- 
ques  autres  ;  mais  les  saints  les  plus  éclai- 
rés ont  soutenu  qu'on  ne  l'en  pouvait  pas 
condamner  avec  justice  sur  son  livre.  Les  eu- 
sébiens, qui  haïssaient  sa  personne,  n'exami- 
nèrent pas  son  livre  avec  tant  de  soin.  Ils 
cô^i-damnèrent  et  le  livre  et  l'auteur,  dépo- 
sèrent Marcel  dans  un  grand  concile  qu'ils 
tinrent  en  partie  sur  cela,  l'anathémalisèrent, 
le  firent  bannir  et  mirent  en  sa  place  Basile 
ou  Basilas,  qui  avait  la  réputation  d'être  un 
homme  éloquent  et  fort  capable  d'instruire. 
C'est  lui  apparemment  qu'Eunome  appelait 
Basile  du  Pont-Euxin  ,  parce  qu'il  pouvait 
être  né  sur  les  côtes  de  cette  mer.  Nous  au- 
rons souvent  sujet  de  parler  de  lui  dans  la 
suitede  ce  discours.  Les  eusébiens,  pour  con- 
damner Marcel,  assemblèrent  à  Constantino- 
ple  un  grand  concile  composé  de  diverses 
provinces  de  l'Orient,  du  Pont,  de  la  Cappa- 
doce,  de  l'Asie,  de  la  Phrygie,  de  la  Bithy- 
nie  et  encore  de  la  Thrace  et  des  pays  plus 
occidentaux.  Il  semble  que  Protogène  de  Sar- 
dique  (dans  la  Dacie)  et  l'évoque  "de  Syracuse 
en  Sicile,  s'y  soient  trouvés.  11  paraît  qu'Eu- 
sèbe  de  Césarée  n'y  manqua  pas,  et  nous 
avons  vu  qu'il  était  venu  à  Constantinople  à 
la  fin  de  335,  avec  celui  de  Nicomédie,  Tnéo- 
gnis,  Patrophile,  Ursace  et  Valens,  tous  chefs 
du  parti  des  ariens.  Aussi  l'histoire  remar- 
que que  le  concile  dont  nous  {tarions  fut 
composé  principalement  d:v'S  sectateurs  d'Eu- 
sèbe  et  d'Arius.  Il  y  a  lieu  de  croire  que 
Piacille  d'Antioche  y  assistai,  comme  nous  le 
voyons  autre  part,  et  par  conséquent  qu'il  y 
présida.  Butin  dit  ex[)ressément  que  Cons- 
tantin convoqua  ce  concile  par  ses  édits.  Ce- 
pendant Sozomène  semble  dire  que  les  eu- 
sébiens se  rendirent  d'eux-mêmes  à  Cons- 
tantinople, sans  aucune  convocation  publi- 
que, [)Our  y  exécuter  h.nirs  entreprises,  ou 
plutôt  qu'ils  y  accoururent.  Saint  Alexandi-e, 
qui  était  alors  évoque  de  Constantinople  et 
un  dél<;nseur  intrépide  de  la  vérité,  s'aper- 
çut d(!  leiJis  mauvais  d('ss(nns  et  Ht  ce  (pi'il 
put,  mais  iniUilcinent,  |)Oui'  eiii|)è(:hei'  cette 
assemblée  ou  la  dissiper.  Klh;  ih;  se  tenait 
pas,  on  «îllet,  simpl(!mentj)Our  examiner  l'af- 
iaire  di;  Marcel  d'Ari(yr(,'.  Les  eiiséjjiens  vou- 
laient cnlrcpjciidi'e,  coinnu;  nous  avons  dit, 
d'y  ruiner  la  foi  d(î  Nicéc.  Mais  Iciu-  princi- 
|>al(;  viu;  était  de  conliriner  et;  (pTils  avaietit 
iail  ù  Jérusalem,  et  de  fuiro  rocovoir  Arius 


dans  la  communion  de  l'Eglise.  Ce  dessein 
était  cependant  bien  opposé  à  celui  de  Dieu, 
et  nous  allons  voir  Arius,  non  pas  reçu  dans 
l'Eglise  pour  lui  insulter,  mais  banni  de 
l'Ejlise  et  du  monde  par  une  mort  infâme  et 
digne  de  lui.  Après  avoir  été  reçu  si  facile- 
ment par  ses  fauteurs  dans  le  concile  de  Je 
rusalem,  il  s'en  était  allé  à  Alexandrie  avec 
ses  disciples,  pensant  y  trouver  la  même 
facilité.  Mais  on  y  connaissait  trop  ses  four- 
beries pour  s'y  laisser  prendre,  et  on  ne  vou- 
lut point  le  recevoir  à  la  communion  de 
l'Eglise.  Ainsi,  il  n'y  fit  autre  chose  que  du 
trouble,  par  la  douleur  que  le  peuple  avait 
tant  de  son  retour  et  de  celui  de  ses  disciples 
que  du  bannissement  de  leur  évêque.  Il  sem- 
ble même  que  les  autres  Eglises  aient  refusé 
positivement,  aussi  bien  que  celle  d'Alexan- 
drie, de  recevoir  les  ariens,  et  n'aient  eu  au- 
cun égard  à  ce  qu'avait  fait  pour  eux  le  con- 
cile de  Jérusalem.  On  sait  avec  quelle  hor- 
reur et  quelle  exécration  le  pape  Jules  parle 
de  cette  réception  ;  et  le  concile  d'Alexandrie 
remercie  tous  les  évoques  d'avoir  souvent 
écrit  pour  anathématiser  ces  hérétiques  et  de 
ne  les  avoir  jamais  admis  dans  l'Eglise.  On  a 
toujours  parlé  de  l'évêque  Second,  de  Piste 
et  d'Euzoïus,  avec  la  même  horreur  que  s'ils 
n'eussent  jamais  été  relevés  de  l'anathème 
prononcé  contre  eux  par  saint  Alexandre  et 
par  le  concile  de  Nicée.  On  a  fait  un  crime 
aux  eusébiens  du  commerce  et  de  la  commu- 
nion qu'ils  avaient  avec  les  ariens  d'Alexan- 
drie, anathématisés  par  toute  l'Eglise  catho- 
lique. Le  pape  Jules  n'a  pusoutfrir  que  Gré- 
goire lui  eût  député  Carpone  et  quelques 
autres  déposés  par  saint  Alexandre  à  cause 
de  l'arianisme. 

Constantin  ayant  été  averti  des  troubles 
qu'A rius  causait  dans  Alexandrie,  lui  ordon- 
na de  venir  à  Constantinople  pour  rendre 
raison  de  ce  trouble  qu'il  avait  excité,  el  en- 
core de  ce  que  l'on  disait  qu'il  était  retombé 
dans  son  hérésie.  Les  eusébiens  ne  s'oppo 
seront  nullement  à  cet  ordre,  se  voyant  assez 
maîtres  de  l'esprit  de  Constantin  pour  n'en 
rien  appréhender.  Et  ils  crurent  même  que 
ce  leur  serait  une  occasion  favorable  de 
faire  recevoir  Arius  dans  l'Eglise  à  la  vue  de 
tout  l'empire.  Ainsi  il  ne  faut  pas  s'étonner 
si  l'on  dit  que  c'étaient  eux-mêmes  qui 
avaient  sollicité  cet  ordre,  voyant  que  c'était 
inutilement  (ju'il  restait  à  Alexandrie,  et 
qu'au  contraire  saint  Alexandre  s'y  opposa 
tant  (ju'il  put. 

Arius  vint  donc  h  Constantinople.  On  ne 
dit  point  si  le  concile  dont  nous  avons  parlé 
lit  quchiue  nouveau  décret  en  sa  laveur, 
comme  cela  est  fort  à  présumer.  Mais  ce 
qu'on  sait,  c'est  que  ses  partisans,  Eusèbe 
de  Nicoméiiie  et  les  autres,  tâchèrent  d'obte- 
nir (le  saint  vVlexandrc  par  |)rièi'es  et  par  do 
fausses  raisons  (pi'il  l'achuît  <»  la  communion 
ecclésiaNti(pie  ;  et  ne  pouvant  l(>  gagner,  ils 
1(!  uKinacèrent  qu(>,  s'il  ne  le  recevait  <lans  un 
certain  jour,  ils  le  déposeiaiciit  lui-même 
comnie  les  autres,  v.i  incltraient  un  iKjnuno 
en  sa  i)I;ice  (pii  nci  serait  pas  si  dil'ticile  (juo 
lui.  Alexandre  uul  leouar^  au  jeûne  et  à  la 


S57 


ARI 


ARI 


258 


prière  avee  saint  Jacques  de  Nisibe,  qui  se 
rencontra  alors  clans  la  ville,  et  le  peuple,  ani- 
mé |)ar  leur  exemple  et  nar  leurs  exliorla- 
tions,  lit  la  môme  ciiose  durant  sept  jours. 

Ce|)endant  Constantin  voulant  s'assurer 
par  lui-môme  si  Arius  tenait  ellectivement 
la  vraie  foi,  comme  on  le  lui  voulait  faire 
croire,  il  le  tit  venir  au  palais  et  lui  demanda 
s'il  suivait  la  foi  de  Nicée  et  de  l'Eglise  catho- 
lique. Ce  misérable  l'assura  par  serment  qu'il 
était  dans  la  véritable  foi,  et  Constantin  lui 
en  demandant  une  profession  par  écrit,  il  la 
lui  donna  aussitôt.  Mais  ce  fourbe  y  suppri- 
mait les  paroles  impies  qui  l'avaient  fait 
chasser  de  l'Eglise,  et  couvrait  son  venin  sous 
la  simplicité  des  paroles  de  l'Ecriture.  Cons- 
tantin lui  demanda  s'il  n'avait  point  d'autre 
croyance  que  celle-là,  ajoutant  que,  s'il  par- 
lait sincèrement,  il  ne  devait  pas  craindre 
d'en  prendre  la  vérité  à  témoin,  mais  que 
s'il  faisait  un  faux  serment.  Dieu  môme  se- 
rait le  vengeur  de  son  parjure.  Il  ne  crai- 
gnit point  une  si  terrible  menace,  et  jura 
qu'il  n'avait  jamais  ni  dit  ni  cru  autre  chose 
que  ce  gui  était  écrit  dans  son  papier,  et  qu'il 
n'avait  jamais  tenu  les  choses  pour  lesquelles 
il  avait  été  condamné  à  Alexandrie.  L'empe- 
reur ie  laissa  aller  sur  cela,  en  lui  répétant 
que  si  sa  foi  était  orthodoxe,  il  avait  bien 
fait  de  jurer,  mais  que,  si  elle  était  impie,  le 
Dieu  qui  est  dans  le  ciel  serait  son  juge. 
Saint  Athanase  ne  dit  point  quelle  était  cette 
profession  de  foi.  Socrate,  qui  dit  qu'Arius 
la  signa  en  présence  de  Constantin,  veut  que 
ce  fût  celle  de  Nicée,  et  Baronius  l'entend  de 
la  sorte,  ce  qui  paraît  néanmoins  difficile  à 
croire. 

Socrate  ajoute  qu'Arius  ayant  sous  son 
bras  la  véritable  profession  de  sa  croyance 
et  une  autre  à  la  main,  qu'il  présentait  à 
Constantin ,  il  rapportait  à  la  première  le 
serment  qu'il  faisait  de  ne  croire  autre  chose 
que  ce  qui  était  dans  son  papier.  Cette  four- 
berie abominable  était  digne  d'un  Arius. 
Mais  Socrate  ne  la  rapporte  que  comme  un 
bruit  commun  ,  et  il  se  peut  faire  que  ce 
bruit  ne  soit  venu  que  de  l'ambiguïté  des 
termes  de  saint  Athanase  ,  dans  lesquels  on 
peut  en  quelque  sorte  trouver  ce  sens,  quoi- 
que ce  ne  soit  pas  le  véritable.  Socrate  cite 
une  lettre  de  Constantin  qui  parle  du  ser- 
ment de  cet  hérésiarque. 

Constantin ,  persuadé  qu'Arius  suivait  la 
foi  de  Nicée ,  ordonna  comme,  s'il  eût  été  le 
maître  de  l'Eglise  aussi  bien  que  de  l'em- 
pire, que  saint  Alexandre  le  reçût  à  la  com- 
munion. 11  manda  ce  saint  même  pour  lui 
en  parler,  et  rejeta  avec  colère  les  raisons 
qu'Alexandre  lui  alléguait  pour  s\m  excuser. 
Le  saint  vieillard  se  retira  donc  sans  lui  ré- 
pondre; et,  accablé  de  douleur,  il  eut  recours 
au  maître  des  rois,  le  conjurant  avec  larmes 
ou  de  l'ùter  du  monde,  ou  d'en  ôter  Arius. 
Dieu  l'exauça  et  plus  promptement  qu'on 
n'eût  osé  l'espérer. 

Ce  fut  le  samedi  que  saint  Alexandre 
apprit  de  la  bouche  de  Constantin  qu'il  vou- 
lait absolument  qu'Arius  fût  reçu  à  la  cora- 
aiunion,  et  le  lendemain  dimanche  était  le 


jour  pris  pour  le  faire.  Eusèbe  leNicomédic 
et  les  autres  qui  l'accompagnaient  voulaient, 
au  sortir  du  palais,  faire  entrer  Arius  à 
l'heure  môme  dans  l'église,  mais  AU^xandre 
était  toujours  inllexible.  Ainsi ,  après  l'avoir 
menacé ,  ils  attendirent  au  lendemain  et 
menèrent  cependant  leur  Arius  comme  en 
triomj)he  par  le  milieu  de  la  ville  pour  le 
faire  voir  à  tout  le  monde.  Mais  dès  ce  mê- 
me jour,  vers  la  nuit  et  lorsqu'il  était  déjà 
fort  tard ,  avant  néanmoins  que  le  soleil  fût 
couché,  Arius,  qui  faisait  mille  discours  vains 
et  imjiertinents  dans  l'espérance  d'ôtre  reçu 
le  lendemain  dans  l'église ,  se  sentit  tou* 
d'un  coup  pressé  de  quelque  nécessité  na- 
turelle, soit  que  cela  vînt  d'un  remords  de 
conscience  et  d'un  mouvement  de  crainte,  ou 
d'une  joie  excessive  d'avoir  en  toutes  choses 
un  si  bon  succès,  soit  que  ce  fût  l'elfet  d'une 
réplétion  extraordinaire.  Car,  du  reste,  son 
corps  était  dans  une  aussi  bonne  santé  que 
son  âme  en  avait  peu.  Il  était  alors  près  de 
la  place  de  Constantin  où  était  la  grande 
colonne  de  porphyre;  et  ayant  été  contraint 
de  demander  s'il  n'y  avait  point  là  auprès 
quelque  commodité  publique,  comme  il  sut 
qu'il  y  en  avait  une  derrière  la  place,  il  s'y 
en  alla ,  laissant  à  la  porte  un  valet  qui  le 
suivait.  Ce  fut  là  que,  tombant  tout  à  coup 
en  défaillance ,  il  vida  en  môme  temps  les 
boyaux,  les  intestins,  le  sang,  la  rate  et  le 
foie,  et  il  mourut  ainsi;  tombé  par  terre  la 
tête  devant ,  crevé  par  le  milieu  du  corps 
comme  Judas  ,  et  privé  en  môme  temps  de 
la  communion  et  de  la  vie  ,  par  l'effet  non 
d'une  maladie  commune,  mais  des  prières 
des  saints.  Quelques-uns  de  ceux  qui  atten- 
daient au  dehors,  dit  Sozomène,  entrèrent 
pour  savoir  d'où  venait  qu'il  était  si  long- 
temps sans  sortir  et  le  trouvèrent  en  cet 
état.  Théodoret  dit  qu'il  y  avait  d'autres  per- 
sonnes dans  le  même  lieu,  qui,  ayant  vu  cet 
accident,  jetèrent  un  grand  cri,  et  que  le 
valet  d'Arius  étant  entré  à  ce  cri,  s'en  alla 
aussitôt  avertir  les  amis  de  son  maître. 

Le  bruit  de  cette  mort  se  répandit  en  un 
moment  par  toute  la  ville  ,  ou  plutôt  dans 
tout  le  monde.  Les  orthodoxes  accoururent  à 
l'église,  où  ils  en  rendirent  grâces  à  Dieu, 
non  pour  insultera  un  misérable,  puisque 
quiconque  se  souvient  qu'il  est  mortel  et 
que  sa  vie  peut  finir  dès  le  jour  même,  n'a 
pas  sujet  de  se  réjouir  de  la  mort  d'un  autre, 
quand  ce  serait  son  enneaji,  mais  pour  louer 
la  main  victorieuse  du  Tout-Puissant,  qui 
avait  jugé  eu  faveur  des  prières  et  des  lar- 
mes d'Alexandre,  contre  les  menaces  des 
eusébiens  ,  ou  plutôt  en  faveur  de  la  vérité 
catholique  contre  l'impiété  de  l'hérésie,  et 
qui  avait  déclaré  l'arianisme  indigne  d'être 
reçu  dans  la  communion  des  saints,  et  dans 
le  ciel  et  sur  la  terre. 

Marcellin  et  Fauslin  disent  que  tout  le 
corps  d'Arius  tomba  par  le  trou  aussi  bien 
que  ses  entrailles.  Mais  nous  ne  voyons  pas 
que  cela  se  puisse  accorder  aisément  avec 
les  historiens,  ni  môme  avec  saint  Athanase, 
qui  nous  apprend  que  les  eusébiens  l'enter 
rèrent ,  couverts  de  confusion,  de  honte , 


!Ô9 


ARI 


de  crainte  et  d'inquiétude.  Teîîe  fut  la  fin 
d'Aiins,  digne  d'une  vie  aussi  criminelle 
que  1.1  sienne ,  et  qui  le  précifiiia  dans  le 
sunpiice  quil  avait  mérité  en  faisans  sortir 
de  l'enfer  la  i  lus  damnable  de  toutes  les 
hérésies,  et  en  aliiunant  dans  l'Kglise  un 
feu  (jui  ne  fut  pas  éteint  de  plusieurs  siècles 
après ,  ou  ((ui  no  Test  pas  môme  encore. 
Outre  sa  Thalie  et  ses  autres  écrits  contre 
1  Eglise,  il  semble  qu'il  ait  fait  quelque  ou- 
vr.ige  contre  les  païens,  où  il  prétendait  les 
confondre  par  la  gloire  de  Jésus-Christ,  en 
môme  temos  que  son  hérésie  la  détruisait. 
(  Tiilemont,  vol.  VI,  pag.  289,  290,  293, 
297.) 

Constantin  mourut  peu  après,  en  337.  Son 
fils  Constance  lui  succéJa  en  Orient.  C'était 
un  es:  rit  faible,  mais  c 'pendant  lier  et  do- 
minant, qui  avait  la  prétention  de  tout  gou- 
verner, même  les  atfaires  de  l'Eglise.  Cette 
fatale  tendance,  à  laquelle  l'empereur  Con- 
stantin avait  beaucf.up  trop  cédé,  entiaîna 
complètement  Constance.  Ce  fut  la  cause  de 
la  pi  i[iart  des  maux  que  l'Eglise  catholique 
endura   sous  son  règne.  Constantin ,   à  la 
prièie  de  sa  sœur  Constancie,  avait  pris  con- 
fiance en  un  piètre,  qu'il  ne  prenait  nulle- 
ment pour  un  arien,  tant  il  était  habile  à  dé- 
guiser ses  sentiments.  N'ayant  à  sa  mort  au- 
près de  lui  aucun  de  seseniants,  il  confia  se- 
crètement sontestament  à  ce  prêtre,  pour  qu'il 
le  remît  de  sa  part  à  Constance.  Ce  prince, 
trouvant  le  testament  favorable  à  ses  vues 
ambitieuses,   prit  le  prêtre  en  aff 'ction    et 
l'admit  dans  son  intimité.  L'ambitiDU  ({u'il 
avait  de  commander  aux  autres  fit  qu'il  de- 
vint volontairement  l'esclave  des  exigences 
de  cet  homme.  Ce  prêtre,  de  son  côté,  sut 
fort  bien  ménager  cette  faveur  pour  1.3  mal- 
heureux avantage  do  son  parti  ;  et  comme  il 
connaissait    la   faiblesse   et   la   légèreté  do 
Constance,  qui,  comme  un  roseau  ou  un  Eu- 
ripe,  se  laissait  emporter  au  moindre  vent, 
il  eut  la  hardiesse  d'entrepic-idrc  ouvert  ■- 
nient  do  faire  la  guerre  h  la  vérité.  Il  déplo- 
rait avec  une  douleur  fointe  la  tempête  dont 
l'Eglise  était,  agitée,  et  il  prétendait  que  ce 
mal  n  avait  point  d'autre  cause  que  la  malice 
de  ceux  qui  avaient  inlro.luit  dans  TEgiisc 
le  mot  de   consubstantiel  (pji   ne    se   trou- 
vait point  dans  l'Ecriture,  condamnant  ain.-^i 
directement  le  grand  concile  de  Nieée  et  fai- 
sant en  cela  ce  (]uo  personne  n'eût  osé  ftiro 
du  vivant  de  Constantin.  Il  passait  de  là  à 
rond.imner  saint  Alhanase  et  les  autres  saints 
j.rélats   de  l'Eglise;  en  quoi   Eusèbo  do  Ni- 
coiné.lie,  Théognis  et  Théodore  d'iléraclée 
ne  innupiaieiit  pas  de  le  seco  ider. 

Avant  ii/'anmoins  ({uod  atiaiiuor  le  [iiincc 
même, il  g^gna  ceux  pu  élai(;nt  autf)urde  lui. 
Car  I.i  familiarité  qu'il  avait  avec  rem[)ereur 
l'ayant  bientôt  railconnaitre  de  l'impéralriic! 
et  do  ses  cuntKpies,  il  s'a;fiuil  d'aljord  Eu- 
sèlie,  le  grand  ctiambellan  do  Constance,  et 
par  .son  moyen  il  jtorveitit  les  autres  eiiiiu- 
uncs,  et  ensuite  rimpéiati-iei!  et  les  dames 
30  la  cour.  D'où  vient  (pn;  saint  Athanuse 
dit  que  les  ariens  se  nîndaient  terribles  h 
tout  le  monde,  parce  qu'ils  étaient  ai)puvés 


ARIÇ  261 

du  crédit  des  femmes.  Il  fut  aisé,  après  celay 
à  ce  inallieureux  insîrum^nt  du  démon,  de 
se  rendi-e  maître  de  l'esprit  d'un  empereU' 
qui  était  lui-même  l'esclave  de  ses  eunuques. 
L  histoire  est  remplie  de  [ilaintes  contre cett-: 
esiièce  d'hommes  ou  de  femmes  do'^t  la  'Ou. 
do  Constance  était  toute  remplie.  Mais  .Jii.i 
les  autres  n'étaient  que  comme  de  petit.; 
serfienleaux,  selon  les  termes  d'un  historien, 
et  les  malheureux  enfants  d'Eusèbo,  le  pre- 
mier valet  de  chambre,  aont  on  ne  croyait 
pas  pouvoir  mieux  exprimer  la  puissance 
qu'en  élisant  que  Constance  avait  beaucoup 
de  créd.l  auprès  de  lui.  Il  était  esclave  aussi 
bien^ qu'eu  uque.  Ammien  remarque  qu'il 
avait*  une  vanité  insupjiorlable,  qu'il  était 
également  injuste  et  cruel,  qu'il  punissait 
sans  examen  et  sans  faire  distinction  entre 
les  innocents  et  les  coupables.  Il  reçut  enfin 
la  juste  punition  de  ses  crimes  après  la  mort 
de  Constance. 

Les  auteurs  profanes  disent  encore  bien 
d'autres  ch  ;ses  do  la  malignité  et  de  la  ty- 
rannie de  cet  Eusèbe,  (font  les  autres  eunu- 
ques de  Constance  étaient  les  imitateurs.  Et 
néanmoins,  ils  nuisirent  encore  beaucoup 
plus  à  l'Eglise  qu'à  l'Etat.  On  vit  ces  elfé- 
minés,  que  l'Eglise  bannit,  dit  saint  Atha- 
nase,  de  ses  conseils  el  de  son  ministère, 
être,  par  l'indignité  la  plus  étrange,  les  maî- 
tres de  l'Eglise  et  dominer  dans  ses  juge- 
ments, parce  que  Constance  n'avait  point  de 
volonté  que  celle  qu'ils  lui  inspiraient,  et 
que  ceux  qui  s'appelaient  évoques  n'é  aient 
que  les  acteurs  des  i)ièces  qu'ils  avaient 
composées.  Ainsi  ce  furent  eux  qui  causè- 
rent tous  les  maux  que  l'Eglise  soutfiit  alors, 
dignes,  certes,  d'être  les  protecteurs  de  l'hé- 
résie arienne  et  les  ennemis  de  la  divine  fé- 
condité du  Père  éternel. 

Pour  l'impératrice, qui  tomba  dès  ce  temps- 
ci  dans  les  pièges  dos  ariens,  on  ignore  son 
nom,  el  on  sait  seulement  qu'elle  était  cousine 
germaine  de  son  mari,  fil!.'  de  Jules  Cons- 
tance, sœur  (le  Callus  et  do  Julien.  Eus.'bie, 
que  Constance  épousa  en  ."iSi  ou  35J,  passe 
pour  avoir  étf'  aussi  fort  zél.'ie  en  faveur  de 
l'arianisine.  (Tiliomont,  vol.  Yi,  p.  301.) 

Constantin,  en  mou  ani, avait  d.'siré  (ju'on 
rapi)elût  d'exil  tous  les  évêques  ba  n  s. 
Constance,  qm  n'osait  i)as  encore  se  mettre 
en  op;)(_)siti(tn  ouverte  avec  ses  deux  fièrcs 
C(jiistant  et  Constantin,  empereursd'Oicident 
et  fervents  catholiques,  oxécuti  celte  <lcr- 
nièro  volonté  de  son  père  Tous  les  évêques 
bannis  furent  donc  rappelés  et  riMivoyés  à 
Icui's  églises.  Cela  n'tnupêclia  pas  les  ariens, 
ou  eusébiens,  do  persécuter  l'Eglise  catlio- 
li([ue.  Ils  noaimèront  ui  évê(iuo  de  leur 
parti,  en  concurionco  avec  saim  Alhanase: 
ce  fut  un  nouHué  l'isl  ',  prêtre  arien,  cluK-sé 
de  ri":gliso  par  saint  Alexandre  et  par  h;  con- 
cile de  Nicée.  Ce  fut  à  celle  épotpie  aus>^i,  en 
3;{8,  (pi'ils  liront  dépo.-^'cr  Paul  de  Constanti 
no, lie  el  mirent  h  sa  plaee  Eusèb.'  de  iNiio- 
iiiédie.  Sur  ces  enlrefail;  s,  Eusèbe  de  C-ésa- 
rée  mourut.  On  noiuma  à  s,i  place  Acco,prêtrp 
arien,  cl  très-|)iob;djleniont  celui  d  >i.t  l'in 
flucnco  avait  été  si  funet.li.'  à  l'Eglise,  près  d<» 


261 


ARI 


Aia 


262 


Constancio  d'abord,  de  Constanlin  oiisniic, 
el  onlii!  de  CoiistMiice.  D(''sira'il  \nm\vc  saiiil 
Alhaiiasp,  l«;s  eus(M)i('n.s  (Mi-ivircnl  coiilre 
lui  ail  pnpo  Jules,  d(Miiaiulant  un  concile  pour 
y  exposer  leurs  griefs  coiitn^  le  saint  pa- 
triarche d'Alexandrie.  Saint  Athanase,  pre- 
nant au  st^rieux  celte  demande,  vinlJi  Home; 
mais,  comme  on  peut  le  voir  avec  dét.iil 
dans  s^  Vie,  ils  rel'u';(^rent  do  s'y  rendre 
quand  ils  virent  (]u'on  était  prAt  h  les  y  bien 
recevoir.  Ils  assemblèrent  un  concile  des  leurs 
h  Antiocbe,  en  liïl.  Ils  renouvelèrent  contre 
le  saint  les  vieilles  calomnies  du  concile  de 
Tyr,  et  après  l'avoir  condamné  en  son  ab- 
sence, ils  nommèrent  h  sa  place  (îrègoire, 
évoque  d'Alexandrie.  Saint  Atlianase  ét^^it  ab- 
sons  au  concile  de  Home,  pendant  que  celui 
d'Anlioclie  le  condamnait.  I(;i  nous  n  entrons 
pas  dans  les  détails,  parce  ({u'ils  sont  donnés 
a  l'article  Atha-nask.  C'est  pour  la  même  rai- 
son que  nous  dirons  seulement,  ([u'après  la 
mort  d'Kusèbe  (le  ÎNicomédie,  ({ui  arriva  eu 
l'an  SVl,  saint  Paul  de  Conslantinople  fut 
rétabli  deux  fois,  et  deux  fois  chassé.  Macé- 
done  fut  mis  à  sa  place.  Cette  nomination 
fut  très-mal  reçue  du  peuple,  et  quand  on 
voulut  installerVe  nouvel  évoque,  il  s'éleva 
une  sédition  dans  la(pielleHermo;^ène,  géné- 
ral de  lacavaleiie,  et  plusieurs  autres,  fuient 
tués.  Comme  plusieurs  églises  de  la  ville 
étaient  restées  en  la  puissance  de  saint  Paul, 
Constance,  qui  en  fut  instruit  à  Antioche,  où 
il  était,  envoya  ordre  à  Philippe,  préfet  du 
prétoire,  de  le  chasser  de  nouveau.  Le  pré- 
fet voulut  faire  évacuer  de  force  une  église, 
il  ûl  chaiger  le  peuple  par  ses  soldats ,  et 
3150  personnes  y  périrent. 

A  la  suite  de  cela,  les  ariens  demeurèrent 
quarante  ans  duiant  en  possession  des  égli- 
ses de  Conslantinople.  Ce  fut  à  peu  près  à 
cette  époque  qu'ils  écrivirent  à  Constant 
pour  tâcher  de  le  gagner;  mais  leurs  efforts 
demeuièrent  inutiles.  Les  troubles  de  l'Eglise 
continuant.  Constant,  qui  en  avait  le  cœur 
navré ,  lit  assembler  en  3^7  le  concile  œcu- 
ménique de  Sardique.  Les  eusébiens,  comme 
on  peut  le  voir  dans  l'article  Athanase,  se 
retirèrent  du  concile  et  hrent  une  assemblée 
op|)Osante  à  Phiii|)|)opo:is.  Nonobstant  cela, 
le  concie  en  condamna  huit  des  principaux: 
Acace  de  Césan'-e,  Etienne  d'Antiociie,  George 
de  Laodicée,  Narcisse  de  Néroniade,  Méno- 
phante  d'Ephèse,  'J'héodore  d'Hérach'e,  Ur- 
sace  de  Singidon  et  Valens  de  JMurse.  Le 
concile  arien  de  Philippopolis  lança,  de  son 
côté,  l'excommunication  contre  le  pape  Jules, 
Osius  et  plusieurs  autres.  Ils  en  vinrent  jus- 
qu'à excommuîiier  Maximin  de  Trêves  pour 
avoir  reçu  saint  Athanase.  En  revenant  de 
leur  concile  de  Philippopolis,  les  évèques 
ariens,  passant  par  Andrinople,  voulurent 
communiquer  avec  l'évèque  Lucius  et  les 
autres  membres  du  clergé  ;  mais  ces  g^ié- 
reux  catholiques  ne  les  voulurent  pas  rece- 
voir, el  leur  dirent  qu'ils  les  regardaient 
comme  s'éta-^t  eux-mêmes  condamnés  par 
leur  fuite.  Outrés  de  cela,  hs  ariens  obtiîi- 
rent  de  Constance  qu'il  fit  trancher  la  tète  h 
plusieurs  de  ces  dignes  ecclésiastiques,  lis 


firent  aussi  mettre  saint  Lucius  en  prison, 
{Voy.  Lccius,  évoque,  11  f'vrier  )  En  exécu- 
tion de  la  sentence  du  concile  de  Sardique, 
Constance,  qui  craignait  si's  frères,  fut  obligé 
de  faire  partir  de  son  siège  Etienne  d'An- 
tioche.  Les  ariens,  qui  rie  voulaient  pas 
manquer  d'un  chef,  mirent  à  sa  place  Léonce 
l'eunuque,  Phrygien  de  naissance,  hommo 
incapable  et  ijrol'ondément  immoral. 

Peu  après,  en  'ikS,  Constance  fut  forcé  par 
son  frère  Constant  de  rappeler  saint  Atha- 
nase et  les  autres  évoques  bannis.  Pendant 
l'absence  de  saint  Athanase  de  l'Eglise  d'A- 
lexandrie ,  Grégoire,  ministre  des  fureurs 
des  ariens,  avait  soulevé  contre  les  catholi- 
ques de  cette  ville  et  de  toute  l'Egypte  une 
atroce  persécution,  dont  on  peut  voir  les  dé- 
tails h  l'article  saint  Atuanase.  Ce  fut  au  re- 
tour du  saint  évoque,  en  349,  qu'Ursace  et 
Valens  publièrent  une  rétractation  des  ca- 
lomnies qu'ils  avaient  dirigées  contre  lui, 
prononcèrent  anatlième  contre  la  doctrine 
d'Arius,  comme  ils  prétendaient  l'avoir  fait 
toujours.  Leur  déclaration,  dictée  par  inté- 
rêt, n'était  pas  franche  :  plus  tai'd  ils  le  prou- 
vèrent par  leur  conduite.  Constant  étant 
mort  en  350,  les  ariens  profitèrent  de  cet 
événement,  qui  me  fait  la  puissance  tout 
entière  aux  mains  d'un  empereur  dévoué  à 
leur  hérésie,  pour  recommencer  leurs  per- 
sécutions. Ursace  et  Valens  se  dédiient  de 
leur  rétractation.  Les  héritiers  d'Arius  et 
d'Eusèbe,  c'est-à-dire  Léonce,  George,  Acace, 
Théodore,  Nai-cisse,  tous,  hormis  Léonce, 
déposés  par  le  concile  de  Sardique,  ne  pou- 
vaient plus  soujfrir  la  paix  dont  l'Eglise 
commençait  à  jouir.  Ils  résolurent  de  re- 
commencer leurs  attaques.  Ils  assemblèrent 
un  nouveau  concile  à  Sirmich,  où  ils  dépo- 
sèrent Photin  et  mirent  à  sa  place  un  arien 
nommé  Germine. 

En  352,  le  pape  Jules  étant  mort,  Libère, 
qui  lui  succéda,  se  laissa  un  instant  sur- 
prendre par  les  ariens  ;  il  écrivit  à  Athanase 
de  se  rendre  à  Rome  j)Our  y  expliquer  sa 
conduite  et  sa  foi.  Le  saint  évoque  ne  put  et 
ne  voulut  pas  s'y  rendre.  [Voy.  son  article.) 
Alors  Libère  écrivit  aux  évôc{ues  d'Orient 
qu'il  gardait  la  paix  avec  eux  et  séparait 
Athanase  de  sa  communion.  Au  concile 
d'Arles,  qui  se  tint  en  353, les  ariens  voulu- 
rent faire  condamner  Athanase  :  les  légats 
cnvo.Ȏs  par  le  pape,  et  en  particulier  Vin- 
cent de  Capoue,  y  consentaient,  mais  à  con- 
d  tion  que  le  coneije  condamnât  la  doctrnne 
d'Arius.  Les  évèques  ariens,  qui  s'y  trou- 
vaient en  majorité,  refusèrent  et  contraigni- 
rent les  légats  à  consentir  à  la  condamnation 
d'Athanase,  sans  qu'il  fût  question  d'autre 
chose.  Ce  fut  ce  qui  ouvrit  les  yeux  au  pape. 
Navré  de  douleur  et  versant  d'abondantes 
larmes,  il  disait  qu'il  n'avait  jtlus  qu'à  mou- 
rir, après  avoir  consenti  à  violer  l'Evangiie. 

Saint  Athanase  dit  qu'au  concile  d'Arles, 
les  légats  du  pape  et  les  autres  évèques  d'Oc- 
cident furent  coîitraiiits  par  des  mauvais 
tr:!iti  ments  de  toute  sorte.  Vincent  ne  tomba 
pas  pourtant  jusqu'au  fond  de  l'abîme.  Il 
rentra  dans  la  voie  de  la  vérité,  et  mérita 


265 


ARI 


ARI 


264 


qu'un  célèbre  concile  dît  de  lui  :  qu'il  a  ho- 
noré longtemps  son  éjDiscopat  par  une  con- 
duite irréprochable  et  sans  tache,  et  que  le 
concile  deRimini  nn  peut  être  accepté,  puis- 
que Vincent  n'a  jamais  voulu  y  souscrire. 
Cependant  tout  le  monde  n'imita  pas  cette 
faii)lesse  au  sein  du  concile  d'Arles.  Saint 
Paulin,  de  Trêves,  y  défendit  la  vérité  avec 
un  courage  et  une'énergie  qui  lui  valurent 
le  bannissement.  Puis  vint  le  concile  de  Mi- 
lan, que  le  pape  Libère  avait  demandé  à 
Constance  ;  il  se  tint  en  355.  Loin  de  s'y 
jccuper  de  condamner  la  doctrine  arienne, 
les  évoques  d'Orient  n'y  furent  occupés  qu'à 
montrer  leur  acharnement  contre  saint  Atha- 
nase  et  à  y  soutenir  les  erreurs  d'Arius  et 
de  ses  adhérents;  ils  se  déclarèrent  ouver- 
tement. L'empereur  Constance  voulut  forcer 
tous  les  évèques  à  souscrire  aux  décisions 
de  ce  concile.  Cela  n'empêcha  pas  néanmoins 
Constance  de  vouloir  obliger  à  le  signer 
avec  la  condamnation  de  saint  Athanase. 
Mais  saint  Denys,  qui  était  alors  évèque  de 
Milan  même,  saint  Eusèbe  de  Verceil,  Lu- 
cifer et  les  deux  autres  légats  de  Rome, 
Pancrace  et  Hilaire,  s'opposèrent  à  ce  des- 
sein arec  une  constance  invincible  et  souf- 
frirent sans  s'éuiouvoir  tout  ce  qu'on  peut 
attendre  d'un  prince  furieux  et  emporté.  Il 
fut  sur  le  point  de  leur  faire  souffrir  le  der- 
nier supplice  et  d'en  faire  des  martyrs  ;  mais 
il  eut  honte  de  cette  violence  et  se  contenta 
de  leur  procurer  le  titre  de  confesseurs  en 
les  reléguant  en  divers  endroits,  dans  le 
dessein  d'augmenter  la  peine  de  leur  exil, 
et,  en  effet,  pour  publier  i)artout  la  honte  de 
sa  cruauté,  la  gloire  des  confesseurs  et  le 
triomphe  que  la  vérité  remportait  sur  l'aria- 
Eisme  :  car  ils  furent  reçus  par  tous  les 
peuples,  non  comme  des  criminels  et  des 
bannis,  mais  comme  des  victorieux  et  des 
défenseurs  invincibles  de  la  foi.  Sainl  Denys 
fut  relégué  dans  la  Cappadoce  ou  dans  l'Ar- 
ménie, oii  il  mourut  glorieusement  avant  la 
fin  de  la  persécution  ;  saint  Eusèbe  îv  Scy- 
thopolis  dans  la  Palestine,  et  Lucifer  à  Gcr- 
man:cie  dans  la  Syrie,  pour  y  être  abandon- 
né à  la  cruauté  de  Patrophile  et  d'Ludoxe. 
On  ne  dit  point  où  Pancrace  et  Hilaire  furent 
envoyés.  Le  dernier  avait  été  déchju'é  à 
coups  de  fouet  pour  satisfaire  Ursace  et  Va- 
lons. 

Pour  ce  qui  est  des  autres  évoques  du 
concile,  Socrate  et  Sozomène,  qui  disent 
qu'ils  se  séparèrent  sans  rien  faire  sur  la  ré- 
sistance des  confesseurs,  semblent  avoir  cru 
que  la  plupart  étaient  demeurés  fermes  daus 
la  vérité.  Mais  la  manière  dont  Lucifer  [)aiîe 
de  ce  concile  s'accorde  bien  mieux  avec  î;e 
que  dit  Rulin,  |)liis  ancien  (}u'eux  :  (jue  3a 
plupart  des  évèques  y  furent  trom|)és;  ipic 
benys,  Lncii'er  et  Kusèbe  furent  les  seuls 
qui  (iront  |)araitre  une  lumière  et  une  force 
dignes  d'évèques  ;  (jue  les  autres  ne  p(''né- 
'  traient  pas  dans  les  mauvais  desseins  des 
ariens  ou  ne  |)0uvaient  se  persuader  C(;  (jue 
les  [dus  éclairés  leur  disaient,  (pie  les  aiii'tis 
t)e  (J(;irian(l.iienl  la  condamnai  ion  de  sainl 
Alhauase  (pie  pour  ruiner  la  loi.  So/.ouiène 


dit  lui-même,  en  un  autre  endroit,  que  ce 
saint  y  fut  condamné  de  tout  le  monde,  par 
crainte,  par  surpiise  ou  par  ignorance,  hoir- 
mis  de  Denys,  Eusèbe  et  Lucifer,  auxquels 
il  joint  mal  à  propos  Paulin  et  Rhodane. 

Saint  Athanase  nous  assure  que  les  ariens, 
appuyés  de  l'autoiité  de  Constance,  fi.ent 
tout  ce  qu'ils  voulurent  dans  ce  concile  aussi 
bien  que  dans  celui  d'Arles.  C'est  pourquoi 
saint  Hilaire  l'appelle  une  synagogue  de  mé- 
chants. Saint  Athanase  dit  encore  que  tous 
les  évoques  d'Occident  souffrirent  une  vio- 
lence extraordinaire,  de  grandes  contraintes 
et  des  injures  étranges,  jusqu'à  ce  qu'ils 
eussent  promis  de  renoncer  à  sa  commu- 
nion; Et  Constance,  parlant  à  Libère,  dit 
que  le  concile  et  tout  l'univers  avaient  con- 
damné le  saint  ;  de  sorte  qu'il  y  a  bien  de 
l'apparence  que  cette  condamnation  fut  re- 
çue presque  par  tous  les  évoques  du  concile. 
Mais,  pour  l'édit  de  Constance,  il  se  peut 
faire  qu'il  n'ait  pas  été  reru  ?i  universelle- 
ment :  au  moins,  nous  n'en  voyons  pas  de 
preuve,  et  même  il  ne  paraît  pas  que  l'on  en 
ait  si  fort  exigé  la  signature  c'epuis  que  le 
peuple  eut  témoigné  hautement  en  avoir 
horreur. 

,  Saint  Athanase  nomme,  entre  les  évoques 
qui  avaient  élé  contraints  de  nier  son  inno- 
cence, Fortunatien  d'Aquilée  et  Erème  de 
Thessalonique, successeur  sansdoute  d'Aëce, 
qui  avait  assisté  au  concile  de  Sardique.  Le 
premier,  que  nous  avons  vu  être  si  fort  esti- 
mé par  Libère,  ne  succomba  pas  d'abord.  Car 
on  trouve  qu'il  envoya  à  divers  évêques  une 
lettre  qui  était  apparemment  celle  du  concile 
de  Sardique  à  Constance.  Mais  cela  ne  servit 
de  rien,  ni  pour  lui,  ni  pour  les  autres.  Et 
après  être  tombé  par  lâcheté,  il  servit  enfin 
lui-même  à  faire  tomber  ceux  qui  résistaient 
encore. 

Saint  Athanase  témoigne  néanmoins  q_u'ou- 
tre  saint  Denys,  saint  Eusèbe  et  Lucifer,  il 
y  eut  encore  beaucoup  d'autres  évêques, 
prêtres  et  diacres,  qui  aimèrent  mieux  souf- 
irir  l'exil  que  de  signer  sa  condamnation,  et 
furent  bannis  avant  Libère.  (ïillemonl,  voL 
VI,  p.  363.) 

Après  avoir  banni  saint  Denys  de  Milan, 
Constance  choisit,  pour  remplir  ce  siège, 
Auxence,  arien,  intrigant,  espion  et  délateur, 
Il  avait  été  ordonné  prêtre  par  Grégoire,  l'é- 
vêque  intrus  d'Alexandrie.  Constance,  qui  se 
prêtait  si  l)i(m  à  toutes  les  entreprises  des 
ariens,  était,  comme  nous  l'avons  dit,  un  es- 
prit vain,  faible  et  léger.  Il  faisait  ce  ([ue  vou- 
laient les  ariens,  parce  (ju'ils  avaient  toujours 
soin  de  le  lui  faire  vouloir.  Il  obéissait  en 
croyant  commander.  C'était  l'enfant  qu'on 
fait  agir  dans  un  certain  sens,  par  esprit  do 
contrariété,  quand  il  ne  veut  pas  obén-  à  un 
ordre  directs  :  (ispècedemaniUMiuin  jouani  au 
l)a|ie,  et  faisant,  au  gré  des  ariens,  (•uiiq)a- 
raître  devant  lui  Ic^s  évêipies  ;  écrivant  des 
lettres  menaf;antes,  faisant  des  |)romesses  et 
agissant  comme  h^  voulait  son  enlourage  d'hé- 
iésiar(iues.  Du  resie,  ne  s'apercevant  pas 
qu'on  le  tenait  en  cliaito  jirivée,  il  était  in- 
visible pour  ceux  (jui  venaient  ruclameJ'jus- 


265  ARt 

ticc.  Plus  il  voyait  autour  do  lui  grandir  la 
tempôtc  (jue  faisait  sa  tyrannie ,  plus  il 
croyait  à  sa  |)uissanc(\  11  y  a  tant  du  f^ens 
qui  prennent  le  bruit  |)our  l'expression  de  la 
force!  Sa  eour  ne  fut  pas  le  seul  lien  où 
si'exerrail  sa  tyrannie;  sans  cesse  il  paitail 
pour  la  {)rovince  des  ordres  de  l'empereur, 
qu'il  n'avait  souvent  [)as  lus.  On  envoyait 
partout  des  ollicieis  pour  [)orler  les  menaces 
que  l'on  adressait  auv  év(}(|ues  et  aux  magis- 
trats, s'ils  n'obéissaient  au  prince:  car  il 
voulait  que  les  évù.pies  entrassent  dans  la 
communion  des  ariens  et  signassent  la  con- 
damnation irAthanaso,  s'ils  ne  voulaient  se 
résoudre  au  bannissement  et  à  voir  leurs 
peu[)les  chargés  de  chaînes,  couverts  d'af- 
fronts et  de  plaies,  et  réduits  h  la  i)erle  de 
leurs  biens  ;  et  les  magistrats  étaient  obligés 
d'employer  toute  leur  autorité  i)Our  faire 
ob"ir  et  les  évècpuïs  et  les  peuples.  Ces  or- 
dres furent  exécutés  avec  d'autant  plus  de 
chaleur,  que  ceux  qui  les  portaient  avaient 
avec  eux  des  ec(^lésiastiques  d'Ursacc  et  de 
A'alens,  qui  animaient  tout  le  monde  et  ne 
man(|uai(;nt  pas  de  déférer  à  l'empereur  les 
magistrats  qui  faisaient  paraître  quelque 
froideur. 

On  vit  donc  alors,  selon  la  parole  de  l'E- 
vangi'e,  un  grand  nombre  d'évêques  traînés 
devant  les  magistrats  et  devant  les  rois,  et 
là  on  leur  disait  :  Ou  signez,  ou  abandonnez 
vos  églises  ;  car  l'empereur  oi  donne  que  vous 
soyez  d'éposés. 

Après  tant  de  violence  contre  les  oints  du 
Seigneur,  Constance  n'était  touché  d'aucun 
regret  ni  d'aucun  remords,  et  il  s'endurcissait 
au  contraire  de  plus  en  plus,  comme  Pha- 
raon. Ce  qui  est  encore  plus  étonnant,  c'est 
qu'il  affectait  de  passer  pour  avoir  de  la  dou- 
ceur et  de  la  bonté.  Et,  en  effet,  dans  le 
temps  même  qu'il  traitait  ainsi  les  évoques, 
s'il  arrivait  que  d'autres  personnes  fussent 
condamnées  pour  des  meurtres,  des  séditions 
ou  autres  choses  semblables,  il  leur  pardon- 
nait au  bout  de  quelques  mois,  dès  qu'il  se 
trouvait  quelqu'un  qui  parlait  pour  eux; 
mais,  à  l'égard  des  serviteurs  de  Jésus- 
Christ,  au  lieu  de  les  relâcher  comme  les 
autres,  il  augmentait  même  la  rigueur  de 
leui'  t-xil,  et  semblait  avoir  fo.mé  le  dessein 
d'être  éternellement  leur  persécuteur,  comme 
s'il  eût  voulu  iuiiier  Pilate,  qui  Ci-ucifiait  Jé- 
sus-Ch.'ist  en  même  temps  qu'il  délivrait 
Barrabbas  :  et  cela  faisait  dire  qu'il  aimait  les 
uns,  parce  qu'ils  lui  ressemblaient,  et  qu'il 
hajssaitles  autres,  parce  qu'ils  étaient  liaèles 
à  Jésus-Christ.  Ce  n'est  pas  qu'il  ne  se  re- 
pentît quelquefois  de  ce  qu'il  avait  ordonné 
contre  la  just.ce,  mais  il  se  repentait  ensuite 
de  son  repentir  même,  et  s'emportait  plus 
que  jamais,  et  après  cela  il  s'affligeait  encore 
de  s'être  ejuporté.  Mais,  ne  pouvant  trouver 
de  remèdes  aux  maux  qu'il  avait  faits,  il  ne 
faisait  que  découvrir  la  faiblesse  de  son  es- 
prit et  de  son  jugem-ent.  Car  il  était  entière- 
me-H  dominé,  et  comme  enchanté  par  des 
personnes  qui  ne  lui  permettaic'ut  pas  de 
rien  faire  de  juste  et  de  raisonnable,  et  qui 
lie  songeaient  qu'à  abuser  de  sa  facilité  pour 
DicTio>N.  DES  Persécutions.  I. 


AlU 


2G0 


se  donner  la  joie  de  faire  régner  leui-  hé- 
résie. Ainsi  il  était,  d'uru^  part,  digne  de  j»i- 
tié  do  servir  de  jouet  aux  autres,  et  se  ren- 
dait, de  l'autre,  digne  de  la  condamnation 
des  feux  éternels,  parce  qu'il  abandonnait 
l'hornieur  des  évêcpies  et  l'intérêt  de  1  Eglise 
<i  des  impies.  Tout  évêque  (jui  ne  plaisait  pas 
aux  ariens  était  aussitôt  cidevé  d(î  son  Eglise 
comme  coupable  (1(>  tout  ce  qu'il  leur  plai- 
sait de  lui  im|mter,  condamné  par  l'empe- 
reur, relégué  en  un  autre  pays.  I{n  même 
tem^s,  on  (!n  cherchait  un  autre  qui  voulût 
bien  être  le  disci|)le  de  leur  hérésie,  et  on 
l'envoyait  prendre  la  place  de  celui  qu'on 
avait  chassé.  Ainsi,  i)ar  un  renversement 
étrange.  Constance  ôtait  aux  j)euples  ceux 
qu'ils  aimaient,  parce  qu'ils  en  connaissai'nt 
l'innocence,  et  il  leur  envoyait,  de  bien  loin, 
avec  des  ordres  impériaux  et  des  troupes  de 
soldats,  des  hommes  qu'ils  ne  connaissaient 
point  et  qu'ils  ne  voulaient  point  avoir.  Après 
cela,  des  chrétiens  étaient  réduits  à  haïr  ce- 
lui qu'ils  aimaient,  celui  qui  les  avait  in- 
struits, celui  qui  avait  été  leur  père  dans  la 
piété,  et  à  aimer  au  contraire  celui  qu'ils  ne 
voulaient  point  du  tout  avoir,  et  à  confier 
leurs  enfants  à  un  homme  dont  ils  ne  con- 
naissaient ni  la  vie  ni  la  conduite,  et  dont 
on  n'avait  jamais  entendu  parler. 

On  peut  assez  juger  combien  toutes  les 
villes  étaient  en  même  temps  pleines  de  tu- 
multe et  d'effroi,  pendant  que,  d'un  côté,  on 
enlevait  les  évêques,  et  que,  de  l'autre,  les 
peuples  témoignaient  leur  douleur  par  leurs 
gf^missements  et  par  leurs  larmes.  Les  ma- 
gistrats des  villes  voyaient  ces  maux,  et 
étaient  contraints  de  s'en  rentre  les  minis- 
tres, au  lieu  d'y  pouvoir  remédier,  à  cause 
des  menaces  terribles  que  leur  faisait  Con- 
stance et  des  amendes  auxquelles  on  les  con- 
damnait, s'ils  ne  contraignaient  pas  leurs 
évêques  à  signer.  Ainsi,  ils  faisaient  encore 
plus  de  mal  qu'on  n'en  exigeait  d'eux,  de 
peur  qu'on  ne  les  crût  amis  de  l'évêque.  Mais 
la  plcis  grande  misère  était  lorsqu'on  leur 
envoyait  un  faux  évêque,  au  lieu  du  légitime  ; 
car  il  fallait  s'attendie  à  tout  si  on  refusait 
d'obéir,  et  on  ne  voyait  que  confiscations, 
qu'outrages,  que  toutes  sortes  de  violences 
contre  ceux  qui  ne  voulaient  pas  prendre  un 
loup  pour  un  pasieur.  Beaucoup  de  person- 
nes, pour  éviterdeux  extrémitéssi  fàclieuses, 
s'enfuirent  dans  les  déserts.  Ainsi  Constance, 
en  chassant  les  évêques  et  faisant  donner  les 
églises  à  des  usurpateurs  et  des  impies,  rui- 
nait les  assemblées  ecclésiastiques  et  empê- 
chait les  peuples,  autant  qu'il  était  en  lui, 
d'oflrir  à  Dieu  l'urs  prières  et  de  pratiquer 
les  autres  devoirs  de  la  piété.  Quicon^^uo 
s'opposait  aux  ariens  était  aussitôt  train  '  de- 
vant le  gouverneur  ou  le  général  de  l'arvnée. 
Leur  impiété  faisait  perdre  la  foi  aux  évê- 
ques, par  la  crainte  d'êire  dépi  uiliés  de  leur 
dignité,  de  leurs  privilèges  et  de  leufs  riches- 
ses. Et  les  autres,  affaiblis  |  ar  la  lâcheté  des 
évêques, dont  la  force devaitles soutenir,  com- 
mençaient aussi  à  craindre  de  [jerLU'e  des  biens 
périssables  que  la  mort  leur  deva.t  bientôt 
ravir.  Quand  l'erreur  se  voyait  réfutée  par  les 

9 


267 


ÂIU 


ÂRÏ 


m 


discours,  elle  s'irritait  au  lieu  do  céder,  et 
s'etîorçail  deutraiuer  par  la  violence,  [jarles 
coups  et  par  les  prisons,  ceux  qu'elle  ne 
pouvait  persuader  par  ses  faux  raisonne- 
ments. Ainsi,  la  crainte  de  la  proscription 
précipitait  les  riches  dans  l'hérésie,  et  l'auto- 
rité qu'elle  avait  de  jeter  dans  les  prisons 
faisait  tomber  les  pauvres  dans  le  même 
abîme. 

Saint  Hilaire,  à  propos  de  la  même  [)ersé- 
cution,  s'exprime  ainsi  :  «  Je  vous  dis,  Con- 
stance (car  il  s'adresse  à  lui-môme),  ce  que 
j'aurais  dit  à  Néron,  à  Dèce  et  à  Maximin  : 
vous  combattez  contre  Dieu,  vous  vous  em- 
portez contre  TEglise,  vous  persécutez  les 
saints,  vous  haïssez  ceux  qui  prêchent  Jésus- 
Christ,  vous  abolissez  la  religion;  vous  en- 
levez, avec  la  cruauté  dun  tyran,  non  les 
biens  de  la  terre,  mais  ceux  du  ciel.  Voilà  ce 
que  je  vous  dis,  comme  je  l'aurais  dit  à  ces 
ennemis  déclarés  do  Jésus-Christ  ;  et  voici 
ce  qui  est  pour  vous  en  particulier  : 

«  Vous  vous  prétendez  chrétien,   et  vous 
êtes    un    nouvel    ennemi  de  Jésus-Christ  ; 
vous  prévenez   l'antechrist,  et  vous  opérez 
déjà  ses  secrets  et  ses  mystères  ;   vous  éta- 
blissez des  articles  de  foi,  et  vous  vive/:  con- 
tre les  règles  de  la  foi  ;  vous  faites  le  docteur 
pour  introduire  des  maximes  profanes,  au 
lieu  de  vous  rendre  disciple  pour  apprendre 
la  piété;  vous  donnez  des  évèchés  à  ceux  de 
votre  secte  ;  vous  ôtez  les  bons  pasteurs  pour 
en  mettre  de  méchants  ;  vous  enfermez  les 
prélats  de  Dieu  dans  vos  prisons  ;  vous  em- 
ployez vos  armées  pour  épouvanter  l'Eglise  ; 
vous  assemblez  des  conciles  pour  obliger  les 
Occidentaux  d'être  des  impies;  voug  fomen- 
tez avec  adresse  les  dissensions  des  Orien- 
taux; vous  troublez  ce  que  nous  avons  reçu 
de  l'antiquité  et  vous  inventez  des  nouveau- 
tés  profanes;   v.ius    faites  les    choses    du 
monde  les  plus  cruelles,   sans  vous  charger 
de  la  liaine  de  nous  procurer  des  morts  glo- 
rieuses.  Par  un  triomphe  nouveau  et  inouï 
jusqu'à  présent,  vous  vous  servez  du  diable 
môme  pour  remporter  la  victoire.  Vous  êtes 
persécuteur  et  vous  ne  faites  point  de  mar- 
tyrs. Néron!  Dècel  Maximini  nous  avons  de 
plus  grandes  obligations   à   votre  cruauté, 
puisque  c'est    par  votr-e  moyen  que   nous 
avons  vaincu  le  diable.  Le  sang  des  bienheu- 
reux martyrs    a   été  recueilli  avec  honneur 
par  toute  la  terre,  et  les  miracles  qu'ils  font 
justifient  les  respects  que  nous  leur  rendons. 
Mais  vous,  ({ui  ôles  plus  crud  que  tous  ces 
ancii-ns  tyrans,  vous  nous  faites  |)lus  de  mal 
qu'eux,  et  vous  ne  nous  laissez  pas  S(.'ule- 
ment  lieu  de  nous  excuser  dans   les  fautes 
que  vous  nous  fail(;s  coiinnetln!.  Vous  vous 
insirujez  adroil(;metit,  sous  prélt^te  de  nous 
caresser;  vous  nous  l\ie/.  en  nr)us  faisant  em- 
brasser volrcj  |)iété  ;  vous  consonniiez   l'im- 
piété en  vous  vantant  faussement  d(î  confes- 
ser Jé.sus-(>hrisl  ;  vous  éteigniiz  la  toi  dcJé- 
sus-(>hrist;  et  av(M;  cela,  vous  ne  laissez  pas, 
du  mùins  aux  misérables,  les  oxcu:îes  qu'ils 
{jourraienl   alléguer   en    rer)iésenlant    leurs 
supplic(;s  «levant  h*  jug(!  él(Tnel,  en   mon- 
trant f|u(*lqii('S  cicatrices  de  leurs   membres 


déchirés,  et  en  trouvant  dans  la  faiblesse  de 
leurs  corps  la  justilîcation  de  ce  qu'ils  pour- 
raient n'avoir  fait  que  par  une  nécessité  pres- 
sante. A'otre  persécution  est  si  maligne  que 
ceux  qui  tomb"nt  n'ont  rien  qui  diminue 
leur  faute  pour  leur  en  faire  obtenir  le  par- 
don, et  que  ceux  qui  souffrent  le  plus  con- 
stamment ne  peuvent  arriver  au  martyre.  Le 
démon,  votre  père,  qui  sait  l'art  de  faire 
mourir  les  hommes,  vous  a  enseigné  à  vain- 
cre sans  beaucoup  combattre,  à  égorger  les 
hommes  sans  épée,  à  persécuter  sans  porter 
le  nom  infâme  de  tyran ,  à  haïr  sans  qu'on 
vous  soupçonne  de  haine ,  à  mentir  sans 
que  Ton  s'en  aperçoive  ,  à  faire  des  profes- 
sions de  foi  sans  avoir  de  foi,  à  caresser 
sans  avoir  de  bonté  ,  à  faire  ce  que  vous 
vouli  z  sans  qu'on  sache  que  vous  le  voulez. 

«  Nous  vous  reconnaissons,  ô  loup  ravis- 
seur, sous  la  peau  de  brebis  dont  vous  vous 
couvrez.  Vous  honorez  le  sanctuaire  de  Dieu 
avec  l'or  de  votre  Etat,  et  vous  présentez  à 
Dieu,  malgré  lui,  ce  que  vous  avez  pris  dans 
les  temjiles  des  démons,  ou  ce  que  vous 
avez  confisqué  par  des  édits,  ou  ce  que  vous 
avez  tiré  i)ar  la  force  des  tourments  ;  vous 
présentez  aux  évoques  les  mômes  baisers 
dont  Jésus-Christ  a  été  trahi  ;  vous  baissez 
la  tête  pour  recevoir  leur  bénédiction,  afin 
de  fouler  la  foi  sous  vos  pieds  ;  vous  les  fai- 
tes manger  à  votre  table  comme  Judas  man- 
gea à  celle  de  Jésus-Christ,  pour  le  trahir  en- 
suite ;  vous  remettez,  en  leur  faveur,  le  cens 
et  le  tribut  que  Jésus-Christ  a  payé  lui- 
môme,  de  peur  d'exciter  du  scandale;  vous 
leur  relâchez  les  impôts,  afin  d'inviter  les 
chrétiens  à  renier  leur  divin  maître,  et  vous 
leur  cédez  vos  droits,  afin  de  leur  faire  per- 
dre les  biens  de  Dieu.  Voilà  quelle  est  la 
fausse  peau  de  brebis  dont  vous  vous  cou- 
vrez. 

«  Mais  maintenant,  écoutez,  ô  loup  ravis- 
seur, le  fruit  de  vos  œuvres  :  je  ne  dirai  que 
ce  qui  s'est  passé  dans  l'Eglise,  et  je  ne  par- 
lerai de  votre  tyrannie  qu'à  l'égard  des  en- 
treprises que  vous  faites  contre  Dieu.  On  se 
plaint  partout  que  vous  avez  i)rivé  de  l'épis- 
copal  des  j)rélats  que  personne  n'osait  juger 
coupables,  qu'on  voit  encore  aujourd'hui 
des  ministres  de  l'Eglise  au  nombre  de  ceux 
qui  sont  condamnés  aux  mines,  et  qu'ils  [)or- 
tent  sur  le  front  les  marques  honteuses  que 
vous  y  avez  fait  graver.  Toutes  les  villes  et 
tous  les  jx'uples  d'Orient  souffrent  les  maux 
de  la  guerre  que  vous  leur  faites,  ou  trem- 
blent dans  la  crainte  de  les  souffrir.  Vous 
avez  tourné  toutes  vos  armées  contre  la  foi 
(l(i  l'Occident,  vl  toutes  voslroupes  ont  été 
(îinployées  contre  les  brcîbisde  Jésus-Christ.  » 
Saini  llilairc  joint  à  cela  diverses  cruautés 
particulièi'es  exercées  contre  les  Eglises  d'A- 
lexandrie, de  Trêves,  de  Milan,  tle  Home  et 
do  'l'oulouse,  et  il  finit  par  ces  paroles  fou- 
droyantes: «  Si  ce  tiue  je  dis  est  faux,  vous 
êtes  une  brebis  de  Jésus-Cluist  ;  mais  si  je 
n'ai  rien  dit  cpic  ce  cpie  vous  a\ez  fait,  et 
ce  (pic  tout  le  monde  sait  (pie  vous  avez  fait  ; 
si  je  n'ai  rieu  avaucé  qui  ue  soil  aussi  vrai 


269 


A  ni 


ARI 


270 


qu'il  est  horriljlr  et  ciiiuiiicl,  vous  êtes  un 
loup  et  un  antt'christ.  » 

On  voit,  par  ces  endroits  de  saint  Hilaire, 
que  Constance  n'employait  pas  seulement  la 
cruaulô  du  lion  |)Our  vaincre  les  serviteurs 
de  Jésus-Clirist,  mais  (pi'il  y  joignait  les  ar- 
tiliees  du  serpent  pour  les  liomper.  C'est  ce 
(pie  le  môme  Père  dit  en  un  autr(ï  endioit, 
en  ces  termes  :  «  Nous  avons  maintenant  à 
combattre  contre  un  persécuteur  cjui  veut 
nous  surprendre,  contre  un  erniemi  (jui  nous 
Halte,  contre  Constance  (pii  porte  le  nom  do 
chrétien  et  qui  est  un  antechrist;(pii  ne  nnus 
déchire  point  le  dos  à  coups  de  fouets,  mais 
qui  nous  llatte  et  nous  caresse;  qui  ne  nous 
fait  point  acquérir  la  vie  de  l'ânu;  par  des 
proscriptions,  uiaisijui  nous  enrichit  afin  de 
nous  donner  la  nioit;  qui  ne  nous  traîne 
point  en  prison  pour  nous  donner  la  liberté 
desonfanls  île  Dieu,  mais  qui  nous  comble 
d'homieurs,  dans  son  palais,  pour  nous  ren- 
dre esclaves  du  démon  ;  qui  ne  nous  tour- 
mente point  les  cotés  avec  des  ongles  de  fer, 
mais  qui  s'empare  de  notre  cœur;  qui  ne 
nous  tranche  point  la  tête  avec  une  épée, 
mais  qui  fait  mourir  notre  âme  avec  de  l'or  ; 
qui  ne  nous  menace  pas  publiquement  de 
nous  jeter  dans  le  feu,  mais  qui  allume  se- 
crètement les  flammes  de  l'enfer  [)Our  nous 
brûler  ;  qui  ne  s'engage  point  à  combattre, 
de  peur  d'être  vaincu,  mais  qui  nous  flatte 
pour  nous  dominer;  qui  confesse  Jésus- 
Christ  pour  le  renier  ;  qui  travaille  à  réunir 
les  esprits,  afin  d'empêcher  la  paix  ;  qui 
étoutfe  les  hérésies,  afin  qu'il  n'y  ait  plus  de 
chi  étiens  ;  qui  honore  les  personnes  consa- 
crées à  Dieu,  afin  qu'il  n'y  ait  plus  d'évêques  ; 
qui  bâtit  des  églises,  afin  de  détruire  la  foi; 
qui  ne  parle  que  de  vous,  ô  mon  Dieu!  qui 
a  continuellement  votre  saint  nom  à  la  bou- 
che, et  qui  fait  absolument  toutes  choses, 
afin  que  ceux-mêmes  qui  savent  que  vous 
êtes  Dieu  ne  croient  pas  que  vous  soyez 
père.  »  (Tillemont,  vol.  'VI,  pag,  367-371.) 

Durant  ces  persécutions,  l'Eglise,  battue 
comme  un  navire  au  milieu  des  mers  et  de  la 
tempête,  était  sous  l'œil  de  Dieu  qui  avait 
suscité  pour  la  conduire  des  pilotes  intré- 
pides que  rien  ne  pouvait  vaincre.  D'un  côté, 
c'était  Athanase  ,  pareil  à  un  roc  contre 
lequel  viennent  se  briser  vainement  les  flots 
irrités;  de  l'autre,  Libère  assis  sur  le  trône  iné- 
branlable de  saint  Pierre,  quirésistaicnt,  l'un 
à  toutes  les  persécutions,  l'autre  à  toutes  les 
tentatives  faites  près  de  lui  par  la  ruse  ou  la 
rueiiace.  Bientôt  pour  le  dernier  la  persécu- 
tion s'ouvre  aussi.  Constance  fait  amener 
Libère  à  Milan,  et  ne  pouvant  le  gagner  à 
ses  desseins,  il  l'envoie  en  exil  dans  la  ville 
de  Bérée.  Le  trône  de  saint  Pierre  reçoit  à  la 
place  du  saint  confesseur  un  intrus  nommé 
Félix.  Non-seulement  Constance  avait  voulu 
gagner  Libère  par  les  raisonnements  et  par 
les  menaces;  mais  encore  il  avait  voulu  le 
corrompre.  Il  lui  avait  envoyé  500  pièces  d'or; 
l'impératrice  en  avait  fait  autant.  Eusèbe 
voulut  lui  en  donner  aussi;  il  refusa  de  la 
part  de  ce  dernier,  et  renvoya  à  l'empereur 
tout  ce  qu'il  lui  avait  fait  remettre.  Parmi  les 


évô(pi(;s  d'Italie  qui  lurent  persécutés  dans 
ce  temps-là  par  his  ari(;ns,  nous  trouvons 
saint  Maxime  de  Naples,  qui  fut  tourmenté 
fort  longtemps .  puis  envoyé  en  oxiJ,  où  il 
mourut.  A  sapkice,  on  mil  un  certain  Zozime. 
En  Campanie  ,  un  saint  évoque,  nommé 
Rulivicus,  fut  martyrisé,  comme  on  peut  le 
voir  à  son  titre,  par  l'infâme  Epictète,  évê- 
qu(^  arien  do  Civ)ta-Vecehia.  Saint  Martin 
l'Exorciste  acquit  aussi  le  litre  de  confesseur 
en  Illyrio.  L'Esjiagne  eut  aussi  son  martyr, 
Osius  de  Cordoue,  que  toute  l'Eglise  véné- 
rait, et  que  par  deux  fois,  malgré  .ses  cent 
ans,  Constance  fit  venir  pour  tâcher  de  le  ga- 
gner à  l'arianisme,  et  qu'enfin  il  garda  un  an 
entier  dans  une  sorte  d'exil,  jusqu'à  ce  qu'il 
en  mourût.  {Voy.  so-i  article.) 

Ce  fut  en  l'année  350  que  les  ariens  par- 
vinrent enfin  à  chasser  saint  Albouge  d'A- 
lexandrie, et  à  mettre  à  sa  place  un  évêque 
suivant  lourcœur.  (Pourlesdétails,i;oî/.  Atha- 
NASK.)  (ieorge,  l'évêque  intrus  qui  le  rem- 
])laça,  ne  laissaaucune  persécution  au-dessous 
de  celles  qu'il  fit  endurer  aux  catholiques.  Peu 
après  ils  assemblèrent  le  concile  de  Béziers, 
à  la  suite  duquel  saint  Hilaire ,  évêque  de 
cette  ville,  fut  banni  (Foy.  son  article)  avec 
Rhodane  de  Toulouse.  A  la  suite  du  bannis- 
sement de  son  évêque,  la  ville  de  Toulouse 
eut  à  supporter  de  la  part  de  Constance  les 
mêmes  persécutions  que  ce  prince  avait  fait 
endurer  à  la  ville  deMilan.Pendantce  temps- 
là,  Macédone,  évêque  intrus  de  Constanti- 
nople ,  persécutait  violemment  les  catho- 
liques. Il  eut  pour  ministres  de  ses  fureurs 
Marathone  et  Eleuse  ;  au  nombre  de  ses  vic- 
times on  compte  les  saints  Martyre  et  Mar- 
cien.  [Voy.  les  articles  de  tous  ces  person- 
nages.) Non  content  de  persécuter  les  catho- 
liques, il  persécuta  aussi  les  novatiens.  Nous 
passons  ici  plusieurs  années  ;  l'histoire  des 
ariens  ne  s'y  trouve  pas  mêlée  de  persécu- 
tions. 

En  4.57,  Constance  étant  venu  à  Rome,  le 
peuple  lui  demanda  le  rappel  de  Libère. 
Constance  le  fit  revenir  l'année  suivante. 
Mais,  s'il  faut  en  croire  la  plupart  des  histo- 
riens, Zozomène  et  Rufin  entre  autres,  cepape, 
qui  avait  ouvert  son  pontificat  par  une  faute 
que  depuis  il  avait  glorieusement  rachetée,' 
cjui  s'était  montré  depuis  une  des  plus  fermes 
colonnes  de  la  catholicité,  paya  ce  retour  en 
signant  la  condamnation  de  saint  Athanase 
et  l'hérésie  d'Arius.  Quelle  chute  après  tant 
de  gloire  1  Desseins  de  Dieu,  vous  êtes  vrai- 
ment impénétrables  ! 

Une  autre  chute,  non  moins  grande,  ce  fut 
celle  du  grand  Osius.  Martyr  de  la  foi,  il  per- 
dit tout  d'un  coup  le  mérite  de  sa  vie  passée, 
de  sa  gloire  antique  et  de  ses  soutfrances 
récentes,  en  signant  le  formulaire  impie  de 
Sirinich.  Pour  nous,  malgré  ce  que  dit  saint 
Hilaire,  nous  ne  croyons  pas  à  toute  la  cul- 
pabilité d'Osius.  {Voy.  son  article.) 

Bientôt  les  ariens  se  divisèrent  dans  leurs 
croyances.  Ils  firent  ce  que  depuis  nous  avons 
vu  chez  les  protestants,  maintenant  divisés 
en  tant  de  sectes.  Puis  ils  se  persécutèrent 
entre  eux.  Ainsi  on  vit  les  ariens  acharnés 


27  i 


ARI 


ARl 


272 


persécuteurs  dos  semi-ariens.  (Ici  recourez 
à  l'histoire  de  l'Eglise.)  Nous  ne  sommes  pas 
chargé  d'écrire  les  persécutions  des  sectes 
dissidentes,  nous  nous  bornons  donc  à  indi- 
quer. Libère  rentrait  dans  Rome  et  chassait, 
lui  l'apostat,  l'intrus  qui  l'avait  remplacé 
quand  il  était  martyr.  11  se  payait  de  son 
apostasie  en  reprenant  son  siège  qu'il  avait 
quitté  pour  Dieu.  Il  ôtait  la  couronne  de 
dessus  sa  tète  pour  y  mettre  volontairemeut 
Je  sceau  de  la  prévarication. 

En  339,  Constance  assembla  le  concile  de 
Rimini,  qui,  malgré  son  mauvais  vouloir,  ana- 
thématisa  les  ariens,  et  cuntirma  la  loi  de 
Nicée.  Mais  sur  la  fin  la  tyrannie  de  Cons- 
tance produisit  un  etfet  désastreux  sur  quel- 
ques-uns des  Pères  de  ce  concile.  Saint  Hi- 
la'.re  nous  apprend  qu'en  les  tenant  enfermés 
dans  une  ville  où  il  les  épouvanta  par  ses 
menaces,  où  il  les  affaiblit  par  la  faim  qu'il 
leur  fit  souffrir,  où  il  les  abattit  par  les  souf- 
frances que  leur  occasionnèrent  les  rigueurs 
de  l'hiver  qui  était  proche,  où  il  les  corrom- 
pit par  ses  artitices,  il  changea  leur  foi  en 
imp'été.  Faut-il  croire  qu'un  grand  nombre 
do  Pères  tombèrent,  comme  le  dit  saint  Hi- 
laire,  ou  bien,  avec  Théodoret,  croire  que  ce 
furent  seulement  les  députés  du  concde  que 
les  ariens  tirent  venir  à  Nice  ou  Nice,  ou 
même  Nicée.  Ces  députés,  sous  le  coup  des 
tourments,  et  craignant  d'être  bannis,  con- 
sentirent t-nfin  à  Ptfacer  le  mot  consubstantiel. 

On  laissa  ensuite  retourner  àRimini  les  dé- 
putés du  concile,  et  Constance,  qui  ne  se  con- 
tentait pas  d'avoir  abattu  dix  évoques  s  il  ne 
renversait  aussi  tous  les  autres,  envoya  à  Ri- 
miid,  et  manda  au  préfet  Taurus,  de  nepoint 
laisser  aller  les  évoques  jusqu'à  ce  qu'ils  eus- 
sent tous  signé  la  môme  confession  de  foi 
que  leurs  députés;  que,  s'il  y  en  avait  qui  ré- 
sistassent avec  plus  d'opiniâtreté  que  les  au- 
tres, il  les  envoyât  en  exil,  pourvu  qu'ils  ne 
fussent  [>as  plus  de  quinze.  11  écrivit  aussi 
aux  évèques  pour  leur  or  lonner  de  suppri- 
mer les  mots  de  substance  et  de  consubstan- 
tiel, traitant  fort  injurieuseraent  ceux  qui 
avaient  déposé  les  ariens,  et  les  menaçant 
de  ne  les  point  laisser  retournera  leurs  égli- 
ses jusqu'à  ce  qu'ils  lui  eussent  obéi. 

Ceux  qui  avaient,  dès  auparavant,  embrassé 
le  parti  de  l'ariai.isme,  ne  témoignèrent  ({ue 
de  la  joie  et  des  actions  de  gr-Aces  pour  une 
lettre  si  honteuse,  et  qu'une  ubiussanciî  hum- 
•  ble  et  aveugle  pour  des  coamiandemciUs  si 
criminels.  Jiil  ce  furent  les  seuls  si-nliinents 
qu'ils  exprimèrent  dans  la  lettre  qu'ils  léécri- 
vireiit  à  (>oiistanci;.  Mais  connue  on  ne  vou- 
lait point  l<;s  laisseï-  soi'tii' de,  Rimini  (pu)  les 
autres  n'eussent  aussi  signé,  iU  conjuièienl 
l'empereur  d'écrire  h  Taui'us  de  leur  accoichM- 
la  linerié  qu'ils  ava  eut  si  bien  méritée.  Ils 
écrivirent  en  même  lem()s  aux  évè(pi(!s  d'O- 
rieut  j)Our  les  assuier  (qu'ils  étaient  dans  la 
mftiMcîfoi  qu'eux,  et  (pi'iisy  avaient  toujours 
été.  Nous  n'avons  ([ue  la  lettr.-  à  renq)ereur, 
qui  est  bien  la  [)ièc''  du  mo'ide  la  plus  lâche 
et  la  plus  infâme.  Nous  l'attribuons,  non  h 
ceux  qui  lomhèient,  c(jnuue  nous  le  verrons 
bJentOi,  mais  l\  'oux  qui  avaient  toujours  fait 


profession  de  l'arianisme,  tant  parce  qu'ils 
l'assurimt  eux-mêmes  qu'à  cause  qu'ils  trai- 
tent d'hérétiques  ceux  qui  n'avaient  pas  si- 
gné, n'y  ayant  [)oint  d'apparence  que  ceux 
qui  signèrent  ])ar  faiblesse  eussent  voulu 
écrire  une  lettre  semblable  à  celle-ci.  On  le 
peut  encore  juger  [)ar  Epictète,  l'un  des  qua- 
tre nommés  à  la  tète  de  cette  lettre,  sous 
Valens,  qui  y  est  aussi  ;  il  n'est  pas  nécessaire 
(pie  ce  soit  celui  de  Murse.  N'oilà  donc  ce 
qui  se  lit  du  coté  des  ariens  qui  commen- 
cèrent, par  le  retour  des  légats,  à  l'empor- 
ter sur  les  autres,  et  les  chassèrent  même  de 
l'église  pour  s'en  emparer. 

Pour  ce  qui  est  des  catholiques,  ils  témoi- 
gnèrent d'abord  quelque  générosité,  et  ils 
refusèrent  la  communion  à  leurs  députés, 
quoiqu'ils  protestassent  de  la  violence  que 
remi)ereur  leur  avait  faite.  Us  se  trouvèrent 
néanmoins  fort  embarrassés  de  ce  qu'ils 
avaient  à  faire,  et  enfin  la  plupart  s'élant 
affaiblis  peu  à  peu,  soit  par  la  faiblesse  et 
l'inconstance  de  leur  esprit,  soit  par  le  cha- 
grin de  se  voir  relerms  si  longtemps  hors  de 
leur  pays,  ils  rendirent  les  armes  à  leurs  ad- 
versaires, et,  dès  que  les  esprits  furent  une 
fois  ébranlés,  on  courut  à  l'autre  parti  avec 
tant  de  foice  et  de  chaleur,  que  le  nombre 
des  catholiques  se  trouva  réduit  à  vingt. 

Sozomène  rapporte  que  les  ariens,  pour 
vaincre  plus  aisément  la  résistance  des  or- 
thodoxes, leur  envoyèrent  secrètement  quel- 
ques personnes  de  leur  cabale  qui.  sous  pré- 
texte de  faire  les  conseillers  et  les  média- 
teurs, leur  venaient  représenter  qu  il  était 
bien  fâcneux  d>' vor  tous  les  évoques  divisés 
les  uns  des  autres  pour  un  mot,  vu  qu'd  était 
si  aisé  découper  ioute  la  racine  de  ces  trou- 
bles en  lui  en  substituant  un  autre  ;  que  ja- 
mais on  n'aurait  de  paix  avec  l'Orient  qu'en 
siqiprimant  le  mol  de  substance.  Le  concile 
céda  à  cette  rai>oa,  qui  néanmoins  était  tout 
à  fait  fausse,  puisque  les  Orientaux  tenaient 
presque  tous  le  Fils  ou  consubstantiel  ou 
semblable  en  substance. 

Les  ariens  ,  qui  étaient  subtils  et  fourbes, 
surprirent  encore  par  une  autre  voie  l'igno- 
rance et  la  simplicité  des  Occidentaux,  car  ils 
hiurdemandèrent  si  c'était  laconsubstantialité 
ou  Jésus-Christ  qu'ils  adoraient  ;  et  i)ai' cette 
ojjposition  ridicule  cpii  les  obligeait  de  ré- 
pondre avec  quehjue  sorte  d'exéciadon  que 
c'était  en  Jésus-Christ  (pi'ils  croyaient,  et 
non  en  la  consubsiantialit('',  ils  leur  rendi- 
rent odieux  ce  le  me  qu'ils  n'entendaient  pas 
assez,  et  les  obligèrent  à  rab.indonnei'  et  en- 
suite à  se  résoudre  de  coinmuni(pier  avec 
eux.  On  prétend  aussi  (pi'ils  céilèrent  à  la 
ciaifile  d'èti-e  appelés  alhanasiens,  car  les 
ariens  donnaient  (pieKpu'fois  ce  nom  aux 
catholicpu's  avec  celui  d'iionioousiens  ou  eon- 
siibslanlialistes.  11  yen  eut  cpielipies- uns, 
dit  Uulin,  (pii  nci  tombèreni  p;is  par  igno- 
rance ,  mais  par  faiblesse. 

L((  prêtri!  Miurellin  représeiUe  fort  bien  la 
grandeui' de  la  faute!  ipie  lounuirent  cesévê- 
(pies,  et  le  préjudi('e  qu'ils  lirenl  ;i  l'Eglise 
par  leur  lârheh'.  L'hisloins  n'exprime  pas 
nettemonl  quelle  fut  la  faute  de  ces  év«iques, 


J73  Al\l 

mais  on  no  pout  iloulrr  qu'elle  n'ait  6l^  la 
même  que  celle  île  leurs  députés,  d'ahaii- 
(lonner  ce  qu'ils  avaient  l'ait  pour  la  vérité, 
de  recevoir  dans  lein-  communion  Ursace, 
Valens  et  les  autres  (|u'ils  en  avaient  exclus, 
et  de  sii^ner  le  l'ornuilaire  de  Nicée.  (Tille- 
mont,  vol.  VI,  pag.  V55  ) 

S'il  est  vrai  qu'il  faille  admettre  la  chute 
de  tous  les  Père^  du  concile  de  Uimini,  il 
faut  dire  qu'il  y  en  eut  au  moins  quatre  étants 
à  tomber.  Pwurtant  on  nous  accordeia,  [)0ur 
riionneur  de  l'Kglise,  et  du  reste  nous  en 
sonnnes  certain ,  ([u'il  en  resta  au  moins 
(|Ui'lques-uns.  Le  i)ape  Libère,  qui  avait  le 
priviléf!;edes  évolutions  morales,  l'et'usa  cons- 
taunnent  de  souscrire  au  co'icile  de  Uimini. 
Vincent  de  Capoue  tU  la  môme  chose.  Jus- 

2 n'en  l'an  3G0,  les  ariens  ne  cessèrent  de  se 
échirer,  de  se  proscrire,  de  s'anathématiser. 
11  y  eut  bien  (puîhpies  persécutions  isolées 
contre  les  catholiques,  mais  ce  fut  principa- 
lement contre  les  dissidents  de  leur  propre 
parti  qu'ils  tournèrent  leurs  fureurs.  {Voy. 
dans  riiisloire  de  l'Eglise,  ce  qui  a  trait  aux 
concilesdeSéleucie,deConstantinople.)Dans 
ce  dernier,  les  ariens  adoptèrent  la  formule 
de  Rimini,  et  obtinrent  de  l'empereur  la  per- 
mission d'exiger  que  tous  les  évoques  la  si- 
gnassent, sous  peine  de  bannissement  en  cas 
de  refus.  Beaucoup  cédèrent  à  cette  tempête. 
Pourtant  Sozomène  dit  que,  dans  toutes  les 
provinces  de  l'empire,  il  y  eut  des  évoques 
chassés  de  leurs  sièges  pour  ce  sujet.  Malgré 
cela,  les  chutis  furent  si  fréquentes,  que 
saint  Jérôme  marque  que  presque  toutes  les 
Ej,lises  du  monde  furen'.  souillées  par  l'union 
avec  les  ariens,  sous  prétexte  d'avoir  la  paix 
et  d'obéir  à  l'empereur. 

Constance  mourut  baptisé  par  Euzoius  en 
l'an  361,  après  avoir  fait  plus  de  mal  à  l'E- 
glise que  les  Néron  et  les  Dioclétien  n'en 
avaient  fait.  Son  successeur  Julien,  avec  son 
inditîérence  philosophique,  ne  prêtant  appui 
à  personne,  mais  laissant  chacun  libre,  per- 
mit à  l'Eglise  de  se  ranimer  un  peu.  Pendant 
son  règne,  les  ariens  se  condamnèrent  mu- 
tuellement, jouèrent  aux  foudres  excommu- 
nicatoires,  mais  du  moins  ne  persécutèrent 
plus  directement  les  catholiques.  Ils  avaient 
rédigé  dix-huit  formulaires   ou   symboles. 
Sous  Julien,  tout  l'Occident  et  une  grande 
partie  de  l'Orient  revinrent  à  la  foi  de  Nicée. 
Saint  Athanase  revint  dans  son  Eglise.  Son 
départ  avait  été  excessivement  fatal  à  l'E- 
glise, son  retour  y  ramena  la  paix.  Le  con- 
cile d'Alexandrie,  qu'il  tint  en  362,  sauva  vé- 
ritablement l'Eglise.  Après  la  mort  de  Julien, 
Jovieii  s'étant  déclaré  pour  la  foi,  les  ariens 
ne  purent  pas  persécuter  les  catholiques,  ils 
se  rabattirent  sur  les  Macédoniens,  qui  fini- 
rent |)ar  signer  le  symbole  de  Nicée.  Ils  le 
firent  en  Orient  d'abord,  puis  en  Occident. 
Enlin  le  concile  de  Tyanes  les  reçut.  Puis 
vint  Valens,  qui  se  déclara  pour  les  ariens 
contre  les  catholiques.  Revenu  à  Constanti- 
nople,  après  i^a  guerre  contre  les  Goths,  il 
bannit  saint  Loagre,  et  fit  périr  en  mer  qua- 
tre-vingts ecclésiastiques  de  Constantinople. 


KM 


tu 


Demopliile  de  Berie  fut  fait  évoque  de  Cous - 
tar.tinoi)le  par  les  ariens. 

Saint  Grégoire  de  Nazianze  fait  comme  il 
suit  riiistoire  de  la  persécution  de  Valens  : 
«  >'alens,  dit-il,  fut  un  persécuteur  qui  n'eut 
pas  |)lus  d'humanité  que  Julien,  ou  jilutôt  il 
le  sui|)assait  d'autant  f)lus  en  cruauté,  que 
c'était  un  faux  christ  qui  portait  le  nom  de 
Jésus-Christ.  Il  fut  la  lionte  cl  l'infamie  des 
chrétiens,  qui  ne  pouvaient  lui  obéir  sans 
impiété  ni  accpiérir  de  la  gloire  en  soullVant 
sous  lui,  car  il  ne  paraissait  faire  aucune  in- 
justice en  punissant  ceux  qui  ne  lui  étaient 
pas  soumis  ;  et  l'on  ne  donnait  pas  le  glorieux 
litre  de  martyre  aux  tourments  qu'il  leur  fai- 
sait endurer;  de  sorte  qu'il  semblait  avoir 
trouvé  le  moyen  de  faire  croire  qu'ils  étaient 
punis   comme  des  impies,  lorsqu'ils  souf- 
fraient en  qualité  de  chrétiens.  »  Le  môme 
Père  ne  veut  point  qu'on  cherche  d'autre 
cause  de  ces  maux  que  les  péchés  des  chré- 
tiens, qui,  au  lieu  de  conformer  leur  vie  à  la 
loi  de  Dieu,  suivaient  la  corruption  de  leur 
esprit  et  la  vanité  de  leurs  pensées,  et  qui 
par  là  avaient  mérité  d'être  abandonnés  aux 
plus  méchants  et  aux  plus  scélérats  de  tous 
les  hommes. 

Il  s'étend  davantage  dans  un  autre  dis- 
cours, oii  il  reproche  aux  ariens  leurs  cruau- 
tés par  l'opposition  de  la  conduite  des  catho- 
liques :  «  Les  livres  et  les  entretiens,  dit-il 
en  les  apostrophant,  sont  remplis  des  effets 
de  votre  barbarie.  La  postérité  les  apprendra 
et  vous  en  couvri-a,  comme  je  m'en  assure, 
d'une  infamie  éternelle.  Que  peut-on  dire  de 
semblable  des  catholiques?  Quel  peuple  in- 
solent avons -nous  soulevé  contre  vous? 
Quels  soldats  avons-nous  armés  pour  vous 
combattre  ?  Avons-nous  envoyé  contre  vous 
un  général  furieux  et  plus  emporté  que  ceux- 
mêmes  dontil  exécutait  les  ordres  ;  un  homme 
qui,  n'étant  pas  chrétien,  croyait  s'acquitter 
d'un  devoir  religieux  envers  les  démons,  par 
l'impiété  avec  laquelle  il  persécutait  les  ca- 
tholiques ?  Avons  -  nous  assiégé  avec  des 
troupes  des  personnes  qui,  les  mains  élevées 
vers  Dieu,  ne  songeaient  qu'à  lui  offrir  leurs 
prières?  Avons-nous  étouffé  le  chant  des 
psaumes  par  le  bruit  des  trompettes?  Avons- 
nous  môle  quelque  part  le  sang  mystique  de 
Jésus-Christ  avec  le  sang  des  hommes  mas- 
sacrés ?  Où  avons-nous  fait  cesser  les  gf'mis- 
sements  spirituels  par  des  cris  lugubres  et 
lamentables?  Où  avons-nous  arrêté  les  lar- 
mes de  componction,  pour  en  faire  répandre 
de  tragiques?  Où  avons-nous  changé  les  mai- 
sons de  prières  en  sépulcres  ?  Quand  avons- 
nous  livré  entre  des  mains  criminelles  les 
vaisseaux  destinés  aux  sacrés  mystères,  et 
qu'il  n'est  pas  permis  à  tout  le  monde  de 
toucher?  Aimables  autels,  comme  l'Ecriture 
vous  appelle,  mais  que  nous  pouvons  appe- 
ler maintenant  des  autels  déshonorés,  avons- 
nous  fait  monter  sur  vous  de  jeunes  impudi- 
ques, pour  vous  souiller  par  des  airs  lascifs, 
par  des  gestes  et  des  postures  déshonnêtes  ? 

ou  plutôt  avons-nous  fait  insulter  sur  vous 

au  grand  et   divin  mystère  qui  s'y  offre? 

Chaire  vénérable  et  auguste,  sur  laquelle 


275 


ARI 


ARi 


'>76 


tant  d'illustres  et  de  saints  prélats  ont  été 
assis  successivement  pour  y  prêcher  les  di- 
vins mystères,  avons-nous  élevé  sur  vous 
aucun  païen  pour  tourner  on  ridicule  les  vé- 
rités chrétiennes  par  des  discours  satyriques 
et  impies?  Vieiges  saiiiles,  siège  de  la  pureté 
et  de  la  pudeur,  qui  ne  pouvez  soutîrir  la 
présence  des  hommes,  même  les  plus  chas- 
tes, je  vous  attesle  si  jamais  aucun  des  nô- 
tres vous  a  outragées  par  des  regards  abo- 
minables et  des  excès  dignes  de  la  punition 
de  Sodome  ?  Quelles  bètes  féroces  avons- 
nous  lâchées  ])0ur  dévorer  les  cori)S  des 
saints,  comme  ont  fait  ces  inhumains  à  l'é- 
gard de  quelques  i)erso'mes  ({ui  n'avaient 
point  d'autre  crime  que  celui  de  ne  vouloir 
pas  embrasser  leurs  dogmes  impies  et  se 
souiller  par  leur  communion  sacrilège,  qu'ils 
fuyaient  comme  le  poison  d'un  serp»mt,  ca- 
pable de  faire  mourir  non  les  corps,  mais  de 
corrompre  et  perdre  les  âmes  ;  ou  d'avoir 
donné  la  sépulture  à  des  personnes  dont  les 
corps  morts  avaient  été  respectés  par  les 
bêtes,  même  carnassières  ?  C'est,  en  vérité, 
un  crime  qui  méritait  bien  d'être  puni  dans 
un  autre  théâtre  et  par  d'autres  bêtes.  De 
quels  évèques  a-t-on  déchiré  avec  les  on- 
gles de  fer  le  corps  déjà  tout  cassé  de  vieil- 
lesse, en  présence  de  leurs  disciples,  qui  ne 
pouvaient  les  assister  dans  ces  supplices  que 
par  des  larmes  impuissantes?  Qui  sont,  dis- 
je,  ces  prélats  qui  ont  été  ainsi  suspendus 
avec  Jésus-Christ,  qui  ont  remporté  la  vic- 
toire par  Jeur  constance  dans  les  tourments, 
qui  ont  arrosé  leur  peuple  par  leur  sang  pré- 
cieux, et  qui,  enfin,  ont  été  conduits  à  la 
mort  pour  être  ensevelis  et  glorifiés  avec 
Jésus-Christ,  dont  la  victoire  sur  le  monde 
se  continue  encore  par  ces  meurtres  et  par 
l'immolation  de  ces  victimes?  Qui  sont  ces 
prêtres  que  le  feu  et  l'eau,  deux  éléments 
contraires  et  incompatibles,  séparèrent  les 
uns  des  autres,  et  qui  furent  consumés  par 
les  flammes  avec  leur  vaisseau?  Et  pour  no 
pas  entrer  dans  le  détail  de  tous  les  maux 
que  nous  avons  endurés,  qui  sont  ceux  que 
les  préfets  mômes  ont  accusés  de  cruauté, 
quoiiju'ils  s'en  rendissent  les  ministres  ?  car, 
quoiqu'ils  fussent  les  exécuteurs  des  passions 
des  souverains,  ils  ne  pouvaient  pas  néan- 
moins ne  pas  détester  une  si  étrange  barba- 
rie, et  ils  ne  se  dépouillaient  pas  entièrement 
de  la  raison,  encore  qu'ils  s'accommodassent 
au  temps.  Leur  complaisance  pour  ces  cruel- 
les volontés  du  prince  n'em])êcliait  pas  qu'ils 
ne  fussent  emoie  assez  équitables  pourcon- 
damiKM'  rinjustic(i  dont  ils  étaient  contraints 
d'être  les  malheuieux  instruments.  » 

Non-seulement  l'Eglise  avait  aloi's  à  com- 
battre contre  un  (MnjK.'reiu',  mais  encore  con- 
tre tous  les  m.igi.slrats  et  tous  les  ministres 
de  sa  coui'.  Les  uns  entraient  dans  ses  pas- 
sions, j>arce  (pj'ils  étaient  (jngagi'S  dans  les 
niôinr;s  (;rreurs  et  lesmêines  s<;ntimenls;  ))lu- 
sieurs  autres  faisaient  volonlieis  tout  c(;  (pii 
pouvait  lui  être  agréable,  dans  la  craintii 
de  lui  déplajie  (;l  d'(;n(:r>uiir  son  indignation. 
Qu<lques-uns  même  s'attachaient  à  lui  par 
l'opi-r^silion   qu'ils  avaient  conlio  des  per- 


sonnes qui  faisaient  profession  de  la  vérita- 
ble foi ,  et  ils  ne  croyaient  pas  le  pouvoir 
faire  dans  un  temps  plus  propre  que  celui 
auquel  l'empereur  punissait  par  les  confis- 
cations, les  bannissements,  les  exactions, 
les  prisons,  les  chaînes,  les  fouets  et  les  plus 
cruels  supi)lices,  tous  ceux  qui  ne  se  sou- 
mettaient pas  à  ses  passions  ;  car  il  y  avait 
alors  plus  de  danger  pour  des  personnes  de 
piété  et  des  catholiques  d'être  trouvés  dans 
la  maison  de  Dieu,  que  d'être  convaincus 
des  crimes  les  \)\ns  énormes. 

11  n'y  eut  point  de  lieu  exempt  des  tris- 
tes effets  d'un  temps  si  malheureux,  et  au- 
cune nation  n'échappa  aux  ravages  et  à  la 
fureur  de  cette  hérésie.  Tous  ceux  qui  flo- 
rissaient  davantage  dans  l'Eglise  virent  leurs 
travaux  et  leurs  desseins  ruinés.  Nul  peu- 
ple ne  put  se  garantir  de  leurs  insultes,  ni  la 
Syrie,  ni  la  Mésopotamie,  ni  la  Phénicie,  ni 
la  Palestine,  ni  l'Arabie,  ni  l'Egypte,  ni  la 
Libye,  ni  le  Pont,  ni  la  Cilicie,  ni  la  Lycle, 
ni  la  Lydie,  ni  la  Pisidie,  ni  la  Pamphylie,  ni 
la  Carie,  ni  l'Hellespont,  ni  les  îles  voisines 
jusqu'à  la  Propontide,  ni  la  Thrace,  ni  tou- 
tes les  nations  des  environs  du  Danube.  Il 
n'y  eut  que  la  Cappadoce  qui  fut  assez  heu- 
reuse pour  ne  pas  éprouver,  comme  les  au- 
tres pays,  les  malheurs  du  temps,  parce  que 
le  grand  Basile,  qui  en  était  le  protecteur,  la 
mit  à  couvert  de  toutes  ces  tempêtes,  ce  qui 
ne  fut  pas  même  sans  exception.  La  persé- 
cution que  l'on  faisait  aux  catholiques,  déjà 
si  odieuse  par  elle-même,  l'était  encore  da- 
vantage, parce  qu'en  même  tem|)S  qu'on  trai- 
tait si  ma!  les  plus  grands  serviteurs  de 
Dieu,  on  laissait  au  contraire  une  entière  li- 
berté à  tous  ceux  qui  en  étaient  ennemis, 
hérétiques,  juifs  ou  païens ,  de  sorte  qu'il 
paraissait  que  c'était  moins  dans  Valens 
une  attache  excessive  pour  le  parti  qu'il 
avait  malheureusement  embrassé  ,  qu'une 
haine  que  le  démon  lui  inspirait  contre  la 
vérité  et  contre  tous  ceux  qui  l'aimaient. 

Cette  persécution  était  encore  d'autant 
plus  dangereuse,  que  la  phqiart  des  Elglises 
maïKjuaient  de  pilotes;  car  Valens  les  en- 
voyait tous  en  exil,  pour  mettre  au  lieu 
d'eux  de  malheureux  [ùrates,  qui  s'effor- 
çaient de  les  perdre,  n'ayant  usur;!é  l'épis- 
copal  que  i)our  en  être  la  iionte  et  l'infamie. 
Et  néanmoins  cet  artifice  lui  devenait  inu- 
tile [)ar  la  générosité  de  ces  saints  prélats 
qui,  des  extrémités  tle  la  terre  oii  on  les 
avait  relégués,  soutenaient  les  fidèles  et  tT- 
rassaicnt  les  liérélujucs  |)ar  les  lettres  ((u'ils 
écrivaient;  car  celui  dont  la  Providence  rè- 
gle toutes  choses  avait  alors  donné  à  son 
peuple  des  pilotes  dont  l'art  égalait  la  vio- 
lence de  la  tempête,  des  chefs  dont  le  cou- 
rage répondait  à  la  fureur  des  ennemis,  et 
des  remèdes  propoilionnés  à  la  graiuleur  de 
la  mala(li(^  ('rillemenl,  vol.  M,  p.  558.) 

Valens  ayant  cpiilté  (^onsianlinople  pour 
aller  à  (lésaréc  (an  de  Jésus-Christ  ;{73),  fai- 
sait maiclier  devant  lui  Modeste,  piélel  du 
jiii'toire,  (jui  avait  soin  de  déposer  tous  les 
évèipics  calliolifpies  et  d'ini  nielti'e  d'antres 
à  leur  [»laco.  11  persécuta  violemmout  aussi 


HT 


AM 


ABl 


278 


les  cnllioliques  d'Aiilioche,  coiix  de  Syrie: 
saint  Pélago,  saint  Havse,  saint  Euloyc,  saint 
Prologèi\e.  lurent  succossivoiiient  persécu- 
tés pour  la  i'oi.  Saint  Abraham  fut  aussi  per- 
sécuté par  les  ariens,  h  JJatnes,  place  lorte 
de  rOsrlioéiie. 

En  373,  Pierre  avait  rem[)lacé  Alhanase 
sur  le  siège  d'Alexandrie.  Les  ariens  l'en 
dépossédèrent.  Kuzoïus  amena  Luce,  arien, 
pour  être  évoque  à  Alexandrie.  Ce  Luce  y 
excita  une  persécution  horiibh;.  11  était  ap- 
parenunent  aussi  mal  lait  de  cor()S  que  cor- 
rompu dans  l'àme.  Il  était  d'Alexandrie  et  y 
avait  été  lait,  prêtre  par  George,  à  la  place 
duquel  les  ariens  l'avaient  aussitôt  substi- 
tué pour  être  leur  cliet',  sans  néanmoins  le 
consacrer  évêque.  Ils  tâchèrent  de  taire  con- 
lirmer  leur  choix  par  Jovien,  (jui  se  moqua 
lie  lui  et  d'eux.  11  l'ut,  depuis,  sacré  ou  à 
Antioche,  ou  eu  quel(|ue  autre  lieu  hors  d'E- 
gypte ;  mais  il  l'ut  condamné  et  rejeté  plus 
d'une  fois  par  tous  les  prélats  orthodoxes 
de  l'Eglise.  11  demamJa  souvent  à  Valons 
d'être  mis  en  possession  du  siège  d'Alexan- 
drie ;  mais  la  crainte  d'émouvoir  du  trouble 
dans  cett(ï  ville  l'empêcha  de  rien  obtenir 
tant  que  saint  Atlianase  vécut.  Ce  saint  étant 
donc  mort,  Euzoius  l'y  amena  avec  l'agré- 
ment de  Valens,  et  des  ordres  de  lui  au  gou- 
verneur Pallade.  Ils  avaient  avec  eux,  [)0ur 
exécuter  leurs  desseins,  un  grand  nombre 
de  soldats  commandés  par  le  surintendant 
des  finances  nommé  le  comte  Magnus,  qui, 
ayant  brûlé  l'église  de  Béryte,  sous  Julien, 
avait  pensé  en  perdre  la  tète  sous  Jovien. 
Voilà  ceux  qui  faisaient  escorte  à  Luce  lors 
de  son  entrée,  au  lieu  des  évêques,  des  prê- 
tres, des  diacres,  qui  devaient  faire  cet  oftice, 
au  lieu  de  l'affluence  du  peuple,  au  lieu  des 
moines  qui  le  devaient  précéder  en  chan- 
tant des  hymnes  tirées  des  saintes  Ecritures. 
Les  païens  honorèrent  encore  sa  pompe  en 
le  bénissant  en  sa  présence,  de  la  part  de 
Sérapis,  et  en  le  louant  de  ne  point  recon- 
naître le  Fils  de  Dieu,  de  quoi  il  semblait 
avoir  plutôt  de  la  joie  que  de  l'horreur. 

Il  arriva  peu  de  jours  après  le  carnage  et 
les  violences  faites  dans  l'église  de  Saint- 
Thomas,  et  les  inhumanités  qu'il  y  ajouta 
ne  vérilièreiit  que  trop  qu'il  avait,  comme  dit 
Pierre,  les  actions  et  la  rage  aussi  bien  que 
le  nom  d'un  loup,  selon  la  langue  grecque, 
et  qu'il  méritait  les  litres  que  saint  Grégoire 
de  Nazianze  lui  donne,  de  nouvelle  plaie  et 
de  nouveau  tlèau  de  l'Eghse,  de  pasteur  des 
loups,  de  voleur  qui  monte  par-dessus  les 
murs  de  la  bergerie,  de  perturbateur  et  de 
destructeur  de  hi  raison,  de  bête  furieuse,  de 
nouvel  Arius,  de  ruisseau  plus  abondant  en 
impiété  que  sa  propre  source.  L'Eglise  d'E- 
gypte, qui  avail  seule  joui  de  la  paix  lors- 
qu'on persécutait  toutes  les  autres,  éprouva 
alors  plus  qu'une  autre  toutes  les  rigueurs 
tlê  la  persécution,  et  se  vit  tous  les  jours 
accablée  par  des  afflictions  nouvelles.  L'in- 
tronisation de  Luce  ne  put  se  faire  qu'après 
avoir  chassé  tous  les  ecclésiastiques.  Il  n'é- 
pargna ni  l'église ,  ni  la  ville,  ni  les  laïques, 
lii  le  clergé,  ni  les  'évêques.  Car  dès  qu'il  fut 


arrivé,  il  tAcha  ^i^•  se  saisir  des  églises;  mais 
le  peuphî  s'y  étant  op[)Osd,  on  en  fit  un 
crime  aux  ecclésiastiques  et  aux  vierges, 
connue  s'ils  eussent  excité  une;  sédition.  Les 
ariens ,  exerçant  donc  leur  brigat)daj^e  par 
toute  la  ville,  comme  auraient  pu  faire  les 
ennemis  de  l'empire,  obligèrent  les  catholi- 
ques à  se  sauver  par  la  fuite,  en  arrêtèrent 
(pi('l(pies-uns  (pii  fuyaient,  qu'ils  chargèrent 
de  chaînes  et  menèrent  en  prison,  d'cjii  on 
ne  les  tira  qu(^  pour  leur  faire  endurer  d'hor- 
ribles tourments.:  car  on  en  déchira,  les  uns 
avec  les  ongles  de  fer  et  des  lanières  de  cuir  ; 
on  en  brûla  d'autres  avec  des  toi-ches  al- 
lumées, de  telle  sorte  que  c'était  comme  un 
miracle  lorsqu'ils  res|)i raient  encore  ai)rôs 
de  si  rigoui'eux  supplices.  El  il  n'y  avait 
p(;rsonne  qui  n'eût  mieux  aimé  jnourir,  ou 
au  moins  être  envoyé  en  exil,  plutôt  que  de 
se  voir  exposé  à  ces  tortures.  On  ne  consi- 
déra ni  l'Age  des  enfants,  ni  la  faiblesse  des 
vieillards,  ni  la  charité  et  la  conii)assion  des 
peuples  envers  ceux  qu'on  traitait  si  inhu- 
mainement. On  fouetta,  on  déchira,  on  ban- 
nit les  personnes;  on  pilla  les  biens  et  l'ar- 
gent sans  aucun  respect  pour  les  hommes, 
ni  aucune  crainte  de  Dieu.  On  bannit  des 
évêques,  des  prêtres  et  des  diacres  ;  on  fit 
trancher  la  tète  à  d'autres  au  milieu  d'A- 
lexandrie ;  on  en  exposa  quelques-uns  à  la 
fureur  des  bètes;  on  massacra  des  vierges, 
et  on  ôta  la  vie,  en  diverses  manières,  à 
beaucoup  d'autres. 

C'est  par  ces  voies  que  l'arianisme  se  ren- 
dait puissant  et  redoutable  ;  c'est  par  ces 
cruautés  qu'il  se  rendit  maître  des  églises 
d'Alexandrie,  et  il  fit  voir  en  même  temps  le 
petit  nombre  de  ses  sectateurs  ;  car  le  peuple, 
nourri  dans  la  doctrine  de  saint  Athanase, 
voyant  qu'on  lui  présentait  une  viande  toute 
contraire,  abandonna  les  assemblées  ecclé- 
siastiques. Mais  Luce,  soutenu  par  les  ado- 
rateurs des  idoles,  qui  lui  servaient  de  gardes, 
faisait  déchirer  les  uns  à  coups  de  fouet, 
mettait  les  autres  en  fuite,  pillait  même  les 
maisons  comme  un  bandit.  (Tillemont,  vol. 
VI,  p.  582.) 

Pierre  fut  obligé  de  se  retirer  à  Rome, 
tandis  que  divers  évêques  d'Egyj)te  étaient 
bannis  en  Palestine.  Saint  Isidore  d'Hermo- 
polis,  Dorothée,  martyr  à  Alexandrie,  souf- 
frirent en  373.  Les  ariens,  sous  le  règne  de 
Valens,  s'étaient  emparés  d'un  grand  nom- 
bre d'églises.  Sous  Valentinien,  les  catholi- 
ques purent  assembler  un  concile,  celui 
d'illyrie,  qui  condamna  les  ariens.  Valenti- 
nien écrivit  aux  Eglises  d'Orient,  pour  dé- 
fendre qu'on  persécutât  dorénavant  les  ortho- 
doxes. Cependant  Démosthène,  vicaire  de  la 
Cappadoce  et  du  Pont,  ayant  réuni  un  con- 
ciliabule d'ariens  à  Ancyre  en  Galatie,  chassa 
Hypsie  de  son  siège,  et  mit  à  sa  place  Ecdice. 
11  persécuta  ensuite  saint  Grégoire  de.Nysse; 
puis  il  vint  à  Sébaste,  oii  il  persécuta  vio- 
lemment ceux  qui  étaient  attachés  à  la  com- 
munion de  saint  Basile.  On  sait  quelle  per- 
sécution Valens  fit  endurer  aux  moines,  en 
l'année  376.  Ce  ne  fut  que  la  guerre  des 
Goths  qui  força  Valens  à  finir  la  persécu- 


279 


ARl 


4RI 


S80 


tion.  On  peut  voir,  à  son  article,  comment 
il  y  mourut  misérablement.  Gratien,  son 
successeur,  fil  revenir  les  catholiques  exilés. 
On  peut  voir,  dans  Thistoire  de  l'Eglise,  ce 
que  devinrent  les  ariens  à  partir  de  cette 
éi)oque.  Théodose  les  réduisit  h  l'impuis- 
sance par  ses  lois,  et  leurs  sectes  se  divi- 
sèrent ti'lleuient,  qu'ils  demeurèrent  sans 
importance  réelle. 

ARIMA,  royaume  du  Japon.  En  1613,  le 
roi  de  le  pays  ht  martyriser  Thomas  et  Ma- 
thias,  tous  deux  frères,  avec  leurs  deux  en- 
fants, Just  ot  Jac  |ues,  et  Marthe,  leur  mère 
et  grand'mère.  le  27  avril  de  la  môme  an- 
né',  il  ht  é...orger  dans  leur  lit  deux  de  ses 
[iropres  frères  qui  avaient  embrassé  la  reli- 
gion chrétienne.  Dans  le  mois  d'octobre,  le 
o,il  Condamna  au  feu  Adrien  Tacafati  Mundo, 
Jeanne  sa  femme,  Marie-Madeleine  sa  hlle, 
vierge  Agée  de  dix-neuf  ans,  et  Jacques  son 
fils,  âgé  de  douze  ans;  Léon  Faiuxida  Lu- 
guyemon  et  sa  femme  Marthe;  enfin,  Léon 
Tacuen  Domi  Cuniemon  et  Paul  son  fils,  âgé 
do  vingt-sept  ans.  On  peut  voir  ce  qui  con- 
cerne ces  dilférents  martyrs  à  leurs  articles 
respectifs  et  au  titre  général  Japon. 

ARISTARQUE  (saint),  disciple  et  compa- 
gnon de  saint  Paul,  était  de  Tliessalonique,  et 
juif  de  naissance.  Il  accompagna  cet  apôtre 
à  Ephèse,  et  demeura  avec  lui  pendant  les 
tro;s  ans  qu'il  y  resta,  partageant  les  dangers 
et  les  travaux  de  son  apostolat.  11  faillit  pé- 
rir dans  le  tumulte  que  les  orfèvres  d'Ephèse 
excitèrent  contre  saint  Paul,  ayant  été  ar- 
rêté avec  Gaius.  11  sortit  de  cette  ville  avec 
saint  Paul,  et  l'accompagna  en  Grèce,  puis 
en  Asie,  en  Judée,  et  enfin  h  Rome,  où  on 
prétend  qu'il  fut  décapité  avec  lui  par  ordre 
de  Néron. 

«  Ad  on  et  le  Martyrologe  romain  disent 
que  saint  Aristarque  a  été  évêque  de  Thes- 
salonique,  et  qu'après  beaucoup  de  combats 
qu'il  soutint  longtemps  po^r  Jésus-Christ, 
il  fut  couronné  par  lui,  et  se  reposa.  C'est 
dire  assez  clairement  qu'il  n'a  point  souf- 
fert le  martyre.  Cependant  les  Grecs  préten- 
dent qu'il  a  eu  la  tôte  tranchée  par  ordre  de 
ISéroii,  avec  saint  Paul,  aussitôt  après  lui; 
ils  lui  donnent  pour  compagnons  de  son 
martyre  saint  Prudent  et  saint  Trophime. 
JNlais  quelque  pou  d'autorité  qu'ait  leur  té- 
moignage, ils  l'infirment  encore,  en  citant 
pour  garant  Dorothée  de  l\ome,  dont  ils  font 
un  éloge  magnifique.  Ils  disent  que  ces 
trois  saints  furent  compagnons  de  tous  les 
voyages  et  de  toutes  les  soullVances  de  saint 
Paul,  de  <juoi  Adon  et  le  Martyrologe  ro- 
main conviennent  avec  eux  h  l'égard  de 
saint  Aristarque.  Mais  je  ne  sais  si  cela 
s'accorde  tout  à  fait  bien  avec  ce  qu'ils  ajou- 
tent, qu'ils  élai(;nt  du  nombre  des  soixante- 
dix  disciples;  ce;  (pii  fait  (pi'iis  ne  miinpienl 
point  de  leur  donin-r  h;  liltt!  d'apôtres.  SOWh 
ce  (pi'ils  en  disent  le  IV  d'avril,  auquel  jour 
ils  en  font  leur  grand  ollicc;.  Ils  font  encore 
une  njéiiioii(;  de  saint  Aristarcpie,  le  27  de 
s(![)tembre,  où  ils  h;  joignent  av(îc  Jean, 
Miirc  et  Zén.is,  (pi'ils  appelleiil  Zenon,  et  ils 
J«   inettenl    aussi    eo  jour-l^    au    rang  des 


soixante-dix  disciples.  Ils  ajoutent  qu'il  a 
été  évoque  d'Apamée,  en  Syrie  ;  que,  comme 
un  autre  saint  Jean,  il  se  nourrissait  de  sau- 
terelles et  de  miel  sauvage,  et  qu'il  portait 
une  ceinture  de  cuir;  mais  ils  ne  parlent 
point  du  tout  de  son  martyre.  Usnard  se 
contente  de  l'appeler  disci[)le  de  saint  Paul.» 
(i'illemont,  IHst.  eccL,  vol.  1,  ]).  571.) 

ARISTIDE  (saint),  a|)ologiste  des  chré- 
tiens, présenta,  p^u  de  iem[)S  après  saint 
Quadrat,  une  Apologie  en  faveur  de  la  reli- 
git)n  chrétienne  5  l'empereur  Adrien.  11  fit 
])reuve  dans  cette  pièce  d'une  profonde  éru- 
dition etd'unegrandeéloquence,  qui  dut  faire 
impression  sur  l'esprit  de  l'empereur.  11  est 
certain  que  saint  Aristide  fut  pour  quelque 
chose  dans  la  résolution  que  prit  ce  prince 
de  faire  cesser  la  persécution.  L'Eglise  célè- 
bre sa  fête  le  31  août. 

ARISTIDE,  était  président  en  Illyrie,  sous 
le  règne  de  l'empereur  Maximien.  11  fit  souf- 
frir le  martyre  à  saint  Ursice. 

ARISTOBULE  (saint),  martyr,  était  disci- 
ple des  apôtres.  On  ignore  le  lieu,  la  date 
et  les  circonstances  de  son  martyre.  Le  Mar- 
tyrologe romain  dit  seulement  qu'ayant 
achevé  le  cours  de  sa  prédication,  il  con- 
somma son  martyre.  L'Eglise  vénère  sa  mé- 
moire le  k  mars. 

ARISTOMAQUE,  commandant  de  la  gar- 
nison d'Héraclée,  de  Thrace,  en  30i4.,  sous  le 
règne  de  Dioclétien,  vint,  en  vertu  des  élits 
de  ce  prince,  mettre  les  scellés  sur  l'église 
et  sur  les  vases  sacrés,  en  présence  de  saint 
Philippe,  évoque  de  la  ville  d'Hermès,  son 
diacre,  et  du  prêtre  Sévère.  Philippe  lui  parla 
avec  un  grand  Courage.  (Voy.  les  Actes  de 
ce  saint  martyr.) 

ARISTON  (saint),  martyr  à  Carthage,  en 
250,  sous  le  règne  et  durant  la  persécution 
de  l'empereur  Dèce,  fut  enfermé  dans  un 
cachot  avec  une  foule  de  chrétiens,  où,  par 
orflre  de  l'empereur,  on  les  laissa  mourir  de 
faim.  L'Eglise  fait  la  fête  de  tous  ces  saints 
martyrs  le  17  avril,  avec  celle  de  saint  Map^ 
palique.  {Voy.  Victorin.) 

ARISTON  (saint),  martyr,  s'était  converti 
à  la  foi  chrétienne  en  môme  temps  que  les 
saints  Crescentien,  Eutychien,  Urbain,  Vital 
et  Juste.  Ils  y  avaient  été  déterminés  par 
saint  Tranquiilin,  leur  ami  commun.  Ce  fut 
à  saint  Sébastien  ([u'ils  durent  surtout  leur 
conversion,  puis(pie  ce  saint  oflicier  du  pa- 
lais de  l'empereur  Dioclétien  fut  rinstrument 
principal  de  la  conversion  de  Tranquiilin. 
Ils  furent  baptisés  par  le  prêtre  saint  Poly- 
carpe.  Sélanl  retirés  en  Cainpanie,  dans  les 
terres  de  saint  Chromace,  qui,  pour  s'adon- 
ner <i  la  prati(iue  des  vertus  chrétiennes, 
avait  quitté  sa  charge  de  préfet  de  Rome,  ils 
furent  martyrisés  avec  saint  Félix,  saint  Fé- 
licissime,  sainte  Marcie,  mère  de  ces  deux 
saints,  et  sainte  Symi)h()rose.  L'Kglisc^  fait  la 
fête  lie  saii'it  Ariston,  avec  celle  (le  tous  ses 
comiiagnoiis,  le  2  juillet.  [Voij.  SKHAsxiiiN.) 

ARISTCXNIQUE  (saint),  martyr,  réi>an(lil 
son  sang  pour  la  foi,  h  Méh-lino,  en  Armé- 
nie ,  ave(;  les  saints  Ilerinogène,  Expédil, 
Canis,  Riifus  (>t  Galatas.  On  ignore   la   date 


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ARM 


ARM 


Mt 


et  les  circonstances  de  leur  mort.  L'Eglise 
célèbrti  leur  immortelle  mémoire  le  19  <ivril. 
ARLES  {Arelas  et  Areintc),  chef-lieu  d'ar- 
rondissement dans  le  département  des  Rou- 
ehes-du-Rliùne,    n'a  i)his   maintenant   (juo 
29,000  liahitants.  Anciennement  celle  cité, 
l'une  des  |ilus  imporlantes  des  lîaules,  était  la 
rivale  de  Marseille.  Elle  comptait,  il  IN'potjiio 
de  Constantin,  100,01)0   habitants.  Notre  su- 
jet nous  détend  de  parler  ici  de  son  histoire 
si  féconde  en  événements,  des  monuments 
que  l'anli  piité  a  semés  dans  ses  murs.  Main- 
tenant Arles  est  située  sur  la  rive  gauelu!  du 
Kli<Mie.  Sous  les  Romains,  ses  maisons,   h 
l'étroit  dans  la   premièrti  enceinte,  avaient 
sauté  le  Ucuve,  et  s'étaient  étalées  sur  l'au- 
tre rive.  Arles  enjambait  le  Rhône.  Sous  la 
persécution  de  Diodéiien,  saint  (iénès,  grel- 
iier,  \  fut  martyrisé.  (Fo//.  l'article  dece  saint.) 
ARMEN(.;OL(siinl  Piiîure),  martyr,  de  l'or- 
dre de  Notre-Dame  de  la  Merci,  naquit  dans 
le  diocèse  de  Tarragone,  en  Espagne,  vers 
l'an  1238,  de  parents  remarquables  par  leur 
illustre  origuie  et    par  leur  piété.  Il  reçUt 
une  éducation  digne  de  sa  naissance;  mais, 
loin  d'en  profiter,  il  s'enfuit  de  la  maison  pa- 
ternelle, et  devint  chef  de  brigands.  Il  fré- 
quentait les  grands  chemins,  pillait  les  voya- 
geurs, et  n'avait  point  horreur  de  verger  le 
sang  de  ceux  qui  lui  résistaient.  Dieu  ayant 
entin  touché  son  cœur,  il  vint  se  jeter  aux 
pieds  du  vénérable  P.  Guillaume  de^as,  qui 
avait  succédé  à  saint  Pierre  Nolasque  dans 
le  gouvernement  de  l'ordre  de  la  Merci.  No- 
tre saint,  devenu  un  autre  homme  après  son 
éclatante  conversion,  se  couvrait  de  haires 
et  de  cilices,  se  chargeait  de  lourdes  chaînes, 
se  déchirait  le  corps  par  de  sanglanies  dis- 
ciplines, et  se  livrait  à  des  jeûnes  et  à  des 
veilles  rigoureuses.  Surs  dès  lors  de  sa  con- 
version, ses  supérieurs  l'employèrent,  avec 
d'autres  frères  de  l'ordre,  au  rachat  des  cap- 
tifs. Ayant  réussi  au  delà  de  toute  espérance 
dans  sa  première  mission  en  Murcie,  où  il 
s'était  attiré  l'estime  des  infidèles  eux-mê- 
mes, on  l'envoya  jusqu'à  Alger.  En  moins  de 
deux  mois,  il  racrrBti  trois  cent  quarante-six 
esclaves  qu'il  renvoya  en  Espagne,  voulant 
rester  chez  les  Maures,  afin  de  délivrer  cent 
dix-neuf  chrétiens  qui  gémissaient  dans  l'es- 
clavage à  Bugie,  et  qui  étaient  en  danger  de 
l'enicr  leur  foi.  Ayant  réussi  dans  cette  der- 
nière entreprise,  il  se  di.^posait  à  revenir 
lui-même  en  Espagne,  quand  il  apprit  que 
dix-huit  enfants  chrétiens  étaient  sur  le  point 
d'apos^asier  et  de  réf)ondre  aux  propositions 
infâmes  de  leurs  patrons.  Il  se  rend  au  lieu 
où  ces  enfants  pleuraient  leur  liberté  perdue, 
et  traite  de    leur  rançon  ,  qui    se   conclut 
moyennant  mille  ducats.   N'ayant  pas  l'ar- 
gent nécessaire,  il  se  constitue  prisonnier 
jusqu'au  retour  du  religieux  qui  devait  bien- 
tôt venir,  et  les  dix-huit  jeunes  chrétiens 
s'embarquent  pour  l'Espagne.  Il  profita  de 
son  séjour  ciiez  les  infidèles  pour  en  conver- 
tir un  grand  nombre  :  plusieurs  païens  puis- 
sants, l'ayant  appris,  le  firent  jeter  dans  un 
noir  cachot,  où  il  devait  mourir  de  faim. 
Mais  les  mahométans  qui  lui  avaient  vendu 


les  dix-huit  esclaves  sur  parole,  ne  voyant 
point  arriver  l'argent  de  la  rançon,  le  firent 
condanuier,   comme   espion,  à  être  pendu. 
La  sont(Uice  fut  aussilAt  exé(;uti'(î.  Ceux  qui 
l'avaient  fait  condamiHîr  exigèrent  (pi'il  res- 
tiU  suspendu  à  la  potence,  afin  d'y  servir  de 
pâture  aux  oiseaux  de  proie,  et  six  jours 
api'ès,  quand  le  P.   (j'iillaume,  son  compa- 
gnon, arriva  avec  la  rançon,  il  y  était  en- 
core. Cuillaume  se  rend  auprès  du  cadavre, 
le  eouvre  de  larmes;  mais  Pierre  lui  dit  qu'il 
a  été  préservé  de  la  mort  |)ar  la  protection  de 
la  sainte  Vierge,  (jui  l'avait  assisté  dans  sa 
détresse.  Le  divan  ordonna  (}ue  le  |)rix  de 
la  rançon  ne   passai  point  aux  barbares  pa- 
trons qui  l'avaientexigé  avec,  tant  de  cruauté, 
et  qu'il  servît  au  rachat  de  vingt-six  escla- 
ves. Noire  saint  revint  en  Espagne,  <t  con- 
serva toujours  le  cou  tors  et  le  visage  exces- 
sivement pAle  ,  servant  ainsi   lui-même  de 
])reuve  au  miracle  pi-odigieux  dont  il  avait 
été  l'objet.  Plein  d(î  reconnaissance  pour  la 
Mère  de  Dieu,  qui  l'avait  si  visiblement  pro- 
tégé, il  se  retira  dans  un  couvent  solitaire 
qui  lui  était  dédié,  sous  le  titre  de  Notre- 
Dame-des-Prés.  Il  y  passa  dix  années  dans 
la  pratique  des  plus  grandes  austérités.  Il 
prédit  sa  mort  quelques  jours  avant  qu'elle 
arrivât,  et  s'endormit  dans  le  Seigneur  le 
27  avril  130'f.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  27  avril. 
ARMÉNIE.    La   religion  chrétienne  avait 
toujours  été  florissante  dans  ce  pays  jusqu'à 
l'avènement  de  Harguerd  ou  JezguerJ.  C'est 
le  même  qu  ;  la  plupart  des  historiens  nom- 
ment  Isdeyerd  ou  Jesdedgerd,  11'  du  nom. 
Il   monta  sur  le  trôp.e  en  kkO,   ou  en  439, 
s'il  faut  en  croire  Elisée  Vartabed,  l'historien 
des  guerres  d'Arménie  à  cette  époque.  Haz- 
guer.i  fut  un  prince  orgueilleux  et  gonflé  de 
vanité.  Il  se  déclara  l'ennemi  mortel  de  tous 
ceux  qui  croyaient  en  Jésus-Christ.  Turbu- 
lent ennemi  du  repos  et  de  la  paix,  il  cher  - 
chait  sans  cesse  l'occasion  de  donner  cours 
à  sa   fureur.    Après  avoir  saccagé  l'empire 
romain  jusqu'à  Nisibe,  humilié  Théodose  le 
Jeune  en  lui  faisant  acheter  honteusement 
la  paix,  il  tourna  sa  fureur  contre  les  chré- 
tiens,  qu'il    persécuta    violemment.    Mais 
voyant  que  ses  persécutions,   loin  de  dé- 
truire cette  religion  qu'il  combattait,  ne  fai- 
saient que  la  répandre  davantage  en  dispersant 
dans  les    provinces  les  plus  éloignées  ceux 
qu'il  poursuivait,  il   entra  dans  une  grande 
fureur ,   et  assembla  ce  qu'on  nommait  en 
Perse  la   milice  de   la  gauche,  ou  satellites 
de  la  gauche,  que  des  liens  tout  particuliers 
attachaient  au  culte  païen,  et  les  mages.  Les 
mages   lui  dirent  donc  :   «  Héros   roi  !    les 
dieux  t'ont  donné  le  royaume  et  la  victoire, 
ils  ne  te  demandent  pas  en  retour  des  hom- 
mages terrestres,  ils  n'en  ont  pas  besoin. 
Ils    veulent   seulement   que  tu  travailles  à 
ranger  sous  une  seule  loi   et  religion  les 
peuples  soumis  à  ton  sceptre,  et  tu  peux  être 
assuré  alors  que  les  Grecs  eux-mêmes  ne 
tarderont  pas  à  devenir  tes    coreligionnai- 
res.   Lève   des  troupes  sans  nul  retard,  as- 
semble des  armées  nombreuses,  marche  con- 
tre le  pays  du  Couchuns ,  fais  passer  tes 


MS  ARM 

guerriers  au  delà  ue  la  porte  du  défilé  de 
Balkh,  et  séjourne  toi-même  sur  la  fron- 
tière. Quand  tu  auras  enfermé  toutes  les 
troupes  chrétiennes  avec  leurs  chefs  dans 
ces  royaumes  lointains  et  inhospitaliers,  ta 
volonté  sera  faite.  Nous  avons  découvert 
dans  les  mystères  de  la  magie  que  tu  de- 
viendras vainqueur  du  pays  du  Couclunis  et 
que  les  Grecs  alors  ne  [)Ourront  échaii[)er  au 
joug  de  la  Perse.  Mais  la  chose  la  plus  im- 
portante, ô  roi,  c'est  de  détruire  à  jamais 
la  secte  chrétienne  I  »  (E.  V.,  trad.  G.  K. 
G.,  (i)  pag.  9.) 

Le  roi  reçut  parfaitement  ce  consci.  qui 
entrait  dans  ses  desseins,  et  immédiatement 
il  expédia  dans  toutes  les  [)rovinces  l'édit 
suivant  :  a  A  toutes  les  nations  qui  composent 
mon  royaume,  aux  arik  et  aux  anarilc  (aux 
libres  et  aux  sujets)  salut  et  bienveillance  ! 
Que  l'abondance  et  la  santé  régnent  parmi 
vous  ;  nous  nous  jjortons  bien  nous-même 
avec  l'aide  des  dieux.  Sans  vous  donner  la 
moindre  peine,  nous  sommes  entré  en  ar- 
mes dans  le  pays  des  Grecs,  et  là,  sans 
même  en  venir  aux  mains,  nous  avons,  par 
la  douceur  et  l'amitié,  soumis  toute  la  terre 
au  joug  de  notre  empire.  Soyez  iieureux  et 
(jue  votre  joie  soit  sans  terme.  Mais  au 
reçu  de  ce  présent  édit,  rassemblez  sur-le- 
champ  la  cavalerie  et  allez  m'attendre  au 
pays  d'Abar,  où  j'irai  vous  rejoindre,  car 
nous  avons  résolu  de  marcher  au  pays  de 
l'Orient,  avec  l'aide  des  dieux,  et  de  conqué- 
rir le  rovaume  du  Couchuns.»  (E.  V.,  trad. 
G.  K.  G.',  ibid.) 

Aussitôt  que  cet  édit  fut  promulgué,  on  se 
hâta  d'obéir  en  Arménie,  comme  partout 
ailleurs.  On  leva  des  troupes  en  nombre 
considérable;  hommes  de  toutes  conditions  y 
entrèrent,  libres,  nobles  et  princes  de  sang 
royal,  (leux  d'Albanie,  du  |)ays  de  Lepnik, 
les  Carduques,  les  (jot.hs,  les  Zotechs  et  les 
peuples  d'Arznarzun  firent  la  même  chose. 
Tous  cesdilférents  peuj)les  étaient  chrétiens, 
attachés  fermement  à  une  Eglise  catholi({ue 
et  apostolique.  De  toutes  parts  on  se  mit 
en  marche.  Les  chefs  ignoraient  les  inten- 
tions abominables  d'Hazguerd.  Tous  ces 
guerriers  chrétiens  avaient  avec  eux  des 
prêtres  et  leurs  livres  saints.  C'était  bien 
ayec  j)eine  qu'ils  avaient  vu  leurs  coreli- 
gionnaires de  l'emjiiri;  grec  abaissés  devant 
les  armes  d'Hazgu(.'rd  ;  mais  ils  se  souve- 
naient du  commandement  du  grand  aj)ùtre 
qui  ordonne  aux  serviteurs  d'ojjéir  à  leurs 
maîtres  tempoiiils.  A  la  vue  de  cette  multi- 
tude, le  r  n  manifesta  sa  joie,  et  (it  i!e  grands, 
jirésents  aux  chefs.  Il  marcha  contre  le  ])ays 
du  Couchun.s  fpays  des  Huns],  et  il  gmi- 
roya  deux  ans  sans  gi-ands  résullals.  Mus 
tard,  jus(pi'à  la  onzième;  anné(î  de  son  règnt; 
la  guerre  continua,  (it  il  |)aivinl  à  liMoniphcr 
complètement  du  roi  de  (louchuns.  Knllé  de 
ses  trioijq)he.'-s,  il  en  était  venu  à  croire 
qu'il  était  plus  (ju'un  honnne.  l*;n-fois  il  se 
cachait,  pour  (pie  les  mag(;s  jHjbliasseMt  (lu'il 

(1)  Soulèvement  national  de  l'Arménie  chrétienne 
par  Llisé»;  Varl:iln;(|,  irudiiilcu  l'raii(;ais  par  l'aljhô 
Orcgoiic  Kaharagy  Garabe(J. 


ARM 


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était  en  conversation  avec  les  dieux.  Le  seul 
nom  de  Jésus-Christ  le  mettait  en  fureur,  et 
il  ne  pouvait  comprendre  qu'un  dieu  se  ftlt 
laissé  maltraiter,  crucilier,  mourir  et  ense- 
velir; il  revenait  sans  cesse  à  ces  points  de 
notre  foi,  qui  lui  fournissaient  un  continuel 
sujet  de  moquerie.  «  Mais,  lui  dit  un  jour 
un  très-jeune  prince  arménien,  d'où  savez- 
vous,  mon  roi,  toutes  ces  choses  touchant 
Notre-Seigneur  !  —  D'où  je  "les  sais?  répondit 
Hazguerd;  ne  me  suis-je  pas  fait  lire  le  livre 
de  votre  croyance  erronée  ?  —  Et  pourquoi, 
répondit  le  jeune  prince,  n'avez-vous  fait 
lire  que  jusque  là?  si  vous  aviez  été  plus 
avant,  vous  auriez  vu  la  résurrection,  l'ap- 
parition de  Jésus  ressuscité  à  ses  disciples, 
son  ascension  au  ciel  où  il  est  assis  à  la 
droite  de  Dieu,  la  promesse  de  son  second 
avènement,  la  résurrection  merveilleuse  du 
genre  humain,  le  jugement  dernier  et  la  ré- 
compense équitable  !  »  Le  roi  se  prit  à  rire 
et  dit  d'un  ton  dédaigneux  :  «  Mensonge  que 
tout  cela,  mensonge  !  »  Mais  le  héros  chré- 
tien lui  repartit  sans  s'émouvoir  :  «Si  vous 
regardez  comme  croyable  son  supplice  dans 
le  temps,  vous  pouvez  croire  avec  plus  de 
certitucle  encore  à  sa  gloire  immortelle  et  à 
son  terrible  avènement  dernier.  »  (E.  V., 
trad.  G.  K.  G.,  p.  13.) 

Alors,  entrant  dans  une  violente  colère, 
le  roi  lit  mettre  aux  fers  ce  jeune  prince,  qui 
se  nommait  Karéhin,  et  après  l'avoir  fait  lan- 
guir deux  ans  au  fond  d'un  cachot,  il  con- 
fisqua ses  biens  et  prononça  contre  lui  une 
sentence  de  mort. 

Quand  Hazguerd  eut  à  peu  près  fini  ses 
guerres,  il  montra  toute  sa  rage  contre  les 
chrétiens.  Ici,  nous  laissons  parler  Elisée 
Vartabed.  «  Je  dirai  ce  que  j'ai  vu,  ce  que 
j'ai  entendu  moi-même,  lorsque  j'étais  sur 
les  lieux.  Il  me  semble  encore  entendre  ré- 
sonner à  mes  oreilles  le  son  de  sa  voix  inso- 
lente. De  même  (qu'une  tempête  violente 
fond  sur  la  vaste  mei-,  ainsi  ce  roi  impie 
remuait  et  ébranlait  les  milices  innombra- 
bles qui  s'étaient  rangées  sous  ses  ordres.  11 
faisait  examiner  toutes  les  religions  et  toutes 
les  doctrines,  qu'il  confrontait  avec  la  magie 
et  l'astrologie  chaldéennes,  sans  en  excepter 
même  le  culte  chrétien  ;  puis  il  disait  avec 
emportement  :  «  Cherchez,  examinez,  nous 
adopterons  la  meilleure;  »  mais  c'était  pure 
hypocrisie,  car  il  voulait  qu'on  ne  suivît  que 
celle  (lu'il  avait  dans  la  tête.  Les  prêtres  de 
vingt  pays  divers,  ({ui  étaient  dans  l'armée, 
connurent  bientôt  les  intentions  secrètes 
du  roi,  ils  apei  eurent  le  feu  (jui  brûlait  sour- 
(hnnent  et  ([ui  allait  l»ienl(H  s'étendre  de  ma- 
nier»! à  l'avager  les  montagnes  et  les  plaines; 
c'est  ])oui'(pini  ils  s'enllaminèrent,  de  leur 
c(jté,  du  feu  divin,  et  se  tinrent  en  ganle 
cohti'e  les  niachinalions  occultes  de  l'ennenii 
caché  de  leur  foi.  Dès  lors,  foulant  aux  pieds 
Ions  les  mnagenienls  timides,  ils  célébrè- 
ii'ul  l(Mir  olliee  divin  au  milieu  du  camp, 
(Milointant  à  haute  voix  les  psaumes  et  les 
antres  chaiils  religieux,  et  faisant  b^urs  ser- 
mons publiciuement  aux  yeux  de  toute  l'ar- 
mée sans  la  moindre  crainte  ;  ils  instrui- 


285 


ARM 


ARM 


280 


saient  ceux  qui  venaient  à  eux.  et  guéris- 
saient, par  IcMirs  prières  et  avec  l'aide  do 
Dieu,  l)(>au('Oup  de  païens  malades.  »  (K.  V., 
trad.  (i.  Iv.  C,  p.  10.) 

Le  roi,  voyant  cette  généreuse  audace  des 
chrétiens,  combla  d'iionncurs  et  de  dignités 
ceux  ([tii  se  prètaienl  ii  ses  desseins  iniiiiics. 
Alors  on  vit  les  indignes  |)r('n(ii'c  la  place 
d;'s  honnêtes,  les  ignorants  celhi  des  savants, 
les  lAches  celle  des  braves.  Les  hoiiniuîs 
vertueux  et  consciencieux  furent  repoussés 
de  partout.  Ce  furent  surtout  les  Arméniens 
(|ui  furent  le  plus  maltraités.  Us  étaient  plus 
attachés  que  tons  les  autres  à  leur  religion, 
ce  qui  leur  attirail  la  haine  toute  |)articulicre 
d'Vïazguerd.  Il  faut  malheureusement  dire 
(pio  ceux  qui  avaient  résisté  aux  menaces  et 
à  la  violence  ne  résistèrent  pas  également 
aux  séductions.  Il  [)rodiguait  l'or,  les  domai- 
nes, et,  |)Our  garder  le  langage  (l'Klisée,  les 
métniries  et  les  villages,  h  ceux  (pii  abandon- 
naient leur  religion."  11  les  piessait  d'abjurer 
en  leur  disant  :  «  Si  vous  embrassez  la  foi 
des  mages,  si  vous  reconnaissez  nos  dieux 
pour  les  dieux  véritables,  et  que  vous  abju- 
riez vos  erreurs,  je  vous  promets  de  vous 
faire  d'aussi  grands  personnages  que  mes 
ministres,  et  même  de  plus  grands  qu'eux.» 
]\ïalgré  tout  cela,  le  christianisme,  loin  de 
s'éteindre,  gagnait  de  plus  eu  plus.  Il  en 
avait  la  preuve  en  parcourant  les  provinces. 
Partout  il  y  trouvait  la  foi  chrétienne  en 
voie  de  progrès  et  d'agrandissement.  Aussi 
sa  colère  en  était-elle  au  dernier  des  points 
excitée.  Ne  pouvant  plus  se  contenir,  il  dé- 
voila malgré  lui  sa  pensée  et  promulgua, 
dans  la  onzième  année  de  son  règne,  c'est- 
à-dire  en  .'i5D,  l'édit  suivant  :  «  Que  toutes 
les  nations  et  tous  les  peuples  soumis  à  mes 
ordres  cessent  sur-le-champ  de  suivre  leurs 
fausses  religions,  qu'ils  reviennent  à  l'ado- 
ration unique  du  soleil  ,  et  le  confessent 
dieu  en  lui  offrant  des  sacrifices  ;  qu'ils 
soient  toujours  prêts  à  se  rendre  où.  les 
appellera  le  service  du  Feu,  et  qu'ils  ob- 
servent strictement  la  loi  des  mages.  »  (E.V., 
trad.  G.  K.  G.,  p.  19.) 

Des  courriers  extraordinaires  portèrent 
cet  édit  dans  toutes  les  contrées  soumises 
à  la  domination  d'Hazguerd.  Les  prescrip- 
tions si  larges  de  cet  édit,  qui  ne  précisait 
rien,  (permettaient  tout  aux  persécuteurs,  et 
ouvraient  la  porte  la  plus  large  à  la  violence 
et  k  l'arbitraire. 

Au  commencement  de  l'année  suivante, 
la  douzième  de  son  règne,  Hazguerd  fit  de 
nouvelles  levées  dans  tous  ses  Etats.  Il  porta 
encore  la  guerre  chez  les  habitants  du  Gou- 
chuns  dont  il  ravagea  les  provinces.  Ren- 
trant en  Perse  chargé  d'un  imme  ise  butin, 
il  crut  faire  un  acte  pieux  en  revenant  à  ses 
projets  iniques.  Les  mages  lui  dirent  :  «Les 
dieux  qui  vous  ont  donné  l'empire  et  la 
victoire  ne  vous  demandent  rien  des  choses 
précieuses  de  la  terre.  Ils  veulent  seulement 
que  vous  anéantissiez  dans  vos  royaumes 
tout  culte  qui  n'est  pas  le  culte  du  grand 
Zoroastre.  »  En  exécution  de  cela,  le  roi  fit 
enfermer  toute  la  cavalerie  des  Arméniens, 


des  Géorgiens  et  de  ceux  d'Allaink  sous  la 
porte  du  défilé  de  Balkh.  Il  les  parqua,  dit 
l'historien,  comme  dans  unci  cage  dans  cette; 
gorge  sans  issue.  Alors  il  fit  mettre  les 
chi'étions  à  la  torture,  il  les  livra  <i  de  cruels 
supplices  pour  les  forccn-  h  abjunM-  le  culte 
du  vrai  Dieu.  Mais  cette  sainte  milice  ne  se 
laissa  ni  vaincre  ni  intimider'.  Tous  proles- 
tèrent contre  de  telles  cruautés,  mais  Haz- 
guerd furieux  jurait  cpi'il  ne  laisserait  nas 
aller  les  chrétiens,  qu'ils  n'euss(;nl  obei  h 
ses  connnandements.  Les  voyant  inébranla- 
bles ,  il  fit  arrêter  (juatre  des  principaux 
chefs;  il  les  fit  juettre  à  la  torture,  battre 
cruellenumt  de  verges  au  milieu  du  camp, 
et  ensuite  jeter  dans  un  cachot.  Alors  il  fit 
semblant  de  faire  grâce  aux  autres.  Il  recula 
devant  la  boucherie  de  cette  nouvelle  lé- 
gion thébéenne;  non  pas  que  le  crime  lui  fit 
horreur,  mais  i)arce  qu'il  ne  voulait  pas 
d'une  exécution  en  masse  qui  eût  trop  de 
retentissement.  Satan  lui  dicta  ce  qu'il  avait 
<i  faire,  et  il  exécuta  ses  ordres  avec  une 
atrocité  qui  n'a  presque  pas  d'exemple  dans 
l'histoire.  Au  bout  de  douze  jours,  il  invita 
tous  les  chefs,  ou  du  moins  les  principaux 
des  troupes  chrétiennes,  à  un  grand  repas. 
Au  moment  de  se  placer  à  table,  Hazguerd, 
avec  un  air  aimable  et  prévenant,  indiquait 
à  chacun  sa  place,  et  parlait  à  tous  avec  fa- 
miliarité. On  servit  des  viandes  immolées  au 
soleil.  Le  roi  invita  ses  convives  à  en  man- 
ger. Tous  refusèrent  avec  un  généreux  cou- 
rage. Il  en  fit  servir  d'autres,  ayant  même 
l'air  de  n'attacher  aucune  importance  à  ce 
qui  venait  de  se  passer.  Mais,  au  sortir  de 
table,  la  plupart  des  convives  furent  arrêtés 
dans  la  galerie.  On  leur  attacha  les  mains 
dei'rière  le  dos  avec  les  cordons  ou  bre- 
telles de  leurs  pantalons,  et  on  les  conduisit 
en  prison.  On  les  y  laissa  deux  ou  trois  jours 
sans  rien  leur  donner  à  boire  et  à  manger. 
On  les  y  tortura  d'une  manière  infâme.  L'au- 
teur dit  que  l'horreur  des  choses  qu'on  leur 
fit  souffrir  l'empêche  de  les  décrire.  Ensuite 
on  les  dépouilla  de  leurs  dignités,  et  on  les 
envoya  en  exil.  Le  roi  fit  après  cela  dissé- 
miner les  troupes  chrétiennes  en  plusieurs 
corps,  qu'il  envoya  au  loin  faire  la  guerre 
dans  d'alfreux  déserts.  La  fatigue,  le  glaive 
des  ennemis,  en  firent  périr  un  grand  nom- 
bre. On  cessa  d'envoyer  des  vivres  à  ceux 
qui  restaient.  Us  traînèrent  dans  ces  pays 
lointains  l'existence  la  plus  malheureuse  , 
mais  plus  ils  étaient  accablés,  plus  ils  re- 
doublaient de  ferveur  et  de  confiance  en 
Dieu.  Us  se  retrempaient  dans  la  prière. 
Chaque  jour,  au  milieu  d'eux,  leurs  prêtres 
oifraient  le  saint  sacrifice.  Leur  courage,  leur 
abnégation,  leurs  vertus  admiiables,  leur 
attiraient  le  respect,  la  vénération  des  peu- 
ples païens  au  milieu  desquels  ils  étaient 
relégués.  Quant  au  roi,  oublieux  des  servi- 
ces de  ces  hommes  qui  l'avaient  servi  avec 
courage  et  loyauté  dans  ses  guerres,  il  inven- 
tait chaque  jour  de  nouvelles  cruautés  pour 
les  rendre  de  plus  en  plus  malheureux.  Il  y 
avait  parmi  eux  plusieurs  princes  d'Arménie, 
dont  les  mères  ou  les  sœurs  avaient  allaité 


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ses  frères.  Il  les  maltraitait  encore  plus  que 
les  autres. 

Cette  bête  féroce  n'était  pas  satisfaite  :  il 
lui  fallait  ou  la  dostruition  do  l'Arménie,  ou 
son  abjuration  du  christianisme.  Il  la  tortura 
de  toutes  les  façons.  '11  y  envoya,  comme 
gouverneur  commissaire  ,  Tenchaboucli  , 
homme  qui  lui  était  dévoué,  et  qui  soumit 
ce  malheureux  pays  aux  exactions  fiscales 
les  plus  e\orl)itantes.  Ce  fut  surtout  sur  les 
prêtres ,  les  moines ,  et  sur  les  chrétiens, 
qu'il  tît  peser  d'une  façon  atroce  ces  exigen- 
ces, les  accablant  d'impôts  onéseux,  pour  les 
forcer  ou  à  embrasser  la  religion  d.'s  mages 
ou  à  quitter  le  pays.  Il  destitua  Vahan  l'A- 
madouai ,  gouverneur  du  pays ,  père  des 
chrétiens  par  sa  bonté,  sous  prétexte  de  né- 
gligence dans  ses  fonctions.  Il  mit  à  sa 
place  un  Perse,  nommé  Moucligan.  Pour 
donner  au  magisme  la  suprématie  sur  la 
religion  chrétienne ,  il  plaça  auprès  du 
nouveau  gouverneur  un  mage  comme  juge 
suprême  du  pays.  Il  ne  fit  pas  de  l'adminis- 
tration,  mais  du  pillage  en  Arménie. 

Hazguerd,  voyant  que  malgré  tout  cela  la 
malheureuse  Arménie  ne  changeait  pas  dans 
ses  croyances,  fit  écrire  par  l'assemblée  des 
mages  le  manifeste  suivant  : 

«  Mihr-Nerseh,  visir  et  grand  ordonnateur 
de  Jeran  et  Danieran  (Je  la  nation  persane  et 
des  peuples  tributaires),  aux  grands  Armé- 
niens, salut  très-cordial. 

«  Vous  saurez  que  tout  homme  qui  ha- 
bite sous  le  ciel  et  qui  ne  suit  })as  la  religion 
de  Mazdiezn  (du  roi ,  l'adorateur  du  dieu 
d'Ormizt)  est  sourd ,  aveugle  et  trompé  [lar 
les  dews  (démons)  de  l'Ahrmen.  Lorsque  le 
ciel  et  la  terre  n'existaient  point  encore, 
Zervan,  le  grand  dieu,  offrit  des  sacrifices 
pendant  res[)ace  de  mille  années,  en  disant  : 
Peut-être  qu'il  me  naîtra  un  fils,  du  nom 
d'Ormizt,  qui  fera  le  ciel  et  la  terre.  Son 
ventre  conçut  alors  deux  enfants,  l'un  pour 
les  sacrifices,  et  l'autre  pour  diie  :  peut-être. 
Lorsqu'il  sentit  les  deux  jumeaux  remuer 
dans  son  ventre  ,  il  dit  :  Celui  qui  viendra 
au  mondi;  le  premier  aura  mon  empire.  Ce- 
lui qui  avait  été  conçu  pour  linciédulité  lui 
fenoit  le  ventre  et  sortit  dehors. — Qui  es-tu? 
lui  demanda  Zervan.  —  Ton  fils  Ormizt,  i-é- 
pondit-il.  —  Mon  fils  est  éclatant  de  lumière 
et  lépand  une  douce  o  leur,  répliqua  Zervan, 
tandis  que  tu  es  noir  comme  les  ténèbres  et 
que  tuas  la  mine  d'un  mauvais  sujet....  Kt 
tonmie  il  pleurait  amèrement ,  son  père, 
touché  de  ses  larnu;s,lui  donna  l'empire  pour 
mille  ais  et  le  nomma  Arhm(!n.II  engendra 
ensuite  l'autre  fils  (juil  nonnna  O  rnizl,  (U  il 
ôta  l'emjiire  ô  Aihiui-n  fiour  en  invcslii-  Or- 
mizt en  lui  disant  :  JusipTici  j(!  vous  ai  fait 
d''S  sacrifices,  c'est  maintenant  à  votre  tour 
de  m'en  offrir.  Alors  Oiinizt  ciéa  les  cieux  et 
la  terre;  mais  Aihmen,  au  contraire,  ci'éa  le 
mal.  Toutes  les  créatures  furent  partagées 
entre  les  diMix  frères,  et  divisées  ainsi  :  les 
anges  appartinrent  à  Ormizt,  et  Arhinen  eut 
pour  son  lot  les  dews.  Tous  les  biens  cpii 
descendent  d'f'n  liant  sur  la  terre  depnis  h; 
leij)[)s  df;  lu  création  jusqu'à  nous,  sont  l'ou- 


vrage d'Ormizt,  et  tous  les  maux  qui  acca- 
blent les  hommes  sont  l'œuvre  d'Arhmen; 
au^si  tout  ce  (ju'il  y  a  de  bon  en  ce  monde 
vient  d'Ormizt,  et  tout  ce  qu'il  y  a  de  mid  de 
son  frère  Arhmen.  Oinizt  a  créé  l'homme; 
mais  les  peines,  les  maladies  et  la  mort  re- 
montent h  Arhmen,  Les  malheurs  publics  et 
particuliers,  les  guerres  et  les  entrejirises 
d('sa'^trcu£es  émanent  du  mauvais  principe  ; 
mais  le  bonhei.r,  la  royauté,  la  gloire,  les 
h  (inieurs,  la  santé  du  corps,  la  l)eauté  du 
visage,  l'élocjuence,  les  longsjours  de  la  vie, 
découlent  du  bon  principe.  Tout  ce  qui  n'est 
pas  pur  et  parfait  découvre  le  mélange  des 
deux  principes.  Tout  homme  qui  avance  que 
Dieu  a  créé  la  mort,  et  que  le  bien  et  le  mal 
découlent  de  la  même  source,  est  dans  Ter- 
reur. Les  chrétiens  y  sont  surtout,  lorsqu'ils 
disent  que  Dieu  est  susce;-tibh?  de  jalousie 
et  qu'il  créa  la  mort  pour  imnir  l'homme  n'a- 
voir mangé  une  figue  cueillie  sur  l'arbre  dé- 
fendu. Une  pareide  jalousie,  qui  serait  ab- 
surde d'homme  à  homme,  peut-elle  exister 
dans  un  dieu?  Celui  qui  parle  ainsi  est  sourd, 
aveugle  et  trompé  par  les  dews.  Mais  les 
chrétiens  donnent  dans  une  erreur  bien  plus 
grande  encore  ;  ils  disent  que  Dieu  qui  a 
fait  le  ciel  et  la  terre  est  venu  parmi  nous 
et  qu'il  est  né  d'une  certaine  femme  nom- 
mée Marie,  dont  le  mari  s'appelait  Joseph  ; 
beaucoup  de  gens  ont  été  trompés  par  cet 
homme,  qui  se  disait  Dieu.  Si  les  Grecs,  par 
un  effet  de  leur  profonde  ignorance  et  d  une 
manie,  suivent  cette  doctrine  erronée  et  se 
])rivent  des  lumières  de  notre  religion  par- 
faite, ils  en  porteront  le  dommage.  Mais  vous 
qui  êtes  sujets  de  la  Perse,  pourquoi  tombez- 
vous  dans  le  même  délire?  Poiuquoi  suivez- 
vous  ces  erreurs?  Embrassez  la  religion  de 
votre  maître,  ipù  doit  répondre  de  vous  de- 
vant Dieu.  N'avez  pas  foi  à  vos  chefs,  que 
vous  nommez  nazaréens,  parce  qu'ils  sont 
très-menteurs  et  très-fourbes;  ce  qu'ils  vous 
enseignent  ()ar  leurs  |)aroles,  ils  le  démentent 
par  leurs  œuvres.  Manger  de  la  viande,  di- 
sent-ils, n'est  j)as  pécher,  et  pourtant  ils  n'eu 
mangent  pas!  Prendre  fennne  est,  disent- 
ils,  une  chose  convenable,  et  cependant  ils 
ne  veulent  pas  siîulement  regarder  les  per- 
sonnes de  l'autre  sexe!  Ce  n'est  pas  com- 
mettre un  péché  que  d'amasser  honorable- 
ment des  richesses,  disent  ces  honunes,  et 
ils  ne  cessent  de  prêciuM-  et  de  vantei'  la  pau- 
vreté !  Ils  préconisent  le  malheur  et  décrient 
la  prospérité;  ils  se  mo(pient  du  nom  de 
la  bonne  fortune,  et  tiennent  à  mépris  t)ute 
espèce  de  gloire;  ils  aiment  à  se  vêtir  d'ha- 
bits grossiers  et  préfèrent  les  choses  viles  à 
celles  ([ui  sont  j)récieuses;  ils  louent  la  mort 
et  mé|)risent  la  vie;  ils  ne  font  pas  de  cas 
de  la  fécondité  de  l'honiuK^  et  vantent  au 
contraii-e  la  stérilité  :  en  sorte  (pu'  si  leurs 
disciples  les  écoutaient,  ils  n'auraient  |)liis 
aucini  comiiierce  avec  les  femmes,  ce  ([ui 
amèiiei'ait  bienlol  la  fin  du  monde. 

«  Maisje  ne  pi^'lends  pas  dans  cet  écrit  V'uis 
d-'tailler  loules  leiu's  doctiines,  car  ils  disent 
une  foule  de  choses  bien  aulrenuMit  absurdes 
(jue  celles   (pie  je  viens  de    vous  rapporter. 


289  ARM 

Us  prôolionl,  i)arexeni{)lo,  quo  Dieu  a  été  mis 
en  croix  uar  les  liommes,  (lu'il  est  mort, 
qu'il  a  éto  enseveli,  et  ([u'ensuito  il  est  res- 
suscité et  monté  aux  eieux.  Or,  vous  devez 
déjà  étie  en  [losilion  (1(^  juger  la  valeur  de 
celîe  indigne  doctrine.  Les  démons,  (|ui  sont 
nu^chants,  ne  peuvent  être  ni  pris  ni  lour- 
numtés  par  les  hommes  :  counntmt  donc; 
cela  est-il  su|)portable  lorsipi'il  s"agit  du 
sDuveiaiu  auteur  de  toutes  les  créatures? 
dette  chose  {)our  vous  autres,  chrétiens,  est 
fort  honteuse  à  dire,  et  i)Our  nous,  celte  doc- 
tiine  est  aiissi ab. urde  ({u'elle  t\st  incroyable. 
Ujne  vous  reste  plas,ù  Arménie'is,(pie  d(;ux 
chdses  à  faire  :  l'une  de  répondre  à  celte  lettre 
article  par  article,  l'autre,  de  venii'en  toute 
dili-çence  h  notie  SublimtvPortc  et  de  vous 
})résenter  h  notre  grand  tribunal.  »  (E.  V., 
trad.  G.  K.  G.,  -20.) 

Aussitôt  les  évé(]ues  du  [Kiys  se  réunirent 
en  concile  à  Ardachade,  capitale,  et  d'un 
comumn  accord  rédigèrent  une  réponse  au 
roi.  Voici  les  iicmis  des  évoques  signataires  : 
Joseph,  évè([ue  d'Arazad,  Sahag  de  Daron, 
Melide  de  Mana/guerd,  Eznige  de  Sagrévant, 
Sourmag  des  Peznunik,  Dadjad  des  Daïk, 
Tatgie  de  Passen,  Kasson  du  Daroupérau, 
Jérémie  de  Martasdan,  Evg'  agh  de  Martagh, 
Ananias  des  Siounik,  Moucha  des  Arzirou- 
nik,  Sahag  des  Richedounik,  Basile  des  Mo- 
ges,  Kat  des  Vanant,  Elisée  des  Amandou- 
nik.  Frère  des  Antzvat/ik,  Jérémie  des  Aba- 
hounik.  (E.  V.,  trad.  G.  K.  G.,  p.  30.) 

La  répor'se  du  concile  reçut  ra[)probation 
d'un  très-grand  nombre  d'ecclésiastiques  et 
des  princes  du  pays.  La  voici  textuellement: 

«  Joseph,  évêque,  du  consentement  de 
toute  l'assemblée,  depuis  les  plus  grands 
jusqu'aux,  plus  petits ,  à  Mihr-Nerseh  le 
grand  ministre  des  Perses  et  de  ceux  qui  ne 
le  sont  point,  salut  respectueux  et  pacifique, 
ainsi  qu'a  tous  les  grands  officiers  du  héros. 
Depuis  le  temps  de  nos  ancêtres,  nous  avons 
coutume,  conformément  au  précepte  divin, 
de  prier  sans  Ci'sse  pour  le  roi  et  de  deman- 
der à  Dieu  qu'il  lui  accorde  de  longs  jours 
et  un  règne  prosjière,  afin  que,  jouissant  des 
bienfaits  de  cette  longue  tranquillité,  nous 
puissions  servir  Dieu  en  repos  et  en  sécu- 
rité pendant  tout  le  cours  de  notre  vie  pré- 
seuie.  Quant  au  contenu  delà  lettre  que  vous 
nous   avez   envoyée,  voici    notre    réponse: 

«  11  y  a  déjà  c^uelque  temps  qu'un  certain 
chei  de  vos  mages,  parfaitement  instruit  de 
votre  doctrine  religieuse,  et  que  vous  estimez 
vous-même  au-dessus  de  l'humaine  nature, 
se  coiiVertit  au  Dieu  vivant,  créateur  du  ciel 
et  de  la  terre;  il  discuta  voire  reliç,ion,  ar- 
ticle par  article,  et  vous  en  démontra  l'erreur. 
Comme  on  manquait  de  boinies  raisons  à  lui 
opposer,  on  le  lapida  [lar  ordre  du  roi  Or- 
mizt.  S'il  vous  est  agréable  d'entendre  notre 
réponse,  donnez-vous  la  peine  de  lire  ce  li- 
vre qui  n'est  pas  diiiicile  à  trouver  chez  vous, 
et  vous  serez  parfaitement  instruit.  Notre 
reli„ion  n'est  pas  une  petite  secte  impercep- 
tible, prèchée  dans  quelque  couvent  ignoré  ; 
elle  est  rénandue  par  toute  la  terre,  à  l'Oc- 
cident, à  rOrient,  au   Midi,  au  Nord,   dans 


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290 


les  îles  el  dans  les  pays  du  Milieu;  tout  est 
plein  lie  chrétiens.  Ce  n'est  pas  par  l'appui 
des  hommes  qu'elle  s'est  ainsi  étendue  par 
tout  l'univers;  elle  piicle  en  elle-même  la 
cause  de  son  solide  établissement,  (le  n'est 
pas  en  la  comparant  aux  autres  cultes  mé- 
piisables  (pion  en  reconnaît  la  sublimité, 
c'est  en  l'étudiant  avec  attention;  alors  on 
voit  qu'elle  a  reçu  du  ciel  sa  constitulion 
immuable  sans  intermédiaire  humain.  Dieu 
est  seul  et  unique,  il  n'y  en  a  pas  d'autre, 
ni  au-dessus  ni  au-dessous  de  lui.  Il  n'a  r;  çu 
do  personne  son  principe  divin,  il  existe 
éternellement  par  lui-même,  non  pas  dans 
un  lieu,  i)arce  qu'il  est  seul  lieu  en  lui-môme, 
non  pas  dans  une  période,  parce  que  les 
temps  el  les  périodes  n'ont  d'existence  que 
par  lui.  Non-seulement  il  est  antérieur  aux 
cieux,  mais  son  antiquité  infinie  passe  l'ima- 
gination des  hommes  et  des  anges.  II  ne  se 
revêt  point  d'une  forme  empruntée  aux  élé- 
ments, nul  regard  ne  l'a  vu,  nulle  main  ne 
la  touché,  et  nul  esprit,  et  je  n'entt  nds  pas 
seulement  celui  des  hommes  corporels,  mais 
de  même  des  anges,  ne  l'a  pu  comprendre. 
Il  se  communique  seulement  à  l'âme  de  ceux 
qui  l'aiiorent,  et  qui  sont  dignes  de  cette  la- 
veur par  la  pureté  de  leur  foi;  jamais  il  ne 
peut  tomber  sous  nos  sens,  ni  être  percep- 
tible à  l'esprit  des  êtres  terrestres.  Son  nom 
est  :  le  créateur  du  ciel  et  de  la  terre,  même 
avant  que  le  ciel  et  la  terre  existassent; 
comme  il  existait  de  soi-même,  ainsi  son 
nom  est  de  soi-même.  11  est  en  dehors  du 
temps  et  sans  période,  et  quand  il  lui  a  plu 
il  a  donné  le  principe  d'existence  à  tous  les 
êtres  qu'il  a  créés,  non  de  quelque  chose, 
mais  de  rien;  car  lui  seul  est  la  chose,  et 
toutes  choses  existent  en  lui  et  par  lui.  La 
création  de  l'univers  n'a  pas  même  élé  pour  lui 
une  idée  venue  après;  avant  de  le  créer  il 
voyait  comme  dans  un  miroir  tous  les  êtres 
dans  son  éternelle  connaissance ,  comme 
maintenant  il  voit  par  avance  toute  action 
bonne  ou  mauvaise  que  peut  faire  l'homme. 
Ainsi,  lors.iu'il  n'existait  encore  rien.  Dieu 
connaissait  déjà  les  êtres  incréés  qui  se  pré- 
sentaient à  son  esprit  divin,  non  pas  confu- 
sément, mais  avec  ordre  et  symétrie  ,  soit 
homme,  soit  ange,  mais  parfaitement  distinct, 
les  espèces  et  les  individus  qui  allaient  naître 
dans  son  espèce.  Comme  il  est  essentielle- 
ment un  pouvoir  actif,  notre  méchanceté 
même  ne  pouvait  arrêter  ses  bienfaits.  11  en 
a  été  réellement  ainsi  1 1  nous  avons  eu  le 
bras  de  notre  créateur  pour  juge.  Les  mêmes 
mains  qui  ont  créé  le  monde  ont  gravé  sur 
la  table  de  pierre  la  loi  pacitique  et  sainte  qui 
contient  toute  doctrine  sublime.  Cette  loi 
nous  oblige  avant  tout  de  reconnaître  qu'il 
n'y  a  qu'un  seul  Dieu,  créateur  d'e  tous  les 
êtres  visibles  et  invisibles;  ce  Dieu  ne  se 
compose  pas,  comme  le  vôtre,  de  deux  prin- 
cipes, l'un  bon  et  l'autre  mauvais  :  il  est  un 
et  purement  bon.  Mais  s'il  vous  semble  qu'il 
y  a  des  êtres  mauvais  parmi  les  créatures 
de  Dieu,  ayez  la  complaisance  d'entendre 
notre  réponse  sincère.  Les  démons  ou  dews 
sont  mauvais  ;  vous  dites  :  il  y  a  aussi   des 


iJftl 


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AHM 


292 


'lews  bons  que  vous  et  nous  apjjelons  anges. 
Si  les  di'ws  lavaicMil  voulu,  ils  auraient  été 
bons,  et  si  les  anges  l'avaient  voulu,  ils  eus- 
sent été  mauvais,  ear  les  uns  et  les  autres 
ont  été  créés  libres.  11  en  est  ainsi  parmi  les 
hommes  et  souvent  même  parmi  les  enfants 
du  même  i)ère  :  les  uns  sont  d'une  humeur 
soumise  et  docile,  les  autres  so'.it  pires  (lue 
des  démons.  Bien  plus,  ce  mélange  de  bien  et 
de  mal  se  rencontre  chez  le  même  homme, 
et  l'on  dirait  deux  êtres  distincts  dont  l'un 
bon  et  l'autre  mauvais.  Un  homme  bon  peut 
devenir  mauvais  en  certaine  circonstance, 
et  retourner  ensuite  au  bien  ;  il  n'y  a  pas  pour- 
tant en  lui  deux  natures,  mais  une.  A  ce  que 
vous  dites,  que  poui-  une  tigue  Dieu  a  fait  la 
mort,  je  réponds  :  Un  petit  morceau  de  par- 
chemin vaut  moins  ([u'une  figue,  mais  si  l'on 
écrit  une  ordonnance  du  roi  sur  ce  parche- 
min, et  qu'un  audacieux  ose  le  déchirer,  ce 
crime  emporte  peine  capitale.  S'ensuit-il  que 
le  prince  soit  à  blâmer  pour  cela,  et  pourrai- 
je  le  taxer  d'injustice?  Nullement,  et  bien 
loin  d'avancer  une  telle  chose,  j'expliquerai 
aux  autres  la  raison  pour  laquelle  ce  cliàtiment 
est  convenable  et  mérité.  En  défendant  à  sa 
créature  de  toucher  au  fruit  de  l'arbre  de  scien- 
ce, Dieu  ne  fit  point  preuve  de  jalousie;  au 
contraire,  il  prévint  l'homme  des  suites  fata- 
les qu'aurait  sa  désobéissance, et  en  le  préve- 
nant ainsi,  il  lui  manifesta  son  amour. 
Quand  l'homme  viola  le  précepte  divin,  il  en- 
courut naturellement  la  peine  de  mort. 

«  Mais,  dites-vous,  comment  Dieu  peut-il 
naître  d'une  femme?  Cet  article  de  notre  foi 
ne  devrait  pas  vous  étonner  si  fort,  car  votre 
Arhmen  et  votre  Ormizt  sont  nés  du  père  et 
non  pas  de  la  mère,  chose  bien  autrement  en 
contradiction  avec  les  lois  delà  nature;  et 
comme  si  cette  croyance  n'était  pas  déjà  assez 
absurde,  votre  dieu  Miher  est  non-seulement 
né  d'une  femme,  mais,  ce  qui  est  bien  autre- 
ment ridicule,  il  est  né  du  commerce  inces- 
tueux avec  sa  i)ropre  mère.  Si  vous  eussiez 
un  peu  mis  de  coté  la  prééminence  dont 
vous  vous  enorgueillissez  <t  que  vous  fussiez 
entré  avec  nous  dans  une  discussion  amicale 
(je  sais  que  surtout  autre  objet  que  celui  de 
notre  culte  vous  êtes  réellement  savant), 
vous  n'eussiez  pas  traité  de  fable  l'origine  de 
Notre-Seigneur,  né  de  la  sainte  Vierge,  mais 
vous  eussiez  confessé  qu'un  mystère  plus 
grand  que  l'univers  créé  de  rien  est  celte 
(uerveilleuse  rédemption  qui  jnuis  a  sauvés 
de  l'esclavage  du  péché  [tar  une  inex|)licable 
bonté  divine.  Quand  nous  disons  (jue  Dieu 
a  créé  l'univers,  (;om[)r(M)ez  bien  que  nous 
voulons  dire  qu'd  a  donné  l'être,  au  moyen 
de  sa  seule  parole,  <i  toutes  les  ciéalmiîs 
qu'il  renferme.  Dieu,  qui  a  fait  et;  gratid  corps 
de  l'univers  sans  la  moitxJre  pcùne,  en  a  ('ga- 
iement un  soin  crmtiuuel  connue  un  tendre 
pèrci.  Il  a  créé  l'homme;  incorru])til)le  de  sa 
nature,  il  a  fait  son  ouvrage  ;i  son  image, 
pur  et  sans  co;iuplion;  mais  l'honnne  pécha 
et  se  corrompit  v(jlontaiiemenl,  et  (;nsuile 
il  no  r)Ut  remonter  à  son  premiiir  état;  car  il 
était  t;iil  de  leiic,  il  renlia  dans  sa  propre 
nature.  0«  ne  fut  pas  par  l'ell'i-t  d'une  force 


étrangère  ou  d'un  mauvais  principe  ou 
d'Arhmen  qu'il  fut  poussé  à  mal  agir  et  qu'il 
en  reçut  le  cliàtinuMit,  mais  à  cause  de  sa 
proj)re  faiblesse  qui  le  porta  à  enfreindre 
l'ordre  de  Dieu.  C'est  ainsi  que  la  partie  ser- 
vile  fut  punie  par  la  peine  de  mort,  dont  elle 
avait  le  germe.  Or,  si  un  dieu  mauvais  a 
fait  la  mort  et  détruit  les  créatures  du  dieu 
bon,  je  vous  demande  quelle  est  la  substance 
de  la  mort,  et  si  elle  est  perceptible  îi  la  vue? 
Certainement  elle  ne  l'est  pas.  Si  le  mauvais 
dieu  était  ce  que  vous  dites,  on  ne  pour- 
rait à  d'autre  a[)pliquer  l'épithète  de  bon  ; 
mais  {)lulôl  un  créateur  à  demi  dans  chaque 
chose  créée  et  pourtant  corruptible;  car  il 
n'y  a  que  l'ouvrage  d'un  dieu  corruptible 
qui  puiss  >  être  défait  et  détruit  par  un  autre, 
et  il  serait  impossible  alors  de  lui  donner 
la  qualité  d'incorruptible  et  de  parfait.  Dieu 
nous  i)réserve  d'accepter  une  telle  doctrine, 
et  de  croire  avec  vous  qu'un  dieu  méchant 
ait  gâté  l'œuvre  du  dieu  bon.  Comment  pou- 
vez-vous  admettre  ce  principe  absurde?  Un 
même  Etat  ne  peut  avoir  deux  maîtres,  vous 
le  savez,  et  à  plus  forte  raison  une  simple 
créature  ne  peut  être  dépendante  de  deux 
dieux.  Si  deux  rois  venaient  par  malheur  à 
régner  sur  le  même  Etat,  cet.  Etat  serait  bien- 
tôt sur  le  penchant  de  sa  ruine,  et  se  dissou- 
drait de  lui-même. 

«  Ce  monde  que  nous  habitons  est  matériel. 
Ses  éléments,  pris  séparément,  sont  distincts 
et  doués  de  qualités  contraires;  le  créateur 
de  ces  matières  hostiles  est  le  seul  (lui  puisse 
les  mettre  en  harmonie.  Ainsi,  la  chaleur  est 
tempérée  par  le  moyen  de  l'air,  et  l'air  glacé 
est  à  son  tour  adouci  par-  le  feu.  Ainsi  la 
poudre  tme  de  la  terre  est  délayée  et  pétrie 
par  l'humidité  de  l'eau,  et  l'eau,  qui  est  tluide, 
est  arrêtée  par  le  limon  durci  de  la  terre.  Si 
les  éléments  n'étaient  [)as  de  nature  opposée, 
et  s'ils  étaient  d'accord  ensemble,  il  aurait 
pu  arriver  que  quelque  pauvre  esprit  faible 
ïas  aurait  pris  pour  des  dieux  et  adorés  de 
préférence  au  Créateur;  mais  celui  quia  créé 
toutes  choses  avait  pris  d'avance  ses  mesures 
pour  prévenu'  un  tel  abus,  il  a  mis  les  élé- 
ments en  opposition,  atin  ([ue  l'homme  put 
recomiaîlre  qu'ils  avaient  un  modérateur  et 
que  ce  modérateur  était  un  et  non  pas  deux. 
D  api'ès  l'ordre  de  leur  ciéateur,  ces  quatre 
éléments  ([ui  composent  tout  sur  la  terie, 
causent  tour  à  tour  l'inlluence  des  quatre 
saisons  et  font  leur  service  annuel,  connue 
(les  créatui'es  intelli;4entes  nécessairement 
atl(Oée.s  i\  un  joug  coimnun.  Us  obéissent  ;\ 
la  volonté  de  leiu'  créateur  sans  nuninurer 
et  satis  se  disputer  les  lioiuieuis  de  la  pré- 
séance, 'l'elh^  est  notre  explication, et  nous  la 
croyons  assez  claire  [)our  cpie  tout  h;  monde 
puisse  la  compremiic.  Pai"ce(pu!  le  l'eu  s'unit 
subslanliellemeni  aux  trors  autres  éléments, 
on  trouve  du  ieu  eu  abondance  dans  les  pier- 
re ^  (;t  dans  h;  fer,  mais  très-peu  dans  l'air  et 
dans  l'eau,  il  n'existe  mille  j)art  <i  l'état  sé- 
paré et  n'est  point  comme  les  autres  ipii 
existent  en  masse.  L'eau, (pii  forme  un  corps 
s(''|ia»-é,  S(!  mèhi,  à  doses  plus  ou  moins  for- 
tes,   avec  les   trois  autres   éléments.  Il    eu 


293 


ARM 


ARM 


^94 


entre  heaiicoup  dans  la  terre  et  dans  ses  di- 
verses |)iûdiulioii.s,lrès-|ieii  dans  l'air  et  dans 
1'  l'eu.  1/air  pénrlre  le  feu  el  dans  l'eau  et 
dans  la  terre;  avec  la  coopération  de  l'eau 
el  ilu  l'eu,  l'air  est  la  grande  puissance'  végé- 
tative (|ui  nouriil.  toutes  les  |)roductions  ter- 
restres. Auisi  les  éléments  se  mêlent  et  ils 
sont  connue  un  corps  sans  se  conl'ondre  et 
sans  altérer  leur  nature  individuelle;  aucun 
d'eux  ne  s'arrête  au  milieu  de  sa  tAclie,  ni  ne 
s'écarte  des  autres  dans  un  esprit  d'opposi- 
tion; ils  subsistent  ensemble  par  l'ordre  de 
Dieu,  (jui  préside  à  tous  ces  mélanges  et  les 
dispose  de  manière  à  [)euplei'  par  une  l'oule 
d'èlres  vivants  el  à  continuer  d'une  manière 
inaltérable  et  uniforme  le  système  de  l'uni- 
vers. Si  Dieu  prend  tant  de  soins  du  monde, 
(jui  n'est  (lu'uueniatièreinintelligible,  sa  solli- 
citude est  bien  pi  us  grande  encore  pour  ce  mon- 
de laisonnable  et  pinsanl,  qui  est  l'homme. 

«  Un  de  vos  plus  anciens  sages  a  dit  que 
le  dieu  Miher  naquit  d'une  mère,  laquelle 
était  de  race  humaine  ;  il  n'en  est  pas  moins 
roi,  tils  dieu  et  allié  vaillant  des  septièmes 
dieux.  »  S'il  vous  convient  de  croire  une 
fable  aussi  absurde  qui  s'accorde  avec  vos 
mœurs  et  les  autorise  à  certains  égards,  vous 
en  êtes  les  maîtres;  quant  à  nous,  il  nous 
est  impossible  d'ajouter  la  moindre  croyance 
à  de  pareils  contes.  Nous  sommes  disciples 
du  grand  prophète  Moise,  à  qui  Dieu  parla 
dans  le  buisson  d'Horeb  et  dans  Sinai ,  et 
devant  lequel  il  écrivit  la  loi  à  la  vue  de 
tous,  et  la  lui  donna.  Dans  cette  loi  donnée  à 
Moïse,  il  est  dit  que  le  monde  est  matériel 
et  créé,  tandis  que  Dieu  est  immatériel  ;  que 
Dieu  a  créé  de  rien  la  matière ,  le  ciel  avec 
tous  les  corps  célestes,  puis  la  terre  avec 
tous  les  végétaux  qui  la  couvrent  elles  ani- 
maux qu'elle  nourrit.  Les  anges  habitent  le 
ciel,  et  les  liommes  la  terre,  qui  sont  des  êtres 
seuls  doués  de  raison  ;  mais  Dieu  incom- 
préhensible est  plus  grand  et  plus  élevé  que 
la  terre  et  les  cieux. 

«  Les  créatures  qui  ne  sont  point  douées 
de  raison  exécutent  passivement  ses  ordres, 
sans  pouvoir  s'écarter  des  bornes  qui  leur 
sont  tracées  ;  mais  l'homme  et  l'ange  sont 
des  agents  libres,  parce  qu  ils  sont  doués  de 
raison.  Toutes  les  créatures  supérieures  sont 
au  service  des  anges  ,  et  les  inférieures,  qui 
peuplent  la  terre,  sont  assujetties  au  service 
de  l'homme.  Si  les  hommes  et  les  anges 
obéissent  ponctuellement  à  Dieu ,  ils  sont 
immortels  et  iils  de  Dieu;  mais  s'ils  transgres- 
sent et  violent  ses  préceptes,  s'ils  font  tout 
le  contraire  de  la  volonté  de  Dieu,  ils  seront 
précipités  dans  l'abîme  et  dépouillés  de  leur 
dignité.  Dieu  doit  à  sa  justice  et  à  sa  gloire 
de  récompenser  le  juste  et  de  punir  l'impie  ; 
les  pécheurs  seront  châtiés  à  cause  de  leurs 
crimes  et  couverts  de  confusion.  Si  vous  fai- 
tes fausse  route  par  ignorance,  comment, 
moi,  qui  sais  de  bonne  source  que  vous  vous 
égarez,  puis-je  vous  suivre  dans  votre  voie 
et  me  plonger  à  votre  suite  dans  l'erreur  ?  Si 
je  me  fais  disciple  de  votre  erreur  et  de  votre 
ignorance,  nous  tomberons  bientôt ,  vous  et 
moi,  dans  la  perdition  irrévocable ,  et  mon 


sort,  à  cet  égard,  sera  pire  que  le  vAtre,  c.ir 
j'aurai  pour  juge  la  i.aroir  de  Dieu,  qui  dit 
expressément  :  «  Tout  scrvileui'  (pji  jk;  c.in- 
nail  pas  la  volonté  de  son  niailrc  (;t  qui  fait 
(piehiue  chose  de  mal,  s(!ia  puni  d'un  ch.Ui- 
miMit  léger  ;  mais  (jue  celui  qui  sud  jiarfaile- 
menl  la  volonté  de  son  maître;  (;t  qui  pèclie 
contre  lui  délibérément,  el  sachant  ce  (^u'il 
fait,  sera  puni  avec  la  dernière  rigueur.  » 

«  Je  vous  en  conjure,  vous  et  tous  ceux 
qui  sont  sous  vos  ordres,  ne  faites  pas  que 
nous  soyons  cliAliés  ensemble  d'une  ma- 
nière plus  (ju  moins  rude;  mais  vous  et  moi, 
le  j)euple  avec  le  héros  roi,  soyons  tous 
disciples  des  livnîs  divins.  Puissions-nous 
ainsi  éviter  les  châtiments  de  Dieu,  nous 
sauver  de  l'enfer  et  nous  éloigner  du  feu 
éternel  !  Après  avoir  agi  vertueusement  dans 
cette  vie  passagère,  nous  hériterons  des 
biens  célestes  et  nous  jouirons  d'un  bonheur 
sans  bornes.  Si  vous  vouliez  mettre  vos  pré- 
jugés de  coté,  vous  vous  seriez  bientôt  fa- 
nnliarisé  avec  ce  qui  vous  semble  étrange , 
et  la  force  de  la  vérité  vous  persuaderait. 
Ecoutez  seulement  ceci  :  Un  des  anges  des 
troupes  immortelles  s'étant  révolté  ,  il  fut 
chassé  des  cieux  ,  et  vint  dans  notre  monde 
où,  par  d'artiiicieux  discours  et  des  promesses 
fallacieuses,  il  ht  naître  dans  le  cœur  de 
l'homme  le  désir  insensé  d'être  mieux  qu'il 
n'était.  S'adressant  à  lui  comme  à  un  enfant 
sans  expérience  et  d'une  volonté  Uexible,  il 
lui  fit  accroire  que  s'il  mangeait  du  fruit  d'un 
arbre  dont  l'approche  même  lui  était  dé- 
fendue, il  deviendrait  Dieu.  Etl'homme,  ou- 
bliant l'ordre  exprès  du  Seigneur,  se  laissa 
séduire  ;  mais,  bien  loin  d'atteindre  à  la  gloire 
qu'il  avait  rêvée,  il  perdit  son  privilège  d'im- 
mortalité, fut  expulsé  du  paradis  et  relégué 
dans  ce  monde  corruptible  où  vous  habitez 
maintenant.  En  proie  à  un  délire  digne  do 
pitié,  vous  suivez,  ô  Perses,  les  suggestions 
de  ce  même  astucieux  conseiller,  non  pas  en 
mangeant  du  fruit  de  l'arbre  défendu,  mais 
en  adorant  les  créatures  de  préférence  au 
créateur,  en  rendant  un  culte  à  des  éléments 
insensibles  ,  en  offrant  des  repas  à  des  dé- 
mons sans  ventre,  et  en  vous  éloignant  de 
celui  qui  est  le  maître  et  le  principe  de  tou- 
tes les  choses  créées.  Encore  ce  méchant 
conseiller  ne  s'arrête-t-il  pas  à  cela  ;  il  veut 
vous  faire  pire  iju'il  n'est.  Ce  n'est  pas  que 
les  démons  puissent  mener  quelqu'un  a  la 
perdition  j)ar  foi  ce  et  par  violence,  mais  ils 
persuadent  les  hommes  ignorants  par  des 
suggestions  artificieuses,  ei  au  moyen  de  la 
flatterie  leur  adoucissent  la  pente  du  péciié. 
C'est  ainsi  qu'un  bon  nombre  d'hommes, 
après  être  pris  dans  leurs  pièges,  deviennent 
ensuite  leurs  sateUites,  et  ils  séduisent  leurs 
camarades,  non  pas  par  la  violence,  mais  par 
insinuations  fallacieuses,  à  commettre  toutes 
sortes  de  crimes,  tels  que  l'astr.ilogie,  la 
magie,  la  fornication,  le  vol,  le  brigandage 
et  mille  autres  abominations.  Mais  la  justice 
venge  la  société  en  punissant  les  malfaiteurs 
de  mort.  Pour  cela  il  ne  faut  pas  dire  qu'il 
y  a  deux  dieux,  dont  l'un  a  fait  les  juges 
équitables,  et  l'autre  les  juges  prévarica- 


21)5 


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296 


teurs.  Car  di'  môme  un  homme,  aussi  bien 
dans  une  époque,  peut  devenir  mc'Llianl,  ou 
d'un  abîme  de  mcciianceté  devenir  homme 
parlait  dans  l'autre  époque.  Donc  ,  on  ne 
donne  pas  aux  juj^es  nn]>ai'liauv  qui  punis- 
sent les  malfaiteurs  la  qualitication  de  mé- 
chants et  de  malfaiteurs  ;  on  dit  au  contraire 
que  ce  sont  des  hommes  équitables  et  des 
bienfiiiteurs  de  l'humanité.  Cependant  la 
nature  est  unetii  non  pas  double,  et  c'est  de 
cette  unité  que  découle  un  double  elfet,  l'un 
funeste,  l'autre  rémunérateur.  Si  parmi  les 
hommes  on  suit  cette  règle  d'institution 
royale  pour  bien  gouverner  un  litat,  à  plus 
forte  raison  devons-nous  croire  qu'elle  [)ré- 
sidc  aux  jugements  de  Dieu,  qui  ne  veut  bien 
que  le  salut  et  non  la  morl  d'aucun,  il  a  dé- 
cerné, en  elfet,  contre  les  grands  coupables  la 
peine  de  mort,  mais  il  comble  de  grâces  et 
couionne  d'une  gloire  immortelle  tous  ceux 
par  qui  la  vertu  d'obéissance  a  été  pratiquée. 
Or,  ce  Dieu,  que  votre  langue  sans  frein 
blasphème  insolemment ,  est  le  créateur  de 
toutes  choses  et  le  Dieu  véritable.  Vous  ne 
gardez  pas  non  {ilus  de  ménagements  en- 
vers Notre-S(;igneur  Jésus-Christ,  dont  vous 
changez  le  nom  sacré  en  celui  de  lils  de 
Pantlior ,  et  que  vous  décriez  en  le  traitant 
de  sédicteur.  Vous  foulez  aux  pieds  l'im- 
mense bienfait  de  la  rédemption,  ce  qui  ne 
peut  que  vous  perdre,  vous  elles  peuples  de 
vos  Etats,  et  vous  exposer  à  encourir  la  juste 
vengeance  du  Seigneur  qui  vous  plongera 
dans  le  feu  inextinguiuie  de  l'enfer,  vous  et 
tous  ceux  qui  ont  consciiti,  avant,  pendant 
et  après ,  à  vos  croyances  erri-nées.  Pour 
nous,  notre  ferme  cr(jyance  est  que  le  même 
Dieu  (^ui  a  créé  le  monde  a  pris  lui-même 
un  corps  dans  le  sein  de  la  vierge  Marie,  sans 
particip<ition  d'hoiume  ,  suivant  les  prédic- 
tions des  [)ropliè[es.  D(^  mèiui;  que  de  rien 
il  a  créé  le  moade,  ainsi  ,  sans  causes  char- 
nelles, il  a  leçu  son  corps  de  la  "N'ierge  pure, 
en  réalité  et  non  en  a|)parence.  Il  est  vrai 
Dieu,  et  s'est  fait  vrai  homme.  Il  n'a  pas  al- 
téré ni  sa  div.inlé  ni  son  humanité  ;  il  est 
resté  toujours  le  môme,  toujours  un.  Comme 
nous  ne  |)ouvions  le  voir,  étant  de  sa  na- 
ture divine  invisible,  ni  l'apptocher  n'étant 
pas  aj)piochable,  il  est  venu  à  nous  en  pre- 
nant la  natuie  humaine,  alin  (pje  nous  |,uis- 
Sions  nous  ranger  sous  sa  natuie  divine,  il 
n'a  i)as  répiilé  a  déshonneur  de  se  revêtir 
du  corps  humain  qu'il  avait  créé  ,  mais  il 
l'honora  au  contraire  coimiie  son  [)roi)re  ou- 
Yiage.  il  ne  communiqua  [)as  à  l;:  iialuic 
qu'il  avait  piise  Tlnjuneur  de  rimiiioilalilé, 
par  degrés,  et  peu  a  p('U  comme  aux.  anges 
mcoiioreis,  mais  d  investit  to.t  d'un  coup 
la  nature  du  corps  de  l'esprit  et  de  l'Ame 
réelle,  et  les  léuiiit  à  sa  [)ersonne  di\nie. 
Ainsi  en  J(''sus-(Jirist  est  toujours  unité  (;t 
jamais  duile.  Nous  ne  connaissons  donc  en  lui 
qu  une  diviniti;  (pii  existait  avant  la  oM'ation 
(lu  morid(j;  c'est  encore  la  mémo  aujourd'hui. 
0  Jésus-Christ,  qui  par  son  incainalion  a 
sauvé  le  mond(î,  s'est  livré  volontairement  à 
la  morl.  I/iricarnation  et  la  i-édemotion  sont 
ijour  nous  des  mystères  ;  mais  cela  est  foi  l 


clair  pour  la  Divinité.  Jésus-Christ  s'incarna 
dans  le  sein  d'une  Vierge  immaculée;  il  na- 
quit, fut  emmaillotlé  et  mis  dans  une  crèche. 
Des  .Mages  vinrent  l'ndorer  du  fond  de  l'O- 
rient ;  il  fut  allaité  et  grandit  comme  un  en- 
fant ordinaire.  A  l'Age  de  30  ans,  il  fui  bap- 
tisé dans  le  lleuve  du  Jourdain  [)ar  Jean  iils 
de  la  stérile  Elisabeth.  11  a  fait  beaucoup  de 
miracles  et  de  prodiges  parmi  le  peuple 
d'Israël.  Il  fut  trahi  i)ar  les  [)rêtres  et  con- 
damné par  Ponce-Pilate  II  fut  crucifié,  mou- 
rut et  fut  enseveli.  Il  ressuscita  le  troisième 
jour  et  apparut  à  ses  douze  apôtres ,  ainsi 
qu'à  [)lus  de  cinq  cents  })ersonnes.  Après 
avoir  demeuré  avec  eux  durant  quarante 
jours,  il  monta  au  ciel  sur  la  montagne  des 
Oliviers ,  en  présence  de  ses  disciples,  et 
s'assit  sur  le  trône  auj)rès  de  son  Père.  Il  a 
promis  de  venir  uae  seconde  fois  arec  beau- 
coup de  pompe  poui-  ressusciter  tous  Hs 
morts,  renouveler  ce  mon.ie,  et  juger  les  jus- 
tes et  les  pécheurs,  en  donnant  aux  uns  la 
récompense  et  aux  autres  le  chAtiment  qu'ils 
ont  mérité  ;  ceux  qui  ne  croient  pas  à  son 
Evangile  et  qui  repoussent  ses  bienfaits  se- 
ront punis  avec  les  malfaiteurs.  Il  n'est  pas 
possible  d'ébranler  en  nous  celte  foi,  ni  de 
nous  faire  quitter  cette  croyance.  Ni  les  an- 
ges, ni  les  hommes,  ni  le  feu,  ni  l'eau,  ni 
l'épée,  ni  les  plus  cruel-s  sup})lices  du  monde 
ne  peuvent  rien  à  cet  égard.  Nous  vous  aban- 
donnons nos  corps  et  nos  biens,  faites-i;n 
tout  ce  que  vous  voudrez.  Si  vous  nous  lais- 
sez cette  croyance,  nous  ne  reconnaîtrons 
que  vous  pour  seigneur  de  la  terre,  comme 
nous  ne  reconnaissons  que  Jésus-Christ  pour 
Dieu  du  ciel,  car  il  n'est  point  d'autre  Dieu 
que  lui.  Si  cette  déclaration  solennelle  vous 
iirite  et  si  vous  persistez  dans  vos  desse.ns, 
écoutez  nos  résolutions  :  Nos  corps  sont 
dans  ta  main  ,  traite-ies  suivant  ton  |)laisir  ; 
à  toi  les  tortures  ,  à  nous  l'acceptation  ;  tu 
peux  lever  le  glaive,  nous  présenterons  nos 
cous.  Nous  ne  valons  j)as  mieux  que  nos 
ancêtres  qui  ont  eu  l'Iionneur  de  sacrifier 
leurs  biens  ei  leur  vie  pour  ce  véridique  té- 
moignage; fussions-nous  immortels  et  qu'il 
nous  fût  f)Ossible  de  mourir  |  our  l'aajour 
de  Jésus-Christ,  nous  ne  ferions  pas  moins 
volontiers,  puisqu'il  était  immortel  et  qu'il 
nous  a  aimés  jusqu'à  mourir  pour  nous;  car 
c'est  sa  mort  (jui  nous  a  délivrés  de  la  mort 
éternelle.  Il  n'a  [)as  épaigné  pour  nous  son 
immorlaliié  ;  nous  (\u\  ne  sommes  que  des 
morli  Is ,  nous  mourrons  bien  volontiers  j-oiir 
son  amour ,  persuadés  (ju'il  daignera  nous 
recevoir  dans  son  royaume  céleste  Aiourons 
donc  volontiers  en  écliangeaiit  ces  cor[»s  i)é- 
riss.ibles  contre  la  vie  immoi  telle.  Qu'on  ne 
nous  jjarle  plus,  comme  à  des  enfants,  de  re- 
noncer au  cmisliamsme  ;  nos  vœux  ne  sont 
point  avec  les  hommes,  qui  sont  toujours 
trompeurs  ,  mais  avec  Dieu,  (pii  ne  trompe 
point.  Ces  vo'ux  ,  il  est  impossible  de  les 
abolir,  ni  maintenant  ni  [ilus  tai'd,  ni  au 
bout  de  queh^ue»  siècles,  ni  dans  les  siècles 
di's  siècles.  »  [li.  V.,  lrad.(i.  k.  (î.,  |).  30.) 
'l'ous  le.>  meml)res  de  celle  assemblétsdans 
le  sein  de  latiueJlo  on  laissa  entrer  le  peu- 


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ARM 


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pie,  no  so  bornèrent  juis  h  riMigcr  cette  ré- 
î)on.so;  ils  s'engagèrent  par  serment  h  verser 
leur  sang,  s'il  le  fallait,  pour  la  maintenir  et 
pour  tleim;uror  toujours  dans  la  toi  cliré- 
lieune.  Ce  serment  imposant  l'uliail  |)ar  tous 
les  assistants. 

Ouand  cette  lettre  fut  arrivée  à  la  cour,  on 
la  lut  en  assemblée  sohinnelle.  Tous  les  di- 
g'iitaires  de  la  cour,  les  principaux  chefs 
(l'armée  étaient  présents.  Un  grand  nombrii 
a()prouvaient  tacitement  ce  qu'elle  contenait 
et  n'osaient  pas  le  faire  voir  ostensiblement. 
J)e  sourds  nuuMUures  circulèrent  au  sein  de 
cette  réunion  (pie  pi'ésidail  le  roi.  Alors  les 
chefs  des  mages  et  le  [)remier  ministre  lan- 
cèrent contre  les  Arméniens  d'atroces  ca- 
lomnies. Hazguerd  s'écria  :  «  Je  sais  (ju'il  y 
a  des  insolents  ,  de  ces  honnnes  qui  doutent 
de  notre  loi  et  qu'une  sorcellerie  égare  et 
fait  courir  après  des  doctrines  mensongères 
et  trompeuses.  Mais  moi,  j'ai  résolu  de  no 
pas  épargner  les  plus  terribles  chcltiments  à 
ceux  qui  agissent  de  la  sorte.  Je  ne  ferai  ex- 
ception de  personne,  pas  même  des  grands 
qui  m'approchent  le  plus  près,  et  je  déclare 
que  j'emploierai  les  sup[)lices  et  les  tortures 
jusqu'à  ce  qu'on  ait  abandonné  de  gré  ou  de 
force  la  loi  pernicieuse  des  chrétiens.»  (E.  V., 
Irad.  G.  K.  G.,  kl.) 

Le  vieux  ministre  ^  profitant  de  la  colère 
du  roi  pour  l'exaspérer  davantage  ,  parla  en 
ces  termes  :  «  A  quoi  bon  vous  donner,  ô 
héros  roi ,  dit-il,  tant  d'inquiétutfe  et  d'em- 
barras. Si  l'empereur  des  Grecs  lui-même 
n'ose  enfreindre  vos  moindres  ordres ,  si  les 
Huns  sont  devenus  vos  esclaves  obéissants , 
quels  sont  les  téméraires  qui  oseront  en- 
freindre vos  lois?  Commandez  souveraine- 
ment dans  votre  empire,  et  tout  ce  que  vous 
souhaiterez  s'accomplira  sur-le-champ.» 
(E.V.,  trad.  G.  K.  G.,  47.) 

Le  roi  fit  venir  le  grand  chancelier,  et  lui 
dicta  un  manifeste  plein  d'exiiressions  ou  se 
peignaient  la  fureur  et  la  violence.  Il  com- 
mandait aux  princes  dont  les  noms  suivent 
et  qu'il  indiqua  lui-môme ,  de  venir  immé- 
diatement à  la  cour.  Voici  leurs  noms  :  Vas- 
sag,de  la  maison  de  Sunik;Nerchabouth  ,  de 
la  maison  d'Arzrounik;  Ardag,  de  la  maison 
Richedunick  ;  Katechan,  de  la  maison  Korko- 
rounik  ;  Vartan,  de  la  maison  de  Mamigonian  ; 
Ardag,  de  la  maison  Mogh;Manegh,de  lamai- 
sond'Abahounik;  Vahan,cle  la  maison d'Ama- 
dounik  ;  tvide,  de  la  maison  de  Vahevounik; 
Chémavon,de  la  maison  d'Andzevazik  (E.  V., 
trad.  G.K.G., 47). Lamoitié  d'entre  eux  servait 
dans  les  armées  près  du  roi.  Quelques  autres 
gardaient  contre  les  Huns,  vers  le  nord, le  dé- 
filé de  Derbend;  d'autres,  qui  étaient  moi- 
nes ,  étaient  en  Arménie  dans  leurs  familles. 

Quand  ceux  qui  étaient  absents  de  la  cour 
reçurent  cette  pièce  émanée  de  la  fureur  du 
roi,  ils  jurèrent,  en  présence  de  Joseph  ,  le 
premier  des  évoques  du  pays,  de  rester  fi- 
dèles dans  la  foi.  Ils  vinrent  ensuite  trouver 
le  -roi  dans  sa  capitale.  Ils  marchaient  hâti- 
vement, pressés  qu'ils  étaient  de  voir  leurs 
t)arents,  leurs  amis,  qui  souffraient  déjà  pour 
a  foi.  Le  samedi  de  la  grande  semaine  pas- 
DiCTiOiNN.  DES  Persécutions.  I, 


cale  ils  se  présentèrent  au  roi.  Ils  parurent 
avec  un  visage  calme  et  traïKpiille;  ce  qui  ne 
laissait  pas  que  do.  surprendre!  étrangement 
les  ennemis  d(!  la  religion  chrélicnne.  il  était 
d'usages  (piand  les  i)rinces  d'Arméni(!  s(' pré- 
sentaient h  la  coin-,  que  le  roi  envoyât  [lour 
les  rec(!Voir  un  général  (pu  leur  souhaitait 
la  bienvenue,  (;t  (pi'ensuile,  a|)rèsavoii- passé 
les  troupes  en  revue,  il  les  IV'licitat  de  la  la- 
|)idité  d(!  leur  marche  et  hîur  témoignAt  qu'il 
était  content  de  hïurs  services.  Celte  l'ois  tout 
cérémonial  fut  mis  de  côté.  Pareil  à  un  tigre 
en  fureur,  le  roi  parut  devant  eux  tout  lioi's 
de  lui-même  ,  et  leur  fit  entendre  ces  terri- 
bles pai'oles  :  «  J'im  jure  par  le  soleil  ,  C(; 
grand  dieu  qui  éclaire  Je  monde,  et  qui  par  sa 
chaleur  vivifie  tous  les  êtres,  si  demain,  à  la 
naissance  du  jour,  chacun  de  vous  avec  moi, 
h  la  première  apparition  de  cet  astre;  mer- 
veilleux, no  lléciiit  pas  lo  genou  de; vaut  lui 
et  ne  confesse  pas  sa  divinité  ,  je  lui  ferai 
subir  les  supplices  les  plus  cruels  jusqu'à  ce 
que  bon  gré,  mal  gré,  il  exécute  mes  ordres.» 
(E.  V.,  trad.  G.K.  G.,  50.) 

Les  princes  arméniens  que  ni  les  mena- 
ces, ni  la  crainte  des  tortures,  ne  pouvaient 
pas  faire  trembler,  répondirent  avec  calme 
au  roi ,  et  lui  dirent  :  «  Veuillez  permettre  , 
héros  roi ,  que  nous  vous  répondions  briè- 
vement en  présence  de  cette  honorable  as- 
semblée ,  et  daignez  nous  entendre  vous- 
même  avec  calme.  Nous  rappellerons  d'abord 
à  votre  souvenir  que  Chabouk  (II,  l'an  805), 
roi  des  rois,  qui  fut  trisaïeul  de  votre  grand 
père  Hazguerd  (I",  l'an  399),  fut  par  la  vo- 
lonté de  Dieu  mis  en  possession  du  pays 
d'Arménie  qui  professait  alors  cette  même 
religion  que  nous  professons  maintenant. 
Nos  pères  et  les  aïeux  de  nos  grands  pères 
sont  toujours  demeurés  fidèles  à  la  Perse  ; 
ils  ont  rempli  tous  leurs  devoirs  avec  exac- 
titude et  se  sont  scrupuleusement  acquittés 
de  tout  ce  qui  concernait  leur  service  mili- 
taire. Souvent  ces  rois  ,  vos  aïeux,  les  com- 
blèrent d'honneurs  ,  proportionnellement  à 
leur  mérite,  et  cet  état  de  choses  a  duré  ainsi 
jusqu'à  vous  qui  avez  recueilli  leur  trône 
comme  votre  héritage.  Nous  qui  sommes  ici 
devant  vous  ,  héros  roi ,  nous  vous  avons 
rendu  les  mêmes  services,  et  peut-être  avons- 
nous  beaucoup  plus  fait  pour  vous  que  nos 
ancêtres  ne  firent  jamais  pour  les  vôtres!  » 

Cela  dit ,  nos  princes  rappelèrent  hardi- 
ment leur  fidélité  et  leur  vaillance  supérieure 
à  celle  de  leurs  pères  ;  ils  parlèrent  des  im- 
pôts écrasants  qu'on  levait  en  Arménie,  im- 
pôts infiniment  plus  lourds  que  ceux  que 
l'on  payait  aux  anciens  rois  de  Perse  , 
puis  ils  ajoutèrent  :  «  Sepuis  les  premiers 
temps  ,  notre  sainte  Eglise  était  libre  d'im- 
pôts ,  vous  l'y  avez  soumise,  et  nous  ne 
nous  y  sommes  pas  opposés,  parce  que  nous 
aimons  notre  dynastie.  Or ,  d'oij  naît  votre 
colère  ?  veuillez  nous  en  dire  le  motif.  Notre 
religion  nous  empêche~t-elle  de  vous  servir 
de  mieux  en  mieux?...  »  Mais  ce  furieux  ré- 
pondit à  nos  princes  en  détournant  la  tête 
en  signe  de  mépris  :  «  Le  trésor  royal  est 
souillé  par  les  contributions  qu'il  lève  sur 

10 


299 


ARM 


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300 


votre  pays;  votre  or  est  impur,  ot  ces  servi- 
ces que  vous  vantez  sont  presque  inutiles , 
car  vous  vous  égarez  faute  de  vouloir  vous 
instruire  dans  notre  religion  qui  est  la  vraie. 
Vous  méprisez  les  dieux,  vous  faites  mourir 
le  feu,  vous  infectez  l'eau,  vous  enterrez  les 
morts  dans  la  terre,  vous  souillez  ainsi  tous 
les  éléments,  et  ainsi,  quand  vous  manquez 
d'exécuter  toutes  ces  pratiques  en  rigueur, 
vous  donnez  une  nouvelle  vigueur  et  du  con- 
tentement au  génie  du  mal,  à  Ahrimane.  Ce 
qui  est  encore  une  faute  plus  énorme ,  c'est 
que  vous  ne  vous  appiocliez  que  rarement 
des  femmes  ,  ce  qui  réjouit  grandement  les 
démons,  et  que  vous  refusez  obstinément  de 
suivre  les  doctrines  des  mages.  Vous  êtes  à 
mes  yeux  comme  des  brebis  égarées  et  dis- 
persées sur  la  vaste  surface  de  la  terre.  Cela 
m'afllige  jusqu'au  fond  du  cœur,  et  je  crains 
que  les  dieux  olfensés  ne  se  vengent  sévère- 
ment de  moi  à  cause  de  vous.  Or,  si  vous 
voulez  vivre  ,  sauver  vos  âmes  et  retourner 
en  Arménie  comblés  d'honneur,  songez  à  vous 
conduire  demain  comme  je  l'ai  prescrit...» 

Alors  nos  vertueux  princes,  d'un  consen- 
tement unanime,  élevèrent  la  voix  et  dirent 
devant  toute  l'assemblée  :  «  Assez,  sire,  as- 
sez, ne  nous  parlez  plus  de  celte  chose-là  1 
Le  christianisme  n'est  ni  une  institution  hu- 
maine, ni  une  faveur  du  soleil,  que  par  inad- 
vertance vous  qualifiez  du  titre  de  dit'u,et  qui 
non-seulement  ne  l'est  point,  mais  qui  n'est 
pas  même  vivant.  Les  églises  ne  sont  pas  dos 
dons  royaux  ni  l'œuvie  de  la  sagacité,  ni  l'in- 
vealioni  ni  le  butin  des  soldats,  ni  l'effet  de 
la  fourberie  trompeuse  des  démons ,  ni  le 
produit  des  éléments.  L'Eglise  ne  tient  point 
son  établissement  de  toutes  ces  choses. 
C'est  une  grâce  toute  gratuite  de  Dieu , 
otîerte  ,  non  pas  k  quelques  hommes  seu- 
lement, mais  à  tout  le  genre  humain  ,  à  tous 
les  peuples  doués  de  raison  et  babit.uit  tou- 
tes les  contrées  qui  sont  sous  le  ciel.  Les 
fondements  de  cette  Eglise  sunl  posés  sur 
une  j)ieri  e  solide  :  ceux  qui  sont  ici-bas  ne 
peuvent  l'ébranler,  et  ceux  ((ui  sont  en  haut 
ne  peuvent  la  remuer.  Il  n'est  pas  donné  à 
l'honnne  de  vaincre  une  chose  à  laquelle  ni 
le  ciel,  ni  la  terre  ne  P'  uvent  nuire.  Mainte- 
nant, usez-en  envers  nous  selon  votre  désir. 
Vos  supplices  nous  trouveront  prêts,  et  nous 
sauions  non-seulement  souihir,  mais  mou- 
rir. Qu'il  vous  plaise  de  nous  interroger  sé- 
parément sur  cet  article,  et  vous  recevrez  la 
môme  réponse,  ou  même  une  réponse  plus 
ferme  encore  de  chacun  de  nous  sans  ciain- 
dre  vos  menaces.  »  Alors  le  un  s'aigrit  ex- 
cessivement: sa  bile  se  réj)ai)dit))ar  toutes  ses 
enlrailies,  sa  bouche  et  ses  narines  fuma.ient 
connue  une  fournaise  ardente,  et  les  raj)i<les 
battemenlsde  son  c(eursemblèrentsus[)en(lre 
un  instant  toutes  les  fonctions  de  son  corps. 
Son  Ame,  phnnedenoires  machinations,  s'ou- 
vrit tout  a  coiq)  lit  laissa  tomber  ses  |)ensé(!S 
comme  un  vase  brisé  répand  la  li(ju(Mn- (pi'il 
renferme.  Ce  qu'il  eiH  hésité  à  dire  devant 
ses  conscdiers  intimes  ,  il  le  dévoila  tout 
haut  il(^vanl  les  scrviUMirs  du  (Christ,  d  décou- 
vrit aux  veux  de  tous  ses  seciètes  j)ensées 


et  détailla  tous  ses  projets  pour  l'avenir. 
Tri|)lant  et  quadruplant  son  serment  par  le 
soleil  :  «  Oh  1  s'éi  ria-t-il  avec  l'accent  de  la 
fureur,  vos  paroles  n'ébranleront  pas  ma  ré- 
solution, et  vous  ne  l'obtiendrez  pas  sitôt, 
cettemort  dont  vous  êtes  enthousiastes.  Vous 
tous  qui  êtes  là  et  ceux  qui  sont  dans  mon 
armée,  je  vous  ferai  charger  de  fers,  puis  je 
vous  ferai  dét)orter  dans  le  Ségestan  au  tra- 
vers des  contrées  impraticables,  où  vous  pé- 
rirez chemin  faisant  par  suite  du  hàle  et 
de  l'excessive  chaleur.  Ceux  qui  resteront 
seront  jetés  dans  des  forteresses  et  dans  des 
cachots  ell'royables.  J'enverrai  dans  votre 
pays  une  armée  innombrable  avec  des  élé- 
phants, et  vos  femmes  et  vos  enfants  seront 
transportés  en  exil  par  mon  ordre  dans  le 
Kouzistan  et  Su.-ian.  Quant  à  vos  églises 
et  aux  oratoires  où  sont  les  tombeaux  de 
vos  martyrs,  je  les  ferai  raser  et  réduire  en 
cendres.  Si  quehju'un  d'entre  vous  se  ha- 
sarde de  s'y  0[)poser,  je  le  ferai  écraser  sans 
pitié  sous  les  pieds  de  mes  éléphants.  Vous 
voilà  prévenus,  pensez-y  bien,  tout  ce  que  j'ai 
dit  sera  exécuté.  »  (E.  V.,  trait.  G.  K.  G.,  50.) 
Ce  fut  alors  que  ne  se  contenant  plus,  Haz- 
guerd  tit  chasser  honteusement  les  princes 
arméniens  de  sa  présence  ,  et  ordonna  que 
les  bourreaux  les  eussent  sous  leur  garde  , 
saiîS  [lourtant  les  enchaîner.  Les  chrétiens 
mirent  tout  en  œuvre  pour  les  délirrer.  Mais 
ni  l'or  qu'on  j)rodigua  aux  olficiers  du  tyran, 
ni  les  {)rières  qu'on  tit  entendre  de  toutes 
I)arts,  ne  [)uienl  tléchir  ce  tyran  féroce.  Tous 
allaient  probablement  être  immolés  à  la  ven- 
geance du  roi,  quand  un  eunuque  attaché  au 
conseil  du  roi,  secrètement  chrétien,  vint 
les  trouver  et  leur  indiqua  le  seul  moyen  de 
salut  qui  leur  restait.  C'était  dy  paraître  ado- 
rer le  soleil  sans  le  faire  réellement.  Ce  con- 
seil fut  adopté.  Evidcnmient  les  princes  ar- 
méniens commirent  une  grande  faute  :  il 
n'(!st  pas  permis  de  dinner  le  scandale  d'une 
ahjuraiion  apparente.  Nos  lecteurs  sont  trop 
bien  édihés  sur  les  viais  principes  pour  que 
nous  devions  insister.  Sans  doute  le  fond  de 
la  conscience  de  ces  [)rinces  était  pur;  sans 
doute  ils  (  royaient  bien  faire  ;  mais  nous  ne 
saurions  les  a[)prouver,  même  dans  ce  cas. 
Ils  devaient  tout  soulfrir,  la  moitinème, 
plutôt  (|ue  de  lléchir  le  genou  devant  les 
fausses  divinités  des  Perses.  Ils  en\oyèrent 
reunu(iue  dire  an  roi  (ju'ils  étaient  disposés 
à  lui  ot)éir.  En  ellet,  ils  euient  l'air  d'ado- 
ibv  le  soleil  ;  mais  intérieurement  ds  adres- 
sèrent leur  |)i  ièie  à  Dieu,  en  lui  faisant  ser- 
ment d'être  lideles  à  sa  religion  sainte.  Le 
roi  se  laissa  prendre  à  cette  tromperie.  11 
combla  ces  pi'iuces  de  présents ,  leur  lit  de 
graiides  concessiuns  de  tei'raii.s,  elles  com- 
bla (i'honiKuis  et  de  digniti's.  Il  les  chargea 
de  revenir  dans  leur  pays  pour  y  faire  evé- 
cMtei\ses  desseins  et  ses  plans  relativement  à 
la  religion  chri-tienne.  11  leur  conlia  de  gran- 
des troupes  d(!  caval.  rie,  et  sept  cents  doc- 
teurs mages,  sousia  ilirecliond'un  grand  pon- 
tile  de  celle  loi.  Ces  mages  se  liraienl  .m  sort, 
clunnin  faisant,  les  provinces  sur  lesquelhis 
ils  coujulaienl  voir  leur  domination  s'établir, 


SOI 


AllSÎ 


ARM 


302 


car  les  ordres  du  roi  no  comprenaiont'passou- 
loiiKMitrAnriéiiitMUiùsoiicoi-cl.Kitîor.^ic,  l'A- 
^ouaiik,  la  Lcpiiik,  la  A}/.hik,la  C.orlik,  la 
Ztotck,  la'rasan,i't  toulos  les  contrées  du  royaii- 
lueoù  le  cliri.stiaiusmci'tail  sc(-rèt('iiuuil  suivi. 
Les  instructions  des  mages  étaient  conçues 
en  ces  termes  :  «  A  conifiler  du  mois  de  nava- 
sart  (  du  15  août  au  1,")  se|)to;nl)re  environ)  , 
(|ui  est  le  premier  de  la  nouvelle  année, jus- 
qu'il l'autre  navasarl,  dans  tous  les  Ét.its  du 
grand  roi,  on  supprimera  toute  proiVssion  et 
le  nom  du  chrislianisme.  Les  éj^lises  seront 
fermées  et  leurs  portes  scellées  ;  les  orne- 
ments des  sanctuaires  chrétiens,  suivant  les 
registres  et  par  écrit ,  seront  conlisqués  au 
protit  du  trésor  royal.  Les  chants  des  psau- 
mes, les  lectures  des  prophètes,  seront  abo- 
lis, et  les  prêtres  chrétiens  n'auront  plus 
l'audace  d'instruire  le  peuple  dans  leurs  mai- 
sons. Les  moines  et  les  religieuses  sortiront 
de  leurs  monastères  et  quiiteront  leur  cos- 
tume pour  prendre  celui  des  laïques.  Les 
femmes  de  distinction   et   les  familles  des 

f (rinces  devront  donner  l'exemple  et  suivre 
es  premiers  le  culte  des  mages.  Les  fils  et 
les  lilies  des  paysans  et  des  notables  de  cha- 
que lieu  iront  se  faire  in^crinï  sur  la  place 
publique,  [)rès  des  mages,  dans  la  religion  de 
Zoi'Oastre.Les  lois  qui  concernent  le  mariage 
selon  le  canon  des  chrétiens,  sont  al)rogées. 
Au  lieu  de  prendre  une  seule  femme ,  les 
hommes  en  preiidronl  plusieurs,  ce  qui  fera 
a'Oîlre  et  multiplier  la  nation  arménienne. 
Les  pères  pourront  épouser  lurs  (illes  ,  les 
frères  leurs  sœurs  ,  les  fils  leurs  mères  ,  les 
petits-fils  leur  aïeule.  Aucun  animal  destiné 
à  la  nourriture  de  l'homme,  soit  brebis,  soit 
chèvre,  soit  bœuf,  soit  |)orc  ou  volaille,  ne 
pourra  être  tué  sans  avoir  été  d'abord  otfert 
aux  dieux.  On  ne  fera  j)oint  de  pâte  sans 
levain;  on  ne  jettera  ni  fiente,  ni  immondices 
dans  le  fu;  oiue  selaver.i  pas  les  mains  sans 
urine  de  bœuf;  on  ne  tuera  ni  les  loutres,  ni  les 
renards,  ni  les  lièvres.  Les  serpents,  les  lé- 
zards, les  grenouilles  ,  les  fourmis  et  autres 
animaux  nuisibles  ne  vivront  pas;  mais  la 
quantité  et  le  nombre  des  animaux  qu'on 
aura  détruits  seront  notés  avec  exactitude 
par  le  poids  royal.  Tout  ce  qui  concernera 
e  service  des  immolations  et  des  sacriii- 
ces ,  la  disposition  et  la  quantité  des  cen- 
dres ,  l'ordre  des  fêtes  et  de  l'époque  an- 
nuelle, sera  inscrit  et  annoté  dans  les  regis- 
tres royaux.  Ces  premières  dispositions  in- 
dispensables seront  exécutées  dès  à  présent 
par  tout  le  monde,  jusqu'à  la  tin  de  la  pre- 
mière ann '6,  et  le  reste  des  observances  les 
plus  minutieuses  de  la  loi  à  l'avenir.»  (E.  V., 
trad.  G.  K.  G.,  59.) 

Voilà  donc  la  position  dans  laquelle  se 
trouvaient  les  princes  arméniens.  Ils  mar- 
chaient avec  l'armée  des  Perses  et  les  ma- 
ges, pour  porter  dans  leur  propre  patrie  la 
désolation,  et  pour  y  détruire  la  religion 
chrétienne.  Du  moins  c'était  ce  que  tout  le 
monde  croyait,  car  eux  seuls  avaient  le  se- 
cret de  leurs  véritables  desseins.  Les  mal- 
heureux soldats  arméniens,  qui  croyaient  à 
la  trahison  de  leurs  princes,  étaient  dans  des 


angoisses  mortelles,  pensant  qu'on  les  con- 
duisait contre  h'urs  parents,  leurs  amis.il 
y  avait  dans  le  camp  (hs  cette  armée  en 
'marche  plusieurs  |)euples  qui  [iratiquaient 
le  christianisme.  Tous,  en  apprenant  la  dé- 
fection des  princes  arméniims,  avaient  é[)rou- 
vé  la  plus  cruelle  des  déceptions.  Plusieurs 
de  ces  malheureux  soldats,  s'adressanl  aux 
princ(!s  arméniens,  leur  disaient  :  «  Qu'allez- 
vous  faire  maintenant  de  votre  sainte  Bible? 
Où  transporterez-vous  les  ornements  sacrés 
du  service  divin?  Oublierez-vous  les  béné- 
dictions spirituelles  et  les  paroles  du  pro- 
phète ?  Vous  avez  fermé  les  yeux  pour  ne 
jias  lire  dans  les  livres  saints,  et  bouché  vos 
oreilles  pour  ne  pas  les  entendre.  Mettrez- 
vous  aussi  de  côté  la  voix  do  votre  cons- 
cience ?  Imposerez-vous  silence  à  vos  sou- 
venirs et  à  vos  remords?  Qu'allez-vous  faire 
de  la  parole  du  Seigneur  ?  Quiconque  me 
reniera  devant  les  hommes,  a-t-il  dit,  je  le  re- 
nierai aussi  devant  mon  Pèrequi  est  aux  cieux, 
et  devant  tous  les  saints  anges.  Vous  étiez 
les  docteurs  de  prédications  apostoliques, 
maintenant  vous  êtes  les  disciples  de  l'er- 
reur et  du  mensonge  des  mages.  Vous  crai- 
gniez et  vous  enseigniez  la  vérité,  et  main- 
tenant c'est  le  mensonge  et  l'erreur  que  vous 
prêchez.  Vous  annonciez  le  Dieu  créateur 
des  êtres,  et  maintenant  vous  reconnaissez  les 
créatures  pour  dieux.  Vous  avez  été  baptisés 
du  baptême  do  feu  du  Saint-Esprit,  vous  al- 
lez être  maintenant  marqués  au  sceau  du 
feu,  de  la  fumée  et  de  la  cendre.  Vous  aviez 
horreur  du  mensonge,  et  vous  y  voilà  plon- 
gés par-dessus  la  tête.  Vous  avez  eu  pour 
nourriture  le  précieux  corps  et  le  précieux 
sang  du  Christ  ;  maintenant,  vous  allez  vous 
repaître  des  viandes  impures  des  sacrilices. 
De  temples  du  Saint-Esprit  que  vous  étiez, 
vous  voilà  devenus  les  autels  oh  l'on  sacri- 
fie aux  démons.  Vous  vous  étiez  revêtus  de 
Jésus-Christ  à  votre  naissance,  et  vous  vous 
êtes  dépouillés  de  ce  vêtement  glorieux  pour 
aller  danser  et  sauter  devant  le  soleil 
comme  les  dews.  Vous  étiez  héritiers  du 
ciel,  et  vous  avez  pris  librement  pour  par- 
tage l'enfer.  La  menace  du  feu  éternel  était 
surtout  pour  les  idolâtres  ;  pourquoi  voulez- 
vous  donc  participer  à  leui  triste  sort  ?  C'est 
pour  eux  que  s'engraisse  le  ver  éternel,  et 
c'est  vous  qui  nourrissez  aujourd'hui  vos 
corps  pour  lui  servir  de  pâture.  C'est  pour 
eux  que  s'épaississent  les  ténèbres  extérieu- 
res; pourquoi  vous  y  êtes-vous  jetés,  vous 
qui  êtes  des  enfants  ae  lumière  ?  Depuis  très- 
longtemps  ces  peuples  sont  aveugles,  vous 
ne  l'ignorez  pas,  et  cela  ne  vous  a  pas  em- 
pêchés de  courir  sur  leurs  traces.  C'était 
pour  eux  que  la  fosse  était  creusée,  pour- 
quoi avez-vous  couru  en  avant  pour  vous 
y  précipiter  avec  eux?  Comment  parvien- 
drez-vous  à  apprendre  tant  de  noms  de  tous 
ces  dieux  qu'ils  adorent,  puisque  ces  dieux 
n'existent  nulle  part  ?  Dieu  vous  avait  dé- 
chargés des  fardeaux  pesants,  et  voici  que 
par  votre  propre  folie,  vos  épaules  s'affais- 
sent sous  les  poids  les  plus  lourds.  La  grâce 
vous  avait  délivrés  de  tout  cela  dès  votre 


305 


ARM 


tendro  enfance ,  et  voilà  que  vous  chargez 
vos  bras  des  chaînes  insupportables  de  la 
servitude.  Le  ciel  est  en  deuil  pour  vous  sur 
vos  tôtes,  et  la  terre  s'attriste  sous  vos  pas. 
Les  anges  et  les  martyrs  sont  également  ir- 
rités de  voire  perlidie.  Je  déplore  votre  des- 
tin, je  plains  vos  proches,  et  je  gémis  sur 
vous.  Si  vous  aviez  été  atlranchis  de  l'escla- 
vage par  un  homme,  et  que  vous  l'eussiez 
quitté  ingratemenl  ensuite  pour  vous  enga- 
ger au  service  d'un  autre  maître,  il  n'est  pas 
douteux  que  vous  n'eussiez  mis  le  premier 
en  colère.  Or,  comment  concilierez-vous  vo- 
tre désertion  actuelle  avec  le  premier  com- 
mandement qui  dit  :  «  Je  suis  Dieu  ,  et  il 
n'y  a  pas  d'autre  Dieu  que  moi?  Je  suis  un 
Dieu  jaloux  ,  et  je  fais  porter  aux  enfants, 
jusqu'à  la  septième  génération  ,  les  châti- 
ments qu'(Uit  attiré  les  péchés  de  leur 
père.  »  Si  les  enfants  innocents  sont  châtiés 
à  cause  des  iniquités  de  leur  père,  combien 
ne  le  seront-ils  pas  davantage  lorsqu'ils 
joindront  à  ce  fardeau,  déjà  si  lourd,  celui 
de  leurs  propres  péchés  ? 

«  Vous  étiez  pour  nous  comme  un  rem- 
part qui  nous  abritait  du  danger  lorsqu'il 
survenait  quelque  événement  sinistre  ;  au- 
près de  vous  nous  trouvions  le  rcjios  et  la 
sécurité  ;  maintenant  ce  rempart  est  abattu 
de  fond  en  comble.  Vous  étiez  notre  gloire 
devant  les  ennemis  de  la  vérité,  et  mainte- 
nant vous  êtes  devant  eux  notre  opprobre. 
Tant  qu'ils  vous  ont  supposé  de  l'attache- 
ment pour  notre  foi,  ils  ont  montré  quel- 
ques égards  pour  nous  ;  mais  maintenant,  et 
à  cause  de  vous,  ils  vont  certainement  nous 
traiter  sans  miséricorde.  Ainsi  vous  ne  ré- 
pondrez pas  seulement  de  vous-mêmes  de- 
vant le  tribunal  de  Dieu,  mais  vous  répon- 
drez de  tous  ceux  qui,  à  cause  de  vous,  se- 
ront condamnés  au  supplice.  »  (E.  V.,  trad. 
G.  K.  G.,  02.) 

Les  princes  qui  gardaient  leur  secret  dans 
leurs  cœurs,  et  qui  ne  pouvaient  f)as  le  dé- 
voiler sans  compromettre  tout  le  succès  de 
leur  entreprise,  se  taisaient,  mais  acceptaient 
avec  désespoir  ces  reproches  et  ces  plaintes 
des  chrétiens.  Mais  ce  bhline  même  devint 
tellement  grave  ])Our  les  prêtres  qui  étaient 
au  milieu  d'eux,  qu'ils  quittèrent  les  trou- 
pes arméniennes.  Ils  envoyèienl  au  pays  un 
courrier  qui  vint  annoncer  cfs  tristes  nou- 
velJes.  Il  ignorait  les  desseins  secrets  des 
princes.  Le  clergé  fut  frappé  de  désolation. 
Les  évê(|ues  soulevèrent  tous  les  habitants, 
en  leur  disant  que  la  loi  humaine  devait  ces- 
ser de  régner,  que  la  loi  divine  gouvernail 
h  sa  place,  et  (ju'il  fallait  repousser  la  force 
f)ar  la  force.  Tous  se  levèrent  en  masse,  et  se 
rendirent  armés  pour  défendre  la  j)atrie. 
Non-seuhnnent  les  hommes,  mais  encore 
beaucoup  de  femmes,  contribuèrent  à  for- 
mer ces  courageux  bataillons. 

Ce  fut  quati-e  mois  après  leur  <lépart  de 
l'erse,  que  l'S  liou|)(;s  «irméniennes,  sous  la 
coriduit(;d(;s  [)rinc(!s,  arrivèrent  dans  leur  pays 
avj'c  lours  auxiliaires  (;l  les  mag(!S.  (Ui  fut 
près  d'une  bonr'^^ade  notruiiée  Ang(;gh,  (pi(ï 
toutes  ces  t/oupes  campèienl,  dans  un  lieu 


ARM  soi 

qu'elles  environnèrent  d'une  enceinte  par- 
faitement fortifiée.  Elles  formaient  un  effec- 
tif considérable. 

Depuis  vingt-cinq  jours,  les  troupes  res- 
taient inactives  dans  le  camp,  quand  le  chef 
des  mages,  voulant  commencer  son  œuvre 
de  destruction,  vint  suivi  de  plusieurs  ma- 
ges et  d'un  corps  de  troupes,  un  dimanche, 
devant  une  église,  pour  en  faire  abattre  les 
portes.  Saint  Léon,  prêtre,  avec  une  partie 
du  clergé  se  trouvait  là,  ainsi  qu'un  assez 
grand  nombre  d'habitants.  Se  mettant  à  la 
tête  du  peuple,  il  chargea  les  mages  et  leurs 
troupes,  et  les  chassa  de  ce  lien  à  coups  de 
pierres  et  de  butons.  Les  mages  se  réfugiè- 
rent dans  leur  camp  ;  les  chrétiens  retour- 
nèrent à  l'église,  où  ils  célébrèrent  les  saints 
offices  jusqu'à  ce  que  la  nuit  vînt  les  inter- 
rompre. Au  bruit  de  ce  premier  succès  une 
grande  multitude  armée,  hommes  et  fem- 
mes, accourut  de  toute  l'Arménie.  C'était 
un  sublime  et  déchirant  spectacle  de  voir 
toute  c^4te  multitude  armée  pour  la  foi  , 
enthousiaste  de  courage  ou  navrée  de  déses- 
poir. Le  chef  des  mages  en  fut  tellement 
épouvanté  ,  qu'il  s'adressa  à  Vassag  et  aux 
autres  princii)aux  officiers  du  camp,  les  sup- 
pliant de  se  sauver  d'une  mort  imminente, 
et  de  regagner  promptement  la  Perse.  «  Lais- 
sez-moi, disait-il,  puisque  c'est  moi  qui  suis 
chargé  de  cette  mission,  laissez-moi  écrire 
au  g  and  roi  de  renoncer  à  ses  projets  sur 
l'Arménie;  il  est  impossible ,  à  moins  que 
nos  dieux  ne  s'en  mêlent,  que  la  loi  de  Zo- 
roastre  prenne  racine  en  ce  pays-ci.  Le 
sentiment  de  la  nation  est  trop  prononcé 
pour  ))Ouvoir  s'y  méprendre.  Si  le  camp 
n'eût  été  composé  que  de  mages,  nous  étions 
tous  infailliblement  massacrés  ;  non  seule- 
ment ces  chrétiens  sont  furieux  contre  les 
étrangers,  mais  ils  n'entendent  épargner,  à 
ce  qu'il  paraît,  ni  leurs  frères,  ni  leurs  fils, 
ni  [jersonne  de  leur  parenté  ;  ils  ne  songent 
pas  seulement  à  s'é()argner  eux-mêmes.  Ces 
gens-l:\  n'ont  pas  peur  des  édits  et  ne  s'ef- 
fraient point  des  supplices  ;  on  ne  saurait 
les  corrompre  à  prix  d'or,  et  ce  qu'il  y  a  de 
l»lus  fAcheux,  c'est  qu'ils  préfèrent  la  mort 
à  la  vie.  Quel  est  donc  l'homme  qui  puisse 
les  contraindre?  J'ai  entendu  dire  à  mes 
pères  que  du  tem|)S  du  roi  des  rois  Cha- 
Douh  II,  quand  cette  religion  commençait  à 
se  développer  dans  l'empire  de  Perse ,  et 
par  delà,  vers  l'Orient,  nos  principaux  doc- 
teurs de  la  loi  conseillèrent  au  roi,  de  peur 
de  voir  l'entière  destruction  de  la  loi  des  ma- 
ges dans  ses  Etats,  de  publier  un  édit  sévère 
(jui  al)olît  le  christianisiiu!  dans  tout  son 
royaume.  Plus  il  redoublait  d'ellbrts  |)Our  ar- 
rêter cette  religion  danssnn  cours,  |)lus  elle 
i'aisaitde  [progrès;  (dleari-ivajus  pi'aii  pays  de 
Couchuus,  et  delà  s'étendit  du  cùlé  tlu  midi 
aussi  loiiiipie  les  Indes.  Et  Ic's  chrétiens  ([ui 
habitaient  les  |)rovinc(vs  de  Perse  ('taient  si 
hardis  (pi'ils  élevaient  dans  toutes  les  villes 
des  égliscis  (pii  surpassaient  (m  magnificence 
les  palais  du  roi.  Ils  bAlissaienI  aussi  (.les 
oratoires  (pi'ils  nommaient  tombeaux  des 
martyis,  pour  illustrer  leurs  églises;  et  il 


5or> 


ARM 


AHM 


30G 


n'y  avait  point  do  lieu  habité  ni  désert  où 
ils  ne  ronslruisisscnt  des  couvents.  Sans 
qu'il  nous  lïlt  possible  do  savoir  d'où  ils 
recevaient  des  secours,  ils  se  inuliipliaient 
(Ml  nombre  et  cro'ssaienl  en  ricliesses.  La 
source  do  Icuropulence  nous  était  inconinic, 
mais  nous  savions,  du  reste,  (juc!  tout  Tuni- 
vors  courait  après  leur  doctrine.  Or,  li^  roi 
(Ihabouh  montra  de  la  sévériti';  ;  il  lit  arrê- 
ter beaucouj)  de  chrétiens  et  les  condannia 
au  dernier  supplice.  Mais  rien  ne  réussit  : 
leur  nombre  ne  diminua  seulement  pas,  et 
1(^  roi,  après  des  fatigues  excessives  et  de 
violents  accès  de  colère,  s'aperçut  cm'il  n'a- 
vançait pas.  11  ferma  toutes  les  églises  du 
pays  de  Perse,  et  ht  unHtre  les  scellés  sur 
les  portes.  Us  transformèrent  eu  églises  leurs 
maisons,  et  partout  ils  purent  célébrer  leurs 
rites,  lîien  plus ,  ils  prétendaient  qu'ils 
étaient  eu\-mèmes  les  plus  nobles  chapelles 
du  Seigneur,  et  (jue  le  temple  de  leur  corps 
était  fort  au-dessus  des  bâtiments  construits 
de  moellons  et  de  pierres.  Les  haches  des 
bourreaux  se  sont  émoussées,  mais  leur  cou 
ne  s'est  pas  lassé  de  se  présenter  au  sup- 
plice ;  les  exacteurs  se  sont  fatigués  d'em- 
porter les  richesses  et  les  trésors,  fruit  du 
pillage  des  chrétiens,  et  la  fortune  de  ceux- 
ci  se  grossissait  de  jour  en  jour.  Le  roi 
était  transporté  de  colère  et  les  bourreaux 
de  fureur  ;  mais  les  chrétiens  calmes,  joyeux 
môme ,  se  présentaient  aux  supplices  les 
plus  horribles ,  supportaient  patiemment 
toutes  les  privations,  se  consolaient  de  la 
perte  de  leurs  biens,  et  couraient  à  la  mort 
comme  les  brebis  courent  en  foule,  le  soir, 
à  la  porte  de  leur  bergerie.  Enfin,  le  roi, 
lassé,  lit  cesser  les  persécutions  ;  il  défendit 
aux  mages  de  persécuter  les  chrétiens,  et 
proclama  pour  tous  les  peuples  qu'il  gou- 
vernait une  entière  liberté  de  conscience. 
Ainsi  le  mage,  le  manikien,  le  juif,  le  chré- 
tien et  les  sectateurs  de  toutes  les  religions 
qui  existaient  dans  le  royaume  de  Perse  fu- 
"^ent  libres  de  servir  Dieu  à  leur  manière. 
Cette  mesure  conciliatrice  fit  cesser  les  trou- 
bles, et  la  terre  se  reposa.  Car,  lorsque  la 
Perse  est  agitée,  toutes  hs  contrées  de  l'Oc- 
cident le  sont  aussi,  et  l'Arabie,  la  Syrie  et 
Dagjuges  Tan  avec  elles.  Nous  savons  tout 
cela  par  tradition,  mais  ce  que  j'ai  vu  de 
mes  yeux  me  paraît  plus  fort,  ajouta  donc 
le  chef  des  mages,  en  adressant  la  parole  à 
Vassag.  Toi  qui  es  marzban  (gouverneur) 
de  ce  pays,  tu  aurais  dû,  avant  toutes  cho- 
ses, instruire  la  cour  de  la  force  des  réu- 
nions des  chrétiens,  et  avec  quel  mépris  ils 
reçoivent  les  ordres  du  roi,  car  tu  dois  les 
connaître.  Il  est  certain  que  si  nous  ne  nous 
fussions  pas  dépêchés  de  fuir,  pas  un  de 
nous  ne  serait  encore  vivant.  Si  des  hommes 
sans  armes  nous  ont  traités  ainsi,  que  s^ra- 
ce  si  les  milices  se  joignent  à  eux  ?  Qui 
pourra  résister  à  cette  fougue  audacieuse  ? 
Moi  je  ne  savais  pas  d'abord  l'accord  una- 
nime de  ce  peuple,  car  autre  chose  est  de 
voir  ou  d'entendre.  Toi  qui  as  été  élevé 
dans  cette  loi  depuis  ton  enfance,  toi  qui 
savais  la  fermeté  de  ces  hommes  et  qui  n'i- 


gnorais pas  que  le  sang  coulerait  si  nous 
UK-'ttions  la  main  sur  leurs  églises,  pou- 
(pioi  n'as-tu  pas  dit  sincèrcîment  au  roi  tout 
c(da?  car  c'est  toi  (pii  étais  h;  picmier  parmi 
tous  les  [)rinces  de  la  nation,  cl  tu  étais  de 
plus  gouverniMU"  du  pays.  Pourquoi  as-tu 
manqué  h  un  devoir  si  essentiel  ?  Tu  es  sa- 
vant sur  tout  autre  point;  mais  sur  celui- 
ci  tu  as  gravement  erré.  Si  tu  ne  las  pas 
fait  |)ar  inadvertance,  alors  il  est  évident 
(jne  tu  es  du  com|)lot,  vi  que  c'est  par  ton  con- 
seil (pi'ils  m'ont  attacpié  moi  et  les  miens.  S'il 
en  est  réellement  ainsi,  elciuelu  répugnes  h 
accepter  la  loi  des  inages,  ne  sois  pas  honteux 
par  crainte  du  roi.  Je  vais  écrire  à  la  cour,  au 
souverain  pontife  des  mages,  au  garde  des 
sceaux  et  au  premier  ministre.  Us  tAcheront 
d'amener  le  roi  à  vouloir  bien  adoucir  la  ri- 
guenrdu  premier  ordre,  et  de  permettre  à 
chacun  de  suivre  saconscicuicc.  Parce  moyen, 
on  s'iiabituera  peu  à  peu  à  la  loi  des  mages,  et 
ceux  qui  voudront  l'embrasser  obéiront  du 
moins  volontaii'ement  à  l'ordre  du  roi,  car  le 
pays  fut  remis  entre  nos  mains.  Les  révoltés 
assuiément  dévasteront  les  contrées  et  se 
disperseront  ensuite  chez  les  nations  étran- 
gères, et,  quand  ce  pays  sera  dépeuplé,  la 
cour  vous  en  voudra  et  vous  en  rendra  res- 
ponsable. )'  Le  marzban  Vassag  lui  répon- 
dit :  «  Vos  pensées  sont  justes  et  vos  con- 
seils excellents;  mais  croyez-moi,  j'ignorais 
cette  première  attaque  ;  elle  s'est  faite  à  mon 
nisu  et  j'en  suis  désespéré.  Toutefois,  fai- 
tes ce  que  je  vais  vous  dire.  Veuillez  avoir 
un  peu  de  patience,  et  ne  parlez  de  vos  in- 
tentions à  personne,  excepté  aux  hommes 
que  je  vous  indiquerai,  jusqu'à  ce  que  j'aie 
réuni  une  force  imposante,  et  que  j'aie  tra- 
vaillé à  désunir  les  Arméniens.  Si  je  viens  à 
bout  de  mes  projets,  je  vous  réponds  que  le 
commandement  royal  sera  exécuté.  »  Ayant 
dit  cela,  il  envoya  l'ordre  à  tous  ceux  qui 
habitaient  sa  principauté  de  Sunik  de  lever 
des  troupes  en  toute  hâte,  et  de  venir  ren- 
forcer ceux  qui  se  trouvaient  au  camp  des 
mages.  Il  dit  ensuite  au  chef  des  mages  : 
«  Maintenant  écrivez  à  la  cour  qu'elle  en- 
voie hiverner  en  Arménie  les  dix  mille 
hommes  de  cavalerie  qui  sont  en  quartier  au 
pays  d'Albanie.  Quand  nous  les  aurons  sous 
la  main,  nul  n'osera  s'opposer  à  la  volonté 
du  roi.  »  Mais  le  chef  des  mages  répondit  : 
«  Vous  voyez  autrement  que  moi  dans  cette 
atTaire ,  et  vos  plans  sont  contraires  aux 
miens.  Si  nous  employons  la  violence  et 
que  nous  excitions  une  guerre  intestine, 
le  pays  sera  ravagé  ;  nous  serons  punis  sé- 
vèrement, et  cela  occasionnera  un  très-grand 
dommage  j)Our  le  royaume.  (E.  V.,  trad. 
G.  K.  G.,  68.) 

Vassag  ne  voulut  pas  se  rendre  aux  con- 
seils du  mage.  ^Malheureusement  pour  lui  et 
pour  la  cause  arménienne  ,  ce  chef  n'avait 
pas  feint  d'abjurer,  il  l'avait  fait  réellement, 
il  employa  toutes  sortes  de  moyens  pour  sé- 
duire les  défenseurs  de  sa  patrie.  Quant  au 
peuple,  il  le  menaçait  pour  l'elfrayer.  11  fai- 
sait publiquement  l'éloge  des  édits  du  tyran. 
Il  distribuait  les  immenses  trésor*)  qu'il  avait 


Î07 


ARM 


ARM 


308 


reçus  du  roi  pour  se  faire  des  créatures  et 
pour  gagner  des  partisans  h  sa  cause.  Les 
évêques  réussirent  à  séparer  do  lui  lousceux 
qui  étaient  secrètement  demeurés  fidèles.  Le 
généralissime  Vartan  se  joi^^nit,  ?i  eux  et  tous 
ceuxqui  lesuivaienl  s'éloignèrent  avcclni  (les 
mages.  Ces  derniers  commencèi-ent  à  se  loger 
dans  les  maisons  des  jirinces  qui  avaient  été 
séduits.  Ils  reçurent  de  forts  émoluments,  et 
bientôt  ils  se  mirent  à  forcer  un  grand  nom- 
bre de  chrétiens  à  sacrifier  des  victimes  aux 
dieux  de  la  Perse.  On  ne  s'en  lint  pas  là  ;  les 
femmes  des  olficiers  qui  adoraient  le  feu, 
vinrent  un  dimanche  dans  les  églises  des 
couvents,  et  y  éteignirent  les  lampes,  y  dé- 
chirèrent les  vêtements  des  religieuses.  En 
recevant  ces  désolantes  nouvelles,  les  évo- 
ques accoururent  chez  Vartan,  et  pénétrant 
jusqu'à  lui  ils  lui  parlèrent  en  ces  termes  : 
«  Au  nom  du  saint  Evangile,  nous  sommes 
ici  pour  vous  adjurer  de  nous  dire,  vous  et 
les  princes  qui  vous  entourent  si  c'est  par 
vos  ordres  et  de  votre  consentement  que  le 
marzban  Vassag  et  le  chef  des  mages  se  por- 
tent aux  abominations  que  vous  connaissez 
comme  nous;  s'il  en  est  ainsi,  commencez 
par  nous  faire  couper  la  tête,  avant  de  por- 
ter vos  mains  sacrilèges  sur  la  sainte  Eglise. 
Mais,  s'ils  font  ce  mal  malgré  vous,  nous  ve- 
nons vous  en  demander  vengeance  dès  au- 
jourd'hui. »  (E.  V.  trad.  G.  K.  (;.,75.) 

Tous  les  princes  et  autres  guerriers  pré- 
sents s'engagèrent  par  serment  à  marcher 
contre  l'ennemi  et  à  l'exterminer.  Un  seul 
ayant  refusé,  fut  lapidé  par  le  peuple.  Le 
peuple  d'Arménie  se  leva  tout  entier,  cha- 
que guerrier  enthousiasmé  saisit  ses  armes. 
La  nuit  entière  vit  les  préparatifs  de  la  ba- 
taille, et  au  jour  naissant,  le  grand  camp  des 
Perses  fut  entouré,  attaqué  avec  fureur  et 
pris  d'assaut.  Toute  l'armée  persane  fut 
mise  dans  une  déroute  complète.  On  fit  de 
nombreux  prisonniers.  Les  plus  distingués 
furent  internés  dans  des  forts  sous  le  com- 
mandement des  princes  arméniens.  Vassag 
fut  pris,  et  fit  amende  honorable  de  sa  trahi- 
son. Il  protesta  avec  serment  qu'il  revenait 
à  la  foi  chrétienne,  qu'il  n'avait  abandonnée 
que  par  crainte,  disait-il.  On  ne  voulut  pas 
le  faire  mourir  pour  une  première  faute,  on 
le  laissa  vivre.  Les  vainqueurs  ,  ivres  de 
joie,  semblaient  un  peuple  de  frères, n'ayant 
qu'une  Ame  et  qu'un  cœur.  Mourons  en  bra- 
ves, criaient-ils  ;  que  Jésus  vive  en  nous  et 
nous  conduise  :  il  rendra  à  chacun  selon  ses 
œuvres.  Bientôt  toutes  les  places  fortes  que 
les  Perses  tenaient  encore  en  Arménie  tom- 
bèrent au  pouvoir  des  braves  habitants  du 
pays.  La  capitale  ArdachadjKar'ui  etsafV)rto- 
resse  redoulabhi,  l'Anie,  Jiiryainorl,  Aihinni 
l'Ardakersse  ,  Khoranisdc  ,  Dzakliaiiisdc  , 
Pardzapougn*;,  Kuial,  Oroden,  (iahoud,  Va- 
s.ig;i(;had,  Variavan,  Arpanial  et  Olagaii,  lom- 
inuanl  successivemeril  au  pouvoir  des  Ar- 
méniens, qui  firent  pi-isonni(.'rs  les  IN-rsans, 
renv(;rsèrent  partout  les  temjjles  des  idoles 
et  arborèrent  partout  la  croix  de  Jésus-Chri.st 
sur  los  ruines  di-s  pyrées  (!t  des  autres  mo- 
nuiiiOnls  idolAlriques. 


Pendant  ce  temps  là,  les  Arméniens  des 
montagnes  de  l'est,  sans  avoir  reçu  d'ordres 
de  Varlan,  avaient  marché  vers  les  pays  d'A- 
derheidjan,  et  après  avoir  tué  les  Perses  idolû- 
tres,  ils  avaient  partouldétruit  leurs  temples. 

Ce  fut  alors  que  le  généralissime,  inten- 
dant général  d'Albanie,  avec  l'archevêque, 
vinreit  trouver  le  généralissime  Vartan,  et  le 
prièrent  d'envoyer  chez  eux  des  troupes, 
'<  car  l'armée  des  Perses,  en  garnison  dans 
le  défilé  de  Djgor  où  elle  surveillait  les  Huns, 
dirent-ils,  est  retournée  et  entrée  dans  no- 
tre province;  et  une  troupe  nombreuse  de 
cavalerie,  expédiée  par  le  roi  pour  la  renfor- 
cer, l'accompagne.  Avec  eux  sont  trois  cents 
docteurs-mages  qui  ont  déjà  semé  la  divi- 
sion dans  la  province  et  séduit  plusieurs 
d'entre  nous.  Ils  se  préparent  à  profaner  nos 
églises,  et  s'autorisant  de  l'ordre  du  roi,  ils 
violentent  les  populations  et  leur  disent  : 
«  Si  vous  acceptez  volontairement  la  loi  de 
Zoroastre,  vous  aurez  des  présents  et  des 
honneurs,  et  le  roi  vous  déchargera  complète- 
ment de  vos  impôts;  mais  si  vous  n'acceptez 
pas  notre  croyance  de  bon  gré,  nous  sommes 
autorisés  à  élever  dans  les  villes  et  dans  les 
campagnes  des  pyrées  et  ày  allumer  des  feux 
de  Yram,  des  appartements  pour  nous  loger,  et 
à  établir  des  mages  dans  tout  votre  |)ays  en  qua- 
Hléde  magistrats.  Si  quelqu'un  s'avise  de  s'y 
opposer,  la  peine  de  mort  est  déjà  portée  contre 
lui,  et  sa  femme  et  ses  enfants  quitteront 
leur  patrie  pour  devenir  esclaves  du  roi.  » 

On  réunit  immédiatement  tous  les  grands 
d'Arménie,  et  on  répondit  aux  Albanais  d'a- 
voir bon  courage,  d'amuser  l'ennemi,  de 
retarder  ses  entreprises,  et  qu'on  allait  tâ- 
cher de  les  secourir.  Aussitôt  on  députa  en 
Grèce,  à  l'empereur  Théodose  le  Jeune  pour 
demander  son  intervention.  Ce  fut  le  prince 
Knounie  Adom  qui  fut  le  chef  de  l'ambassade. 
Il  devait  rendre  compte  à  Théodose  de  tout  ce 
qui  s'était  passé,  lui  demander  du  secours,  au 
besoin  ranger,  s'il  !efallait,rArméniesousro- 
héissance  romaine.  11  devait  remettre  à  l'em- 
pereur le  message  suivant  : 

«Joseph,  évêque,  et  tous  les  évoques,  mes 
confrères,  conjointement  avec  les  troupes 
d'Arménie,  Vassag  marzban,  Nerchabouh  (le 
Kimposlian,  le  généralissime  Vartan  et  tous 
les  pr'inces,  à  rem|)ereur  Théodose  César, 
ainsi  (ju'à  toute  son  aianée,  salut  et  prospérité. 

«  Nous  savons  que  vous  régnez  sui- la  mer 
et  sur  la  tei-re  par  votre  bonté  i)a<nlique,  et 
que  rien  de  terrestre  ne  peut  niellre  obs- 
tacle! à  votre  royauté.  Les  véridi(|ues  an- 
nales de  nos  ancêtres  nous  apprennent  que 
vos  vaillants  et  vertueux  j)rédécesseurs, 
après  avoir  subjugué  ri"]urop(!,  ont  subjugué 
l'Asie,  et  (jU(!  (le|)uis  U)  pays  de  Séricpie  ou 
Sérès  ((]hiiie)  jus(pi'aux  conlius  de  G.iléron 
(Cadix),  [jersoiHK!  n'a  pu  se  souslraiiiî  à  leur 
obi'issarwu!.  Alors,  nous  aussi  étions  à  eux, 
vl  les  Césars  daignaient  nommer  le  pays 
d'Arménie  leur  grand  et  délicieux  lief;  jiar 
cette  intime  liaison,  notre  père  et  notre  loi 
Drilad  a  reçu  de|)uis,  de  vous,  de  touchants 
témoignages  de  bienveillance,  lorsque,  jx'ii- 
dant  sesjeunes  années,  il  échappa  aux  mains 


509 


ARM 


AUM 


5(A 


r^gioidos  do  sos  onolos  qui  venaiont  do  liior 
son  |-èro  Kosro^s,  et  (|u'il  se  r(^fuj^ia  auprès 
<io  vous,  (lésnr.  T/csl  par  votn>  assisla-ico 
<]u'il  a  ainsi  r6o^u(S  sur  le  royaunio  d;'  son 
jk'to,  c'est  par  vous  qu(i,  pcndaîit  son  rogne, 
il  a  rocu  la  foi  on  Jésus-Christ  du  saint  pon- 
tifia de  Hom(i  (eu  y  allant  avec  le  premier 
patriarehe,  saint  (îrégoii-o  llluminat(nM')  pai- 
le(|uel  toutes  les  contrées  soml)res  du  nord 
de  l'Asie  ont  vu  le  joui-  dci  riwan^ile,  et 
voici  que  maintenant  les  fils  de  l'Orient  V(ni- 
lout  l'éteindre  et  nous  avcnigler  de  nouveau. 
Comptauf  sur  l'appui  de  votre  puissance  in- 
vincible, César,  nous  avons  déjà  fait  quel- 
(jue  chose  en  nous  oi)[iosant  h  l'cxéculioii 
de  leiu's  ordres,  mais  il  nous  i'(>st(>  plus  en- 
coi'e  (\  faire.  Nous  nous  préparons  à  la  lutte, 
car  nous  préférons  la  mort  avec  Dieu  (jue  la 
vie  avec  la  tache  d'aposlats,  et  si  vous  vou- 
lez nous  |)réter  la  main,  nous  sauverons 
doublement  notre  vie,  c'<'st-h-<lire  celle  de 
r<hno  et  celle  du  corps.  Si  vous  mettez  la 
moindre  lenteur  dans  cette  affaire  pressante, 
cette  flamme  pourra  gagner  d'autres  [)ays 
que  le  nôtre.  »  (E.  V.,  trad.  G.  K.  G.,  8±) 

Théodose  donna  de  bonnes  paroles  et 
s'occupa  activement  de  cette  affaire.  11  se 
préparait  à  intervenir  pacifiquement,  pour 
obtenir  que  les  églises  ne  fussent  pas  détrui- 
tes en  Orient,  et  pour  qu'on  laissait  aux  peu- 
ples menacés  la  liberté  de  croyance  et  de 
culte,  quand  la  mort  vint  inopinément  l'en- 
lever. Marcien,  son  successeur,  ne  montra 
pas  les  mômes  dispositions.  Désirant  garder 
la  paix  avec  les  Perses, il  envoya, à  l'instigation 
de  ses  ministres,Elpharios,  Syrien  de  naissan- 
ce, homme  infâme,  trouver  le  roide  Pirse, re- 
nouveler avec  lui  les  traités  d'alliance,  et 
lui  promettre  que  l'empire  ne  secourrait  d'au- 
cune façon  ni  les  Arméniens  ni  leurs  alliés. 
A  cette  nouvelle,  l'espérance  quitta  les 
^•œnrs,  le  courage  y  resta.  Tous  songèrent  à 
suppléer  au  nombre  par  la  valeur.  Plein  do 
contiance  en  Dieu,  le  peuple  arménien  se 
prépara  à  la  guerre.  On  leva  les  troupes,  les 
princes  se  mirent  à  leur  tète.  Nerchabouh 
Rimpostian  eut  à  défondre  le  pays  versl'A- 
derocidjan  (frontière  de  Perse),  Vartan,  gé- 
néralissime, traversant  la  Géorgie,  dut  mar- 
cher au  secours  de  l'Albanie,  contre  le  gou- 
verneur de  Djgor.  On  eut  l'imprudence  do 
laisser  le  traître  Vassag,  prince  de  Sunik,  com- 
mander les  forces  destinées  à  la  défense  de 
l'intérieur  du  pays  II  prit  ceux  d'entre  les 
chefs  qu'il  savait  les  moins  attacliés  à  la  f<)i 
chrétienne:Bagradounik,Korborounik,  Aba- 
hounik,  les  j^rinces  de  Vahévounik,  de  Ba- 
lounik,  deKapilian,  et  celui  d'Ourzan.  Sous 
prétexte  de  défendre  le  pays,  il  s'empara  de 
toutes  les  forteresses  et  alors  écrivit  aux  Per- 
ses qu'ilétait  parvenu  à  diviser  en  trois  corps 
les  forces  des  Arméniens  :  «  Marchez  contre 
Vartan  en  Albanie,  leur  disait-il;  je  ne 
doute  pas  que  vous  ne  le  vaiimuiez  facile- 
ment, »  Ayant  reçu  cet  avis,  le  marzban 
Sepoukt,  marcha  "contre  Vartan,  passa  le 
Gour  (Cyrus)  et  le  rencontra  près  deKalkal, 
résidence  d'hiver  des  rois  d'Albanie.  Vartan 
ne  perdit  pas  courage  en  voyant  une  armée 


ennemie  bien  plus  forte  que  la  sienne.  11 
adressa  sa  prière  au  Seigiunir,  se  rua  .sur 
les  Perses  et  les  dt'fit  (Mitièrcment,  Les  Per- 
ses f.'gilifs  se  réfugièrent  dans  le  Der- 
beiiil.  Nartan  attaqua  suc('essivement  les 
j>laces  foi-les,  et  ras.i  celles  (pj'il  ne  [pouvait 
gard(M'.  Il  mil  im|)i(oyablemeiit  h  mort  tous 
les  mages  ([u'il  put  trouver.  Après  avoir  f)ris 
d'assaut  la  iorleressc;  <pii  gardait  coiUri;  les 
Huns  le  délilé  de  Derbend,  Vartan  conclut 
avec  eux  un  ti-aité  d'alliance. 

Ce  fut  au  milieu  de  ces  succès  que  Vartan 
reçut  la  nouvelle  (!<;  la  trahison  (le  Vassag. 
Les  pei'tes  des  Armi'niens  furcmt  peu  nom- 
breuses. Au  nombre  d'  s  soldats  mai-lyrs  (pii 
nu)unirent  pou'  la  défense  de  la  foi,  fut  le 
bienheureux  Mousche.  Après  sa  trahison 
secrète,  Vassag  avait  levé  le  masque  et 
ravagé  plusieurs  provinces.  Ce  misérable 
apostat  dévasta  Karni,  Kramon,  Tershana- 
gerd,  Varlanai^had,  les  foi'ts  d'Olagan,  de 
Parakhod,  d'Artéans,  lebourgde  D/onguerd, 
le  fort  d'Armavir,  le  bourg  de  Gouache, 
d'Aroudjo,  d'Achenag,  Arakas  et  ses  envi- 
rons, la  ville  capitale  d'Ardachad  et  une 
foule  d'autres  lieux.  Il  força  tous  les  chrétiens 
d'abandonner  leurs  demeures,  incendia  les 
églises,  pdla  leurs  trésors.  Ceux  quinevou- 
laient  pas  s'associer  à  ces  actes  atroces,  n'é- 
tant pas  les  plus  nombreux  dans  son  armée, 
se  l'etirèrciit,  ne  se  sentantpas  en  force  pour 
résister. 

A  ces  nouvelles,  Vartan  reprit  la  route 
d'Arménie.  A  son  approche,  Vassag  et  ses 
partisans  prirent  la  fuite.  Cet  apostat  alla 
s'enfermer  dans  ses  châteaux  forts  du  Su- 
nik. Vartan  hiverna  ses  troupes,  mais  garda 
une  division  pour  commencer  immédiate- 
ment les  opérations  militaires.  Il  attaqua  et 
reprit  tous  les  châteaux  forts  du  domaine 
royal.  Tous  ceux  de  Sunik  qui  apparte- 
naient à  l'apostat  Vassag  furent  pris  d'assaut 
ou  réduits  |)ar  la  famine. 

Le  clergé  fit  dos  prières,  et  institua  des 
jeûnes  pour  célébrer  la  mémoire  de  ces 
grands  événements.  Vartan  et  les  princes 
firent  sortir  de  [)rison  un  des  principaux 
seigneu.'s  persans,  et  lui  racontèrent  les 
malheurs  de  leur  patrie,  les  désastres  des 
troupes  royales,  et  tout  en  blâmant  leur  pro- 
pr.'  révolte,  ils  lui  dirent  qu'ils  s'étaient  vus 
contraints  par  la  fausseté  de  quelques-uns 
d'entre  eux,  qui  en  les  trompant,  avaient! 
trompé  aussi  les  Perses.  Ils  lui  dirent 
comment  le  roi  des  Perses  avait  voulu  les 
contraindre  à  abandonner  la  foi  de  leurs  an- 
cêtres. Ils  lui  narrèrent  les  infamies  de  Vas- 
sag qui  avait  dit  au  roi  que  l'Arménie  était 
disposée  à  accepter  cette  loi  tandis  qu'elle 
l'avait  en  horreur.  Ils  chargèrent  ce  seigneur 
d'aller  trouver  Hazguerd  pour  réclamer  son 
indulgence  et  le  [)orter,  si  faire  se  pouvait, 
à  accorder  des  conditions  de  paix  tolérables. 
Vassag  avait  prévenu  déjà  le  roi  de  ce  qui 
s'était  passé.  Hazguerd,  qui  revenait  humi- 
lié delà  guerre  contre  les  Huns,  sentit  en- 
fin qu'il  était  homme,  et,  domptant  la  fougue 
de  son  caractère,  il  dit  :  «  Quel  mal  ai-je 
donc  fait?  Ai-je  jamais  causé  du  tort,  je  ne 


311 


ARM 


ARM 


312 


dis  pas  à  une  nation  et  à  une  famille,  mais  " 
à  un  simple  individu  ?  Est-ce  qu'il  n'y  a  pas 
dans  ce  pays  des  héros  soumis  à  mon  scep- 
tre, quantité  de  doctrines  et  de  religions, 
que  chacun  exerce  en  toute  liberté  ?  Qui  ja- 
mais les  a  forcés  de  se  soumettre  à  une 
seule  loi,  celle  des  mages  ?  Quant  à  la  reli- 
gion chrétienne,  comme  les  chrétiens  sont 
les  plus  fermes  et  les  plus  lidèles  observa- 
teurs de  leur  loi,  nous  estimons  que  c'est 
un  meilleur  culte  que  tous  les  autres,  et  per- 
sonne ici  n'aura  la  liberté  de  jeter  sur  cette 
profession  d'e  foi  la  moindre  tache,  car  je 
pense  qu'elle  peut  marcher  de  pair  avec  no- 
tre loi  à  nous,  qui  sommes  de  la  race  des 
dieux.  Je  tiens  de  mes  aïeux,  qui  ont  occupé 
avant  moi  ce  grand  trône,  que  de  leur  temps 
le-  chrétiens  étaient  estimés  des  rois  et  du 
peuple  ;caralorsonhtexaminer  touslescultes 
qui  existaient  dans  l'empire,  et  il  fut  reconnu 
que  celui  des  chrétiens  était  le  plus  pur  et  le 
])lus  sublime. Cefut  pour  cemotif  qu'ils  furent 
chéris  et  respectés  à  la  cour  et  dans  tout  le 
royaume  ;  nos  pères  les  élevèrent  en  dignité 
et  les  comblèrent  de  marques  de  munificence 
jila  cour;  ils  pouvaient  entrer  librement  en 
Perse  et  en  sortir  de  môme,  et  ils  allaient  par- 
tout tète  levée.  Ceux  qui  sont  les  premiers 
des  prêtres  chrétiens  et  qu'on  appelle  évo- 
ques, étaient  bien  vus  h  la  cour  et  recevaient 
souvent  des  présents  du  roi  comme  de  vi- 
gilants magistrats  et  de  fidèles  préfets.  Sou- 
vent on  leur  confiait  les  administrations 
dans  les  provinces  éloignées,  et  les  affaires 
du  royaume  marchaient  bien.  Mais  vous, 
ajouta  Hazguerd,  en  jetant  un  regard  déco- 
lère sur  ses  courtisans,  vous  no  m'avez  pas 
rappelé  ces  faits;  au  contraire  vous  m'avez 
toujours  fatigué  les  oreilles  de  toutes  sortes 
de  noirceurs  ,  vous  m'avez  fait  faire  ce  que 
je  ne  voulais  pas,  et  vous  le  voyez,  il  en  est 
résulté  desdommages  irréparables  dans  mon 
empire,  entre  deux  ennemis  implacables. 
Durant  mon  voyage  lointain,  je  n'ai  pu  rien 
terminer  concernant  la  guerre,  et  voilà  qu'ici 
vous  excitez  des  querelles  dans  ma  maison; 
vous  me  mettez  encore  sur  les  bras  une  nou- 
velle guerre  qui  sera  pire  que  cc'le  des  en- 
nemis du  dehors.  »  (  K.  V.,  trad.  G.  K.  G, 
97.J 

A  ce  langage  du  roi,  les  visirs  et  les 
mages  furent  accablés  de  honte  et  de  con- 
fusion. L'un  d'eux  pourtant  dit  :  «  Tout  ce 
que  vous  venez  d(!  nous  dire  n'est  que  trop 
vrai,  ô  roi;  mais  il  est  vrai  aussi  que  vous 
pouvez  subjuguer  tout  selon  votre  volonté, 
et  que  rien  ne  peut  se  soustraire;  à  votr(! 
puissance,  car  les  dieux  vous  ont  a(;cordé 
de  réussir  dans  toutes  vos  entreprises.  Ne 
nous  faites  donc  pas  de  la  peine  et  n'accablez 
pas  nos  Ames  sous  le  poids  d(!  votre;  déi)laisir. 
reut-ètrela  (i-i  de  celt(!  (Mitreprisc;  S(;ra-t-ell(; 
plus  facile  que  h;  conunencement?  Ay(;z  pa- 
tience et  in-lul^jencc!,  laissez  à  ces  chréti(!ns 
le  libre  exeicice  de  \cuv  culte,  et  \)i\v  ce 
moy(!ii  vous  ramèn(!rez  biemlùt  les  rebelles  à 
l'r^béissance.  »  (K.  V.,  trad.  G.  K.  G.,  1)8.) 

Le  roi  eut  l'air  d(!  S(;  rendre  h  ce  (conseil  : 
il  accorda  une  aumistie  générale  aux  chré- 


tiens, fit  sortir  de  prison  tous  ceux  qui  s'y 
trouvaient.  Pour  mieux  masquer  ses  desseins 
secrets ,  il  força  les  apostats   qui  s'étaient 
soustraits  aux  pénitences    publiques  à  s'y 
soumettre.  Il  prononça  aussi  la  restitution 
de  tous  les  biens  qui  avaient   été  saisis.  En 
retour  de  cela,  il  demanda  que  les  insurgés 
d'Arménie  lui    donnassent  des  garanties  de 
leur  soumission,  11  envoya  à  Constantinople, 
pour  s'assurer  encore  que  de  ce   côté  on  ne 
soutiendrait  pas  les  Arméniens.  Il  écrivit  à 
ces  derniers,  qui,  s'apercevant  de  son  des- 
sein, se  dirent  les  uns  aux  autres  :  «  Com- 
bien cette  fourberie  royale  est  audacieuse  et 
maladroite!    Mais  voilà  deux  et   trois  fois 
qu'Hazguerd  échoue  dans  de  pareilles  ruses, 
et  il  n'est  pas  encore  honteux  ?  Son  but  est 
visiblement  de  nous  désunir  et  de  relâcher 
les  nœuds  qui  nous  lient.  Est-il  possible  d'a- 
jouter foi  à  ses  discours  frivoles?  Quel  bien 
avons-nous  vu  ou  entendu  dire  qu'il  ait  fait 
aux  églises  de  Perse?  Comment  les  méchants 
peuvent-ils  faire  du  bien  aux  bons?  Celui 
qui  marche  dans  les  ténèbres  peut-il  guider 
les  autres  dans  'e  sentier  de  la  lumière  et  de 
la  vérité?  Comme  la  justice  ne  peut  naître 
de  l'injustice,  aussi  la  vérité  ne  peut  surgir 
du  mensonge.  Il  n'y  a  point  de  paix  à  atten- 
dre d'un  cœur  qui  aime  la  discorde  et  la 
perturbation.    Nous  qui   sommes  des  élus 
par  la  grâce  de  Dieu,  et  affermis  par  la  foi  et 
l'espérance  en  Jésus-Christ  ;  nous  qui  avons 
confessé  et  confessons  toujours  fermement 
que  le  Christ  est  vrai  Dieu,  qu'il  est  venu 
parmi  nous,  qu'il  est  né  d'une  vierge  dans 
le  sein  de  laquelle  il  a  pris  un  corps  sembla- 
ble au  nôtre,  corps  qu'il  a  uni  à  sa  divinité; 
ciu'il  s'est  chargé  de  nos  péchés,  qu'il  a  été 
mis  sur  la  croix,  puis  dans  le  sépulcre,  qu'il 
est  res  uscité  et  monté  au  ciel   en  présence 
de  ses  disciples,  et  qu'il  est  assis  à  la  droite 
du  Père;  nous  qui  croyons  à  son  sur[)renant 
et  glorieux  avènement  dernier  où  il  ressus- 
citera les  morts,  renouvellera  la  vieillesse 
des  créatures   et  rendra  aux  justes  et  aux 
pécheurs  selon  ieurs  œuvres,  nous  ne  nous 
trompons  i)as  comme  des  enfants,  nous  ne 
nous  égarons  pas  comme  des   imprudents, 
nous  ne  nous  laissons  point  séduire  comme 
des  ignorants  ;  nous   sommes  prêts  à  subir 
toutes  les  vexations,  et  nous  invoquons  sans 
cesse  la  clémence  de  Dieu,  alin   qu'il  nous 
accorde  de  finir  nos  jours  dans  la   même  foi 
dans  laquelle  nous  sommes  nés,  et  que  nous 
devions  ce  bonheur  à  notre  courage  et  non 
à  notre  faiblesse.  Maintenant  tout  l'Orient  et 
tout   l'Occident  savent  que  Hazguerd  a  dé- 
claré la  guerre  au  vrai  Dieu,  et  (pi'il  veut 
nous  massacrer  injustement,  en  récompense 
des  nombreux  services  que  nous  lui  avons 
rendus.   Nous  prenons  à   témoin  les  cieiix 
avec  tous  les  êtres  célestes,  et  la  terre  avec 
tous  les  êtres  terrestres,  (jue  nous  ne  som- 
mes pas  counables,  non  pas  même  dans  nos 
pensées,  ni  (l'intiMition.  Au  lieu  de  nous  ré- 
compenser par  des  dons  et  par  des  largesses, 
h;  roi  veut  nous  priver  d(î  noire  véritable  vie, 
el  il  est  ini[)ossil)lo  (pie  nous  h;  pi'rmeltions 
ni     j)ré^entement    m    plus   lard.   Comment 


513 


ARM 


ARM 


314 


])Ourrions-nous  croiro  les  paroles  de  paix 
(l'une  bouclunndigne  qui  nous  forçait  naguère 
h  l'apostasie?  Par  quelles  bonncïs  actions 
a-t-il  mérité  la  grAce  du  ciel,  dans  son  (ueur  si 
pr()in|)t  pour  nous  annoncer  cette  bonne 
nouvelle?  Si  celui  qui  blasi)liéuiait  habi- 
luellement  le  nom  de  Jésus-Clnisl  et  (jui 
cnlrainait  les  tidéles  i\  l'apostasie,  nous  lait 
aujt)uririiui  (piehpuvs  concessions,  assuré- 
ment c'est  malgré  lui,  et  nous  ne  devons  pas 
les  accepter  légèrement.  Celui  (pii  jurait  par 
ses  faux  dieux  d'exterminer  les  prêtres  di,' 
Jésus-Clirist,  en  leur  faisant  soullVir  toutes 
sortes  de  supplices  ,  vient  nous  prodiguer 
l'éloge,  il  est  clair  que  ce  n'est  que  fourbe- 
rie e.  astuce  et  pour  nous  tendre  un  piège 
secret.  Nous  ne  devons  donc  pas  le  croire,  ni 
accepter  sa  mensongère  amnistie.  »  (E.  V., 
Irad.,  G.  K.  ('..,  101). 

Hazguerd,  voyant  que  ses  fourberies  n'a- 
vaient pas  pu  réussir,  résolut  de  jeter  le 
masque.  11  lit  revenir  son  ancien  ministre 
Nerseli,  homme  habile  et  artilicieux,  et  lui 
confia  les  forces  nécessaires  pour  arriver  à 
détruire  complètement  l'Arménie.  Aussitôt 
que  le  vieux  visir  fut  arrivé,  il  s'entendit 
avec  l'apostat  Vassag,  qui  lui  livra  tous  les 
secrets  capables  de  procurer  la  ruine  de  son 
pays.  Ce  l;\che  déserteur  parvint,  par  ses 
menées  ,  à  ne  pas  laisser  aux  Arméniens 
d'autre  alliance  que  celle  des  Huns.  Le  mi- 
nistre persan,  sachant  que  Vartan  avait  en- 
viron soixante  mille  hommes  sous  ses  ordres, 
lit  en  sorte  de  pouvoir  bientôt  lui  en  oppo- 
ser le  triple.  Il  laissa  tous  les  généraux  sous 
les  ordres  de  Mouchgan-Minsalavourd,  à  qui 
il  recommanda  de  se  conduii'e  en  tout  par 
les  conseils  de  Vassag.  Lui  se  rendit  à  la  cour. 
11  dit  au  roi  l'infamie  de  Vassag,  qui,  pour 
servir  les  Perses,  avait  trahi  son  pays  et  jeté 
un  voile  sur  ses  anciens  crimes.  Hazguerd, 
au  dernier  point  irrité  contre  Vassag,  jura 
que  s'il  échappait  à  cette  guerre,  il  le  ferait 
mourir  cruellement  pour  expier  toutes  ses 
infamies. 

Vartan,  ayant  convoqué  toutes  ses  troupes 
dans  la  ville  d'Ardachad,  remplaça  dans  les 
commandements  les  princes  qui  étaient  en- 
trés dans  le  parti  de  Vassag.  11  se  trouva  à  la 
tète  de  soixante-six  mille  hommes,  tant  ca- 
valiers que  fantassins.  Il  leur  adressa  l'allo- 
cution suivante  : 

«  Je  me  suis  déjà  trouvé  à  beaucoup  de 
batailles,  où  plus  d'un  de  vous  qui  m'écou- 
tez,  étiez  avec  moi.  Dans  quelques-uns  de 
ces  combats  nous  avons  remporté  la  vic- 
toire, dans  d'autres  nous  avons  subi  des 
défaites,  mais  nous  avons  été  plus  souvent 
"vainqueui'S  que  vaincus.  Dans  toutes  ces  oc- 
casions, cependant,  il  ne  s'agissait  que  d'une 
gloire  céleste,  parce  que  nous  combattions 
par  l'ordre  du  roi  temporel;  le  déserteur  et 
le  fugitif  y  étaient  réputés  vils  et  ignobles 
en  ce  monde,  et  ils  subissaient  une  mort 
sans  pitié  que  le  roi  leur  faisait  donner  pour 
les  punir  de  leur  lâche  conduite.  Celui  qui 
se  comportait  vaillamment,  au  contraire  était 
décoré  du  titre  de  brave,  et  cet  honneur  re- 
jaillissait sur  toute  sa  famille  ;  il  recevait  en 


outre  des  présents  magriifiques  de  la  part  du 
roi  tem|)orel  et  mort(d.  Nous  portons  tous 
des  cicatrices  ([ui  nous  ont  valu  des  distinc- 
tions et  des  récompens(!s;    mais  je  regai'do 
comme  des  (;hos(>s  d(î  néant  ces  actes  d'hé- 
roïsme aussi  bien  (jue  tous  ces  honiieiu'S  et 
toutes  ces  dignités,  car  ce  sont  des  chos(!S 
passagèi'es  et  périss;d)l(!S.  Si  nous  avons  fait 
pi'euv(!  décourage  pour  complaire  à  un  roi 
mortel,  coml)ien  n'en  devons-nous  i)as  mon- 
trer davantage  dans  la  cause  de  notre   roi 
immortel  qui  est  maître  des  vivants  et  des 
morts,  et  qui  juge  et  récompense  tous  les 
hommes  suivant   hiurs  (i3uvres.  Quand  nous 
prolongerions  notre  vie  jus(iu'à  une  extrême 
vieilk'sse,  il  faudrait  pourtant  à  la  On  ([uitter 
notre  enveloppe  mortelle.  HAtons-nous  plu- 
tôt d'aller  chez  le  Dieu  vivant  dont  nous  ne 
serons  jamais  séparés.  Je  vous  en  prie,  ô 
mes  braves  compagnons,  je  vous  en  conjure 
humblement,  car  plusieurs  d'entre  vous  me 
sont  su|)érieurs  en  vaillance  et  en  dignité 
de  famille,  marchez   sur  les  traces  de  vos 
valeureux  pères.    Et  puisque  vous  m'ayez 
choisi  volontairement  pour  votre  généralis- 
sime, écoulez  attentivement  mes  paroles,  et 
puissent-elles  trouver  de  la  sympathie  dans 
le  cœur  des  chefs  et  des  soldats.  Ne  nous 
laissons  ctfrayer  à  tourner  le  dos  ni  par  la 
grande  multitude  de  ces  païens,  ni  par  les 
épées  tranchantes  des  hommes  mortels  ;  si 
Dieu  nous  donne  la  victoire,  nous  les  ferons 
tous  passer  par  les  armes,  afin  que  la  sainte 
cause  de  la  vérité  se  relève  ;  si  au  contraire 
les  jours  de  notre  vie  sont  tranchés  par  la 
mort,  dans  ces  batailles  saintes,  nous  nous 
résignerons  sans  murmure.  Mais  surtout,  ô 
mes  frères  d'armes,  que  jamais  la  moindre 
lâcheté  ne  se  montre  ni  dans  nos  conseils  ni 
au  milieu  de  nos  actes  de  bravoure.  J'ai 
toujours  présente  à  la  mémoire,  et  quelques- 
uns  d'entre  vous  se  le  rappellent  ainsi  que 
moi,  l'action  par  laquelle  nous  trompâmes 
et  nous  déçûmes  cet  impie  Hazguerd  comme 
un  enfant  simple.  En  apparence  et  par  poli- 
tique, nous  souscrivîmes  à  ses  volontés  sa- 
crilèges; mais  en  secret,  et  dans  le  fond  de 
notre  pensée,  Dieu  est  témoin  que  nous  lui 
étions  fidèles.  Nous  ne  feignîmes  pas   ainsi 
par  peur  do  la  mort,  notre  seule  intention 
était  de  délivrer  nos  proches  et  notre  patrie, 
qui  couraient  le  plus  grand   danger.  Nous 
voulions  nous  réunir  à  eux,  afin  d'e  pouvoir 
opposer  une  résistance  ferme  à  ce  roi  impie 
ou  par  la  guerre  ou  par  la  paix,  afin  de  con- 
server la  religion  sainte  que  nos  pères  ont 
reçue  de  Dieu.  Maintenant,  si  nous  n'avions 
pas  le  bonheur  do  pouvoir  venir  en  aide  ni  à 
l'Arménie,  ni  à  nos  familles,  il  est  impossi- 
ble que  pour  leur  amour  nous  échangions 
Dieu  pour  l'homme.' Récemment,  dans  deux 
ou  trois   batailles,  nous    avons,  avec  l'aide 
puissant   de  Dieu,   remporté   des  victoires 
éclatantes;   nous   avons   battu    et  dispersé 
comme  de  la  paille  les  troupes  du  roi,  mas- 
sacré sans  merci  les  mages,  et  purgé  le  pays 
en  plusieurs  endroits  de  l'abomination  do 
l'idolAtrie,  enfin  nous  avons  foulé  aux  pieds 
et  effacé  l'ordre  exécrable  d'Hazguerd.  L'a- 


;is 


ARM 


ARM 


316 


gitatien  de  la  mer  s'est  apaisëe ,  les  flots 
montag^ieiiK  se  sont  aplanis,  l'écurae  s'est 
anéantie  et  la  rage  brutale  de  notre  tyran 
s'est  calmée.  Celui  qui  tonnait  sur  les  nuages 
en  nous  pailant,  ds^scendit  de  sa  hauteur 
accoutumée,  et  se  lit  humble  devant  nous  ; 
celui  qui  croyait  avec  une  seule  parole  de 
commandement  venir  à  bout  de  ses  projets 
impius  contre  la  sainte  Eglise,  le  voilà  arrivé 
h  se  mesurer  avec  nous,  les  armes,  l'arc, 
la  lance  et  l'épée  h  la  main.  Il  voyait  dans  sa 
vile  pensée  que  nous  avions  revêtu  le  chris- 
t4anisuîe  comme  un  vôtement.  Est-ce  qu'il 
peut  changer  la  couleur  de  la  chair?  Et  quand 
même  il  y  jiarviendrait,  notre  changement  ne 
serait  pas  moins  impossible;  car  les  bases  de 
notre  croyance  sont  posées  sur  la  pierre  im- 
muable, non  pas  sur  la  terre,  mais  au  haut 
du  ciel  où  il  n'y  a  ni  pluie  qui  tombe,  ni 
tempêtes  qui  soufflent,  ni  torrents  qui  inon- 
dent, où  rien,  en  un  mot,  ne  peut  lébranler. 
D'ailleurs,  s'il  est  vrai  que  nous  tenons  h  la 
terre  par  nos  corps,  il  ne  l'est  pas  moins 
que  nous  nous  sommes  bâti  au  ciel  cet  édi- 
fice de  Jésus-Christ  où  nul  ne  peut  porter 
les  mains. 

«  Courage  donc,  ô  mes  amis  !  attachez-vous 
fermement  à  notre  vrai  général  en  chef,  qui 
n'oubliera  pas  vos  actes  de  vertu.  Courage, 
vertueux  compagnons  !  c'est  une  grâce  di- 
vine, où  son  pouvoir  le  plus  sublime  se  ré- 
velle,  qu'il  a  accordé  à  notre  faible  nature 
humaine  et  non  pas  aux  anges,  mais  à 
nous,  pour  mourir  comme  témoins  de  la  di- 
vinité de  Jésus-Christ.  Si  nous  avons  exter- 
miné les  ennemis  de  la  loi  divine,  de[)uis 
peu,  de  notre  légitime  révolution  nous  avons 
obtenu,  pour  nous  et  pour  nos  familles,  un 
glorieux  renom  dont  on  se  souviendra  dans 
l'Eglise,  et  nous  aurons  lieu  d'espérer  une 
récompense  céleste  de  Notre-Seigneur,  ré- 
compense ))roportionnée  à  la  j)ureté  de  nos 
motifs  et  à  riiéroïsme  de  nos  actions.  Mais 
si  nous  avons  le  bonheur  de  mourir  en  dé- 
fendant cette  sainte  cause,  quelle  couronne 
ne  nous  est  pas  |)jomise  ?  Mourir  pour  scel- 
ler l'Evangile  de  noire  sang,  connue  a  fait 
Jésus-Christ  (jue  les  êtres  célestes  se  mon- 
trent jaloux  d'imiter  ;  mourir  pour  la  reli- 
gion !  ah  !  cette  grâce  insigne  ne  sera  pas  ac- 
cordée h  tous,  mais  seulemmit  à  ceux  que 
le  Seigneur  a  prédestinés  ;  elle  ne  sera  pas 
l'elfet  de  nos  mérites,  mais  des  libéralités 
du  Seigneur;  car,  ainsi  que  nous  l'apprend 
l'Ecriture,  où  les  j)échés  abondent,  la  grâce 
divine  surabonde.  Et  en  vérité,  mes  amis, 
rapjilication  de  cette  sentence  nous  convient 
mieuv  'Uj'à  (jui  (|ue  ce  soit;  car  nous,  (|ui 
avfins  passé  devant  les  honiuies  pour  di;  lâ- 
ches apostats,  nous  serons  justifiés  aux  yeux 
des  anges,  des  hommes  et  du  Père  de  l'uni- 
veis.  Eorsipie  les  hommes  nous  (;iui(;nt  coii- 

1)ables  d'avoir  séri('us(;ment  renié  notre  foi, 
(eaiKOup  d(;  larmes  furent  versées  j)our 
nous  d.iiis  la  sainlfî  Eglise  et  au  niili<!U  do 
nos  familles.  Nos  [)i-oches  compatriotes,  le- 
vant ré|)ée  contre  nous,  noiis  uu;nacèrerit 
dune  mort  affreuse;  nos  serviteurs  éyi- 
laii  ijt  notre  approche  et  prenaient  la  fuito 


en  nous  voyant  venir.  Les  pleurs  dans  les 
yeux,  la  plainte  et  le  reproche  à  la  bouche, 
nos  amis  coreligionnaires  lointains,  qui  no 
savaient  pas  ce  (jui  se  passait  dans  nos  cœurs, 
nous  chargèrent  d  injures  et  d'outrages  par 
ignoiance.  Sans  doute,  cette  scène  de  la 
terre  se  répétait  dans  le  ciel,  et  les  anges  de 
Dieu  détournaient  la  tête,  afin  de  ne  pas 
nous  voir  dans  cette  triste  position.  Voici 
le  moment  d'eifacer  de  nous  toutes  ces  infa- 
mies. Alors  n(jus  étions  allligés  et  abattus 
par  la  douleur;  nous  sommes  consolés,  ani- 
més intérieurement  et  extérieurement,  car 
nous  Sonnnes  certains  que  Dieu  est  avec 
nous  et  (pi'il  nous  conduit.  Ce  n'est  point 
un  général  comme  un  autre  (}ui  nous  com- 
mande, mes  camarades ,  c'est  le  généi  al  de 
tous  les  martyrs.  La  peur  est  un  signe  d'in- 
crédulité ;  depuis  longtemps  cette  incrédu- 
lité nous  est  étrangère  :  que  la  peur  donc 
soit  à  jamais  bannie  de  notre  pensée  et  de 
notre  esprit  !  »  (E.  V.,  trad.  G.  K.  G.,  117.) 

Un  premier  corps  de  trouiies  que  Mouch- 
gan  envoya  pour  dévaster  le  pays,  fut  taillé 
en  pièces  par  les  Arméniens.  L'apostat-Vas- 
sag  renouvela  alors  la  promesse  ue  la  liber- 
té du  culte  au  nom  du  roi  de  Perse  ;  mais 
personne  ne  le  voulut  croire.  On  se  prépara 
à  combattre  sur  l'ordre  de  l'évêque  Joseph; 
le  bieidieureux  prêtre  Léonce  prêcha  les 
troupes  et  s'exprima  ainsi 

«  Rappelez  à  votre  mémoire,  ô  braves  Ar- 
méniens ,  les  anciens  patriarches  qui  ont 
vécu  dans  chaque  siècle  avant  l'avènement 
du  fils  de  Dieu.  Notre  malheureux  sort  , 
après  nous  avoir  re|)Oussés  du  délicieux 
Eden  et  jetés  dans  cette  vallée  de  larmes  ,  a 
été  cause  que  nous  nous  sommes  trouvés 
sous  la  puissance  tyrannique  du  péché,  et 
que,  corrompus  j^arnotre  liljre  volonté,  nous 
avons  commis  des  actions  coupables  qui  ont 
excité  la  colère  du  Créateur,  et  forcé  le  juge 
miséricordieux  à  nous  i)unir  dans  sa  justice. 
C'est  alors  que  Dieu  oidonna  à  la  mer  cé- 
leste de  verser  sur  la  terre  ses  flots  de  pluie, 
et  que  les  mers  terrestres  et  les  torrents 
cacliés  d.ins  les  entrailles  du  globe,  se  dé- 
bordant de  tous  cotés  ,  semblèrent  vouloir 
se  confondre  avec  les  nuages;  ainsi  les  eaux 
supt'rieures  et  intV'rieures  furent  les  instru- 
ments de  supplice  porté  coi.tre  nous,  par 
suite  de  nos  péchés,  car  nous  n'avions  pas 
de  média  eur.  Je  citerai  d'abord  pour  exem- 
ple le  patriarche  Noé,  ce  juste  qui  marcha 
devant  le  Sei^iuîur  avec  un  cœur  parfait,  qui 
apaisa  la  colère  de  Dieu  et  (jui  fut,  pour 
auisi  jiarler,  la  seconde  origine  de  l'espèce 
hinnaine.  Je  citerai  pareillement  Abraham, 
ce  juste  (jui  subit  glorieusement  une  épreuve 
si  rud(!  ;  il  avait  reçu  Isaac,  son  fils  uni(pie, 
de  la  bonté  de  Dieu,  et  il  conseiuit  h  ie  lui 
olfrir  en  sacrifice.  C(i  sacrifice  inachevé  fut 
le  ty|)e  qui  figura  l'uicarnation  du  h'ils  do 
Dieu,  qui,  f)ar  ses  liens,  par  son  sacrifice  et 
jjar  sa  mort,  a  anéanti  h;  pouvoir  de  la  mort. 
Or,  si  la  mort  (!st  tuée  par  la  moi-t,  nous  ne 
d(!vons  pas  b. fiancer  à  nous  rendre  parlici- 
l)anls  de  la  mort  de  Jé.sus-Chi'ist,  afin  de 
vivie  do  son  immovlcUo  vio.Kappclez-vous, 


5it  ARM 

A  vertueux  chrétiens,  le  grand  Moïse,  (jui 
supporta  lo  onntrasto  mystérieux  avant  d  a- 
voir  allciiil  l'.V<'  dhoiniuii  ;  la  faïuillii  do 
Pliaraon,  roi  chv^yplo,  lo  recueillit,  h;  lit 
élever,  fut  tout  entière  à  son  service,  et, 
sans  le  vouloir,  son  |>ère  nourricier.  I.ors- 
(pu'  le  moment  que  Dieu  avait  nianiué  ilans 
ses  (l(HM-ets  divins  poui- délivrer  les  llrhreux 
de  l'esclavai^e  fut  arrivé,  Moise  fut  uu'uiia- 
Icur  entre  le  ciel  et  la  terre,  et  le  Seigneur 
lui  dit  :  Je  vous  ai  établi  comme  Dieu  sur 
les  Egyptiens;  car,  où  la  majesté  divine  ve- 
nait s'otlVnser,  lui-méuie  vengeait  les  Egy[)- 
tiens  ;  mais  où  la  révélation  divine  lui  com- 
mandait, il  oi)érait  par  sa  baguette  de  gran- 
des  et   merveilleusi'S    vengeances Si 

Moïse  «est  regardé  comme  le  premit'r  des  pro- 
phètes ,   c'est   qu'il   se   sanctilia  plutôt  par 
beaucoup  d'elTusion  de  sang,  et  non-seule- 
ment il  répandit  le  sang  île  Télranger,  mais 
il  n'épargna  pas,  [)ar  son  saint  zèle,  celui  de 
sa  nation  môme,  (|ui    avait  échangé  au  dé- 
sert lo  Dieu  d'Israël  pour   un  veau.  Si  Moïse 
vengea  de  si  loin  l'honneur  du  Fils  do  Dieu, 
qui  était  encore  à  venir,  nous  qui  l'avons 
vu,  qui  jouissons  des  dons  célestes  et  ma- 
gniliques  de  sa  grâce,  combien  plus  ne   de- 
vojis-nous  pas  nous   montrer  les  vengeurs 
de  la  présente  vérité.  Il  s'agit  de  défendre 
l'honneur  de  celui  'qui  s'est  otfei  t  de  lui- 
même    à  la  mort  pour  nos   péchés,  et  qui 
nous  a  délivrés  ainsi  de  la  damnation  éter- 
nelle.   Allons  donc  nous  jeter  au-devant  de 
la  mort  pour  obtenir  une  gloirç  immortelle, 
et  nous   ne  serons  pas  moins  que  les  pro- 
phètes des  temps  anciens,  les  vengeurs  de 
Dieu.  Rappelez-vous  le  granil  Pliinée,   qui, 
égorgeant  des   Hébreux,  pendant  la  guerre, 
expia  l'abomination  dont  ils  s'étaient  rendus 
coupables,  et  la  première  dignité  du  sacer- 
doce fut  affermie  dans  sa  famille  de  siècle 
en  siècle.  Uappelez-vous  le  saint  prophète 
Elle,  qui,  indigné  de  l'idolâtrie  d'Acliab,  et 
par  un  zèle  juste,  massacra    de  ses  mains 
huit  cenis  hommes.  Ajoutez  les   cent  hom- 
mes qu'il  fit  brûler  par  le  feu  du  ciel,  et  qui 
furent  condamnés  au  feu  éternel  (  Liv.  III, 
Rois,  xiii).  Après  avoir  ainsi  vengé  la  sain- 
teté du  Seigneur,  il  fut  enlevé  au  ciel  dans 
un   char  de  feu.  Et  vous,    chrétiens,  vous 
n'êtes  pas  moins  intéressés  à  venger  cette 
cause  divine,  non  pour  que  Dieu  vous  en 
récompense  en  vous   envoyant    des   chars 
pour  vous   emporter  au  ciel  par  le  chemin 
des  nuages  ;  mais   lui-môme,   le  Dieu  des 
chars  et  des  coursiers,  dans  un  appareil  ma- 
gnitique  et  entouré  de  ses  légions  d'anges, 
viendra  au-devant  de  vous,  et  à  chacun,  sui- 
vant ses   dispositions,    il  fera    croître   des 
ailes  pour  le  suivre,  et  nous  irons  habiter 
son  royaume.  Mais  à  quoi  bon  répéter  tout 
ceci  à  de   braves   et   tidèles  serviteurs    de 
Dieu?  plusieurs  d'entre  vous  sont  plus  ver- 
sés que  moi  dans  la  science  des  saintes  Ecri- 
tures.  David,   dans    son   enfance,  abattit, 
avec    un   caillou   Goliath ,  grosse    tour  de 
chair,  sans  s'effrayer  de  l'énorme  sabre  de 
ce  géant;  il  mit   en  pleine  déroute  l'armée 
des  païens,  sauva  son  peuple  de  la  mort  et 


AUM 


)18 


de  l'esclavage,  et  fut  la  tige  des  rois  d'Israël. 
Il  fut  phis  encore  ,  |)ui.squ'il  eut  l'insigne 
luuuK'ur  d'être  nommé  pèriMlii  Fils  de  Dieu. 
Celui-ci  ne  fut  ai'isi  nonnué  (pjo  par  la  né- 
cessité des  temps  ;  et  vous,  v(''rital)les  en- 
fants de  la  grAc(^  vous,  nés  du  Siiini-Ksprit, 
vous  êtes  enfants  de  Dieu  et  héi-itiers  par 
Jésus-Christ  ;  aucun  n'osera  vous  enlever 
votre  pari  d'héritage  si  vous  méprisi'z  les 
menaces  et  les  promesses  des  idolâtres  qui 
veulent  vous  rendre  illégitimes  et  vous  faire 
déshériter  (hs  l'étiirnelle  félicité.  .    . 

«  Kaj)p(!lez-vous  les  chefs  des  armées  d'Is- 
raël :  JOsué,  Gédéon,  Ji'phté  et  tant  d'antres 
qui,  pour  venger  la  vraie  religion,  ont  battu 
et  dis[)ei'sé  les  armées  des  païens  et  [)urgé 
la  terre  de  l'abomination  de  l'idolâtrie.  Sûrs 
qu'ils  faisaient  un  acte  de  justice,  et  forts  de 
la  pureté  do  leurs  intentions,  ils  ne  craigni- 
rent point  d'appeler  au  nom  de  Dieu  les  élé- 
ments mêmes  à  leur  secours,  en  sorte  que 
le  soleil  et  la  lune,  quoique  privés  d'oreilles, 
entendirent  leurs  ordres  et  y  obéirent. La  mer 
et  les  rivières  leur  ouvrirent  un  passage  au 
milieu  de  leur  lit,  et  les  remparts  orgueil- 
leux de  la  ville  de  Jéricho  tombèrent  au  bruit 
seul  de  leurs  trompettes.  C'est  ainsi  que  de 
siècle  en  siècle,  tous  ceux  qui  firent  des  ac- 
tes d'héroïsme  pour  la  foi,  furent  applaudis 
des  hommes  et  justifiés  devant  Dieu.  C'est 
le  même  Seigneur  qui  règne  depuis  le  com- 
mencement des  chbses  jusqu'aujourd'hui  et 
qui  régnera  dans  les  siècles  des  siècles.  Il 
ne  se  renouvelle  pas,  car  il.  ne  s'use  pas  ;  il 
ne  rajeunit  pas,  car  il  ne  peut  vieillir  ;  il  ne 
varie  ni  ne  change  dans  sa  nature  divine  , 
ainsi  qu'il  le  déclare  lui-même  par  l'organe 
de  ses  prophètes  :  Je  suis,  je  suis,  (\\t-i\,  celui 
qui  est  ;  f  existe  toujours  le  même,  depuis  le 
commencement  ;  je  ne  cède  pas  ma  gloire  à  un 
autre,  ni  ma  puissance  aux  idoles. 

«  Sachant  tout  ceci,  mes  vertueux  frères, 
jamais  la  lâcheté  n'aura  la  puissance  de  nous 
énerver.  Loin  de  là,  nous  marcherons  avec 
un  cœur  et  une  foi  fermes  sur  les  ennemis 
qui  s'avancent  contre  nous.  Nos  espérances 
ne  sont  pas  simples,  mais  doubles  :  si  nous 
allons  mourir,  nous  sommes  assurés  de  vi- 
vre; si  nous  donnons  la  mort,  nous  vivrons 
pareillement  devant  Dieu.  Souvenez-vous 
des  paroles  de  l'Apôtre.  Soyez,  dit-il,  dans 
les  mêtncs  sentiments  que  Jésus-Christ  :  au 
lieu  de  la  béatitude  du  ciel,  il  a  accepté  les 
souffrances  et  la  mort  de  la  croix  ;  c'est  pour 
cela  aussi  que  Dieu  l'a  souverainement  élevé  eC 
lui  a  donné  un  cœur  qui  est  au-dessus  de  tout 
autre  nom,  afin  qu'au  nom  de  Jésus,  tout  ce  qui 
est  dans  les  deux,  sur  la  terre  et  sous  la  terre, 
fléchisse  le  genou  (Philip,  n,  5  ).  Car  ceux 
qui  sont  unis  à  Jésus-Christ  et  qui  le  voient 
des  yeux  de  l'âme,  contemplent  clairement 
l'invisible  lumière  de  ce  mystérieux  soleil 
qui,  à  toute  heure  et  à  tout  moment,  est 
levé  sur  l'horizon  des  cieux.  C'est  ainsi  qu'il 
attire  le  regard  pur  et  sanctifié  à  apercevoir 
des  objets  ^accessibles  aux  êtres  créés  et  à 
l'adoration  du  mystère  de  la  très-sainte  Tri- 
nité. Or,  celui  qui  a  eu  le  bonho-ur  de  s'é- 
lever ainsi  en  âme  et  en  esprit  sur  les  liau- 


319 


ARM 


ARM 


320 


teurs  du  royaume  des  béatitudes,  participe 
en  vérité  à  la  béatitude  des  élus  et  jouit  de 
consolations  ineffables.  Jamais,  non  jamais, 
mes  nobles  seigneurs  et  mes  bien-aimés  frè- 
res, jamais  nous   ne  redescendrons  de  ces 
hauteurs  divines  sur  la  terre  pour  nous  traî- 
ner dans  ses  passions;  nous  fixerons  notre 
demeure  dans  le  lieu  céleste  où  nous  avons 
porté  notre  pensée,  sans  aucun  souci  des 
choses  d'ici-bas  ;  car,  en  jetant  un  coup  d'œil 
sur  la  terre,  nous  n'y  voyons  que   pourri- 
ture, impuretés,  abominations  ;  partout  des 
plaintes  et  des  afflictions,  partout  misère , 
pauvreté ,    soutîrances ,   oppressions    de  la 
part  d'une  foule  d'exacteurs,    vexations  ty- 
ranniques  de  la  part  de  notre  prochain,  faim 
et  soif  du  côté  de  la  nature,  avec  le  froid  de 
l'hiver,  la  chaleur  de  l'été,  les  maladies  im- 
prévues, les  douleurs  de  la  mort,  les  craintes 
du  dehors,   les  terreurs  du  dedans,  toutes 
choses  cjui  tourmentent   le  genre  humain. 
Beaucoup  désirent    la   mort  avant   qu'elle 
arrive ,   et   s'en   vont   contents    lorsqu'elle 
vient.  Quant  à  ceux  qui  jouissent  d'un  bon- 
heur apparent  sur  la  terre,  qui  nagent  pour 
ainsi  dire   dans  les  délices   et  dans  l'opu- 
lence durant  cette  vie  périssable,  et  qui  s'en- 
orgueillissent des  honneurs   et  des  dignités 
de  ce  monde,  ils  sont  privés  delà  vraie  vie. 
Et  quelles  perversités  ya-t-il,  qui  ne  soient 
entremêlées  avec  leur  jouissance  de  gran- 
deur ?  Confiscation   du  bien   des  pauvres, 
impudicité  dans  le  saint  mariage,  enfin  ils 
sacrifient  à  chacun  de  leurs  vices  comme  à 
un  Dieu,   et  l'adorent,   et  ils  sont  tous  hors 
du  chemin  de  la    vraie    vie.   11    est  évident 
que  l'tmivers  et  la  matière  qui  le  compose 
sont  une   création   de  Dieu  ;   c'est  pourtant 
cette  matière   qui   est  l'objet  du  culte   des 
païens,  qui  sont  eux-mêmes  des  parties  de 
cette  matière  qu'ils  adorent.  Donc  une  par- 
tie est  au  service  d'une  autre  partie,  et  si 
une  partie  de  ce  monde  est  corruptible,  tou- 
tes les  autres  sont  essentiellement  destruc- 
tibles. Il  est,  en  outre,  indispensable  qu'en- 
tre ces  diverses  parties  il  y  en  ait  qui  soient 
supérieures  ou  inférieures  aux  autres,  et  ce 
qui  est  supérieur  ici-bas  à  tout  ce  qui  s'y 
trouve,  il  n'est  pas  difficile  de  vous  aperce- 
voir que  c'est  l'homme,  la  plus  sublime  des 
créatures  de  Dieu  en  ce  monde.  Or,  dans  le 
culte   des  païens,  les    adorateurs   sont  au- 
dessus  des  êtres   inanimés    qu'ils  adorent, 
ce  qui  prouve  assez  à  quel  point  ce  culte  est 
absurde.  Jls  ne  servent    [)as  le  vrai    Dieu 
qui  se  fit  homme,  ils    adorent  aveuglément 
et  obstinément  les  créatures,  et   ils  seront 
jugés  et  condamnés  un  jour  sans  excuse  de- 
vant le  tribunal  de  Dieu. 

"  Courage  donc  !  rejetons  loin  (fi;  nous  les 
err(;urs  de  ('(.'S  pauvres  égai'és,  nous  les  plai- 
gnons comme  les|)ius  faildes  d'es|)i'it  et  plus 
misérables  «pie  tous  les  hommes  (pii  otil  fait 
fausse  voie  volontairciiuent  (!t  non  i)ar  con- 
trainte, et  qui  ne  renireront  jamais  dans  le 
cheiidn  delà  vérité;  mais  nous, dont  lagiv^cea 
éclaiici  la  vue,  nous  voyons  la  lumièi'(!  céles- 
te, et  les  lénèbrtîs  extérieures  ik;  seront  pas 
notre  partage,  car  la  vraie  lumière  est  venue 


pour  ceux  qui  étaieni  assis  dans  les  ténè- 
bres, mais  ils  n'ont  pas  voulu  la  recevoir 
par  aveuglement.  Vous  qui  l'avez  embrassée 
par  la  foi,  vous  n'êtes  plus  des  étrangers,  des 
fils  dénaturés,  mais  des  enfants  chéris  et  pos- 
sesseurs du  bienheureux  séjour  de  la  ville 
céleste  ,  où  règne  celui  qui  nous  dirige 
dans  la  voie  du  salut,  celui  qui  combattit 
héroïquement  sur  la  terre,  et  qui  enseigna 
sa  fermeté  aux  apôtres,  qui  furent  ses  sol- 
dats et  ses  lieutenants.  Aujourd'hui,  grâce  à 
leurs  prédications  et  à  leurs  exemples,  c'est 
vous  qui  les  remplacez  sur  la  terre,  vous  qui 
êtes  affermis  et  armés  par  la  foi  contre  les 
ennemis  visibles,  qui  sont  satellites  des  in- 
visibles, et  contre  leurs  noires  mançeuvres. 
D'une  manière  ou  d'une  autre,  vous  ne  pou- 
vez manquer  d'être  triomphants  sur  tous  les 
deux,  souvenez-vous  que  ce  fut  ainsi,  lors- 
c{ue  Notre-Seigneur  fut  regardé  comme  mort, 
qu'd  remporta  une  victoire  éclatante  sur  le 
démon,  qu'il  dispersa  les  ennemis,  s'empara 
du  butin,  délivra  les  esclaves  et  distribua 
des  présents  et  des  honneurs  à  tous  ses  amis, 
suivant  leur  mérite  et  leur  vertu. 

«  Vous  savez  qu'au  temps  passé  et  dans 
d'autres  occasions  ,  lorsque  vous  marchiez 
au  combat,  il  était  d'usage  que  beaucoup  de 
prêtres  vous  accompagnassent  dans  le  camp, 
et  qu'au  moment  de  combattre  vous  les  lais- 
sassiez dans  un  lieu  de  sûreté,  après  qu'ils 
avaientprié  pourle  succès  de  vos  entreprises  ; 
mais  aujourd'hui,  voilà  les  évêques,  les  prê- 
tres, les  diacres,  les  psalmistes  et  les  lecteurs 
aurailieu  de  vous  avec  tout  leur  cérémonial. 
Ils  se  sont  armés  spirituellement  pour  vous 
suivre  à  la  guerre  et  i:)Our  attaquer  avec  vous 
les  ennemis  de  la  vérité  ;  ils  n'ont  pas  la 
moindre  peur  de  la  mort  ,  car  ils  aiment 
mieux  la  recevoir  que  la  donner.  Jusqu'à 
présent,  par  les  yeux  de  la  foi,  ils  ont  vu 
les  supplices  des  prophètes;  maintenant, 
par  les  yeux  du  corps,  ils  voient  vos  combats 
qui  font  de  vous  des  martyrs.  Vous  voyez, 
de  votre  côté,  en  es|)rit,  les  tourments  des 
apôtres  et  le  massacre  des  martyrs,  et  vous 
vous  tenez  prêts  à  les  accomplir  aussitôt  tous 
les  deux.  Souvenez-vous  (jue  ce  fut  par  leur 
mort  que  se  fonda  la  sainte  Eglise,  et  que 
l'effusion  de  leur  sang  fut  un  triomphe  cé- 
leste aussi  bien  (jue  terrestre.  Ainsi,  jusqu'au 
second  avènement  du  Fils  de  Dieu,  le  même 
triomphe  héroï(iue  s'opérera  i)ar  les  mêmes 
supplices.  »  {E.  V,  Irad.  G.  K.  C,  125.) 

On  ;iivra  une  bataille  sanglante,  acharnée, 
dans  laipielle  les  Arméniens  eurent  moins 
d'ln)mmes  tués  (]ue  h^s  Perses  ;  mais  dans  la- 
quelle, ayant  perdu  leur  général  Vartan,  ils  fu- 
rent obligés  de  (juitter  le  ('hamp  de  bataille. 
On  n'osa  pas  les  poui'sn  ivre.  Les  Perses  eui-ent 
.'{jVV  hommes  tués,  parmi  lesquels  neufgrands 
sali'apes.  Les  héi'os  martyrs  (pii  loiid)èrent 
du  côlé  des  Arméniens  furent:  «  de  la  famille 
d(!  Mamigonien,  \'ar(an  avec  l.'{3  hommes  ; 
de  la  famille  des  Korkorounik  ,  Klioren  avci" 
li>  hoMunes;  do  la  famille  de  Ualounik,  Ardag 
avec  1)7  hommes  ;  de  la  faniilh.'  des  Kintunik, 
Dajad  avec  19  hommes  ;  d(!  la  famille  des 
Timaksiaidi,  Ifimaiag  avec  ^2  horames  ;  do 


521 


ARM 


ARM 


39A 


la  famille  Kalcporounik,  lo  jouno  Nerseh 
avec  7  iioiniuos  ;  de  la  l'amillo  dos  Kinouiiik, 
Vahan  avec  3  hommes  ;  de  la  famille  des  lii- 
zaïiik,  Arseii  avec  7  hommes  ;  de  la  famille 
des  Srouansdiank,  Karakin  avec  2  frères  et 
18  hommes.  Kii  tout  287  personnes,  les  0 
grands  princes  et  les  personnes  d(î  leur  fa- 
mille, de  la  maison  d'Ardzourounik  et  do  la 
maison  royale ,  qui  succombèrent  dans  la 
bataille.  Outre  ces  287,  il  y  eut  encore  IkO 
personnes  qui  succombèrent  dans  la  môme 
iournéc,  et  dont  les  noms  sont  inscrits  au 
livre  de  vie.  Tous  ensemble  forment  le 
nombre  de  1036,  qui  restèrent  sur  le  champ 
de  bataille.  (E.  V.,  trad.  G.  K.  (>.,  l^i-l). 

Vassag  tira  enfin  les  Perses  delà  stupeur  dans 
laquelle  ils  étaient,  et  leur  persuada  enfin  de 
marcher  contre  les  châteaux  forts  du  pays, 
ofi  s'étaient  retirés  les  Arméniens,  ils  vin- 
rent mettre  le  siège  devant  une  forteresse 
où  s'était  réfugié  un  corps  assez  considéra- 
ble d'Arméniens.  Us  envoyèrent  plusieurs 
fois  vers  les  assiégés,  leur  promettant  avec 
serments  faits  sur  l'Evangile,  la  vie  sauve 
s'ils  se  rendaient;  les  prêtres  y  consenti- 
rent, les  soldats  refusèrent.  Enfin,  les  vivres 
manquant,  les  Arméniens  durent  mettre  bas 
les  armes.  Vassag,  sur  l'heure  môme  et  de 
sang-froid,  fit  égorger  deux  cent  treize  per- 
sonnes. L'évêque  Joseph  avec  le  prêtre 
Léonce,  et  d'autres  ecclésiastiques  qui  s'é- 
taient réfugiés  dans  ce  fort,  assistèrent  à 
cette  affreuse  boucherie  ;  ils  bénissaient  les 
victimes.  Au  moment  où.  on  allait  les  frapper, 
ils  en  appelèrent  au  roi,  accusant  Vassag  com- 
me auteur  de  toutes  les  calamités  de  leur  pa- 
trie. Le  général  n'osa  les  faire  mourir  ;  il  fit 
cruellement  fouetter  Joseph  et  Léonce,  et 
les  fit  garder  avec  soin.  Quant  aux  autres,  il 
les  fit  renvoyer  dans  leurs  demeures.  La 
plupart  des  Arméniens,  ne  croyant  pas  à 
l'amnistie  promise  par  le  roi,  résolurent  de 
mourir  les  armes  à  la  main,  ou  bien  de  fuir 
dans  des  contrées  inaccessibles.  On  vit  d'im- 
menses multitudes,  hommes,  femmes  et  en- 
fants, gagner  les  montagnes  qui  environnent 
l'Arménie,  se  répandre  dans  les  cavernes, 
habiter  le  creux  des  rochers.  Beaucoup  se 
réfugièrent  jusque  dans  le  nord,  vers  le 
pays  des  Chalibes,  oii  le  soleil  luit  à  peine. 
Demorik,  aux  contrées  impénétrables,  en  re- 
çut un  grand  nombre  ;  d'autres  se  réfugiè- 
rent  dans  les  forêts  d'Ardzak. 

Vassag  reçut  bientôt  de  nouveaux  renforts. 
Il  vint  assiéger  une  forteresse  située  sur  la 
montagne  de  Gaboud.  Les  assiégés  ne  vou- 
lurent pas  croire  les  fallacieuses  promesses 
qu'il  leur  faisait.  Un  prêtre,  nommé  Archen, 
eut  plus  de  confiance,  et  descendant  de  la 
forteresse,  vint  engager  les  généraux  per- 
sans à  la  douceur  envers  ce  peuple  inno- 
cent qui  défendait  sa  vie  et  son  culte;  il  s'a- 
dressa à  Vassag  et  lui  rappela  ce  qu'il  avait 
été  jadis.  Celui-ci  le  fit  charger  de  chaînes, 
ainsi  que  ses  compagnons,  et  les  fit  traîner 
parmi  les  autres  captifs.  Dans  le  cours  de 
ces  dévastations,  plusieurs  sorties  furent  fai- 
tes par  les  Arméniens,  qui  furent  fatales 
aux  Perses.  Ceux  de  la  forteresse  de  Demo- 


rik parvinrent  môme  jusque  sur  les  teries 
dos  Perses  et  les  ravagèrent. 

Les  guerriers  du  Khagdik  firent  dans  lo 
val  de  Daik  une  sortie  (jui  força  les  Perses 
à  évacuer  la  contrée.  Dans  oolte  circon- 
stance, les  Arméniens  perdirent  un  de  leurs 
jtlus  braves  défenseurs,  le  prince  Hotninaïak, 
frère  du  généralissime  Vartan,  (jui  resta  sur 
le  champ  de  bataille.  De  leur  côté,  ceux  (jui 
s'étaient  retirés  dans  les  forêts  d'Ariizak, 
pressèrent  tant  les  lluns  de  se  souvenir  do 
leur  alliance  avec  l'Arménie,  que  ceux-ci 
rassemblant  de  nombreuses  trou|)es,  sej(!tè- 
rent  sur  les  terres  des  Perses,  et  y  exercè- 
rent de  grand  ravages.  Le  général  persan 
qui  commandait  en  Arménie,  de  plus  en 
plus  ii-rilé  contre  Vassag,  qu'il  regardait 
comme  la  cause  de  tant  de  désastres  dont  il 
recevait  coup  sur  coup  la  nouvelle,  se  retira 
comt)létement  et  rentia  en  Perse.  Le  roi,  (jui 
fut  forcé  de  i-abattre  de  son  orgueil,  ne  sa- 
vait que  décider.  Le  giand  visir  Mihir- 
Nerseh  lui  dit  :  «  Sire,  pour  savoir  la  vérité, 
ordonnez  aux  chefs  de  l'Arménie  de  venir 
ici  ;  ils  viendront  volontiers,  j'en  suis  cer- 
tain. Hazguerd  adopta  le  conseil  de  son  mi- 
nistre ;  il  nomma  Adrormitz  marzban  d'Ar- 
ménie et  lui  commanda  de  traiter  ce  pays 
avec  la  plus  grande  douceur,  et  de  faire  en 
sorte  que  Vassag  et  les  principaux  chefs  chré- 
tiens se  rendissent  à  la  cour. 

Adrormitz  arriva  donc  en  Arménie  porteur 
de  paroles  de  paix.  Sur  son  invitation,  Sa- 
hag,  évêque  de  Richdounik,  Mouché,  curé 
de  la  famille  d'Ardzrounik,  deux  autres  prê- 
tres, Samuel  et  Abraham,  c[ue  Vassag  avait 
fait  mettre  en  prison,  furent  mandés  et  vin- 
rent trouver  le  marzban,  ainsi  que  l'évêque 
Joseph  Léonce,  Kacazt  et  Archen.  Le  marz- 
ban les  interrogea  longuement,  et  envoya 
toutes  leurs  réponses  à  la  cour. 

Vassag  était  allé  à  la  cour,  où  il  cherchait 
à  surprendre  le  roi  par  ses  contes  menson- 
gers. Mais  ce  prince  lui  dit  :  «  Je  vous  enten- 
drai en  présence  des  chrétiens,  attendez 
qu'ils  soient  venus.  »  Après  deux  mois  et 
vingt  jours  de  voyage,  les  prêtres  arrivèrent 
à  Suse.  Mihir-Nerseh  les  fit  traiter  avec  dis- 
tinction ;  plusieurs  Arméniens  résistaient 
encore  aux  Perses  :  on  ne  voulait  point  les 
irriter.  Le  marzban,  qui  recevait  ordre  sur 
ordre  de  terminer  tout  par  la  douceur,  rap- 
pela les  évêques  dans  leurs  sièges,  fit  réta- 
blir toutes  les  cérémonies  du  culte  comme-à 
la  coutume.  Les  princes  arméniens ,  qui 
s'étaient  retirés  au  loin,  revinrent  quand  ils 
furent  certains  du  rétablissement  du  chris- 
tianisme, que  le  roi  venait  du  reste  de  pro- 
téger par  un  édit  conçu  en  ces  termes  : 

«  Ceux  qui  n'adoptent  pas  affectueusement 
le  culte  des  héros,  irritent  les  dieux  contre 
eux  :  je  les  blâme.  J'ordonne  que  chacun 
désormais  ne  suive  à  cet  égard  que  sa  vo- 
lonté et  sa  conviction.  Que  chacun  serve  le 
dieu  do  son  choix,  que  m'importe?  Tous 
sont  mes  sujets.  »  Presque  tous  les  princes 
revinrent  se  mettre  à  la  disposition  du  marz- 
ban, et  prirent  le  chemin  du  quartier  d'hiveç 


323 


ÂRït 


ARM 


ZU 


du  roi.  Quand  ils  furent  arrivés  on  jugea  /as- 
sa"" ,  à  qui  on  reprocha  tous  ses  crimes.  Les 
prfnces,  les  évêques  l'accusèrent  tous.  L'éve- 
que  Sàhag  parla  ainsi  :  «  Ceux  qui  ont  renié 
le  vrai  Uieu,  dit-il,  ne  savent  réellement  ce 
qu'ils  fout  ni  ce  qu'ils  disent,  car  leurs  pen- 
sées sont  confuses  et  leur  conscience  obscur- 
cie et  troublée.  Ils  servent  leurs  maîtres  sans 
loyauté,  et  trahissent  leur  prochain  sans  scru- 
pule. Us  sont  les  véritables  arsenaux  ou 
agents  du  démon,  qui  commet  des  méchan- 
cetés par  leur  ministère,  comme  cela  se  voit 
réellement  dans  Vassag.  Lorsqu'il  portait 
encore  le  nom  de  chrétien,  il  masquait  au 
dehors  toutes  ses  perfidies,  et  le  gouverne- 
ment était  sa  dupe.  Le  croyant  plein  de  pro- 
bité et  d'honneur,  vous  l'avez  honoré  plus 
qu'il  ne  le  méritait.  Vous  lui  avec  confié  le 
pays  de  Géorgie  ;  demandez  aux  Géorgiens 
s'ils  furent  contents  ?  Vous  lui  avez  donné 
la  principauté  de  Sunik  ;  écoutez  ce  que  ses 
propres  parents  rapportent  de  lui  ?  Vous  l'a- 
vez fait  marzban  de  l'Arménie,  royaume  que 
vos  ancêtresavaient  conquis  avec  biendelapei- 
ne  ;  cet  homme  l'a  ruinée  en  une  seule  année. 
Vous  voyez  qu'en  perdant  la  marque  du  Dieu 
véritable  qu'il  servait  par  hypocrisie,  toutes 
ses  iniquités  ont  été  mises  à  nu.  Que  peut- 
on  attendre  d'un  apostat  ?  Comment  celui 
qui  a  été  infidèle  à  son  Dieu  peut-il  se  mon- 
trer fidèle  envers  quelque  hommequece  soit  ? 
11  ya  bien  longtemps  que  vous  n'ignorez  plus 
ces  chefs  d'accusation  dont  on  s'occupe 
maintenant.  Ses  crimes  vous  étant  connus, 
pourquoi  avez-vous  gardé  le  silence  ?  Vous 
en  savez  bien  la  raison.  11  me  parait  qu'il 
vous  flattait  alors  d'un  espoir  qui  ne  s'est 
point  réalisé.  Nous  n'avons  rien  de  plus  à 
dire  sur  cet  homme,  ni  à  vous,  ni  au  monde 
entier,  faites  de  lui  ce  qu'il  vous  plaira  sans 
nous  en  demander  davantage.  »  (E.  V.,trad. 
G.  K.  G.,  158.) 

Après  avoir  reçu  toutes  ces  dépositions, 
le  ministre  fit  son  rapport  au  roi.  Douze 
jours  durant  le  prince  garda  un  profond  si- 
lence ;  le  treizième  jour,  il  donna  un  grand 
festin.  Les  grands  et  les  fonctionnaires  do 
l'empire  y  furent  invités.  Vassag  fut  invité; 
il  y  vint  avec  tous  les  insignes  de  sa  dignité. 
Les  princes  arméniens  et  les  prêtres  qui 
étaient  dans  les  cliaînes  le  virent  passer. 
c(  O  marchand  slupide,  dirent-ils,  pleins  do 
pitié  pour  lui,  lu  as  vendu  les  biens  inap- 
préciables de  l'éternité  |)Our  ces  vanités  do 
a  terre  que  bientôt  tu  vjs  |)erdre  1  »     _ 

Vassag  vint  prendre  sa  place  ordinaire 
dans  la  salle  où  étaient  les  grands.  A  peine 
f  élail-iJ.  que  le  grand  chambellan  entra,  et 
ui  re[)rochant  tous  S(!S  crimes,  lui  lut,  de  la 
)ai't  du  roi,  la  sentence  qui  le  dégradait  et 
.e  condamnait  à  mort.  Li^s  bourreaux  en- 
trèrent, et  l'ayant  dé|JOuiilédeses  vêlements 
chargés  d'oi'  et  de  pierr(!ries,  renchahièreiil, 
cl  layant  assis  de  côlésur  une  cavale,  coinmo 
oui  coutume  de  faire  lesfcmnn^s,  ils  le  con- 
duisirent h  la  prison  en  lui  faisanl  traverser 
dans  celle  i^oslure  humiliante  toutes  les 
tours  d  1  palais.  Il  fut  enferme  avec  les  saints 
toiilcsseurs  de  la  foi.  Il  les  voyait  lou^oins 


calmes  et  tranquilles,  heureux  au  milieu  de 
leur  captivité ,  bénissant  Dieu  de  leurs 
souffrances  et  chantant  ses  louanges.  Pour 
lui,  il  otfrait  à  tous  le  spectacle  du  déses- 
poir et  de  l'infamie,  qui  se  connaît  et  s'ap- 
précie. Chaqu(^  jour,  on  le  tirait  du  coin  oil 
il  était  relégué  dans  la  prison  commune  ;  on 
le  conduisait  un  certain  nombres  d'heures 
sur  la  place  publique,  où  il  était  exposé  aux 
insultes,  aux  mépris  de  la  multitude.  Rentré 
dans  la  prison,  il  était  tellement  en  ho:  reur  à 
tous  ,  que  nul  ne  voulait  s'approcher  de 
lui.  Il  tomba  malade;  une  fièvre  s'empara  de 
lui,  des  plaies  couvrirent  son  corps,  bientôt 
les  vers  y  pullulèrent.  Il  répandait  une  telle 
infection,  que  les  geôliers  avaient  peine  à  sup- 
porter d'être  près  de  lui.  Enfin  il  mourut  au 
milieu  d'atroces  douleurs  ,  objet  de  dégoût 
et  de  répulsion,  encore  plus  pour  sa  laideur 
morale  que  pour  les  plaies  dégoûtantes  de 
son  corps. 

.liazguerd  entreprit  8n454,  la  quatorzième 
année  de  son  règne,  une  nouvelle  guerre 
contre  les  Huns.  11  traînait  à  sa  suite  les 
prisonniers  chrétiens.  Quand  il  eut  atteint 
le  pays  d'Abar,  il  les  Ut  enfermer  dans  la 
forteresse  de  Niuchabouh,  n'emmenant  avec 
lui  que  Samuel  et  Abraham. 

Dans  le  nombre  des  officiers  du  roi,  était 
un  jeune  homme  nommé  Pel.  11  était  Hun 
d'origine,  doux  et  plein  d'humanité  ;  il  pen- 
chait vers  la  religion  du  Christ,  et  s'instrui- 
sait auprès  des  chrétiens  des  dogmes  de  leur 
sainte  religion.  11  avait  en  souveraine  dou- 
leur les  mauvais  traitements  qu'on  faisait  aux 
prisonniers.  Il  s'enfuit  ch  z  le  roi  des  Huns, 
lui  livra  tous  les  secrets  et  les  plans  de 
Hazguerd,  qui,  quoique  supérieur  en  forces, 
fui  battu  en  détail  [lar  le  roi  des  Huns,  qui 
le  força  de  battre  en  retraite  et  le  poursui- 
vit juscju'en  Perso,  où  il  fit  un  très-riche  bu- 
tin. Mihir  Nerseh,  instigateur  de  cette  guerre, 
craignant  la  colère  du  roi,  lui  fit  dire  par  les 
mages  :  «Héros  roi,  les  livres  de  notre  reli- 
gion nous  disent  que  nul,  ici-bas,  ne  doit  résis- 
ter à  votre  puissance.  Elle  serait  invincible,  si 
les  dieux  n'étaient  indignés  contre  les  Persans, 
par';e  que  vous  laissez  vivre  ces  chrétiens  mau- 
dits, quiméprisent  noire  loi  et  ont  abattu  nos 
temf)les.  »  Ajoutant  les  calomnies  el  les  men- 
songes, les  mages  exaspérèrent  la  colère  du 
roi,  qui  ordonna  aux  bourreaux  de  tuer  dans 
un  lieu  écarté  Samuel  el  Abraham.  Puis  il 
envoya  Tenchabouh,  fournisseur  des  vivres 
de  l'armée,  à  Niuchabouh,  pour  qu'il  condam- 
nAt  h  mort  et  fît  exécuter  fous  li;s  prison- 
niers. Le  mage  (|ui  avait  été  préposé  h  feur 
garde  les  foin-nuMitait  eruelleinent.  11  les  avait 
fait  enf 'rmer  quarante  jours  dui-ant  dans  un 
souterrain  obscur,  où  il  lU!  leur  faisait  donner 
(fU(^  très-rarement  un  peu  (iinriauvaise  sou|>o 
elde  l'eau.  Ces  niauvais  traitements  n'ayant 
l)as  pu  aiiacheraux  saints  la  moindre  plainte, 
il  les  scella  dans  h'ur  cachot,  de,  manière  à 
(;e(pi'oii(liU  leur  passeï-  leur  noui-ritur(i  par 
un  soupirail.  L(!  mage  était  stiipi-faif  de  voir 
(pie  ses  ri.;ueurs  et  scvs  mauvais  traitements 
IH!  |)ouvaient  abattre  les  saints.  Il  vint  secrè- 
temtMil  les  examiner.  11  les  vit  à  plusieurs 


V2î>  ARM 

I  oprisos  (l.ins  Umjp  cachot,  environnés  d'une 
lumiôre  édalaiilc,  ayant  chacun  au-dessus 
(h>  la  t(Ho  une  auréole  qui  resplendissait;  il 
lui  ttîlleuu'Ut  Irappé  de  ce  piodi^e,  (pi'il  or- 
donna au  cherdes  bourreaux  de  traiter  les 
[uisonniers  avec  beaucoup  ti'éj^ianls,  et  de  les 
uu'tlre  d.ins  une  salle  sèche  et  bien  aérée. 

Ouand  le  chef  des  bourreaux  vint  counnu- 
ui<|uer  cet  ordre  aux  prisonniers,  le  géné- 
reux évô(jue  Jose|)h,  lui  dit  :  «  Allez  deman- 
der au  gouverneur  en  chef  s'il  a  jamais  (;n- 
tondu  [)arlerde  i'avéuement  futur  de  Nolio- 
Seigneur,  cl  des  magiùti(iues  demeures  ([ui 
nous  soiU  préparées  dans  une  autre  vie,  d(v 
puis  le  c()nuuen(;cmeut  ilu  uionde.  Dites-lui 
que  notre  courage  est  fondé  sur  cette  csj)é- 
rance,  et  que  la  foi  nous  fait  sup{)orter  aisé- 
ment les  supplices  atroces  (ju'il  nous  indige. 
Nous  vous  remercions  et  nous  vous  savons 
gré  d'avoir  obtenu  de  votre  chef  le  soula- 
gement de  nos  cor|)s,  mais  nous  ne  nous 
sonnnes    pas  ennuyés  connue  des   athées, 

2ui  n'ont  pas  d'autres  espérances  que  celles 
e  la  terre,  et  dont  le  regard  n'embrasse 
ue  ce  qu'il  voit  ici  bas;  nous,  pour  l'amour 
e  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  nous  ac- 
ceptons patiemment  et  même  avec  recon- 
naissance; tous  les  supplices  de  la  terre, 
nour  mériter  i)lus  tard  les  béatitudes  éternel- 
les du  ciel.  Si  nous  désirons  des  |)alais,  nous 
avons  au  ciel  de  magniliques  édilices,  con- 
struits sans  matériaux  terrestres,  et  auprès 
desquels  vos  châteaux  royaux  les  plus 
beaux  paraissent  comme  rien.  Les  hom- 
mes, les  vêtements  les  plus  somptueux,  les 
mets  les  plus  délicats,  célestes  et  incorrupti- 
bles, que  nous  aui  ons  en  partage  dans  l'au- 
tre vie,  sont  tellement  au-dessus  de  tout  ce 
que  i)eut  imaginer  la  pensée  humaine,  que 
si  l'on  pouvait  vous  en  faire  le  détail,  votre 
entendement  demeurerait  comme  ébloui  et 
serait  trop  faible  pour  tout  comprendre. 
Malheureusement,  plongés  dans  une  erreur 
ancienne,  vous  ne  voyez  ni  n'entendez  les 
choses  du  ciel;  et  c'est  pour  cela  que,  bien 
que  nous  ne  soyons  pas  coupables  du  moindre 
dél.t ,  vous  nous  jugez  impitoyablement. 
Toutefois  si  vous  vouliez  cunnaîire  notre 
Dieu,  vous  ne  seriez  pas  sans  espérance  de 
le  liéchir,  car  c'est  un  roi  généreux  et  bien- 
faisant, qui  ouvre  la  porte  de  son  paradis  à 
tous  ceux  qui  en  prennent  la  roule  par  la 
voie  de  la  pénitence.  Point  de  rancune,  point 
de  mépris  pour  qui  que  se  soit  de  la  ])art  de 
Notre-Seigneur.  Mais  pour  en  revenir  au 
soulagement  que  vous  nous  avez  procuré,  et 
aux  adoucissements  que  vous  venez  nou3 
otfrir  de  la  part  de  voire  chef,  écoulez  bien 
ce  que  nous  allons  vous  dire.  Sachez  que, 
dans  notre  pays,  nous  avions  tout  à  la  fois 
le  pouvoir  et  les  moyens  de  ne  pas  tomber 
e.itre  les  main»  de  votre  roi,  ainsi  que  l'ont 
fait  plusieurs  des  noires,  qui  ont  su  se  sous- 
traire à  vos  vexations.  Nous  sommes  venus 
ici  de  bonne  volonté,  pressentant  tout  ce 
que  nous  aurions  à  soutlrir  et  ne  -nous  en 
etfrayanl  pas.  Or,  nos  vœux  sont  pour  la 
continuation  de  ces  soutfrances,  et  nous 
vous  prions  de  ne  point  nous  les  ménager 


ARM 


350 


jusqu'à  ce  que  votre  volonté  cruelle  soit  as- 
souvie. Car  nous  n'avons  rien  plus  à  cœur 
sur  la  terrcïque  d(;  suivre  l'excmphi  de  notre 
Dieu,  créateur  d(!  toutes  les  choses  visibles 
et  invisibles,  ([ui,  par  un  eUet  de  sa  boiUé 
inlini(!,  a  daigné  descendre  Justpi'à  nous.  H 
s'est  i-evétu  d'un  coi'()s  [)érissable  (il  en  pra- 
li(IViant  toutes  sorties  de  vertus,  il  accomplit 
l'ieuvrii  d(!  la  rédemplion.  Il  se  livra  volou- 
taircMiienl  (mire  les  mains  d(!S  boui'reaux, 
il  mourut  fut  enseveli,  ressuscita  [)ar  la 
puissance  de  sa  tlivinilé  et  apparut  ensuite 
h  ses  disciples.  Il  remonta  bientôt  apiès  au 
ciel,  où  il  est  assis  pour  l'élernité  h  la  droite 
de  son  Père.  Il  nous  a  accordé  la  force  céleste 
de  participer  à  ses  souifiances,  et  il  nous  en 
réconq)ensera  un  jour.  Or,  nous  sonmies 
bien  [)ersuadés  que  nos  peines  sont  Irès- 
j)eu  de  choses  en  comparaison  de  ses  souf- 
frances corporelles  ,  et  que  notre  amour 
pour  lui,  tout  ardent  qu'il  est  est,  bien  faible, 
en  comparaison  de  son  amour  immense  pour 
le   genre    humain.    «  (E.  V.,  Irad.  G.  K.  G., 

m.) 

Le  mage,  de  plus  en  plus  étonné,  se  ren- 
dit encore  à  la  prison.  Le  même  miracle  vint 
encore  le  frapper.  Il  appela  l'évêque  Sahag 
et  demanda  à  entrer.  Le  prêtre  Léonce   lui 
dit  :    «  Dieu,  qui  a  fait  éclater   sa  lumière 
dans   les  ténèbres,  et  qui  illumine   par  sa 
sagesse    toutes    ses  créatures  ,   fait   rayon- 
ner sa  puissance  dans  votre  âme   obscur- 
cie ;  les   yeux  aveugles  de  votre  esprit  sont 
ouverts  aujourd'hui ,  et  vous  avez  mérité 
de   voir   la    brillante    lumière   de    Ja  grâce 
divine.  Hâtez-vous  de  prohter  de  cette  fa- 
veur extrordinaire,  aOn  que  vous  ne  retom- 
biez pas  dans  votre  premier  aveuglement,  et 
que  vous  ne  rentiiez  pas  dans  la  voie  des 
ténèbres.  »  Tous  se  levèrent  alors,  ils  com- 
mencèrent à  réciter  le  psaume  xlu  :  «  En- 
voie,   Seigneur,    ta  lumière  et    ta  vérité; 
quelles  nous  dirigent  et  nous  introduisent  à 
la  montagne  sainte,  et  dans  tes  tabernacles. 
En  vérité,    Seigneur,  vous   avez  dirigé   et 
conduit  cette  âme  égarée  dans   votre  éter- 
nelle joie  et  dans  votre  incomparable  repos. 
Ce  jour  ressemble  au  jour  de  votre  passion  : 
vous  y  délivrâtes  le  bon  larron  de  la  seconde 
mort,  et  après  lui  avoir  ouvert  la  porte  fer- 
mée du   paradis,  vous  l'y  fîtes  entrer.  De 
môme  aujourd'hui,  vous  avez  sauvé    cette 
âme  perdue,  qui  était  la  cause    de  la  mort 
si)irilu  lie  de  beaucoup  d'autres,  et  vous  en 
avez  lait  pour  noiis  un  objet  de  consolation 
et  de  joie.  Nous  vous  en  rendons  mdle  ac- 
tions (ie    grâces,  et    nous   confondons  nos 
VOIX  avec  celles  des  saints  proj-hètes.  Vous 
avez  achevé  ces  merveilles,  non  pas  à  cause  de 
nous,  mais  pour  ta  gloire  de  voire  nom,  pour 
prouver  votre  fidélité  dans  vos  promesses,  de 
peur  que  les   nations  ne  disent  :  Où  est  leur 
Dieu  '(   {Ps.  Lxxvni.)  C'est  ainsi  que    vo- 
tre puissance  s'est  manifestée   aujourd'hui 
parmi   ce  peuple    sans  frein  qui  vit  dans 
d'épaisses  ténèbres.  »  Puis  ils  reprirent  les 
chants  des  psaumes  :  «  Le  Seigneur  est  ma 
lumière  et  ma  vie,  chantaient  les  chrétiens, 
que  jL.ius-je  ciaindie  désormais  ?  Le  Seigneur 


527 


ARM 


ARM 


328 


est  mon  refuge,  devant  qui  pourrai-je  trem- 
bler ?  »  Je  sais,  disait  ce  mage,  que  mes  en- 
nemis sont  nombreux,  maintenant,  et  qu'ils 
s'avancent  pour  me  dévorer  ;  mais  vous, 
Seigneur,  vous  êtes  venu  pour  sauver  la  vie 
des  hommes  qui  se  tourneront  vers  vous,  et 
ils  seront  sauvés  par  votre  grâce.  Ne  soutirez 
pas  que  je  sois  séparé  de  ces  saints  agneaux 
avec  lesquels  je  suis  confondu,  ni  que  je 
sorte  de  votre  bergerie,  de  peur  que  le  loup 
dévorant  ne  me  déchire,  que  je  ne  me  fourvoie 
de  nouveau  et  que  je  n'instruise  les  hommes 
à  se  perdre.  Au  contraire,  par  mon  bon  exem- 
ple, je  serai  le  motif  de  leur  vie  ;  daignez, 
Seigneur,  me  pardonner  les  fautes  commises 
depuis  tant  d'années,  et  que  le  démon,  qui 
s'est  enorgueilli  de  me  voir  entraîner  tant 
d'hommes  à  la  perdition,  soit  humilié  en 
me  vovant  au  milieu  de  vos  disciples.  » 
(E.  V./trad.K.  C.  G.,  177.) 

De  nouveaux  prodiges  ayant  achevé  de  le 
convertir,  il  fil  sortir  les  chrétiens  de  prison, 
les  traita  magnifiquement  dans  son  palais, 
et  reçut  le  baptême.  Cependant  il  craignait 
pour  sa  famille  la  colère  du  roi.  Ce  ne  fut 
plus  que  la  nuit  et  secrètement  qu'il  invita 
les  prisonniers  à  revenir  chez  lui.  Un  soir 
que  le  mage  les  invita,  ils  firent  spontané- 
ment mettre  à  la  première  place  Archen,  qui 
élait  un  prêtre  sans  instruction  et  simple, 
malgré  ses  refus  réitérés.  Joseph  prenant  la 
parole,  dit  :  «  Réjouissez-vous  en  Jésus- 
Christ,  mes  frères,  car  demain,  à  cette  même 
heure,  toutes  nos  peines  seront  oubliées 
ainsi  que  les  souffrances  que  nous  avons 
supportées.  En  récompense  du  peu  de  tra- 
vail que  nous  avons  fait,  nous  jouirons  d'un 
éternel  repos,  et  en  place  de  notre  prison, 
nous  entrerons  dans  la  ville  éternelle,  dont 
le  maître  est  Jésus-Christ  lui-même.  C'est 
lui  qui  distribue  les  prix  d'honneur  de  la 
carrière  glorieuse  que  nous  serons  appelés 
à  fournir  ;  jadis  il  y  remporta  lui-même  la 
victoire,  il  nous  fera  la  même  grâce  pour 
notre  salut  éternel  et  pour  la  gloire  de  sa 
sainte  Eglise.  Ce  prêtre,  notre  frère,  qui 
occupe  aujourd'hui  la  i)lace  d'honneur,  re- 
cevra demain  le  premier  la  couronne  du  mar- 
tyre, car  voici  que  l'ennemi  de  notre  vie  s'ap- 
proche, et  il  arrive  afin  de  nous  faire  périr, 
nous,  les  serviteurs  de  Jésus-Christ,  w  (E.  V., 
trad.  G.  K.  (i.,  iSk.) 

A  la  suri)rise  de  tous,  Archen  répondit  : 
«  Puisse  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  par 
l'entremise  de  vos  saintes  prières,  m'accor- 
der  la  grâce  de  quitter  ce  monde  suivant 
votre  pi'édiction.  Pendant  votre  discours, 
une  inspiralion  énergiijue  a  rempli  mon 
âme.  Je  me  rappelle  l'immense  bienfait  de 
Jésus-Christ,  qui  est  V(îim  au  monde  ])onr 
nous  délivrer  de  nos  jjéchés  ;  ([u'il  ait  j)ilié 
de  moi,  comme  il  eut  pitié  du  Ijon  larron 
sur  le  Calvaire,  et  do  n)ême  (pi'en  ouvrant 
Ja  porte  fermée  du  paradis  il  l'y  fit  enli-erle 
preirii(;r,  comme  le  précurseur  de  ceux  ([ui 
sont  destinés  à  ce  lieu  de  délices,  (pi'il  me 
fas-se  la  grâce  d'y  précéder  demain  votre  il- 
iu.')tre  coinpagnie.  Je  sais  que  pour  un  [)é- 
cheur  qui  revient,  il  y  a  grande  l'ùle  au  ciel, 


parmi  ces  angesde  Dieu,!quiV,onnaissent  bien 
la  volonté  de  celui  qui  était  le  pasteur  des 
brebis  égarées  et  qui  se  réjouissent  à  la  vue 
d'un  homme  repentant  ;  peut-être  est-ce  à 
cause  de  moi,  que  le  grand  général  d'Armé- 
nie et  ses  héroïques  compagnons  ont  ap- 
porté ici-bas  les  couronnes  qu'ils  vous  des- 
tinent en  annonçant  cette  joyeuse  nouvelle 
en  commun.  Ce  qui  m'étonne,  c'est  que 
leur  étant  tout  à  fait  inconnu  pendant  leur 
glorieuse  vie,  ils  veulent,  après  leur  sainte 
mort,  que  je  reçoive  avec  eux  une  portion 
de  l'héritage  des  bienheureux.  Oh  !  je  vous 
en  supplie,  mes  chefs  et  mes  pères,  priez 
pour  moi,  indigne,  afin  que  je  puisse  attein- 
dre à  cette  grande  félicité  que  votre  bouche 
véridique  m'a  annoncée.  Oh  1  qu'il  me  tarde 
de  voir  arriver  ce  jour,  ce  moment  heureux  ! 
Quand  quitterai-je  cette  lourde  enveloppe 
d'argile  ?  Quand  donc  vous  verrai-je  face  à 
face,  Seigneur  Jésus  ?  quand  ne  craindrai- 
je  plus  la  mort  ?  Quand  donc  mon  ignorance 
sera-t-elle  changée  en  parfaite  sagesse? 
Hâtez-vous,  Seigneur,  de  me  secourir; 
étendez  votre  bras  puissant ,  afin  que  je 
tienne  mes  promesses  de  fermeté  et  de  cou- 
rage, et  que  le  nom  de  mon  Seigneur  soit 
glorifié  en  moi.  »  (E.  V.,  trad.  G.  K.  G., 
185.) 

Se  levant  de  table,  ils  prièrent  ensemble. 
Prêts  à  se  séparer,  ils  songèrent  au  moyen 
de  sauver  le  mage,  car  ils  savaient  bien  que 
la  nouvelle  de  sa  conversion  mettrait  le  roi 
en  fureur.  Ne  sachant  à  quoi  s'arrêter,  ils 
recommandaient  à  Dieu  avec  ferveur  la  vie 
de  ce  nouveau  converti  ;  les  princes  et  les 
prêtres  retournèrent  ensuite  à  leur  prison. 
Bientôt  les  bourreaux  de  Tenchabouh  arri- 
vèrent ;  ils  furent  stupéfaits.  Le  chef  des 
mages  à  qui  les  chrétiens  avaient  été  con- 
fiés ,  était  tranquillement  assis  au  milieu 
d'eux,  les  encourageant  à  souffrir  la  mort. 
Ils  allèrent  raconter  cela  à  Tenchabouh,  qui 
fit  conduire  tous  les  prisonniers  à  dix-huit 
lieues  de  la  ville,  et  ordonna  qu'on  lui  ame- 
nât le  mage,  pour  lui  parler  en  particulier. 
Celui-ci  lui  raconta  sa  conversion  ;  Tencha- 
bouh n'osant  prendre  sur  lui  de  le  condam- 
ner, la  référa  au  roi,  qui  lui  dit  de  garder  sur 
toute  celle  affaire  le  pius  profond  silence 
«  Gardez-vous  bien  surtout,  lui  dit-il,  de 
rapporter  un  mot  de  cette  vision  qui  lui  est 
apparue.  Si  des  ignorants  en  entendaient 
parler,  ils  commenceraient  à  douter  de  la 
vérité  de  noire  culte,  et  ils  feraient  secte 
avec  ces  chréliens.  N'est-il  pas  cruel  qu'a- 
piès  tout  ce  ([ue  nous  avons  entrepris  pour 
ranger  ces  hommes  à  nos  lois,  afin  (ju'ils  y 
trouvent  le  salut  de  leurs  âmes,  non-seule- 
ment nous  ayons  échoué,  mais  qu'un  des 
docleui's  les  plus  célèbi'es  de  noire  k)i  passe 
dans  leurs  rangs  cl  soit  séduit  pai-  leurs  er- 
reurs. Car  ce  (pi'il  y  a  de  i)lns  fâcheux,  c'est 
(pu)  ce  gouveiiienr  du  pays  d'Abar,  bien 
loin  d'être  un  homme  vulgaire,  est  renom- 
mé llcinéikui  sur  toute  la  suif'ace  de  la  terre. 
Si  j'ortlonne  une  coiil'érenee  publi(pie  entre 
lui  et  les  aulres  mages,  lui  (jui  est  i)lus  ins- 
truit qu'eux  tous,  il  les  battra   infaillible^ 


329 


ARM 


ARM 


'Z^ 


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nient  dans  la  disputo  ;  il  est  ca[)<il)le  do  ren- 
verser d(!  l'oiul  en  comble  notre  foi.  D'un 
autre  coté,  si  nous  le  jn;4eons  avec  les  au- 
tres, comme  chrétien  obstiné,  bi  l)ruit  de 
son  a|)Ostasie  vase  ré|);ui(lrede  toutes  parts, 
et  ce  sera  une  tache  ineUaçable  sur  notre 
reli,:;ion.  Si  je  fais  tomber  sa  tête  sous  la 
iiaciie,  il  y  a  beaucoup  de  chrétiens  au  camp 
qui  feront  de  ses  restes  des  reliques,  et  qui 
les  exposeront  h  la  véuération  de  toute  la 
terre.  Ce  n'est  déjîi  [las  poumons  une  petite 
houle  (juc  de  voir  les  honneurs  qu'on 
rend  dans  notre  royaume  à  ces  reliques  d(;s 
Nazaréens  ;  mais  si  nous  soulfrons  (|u'on 
accorde  le  niômc  honneur  aux  ossements 
des  ma^^es  et  de  Mobeds  converti,  ce  sera 
la  ruine  entière  de  notre  culle. 

«  Je  vous  on  conjure  par  les  dieux  immor- 
tels, rclo  rnez  sur  vos  pas  en  toute  liAte,  et 
pressez  l'exécution  de  mes  or  1res.  Faites 
venir  devant  vous  ce  vieux  mage  obstiné  ; 
narlez-iui  seul  h  seul,  avec  amitié,  avec 
bienveillance  ;  s'il  se  repent  et  qu'il  renonce 
aux  sorcelleries  de  ces  chrétiens,  respectez- 
le  et  traitez-le  avec  la  distinction  due  à  son 
rang,  et  la  honte  de  ce  jugement  demeu- 
rera entre  vous  et  lui,  et  ne  sera  connue  de 
persomie.  S'il  s'obstine  insolemment  au  con- 
traire, s'il  refuse  de  se  soumettre  à  mes  or- 
dres, excitez  v  us-méme  contre  lui  une  foule 
d'accusateurs  et  de  mé.ontents,  qui  lui  im- 
puteront des  malversations  dans  le  poste 
que  je  lui  ai  conlié.  Enîamez  contre  lui  un 
rocès  public,  condamnez  le  à  l'exil  au  fond 
es  contrées  lointaines  au  delà  de  Gog  et  de 
Magog,  dans  le  désert  reculé  du  Khoaissan  ; 
et  \h,  faites-le  précipiter  dans  un  puits  afin 
qu'il  périsse  d'unemortig'Tomini  use.  Quant 
à  ces  autres  contre-croyants  inlidcles,  il  faut 
les  exterminer  promptèment,  sinon  ils  exci- 
teront de  grands  troubles  dans  le  royaume 
et  bouleverseront  notre  culte.  S'ils  ont  pu 
subjuguer  si  facilement  un  homme  d'une 
science  aussi  supérieure  que  le  chef  des 
mages,  je  vous  demande  comment  des  hom- 
mes sim[)les  et  ignorants  leur  pourront  ré- 
sister ?  »  (E.  V.,  trad.  G.  K.  G.,  189.) 

Tenchabouh,  quittant  le  roi,  se  fit  amener 
'es  captifs,  et  dit  au  chef  des  mages  :  «  Je 
suis  le  maître  de  votre  vie,  et  j'ai  sur  vous 
le  pouvoir  le  plus  absolu;  non -seulement 
je  puis  vous  faire  subir  un  interroga- 
toire, mais  encore  vous  faire  subir  tous 
les  supplices  imaginables.  Rélléchiss  z  avant 
que  je  mette  la  main  sur  vous  :  acceptez- 
vous  les  honneurs  et  les  distinctions  ?  Vou- 
lez-vous éviier  le  mépris  et  l'opproure?  Al- 
lons, songez  à  votre  âge  avancé  ;  ayez  pitié 
de  vous-même,  renoncez  à  ce  nom  de  chré- 
tien que  vous  détestiez  depuis  votre  nais- 
sance ;  redevenez  mage  comme  autrefois  ; 
vous  étiez  un  docteur  utile  à  b'^aucoup  de 
monde  ».  «  Je  vous  en  prie,  vous  qui  m'étiez 
comme  un  irère  et  en  qui  je  trouve  aujour- 
d'hui un  ennemi  déterminé,  je  vous  en  [)rie, 
réj)on  .it  énergiquement  le  chef  des  mages, 
n  ayez  aucune  pitié  de  moi,  écartez  loi.t  sou- 
venir de  notre  ancienne  amitié,  exécutez 
l'ordreinique  d'Hazguerd,  etjugez-moi  selon 
DicTioNN.  DES  Persécutions.  I, 


vos  pouvoirs.»  (E.  V.,  trail.,  G,  K.  G.,  11)1. j 
Voyant  qu'il  ne  le  pouvait  amener  à  ses  des- 
soins, il  le  condamna  h  aller  au  nord  du 
Khorassan,  dans  un  lointain  jiays,  oiiil  reçut 
la  ()alm(;  du  martyre. 

knsuite  Teiuhab  )uh  ,  d'après  l'ordre  du 
roi,  s'adjoignit  Tcinigan,  nnnistre  de  tous 
les  grands  [)réfets  du  royaume,  et  Movan, 
grand  inaitre  des  cérémonies  du  |)alais.  Il  ii; 
transporter  les  |)risonniers  dans  un  dé.s>  n. 
plus  éloigné,  qui  était  rocailleux  et  ariiie. 
Cette  translation  se  fit  secrètement,  |)Our  que 
les  chrétiens  ignorassent  complètement  le 
lieu  de  la  sépulture  des  saints  martyrs.  Mais 
un  soldat,  chrétien  en  secret,  et  qui  avait 
été  choisi  connue  bourreau,  suivit  le  convoi. 
Chacun  des  trois  ministres  le  croyait  attaché 
à  la  suite  d'un  autre.  Ainsi  il  fut  témoin  du 
martyre  des  saints. 

Qiiand  on  fut  arrivé  au  lieu  qu'on  avait 
choisi,  et  qui  était  plein  de  cailloux  et  d'as- 
pérités, on  donna  l'ordre  aux  bourreaux 
d'attacher  les  saints  par  les  pieds,  et  de  les 
traîner  attachés  à  de  longues  cordes.  Bien- 
loi  les  vêtements,  puis  les  chairs,  furent  en 
lambeaux  :  le  sang  ruisselait.  On  les  mit 
ainsi  dans  un  état  vraiment  lamentable;  on 
croyait  ainsi  les  dompter.  On  les  détacha  : 
mas  ce  premier  combat  leur  avait  donné 
une  ardeur  extraordinaire;  leurs  plaies, leur 
sang  qui  coulait,  les  animaient  au  combat. 
Ils  avaient  soif  de  mourir  pour  Jésus-Christ. 
Tenchabouh  leur  parla  ainsi  : 

«  Le  roi,  de  la  part  duquel  je  suis  venu  vers 
vous,  m'a  chargé  de  vous  dire,  qu'il  vous  re- 
garde comme  la  cause  des  soulèvements  des 
chrétiens,  de  la  ruine  de  l'Arménie,  du  mas- 
sacre d'une  foule  de  gens  de  guerre  et  de 
l'emprisonnement  de  vos  princes.  Votre  en- 
têtement est  la  source  de  tous  ces  désastres. 
Or,  écoutez-moi  maintenant  :  comme  vous 
avez  été  la  cause  de  tant  de  massacres  et  de 
dommages,  soyez-la  désormais  d'une  répa- 
ration qui  sauvera  votre  propre  vie  et  celle 
de  beaucoup  d'autres.  Il  dépend  de  vous  de 
délivrer  vos  princes  qui  gémissent  au  fond 
des  cachots  ;  on  réparera  à  votre  considé- 
ration tous  les  dégAts  qui  ont  bouleversé  l'Ar- 
ménie, et  cette  foule  d'Arméniens  qui  ont 
été  condamnés  à  l'exil  ou  à  l'esclavage  vous 
devront  leur  retour  et  leur  aifranchisse- 
ment. 

«  Vous  avez  eu  aujourd'hui  sous  les  yeux 
un  exemple  aussi  frappant  que  terrible  ;  le 
gouverneur  du  pays  u'Abar.,  un  mage  illus- 
tre par  sa  naissance  et  par  son  savoir,  chéri 
des  grands  comme  du  roi,  célèbre  par  sa  par- 
faite science  religieuse  dans  toute  1*  Perse; 
cet  homme,  renonçant  à  1 1  religion  de  Maz- 
tezen,  s'est  laissé  séduire  par  vos  idées  igno- 
bles ;  il  a  embrassé  vos  doctrines.  Voyez 
quel  en  a  été  le  résultat.  Le  roi  n'a  pris  en 
considération  ni  sa  dignité  ni  sa  parenté 
même  spirituelle,  comme  gouverneur  do  nolic 
sublime  loi,  (|u'il  lui  avait  si  lo'  g'emps  ins- 
pirée; le  traitant  comme  un  esclave  ihf.  me  qui 
n'a  ni  famille  ni  patrie,  il  m'a  commandé  de 
l'exiler  dans  des  contrées  lointaines.  Voulez- 
i  vous  tout  savoir  ?  Cet  homme  va  périr  en 

11 


Soi 


AKM 


chemin  r  il  ne  verra  jamais  la  terre  de  l'exil. 
Or,  si  le  roi  n'a  pas  respecté  les  liens  d'alli- 
nité  dans  la  sublime  religion,  qui  rattachaient 
augouverneur  d'Abar,  pensez-vous  qu'il  vous 
épargne,  vous  qui  êtes  d'un  autre  peuple,  dont 
l'origine  est  étrangère,  et  qui  vous  êtes  sur- 
tout rendus  coupables  du  crime  de  lèse-ma- 
jesté? Il  ne  vous  reste  plus  qu'un  moyen  de 
salut,  c'est  d'adorer  le  soleil  et  d'accomplir 
la  volonté  du  roi,  comme  nous  l'enseigne  le 
grand  Zoroastre  (ZratuchI).  Si  vous  accep- 
tez cette  proposition  ,  non-seulement  vous 
aurez  sauvé  votre  vie,  maisje  vous  élargirai 
sur-le-champ,  et  vous  retournerez  combles 
d'honneurs  et  de  présents  dans  votre  patrie.  » 

Le  prêtre  Léonce  s'avança  alors  accompa- 
gné de  l'évêque  Sahag  qui*  lui  servait  d'in- 
terprète. «  Comment  pouvons -nous  com- 
prendre, dit-il,  votre  double  ordre  ?  Vous 
nous  dites  d'abord  :  Adorez  le  soleil,  et  puis 
vous  appuyez  cet  ordre  de  la  volonté  du  roi. 
Vous  avez  honoré  le  soleil  en  le  mentionnant 
le  premier  ;  mais  vous  avez  ensuite  exalté  le 
roi  plus  haut  que  le  soleil,  comme  sa  volonté 
seule  qui  donne  du  poids  au  culte.  Vous 
avez  prouvé  malgré  vous  que  le  soleil  n'é- 
claire pas  les  créatures  par  l'efTet  de  sa  pro- 
pre volonté,  et  c'est  votre  roi  qni  fait,  selon 
son  bon  plaisir,  des  dieux,  et  à  ces  dieux,  des 
adorateurs;  car  lui-même  n'est  pas  dans  la 
voie  de  la  vérité.  Ne  nous  parlez  point  comme 
à  des  enfants;  notre  âge  est  mûr,  et  nous  ne 
sommes  pas  les  derniers  dans  la  culture  dos 
sciences.  Ceci  posé,  je  vais  répondre  à  vos 
reproches. 

«  Vous  commencez  par  nous  imputer  les 
dévastations  qui  ont  désolé  l'Arménie  et  le 
massacre  des  troupes  royales  ;  en  cela  vous 
êtes  dans  l'erreur.  Notre  loi  ne  nous  ensei- 
gne point  de  pareilles  choses;  elle  nous  or- 
donne au  contraiie  d'honorer  les  rois  tinnpo- 
relsetde  les  aimer  sincèrement;  elle  veut  c[ue 
nous  leur  rendions  tous  les  seivices,  non 
comme  aux  hommes,  mais  comme  au  Sei- 
gneur; et  s'ils  négligent  de  nous  en  donner  en 
ce  monde  la  récompense ,  ou  qu'ils  nous 
vexent  de  millemanières.  Dieu  se  chargera  de 
nous  l'accorderlui-mème  dans  le  ciel  (C^oloss. 
III,  22;.  Nous  ne  devons  pas  seulement  au  roi  les 
services  et  l'obéissance,  nous  devons  môme 
mourir  pour  lui.  11  ne  nous  est  jias  permis 
sur  la  terre  de  changer  ca|)ricieusement  de 
maître  :  or,  il  en  est  ainsi  de  notre  culte. 
Nous  ne  sommes  pas  librtss  de  changer  notre 
Dieu  du  ciel  pour  un  aulri;;  et,  d'ailleurs, 
comment  cet  échange  se  pourrait-il  laire,  puis- 
(ju'il  n'existe  pas  dansl  univers  d'autre  Dieu 
(jue  celui  que  nous  adorons?  J'expli([uerai 
ma  pen.séo  [)ar  un  exeiriple  (lui  vous  sera 
plusfarailior  [>eut-être.  Le  soldai  (pii  se  i)ré- 
sente  le  dernier  pour  combattre  n'est  |)as  un 
liiave,  mais  un  lAche,  n'est  c(!  pas?  Un  négo- 
ciant échange-t-il  ses  nerles  |)Our  de  vils  chil- 
lons  ?  11  iuudraii  qu'il  f  il  aussi  insensé  que 
vos  docleuis  (jui  vous  égaient. 

«  Après  nou.s  avoir  sé|)arés  de  nos  vail- 
lants (il  verlue\ix  |)rin(;('s,  vous  croyez  rpio 
VOa  ruses  umulbroul   notre  fermelé  ?   Mais 


ÀilM  332    ■ 

nous  ne  sommes  pas  seuls  ici  comme  vous 
lo  pensez.  Il  n'y  a  pas  de  place  vide  où  ne 
soit  noire  roi  Jésus;  il  est  partout,  excepté 
chez  ceux  qui  sont  vides  et  éloignés  de  lui, 
comme  vous,  et  votre  furieux  chef.  Si  les 
soldats  arméniens,  instruits  et  disciplinés 
par  nous  en  Jésus-Christ ,  foulèrent  aux 
pieds  les  ordres  violents  du  roi,  et  regardè- 
rent tous  ses  riches  présents commi^rien,  s'ils 
se  laissèrent  |)iller,  s'ils  })erdirent  leurs  do- 
maines héréditaires  et  n'eurent  j)as  plus  de 
souci  d-  leur  femme  et  de  leurs  enfants  que 
de  la  fortune  qu'il  possédaient,  et  si  enfin 
ils  n'épargnèrent  pas  plus  leur  sang  que  leurs 
trésors  terrestres,  à  combien  plus  forte  rai- 
son ne  devons-nous  pas  suivre  l'exemijle  de 
nos  enfants,  qui  nous  appelaient  leurs  pères 
spirituels  !  Ce  ne  fut  que  par  zèle  et  par 
amour  pour  Jésus-Christ  qu'ils  firent  tomber 
sous  leurs  haches  vengeresses  vos  mages  ado- 
rateurs du  soleil  avec  leurs  disciples;  c'est 
Ear  zèle  encore  qu'ils  se  sont  vaillauiment 
attus  et  qu'ils  ont  dispersé  vos  troupes. 
Pltisiours  sont  morts  en  martyrs  sur  le 
chfîmp  de  bataille,  un  grand  nombre  fut  ré- 
duit en  esclavage,  le  reste  se  sauva  dans  les 
pays  loii  tains.  Tt)us  ceux  qui  sont  morts 
parmi  ces  hoiiunes  nous  ont  précéd's  dans 
le  paradis;  ils  sont  entrés  dans  le^  rangs  des 
anges,  et  ils  se  réjouissent  au  sein  de  ces 
délices  inetl'abies  où  arriva  et  fut  admis  ce 
bienheureux  mage,  que  vous  nousditcsavoir 
exilé.  Heurense  est  la  terre  qu'il  a  traversée  1  M 
Heureux  est  le  lieu  désert  où  il  a  rendu  le  \ 
dernier  soipir  !  Le  coin  dete.re([ui  |)0ssède 
sa  dé[)ouille  niorielle  est  plus  précieu-;  que 
les  plus  magnifiques  [)alais  ou  loi,  i)lus  glo- 
rieux (jue  les  asires  brillants  du  ciel  que 
vous  adorez  !  » 

Movan,  le  grand  maître  des  cérémonies, 
prit  la  parole.  «  Les  dieux,  dit-il,  sont 
(l'humem-  bienfaisante;  ils  en  us.nt  indul- 
gemmcnt  avec  la  race  hunuiine,  et  lor.^que 
les  hommes  se  prosternent  iievant  leur  ma- 
jesté, ils  joui-^sent  en  re  onr  des  plaisirs  de 
ce  monde  ,  dont  ils  ont  fait  le  roi  dispensa- 
teur. De  la  bouche  du  roi  dépendent  la  vie 
et  la  mort ,  et  il  lient  dans  ses  mains  les 
destinées  de  l'uiivers.  Vous  n'avez  donc  pas 
le  droit  d'aller  iisolemment  contre  sa  vo- 
lonté, et  de  résister  h  ses  ordres.  Il  vous 
ordornie  d'auorer  le  soleil ,  pourquoi  ne  le 
fiiites-vous  pas?  N'est-ce  pas  Dieu  (jui  illu- 
mine de  ses  rayons  tout  l'univers,  et  qui 
fait  mnrir  par  sa  chaleur  la  nourriture  des 
hommes  et  des  animaux?  C'est  en  raison  de 
sa  générosité  univers. Ile  qu'il  a  reçu  lo 
nom  de  dieu  Miher  ;  car  il  est  tont  amour 
pour  l(!S  houHues,  et  il  n'a  en  soi  ni  décep- 
tion ni  duplicité.  C'est  pour  l'imiter  que 
nous  sonmu's  indulgents  juscpi'à  l'excès 
jiour  votre  ignorance.  Nous  sommes  lt>s 
amis  des  hommes  et  nous  n'avons  point 
riiumeur  sauvage  de  ces  l)èles  féroces  (jui 
se  ((^paissent  de  chair  et  de  sang.  Ayez  pitié 
de  vous-mênu'S,  et  ne  nons  forcez  pas,  mal- 
gi(''  nous,  de  Irimiper  nos  mains  dans  votre 
sang.  Mettons  donc  en  onl)li  vos  crimes  pas- 
^és,  el  occupons-nt)us  du  jirésenl;  à  volro 


5 -.3 


AUM 


AUM 


z:a 


coiisi(J;M:iti  iM.  la  mis^ricorJc-  du  rùi  s'tHcn- 
diM  sur  tous  vos  c  ui.liiî'S.   » 

'<  Je  it'uJsjuslija  il  vos  talents,  répondit 
Tévôqu*^  Sahi^,  vous  ùlcs  houiuie  d'état  et 
homiue  d'érudition;  vnus  désiroz  (j  ic  tous 
les  [)ays  (|ui  dépendent  de  r.'Ui;)ire  de  Prrse 
soient"  llorissanls,  et  la  gloire  du  roi  vous 
est  elière;  mais  (jtiant  ^  votre  désir  de  ni>us 
endoctriner,  il  n'est  ni  juilicieux  ni  raison- 
nable. Ouoil  vous  reconnaissez  jjlusieurs 
dieuv,  cl  vous  ne  pouvez  nous  dire  ce  quils 
sont,  ni  leur  accorder  une  seule  et  même  vo- 
lonté 1  Si  les  dieux  supérieurs  se  battent 
entre  eux  pour  des  fautes  d'une  mémo 
volonté  ,  et  vivent  en  désaccord  complet , 
eonnnent  nous  autres  hommes  ,  qui  leur 
sommes  inféiieurs,  pourrons-nous  nous  ac- 
corder en  tniui  que  ce  soil,  et  avec  votre  idée, 
par  exemple!  Accorde/  donc  l'eau  et  le  l'eu, 
que  nous  prenions  d'eux  l'exemjjle  de  la  jiaix; 
appelez  le  soleil  dans  voire  ujaison  comme 
le  l'eu  :  mais  s'il  ne  peut  |)as  venir,  afin  que 
le  monde  ne  rentre  pas  dans  les  ténèbres , 
expédiez-lui  du  moins  1'^  feu,  afin  qu'il  ap- 
preiuie  de  lui  à  subsister  sans  consumer  la 
nu\tière  combustible.  Si  vos  dieux  n'avaient 
qu'une  nature  ,  qu'ils  fussent  également 
puissants  et  d'acrord  ensemble,  soit  le  feu, 
par  exemple  ,  sans  besoin  d'être  alimenté  , 
comme  le  soleil ,  les  ollkiers  du  roi  ne  se- 
raient |)as  si  occupés  à  faire  abattre,  à  grands 
frais,  du  bois  pour  rp.nlretenir  sur  vos  autels. 
Le  feu  mange  toujours,  ne  se  rassasie  jamais 
et  se  réduit  en  cendres,  et  le  soleil  ne  mange 
pas,  il  est  vrai,  mais  sans  l'air,  ses  rayons 
se  brisant;  il  se  refroidit  en  hiver,  et  toute 
la  végétation  est  flétrie  et  glacée;  il  brûle 
durant  l'été  tous  les  êtres  vivants.  Or,  je  vous 
le  Uemande,  comment  un  objet  qui  subit  ces 
continuedes  variations ,  peut-il  donner  à 
quelqu'un  une  vie  stable?  Je  ne  vous  blâme 
pas  cependant  :  vous  suivez  le  culte  des 
éléments,  parce  que  vous  ne  connaissez  pas 
leur  maître;  mais  nous  serions  inexcusables 
de  vous  imiter.  On  pardonne  à  un  pauvre 
ignorant  qui  ne  connaît  pas  le  roi,  d'adorer 
ses  serviteurs  par  méprise.  Mais  si  un  habitué 
de  la  cour  qui  connaîtrait  p  rfaitement  le 
prince ,  se  prosiernait  devant  un  de  ses 
seigneurs  pour  lui  rendre  sci  'rament  les 
honneui's  souveiains,  il  serait  puni  de  mort, 
et  l'au.ait  mérité. 

«  Quant  au  soleil,  votre  divinité  principale, 
soutirez  que  je  vous  d  se  ce  que  j'en  pense  , 
et  ce  qui  est  vrai.  11  fait  partie  des  chcjses 
créées  qui  composent  cet  univers;  il  occupe 
sa  place  dans  le  ciel  au  milieu  d'une  infinité 
de  choses  ciééos,  dont  une  partie  est  au- 
dessus  et  une  autre  partie  au-dessous  de 
lui.  De  soi,  le  so  eil  n'a  pas  une  lu  nière  pure 
et  br. liante,  mais,  suivant  l'ordre  de  Dieu  , 
il  répand  ses  ray(;ns  par  l'intermédiaire  de 
l'air,  et  ses  émanations  des  parties  ignées 
échaulfent  tous  les  êtres  qui  sont  placés  au- 
dessous  de  son  orbe.  Ceux  qui  sont  au- 
dessus  ne  participent  pas  à  la  jouissance  de 
ses  rayons,  car  la  lumière  de  ce  globi  est 
placée  comme  dans  nn  vase,  dont  l'ouverture 
est  tournée  eu  dessous,  et  c'est  ainsi  qu'il 


réi)0iid  :mx  besoins  de  ceux  (pii  sont  i)Osés 
di!  manièi-e  à  la  recevoii-.  De  même  qu'un 
vaisseau  vogu(ï  sur  les  vagues  sans  savoir 
(piell(!  d(!slinatio'i  lui  inquiuui  la  main  dun 
capitaine;  eApr'rinn^ilé,  ainsi  le  soleil,  sous 
riiifliu'ru;e  de  son  régulateur,  nous  donne 
les  saisons  et  les  cychis  de  l'année.  Toutes 
les  choses  ([ui  subsistent  en  ce  mondi;  étant 
créées  [)our  notre  usagi;,  le  sohiil,  semblat)le 
do  tout  point  aux  autres  être>  inanimés  qui 
se  trouvent  dans  la  nature  ,  fut  destiné  à 
nous  disp(uiser  la  lumière.  Il  fut  créé  pour 
nous  servir  en  haut ,  comme  la  lune,  les 
étoiles,  l'air  incessamment  agité,  les  nuages 
pluvieux.  Et  sur  la  surface  de  la  terre,  la 
mer,  les  rivières,  les  sources,  les  fontaines  , 
tout  cela  fut  fait  pour  l'homme.  Or,  il  est 
tiès-injuste  de  regarder  une  de  ces  choses 
connue  une  divinité;  et  si  quehju'un  ose  le 
faire  ,  il  se  [)erd  comme  un  insensé  ,  sans 
{IU(;  cette  paitic  do  la  nature  qu'on  adore 
comme  Dieu  ,  en  profite.  Un  état  ne  peut 
contenir  deux  rois;  à  plus  forte  raison  la 
nature  ne  peut  avoir  deux  dieux.  Si  l'homme 
ne  i)cut  pas  souffrir  un  tel  état  de  choses,  à 
combien  plus  forte  raison  la  nature  de  Dieu 
repousse-t-elle  un  pareil  désordre. 

«  Si  vous  voulez  connaître  la  vérité,  adou- 
cissez l'amertume  de  votre  cœur,  ouvrez  les 
yeux  de  votre  esprit,  et  persuadez-vous  bien 
que,  tout  éveillés  que  vous  êtes,  vous  che- 
minez dans  les  ténèbres;  vous  êtes  tombés 
dans  l'abîme,  et  vous  voulez  y  attirer  tous  les 
autres.  Ceux  qui  suivent  votre  fausse  doc- 
trine ne  raisonnent  pas,  et  ne  voient  rien.  Il 
n'en  est  pas  ainsi  de  nous,  les  yeux  de  notre 
entendement  sont  ouverts,  et  même  ils  sont 
perçants.  Par  ces  yeux  du  corps  nous'voyons 
les  créatures;  |)ar  les  yeux  intéiieurs  nous 
concevons  qu'elles  ne  se  sont  pas  faites  elles- 
mêmes,  mais  bien  par  un  autie  ,  et  qu'elles 
sont  toutes  corruptibles.  Il  est  vrai  que  leur 
créateur  est  invisible  aux  yeux  du  corps, 
mais  sa  puissance  est  intelligible  à  l'esprit. 
Il  nous  a  vus  plongés  dans  une  grossière 
ignorance  et  il  a  eu  compassion  de  notre 
imbéjillité  ,  car  nous  aussi  nous  étions 
autrefois  comme  vous  idolâtres;  nous  ado- 
rions 1  s  créatures  à  la  place  du  Créateur, 
et  nous  faisions  toutes  les  abominations  de 
l'idoiàtrie.  Par  amour  pour  le  genre  humain, 
Dieu  est  v.  nu  parmi  nous  ,  s'est  fait  homme 
et  nous  a  instruits  de  son  invisible  divinité, 
voyant  que  1  s  hommes  égaraient  leurs  ado- 
rations parmi  les  astres  :  en  s'élevant  sur  la 
croix,  d  dépouilla  le  soleil  de  ses  rayons,  afin 
que  les  ténèbres  servissent  à  son  humiliation 
liumauie,  et  que  les  indignes  créatures  comme 
vous  ne  vissent  pas  leui's  dieux  pl.jngés  dans 
l'opprobre.  Aujourd'hui,  ceux  qui  n'ont  pas 
la  grAce  du  salut,  et  qui  n'adorent  pas  le  dieu 
crucifié,  sont  [)l;ingés  (ians  les  mêmes  ténè- 
bres épaisses  qui  s'étendent  sur  l'àuie  comme 
sur  le  corps.  C'est  parje  que  vous  êtes  ainsi 
entourés  de  ténèbres  que  vous  nous  maltraitez 
maintenant.  Nous  sommes  prêts  à  mourir,  à 
l'exemple  de  Notre-Seigneur.  Exécutez  donc 
sur  nous  vos  ordres  liéroces  de  la  manière 
que  voUs  voudrez.  ;> 


333  ARM 

Tenclia!)Ouh,  voyant  après  ce  discours  des 
signi'S  (l'adhésion  et  niônie  d  '  joie  sur  le 
visage  des  confesseurs,  jugea  bien  que  ses 
me"">aces  et  ses  lla'teries  seraient  inutiles. 
Pour  eur  faire  subir  um'  dernière  éjjreuve, 
i!  ordonn  •  d'amener  devant  lui  l'un  des  moins 
qiirdiiiés  de  !a  troupe  sainte,  ee  même  prùtre 
Arcîien  (pii  avait  élé  soupçonné  de  faiblesse 
!<ar  ses  rompa^cnons.  Oîi  lui  lia  les  pieds  et 
les  ma  ns  (ju'on  serrii  si  fort  que  ses  ner  s 
en  cv;\  niaient,  ei  on  le  laiss  •  loiigtemns  sous 
les  y<'U\  de  ses  eomp  ig  .ons  dans  celte  pi- 
sitioi  horrible.  Le  sain*  leva  les  \eu\  au 
ciel  et  dit  :  «  Voilh  tiu'une  fo\de  de  scélérats 
se  sont  jetés  sur  moi  connue  autant  de  chiens 
furieux,  et  (}u"ils  m'ont  eivironné  de  toutes 
parts.  Ils  mo  it  percé  les  [ueds  et  les  ma  ns, 
et,  au  lieu  de  ma  b  ^uche  ,  ce  sont  mes  os 
qui  ont  crié  ^Ps.  \xi).  Kcoutez-moi,  Seigneur, 
écou  ez  ma  voix  :  recevez  mon  Ame  dans 
l'assem.tlé-  des  siinls  combatlanls  ,  qui  ont 
paru  au  bienheureux  mage.  Moi  qui  suis  le 
très-humble  et  le  dernier  de  vos  seratenrs  , 
il  viius  a  plu  de  m'avancer.  »  Lorsque  ces 
mots,  proioncés  pén  blemeni,  furent  termi- 
nés, sur  lordri'  lies  trois  ministres,  les  bour- 
reaux tranchèrent  la  tète  du  bienheureux  , 
et  on  la  jeta  dans  une  fosse  (jui  était  à   sec. 

Tenc'iabouh,  prenant  de  nouveau  la  p  irole, 
dit  alors  à  Sahag,  évoque  :  «  Quand  j'ai  été 
en  Arménie,  du  j'ai  demeuré  un  an  et  demi, 
je  n'ai  nul  souvenir  (ju'on  m'ait  fait  de  v(ms 
quehpie  |>lainte;  j'en  puis  dire  autant  de 
Joseph,  qui  était  le  chef  des  chrétiens,  ce 
qui  ncl'  lUiièclia  t  e.i  aucune  manière  d'être 
fidèle  au  roi.  L'honuuc  qui  avait  été  marzban 
avant  mon  arrivée  dans  votre  pays  était 
fort  content  de  lui.  Je  puis  lui  renJre  ce 
témoignage,  qu'on  le  considérait  connue  le 
nèie  de  tout  le  monde,  tt  (ju'il  aimail  éga- 
lement les  grands  et  les  p(  tits.  Or,  pu  sque 
vous  ne  me  pr'Cz  |)Oint  d'avoir  i>ilié  de  vous, 
c'est  moi  qui  vous  en  i)rie.  Vous  èt'^s  des 
gens  res|tectai)les;  ayez  compassion  de  vos 
cor[)S,  et  ne  courez  pas  à  une  mort  cruelle  , 
à  rexem|)le  de  celui  dt;  vos  compagnons  (jui 
vient  d'exi)irer  sous  vos  yeux.  Si  vous  per- 
sistez dans  votre  inlhjxible  résolution,  je 
serai  f(jrcé  nio:-mùme  de  vous  tuer,  et  de 
Vous  faire  péiir  dans  des  supi)lices  é[)Ou- 
vanlanles;  é[)argncz-moi  celle  douleur.  Je 
Vois  que  vous  ôles  fascinés  par  les  paroles 
d-  ce  Léonce.  Eh!  ne  voyez-vous  pas  que 
c'est  un  homme  d'une  mauvaise  santé,  qne 
les  médecins  n'ont  |)U  guérir,  et(iui,  f.digué 
(l'un  iHal  de  soulfrance  (jui  lui  pèse,  désire 
plulô    la  mort  (|ue  l.i  vie.  » 

L'évéque  Joseph  répondit  ainsi  :  «  Les 
louanges  que  vous  avez  données  pi'cnuière- 
ment  a  ré>e(jue  Sahag,  puisa  moi,  vous  nous 
les  av(.'z  adressées  Miivant  noire;  Age  et  li 
blancheur  de  nos  barbes,  et  vous  nous  avez 
honojés  comme  il  convenait.  Certes,  vous 
avez  irès-bi.  ti  parlé;  m  us  no  is  n'avons  fait 
que  noire  devmr.  il  ne  convi(nil  |)asaux  vrais 
s  nvileins  de  Dieu  de  conlredire  lessc-igneurs 
tcmpoicls,  ni  de  donner  aux  peuples  des  su- 
jets de  |)laint(;s  pour  satisfaire  ini  soiilide 
intérêt  :  c'est  à  eux  de  les  instruire  avec 


ARM 


536 


douceur  et  mansuétude,  h  observer  les  com- 
maïuf'menls  de  D  eu  et  à  les  conduire  sage- 
ment et  pacitiqu<'menl  à  Tobéissan  -e  et  à 
l'adoration  d'un  Dieu  créateur  de  tout  l'uni- 
vers. Quant  h  l'etlVl  (pi"a  produit  sur  nous 
l'éloquence  persuasive  de  cet  homme  (mon- 
trant Léonce),  vous  ne  vous  êtes  pas  trompé; 
tout -fois,  ce  n'est  pas  comme  un  étranger 
séJuceur,  ni  comme  nu  rliéteur,  qu'il  nous 
Si'-duit  et  no\i<  [)ersuade.  Loin  de  lui  toute 
fo  irb  'rie;  il  nous  aime  troj)  pour  en  vouloir 
user.  Parce  que  c'est  la  m.-me  Egli-e,  notre 
c  mmune  mère,  qui  nous  a  mis  au  monde  , 
c'e^t  le  même  Père,  le  Saint-Es  >iit,  (jui  nous 
a  engendrés.  Comment  des  enfants  (pii  doi- 
vent l'evis'ence  au  môme  père  et  à  la  même 
mère  seraient-ils  traîtres  et  désunis?  Ce  qui 
vous  parait  que  les  |)aroles  de  Léonce  sont 
capables  d  '  nous  séduire,  c'est  notre  pi'0[)re 
pensée  continuelle  de  jour  et  de  nuit  qu'il 
révèle;  car  nous  vivons  dans  une  indivisible 
unité  ue  pensé.»  et  de  cœur.  Et  s'il  est  ennuyé 
de  celle  vie,  et  si  ce  corps  intirme  lui  pèse  , 
il  en  est  anisi  de  nous  tous;  car  nul  homme 
né  do  la  fcniime  n'est  exempt  de  soutlVances 
corporelles  et  de  douleurs.  » 

Tenchabouh  dit  alors,  en  prenant  un  ton 
haut,  ces  |  arolcs  :  «  Vous  ne  savez  donc  jjas 
(]ue  celte  indulgence  excessive  que  je  vous 
montre,  que  cette  patience  avec  laquelle  je 
discute  avec  vous,  n'est  nullement  due  aux 
ordres  du  roi,  mais  h  mon  humanité  person- 
nelle, qui  me  pousse  A  faire  beaucoup  j)lus 
peut-être  qu'il  ne  m'est  enjoint?  Je  le  lais, 
parce  que  mon  humeur  n'est  pas  farouche 
comme  la  vôtre,  et(]ueje  ne  suis  i)as,  comme 
vous  ,  ennemi  de  moi-môme ,  ni  ennemi 
de  mes  semblables.  J'ai  mangé  dans  votre 
pays  le  pain  et  le  sel  ;  je  me  considèi-e  comme 
riiùle  de  l'Arménie,  et  j'ai  pour  cette  teri'e, 
aujourd'hui  désolée  ,  autant  d'alfeclion  que 
de  [)it.é!  » 

Le  piètre  Léonce  lui  répondit  :  k  11  est 
b  m  et  louable  d'avoir  de  ralfection  et  de  la 
pitié  poui'  les  étrangers  :  c'est  accomplir  le 
commandement  de  Dieu;  mais  il  ne  faut  pas 
s'arrêter  au  corps,  il  faut  avoir  aussi  des 
égards  })our  son  Ame  et  pour  celhï  des  au- 
tres. Car  nous  ne  sommes  pas  nos  maîtres  ; 
et  il  y  a  quehiu'un  dans  le  ciel  (pu  nous  de- 
mande compte  du  corps  et  de  l'Ame.  Vous 
dites  que  vous  êles  patient  envers  nous  de 
voire  propie  mouvement,  et  non  pa'^  i)ar 
l'oidre  du  roi  :  vous  failes  bien  denfreindre 
ses  ordre-,  car  c'est  un  dévastateur  de  loyau- 
mes,  un  assassin  des  innocents,  un  ami  du 
démon  et  un  ennemi  de  Dieu.  Mais  poin- 
nous,  nous  ne  pouvons  pas  violer  les  coiii- 
luandemenls  de  notre  toi,  ni  échanger  folle- 
mr  l  les  biens  éterneU  p(uir  les  biens  péris- 
sables de  ce  monde.  Quant  à  ce  cpu^  vous 
avez  dit,  (|ue  les  médecins  m'ont  abandonné, 
et  (pie  c'est  pour  ce  mot.f  (pie  je  préfèie  la 
mort  h  la  vie,  ccs  paroles  ne  sont  |)as  appli- 
cables A  nous,  (jui  ne  vos  ons  (|iie  des  maux 
sur  terre.  Calmez  donc  un  |ieu  votre  esprit 
lurbu  enl,  et  bii nliU  vous  serez  persuade  di; 
la  vérilé  (pie  je  vais  vous  dire.  Jetez  un  (oup 
d'ceil  autour  do  vous.  Quel  est  le  moi  tel  qui 


537 


ARM 


XMl 


338 


vit  sans  se  pl.iiiidre?  Ne  voyez-vous  pas  (|uc 
tout  est  accabl.'  de  maux  extérieurs,  tels  (|ii(ï 
le  froid,  le  chaud,  la  t'din,  la  soif,  la  pau- 
vreté, l'injustiee,  la  rapine;  et  do  maux  in- 
térieurs, èomme  les  passions  elfr/'iiées,  h  s 
vices,  l'ij^noranee,  l'apostasie  et  les  mauvai- 
ses liahiludes,  choses  auxquelles  le  libre  ar- 
bitre de  riionnne  lui  pei met  de  se  livrer,  par 
im  acte  (;oui)ahle  tle  sa  raison  ? 

«  Ne  mé()riscz  pas  les  médecins  ,  de  ce 
qu'ils  ne  m'ont  pas  j^uéri.  Pourquoi  s'en 
étonner,  luiisiiu'ils  sont  des  honmu's?  11  y  a 
des  maux  (]'ii  cèdent  h  leui-  art,  et  d'autres 
qui  lui  échappent;  car  cnlin,  les  malades  et 
les  médecins  sont  de  simples  mortels.  IMùt  h 
Dieu,  toutefois,  (pie  vous  suivissiez  leur 
exemple,  (i>.i  n'a  pas  peu  d'analogie  avec 
votre  position.  Ouand  un  médecin  est  averti 
que  quelque  malade  l'apiielle,  il  y  eoiu't  et 
emploie  ses  soins  cl  son  art  |)Oui-  le  guér  r; 
et  si  c'est  un  favori  du  roi,  un  seigneur  de  la 
cour,  le  médecin,  en  arrivant  dans  la  grande 
salle  où  se  tiennent  ordinairement  les  ofli- 
ciers  d'honneur  et  les  brillants  jeunes  gens 
qui  jouissent  d'une  santé  11  rissante,  et  puis 
dans  l'intérieur  de  la  cfiur,  les  serviteurs 
magnitiquoment  vêtus,  l'honnne  de  l'art  ne 
se  donne  pas  le  temps  d'admirer. toutes  ces 
belles  choses.  11  ne  daigne  j)as  même ,  en 
entrant  dans  l'appartement  éblouissant  du 
malade,  jeter  un  re  ard  sur  la  couche  oij  ce- 
lui-ci repose,  fût-elle  d'or  massif  <  t  incrustée 
de  pierres  préc  euses.  Sans  faire  attention  à 
cette  splendeur,  il  fait  même  enlever  la  cou- 
verture tissue  d'or,  et,  allongeant  es  mains, 
il  examine  attentiv.'ment  tout  le  corjis,  afm 
de  dcLOUviir  si  la  nature  de  la  maladie  est 
tiévreuse.  Il  comiite  le^  bilteraenls  du  cœur 
et  ceux  des  artères,  s'ils  sont  bien  réglés,  et 
si  le  foie  n'est  pas  dur  ou  tendre;  ensuite  il 
lui  adm  nistre,  selon  qu'il  en  a  besoin,  les 
médicaments  qui  peuvent  lui  rendre  la  santé. 
Or,  si  l'art  purement  humain  de  la  médecine 
néglige  les  choses  exlérii'ures  et  éblouissan- 
tes, et  n'ap()lique  toute  son  industrie  qu'à 
guérir  le  corps,  pour  l'honneur  et  la  glo  re 
de  sa  profosion  ,  combien  i  lus,  vous  (|ui 
avez  soumis  lunivers  à  votre  puissance, 
combien  plus  ne  eviiez-vous  pas  vous  ap- 
p  iquer,  avant  tout,  à  guérir  vos  Ames  des 
maladies  languissantes  q  e  leur  cause  un 
culte  vicieux  et  tout  matériel.  Si  vous  aviez 
fait  cela,  les  sujets  de  la  Perse  seraient  de- 
meurés fort  tranquilles  ;  mais  vous  avez  né- 
gligé cette  mesure  de  haute  irapoitance,  et 
vous  avez  travaillé  constamment  à  livrer  vo- 
tre âme  immortelle  à  la  mort,  avec  vo  re 
corps  au  feu  de  l'enfer  éternel.  Vous  qui 
avez  l'âme  attaquée  d'une  maladie  incur,;ble, 
comment  osez-vous  nous  rspiocher  un  mal 
corporel  qui  ne  dépend  pas  de  notre  volonté, 
et  auquel  tout  homme  est  sujet  par  un  effet 
de  la  nature? 

«  Le  Dieu  vivant,  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  est  la  cause  de  notre  vie;  grâce  à  son 
ineffable  bonté,  il  est  le  médecin  de  l'âme  et 
du  corps.  Il  a  guéri  les  maux  du  genre  humain 
en  subissant  de  cruels  supplices,  et  il  nous  a 
lait  renaître  ensuite  à  la  grâce  par  un  effet 


de  S(Mi  amour.  Après  avoir  guéri  les  plaies 
intérieures  (pie  l'ancien  scn-pciit  nous  avait 
faites  à  l'âme,  il  nous  a  |)romis  dc'  nous  ren- 
di(!  sans  tache,  de  purilier  tant  noire;  tiina 
(ju(!  noire  cor|)s,  de  nous  admettre  cnlin  <i 
son  adoi'ation  éternelle,  et  de  nous  placer 
d,uis  les  i'an:J)S  de  la  milice  céleste,  l^t  vous 
(pii,  mallKuireusemenl, n'avez  jias  la  moindre 
idée  de  louti^'S  ces  choses,  ni  la  moindre  en- 
vie de  l'apprendre  de  nous,  vous  voulez  nous 
détourner  de  ce  bonheur  réel  qui  nous  est 
promis.  Vous  n'y  parviendrez  pas,  et  vous 
ne  l'espérez  même  pas;  c'est  impossible. 

«  Et,  pour  en  revenir  encore  au  mauvais 
état  de  ma  santé,  sachez  que,  bien  loin  de 
m'en  plaindre,  je  suis  con  ent  lorsque  mon 
COI  ps  souil'rc  ;  car,  par  les  souffrances  du 
corjS,  la  santé  de  l'âme  se  foitifie.  J'ai,  d'ail- 
1  urs,  devant  moi  l'exemide  du  grand  ain'itrQ 
des  gentils,  le(juel  s(!  consolait  des  peines 
corpor.lles  et  de  l'allliction  d'C'^prit  que  lui 
causaient  des  honunes  conseillés  ])ar  les  dé- 
mons, en  disant  •  Si  nous  pariicipons  aux 
souifrances  de  J^'sus-Christ,  nous  mériterons 
ainsi  d'avoir  part  à  sa  résurrection  glorieuse 
{Mom.Yi,  5).  Puisque  vous  êtes  investi  de 
pouvoiis  qui  vous  rendent  maitre  de  noli-e 
vie,  jugez-nous  >elon  votre  perverse  volonté; 
nous  ne  sommes  pas  de  ceux  que  les  mena- 
ces etfrayent ,  et  nous  ne  reculerons  |  as  de- 
vant la  mort,  si  cruelle  que  votre  tyrannie 
puisse  nous  la  fa  re.  » 

Alors  Tenchabouh  les  fit  séparer  et  élo'- 
gner  les  uns  des  autres;  puis,  pienant  h  \'é- 
cait  11'  saint  évôqu»  Sah:>.,i;  :  «  Je  voi  s  ai  loué, 
lui  d  t-il.  et  vous  n'avez  pas  été  touché  de 
riioniieur  que  je  vous  fai.^ais  ;  n)aii  tenant 
je  vais  lappeler  à  votre  mémoire  le  mal  que 
vous  avez  fait,  et  c'est  de  votre  propie  bou- 
che que  sortira  la  sentence  de  mort.  Dites 
vrai.  N'est-ce  pas  vous  qui  avez  ruiné  le 
pyrée  de  Uichdounik?  N'est-ce  pas  vous  qui 
avez  sacrdégemenl  fait  mourir  notre  f  u  sa- 
cré ?  J'ai  entendu  et  je  me  suis  assuré  en 
outre  que  vous  avez  maltraité  les  mages,  et 
que  vous  avez  emporté  de  nos  temples  tout 
ce  qui  servait  à  l'usage  du  culte.  Dites-moi 
maintenant,  êtes-vous  réellement  l'auteur  de 
ces  horribles  crimes  ? 

«  Voulez-vous  que  je  vous  instruise  de  la 
vérité  des  choses,  répondit  le  saint  évèque? 
Esi-ce  un  renseignement  que  vous  me  de- 
mandez, ou  si  votre  pensée  est  déjà  réelle- 
ment fixée  sur  les  faits?  » 

Tenchabouh. —  «  Le  bruit  public  n'est  pas 
toujours  d'accord  avec  la  vérité.  » 

L'évoque. —  «  Et  qu'en  pensez-vous?  di- 
tes-le moi,  je  vous  prie.  » 

Tenchabouh.  —  «  On  m'a  assuré  que  vous 
êtes  cause  de  tous  les  dégâs  qui  ont  eu  lieu 
à  Richdounik ,  et  des  vexations  que  les  Per- 
sans y  ont  essuyées.  » 

L'évoque.  — ^  «  Si  l'on  vous  a  si  bien  in- 
formé, pourquoi  me  questionnez-vous  en- 
core? » 

Tenchabouh.  —  «  Je  vous  interroge,  parce 
que  je  veux  savoir  de  vous-même  la  vérité.  » 

L'évêque.  —  «  Vous  ne  me  demandez  pas 
de  vous  instruire  des  choses   salutaiies  à 


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ARM 


ARM 


SiO 


votre  âme;  c'est  mon  sang  que  vous  voulez 
avoir.  » 

Tenchnboiih.  —  «  Je  ne  suis  pas  d'humeur 
sanguinaiie,  je  vous  l'ai  d 'jh  dit;  mais  je 
suis  le  vengeur  des  outrages  qu'on  fait  aux 
dieux.  » 

L't^vôque.  —  «  Comnifnt  1  vous  qui  adorez 
comme  dieux  des  éléments  inanimés,  et  les 
hommes  vivants,  «jui  sont  vos  semblables, 
vous  les  voulez  égorger  sans  merci?  C'est 
vous,  c'est  votre  roi,  qui,  sur  le  tribunal 
de  Dieu,  allez  tirer  une  vengeance  terrible 
de  tout  cela.  Or,  ce  que  vous  désirez  mali- 
gnement apprendre  de  ma  bouelns  je  vais 
vous  le  dire.  C'est  moi  qui  ai  détruit  le  pyrée 
de  Riclidounik,  c'est  moi  qui  ai  donné  des 
coups  de  fouet  aux  nnges  et  qui  ai  jeté  dans 
Ja  mer  tous  les  ustensiles  abominables  t\m 
servaient  à  voire  idolâtrie.  Mais  v.ms  m'ac- 
cusez de  plus  d'avoir  fait  mourir  le  feu. 
Comment  aurais-je  pu  faire  mourir  ee  que  le 
Tout-Puissant  a  créé  immortel?  Les  quatre 
éléments  peuvent-ils  recevoir  la  mort  ?  Faites 
donc  mourir  l'aii,  si  la  chose  est  possible; 
corrompez  la  terre,  et  em])ôchez-la  de  pro- 
duire l'herbe;  égorgez  quelque  ileuve,  tuez 
une  rivière  :  si  vous  en  venez  h  bout,  vous 
pourrez  aussi  faire  mourir  le  feu. 

«  Le  sa^e  auteur  de  la  nature  a  créé  les 
quatre  éléments  indestructibles,  et  les  a  liés 
P'ir  des  rapports  mystérieux. Le  feu  se  trouve 
dans  la  pierre,  dans  le  fer,  dans  pre>-que 
toutes  les  matières  ualpables.  Pourquoi  donc 
m'accusez-vous,  mal  h  propos,  de  l'avoir  fait 
niourir?  Mais  tuez  donc  la  ch  deur  du  soleil, 
car  cette  ch.deur  a  les  parties  ignées.  Oidon- 
nez  au  fer  de  ne  pas  ré[)aiidre  le  feu!  Oîi  ne 
peut  tuer  que  de^  créatures  qui  respirent, 
se  meuvent,  sentent,  marchent,  mangent  et 
boivent.  Le  feu  inange-t-il,  boit-il?  l'avez- 
vous  vu  marchant,  fiarlant,  sentant?  Non. 
Donc,  ce  que  vous  n'avez  jamais  vu  vivant, 
vous  m'accusez  de  lui  av  ir  donné  la  mort  ! 
Ah  !  votre  impiété  est  mille  fois  plus  im;iar- 
donnable  que  celle  de  tous  les  autres  ido  A- 
tres.  lis  ne  connaissent  pas,  h  la  vérité,  le  vrai 
Dieu,  et  ils  s'égarent  dans  leur  voie;  mais 
du  moins  ils  ne  divin  sent  pas  des  éléments 
muets  et  qu'  ne  sentent  |.oint.  V^ous  avancez, 
dans  votre.'  igtioranc(.',  que  le  feu  est  |)érissa- 
ble  de  sa  nature  :  ce  (|ui  nest  pas,  puisepi'il 
est  môle  h  toutes  les  parties  de  li  matière.  » 

Tenchabouii. —  «  Il  ru)  me  convieiit  ;  as 
do  disputer  avec  vous  sur  la  naluri;  des  él  - 
ments;  cet  examen  est  intempestif,  et  j'ai 
autre  chose  à  faire.  Avouez-moi  simrtlement 
si  vous  avez  vous-même  éteint  le  leu ,  oui 
ou  non?  » 

L'évèque.  —  «  Puisque  vous  refusez  d'ôtre 
le  discipu;  ([('.  la  vérité,  j»;  vais  vous  sali.>f;iire 
selon  la  volonté  inique;  du  votie  père;  le  dé- 
mon. C'est  moi,  oui,  moi-ménu;,  (pii  suis 
entré,  de  ma  personne,  dans  votr(î  tem|)lo 
du  feu  ou  [)yré('.  Il  ét;ut  r(Mn|)li  (h;  m.ig-  s  qui 
.s'of;(;upai('nt  di;  vos  rit(;s  frivohîs  et  ai)0mi- 
nabl(;s,  et  au  milieu  d'eux  s'('l('vail ,  jus  pi'à 
In  voiUe,  un  immense  brasif^r-.  Je  eonnnenr.ai 
K  b*s  inlfrrog -r  [)ar  ih-s  paroles,  et  non  par 
é*s  coups.  (Jnit  pensez-vous,  dans  voire  Ame 


et  votre  conscience,  de  ce  culte  du  feu?  leur 
dis-je.  —  Nous  ne  savons  qu'en  penser,  ré- 
pondirent-ils; tout  ce  que  nous  savons,  c'est 
que  c'est  une  tradition  de  nos  pères  ,  et 
qu'un  ordre  sévère  du  roi  nous  enjoint  de 
nous  y  coidbrmer.  —  Et  que  pensez-vous 
que  soit  la  nalure  du  feu?  ajoutai-je;  le 
croyez-vous  crt-atcur  ou  bien  créature?  — 
Nous  ne  le  croyons  point  créateur,  réj)ondi- 
rent-ils  d'une  voix  unanime,  ni  même  capa- 
ble de  donner  du  repos  à  ceux  qui  le  ser- 
vent. Nos  mains  sont  devenues  dures  et  cal- 
leuses à  force  de  manier  la  hache  ;  notre  dos 
est  courbé  sous  le  faix  du  bois;  nos  yeux 
sont  rouges  et  toujours  mouillés  par  l'âcreté 
de  la  fuuK'e  qui  s'en  écliappe,  et  cette  fumée 
éi)aisse,  n)è!ee  d'humidité,  nous  noircit  en- 
CfU'e  le  visa..;e.  Si  nous  lui  jetons  beaucoup 
d'aliments,  il  s'en  atfame  de  [)lus  en  plus;  si 
nous  ne  lui  en  donnons  point  du  tout,  il 
s'éteint.  Si  nous  nous  approchons  de  lu» 
pour  l'adorer,  il  nous  bride  sans  le  moindre 
égard;  si  nous  ne  nous  en  approchons  pas,  il 
se  réduit  en  cendre.  Voilà  tout  ce  que  nous 
savons  de  sa  nature.  —  Savez-vous,  deman 
dai-je  encore,  quel  est  celui  qui  vous  a  en- 
seigné une  pareille  erreur? — Pourquoi  nous 
interroger  là-dessus?  dirent-ils  ;  ne  voyez- 
vous  pas  vous-même  l'état  des  choses?  Nos 
législ'i leurs  sont  aveugles  du  côté  de  l'âme 
seulement;  pour  notre  roi,  il  est  borgne  des 
yeux  du  cori)s,  et  du  côté  de  l'âme,  il  n'a 
point  de  vue. 

«  J'ai  eu  pitié  de  ces  pauvres  mages  en  les 
entendant  pailer  ainsi,  et  rendre  hommage  à 
la  vérité  au  sein  même  de  leur  ignorance.  Il 
est  vi-ai  que  je  leur  ai  fait  donner  queUiues 
coui)S  de  fouet,  et  que  je  loui'  ai  ordonné  de 
jeter,  de  leurs  propres  mains,  leur  feu  dans 
l'eau,  en  disant  :  Que  les  dieux  qui  n'ont  pas 
fait  le  ciel  et  la  terre  soient  anéantis!  Cela 
terminé,  j'ai  laissé  la  liberté  aux  mages  do 
s'en  aller.  » 

Tenehabouh  fut  pénétré  de  frayt  ur  en 
écoulant  ces  hai'dis  aveux  de  l'évêque;  il 
frémit  des  insultes  qui  en  résuli aient  [)Our  le 
roi,  et  du  mépris  qu'ils  respiraient  pour  la 
reli  don  des  mages.  Il  craignit  qu'en  aban- 
donnant Saliag  à  de  nouvelles  tortuies,  il 
n'exprimât  plus  encore  des  injures  contre  le 
roi  tievant  le  jnililie;  que  cette  alfaire,  rap- 
portée au  roi,  ne  fût  impu  ée  à  lui-même  à 
crime,  et  (pi'on  ne  tinit  p.ir  laccuser  d'irréli- 
gion,  pour  avoir  si  lon,uement  disputé  avec 
les  évècpies.  Confus  de  toutes  ces  penséis  , 
il  se  leva  du  tribunal  où  il  s'était  assis,  ap- 
pu.é  sur  son  sabre,  pour  inspir.  r  de  la  peur 
aux  saints;  et,  jetant  un  cri  semblable  au 
ru,.;isseineiit  d'un  lion  en  colère,  il  leva  son 
arme  et  en  happa  l'évêipie,  et  lit  tond)er  par 
tiure  ré|)aule  droite,  une  partie  du  dos  et  do 
la  main.  L'évê(iue,  renversé  sur  k'  côté  gau- 
che, releva  de  son  auti-e  main  celh;  ipii  était 
s(''parée  du  corps,  et  dit  à  haute  voix  :  «  Re- 
cevez, Seigneur,  l'holocauste  volontaire  que 
j(!  vous  ollre,  et  admellez-m(ji  parmi  vos 
milices  saintes.  »  Puis,  se  tournant  vers  ses 
ronipagiions  :  «  Allons!  s'écria-t-il ,  ô  mes 
verlueuv  frères,  voici  notre  d'jruier  moment; 


S41 


ARM 


ARM 


2i2 


fcrmoz  Tiii  instant  les  youx  du  corps,  et  vous 
verrez  bicnliM  Jôsus,  nolro  (\sp(''r;uu'0.  »  Kn 
se  roulant  .lans  son  sau;j;,  il  r('M-itait  :  «  .le 
c")anto  vos  louanges,  Soi,;ii('ui' !  qu'elles 
soi(>ut  toujours  dans  ma  houclio.  Seij^neuil 
glorifiez  mou  Ame,  et  les  justes  se  n'-joui- 
ronl.  »  11  récita  ainsi  jusqu'au  verset  :  Nom- 
breux sont  les  tourments  du  juste  ;  inais  le 
Seigneur  les  di^livrc  et  conserve  même  tous 
leurs  os  (Ps.  xxxiii).  Et  pendant  qu'il  lui  res- 
tait enrofe  un  i)eu  de  vie,  et  que  ses  forces 
•ne  l'avaient  pas  encore  abandonné  complè- 
tement, il  vit  descendre  du  ciel  des  troupes 
d'anges,  et  \m  ai-change  qui  tenait  dans  ses 
mains  six  couronnes.  En  mônuî  temps,  une 
\oix  du  ciel  disait  :  «  Preniez  courage,  ô  mes 
bien-aimés  seiviteurs!  Voici  que  vous  allez 
oublier  toutes  les  alllictions  de  ce  monde,  et 
ceindre  les  couronnes  trioin[)liaIes  (jue  vous 
avez  méritées  par  votre  liéroïsnu;  :  metlez- 
les  chacun  sur  vos  tôtes.  Vous  en  avez  fourni 
la  matière,  m  sis  c'est  Jésus-Christ  lui-même 
qui  les  a  tressées;  recevez-les  des  mains  des 
anges,  et  \ene/.  prendre  place  à  côté  de  saint 
Etienne,  premier  martyr.  » 

Sur  ces  entrefaites,  le  glaive  brillait  déjà 
sur  le  cou  des  héros  chrétiens.  Léonce,  s'a- 
percevant  qu'il  n'était  plus  question  d'inter- 
roger et  de  juger  les  deux  autres,  mais  qu'ils 
étaient  tous  enveloppés  dans  une  sentence 
commune  ,  dit  au  saint  évêque  Joseph  : 
«  Avancez-vous  le  premier  contre  le  glaive , 
car  votre  dignité  vous  élève  au-dessus  de 
nous  tous.  »  Mais  comme  l'évêque  se  pré- 
sentait, les  bourreaux,  pressés  d'obéir,  firent 
tomber  toutes  les  tètes  des  prêtres  chrétiens 
devant  le  saint  évêque  Sahag,  qui  s'écria 
avant  de  rendre  le  dernier  soupir  :  «  Jésus, 
recevez  nos  âmes,  et  placez-nous  parmi  ceux 
qui  vous  ont  aimél  »  (E.  V.,  trad.  G.  K.  G., 
p.  194.) 

Les  trois  ministres  proposèrent  douze 
hommes  pour  garder  les  corps ,  afm  que  les 
chrétiens  ne  parvinssent  pas  à  les  enlever 
pour  en  faire  des  reliques.  Kougik  fut  au 
nombre  des  dix  qu'on  choisit.  Mais  au  bout 
de  quelques  jours,  ces  hommes,  eifrayés  des 
prodiges  sans  nombre  qui  s'accomplissaient 
au  lieu  où  étaient  les  corps  des  martyrs,  pri- 
rent la  fuite  et  vinrent  trouver  les  ministres, 
auxquels  ils  racontèrent  ce  qu'ils  avaient  vu. 
Kougik  prit  la  fuite  comme  les  autres.  Les 
mages  résolurent  de  se  tenir  tranquilles. 
Mais  Kougik,  s'étant  assuré  qu'on  ne  son- 
geait plus  aux  corps  des  saints,  alla  avec  dix 
hommes  dévoués  les  chercher.  Ils  étaient  in- 
tacts. Il  les  mit  dans  des  caiss  s,  avec  leurs 
chaînes,  et  inscrivit  le  nom  de  chaque  saint 
sur  la  caisse  qui  contenait  son  corps.  Peu  do 
temps  après,  les  princes  furent  élargis.  Kou- 
gik leur  avait  remis  les  corps  des  martyrs. 
C'est  de  Kougik  que  l'historien  Elisée  Varta- 
b.d  tenait  les  détails  qui  concernent  les  saints 
martyrs. 

Dans  la  ville  de  Ninchabouh,  il  y  avait 
quelques-uns  des  disciples  ou  serviteurs  des 
saints.  On  les  avait  m's  dans  une  prison 
séparée.  Le  roi  l'ayant  commandé,  un  des 
bourreaux   ordonna   à    cinq   chrétiens    qui 


élai(!nt  Assyriens,  et  (pi'ou  détenait  av(M; 
eux,  d'adoi'cr  l(!  soleil.  Il  les  avait  piéalablc- 
mcnt  fait  conduire  hors  de  la  ville  Commo 
ils  refiisèr'cnt,  il  les  lit  mettre  à  la  tortuni,  et 
ensuite  h'ui'  lit  coupt^r  le  nez  et  les  oreilles, 
et  les  envoya  en  Assyrie,  pour  y  travailler  à 
la  U'wo  dans  le  domaine  du  roi.  Lu  chef  (1(!S 
boinr-aux,  ayant  commis  cette  atrocité,  vint 
veis  les  serviteurs  des  martyrs,  et  en  prit 
deux  ({n'a  leur  physionomie  timide  et  douce 
il  jugeait  plus  faciles  à  j)ersuader  que  les 
antres.  C'étaient  Klioren  et  Abraham.  N'ayant 
pu  les  contraindre  à  adorer  le  soleil,  il  com- 
manda qu'on  les  trainAt  h  terre  si  violem- 
mciit,  que  quanil  on  cessa,  on  les  crut  morts. 
'J'ro.s  heures  après,  ils  revinrent  à  eux,  et 
dirent  la  joie  qu'ils  ressentaient  des  traite- 
UKMits  ([u'on  leur  avait  fait  endurer.  Le 
bourreau  les  fit  battre  de  verges  par  six 
bourreaux  qui  se  relayaient.  Quand  ils  fu- 
rent h  t(>rre  et  demi  morts,  il  leur  fit  couper 
les  oreilles.  Après  cela,  suivant  l'ordre  qu'il 
avait  reçu  du  roi,  il  les  envoya  en  Assyrie, 
pour  y  labourer  la  terre  dans  le  domaine 
royal.  Ces  chrétiens  mutilés  furent,  dans  le 
pays  où  ils  arrivèrent,  l'objet  de  la  vénéra- 
tion générale.  Ils  allaient  tous  les  ans  re- 
cueillir des  aumônes,  qu'ils  envoyaient  aux 
princes  arméniens  dans  leurs  prisons.  Kho- 
ren  mourut  dans  un  de  ces  pieux  voyages. 
Abraham  continua  cette  œuvre  de  charité. 
Lorsque  les  princes  arméniens,  douze  ans 
après  leur  arrestation ,  furent  délivrés  de 
leurs  chaînes  et  amnistiés,  ils  firent  venir 
Abraham  en  Arménie,  où  il  fut  l'objet  de  la 
v<'nération  générale.  Abraham  se  retira  dans 
un  lieu  écarté  et  éloigné  du  monde,  où  il 
vécut,  avec  trois  autres  chrétiens,  dans  les 
exercices  de  la  vie  monastique.  II  y  mourut 
en  odeur  de  sainteté. 

Pendant  ce  temps-là,  les  princes  arméniens 
demeuraient  toujours  prisonniers.  Ils  étaient 
trente-sept,  dont  voici  les  noms  :  de  la  fa- 
mille de  Sunik,  les  deux  frères  Papkéu  et  Pa- 
gour;  delà  famille  d'Ardzourounik, Nercha- 
bouh,  Chavasb,  Chiukin,  Aieroujan,  Barker, 
Dagas  ;  de  la  famille  de  Mamigoniank,  Ha- 
mazasbian,  Hamazasbe,  Ardavazd,  Mouchege; 
de  la  famille  Gamsaragank,  Archavir,  Tatoul, 
Vardz,  Nerséh,  Achod  ;  de  la  famille  Ama- 
dounik,  Vahan,  Aranzar,  Arnag  ;  de  la  famille 
de  Kinunik,  Adora  ;  de  la  famille  de  Timak- 
siank,  Tatoul,  Sadéan,  avec  deux  autres  com- 
pagnons; de  la  famille  Anzevadzik,  Chima- 
von,  Zouarén,  Aravan  ;  de  la  famille  Ara- 
veleïank,  Pabag,  Varazkén ,  Tagh  ;  de  la 
famille  Arzerounik,  Abrsan  ;  de  la  famille 
Mantagounik,  Sahag,  Parzman  ;  de  la  famille 
Dachradzik,  Vrén  ;  de  la  famille  Herapso 
niank,  Papige  et  Houknan.  Ils  furent  prison- 
niers pour  la  foi,  et  excessivement  malheu- 
reux, jusqu'aux  derniers  temps  du  règne 
d'Hazguerd,  où  le  gouverneur  du  pays  de 
Hurève,  nommé  Schliom  Chabouh,  qui  était 
chargé  de  leur  garde,  intercédant  pour  eux, 
le  roi  se  décida  à  adoucir  leur  sort,  et  leur 
rendit  leur  ancien  rang  dans  ses  armées.  Le 
roi  fut  telleme-'.t  content  de  leurs  services, 
qu'il  ne  cessa  jusqu'à  sa  mort,  qui  arriva 


3i3 


ARS 


ASC 


344 


bientôt,  après  dix-neuf  années  de  règac,  de 
les  traiter  avec  toutes  sortes  d'honneurs  et 
d'égards. 

Ici  nous  devons  nous  borner  à  dire  en 
doux  mots  comment  finit  cette  persécution 
eu  Arménie. V'ahan,  neveu  du  gra'id  Vartan, 
combittit  plus  tard  avec  les  Arméaie-is  fidèles 
au  christianisme  contre  les  Persans  et  les 
Arméniens  apostats,  et,  â  force  d"ex  )loits  et 
de  courage,  contraignit  les  Perses  à  laisser 
l'Arménie  paisible  et  libre  de  pratiquer  le 
christianisme. 

ARMOGASTE  (saint),  martyr,  vivait  dans 
Tannée  i57.  Il  était  comte  et  occupait  une 
charge  élevée  à  la  cour  de  Genséric,  roi  des 
Vandales  en  Afrique.  Ce  prince,  qui  persé- 
cuta cruellementles  chrétiens,  titd'Armogaste 
une  des  premières  victimes  de  sa  fureur. 
Saint  Victor  de  Vite  rapporte,  sur  le  martyre 
de  ce  saint,  des  circonstances  auxquelles  on 
ne  saurait  guère  ajouter  grande  croyance. 
«  On  le  serra,  dit-il,  avec  des  cordes,  qui  se 
rompaient  toutes  les  fois  qu'il  levait  les  yeux 
au  ciel  ;  puis  on  le  pendit  par  un  pied,  la 
tête  en  bas,  et,  dans  cet  état,  il  se  trouvait 
aussi  tranquille  que  s'il  eût  été  couché  sur 
un  bon  lit.  Théodoric,  fds  du  roi,  voulait  alors 
qu'on  lui  tranchât  la  tête  ;  mais  un  prêtre 
arien  lui  conseilla  au  contraire  de  le  laisser 
vivre  et  de  l'envoyer  aux  mines,  dans  la  By- 
zacène.  Après  y  avoir  s 'journé  quelque 
temps,  on  l'envoya  aux  environs  de  Carthage 
pour  garder  des  troupeaux  de  vaches.  Peu 
de  temps  après,  il  prédit  l'heure  de  sa  mort, 
et  alla  recueillir  au  ciel  la  récompense  de 
son  courage  et  de  sa  sainteté.  »  — 23  mars. 
AKNAG,  prince  arménien,  de  la  famille 
Amadounik,  fut  l'un  de  ceux  qui  souifrirent 
volontairement  la  captivité  pour  Jésus-Christ, 
sous  le  règne  d'Hazguerd,  deuxième  du  nom, 
roi  de  Perse,  et  qui  ne  furent  remis  en  li- 
berté et  renvoyés^en  leur  pays  que  huit  ans 
après  la  mort  de  ce  prince,  sous  le  règne  de 
son  (ils,  Bérose.  (Pour  plus  de  détails,  voij. 
Pki  ces  arméniens). 

ARQUE,  village  de  Lombardie,  célèbre  par 
les  soulfrances  qu'y  endura  saint  Eleutlière 
en  confessant  sa  foi. 

ARRAKAN,  royaume  de  Tlndoustan,  vit 
en  151)7  le  martyre  du  P.  Gaspard  de  l'As- 
soin.ftion,  celui  du  frère  Simon  de  la  Piété, 
ie  Pierre  Ususinaris,  tous  trois  dominicains. 
En  159S  eut  lieu  le  martyre  du  frère  Paul,  re- 
ligieux du  même  onire.  {Voy.  Fontana,  Mo- 
naincnta  dorninicana.) 

ARRAS,  chef-lieu  du  département  du  Pas- 
de-Calais,  a  vu  le  martyre  de  la  vierge  sainte 
Situi-nine.  On  ignore  a  (juelle  éi)o>jue. 

ARSACE  fsaiiitj,  confesseur,  ayant  quitté 
la  milice  [)our  eiiihrass"r  la  vie  solitaire  du- 
rant la  |)erséi;ulion  de  Licinius,  se  riMulit 
célèbre  par  tant  de  miracles,  ({u'on  rapporte 
qu'il  chassait  les  di'nnons,  et  (jue,  par  ses 
prioccs,  il  tua  un  dragon  monstriKMix  ;  en- 
lin,  .iprès  avoir  prédit  la  ruine  de  la  ville, 
il  retidit  l'iispcit  en  priant  Dieu.  L'Iiglise  cé- 
lèbre SI  m  ;iiioii-e  le  10  août. 

ARSfiNK  isti.nl),  martyr,  étail  Egyptien  d(; 
naissance;  il  fut  mis  ii  mort  sous  \(;  règne  do 


l'empereur  Dèce  et  sous  le  gouverneur  Sa- 
binus,  à  Alexandrie,  en  250.  Amené  devant 
le  juge  avec  saint  Héron,  saint  Isidore  et  le 
jeun».  Dioscore,  pour  lors  âgé  de  15  ans,  il 
résista  avec  un  courage  admirable  aux  tour- 
ments, h  l'aide  des(iuels  on  essaya  de  l'abattre 
et  de  le  forcer  à  renoncer  Jésus-Christ.  Alors 
le  juge  le  lit  jeter  dans  le  feu  avec  ses  deux 
compagnons,  saint  Isidore  et  saint  Héron. 
L'Eglise  fait  sa  fête  le  li  décembre.  Il  est 
parfois  nommé  Ater. 

ARTAXE  (saint),  fut  brûlé  vif  à  Carthage 
sous  rem[)ire  de  Septime  Sévère.  On  trouve 
la  preuve  de  sa  mort  dans  le  récit  de  la  vision 
de  saint  Sature,  écrite  [)ar  lui-même  dans  les 
Actes  de  sainte  Perpétue  [voy.  l'article  de 
cette  sainte).  L'Llglise  fait  la  fête  de  saint 
Artaxe  le  9  janvier,  avec  celle  de  ses  com- 
pagnons. 

ARTEME  (saint),  martyr,  habitait  Borne. 
Ayant  été  converti  à  la  foi  parles  miracles  et 
les  discours  de  saint  Pierre  l'Exorciste,  et 
ayant  fait  baptiser  toute  sa  maison  par  saint 
Marcellin ,  prêtre ,  fut  déchiré  à  cou})s  de 
fouets  garnis  de  plomb,  puis  décapité  par 
l'ordre  du  juge  Sérène.  Sa  femme  Candide  et 
sa  tille  Pauline  ayant  été  jetées  dans  une 
grotte,  y  furent  accablées  de  pierres  et  de 
terre.  —  6  juin. 

ARTEME  (saint),  marlyr,  était  général  des 
troupes  en  Egypte.  Depuis  Auguste,  cette 
province  était  ainsi  commandée  par  un  che- 
valier romain,  qui  avait  le  litre  de  duc  ou 
général  d'Egypte.  Sous  Constance,  Arlème 
fut  nommé  à  ce  poste  éminent.  Après  la 
mort  de  ce  prince,  les  païens  l'ayant  accusé 
d'avoir  démoli  leurs  temples  et  brisé  leurs 
idoles,  Jul.en  le  cita  devant  lui  à  Antioche, 
et,  sur  c  tte  simple  accusaiion,  le  lit  décapi 
ter.  Sa  fête  a  lieu  le  20  octobre.  {Voy.  Théo- 
doret,  Hist.,  I.  III.) 

ARTÉMÉSIUS,  grelllerdu  tribunal  de  Dul- 
cétijs,  gouverneur  de  .Vlacédoine,  b  égeant  à 
Thessalonique,  en  '30Ï,  de  Jésus-Christ,  ac- 
cusa devant  ce  juge  les  saintes  Agape,  Irène, 
Onionie,  Casie,  Eutyquie  et  Phinppe,  ainsi 
([U  ■  saint  Agadion,  <l  être  chrétiens  et  d'a- 
voir refuséde  m  i.igerili  s  viandes  consacrées. 
(Ko//.,  pour  plus  de  détails,  les  Actes  de  sainte 
Agape  de  Thessalonique). 

ARTE.MON  (saint),  martyr,  était  piêiro  à 
Laoïlicée.  Il  y  fut  brûlé  |)Our  la  loi  de  Jé- 
sus-ChrisI,  duiaiil  la  persécut  on  de  l'empe- 
reur D  oclélien.  On  ignore  en  (lueile  année. 
L'Eglise  lait  sa  mémuire  le  8  octobre. 

ASi^ALON,  ville  de  Syrie,  est  célèbre  dans 
les  annales  des  martyrs,  par  les  soulfran- 
ces q.i'y  endura  saint  Plalonide  et  deux 
autres  saints  martyrs.  On  ignore  à  quelle 
épo(|ue. 

ASC  LAS  (saint),  marlyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi  à  Antiuoé,  ville  (rKg.ypte.  Après 
divers  touriiunns,  il  fut  précnpité  dans  la 
rivière,  où  il  rendit  son  ;\me  à  Dieu.  On 
igno.e  h  (luellt!  éj)0(iue  eut  lieu  son  glu- 
ri(;ux  niailyre.  L'Eglise  célèbre  son  immor- 
telle mémoire,  le  2'i  j;invi(!r. 

ASCI.^;PIAI)K  (sainlj,  niarlyr,  (pii  fut  mis 
h  moit  avec  s;iii,t  Pioiic,  est  l'un  des  (pi'ii/.u 


543 


AST 


ATH 


346 


jont  l'Eglise  fait  la  llHc  au  1"  février.  Il  lut 
:in(iié  avec  ce  saint  prôlre  et  sainte  Sabine. 
il  fut  le  compagnon  de  ses  soullVances,  et 
riuiitaleui-d  •  son  courage. 

Il  est  difticile  de  séparer  l'histoire  de  ce 
saint,  de  celle  de  saint  Pionc.  Aussi  nous  en- 
gageons le  lecteur  à  y  recourir.  Ce  ((u'il  y  a 
de  certain,  c'est  que  saint  Asclépiade  r<'(jut 
la  couronne  du  martyre  ;  mais  les  Actes  de 
saint  Pio'ie  ne  nons  disent  |)as  de  quelle 
manière  il  tinit  sa  vie.  Nous  n'avons  pas 
trouvé  de  sa  nt  Asclé[)iade,  compagnon  de 
saint  IVone,  ayant  une  fôte  spéciale  au  Mar- 
tyrologe. 11  faut  donc  dire  que  la  fêle  de  ce- 
lui dont  il  est  ici  question  arrive  le  niôme 
jour  que  celle  de  saint  Pione,  le  1"  février. 

ASCLÉPIADE  (saint),  martyr,  était  évo- 
que à  Aniiochc.  11  fut  du  nombre  de  ces 
illustres  martyrs  qui  soutlVirent  une  mort 
glorieuse  sous  l'empereur  Macrin.  L'Eglise 
fait  la  fête  de  ce  saint  martyr  le  18  oc- 
tobre. 

ASCLÉPIADE,  nom  d'un  juge  qui  à  An- 
tioclie,  sous  le  règne  et  durant  la  persécntion 
di'  Diodéticn,  en  303,  fit  arrêter  saint  Romain. 
{Voy.  ce  nom.) 

ASCLÉPIADE,  juge  indiqué  dans  le  Mar- 
tyrologe romain,  comme  ayant  fait  mettre 
a  mort  sonte  N'énérande.  (En  France,  sans 
indication  de  lieu  ni  de  dale.)  Voij.  l'ar- 
ticle de  sainte  Vénérande  et  aussi  saint 
Vénérand. 

ASCLÉPIODOTE  (saint),  reçut  la  glorieuse 
palme  des  combattants  de  la  foi  à  Andrino- 
ple,  sous  le  règne  de  l'enqiereur  Maximien. 
Il  eut  |Our  compagnons  ueso'i  triomphe  les 
saints  Max. me  et  Théodor-'.  L'Eglise  fait  leur 
saiiite  mémoire  le  15  septembre. 

ASCOLl,  ville  de  la  Marché'  d'Ancône,  a 
été  illnstroi*  par  le  niarlyie  Me  révoque  s/iint 
Eio  dgo,  qui  y  mourut  durant  la  peisécution 
de  l'eai^)  reur  Dioclélien. 

ASSISE,  ville  des  Etats  ecclésiastiques, 
Assisiant  cliez  ies  Latins,  Assisi  chez  les  Ita- 
liens, dépendait,  sous  Dioclétien,  du  gouver- 
neaient  d'Ombri-  et  d'Etrurie.  Ei  303,  son 
évèque,  saint  Sabin,  futari'ôié  avec  ses  deux 
diacres,  saint  Marcel  et  saint  Exu()érance. 
Ils  furent  détenus  jusqu'à  l'arrivée  de  Ve- 
nustien,  qui  était  gouverneur.  Saint  Marcel 
et  saint  Exupérance  })érirent  au  milieu  des 
sui)plices;  quant  à  saint  Sabin,  il  eut  les 
deux  mains  coupées,  et  plus  tard  Venus- 
tien  s'étant  converti  et  ayant  donné  sa  dé- 
mission, fut  conduit  à  Spolète  par  ordre  de 
Lueius,  gouverneur,  qui  succéda  à  Venus- 
tien.  [Voij.  Sabin,  Lucius,  Spolète.) 

AST,  aujourd'hui  Asti,  ville  du  Piémont, 
fut  témoin  du  martyre  de  saint  Second,  sous 
le  règne  de  l'empereur  Adrien. 

ASTÈRE  (saini),  prêtre  et  martyr,  souffrit 
du  temps  de  l'empereur  Alexandre,  sous  le 
préfet  du  prétoire  Ulpien,  dans  la  ville  d'Os- 
tie.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  21  octobre.  (Mar- 
tyrologe romain.) 

ASTÈRE  (saint),  Asturius  ou  Aster  lus  , 
sénateur  romain;  ayant  assisté  à  Césarée  en 
Palestine  au  martyre  de  saint  Marin,  soldat, 
il  étendit  son  habit  pour  envelopper  le  corps 


du  saint  martyr,  et  l'emporta  sur  ses  épau- 
les. Bientùt  après,  il  obtint  une  couronne 
pareille  à  celle  du  saint  martyr.  L'Eglise  lio- 
noie  sa^  mémoire  le  3  mars. 

ASTÉHL  (  saint  ),  martyr,  était  charpentier 
dans  la  ville  d'Edesse.  Suivant  les  Actes  de 
saint  Thalalée,  il  fut  mandé  |)arlejugeTnéo- 
dore,  pour  percer  avec  une  terrièrc  les  ta- 
lons de  ce  saint,  alin  qu'on  passût  des  cordes 
dans  les  trous,  pour  l'attacher  ou  pour  le 
suspendre.  Il  travailla  depuis  neuf  lieurc^s 
du  matin  jusqu'à  midi,  sans  pouvoir  réussir 
à  entamer  les  talons  de  Thalalée.  Le  juge 
lui  ayant  ordonné  de  recommencer,  il  vint 
quelque  tem[)S  après  lui  dire  qu'il  avait  fait 
les  trous.  Quand  on  voulut  passer  les  cordes, 
on  vit  que  saint  Aslère  avait  percé  un  soli- 
veau au  lieu  des  talons  du  saint.  Tliéodoro 
ne  croyant  pas  au  miracle  qui  avait  ainsi 
obscurci  le  regard  du  saint  charpentier,  crut 
qu'il  se  moquait  de  lui,  et  le  fit  arrêter  avec 
saint  Alexandre.  Mais  Thalalée  ayant  prié 
pour  eux,  ils  s'échappèrent  et  ne  furent 
repris  qu'après  une  course  de  deux  lieues 
et  demie,  par  les  soldats  qui  les  tuèrent  irn- 
miMiatement.  Voilà  l'étrange  narration  que 
nous  trouvons  parmi  nombre  d'autres  aux 
Actes  de  saint  Thalalée.  Somme  toute,  saint 
Astère  mourut  à  Edesse  pour  la  foi  sous 
Numérien,  par  ordre  de  Théodore,  en  com- 
pagnie de  saint  Alexandre,  de  saint  Thalalée 
et  de  plusieurs  autres.  Voilà  ce  que  nous 
savons  certainement,  et  seulenient  ce  que 
nous  osons  sérieusement  écrire  ici.  L'Eglise 
fait  la  fête  de  saint  Astère  le  20  mai. 

ASTÈRE  (saint), fut  arrêtésous  lerègnede 
l'empereur  Dioclétien,  en  l'an  285,  avec  ses 
deux  frères,  saint  Claude  et  saint  Néon,  et 
les  saintes  Domnine  et  Théonille.  Il  fut  con- 
damné par  le  proconsul  de  Cilicie,  nommé 
Lysias,  à  souffrir  d'horribles  tourmtiits  avant 
d'accomplir  son  martyre.  Il  fut  martyrisé  à 
Egie.  L'Eglise  célèbre  sa  fête  le  23  août. 
(  Voy.  Claude,  à  l'article  duquel  nous  don- 
nons ses  Actes.  ) 

ASTÉRIE  (sainte),  vierge  et  martyre,  versa 
son  sang  pour  la  foi  des  chrétiens  à  Bergame, 
durant  la  persécution  des  empereurs  Dioclé- 
tien et  Maximien.  L'Eglise  honore  sa  mé- 
moire le  10  août. 

ASTERIUS,  était  l'un  des  deux  préfets  qui 
à  Marseille,  et  en  présence  de  Maximien, 
tourmentèrent,  en  l'année  290,  saint  Victor, 
officier  de  la*  légion  Thébéenne.  Astérius  et 
l'autre préfetEutychius,  s'étant  trouvésd'avis 
différent  sur  le  choix  des  tortures  qu'il  con- 
venait de  faire  souffrir  au  saint,  le  second 
se  retira,  et  ce  fut  Astérius  qui,  resté  seul,  lit 
étendre  Victor  sur  le  chevalet,  o\x  les  bour- 
reaux le  tourmentèrent  jusqu'à  ce  qu'ils 
fussent  las. 

ASTORGA,  ville  d'Espagne  (  Léon).  Ce  fut 
dans  cette  ville  que,  sous  le  règne  de  l'em- 
pereur Dèce,  le  proconsul  Paterne  fit  mourir 
pour  la  foi  sainte  Marthe,  vierge.  On  ne  sait 
de  quel  supplice.  Ses  actes,  faits  après  coup, 
sont  ()eu  probants. 

ATHANARIC,  roi  des  Goths,  éleva  en  370 
une  violente  persécution  contre  les  chrétiens. 


547 


ATII 


ATIl 


SiS 


Il  porta  contre  eux  dos  édits  sanglants,  et  fit 
lironiHncr  uno  idole  sur  un  char  dans  tous 
les  lieux  où  il  y  avait  des  chrétiens.  Ceux 
f[ui  refusaient  de  sacrilier  étaient  mis  à  ni'irt. 
Le  su|)i)licc  ieplus  ordinaire  ([u'on  tit  endiii'er 
aux  chrétiens,  était  do  les  brûler  dans  les 
éi^lises  ou  dans  leurs  maisons.  Lesm:irtyrsles 
plus  célèbres  de  cette  persécution  soit  :  saint 
Nicétas  et  saint  Sabas.  (  Voy.  leurs  articles.  ) 
ATHANASE  (saint),  martyr,  était  évoque 
à  Tarse.  11  soulîrit  le  martyre  sous  l'empe- 
reur Valérien  avec  sainte  Anthuse,  femme  de 
qualité,  qu'il  avait  baptisée,  et  deux  dj  ses 
esclaves.  L'Eglise  honore  leur  sainte  mé- 
moire le  22  aoiU. 

ATHANASE  (saint),  que  l'Eglise  nonorc 
comme  martyr  le  3janvier,  donna  sa  vie  pour 
la  foi,  avec  saint  Zozinée  en  Gilicie.  Les  dé- 
tails de  leur  martyre  sont  restés  à  peu  près 
ignorés. 

ATHANASE  (  saint  ),  martyr,run  des  qua- 
rante martyrs  de  Sébaste,  sous  Licinius. 
Voy.  Martyrs  de  Sébaste. 

ATHANASE  (saint),  dit  le  Grand,   évêque 
d'Alexandrie  et  confesseur,  était  très-proba- 
blement   de  la   ville  d'Alexandrie  :  quand 
Constance  le  fit  revenir  d'exil,  il   dit  qu'il 
voulait  le  rendre  à  sa  patrie,  à  la  maison  pa- 
ternelle; d'un  autre  côté,  on  voit  que,  durant 
la  persécution  de  Valens,  il  fut  caché  quatre 
mois  entiers  dans  le  tombeau  de  son  père. 
Dans  un  endroit  de  ses  écrits,  ce  saint  parle 
do   Si   tante,  morte  durant  la   tyrannie  de 
Grégoire.    L'ensemble  de  ces  circonstances 
prouve  ce  que  nous  avons  dit,  qu'il  était 
d'Alexandrie.  Il  naquit  vers  21)5  ou  296  ;  il 
fat  élevé  par  les  soins  de  saint  Alexandre, 
}),ntriarche  d'Alexandrie;  il  n'étudia  les  lettres 
profanes  que  pour  ne  pas  paraître  les  igno- 
rer,  dit-il,    et  cependant   on  voit ,  [)ar   ses 
écrits,  qu'il  les  connaissait  h  fond.  Un  tel  es- 
prit ne   pouvait  pas   réussir  médiocrement 
en  quoi  que  ce  soit.  Mais  dès  sa  plus  tendre 
eafmce,  il  s'occupa  de  travailler  les  sciences 
Sicrées.  L'étude  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament  fut  l'objet  de  ses  i)lus  profondes 
méditations.  Dès  le  temps  du  concile  de  Ni- 
cée,  il  était  diacre  ;    il  fut  un  des  quatre  si- 
gnatiires   de  la  lettre   de   saint  Alexandre 
contre  Arius.  Son  évèfjue  faisait  de  lui  très- 
graiid  cas,  sous   le  rap|)ort  du  savoir  et  de 
rexcdlence  du  jugement,  .lulien  l'Anostat, 
tout  en  se  déclarant  soi  ennemi,  rend  hom- 
mage à  ses  (pjalités  éminentes.  Il  avait  uni; 
ïer.aeté  d'Ame  invincible,  une  prudence  ex- 
trême,  beaucoup  de  eondcsijendance  et  de 
boité  i)Our  autrui.  La  tolérance  et  la  charité 
sont    les     vcitus    distinctivcis    des   grandes 
âmes.  Il  [jaraît  (jue  son  extérieur  n'anno'i- 
(jail  pas  la  Ix-auté  (h;  son  àma  et  de  son  in- 
Irlligence;  il  était  de  petit!!  taille  et  dcixlé- 
lieiir  vulgaii'e.    Du  moins  ,    c'est   ainsi    que 
les  auteurs  parlent  de  lui.  Quant  à   nous, 
nous  f;royoris  (pie  quand  un  diamant  est  (îii- 
velopjjé  (le   matières   opaques,    il  y  a  ton- 
jours  qm.'lque  [Uiint  pai-  l'<piol   il  brilh;.  De 
même  la   clarté  du  gé>ii(!   illumine  toujours 
1(!  corps  le  moins  favorisé  sous   le  rapport 
de  lu  ioiiue. 


A  Nicéo,  Athanase  combattit  l'hérésie  dos 
ariens  avec  beaucoup  do  science  et  de  cou- 
rage. GiiKf  mois  aj^rès  ce  concile,  Aloxandro 
étant  mort,  en  indi(|uait  an  clergé  et  à  l'E^ 
glise  d'Alexandiie  Athanase  C'imme  son  suc- 
cesseur, celui-ci  fut  univers{'llcine->t  accepté. 
Il  était  absent  qua  k1   le  saint  évoque   mou- 
rut. Un  concile  se  tint  à  Alexandrie,  qui,  do 
concert  avec  le  peuple,  le  choisit  pour  évo- 
que de  ce  te  ville.  Les  ariens  calomnièrent 
cette  élection.  Un  des  plus  acharnés  pour  la 
décrier  fut  Eusèbe  de  Nicomédie.   A  peine 
sur  le  tr(jno  d'Alexandrie,  il  eut  à  combat- 
tre les  méléciens,  (|ui  s'unirent  contre  lui 
aux  euséhi  ns.  Eusèbe,  soi  mortel  ennemi, 
procéda  d'abord  contre  lui  avec  ruse;  il  fit 
tout  ce  qu'il   put   pour  faire   rentrer   Arius 
dans  l'Eglise  d'Alexandrie.  Arius,  analhéma- 
tisé  par  le  concile  de  Nicée,  avait  été  relégué 
dans  l'Illyrie  par   Constantin ,   qui  bientôt 
après  le  rappe'a,  s'étant  trcs-malheureuse- 
mcnt   laissé   persuader  que  cet  hérésiarque 
était   rentré  dans  la  foi  de  l'Eglise.   Ce  fut 
alors  qu'Eusèbe  de  Nicomédie  entreprit  de 
forcer  saint  Athanase  à  le  recevoir  dans  son 
Eglise,  sous  peine  de  s'en  voir  chassé   lui- 
môme.  Il  écrivit  donc  au  sa  nt  évêque,  pour 
appuyer  la  permi>sion  que  Consiantin  avait 
donnée  à  Arius  de  retournor  à  Alexandrie, 
La  lettre  était  suppliante,  mais  ceux  qui  la 
devaient   remettre   étaient  chargés  de  faire 
des  menaces.    Athanase    refusa   nettement. 
Ni  les  prières  ni  les  menaces  ne  purent  le 
décider  à  recevoir  l'héréti  |ue.  Eusèbe  alors 
lui  écrivit  une  seconde  fois  ,  et  lui  fit  écrire 
par  Constantin.  Ce  prince  disait  que  toutes 
les   querelles  seraient    ajiaisées    et  que   la 
tranquillité  rentrerait  da'is   l'Eglise,  si  on 
voulait  en  ouvrir  les  [lortes  à  ceux  qui  ne 
demandaient  qu'à  y  rentrer.  Athanase  ayant 
refusé   de  nouveau,   Constantin  lui   écrivit 
une  lettre   qu'apptn-tèront  deux  officiers  du 
palais.  Symlece  et  Gaudence,  dans  laiiuelbi 
il  disait  au  saint  évêque  que  s'il  persistait  à 
refuser  Arius,  il  enveriait  à  Alexandrie  des 
gens  [lour  le  déposer  lui-même  et   le  faircî 
sortir   de    la  ville.     Ce|)endant    Constantin 
écouta  les  repn'sentations  ([ue  lui  tit  Atha- 
nase, lequel  lui  (it  entendre  que  l'Eglise  ca- 
tholiciûe  ne  pouvait  pas  admettre  à  sa  com- 
munion un  hérétique  comun;  Arius.  Cons- 
tantin se  montra  encore  favorai)le  au  saint, 
dans  les  accus  dions  que  les  méléciens  p  >r- 
tèrent  contre  lui  devanî  l'cnuporeur.  Ils  l'ac- 
cusaient,  (!!itr(!  autres  choses,  d'avoir  exigé 
du  [)ublic  un  tribut  pour  acheter  des  vêle- 
monts  ecclésiasliijnesà  rusag(î  de  son  église, 
d'avoir  voulu  exciter  une  révolte  contr(!  le 
gouvernement    impérial.     Mais    Constantin 
condaïu-'a  les  accusateurs,  o[  renvoya  Alha- 
nas('   à  Alexandrie,   en    é(;rivant  h  ceux  do 
celte  ville   uiKî  longue  lettre   oi"!  il  s(!  mon- 
trait fort  irrité  conlr(î  ceux  (pii,  par  leurs  ac- 
cusations méchantes  et  calomni  uses,  Iron- 
blaieut  ainsi  h;  i-epos  d(»  rEgl'S(\   Les  nu'' h'-- 
ciciis  l'accusèrent  eusuil(!   d'être  entré  vio- 
lemmo'd  dans  l'église    do  révê(pm    Isquv- 
ras,  ri  d'y  avoir  ))ris  un  calice  (pi'il  avait  nus 
en  pièces  en  sortant.  Isipiyras  lui-même  ju.s- 


549 


ATII 


ATII 


550 


tilîa  compldtomont  lo  saint  de  ces  accusa- 
lions,  par  une  lettre.  Mais  la  pins  f^n-ave  des 
nccnsalions  (ju'ils  norl^rentcontre  Ini,  fut  la 
suivante  :  les  inéléeiens  lirenl  eaiiher  Tr- 
vôcpie  Arsène,  l'un  des  leurs;  on  lui  donna 
de  l'argent  pour  cela  ;  et  jVrcaph  ou  Aeliah, 
chef  de  la  secte,  accusa  saint  Athanase  de 
l'avoir  tué.  H  se  j)orta  dénonciateur.  Ils 
avaient,  dans  une  boîte,  une  main  droite  des- 
séchée, qu'ils  disaicMit  celle  d'Aisône,  et 
qu'ils  accusaient  Athanase  d'avoir  coui)ée 
pour  faire  des  opérations  magi(iaes.  Qu'on 
nous  rende,  disaient-ils,  avec  larmes,  au 
moins  le  corps  de  celui  que  nous  [)leurqns. 
Constantin,  informé  de  tout  cela,  écrivit  à 
Antioche ,  h  son  frère  Dalmace,  censeur, 
d'examiner  cette  affaire.  11  envoya  môme 
Eusèbe  et  ïheognis,  jiour  qu'Athanase  fût 
jugé  en  leur  présence.  Attianase  jugea  à 
propos  d'élucider  cette  affaire;  il  écrivit  à 
tous  les  évoques  d'Egypte,  pour  savoir  où 
était  Arsène.  Il  envoya  même  un  diacre  avec 
pleins  pouvoirs  des  magistrats,  pour  décou- 
vrir Arsène  partout  où  il  serait.  Ce  diacre, 
ayant  appris  que  ce  prétendu  mort  était  ca- 
ché dans  le  monastère  de  Ptemencyrce,  au 
territoire  de  la  ville  d'Antée,  dont  un  nommé 
Pinne  était  supérieur ,  s'y  présenta  pour 
l'y  trouver;  mais  Pinne,  préveau  de  sa  visite, 
fit  partir  Arsène  la  veille,  sur  un  vaisseau 
qui  s'en  allait  dans  la  basse  Egypte.  Le  dia- 
cre se  saisit  de  Pinne  et  d'un  (iiacre  nommé 
Elle,  qui  avait  été  spéci  dément  chargé  du 
soin  de  cacher  Arsène.  Ces  deux  hommes 
furent  présentés  au  duc  d'Egypte ,  auquel 
ils  furent  contraints  d'avouer  q  'Arsène 
était  vivant,  qu'il  avait  été  caché  chez  eux, 
et  qu'il  était  pour  lors  en  Egypte.  Paphniice, 
moine  du  couvent  de  Pinne,  écrivit  une  let- 
tre dans  laquelle  cette  confession  était  aite 
en  entier,  et  dans  laquelle,  par  conséquent, 
saint  Athanase  se  trouvait  complètement 
justifié.  Depuis,  à  Tyr  où  il  s'était  retiré, 
Arsène,  surjjris  par  les  gens  d'Archelaùs, 
gouverneur,  fut  amené  devant  Paul,  évêque 
de  la  ville,  qui  le  connaissait.  D'abord  il 
avait  essayé  de  nier  son  identité;  mais,  de- 
vant un  homme  qui  le  connaissait,  il  n'osa 
plus  soutenir  cet  impudeht  mensonge. 

Constantin,  instruit  de  ces  diverses  cir- 
constances, fit  cesser  la  poursuite  de  cette 
affaire.  11  écrivit  à  saint  Athanase  une  lettre 
dans  laquelleilluidit  que  si  ses  calomniateurs 
continuent  à  le  poursuivre,  il  se  fera  lui- 
même  leurjuge,  et  les  punira,  non  avec  la 
douceur  des  lois  de  l'Eglise,  mais  avec  toute 
la  rigueur  des  lois  civdes.  Après  cette  af- 
faire, qui  se  termina  à  la  confusion  des  uîé- 
iéciens,  Arsène  écrivit,  tant  en  son  nom 
qu'au  nom  de  beaucoup  de  méléciens  comme 
lui,  à  saint  Athanase,  pour  lui  demander  sa 
communion,  et  pour  lui  dire  que  désormais 
il  n'aurait  pas  d'autres  croyances  que  celles 
de  l'Eglise  catholique,  et  ne  reconnaîtrait  ])as 
d'autre  autorité  que  la  sienne.  Les  ariens 
avaient  la  rage  au  cœur  de  voir  échouer  tou- 
tes leurs  menées  contre  saint  Athanase , 
mais  ils  n'étaient  pas  découragés  ;  bien  au 
contraire,  ils  se  préparèrent  à  lui  porter  un 


coup  que  cette  fois  il  ne  pourrait  pas  parer, 
Eusèbe  de;  Nicomédio,   qui  était  leur  chef  à 
tous ,    surprit    tellement    l'esprit    de    l'em- 
pereur  Constantin,  qu'il   l'.iuKîna  h  entrer 
parfaitement,   sinon  dans  ses   desseins,  du 
moins    dans    leur    exécution.    La    grande 
église  de  la  Résurrection  ,    (jue  Constantin 
faisait  bAtir  à  Jérusalem,  était  en  état  d'ê- 
tre dédié(i.  Ce  prince   voulait  qu'un   nom- 
bre considérable  d'évèques  concourût  h  cette 
imposante  cérémonie.  Eusèbe  lui  persuada 
facilenuint  qu'il  fallait  que  pour  cela  la  paix 
fût  établie  dans  l'Eglise,  et  qu'il  était  conve- 
nable d'assemblei',  dans  ee  but,   un  concile 
où  la  conciliation  pût  s'élablir  sur  tous  les 
points.  Constantin,  dont  l'esprit  était  com- 
plètement au  pouvoir  des  eusébiens,  manda, 
pour  assister  à  ce  concile,  tous  les  évoques 
qu'ils  lui  désignèrent.  Il   envoya   le  comte 
Denys  poury  maintenirl'ordre. Leseusébiens 
eurent  soin  que  les  instructions  de  cet  en- 
voyé tournassent  complètement  à   l'oppres- 
sion do  leurs  ailversaires.  Constantin  recon- 
nut lui-môme  plus  tard  avoir  choisi  tous  les 
évoques  de  ce  concile  au  gré  des  eusébiens. 
L'Egypte,  la  Lybie,  l'Asie,  la  Macédoine,  la 
Pannouie,  la  Bithynie  et  les  provinces  d'O- 
rient furent  les  lieux  d'où  ces  évoques  vin- 
rent presque   tous.  Les  ariens  y  étaient  en 
majorité.   Les  deux  Eusèbe   en  étaient   les 
chefs.  Les  plus  célèbres,  après  eux,  étaient 
Narcisse  de  Néroniade  en  Cilicie  ,  Flaccille 
ou  Placille  d'Antioche,   Theognis  de  Nicée, 
Maris  de  Chalcédoine,  Théodore  d'Héraclée, 
Patrophile  de  Scythople,  Ursace  de  Singidon, 
Valens  de  Mursa  ,    Macédone  de  Mopsueste, 
George  de  Laodicée  en  Syrie,  tous  évoques 
ariens.  Parmi  les  catholiques,  il  y  avait  saint 
Maxime   de   Jérusalem ,   Marcel    d'Ancyre , 
Alexandre  de  Thessalonique.  Socrale  compte 
en  tout  soixante  évoques  dans  ce  concile,  il 
est  probable  que  cet  auteur  ne  veut  parler 
que  de  ceux  que  Constantin  avait  mandés  di- 
rectement ;    car   saint  Athanase  en   amena 
avec  lui  quarante-neuf  qui  ne  lui  firent  pas 
défaut,  et  qui  lui  auraient  constitué  la  ma- 
jorité,  si,  comme  le  dit  Socrate,   le  concile 
n'eût  été  en  tout  composé  que  de  soixante 
évoques.  Le  président  du  concile  était  Pla- 
cille d'Antioche;   mais   celui  qui  y  avait  la 
plus  grande  influence  était  ce  comte  Denys 
que  nous  avons  déjà   nommé,    et    qui   s'y 
montra  ennemi  acharné  de  saint  Atnanase. 
Plusieurs  autres  laïques  y  siégeaient,  entre 
autres  le  gouverneur  de  Palestine  et  Arche- 
laiis,  comte   d'Orient.  Les  eusébiens   don- 
naient les  ordres,  et  Denys  les  faisait  exécu- 
ter, même  violemment.  11  prenait  la  parole, 
et  opprimait  complètement  dans  la  discus- 
sion, ceux  qui  ouvraient  des  avis  qui  étaient 
justes  et  équitables.  On  amena  à  ce  concile 
saint  Macaire  chargé  de  chaînes,  pour  y  ré- 
pondre à  cette  ridicule  accusation  de  calice 
brisé  qu'on  avait  fait  porter  sur  lui  aussi 
bien  que  sur  saint   Athanase.  Ce  dernier, 
qui  voyait  la  tournure   que  prenaient   les 
choses,  refusa  d'abord  de  venir  au  concile. 
Il  craignait  d'y  voir  outrageusement  attaquée 
la  foi  de  Nicée.   Constantin,  circonvenu  par 


35! 


ATH 


ATH 


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les  Eusébions,  lui  écrivit  que  s'il  n'y  venait 
pas  librement,  ii  le  ferait  prinidre  et  l'y  fe- 
rait conduire  de  force  ;  alors  Ath  uiase  obéit. 
Il  y  vint,  comme  nous  l'avons  dit,  à  la  t^te 
de  quarante-neuf  évèques.  Ses  ennemis  eu- 
rent l'audace  de  priHendre  qu'il  s'était  fait 
ainsi  accompa.;ner ,  pour  occasionner  du 
trouble  dans  l'assemblée.  On  ouvrit  le  con- 
cile par  la  li'cture  de  la  lettre  que  Constan- 
tin avait  écrite  au  saint  évèque  ;  lettre  (|ui 
marqua  l  partaitement  que  ce  prince  était 
sous  la  domination  des  ensébiens.  Ces  der- 
niers convoquèrent  des  évèques  de  la  secte 
des  méléciens  qui  se  portaient  accusateurs 
(JAthanase.  Là,  on  renouvela  les  caloiîinies 
dont,  à  diverses  reprises,  le  saint  s'était  vic- 
torieusement lavé.  On  parla  du  calice  rompu, 
d'un  siège  épiscopal  renveisé;  on  eut  l'au- 
dace de  remettre  sur  le  tapis  le  meurtre  pré- 
tendu d'Aisène.  De  plus,  on  accusa  saint 
Athanase  d'avoir  illégalement  fait  mettre  en 
prison  l'un  de  ses  accusateurs  au  concile, 
un  nommé  Isquyrion.  On  l'accusa  d'avoir  dé- 
posé Calliriique,  évôiiue  catholique  de  Pe- 
luse,  sans  autre  motif  qne  celui-ci  :  Cei  évo- 
que, prétendait-on,  s'était  attiré  la  colère 
J'Atbanase,  en  refusant  de  communiquer 
avec  lui ,  jusqu'à  ce  qu'il  se  fût  disculpé 
Jans  l'alfaire  du  calice  rompu.  Cinq  évoques 
méléciens ,  Euplus ,  Pacôme  de  Tentyre  , 
Isaac  de  Lete,  Achille  de  Cuses,  Hermée  de 
Cyne,  dans  la  seconde  Egypte,  l'accusaient 
de  les  avoir  battus.  De  plus,  on  l'accusait 
encore  d'avoir  fait  jeter  en  prison  ceux  qui 
ne  voulaient  pas  communiquer  avec  lui  ; 
d'avoir,  durant  la  fôte  de  Pâques,  accompa- 
gné de  généraux  et  de  comtes,  fait  battre 
cruellement,  traîner  en  prison,  tourmenter 
par  divers  supplices  ceux  qui  refusaient 
d'entrer  en  comm  nion  avec  lui.  11  est  vrai 
(}ue  saint  At'ianase  avait  fait  tout  ce  (ju'il 
avait  pu  pour  em[)êchor  les  méléciens  de  se 
séi)arer  de  l'Eglise,  mais  sans  sortir  jamais 
des  voies  de  modération  et  de  justice  que 
son  caractère  sacré,  sa  piété  lui  comman- 
daient de  suivre.  Dès  le  couunencement  du 
concile,  sans  aucun  égard  pour  la  dignité 
du  siège  (|u'occupait  saint  Athanase,  on  le 
traita  comme  un  accusé  vulgaire,  le  faisant 
lester  dei)Out  tandis  que  ses  accusateurs  et 
Eusèbe  de  Césarée  entre  autres  étaient  as- 
sis, l'otamon,  évèque  d'Héraclée,  en  fut  Id- 
Jcmeiil  indigné,  (ju'il  l\^t  put  se  contenir.  Il 
s'écria  :  Counnenl,  Eusèbe  !  vous  êtes  assis, 
et  Athanase,  tout  innocent  qu'il  est,  de- 
meure debfjiil,  j)0ur  être  jugé  i)ar  vous? 
nui  j)eut  soullVir  une  clio-^e  si  indigne?  Et 
dites-moi  un  peu,  n'étions-nous  pas  ensem- 
ble en  prison  durant  la  persécution?  Pour 
moi,  j'y  perdis  un  o;il  pour  la  vérité;  mais 
vous,  il  ne  semble  pas  (|ue  vous  y  ayez  perdu 
aucun  de  vos  membres  ;  on  ne  voit  aucune 
maniuecjue  vous  ayez  ri<'n  enduré  pour  Jé- 
sus-Christ; mais  vous  voilà  ici  pl(;in  (h;  vie, 
et  avec  toutes  les  parties  de  vfjtre  cor()S  , 
bien  saines  et  bien  entières.  Commc'nt  avez- 
voiis  i)u  sortir  cri  cet  état  de  la  pris  n,  si  c(! 
n'«;sl  (jue  vous  ayez  promis  de  coiiiiiKîltri!  le 
criine  auquel  les  (iiiteui's  de   la  persécnliou 


nous  voulaient  contraindre,  ou  parce  (jue 
vous  l'aviez  déjà  commis?  Eusèbe  s'emporta 
de  colère  et  rfjinpit  la  séance  en  prononçant 
ces  paroles  :  Si  vous  venez  ici  faire  les*  ty- 
rans, il  faut  que  vous  en  fassiez  bien  d'au- 
tres en  votre  pays. 

Ce  récit  est  de  saint  Epiphane.  Cela  n'era- 
pôcha  pas  les  ousébicns  de  poursuivre  le 
jugement  de  saint  Aihan.tse.  Les  évècpies 
d'Egypte  eurent  beau  récuser  une  p.irtie  des 
juges,  par  la  bouche  de  saint  Athanase,  (  t 
nommément  les  ueux  Eusèbe,  N  rcisse,  Pla- 
cille,  Theognis ,  Maris,  Théodore,  Palro- 
phile,  Théophile,  Macédone,  Ursace  et  V'.i- 
lens,  rien  n'arrêta  cet  étrange  concile.  Les 
mômes  évèques  eurent  b  au  remontrer  (juc 
George  de  Laodicée  avait  été  déposé  par 
s.iint  Alexandre,  on  n'en  persista  pas  moins 
à  le  laisser  au  nombre  des  juges.  Saint  Atha- 
nase commença  à  concevoir  de  l'inquiétude, 
quand  il  vit  que  toujours  on  accordait  l'im- 
punité aux  témoins  dont  il  i-éussissait  à  dé- 
monirer  l'imposture.  D'un  autre  coté,  sa  dé- 
fense était  singulièrement  entravée.  On 
intimdait  ses  défenseurs  par  des  violen- 
ces, par  des  injures.  Les  méléciens  étaient 
l'objet  d'une  protection  toute  particul  ère. 
La  principale  aifaire  qui  fut  agitée  dans 
ce  concile  fut  celle  d'isquyras  ou  du  ca- 
lice brisé.  Nous  la  mettions  la  dernière, 
pour  suivre  saint  Athanase.  On  l'accusa 
aussi  de  deux  autres  choses  ;  d'abord  d'a- 
voir tué  Ai'sène ,  ensuite  d'avoir  violé 
une  vierge.  Celte  dernière  accusation  fut 
examinée  avant  l'autre.  On  fit  paraître  une 
malheureuse  prostituée,  qui  vint  dire  qu'ayant 
logé  chez  elle  Athanase,  il  l'av.dt  violée  mal- 
gré toutes  ses  résistances  ;  elle  qui  avait 
voué  sa  virginité  au  Seigneur.  Athanase, 
prévenu  de  celte  accusaiion  ,  se  conc  rla 
avec  un  de  ses  prêtres  nommé  Timothée, 
pour  qu'il  prît  la  parole  sur  cette  accusation. 
Quant  à  lui,  il  se  lut  comme  s'il  eût  été  com- 
plé  ement  étranger  à  cette  atfaire.  Quand 
donc  cette  femme  eut  fait  sa  déposition,  Ti- 
mothée, se  levant,  lui  dit  :  Ainsi  donc  vous 
prétendez  que  c'est  moi  qui  ai  attenté  à  vo- 
tre pudeur?  Oui,  dit-elle  en  étendant  'a 
main  vers  Timothée,  je  vous  reconnais, 
c'est  bien  vous  qui  m'avez  violée  en  tel 
temps,  en  tel  lieu  ;  elle  broda  loules  l'S  cir- 
constances de  cette  h  stoire  avec  toutii  l'im- 
pudence qu'on  pouvait  attendre  d'une  femme 
de  cette  soi  te.  On  était  loin  de  s'attendre  à 
un  tel  résullat.  Aussi  le  concile  slupélait 
était  partagé,  les  gens  équitables  entre  l'iii- 
dignalioii  et  l'envie  de  iire  d'une  si  déplo- 
rable déconfiture  des  accusateurs,  les  com- 
plices de  cette  malheureuse  entre  la  houle 
et  la  rag(!  de  se  voir  ainsi  bafoués.  Comme 
ces  derniers  se  trouvaient  en  nomb  e,  Is  ikî 
voului-ent  j  as  (ju'on  riiiteirogeAl  d.ivaiilage, 
et  malgré  les  inslan(;e.s  de  saint  Athanase, 
qui  voulait  savoir  «piels  étaient  les  auteurs 
de  c(îlte  indgnité,  ils  la  firent  sortir  du 
concile.  Le  fait  est  qu'on  la  laissa  aller  sans 
lui  inlliger  aucune  |)eiiie  pour  son  faux  té- 
moignage, sans  vouloir  découvrir  quels 
étaient  ses  complices. 


555 


ATH 


ATH 


5S4 


Pour  ce  qui  est  do  l'autre  accusation,  re- 
lative ?i  la  mort  d'Arsônc,  elle  fut  ronvo  sée 
dune  tarou  uou  n^oiiis  victorieuse.  Nous 
avou"^  déjli  eu  occasion  de  dire  que,  durant 
rinslructioii  ordonnée  par  Constantin,  on 
avait  découvert  Arséue  vivant,  et  que,  de- 
va-il  les  magistrats,  il  avait  été  obligé  de  s'a- 
vouer l'instiument  de  la  miséral)le  fraude  à 
laciueile  on  .e  faisait  servir.  Le  fait  est  qu'Ar- 
sène, qui,  connue  on  sait,  était  revenu  h  la 
comnuniion  de  saint  Atlianase,  n'avait  |)as 
paru  au  concile  de  Tyr,  soit  que  saint  Atlia- 
nase l'eût  l'ait  cacher  pour  confondre  ses  ca- 
louuiiateurs,  soit  que  ceux-ci  l'eussent  eux- 
mèuies  iiétenu,  pour  le  succès  de  leur  ca- 
lomnie. Le  fait  est  qu'Arsène,  instruit  de 
ce  qui  se  passait,  trouva  le  moyen  de  partir 
pour  Tyr,  et  y  ariiva  la  veille  du  jour  où  on 
allait  juger  le  saint,  à  propos  de  son  pré- 
tendu assassinat.  11  se  présenta  à  Atlianase, 
qui  le  fit  cacher  chez  lui  pour  confondre  ses 
accusateurs. 

L  allaire  de  la  courtisane  venait  de  se  ter- 
miner à  la  confusion  des  ennemis  d'Atha- 
nase.  Us  se  mirent  à  vociférer  qu'il  y  avait 
des  crimes  beaucoup  plus  graves  que  celui- 
là,  desquels  on  ne  pourrait  se  justitier  par 
subtilité  ou  artifice;  qu'd  ne  fallait  qu'ouvrir 
les  yeux  pour  demeurer  convaincu  de  leur 
réalité.  Alors,  ouvrant  la  fameuse  boîte  qui 
contenait  la  main  desséchée,  qu'on  préten- 
dait appartenir  à  Arsène  :  Voilà,  dirent-ils, 
qui  vous  accuse  péremptoii-ement.  Cette 
main  de  votre  victime,  de  l'évèque  Arsène, 
nierez-vous,  Athan  se,  que  ce  soit  vous  qui 
l'ayez  coujiée?  Déclarez-nous  comment  et 
pourquoi  vous  l'avez  fait.  A  ce  spectacle, 
tout  le  monde  jeta  un  g'aml  cri,  tant  ceux 
qui  croyaient  que  ce  crime  était  véritable  que 
ceux  qui  en  savaient  la  fausseté.  On  eut 
grande  peine  à  apaiser  le  tumulte.  Alors 
Atlianase  se  leva  et  demanda  si  quelqu'un 
de  la  compagnie  avait  connu  Arsène,  pour 
juger  si  c'était  bien  là  sa  main.  Plusieurs  se 
levèrent  et  dirent  qu'ils  l'avaient  parfaite- 
ment connu.  Alors  le  saint  demanda  à  faire 
entrer  quelqu'un  de  ses  gens  ,  à  qui  il  avait 
affaire,  et  envoya  chercher  Arsène.  On  le 
fit  entrer  les  deux  mains  cachées  sous  son 
manteau.  Alhanase  demanda  aux  assistants 
si  c'était  bien  là  cet  Arsène  qu'on  préten- 
dait mort.  Ceux  qui  avaient  dit  le  connaître 
furent  obligés  d'avouer  que  c'était  bien  lui. 
L'etfel  produit  par  cet  incident  fut  prodi- 
gieux dans  l'assemblée.  Quelques-uns  s'i- 
maginaient encore  que,  sans  le  tuer,  on  lui 
avait  peut-être  coufié  la  main.  Saint  Atha- 
nase  lui  Ut  successivement  tirer  ses  deux 
mains  de  dessous  son  manteau,  et  s'adres- 
sant  au  concile  :  «  Voilà,  dit-il,  Arsène  avec 
ses  deux  mains  ;  Dieu  ne  nous  en  a  pas 
donné  uavantage,  et  ainsi  je  ne  crois  pas 
que  personne  en  demande  une  troisième. 
Néanmoins,  je  laisse  à  mes  accusateurs  à 
chercher  en  quel  endroit  elle  pourrait  être 
placée,  sinon,  c'est  à  vous  à  examiner  d'où 
vient  celle  qu'on  vous  a  fait  voir  ici ,  et  à 
punir  ceux  qui  l'ont  coupée,  si  crime  il  y  a 
eu  à  le  faire.  »  La  présence  d'Arsène  porta 


un  coup  épouvantable  aux  ennemis  d'Atha- 
nase.  Pendant  (piehpie  temps,  la  confusion 
fut  horrible  ;  mais  enlin,  la  rage  prenant  le 
dessus  sur  la  hont(^  ils  se  mir>  nt  à  crier 
qu'il  était  magicien,  et  que  [lar  ses  arlilices 
il  parvenait  à  tromper  les  yeux  et  à  fai  e 
voir  ce  qui  n'était  pas.  Ils  se  jetèrent  sur 
lui,  et  sans  l'intervention  des  ollieiers  de 
l'empereur  qui  l'arrachèrent  de  leurs  inaiiis 
furieuses,  ils  le  mettaient  en  pièces. 

Vint  ensuite  l'allaire  du  calice  d'Isquyras. 
On  envoya  dans  la  Maréote  des  commissai- 
res chargés  d'informer  dans  ce  point  de  l'ac- 
cusation. Les  commissai'es  nommés  furent 
justement  ceux  qu'Athanase  avait  récusés 
comme  juges. 

Ceqa'il  y  a  d'affreux  dans  cette  accusation, 
c'est  de  voir  Isquyras  venir  la  soutenir  de- 
vant le  concile,  après  en  avoir  lui-môme  dis- 
culpé saint  Athanaso ,  lors  de  l'instruction 
que  Constantin  avait  ordonné  de  faire  quel- 
que temps  auparavant.  Athanase  soi  tint 
qu'Isquyras  n'était  |)as  prêtre,  et  c'était  la 
vérité  ;  il  le  prouvait ,  mais  le  concile  ne 
voulut  rien  entendre.  Isquyras  n'ayant  rien 
pu  établir  contre  saint  Athanase  et  contre 
Macaire,  il  fut  donc  décidé  qu'on  enverrait 
des  commissaires  dans  la  Maréote.  Les  com- 
missaires nommés  furent  Théognis,  Maris  , 
Macédone,  Théodore,  Ursace  et  Valens.  Le 
concile  de  Sardique  appelle  ces  commissai- 
res des  jeunes  gens  les  plus  méchants  et  les 
plus  perdus  de  mœurs  du  monde,  indignes 
d'aucun  degré  dans  l'Eglise.  La  fourberie 
paraît  dans  toute  cette  atîaire.  Quatre  jours 
avant  leur  nomination,  ils  avaient  envoyé 
dans  diderenles  contrées  pour  que  des  ariens 
et  des  méléciens  se  rendissent  dans  la  Ma- 
réote, où  il  n'y  avait  personne  de  leur  com- 
munion pour  y  servir  de  témoins.  Les  évo- 
ques d'Egypte  s'opposèrent  inutilement  à  la 
nomination  des  commissaires  ;  inutilement, 
ils  en  écrivirent  à  l'empereur.  D'abord  les 
commissaires  passèrent  à  Alexandrie,  où  ils 
prirent  pour  les  assister  le  préfet  Philagre  , 
païen  et  apostat.  Ils  avaient  avec  eux  Isquy- 
ras qu'ils  hébergeaient.  Ils  partirent  pour  la 
Maréote,  et  ce  fut  dans  la  maison  de  l'accu- 
sateur qu'ils  allèrent  s'installer.  Les  prêtres 
de  la  contrée  demandèrent  à  assister  à  leurs 
délibérations,  et  cela  avec  justice,  disant 
que,  puisque  ni  Macaire,  ni  leur  évêque  n'é- 
taient présents  pour  débattre  leurs  intérêts  , 
il  était  juste  qu'au  moins  quelqu'un  le  fît; 
mais  ces  commisaires  d'iniquité  ne  voulu- 
rent rien  entendre,  et  tout  se  passa  entre 
eux,  les  accusateurs  et  Philagre.  On  chassa 
même  ces  prêtres,  en  leur  disant  des  inju- 
res. Au  nombie  des  témoins  admis  contre 
saint  Athanase,  par  les  commissaires ,  il  y 
avait  de  simples  catéchumènes,  des  païens  et 
des  Juifs.  On  ne  les  interrogeait  pas  pour 
les  faire  parler  sur  les  ventés  augustes  delà 
religion,  sur  les  mystères  saints  qu'on  pré- 
tendait avoir  été  outragés  par  Athanase,  mais 
bien  pour  leur  faire  débiter  les  mei  songes 
infâmes  qu'on  leur  suggérait.  Loin  d'éiai>lir 
le  crime  prétendu,  les  témoignages  par  leur 
incohérence,  par  leurs  oppositions,  ne  ser- 


SS3 


ATII 


ATH 


5o6 


virent  qu'à  montrer  évideramont  Tiiii;  os- 
ture.  Aussi  les  commissaires  uo  voulurent 
jamais  publier  les  actes  de  la  pmcéilure. 

Les  ecclésiastiques  d'Alexandrie  al  île  la 
Mcuéote  ne  se  contentùrent  pas  des  ellbi-ts 
qu'ils  avaient  faits  pour  assister  à  cette  pro- 
cédure. Voyant  qu'un  leuiret'u-ait  d'y  pio.n- 
dre  I  art,  ils  protestèrent  de  diverses  m;inié- 
res  pour  en  démonirer  ^inju^lice,  et  pour 
servir  de  témoignage  à  la  vérité,  si  on  ve- 
nait à  traiter  un  jour  cette  alïaire  dans 
uu  véritable  concile.  Saint  Athanase  nous  a 
conservé  plusieuis  de  ces  protesiations.  A 
leur  retour  à  Alexandrie  ,  les  conmiissaires 
firent  commettre  contre  les  callioliqaes  tou- 
tes sortes  d'iiorreurs.  Dans  la  mai>on  môme 
oii  ils  logeaient,  leui'S  partisans,  assistés  des 
gens  du  gouverneur  et  des  païens  ,  amenè- 
rent des  vierges  ,  les  frap[)èrent  de  manière 
à  en  estropier  (juelques-unes,  les  outragè- 
rent de  mille  façons,  les  mettant  toutes  nues, 
et  commettant  sur  elles  tous  les  excès  de 
l'impudicité;  on  les  frappait  à  coups  d'épées, 
à  coups  de  fouets.  Les  commissaires  pre- 
naient [ilaisir  à  voir  commettre  toutes  ces 
abomina'ions  :  leur  cruauté  et  leur  lubricité 
y  trouvaient  leur  comjite.  Du  reste,  une  re- 
marque que  nous  avons  été  mis  à  môme  de 
faire  souvent,  c'est  que  quand  certains  hom- 
mes ne  peuvent  pas  satisfaire  leurs  désirs 
sur  des  femmes  douées  des  beautés  de  la 
forme,  ils  aiment  à  voir  des  nudités  et  à  faire 
torturer  devant  eux  ces  corps  qu'ils  conv^oi- 
lent;  ils  éprouvent  une  sorte  de  délices  en 
voyant  les  convulsions  et  les  soubresauts, 
les  souffrances  de  ces  corps  que  leurs  yeux 
admirent.  Cette  remarque  que  nous  avons 
faite  est  justifiée  par  tout  ce  que  nous  avons 
vu  dans  l'histoire  et  par  tout  ce  que  nous 
savons  de  certaines  dépravations  que  nous 
ne  pouvons  marquer  ici.  Quand  les  députés 
revinrent  à  Tyr ,  ils  y  trouvèrent  un  clian- 
gemenl  au  juel  ils  ne  s  attendaient  pas.  Atha- 
nase, qui  voyait  qu'il  y  avait  parti  pris  de  le 
condamner,  sans  avoir  aucinunuent  égard  à 
sa  défense  et  à  la  vérité,  qui  voyait  môme  sa 
vie  exposée  s'il  res:ait  davantage  en  butte  à 
la  co  èio  <Jes  calomniateurs  et  des  ennemis 
qu  il  avait  d.ms  le  "concile,  avait  jugé  à  pro- 
pos de  décliner  la  compétence  du  concile  en 
cessant  d'y  paraître.  11  était  donc  parti  nui- 
tamment pour  se  rendri-  à  Constantino|)le  , 
aiii  de  s'y  présenter  à  Cons:antin,  et  de  tâ- 
cher ainsi  d'obtenir  justice.  La  tyrannie  ([ue 
le  comte  De-iys  exerçait  dans  le  concile  , 
jointe  h  la  mauvaise  volonté  des  eusébiens  , 
ne  lui  jjcrmettait  pas  de  s'y  défendre.  Après 
son  départ ,  les  eusébiens  le  condamnèrent 
par  iléfaut.  Puis  quand  les  commissaires  de 
la  Maréote  fuient  revenus,  ils  le  déposèrent 
de  son  siège,  avec  défense  de.  résider  da- 
vantage dans  Alexandrie.  A  ssitôt  ils  le  man- 
dercMit  à  (^onstuitin.  Ils  écrivirent  à  tous  his 
évè([ues  de  ri'^glisi;  de  ne  plus  l'admettre 
dans  leur  communion,  dentiplus  lui  écrire, 
et  de  ne  nlus  re<;evoir  ses  lettres.  Ils  assu- 
raient (ju  il  avait  été  convaincu  d'une  partie 
dr-.s  choses  dont  il  avait  été  accusé.  Les  pnn- 
Cii^aux  griefs  qu'ih  articulaient  étai.  jjI  :  iju'il 


était  venu  accompagné  d'une  escorte  au  con- 
cile, iioury  établir  le  trouble  et  le  désor.-re. 
Puis  ,  ei  ("iutre  dos  différentes  accusations 
<|u'o  1  avait  fait  planer  sur  loi,  (ju'il  avait  pris 
la  luit',  et  justifié  ain>i  tacitement  tout  ce 
qu'.n  lui  r  [)rocliait.  Athanase  vint  donc  à 
Constantinople,  et  demanda  justice  à  Cons- 
tantin ;  mais  ce  prince  était  tellement  pré- 
venu qu'il  ne  vouh.t  pas  l'écouter.  Ce  saint 
évoque  allajusqu'à  le  menacer  de  la  colère 
de  Dieu  ,  qui  jugerait,  lui  dit-il,  sa  cause,  et 
le  punirait  de  sou  déni  de  justice.  Rien  ne 
réussissait  à  toucher  ce  prince  aveuglé.  Atha- 
nase loucha  une  corde  sensible  chez  cet  em- 
])ereur  :  il  lui  dit  de  faire  venir  ceux  qui 
l'avaieit  jugé  ,  et  qu'en  sa  présence,  il  leur 
reprocherait  leur  conduite.  On  sait  combien 
Constantin  aimait  à  se  mêler  des  affaires  de 
l'Eglise  :  il  accepta  avec  empressement  de  se 
faire  juge  entre  le  concile  et  Athanase.  Il 
écrivit  donc  à  tous  ceux  qui  avaient  com- 
posé le  concile  de  venir  immédiatement  près 
de  lui.  Mais  les  meneurs  empêcheront  les 
évoques  de  s'y  rendre,  et  vinrent  eux  seuls 
à  l'invitation  du  prince.  On  pourrait  trou- 
ver extraordinaire  l'abstention  des  évêques 
d'Egypte,  de  ceux  qui  avaient  pris  le  parti 
d'Aihanase;  mais  il  est  certain  que  Cons- 
tantin n'écrivit  qu'à  ceux  qu'il  avait  invités 
lui-même  à  faire  partie  du  concile  ,  consi- 
dérant que  les  autres  n'y  avaient  assisté 
qu'indûment,  ne  sachant  peut-être  pas  mê- 
me qu'ils  y  eussent  assisté.  Ceux  donc  qui 
vinrent  tiouver  l'empereur  furent  les  deux 
Eusèbe,  Théognis,  Patro[)hile,  Ursace  et  Va- 
lons; Socrate  ajoute  Maris  de  Chalcédoine. 
Quand  ils  furent  arrivés  à  Conslantinople  , 
ils  virent  bi-en  qu'ils  seraient  facilement  con- 
vaincus de  fraude  et  de  mensonge  s'ils  per- 
sistaient dans  leurs  premières  accusations  ; 
aussi  no  parlèrent-ils  plus  ni  de  calice,  ni 
d'autel,  ni  d'Arsène.  Ils  inventèrent  qu'Atha- 
nase  avait  comploté  d'empêcher  les  blés 
d'Egypte  d'arriver  à  Constantinople.  Lh  n'é- 
tait pas  la  question.  Constantin  ,  s'il  eût  été 
sage,  eût  dû  examiner  d'abord  et  simple- 
ment ce  qui  avait  motivé  la  décision  du  con- 
cile, quitte  à  s'occuper  après  de  cette  accu- 
sation purement  civile  ou  politique.  11  n'en 
fut  rien.  Il  était  tellement  à  la  discrétion 
morale  dos  accusateurs,  que  sitôt  qu'ils  eu- 
rent formulé  cette  accusation,  il  entra  dans 
une  violente  colère  ,  et  ne  voulut  plus  rien 
écouter  en  faveur  du  saint.  Mais  s'entlam- 
mant  de  plus  eu  plus,  il  ouviit  alors  l'oreille 
à  toutes  fes  accusations  qu'on  porta  contre 
lui,  et  |)arles(juelles  on  n'avait  pas  osé  com- 
mencer. Les  eusébiens  triomphèrent.  Cons- 
tantin bannit  le  saint  évècpie  dans  les  Cau- 
h  s  ,  dans  la  ville  de  Trêves.  Cet  événe- 
ment eut  li(Hi  dans  In  trentième  année  diî 
so'i  règne,  lin  de  335,  ou  commencement 
de  :m. 

Ici  nous  trouvons  dans  les  auteurs,  dans 
sai'it  Athanase  lui-même  ,  une  explication 
<pje  ukus  ne  pouvons  jias  admettre.  On  pi'é- 
tendqui!  s.  Constantin  bannit  saint  Athanasi», 
(•  était  une  laveur  (ju'il  lui  acuordail,  et  (pi'il 
h;  traitait  ainsi  pour  l'ariai-lier  ii  la  rage  do 


5r)7  AÏH 

ses  ennemis.  Ouc  saint  Alhannse  ait  dit  cela 
dans  la  g(^iiér()sit(5  de  sa  charité  ehr('li(Mino  , 
nous  le  conecvo'is  ,  pourvu  (ju'il  ail  voulu 
(lire  (|ue  ce  fut  lit  le  but  qu'attri-^iit  la  c^ui- 
<liiile  de  Constantin  ;  mais  nous  ne  pouvons 
admettre  (pio  telle  ait  élé  l'inteidio-i  de  ce 
})rince.  S'il  eût  vu  la  vérité,  il  était  as;>oz 
puisant  pour  ne  pas  se  laisser  o|)pi'im('r  par 
les  cusébic.ns.  Onehjm^  tem|)s  auparavant  il 
avait  rendu  justice  à  Atlianase,  et  nialj^rc  les 
ellorts  de  ses  ennemis  ,  il  leur  avait  refusé 
r;t|)pui  de  sa  puissance  pour  le  perdre.  D'un 
autre  côté,  comment  concilier  cela  ave(;  le 
refus  que  ce  prince  tit  d'écouter  Atlianase  , 
do  prendi  e  en  considération  sa  défense,  et, 
surtout ,  avec  la  colère  si  inhéi-ente  qu'il 
montra  contre  lui  à  pro|)os  {\o.  cf^tte  accusa- 
tion absurde  concernant  les  blés?  Les  eusé- 
biens  ,  })0ur  (ritimplicr  entièrement,  auraient 
voulu  faire  donner  un  successeur  à  saint 
Atlianase;  mais  Constantin  s'y  refusa  obsti- 
nément. Il  leur  défendit  avec  menaces  de 
me  Ire  personne  sur  le  siège  d'Alexandiie. 
Kien  que  cette  circonstance  vient  appuyer 
entièrement  ce  que  nous  disions  quel  jîies 
li  nés  plus  haut,  à  propos  de  la  |,ossibilité 
dans  laquelle  était  Constantin  de  résister,  s'il 
l'eût  voulu,  cl  toutes  les  entreprises  des  eu- 
sébiens  contre  saint  Athanase. 

0  and  l'illustre  exilé  fut  arrivé  dans  les 
Gai.les,  le  jeune  Constantin  Je  recula  Trê- 
ves avec  inlinimeit  de  faveiir  et  oe  distinc- 
tion. On  aurait  di^  qu'il  f)rcnait  à  tâche  de 
réparer  la  conduite  de  son  pèr'  envers  le 
saint  confesseur  :  il  lui  faisait  fournir  avec 
abondance  ,  et  surloit  avec  toutes  les  pré- 
ven.iuces  qu'inspire  la  plus  généreuse  déli- 
catesse ,  tout  ce  qui  était  nécessaire  à  ses 
besoins.  Saint  Maxiinin,  évoque  de  Trêves  , 
ne  le  céda  en  rien  à  Constantin  le  Jeune  pour 
la  manière  dont  il  reçi.t  Athanase,  qui  eut 
aussi  la  con-olalion  d'apprendre  dans  son 
exil,  que  sonEglised'Alexandrie  avait  résisté 
courageusement  aux  tentatives  d'Arius,  et 
avait  absolument  refusé  de  le  recevoir  dans 
sa  communion.  Le  peuple  d'Alexandrie  de- 
mandait incessamment  à  l'emperL-ur  le  re- 
tour de  son  vénérable  évoque.  Le  grand  saint 
Antoine  lui  écrivit  aussi  dans  le  même  but. 
Mais  rien  ne  put  persuader  Constantin,  qui 
écrivit  au  peuple  d'Alexandrie  ,  le  traitant 
de  fou  et  de  i)rouillon.  11  dit  aux  ecclésiasti- 
ques et  aux  vierges  sacrées  de  demeurer  ea 
reiios,  qu'il  ne  peut  pas  changer  de  senti- 
ment à  l'égard  d'Athaiiase ,  qu'il  traite  de 
séditieux,  et  qu'il  dit  condamné  justement 
par  le  jugement  d'un  concile.  Encore  une 
fois,  Constantin  n'avait  pas  eu  l'intention  de 
bien  traiter  Athanase  et  de  lui  être  favora- 
ble ;  une  telle  prétention  ne  se  soutient  pas. 
Nous  sommes  étonné  en  tout  ceci  de  voir 
dans  quelles  contradictions  flagrantes  et  ab- 
surdes tombent  parfois  les  historiens,  même 
les  plus  recommandables.  Saint  Athanase 
resta  donc  patiemment  à  Trêves,  attendant 
le  jour  de  la  justice  ,  et  environné  de  res- 
pect et  d'honneurs,  tant  par  Constantin  le 
Jeune  que  par  Vèvèque  Maxiinin.  Aujour- 
d'hui la  tiadilion  de  la  ville  de  Trêves  est 


AtH 


S58 


que  saint  Athanase  passa  sept  ans  caclié 
dans  un  puits,  qu'on  montre  encore  aux  vi- 
siteurs dans  rabbay(îd(!  saint  Maximin. 

Ainsi  donc  ce  saint,  si  vénérable  par  sa 
sainteté,  si  grand  nar  son  courage,  qui  par 
ses  prières  et  avec  la  grAce  de  Dieu  avait  dis- 
sipé tant  (le  fois  les  cabales  des  hérétiques, 
montré  la  fausseté  des  accusations  odieuses 
dont  ils  le  chargeaient,  se  soumit  sans  au- 
cune hésilalion  à  l'arrêt  du  [irince,  qui  le 
condamnait  à  l'exil  dans  un  [lays  étranger. 
C'est  bien  \h  h;  vrai  serviteur  de  Dieu,  fai- 
sant son  devoir,  et  no  murmurant  pas  contre 
l'injustice  des  hommes,  qui  le  punissant 
])arce  qu'il  l'a  fait.  Mais  Dieu  relève  ceux 
qui  sont  abaissés  pour  son  nom;  et  les  tri- 
bulations de  SOS  serviteurs  servent  au  triom- 
])he  de  la  foi,  dont  ils  sont  les  défenseurs. 
Plus  les  langues  insolentes  et  menteuses  des 
ennemis  d'Athanase  s'efforcent  de  le  noircir, 
plus  éclatent  la  patience  admirable  et  les 
autres  vertus  du  saint.  Son  innocence  se 
montre  jusque  dans  cette  humilité  sublime 
avec  laquelle  il  accepte  l'injuste  sentence  qui 
le  condamne.  Admirables  desseins  de  Dieul 
C'est-la  p>'rsécution  qui  fait  qu'Athanase  re- 
çoit la  glorieuse  couronne  du  martyre,  qu'il 
soutient  et  fait  prévaloir  contre  tant  d'héréti- 
ques et  de  puissants,  le  dogme  de  la  consub- 
stantialilé.  C'est  grâce  à  ces  combats  qu'on 
lui  livre,  qu'il  reste  vainqueur  de  la  doctrine 
dArius,  qu'il  empêche  la  foi  catholique  de 
succomber  en  Orient,  et  qu'il  rend  [si  illus- 
tre le  trône  épiscopal  d'Alexandrie.  Aussi, 
quand  le  pape  Célestin  parle  de  lui,  {Conc. 
gêner,  editionis  Binianse,  t.  I,  p.  li>4,  2)  et 
de  ses  soutfrances,  il  le  donne  comme  un 
homme  viaiment  apostolique ,  et  le  cite 
comme  un  exemple  propie  à  encourager,  à 
consoler  tous  les  amis  de  la  vérité.  Le  saint 
pape  ajoute  que  saint  Athanase  eut  à  souf- 
frir la  jirison  :  cela  est  contre  l'histoire,  si 
l'on  s'en  rapporte  à  la  parole  textuelle  du  ré- 
cit. 11  faut  l'interpréter  :  saint  Athanase  soui- 
friL  le  bannissement.  Or,  encore  aujourd'hui, 
nous  (iisons  d'un  banni,  qu'il  a  une  ville, 
un  territoire  pour  prison.  Ainsi,  l'événement 
qui  marqua  d'une  façon  si  fâcheuse  la  fin 
du  règne  du  grand  Constantin, servit  merveil- 
leusement à  grandir  Athanase  persécuté  et, 
au  fait,  à  servir  la  religion  catholique  qu'il 
défendait  si  vaillamment. 

Saint  Aihan.;se  était  depuis  un  an  et  quel- 
ques mois  à  Trêves,  quand  Constantin  tOu  ba 
dans  um  cruelle  maladie,  qui  le  ht  mou.ir 
le  22  mai  337.  Sentant  sa  lin  prochaine,  il 
voulut  s'y  préparer  en  réparant  les  erreurs 
et  les  fautes  qu'il  avait  pu  commettre.  Il  rap- 
pela saint  Athanase  d'exil,  malgré  l'opposi- 
tion d'Eusèbe  de  Nicomédie,  dans  le  diocèse 
duquel  il  se  mourait,  et  de  qui  il  venait  de  re  - 
cevoir  le  baptême  et  les  autres  sacrements 
de  l'Eglise.  Dans  son  testament  il  marqua 
expressément  le  rappel  de  saint  Athanase. 
Malgré  cela ,  le  saint  ne  put  quitter  Trêves 
qu'après  y  avoir  passé  deux  ans  et  quatre 
mois.  11  est  très-[)robable  que  ce  fut  par  le 
fait  de  Constance  de  qui  dépendait  l'Orient. 
Or  cet  empereur  se  laissa  immédiatement 


559 


ATH 


ATH 


5G0 


gagner  par  les  ariens.  Ce  furent  Constantin 
le  Jeune  et  C  )i?stant  qui  leiivoyèrent  Atha- 
na.^e  en  Orient,  en  forçait  Constance  à  y  con- 
sentir. Sai'U  Athan.ise  fut  reçu  dans  sa  ville 
(''|)iscopale  avec  inliuiuient  de  démonstra- 
tions de  joie.  Un  cou[)  rétabli,  il  contribua 
puissamment  au  rappel  des  autres  évèques 
Ijaiin.is.  En  passant  par  Constantinople  Atlia- 
nasi'  trouva  dans  cette  ville  révé(iue  Paul, 
qui  était  de  retour  de  l'exil  où  Co'islanti'i 
lavait  envoyé.  MacéJone,  (jui  avait  été  fait 
évéïiue  à  sa  place,  servait  comme  prêtre 
sous  lui,  s'étant  soumis  à  son  autorité.  Le 
retour  d'Athanase  irrita  davantage  ses  enne- 
rais  ,  et  les  porta  à  de  nouvelles  entreprises 
encore  [)lus  criminelles  ijue  les  précédentes. 
De  peur  que  le  sai  it  n'informât  Constance 
de  tout  ce  qu'ils  avaie-U  fait  contre  lui,  Us  le 
décrièrent  dans  l'esprit  de  ce  prince  et  le  lui 
représentèrent  comme  un  homme  taré  et 
noirci  de  toutes  sortes  de  crimes.  Quoiqu'il 
eût  été  reçu  à  bras  ouvets  par  le  peuple 
d'Alexandrie,  ils  prétendirent  que  son  en- 
trée dans  cette  vill  ;  n'avait  causé  que  des 
séditions,  des  gémissements  et  des  pleurs. 
Ils  ajoutaient  qu'après  son  entrée  dans 
Alexandrie  ,  il  avait  pillé  les  églises  et 
avait  ajouté  à  ce  premier  crime,  les  violen- 
ces, le  meurtre  et  le  carnage.  Ils  imaginè- 
rent encore  contre  lui  une  foule  d'autres  ca- 
lomnies ,  et  ils  écrivirent  aux  trois  Auguste 
pour  obtenir  ou  la  mort  d'Athanase  ,  ou 
au  moins  un  second  exil.  Mais  Constant  et 
Constantin  restèrent  fort  bien  disposés  pour 
lui.  11  leur  avait  envo»é  du  reste  des  députés 
qui  prouvèrent  parfailemont  son  innocence. 
Pour  perdre  saint  Ath.inase  avec  plus  de 
sûreté,  ils  envoyèrent  au  pape  Jides  l'infor- 
mation qui  avait  été  fa  te  dans  la  Maréote. 
Par  une  providence  toute  particulière  de 
Dieu,  cette  information  vint  ainsi  dans  les 
mains  de  saint  Athanase  ,  qui,  pour  se  dis- 
culper entièrement,  envoya,  de  son  côté,  des 
députés  au  pape.  Ces  députés  confondirent 
tellement  leurs  adversaires, que  ceux-ci,  pour 
gagner  du  temps,  i)rière'it  le  pape  de  connaî- 
tre par  lui-môme  cette  alfaire  et  d'assembler 
pour  cela  un  conci  e.  Le  pape  acce[)ta  cette 
j)roposilion,  manda  à  Athanase  de  le  ve- 
nir trouver,  tout  en  laissant  cependant  à 
son  choix  le  lieu  où  se  ti(.'ndrail  le  concile. 
Le  saint  évèque  d'Alex.nidrie  se  rendit  im- 
médiatement a  Rome  avec  ((uelques  solitai- 
res. Dix-huit  mois  entiers,  il  y  resta  h  atten- 
dre iinitilemcnt  ses  adversaires.  Ceux-ci 
n'avaient  pas  pensé  (ju'il  put  se  l'ésoudre  h  y 
aller.  Aussi,  (juand  ils  surent  ([u'il  y  était, 
craignant  (|ue  leurs  impostures  fussent  aisé- 
ment découvertes,  ils  ne  voulurent  plus  s'y 
re-idre,  refusant  ainsi  le  jugement  cpi'ils 
avaietjt  eux-mêmes  sollicité.  Ils  ass(îmblô- 
rent  leur  fameux  con(;ile  d'A'itioch(i ,  au 
connnc'iceirK'nt  du  l'an  '.iï\ ,  et  \h,  déclaraiit 
qu'un  évèque  déposé  par  un  «loncile,  (jui  re- 
prendrait de  1  li-mème  la  place,  ik;  pouri'ait 
jama.s  èt/-i;  rétabli,  ils  dé  larèrent  AthanaNc; 
a  jamais  déelin  de  son  siège.  Ils  uonnnèreiil 
fiour  le  rcMuplai.or  un  ceitain  (îrégoiri;,  (lui 
û]j]iaiten<iii  a  leur  se-îe,  (pioiqu'il  eût  été 


quasi  élevé  h  Alexandrie,  par  les  soins  de 
saint  Athanase.  11  était  Cap|)adocien  de  nais- 
sance. Athanase  était  venu  à  Home  vers  1;>. 
fin  de  l'au  339.  Après  y  avoir  passé  le  tem|!S 
que  nous  avo-is  dit,  il  jugea  h  propos  d-  .^'oi 
revenir  h  Alexandrie.  Il  y  arriva  pour  les 
fêtes  de  PAijues.  Tout  s'y  passa  da;  s  le  plus 
grand  calme,  quand  tout  à  coup  Philagre, 
préfet  d'Egypte  ,  fit  afticher  des  lettres  en 
forme  d'édit,  qui  annonçaient  qu'un  nonnné 
Grégoire  arrivait  à  Alexandrie,  pour  y  succé- 
der à  Athanase. 

«  Tout  le  monde  fut  troublé  d'u'ie  chose 
si  nouvelle,  et  dont  on  n'avait  pas  en(  ore 
ouï  parler.  Le  peuple  catholique  s'assendda 
avec  plus  d'emi)ressement  dans  les  églises, 
se  plaignant  hautement  aux  autres  juges  et  h 
toute  la  ville,  et  repiésentant  qu'il  n'y  avait 
ni  accusation  ni  plainte  contre  Athanase  de 
la  part  des  lidèles,  et  que  c'était  un  jeu  joué 
par  les  ariens;  que,  quand  même  Athanase 
serait  p  évenu  de  quelque  crime,  il  fallait  le 
juger  légitimement,  et  lui  donner  un  succes- 
seur suivant  les  règles. 

«  Le  préfet  Philagre  gagne  la  populace 
païenne,  les  Juifs  et  les  gens  déiéglés,  par 
des  promesses  qu'il  accomplit  ensuite.  Il 
assemble  les  {)Atres  et  la  jeunesse  la  plus  in- 
solente des  places  publiques,  les  échauffe  et 
les  envoie  par  troupes,  avec  des  épées  et  dci^ 
bâtons ,  contre  le  peuple  assemblé  daîis  les 
églises.  Ils  se  jetèrei  t  dans  celle  qui  portait 
le  nom  de  Quirin;  ils  y  mirent  le  feu  et  au 
baptistère.  Des  vierges  furent  dépouillées  et 
traitées  indignement  ;  et ,  ne  voulant  pas 
soutfrir,  elles  furent  en  péril  de  leur  vie. 
Des  moines  furent  foulés  aux  pieds,  et  en 
moururent;  il  y  en  eut  de  confisqués  comme 
esclaves,  d'autres  tués  à  coups  d'épée  et  de 
bâton,  d'autres  blessés  ou  battus.  Les  saints 
mystères  furent  emportés  et  jetés  à  terre 
par  des  païens,  qui  sacrifièrent  sur  la  sainte 
table  des  oiseaux  et  des  pommes  de  pin,  en 
louant  leurs  idoles  et  blasphémant  contre 
Jésus-Christ;  ils  brûlèrent  les  livres  sacrés 
qu'ils  trouvèrent  dans  l'église.  Les  Juifs  et 
les  païens  entrèrent  dans  le  baptistère,  et, 
s'étant  mis  tout  nus,  y  firent  et  y  dirent  dy 
telles  infamies,  que  la  pudeur  ne  permet  [)as 
de  les  raconter.  Quelques  impies,  imitant  la 
persécution  ,  prenaient  des  vierges  et  des 
femmes  qui  gardaient  la  continence ,  les 
traînaient  pour  les  contraindre  h  blaspliém'r 
et  à  renier  le  Seigneur;  et,  comme  elles  le 
refusaient,  ils  les  fra|)|)aient  et  les  foulaient 
aux  pieds.  L'église  fut  abandonnée  en  |)roie  : 
les  uns  enlevaient  ce  qu'ils  tro. valent  de- 
vant eux,  d'autres  |)artageai('nt  les  i.épôts  de 
qu  hpu'S  particuliers.  Il  y  avait  (pianlité  de 
vin  :  ils  le  burent,  le  ré()an(lirent  ou  l't'm- 
noitèrenl;  ils  [)illèrent  l'huil-',  ils  enlevèrcit 
les  j)orles  et  les  balustres,  ils  miicnt  les 
iam|)es  à  terre  contre  les  murailles,  ils  ;dlu- 
mèrent  les  cierges  de  l'église  en  riioniieijii" 
de  leurs  idoles.  Oi  prenait  îles  prêtres  et  dt  s 
laiipu's,  on  menait  des  vierges  i  évoilées  de- 
vaiu  le  tribun  1  du  gouverneur,  et  on  \cs 
mettait  en  prison  ;  d'aulres  élai(Mil  vendus 
comme  esclaves,  d'autres  fouettés.  Ou  ôlait 


dans  le  carc'^mo  et 
Le  vendredi  saint, 
église  avec  le  gou- 


S6I        '  AT« 

le  pain  aux  ministres  de   l'Eglise   et   aux 
vierges. 

I  «  Tout  cela  se  passait 
vers  la  f(Me  de  PAques. 
Grégoire  entra  dans  une 
verneur  et  des  païens;  et,  voyant  lliorreur 
que  les  peuples  avaient  de  son  entrée  vio- 
lente, il  obligea  le  gouverneur  à  faire  fouet- 
ter publiquement  et  mettre  en  prison  trenie- 
quatre  personnes,  tant  vierges  que  femmes 
mariées  et  hommes  de  condition.  Une  de  ces 
vierges,  entre  autres,  fut  fouettée,  ten.int  en- 
core entre  ses  mains  le  psautier,  qui  fut  dé- 
chiré par  les  bourreaux.  Ils  voulurent  en 
faire  (le  même  dans  une  autre  église  ,  où 
saint  Athanase  logeait  le  plus  ordinairement 
pendant  ces  jours-là,  afin  de  le  prendre  et  de 
s'en  défaire.  Mais,  se  voyant  découverl,  et 
craignant  que  Ton  ne  commît  dans  celte 
église  les  mêmes  excès  que  dans  les  autres, 
il  se  déroba  à  son  peuple  avant  que  Grégoire 
fût  arrivé,  et  s'embarqua  pour  aller  à  Home, 
voulant  assister  au  concile  qui  s'y  devait  te- 
nir. Grégoire  n'épargna  pas  môme  la  fête  de 
Pâques,  et  fit  emprisonner  plusieurs  catholi- 
ques en  ce  saint  jour.  11  s'empara  de  toutes 
les  églises ,  en  sorte  que  le  peuple  et  le 
clergé  catholique  étaient  réduits  à  n'y  point 
entrer,  ou  à  communiquer  avec  les  ariens. 

«  Grégoire  ne  voulait  pas  même  souffrir 
que  les  catholiques  priassent  dans  leurs  mai- 
sons; il  les  dénonçait  au  gouverneur,  et  il 
observait  les  ministres  sacrés  avec  une  telle 
rigueur,  que  plusieurs  particuliers  qui  se 
trouvaient  en  danger  ne  pouvaient  recevoir 
le  baptême,  et  les  malades  étaient  privés  de 
consolation,  ce  qui  leur  était  plus  amer  que 
la  maladie  ;  mais  ils  aimaient  mieux  s'en 
passer  que  de  recevoir  la  main  des  ariens 
sur  leurs  têtes.  De  peur  que  ces  violences 
ne  fussent  connues,  Grégoire  fit  donner  des 
ordres  pressants  aux  maîtres  des  vaisseaux, 
et  même  aux  passagers ,  de  ne  point  parler 
contre  lui,  et  au  contraire  de  se  charger  de 
ses  lettres.  Quelques-uns  le  refusèrent ,  et 
souffrirent  pour  ce  sujet  la  prison,  les  fers 
et  les  tourments.  Il  fit  aussi  écrire  par  le 
gouverneur  un  décret  adressé  à  l'empereur, 
comme  au  nom  du  peuple,  contre  saint  Atha- 
nase, le  chargeant  de  telles  calomnies,  qu'il 
y  avait  de  quoi  le  condamner,  non-seulement 
à  l'exil,  mais  à  la  mort.  Ce  décret  fut  souscrit 
par  des  païens  et  des  gardiens  d'idoies,  et 
par  les  ariens  avec  eux. 

«  Cependant  les  eusébiens  écrivirent  à 
Philagre ,  afin  qu'il  accompagnât  Grégoire 
dans  une  visite  par  toute  l'Egypte.  On  fouet- 
tait des  évoques  et  on  les  mettait  aux  fers. 
Sarapammon,  évêque  et  confesseur, fut  banni  ; 
Polammon ,  aussi  évêque  et  confesseur,  qui 
avait  perdu  un  oeil  dans  la  persécution ,  fut 
frappé  sur  le  cou  jusqu'à  ce  qu'on  le  crût 
mort.  A  peine  put-on  le  faire  revenir  au 
bout  de  quelques  heures, à  force  de  remède; 
mais  il  mourut  peu  de  temps  après,  avec  la 
gloire  d'un  double  martyre.  C'est  le  même 
Potammon,  évêque  d'Héraclée,  qui  avait  as- 
sisté au  concile  de  Nicée  et  depuis  à  celui  de 
Tyr.  L'Eglise   honore  sa  mémoire  le  dix- 

DiCTioNN.  DES  Persécutions.  L 


ATH 


562 


huitième  de  mai.  Il  y  eut  plusieurs  autres 
évêqucs  battus  et  plusieurs  solitaires  fusti- 
gés ;  et,  pendant  ces  exécutions,  Grégoire 
était  assis  avec  un  officier  nommé  Balacius, 
qui  portait  le  titre  de  duc.  Après  cela  il  in 
vitait  tout  le  monde  à  communiquer  avec  lui^ 
ne  voyant  pas  la  contradiction  de  les  faire 
maltraiter  comme  des  méchants,  et  de  leur 
offrir  sa  communion  comme  à  des  saints.  Il 
persécuta  la  tante  de  saint  Athanase,  jusqu'à 
ne  permettre  pas  qu'f»n  l'enterrât  quand  elle 
fut  morte;  et  elle  fût  demeurée  sans  sépul- 
ture, si  ceux  qui  l'avaient  retirée  ne  l'eus- 
sent portée  en  terre  conmie  leur  apparte- 
nant. Il  ôla  l'aumône  que  l'on  donnait  à  des 
pauvres  enfermés,  faisant  casser  les  vais- 
seaux dans  lesquels  on  leur  portail  du  vin  et 
de  l'huile.  Voilà  une  partie  des  violences  do 
Grégoire.  ^>  (Fleury,  vol.  1",  p.  Wl.) 

Une  chose  manquait  à  la  rage  des   ariens, 
c'était  la  mort  de  saint   Atlianase.  Ils  l'eus- 
sent tué  s'il  n'eût  évité    leur  dessein  en  se 
retirant.  Il  vmt  droit  à  Rome  où  devait  s'as- 
sembler un  concile  pour  juger  sa  cause.  Les 
lettres  des    eusébiens  portaient  de  le  cher- 
cher partout,  lui  et  les  prêtres  qui  lui  étaient 
attachés,  et   de  leur  trancher  la  tête.    Les 
violences  de  Grégoire  et  du  préfet  Philagre 
mirent  les  ariens    en  possession  de  toutes 
les  églises.  Le  peuple  d'Alexandrie  refusait 
de  communiquer  avec  l'évèque   hérétique. 
Aussi  celui-ci  dans  sa  colère  faisait-il  tour- 
menter   cruellement    ceux    qui    refusaient 
d'entrer  en  communion  avec  lui.  Il  faisait 
donner  la  question  aux  uns  ,  il  faisait  en- 
chaîner les  autres,  et  les    faisait  jeter  en 
prison.  Il  persécuta  tellement  tous  les  amis 
d'Athanase,  que  tous  furent  obligés  de  quit- 
ter la  ville  et  la  contrée.  Il  écrivit  à  Cons- 
tance des  lettres  où  il  accu-^ait  le  saint  des 
crimes  les  f)lus  affreux.  Quant  à  saint  Atha- 
nase,   comme  il    était  possible  que  les  évo- 
ques se  laissassent  tromper  par  les  lettres 
que  Grégoire  envoyait  de  tous  côtés,  il  se 
hâta  de  prévenir  ce  malheur   en    écrivant 
sa  Lettre  aux  orthodoxes.  Dans  cette  lettre 
il  explique  la  conduite   qu'il  a  tenue  et  les 
violences  dont  son  Eglise  et  lui  ont  été  vic- 
times. H'autres  évêques  d'Egypte    écrivirent 
aussi  dans  le  même  sens.  Pendant  qu'Alha- 
nase  était    à  Rome,  attendant  que  le  con- 
cile s'assemblât,  Grégoire  parcourait  l'Egypte 
et  y  commettait  les  plus  indignes  violences. 
Le  concile  de  Rome,  composé  de  50  évêques , 
reconnut  pleinement  l'innocence  d'Aihanase. 
Le  saint  attendait  depuis  trois  ans,  dans  la 
capitale  du  monde  chrétien,  que  Dieu  prît 
sa    défense  et  suscitât  des  jours  de  déli- 
vrance pour  son   troupeau  si  malheureux, 
quand  il  reçut  une  lettre  de  Constant,  qui 
lui  mandait  de  le  venir  trouver  à  Milan.  Ce 
prince  avait  écrit  à  sor.  frère  une  lettre  pour 
qu'on  assemblât  un  concile  qui  eût  autorité 
pour  finir  la  cause  d'Athanase  ;  il  y  avait  été 
engagé  par  plusieurs  évêques  et  par  ie  pape 
iules.  A  la  suite  des  démarches  que  fit  Cons- 
tant, on  assembla  le  concile  de  Sardiqae  l'an 
3i7.  L'Italie,  l'Espagne,  les  Gaules,  l'Afri- 
que ,  la  Panaonie ,  la  Dacie ,  la  Thrace ,  la 

là 


563 


ATH 


ATH 


m 


Macédoine,  la  Thessalie,  la  Phrygie,  l'A- 
chaie,  la  Crète,  la  Cappadote,  la  Galatie,  la 
Ciiicie,  la  Syrie,  la  Mésopotamie,  la  Phéni- 
cie,  la  Palesiinc,  l'Arabie,  la  Thébaïde,  l'E- 
gvple,  furent  les  provinces  qui  fournirent  le 
plus  grand  nombre  d'évèques  à  ce  concile. 
Ils  y  étaient  en  tout  cent  soixante-dix;  cent 
d'Occident,  le  reste  d'Orient. 

«  Les  eusébiens  croyaient,  à  leur  ordi- 
naire, dominer  dans  le  concile  par  l'autorité 
séculière,  et  cette  espérance  les  y  faisait 
venir  avec  un  grand  em|)ressement. 

«  Mais  quand  ils  virent  que  les  Occiden- 
taux n'avaient  à  leur  tôte  qu  Osius,  et  que 
ce  concile  serait  un  jugement  purement  ec- 
clésiastique, sans  assistance  de  comte  ni  de 
soldats,  ils  furent  surpris  et  troublés  par  les 
remords  de  leur  conscience.  Ils  s'étaient 
inia-^iné  que  saint  Atiianase  et  les  autres 
accusés  n'oseraient  pas  même  se  présenter; 
cependant,  ils  les  voyaient  comparaître  har- 
diment. Ils  voyaient  qu'il  était  venu  contre 
eux-pnêmes  des  accusateurs  de  diverses  Egli- 
ses, avic  les  preuves  en  main;  que  quel- 
ques-uns de  ceux  qu'ils  avaient  fait  bannir 
se  représentaient  avec  les  chaînes  dont  on 
les  avait  chargés  ;  que  des  évêques  venaient 
parler  pour  d'autres  qui  étaient  encore  exi- 
lés ;  que  des  parents  et  des  amis  de  ceux 
qu'ils  avaient  fait  mourir  se  présentaient  ; 
que  d'autres  évêques  racontaient  comment 
par  des  calomnies  ils  avaient  mis  leur  vie 
en  péril,  et  avaient  fait  elfectivement  périr 
de  leurs  confjères,  entre  autres  l'évèque 
Théodule,  qui  était  mort  dans  sa  fuite.  Quel- 
ques-uns montraient  les  coups  d'épée 
qu'ils  avaient  leçus  ;  d'autres  se  plaignaient 
de  la  faim  qu'on  leur  avait  fait  soutlrir. 
Ce  n'étaient  pas  seulement  des  particuliers, 
mais  des  églises  entières  dont  les  députés 
représentaient  les  violences  des  soldats  et  de 
la  populace,  les  menaces  des  juges,  les  sup- 
positions des  lettres  fausses,  les  vierges  dé- 
jouillées,  les  ministres  sacrés  emprisomiés, 
les  églises  brûlées,  et  tout  cela  pour  con- 
ti-aindre  les  calho'iques  à  communiquer 
avec  les  ariens.  Les  eusébiens  voyaient  en- 
core que  deux  évoques  orientaux,  Arius 
ou  Macaire  d'Arabie,  et  Astérius  de  Pales- 
tine, ayant  fait  le  voyage  avec  eux,  les 
avaient  quittés  |)Our  se  joindre  aux  Occi- 
denl.'uix,  à  qui  ils  avaient  découvert  leurs 
fouiberies  et  leurs  alarmes. 

«  Voyant  tout  cela,  ils  résolurent  de  ve- 
nir à  Sardique  [)Our  témoigner  de  la  con- 
tiance  en  leur  cause;  mais  y  étant  arrivés, 
ils  se  renfermèrent  dans  lu  palais  où  ils 
étaient  logés,  et  se  dirent  les  uns  aux  au- 
tres: Nous  sommes  venus  pour  une  chose, 
et  nous  en  voyons  une  autie  ;  nous  avons 
amené  des  coiutes,  et  le  jugement  se  l'ait 
bans  eux:  nous  serons  assurément  i  ondaïu- 
nés.  Vous  savez  tous  quels  sont  les  ordres 
lies  ein[)ereurs:  Atiianase  aies  procédures 
dii  1.1  Maréote,  qui  ne  serviront  (ju'à  le  jus- 
tilier  et  à  nous  couvrir  de  cordusion.  A  quoi 
Jonc  nous  ariAlons-nous?  inventons  des 
prétextes  cl  nous  retirons  :  il  vaut  niif^ux 
.fuir,  quelque   Ijoute  qu'il  y  ait,  que  d'être 


convaincus  et  jugés  calomniateurs.  Si  noo^ 
fuyons  nous  pouvons  encore  soutenir  notre 
parti;  s'ils  nous  condamnent  en  notre  ab- 
sence, nous  avons  la  protection  de  l'empe- 
reur, qui  ne  nous  laissera  pas  chasser  de 
nos  églises.  Telles  étaient  les  pensées  des 
eusébiens.  Osius  et  les  autres  évoques  leur 
parlaient  souvent,  relevant  la  conliance  de 
saint  Atiianase  et  des  autres  accusés.  Si  vous 
craignez  le  jugement,  disaient-ils,  pourquoi 
êtes-vous  venus?  Il  fallait  ne  pas  venir,  ou 
ne  pas  reculer  ensuite.  Voilà  Atlinnase  et 
ceux  que  vous  accusiez  en  leur  absence  : 
ils  se  présentent,  afin  que  vous  puissiez  les 
convaincre,  si  vous  avez  de  quoi  le  faire. 
Si  vous  ea  faites  semblant  sans  le  pouvoir, 
vous  êtes  des  calomniateurs  manifestes  ; 
et  c'est  le  jugement  que  le  concile  portera 
de  vous. 

«Les  Pères  du  concile  représentèrent  sou- 
vent tout  cela  aux  Orientaux  de  vive  voix 
et  par  écrit  ;  mais  le  prétexte  qu'ils  prirent 
d'abord,  pour  ne  pas  se  joindre  à  eux,  fut 
qu'ils  communiquaient  avec  Athanasc,  Mar- 
cel et  les  autres  accusés;  qu'ils  étaient  assis 
et  conféraient  avec  eux  dans  l'église,  oij  appa- 
remmentse  tenait  le  concile,  suivant  la  coutu- 
me et  qu'ils  célél)iaient  avec  eux  les  divins 
myslères.  Ils  demandaient  que  les  Occiden- 
taux commençassent  par  les  séparer  de  leur 
Communion.  Ceux-ci  soutenaient  que  cela 
n'était  ni  conven.ible  ni  possib'e,  puisque 
Athanase  avait  pour  lui  le  jugement  (iu  pape 
Jules,  rendu  avec  grande  connaissance  de 
cause,  et  le  témoignage  de  quatre-vingts 
évêques.  Les  Orientaux  prétendaient  qu'A- 
thanase,  Marcel  et  les  autres  dont  ils  se  plai- 
gnaient, étaient  jugés  par  les  conciles,  con- 
tre lesquel  on  ne  pouvait  plus  revenir: 
d'autant  moins  que  ia  plupart  des  témoins, 
des  juges  et  des  autres  personnes  néces- 
saires ne  vivaient  plus.  On  leur  répondait 
que  le  concile  de  Sardique  était  assemblé 
pour  examiner  ces  prétendus  jugements; 
qu'Athanase  se  présentait  pour  être  jugé, 
au  lieu  qu'on  l'avait  condamné  absent,  et 
que  les  procédures  faites  contre  lui  étaient 
rapportées. 

«Les  Orientaux  se  réduisirent  à  dire: 
Puisque  de  six  évêques  qui  ont  fait  l'infor- 
mation dans  la  Maréole,  il  y  en  a  encore 
cinq  de  vivants  :  (|ue  l'on  envoie  de  chaque 
coté  quelques  évêques  sur  les  lieux  où 
Albanâse  a  commis  les  crimes;  s'ils  se 
trouvent  taux,  nous  serons  condamnés  et 
non  rt-cevaliles  à  nous  plaindre,  ni  a;ix  em- 
pereurs, ni  au  concile,  ni  à  aucun  évè(]ue; 
s'ils  se  trouvent  vrais,  vous  serez  condamnés 
et  non  recevablcs,  vous  qui  avez  comiinnii 
que  avec  Athanase  depuis  sa  coiiilam- 
nalion.  Mais  les  Occidentaux  refusèrent 
celte  piopusition,  qui  ne  l(!ndait  .ju'ù  éluder 
le  jugement,  ol  à  niulîi|)lier  les  proeéd.ires 
inuliies,  outre  que  (iiégoire,  étant  Iiî 
iiiiitre  vu  l'Egypte,  les  eusébiens  y  eussent 
fait  VA',  qu'ils  auraient  voulu.  Comme  ils 
ét.ieiil  venus  trouver  (Vsus  dans  Tég'lisn 
où  il  demeurait,  il  i<>s  invita  à  ni'ojioser  e? 
qu'ils  avaient  h  dire  contre  Atiianase,  U'S 


56:i  ATH 

exhortant  à  par'or  hanliinont,  et  les  assurant 
qu'ils  ne  (Icvaieut  atlo-iJrc  qu"w)  ju^ç-ukmU  / 
tros-i>(iirtablc.llloH;un('ot(!c'ixtois,;'jouiant' 
que  s'ils  no  vou'.aie  it  pas  p.irlor  dovatit  tout 
10  conrile,  ils  s'oxiiliquassu'it  du  moins  h 
lui  s^îil.  Je  vous  promots,  disaii-il,  quo  si 
Aîlianasc  s  '  trouve  coupa!)le,  nous  le  rojct- 
to.ons  absolunu'iit,  et  quand  m^me  il  se 
trouverait  innocent  et  vous  convaincrait  de 
caloin:iies  :  si  vous  ne  pouvez  vou-j  résoudre 
à  le  receroir,  je  nie  lais  fort  de  l'eaniioner 
en  Espagne  avec  moi.  Saint  Alhanase  con- 
sentait à  cette  proposition;  mais  ses  enno- 
Eiis  so  d(Miaient  tant  de  leur  cause,  qu'ils 
la  refusèrent  comme   les  autres. 

«  Le  concile  était  d'ailleuis  bien  informé 
do  leur  mauvaise  volonté  p:\rMacaire  etAsté- 
rius,  qui  les  avaient  quittés  a[)rés  être  venus 
d'Orient  avec  eux.  Ces  deux  évoques  ra- 
contaient que  pendant  tout  le  voyage  les 
eusébions  faisaient  en  certains  lieux  dos 
assemblées,  où  ils  avaient  résolu  que,  quand 
ils  seraient  arrivés  à  Sardiquc,ils  ne  se  sou- 
mettraient à  aucun  jugement,  et  ne  s'assem- 
bleraient pas  même  avec  le  concile,  mais 
qu'ayant  si-^nifié  leur  présence  par  une  pro- 
testation ,  ils  se  retireraient  prompteaient. 
En  effet,  étant  arrivés,  ils  ne  permirent  point 
à  ceux  qui  étaient  venus  d'Orient  avec  eux 
d'entrer  dnn=?  le  concile,  ni  môme  d'appro- 
cher de  l'église  où  i!  se  tenait.  Car  il  y 
avait  plusieurs  évêquos  orieiUaux  attachés 
h  la  saine  doctrine,  qui  voulaient  se  séparer 
d'eux,  et  qu'ils  retenaient  par  menaces  et 
par  promesses.  C'est  ce  que  témoignaient 
Macaire  et  Astérius ,  se  plaignant  de  la  vio- 
lence ([u'ils  avaient  eux-mêmes  souiferte. 

«  Les  eusébions  ne  pouvant  plus  reculer, 
et  le  jour  marqué  pour  le  jugement  étant 
expiré,  ils  dirent  c^u'ils  étaient  obligés  de  se 
retirer  parce  que  l'empereur  leur  avait  écrit 
pour  célébrer  sa  victoire  sur  les  Perses  ;  et 
ils  n'eurent  point  de  honte  d'envoyer  une 
telle  excuse  par  Eustathe,  prêtre  de  l'église 
de  Sardique.  Le  concile,  ne  pouvant  plus 
douter  de  leur  mauvaise  intention,  leur  écri- 
vit nettement  :  Ou  venez  vous  défendre  des 
accusations  dont  vous  êtes  chargés,  particu- 
lièrement des  calomnies,  ou  sachez  que  le 
concile  vous  condamnera  comme  coupables, 
et  déclarera  ceux  qui  sont  avec  Aihanase 
Innocents  et  exempts  de  tout  rep>roclie.  Leur 
conscience  les  pressa  plus  que  cette  lettre  ; 
ils  s'enfuirent  en  diligence  et  se  retirèrent 
à  Phili[)popolis  en  Thrace. 

«  On  traita  l'alfaire  de  saint  Athanase ,  et, 
quoi({ue  la  faite  de  ses  adversaires  le  justi- 
fi  tassez,  on  examina  de  nouveau  leurs 
accusations,  autant  qu'on  le  pouvait  en  leur 
absence.  Quant  au  meurtre  d'Arsène  ,  la 
calomnie  était  évidente  et  grossière,  puis- 
qu'il vivait,  comme  tout  le  monde  savait,  et 
qu'il  se  montrait  lui-même.  Quant  au  calice 
brisé  chez  Ischyras ,  les  propres  informa- 
tions faites  par  les  adversaires  dans  la  Ma- 
réôtb  détruisaient  leur  prétention  ;  d'ail- 
leurs, deux  prêtres,  autr'^ibis  méléciens,  et 
depuis  reçus  par  saint  Alexandre,  rendaient 
fétaoignagé  que  jamais  Ischyras  n'avait  été 


ATH  bW» 

prêtre,  même  du  temps  de  Mélèce.  Anisi, 
on  leconnut  la  jur.tico  du  jugement  rendu  h 
l{ome  par  le  |)a|)e  Jules  o  i  faveur  d'Atha- 
naso ,  et  la  véiité  du  ténioignage  que  lui 
rendaient  les  quatre-vingts  évêqu(!s  d'Egypte. 
Sa  cause  se  trouva  sans  aucune  difiiculté,  et 
t();isles  évêqaesle  reconnurent  iiinocont,  et 
le  conlii'mèi'ont  dans  la  connnunion  de  l'E- 
glise. llsdé.;larèrcnt  encore  innocents  qu.itre 
prêtres  d'Alexandrie  ,  que  les  euséoiens 
avaient  perséL-ulés  et  obligés  à  fuir  pour 
éviter  la  mort,  savoir,  AphPione,  Athanase, 
fils  de  Capiton,  Paul  et  Plntion.  Leurs  noms, 
hormis  celui  de  Paul ,  se  trouvent  dans  la 
protestation  contre  l'information  de  la  Ma- 
réote  :  ce  qui  montre  leur  attachement  à  saint 
Athanase. 

«  Le  concile  examina  la  cause  de  Marcel 
d'Ancyre.  Et  connue  les  eusébions  renfer- 
maient leur  accusation  dans  son  écrit  contre 
Astérius,  qu'ils  prétendaient  être  piein  d'hé- 
résies, le  concile  fit  lire  cet  écrit,  et  trouva 
qu'il  n'avançait  que  par  manière  de  ques- 
tions ce  que  l'on  prétondait  qu'il  eût  sou- 
tenu. En  lisant  ce  qui  précédait  et  ce  qui 
suivait ,  on  voyait  qu'il  était  orthodoxe  ; 
car  il  né  disait  point,  comme  ils  préten- 
daient, que  le  Verbe  de  Dieu  eût  pris  son 
commencement  de  la  sainte  Vierge  Marie, 
ni  que  son  règne  dût  finir  ,  mais  que  son 
règne  était  sans  commencement  et  sans  fin. 
Ainsi  le  concile  le  déclara  innocent.  Asclé- 
pas  de  Gaze  rapporta  les  nrocédures  faites  à 
Antioche  en  présence  de  ses  accusateurs  et 
d'Eusèbedè  Césarée  ;  et  son  innocence  parut 
par  les  avis  de  ceux  qui  l'avaient  jugé  dans 
le  même  concile  qui  déposa  sur  des  calom- 
nies saint  Eustathe,  évêque  d'Antioche.  Les 
Pères  du  concile  de  Sardi(|ue  jugèrent  donc 
Asclépas  pleinement  justifié. 

«  Ils  vinrent  ensuite  à  la  troisième  qu6î>- 
tion  qu'ils  avaient  à  juger,  et  qui  sans  doute 
était  la  plus  considérab.e,  savoir,  les  plaintes 
formées  de  'outes  parts  contre  les  eusé- 
bions. La  plus  capitale  était  colle  que  le 
pape  Jules  avait  déjà  si  bien  relevée  dans 
sa  letire ,  qu'ils  communiquaient  avec  les 
ariens  condamnés  au  concile  de  Nicée ,  et 
notés  en  particulier  ;  et  que  non-seulement 
ils  les  avaient  reçus  dans  l'église,  mais  en- 
core qu'ils  avaient  élevé  les  diacres  au  sa- 
cerdoce et  les  prêtres  à  l'épiscopat.  On  voyait 
partout  leur  dessein  d'établir  cette  hérésie  ; 
car  toutes  lés  violences  qu'ils  avaient  com- 
mises à  Alexandrie  et  ailleurs  n'étaient  que 
contre  ceux  qui  refasaiont  de  communiquer 
avec  les  ariens.  Ils  furent  convaincus  de  ca- 
lomnie par  la  justification  de  ceux  qu'ils 
avaient  voulu  perdre.  Théognis  en  particu- 
lier fut  convaincu  d'avoir  fabriqué  de  fausses 
lettres  contre  Athanase,  Marcel  et  Asclépas , 
afin  d'irriter  les  empereurs  contre  eux  :  les 
lelires  furent  lues  dans  le  concile  ,  et  ceux 
qui  avaienl  été  alors  diacres  de  Théognis 
en  montrèrent  la  fausseté.  On  prouva  que 
Valons  avait  ydalu  quiîté^.son  é-;lise  de 
îîi'urse  V'^ii:  usài-per  celle  d'Aquiléo,  boau- 
çotip  plus  considérable  ,  el  que  dans  la  sé- 
dition excitée  h.  cette  occasion,  un  évégue , 


^01 


ATH 


A,TH 


508 


uominé  Viator,  avait  été  tellement  pressé  et 
foulé  aux  pieds,  qu'il  en  était  mort  le  troi- 
sième jour  h  Aquiléc  même, 

«  Le  concile  prononça  donc  une  condam- 
nation contre  les  chefs °de  cette  faction,  que 
rEj;lise  avait  tolérés  jusque-là,  savoir  :  Théo- 
dore d'Héraclée;  Narcisse  de  Néroniade; 
Etienne  d'Antioche  ;  George  de  Laodicée  ; 
Acace  de  Césarée  en  Palestine  ;  Ménophante 
J'Ephèse  ;  Ursace  de  Singidon  ;  et  Valens  de 
Murse.  Ces  huit  furent  déposés  et  excommu- 
niés, c'est-à-dire  privés  non-seulement  de 
l'épiscopat,  mais  de  la  communion  des  fidè- 
les. On  traita-de  même  les  trois  usurpateurs 
des  sièges  de  saint  Anathase,  de  Marcel  et 
d'Asjléjjas,  c'est-à-dire  Grégoire  d'Alexan- 
drie ,  Basile  d'Ancjre  et  Quintien  de  Gage. 
On  défendit  de  les  reconnaître  pour  évoques, 
d'avoir  aucune  communication  avec  eux,  de 
recevoir  leurs  lettres  et  de  leur  écrire.  » 
(  Fleury,  vol.  I ,  p.  508.  ) 

Si  l'autorité  civile  ne  s'était  pas  mêlée  des 
affaires  ecclésiastiques,  immédiatement  après 
5a  justiticalion  devant  le  concile  de  Sardi- 
que,  saint  Alhanase  n'aurait  eu  qu'à  retour- 
ner gouverner  paisiblement  son  Eglise;  mais 
malheureusement  il  n'en  était  pas  ainsi.  Les 
princes  à  cette  époque  se  mêlaient  beaucoup 
trop  des  affaires  de  l'Eglise.  Aussitôt  que  les 
«usébiens,  qui  s'étaient  enfuis  de  Sardique, 
furent  rentrés  sur  les  terres  de  Constance, 
ils  s'assemblèrent  dans  la  Thrace  à  Philip- 
popolis  et  écrivirent  une  lettre  qu'ils  datèrent 
de   Sardique ,    non-seulement  contre   saint 
Athanas  '  et  ses  adhérents,  mais  encore  con- 
tre tous  ceux  qui  avaient  défendu  son  inno- 
cence. Cette  lettre  était  remplie  d'injures. 
Ils  y  poussaient  l'audace  jusqu'à  excommu- 
nier le  pa.ie  Jules,  Osius  et  plusieurs  autres. 
Us  firent  bannir  plusieurs  membres  du  clergé 
d'Alexandrie,  demeurés  fidèles  à  saint  Atha- 
nase.  Comme  ils  craignaient  que  le  saint  et 
les  autres  évoques  justifiés  par  le  concile  de 
Sardique  ne  voulussent   rentrer  dans  leurs 
villes,  ils  en  firent  garder  l'entrée  par  ordre 
de  Constance.  Les  magistrats  furent  préve- 
nus que  si  Alhanase  ou  quelqu'un  des  siens 
voulait  rentrer  dans  Alexandrie,  ils  eussent 
à  1  ;Ui' faire,  sans  autre  forme  de  procès,  tran- 
cîier  la  tête.  Ceci  se  passait  au  commence- 
ment de  SïS.  Saint  Athanase,  jugeant  qu'il 
était  impossible    qu'il   retournât  dans    son 
Eglise,  se  retira  d'abord  à  Naisse,  ville  de  la 
Dace  supérieure.  Mais  bienlùt   il  y  reçut  de 
Constant  des  lettres  qui  l'obligèrent  à  le  ve- 
nir trouver  à  Aquilée,  où  il  demeura  jusqu'à 
ce  que  Constance  le  rappelât  en  Orient  en 
.'i'vO.  Le  coucile  de  Sardi(|ue,  qui  avait  or- 
donné le  iTlablisseu)ent  des  évê({ues  chassés 
par  les  eusébiens,  avait  aussi  député  à  Cons- 
tance pour  l'engager  à  permettre  qu'on  e\é- 
cutiH  li-'s  décrets  <pi'il  avait  rendus.  Vincent, 
évê.pie  de  Ca[toue  ,  liupliratc  de  Cologne  , 
métropole  de  la    G.iule  supérieure,  avaient 
été   c'io  sis  pour  déjjutés.  (ajustant,  (jue   le 
concil  •  d»-  S.irdi(ju(!  avait  éclairé  à  la  fois  sur 
la  faiblesse  de  son  frèn;  à  soulfrir  le  mal,  et 
la  méchanceté  de    ceux    (}ui  h;  lui  faisaient 
comniettre,  autorisa  les  mêmes  évêqucs  en 


qualité  de  ses  députés  près  de  Constance.  Il 
leur  adjoignit  le  général  Salien.  Ces  députés 
avaient  ordre  d'exprimer  à  Constance  tout 
l'étonnement  qu'il  éprouvait  de  le  voir  la 
victime  et  en  même  temps  le  complice  des 
eusébiens.  Il  le  faisait  supplier  de  croire  ce 
qu'on  lui  dirait  de  la  méchanceté  de  ces  hé- 
rétiques, et  ensuite  il  le  menaçait,  s'il  ne 
l'écoutait ,  d'aller  lui-même  à"  Alexandrie 
pour  y  rétablir  saint  Athanase  sur  son 
siège. 

Cette  lettre  de  Constant  mit  l'empereur 
d'Orient  dans  un  immense  embarras;  attaché 
de  cœur  aux  eusébiens,  il  n'aurait  pas  vou- 
lu céder.  D'un  autre  côté,  engagé  dans  la 
guerre  contre  les  Perses,  il  n'osait  pas  se 
donner  l'obstacle  d'une  guerre  civile  à  faire. 
Il  assembla  les  évêques  ses  partisans  et  leur 
exposa  ce  qui  se  passait.  D'après  leur  avis, 
dicté  p^r  la  crainte  d'une  guerre,  il  décida  le 
rappel  des  évêques  rétablis  par  le  concile  de 
Sardique. 

Constance  écrivit  donc  d'après    cela   aux 
évêques  bannis  et  principalement  à  Atha- 
nase, pour  les  inviter  à  rentrer  dans  leurs 
villes  épiscopales.  Athanase,  craignant  la  mé- 
chanceté de  ses  ennemis,  ne  rentra  à  Alexan- 
drie que  l'année  suivante  349.  Sur  ces  entre- 
faites, Grégoire,  faux  évêque  d'Alexandrie, 
mourut,  ainsi  que  le  duc  Balac.  Ils  furent 
frappés  de  la  main  de  Dieu.  Nous  avons  en- 
core les  lettres  que  Constance  écrivit  à  saint 
Athanase,  pour   l'engager  à  revenir.  Après 
un  an  d'attente,  après  avoir  reçu  plusieurs 
lettres   de  Constance,   Athanase  résolut  de 
revenir  en  Orient.  Il  partit  d'Aquilée  avec 
ceux  qui  avaient  été  les  compagnons  de  son 
exil.  Cependant  il  voulut  encore  visiter  les 
Gaules  qui   l'avaient  si  bien  accueilli ,    et 
Rome  pour  y  voir  le  chef  de  l'Eglise  catholi- 
que. Le  pape  Jules  lui  remit  une  lettre  pour 
le  peuple  et  le  clergé  d'Alexandrie.  EnUn  il 
vint  à  Antioche  où  était  Constance.  Il  fut 
très-bien  reçu  par  ce  prince,  qui  lui  promit 
de   ne  plus  écouter  les  calomnies  que  ses 
ennemis   pourraient  faire  contre  lui ,  et  fit 
déchirer  tous  les  actes  publics  dans  lesquels 
il  était  question  de  ces  malheureuses  affaires. 
Croyant  Jui   susciter  un  embarras  sérieux, 
les  eusébiens  représentèrent  à  Constance  que 
comme   il  y  avait   à  Alexandrie  uu  assez 
grand  nombre  de  personnes  de  leur  commu- 
nion ,  il    était  juste  de  leur  accorder  une 
église.  Constance  en  ayant  pailé  à  Athanase, 
le  saint  ré[)ondit  qu'il  trouvait  (X'ttedemando 
très-juste,   t.'t  ({ue  cette    mesure  devait  être 
appliquée  à  toutes  les  villes  où  il  y  avait 
des   chrétiens  de  communions  dilTérentes; 
qu'ainsi  donc  les  ariens  eussent  à   donner 
aussi  une  église  aux  catholiques  dans  toutes 
les  villes  où  ils  dominaient.  Constance  trouva 
cette  demande  parfaitement  convenable,  et 
en   référa   aux    eusébiens,   qui    déclarèrent 
préférer  n'avoir  pas  d'église  dans  la  ville 
d'Alexandrie,  que  d'être  obligés  d'en  accor- 
der dans  les   leurs  aux  calholiques.   Cons- 
tance i-endit  en  outre  plusieurs  rescrits  en 
f.iveur  du  saint  et  des  ordonnances  qui  ré- 
tablissaient dans    leurs  immunités  tous  les 


509 


ATH 


ATH 


37i> 


ecclésiastiques   qui    avaient    été    cHassés. 

Après  avoir  quitté  Antioche,  le  saint,  sur 
son  passage  en  retournant  en  Kgypte,  reçut 
des  témoignages  d'estime  et  de  respect  de  ia 
plupart  des  évéques  dans  les  diocèses  (les- 
quels il  passait.  Ceux  qui  avaient  contribué 
à  sa  condamnation  élaient  couverts  de  honte 
et  de  confusion.  Plusieurs  se  cachèrent. 
Après  avoir  traversé  la  Syrie,  le  saint  évoque 
vint  dans  la  Palestine,  6ù  les  évoques  ca- 
tholiques le  reçurent  à  bras  ouverts,  et  oiï 
la  plupart  de  ses  ennemis  vinrent  lui  de- 
mander pardon  de  leur  conduite.  Saint  Ma- 
xime assembla  un  concile,  dans  lequel  ces 
évoques  déclarèrent  qu'ils  avaient  signé  la 
condamnation  d'Athanase,  non  pas  volontai- 
rement, mais  par  contrainte.  Une  lettre  fut 
écrite  à  la  chrétienté,  constatant  parfaite- 
ment toutes  ces  choses.  Dans  sa  ville,  le 
saint  .évêque  fut  reçu  avec  une  joie  extraor- 
dinaire. Le  peuple  se  pressait  do  toutes  parts 
au-devant  de  lui.  On  l'aurait,  s'il  l'eût  soulfert, 
porté  en  triomphe.  Son  retour  consola  bien 
des  affligés,  mit  fin  à  bien  des  maux,  à  bien 
des  troubles ,  car  cette  ville  malheureuse 
avait  été  torturée,  déchirée  par  Grégoire,  ce 
tigre  qui,  sous  le  titre  d'évêque,  était  l'assas- 
sin, le  bourreau  du  peuple  d'Alexandrie. 

Ce  fut  quelque  temps  après  ce  retour  que 
les  deux  évêques  Ursace  et  Valens  revinrent 
à  la  communion  catholique,  en  anathémati- 
sant  Arius  et  ses  adhérents  ,  et  en  avouant 
toute  la  faute  qu'ils  avaient  commise  à  l'é- 
gard de  saint  Athanase.  Le  pape  Jules  les  re- 
çut à  la  communion,  quoiqu'il  sût  bien 
que  chez  ces  deux  hommes  la  sincérité  n'é- 
tait pas  au  fond  du  cœur;  mais  il  estima  de- 
voir en  les  recevant  affaiblir  le  parti  des 
ariens,  et  donner  ainsi  une  éclatante  confir- 
mation à  tout  ce  qui  s'était  fait  au  concile  de 
Sardique.  Dans  l'année  350  ,  une  conspira- 
tion ayant  mis  fin  aux  jours  de  Constant, 
Constance  vit  s'augmenter  ses  embarras,  et 
dès  lors  il  se  mêla  moins  des  affaires  de  l'E- 
glise. Les  ariens,  jugeant  la  circonstance  fa- 
vorable, recommencèrent  leurs  manœuvres, 
leurs  calomnies  contre  saint  Athanase.  Mais 
Constance,  loin  de  les  écouter,  voulut  rassu- 
rer lui-même  le  saint  évêque.  Il  envoya  pour 
cela  un  ordre  exprès  à  Félicissime,  duc  d'E- 
gypte, età  Nestor,  gouverneur  de  la  province, 
f»our  empêcher  qu'aucun  ne  pût  tourmenter 
e  saint  évêque.  11  lui  écrivit  à  lui-même 
pour  l'assurer  des  bonnes  dispositions  dans 
lesquelles  il  resterait  à  son  sujet. 

L'amitié  des  princes  est  changeante;  Atha- 
nase en  eut  la  preuve.  Les  bonnes  disposi- 
tions de  Constance  ne  furent  pas  de  longue 
durée.  Les  eusébiens  pressèrent  ce  prince  de 
renouveler  la  persécution  contre  Athanase, 
l'accusant  entre  autres  choses  d'avoir  écrit 
et  parlé  de  lui  à  son  frère  en  fort  mauvais 
termes  Malgré  cela  ,  Constance,  embarrassé 
dans  sa  guerre  contre  Magnence,  ne  donna 
aucune  suite  aux  mauvais  desseins  qu'il 
avait  contre  Athanase.  Ses  ennemis  ne  se 
lassèrent  pas;  ils  écrivirent  au  pape  Libère, 
successeur  de  Jules,  renouvelant  toutes  les 
calomnies  dont  le  saint  avait  déjà  été  l'objet. 


Ce  pape  ôcrïvit  à  Athanase  pour  le  mander  à 
Rome,  lui  disant  que,  s'il  ne  s'y  rendait  pas, 
il  le  séparerait  de  la  connnunion  des  fidèles. 
Athanase,  craignant  pour  sa  vie,  ou  pour 
toute  autre  raison,  refusa  de  sortir  d'Alexan- 
drie. Alors  Libère  écrivit  aux  Oiiculaux  une 
lettre  dans  laquelle  il  accuse  l'orlenient  le 
saint  évoque  et  le  déclare  séparé  de  la  com- 
munion catholique.  Alors  saint  Athanase 
assembla  un  concile;  soixante-quinze  oui 
quatre-vingts  évêques  qui  s'y  trouvèrent 
écrivirent  au  pape  pour  le  prier  de  ne  pas 
maintenir  sa  décision  contre  leur  primat. 
Cette  lettre  fut  lue  par  Libère  devant  tout 
son  clergé,  et  comme  il  vit  que  lopins  grand 
nombre  des  Occidentaux  défendait  saint 
Athanase,  il  ne  persista  pas  à  l'accuser;  ùil 
contraire ,  il  se  désista  de  sa  première  dé- 
cision ,  reconnaissant  qu'on  l'avait  trompé 
et  qu'il  avait  agi  d'une  façon  trop,  préci- 
pitée. 

Dans  l'année  353,  Athanase  eut  à  déjoucar 
une  nouvelle  machination  des  ariens.  Cons- 
tance était  en  Italie,  occupé  de  la  guerre 
qu'il  faisait  à  Magnence,  quand,   ayant  reçu 
une  fausse  demande  d'Athanase  de  le  venir 
trouver,  il  lui  écrivit  pour  le  lui  permettre, 
donnant  même  tous  les  ordres  nécessaires 
pour  ce  voyage.  Le  saint  fut  fort  étonné  de- 
recevoir  une  permission  qu'il  n'avait  pas  de- 
mandée. Il  vit  là  un  piège  tendu  par  ses  en- 
nemis. Cependant  il  se  décida  à  ne  pas  par- 
tir de  sa  ville.  Il  dit  aux    envoyés  qu'il  res- 
tait, puisque  l'empereur  ne  lui  commandait 
pas  d'aller,  mais  se  bornait  à  le  lui  permet- 
tre ;  que  cette  permission  étant  accordée  sur 
une  fausse  demande,  il  ne  se  croyait  pas  lo 
droit  de  quitter  son  troupeau   et  d'abuser 
ainsi  de   la  bonne  foi  de  l'empereur  dans 
cette  atfaire.  Il  ajouta  que  du  reste  il   était 
aux  ordres  de  l'empereur,  prêt  à  partir  à  la 
moindre    injonction  de  sa   part.  Ceux  qui 
avaient  écrit  on  son  nom  à  Constance  pour 
solliciter  cette  permission ,  écrivirent  aussi 
une  lettre  adressée  à  Magnence,  et  la  remi- 
rent à  Constance.  Quand  saint  Athanase  le 
sut,  il  en  fut  tellement  peiné,  qu'il  passait 
les  nuits  sans  dormir;  il  disputait  et  discu- 
tait contre   ses  accusateurs  absents.  Il  était 
vraiment  comme  halluciné,  tant  ladouleurde 
cette  accusation  le  frappait  vivement.  On  ne 
peut  s'empêcher  d'être  surpris  qu'un  homme 
d'un  si  grand  mérite,  et  de  la  trempe  d'es- 
prit d'Athanase,  se  laissât  aller  à  de  sembla- 
liles  manifestations.  Peut-être  que  son  es- 
prit momentanément  frappé   était  vraiment 
malade.  Toujours  est-il  que  saint  Athanase 
demandait  avec  gémissements  et  avec  lar- 
mes l'occasion  de    se  justifier.  Il   supplia 
Constance  de  vouloir  bien  édaircir  à  fond 
cette  atlaire,  et  d'interroger  tous  ceux  qui 
écrivaient  sous  lui,  pour  découvrir  le  véri- 
table auteur  de  cette   infamie.  Los  ariens 
n'eurent  garde  de  le  souffrir. 

Telles  étaient  les  infamies  à  l'aide  des- 
quelles on  parvenait  à  faire  dans  l'esprit  du 
prince  des  plaies  profondes,  saignantes,  qui 
laissaient  toujours  des  cicatrices  visibles. 
Peu  à  peu  l'irritation  s'accumulait,  et  enfin 


371  AIH 

elle  éclata  en  l'an  356.  Constance  manda  le 
saint  à  la  cour.  Suivant  Sozomène,  Athanase, 
voyant  qu'on  le  desservait  sans  cesse  dans 
l'esprit  de  l'empereur,  avait  envoyé  près  de 
lui  cinq  évoques,  parmi  lesquels  Séra})ion  de 
Thmuis,  afin  de  l'adoucir  et  de  faire  que  la 
vérité  prît  dans  sa  conscience  la  place  de 
l'erreur  et  de  la  calomnie.  On  ne  sait  pas 
d'une  façon  bien  sûre  quel  fut  le  résultat  de 
cetteambassadc.  Les  ariens  ne  se  fatiguaient 
pas.  Leur  but  était  de  faire  sortir  Athanase 
d'Aleïa-idiie.  Nous  les  avons  vus  l'essayer  à 
l'aide  d'une  lettre  supposée  ,  puis  à  l'aide 
des  calomnies  de  toutes  sortes  répandues 
contre  lui,  ils  le  tentèrent  en  supposant  des 
ordres  formels  de  l'empereur.  DiOjjène  et 
Hilaire,  tous  deux  secrétaires  du  prince  à 
Alexandrie,  se  présentèrent  au  palais  épisco- 
pal  pour  faire  sortir  Athanase  d'Alexandrie. 
Mais  le  saint  s'y  refusa  positivement,  et  dit 
qu'il  ne  le  ferait  que  sur  la  production  des 
ordres  écrits  de  Constance.  Dans  l'impossi- 
bilité de  les  produire,  puisqu'ils  étaient  sup- 
posés, les  auteurs  de  celte  odieuse  tentative 
durent  se  retirer  avec  la  honte  de  l'insuc- 
cès. Du  reste  le  peuple  alexandrin,  ([ue  tant 
de  persécutions  exaspéraient,  avait  '})ris  les 
armes  et  se  préparait  h  défendre  son  saint 
évêque.  On  fit  alors  venir  les  légions  pour 
exécuter  par  la  force  ce  qu'on  n'avait  pu  ob- 
tenir autrement.  Ce  fut  le  duc  Syrien  qui  se 
chargea  de  cette  expédition.  11  se  présenta  à 
Athanase,  qui  lui  demanda  aussi  à  lui  s'il 
avait  à  lui  montrer  des  ordres  de  l'empereur. 
«  Je  suis  ici,  lui  dit-il,  par  l'ordre  formel  du 
monarque;  je  n'en  sortirai  que  sur  un  ordre 
formel  de  sa  part.  Du  moins,  ajouta-l-il,  à 
défaut  de  l'ordre  formol  de  l'empereur,  pour 
que  ma  responsabilité  soit  couverte,  écrivez- 
moi,  vous  ou  Maxime,  préfet  d'Egypte,  l'or- 
dre positif  de  sortir  d'Alexandrie.  »  Le  peu- 
ple tout  entier  se  joignit  au  saint  évèquo 
pour  faire  la  môme  demande.  Syrien,  n'ayant 
pas  d'ordres  à  produire,  et  peu  soucieux 
d'en  écrire  un  de.  son  autorité  privée,  dit 
qu'il  écrirait  de  tout  ceci  h  l'empereur.  On 
demeura  donc  de  part  et  d'autre  tranquille 
sur  cette  assurance.  Mais  vingt-trois  jours 
après,  le  9  février,  durant  la  nuit,  saint 
Athanase  étant  à  prier  dans  l'église  deSaint- 
Théonas,  Syrien  vint,  avec  environ  5000 
hommes  armés,  la  cerner.  L'intention  des 
agresseurs  était  de  tu.jr  le  saint  évoque.  Ils 
firent  irruption  dans  l'église.  Un  grand  nom- 
bre de  personnes  furent  renverséi;s,  foulées 
aux  pieds.  Beaucoup  furent  blessées,  quel- 
ques-unes tué(,'s.  Quant  au  saint  évoque, 
assis  sur  son  trône,  du  haut  duquel  il  ex- 
hortait le  ()euple,  il  se  refusait  à  sortir  et  à 
se  soustraire  au  danger.  Des  moines  et  des 
X>rêtres  y  montèrent  et,  l'ayant  enh;vé,  le  (i- 
rent  disparaître,  ai»rès  avoir  réussi  à  le  faire 
passer  sans  être  apeiçu  au  milieu  des  sol- 
dats. Depuis  lors  il  demeura  constamment 
carfK'.  loi  nous  emj)runlons  la  suite  du  récit 
h  FliMiry.  Nous  ne  saurions  le  donner  plus 
court;  puis  il  contient  d-s  (tièces  aullienti- 
<pjes  (jui  doivtiiil  se  trouver  ici. 

«  On  lit  enlever  par  des  soldats  les  corps 


ATH 


375 


morts  pour  les  cacher;  mais  les  vierges  qui 
avaient  été  tuées  furent  mises  dans  des  sé- 
pulcres et  considérées  comme  martyres.  On 
honore  encore  la  mémoire  de  tous  ceux  qui 
moururent  en  cette  occasion.  Les  fidèles 
pendirent  dans  l'église  les  llèches,  les  épées 
et  les  autres  armes  qu'ils  y  trouvèrent,  pour 
servir  de  preuve  incontestable  de  cette  vio- 
lence, (|u'ils  attestèrent  encore  par  une  pro- 
testation solennelle.  Syrien  voulut  les  obli- 
ger à  la  révoquer,  et  à  déclarer  qu'il  n'y  avait 
point  eu  de  tumulte  ni  personne  de  tuée;  il 
lit  même  donner  des  coui)s  de  bAtons  à  ceux 
qui  l'allèrent  prier  de  ne  forcer  personne  à 
nier  la  vérité.  Il  envoya  plusieurs  fois  le 
bourreau  de  sa  coiiorte  et  le  capitaine  de  la 
ville,  pour  ô'er  les  armes  qui  étaient  sus- 
pendues dans  l'église;  mais  les  catholiques 
l'empêchèrent  et  Urent  une  seconde  protes- 
tation qui  commence  ainsi  : 

«  Le  peuple  de  l'Eglise  catholique  d'Alexan- 
drie, qui  est  sous  le  révérendissime  évêque 
Athanase.  Nous  avons  déjà  protesté  touchant 
l'invasion  no3turne-  faite  dans  notre  église, 
quoiqu'il  ne  fut  pas  besoin  de  protestation 
pour  une  chose  notoire  à  toute  la  ville.  On 
a  exposé  en  public  les  corps  de  ceux  qui 
ont  été  trouvés  morts  :  les  armes  et  les  arcs 
qui  sont  dans  l'église  crient  vengeance. 
Mais  puisque  l'illustre  duc  Syrien  veut  nous 
faire  dire  qu'il  n'y  a  point  eu  de  tumulte , 
c'est  une  preuve  manifeste  qu'il  n'a  pas  agi 
par  la  volonté  du  très-clément  empereur 
Constantius;  car,  s'il  l'avait  fait  par  ordre,  il 
ne  craiiidi-ait  rien.  Et  ensuite  :  Quelques-uns 
de  nous  étant  prêts  d'aller  vers  le  très-pieux 
em])creur,  nous  conjurons  par  le  Dieu  tout- 
puissant,  pour  le  salut  de  l'empereur  môme, 
le  préfet  d'Egypte  Maxime  et  les  curieux  de 
lui  rapporter  le  tout,  et  aU  préfet  du  pré^ 
toire.  Nous  conjurons  aussi  tous  les  maîtres 
de  vaisseaux  de  le  publier  partout,  de  le 
])orter  aux  oreilles  de  l'empereur,  des  pré- 
fets et  des  juges  de  chaque  lieu,  afin  que 
l'on  connaisse  la  guerre  que  l'on  fait  h  l'E- 
glise, et  (lue  ,  sous  le  règne  de  Constantius, 
Syrien  a  fait  souU'rir  le  martyre  à  des  vier- 
ges et  <à  d'autres  i)ersonnes.  Car  la  veille  du 
cinquième  jour  avant  les  ides  de  février, 
c'est-à-dire  le  quatorzième  du  mois  Méchir, 
comme  nous  étions  d;ms  l'église  à  veiller  cl 
à  prier...  Il  raconte  ensuite  tout  ce  qui  s'é- 
tait passé.  Méchir  était  le  sixième  mois  des 
Egyptiens,  qui  comnnmçait  le  vingt-sixième 
dejanvicn",  et  doit  hs  (piatorzième  tombait 
au  huitiènie  de  févi'ier,  c'est-à-dire  au  jeudi, 
veille  du  neuvièmtï,  qui,  cette  année  trois 
cent  cinquante-six,  était  le  vtnidrodi.  La 
protestation  finit  ainsi  :  S'il  y  a  ordre  de  nous 
persécuter,  nous  sommes  "prêts  à  soutVrir 
tous  le  martyre  ;  s'il  n'y  a  point  d'ordre  de 
l'empereur,  nous  prions  Maxime,  préfet  d'E- 
gy|)te,  et  tous  les  magistrats,  de  le  jirier 
qu'on  n'entreprenne  plus  rien  de  semblable. 
Nous  prions  aussi  qu'on  lui  porte  la  retjnête 
(jue  nous  faisons,  afin  cpie  l'on  n'entreprenno 
point  d  introduire  ici  un  auli-c  évêque  :  non? 
suinnKîS  préparés  à  la  mort  par  l'alfeclion 
que  nous  portons  au  révérendissime  Atha- 


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ATH 


ATII 


374 


iiase,  que  Dieu  nous  a  donné  dus  le  com- 
mencement, suivant  la  succession  de  n()3 
pères,  que  l'empereur  ('onstantius  lui-môme 
nous  a  envoyé  avec  des  lettres  accoiO[)agiiées 
de  serments.  Nous  ne  croyons  pas  (pi'il 
veuille  les  violer.  An  contraire,  nous  som- 
mes persuadés  ([ue,  s'il  api)rend  ce  qui  s'est 
passé,  il  en  sera  indi^^'ié,  et  ([u'il  ordonnera 
de  nouveau  que  l'évèquc  Allianase  demeure 
avec  nous.  J)onné  sous  le  consulat  de  ceux 
qui  seront  désignés  après  Arbétion  et  Loi- 
lieu,  le  dix-septiènie  de  Méchir,  auli'emcnt 
la  veille  des  ides  de  février,  c'est-à-dire  le 
douzième  de  février,  trois  cent  cinquante- 
six. 

«  Loin  que  cette  protostation  eût  aucun 
effet,  l'empereur  Constantius  approuva  tout 
ce  qui  s'était  passé.  11  écrivit  au  sénat  et  au 
peu|)le  d'Alexandrie,  excitant  la  jeunesse  à 
s'assembler  et  à  poursuivre  Allianase,  sous 
peine  de  son  indignation.  Il  tâchait  aussi  de 
cacher  la  honte  de  son  changouienl ,  en  di- 
sant qu'il  n'avait  soulfort  le  retour  d'Atha- 
nase  qu'en  cédant  pour  un  temps  à  l'amitié 
de  son  frère,  et  qu'en  le  bannissant  il  imitait 
le  grand  Constantin ,  son  père,  qui  l'avait 
relégué  dans  les  Gaules.  Enlin  il  prétendait 
Couvrir  toute  sa  conduite  du  zèle  des  ca- 
no'is  de  l'Eglise.  Cette  lettre  fut  apportée  et 
proposée  en  public  par  le  comte  Héraclius; 
et  il  déclara  de  la  part  de  l'empereur  que,  si 
l'on  n'y  obéissait  pas,  il  ôterait  le  pain  que 
l'on  donnait  par  ordre  public,  et  réduirait  en 
servitude  plusieurs  des  magistrats  et  du 
peuple.  11  menaçait  môme  de  renverser  les 
idoles,  pour  intimider  les  païens  qui  étaient 
encore  en  grand  nombre.  En  faisant  ces  me- 
naces, il  disait  publiquement  que  Tempereur 
ne  voulait  point  d'Athanase,  et  qu'il  com- 
mandait que  l'on  donnât  les  églises  aux 
ariens.  Tous  s'en  étonnaient,  et,  se  regar- 
dant l'un  l'autre,  ils  se  demandaient  si  Cons- 
tantius était  devenu  hérétique?  Héraclius  fit 
plus  ;  U  contraignit  des  sénateurs,  des  ma- 
gistrats et  des  païens,  gardiens  des  temples 
d'idoles,  de  déclarer  par  écrit  qu'ils  rece- 
vraient l'évêque  que  l'empereur  enverrait. 
Ces  païens  rachetaient  par  cette  souscription 
la  sûreté  de  leurs  idoles  et  de  leurs  manu- 
factures, et  cédaient  à  la  volonté  du  prince, 
comme  quand  on  leur  envoyait  un  gouver- 
neur. 

«  La  résistancç  des  catholiques  leur  attira 
bientôt  de  nouvelles  violences.  Le  peuple 
étant  assemblé  dans  la  grande  église,  un 
mercredi,  qui  était  jour  de  station,  le  comte 
Héraclius  prit  avec  lui  le  préfet  d'Egypte, 
Cataphronius,  Faustin,  catholique  ou  tréso- 
rier général,  et  un  hérétique,  nommé  lîithy- 
nus;  puis,  alléguant  l'ordre  de  l'empereur,  il 
excita  les  plus  jeunes  des  idolâtres  qui  se 
trouvaient  sur  la  place,  à  s'en  aller  dans  l'é- 
glise jeter  des  pierres  au  peuple.  L'ofiîce 
était  fini,  et  la  plupart  des  fidèles  s'étaient 
retirés  :  il  ne  restait  que  quelques  femmes, 
qui  demeuraient  assises,  apparemment  pour 
se  reposer  après  la  prière  qui  se  faisait 
alors  debout.  Tout  d'un  coup  ces  jeunes 
gens  entrent  nus  avec  des  bâtons  et  jetant 


des  pierres.  Ils  frappent  les  vierges,  arra^ 
client  leurs  voiles,  leur  découvrent  la  tète  ; 
et,  irrités  par  la  lésistance,  ils  leur  don- 
naient des  coups  de  pied  et  hsur  disaient  des 
j)aroles  insolentes,  l'aies  fuyaient  pour  no  les 
point  ouïr,  comme  pour  éviter  des  morsures 
d'as|)ics  :  les  ariens  n'en  faisaient  (lue  rire. 
Ensuite  les  i)aïens  i)riiont  les  bancs,  la 
chaire,  l'autel  qui  était  de  bois,  les  rid(îaux  de 
l'église,  et  tout  le  reste  qu'ils  purent  empor- 
ter, et  le  brûlèrent  devant  le  portail  dans  la 
grande  place.  Ils  jetèrent  de  l'encens  sur  ce 
feu  en  louant  leurs  idoles,  et  en  disant  : 
Constantius  est  devenu  païen,  et  les  ariens 
ont  reconnu  notre  religion.  Ils  prirent  même 
une  génisse,  qui  servait  à  tirer  de  l'eau  pour 
arroser  les  jardins  du  quartier,  et  pensèrent 
la  sacrifier  :  ils  n'en  furent  empochés  que 
parce  qu'ils  reconnurent  que  c'était  une  fe- 
melle ;  car  il  n'était  pas  permis  de  les  im- 
moler. 

<(  Dans  ce  désordre  il  arriva  deux  acci- 
dents, qui  parurent  des  marques  sensibles 
de  la  vengeance  divine.  Un  jeune  insolent 
courut  s'asseoir  dans  la  chaire  épiscopale,  et 
faisait  résonner  son  nez  d'une  façon  déshoii- 
nôte;  puis  il  se  leva  et  s'efforça  de  rom|)re  la 
chaire,  mais,  en  tirant  à  lui,  un  morceau  de 
bois  lui  entra  dans  le  ventre,  de  telle  sorte 
qu'il  lui  fit  sortir  les  intestins;  il  tomba,  on 
l'emporta  et  il  mourut  un  jour  af)rès.  Un  au- 
tre entra  avec  des  feuilles  qu'il  secouait  à  la 
manière  des  païens  en  se  moquant.  Aussitôt 
il  fut  tellement  ébloui  qu'il  ne  voyait  plus  et 
ne  savait  oii  il  était  :  il  serait  tombé  si  on  ne 
lui  eût  donné  la  main  pour  le  soutenir  et 
l'emmener.  A  peine  put-il  au  bout  d'un  jour 
revenir  à  lui,  et  il  ne  savait  ni  ce  qu'il  avait 
fait  ni  ce  qui  lui  était  arrivé.  La  terreur  de 
ces  exemples  arrêta  remportement  des 
païens  ;  mais  les  ariens  n'en  furent  que  plus 
endurcis. 

«  George,  qu'ils  avaient  ordonné  évoque 
d'Alexandrie,  était  de  Cappadoce,  homme  de 
basse  naissance,  fils  d'un  foulon.  Il  fut  d'a- 
bord parasite  et  livré  à  qui  lui  faisait  bonne 
chère  ;  ensuite  il  se  mit  dans  les  affaires,  et 
prit  la  commission  de  fournir  la  chair  de 
porc  que  l'on  donnait  aux  soldats;  mais, 
ayant  malversé  et  tout  consumé,  il  s'enfuit 
de  Constantinople,  où  il  avait  cet  emploi,  et 
demeura  quelque  temps  errant  de  province 
en  province.  Il  était  grossier  et  ignorant,  sans 
agrément  dans  l'esprit,  sans  aucune  teinture 
des  bonnes  lettres ,  païen  dans  le  fond  et 
chrétien  seulement  de  nom  ;  ainsi  il  suivait 
la  doctrine  qui  convenait  mieux  à  ses  inté- 
rêts, mais  sans  témoigner  aucune  piété, 
même  en  apparence  ;  au  contraire,  il  était 
avare,  malfaisant,  brouillon  et  naturellement 
cruel.  Ce  fut  ce  personnage  que  les  ariens 
choisirent  pour  remplir  le  siège  d'Alexan- 
drie à  la  place  de  saint  Athanase,  le  regar- 
dant comme  un  homme  agissant  et  attaché 
à  leur  doctrine.  On  croit  qu'ils  l'ordonnèrent 
à  Antioche  dans  un  concile  de  trente  évo- 
ques de  leur  parti,  tenu  Tan  SbY,  où  ils  con- 
damnèrent de  nouveau  saint  Athanase,  et 
écrivirent  à  tous  les  évoques  de  ne  point 


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communiquer  avec  lui,  mais  avec  George, 
qu'ils  avaient  ordonné.  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
en'ra   à  Alexandrie   pendant  le   carême  de 
cette  année  356,  et  commença  ses  violences 
ù  la  fête  de  PAques.  Le  peuple  catholique 
abandonna  les  églises,  cl  s'assembla  ce  saint 
jour  et  les  dimanches  suivants  dans  un  lieu 
désert  près  le  cimetière.  La  senuiine  d'après 
la  Pentecôte,  le  peuple,  après  avoir  jeûné, 
vint  en  ce  même  lieu  pour  prier.   George, 
l'ayant  appris ,  excita  le  duc  Sébastien,  qui 
était  manichéen,   d'y   aller,  comme  il  fit  le 
dimanche  môme,  avec  des  soldats  armés,  au 
nombre  de  plus  de  trois  mille.  Ils  donnèrent 
l'épée  à  la  main  sur  ce  peuple  assemblé  pour 
prier,  avec  des  femmes  et  des  enfants;  mais 
il  en  restait  peu,  et  la  plupart  s'étaient  déjà 
retirés.  Sébastien  lit  allumer  un  grand  feu, 
devant  lequel  il  pressait  les  vierges  de  dire 
qu'elles  suivaient  la  foid'Arius  ;  mais,  voyant 
que  la  vue  de  ce  feu  ne  les  ébranlait  pas,  il 
les  lit  dépouiller  et  frapper  sur  le  visage,  de 
telle   sorte  que  longtemps  après  on    avait 
encore  p^-ine  à  les  reconnaître.  11  fit  prendre 
quarante  hommes,  à  qui  l'on  déchira  le  dos, 
les  frappant  avec  des  branches  de  palmes 
fraîchement  coupées   et   encore  armées   de 
leurs  pointes,  qui    entrèrent  si  avant,  que 
pour  les  retirer  il  fallut   mettre  les  bles- 
sés entre  les  mains  des  chirurgiens,   et  leur 
faire    plusieurs    incisions;    quelques-uns 
même  en   moururent.  11  y  eut  des  vierges 
traitées  de  la  même  sorte.  On  refusa  de  ren- 
dre les  corps  de  ceux  qui  moururent  en  cette 
occasion  :  on  les  détourna,  on  les  jeta  aux 
chiens,    et    leurs  parents  les    retirèrent  à 
grande  peine  pour  les  enterrer  secrètement. 
Ils  furent  comptés  pour  martyrs,  et  l'Eglise 
fait  encore  leur  mémoire  le  *il  mai.  Ceux  qui 
restèrent  en  vie  furent  bannis  dans  le  dé- 
sert nommé  la  gr.mde  Oasis. 

«  Sous  prétexte  de  chercher  saint  Atha- 
nase,  on  scella  plusieurs  maisons,  on  en  pilla 
plusieurs,  on  ouvrit  même  <les  sépultures, 
on  enleva  des  dépotsque  saint  Athanasc  avait 
mis  chez  des  personnes  de  probité.  Les  ca- 
t'.ioliques  perdaient  1 1  plus  grande  partie  de 
leui'  bien  pour  conserver  le  reste,  et  em- 
pruntaient pour  se  racheter  de  la  vexation 
des  ariens.  Ils  fuyaient  leur  rencontre,  plu- 
sieurs passaient  de  rue  en  rue,  de  la  ville 
dans  les  faubourgs  ;  mais  ceux  qui  les  reti- 
raient étaient  traités  comme  eux.  D'autres 
passaient  la  nuit  dans  le  désert  ;  d'autres  ai- 
maient mieux  s'exposer  à  la  mer  que  d'en- 
tendre leurs  menaces;  car  ils  avaient  toujours 
îi  la  bouche  le  nom  de  l'empereur.  Ils  enle- 
vèrent plusieurs  vierges  de  leurs  maisons,  et 
insultèrent  à  d'autres  dans  les  rues,  princi- 
jjalemenl  par  leurs  femmes  qui  se  prome- 
naient insohnnment  comme  des  bacchantes, 
ch(Mchant  l'occasion  d'outrager  les  femmes 
calhoiiiiues. 

«  On  c  lassapar  l'auloiité  du  duc  Sébasti(Mi 
les  prêtres  et  les  diacn-s  <|ui  servaient  dans 
l'église  d'.Mexariclrie  depuis  le  temps  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Alexandre,  cA  on  rélaldit 
<;euxrpji  avaient  été  chassés  rlês  le  connnen- 
ceujiiilaver,  Aiius.  Deux  prêtres  entre  autres, 


Hiérax  et  Dioscore,  furent  envoyés  en  exil, 
et  leurs  maisons  pillées.  11  y  eut  des  vierges 
qui  furent  attachées  à  des  poteaux,  et  eurent 
les  côtés  déchirés  jusqu'à  trois  fois  :  ce  que 
l'on  ne  faisait  pas  aui  véritables  criminels. 
Un  vertueux  sous-diacre,  nommé  Eutychius, 
après  avoir  été  fouetté  sur  le  dos  avec  des 
lanières  de  cuir  de  bœuf  quasi  jusqu'à  la 
mort,  fut  envoyé  aux  mines  de  Phaino,  lieu 
si   malsain,  que  les   criminels  pouvaient  à 
peine  y  vivre  quelques  jours;  et,  sans   lui 
donner  seulement  quelques  heures  pour  se 
faire  panser  de  ses  plaies,  on  le  pressa  telle- 
ment de  partir,   qu'il    mourut    en   chemin 
bientôt  après  avec  la  gloire  du  martyre.  L'E- 
glise honore  sa  mémoire  le  vingt-sixième  de 
mars,  avec  d'autres  martyrs  qui  soutîrirent 
sous  cette  persécution  de  George.  Comme  le 
peuple  sollicitait  pour  Eutychius,  les  ariens 
tirent  prendre  un  nommé  Hermias,   et  trois 
autres  personnages  considérables  que  le  duc 
Sébastien   mit  en  prison   après  les  avoir  dé- 
chirés de  coups.   Les   ariens,   voyant  qu'ils 
n'en   étaient    pas   morts,  se  plaignirent  et 
menacèrent  d'écrire  aux  eunuques  ;  le  duc 
en  eut  peur,  et  fit  battre  une   seconde  fois 
ces  innocents,  qui   disaient  seulement  :  On 
nous  frappe  pour  la  vérité,  nous  ne  commu- 
niquons point  avec  les  hérétiques;  frappez  tant 
qu'il  vous  plaira,  vous  en  rendrez  compte  de- 
vantDieu.Les  ariens  voulaient  les  faire  mourir 
en  prison;  mais  le  peuple,  prenant  son  temps, 
obtint    leur  liberté   au  bout  d'environ  sept 
jours.  Les  ariens  s'en  vengèrent  sur  les  pau- 
vres; car  après  que  le  duc  leur  eut  livré  les 
églises,  les  pauvres  et  les  veuves,  ne  pouvant 
plus  y  demeurer,  étaient  assis  dans  les  lieux 
que  leur  ava-ent  marqués  les  clercs,  qui  pre- 
naient soin  d'eux.  Mais  les  ariens,  voyant  que 
les  catholiques  leur  donnaientabondamment, 
chassèrent  1.  s  veuves  à  coups  de   pied,  et 
dénoncèrent  à  Sébastien  ceux  qui  leur  don- 
naient. Il  reçut  favorablement  cetie  accusa- 
tion, étant  manichéen,  et  par  conséquent  en- 
nemi des  pauvres  et  de  l'aumône.  C'était  donc 
une  nouvelle  espèce  de  crime  d'avoir  assisté 
les  misérables.  Cette   conduite   rendait   les 
ariens  odieux  à  tout  le  monde,  et  les  païens 
mêmes  les   maudissaient  comme  des  bour- 
reaux. Au  reste,  on  voit  ici  que  les  pauvres 
étaient   logés  dans  les   églises,   c'cst-à-diro 
dans  les  bAtiments  qui  les  accompagnaient, 
du  moins  ils  y  avaient  leur  place  pour  rece- 
voir les  aumônes. 

«  La  persécution  s'étendit  hors  d'Alexan- 
drie, par  toute  l'Egypte  et  la  Libye.  Il  y  eut 
un  ordre  de  Conslantius  pour  chasser  des 
églises  les  évêcjues  calholi(iues  et  les  livrer 
tous  aux  ariens.  Aussitôt  Sébastien  commen- 
ça de  l'exécuter,  écrivant  aux  gouverneurs 
particuliers  et  aux  puissances  mditaires.  On 
voyait  des  évoques  prisonniers,  des  prêtres 
et  (fi.'S  moines  chargés  de  chaînes,  après  avoir 
été  battus  juscpi'à  la  ni(»rl.  Tout  le  pays  était 
(m  troubh;;  les  p(;u|>les  nuunnuraieni  d'une 
ordonnance  si  injuste  et  d(^  la  dureté  do 
re\(''<  ulion;  car,  (juniiiue  l'ordre  ne  porlAl 
(pu'  de  les  chasser  de  leur  pays,  on  les  en- 
voyait  à  deux  ou    trois  provinces  au  delà, 


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dans  dos  solitudes  alfreuses,  ceux  de  Libye 
dans  la  grande  Oasis,  en  Tliébaïde  ;  ceux  de 
Thébaïde  dans  la  Libye  Ainmoiii(iiie.  On 
traitait  ainsi  de  vénérables  vieillards,  évôrjucs 
depuis  un  grand  nombre  d'années,  les  uns 
dès  le  temps  de  saint  Alexandre,  les  autres 
depuis  saint  Achillas,  quelques-uns  de])uis 
saint  Pierre,  qui  avait  souU'ert  le  martyre 
quarante-cinq  ans  auparavant.  On  ne  cher- 
cliait  qu'à  les  faire  mourir  en  traversant  les 
déserts,  car  on  n'avait  point  pitié  des  mala- 
des; on  ne  les  pressait  pas  moins,  en  sorte 
qu'il  les  fallait  [Orter  dans  des  brancards,  et 
faire  suivre  de  quoi  les  ent -rrer.  Quel- 
ques-uns moururent  dans  le  lieu  de  l'exil, 
d'autres  en  chemin,  et  il  y  en  eut  un  dont 
on  ne  permit  pas  aux  siens  d'emporter  le 
corps.  On  persécuta  ainsi  près  de  quatre- 
vingt-dix  évoques,  c'est-à-dire  à  pi^u  près 
autant  qu'il  y  en  avait  dans  toute  l'Egypte 
et  la  Libye.  Seize  furent  bannis  ,  plus  de 
trente  chassés  :  quelques-uns  dissimulèrent 
par  contrainte,  entre  autres  Théodore  d'Oxy- 
rinque ,  qui  se  fit  même  réordonner  par 
George. 

«  lilntre  les  évêques  bannis  fut  Draconce, 
qui  avait  tant  résisté  à  accepter  l'épiscopat; 
et,  entre  lûs.  évêques  persécutés,  nous  re- 
trouvons ceux  dont  saint  Athanase  lui  avait 
proposé  l'exemple,  et  qui  de  la  vie  monas- 
tique avaient  été  élevés  à  l'épiscopat.  Dia- 
conce  fut  envoyé  aux  déserts  près  de  Clys- 
ma,  sur  les  bords  de  la  mer  Rouge,  et  relé- 
gué dans  le  château  de  ïhébate,  où  saint 
Hilarion  le  visita.  Il  visila  aussi  l'évêque  de 
Philon,  relégué  à  Babylune,  dans  la  seconde 
Aiigustamnique  :  Adelphius  fat  relégué  à 
Psinabla,  en  Thébaïde.  On  croit  que  c'est 
celui  à  qui  saint  Athanase  écr.vit  une  lettre 
pour  réfuter  une  erreur  des  ariens,  qui  ne 
voulaient  pas  que  l'on  adorât  la  chair  de  Jé- 
sus-Christ. Il  y  montre  que  sa  chair  est  ado- 
rable comme  unie  à  la  divinité,  et  prouve 
solidement  l'unité  de  personne  en  Jésus- 
Christ,  nonobstant  la  distinction  des  natures. 
11  donne  à  Adelphius  le  litre  de  confesseur, 
ce  qui  peut  faire  croire  que  celte  lettre  fut 
écrite  depuis  son  exil.  Le  prêtre  Hiérax,  à 
qui  saint  Athanase  lui  permet  de  la  commu- 
niquer, était  aussi  un  des  confesseurs  exilés. 
Saint  Sérapion  de  Thmouis  fut  persécuté  en 
cette  même  occasion.  Il  y  eut  des  monastères 
ruinés  et  des  moines  que  l'on  voulut  jeter 
dans  le  feu. 

«  A  la  place  de  ces  saints  évêques  on  met- 
tait de  jeunes  débauchés  encore  païens,  ou 
à  peine  catéchumènes,  quelques-uns  biga- 
mes, d'autres  chargés  de  plus  grands  repro- 
ches. On  demandait  seulement  qu'ils  fissent 
profession  de  l'arianisme,  qu'ils  fussent  ri- 
ches et  accrédités  dans  le  monde.  Ils  ache- 
taient l'épiscopat  comme  au  marché;  ensuite 
les  ariens,  bien  escortés  de  solJais,  les  fai- 
saient élire  et  les  mettaient  en  possession. 
C'étaient  principalement  les  décurions  et  les 
autres  magisti-ats  des  villrs  qui  se  faisaient 
ainsiordonnerévèques  pour  jouir  des  exemp- 
tions et  avoir  le  premier  rang.  Les  plus  fa- 
ciles à  les  recevoir  et  à  traiter  de  leur  pro- 


motion pour  de  l'argent  étaient  les  mélëciens, 
(lui  lisaient  pou  les  sahiles  Ecritures,  et  sa- 
vaient à  peine  ce  que  c'était  que  le  christia- 
nisme. Ces  évê  pies  ne  connaissaient  ni 
l'importance  d(!  leur  charge,  ni  la  ditférence 
de  la  vraie  et  de  la  fausse  religion  ;  de  mélé- 
ciens  ils  devenaient  aisément  ariens,  prêts,- 
si  l'empereur  le  commandait,  de  changer  en- 
core et  de  tourner  à  tous  vents,  pourvu  qu'ils 
conservassent  leur  exemption  et  leur  pré- 
séance. Ils  demeuraient  païens  dans  le  cœur, 
et  traitaient  les  alfaires  de  l'Eglise  par  une 
politique  purement  humaine.  Ces  faux  pas- 
teurs commf»ncèrent  à  altérer  la  foi  en  Egypte, 
où  la  doctrine  catholique  avait  été  prôchée 
jusque-là  avec  une  entière  liberté  ;  et,  comme 
les  vrais  lidèles  s'éloignaient  d'eux,  ce  fut 
une  nouvelle  occasion  au  duc  Sébastien  de 
les  fouetter,  de  les  emprisonner  et  de  con- 
fisquer leurs  biens.  Il  y  avait  à  Barcé,  dans 
la  Pentapole,  un  prêtre  nommé  Second,  qui 
ne  voulait  pas  se  soumettre  à  l'évêque, 
nommé  aussi  Second ,  l'un  des  premiers 
ariens.  Cet  évoque  et  un  certain  Etienne, 
que  les  ariens  firent  depuis  évêque  en  Libye, 
tous  deux  ensemble  donnèrent  au  prêtre 
Second  tant  de  coups  de  pied  qu'il  en  mou- 
rut. Il  disait  cependant  :  Que  personne  ne 
poursuive  en  justice  la  vengeance  de  ma 
mort;  Notre-Seigneur,  pour  (|ui  je  souffre, 
me  vengera.  Mais  ils  ne  furent  touchés  ni  do 
ces  paroles,  ni  de  la  circonstance  du  temps, 
car  ce  fut  en  carême  qu'ils  le  tuèrent. 

«  George,  le  faux  évêque  d'Alexandrie,  ne 
manquait  rien  pour  s'enrichir  et  s'accréditer; 
il  ne  se  soutenait  que  par  la  puissance  tem- 
porelle, abusant  de  la  légèreté  et  du  faux 
zèle  de  l'empereur.  Il  employait  le  bien  des 
pauvres,  c'est-à-dire  le  revenu  de  son  Eglise, 
qui  était  grand,  à  gagner  ceux  qui  étaient  en 
charge,  et  principalement  les  eunuques  du 
palais.  D'ailleurs,  il  preiiait  à  toutes  mains; 
il  enlevait  aux  particuliers  ce  qu'ils  avaient 
hérité  de  leurs  parents;  il  prit  la  ferme  de 
tout  le  salpêtre,  et  se  rendit  maître  de  tous 
les  étangs  où  croissait  le  papier  d'Egypte,  et 
de  tous  les  marais  salants.  Il  ne  négligeait 
pas  les  moindres  profits;  et,  comme  on  por- 
tait en  terre  les  cor,)S  morts  sur  de  petits 
lits,  il  en  fit  faire  uu  certain  nombre  dont  il 
obligeait  de  se  servir,  même  pour  les  étran- 
gers, et  cela  sous  certaine  peine,  prenant  uu 
droit  pour  chaque  mort.  Sa  vie  était  volup- 
tueuse et  ses  mœurs  cruelles;  il  accusait 
plusieurs  personnes  auprès  de  l'empereur 
comme  peu  soumises  à  ses  ordres,  et  les  païens 
mêmes  se  plaignaient  qu'en  cela  il  oubliait 
sa  profession,  qui  ne  recommande  que  la 
justice  et  la  douceur.  On  disait  qu'il  avait 
malicieusement  donné  avis  à  l'empereur 
qu'il  avait  droit  d'ap(iliquer  à  son  trésor  les 
revenus  de  tous  les  bâtiments  d'Alexandrie, 
parce  qu'ils  avaient  été  construits  la  première 
fois  aux  dépens  d'Alexandre  le  Grand,  fon- 
dateur de  la  ville,  aux  droits  duquel  i'empe- 
re.r  avait  succédé.  Par  tous  ces  moyens,  il 
se  rendit  étrangement  odieux  aux  païens  mô- 
mes, et  tout  le  monde  le  rOjjardait  comme 
un  tyran. 


S79 


ATH 


ATH 


380 


«  Le  peuple,  irrité,  l'attaqua  un  jour  com- 
me il  était  daus  l'cglisc,  et  ie  pensa  tuer  :  il 
se  sauva  à  peine,  et  s'enfuit  auprès  de  leni- 
pereur.  Cependant  ceux  qui  soutenaient  saint 
Athanase,  c'est-à-dire  les  catholiques,  ren- 
Irèrentdans  les  églises;  mais  ils  ne  les  gar- 
dèrent pas  longtemps.  Le  duc  d'Egypte  sur- 
vint et  les  rendit  à  ceu\  du  parti  de  (ieorge. 
Ensuite  il  vint  un  notaire  de  l'empereur  pour 
châtier  les  Alexandrins,  et  il  en  lit  battre  et 
tourmenter  plusieurs.  George  lui-même  re- 
vint peu  de  temps  après,  plus  terrible  que 
devant,  et  plus  haï ,  comme  ayant  excité 
reaî|)ereur  à  faire  tous  ces  maux.  Les  moi- 
nes d'Egypte  le  décriaient  à  cause  de  sou 
faste  et  de  son  impiété,  et  la  vertu  leur  don- 
nait une  grande  autorité  parmi  le  peujjlo. 

«  Aétius,  ce  sophiste  arien  que  Lé  nce 
avait  fait  diacre  à  Antioche,  et  qu'il  avait  été 
obligé  dinter-lire,  revint  alors  à  Alexandrie, 
où  il  fut  un  des  flatteurs  et  des  par(isites  de 
George,  qui  le  rétablit  dans  ses  fonctions, 
en  sorte  qu'on  le  nommait  son  diacre  :  aussi 
le  servit-il  fidèlement,  et  par  ses  discours 
impies  et  par  ses  actions  criminelles.  Euno- 
mius  devint  alors  disciple  d'xVétius,  et  fut 
depuis  aussi  célèbre  que  son  maître.  C(  t 
Eunomius  était  de  Cap[)adoce,  sur  les  confins 
de  la  Galatie,  hls  d'un  [)auvre  laboureur,  qui 
cultivait  de  ses  mains  un  petit  champ,  et 
l'hiver  gagnait  sa  vie  à  montrer  à  lire  et  à 
écrireàdes  enfants.  Eunomius,  trouvant  cette 
vie  trop  pénible,  renonça  à  la  charrue ,  et 
s'appliqua  à  écrire  en  notes.  Il  exerça  cet 
art  sous  un  de  ses  parents, qui  le  nourrissait 
pourson  travail  ;  puis  il  instruisit  ses  enfants, 
et  se  mit  à  étudier  la  rhcloiique.  A()rès  di- 
verses aventures  qui  n'étaient  pas  à  son  hon- 
neur, ayant  oui  parler  d'Aétius  comme  d'un 
grand  philosophe,  il  vint  à  Ant'oche  le  cher- 
cher; et,  ne  l'y  trouvant  i>oint,  il  passa  à 
Alexandrie,  oii  il  logea  avic  lui,  et  étudia 
sous  lui  la  théologie,  cesl-à-dire  l'arianismo. 
Avec  de  tels  secours  George  parcourait  l'E- 
gyple,  ravageait  la  Syrie,  et  atlii-ait  à  son 
()arti  autant  d'Orientaux  qu'il  pouvait,  atta- 
quant toujours  les  plus  faibles  et  les  plus 
lâches. 

«  Saint  Athanase  était  cependant  dans  le 
désert.  Il  s'y  était  retiré  d'abord  en  sortant 
d'Alexandrie,  lorsque  George  y  entra;  mais 
bientôt  après  il  voulut  sortu-  ""de  sa  retraite 
pour  aller  trouver  l'empereur,  se  conliant 
en  ses  promesses  réitérées  tant  de  fois,  et  en 
sa  [irofire  innocence.  Il  était  déjà  en  chemin, 
(^uand  il  a[)prii.  les  violences  ([uo  l'on  avait 
laites  en  Occident  contre  Libèie,  Osius,  De- 
nis et  les  autres.  Comme  il  ne  le  pouvait 
croire,  il  ap[)rit  ce  qui  se  passait  en  Egypte 
et  en  Libyi-,  les  évè(ju(;s  chassés  et  le  reste 
de  la  persécution,  paiticu  ièremenl  les  vio- 
lences connnises  f)endaiit  le  temps  pascal  ù 
Alexandrie.  Tout  cela  ne  le  détournait  pas 
encore  d'aller  b  l'empereur,  dans  la  créance 
<jue  l'on  abusait  (h;  sf)n  nom,  cl  que  l'on 
étendait  ses  ordres  au  delà  de  ses  intentions. 
Enfin  on  lui  montra  deux  letlrcisde  Conslan- 
lius,  aui  le  désabusèrent  et  l'arrêtèrent.  La 
jircmicre,  adressée  au  |)euple  d'Alexandrie, 


où  il  les  loue  de  la  soumission  qu'ils  lui 
avaient  témoignée,  en  chassant  Athanase  et 
s'unissant  à  George.  11  y  traite  Athanase  de 
trompeur,  d'imposteur  et  de  charlatan;  et 
toutefois  il  reconnaît  que  le  plus  grand  nom- 
bre est  pour  lui-  Il  dit  qu'il  ne  diffère  en 
rien  des  plus  vils  artisatis,  ce  qui  marque 
sans  doute  sa  pauvreté  et  la  simplicité  de  son 
extérieur;  enfin,  il  ra::cuse  d'avoir  fui  le  ju 
gement,  qui  est  l'ancienne  calomnie  du  con- 
cile de  Tyr.  Au  contraire,  il  traite  ses  enne- 
mis de  gens  graves  et  admirables;  et  George 
en  particulier  de  l'homme  le  plus  capable  de 
les  instruire  des  choses  célestes  et  le  j)lus 
savant  dans  le  gouvernement  spirituel.  Sur 
la  tin  il  menace  des  dernières  rigueurs,  et 
de  mort  môme,  ceux  qui  auront  la  témérité 
de  demeurer  encore  dans  le  parti  <rAthânase. 
L'opposition  de  cette  lettre  à  celles  que  le 
même  empereur  avait  données  auparavant 
en  faveur  de  saint  Athanase,  montre  assez 
qu'il  n'avait  écrit  ni  les  unes  ni  les  autres, 
et  qu'elles  étaient  comf)Osées  par  des  secré- 
taires, suivant  les  intérêts  de  ceux  qui  les 
sollicitaient,  comme  il  se  fait  d'ordinaire. 

«  L'autre  lettre  était  adressée  à  Aïzan  et 
Saz  .n,  princes  d'Auxume  en  Ethiopie,  à  qui 
l'empereur  commande  comme  à  ses  sujeis, 
quoiqu'il  les  traite  de  frères.  Il  leur  mande 
d'envoyer  au  plus  tôt  l'évèque  Frumentius 
en  Egy])te,  pour  être  instruit  et  examiné  par 
George,  et  môme,  ce  semble,  pour  être  or- 
dOiUîé  de  nouveau.  C'est  ce  môme  Frumen- 
tius qui  avait  le  premier  porté  la  foi  dans  co 
])ays,  dont  il  avait  été  ordonné  évoque  par 
saint  Athanase;  c'est  pourquoi  les  ariens 
craignaient  qu'il  ne  se  retirât  chez,  lui,  et  ne 
voulaient  [)as  qu'il  fût  en  sûieté,  môme  chez 
les  barbares.  Saint  Athanase  ayant  donc  vu 
ces  deux  lettres,  quitta  le  dessein  d'aller  trou- 
ver l'empereur,  voyant  comme  il  était  ob- 
sédé par  ses  ennemis  et  comme  ils  étaient 
animés  contre  lui,  en  sorte  qu'il  y  avait  sujet 
de  craindre  qu'avant  qu'il  pût  ap|)roi;her 
du  prince,  ils  ne  lui  lissent  perdre  la  vie.  Il 
retourna  donc  dans  le  désert,  se  réservant 
iwur  un  temps  plus  favorable. 

«  Il  prolita  de  sa  fuite  pour  visiter  à  loisir 
les  monastères  d'Egypte,  et  connaîtie  ces 
hommes  qui,  s'étant  séparés  du  monde,  vi- 
vaient uniquem.'iit  à  I)ieu.  Les  uns  étaient 
anachoi'ètes,  gardant  une  entièie  solitudi, 
et  ne  parlant  qu'à  Dieu  et  à  eux-mêmes  ;  les 
autres,  cénobites,  prati(juant  L»  loi  de  charité 
dans  une  conimunauté,  morts  [lour  tout  le 
reste  des  hommes ,  se  tenant  lieu  de  monde 
les  uns  aux  auti-es,  et  s'excitant  mutuelle- 
ment à  la  veitu.  Saint  Athanase  lit  voir,  en 
conveisanlavec  eux, (pie  l'on  pouvait  allier  le 
sacerdoce  à  cette  sainte  |)lnlosophie,  l'action 
à  sa  trancpiillité;  et  (|ue  la  vie  luonastiiiuo 
consistait  plutôt  dans  1  égalité  di!S  mo'urs  (pio 
dans  la  retraite  corj)or(lle.  Ils  appriri;nt  plus 
de  lui  pour  la  perfection  religieuse,  qu'il 
ne  [)rolita  d'eux:  ses  maxunes  élaient  pour 
eux  (les  lois,  et  ils  le  res|)ectaieut  comme  un 
homme  d'une  sainteté  exlraoïdinaire.  Aussi 
ne  craignireiit-iis  [las  d'(!X|)oser  leur  vie  |)oar 
lui.   Les   ariens    envoyèrent  des  soldats  le 


m 


ATH 


ATII 


382 


poursuivre  jusque  dans  ces  déserts  ;  on  le 
chercha  parloul  sans  le  trouver;  ei  les  moi- 
nes, qui  it'iicoUrèrent  ces  rneurtriers,  no  dai- 
gnèrent ()as  Iciu"  parler;  mais  ils  pn^senlaient 
la  g()ri;e  à  leurs  é[)ées,  connue  s'e\pr>sant 
poui-  Jésus-('lirist,  et  croyant  qu'il  y  avait 
[)his  de  miMite  hsonll'rir  {)onr  lui  en  la  per- 
sonne d'Atliariasc  ,  qu'h  jeûue,-  et  à  jirali- 
quer  toutes  les  autres  austérités.  SaiiU  Atlui- 
nas!',  de  son  côîé,  craignant  (pie  les  moines 
ne  fusse'it  inquiétés  à  son  oocasio'i,  se  reli- 
ra plus  loin  et  se  cacha  entièrement.  »  (Fleu- 
vy,  I"vol.,  pag.  5V5.) 

(Juoi(jue  la  persécution  qu'avait  à  subir 
saint  Alhanase  sembl.H  le  mettre  dans  l'im- 
possibilité de  défondre  l'Eglise  et  sa  propre 
innocence,  il  trouva  ^iioyen  d'écrire  aux 
évèipies  d'Egypte ,  au\  vierges  persécutées 
et  à  son  peuple.  Ensuite  il  Ht  son  apologie. 
Nous  sommes  encore  ici  forcé  de  citer. 

«  Saint  Athanase  prolila  (\o  sa  retraite  pour 
composer  f)lusieurs  écrits,  entre  auii-es  l'a- 
pologie adressée  ti  l'empereur  Constantius, 
où  il  se  justide  de  toutes  les  calomnies  dont 
ses  ennemis  avaient  voulu  le  noircir  dans 
l'esprit  de  ce  prince.  Il  tranche  d'abord  en 
un  mot  les  anciennes  accusations,  en  mar- 
quant le  grand  nombre  d'évôques  qui  avaient 
écrit  en  sa  faveur  la  rétractation  d'Ursace  et 
de  Valens,  et  que  l'on  n'avait  jamais  agi 
contre  lui  qu'en  son  absence.  Mais  il  s'étend 
sur  les  accusations  nouvelles,  qui  regar- 
daient personnellement  l'empereur  Constan- 
tius. La  première  était  f[u'Anathase  avait 
mal  parlé  de  lui  à  l'empereur  Constant,  son 
frère,  et  avait  travaillé  à  les  brouiller.  Il  ré- 
pond premièrement,  en  le  niant  formelle- 
ment, et  prenant  Dieu  à  témoin;  puis  il  en 
montre  l'impossibilité  en  ce  que  jamais  il 
n'a  parlé  seul  à  seul  à  l'empereur  Clonsfant, 
mais  toujours  en  la  compagnie  de  l'évêque 
de  la  ville  et  des  autres  qui  s'y  rencontraient. 
Il  en  prend  à  témoin  Osius,  Fortunatien, 
évêque  d'Aquilée,  Crispin  de  Padoue,  Lucil- 
lus  de  Véror.e,  Vincent  de  Capoue.  Et  parce, 
ajoute-t-il,  que  Maximin  de  Trêves  et  Pro- 
tais de  Milan  sont  morts,  Eugène,  qui  était 
maître  des  offices ,  en  peut  rendre  témoi- 
gnage; car  il  était  devant  le  rideau,  et  il  en- 
tendait ce  que  nous  demandions  à  l'empe- 
reur, et  ce  qu'il  nous  disait. 

«  Il  rend  un  compte  exact  du  voyage  qu'il 
fit  en  Italie,  du  temps  que  Grégoire  fut  in- 
trus à  sa  place.  Etant  sorïi  d'Alexandrie  , 
dit-il,  je  n'allai  point  à  la  cour  de  votre 
frère,  ni  ailleurs  quà  Rome;  et  laissant  à 
l'Eglise  le  soin  de  mes  affaires,  j^^étais  assidu 
aux  prières  publiques.  Je  n'ai  point  écrit  à 
votre  frère ,  sinon  lorsque  les  eusébiens 
«"jcrivirent  contre  moi,  et  que  je  fus  obligé 
de  me  défendre  étant  encore  à  Alexandrie, 
et  quand  je  lui  envoyai  des  exemplaires  de 
l'Ecriture  sainte,  qu'il  m'avait  ordonné  de 
lui  faire  faire.  Au  bout  de  trois  ans,  il  m'é- 
crivit de  me  rendre  auprès  ds  lui  à  Milan. 
J'en  demandai  la  cause,  et  j'appris  que  quel- 
ques évêques  l'avaient  prié  de  vous  écrire 
l)0ur  assemhler  un  concile.  Quand  je  fus  ar- 
rivé h  Milan,  il  me  témoigna  beaucoup  de 


bonté;  il  voulut  bien  me  voir,  et  médit  (pi'il 
avait  écrit  et  envoyé  vers  vous,  pour  vous 
prier  ([ue  l'on  tint  un  concile.  H  me  lit  venir 
encor(!  une  fois  dans  les  Gaules,  où  le 
P.  Osius  était  venu,  a(in  (uk;  no;i,s  allassions 
de  là  h  Sardi(pie.  A|)rès  le  concilo,  ccmrne 
j'étais  h  Naisse,  il  m'écrivit;  je  revins  h  Aqui- 
lée,  j'y  deuKîurai  et  j'y  reçus  vos  hjliics.  II 
m'appela  encore  une  fois,  je  retournai  en 
Gaule,  puis  je  vous  allai  trouver.  En  quel 
temiJS  d'juc,  en  quel  li(!U,  en  présence  de 
qui  m'accuse-t-on  de  lui  avoir  ainsi  parlé? 
Souvenez-vous,  seigneur,  vous  qui  avez  si 
bonne  mémoire,  de  ce  que  je  vous  ai  dit, 
quand  j'ai  eu  l'iionneur  de  vous  voir,  la  i)re- 
miôre  lois  à  Viminiac ,  la  seconde  à  Césarée 
de  Cappadoce ,  la  troisième  h  Aniioche; 
voyez  si  je  vous  ai  dit  du  mal  des  eusébiens, 
mes  calomniateurs.  Aurais-je  été  assez  in- 
sensé {)our  dire  du  mal  d'un  empereur  à  un 
empereur,  et  d'un  frère  à  son  frère? 

«  Le  second  chef  d'accusation  était  qu'A- 
th.mase  avait  écrit  au  tyran  Magnence;  les 
ariens  disaient  môme  avoir  donné  copie  de 
la  lettre.  Quand  j'eus  appris,  dit-il,  cette  ca- 
lomnie, je  fus  comme  hors  de  moi;  je  pas- 
sais les  nuits  sans  dormir,  j'attaquais  mes 
dénonciateurs  comme  présents;  je  jetai  d'a- 
bord un  grand  cri,  et  je  priais  Dieu  avec  dos 
larmes  et  des  sang'ots,  que  vous  me  vou- 
lussiez écouter  favorablement.  Ensuite  il 
j)rend  Dieu  à  témoin  qu'il  n'a  jamais  connu 
Magnence,  et  montre  les  causes  qu'il  avait 
de  le  détester  comme  le  meurtrier  de  l'em- 
pereur Constant,  son  bienfaiteur,  et  de  ceux 
qui  rava;ent  reçu  chariiablement  à  Rome, 
savoir,  Eutropia,  tante  des  trois  empereurs, 
Abutéiius,  Spérantius  et  plusieurs  autres  ; 
que  c'était  un  impie  adonné  aux  magiciens 
et  aux  enchanteurs.  Il  prend  à  témoin  les 
ambassadeurs  que  Magnence  envoya  à  Cons- 
tantius, les  évéques  Servais  et  Maxime,  et 
les  laïques  qui  les  accompagnaient,  Clémen- 
lius  ei  Valens  ;  car  ils  avaient  passé  à  Alexan- 
drie. Demandez-leur,  dit-il,  s'ils  m'ont  ap- 
porté des  lettres;  car  ce  m'eût  été  une  oc- 
casion de  lui  écrire.  Au  contraire,  voyant 
Ciémentius,  je  me  souvins  de  votre  frère 
d'heureuse  mémoire  ;  et  comme  d  est  écrit  : 
J'arrosai  mes  habits  de  mes  larmes.  Il  prend 
encore  à  témoin  Félicissime,  qui  était  alors 
duc  d'Egypie,  et  plusieurs  autres  officiers, 
qu'en  cette  occasion  il  dit  :  Prions  pour  le 
salut  de  notre  très-pieux  empereur  Constan- 
tius; que  le  peuple  cria  tout  d'une  voix, 
Christ,  secourez  Constantius,  et  continua 
longtemps.  Cette  forme  de  prière  est  remar- 
quable, et  nous  voyons  encore  dans  le  onzième 
siècle  des  litanies  semblables.  Quant  à  la 
lettre  dont  les  ariens  disaient  avoir  des  co- 
pies ,  il  dit  qu'on  peut  bien  avoir  contrefait 
son  écriture,  puisque  l'on  contrefait  même 
celle  de  l'empereur,  et  que  les  écritures  ne 
font  point  de  foi,  si  elles  ne  sont  reconnues. 
Il  demande  où  l'on  a  trouvé  cette  lettre,  et 
qui  l'a  donnée.  Car,  dit-il,. j'avcds  des  écri- 
vains, je  les  représente;  et  le  tyran  avait  des 
gens  pour  recevoir  ses  lettres,  que  vous 
pouvez  faire  venir.  Si  j'étais  accusé  devant 


5$S 


ATH 


ÀTH 


864 


un  auire  juge,  j'en  appellerais  à  l'empereur; 
étant  accusé  devant  vous,  qui  puis-je  invo- 
quer? le  père  de  celui  qui  a  dit,  Je  suis  la 
vérité  ;  et  là-dessus  il  adresse  à  Dieu  sa 
prière.  11  s'agit  ici,  eontinue-t-il,  non  d'un 
intérêt  pécuniaire,  mais  de  la  gloire  de  l'E- 
glise :  ne  laissez  pas  ce  soupçon  contre  elle, 
que  des  chrétiens,  et  principalement  des 
évèques,  écrivent  de  telles  lettres  et  forment 
de  tels  desseins.  On  voit  combien  les  saints 
étaient  jaloux  de  la  fidélité  envers  les  princes, 
et  qu'en  ces  matières  les  évoques  mômes  ne 
reconuaissaieni  point  d'autres'Juges  sur  la 
terre. 

«  La  troisième  accusation  était  d'avoir  cé- 
lébré l'office  dans  la  grande  église  d'Alexan- 
drie, avant  qu'elle  fût  dédiée.  Oui,  dit-il,  on 
l'a  fait,  je  le  confesse,  mais  nous  n'avons  pas 
célébré  la  dédicace  ;  il  n'était  pas  permis  de 
le  faire  sans  votre  ordre.  Ce  qu'il  dit,  parce 
que  cette  église  avait  été  bâtie  aux  dépens 
de  l'empereur,  d'oii  elle  fut  nommée  la  Cé- 
sarée.  11  continue  :  Cette  assemblée  se  fit 
sans  dessein  et  sans  être  annoncée;  on  n'y 
appela  aucun  évêque  ni  aucun  clerc  ;  tout  le 
monde  sait  comme  la  chose  s'est  passée. 
C'était  la  fête  de  Pâques,  le  peuple  était  très- 
nombreux;  il  y  avait  peu  d'églises  et  très- 
petites.  On  faisait  grand  bruit,  et  on  deman- 
dait de  s'assembler  dans  la  grande  église.  Je 
les  exhortais  à  attendre  et  à  s'assembler 
comme  ils  pourraient  dans  les  autres  églises, 
quoiqu'avec  incommodité  :  ils  ne  m'écou- 
tèreiit  pas;  mais  ils  étaient  prêts  à  sortir  de 
la  ville,  et  à  s'assembler  au  soleil  dans  les  lieux 
déserts,  aimant  mieux  soulfrir  la  fatigue  du 
chemin  que  de  passer  la  fête  en  tristesse.  En 
effet,  dans  les  assemblées  du  carême  il  y  avait 
eu  plusieurs  enfants,  plusieurs  vieilles  fem- 
mes, plusieurs  jeunes  personnes  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe,  si  maltraités  de  la  presse,  qu'on 
les  avait  emportés  dans  les  maisons  ;  quoique 
personne  n'en  fût  mort,  tout  le  monde  en 
murmurait,  et  c'eût  été  bien  pis  le  jour  de 
la  fête:  la  joie  eût  été  tournée  en  pleurs. 

«  J'ai  suivi  en  cela  l'exemple  de  nos 
pères.  Alexandre,  d'heureuse  mémoire,  fit 
l'assemblée  dans  l'église  do  Théonas,  qui 
passait  alors  pour  la  plus  grande,  et  qu'il 
faisait  encore  bAtir,  j)arce  que  les  autres 
étaient  trop  petites.  J'ai  vu  pratiquer  la 
même  chose  à  Trêves  et  à  Aquilée;  on  y  a 
assemblé  le  |)cuple  dans  des  églises  qui  n'é- 
taient jias  achevées,  et  votre  frère  d'heu- 
reuse mémoire  assista  à  Aquilée  à  une  telle 
assemblée.  Ce  n'a  donc  pas  été  une  dédicace, 
mais  une  assemblée  ordinaire.  Eût-il  été 
jjlus  h  |)i'ûpos  do  nous  assembler  dans  des 
lieux  déserts  et  ouverts,  où  l(;s  païens  eus- 
sent j)u  s'arrêter  en  passant,  (]uo  dans  un 
lieu  lormé  de  muraibes  (;t  d(;  [jorles,  (lui 
marque  la  (lilférence  dos  chrétiens  et  des 
prof.inos?  Valait-il  mieux  que  le  peuph;  fût 
sé()aré  et  pn-ssé  avec  péril  on  |)lusiours 
églises,  (|U(!  d'être  assemblé  dans  un  uiênic 
li'U,  puisqu'il  y  en  ;ivait  un  (pii  les  jiouv.iit 
tous  (;ont(Miii',  où  ils  prjavaiciil  prier  cl  dire 
(imen  tons  d'une  voix,  pour  montreur  lunion 
des  cœurs?  Quelle  joio  des  peuples  do  se 


voir  ainsi  réunis,  au  lieu  d'être  divisés 
comme  auparavant!  Au  reste,  les  prières 
qui  ont  élé  faites  dans  cette  église  n'empê- 
chent pas  que  l'on  en  fasse  solennellement 
la  dédicace,  quand  il  en  sera  temps.  Saint 
Athanase  ne  méprisait  donc  pas  cette  céré- 
monie de  la  dédicace  des  églises,  puisqu'il 
se  défend  si  sérieusement  sur  ce  point  ;  mais 
il  croyait  que  Von  pouvait,  en  cas  de  néces- 
sité, se  servir  d'une  église  avant  qu  elle  fût 
dédiée. 

«  Le  quatrième  et  le  dernier  chef  d'accu- 
sation était  d'avoir  désobéi  à  l'empereur,  en 
refusant  plusieurs  fois  de  sortir  d'Alexan- 
drie. Je  n'ai  point  résisté,  dit-il ,  à  vos  or- 
dres, à  Dieu  ne  plaise;  je  ne  suis  pas  assez 
considérable  pour  résister  au  trésorier  d'une 
ville,  beaucoup  moins  à  un  si  grand  empe- 
reur. Ensuite  il  raconte  tout  ce  qui  s'était 
passé  :  la  lettre  de  l'empereur,  apportée  par 
Montan,  qui  supposait  que  saint  Athanase 
demandait  congé  d'aller  en  Italie,  la  venue 
de  Diogène,  vingt-six  mois  après  les  me- 
naces de  Syrien,  la  lettre  que  l'empereur  lui 
avait  envoyée  autrefois  par  Pallade  et  par 
Astérius,  pour  l'exhorter  à  demeurer  dans 
son  église.  Sa  défense  sur  ce  point  se  réduit 
à  dire,  qu'ayant  eu  des  ordres  de  l'empereur 
pour  retourner  à  son  église  et  pour  y  de- 
meurer, et  n'en  ayant  point  eu  pour  en  sortir, 
il  a  dû  demeurer.  Joint  le  devoir  général 
d'évêque  et  la  connaissance  particulière  du 
péril  auquel  il  exposait  son  troupeau,  s'il 
l'abandonnait  aux  ariens.  11  rapporte  ensuite 
les  violences  de  Syrien,  sa  retraite,  le  des- 
sein qu'il  avait  d'aller  trouver  l'empereur, 
et  comme  il  en  fut  détourné  par  ce  qu'il  ap- 
prit de  la  persécution  exercée  en  Occident 
et  en  Egypte  même,  et  par  les  lettres  de 
l'empereur  au  peuple  d'Alexandrie  et  aux 
princes  d'Auxume.  C'est,  dit-il,  ce  qui  m'a 
obligé  à  retourner  dans  le  désert;  voyant 
tant  d'évêques  persécutés,  parce  qu'ils  ne 
voulaient  pas  renoncer  à  ma  communion,  et 
des  vierges  mêmes  si  indignement  traitées, 
j'ai  vu  que  mes  ennemis  en  voulaient  à  ma 
vie.  Je  me  suis  retiré  pour  laisser  passer 
leur  fureur,  et  vous  donner  occasion  d'user 
de  volrc  clémence.  Recevez  cette  apologie, 
rendez  h  leurs  pairies  et  à  leurs  églises  tous 
les  évoques  et  les  autres  ecclésiastiques,  afin 
que  l'on  voie  la  malice  dos  calomniateurs,  et 
que  vous  puissiez  dire  avec  confiance  à  Jé- 
sus-Christ, le  roi  des  rois,  maintenant  et  au 
jour  du  jugement  :  Je  n'ai  perdu  aucun  des 
vôtres.  ToHe  est  l'apologie  de  saint  Athanase 
à  rem|)oreur  Constantius.  Il  écrivit  en  môme 
temps  des  discours  de  consolation  |)Our  les 
vierges  que  les  ariens  persécutaient  jusqu'à 
leur  refuser  la  sépulture.  »  (Fleury,  vol.  1, 
]).  553.) 

Nous  trouvons  encore  une  seconde  apolo- 
gi(!  dans  ses  lettres  aux  solitaires.  Saint 
Athana><e  y  réfuie  les  préloxios  dont  l'empe- 
r(Mir  ('onstantius  voulait  coloicr  sa  persécu- 
tion, dans  nn(;  lellre  écrite  au  peuple  d'A- 
li'vaidric,  cl  |tul)!iéo  par  le  coujIc  Horaclius. 
Constantius  disait  qu'il  n'avait  soull'ertle 
retour    d' Athanase  qu'en  cédant  pour   ua 


585 


ATH 


•lyr. 


ATH 


586 


temps  à  l'amitié  de  son  frtVc  Constant.  Saint  ; 
Athanase  répond  que  ses  promesses  ont  donc  / 
été  trompeuses,  et  qu'il  n'a  [)lus  considéré  ' 
son  frère  après  sa  mort,  quoiqu'il  ait  soutenu 
la  guerre  civile  pour  recuedlir  sa  succes- 
sion. Constantius  disait  qu'en  bannissant 
Athanase  il  imitait  le  grand  Constantin,  son 
père.  Il  l'imite,  répond  saint  Athanase,  en  ce 
qui  fait  plaisir  aux  hérétiques,  mais  non  en 
ce  qui  leur  déplaît.  Constantin,  sur  les  calom- 
nies des  eusébiens,  envoya  pour  un  temps 
Athanase  dans  les  Gaules,  le  dérobant  à 
leur  cruauté  ;  mais  il  ne  se  laissa  pas  per- 
suader d'envoyer  à  sa  place  l'évoque  qu'ils 
voulaient  ;  il  les  en  empocha  et  arrêta  leur  en- 
treprise par  de  terribl(?s  menaces.  Comment 
donc,  s'il  veut  suivre  la  conduite  de  sou 
père,  a-t-il  envoyé  premièrement  Grégoire 
et  maintenant  George  le  banqueroutier? 
Pourquoi  s'etforce-t-il  de  faire  entrer  dans 
l'Eglise  les  ariens,  que  son  père  appelait 
porphyriens?  Il  se  vante  de  prendre  soin 
des  canons,  lui  qui  fait  tout  le  contraire. 
Car  quel  canon  porte  qu'on  envoie  un  évo- 
que de  la  cour  ;  que  des  soldats  insultent 
les  églises  ;  que  des  comtes  et  des  eunu- 
ques gouvernent  les  affaires  ecclésiastiques; 
que  l'on  juge  les  évêques  suivant  des  édits? 
«  Saint  Athanase  n'épargne  plus  Constan- 
tius dans  cet  écrit.  Il  marque  sa  légèreté 
par  la  contradiction  de  ses  lettres  et  de  ses 
ordres,  qui  montraient  qu'il  n'agissait  pas  de 
son  mouvement,  mais  selon  qu'il  était 
poussé.  Il  marque  sa  cruauté,  en  ce  qu'il 
n'avait  pas  épargné  ses  propres  parents.  Car, 
dit-il,  il  a  égorgé  ses  oncles,  il  a  fait  mou- 
rir ses  cousins  ;  il  a  vu  dans  la  souffrance 
la  fille  de  son  beau-père,  sans  en  avoir  pi- 
tié ;  il  a  marié  à  un  barbare,  c'est-à-dire  à  Ar- 
sace,  roi  d'Arménie,  Olympiade  fiancée  à 
son  frère,  qu'il  avait  gardée  jusqu'à  la  mort, 
comme  devant  être  sa  femme.  Enfin  il  ne 
feint  point  de  traiter  Constantius  d'ante- 
christ.  Pour  montrer  l'injustice  de  la  persé- 
cution des  ariens,  il  dit  :  S'il  est  honteux  que 
quelques  évêques  aient  changé  par  la 
crainte,  il  est  bien  plus  honteux  de  leur 
avoir  fait  violence,  et  rien  ne  marque  plus 
la  faiblesse  d'une  mauvaise  cause.  Ainsi  le 
démon  n'ayant  rien  de  vrai,  vient  avec  la 
hache  et  la  cognée  rompi-e  les  portes  de 
ceux  qui  le  reçoivent,  mais  le  Sauveur  est  si 
doux,  qu'il  se  contente  d'enseigner  et  de 
dire  :  Si  quelqu'un  veut  venir  après  moi  ; 
et  celui  qui  veut  être  mon  disciple.  Et  quand 
il  vient  à  chacun  de  nous,  il  ne  fait  point 
de  violence;  mais  il  frappe  à  la  porte,  et 
dit  :  Ouvre-moi,  ma  sœur,  mon  épouse  : 
si  on  lui  ouvre,  il  entre;  si  on  ne  veut  pas, 
il  se  retire.  Car  la  vérité  ne  se  prêche  pas 
avec  les  épées  et  les  dards,  ni  par  les  sol- 
dats, mais  par  le  conseil  et  la  persuasion.  Et 
«quelle  persuasion,  oii  règne  la  crainte  de 
I  empereur?  quel  conseil,  où  la  résistance 
se  termine  à  l'exil  ou  à  la  mort?  Et  en- 
suite :  C'est  le  propre  de  la  vraie  religion 
de  ne  point  contraindre,  mais  de  persuader. 
Car  le  Seigneur  lui-même  n'a  point  usé  de 
violeuco;  il  a  laissé  la  liberté   en  disant  à 


tous  :  Si  quelqu'un  veut  venir  après  moi  ;  et 
à  ses  disciples  :  Voulez-vous  aussi  vous  en 
aller?  Et  ailleurs:  Quelle  église  adore 
maintenant  Jésus-Christ  en  liberté?  Si  elle 
conserve  la  piété,  elle  est  en  péril  ;  si  elle 
dissimule,  elle  craint.  Il  a  tout  rempli  d'hy- 
pocrisie et  d'im[)iété,  autant  qu'il  est  en  lui. 
S'il  y  a  quelque  fidèle  serviteur  de  Jésus- 
Christ,  et  il  y  en  a  plusieurs  partout  :  ils  se 
cachent  comme  le  grand  Elie,  jusqu'à  ce 
qu'ils  trouvent  un  autre  Abdias,  ils  sont 
dans  les  cavernes  et  les  trous  de  la  terre, 
ou  errants  dans  les  déserts.  »  (Fleury,  vol.  I 
p.  561.) 

Saint  Athanase  resta  dans  son  exil 
jusqu'en  Tannée  361,  époque  de  la  mort  de 
Constance.  Julien,  qui  lui  succéda,  ennemi 
acharné  de  la  religion  chrétienne,  crut 
qu'un  des  moyens  les  plus  sûrs  de  la  dé- 
truire était  de  laisser  une  entière  liberté  à 
toutes  les  sectes  différentes.  11  permit  à 
tous  les  évoques  bannis  de  rentrer  dans 
leurs  églises.  George,  le  faux  évêque,  était 
mort,  massacré  par  le  peuple  d'Alexandrie. 
Athanase  rentra  dans  la  ville  comme  un 
triomphateur.  Toutes  les  églises  lui  furent 
rendues  ;  il  tint  un  concile  avec  saint  Eu- 
sèbe  de  Verceil.  Plusieurs  affaires  impor- 
tantes touchant  l'hérésie  et  le  bien  de  l'E- 
glise y  furent  décidées.  Ce  fut  après  cela 
que  Julien,  qui  ne  pouvait  voir  sans  haine 
les  services  que  rendait  ce  grand  homme  à 
la  religion,  lui  écrivit  pour  lui  donner  l'or- 
dre de  sortir  d'Alexandrie.  Le  peuple  de 
cette  ville  ayant  intercédé  pour  son  saint 
évêque,  Julien  ordonna  que  non-seulement 
il  sortirait  de  la  ville,  mais  encore  de  l'E- 
gypte. Sous  main,  l'empereur  apostat 
avait  donné  l'ordre  de  tuer  le  saint  homme; 
mais  protégé  comme  toujours  par  la  Provi- 
dence, Athanase  échappa  aux  meurtriers  et, 
sorti  d'abord  d'Alexandrie,  y  rentra  immé- 
diatement et  y  demeura  caché  quelque 
temps.  Julien,  l'ayant  su,  entra  fort  en  co- 
lère, et  le  fit  chercher  avec  beaucoup  d'ar- 
deur, Athanase  se  retira  à  Antinoé.  Ce  fut 
là  qu'il  apprit  la  mort  de  Julien  tué  par  les 
Perses.  Immédiatement  il  revint  à  Alexan- 
drie où  bientôt  il  reçut  de  Jovien  une  lettre 
qui  cassait  l'arrêt  de  son  exil,  le  priait  de 
reprendre  la  direction  de  son  Eglise,  et  don- 
nait à  son  courage,  à  son  énergie  dans  les 
luttes  qu'il  avait  eu  à  soutenir  pour  la  foi 
le  juste  tribut  d'éloges  qui  leur  était  dû.  Jo' 
vien  ne  s'en  tint  pas  là  :  désirant  tout  faire 
pour  le  bien  de  la  foi,  il  écrivit  au  saint  de 
lui  envoyer  toutes  les  instructions  néces- 
saires touchant  les  questions  de  foi,  et  la 
conduite  qu'il  avait  à  tenir.  Le  saint  pour 
répondre  ne  voulut  par  s'en  fier  à  ses  pro 
près  lumières.  La  modestie  est  la  vertu  des 
grands  hommes  et  des  saints.  Il  assembla 
tout  ce  que  les  provinces  voisines  avaient 
de  plus  distingué,  de  plus  instruit  en  ftiil 
de  pasteurs.  Puis  il  termina  par  une  subli- 
mité qu'il  n'appartient  qu'aux  hommes  vrai- 
ment inspirés  de  Dieu  d'atteindre.  Il  envova 
à  l'empereur  le  Symbole  de  Nicée.  Tout 
était  là. 


m  ATH 

tliehtôt  remi^oreur  voulut  voir  lo  saint 
iul-mr^ne.  H  eut  riiônnedr  de  le  recevoir  h 
Aîitioche  et  lui  dnn-ia  toutes  les  preuves  de 
respect  et  d'ati'ection  que  méritaient  sa  di- 
gnité, son  âge  et  ses  luttes  glorieuses  pour  la 
foi.  Vainement  les  ariens  voulurent  l'indis- 
poser contre  Athanase.  D'abord  il  ne  les 
écouta  pas,  ensuite  il  les  menaça  de  sa  co- 
\ève  s'ils  renouvelaient  leurs  accusations. 
I)ura'it  tout  le  règne  de  ce  bon  prince,  Atha- 
nase  gouverna  en  paiK  cette  Eglise  d'Alexan- 
drie si  rudement  éprouvée  par  la  persécu- 
tion. Après  sa  mort,  Valons,  son  successeur, 
f>ersécuta  les  catholiques,  et  les  troubles, 
es  agitations,  les  luttes,  recommenjèrenl 
pour  le  saint  évèque.  Néanmoins,  cette  fois, 
il  ne  fut  pas  chassé  de  son  siège.  Les 
Alexandrins  résistèrent  courageusement 
aux  ordres  du  préfet  qui  voulait  l'expulser, 
et  Valens,  craignant  la  sédition,  écrivit 
qu'Athauase  eût  à  rester  dans  la  libre  pos- 
session de  toutes  les  églises.  Après  ce:te 
persécution,  il  gouverna  assez  tranquille- 
ment Son  peuple,  jusqu'en  l'année  371 
ou  373.  La  dernièi-e  de  es  deux  dates  est  la 
plus  universellement  reçue;  aussi  l'adoptc- 
rons-nous. 

Ainsi  quarante-six  ans  d'épiscopat,  qui 
furent  quai'aiite-six  ans  de  luttes,  de  com- 
bats perpétuels  pour  la  foi,  ont  fait  de  saint 
Athanase  l'un  des  plus  illustres  des  athlètes 
qui  aient  combattu  pour  la  foi  catholique. 
Ici  nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  d'au- 
tre chose  que  des  persécutions  endurées  par 
cette  puissante  colonne  de  l'Eglise.  Qu'il 
nous  suilîse  de  dire  qu'à  part  cette  gloiie  si 
brillante  du  combat  et  de  la  lutte,  Athanase 
eut  au  plus  haut  degré  celle  de  la  science, 
de  la  sainteté,  et  qu'il  fut  sous  tous  les  rap- 
Ijorts  digne  de  ce  surnom  de  (jrand,  que  les 
siècles  lui  ont  décerné.  L'Eglise  honore  sa 
méaioire  le   2  mai. 

ATlifvMià  (TuiSTAX  Dii),  naquit  à  Friouli, 
le  28  juillet  1707,  et  entra  dans  la  société  de 
Jésus  le  môme  jour,  en  l'année  1723.  Il  Ut 
prolessiôii  le  2  février  17  VO.  Quatre  ans  après, 
il  vint  à  Macao.  En  17io,  il  partit  pour  la  pi'o- 
vince  de  Nanking.  Il  fut  découvert  et  arrêté 
aviic  le  P.  HiMiiique/.  Le  21  décembre  i7i7, 
il  fut  amené  |)risonnier  à  Sou-'r(;hi;ou,  et  fut 
çûJidamlié,âni,'}i  que  son  compagnon  de  cap- 
tivité, u/;t'ro  étji'anglé.  La  sentence  ayant  été 
apjjrouvce  par  l'euiper(,'ur,  le  geôlier,  accom- 
pagué  d'dii  bourreau,  vint,  le  12  sepl('ui!)re 
17VS,  dâ)s  1 1  priion.  On  (kh  la  pailie  des  lits, 
ce  qui  dOiina  h.  penser  aux  deux  condamnés 
(jiie  riioure  de  leur  supplice  était  piociie. 
Uientol  un  autre  bourre. lu  arriva,  poitant 
diis  ^;oi'Ues  à  la  main.  «  Nous  allons  bi-.'n!-ùt, 
(lil-îl  (l'^n  air  moffueur,  vous  e^ivo^er  dans 
volie  païadis,  où  vous  vous  prélmidez  si 
heureux  d'alhir.w  Sviivant  la  coutunn;  des 
Ciiinois,  on  leur  servit  à  manger,  mais  ils  ne 
toijchèrcjnl  à  aucun  mets  ;  alors  les  bourrraux 
les  iier(!iit  (it  \i:\ii'  mirent  la  <;;jrde  au  cou. 
Ils  o!Hini<;nl  un  instant  de  réjiil  poui"  se  ré- 
t(>.'içili(ji-  et  jjour  prier;  iruiis  les  bourreaux 
ne  les  iaisscKmt  pas  a(  hevei'  cl  Ichi  élrdu- 
^lôrenl.  (>ii  |.l  •;;i   |..'ur.s  corps  dans  des  cer- 


AtH 


388 


cueils,  et  on  les  enterra  dans  le  cimetière 
d3s  pauvres,  d'où,  un  an  après,  on  les  enleva 
sans  qu'ils  ollVissont  la  moindre  trace  de  cor- 
ruption. 

ATHÉNAGOr.E,  apologiste,  présenta  à 
l'empereur  Marr-Aurèle,  en  l'année  177,  sa 
belle  apologie  vM\{u\èe  :  Lcgcilion  pour  hs 
chrétiens.  Nous  n'avons  absolument  aucun 
détail  sur  cet  écrivain.  Tout  ce  que  nous  sa- 
vons, c'est  qu'il  étiit  d'Athènes,  et  que,  phi- 
losophe païen  ,  il  s'était  converti  au  chris- 
tianisme dont  il  devint  l'un  des  plus  ardents 
et  des  plus  habiles  défenseurs.  Il  ne  reste  de 
lui  que  son  aj)ologie,  et  un  livre  intitulé: 
Traité  de  la  résurrection  des  morts.  Ces  deux 
ouvrage^  suffisent  pour  attester  la  beauté 
de  son  génie,  en  môme  temps  que  son  élo- 
quence et  sa  vaste  érudition.  On  peut  lire 
son  apologie  dans  les  collections  des  Pères, 
et  dans  notre  Histoire  générale  des  persécu- 
tions de  r Eglise,  vol.  L"",  pag.  387. 

Il  cohimence  par  louer  la  douceur  de  Marc- 
Aurôle  et  de  son  gouvern'niient  ,  douceur 
qui  rendait  heureux  tous  les  sujets  de  l'em- 
pire, tandis  (ju'il  n'y  avait  que  les  seuls  chré- 
tiens de  maltraités.  Il  dit  ({ue  ces  derniers, 
quoique  ne  faisant  de  m.^J  à  personne,  sont 
])ersôcutés,  injuriés,  maltraités  dans  leurs 
biens,  dans  leur  honneur  et  dans  leur  exis- 
tance  même,  sans  qu'on  puisse  prouver  qu'ils 
soient  coupables  d'aucun  crime.  Il  disculpe 
complètement  les  chrétiens  des  accusations 
calouniieuses  portées  contre  eux ,  prouve 
l'inanité  des  miracles  des  faux  dieux,  et  l'im- 
jiosture  qui  est  au  fond  de  la  plupart  des  ré- 
cits qu'(in  en  fait. 

Ici  se  borne  ce  qu'on  peut  avec  certitude 
dire  d'Athénagore.  Ce  qu'en  ont  dit  les  au- 
teurs, tels  (pje  Bullus,  lîaronius,  appartient 
ti'op  au  domaine  des  supi)Ositions  pour  que 
nous  puissions  nous  y  ari'èter. 

ATHf^lNKS,  Atltcnœ,  plus  tard  Aihina  ou 
Sélines ,  aujourd'hui  Athènes,  cajutale  de 
i'Attique,  et  au  ])oint  de  vue  intellectuel,  de 
toute  la  Crèce,  est  ti'op  célèbre [)our  que  nous 
ayons  besoin  d'en  dire  ici  davantage.  Du 
l'esté,  notre  plan  s'y  oppose.  Le  premier 
iiiirtyr  cpie  nous  trouvions  dans  cette  ville 
est  saint  Publius,  son  évètjue,  martyrisé  sous 
M;.r.;-Aurèle.  Après  la  mort  de  ce  .^ainl  évù- 
(]ue,  les  Atliéhi<Mi.s  restèrent  tiueliiue  temps 
sa  is  paslfMir.  il.;  j)crdireijt  à  [)eu  près  coni- 
pléleiuent  Ja  i,oi,  il  n'y  furent  ramfenés  que 
par  saint  Quadi  at,  qui  fut  leur  premier  évoque 
api'ès  .saint  Piiiij'us. 

ATUENODOUE  (saint),  eut  la  gloire  de 
luouiir  poui'.i<\  foi  chiélienne  durant  laper- 
séiMitio  1  de  Dioclélien.  Son  martyre  eut  lien 
dans  la  .Vlésopolamie.  Un  juge,  nommé  Lieuse, 
le  lit  d'aboid  iiiùlreàla  cpicslion  du  feu,puis 
ensuite  appliquer  îi  d'auties  tortures.  Kieii 
n'ayant  pu  ob.tltro  .son  coni'age,  il  fut  con- 
d  imné  h  être  déca])ilé.  J^e  bouneau  (jui  de- 
vait exécuter  11  sentence  étant  tombé  évanoui, 
personne  n'osa  prendre  san  glaive  pour  en 
liapper  le  saiiil.  Il  nioinut  en  priant  DiCU. 
L'lv:,lis(5  célèbre  s<i  fêt(«  le  II  iiovend)re. 

A  i'il/ùNiMîfeiNfc  (sailli;,  (pie  l'Iiglise  honore 
le  10  juillet,  était  évêipie  ;  il  fut  niailyriso  à 


889 


ATT 


Sébastè  avec  dix  do  ses  disciples,  au  cours 
de  Ja  porséi'ution  de  Dioclétien.  Les  détails 
de  son  uiail>ie  sont  malljeureusemeiit  ij^no- 
rés.  ' 

ATHÊNOCiÈNK  (saint),  consomma  son  sa- 
crifice en  recevant  l;i  couroiuK;  du  martyre 
dans  le  Tout,  i>our  la  loi  de  Jésus-Clu;st.  H 
fut  coiidnnuHi  au  supplici»  du  feu.  Avant  que 
(le  inoiiter  sur  le  bûcher,  il  chanta  une  hymne 
qu'il  laissa  par  écrit  h  ses  disciples.  L'Église 
honore  sa  mémoire  le  IHjanvier. 

ATIN,  Mina,  ville  k\\\  royaume  de  Naples, 
dans  la  terre  de  Labour.  On  suppose  (jue  c'est 
dans  cette  ville  qu'un  saint  Julien  fut  mar- 
tyrisé sous  le  règne  de  l'empereur  Marc- 
Auièle. 

ATLYHUETZA  ,  ville  du  Mexique,  prés 
celle  de  Tlascala,  où  eut  lieu  le  martyre  du 
bienheureux  Chrislo[)he,  tué  par  son  père 
Ac\ol(>chalt.  (Voy.,  pour  plus  de  détails,  l'ar- 
ticle CnniSTOPUE.) 

ATTALE  (saint),  l'un  des  célèbres  martyrs 
de  Lyon,  sous  le  règne  de  rem[)ereur  Marc- 
Aurèle,  Arrêté  avec  un  grand  nombre  de  chré- 
tiens, il  eut  pour  com[^agnons  de  ses  com- 
bats et  de  sa  gloire  les  Pothin,  les  Sanctus, 
les  Blandine,  et  cette  cohorte  de  saints  que 
lapersécution  vint  moissonner  à  Lyon,  comme 
les  prémices  de  cette  rançon  innombrable 
de  saints  et  de  saintes  que  l'Eglise  de  France 
devait  payer  plus  tard  à  Jésus-Christ.  Saint 
Attale  était  de  Pergame.  Il  n'était  encore,  dit 
la  lettre  des  chrétiens  de  Lyon,  que  simple 
néophyte,  mais  il  nlontra  une  générosité  di- 
gne d'un  ancien  athlète  de  Jésus-Christ.  Avec 
Sanctus,  Mature  et  les  autres,  il  passa  par 
une  série  de  supplices  tels,  que  l'esprit  a  peine 
à  en  concevoir  le  nombre  et  la  violence.  Il 
sortit  victorieux  de  toutes  les  épreuves.  Le 
fer,  le  feu,  les  fouets,  la  prison  obscure  avec 
les  ceps,  où  il  avait  les  jambes  écartées  jus- 
qu'au cinquième  trou,  rien  ne  put  vaincre 
son  admirable  courage.  Ajirès  quelquesjuurs, 
il  fut  conduit  à  l'amphithéâtre,  avec  Mature, 
Sanctus  et  lilandine,  et  là  passa  de  nouveau 
par  tous  les  tourments  qu'il  avait  déjà  endu- 
rés. Le  fer,  les  fouets,  les  dents  des  bêtes 
féroces,  la  chaise  de  fer  rougie  au  feu,  rou- 
vrirent ses  plaies  qui  se  feimiient,  et  lui  en 
firent  de  nouvelles,  sans  que  rien  pût  abattre 
sa  constance.  11  survécut  pour  de  nouveaux 
triomphes. 

«  Le  gouverneur  ayant  fait  tuer  Sanctus  et 
Mature  ,  le  peuple,  avec  de  grands  cris  de- 
mandait Attale  et  voulait  qu'on  le  livrât  sur- 
le-champ  au  supplice.  C'était,  comme  nous 
l'avons  dit,  un  personnage  considérable  par 
sa  naissance  et  par  sou  mérite.  Il  entra  har- 
diment dans  le  champ  de  bataille,  pi  et  à  com- 
battre; mais  le  témoignage  de  sa  conscience 
lui  faisait  espérer  de  vaincre.  Il  se  sentait 
intrépide,  car  il  avait  passé  toute  sa  vie  dans 
une  observation  très-exacte  des  lois  du  chris- 
tianisme, et  il  avait  toujours  été  parmi  nous 
le  tém  ,in  de  la  vérité.  On  lui  lit  faire  le  tour 
de  l'amphithéâtre,  ayant  devant  lui  wn  écri- 
leau  où  on  lisait  en  paroles  lutines  :  Attale, 
chrétien.  Le  peuple  s'echauilait  de  i)lus  en 
plus  et  ne  cessait  de  demander  sa  mort  :  mais 


Aun  tu 

le  président  ayant  appris  qu'il  élau  citoyen 
romain,  il  le  renvoya  en  prison  avec  plu- 
sieurs autr(!s  martyrs.»  (Huinart.) 

Quelque  temj)s  a[)rès,  le  gouverneur  fil 
ramener  Attale  dans  ram[»hilhéatre  avec 
Alexandre.  On  le  plaça  de  nouveau  sur  la 
chaise  de  fer;  son  corps,  d<'mi-rùli,  exhalait 
une  odeur  de  graisse  très-inconuiiooe.  Il  s'a- 
dressa au  peuple,  et  faisant  allusion  au  re- 
proche qu'on  faisait  aux  chrétiensde  se  nour- 
rir de  Clair  humaine,  il  lui  dit  en  latin: 
«  C'est  ce  que  vous  faites  maintenant,  qu'on 
peut  a[)i)eler  manger  de  la  chair  d'homme. 
Pour  nous  autres,  nous  ne  savons  ce  que 
c'est  que  de  faire  de  ces  horribles  lepas.» 
Et  comme  on  lui  demandait  quel  nom  Dieu 
avait. — Dieu,  répondit-il,  n'a  pas  un  nom 
comme  un  homme. 

ATTALE  (saint),  martyr,  est  inscrit  au 
Martyrologe  romain  le  31  décembre,  et  ho- 
noré comme  martyr  par  l'Eglise  avec  les  saints 
Etienne,  Ponlien,  Fabien,  Corneille,  Sexte, 
Florus,  Ouintien,  Minervien  et  Simplicien, 
qui  furent  les  compagnons  de  son  triomphe. 
Les  circonstances,  le  lieu  et  la  date  de  leurs 
combats  sont  inconnus. 

ATTALIE,  ville  de  Paraphylie  dans  l'Asie 
Mineure.  Cette  ville  fut  témoin  du  martyre 
de  saint  Hespère,  de  sainte  Zoé  et  de  leurs 
deux  enfants,  saint  Cyriaque  et  saint  Théo- 
dule,  que  Catale,  païen,  chtz  qui  ils  étaient 
esclaves,  ht  mourir  dans  un  four,  parce  que 
les  deux  enfants,  indignés  des  honneurs 
qu'on  rendait  chez  lui  aux  idoles,  s'étaient 
déclaiés  chrétiens. 

ATTE  (samt),  était  laboureur  en  Pamphy- 
lie,  et  vivait  dans  le  temps  de  l'empereur 
Dioctétien.  Il  fut  arrêté  avec  huit  autres  la- 
boureurs, parmi  lesquels  saint  Alexandre  et 
saint  Léonce.  Le  président  Flavien  les  fit  dé- 
capiter. L'Eglise  fait  leur  fête  le  1"  août. 

ATTICUS,  gouverneur  de  Syrie  sous  Tra- 
jan,  ava.t  autorité  sur  celui  de  Palestine. 
C'est  ce  qui  explique  pourquoi  Eusèbe  peut 
dire  que  saint  Siméon,  évêque  de  Jérusalem, 
fut  traduit  devant  Atticus,  gouverneur,  quand 
on  sait,  d'un  autre  côté,  qu'a  cette  époque  (107) 
c'était  Tibérien  qui  était  gouverneur  de  Pa- 
lestine. Ce  fut  Atticus  qui  condamna  saint 
Siméon  à  finir  sa  vie  par  le  supplice  de  la 
croix. 

AUCTE  (saint),  martyr,  mourut  pour  la  foi 
chrétienne  à  Amphipolis  en  Macédoine,  avec 
âaintTaurion  et  sainte  Thessalonice.  L'Eglise 
les  honore  le  7  novembre.  (Pas  de  détails.) 

AUDAX  (saint),  était  présent  quand  sainte 
Anatolie,sœurde  sainte  Victoire,  fut  tourmen- 
tée et  mise  à  mort  par  ordre  du  juge  Fausti- 
nien.  il  reçut  une  telle  impression  du  mer- 
veilleux courage  de  cette  sainte,  qu'il  se  fit 
immédiatement  chrétien.  Emprisonné  sur-le- 
champ,  il  fut  décapité  sans  qu'on  lui  laissât 
aucun  délai.  L'Eglise  célèbre  sa  fête  le  9 
juillet. 

AUDIFAX  (saint),  fils  de  saint  Maris,  noble 
pei  san,  et  de  sainte  Marthe,  frère  de  saint 
Abaiiuim,  vint  à  Koiiie  avec  eux  pour  visiter 
les  tombeaux  des  apôtres.  Arrêté  avec  eux 
comme  chrétien,  il  souifrit,  sous  Claude  II  le 


391 


AUR 


AVR 


592 


Gothique,  la  bastonnade,  le  chevalet,  le  feu, 
les  ongles  de  1er,  eut  les  mains  coupées,  et 
ensuite  lut  décapité.  Son  corps  fut  brûlé. 
L'Ej^lise  honore  sa  mémoire  le  19  janvier. 

AUGENDE,  confesseur,  fut  arrêté  à  Rome 
en  250,  sous  l'empire  de  Dèce,  pour  cause  de 
christianisme,  avec  saint  Moy  se,  saint  .Maxime 
et  tous  leurs  compagnons.  11  soutlrit  coura- 
geusement les  tourments,  la  prison  pendant 
dix-huit  mois,  et  demeura  inébranlable  dans 
la  foi,  quand,  après  leur  sortie  de  prison,  plu- 
sieurs de  ses  compagnoiis  eurent  le  malheur 
de  se  laisser  entraîner  par  Novat,  et  de  tom- 
ber dans  le  schisme  de  Novatien.  Quand  cet 
évêque  schismatique  envoya  en  Afrique  des 
évêques  qu'il  avait  ordonnés,  saint  Corneille 
députa  Augende  vers  saint  Cy|)rien  pour  l'en 
instruire.  (Pour  plus  de  détails,  voy.  Muyse.) 

AUGSBOUUG.  Toy.  AisBOLRG. 

AUGULE  (saint),  vulgairement  nommé 
Aule  (et  Oui!  en  Normandie),  est  cité  dans 
un  Martyrologe  attribué  à  saint  Jérôme.  On 
tient  qu'il  souffrit  pour  la  foi  chrétienne  au 
commencement  du  iv'  siècle,  sous  le  règne 
et  durant  la  persécution  de  l'empereur  Dio- 
clétien  à  Londres.  Henschénius  a  eu  tort  de 
dire  que  le  saint  a  soutfert  à  York.  11  a  fait 
erreur  à  propos  du  moi  Augusta,  il  a  cru  que 
la  ville  ainsi  nommée  signifiait  la  capitale 
de  la  Grande-Bretagne.  Or,  du  temps  des 
Romains  York  était  la  capitale  de  ce  pays. 
Cette  interprétation  n'est  pas  permise,  quand 
Ammien  Marcellin  dit  positivement  que  la 
ville  de  Londres  se  nommait  Augusta.  L'E- 
glise honore  la  mémoire  de  saint  Augule  le 
7  février. 

AUGURE  (saint),  diacre  de  l'Eglise  de 
Tarragone,  fut  martyrisé  avec  son  collègue, 
saint  Euloge  et  saint  Fructueux,  son  évèque, 
sous  l'empire  de  Valérien,  en  l'année  259. 
L'Eglise  célèbre  sa  fête  le  21  janvier.  {Voy., 
pour  plus  de  détails,  les  Actes  de  saint  Fuuc- 

TUEUX.) 

AUGUSTE  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
pour  la  foi  à  Nicomédie  avec  ses  deux  frères 
Flavius  et  Augustin.  Le  Maityrologe  roniain 
ne  donne  aucun  renseignement  authentique 
à  leur  sujet.  L'Eglise  célèbre  leur  sainte  mé- 
moire le  7  mai. 

AUiiUSTLN  (saint),  martyr,  mourut  pour 
la  fui  à  Nicomédie  avec  ses  deux  frères,  Au- 
guste et  Flavius.  Mous  manquons  de  ren- 
seignemen  s  a'-.thentiques  a  leur  sujet.  C'est 
le  7  mai  que  i'Eglisu  célèbre  leur  suinte  mé- 
moire. 

AULANE,  nom  du  lieu  oiî  saint  Pierre 
Balsame  fut  arrêté  on  l'an  311,  sous  le  règne 
de  Galère  et  de  Maximin.  Ce  fut  aussi  là 
qu'il  regut  la  couronne  du  martyre  par  ordre 
du  gouverneur  Sévère. 

AULE  ^saint).  Voy.  Alglle. 

AUUÉ  (saint],  habiîait  Mayenceavec  sainte 
Justine,  sa  so^ur.  11  célébrait  les  saints  of- 
fices dans  lé^'ise,  ou  bien  y  assistait  avec 
cette  sainte  et  plusieurs  autres  chiétieiis, 
Iors(]ue  l.'S  Huns,  (pii  ravageaient  le  pays, 
vinrent  les  y  surprendri;  et  h-s  inassacrèKMit. 
L'Eglise  vénère  l(;ur  mémoire  lo  K»  juin. 
(Les  détails  manquent.  ) 


AURÉE  (sainte),  martyre,  eut  d'abord  le 
malheur  de  renoncer  sa  foi.  La  force  et  le 
courage  l'abandonnèrent;  maisbientôtaprès, 
sentant  sa  faute,  et  le  remords  entrant  dans 
son  cœur,  elle  revint  d'elle-même  au  combat. 
Cette  fois,  elle  triompha  et  sortit  de  la  lutte 
avec  la  couronne  du  martyre.  L'Eglise  ho- 
nore la  mémoire  de  cette  sainte  le  19  juillet. 
Son  martvre  eut  lieu  à  Cordoue. 

AURÉÉ  (  sainte  ),  vierge  et  martyre,  fut 
mise  à  mort  à  Ostie,  pour  la  foi  chrétienne, 
dans  un  temps  et  des  circonstances  sur  les- 
quels nous  n'avons  rien  de  précis.  Elle  fut  » 
jetée  à  la  mer,  avec  une  pierre  au  cou.  Saint 
Nonne  ayant  recueilli  son  corps  que  les  Ilots 
avaient  amené  an  rivage,  lui  rendit  les  der- 
niers devoirs.  L'Eglise  honore  sa  mémoire 
le  2i  août. 

AURÈLE,  célèbre  confesseur  de  Carthage, 
souffrit  pour  la  foi  chrétienne,  sous  le  rè- 
gne de  l'empereur  Dèce,  en  l'année  250,  avec 
saint  Saturnin  et  une  foule  d'autres.  11  était 
l'un  des  principaux  d'entre  ces  saints  con- 
fesseurs, puisque  les  lettres  de  ceux  de  Rome 
lui  sont  adressées  à  lui  nommément,  et  à 
Saturnin  et  aux  autres  en  général. Ce  coura- 
geux soldat  de  Jésus-Christ  était  fort  jeune 
et  ne  savait  pas  écrire.  Cette  dernière  circons- 
tance explique  pourquoi  Lucien  fit  en  son 
nom  un  grand  nombre  de  billets  d'indulgen- 
ces. II  est  excessivement  probable  que  c'est 
ce  même  Aurèle  que  saint  Cyprien  éleva  à  la 
dignité  de  lecteur,  avec  de  très-grands  élo- 
ges, à  la  tin  de  Tannée  250.  Du  moins  la  res- 
semblance du  nom  et  plusieurs  autres  cir- 
constances donnent  tout  lieu  de  le  penser. 
Il  avait  d'abord  confessé  la  foi  en  présence 
des  magistrats  et  d'un  petit  nombre  de  per- 
sonnes, puis  ensuite  devant  le  proconsul  en 
pleine  place  publique.  Sa  première  confes- 
sion eut  pour  résultat  le  bannissement  ;  la  se- 
conde lui  procura  des  tourments  qu'il  souf- 
frit avec  un  très-grand  courage.  Saint  Cy- 
prien l'ayant  donc  ordonné  lecteur,  décida 
qu'il  recevrait  dès  ce  temps-là  les  distribu- 
tions des  i)rêtres,  car  déjà  il  le  réservait  à  la 
prêtrise  ;  et  s'il  ne  l'avait  fait  que  lecteur, 
c'était  à  cause  de  son  jeune  âge. 

\URÈLE  (saint),  martyr,  regut  la  couronne 
du  martyre  à  Cordoue  en  Espagne,  du  temps 
de  la})erséculion  ([ue  les  Arabes  tirent  souf- 
Irir  aux  chrétiens.  11  eut  pour  compagnons 
de  son  triomphe  les  saints  George,  Félix  et 
les  sanites  Nathalie  et  Liliose.  L'Eglise  célè- 
bre leur  fête  le  27  juillet. 

AURELE  (saint),  martyr,  dont  l'Eglise  fôte 
le  nom  avec  celui  de  saint  Publius,  le  12  no- 
vembre, était  évêque,  ainsi  (pie  le  saint  que 
nous  vynons  de  nommer.  Tous  deux  cueil- 
Inent  la  couronne  du  martyre  en  Asie. 

AUI^ELM  (sainte),  martyre,  versa  son  sang 
|)(»ur  la  loi  ehrél.enue,  à  Paris,  en  compa- 
gnie (le  saint  Georges,  diau'e.  .L'Eglis(>  iio- 
iiore  leur  mémoiie  le  même  jour  20  octo- 
bre. 

AURÉLIEN  {Lucius  Doimlius  AHri'linnus)^ 
eiiipen  ur  romain,  naipiil  le  9  .septembre  212, 
(1  uni!  l'amille  obscure,  très-prubablemeiil  à 
Sirmich,  quelques-uns  disent  dans  la  Dace 


595 


Atli 


AUR 


39  i 


F, 


inlerieuro,  ou  dans  la  Messie.  (-0  prince  mon- 
tra dès  son  jeune  Ayc  une  grande  a|ititudo  et 
une  grande  vivacité  d'esprit.  Dus  lors  il  avait 
un  goût  prononcé  |)our  le  métier  des  armes 
et  une  force  de  corps  remarquahN; ,  (pie 
l'exercice  avait  encore  développée.  De  bonne 
heure  il  se  mit  dans  les  troupes,  et  s'y  lit 
distinguer  bientôt  par  une  valeur  au-dessus 
de  tout  éloge  et  [)ar  on  talent  militaire  incon- 
testable. Ses  premiers  ex[iloits  eurent  lieu 
dans  rillyrie  et  dr.us  les  Gaules  (1),  et  dès 
cette  époque,  quand  Valéricn  parlait  de  lui, 
il  le  couiparait  aux  Corvius  et  aux  Si'ipions. 
Malgré  cela,  il  ne  voulut  pas  lui  conlier  l'é- 
ducation de  (lallien,  son  lils,  h  cause  (ie  son 
excessive  sévérité.  Aurélien  montra  cette  sé- 
vérité dans  une  foule  de  circonstances.  Un 
de  ses  soldais  ayant  violé  une  femme,  il  le 
lit  écarteler,  en  l'attachant  h  deux  bi'anclies 
d'arbres  qu  on  avait  courbées  ]iar  force.  11 
garda  celte  sévérité  vraiment  ciuelle  jusqu'à 
la  (in  de  ses  jours.  On  est  sufll^amment  au- 
torisé à  dire  de  lui,  que  si  parfois  il  se  mon- 
tra doux  et  clément,  ce  fut  dans  l'intérêt  de 
sa  gloire  ou  de  sa  sécurité.  Aussitôt  que 
Claude  eut  rendu  res.:rit,  on  songea  natu- 
rellement, pour  le  remplace.-,  à  celui  qui  de 
tous  les  généiaux  d'armée  montrait  le  plus 
de  talent  et  d'habileté. 

Les  ex[)loits  passés  d'Aurélien  promet- 
taient son  avenir,  il  ne  faillit  pas  à  cette  pro- 
messe. Ce  fut  en  avril  '270  qu'il  prit  la  pour- 
re  :  les  légions  le  proclamèrent.  Quintille, 
rère  de  Claude,  se  tît  déclarer  auguste  en 
même  terops  qu'Aurélien  ;  mais  bientôt , 
abandonné  de  tout  le  monde,  il  se  donna  vo- 
lontairement la  mort.  Aurélien  se  rendit  à 
Rome,  où  il  prit  les  mesures  les  [dus  pro- 
pres à  affermir  son  autorité;  seulement  l'ha- 
bileté qu'il  montra  fut  déshonorée  par  sa 
cruauté.  Il  fit  mourr  un  grand  nombre  de 
personnages  distingués  qui  lui  faisaient  om- 
brage, sous  prétexte  de  conspiration  et  de 
complots.  Après  cela,  Aurélien  s'occupa  de 
la  tâche  immense  qu'il  s'était  imposée.  Valé- 
rien  et  ses  successeurs,  à  rexce,»tion  de 
Claude,  avaient  laissé  déchoir  l'empire  :  ils 
l'avaient  laissé  démembrer.  Les  plus  belles 
provinces  étaient  hors  de  l'obéissance  de 
ses  empereurs.  Les  Gaules  sous  Tétricus, 
l'Orient  sous  Zénobie,  l'Egypte,  étaient  dé- 
tachés du  faisceau.  Aurélien  rêvait  la  res- 
tauiation  de  l'empire  de  Trajan.  C'était  un 
grand  et  magnifique  projet ,  il  l'exécuta. 
Dieu  le  récompensa  de  son  génie  en  lui  don- 
nant la  gloire  et  des  triomphes. 

Aurélien  fut  bien  peude  tem|)s  sur  le  trône 
des  Césars,  et  cependant  aucun  des  princes 
qui  l'occupèrent  n'accomplit  plus  de  grandes 
choses  que  lui,  ne  remporia  plus  de  victoi- 
res.  Mais  là  devait  s'arrêter  Aurélien.  Dieu 

{\)  Elant  gouverneur  des  Gaules,  il  vint  de  Sens 
à  lioyes,  où  saint  Patrocle,  chrétien  de  cette  ville, 
lui  lut  dénoncé.  Apres  plusieurs  interrogatoires,  il 
lui  lit  mettre  les  (ers  aux  pieds,  des  chauies  rougies 
au  feu  aux  mains,  et  dans  cet  état  le  fil  jeter  au  ca- 
chot. Trois  jours  après,  n'ayant  pu  ébranler  sa  fer- 
meté, il  le  lit  décapiter.  On  voit  que  ce  prince 
avait  été  persécuteur  avant  de  njonler  sur  le  trône. 

DicTioNN.   DBS   Persécutions,    l. 


mettait  une  barrièrt;  h  ses  projets  de  réfor- 
me religieuse.  Aurélien,  fervent  adorateur 
des  taux  dieux  et  surtout  du  soleil,  voulait 
restituer  au  paganisme  sa  grandeur  tombée, 
en  exterminant  les  chrétiens.  Dieu  l'atten- 
dait là.  Il  le  brisa  le  jour  où  il  osa  s'attaquer 
h  son  Kglise.  Aurélien  éta  t  un  prince  trop 
habile  pour  se  donnera  la  fois  les  embarras 
d(i  la  persécution  contre  les  chi'étiens,  et  les 
embarras  de  la  guerre.  Il  se  réserva  de  dé- 
truire la  religion  chrétienne  pour  quand  il 
aurait  abattu  [)artout  ses  coMq)éliteuis  et 
chassé  les  baibares  qui  avaient  violé  le  ter 
ritoire  de  rem,)ire.  11  marcha  d';  bord  contre 
les  Goths,  et  api-ès  une  grande  bataille,  les 
força  de  repasser  le  Danube.  Après  une 
guerre  qui  eut  des  chances  diverses,  il  vain- 
quit enlin  déiinitivement  les  Allemands  qui 
étaient  venus  jusqu'enllalie,  et  qui  n'étaient 
plus  qu'à  quel(}ues  journées  de  Rome.  En- 
suite il  vainquit  et  chassa  de  l'empire  les 
Vandales  et  les  Marcomans. 

Ce  fut  aj)rès  avoir  remporté  ces  avantages, 
qu'il  marcha  contre  Zénobie,  reine  et  impéra- 
trice d'Orient. A[)rès  l'avoir  vaincue  deux  fois 
il  l'enferma  dans  Palmyre,  où  elle  résista 
longtemps  avec  un  grand  courage. Enlin,  man- 
quant de  tout,  les  Perses  qui  venaient  à  son  se- 
cours ayanl  été  vaincus,  elle  s'évada  pour 
aller  à  Ctésiphon  chercher  de  nouvelles  for- 
ces. Aurélien  la  fit  poursuivre.  On  s'empara 
d'elle  au  moment  où  elle  montait  dans  le  ba- 
teau pour  passer  l'Euphrate.  Elle  fut  amenée 
à  Aurélien,  qui  lui  fit  grâce  de  la  vie  et  la 
réserva  pour  son  triomphe.  Cette  circons- 
tance est  encore  une  tache  pour  sa  gloire. 
L'estime,  le  respect,  les  égards  qu'il  montra 
depuis  pour  Zénobie,  ne  le  laveront  jamais 
de  la  lâcheté  d'avoir  fait  servir  une  femme 
à  son  triomphe. 

Après  ces  succès  si  grands  et  si  rapides, 
Aurélien  reçut  des  ambassadeurs  et  beau- 
coup de  présents  de  la  part  de  presque  tous 
les  souverains  d'Asie.  Les  Palmyréniens  s'é- 
tant,  au  bout  de  quelque  temps,  révoltés,  il 
fit  raser  leur  ville  et  massacrer  la  plus  grande 
partie  des  habitants.  Ici,  comme  on  le  voit, 
nous  retrouvons  l'atroce  cruauté  dont  nous 
avons  parlé  en  commençant.  Peu  de  temps 
après,  il  rattacha  les  Gaules  à  l'empire  par 
la  défaite  de  Tétricus.  Après  tant  de  victoi- 
res, après  tant  de  travaux  accomplis,  Auré- 
lien devait  triompher.  C'était  dans  les  tradi- 
tions païennes,  il  le  fit  avec  un  faste  dont 
l'histoire  a  gardé  peu  d'exemples.  Tétricus 
et  Zénobie  parurent  enchaînés  à  la  suite  du 
vainqueur.  Il  est  vrai  que  les  chaînes  de  Zé- 
nobie étaient  des  chaînes  d'or,  et  qu'après 
le  triomphe,  Aurélien  traita  bien  les  deux 
compétiteurs  illustres  qu'il  avait  vaincus  ; 
mais  n'importe,  c'était  là  une  mauvaise  ac- 
tion. Tétricus  et  Zénobie  étaient  des  per- 
sonnages qu'il  convenait  toujours  d'environ- 
ner de  respect.  L'orgueil  d'Aurélien  se  mit 
au-dessus  de  ce  dcvcir  et  de  cette  magnani- 
mité. 

Après  ce  triomphe,  Aurélien  termina  la 
guerre  des  monnayeurs  et  chassa  les  barba- 
res de  la  Vindélicie  ;  puis  il   revint  à  Rome, 

13 


595 


ÀUR 


AUR 


596 


OÙ  il  se  livra  aux  plus  atroces  cruautés  con- 
tre beaucoup  do  personnages  éuiinents,  sé- 
nateurs et  autres,  qu'il  accusait  de  complots. 
Le  voilà  donc  ce  victorieux,  arrivé  au  but 
qu'il  avait  rêvé!  La  victoire  a  partout  favo- 
risé ses  armes.  Il  a  conquis  tous  les  pays  que 
i&  révolte  avait  détachés  de  l'empire  sous 
Valérien  et  sous  son  successeur.  Il  voit  à  ses 
pieds  ses  ennemis  vaincus.  11  a  triomphé 
comme  triomphaient  les  Scipions,  les  Pom- 
pée, les  César.  Il  a  fait  aussi  grande  mois- 
son de  lauriers  qu'en  si  pou  de  temps  il 
était  possible  de  le  faire.  Dieu  a  donné  à  ses 
talents  militaires  la  récompense  la  plus 
grande  qu'homme  puisse  rêver  ici  -  bas. 
Le  génie  est  une  vertu  terrestre  que  Dieu 
récompense  avec  de  la  gloire  plutôt  qu'avec 
du  bonheur.  L'orgueil  humain  y  trouve  son 
compte,  le  cœur,  hélas,  presque  jamais.  Ses 
destinées  sont  plus  hautes  ;  il  a  besoin  d'au- 
tre chose  que  de  ces  hochets  brillants  dont 
s'amuseal  les  hls  de  la  terre. 

Aurélien  avait  rôvé  non-seulement  la  res- 
tauration de  l'empire  romain,  mais  encore 
la  restauration  du  culte  des  idoles.  11  croyait 
qu'il  serait  beau  de  restituer  à  son  empire 
les  croyances  qu'il  avait  jadis  et  i{ui  partout 
disparaissaient  devant  le  chrislianisrne , 
comme  les  ténèbres  disparaissent  à  la  lu- 
mière du  soleil.  Pourquoi,  se  disait-il  dans 
son  cœur,  pourquoi  ne  serait-il  pas  le  res- 
taurateur de  la  religion  des  Romains,  comme 
il  avait  été  le  restaurateurde  leur  puissance? 
Pourquoi?  parce  que  le  Dieu  des  chrétiens 
ne  le  veut  pas;  parce  que  ce  Dieu,  qui  brise 
les  conquérants,  efface  leurs  pas  dans  le 
monde,  comme  le  vent  du  désert  les  pas  du 
voyageur  :  parce  que  ce  Dieu  puissant  va 
l'enlever  du  monde  au  moment  même  où. 
seront  lancés  les  édils  de  persécution  qu'il 
prépare  contre  son  Eglise. 

Aurélien  voyant  sa  puissance  affermie, 
ses  ennemis  vaincus,  le  nom  romain  redouté 
des  barbares,  crut  le  moment  venu  de  ren- 
verser l'Eglise  de  Jésus-Christ.  Il  allait  lan- 
cer ses  édits,  quand  la  foudre  du  ciel,  tom- 
bant près  de  lui,  l'épouvanta  tellement,  qu'il 
dut  y  renoncer;  mais  la  frayeur  se  |)assant 
avec  le  temps,  il  reprit  son  dessein  et  [xjrta 
des  édits  sanglants  contre  les  chréliens.  Dieu 
l'attendait  la.  CfS  édils  n'étaient  pas  encore 
rendus  dans  les  provinces  éloignées  de  l'em- 
pire, que  déjà  la  juslii-e  divine  avait  passé. 
Aurélien  tombait  sous  le  («oignard.  11  roulait 
assassiné  sur  les  marches  de  ce  li'ùne  en- 
sanglanté, où  l'on  ne  montait  que  par  le 
crime,  d'où  l'on  ne  descendait  que  par  h; 
crime.il  était  dans  la  Tlnace  avec  une  ar- 
mée puissante,  qu'il  voulait  mener  conln; 
les  Pers-s.  Ayant  su  (pn;  Mriesthée,  un  des 
ses  alfranchis  ,  s'était  rendu  coupable  de 
quelque  <;on(;us.sion,  il  le  menaf;a  vivement. 
.Mnesthée,sa(;h;ml  ipi'uiU!  menace  d'Aurélien 
était  toujours  funeste,  r;onlielil  son  écriture 
et  écrivit  uni;  |trélendue  liste  doproscription 
dressée  [)ar  l'empereui'.  Il  y  mil  le  nom  des 
principaux  ollif  iers  de  l'ai-mée,  avec  le  sien, 
Jt  la  leur  nionlia  11  leui"  disait  (pi'un  cou(» 
ic  dés(;spoir  pouvait  seul   les  sauver.  Ils  le 


crurent  ainsi  et  épièrent  le  moment  favora- 
ble. Ce  moment  arriva.  Près  de  Gcenophru- 
nium,  Aurélien  étant  peu  accompagné,  ils 
l'attaquèrent  l'épée  à  la  main  et  le  tuèrent. 
Les  jjaïens  dirent  que  sa  mort  était  Une  juste 
punition  de  tout  le  sang  innocent  qu'il  avait 
versé.  Les  chrétiens  ont  toujours  ciu  qu'elle 
était  en  outre  le  chAtiment  de  ses  projets 
sanguinaires  h  leur  égard,  et  du  sang  des 
saints  que  ses  décrets  tirent  verser 

«Dodwel  ne  met  aucun  martyr  sous  Auré- 
lien, parce  (jne  la  persécution  fut,  dit-il,  à  la 
vérité  résolue,  mais  on  n'en  vint  pas  jusqu'à 
l'exécution  ;  et  il  fait  ce  qu'il  peut  pour  s'au- 
toriser du  témoignage  d'Eusèbe  et  de  celui 
de  Lactance,  que  nous  convenons  avec  lui 
devoir  servir  de  règle  et  êlre  une  décision 
en  cette  matière.  Or,  Eusèbeditqu'Aurélien, 
après  avoir  été  à  l'égard  des  chrétiens  dans 
des  dispositions  assez  favorables,  vint  à  chan- 
ger de  sentiments  dans  la  suite,  et  suivant 
l'avis  de  quek|ues  persoimes  de  son  conseil, 
il  prit  la  résolution  de  persécuter  les  fidèles. 
«Déjà,  dit  cet  historien,  le  bruit  s'en  répandait 
de  tous  côtés;  mais  connne  l'empereur  était 
sur  le  point  designer  les  édits  qui  avaient  élé 
concertés  contre  nous,  la  justice  divine  ar- 
rêta sa  main...»  Pour  Lactance,  il  ditqu'Au' 
rélien  ne  put  exécuter  ce  qu'il  avait  projeté, 
et  qu'à  peine  sa  fureur  avait-elle  commencé 
à  s'allumer,  qu'elle  fut  éteinte  avec  sa  vie. 
Si  Aurélien,  conclut  Dodwel,  n'a  pu- pour 
suivre  ce  qui  avait  été  résolu  dans  son  con- 
seil, c'est  une  preuve  évidente  qu'il  n'y  a  eu 
aucun  martyr  qui  ait  soutier!  on  vertu  de  ses 
édits.  Quoiqu'on  puisse  conclure  de  ces  pas- 
sages que  la  persécution  d'Aurélien  a  peu 
duré,  il  ne  s'ensuit  pas  pour  cela  qu'elle 
n'ait  fait  aucun  martyr.  Premièrement,  ce 
bruit  qui  se  répandit  du  changement  de  l'em- 
pereur à  l'égard  des  chrétiens,  qui  le  porta 
à  publier  coiftre  eux  de  sanglants  édits,  mar- 
que déjà  qu'il  avait  conçu  poureux  une  aver- 
sion prodigieuse.  Son  conseil  s'étant  ensuite 
déclaré  ouvertement  contre  eux  et  ayant  al- 
lumé par  leurs  pernicieux  avis  les  premiers 
feux  de  la  persécution,  il  est  presque  impos- 
sible que  quelcjne  chr-étien  n'en  ait  élé  con- 
sumé. Eusôbe  n'en  disconvient  pas  dans  sa 
chronique,  lorscju'il  dit ,  «  qu'Aurélien  fut 
massacré  après  avoir  excifécontre  les  fidèles 
une  persécution.  »  A  l'égard  de  Laclance,  il 
dit  véritablement  tpie,  lorsque  ce  prince  fut 
tué,  son  édil  n'avail  pas  encore  été  publié 
dans  les  provinces  de  reni|)ire  les  plus  éloi- 
gnées. Mais  (pii  eni[)êcli((  ((u'il  ne  l'ait  été 
après  (pi'il  n'a  plus  élé  au  monde?  El  il  ne 
fallut  pas  plus  de  temps  poui'  y  porter  cet 
édit  (jne  la  nouvelle  de  sa  morl.Onni'  j)eut 
(lu  moins  disconvenir  (|u'il  n'ait  élé  reçu 
dans  les  provinces  les  plus  voisines  de  Ro(ne; 
et  Aurélien  fut  lue  à  la  vérité,  dans  le  pr(î- 
mier  accès  de  sa  fureur  ;  mais  il  avait  déjà 
|iar  des  clfels  atlafjué  la  souveraims  majesté 
de  Dieu.  Il  n'exécuta  pas  son  projet,  il  est 
vrai,  car  il  avait  projeté  dt;  détruire  la  reli- 
gion chiélieiHie  ;  mais  Néron  avait  formé  le 
mèmi!  dessein,  et  il  nu  l'exécuta  j)as  ;  mois 
Dioclélien  et  tous  les  tyrans  qui  oui  ré}>andu 


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AtS 


AVI 


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le  sangaosfhi'élions,  ont  ^nis  Ui  luOiuu  véi>o~ 
lui  ion  ot  soiil  morts  sans  J'avoirpu  cHecluor: 
cdla  a-l-il  (Miipôché  (lu'on  lU'  It's  ail  mis,  du, 
const'.nti'mciit  de  tout  le  monde,  au  iiomhie 
des  i)Ius  ciui'ls  persi^cLileuts  ?  Pour  Aurélien, 
il  est  ccitainiiue  quoiim'il  ne  l'it,i)Our  ainsi 
dire,  qu'ouvrir  la  scène,  elle  ne  laissa  pas 
d'être  LMisanglantc^e  par  la  mort  do  qucitpics 
martyrs.  Ainsi  c'est  avec  justice  que;  Lactaïu^o, 
le  grand  Constantin,  Paul  Oroscelles  aulres 
auteurs  ecclésiasti([ues,  lui  donnent  rang 
parmi  les  ennemis  de  l'Eglise.  (Uuiiuul.,  Dis. 
prél.) 

AURÉrjEN,  fiancé  de  sainte  Anatolio , 
sœur  de  sainte  Victoire,  n'ayant  pu  de  con- 
cert avec  son  amiEugèius  tiàuc6  de  Victoire, 
décider  Ic'S  deux  sœurs,  qui  avaient  pris  la 
résolution  de  consacrer  M)ieu  leur  virginité, 
à  changer  de  dessein,  s'adressa  h  Dèce  i)()ur 
que  toutes  deux  leur  fussent  livrées.  Eugène 
avait  voulu  dénoncer  Victoire  au  juge  connue 
chrétienne.  Ce  lut  Aurélien  qui  s'y  opposa. 
Dèce  accueillit  la  demande  qu'on  lui  faisait, 
et  les  deux  jeunes  gens  emmenèrent  les 
deux  saintes  dans  leurs  terresàla  campagne. 
Lh,  ni  les  tourments,  ni  les  menaces,  ni  la 
persuasion,  ne  purent  rien  sur  le  dessein  des 
deux  généreuses  filles.  Alors  leurs  liancés 
les  dénoncèrent  ofliciellement.  Dèce  com- 
mit pour  les  juger  Faustinien,  qui  s'ac- 
quitta de  sa  mission,  en  faisant  mourir  les 
deux  sœurs  et,  on  même  temps,  un  nommé 
Audax,  qui  s'était  converti  à  la  vue  do  leur 
admirable  courage.  (  Voy.  Victoire  et  Ana- 
TOLiE.  Voy.  avissi  Falstijnien,  Audax  et  Eu- 
gène. ) 

AUSBOURG  ,  ou  Augsbolrg,  ville  de  la 
Rhétie,  fut  la  patrie  de  sainte  Afre,  célèbre 
courtisane,  qui,  durant  la  persécution  de 
Dioclétiei,  en  l'an  de  Jésus-Christ  304-,  y  fut 
mise  à  mort  pour  la  foi,  avec  sainte  Hilaria 
sa  mère,  et  trois  de  ses  servantes  et  compa- 
gnes, Euiiomie,  Entropie  et  Digne.  Ce  fut 
un  juge  nommé  Gaïus  qui  les  condamna  à 
mort  et  les  lit  exécuter.  (  Fo?/.  les  Actes  de 
sainte  Afre.) 

AUSONE  (  saint  ),  martyr,  fut  le  premier 
évèque  de  la  ville  d'Ângoulôme  ;  les  ditîé- 
reiites  notices  qui  ont  été  publiées  sur  sa 
vie  sont  toutes  plus  ou  moins  fabuleuses  : 
voici  ce  qui  doit  être  regardé  comme  le  plus 
probable  sur  ce  saint  martyr.  Les  habitants 
du  territoire  d'Angoulôme  étaient  encore 
idolâtres  quand  saint  Ausone  vint  leur  por- 
ter \\  lumière  de  l'Evangile  :  il  s'établit  chez 
eux  après  en  avoir  converti  uu  grand  nom- 
bre. On  ne  sait  s'il  eut  la  tête  tranchée  par 
l'ordre  des  magistrats  du  pays, ou  parle  ca- 
pitaine des  barbares,  qui  avaient  fait  irrup- 
tion dans  les  Gaules.  Les  reliques  de  saint 
Ausone  furent  brûlées,  en  1568,  par  les  hu- 
guenots. L'Eglise  fait  si  mémoire  le  11 
juin. 

ACSONIE  (sainte),  fut  couronnée  du  mar- 
tyre dans  la  ville  de  Lyon,  en  l'année  177, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Antonin  Marc- 
Aurèle.  Elle  mourut  en  prison,  comme  saint 
Pothin  et  beaucoup  d'autres  saints  martyrs, 
n'ayant  pas  eu  la  force  nécessaire  pour  en- 


durci' jusqu'au  bout  les  tourments  (jui;  lui 
tirent  subir  les  |)erséculeurs.  Elle  alla  s'abri- 
ter dans  le  sein  de  son  Dieu  coninï  la  fu- 
reur de  ses  bourreaux.  L'Kgliso  fait  sa  fête 
avec  celle  de  tous  ses  (•ompagnons  le  2  juin. 

AUTAL  (saint),  évê(}ue  et  c.onlessimr,  souf- 
frit en  France  |)Our  la  foi  h  une  époiiue  res- 
tée indéterminée.  L'Eglise  honore  sa  mé- 
moire 1(!  7  sopltiuibre. 

AUTIÎN  ,  Jiihructe,  puis  Aw/ustodunum , 
ville  de  France  (Saône-et-Loir(!j,  ancien- 
nement capitale  des  Edueiis  et  l'une  des  vil- 
les les- plus  importantes  de  la  Gaule.  C  •  fut 
dans  ses  murs  ciu'Héraclit.s,  gouverneur  de 
la  province,  (il  maitu'iser  saint  S.vmphorien, 
sons  l'emiiire  do  Mai-c-Auièle.  Ce  fut  aussi 
sous  le  même  prince  qu'un  juge  nomm''  Va- 
léricMi  y  condannia  saint  Florelleà  êlie  dévo- 
ré par  les  bètos.  Sous  lo  r-ègne  do  l'empereur 
Aurélien,  on  trouve  à  Autun  les  saints  mar- 
tyrs Kévérien,  cvêque,  et  Paul,  prêtre.  Quel- 
ques auteuis  ont  piétondu  que  saint  Uévé- 
ruiu  était  évêque  d'Autun  ;  cot'e  opinion 
est  loin  d'être  appuyée  sur  des  pi-euves  suf- 
hsantes.  Ce  saint  était  inconiestablermnt 
évêque,  mais  [)eut-être  d'une  autre  ville. 
Messieurs  de  Sainte-Marthe  ne  le  comptent 
pas  au  nombr(ï  des  évêques  do  celte  ville. 

AUXENGE  (saint),  fut  martyrisé  [lour  la 
foi  chrétienne  en  Arabie,  sous  le  règne  et 
durant  la  persécution  de  Dioclétien,  sous  un 
juge  nommé  Lysias.  Le  lieu  de  son  martyre 
fut  le  pays  des  Arabraques,  oii  il  fut  mis  à 
mort,  après  avoir  enduré  de  cruels  tour- 
ments. Depuis  son  corps  fut  transporté  à 
Rome,  oii  on  l'enterra  honorablement.  L'E- 
glise honore  sa  mémoire  le  13  décembre. 

AUXEKRE,  ville  siUiée  dans  le  départe- 
ment de  l'Yonne,  à  IGCkilom.  de  Paris.  Son 
territoire  a  été  illustré  par  le  martyre  de  saint 
Brix,  qui  y  mourut  pour  la  foi  avec  un  grauvl 
nombre  de  chrétiens  dont  les  noms  sont 
malheureusement  ignorés.  Cette  vilie  vit 
aussi  la  généreuse  confession  de  i'évèque 
Ethère,  ainsi  que  le  martyre  de  I'évèque 
saint  Fratcrne. 

AUXILE  (saint),  martyr,  reçut  la  palme 
du  martj.re  à  Antioche  avec  les  saints  Rasi- 
lié  et  Saturnin.  L'histoire  n'a  pas  de  détails 
sur  leur  m,irty;e.  L'Eglise  célèbre  leur  sainte 
mémoire  le  27  novembre. 

AVERTÏN  (saint),  diacre,  confesseur,  était 
chanoine  régul.er  de  la  congrégation  de 
saint  Gilb  rt  en  Angleterre,  il  voulut  suivre 
l'ilLustre  saint  »Tliomas  de  Cantorbéry  dans 
son  exil,  et  partagea  ave^  son  achevèque 
toutes  1  s  tribulations  et  inus  les  déiyoïres 
qu'on  lui  lit  subir.  (J;iand  saint  Thomas  de 
Cantorbéi-y  fut  mo.l,  noire  saint  confesseur 
se  retira  dans  le  petit  idage  de  N'inzai  en 
ïouraine,  et  y  consacra  le  restant  de  ses 
jours  au  service  pénible  d(  s  |)auvres  et.<Jos 
étrangers.  Sa  moit  arriva  vers  l'an  1189.. La 
paroisse  de  Boagival,  dans  le  diocèse  d^;Pa- 
ris,  l'honore  comme  son  patron.  L'Eglise  fait 
sa  fête  le  5  mai. 

AVILA,  ville  d'Espagne,  célèbre  par  le 
glorieux  martyre  de  saint  Vincent   et  des 


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AZA 


400 


saintes  Sabine  et  Ghristèle.  Ils  furent  marty- 
risés par  Tordre  du  président  Dacien. 

AVIT  fsaint),  martyr,  mourut  en  Afrique 
pour  la  loi,  à  une  époque  et  dans  des  cir- 
constances que  nous  ignorons.  L'Eglise  cé- 
lèbre sa  fête  le  27  janvier. 

AXOTECHALT,  était  père  du  bienheureux 
Christophe.  Ce  puissant  Indien  ,  habitant 
d'Atlvhuetza,  près  de  Tlascala,  dans  le  Mexi- 
({ue,  avait  soixante  femmes  et  en  avait  eu 
quatre  (Ils.  Corlez  exigea  qu'il  les  envoyât 
au  séminaire  que  les  religieux  avaient  fondé: 
les  faits  que  nous  rapportons  se  passaient  eu 
1528.  L'aîné,  qui  se  nommait  Christophe,  lit 
de  grands  et  rapides  progrès  dans  les  scien- 
ces et  montra  un  zèle  ardent  pour  la  propa- 
gation de  la  foi.  Rempli  d'aflliction  de  voir 
Axotechalt  son  père,  idolâtre,  il  voulut  le 
convertir  ;  mais  ses  instances  ne  parvinrent 
qu'à  l'en  faire  d'-tester.  Voyant  que  les  pa- 
roles de  douceur  n'avaient  pas  réussi,  il  ju- 
gea convenable  de  le  reprendre  avec  fermeté 
et  de  lui  faire  entendre  les  menaces  que 
fait  la  religion  à  ceux  qui  ne  suivent  pas  ses 
saints  commandements.  Axotechalt  fit  endu- 
rer à  son  fils  de  rudes  châtiments  pour  la 
liberté  de  son  langage.  La  mère  de  son  fils 
puîné,  voulant  que  son  fils  à  elle  devînt,  au 
détriment  de  l'aîné,  l'héritier  des  biens  pater- 
nels, excita  la  colère  d'Axotechalt  en  accu- 
sant Christophe  de  certains  crimes.  Le  père 
alors  résolut  la  mort  de  son  fils.  Il  l'enferma 
dans  un  lieu  écarté  et  le  tua  eu  l'accablant 
de  coups  de  bâton.  Après  cet  odieux  forfait, 
Axotechalt  cacha  dans  le  sable  le  corps  de 
son  fils  el  défendit  à  ses  serviteurs  d'en  par- 
ler. Quelque  temps  après,  ayant  été  empri- 
sonné pour  injures  envers  un  Espagnol,  il 
vit  son  crime  découvert  et  fut  pendu. 

AZADE  (saint),  martyr  en  Perse,  durant 
le  règne  et  la  persécution  de  Sapor,  en  l'an 
de  Jésus-Christ  3il,  était  un  eunuque  chéri 
du  roi.  Ce  prince,  dans  la  trente-deuxième 
année  de  son  règne,  ayant  publié  un  édit 
sanglant,  les  gouverneurs  de  province  se  tiâ- 
tèrent  de  l'exécuter.  Ou  ne  voyait  de  toutes 
parts  qu'instruments  de  sui)plice  et  ruis- 
seaux de  sang.  Azade  fut  mis  à  mort  au  nom- 
bre des  chrétiens  desquels  cet  édit  cruel  causa 
la  mort.  Sozomène  en  [)orte  le  nombre  à  seize 
mille.  Un  écrivain  nersan,  publié  par  Uenau- 
dot,  va  jusqu'au  cnilfre  de  deux  cent  mille. 
Quand  le  roi  apprit  la  mort  d'Azade,  il  en 
fut  tellement  afiligé  qu'il  publia  un  second 
édit(piireslreigiiaiLr.q)plicaliondu  |)remier, 
seulement  aux  èvèipies,  aux  pnHres,  aux 
moines,  en  un  mot  à  ceux  qui  o;:cui)aient  un 
rang  quelcon(}ue  dans  les  ordres  sacrés  ou 
dans  la  hiérarchie  religieuse.  S.iint  Maralhas 
a  publié,  à  projjos  de  saint  A/ade,  une  pièce 
que  nous  avfjns  Induite  et  (jue  nous  don- 
nons ici,  par  res;)(!cl  pour  les  docinnenls 
aulhentiipifjs ,  (pioiipi'clle  soit  pleine  di; 
UJauvais  godt  au  point  de  vue  du  style,  (pii 
est  plein  de  clinquant  el  <le  boullissure  pré- 
tentieuse. La  fêle  de  saint  A/ade  et  do  ses 
couqjagnons  a  lieu  b'  22  avril. 


Combat    de  plusieurs    martyrs    et   de  saint 
Azade,  eunuque. 

Dans  la  trente-deuxième  année  du  roi  Sa- 
por, le  jour  môme  où  elle  commençait,  fut 
jjorté  un  édit  cruel  :  l'épée  cruelle  fut  tirée, 
et  la  puissance  fut  donnée  au  fer  pour  la 
porte  de  quiconque  s'avouerait  être  chrétien, 
afin  qu'il  fût  mis  sous  le  joug  et  enchaîné 
pour  être  conduit  on  servitude.  Une  foule 
immense  de  satellites  se  répaniiit  aussitôt 
dans  tous  les  districts,  à  la  poursuite  du 
troupeau  des  fidèles,  et  dans  le  but  (i'exé- 
cuter  cette  terrible  se/itence.  On  se  fusait 
im  mérite  du  massacre  des  saints  ;  mettre  à 
mort  les  chrétiens  était  une  marque  de  dé- 
vouement et  d'amour.  Alors,  les  âmes  vrai- 
ment courageuses  el  dignes  devant  Dieu,  el 
prèles  à  tous  les  supj)lices,  marchèrent  au- 
devant  de  la  mort  qui  les  menaça' t.  Le  glaive 
dévora  les  puissants  en  force,  et  bul  le  sang 
des  courageux  par  le  cœur.  Mais  eux  le  pri- 
rent pour  un  flocon  qui  vole  et  le  méprisè- 
rent, parce  que,  tremblant,  il  chancela  quand 
son  tranchant  fut  émoussé.  Ceux  qui  l'aigui- 
saient se  fatiguèrent,  et.  ceux  qui  le  tenaient 
tombèrent  sans  force.  La  vérité,  au  contraire, 
ne  fut  point  affaiblie  et  la  force  ne  lui  fit  pas 
défaut  pour  la  bataille.  Son  feu  s'alluma 
dans  la  charité,  sa  flamme  se  condensa  dans 
l'espérance.  Les  brebis  s'animèrent  à  la 
boucherie,  la  croix  germa  sur  les  rives  du 
fleuve  de  sang  ;  à  son  aspect  le  troupeau  des 
saints,  corroboré,  s'exalta  dans  sa  joie,  et, 
encouragé  par  ce  signe  salutaire,  donna  aux 
autres  la  même  force  qu'il  avait  lui-môme 
reçue.  Les  brebis  burent  l'eau  de  l'amour 
divin  et  donnèrent  naissance,  par  un  heu- 
reux enfantement,  à  une  génération  nou- 
velle. Les  agneaux  grandirent  ;  conduits 
dans  retable  el  marqués  du  signe  de  la  croix, 
ils  sortirent  dans  les  gras  pâturages  quand 
avril  ramena  le  printemps. 

Gloire  à  Jacob  l'invincible  et  à  son  Dieu  ; 
gloire  à  Israël  et  à  son  Dieu.  L'un,  en  mon- 
trant de  petits  bâtons  à  ses  brebis,  les  aida  à 
multiplier;  l'autre,  par  sa  croix,  leur  a  pro- 
ciiré  un  accroissement  bien  plus  grand.  Ces 
bâtons  étaient  blancs,  et  leur  aspect  produi- 
sit des  agneaux  tachetés  et  de  couleurs  va- 
riées, qui  avaient  l'espoir  de  vivre.  Cette 
croix  était  rouge,  et  son  aspect  produisit  la 
blancheur  chez  les  agneaux  destinés  à  la 
mort.  Jacob  conduisit  ses  brebis  |!0ur  qu'elles 
missent  bas;  Jésus-Christ  conduisit  les  sien- 
nes à  la  boucherie.  Le  premier  mena  ses 
brebis  à  l'abreuvoir  pour  qu'elles  crussent 
en  nombre,  1(î  second  les  mena  à  la  mort. 
Le  premier  fit  paitrc  h  ses  brebis  les  iierbes 
vorles  du  désorl  ;  le  secon:!,  dais  le  sein  de 
la  paix,(lotuia  le  glaiv(!aux  siennes  en  guise 
dopâlura.^e.  Le  premier  con-luisit  ses  brebis 
à  la  |),Uure  dans  les  pâturages  prinlaniors 
des  solitudes  ;  le  second  les  conduisit  à  la 
nu)rl  dans  les  lieux  l'rétpn'iiiés  |)ar  les  hom- 
mes. L(;  premier  nourrit  ses  brebis  pour 
(pi'elles  engraissassenl  el  (pi'il  s'en  enrichît; 
1(5  second  leur  donna  du  sel  pour  qu'il  les 
Hngrais5âl  tians  le  temps  présent.  Le  premier, 


401  AZA 

vivant,  tua  ses  •brebis.  Le  second,  mort,  tua 
les  siennes  pour  qu'elles  vécussent.  Le  pre- 
mier conserva  ses  brebis  vivantes  jusqu'à 
ce  qu'elles  mourussent  successivement  de 
temps  en  temps  ;  le  second  les  garda  mortes 
pour  (pi'elles  vécussent  éterncllemenl.  Le 
premier  trompa,  par  ruse,  uti  iionnne  de 
mauvaise  foi,  pour  lui  rt'jjremlre  ce  dont  il 
avait  été  frustré  ;  le  second  usa  de  sagesse 
contre  le  diable,  artisan  de  fraude,  pour  lui 
arracher  do  la  gueule  ce  qu'il  avait  ravi.  Le 
premier  survécut  hla  mort  de  son  troupeau; 
le  second  detneurera  pendant  l'éternité  et 
son  troupeau  vivi'a. 

Nous  avons  comparé  un  homme  à  Dieu  ; 
mais  nous  avons  'ait  intervenir  le  serviteur, 
vis-ti-vis  de  son  seigneur,  dans  une  com^)a- 
i-aisou  imparfaite  ;  car  il  y  a  entre  l'un  et 
l'autre  la  dilférence  de  l'inlini.  Mais  accélé- 
rons notre  marcÎH'  pour  arriver  à  ceux  qui 
courent    })rompts  et    joyeux,  et  précipitent 
leur  course   vers  les  torrents  de   sang  qui 
coulent  et  vers  les  tristes  ombres  de  la  mort  ; 
qui   fouliuit  aux  pieds  la  vanilé  du  tyran, 
qui  ré,  riment  la  férocité  de  cet  homme,  le 
plus  superbe  et  le  plus  impudent  de  tous, 
de  cet  homme  si  emporté  et  si  scélérat,  qui 
a  rempli  au  loin  tout  son  empire  de  deuil  et 
de  terreur  et  l'a  bouleversé  comme  eût  fait 
la  tempête  ou  l'ouragan.  Pendant  son  ton- 
nerre, un  édit  fut  lancé,  semblable  aux  tour- 
billons de  grêle  stridents  et  sonores  que  vo- 
missent les  nuées  ;  ses  torrents  ravagèrent 
la  route  du  salui,  pour  la  rendre  impraticable 
dans    l'avenir.    Le   troupeau,   épouvanté  de 
son  fracas,  se  di'^persa  d'abord  ;  mais  bientôt 
il  se  léunit  ensemble,  se  resserra  et  s'aug- 
menta. Désormais  il  demeure  réuni.    Ainsi 
il  a  rempli   les  élables  des  nations  et  des 
peuples  et  a  apaisé,  par  sa  riche  abondance, 
la  faim  des  habitants  ;  aux  uns  il  a  été  donné 
gratuitement,  aux  autres  contre  une  juste 
rémunération.  Grâce  à  lui ,  la   force  a  été 
rendue  au^    membres   alfaiblis,  il  a  réparé 
les  forces  perdues  de  la  faiblesse.  Ceux  qui 
ont  trouvé  en  lui  le  salut,  ont  pu   bientôt 
soulager  la  disette  des  autres.  O  troupeau 
digne  de  tous  nos  hommages  !  qui  est  jiar- 
venu  cl  une  telle  grandeur,  qu'il  a  surpassé 
toutes  les  puissances.  La  main  du  moisson- 
neur a  été  frustrée,  le  bras  du  tondeur  est 
resté  sans  force,  son  cœur  s'est  desséché,  et 
son    esjirit   s'est   troublé.   Les  choses  qu'il 
préparait  n'ont  point  répondu  à  ses  vœux; 
celles  qu'il  médiail  ont  tourné  à  mal  contre 
lui.  Au  commencement,  la  tyrannie  en  a 
enlevé  un  cent,  à  la  tin  elle  en  a  produit  des 
milliers.  A  partir  de  la  sixième  heure  de  la 
sixième  férié,  qui  tombe  le  quaîorze  de  la 
lune  d'avril,  moment  auquel  fut  promulgué 
l'édit,  jusqu'au  dimanche  de  la  seconde  se- 
maine de  la  Pentecôt'3 ,  c'est-à-dire  durant 
dix  jours,  on  ne  cessa  pas  de  massacrer  les 
eh  éliens.  Il  arrive  souvent  que  cette  sixième 
férié   voie,  à   son  déclin,   mourir  des  gens 
qu'elle  rend  à  la  lumière  et  à  la  vie  au  jour 
du  sabbat  suivant:  chose  dont  l'apôtre  s'est 
souvenu,  quand  il  dit  que  l'observation  du 
sabbat  a  été  laissée  au  peuple  de  Dieu.  O 


AZA 


402 


heure  illustre,  qui  arrive  un  si  grand  et  si 
célèbre  jour  de  fôtel   Dans  cette   fête,   les 
époux   parfaits  ;  régénérés  par  un   nouveau 
baptême,  sont  fortifiés;  ils  ne  craignent  ()lus 
dans  l'avenir  la  souillure  du   péché.  Ceux 
(}ui,  pendant  un  jeûne   de  quarante  jours, 
sont  demeurés  dans  le  délaissement  d'(!ux- 
mêmes,  ont  déf)Osé  leur  deuil  sur  les  sièges 
de  la  gloire  et  ont  acquis  une  félicité  inouïe 
qui  doit  durer  l'éternité.  Heure  sainte,  du- 
rant laquelle  les  prêtres  ont  lavé  leurs  taches 
dans  les  eaux  qu'ils  ont  eux-mêmes  prépa- 
rées, de  manière  à  n'avoir  besoin,  plus  lard, 
d'aucun  remède  de  pénitence,  d'aucun  bap- 
tême de  larmes  I  O  heure  dans  laquelle  ceux 
que  jusque-là  les  ouragans  et  les  tempêtes 
avaient  tourmentés,  agités,  sont  entrés  dans 
un  [)ort  tranquille,  où  rien  ne  les  |)ersécute, 
où  aucun    soin  d'ici-bas  ne  les  agile,    lors 
même  que  la  mer  est  tempétueuse  et  incer- 
taine !  O  heure  dans  laquelle  les  hommes,  li- 
bres d'eux-mêmes,  ont  mis  de  côté  tous  les 
soucis  des  affaires  domestiques,  et  dans  la- 
cjuelle   les  femmes  également ,  cessant  de 
s'occuper  à  faire  des  tissus   et  libres  des 
soins  du  monde,  purent  goûter  le   repos  ! 
Les  esclaves  purent  passer  des  nuits  tran- 
quilles, nul  ne  les  forçant  au  service  de  leurs 
maîtres  !  Egalement  les  servantes,  débarras- 
sées de  la  crainte  de  leurs  maîtresses  et  li- 
bres des  labeurs  du  ménage,  goûtèrent  le 
repos  tant  désiré  ! 

O  épée,  qui  nous  donnes  à  boire,  que 
grande  est  ton  iniquité  !  0  hache,  qui  nous 
prépares  des  aliments,  que  ton  métier  te 
sera  funeste  1  Quand  l'un  eut  enivré  les  con- 
vives, il  les  poussa  à  abjurer  la  vérité  ; 
quand  l'autre  les  eut  rassasiés,  elle  les  forçat 
à  renoncer  à  la  charité  :  l'un  mit  dans  ses 
coupes  des  poisons  qui  se  changèrent  en 
préservatif  pour  le  salut  ;  l'autre  mêla  dans 
ses  mets  des  drogues  mortifères  qui  se 
changèrent  en  remède  contre  la  mort  et 
procurèrent  la  résurrection.  Que  la  seconde 
mort,  ô  Seigneur,  devienne  leur  récompense, 
et  l'enfer  leur  rétribution  !  Que  l'enfer  en- 
serre ceux  qui  se  sont  gorgés  de  notre  sang 
et  qui  ont  déchiré  nos  chairs  palpitantes. 
Tirez,  je  vous  en  prie,  votre  glaive,  et  ordon- 
nez que  le  fer  du  tyran  rentre  dans  le  four- 
reau. Que  votre  épée  se  montre,  et  que  la 
sienne  périsse.  Irritez-vous  contre  ce  furieux 
et  écrasez  sa  colère.  Jugez-le,  lui  qui  juge, 
et  par  votie  sagesse  brisez  son  jugement. 
Faites,  Seigneur,  que  nos  supplices  se  chan- 
gent en  triomphe  ;  que  la  vie  reçoive  notre 
mort  ;  que  l'amour  s'attache  à  notre  nom, 
l'éclat  à  notre  honneur, 0  Jésus,  notre  espé- 
rance ,  secourez -nous  et  soutenez  notre 
confiance  en  vous,  vous  l'auteur  de  notre 
salut. 

Dès  que  le  bruit  de  cet  édit  fut  répandu, 
il  se  fit  un  immense  concours  de  chrétiens 
qui  convoitnient  ce  trésor  de  salut.  On  les 
égorgeait  comme  des  troupeaux  ;  et  les  gou- 
verneurs, aussitôt  qu'ils  eurent  appris,  dans 
le  fond  de  leurs  provinces,  l'édit  qui  ordon- 
nait de  mettre  à  mort  les.  chrétiens,  en  rem^ 
plirent  les  prisons  pour  obéir  aux  ordres 


*oz 


AZA 


AZE 


iOt 


barbares  du  roi.  Les  insensés,  ie  quelle 
gloire  ils  faisaient  vanité  1  Les  choses  en 
vinrrnt  au  point  que  l'épée,  enivrée  du  sang 
des  saints,  se  sentit  prise  de  rage  et,  pour 
éteindre  sa  soif,  se  lit  d'iiumonses  amphores; 
et  que  la  hache,  rassasier  de  leur  chair,  fut 
jirise  de  faim  vorace  et  d  ,t,  pour  la  satis- 
faire, se  construire  des  tables  immenses.  De 
là  vint  que  ceux  qu'on  lu;iit  [Jurent  b  «ire,  et 
que  les  bourreaux  s'enivrèient  ;  que  les 
mourants  furent  rassasiés,  et  que  les  bour- 
reaux se  piécijiitcrent  au  banquet  avec  une 
insatiahl'  voracité  ;  (jue  les  uns  présentèient 
la  tète  et  (jue  les  autres  aiguisèrent  le  fer. 
Le  sang  cria  et  la  hache  s'enilamma.  Partout 
où  on  voyait  les  corps  de  ceux  qu'on  massa- 
crait, la  mort  rugissait,  le  sang  couvrait  la 
terre  et  l'enfer  tiessaillait  de  joie. 

On  fai>ait  cts  massacres  avec  tant  d'em- 
pressement que,  sur  le  seul  aveu  de  christia- 
nisme, on  envoyait  au  supplice  sans  examen 
ni  interrogatoire.  Oi,  il  arriva  cju'un  eunu- 
que que  le  roi  aimait  beaucoup,  et  qui  se 
nommait  Azade  ,  fut  librement  mis  à  mort 
piiur  le  nom  de  Jésus-Christ,  par  suite  de 
cette  f.ç0!i  si  promyjtc  de  sévir.  Le  roi 
l'ajant  ap|)ris,  en  éprouva  un  grand  chagrin 
et  une  grande  douleur.  Il  rendit  un  édit  dé- 
fendant qu'on  sévit  à  l'avenir  contre  tous 
ceux  qui  le  voudraient,  mais  seulement 
centre  ceux  qui  étaient  les  chefs  apparents 
des  chrétiens. 

C'est  pourquoi  les  noms  des  hommes,  des 
femmes  et  des  enfants  qui  f  rent  mis  à  mort 
dans  ce  Irmps-là  ne  parvinrent  pas  jusqu'à 
nous,  h  l'exception  de  ceux  qui  furent  mis  à 
mort  dans  la  ville.  Il  y  eut  dune  un  grand 
nombre  de  martyrs  dont  les  noms  sont  res- 
tés inconnus,  pour  la  plu[)art  étiangcrs  et 
appartenant  aux  provinces  éloignées. 

Beaucoup  de  soldats  des  armées  royales 
augmentèrent  ce  nombre  des  saints  martyrs, 
qui  reçurent  la  coMOni.e  en  confessant  no- 
tre Dieu.  (Traduction  de  iauteur.) 

AZALA  CAndrkd'),  frère  mineur,  fut  mar- 
tyrisé en  1585,  dans  la  Nouvelle-Galice.  Cette 
contrée  e>t  couverte  de  hautes  mon  tajines, 
aue  couronnent  des  pins  et  des  chênes  fort 
élevés.  Les  liabitant^,  houjmes  farouches, 
demeuraient  dans  des  j^rolles.  André  acquit 
une  si  grande  inlluencc  sur  eux,  qu'il  leur 
fit  quitter  leurs  cavernes  pour  venir  élever 
des  maisons  dans  la  |)laine  et  y  tracer  des 
sillons.  P.  ndant  six  années,  tout  alla  bien; 
mais  alors  l.i  lécolte  ayant  m  uiqué,  les  in- 
digènes regrettèrent  Icui-s  idoles  (U  résolu 
rent  de  mas^-icrer  leur  bienlaileur,  avec  son 
compagnon  l''r.ini;ois  l'igidius.  |l>  miicnl  le 
feu  au  couvent  et  à  l'église,  et  André  s'étant 
avancé  vers  eux  le  crucjlix  à  la  main,  ils 
l'assùmiiièrenl  et  lui  coiipèicnt  la  lèle.  Son 
comji.ignon  (U  d'anli-es  cliiél  ens,  (|ui  s'étaient 
ré  u.  es  dans  le  jardin,  subicnt  le  mèiiu; 
sort.  (CliroTiiqucs  dcn  frères  Mineurs,  t.  IV, 
p.  705.) 

AZ,\S  (saint),  martyr  en  Lsauiie,  domia  sa 
vie  pfmr  .lésii'.-Cliiisl,  avec  cent  cin  (U.inlo 
soldatb  qui  parlagerunl  avec  lui  les  honneurs 


du  martyre.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le 
19  novenibre. 

AZEVEDO  (le  bienheur(>ux),  de  la  compa- 
gnie de  Jésus,  avait  été  envoyé  par  François 
de  Borgin,  général  de  la  société,  pour  gouver- 
ner les  jésuites  du   Brésil  en  (pialité  de  vi- 
siteur. Après  avoir  terminé  sa  visite  du  Bré- 
sil, il  était  retourné  en  Europe  pour  enrôler 
de  nouveaux  soldats  de  Jésus-Christ  dont  ou 
manquait.  Il  recruta  à  Rome,  pour  le  service 
des  njissions,  soixante-neuf  sujets,  dont  les 
uns  étaient  prêtres,  les  autres  élèves  en  théo- 
logie ou    en    philosophie ,  d'autres  enf^ore 
simples  coadjuteurs  temporels.  Cette  troupe 
sainte  fut  pa;lagéo  en  trois  corps,  dont  l'un, 
compos''>  de  quarante-quatre  d'entre  eux,  lui 
fut  coniié  avec  1«  titte  de  piovincial.  Il  s'em- 
barqua sur  \e  Saint- J.icques.  Us  partirent  do 
Lisbonne  le  5  juin  1570  et  bientôt  arrivèrent 
à  Madère.  Là  ils  apprirent  que  des  corsaires 
calvinistes,  qui  venaient  de  se  prési  n'er  en 
vue  de  l'île,  avai(-nt  le  cap  sur  les  Canaries. 
Comme  le  Saint-Jacques  devait  aller  débar- 
quer des  marchandises  à  Palma,  notre  bien- 
heureux engagea  ceux  qui  craignaient  la  mort 
à  rester  avec  le  reste  de  la  Hotte.  Quatre  s-ule- 
ment  se  retirèrent.  Le  SaiiH-Jacques  continua 
sa  route,  et  le  samedi  15  juillet,  dès  le  ma- 
tin, une  vigie  signala  cinq  vaisseaux.  On  re- 
connut bientôt  que  c'étaient  des  navires  fran- 
çais,   conduits  par  Jacques  Sourie,  natif  de 
Dieppe,   vice-amiral  de  la  reine  de  Navarre 
et  zélé  calvinisle.  Notre  bienheureux  fit  des- 
cendre ses  compagnons  et  resta  stir  le  pont, 
au  jiied  du  grand  m<\t,  alin  d'exhorter  les  com- 
battants à  soutenir  vaillamment   l'abordage. 
Le  Saint-Jacques  fut  bientôt  cerné  de  toutes 
parts.  Azevedo  reçut  un  coup  d'épée  sur  la 
tête  qui  fuî  fendue  jusqu'à  la  cervelle;  trois 
cou})s  de  piques  suivirent  bientôt  et  il  tom- 
ba frappé  à  mort.  Les  comjîagnons   de   son 
martyre  furent  :  le  P.  Benoit  de  î'astro.  Por- 
tugais ;  le  P.  Jacques  d'Andradn,  Portugais; 
Eiiunanuel  Alvaro,  Portugais;  Biaise  Kibeiro, 
Portugais  d.!  Braga  ;  Pierre  Fonseca,  Portu- 
gais; (irégoire  Escrivaiti,  Portugais;  Alvaro 
Mendez,  Portugais  ;  Simon  d'Acosta,  Portu- 
gais;  François-Alvaro    Covillo  ,    Portugais; 
Dmninique  Hermandès,  Portugais;  Alfonse 
Vaina,  Espagnol  d  ■  la  Nouvelle-Castille  ;  (ion- 
zale  ilenriquez.  Portugais,  diacre;  Jean  Fer- 
nandès    de   Lisboiuie;   Jean   Feinandès  de 
Brag-i;  Jean  de  Majorque,  Aragonais  ;  Alexis 
Deigrado,    Portugais;  Louis  Corréa,   Portu- 
gais;   Emmanuel  Hodrigue/,  Porlu;j,ais;  Si- 
mon  Lope/,  Portugais  ;  Pierre  Nu.nnès,  Ivs- 
pngnol  ;  François  Magallanes,  Portugais;  Ni- 
col.is  Donys  de   Bragança;  (laspard  Alvar-  /, 
Porlug.Ms;  Antoine  Hernandès,  Portugais  de 
Monte-Major  ;  lùnmanuel  Pacher  o,  Poi  lugais  ; 
Pirrre  Im)  danra,  PorlU;Aais;  André  Coii/;dr>-, 
Pnilugaisde  Viana;Jai(pn'sPér.  z.  Portugais; 
Jean  Kaèza,  Espagnol;  Marc  Cal(hira,  Poilu- 
gais  ;  Antoine    C  riéa,    Pcjrtugais  de   Sailo; 
Heiiiaii  I  S  nchez,  Es|  agnol  ;  Fiaiçois  Pérez 
(lt»doy,  l"'s|'agno|  de  Torijos;  J(>an  do  Stunl- 
Martni,  Poiiu.^ais  des  Iles  ('.os;  Jean  do   Za- 
fni,  Espagnol   d(^  'l'olèdc;    Antoine   Suai'cz, 
Espagnol;   Etienne  Zuzayre,  Bisca^en,  qui, 


405 


m^ 


BAB 


406 


avant, de  quitter  Placoncia  on  Kspagno,  où  il 
résidait,  pour  se  rendre  au  Brésil,  avait  dit  à 
son  conibs.seur  qu'il  soulîrirait  le  martyre. 
(Du  Jarric,  Histoire  d(s  choses  plus  mémora- 
bles, etc.,  t.  H,  p.  278.  Tanner,  Societas  Jesu 
nsque  ad  sanyuinis  et  vitœ  profasionem  mili- 
tans,  p.  ii\G  et  170.) 

AZOCA,  Espagnol,  aoeoinpagn?»it  le  bien- 
heuicux  Castanarez,  de  la  compagnie  de  Jé- 
sus,lorsqu'il  parlitpourévangrliseiies  iVjata- 
gua;  os,sur  la  demande  du  cai:i(iue  lui-même. 
Tous  deux  fta-ent  massacics  {)ai'  ce  [)rince 
dont  la  démarche  n'avait  été  qu'un  piège  ten- 
du au  zèle  des  j(5suites. 

AZOTE,  était  gouverneur  de  la  ville  de 
Valence,  soumise  alors  au\  Maures  (1230). 
Ce  i)rincc  était  ennemi  déclaré  des  chrélieiis. 
Il  (il  mourir  deux  saints  religieux  de  l'ordre 
de  Saint-François  d'Assise  ;  ces  deux  saints, 
nonunés  Pierre  de  Sasso-Fci-rato  et  Jean  de 
Pérouse,  furent  envoyés  en  Espagne  par 
leur  saint  fondateur,  alin  d'y  prêcher  l'Evan- 
gile. Ils  vinrent  d'aboi'd  à  Tucrel,  dans  le 
royaume  d'Aragon,  et  y  établirent  un  cou- 
vent, si  toutefois  on  peut  donner  ce  nom  à 
deux  pauvres  cabanes  ou  cellules  qu'ils 
avaient  bûties  auprès  d'une  église.  Bientôt 
leurs  prédications  et  la  sainteté  do  leur  vie 
les  rendinïnt  l'objet  de  la  vénération  géné- 
rale. Dans  l'intérêt  de  la  religion  et  confor- 
mément aux  ordres  de  leur  saint  fondateur, 
ils  se  rendirent  à  Valence.  Ils  y  prêchèrejit 
l'Evangile  aux  Maures,  et  s'etforcerent  de 
leur  démontrer  la  fausseté  de  la  religion  de 
Mahomet.  Azote  l'ayant  appris,  les  fit  arrê- 
ter et  jeter  en  prison.  Il  mit  tout  en  œuvre 
pour  les  amener  à  renier  leur  foi,  mais  ni  les 
promesses  ni  les  menaces,  rien  ne  put  les 
gagner.  Alors  il  les  condamna  à  être  dé- 
capités l'an  1230.  On  dit  que  de  nombreux 
miracles  s'accomplirent  sur  leur  saint 
tombeau.  A  cette  époque,  le  prince  qui 
nous  occupe  était  en  guerre  avec  le  pieux 
Jacques,  roi  d'Aragon.  V'oyant  que  rien  ne 
lui  réussissait,  ot  peisu.-idé  que  Il's  Arago- 
nais,  qui  étaient  chrétiens,  ne  le  battaient 
toujours  que  par  la  protection  du  Dieu  qu'ils 
adoraient,  il  proposa  à  Jacques  de  faire  un 
traité  d'alliance,  par  lequel  il  lui  abandonne- 


rait Valence,  [)Ourvu  (ju'on  lui  laissAt  une 
pension  honnête.  La  proposition  fut  acceptée, 
et  Jacques  prit  possession  de  Valence  1<!  28 
septembre  1238.  Azoti;  regut  le  baptême,  et 
loin  d*accepter  le  palais  royal  de  Valence 
pour  résidence,  connue  Jacques  le  lui  olfrait, 
il  appela  les  frèr.'S  Mineurs  (jui  se;  trouvaient 
dans  le  pays  et  le  leur  olfrit,  disant  qu'après 
avoir  ensanglanté  cetti!  demeure  par  le  mar- 
tyre qu'il  avait  fait  souIlVir  h  un  grand  nom- 
bre de  chrétiens,  il  voulait  qu'il  fût  purifié 
par  leur  présence.  Le  roi  Jacques  accéda 
sans  diflicullé  à  cet  arrangement,  et  ainsi 
fut  fondé  le  couvent  des  franciscains  do 
Valence. 

AZOTH,  ville  de  la  Pentapole  de  Palestine, 
aux  Philistins,  a  été  témoin  de  l'illustre  mar- 
tyre de  saint  Philipi)e  duPiiy,et  de  deux  mille 
autres  combattants  pour  la  foi.  Cette  ville 
étant  tombée  par  trahison  au  pouvoir  des 
musulmans,  notre  saint  demanda  à  être  mar- 
tyrisé le  dernier.  Les  musulmans,  espérant 
qu'il  allait  abjurer,  y  consentirent  ;  mais  il 
profita  de  cette  faveur  pour  exhorter  les  chré- 
tiens à  mourir  avec  courage.  Quand  on  eut 
raconté  au  sultan  la  conduite  de  Philippe,  il 
lui  fit  couper  une  à  une  les  articulations  des 
doigts  en  présence  des  chrétiens.  Malgré 
cela  ,  le  généreux  martyr  ne  cessa  d'exhor- 
ter ses  compagnons  de  souffrance  à  suppor- 
ter courageusement  la  mort.  Le  sultan,  voyant 
la  persistance  de  notre  saint,  ïe  fit  écorcher 
vif  jusqu'à  la  p.-irtie  inférieure  du  corps  et 
lui  fit  couper  la  langue.  La  façon  dont  il  sup- 
porta ces  tourments  fit  la  joie  des  chrétiens 
et  enflamma  de  plus  en  plus  la  fureur  des 
musulmans.  Comme  sa  langue  mutilée  ne 
lui  permettait  plus  d'adresser  la  parole  aux 
compagnons  de  son  martyre,  il  les  encou- 
rageait encore  du  geste.  Il  fut  enfin  décapité 
avec  les  autres,  et  son  âme  s'envola  vers  les 
cieux,  sa  récompense. 

AZZIVEDO  (Paul),  de  Ferrare,  frère  Mi- 
neur, fut  percé  à  coups  de  flèches  par  les 
habitants  de  la  province  de  Culiacaz,  sur  le 
bord  oriental  de  la  mer  Vermeille,  avec  le 
frère  lai  Jean  do  Ferrare,  qui  l'accompagnait 
dans  sa  course  ovangélique.  {Chroniques  des 
Frères  Mineurs,  t.  IV,  p.  768.) 


B 


BABIANSKA  (Calixte)  ,  l'une  des  reli- 
gieuses' Basiliennes  qui,  dans  le  courant,  de 
l'année  1837,  lurent  si  violemment  persécu- 
tées par  le  czar  Nicolas  et  Siemaszko,  évoque 
apostat.  On  les  employa  à  la  construction 
d'un  palais  pour  ce  prêtre  schismatique.  Un 
pan  de  muraille  étant  venu  à  s'écrouler, 
Calixte  Babianska  et  huit  de  ses  compagnes 
furent  écrasées.  [Voy.  Mieczyslawska). 

BABCGO,  ville  située  dans  la  Campagne 
de  Rome,  a  été  témoin  des  souffrances  qu'y 
endura  saint  Pierre  en  confessant  sa  foi.  Ce 
saint  s'est  illustré  par  un  grand  nombre  de 
fliiracles. 


BABYLAS,  évêque  d'Antioche  et  martyr 
sous  le  règne  de  l'empereur  Dèce,  en  250. 
C'est  dans  saint  Jean  Chrysostome  [Joannis 
Chrys.  homilia  de  S.  Babyla,  et  liber  de  S, 
Babyla  contra  gentiles)  que  nous  trouvons 
l'histoire  de  ce  saint  évêque.  Saint  Jean 
Chrysostome,  qui  écrivait  beaucoup  plus  pour 
l'édification  des  fidèles  de  son  troupeau,  en 
fais.mt  l'histoire  de  saint  Babylas,  que  pour 
laisser  des  documents  à  la  postérité,  a  laissé 
ce  qui  concerne  ce  saint  personnage  dans 
un  vague  assez  obscur.  Aussi  bien  des  points 
de  son  histoire  sont  fort  douteux  et  présen- 
tent des  diUicuUés  jjre^sque  insurmontables 


407 


BAB 


BAB 


i08 


à  l'appréciation  de  la  critique.  Voici  les  faits 
tels  que  nous  pouvons  les  coordonner  d'a- 
près ce  que  nous  trouvons  dans  l'ouvrvige 
que  nous  venons  de  citer.  Saint  Babylas  suc- 
ci'da  à  Zebin  que  l'on  compte  pour  le  on- 
zième évoque  d'An  ioche.  Ce  fut  en  l'an  237 
ffu'il  monta  sur  le  trônii  épiscopal.  11  eut  l'af- 
fliction de  voir  la  ville  d'Antioche  prise  et 
saccagée  par  les  Perses  en  l'année  2il  ou  21-2 
de  Jésus-Chiist.  C'est  Capitolinqui  rapporte 
cet  événement.  Nous  ne  savons  pas  si,  à  cette 
occasion,  des  persécutions  furent  exercées 
contre  le  saint  évoque  et  contre  son  trou- 
peau. Il  est  proliable  que  non  ;  saint  Jean 
Chrysostome  ne  l'aurait  pas  passé  sous  si- 
lence. 

L'un  des  faits  les  plus  étonnants  de  l'his- 
toire de  saint  Babylas  est  celui  que  nous 
allons  dire.  Kn  l'an  2ii,  l'empereur  Philippe 
s'étant  présenté  avec  sa  femme  pour  entrer 
dans  l'église  d'Antioche,  saint  Babylas  alla 
au-devant  de  lui  sur  le  seuil  du  temple,  et 
lui  mettant  la  UKiin  sur  la  poitrine,  il  lui  en 
délénd  t  l'entrée  à  cause  des  crimes  dont  il 
s'était  rendu  cou  able,  et  surtout  h  cause  de 
l'assassina  du  tils  d'un  prince  barbare  qu'il 
avait  fait  tuer,  quoiqu'il  eût  étJ  remis  connue 
otô^e.  Il  est  très-probible  que  Phi.ippe  était 
chrétien.  Il  faut  àcet  égard,  consulter  sa  Vie 
par  Tillemont.  Ici  nous  nous  contentons 
d'indiquer.  Notre  rôle  n'est  pas  de  discuter. 
Ainsi  Babylas  accomplit  fermement  son  de- 
vo  r  sans s'inquiétor  des  conséquences.  Pour 
lui,  ministre  du  ciel,  représentant  de  Dieu 
SU!-  la  terre,  dans  le  monarque  il  ne  voit  que 
l'homme,  que  le  simple  pécheur.  Il  écarte, 
pour  ainsi  dir--,  de  sa  pensée  et  de  son  regard 
tout  ce  prestige  de  la  puissance  et  de  la  ma- 
jesté impériale  qui  produisent  ordinairement 
tant  d'impression.  Il  ne  s'arrête  point  h.  tout 
cet  entourage  de  grandeur.  Il  ne  se  laisse 
point  éblouir  par  la  pompe  du  diadème,  inti- 
mider (lar  la  puissance  de  celui  à  qui  il  s'a- 
dress.;.Non,  pour  lui  l'empereur  c'est  un  cou- 
pable qui  veut  franchir  le  lieu  saint;  c'est  un 
nomme  comme  les  autres  devant  le  Dieu  des 
chr  Hiens.  C'est  même  un  homme  plus  cou- 
pîdjje,  parce  qu'd  doit  l'exemple.  L'exemple 
diiis  l.i  société  doit  descendre  des  hauteurs. 
L'homme  de  Dieu,  revêtu  de  ses  habits  éjtisco- 
paux,  entouré  du  clergé  de  son  église,  vient 
arrêter  le  maître  de  l'empire.  «Princ;',  lui  dit- 
il,  il  n'y  a  que  les  innocents,  que  les  pui-itiés 
qui  aient  le  droit  d'entrer  ici  ;  quant  à  vous, 
qui  (levant  mon  Dieu  n'êtes  qu'un  siînpie 
[«écheur,  vous  avez  commis  des  crimes  qui 
me  font  un  devoir  de  vous  arrêter  (^t  de  vous 
inter  lire  l'entrée  de  mon  église,  ainsi  aue  Je 
le  ferais  h  l'égard  du  deriii(ir  des  fidèles  de 
mon  troupeau.  Sujet  d  ;  votre  empir(;,  jt;  res- 
pecte en  vous  la  majeslédu  rang  sufirême,  et 
je. suis  prêt  à  m'incliner  (hîvarit  elle  ;  prêtre 
de  Dieu,  je  ne  dois  ici  voir  (pie  le  pécheur. 
Si  vous  voulez  entrer  confesser  vos  fautes, 
vous  pi(îndicz  rang  dans  l'I^glise  au  nombre 
(\<:<i  [»énii<!nts.  »  L'emjKH'eur,  dominé  par 
rimiiiévii  d'un  t(!l  langage;,  |)ar  la  solennité 
de  eel  év  iKMricnt  viannciit  ;ili'in  de  sublime, 
por  Ja  iluije.slé  do   co   vieillard   si   graud    (m 


parlant  au  nom  de  Dieu,  n'osa  passer  outre. 
Ils'inclina  sous  lamain  de  Dieu,  etdevanttous 
il  tit  ïexomologrsc  ou  confession  publique  de 
ses  fautes.  Ensuite  il  entra  dans  le  temple  et 
prit  rang  parmi  les  pénitents.  Voilà  le  fait 
que  saint  Chrysostome  raconte  à  la  louange 
de  saint  Babylas.  Certains  auteurs,  qui  cher- 
chent plus  à  faire  de  l'érudition  qu  à  bien 
étudier  et  à  bien  interpréter  l'histoire  ,  ont 
prétendu  que  cela  eut  lieu  à  l'égard  de  Dèce 
et  non  pas  à  l'égard  de  l'empereur  Phihppe. 
Dèce,  ce  tyran  cruel  qui  se  fit  le  persécuteur 
si  violent  et  si  acharné  des  chrétiens,  n'eut 
certainement  pas  souffert  le  langage  du  saint 
évêque.  Ces  auteurs  disent  bien  qu'en  effet 
i!  le  fit  arrêter  et  mettre  en  prison.  Us  voient 
dans  cette  circonstance  la  cause  de  son  mar- 
tyre. Mais  alors,  comment  se  fait-il  que  saint 
Jean  Chrysostome  dise  que  l'empereur  fit 
l'exomologèse  et  se  plaça  au  rang  des  pé- 
nitents dans  l'église?  Que  devient  alors  tout 
ce  discours  à  la  louange  du  saint  évoque? 
Que  signifie  tout  ce  qu'a  écrit  saint  Jean 
Chrysostome?  11  devait  savoir  ce  point  d'his- 
toire .ui  moins  aussi  bien  que  les  auteurs  qui 
interprètent  et  qui  expliquent  à  leur  aise 
l'événement  qu'il  raconte. 

Saint  Babylas  gouverna  l'Eglise  d'Antioche 
avec  infiniment  de  zèle  et  d'éclat.  Il  est  et 
fut  toujours  considéré  comme  l'une  des 
colonnes  et  des  lumières  de  la  foi.  Il  fit  le 
bonheur  de  l'Eglise  d'Antioche,  jusqu'à  la 
première  année  de  Dèce.  Ce  tyran  exécrable 
ayant  a  luraé  contre  les  chrétiens  une  des 
plus  cruelles  persécutions  dont  l'histoire  ait 
gardé  le  souvenir,  saint  Babylas futarrôté  par 
les  persécuteurs.  Il  fut  mis  en  prison  où  il 
mourut  comme  saint  Alexandre  de  Jérusalem, 
])robablement  après  avoir  enduré  de  grands 
tourments  pour  Jésus-Christ  Ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'est  que  la  prison  fut  pour  lui  fort 
dure.  Il  y  était  couvert  de  chaînes,  puisqu'il 
demanda  d'être  enterré  avec  elles  ;  faveur 
qui  lui  fut  accordée.  Il  voulait  Je  saint  homm.e 
de  Dieu,  emporter  enterre  ses  trophées, 
comme  les  célèbres  guerriers  leurs  décora- 
tions ou  leurs  couronnes.  Il  fut  enterré  h 
Antioche  oCion  bAfit  une  église  h  sa  mémoire. 
Trois  enfants  ou  plutôt  trois  adolescei.ts  qu'il 
instruisait,  furent  martyrisés  avec  lui:  ils  se 
nommaifnit  Urbain,  Prilidan  et  Epulone.  Il 
n'y  a  que  l'Eglise  qui  sache  garder  ces  tra- 
ditions touchantes  qui  viennent  chez  nous 
encore  faire  bénir  et  admirer  les  hommes  de 
Dieu.  Jadis,  comme  aujourd'hui  chez  nous, 
les  évêques  et  les  prêtres  recueillaient  de 
petits  .enfants,  ceux  des  pauvres,  ils  les  ins- 
truisaient et  les  nourrissaient.  De  bonne  heure 
ils  leur  montraient  h  pratiquer  les  simples  c[ 
sublimes  vertus  qui  doivent  orner  les  minis- 
tres des  autels.  Les  maisons  des  |irêtres, 
c'étaient  les  premiers  séminaires.  Les  trois 
enfants  (jue  saint  Babylas  élevait  et  que  Dieu 
appela  à  lui  ,  tendre  moisson  coupée  en 
herix!,  furent  enterrés  dans  la  même  tomb(^ 
•  pie  le  saint  évêque. 

Plus  lard  (lallus,  (|ue  Constanci»  avait  fait 
Cés:u-  (Ml  ;{;>!,  lit  tran-^porler  .^  Dapliiié,  bourg 
h  deux  li«Miesd'Anlioche,  les  reliques  de  saint 


i09 


BAC 


BAD 


410 


Babylas.  Daphné  était  un  lieu  célèbre  par 
un  temple  d'Apollon.  Gallus  lit  b;Uir  auprès 
une  église  sous  l'invocation  du  saint.  Son 
corps  reposait  dans  sa  châsse,  dans  un  tom- 
beau élevé  hors  de  terre,  dans  l'enceinte  du 
lieu  saint.  SairitChrysoslome  dit  que  le  saint 
martyr  conunertça  h  numifester  sa  présence 
en  rendant  muet  le  démon  qui  résidait 
dans  le  temple  voisin.  Les  choses  demeu- 
rèrent ainsi  jusqu'au  règne  de  Julien  l'Apos- 
tat. Ce  prince,  étant  venu  à  Antiocho  en  302, 
voulut  consulter  Af)olion.  Il  od'rit  plusieurs 
sacrifices  h  SfU  idole,  sans  en  pouvoir  tii'er 
aucune  réponse.  Entin  le  démon  se  décidant 
à  [)arler,  déclara  que  le  voisinage  des  corps 
morts  l'empochait  de  se  faire  entendre.  Ju- 
lien comprit  ce  que  cachait  cette  parole,  et 
il  ordonna  aux  chrétiens  d'emporter  lâchasse 
de  saint  Babylas.  Celte  translation  se  ht  avec 
grande  ()ompe.  Tous  les  hdiles  d'Antioche 
vini-eut  accompagner  les  saintes  reliques. 
Saint  Babylas  rentra  triomphalement  dans  la 
ville  épiscopale  où  il  avait  brillé  par  ses 
vertus,  par  son  courage,  et  qu'il  avait  glori- 
fiée par  son  martyre.  11  fut  placé  dans  le  lieu 
où.  il  était  avant  que  d'être  transporté  à  Da- 
phné. Quelque  temps  après,  l'évèque  Mélèce 
lui  ht  bàtu"  une  église  hors  de  la  ville  et  y  fit 
déposer  ses  reliques.  Quant  au  temple  d'A- 
pollon, une  circonstance  ra[>portée  par  saint 
Jean  Chrysostome  doit  trouver  ici  sa  place. 
Ce  temple,  le  soir  ou  la  nuit  même  du  dé- 
part des  reliques  de  saint  Babylas,  tut  frappé 
de  la  foudre  et  presque  entièrement  consu- 
mé; il  ne  resta  que  les  quatre  murailles.  Ju- 
lien n'osa  pas  le  faire  relever,  craignant, 
dit  le  saint  narrateur,  que  cette  fois  le  feu  du 
ciel  ne  frappât  pas  seulement  le  temple,  mais 
bien  sa  propre  tête.  Nous  avons  analysé  le 
plus  succinctement  possible  ce  que  nous 
avons  trouvé  dans  saint  Chrysostome  relati- 
vement à  saint  Babylas.  Nous  le  répétons, 
la  critique  aurait  peut-être  bien  à  dire  ici, 
mais  il  est  des  autorités  devant  lesquelles 
la  critique  doit  s'incliner.  Celle  de  saint  Jean 
Chrysostome  est  de  ce  nombre.  L'Eglise  lait 
la  fête  de  saint  Babylas  et  des  trois  jeunes 
saints  ses  compagnons,  le  2i  janvier. 

BACQUE  (saint),  avec  saint  Serge,  servait 
dans  les  armées  im[)ériales,  en  qualité  d'of- 
ficier supérieur  sous  l'empire  de  Dioclétien, 
durant  la  cruelle  persécution  que  ce  prince 
suscita  contre  l'Eglise  du  Seigneur;  ces  deux 
saints  furent  mis  à  mort,  ils  furent  soumis 
à  beaucoup  et  de  cruedes  tortures  avant  d'ê- 
tre mis  à  mort.  Ce  fut  dans  la  Syrie,  au  dio- 
cèse d'Hiéra[)le  à  Rasaphe,  qu'ils  versèrent 
leur  sang  pour  Jésus-Christ.  Alexandre,  évè- 
que,  fit  bâtir,  en  i31,  une  magnifique  égiise 
suus  leur  invocation.  Justinien  nomma  Ra- 
saphe Sergiopolis  et  fit  construire  en  l'hon- 
neur des  saints  difl'i^rentes  églises  en  Orient. 
Prague, Paris,  Angers,  ()ossèdent  des  reliques 
de  ees  bienheureux  saints  ;  cette  dernière 
ville,  notamment  une  égiise  sous  l'invocation 
de  saint  S^rge  et  de  saint  Barque,  laquelle 
fcsi  remarquable  pur  son  architeciur'i  et  par 
son  antiquité.  L'Eglise  lai;  la  fèie  de  ces 
saints  le  'I  octobre.  S'il  faut   en   croire   le 


Martyrologe  romain,  Bacque  expira  sous  les 
coups  de  nerf  de  bœuf;  ei  Serge,  ayant  aux 
pieds  des  souliers  garnis  de  clous  en  dedans, 
resta  longtemps  en  cet  étal,  et  enfin  eut  la 
tête  tranchée. 

BADflME  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  Jésus-Christ  en  Peise,  sous  le  roi  Sa- 
por,  en  l'an  375.  Voici  en  entier  ses  actes. 
(Sa  fête  a  lieu  le  10  avril.)  «  On  arrêta,  par 
l'ordre  de  Sa[)or,  le  saint  archimandrite 
Badème  avec  sept  de  ses  disciples.  Il  était 
natif  do  la  ville  de  Bethlapat,  et  d'une  fa- 
mille fort  opulente.  Mais  dès  le  moment 
qu'il  eut  pris  la  résolution  d'embrasser  la 
vie  solitaire,  il  se  mit  à  distribuer  tout  sou 
bien  aux  pauvres.  Il  bâtit  un  monastère 
hors  de  la  v,lle,  o\X  il  se  renferma,  s'étu- 
diant  jour  et  nuit  h  plaire  à  Dieu  et  à  prati- 
quer toutes  les  vertus  qu'il  croyait  lui  être 
le  plus  agréables.  Cet  homme  rempli  de  la 
grâce  et  de  la  vérité,  ce  vase  d'élection,  ce 
saint  abbé,  conduit  par  la  sagesse  divine, 
était  arrivé  au  sommet  de  la  montagne  du 
Seigneur  ;  il  était  parvenu  jusqu'au  lieu 
saint,  où  il  avait  mérité  de  recevoir  la  béné- 
diction de  son  Sauveur,  et  de  contempler  la 
face  adorable  du  Dieu  de  Jacob.  Cet  excel- 
lent solitaire  fut  tiré  de  la  masse  sainte  des 
martyrs,  pour  être  en  nos  jours  comme  un 
levain  précieux  qui  conservât  leur  esprit 
dans  l'Eglise,  et  ahn  que  sa  foi  généreuse, 
qui  lui  fit  donner  sa  vie  pour  Jésus-Christ, 
raffermît  la  foi  chancelante  de  notre  siècle. 
Il  fut  véritablement  une  pierre  fidèle,  cou- 
pée de  cette  ancienne  roche  des  premiers 
fidèles,  sur  laquelle  l'Eglise  a  été  fondée. 
Enfin  il  nous  traça  par  son  sang  le  chemin 
du  salut.  Et  en  effet  il  ne  montra  pas  une 
moindre  constance  à  la  mort  qu'il  avait  fait 
paraître  de  sainteté  durant  sa  vie.  La  pureté 
de  ses  m  turs  ne  fut  jamais  souillée  d'au- 
cune tache  ;  le  nom  même  des  crimes  lui  fut 
inconnu  ;  il  faisait  fuir  les  vices  par  sa 
seule  présence.  Toutes  les  vertus  étaient 
ses  amies,  l'accompagnaient  partout,  demeu- 
raient avec  lui,  répandaient  dans  le  monde 
la  bonne  odeur  de  son  âme,  et  le  rendaient 
agréable  à  tous  ceux  qui  le  connaissaient, 
chacun  s'empressant  (si  j'ose  m'exprimer 
de  la  sorte)  à  venir  cueillir  chez  lui  quelque 
vertu. 

Badème  demeura  quatre  mois  en  prison 
avec  ses  se|;t  disciples,  chargé  de  chaînes, 
accablé  de  misères,  recevant  chaque  jour 
un  grand  nombre  de  coups  de  fouet,  niais 
endurant  toutes  ces  peines  avec  une  patience 
et  une  joie  inconcevables,  parce  qu'il  les 
endurait  pour  Jésus-Chiist  en  qui  il  mettait 
toute  son  espérance.  Il  y  avait  alors  à  la 
cour  de  Perse  un  seigneur  nommé  Nersan, 
prince  d'Aria,  dans  la  province  de  Bed- 
germe.  Ce  seigneur  était  chrétien,  et  le  roi 
le  voulant  obliger  à  adorer  le  soleil,  sur  le 
refus  que  Nersan  en  faisait,  l'avait  fait  arrê- 
ter. Mais  Nersan  se  relâcha  peu  à  peu,  et 
perdit  enfn  cette  fermeté  qu'il  avait  d'abord 
fait  paraître.  La  vue  des  tourments  dont  on 
le  menaçait  lui  ht  peur,  le  courage  lui  man- 
qua, et  l'attache  aux  biens  fragiles  et  péris- 


ni  BAD 

sables  acheva  ce  que  la  crainte  des  suppli- 
ces avait  commencé.  11  succomba  à  celte 
double  atlaque,  et  voulant  retenir  en  môme 
temps  les  biens  du  ciel  et  ceux  de  la  terre, 
il  fut  mallieurousciiieiit  privé  des  uns  et  des 
autres  ;  car  il  laissa  échapper  les  vrais  [)[ai- 
sirs  d'une  vie  divine  et  éternelle  qui  lui 
était  assurée  par  le  martyre,  et  il  lîc  put 
môme  jouir  de  ces  pla  sirs  terrestres  et  pas- 
sagers pour  lesquels  il  avait  fui  le  martyre. 
Préférant  donc  l.i  f;!veur  d'un  |irincc  mortid 
à  celle  d'un  Dieu  iimuortel,  il  déclara  q.i'il 
était  prêt  à  faire  tout  ce  qu'il  plairait  au 
roi  .le  lui  prescrire,  etc|u'il  renonçait  dès  ce 
moment  au  culte  de  ce  Dieu  qu'il  avait  a  loré 
jusqu'aloi'S.  Sapor  app'.it  avec  joie  le  c'ian- 
Kcment  de  Nersan  ;  mais  i)our  éprouver 
5  il  était  sincère,  il  ordonna  qu'on  otàt  les 
fors  à  Baderne,  et  qu'on  le  conduisît  par 
une  porte  secrète  dans  un  appartement  du 
palais  qui  servait  de  prison  h  Nersan. 
E'isuite  le  loi  dit  à  deux  seigneurs  qui 
étaient  |)roche  de  lui  :  Si  Nersan  veut  obte- 
nir sa  liberté,  il  laut  qu'il  lue  Bndème  de 
sa  propre  uiain.  O  i  amène  aussitôt  ce  saint 
abbé  au  lii'u  où  était  Nersan  ;  on  dit  à  celui- 
ci  la  condition  (\ue  Sapor  mettait  au  recou- 
vrement de  sa  liberté,  et  les  récompenses 
qu'il  y  joignait.  Ce  misérable  consent  à  la 
chose  :  ou  lui  donne  uie  épée,  et  il  s'avance 
vers  le  saint  pour  la  lui  plonger  dans  le 
corps.  Mais  frappé  tout  à  cou^)  d'une  terreur 
extraordinaire  et  surnaturelle,  il  devii-nt 
immobile,  son  bras  se  roidit  et  refuse  de 
s'allonger.  Alors  le  serviteur  de  Jésus- 
Christ  arrêtant  ses  yeux  sur  cet  apostat  : 
Infortuné  Nersan,  lui  dit-il,  jusqu'où  pré- 
tends-tu porter  la  noirceur  de  ton  forfait  ? 
Il  ne  te  suffit  donc  pas  d'avoir  renoncé  ton 
Di^u,  il  faut,  pour  te  rendre  encore  plus 
crimi  ol,  qae  tu  t'elforces  d'ùter  la  vie  k 
ses  serviteurs.  Malheureux,  que  feras-tu  en 
ce  jour  terrible,  où  fuiras-tu  pour  éviter  ce 
tribunal  redoutable?  que  répundras-tu  à  ce 
grand  Dieu,  à  ce  Dieu  éternel,  quand  tu 
seras  cité  devant  lui  ?  Pour  moi,  je  cours 
avec  joie  au  martyi-e,  et  je  donne  de  bon 
C(eur  ma  vie  pour  mon  Seigneur  Jésus- 
Christ.  Cependant,  je  te  l'avoue,  j'aimerais 
mieux  recevoir  la  mort  d'une  autre  main 
que  de  la  tienne  ;  [)ourqnoi  faut-il  que  tu 
sois  mon  bourreau  ?  Nersan  n'avait  ni  assez 
de  force  ni  assez  de  courage  |)our  l'achcvei'. 
Mais  lâchant  de  se  faire  un  front  d'airain 
jKjur  ne  point  rougir  des  reproches  di;  Ba- 
dème,  et  un  cœur  de  pi(Mre  pour  ne  point 
res.sentir  de  remords,  il  continuait  toujours, 
d'une  main  faible  et  Iri^mblante,  de  porter 
des  coups  de  son  épé(!  dans  les  lianes  du 
saint,  qui,  (  nlin  percé  de  toutes  parts,  ren- 
dit son  ame  bi('nlieui(!US(î  à  -.on  Créateur. 
Au  reste,  le  nombre  des  coups  (ju'il  avait 
re(;us  était  si  grand,  (pj(î  les  païens  i|ui  as- 
sislérenl  ;i  sa  mort  nt;  pouvaient  assez  admi- 
rer sa  palienre  invimible,  qui  !'•  rendait 
seuji)lable  a  un(;  colombe,  (pie  mille  ti'aits 
décoc  lés  contre  e  le  ru;  sauraient  ébrauler. 
.Mais  r;ii  mèuie  l-nips  ils  ehai  ,^eaie'it  diim^ 
iaiiuilé  d'exùcralioiiii  sua   ïàdm  iiouitcidu, 


BAL  il) 

n'ayant  pas  moins  d'horreur  de  sa  cruauté 
que  de  mépris  pour  sa  timidité  et  sa  fai- 
blesse. Dieu  en  fit  lui-même  justice,  et  ce 
misérable,  après  avoir  été  tourmenté  de 
toutes  sortes  de  maux,  périt  enfin  d'un  coup 
d'éuée. 

Saint  Badème  endura  le  martyre  le  8 
a^  ril.  Son  corps  fut  jeté  hors  de  la  ville  ; 
mais  quelques  j^ersonnes  de  piété  lenlevè- 
rent  secrètement ,  et  l'ayant  enseveli  avec 
soin,  le  déposèrent  en  un  lieu  sûr. 

S  s  disciples  demeurèrent  quatre  ans  pri- 
sonniers, et  ne  furent  élargis  qu'après  la 
mort  de  Sapor.  Mais,  par  la  grAce  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  (auquel  soien'  gloire  et 
hoinit'ur),  ils  persévérèrent  constamment 
dans  la  foi  de  saint  Badème,  leur  maître. 

BAEZA  (l(î  bienheureux  Jean),  Espagnol, 
de  la  compagnie  de  Jésus,  faisait  partie  des 
courageux  missionnaires  que  le  P.  Azevedo 
était  allé  recruter  à  Rome  peur  le  Brésil. 
{Voi/.  AzKVEDO.)  Leur  navire  fut  pris  le  15 
juill.'t  1571  |)ar  des  corsaires  calvinistes  qui 
les  massacrèrent  ou  les  jetèrent  dans  les  flots. 
(Du  Jarrie,  Histoire  des  choses  plus  mémora- 
bles, etc.,  t.  II,  p.  278.  Tanner,  Societas  Jesii 
nsque  ad  sanguinis  et  vitœ  profusionem  mi- 
litans,  p.  IGGet  170.) 

BAHUT.V  (sainte),  martyre,  mourut  pour 
la  foi  en  Tan  3V3  de  Jésus-Christ,  sous  le  rè- 
gnedo  Sapor  dit  Longue-Vie.  Elle  était  dame 
de  Beth-Séleucie.  Sa  fête  est  inscrite  au  Mar- 
tyrologe romain  le  30  novembre. 

BAJULE  (saint),  honoré  comme  martyr  par 
l'Eg  ise  romaine,  le  20  décembre,  mourut 
à  une  époque  et  dans  des  circonstances  que 
l'histoire  ne  précise  pas.  11  eut  pour  com- 
pagîîon  de  son  triomphe  saint  Libérât.  Tous 
deux  soulfrirent  à  Rome. 

BALDRATI  (le  bienheureux  Alexandre), 
naquit  dans  les  environs  de  Ferrare  à  Lugo, 
petit  bourg  peu  important.  De  bonne  heure, 
il  montra  de  grandes  dispositions  pour  la 
piété  et  annonça  par  sa  précocité  à  quel  de- 
gré il  arriverait  dans  l'élude  des  sciences  sa- 
crées et  i)rof mes.  Agé  de  17  ans,  il  entra, 
chez  les  dominicains:  c'était  le  15 janvier 
1G12.  Quel([ue  lem|)s  il  étudia  dans  un  de 
leurs  couvents  à  Naples,  et  bientôt  fut  en- 
voyé dans  celui  de  Bologne,  pour  y  ensei- 
gner la  lli^ologie.Ses  fonctions  importantes 
ne  l'empêchèrent  pas  de  se  livrer  au  minis- 
tère sacré  de  la  parole  :  il  devint  un  prédi- 
cateur renonnné  i)our  son  savoir  et  pour  son 
éloquence.  Une  maladie  grave  vint  l'arrêter 
au  ujilieu  de  celte  carrière.  Le  P.  Alexandre, 
dont  la  santé  était  encore  chancelante,  ne 
voulut  point  pi'cnidre  le  re])0s  et  recevoir  les 
.soins  (jui  lui  étaient  nécessaires.  Il  se  liAta 
dii  partir  i)onr  Venise  où  il  s'eujbarcjua  pour 
Scio  ;  rarchevê(jue  d'Edesse  y  étant  arrivé 
bietitôi  apiès  lui,  l'associa  h  sa  mission  et 
eut  lieu  de  s'en  apjilaudir.  paj"  les  nonibreu- 
ses  conversions  (pi'ojjérait  notre  bi<niheu- 
reux.  Sur  ces  enli'el'aites,  un  a|)osl(il  nunnné 
Aga  Cusaini,  (pii  voyait  avec  [Kunii;  tous  ces 
succès,  s'imaguia  de  répandre  un  faux  bruit 
suc  la  pr(''iendu(>  conversion  du  l*.  Alexandre 
à  l'islauiismu,  et  cette  ruse  ébranhi  la  fui  du 


413 


BAL 


BAL 


4U 


plusieurs.  Non  content  d'avoirrépandu  cotte 
rausso  noiiv(!llo,  A^a  Cus.dm  I'<ill.i  doclaror 
au  gouveinciir  de  Vih\  alliiiuniil  (in'il  [)rou- 
verail  son  dire.  Le  {^ouvt'rnour,  (|ui  savait  h 
quoi  s'un  tenir,  feigJiit  tu'^uunoins  de  ci'(»iro 
h  celle  nouvelle,  el  ayant  lait  vcnii-  le 
P.  Alexan  ire,  le  combla  de  louaiii^es  et  de 
caresses,  lui  pi'Oineltant  de  jj;i'audes  récom- 
j)enses  s'il  resîail  déso  mais  bon  musul- 
man  Notre  saint  accueillit  les  paroles  du 

gouverneur  avec  une  sainte  colère:  «  Sachez, 
lui  dil-il,  (jue  tout  ce  ([ue  l'on  v,  usa  dit  est 
un  tissu  d'imposluics;  je  ne  su  s  nullement 
niahométan,  mais  serviteur  (idèle  de  Jésus- 
Christ Bien  plus,  je  suis  prtMrts  el,  pré- 
dicateur de  l'Evangile,  etje  soullVirai  plutôt 

la  mort  (|ue  de  renoncer  h  ma  foi  » Il  en 

aurait  dit  davantage,  mas  le  gouveineur  l'in- 
terrompant, lui  dit  ({u  il  ne  lui  était  |)lus  ])er- 
mis  de  confesser  l'Kvangile  puisqu  il  était 
disci[)le  du  pi-ophèto.  Le  P.  Alexandre,  en- 
flammé de  |)lusen  [ilus  d'une  sainte  indig!)a- 
tion,  témoigna  sa  [U'ofonde  horreur  p'Uir 
l'Alcoran  dans  les  termes  les  j»lus  forts  qu'il 

Eut  trouver,  et  un  souverain  mépris  pour  Ma- 
omet.  Aussitôt,  toute  l'assemblée  s'écria 
qu'il  avait  bL.S[)hémé  et  qu'd  méritait  la 
mort ,  s'il  ne  rétractait  ses  propos  outra- 
geants contre  le  prophète.  Le  gouverneur  re- 
mit l'alfaire  au  lendemain,  et  le  P.  Alexandre 
passa  la  nuit  dans  un  cachot,  se  préparant 
au  martyre  par  les  prières  les  plus  lerventes. 
Le  lendemain,  qui  était  un  mercredi ,  les 
Turcs  le  conduisirent  au  cadi, l'accusant  d'a- 
voir blasphémé  contre  le  grand  prophète  et 
contre  sa  loi.  On  mit  tout  en  œuvre  pour 
ébranler  sa  constance;  mais  promesses,  ex- 
hortations ,  menaces  ,  tout  fut  inutile.  Le 
cadi,  désespérant  de  le  vaincre,  envoya  cher- 
cher le  prieur  des  dominicains  de  Scio,  et 
lui  demanda  d'un  ton  farouche  pourquoi  il 
avait  empêché  le  P.  Alexaiidrc  d'embrasser 
l'islamisme.  Notre  bienheureux,  sans  donner 
au  prieur  le  temps  de  répondre,  s'écria  que, 
n'ayant  jamais  eu  l'intention  de  se  faire  ma- 
hométan  ,  on  n'avait  pas  le  droit  de  de- 
mander pour(juoi  on  l'avait  enqjêchô  de  le 
devenir;  qu'il  n'était  venu  à  Scio  que  dans  la 
seule  inteniion  de  i)rôcher  l'Evangile  et  qu'il 
aVait  reçu  sa  mission  de  larchevèque  de 
Smyrne,  son  prélat. 

Aussitôt,  le  cadi  envoya  des  soldats  au 
couvent  de  Saint-Sébastien  avec  injonction 
de  le  lui  amener  sur-le-champ...  «  De  quel 
pays  es-tu?  lui  dit-il.  — Je  suis  chrétien,  ar- 
chevêque et  su{)érieur  de  tous  les  d.'raini- 
cains  qui  résident  à  Scio. —  Alors,  répliqua 
]e  cadi,  tu  mérites  la  mort  pour  avoir  l'ait 
prêcher  ta  religion  sur  les  terres  de  sa  Hau- 
tesse.  —  L'archevêque  exhiba  le  (irman  qui 
lui  conférait  la  permissioi)  ainsi  qu'aux 
religieux  du  même  ordre  que  lui  de  résider 
et  de  prêcher  dans  l'empire  de  Turquie.  Pres- 
que tous  les  oflîciers  qui  étaicîjt  présents 
àvaientconnaissancedece  tirman  elrendirent 
témoignage  que  le  prélat  disait  vrai.  Alors  le 
cadi  ne  demanda  pas  au  prélat  autre  chose 
que  d'expliquer  le  motif  qui  l'avait  porté  à 
empêcher  le  P.  Alexandre  de  se  faire  maho- 


niétan.  Le  saint  confesseur,  qui  jusque-là 
avait  gardé  le  silence,  le  rompit  [)onr  répon- 
dre h  c(!tte  question,  ainsi  (jn'il  av.iil  fait 
déjà  quand  on  l'avait  posée  à  son  prieur.  Le 
tribunal,  jugfîant  rarchcvêqne  et  le  |)rieur 
justiliés  d'un(!  façon  sullisant*;,  leur  permit 
de  rentrrn-  à  leui-  (-ouvent,  mais  avec  défense 
d'en  sortir  jusqu'à  nouvel  ordre.  On  lit  pren- 
dre les  non)s  de  tous  les  religieux  qui  com- 
posaient la  communauté  ;  le  P.  Alexandre 
demeura  donc  seul  exposé  à  la  colère  et  au 
ressentiment  des  Turcs.  Il  semblait  que 
ces  derniers  missent  leui- gloire  et  l'honneur 
de  leur  religion  à  vaincre  sa  constance.  Aussi 
employèrent-ils  lou^  les  moyens  possibles 
j)Our  l'esurpnîndro  et  [)0ur  le  faire  tomber. 
«  Puisque  j'ni  fait  auprès  de  toi  tant  de  ten- 
tatives inutiles,  lui  dit  le  cadi,j(!  t'accorde 
encore  tro  s  jours;  t/\che  de  te  faire  mieux 
conseiller:  au  bout  de  ce  temps,  tu  diras  si 
tu  préfères  mourir  criminel  et  misérable,  à 
vivre  heureux  en  suivant  la  religion  de  Ma- 
homet.—  Si  se  n'est  qu'une  réponse  défini- 
tive que  vous  attend(;z,  lui  dit  le  P.  Alexan- 
dre, je  n'ai  pas  besoip  de  trois  jours  pour 
la  faire  :  je  vous  ai  déjà  dit  et  je  vous 
dis  de  nouveau  que  pour  rien  au  monde  je 
ne  renoncerai  à  la  foi  de  Jésus-Christ.  Jus-' 
qu'à  la  mort,  je  lui  serai  fidèle,  et  c'est  dans 
cette  fidélité  que  je  le  prie  de  daigner  m'ac- 
corder  que  je  place  toute  mon  espérance, 
car  elle  doit  être  tout  mon  bonheur.  —  Tu 
crois  donc,  lui  dit  le  cadi,  que  nous  ne  pou- 
vons nous  sauver  dans  notre  religion?— Je  le 
crois,  dit  le  P.  Alexandre  :  votre  prophète 
est  un  menteur,  et  votre  religion  l'œuvre  du 

père  des  mensonges» A  ces  paroles,  tous 

les  Turcs  qui  étaient  présents  furent  trans- 
portés de  rage  et  de  fureur  ;  ce  que  voyant 
le  cadi  :  «  Yengez  donc,  leur  dit-il  ,  notre 
sainte  religion  qu'on  outrage,  et  montrez  à 
ce  chien  ce  que  peuvent  de  fidèles  crovants, 
lorsque  devant  eux  on  blasphème  la  loi  et  le 
prophète!  »  Cet  ordre  reçut  une  prompte 
exécution.  Immédiatement  les  assistants  se 
ruant  sur  le  saint  confesseur,  l'accablèrent 
de  coups  do  bâtons,  et  si  violemment,  qu'il 
en  serait  mort  si  le  Seigneur  ne  l'avait  pas 
voulu  réserver  pour  des  épreuves  nouvelles. 
On  le  laissa  sur  la  place  :  il  était  couvert 
de  sang,  son  corps  n'était  qu'une  plaie.  On 
le  jeta  dans  un  cachot  en  ve  poussant  si  bru- 
talement, qu'il  franchit  douze  marches  qu'il 
y  avait  à  descendre.  Au  milieu  de  tous  ces 
tourments ,  son  âme  impassible  ,  forte  de 
l'appui  que  Dieu  lui  donnait,  ne  se  laissa 
pas  arracher  une  seule  plainte.  Dans  l'obs- 
curité de  son  cachot,  la  lumière  de  Dieu  pé- 
nétrait et  le  bienheureux  confesseur  ne  sen- 
tait pas  ses  blessures  sur  lesquelles  descen- 
dait le  baume  des  consolation^  divines.  Pen- 
dant ce  temps-là,  laville  de  Scio  tout  entière 
était  émue  du  bruit  qui  s'était  répandu  que 
le  divan  allait  faire  mourir  tous  les  religieux 
du  couvent.  Mais  ceux-ci,  loin  de  se  laisser 
abattre  par  ces  menaces,  ne  pensaient  qu'à 
prier  Dieu  de  leur  donner  l'esprit  de  force 
dont  le  P.  Alexandre  était  rempli.  Unissant 
leurs  prières  à  celles  des  deux  archevêques 


<H5 


BAL 


BAL 


416 


i]e  Smyrne  et  d'Edesse,  qui  étaient  au  mi- 
lieu li'eux,  ils  se  prépar.sient  ainsi  dans  la 
prévision  des  combats  qu'ils  rroyaienl  avoir 
à  soutenir.  L'arclievèque  do  Smyrne  com- 
ma-ida  dos  prières  ])ubliqups,  Ut  exposer  le 
saint  sacrement  dans  toutes  les  églises, et 
engagea  tous  les  chrétiens  h  demander  au 
ciel  que  le  saint  confesseur  persévérât  dans 
sa  courageuse  résistance.  La  sévérité  était 
telle  à  son  égard,  qu'aucun  religieux  ne  put 
arriver  jusqu'Ji  son  cachot.  Vn  menuisier  ca- 
tholique réussit  à  y  pénétrer,  et  le  trouva  en 
oraison,  la  face  contre  terre  et  baigné  dans 
son  sang.  Le  geôlier  lui-même,  quoique  ma- 
hométan,  rendit  ce  témoignage  au  P.  Alexan- 
dre, qu'il  l'avait  toujours  vu  priant  et  ne  se 
plaignant  de  personne,  s'abstenant  de  toute 
nourritui-e, pleurant  et  gémissant  sans  cesse. 
Un  pauvre  juif,  qui  était  prisonnier  avec  lui, 
se  trompant  sur  le  motif  de  ses  larmes,  lui 
parla  ainsi  :  «  Puisque  vous  pouvez,  par  une 
seule  parole,  vous  délivrer  et  ne  })lus  souf- 
frir, vous  êtes,  en  vérité  ,  bien  simple  de 
tant  vous  chagriner  et  de  tant  verser  de  lar- 
mes. — Vous  vous  trompez  ,  mon  ami,  lui 
dit  le  P.  Alexandre,  ces  pleurs  que  je  verse 
ne  sont  point  un  signe  de  douleur  :  les  sup- 
plices ne  m'épouvantent  pas  et  l'horreur 
qu'ils  inspirent  n'arrive  f)as  jusqu'à  mon 
âme  ;  ce  que  je  soulfre  est  pour  moi  plein 
de  douceur,  et  si  je  pleure,  c'est  sur  mes  fau- 
tes ;  si  je  suis  affligé,  c'est  de  l'aveuglement 
des  infidèles  :  c'est  par-dessus  tout,  de  celui 
des  juifs  qui  ont  fermé  les  yeux  à  tant  lie 
grâces.  V^oulez-vous  aujourd'hui  que  je  sois 
bien  consolé?  Ouvrez  votre  cœur  à  Jésus- 
Christ,  reconnaissez,  dans  ce  divin  maître 
des  chrétiens,  le  messie  qu'on  avait  annoncé 
à  vos  pères,  déterminez-vous  à  mourir  pour 
lui  avec  moi;  mais  si  vos  pensées  ne  vien- 
nent pas  de  ce  côté,  laissez-moi,  ne  trou- 
blez pas  ma  paix;  vous  perdriîîz  votre  temps 
à  me  donner  des  consolations  vaines  et  sté- 
riles. » 

Le  terme  qu'avait  assigné  le  cadi  arriva  : 
les  'lurcs  employèrent  encore  vainement 
tout  ce  qu'ils  crurent  capable  d'amener  le 
saint  à  embr.isser  leui-  foi.  Avant  de  le  ra- 
mener à  leur  tribunal,  ils  dépêchèrent  vers 
lui  un  de  leurs  docnmrs  les  plus  renommés 
et  les  |)lus  éloquents.  Kn  arrivant  près  de 
lui,  cet  lionnU'î  lui  témoigna  beaucoup  d'es- 
time et  d'humanité.  ICtait-ce  ipi'il  fiU  vrai- 
ment humain,  (^u'il  eût  au  fond  du  cuiur  les 
sentiments  qu'il  faisait  paraître?  Non,  c'é- 
tait un  teiilaleur  habile,  qui  savait  (pie  pour 
le  connnun  d(;s  honunes  ra|)f)arenc(î  de;  la 
vertu  captive  l'estime  et  séduit  le  cœur.  C/é- 
tail  un  homme  qui,  supposant  à  notre  s  ont 
de  la  vanité  et  de  ]'orgU(;d ,  songe<iit  <i  ex- 
nloiterces  passions  au  profit  de  ses  desseins. 
Il  sav.iit  que  l'orgucMlIrux  est  toujours  porti; 
(i  avoir  une  certaine;  recormaissance  à  celui 
qui  sembh;  l'apjirécier  h  la  valeur  qii'd  se 
supposi'.  Ihen  souvent  nous  faisons  <;omme 
cet  homiiio,  comme  ce  tentateur.  (Juand 
nous  montrons  h  qufhpi'un  de  l'eMlroi,  nous 
voulons  que  ce  (pi.  l.pi  un  nous  prenne  pour 
bons  aj)préeiat«iurs  et  nous  estime  en  con- 


séquence. C'est  une  lettre  de  change  que 
nous  présentons  à  rescom[)te.  Quand  nous 
afiichons  de  riiumanilé,  c'est  moins  dans  un 
but  vraiment  humain  que  pour  nous  envi- 
ronner d'un  rellet  de  vertu  (}ui  nous  fasse 
bien  recevoir,  qui  nous  fasse  esiimer.  Ce 
Turc  était  vraiment  habile.  Ce  barbare  était 
assez  civ  lise  pour  meitre  en  jeu  un  des 
ressorts  les  plus  puissants  d<>  noti'e  savoir- 
faire  politique  et  social  ,  un  des  moyens  de 
séduction  les  plus  fréquemment  employés 
dans  nos  relations. 

Voyant  qu'un  serviteur  de  Dieu  ne  se  lais- 
sait pas  prendre  à  ces  vaines  apparences,  il 
tenta  de  s'adresser  à  un  autre  ordre  de  pas- 
sions. 11  voulut  tenter  sa  cupidité  et  son  am- 
bition :  ces  deux  passions  étaient  mortes 
dans  le  cœur  du  saint  homme.  Il  entreprit 
alors  de  discuter  avec  lui  sur  les  choses 
religieuses  ;  il  voulut  lui  [)rouver  que  la 
croyance  à  un  Dieu  en  trois  personnes  était 
une  folie.  Voyant  que  ses  raisonnements  ne 
produisaient  rien ,  il  parla  des  su|)plices 
qu'on  réservait  à  son  obstination  :  tout  fut 
inutile.  Le  docteur  du  prophète  trouva  dans 
le  disciple  de  Jésus-Christ  un  homme  chez 
lequel  l'amour  divin  avait  étouifé  les  pas- 
sions humaines  ;  un  théologien  capable  de 
prouver  toutes  les  vérités  de  sa  religion  ,  un 
héros  prêt  à  souffrir  sans  se  plaindre  les 
tortures  et  la  mort  qu'il  plairait  à  ses  bour- 
reaux de  lui  choisii.  Il  se  retira 

Le  P.  Alexandre  fut  ramené  au  tribunal, 
enchaîné  et  escorté  ce  soldais  et  de  bour- 
reaux. La  sérénité  de  son  front  annonçait  le 
calme  de  son  Ame.  «  Etes-vous  toujours  o\n- 
niatre  ?  lui  dit-on.  —  Je  suis  toujours  chré- 
tien, répondit-il.  »  Le  cadi  le  condamna  h 
être  brûlé  vif  et  h  supporter  le  supplice  de 
la  bastonnade  dans  son  cachot  jusqu'à  ce 
qu'on  eût  élevé  le  bûcher  où  il  devait  être 
brûlé.  Après  la  lecture  de  son  arrêt  qu'il 
avait  écoutée  avec  fermeté,  le  P.  Alexandre, 
se  tournant  vers  le  juge,  le  remercia  de  la 
grâce  signalée  cju'il  lui  procurait  :  «  Vous 
brûlerez  mon  corps,  lui  dit-il,  mais  mon 
âme  ira  jouir  au  ciel  de  la  gloire  innnortelh; 
(]UG  nous  a  méril('e  la  mort  de  Jésus-Christ.  » 
On  dressa  le  bûcher  sur  la  plus  grande  i)lac(; 
de  Scio,  et  une  grande  foule  de  Turcs  et  de 
chrétiens  y  accoururent  de  toutes  |iarts,  les 
uns  pleins  d'une  joie  cruelle,  les  auli-es  espé- 
rant que  le  tiiomphedu  maiiyre  serait  aussi 
celui  de  la  r(digion.  Il  y  eut  une  chose  re- 
mai-quablc,  ce  fut  que  les  Crées,  malgré  le 
schisme  où  ils  étaient,  se  trouvèrent  en 
c(;la  d'accord  avec  les  chrétiens.  Quand  le 
P.  Al(!\andr(!  parut  sur  la  place,  un  Crée, 
fend.uit  la  [iresse,  vint  se  jeter  à  ses  pieds 
et  lui  demander  sa  bénédiction.  Le»  saint 
martyr  la  lui  donna,  en  l'engageant  à  ne  [tas 
dillV-rerson  ridour  à  la  vraie  foi.  Au  moment 
où  il  allait  être  précipité  dans  les  Uannnes  , 
un  iman  lui  dit  (pi'il  pouvait  échapper  au 
supplice,  s'il  consentait  à  lever  seunement 
un  doigt  vers  h;  ciel,  en  signe  de  son  adhé- 
sion à  la  foi  il(!  Mahonnd  :  <(  Je  l'ai  en  hor- 
reur, »  s'écria-l-il  aussitôt,  el  ayant  levé  trois 
doigts,  il  dit  d'mie  voix  forte  et  accentuée: 


in 


BAR 


BAR 


118 


Sanctn  Trinitas,  nnas  Dens.  Il  entra  enfin 
dans  le  bû.lier,  mais  ici  Dieu  renouvela ,  dil- 
on,  le  mirack'  onén'' jadis  en  faveur  des  Unis 
Israélites  dans  la  fournaise,  et  les  llainnies 
respeclèrenl  le  sainl  martyr,  nialgro  lus  nou- 
veaux eonibuslililes  (|ue  les  niusuliuans,  dans 
leur  fureur,  jetaient  à  chaque  instant  au  mi- 
lieu du  ieu.  Un  Turc  alors  asséna  un  î:,raiid 
cou[)  de  fourche  sur  la  tôle  du  P.  Alexandre  ; 
un  secon.i  lui  enfonça  sa  lame  dans  le  cceur, 
et  un  troisième  leta  un  [)aquet  de  poudre  «^ 
canon  dans  les  ilannnes.  Nolie  bienheui'eux 
consomma  ainsi  son  glorieux,  martyre  le 
10' jour  de  février  16'i5,  sous  les  yeux  de 
plus  de  quaiante  milh;  sf)ectuteurs,  d'a[)rùs 
le  témoignage  de  l'archevêque  d'Edesse.  Au 
dire  de  ce  i)rélal,  les  chrétiens  fui-ent  rem- 
plis de  joie,  el  les  Grecs  unirent  leurs  voix 
a  celles  des  Latins  pour  s'écrier  :  «  Vive  la 
foi  romaine,  jiour  laquelle  on  peut  mourir 
avec  tant  do  générosité  I  » 

Les  musulmans  retiièrent  le  corps  du  bra- 
sier et  le  cou|)èrent  en  morceaux  ;  les  uns 
pour  assouvir  leur  cruauté,  les  autres  afin 
de  les  revendre  aux  chrétiens.  Une  [)artie  do 
ces  reliques,  en  etfet,  furent  rachetées  par 
quelques  chrétiens  grecs  et  latins  moyen- 
nant des  sommes  considérables ,  et  elles 
opérèrent  plusieurs  miracles  tant  à  Scio qu'en 
Italie. 

BANIEWICZ  (Casimire),  l'une  des  reli- 
gieuses basili'^'nnes  qui,  dtns  le  courant  de 
l'année  1837,  furent  si  violemment  persécu- 
tées par  le  czar  Nicolas  et  Siemaszko,  évoque 
apostat.  On  les  employa  à  la  construction 
d'un  palais  pour  ce  prêtre  apostat.  Un  pan 
de  muraille  étant  venu  à  s'écrouler,  Casimire 
Baniewicz  et  huit  de  ses  compagnes  furent 
écrasées.  {Voy.  Mieczyslawska.) 

BARACHISE  (saint),  martyr,  le  même  que 
saint  Brich-Jesus.  {Voy.  Jonas.) 

BARAZE  (le  bienheureux  Cyprien),  eut  la 
gloire  de  conquérir  les  Moxes  au  royaume 
de  Jésus-Chrisi.  (La  province  des  Moxes  re- 
présente une  surface  oblongue,  bornée  h  l'est 
et  au  nord  par  les  collines  des  Chiquilos  et 
les  montagnes  du  Brésil,  à  l'ouest  et  au  sud- 
ouest  par  les  derniers  contre-forts  des  Cor- 
dillères, communiquant  au  sud  avec  les  plai- 
nes de  Sanla-Cruz,  de  la  Sierra  et  de  Mato- 
Grosso,  et  au  nord  avec  les  plaines  de  l'Ama- 
zone, fleuve  au  versant  duquel  cette  province 
appartient  tout  entière.)  «  Le  frère  del  Cas- 
tillo ,  ijui  demeurait  à  Sainte-Croix  de  la 
Sierra,  s'étantjoint,en  1674-, à  quelques  Espa- 
gnols qui  commerçaient  avec  les  Indiens , 
pénétra  assez  avant  dans  les  terres.  Sa  dou- 
ceur et  ses  manières  prévenantes  gagnèrent 
les  pr'ncipaux  de  la  nation,  qui  lui  promi- 
rent de  le  recevoir  chez  eux.  Transporté  de 
joie ,  il  partit  aussitôt  pour  Lima  afin  d'y 
faire  connaître  lespérance  qu'il  y  avait  de 
gagner  ces  barbares  à  Jésus-Christ.  Il  y  avait 
longtemps  que  le  P.  Baraze  pressait  ses  su- 
périeurs de  le  destiner  aux  missions  les 
plus  pénibles;  ses  désirs  s'enflammèrent  en- 
core quand  il  apprit  la  mort  glorieuse  des 
PP.  Jacques-Louis  de  Sanvitores  et  Nicolas 
Mascardi,  qui,  après  s'être  consumés  de  tra- 


vaux, l'un  dans  le  Chili  et  l'autre  dans  les 
îles  Mariannes,  avaient  eu  tous  deux  le  bon- 
heur de  sceller  de  leur  sang  les  vérités  de  la 
foi  qu'ils  avaient  prêchées  h  un  grand  nom- 
bre d'infidèles.  Le  P.  Baraze  renouvf;Ia  donc 
ses  instances,  et  la  nouvelle  mission  des 
Moxes  lui  échut  en  pnrt.ige.  Ce  fervent  mis- 
sionnaire se  mit  aussitôt  en  cluimin  pour 
Sainte-Croix  do  la  Sierra  avec  le  frère  del 
Castillo.  A  {)eine  y  furent-ils  arrivés  ,  (qu'ils 
s'embcH-quèrent  sur  la  rivière  de  Gua[)ay, 
dans  un  petit  canot  f(ibii(jué  par  les  gentils 
du  pays  qui  leur  servaient  de  guides.  Ce 
ne  fut  (ju'après  douze  jours  d'une  naviga- 
tion très-rude  et  pendant  laquelle  ils  furent 
plusieurs  fois  en   danger  de  périr,   qu'ils 

abordèrent  au  pays  des  Moxes Pendant 

les  quatre  premières  années  que  le  P.  Baraze 
demeura  au  milieu  de  cette  nation  ,  d   eut 
beaucoup   à    souffrir,  toujours   en  danger 
d'être  sacrifié  à  la  fureur  des  barbares  qui 
le  recevaient ,  l'arc  et  les  flèches  en  main,  et 
qui  n'étaient  retenus  que  par  cet  air  de  dou- 
ceur qui  éclatait  sur  son  visage...  Une  fièvre 
quarte  lui  fit  prendre  la  résolution  de  re- 
tourner à  Sainte-Croix  de  la  Sierra,  où  en 
effet  il  ne  fut   pas  longtemps  sans  rétablir 
tout  à  fait  sa  santé.  Mais  éloigné  de  corps  de 
ses  chers  Indiens,  il  les  avait  sans  cesse  pré- 
sents à  l'esprit  ;  il  pensait  continuellement 
aux  moyens  de  les  civiliser,  car  il  fallait  en 
faire  des  hommes  avant  que  d'en  faire  des 
chrétiens.  C'est  dans  cette  vue  que,  dès  les 
premiers  jours  de  sa  convalescence,  il  se  fit 
apporter  des  outils  de  tisserand  et  apprit  à 
faire  de  la  toile,  afin  de  l'enseigner  ensuite 
à  quelques  Indiens  et  de  les  faire  travailler 
à  des  vêtements  de  coton  pour  couvrir  ceux 
qui  recevaient  le  baptême  ;  car  ces  infidèles 
ont  coutume  d'aller  presque  nus Le  gou- 
verneur de  la  ville  s'étant  persuadé  que  le 
temps  était  venu  d'entreprendre  la  conver- 
sion des  Chiriguanes,  engagea  les  supérieurs 
à  y  envoyer  le  P.  Cyprien  ;  mais  la  manière 
indigne  dont  ils  reçurent  les  paroles  de  sa- 
lut qu'il  leur  annonçait,  le  forcèrent  d'aban- 
donner une  nation  si  corrompue.  Il  obtint 
de  ses  supérieurs  la  permission  qu'il  leur 
demanda  de  retourner  chez  les  Moxes  qui , 
en  comparaison  des  Chiriguanes,  lui  parais- 
saient bien  moins  éloignés  du  royaume  de 
Dieu.   En  effet,  il  les    trouva  plus  dociles 
qu'auparavant Ils  s'assemblèrent  au  nom- 
bre de  six  cents  pour  vivre  sous  la  conduite 
du  missionnaire  qui  eut  la  consolation,  après 
huit  ans  et  six  mois  de  travaux  (1684),  de 
voir  une  chrétienté  fervente  formée  par  ses 
soins.  Comme  il  leur  coi. fera  le  baptême  le 
jour  qu'on  célèbre  l'Annonciation  de  la  sainte 
Vierge ,  cette  circonstance  lui  fit  naître  la 
pensée  de  mettre  sa  nouvelle  mission  sous 
la  protection  de  la  Mère  de  Dieu,  ei  on  l'a 
appelée  depuis  ce  temps-là  la  mission  de  No- 
tre-Dame de  Lorette.  Le  P.  Cyprien  employa 
cinq  ans  à  cultiver  et  à  augmenter  cette  chré- 
tienté naissante.  Elle  était  déjà  composée  de 
plus  de  deux  mille  néophytes,  lorsqu'il  lui 
arriva  un  secours  de  missionnaires. 
Ce  surcroît  d'ouvriers  évangéliques  vint  à 


4i9 


RAU 


BAP 


420 


propos  pour  aider  le  saint  homme  à  exécu- 
ter le  dessein  qu'il  avait  formé  de  porter  la 
luibiùre  de  l'Evangile  dans  toute  l'étendue 
de  ces  terres  idolâtres.  11  leur  abandonna 
aussitôt  le  soin  de  son  Eglise  pour  aller  à  la 

découverte  d'autres  nations 11  fixa  d'a- 

-bord  sa  demeure  dans  une  contrée  assez 
éloignée,  dont  les  habitants  ne  sont  guère 
capables  de  sentiments  d'humanité  et  de  re- 
ligion. S'étant  logé  chez  un  de  ces  Indiens  , 
.de  là  il  parcourut  toutes  les  cabanes  d'alen- 
•tour.  Il  s'insinua  peu  à  peu  dans  l'esprit  de 
ces  peuples.  11  s'assoyait  à  terre  avec  eux 
pour  les  entretenir;  il  imitait  jusiju'.uix 
moindres  mouvements  et  aux  gestes  les  plus 
ridicules  dont  ils  se  servent  ])oui'  exprimer 
les  atî'eciions  .de  leur  cœur;  il  dormait  au 
milieu  d'eux,  ex|)0sé  aux  injures  de  l'air  et 
sans  se  précautionner  contre  les  morsures 
des  moustii)ues.  Qu>'lque  dégoûtants  que 
fussent  leurs  mels,  il  ne  prenait  ses  re[)as 
qu'avec  eux.  Enfin  il  se  lit  barbare  avec  ces 
barbires  pour  les  faire  entrer  plus  ais  'ment 
dans  les  voies  du  salut.  Le  soin  qu'eut  le 
missionnaire  d'appr''ndre  un  peu  de  méde- 
cine et  de  chirurgie  fut  un  autre  moyen  qu'il 
mit  en  usage  pour  s'attirer  l'estime  et  l'atfec- 
tion  de  ces  peuples.  Quand  ils  étaient  mala- 
des, c'éiait  lui  qui  préparait  leurs  médecines, 
qui  lavait  et  pansait  leurs  plaies,  qui  net- 
toyait leurs  cabanes,  et  il  faisait  tout  cela 
avec  un  empressement  et  une  affection  qui 
les  charmaient.  J.'estime  et  la  reconnais- 
sance les  portèrent  bientôt  à  entrer  dans  tou- 
tes ses  vues  ;  ils  n'eurent  plus  de  peine  à 
abandonner  leurs  premières  habitations  pour 
"le  suivre;  en  moins  d'un  an,  s'étant  ra^^sem- 
blés  jusqu'au  nombre  de  plus  do  deux  mille, 
ils  formôrcnî  une  grande  bourgade  à  laquelle 
on  donn.i  (ei  1087)  1'  nom  de  la  Sainte- 
Trinité.  Ces  peu|)les  étant  ainsi  réduits  sous 
l'obéissance  d'  Jésus-Cluist,  le  missionnaire 
crût  d  'Voir  établir  parmi  eux  linc  forme  de 
gouvernement,  sans  quoi  il  y  avait  à  crain- 
dre qu  '  1  indéjendance  dais  Liqueile  ils 
étaient  nés  ne  les  i  eplongeAt  dans  K  s  mêmes 
désordres  auxquels  ils  étaient  sujets  avant 
leur  conversion.  Pour  cela  il  choisit  ceux 
qui  étaient  le  [)lus  en  ré[)ut.Ui(jn  de  sagesse 
et  de  valeur,  et  il  en  lit  des  capitaines,  des 
chefs  de  famille,  des  consuls,  et  d'autres  mi- 
nistres de  la  justice  |)Oui'  gouverner  le  reste 
du  peu,  le.  Connue  li-s  ails  pouvaient  beau- 
coup cont.ibuer  au  dessein  qu'il  avairde  les 
civiliser,  il  trouva  le  secret  de;  leur  faire  ap- 
jprendie  ceux  ({ui  sont  les  |)lu.s  né.;essaires. 
'On   vit  biei.tùl  parmi  eux  des  laboureurs, 

•  des  cliar|ienli(!rs,  des  tisserands  et  d'aulios 
ouvrieis.  Mais,  ce  a  quoi  il  p(;n.sa  davantage, 
ce  fut  à   (ifocurer  des  aliments  à  ce  gi.ui  l 

^peuple  qui  s'augmentait  cliaqu»;  jour,  il  .son- 
.gea  à  peu[)ler  le  pays  de  ta  iieaux  et  de  va- 
ches, qiii  sont  les  seuls  animaux  (pji  puissent 
y  vivre  et  s'y  multiplier.   Il  fallait  les  aU(;r 

•  chercher  bien  loin  et  jiar  d(!S  clKMiiins  dil'li- 

•  Ciles.  Les  diffi(;uliés  ne  l'arrêtèrent  point.  Il 
part  pour  Saiulo-Croix  de  la  Siena  ;  il  ras- 
semble jiiaqu'.i  deux  coiJlK  do  ces  animaux  ; 
il  prie  quelques  Indiens  de  l'aider  à  les  con- 


duire, il  grimpe  les  montagnes  ,  il  traverse 
les  rivières,  poursuivant  toujours  devant  lui 
ce  nombreux  troupeau  qui  s'obstinait  à  tour- 
ner vers  le  lieu  d'où  il  venait.  11  se  vit  bien- 
tôt abandonné  de  la  plupart  de  sa  suite,  à 
qui  les  forces  et  le  courage  manquèrent  ;  mais 
sans  se  rebuter,  il  continu  i  toujours  de  faire 
avancer  cette  troupe  d'animaux,  étant  quel- 
quefois dans  la  bcue  jusqu'aux  genoux  et 
exposé  sans  cesse  ou  à  perdre  la  vie  par  les 
mains  des  barbares,  ou  à  être  dévoré  par  les 
bètes  féroces.  Enfin,  après  cinnuantc-quatre 
jours  d'une  marc!ie  pénible ,  il  arriva  à  sa 
chère  mission.  11  ne  lui  restait  plus  que 
d'élever  un  temple  à  Jésu^-Christ,  car  il 
souffrait  avec  peine  que  les  saints  nrystères 
se  célébrassent  dans  sa  pauvre  cabane.  Celte 
nouvelle  église  fut  élevée,  comme  la  pre- 
m  ère ,  sans  aucun  des  instruments  uéces- 
saires  pour  la  construction  de  semblables 
édifices,  et  sans  que  d'autre  architecte  que 
lui-même  présidât  à  un  si  grand  ouvrage. 
Ces  deux  grandes  peuplades  étant  formées  , 
il  découvrit  la  nation  des  Coscremoniens,  et 
il  sut  si  bien  les  gagner  en  peu  de  temps, 
que  les  missionnaires  qui  vinrent  dans  la 
suite  l(>s  engagèrent  sans  peine  à  quitte--  le 
lieu  do  leur  demeure  pour  se  transporter  à 
trente  lieues  de  là,  et  y  fonder  (en  1690) 
une  grande  peuplade  qui  s'appelle  la  peu- 
plade de  Suint-Xavier.  Le  saint  homme,  qui 
avançait  toujours  dans  les  terres  ,  se  trouva 
au  milieu  de  la  nation  des  Cironiens,  et 
ce  fui  en  parcourant  leurs  diverses  habita- 
tions qu'il  eut  connaissance  des  Guarayens, 
redoutables  par  la  coutume  barbare  qu'ils 
ont  de  se  nourrir  de  chair  humaine.  Se  tour- 
nant du  côté  de  ces  barbares,  il  les  combla 
de  cr.resses,  et  eux,  par  reconnaissance,  le 
conduisirent  dans  leurs  peuplades.  C'est  là 
qu'on  lui  fit  connaître  [ilusieurs  nations  du 
voisinage,  entre  autres  celles  des  Tapacures 

et  des  Baures 

Les  missionnaires  avaient  souvent  conféré 
sur  les  moyens  de  faciliter  la  communica- 
tion si  nécessaire  entre  ces  terres  idolâtres 
et  les  villes  du  Pérou.  Ils  déses()éi aient  d'y 
réussir,  lorsque  le  P.  Cypiien  offrit  d'"  tenter 
une  entreprise  qui  paraissait  imjiossiblo.  11 
avait  ouï  dire  qu'en  trav  rsaiit  ceiti'  longue 
file  de  montagnes  (jui  est  sur  la  droite;  du 
Pérou,  il  se  trouvait  un  petit  s'iiiier  qu  ab  é- 
goait  exlraoïdinaireii'.enl  le  chemin.  Il  lu.»  lui 
en  fallut  pas  davantage  pour  prendre  sur  lui 
le  îoin  de  découvrir  cette  roule  iihoimue. 
Dieu  couronna  sa  consiance  (en  I(i88i  par  l'ac- 
coinplisseinent  de  ses  désirs.  Il  se  prosterna 
aussitôt  c  (litre  teire  pour  en  remercier  la 
bo.ilé  divine,  et  il  n'eut  pis  philôt  achevé 
sa  prière,  qu'il  envoya  annoncer  une  si  agréa- 
bl(;  nouvelle  au  collège  le  plus  proclie.  On 
peut  jugn-  avec  quols  applaudi->>emeii  s  elle 
fut  re(;ue ,  puisipie  poir  enlrer  chez  les 
Aloxes,  il  ne  fallait  plus  que  {piin/.e  jours 
do  chemin  [lar  la  nouvelle  roule  que  lo 
P.  Cypiieii  venait  de  tracer.  11  se  vo\ailprès 
des  maisons  de  sa  <  ompagnie  ;  il  était  nalu 
rel  (juil  allât  réjiarer,  sous  un  ciel  plus  doux, 
les  forces  que  tant  de  travaux  avaient  cou 


421  BAR 

sumées  ;  son  inclination  m<^mc  le  portait  A 
aller  rovoir  s  .s  anciens  aini:s  après  une  al)- 
sence  do  vingl-ciualre  ans,  surtout  n'ayant 
point  d'ordre  contraire  de  ses  supéiicMirs  ; 
mais  il  crut  ([u'il  serait  [)lus  agréable  à  Dieu 
de  lui  en  faire  un  sacrilice,  et  sur-k'-chaini) 

il  retourna  à  sa  mission 

11  ne  songea  qu'.^  aller  découvrir  la  nation 
des  Tapacures  qui  lui  avait  été  indi((uée 
par  lesGuarayens.  Maisia  déeouvertela  plus 
importante,  et  qui  lit  le  plus  de  plaisir  au 
P.Cyprien,  fut  celle  des  Baures.  Celte  natiou 
est  plus  civilisée  que  celle  des  Moxes.  Le  l*. 
Cypi'ien  pénétra  assez  avant  dans  ce  pays  et 
parcourut  un  assez  grand  nombre  de  bour- 
gades. 11  s'était  livré entreles  mainsd'un  peu- 
ple ennemi  de  la  loi  sainte  qu'il  prôchail,  et 
ne  doutant  point  qu'on  n'en  voulût  <i  sa  vie, 
il  en  fil  le  sacrilice  au  Seigneur  pour  le  saint 
de  ces  barbares.  Il  rencontra  une  com|)agnie 
de  Baures,  armés  de  liTiches,  d'arcs  et  de 
flèches;  ils  le  menacèrent  de  loin,  se  jetè- 
rent sur  lui  avec  fureur  et  le  percèrent  de 
plusieurs  coups  tandis  qu'il  invoquait  les 
saints  noms  de  Jésus  et  de  Marie,  et  qu'il 
olfrail  son  sang  pour  ceux  qui  le  répan- 
daient d'une  manière  si  cruelle.  Enfin , 
un  de  ces  barbares,  lui  arrachant  la  croix, 
qu'il  tenait  en  main,  lui  déchargea  sur  la 
tète  un  grand  coup  de  hache  dont  'il  expira 
sur  l'heure.  Ainsi  mourut  le  P  Cyprien  Ba- 
raze,  le  16  septembre  1702,  âgé  de  soixante- 
un  ans,  après  en  avoir  employé  vingt-sept  et 
deux  mois  et  demi  à  la  conversion  des  Moxes 
Il  avait  baptisé  lui  seul  plus  de  quarante 
mille  idolâtres.  »  (Henrion,  t.  11,  p.  585.) 

BARBARE,  était  président,  à  Torreen  Sar- 
daigne,  pour  l'empereur  Dioclétien.  11  y  lit 
martyriser  le  prêtre  Prote  et  le  diacre  Janvier. 
BARBASCEviLN  (saint),  martyr,  évèque  de 
Séleucie  et  deClésiphon,  fut  mis  à  mort  pour 
la  foi  chrétienne  avec  seize  autres  chrétiens, 
prêtrrs  ou  clercs  de  différents  degrés,  ei  l'an 
3i6,  durant  la  persécution  de  Sapor.  L'Eglise 
vénèi  e  la  mémoire  de  ce  saint  et  de  ses  seize 
compagnons,  le  l'i  janvier. 

Nous  donnons  ici ,  traduits  par  nous,  les 
Actes  du  martyre  de  ce  saint  et  de  ses  com- 
pagnons. 

La  sixième  année  de  la  persécution  était 
comaiencée  quand  le  nom  de  Barbtscemin, 
évêque  de  Séleucie,  et  celui  de  Clésiphon 
fu'^':'nt  dénonc.'S  au  roi.  L'accusation  fut 
ortée  en  ces  termes  :  «  Ces  lieux  sont  sous 
'erai»ire  d'un  homme  féroce ,  eniicmi  de 
noire  discipline,  par  qui  plusieurs  ont  été 
détachés,  non-seulement  de  noire  religicm, 
mais  même  des  fonctions  publiques.  Quoi! 
il  ne  craint  pas  d'insulter  le  feu  et  de  dire 
du  mal  de  l'eau  I  »  Alors  le  roi  :  «  Dites-moi 
son  nom  et  sa  profession.  Quel  est-il  celui 
qui  a  osé  commettre  ces  méfaits?  »—  «  C'est 
le  neveu,  dirent  les  délateurs  de  Siméon  Bar- 
Saboë,  lils  de  sa  sœur,  clief  des  chrétiens;  il 
a  pris  la  place  de  son  oncle.  » 

Aces  mots  le  roi  frémit,  s'enflamme  de 
colère,  et  ordonne  qu'on  amène  immédiate- 
ment le  coupable.  Aussitôt  Barbascemin  fut 
amené  avec  seize  autres.  Plusieurs  d'entre 


6AR 


in 


!■ 


eux  avaient  la  dignité  de  prôtro,  les  autres 
étaient  diacres  ou   clercs.   Us  étaient  venus 
de  dilfércnls  lieux,  de  plusieurs  villes,  au- 
près de  leur  évèipje.  Le   roi,  regardant  Bar- 
bascemin avec  un  visage  terrible  :  «  Scélérat, 
lui  dit-il,  qui  vas  périr  d'un  su|)plice  atroce, 
ton  audace   est  doni-  allée  à  ce  point,  que, 
faisant  li  de  mes   édits,  tu  t(!  sois  mis   à  la 
tète  de  ce  peuple  que  je  déteste  parce  qu'il 
méprise  mes  dieux;  surtout  quand  tu  n'i- 
gnorais pas  que  Siméon,  ({uoiqu'il  me  fût 
bien  cher,  a  subi  le  dernier  supplice  pour  la 
même  cause.  »  Barbascemin  lui  répondit  : 
«  Vous  n'espérez  pas  que  nous,  chrétiens, 
obéissions  à  vos  édits  .  ils  tendent  entière- 
ment h  renverser  notre  sainte  religion.  Nous 
estimons  (|ue  nous,  qui  devons  défendre  la 
religion  chrétienne,  n'en  pouvons  sans  crime 
irrémissible  abandonner  une  seule  partie  : 
car  elle  est  tellement  bien  construite  que 
tout  entière    elle  repose  sur  chaque  partie 
comme  sur  un  pivot.  »  Alors  le  roi  :  «Je  vois 
que  ton  grand  âge  l'a  enlevé  le  jugement  : 
tu  es  tellement  insensé  que  tu  demandes  la 
mort.  Quant  à  moi,  bientôt  je  jugerai  conve- 
nable de  faire  souffrir  au  neveu  le  supplice 
par  lequel  mourut  l'oncle,  entraînant  dans 
sa  ruine  plusieurs  des  siens.  »  Barbascemin 
lui  répondit  :  «  Je  ne  hais  point  la  vie,  je  ne 
cherche  point  la  mort,  car  vous  pouvez  très- 
bien  me  permettre  de  suivre  les  dogmes  de 
la  vraie  rehgion  et  de  conformer  à  ses  pré- 
ceptes   ma  vie    tout    entière.  Mais  quand, 
abusant  de  votre  puissance  ,    vous  vouiez 
nous  amener  à  embrasser  vos  erreurs  ,   à 
cette  inique  exigence  je    préfère   la  mort. 
Elle  ne  sera  point  la  fin  de  ma  vie,  mais  le 
commencement    d'une    meilleure    et    plus 
haute,  par  conséquent   elle  ne  m'aflligera 
])oint,  puisque  d'une  vie  caduque  e:  passa- 
gère l'Ile  me  fera  une  vie    imnjortelli'.  Que 
Dieu  détourne  ne  moi  le  crime  de  déserter  ja- 
mais la  vraie  foi,  qui  veit  que  nous  croyions 
en  lui  seul,  et  d'abjurer  la  religion  que  j'ai 
a[)i)rise  de  Siméon,  mon  maître.» 

Alors  le  roi,  ne  pouvant  i  ontenir  l'efferves- 
cencedeson  cœurnicomprinjor sa  colère,  pre- 
nantle  soleil,  son  di-  u,  h  témoin,  éclata  en  ces 
termes:  «  Eh  bienl  ehoien!  mni,  je  détruirai 
votre  secte  et  vos  mystères  sacrés,  je  les 
anacherai  de  la  mémoire  des  hommes.  » 
Barbascemin,  souriant,  lui  dit  :  «  Vous  in- 
voquiez tout  à  l'heure  le  soleil,  vous  avez 
donc  jugé  bon  de  passer  sous  ^i!ence  le  feu 
et  l'eau,  qui  pourtant  sont  dieux  comme  lui, 
et  que  vous  devez  avoir  en  même  honneur, 
que  vous  devez  invoquer  comme  lui  pour 
qu'ils  vous  aiiif-nt  dans  notre  ruine,  pour 
qu'ils  dirigent  bien  vos  desseins  et  les  con- 
duisent à  bonne  tin.  »  Le  roi  s'enflamma  de 
colère  à  cette  plaisanterie  du  saint  homme 
que  ses  menaces  n'avaient  pu  faire  trembler. 
«  El  toi,  lui  dit-il,  comme  si  tu  voulais 
mourir,  tu  veux  m'irriter  par  tes  plaisante- 
ries pour  que  je  te  fasse  mourir  prompte- 
menl  :  tu  te  trompes  étrangement  ;  tu  veux 
la  fin  de  ton  supplice,  j'en  veux  la  durée;  il 
faut  que  tu  saches  que  tu  vas,  avant  de  mou- 
rir, avoir  à  supporter  longtemps  la  fétidité 


^25 


BAR 


BAR 


m 


d'un  cachot,  afin  que  les  hommes  de  ta  secte, 
en  voyant  ton  sort  misT-rable  et  bientôt  ta 
mort  cruelle,  déposent  leur  audace  et  ap- 
prennent à  craindre  la  sévérité  des  lois.  » 
Aussitôt  il  ordonna  qu'on  les  conduisit  tous 
en  prison,  qu'on  les  enchaînât  lourdement  et 
qu'on  les  ti.t  étroitement  gardés.  Ils  furent 
ainsi  depuis  le  mois  de  février  jusqu'au  cinq 
des  ides  de  décembre,  c'est-à-d^re  à  peu 
près  l'espace  d'une  année.  Pendant  tout  ce 
temps-là,  ils  furent  horriblement  tourmentés 
par  les  mages,  ajcabl  'S  de  coups  de  bâton, 
en  proie  à  la  faim  et  à  la  soif,  •  es^échés  par 
une  longue  disette,  le  visage  défait  par  l'hu- 
midité de  la  prison,  le  front  chargé  d'une 
poussière  cadavéreuse,  la  peau  noire  de  mal- 
proiireté,  et  émaciés  et  desséchés  de  tout  le 
corps,  déformés  par  les  supplices  répétés.  Tel 
était  l'aspect  misérable  sous  lequel  ils  s'of- 
fraient. 

A  la  fin  de  l'année,  par  l'ordre  du  roi,  qui, 
dans  ce  temps-là,  était  à  Léd m,  ville  de  la 
province  des  Hussites,  Barb.iscemin  et  ses 
compagnons  y  furent  amenés  enchaînés  et 
mis  de  nouveau  en  jugement.  Le  roi  siégeait 
dans  ce  jugement;  il  s'fidressa  ainsi  aux  ac- 
cusés :  «  0  race  insensée,  dépourvue  de 
toute  raison,  qui  cours  sciemment  à  la  mort  1 
tant  de  tourments  déjà  n'ont  donc  pas  abattu 
ton  audace  ?  Regardez  enlin,  malheureux; 
voyez  quelle  fin  misérable  ont  eue  les  hom- 
mes de  votre  secie,  qui,  les  premiers,  sont 
morts  entre  les  mains  des  bourreaux,  tandis 
qu'ils  espéraient  la  vie  immortelle  et  un 
royaume  éternel  aussi,  afin  que  vous  rou- 
gissiez enfin  d'imiter  leur  folie  et  que  vous 
ne  couriez  pas  au-devant  d'une  mort  cer- 
taine; ce  qu'ils  ont  fait,  conduits  par  une  es- 
pérance absurde  d'un  salut  imaginaire  et 
d'une  vie  éternelle  à  retrouver;  tandis  que 
rien  n'est  plus  vain,  plus  inconsidéré,  comme 
vous  devez  le  comprendre  :  cai-  i  s  n'ont  pas 
revécu.  Quand  ils  ont  iait  ainsi,  qu'estimez- 
vous  de  votre  côté  qu'il  soit  raisonnable  de 
faire?  Car  si  vous  prenez  la  résolution  d'o- 
béir h.  mes  édits  ainsi  qu'à  moi,  qui  vous 
veux  du  bien,  vous  agirez  dans  vos  nitérôts, 
et  votre  obéissance  sera  grandement  récom- 
pensée. Toi  surtouî,  Barbascemin,  si  tu  em- 
brasses le  culte  du  soleil  ,  sache  aujour- 
d'hui que  les  dignités  les  plus  grandes  et  les 
dignités  les  plus  considérables  seront  ton 
j)arlage.  »  En  même  temps,  il  présenta  à 
Rarjjascemin  mille  slnées  (demi-drachmes) 
d'or  dans  une  coupe  d'or.  «  Re(;f)is  ceci,  lui 
dit-il,  queje  te  donne  en  ce  lieu  pour  le  i-en- 
dre  un  objet  d'envie  pour  tous  en  attendant 
les  dignités  [)ubliques  et  la  |)réfecture  queje 
te  garde.  » 

Le  bi(mheureux  évoque  lui  j-épondit  :  «  M(î 
prenez-Vous  donc  [)Our  un  homme  (pi'on 
puisse,  avec  des  jouets  d'enfant,  avec  cetl(! 
vile  poussière,  avec  di'S  lli;urs  é|)hémère.s, 
amènera  déserter  le  culte  du  vi-ai  Dieu  par- 
la puissance  diKjiicl  tout  ce  que  Jious  voymis 
a  été  créé,  et  renli'erait  innnédialenient  dans 
le  néant  s'il  en  donnait  l'oidre  ?  Je  dois 
pro.uver  ii  Itnit  votre  empire  queje  liens  j)Our 
rien  ces  bagatelles,  et  que  je  ne  veux  poiiit 


renoncer  à  ce  h  quoi  j'ai  résolu  de  rester  fi- 
dèle. B  Alors  le  roi  :  «  S'il  te  reste  quelque 
amour  de  toi-mhne  et  des  tiens,  prends 
garde  de  sembler  mépriser  et  rejeter  le  ca- 
deau dont  je  t'ai  honoré.  Car  si  tu  continues 
à  agir  avec  moi  insolemment  tu  feras  qu'à 
l'instant  je  satisferai  tes  vœux  et  les  miens  ; 
après  favoir  arrarhé  la  vie,  je  détruirai, 
j'exterminerai  entièrement  ta  secte  ennemie 
et  queje  hais.  »  Le  saint  martyr  lui  répon- 
dit :  Cert"S,  si  j'agissais  ainsi,  le  Dieu  ven- 
geur des  crimes,  au  dernier  jour  du  monde, 
quand  tous  les  mortels  assemblés  devant  lui 
seront  saisis  d'effroi,  me  reprocherait  ma 
conduite.  C'est  donc  ainsi,  insensé,  me  di- 
rait-il, que  tu  as  préféré  à  moi  l'or  que  j'a- 
vais moi-môme  donné  au  roi  Sopor,  et  que, 
gagfjé  par  des  choses  fut. les,  tu  as  adoré 
des  futilités  semblables?  A  c.iuse  de  cela, 
sachez,  ô  roi,  que  j'ai  dans  ma  foi  et  dans  ma 
religion  un  port  et  un  refuge  assurés.  Quant 
à  vous,  tyran  injuste  et  coupable,  achevez 
votre  crime  si  bien  commencé  ;  poursuivez, 
votre  cœur  cruel,  vous  ne  le  pouvez  rassasier 
de  carnage.  Jusqu'ici  vous  avez  menacé  : 
frappez  maintenant.  »  Le  roi  lui  dit  :  «  Jus- 
tju'à  présent,  pa.r  tes  paroles  et  partes  actes, 
je  te  considérais  c  mme  un  homme  sage,  et 
j'avais  })Our  toi  grande  estime  ;  mais  je  m'a- 
perçois, bien  tard  il  est  vrai,  que  tu  es  autre 
queje  n'avais  cru;  que  tu  es  aussi  dément 
et  aussi  insensé  qu'on  peut  lôtre  dans  la 
secte  à  laquelle  tu  afipartiens  :  je  m'aperçois 
qu'on  ne  peut  guérir  par  la  douceur  la  pe.•^to 
qui  vous  lient  vous  autres  chrétiens.  C'est 
})Ourquoi  à  un  mal  aussi  tenace  il  faut  ap- 
pliquer promptcment  les  remèdes  violents, 
et  vous  ramener  par  la  cruauté  des  supplices 
dans  le  devoir  et  dans  la  raison  qui  sont  la 
règle  du  commun  des  mortels.  »  Barbasce- 
min répondit  :  «  Jugez  de  la  foi  et  de  la  sa- 
gesse des  chrétiens  par  ce  fait,  que  nous 
n'hésitons  pas  à  mourir  pour  notre  Dieu. 
Votre  férocité,  nous  la  brisons  par  une  au- 
dace aussi  grande  ;  car  nous  avons  appris 
l'audace  et  la  douceur  pour  le  besoin  des 
temps  et  des  circonstances.  Pendant  que 
nous  enseignions  aux  autres  hommes  l'ina- 
nité et  la  caducité  des  biens  de  la  terre, 
pendant  que  nous  disions  que  vous  deviez 
mourir  un  jour  comme  le  commun  des  mor- 
tels; vous,  au  contraire,  ré|)on  liez  à  nos  })a- 
roles  par  de  la  ilatterie,  olfrant  des  [Mésents, 
pensant  que,  séduits  par  ces  avances,  nous 
les  préférerions  à  la  vie  éternelle  que  nous 
tenons  au-di-ssus  de  tout  et  que  les  richesses 
véritables  qui  sont  en  notr-e  \  ossession,  nous 
les  jetterions  là  [lour  courir  à  vos  présents, 
qui  doivent  bientôt  péi'ir  avec  ce  que  vous 
nommez  vos  dieux.  »  A  ces  |)aioles,  le  roi, 
vivement  ému  :  «  E\\  bien  !  moi  j'ordonnerai, 
au  profit  de  n»es  tioup  s,  de  s'armi-r  contre 
les  chrétiens  et  de  se  léunir  tous  pour  la 
ruine  de  volie  nom.  »  Bnbasecmin  lui  ré- 
])on(lit  :  ^(  L'invincible  courages  (pie  Notre- 
Singneur  Jésus-Clnist  nous  a  donné  jiour 
c(;  combat  bi'isera  faeiltMiienl  lous  vos  ell'orts 
cl  (-(iux  de  vos  soldats.  Quani  à  croii'o  que  le 
carnage  ot  les  louruients  détruiront  noire 


425 


BAR 


BAR 


420 


jxniple,  vous  vous  trompez  dlrangcnionl  ; 
jamais  la  lamillo  choisie  des  ciiréticns  no 
sera  plus  belle  et  [)lus  grande  que  quand 
vous  aurez  commencé  ù  sévir  contre  elle  par 
le  lei'.  Ceux  que  vous  voulez  détruire,  ex- 
terminer radicalement,  prendront  do  nou- 
velles forces  de  leurs  blessures  et  croîtront 
connue  une  race  immense  ;  et  vous  saurez 
que  vous  n'avez  ni  force  ni  cœur  suffisant 
pour  cette  guerre  que  vous  avez  enlrej)rise 
contre  les  hommes  de  notre  religion.  Mais 
faites  expulser  de  votre  royaume  les  chré- 
tiens avec  votre  cruauté  habituelle  ;  notre 
patrie  a  hâte  de  nous  recevoir  ;  c'est  celle 
qui  s'ouvre  à  ceux  qui  nous  ressemblent, 
aux  hommes  imbus  de  nos  principes.  Un 
jour  viendra  où  vous  voudriez  bien  laver 
vos  mains  tachées  de  notre  sang,  mais  vai- 
nement :  les  chrétiens  que  vous  avez  fait 
mourir,  nos  compagnons,  mènent  au  pa- 
radis une  vie  heureuse;  les  enfants  que  vous 
avez  tués,  les  vierges  que  vous  avez  marty- 
risées, régnent  dans  la  félicité.  Quant  à  vous, 
un  sort  contraire  vous  attend:  les  larmes,  les 
grincementsde  dents  et  les  supplicesqui  n'au- 
ront point  de  lin.» 

Alors  ce  roi  impie,  ennemi  de  la  justice  et 
de  l'équité,  entra  dans  une  colère  atroce 
qu'il  satisfit  immédiatement,  en  lançant 
contre  les  chrétisns,  un  édit  cruel  et  sangui- 
naire. Comme  un  dragon  ou  un  oiseau  de 
proie,  iil  se  lança  sur  les  chemins,  il  vola 
vers  sa  proie,  il  se  courba  pour  déchirer,  et, 
gonflé  du  fiel  qui  bouillonnait  en  lui,  il  en 
vomit  les  torrents  amers  qui  couvrirent 
tout,  renversèrent  et  brisèrent  tout. 

Voici  le  texte  de  cet  édit  :  «  Quiconque 
m  aime  et  veut  le  salut  de  mon  royaume, 
doit  faire  en  sorte  que  personne  portant  le 
nom  de  chrétien  ne  reste  dans  la  Perse  ou 
autres  lieux  soumis  à  ma  puissance,  s'il  ne 
consent  à  adorer  le  soleil,  le  feu,  l'eau,  à  se 
nourrir  du  sang  des  animaux.  Si  quelqu'un 
refuse  de  faire  ces  choses,  j'ordonne  qu'il 
soit  immédiatement  livré  aux  préfets,  et  que 
sur  leur  sentence  il  soit  tourmenté  et  puni 
du  dernier  supplice.  » 

Saint  Barbascemin  fut  mis  à  mort  avec  ses 
compagnons  le  neuvième  jour  de  la  lune  de 
janvier.  Après  sa  mort,  le  siège  de  Séleucie 
et  de  Gtésiphon  vaqua  envirun  vingt  ans, 
tant  cet  édit  cruel  apporta  de  troubles  pour 
une  nouvelle  élection,  tant  les  chrétiens  fu- 
rent dans  la  terreur  de  la  persécution  ! 

BARBATIEN  (saint),  prêtre  et  confesseur, 
donna  sa  vie  pour  la  foi  à  Ravenne.  On 
ignore  dans  quelles  circonstances  et  à  quelle 
date.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  31  décembre. 

BARBE  (cainte),  vierge  et  martyre,  hono- 
rée par  l'Eglise  le  k  décembre,  passe  pour 
avoir  été  martyrisée  sous  le  règne  de  Maxi- 
min  I".  On  n'a  rien  de  certain  sur  sa  vie,  et 
les  ditférents  actes  qu'on  a  d'elle,  loin  d'ap- 
porter quelque  lumière  dans  ce  qui  la  re- 
garde, ne  peuvent  qu'y  jeter  de  l'obscurité, 
tant  ils  sont  contradictoires  ou  remplis  d'er- 
reurs flagrantes. 

Le  31artyrologe  romain  dit  qu'elle  mourut 
à  Nicomédie,  sous  Maximin,  après  avoir  en- 

CWTIONN.    £>&3   PbRSÉGLTIONS.   L 


duré  toutes  les  horreurs  d'une  longue  cap- 
tivité, (|u'elle  fut  bn'iléc!  avec  des  lampes, 
qu'elle  eut  les  mamelles  coupées,  et  qu'en- 
fin elle  accomplit  son  martyre  ])ar  le  glaive. 

Quehpies-uns  de  ses  historiens  la  font 
disciple  d'Origène.  Elle  est  l'objet  d'une  dé- 
votion toute  |)articulière  chez  les  (irecs,  les 
Moscovites,  les  Latins  et  les  Syriens.  Suivant 
le  récit  de  Montbritius,  sainte  Barbe  aurait 
souflert  il  Heliopolis  en  Egypte,  sous  le  règne 
de  l'empereur  Galère,  en  l'année  306.  Ce 
dernier  récit  s'accorde  avec  le  Ménologe  de 
l'empereur  Basile  et  avec  le  Synaxaire  des 
Grecs.  Près  d'Edesse  existait  un  monastère 
qui  portait  le  nom  de  Sainte-Barbe. 

BARBÉE  (sainte),  martyrisée  sous  ïrajan, 
par  ordre  de  Lysias,  son  lieutenant,  en» l'an 
IIG,  avec  saint  Barsimée  ,  évoque  d'Edesse, 
et  saint  Sarbèle.  Los  Actes  qu'on  trouve 
dans  Bollandus  ne  présentent  pas  tous  les 
caractères  d'authenticité  désirables.  Sainte 
Barbée  est  honorée  par  l'Eglise  le  29  jan- 
vier. 

BARCELONE,  ville  d'Espagne,  eut,  au 
commencement  du  iv^  siècle,  sous  l'empire  de 
Dioclétien,  l'honneur  de  voir  le  martyre  de 
sainte  Eulalie,  maintenant  sa  principale  pa- 
tronne. Cette  ville  possède  encore  actuelle- 
ment les  reliques  de  la  sainte.  En  303,  le 
gouverneur  Dacien  y  fit  décapiter  saint  Cu- 
cufat,  qui  venait  de  Mauritanie,  oii  il  s'é- 
tait d'abord  retiré,  quittant  l'Afrique  procon- 
sulaire pour  éviter  la  persécution  de  Dioclé- 
tien, qui  commençait  à  sévir. 

BARDOMIEN  (saint),  eut  la  gloire  de 
mourir  pour  la  foi  chrétienne  en  Asie  avec 
Eucarpe  et  vingt-six  autres.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  25  septembre. 

BARHADBESCIABAS  (saint),  diacre  et 
martyr,  que  l'Eglise  honore  le  21  juillet,  fut 
mis  à  mort  en  Perse  durant  la  grande  persé- 
cution de  Sapor,  par  l'ordre  de  Sapor-Tam- 
sapor.  Ses  Actes  que  nous  avons  traduits 
méritent  d'être  cités. 

Dans  la  quinzième  année  de  notre  persé- 
cution, Barhadbesciabas,  diacre,  fut  arrêté 
dans  la  ville  d'ArbelIes,  par  l'ordre  de  Sapor- 
Tamsapor.  Pendant  qu'on  le  déchirait  dans 
les  plus  cruels  supplices,  le  tyran  lui  parlait 
ainsi  :  «  Adore  le  feu  et  l'eau,  mange  du 
sang  ,  à  l'instant  tes  souff"rances  cesseront  et 
tu  partiras  libre  de  ces  lieux.  »  Mais  le  bien- 
heureux diacre,  au  milieu  de  ces  cruels  sup- 
plices, gardait  une  physionomie  tellement 
sereine,  que  la  joie  paraissait  surpasser  la 
douleur,  que  le  sourire  était  sur  son  visage; 
se  raillant  du  tyran,  il  lui  parlait  en  ces  ter- 
mes :  «  Homme  impie  et  immonde ,  quel 
es-tu  donc  pour  vouloir  me  porter  à  abju- 
rer ma  religion,  pour;  me  porter  à  abandon- 
ner ces  principes  salutaires  qui  m'ont  été 
enseignés  dès  mon  enfance  1  J'en  jure  par 
Dieu  que  je  sers  du  plus  profond  de  mon 
cieur,  par  son  Christ  en  qui  je  mets  toute 
mon  espérance,  que  jamais  ni  toi  ni  ton  roi 
que  tu  vantes  tant,  ni  les  supplices  les  plu- 
cruels,  que  rien  en  un  mot  ne  m'arrachera 
Tamour  de  Jésus-Christ,   que  mon  cœur  a 


4» 


BâR 


BAR 


428 


gardé  depuis  l'Age  le  plus  tendre  jusqu'à 
l'âge  avancé  où  je  suis  arrivé.  » 

Le  tyran,  outré  de  colère,  porta  aussitôt 
la  sentence  qui  condimnait  le  saint  diacre  à 
la  peine  capitale.  Dans  les  mômes  jours  on 
gardait  dans  les  prisons  un  certain  Aghaé, 
noble  laïque  de  la  ville  de  Tahal,  qui  dans 
un  premier  interrogatoire  avait  montré  qu'il 
détestait  le  culte  du  soleil,  et  que  le  tyran 
avait  fait  mettre  en  prison.  Cet  homme  gar- 
dait encore  le  nom  de  chrétien;  plus  tard  il 
devait  ignoblement  déserter  la  religion  chré- 
tienne. Le  préfet  lui  ordonna,  après  lui  avoir 
fait  enlever  ses  chaînes,  de  remplir  à  l'égard 
du  saint  diacre  le  rôle  de  bourreau.  Ce  juge 
inique  voulait  précipiter  le  malheureux 
Aghaé  dans  un  crime  plus  grand  que  celui 
qu'il  lui  avait  auparavant  vainement  com- 
mandé ;  car  celui-ci  n'avait  pas  rempli  les 
ordres  qui  lui  étaient  donnés. 

Les  satellites  conduisirent  donc  Barhad- 
besciabas  enchaîné  sur  une  colline  hors  les 
murs  du  chAteau  de  Hazan,  pour  y  recevoir 
le  coup  mortel.  Alors  on  ordonna  à  Aghaé 
de  tirer  l'épée  qu'on  lui  présente  et  de  rem- 
plir son  mandat.  Il  obéit,  quoique  violem- 
ment ému  [tar  la  crainte  :  semblable  à  un 
automate  à  qui  man  juent  le  coeur  et  le  bras, 
il  frappe  sept  fois  sans  pouvoir  trancher  la 
tête  du  bienheureux  diacre.  Les  assistants, 
saisis  d'indignation,  le  forcèrent  à  termi- 
ner ce  meurtre  d'une  autre  manière.  C'est 
pourquoi,  reprenait  le  glaive  qu'il  avait 
laissé  tomber  de  sa  main,  en  le  voyant  cou- 
vert de  sang,  il  le  tourna  vers  le  corps  du 
saint  martyr,  et  lui  perça  les  entrailles  :  le 
saint  moui  ut  à  l'instant  de  cette  blessure. 

Je  pense  augmenter  l'intérêt  de  cet  écrit 
en  racontant  sommairement  le  prodige  qui 
vint  frapper  le  parricide  Aghaé.  A  la  môme 
heure  où  l'innocent  diacre  avait  été  tué  par 
lui,  il  fut  saisi  providentiellement  d'une  ma- 
ladie tellement  gn-ave  et  cruelle,  que  sa  main 
droite  se  goniladunefaçon  sihorrible,  qu'elle 
atteignait  la  grosseur  d'une  s  livo.  C'est 
pourquoi  ce  malheureux  bourreau  était  forcé 
de  rester  pcr,iétuellcraent  couché,  la  main 
apituy^e  sur  un  coussin,  jusqu'à  ce  que  ses 
meiuorcs  étant  envahis  par  la  gangrène,  il 
mourut  quelques  jours  après,  dans  des 
soullrances  cruelles  et  délaissé  de  tout  le 
monde. 

Doux  militaires  avaient  reçu  du  tyran  l'or- 
dre de  passer  la  nuit  près  du  corps  du  mar- 
tyr puur  le  g  r.ier  ;  deux  clercs  résolurent 
de  passer  la  nuit  dans  un  lieu  voisin  pour 
enlever  cl.mdestinement  le  corps  du  martyr. 
Cl  i)r()(itaiit  du  sommeil  des  gardiens.  Ils 
avaient  d'abord  tenté  de  gagner  les  satellites 
par  argent.  Maisse  voyant  repousséset  voyant 
la  chose  impossible,  ils  |)rolitèrent  du  mo- 
Ibn  J  somm<;il  dans  lequc;!  ils  étaient  plon- 
gés, et,  h'S  ayant  surpris,  les  alt-iclièreiit  à  un 
bA  on,  et  pf;ndant  (pi'ils  n'osaient  crier,  ils 
emportèrent  le  corps  du  martyr  (pi'iis  en- 
tern-ifiit  durant  la  luiil  dans  un  lieu  conve- 
n<ii>ie.  L<;s,rnl  mai'tyi'  IJarli.idbesciabas  mou- 
rut le  21)  juillet.  [Traduction  (le  l'aulear.) 

BAUKKV,  prince  atménieu,  de  la  famille 
«i'Ardzourouiiik,  fut  l'un  de  ceux  qui  soui 


frirent  volontairement  la  captivité  pour 
Jésus-Christ,  sous  le  règne  d'Hazguerd  , 
deuxième  du  nom,  roi  de  Perse,  et  qui  ne 
furent  remis  en  liberté  et  renvoyés  en  leur 
pays  que  huit  ans  après  la  mort  de  ce  prince, 
sous  le  règne  de  son  tils  Bérose.  (Pour  plus 
de  détails,  voy.  Princes  arméniens). 

BARLAAM  (saint),  martyr,  naquit  près 
d'Antioche,  dans  un  village.  Il  prit  l'état  de 
ses  parents,  et  pendant  une  grande  partie  de 
sa  jeunesse  s'adonna  aux  travaux  des 
champs.  Au  milieu  de  ces  travaux  qui  lais- 
sent à  l'Ame  toute  sa  liberté  contemplative, 
Barlaam  s'occupait  de  se  sanctifier  par  tou- 
tes les  pratiques  de  la  piété  la  plus  élevée. 
L'ardeur  avec  laquelle  il  se  proclamait  dis- 
ciple de  Jésus-Christ,  fut  cause  qu'on  l'ar- 
rêta. Enfermé  dans  la  prison  d'Antioche,  il 
y  resta  fort  long-temps.  Le  juge  devant  le- 
quel on  le  conduisit  le  railla  sur  la  rusticité 
de  ses  manières  et  sur  son  extérieur,  mais 
ne  put  s'empêcher  d'admirer  son  courage  et 
sa  grandeur  d'âme.  Le  saint  ne  poussa  pas 
un  cri,  ne  fit  pas  entendre  une  plainte,  pen- 
dant la  cruelle  flagellation  qu'on  lui  fit  su- 
bir. On  retendit  sur  le  chevalet  où  tous  ses 
os  furent  disloqués.  Au  milieu  de  ces  sup- 
plices atroces  il  garda  toujours  la  sérénité 
et  la  gaieté  de  son  âme.  Pour  l'eifrayer  le  juge 
fit  apporter  devant  lui  des  haches  et  des 
glaives  teints  encore  du  sang  des  martyrs. 
Barlaam  les  regarda  sans  montrer  le  moin- 
dre etfroi.  Vaincu  par  un  simple  paysan ,  le 
juge  fut  exaspéré  de  sa  défaite.  11  chercha  "à 
inventer  quelque  supplice  nouveau  pour 
abattre  la  constance  du  martyr  et  venger 
l'outrage  fait  à  ses  dieux.  Il  imagina  de  met- 
tre Barlaam  près  de  l'auîel,  la  main  étendue 
sur  le  fourneau  embrasé  et  couverte  de  char- 
bons ardents  et  d'encens  :  il  pensait  que  la 
do.ileur  forcerait  le  saint  à  remuer,  et  que 
l'encens  tombant  dans  le  feu  on  pourrait  dire 
qu  il  avait  sacrifié  ;  mais  Barlaam  demeura 
inébranlable  :  il  se  laissa  brûler  la  main  sans 
faire  le  moindre  mouvement.  Peu  de  temps 
après  il  mourut.  Ses  Actes  semblent  dire 
que  ce  fut  à  la  suite  des  soullrances  oc- 
casionnées par  les  tourments  qu'il  avait  en- 
duros. On  ne  sait  pas  précisément  l'année  de 
son  martyre  ;  on  sait  seulement  qu'il  eut 
lieu  après  la  mort  de  Galère.  L'Eglise  fait  sa 
fête  le  19  novembre. 

Homélie   de  saint  Basile   le  Grand  sur  saint 
Jiarlaam,  martyr.  (T.  1,  homil.  18.) 

«  Dans  les  premiers  temps,  mes  frères,  les 
larmes  faisaient  partie  des  honneurs  funè- 
bres qu'on  rendait  aux  saints.  Josc[)li  airosa 
des  siennes  le  coi'ps  do  son  père  Jacob;  les 
Juifs  pleurèrent  plusieurs  jours  la  mort  do 
Moïse,  et  tout  Israël  honora  de  ses  regrets 
le  tomb(;au  du  t)rophète  Samuel.  Les  choses 
ont  bi(Mi  changé,  et,  depuis  la  mort  de  Jé- 
sus-Christ, on  ne  voit  plus  réj)andr(uie  {>leurs 
aux  obsèques  des  saints;  la  joie  y  éclate 
parmi  les  chants  d'allégresse  ,  et  his  fidèles 
qui  y  vii-'unent  en  foule  fonuenl  ,  autour  do 
leurs  sacrés  monuuieiils,  divers  dururs  de 
miisi(pie  et  de  danse.  En  ell'et ,  la  iikm-I  n'est 
qu'un  sommed  j)Our  les  justes,  ou  plutôt  un 


429 


DAR 


BAR 


430 


passage  à  uno  mcillouro  vie.  Et  comment  té- 
moigner de  la  tristesse  h  la  mort  dus  mar- 
tyrs? Los  martyrs  inAmes  ne  montrent  ([iie 
de  la  joie  lorsc^u'on  hîs  fait  mourir;  l'attente 
prochaine  d'un  bonheur  inlini  émousse  tou- 
tes les  pointes  de  la  douleur.  Croit-on  qu'un 
martyr  s'arrôle  à  considérer  les  tourments  ? 
Il  ne"  voit  que  les  couronnes,  11  compte  les 
prix  qu'il  va  recevoir,  et  non  les  plaies  qu'il 
reçoit.  Il  n'apturoit  pas  les  bourreaux  (pii 
tirent  du  sang  de  toutes  ses  veines;  il  ne 
pense  qu'à  une  troupe  d'anges  qu'il  croit 
entendre  autour  de  lui  applaudir  à  sa  vic- 
toire. A  peine  sent-il  les  divers  supplices 
qu'on  lui  lait  endurer;  du  moins  il  les  mé- 
prise» pour  leur  peu  de  durée;  mais  il  est 
tout  occupé  de  la  grandeur  et  de  l'éternité 
des  récompenses  qui  lui  sont  promises.  La 
terre  alors  se  joint  au  ciel,  et  les  hommes  se 
mêlent  aux  esprits  bieidieureux  pour  chan- 
ter les  louanges  du  martyr. 

«  C'est  ce  que  nous  voyons  arriver  aujour- 
d'hui en  la  personne   de   l'illustre  martyr 
Barlaam.  Au  premier  son  de  la  trompette, 
des  troupes  de  fidèles  accourent  de  toutes 
parts  pour  s'enrôler  au  service  de  Dieu  et 
de  son  serviteur.  On  publie  la  valeur  d'un 
athlète  de  Jésus-Christ,  et  en  un  instant  l'é- 
glise devient  un  amphithéâtre  qu'un  nom- 
bre incroyable  de  spectateurs  remplit.  Celui 
qui  croit  en  moi  vivra,  quoique  mort ,  dit  le 
Seigneur  {Jean,  xi,  25).  Barlaam  est  mort,  et 
il  préside  à  nos  assemblées.  Son  tombeau  ne 
retient  plus  de  lui  qu'un  peu  de  cendres,  et 
ce  peu  de  cendres  devient  l'objet  d'une  fête 
publique.  C'est  aujourd'hui,  mes  frères,  que 
vous  pouvez  vous  écrier  :  Que  sont  devenus 
les  sages  ?  que  sont  devenus  les  docteurs  de  la 
loi?  où  sont  ceux  qui  recherchent  avec  tant  de 
curiosité  les  sciences  de  ce   siècle  (/  Cor,   i, 
20)?  Un  homme  grossier,  un  pauvre  villa- 
geois nous  fait  une  leçon  admirable  de  reli- 
gion et  de  piété.  Un  tyran  se  saisit  sans  peine 
de  cette  innocente  proie;  elle  se  laissa  pren- 
dre et  ne  se  défendit  point  ;  mais  après  que 
le  tyran  en  fut  le  maître,  ii  vit  cette  paisible 
colombe  se  changer  en  un  épervier  plein  de 
valeur  et  de  force.  Il  se  moque  du  langage 
rustique    de   cet   homme  champêtre ,  il  en 
plaisante,  il  en  raille  ;  mais  il  le  voit  combat- 
tre avec  un  courage  de  héros ,  et  il  en  est 
épouvanté.  Son  âme  ne  se  sent  point  de  la 
bassesse  de  son  origine  ni  de  la  barbarie  de 
ses  expressions,  et  sa  raison  ferme  et  droite 
ne  bronche  pas,  comme  son  discours.  Il  peut 
dire  avec  saint  Paul  :  si  je-parle  mal,  je  pense 
bien  ;  et  si  mon  langage  a  peu  de  politesse, 
ma  science  a  beaucoup  d'étendue.  Déjà  les 
bourreaux  sont  rendus,  à  force  de  frapper,  et 
le  martyr  n'en  est  que  plus  frais.  Les  bras  de 
ceux  qui  déchirent  tombent  de  faiblesse,  et 
celui  qui  est  déchiré  est  beaucoup  plus  fort. 
Le  bruit  des  fouets  ne  s'entend  presque  plus; 
les  nerfs  dont  ils  sont  faits  se  sont  relâchés, 
et  la  foi  du  martyr  est  plus  vigoureuse.  Ses 
flancs  épuisés  de  sang  paraissent  tout  dessé- 
chés, et  son  âme  est  plus  florissante  que  ja- 
mais. Une  partie  de  sa  chair  est  déjà  morte, 
et  il  est  plus  vif  qu'au  commencement  du 


combat.  C'est  là  reiïtîi  (pie  l'amour  do  Dieu 
produit   dans  une  âme ,  ([uand  elle  en  est 
toute   préoccupée  :  alors   les    supplices    les 
plus  alfreux  ne  lui  semblejit  inventés  que 
pour  la  divertir;  et  plus  elle  souffre  pour 
celui  qu'elle  aime ,  plus  elle  trouve  de  [)lai- 
sir  à  souiïrir.  Demandez-le  aux  apôtres  :  que 
pensaient-ils  des  coups  de  fouets  que  les 
Juifs  leur   firent   donner   {Act.  v ,  kl)'{   Ne 
leur  furent-ils  pas  infiniment  agréables  ?  Ils 
sortirent  du   conseil,   se  réjouissant  de  ce 
qu'ils  avaient   été  jugés  dignes  de  souffrir 
des  opprobres  pour  le  nom  de  Jésus-Christ. 
«  C'était  avec  ces  sentiments  que  notre 
saint  villageois  recevait  les  coups  de  fouets 
que  la  cruauté  du  tyran  multipliait  à  l'infini. 
Il  s'imaginait  que  cette  grêle  de  coups  était 
une  pluie  de  roses  qu'une  main  obligeante 
faisait  tomber  sur  lui  :  la  fureur  de  ce  juge 
ne  lui  semblait  tout  au  plus  qu'une  légère 
fumée  qui  se  dissipe  aussitôt;  les  mines  me- 
naçantes des  bourreaux  le  faisaient  rire,  et 
tout  cet  appareil  de  supplices  qui  environne 
toujours  les  tyrans,  lui  paraissait  un  parterre 
de  toute  sorte  de  fleurs.  Il  regardait  comme 
des  marques  honorables   les  plaies  dont  il 
était  couvert  ;  il  les  recevait  avec  une  joie 
aussi   empressée  que  si  c'eût  été  des  prix. 
Les  épées  nues,  les  haches,  les  coutelas,  tous 
ces  instruments  qu'il  voyait  teints  du  sang 
des  martyrs,  ne  lui  faisaient  point  de  peur; 
il  se  plaignait  que  les  mains  des  bourreaux 
n'avaient  pas  plus  de  force  que  si  elles  eus- 
sent été  de  cire.  11  embrassa  de  tout  son 
cœur  le  chevalet.  Quand  on  le  conduisit  en 
prison,  il  crut  qu'on  l'avait  fait   entrer  dans 
une  prairie  délicieuse  :  enfin,  sa  main  résista 
à  toute  la  violence  du  feu,  et  son  invincible 
patience  rendit  inutile  la  dernière  machine 
que  ses  ennemis  avaient  dressée  contre  lui. 
Car,  l'ayant  mené  devant  un  autel  où  on 
avait  allumé  du  feu  pour  un  sacrifice,  ils  lui 
prirent  la  main,  la  remplirent  d'encens  tout 
brûlant ,  et ,  la  tenant  immédiatement    au- 
dessus  du  feu,  ils  espéraient  que  ,  n'en  pou- 
vant endurer  l'ardeur,  il  retirerait  sa  main 
avec  précipitation  et  laisserait  tomber  l'en- 
cens sur  l'autel.  Oh  !  que  les  méchants  ont 
de  sortes  de  ruses  1  combien  de  ressorts  ne 
font-ils  point  jouer  pour  venir  à  leurs  fins  ? 
Puisque  nous  n'avons  pu,  disent-ils,  réduire 
cet  homme  à  faire  ce  que  nous  voulions, 
quoique  tout  son  corps  ne  soit  plus  qu'une 
plaie,  essayons  si  le  feu  le  rendra  plus  trai- 
table  :  il  a  démonté  toutes  nos  machines, 
voyons  si  sa  main  sera  à  l'épreuve  des  flam- 
mes. Misérables  !  votre  espérance  sera  vaine. 
Il  est  vrai  que  le  feu   n'épargnera  pas  sa 
main  ;  il  agira  sur  elle  avec  sa  violence  ac- 
coutumée; mais  elle  le  supportera  comme  la 
cendre  le  supporte  ;  elle  le  conservera  comme 
la  cendre  le  conserve.  Notre  intrépide  soldat 
ne  tourne  point  le  dos  à  l'ennemi  ;  il  lui  tient 
tête,  il  le  combat  de  front,  et  il  chante,  pour 
s'animer,  ces  paroles  du  i)rophète  :  Béni  soit 
le  Seigneur    qui    dresse   mon   bras  pour  la 
guerre ,  et  forme  ma  main  au  combat  {Psal. 
cxLiii).  La  main  de  Barlaam  et  le  feu  étaient 
donc  les  combattants;  mais  le  feu  avait  tout 


4Ô1 


Mil 


le  d<5savantage  :  voici  une  nouvelle  manière 
de  vaincre.  Le  feu  peice  la  main  du  martyr 
et  la  pénètre,  et  la  main  domeure  étendue  et 
n'abandonne  point  le  champ  de  bataille.  0 
main  plus  opiniâtre  (jue  le  l'eu  1  6  main  que 
le  feu  le  plus  âpre  ne  peut  obliger  à  se  ren- 
dj'e  !  O  toi ,  qui  de  tous  les  éléments  es  le 
moins  emluranl  :  toiipiine  trouves  jamais  de 
résistance,  conmient  cèdes-tu  à  la  main  d"nn 
houmie  ?  Tu  fais  perdre  au  fer  sa  dureté; 
l'airain  ne  peut  tcinr  contre  ton  activité;  les 
pierres  se  calcinent,  sont  réduites  en  poudre 
par  (a  chaleur,  et  la  main  d'un  martyr  au 
milieu  des  tlaunnes  te  méprise ,  toi  le  vain- 
queur du  fer,  de  l'airain  et  du  jnarbre  !  Sans 
doute  il  s'écria  alors  avi-c  David  ;  Vous  m'a- 
rrz  pris  par  la  main,  vous  )n'avc'z  conduit  se- 
lon votre  volonté,  et  vous  m'avez  fait  après 
entrer  dans  la  gloire  {Psal.  lxx.ii).  A  c|ui 
vous  comparerai-je  ,  soldat  de  Jésus-Christ  ? 
vous  nommerai-je  une  statue  de  bronze  ? 
Mais  c'est  vous  louer  faiblement  ;  le  feu  fait 
fondre  les  statues  de  l)ron/e.  Dirai-je  que 
votre  main  a  l'inflexibilité  du  plus  dur  de 
tous  les  métaux  ?  c'est  trop  peu  dire  encore; 
le  feu  en  vient  h  bout.  Vous  êtes  le  seul 
dnns  la  nature  qui  ayez  pu  persuader  au 
feu  de  se  laisser  vaincre;  vous  êtes  le  seul 
dont  la  main  ait  pu  servir  à  conserver  le  feu. 
Avec  cette  main  embrasée  vous  donnâtes 
raille  soufdets  au.v  démons;  leur  tète  se  fon- 
dit alors  comme  de  la  cire  à  l'aijproche  de 
cette  main,  et  aujourd'hui  qu'elle  est  réduite 
en  cendres  ,  vous  les  leur  jetez  dans  les 
yeux  et  dissipez  ainsi  ces  troupes  infer- 
nales. 

«  Mais   comment  osé-je  entreprendre  de 
parler  de  ce  héros  avec  une  langue  qui  ne 
sait  que  bégayer.  Cédons  cet  lionneur  à  celles 
qui  j)euvent   le  louer  dignement.    Embou- 
chez la  trompette,  illustres  panégyristes  ;  ac- 
courez ici  et  publiez  les  louanges  de  cet  in- 
vincible nuirtyr.  Venez  aussi,  peintres  élo- 
quents, vous  qui  donnez  l'immortalité  à  vos 
figures;  représentez-nous  notre  martyr;  em- 
ployez toute  la  finesse  de  votre  art  à  bien 
marquer  surtout  cette  main  brûlée;  finissez 
celte  éljauche  que  je  viens  de  donner,  et  re- 
haussez, par  l'éclat  de  vos  couleurs  ,  le  som- 
bre crayon  que  j'en  ai  tracé.  Que  le  tableau 
que  vous  ferez  du  combat  et  de  la  victoire 
de  notre  illustre  athlète  eU'ace,  j'y  consens, 
le  peu  que  j'en  ai  peint;  je  ne  serai  point  ja- 
loux de  votre  gloire,  et  je  vous  céderai  avec 
joie  celle   de    savoir    uneux   peindre    que 
moi.  » 

BAKNAHi'::  (saint),  selon  la  Vulgate  latine 

et  qufilqucs  manuscrits  grecs,  se;  nommait 

d'aJjord  José  ou  Joseph.  L<î  nom  d(î  liarnabé, 

qui  signifie  fils  de  consolation,  lui  fut  donné 

|)ar  les  a|»olres,  à  cause  du  don  (|u'il  avait  di; 

consoler  les  allligés,  et  à  cause  de  sa  grande 

douceur.  Originaire  (h;  (',hy|)re,  il  était  (h;  la 

tribu,  de  Lévi.  Il  était  l'un  des  soixanl(!-dix 

disciples.   Après  l'ascension,   il   donna   auv 

apAtres,   le  prix  d'une  terre;  qu'il  avait  dans 

les  environs   de  J(''iusalcni.    (a\  fui  lui  (jui 

)»résuula  saint    l*aul  aux  a|)ùli'es  (piand   ce 

•aint  vint  à  Jéiu-siiloui,  trois   ans  «près  sa 


liAU  iôi 

conversion.  Us  avaient  étudié  ensemble 
sous  Gamaliel.  Saint  Barnabe  accompagna 
saint  Paul  dans  beaucoup  de  ses  voyages, 
parcourant  avec  lui  l'Asie  Mineure,  la  Syrie, 
la  Grèce.  A  Icône  les  deux  saints  faillirent 
être  lapidés  [Voy.  Paul),  ainsi  qu'à  Lystre 
et  à  Derbe.  On  prit  ;i  Lystre  saint  Barnabe 
pour  Jupiter  et  saint  Paul  pour  Mercure. 

L'an  51,  Barnabe  fut  envoyé  d'Antioche  à 
Jérusalem  avec  saint  Paul,  et  s'y  trouva  au 
concile  des  apôtres,  où  il  fut  proclamé  avec 
et  connue  saint  Paul,  ai)ùtre  des  gentils.  Plus 
tard,  ayant  ijuitté  saint  Paul,  il  s'en  alla  prê- 
cher en  Chypre;  c'est  tout  ce  ciue  nous  sa- 
vons de  certain  sur  son  compte  :  ni  ce  que 
le  moine  Alexandre,  de  Chy[)re  a  écrit  de 
lui,  ni  ce  c^u'on  trouve  dans  le  P.  Sirmond, 
ni   ses  actes   qui   portent   le  nom  de  Jean 
Marc,  ni  ce  qui  est  dit  de  lui  dans  les  Bé- 
cognitions,  rien  ne  nous  paraît  de  nature  à 
pouvoir  servir   de  base  à  des  affirmations 
solides.   Le  moine  Alexandre  et  les  Grecs, 
dans  leurs   menées  {Mén.,  11  juin,  p.  82), 
prétendent  qu'il   fut  lapidé  par  les  Juifs  à 
Salamine.   Vers  l'an  W8,  il  aoparut  à  An- 
thème  évoque  de  Salamine,  et  lui  indic^ua  le 
lieu  où  était  son  corps.  Son  sépulcre  ayant 
été   ouvert,   on   y   trouva  son  corps,  ayant 
sur  la  poitrine  l'Evangile  de  saint  Matthieu, 
qu'il  avait  copié   de  sa  main.  L'Eglise  célè- 
bre sa  fête  le  11  juin. 
BABSABAS.  Voy.  Jude. 
BARSABIAS  (saint),  abbé  et  martyr  en  Perse, 
mourut   pour  la   religion  sainte  de  Jésus- 
Christ,   en  l'an  3V2  de  l'ère  chrétienne.  Son 
histoire  est    consignée    avec    celle  de    ses 
compagnons  dans  des  actes  que  nous  don- 
nons après  les  avoir  traduits.  Notre  traduc- 
tion, comparée  parle  lecteur  à  celles  qui  ont 
été  faites,  fera  voir  quelles  bévues  certaines 
fautes  de  traduction,  jointes  à  une  insuffisance 
d'attention  inimaginable,  peuvent  faire  dire 
à  des  historiens.  Quand  le  texte  dit  positive- 
ment   qu'on   meurtrit  de   coups  les  bras  et 
les  jambes  des  saints  martyrs,  les  traduc- 
teurs   que   nous    citons   disent  qu'on  leur 
coupa   bras  et  jambes.  Cela  n'empêche  pas 
qu'ensuite,  ils  ne  les  fassent  marcher  gaie- 
ment au  supplice,  et  qu'ils  ne  racontent  que 
saint  Barsabias,  arrivé  au  lieu  de  l'exécution, 
prit  chacun  de  ses  moines  par  la  main  [tour 
k's  présenter  au  bourreau.  Le  bon  sens  suf- 
fisait ici  j)our  explifjuer  le  texte  chaldaique 
([ui  pourtant  est  fort  clair.   C'est   avec   de 
semblables  récils,  avec  de  pareilles  erreurs, 
(|u'(»u  fausse  les  pièces  les  plus  belles  et  les 
plus  aulhenlicjnes,   et  qu'on  les  lait  rejeter 
ainsi  défigurées  par  les  Instoriens  conscien- 
cieux.  Un  autre  inconvénient  c'est  que  sou- 
vent ces    récits  ainsi   habillés   vont   à   une 
certaine  classe  de  lecteurs  dont  la  foi  robuste 
n'iMilend  reculer  diîvant  au(uni  obstacle,  et 
veut  admettre  tous  les  miracles  prétendus 
(pii  surchargent  l'histoire  déjà  si  grande  des 
miracles   véiitables.   Ces   gens-h\,    nous   en 
connaissons,  font  marcher  les  gens  qui  n'ont 
plus  de  jambes,  l'ont  agir  les  mains  de  ceux 
a    (pii   on  a  cou|)é  les  bras.  Ces  absurdités 
Bonl  i)Our  eux  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  saonij 


4S3  RAR 

vis-à-vis  d'elles  la  discussion  est  interdite, 
et  sacrilège  celui  qui  se  la  permet.  Ces  gens- 
là  ont  une  religion  à  part.  Ce  sont  les  hal- 
luciniVs  du  catliolicismi!  ;  leur  su{)erstition 
accepte  tous  les  miracles  d(i  bonnes  Icm- 
nies  et  les  amulettes  des  d(Wotes.  Ils  ont 
plus  de  confiance  dans  une;  reliipie  douteuse 
que  dans  le  bo7i  Dieu.  Au  lieu  d'invO(pier 
Jésus-Christ  auprès  d'un  m;d;ul(!  ils  le  bario- 
leront d'objets  prétendus  bénits.  Pour  eux 
le  tableau  de  saint  Saturnin-lès-A()t  est 
aussi  peut-être  [)lus  puissant  (pu^  le  saint 
sacrement.  D'où  vient  cela?  de  la  faute  des 
mauvais  livres ,  laits  dans  une  intention 
dévote  par  l'ignorance  ou  la  faiblesse  d'es- 
nrit.  iMais  nos  premiers  pasteurs,  avertis  par 
les  suporclieries  de  Kosette  Tamisier,  veil- 
leront de  plus  en  plus  h  ce  que  ces  livres 
légendaires  ne  s'impriment  plus  sans  leur 
approbation.  Dés  lors  la  vraie  foi  et  la  vraie 
piété  [)Ourront  s'étlilicr  en  pleine  sécurité. 

Martyre  des  saints  Barsahias,  abbé,  de  dix 
moines,  ses  compagnons,  et  d'un  certain 
mage. 

A  peu  près  dans  le  môme  temps  oi!i  saint 
Milles  reçut  la  couronne  du  martyre,  saint 
Barsabias,  qui  était  abbé  d'un  certain  monas- 
tère en  Perse,  et  qui  avait  sous  sa  conduite 
dix  moines,  ses  disciples,  fut  accusé  auprès 
du  préfet  de  la  ville  d'Astahara  par  des  hom- 
mes méchants  et  chargés  de  crimes.  Les  dé- 
lateurs les  accusaient  de  plusieurs  choses  : 
«  Cet  homme  ,  disaient-ils  ,  corrompt  les 
mœurs ,  enseigne  en  outre  une  doctrine 
pernicieuse,  et  veut  peu  à  peu  détruire  la 
religion  des  mages  pour  faire  prévaloir  la 
sienne.  »  C'est  pourquoi  le  préteur,  ayant 
envoyé  des  satellites,  ordonne  que  Barsa- 
bias et  ses  disciples  soient  saisis,  chargés  de 
chaînes  et  conduits  à  son  prétoire.  Là,  ils 
furent  tous  soumis  aux  supplices  les  plus 
cruels  :  d'abord  on  leur  meurtrit  les  genoux 
à  coups  de  barres,  les  bras,  les  jambes  et  les 
côtés  à  coups  de  bâtons  ;  on  leur  coupa  les 
oreilles  et  le  nez,  on  leur  meurtrit  les  yeux. 
Ce  juge  inhumain,  voyant  que  ces  saints 
martyrs  avaient  supporté  les  tourments  les 
plus  cruels,  l'application  de  lames  ardentes 
sur  leurs  membres  sans  succomber,  sans 
abjurer  leur  Dieu,  sans  renoncer  à  la  vraie 
religion,  mais  encore  sans  changer  de  vi- 
sage, de  physionomie,  ordonna  qu'ils  fussent 
conduits  hors  de  la  ville  pour  y  être  mis  à 
mort.  Les  martyrs  marchèrent  au  lieu  du 
supplice,  entourés  d'une  grande  multitude 
de  peuple.  Entre  les  mains  des  licteurs  ils 
chantaient  des  hymnes  et  des  psaumes  à  la 
louange  du  Seigneur.  11  arriva  sur  ces  entre- 
faites que  le  carnage  des  saints  étant  déjà 
commencé,  un  certain  mage  à  cheval  et  son 
épouse,  ses  deux  fils  et  plusieurs  domesti- 
ques qui  venaient  de  partir  de  la  ville  pas- 
sèrent dans  ce  lieu.  Le  mage,  ayant  vu  l'im- 
mense multitude  de  peuple  assemblé,  donna 
l'ordre  à  son  cortège  d'aller  un  peu  en  avant, 
pendant  que  lui-même  irait  voir  ce  que 
signitiait  tout  ce  concours.  Il  vint  donc  sur 
son  cheval,  le  domestique  le  précédant,  et 


KAK 


454 


ayant  écarté  la  foule,  il  s'arrêta  assez  près 
des  martyrs.  11  vit  l'illustre  abbé,  l'air  joyeux 
et  chantant  des  psaumes,  non  content  d'en- 
courager ses  disci[)l('s  à  sonllVir  courageuse- 
mtuit  la  mort,    j)rendre  chacun  d'eux  par  la 
main   i)Our   les   conduire;   au   bonncau,  alni 
(|u'ils  subissent  les  supplices  ([ui  leur  étaient 
(icstinés.   A  ce  spectacle,  le  mage,  IVappé  de 
stupeur,   eut  une  admirable  vision,  (tétait 
Dieu  ({ui  lui  ouvrait  his  yeux.  11  lui  sembla 
voir    un   feu   brillant   d'une  admirable   lu- 
mière  et  disposé   en   forme  de  croix,  au- 
dessus  des  corps  des  martyrs  qu'on  venait 
d'égorger.  Vivement  frappé  par  cette  vision, 
presque  épouvanté,  il  sauta  prom|)tement  de 
cheval,  et  ayant  cliangé  de  vêtements  avec 
son  domesti((ue,  il  vint  raconter  à  l'oreille  à 
l'abbé  le  miracle   dont  il  venait  d'êlre  le  té- 
moin, et  il  ajouta  :  «  Toutes  ces  choses,  cette' 
vision,    me  donnent  à   croire  que  j'ai   été 
choisi  par  votre  Dieu  pour    que  je  meure- 
avec   vous   martyr   de   la  même  foi.    C'est 
pourquoi  je  reconnais   déjà   un  seul  Dieu,, 
qui  est  le  vôtre,  et  je  le' confesse  du  plus, 
])rofond  dç  mon  cœur.  Et  puisque  personcae 
ne  sait  que  je  ne  suis  pas  un  de  vos  comij-a- 
gnons,  un  de  vos  disciples,  ne  vous  montrez 
pas  sévère   et  cruel  envers  moi;  prenez-moi 
juar  la  main,  comme  les  autres,  et  livrez-moi 
aux  licteurs  pour  être  tué  ;   car  c'est  voloiai- 
tairement  que  je    veux  subir  la  mort  avec 
vous,  que  je  la  désire  absolument  ;  avec  vous, 
dis-je,  qui  êtes   le  peuple   saint,  vrai  et  (i-^ 
dèle.  »  Barsabias  se  rendit  à  ses  vœux,  vive- 
ment touché  par  la  relation  de  la  vision  qu'il 
avait  eue.  Il  prit  le  mage  par  la  main,  comme- 
les  autres,  et   le  présenta  pour  être  tué  aus 
bourreau,  qui  ignorait  entièrement  ce  qui  se 
passait,  après  le  neuvième  de  ses  moines.  M 
fut   mis    à  mort  le  onzième.  (Il  semblerait 
qu'il  y  fait  erreur  ici,  et  que  le  mage  eût  dû. 
mourir  le  dixième  ;  mais  il  est  fort  possible 
que  les  bourreaux  aient  retardé  sa  mort  pour 
un  motif  que   nous  ignorons.)  L'abbé  pré- 
senta sa  tête  au  bourreau  le  dernier  après  la 
mort  de  tous  les  autres.  Ainsi  ce  fut  le  mage- 
qui   compléta  et  fm.it   ce  nombre  de  do.aze 
martyrs.  Leurs  têtes  furent  apportées  dans, 
la  ville  et  pendues,  pour  effrayer  la  multitude, 
dans  le  temple  de  Nahitis  (Vénus),  déesse 
des  Perses. 

Peu  de  temps  après,  l'admirable  subter^ 
fuge  du  mage  fut  connu  ;  quand  le  bruit  s'en 
fut  répandu  par  toute  la  province,  il  excita 
l'admiration  universelle,  et  plusieurs,  à 
cause  de  cela,  se  donnèrent  au  Christ  et 
embrassèrent  la  vraie  religion  ;  de  ce  nom- 
bre furent  l'épouse  du  mage,  ses  Ois,  sf^ 
domestiques,  qui  immédiatement  se  tiient 
instruire  des  dogmes  chrétiens ,  et  qui , 
ayant  été  baptisés,  passèrent  tout  le  reste  de 
leur  vie  dans  la  crainte  de  Dieu  et  dans  la 
pratique  de  la  religion. 

Le  martyre  de  ces  saints  arriva  le  dix- 
septième  jour  de  la  lune  du  mois  de  juin. 
L'Eglise  célèbre  leur  fête  le  20  octobre.  {Tra- 
duction de  Vauteur.) 

BAiibES  (saint),  évêque  d'Edesse  et  con- 
fesseur, fut  banni  pour  rorihodoxie,  en  37.% 


135 


BAS 


BAS 


436 


par  l'empereur  arien  Valens.  Il  fut  envoyé 
sur  les  confins  de  la  Mésopotamie,  et  finit  sa 
vie  dans  son  exil.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
30  jaijvier.  (T  ow.  Valens,  empereur.) 

BARSIMÉE  (saint)  ,  évoque  d'Edesse ,  a 
soulfert  sous  Trajan,  avec  saint  Sarbèle  et 
sainte  Barbée.  Leurs  Actes,  qu'on  peut  trou- 
ver dans  Bollandus  (  29  janvier,  pag.  923), 
portent  qu'ils  furent  raartyiisés  sousLysias, 
lieutenant  de  Trajan;  d'après  cela,  ces  faits 
n'ont  i)u  se  passer  ([u'en  l'année  116,  quand 
Edesse  fut  prise  et  brûlée.  Il  faut  bien  se  re- 
porter au  temps  où.  Ljsias  s'est  trouvé  à 
Edesse.  Ces  faits  prouvent  que  la  persécu- 
tion continua  jusqu'à  la  fin  du  règne  de 
Trajan.  Nous  ne  donnons  pas  les  Actes  de 
ce  saint  ;  ils  ne  nous  paraissent  pas  assez 
authentiques.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  30  jan- 
vier. 

BARTHÉLÉMY  (saint),  apôtre  et  martyr. 
On  n'a  pas  de  certitude  sur  le  genre  ni  sur 
le  lieu  de  sa  mort.  Les  uns  disent,  qu'ayant 
porté  la  foi  jusque  dans  les  Indes,  il  y 
trouva  la  palme  du  martyre,  et  qu'il  fut  dé- 
capité. Les  autres  prétendent  qu'il  fut  écor- 
ché  à  Albane  en  Arménie.  On  fait  aujour- 
d'hui sa  Me  le  2iaoût. 

BARTHÉLEMI-GENESTOR  (  le  bienheu- 
reux), fut  martyrisé  dans  l'île  Minorque,  par 
Barberousse,  qui  y  fit  une  descente  en  1536. 
il  eut  pour  compagnon  de  son  martyre 
François  Coll.  Ces  deux  frères  mineurs  , 
voyant  les  ravages  que  Barberousse  com- 
mettait dans  Mahon,  consumèrent  les  hos- 
ties qui  se  trouvaient  dans  le  saint  ciboire, 
afin  de  les  dérober  à  la  profanation  des 
infidèles.  Barberousse  leur  fit  souflVir  de 
cruelles  tortures.  C'est  ainsi  qu'ils  obtinrent 
la  couronna  du  martyre.  (Wadding,  an.l53G, 
n'  7.) 

BARUE  (saint),  martyr  k  Carthage,  en  250, 
sous  le  règne  et  durant  la  persécution  de 
l'empereur  Dèce,  fut  enfermé  dans  un  ca- 
chot avec  une  foule  d'autres  chrétiens,  où, 
par  ordre  de  l'empereur,  on  les  laissa  mourir 
de  faim.  L'Eglise  fait  la  fête  de  tous  ces 
saints  martyrs  le  17  avril,  avec  celle  de 
saint  Mappalique.  (Voy.  Victoiun.) 

BARULAS  (saint),  jeune  enfant,  eut  la 
gloire  et  le  bonheur  de  mourir  pour  Jésus- 
Christ,  en  l'année  303,  sous  le  règne  et  du- 
rant la  grande  persécution  de  l'empereur 
Dioclétien.  A  l'instigation  de  saint  Romain, 
il  avait  confessé  courageusement  dans  la 
ville  d'Antioche,  où.  il  était  n^,  qu'il  n'y 
avait  (ju'un  seul  Dieu,  et  que  c'était  une 
souveraine  impiété  d'en  adorer  plusieurs. 
Après  avoir  éU'i  atrocement  battu,  il  fut  dé- 
capité. Durant  son  supi^lice ,  la  mère  ne 
cessa  de  lui  prodiguer  ses  exhortations. 
L'Eglise  honore  sa  mémoire,  avec  celle  do 
«amt  Romain,  le  18  novembre.  {Voy.  Ceil- 
lier,  t.  111,  p.  W:i  et  Ul'S.) 

BAS,  ou  Bassk  (saini),  évoque  de  Nice, 
près  la  rivière  du  V<jr,  fut  arrêté  sous  Dèce, 
\>ni  ordre  du  président  Pércnrne.  Il  lut  hor- 
rilileiuent  touiinenté  sin-  le  cluivahît  ;  ensuite 
on  h;  iiiûla  partout  avec  des  l.iines  ardentes; 
il   l'ut  Iwltu  <TU'  lli-im-nl,  (lérliin-  avec   des 


scorpions,  et  enfin  jeté  dans  le  feu,  d'où  il 
sortit  sain  et  sauf.  Ensuite  il  fut  percé,  de  la 
tête  aux  pieds,  avec  deux  longues  broches  en 
fer,  que  ses  Actes  nomment  de  grands  clous. 
C'est  ainsi  qu'il  termina  son  martyre.  L'E- 
glise célèbre  sa  fête  le  5  décembre.  Depuis 
quelque  temps  on  a  retrouvé  son  corps. 

BASILE  (saint),  prêtre  et  martyr,  était  ap- 
phqué  sans  rel;\che  à  enseigner  aux  hommes 
les  véi'ités  chrétiennes,  et  à  les  détrom{)er  de 
l'erreur  et  du  mensonge.  11  s'elforgait  de  les 
conduire  dans  les  voies  de  Jésus-Christ,  et 
de  les  détourner  de  celles  du  démon.  Il  ne 
cessait  de  leur  prêcher  que  des  temps  fî- 
cheux  s'approchaient  ;  que  les  principaux 
chefs  de  la  milice  des  enfers  eu  étaient  sor- 
tis, et  semaient  partout  des  juéges,  des  pé- 
rils et  des  scandales  ;  que  parmi  les  ministres 
de  Jésus-Christ  il  se  trouvait  des  ministres 
du  démon  revêtus  de  peaux  de  brebis,  mais 
qui  n'étaient  en  effet  que  des  loups  cruels  et 
ravissants,  qui  ne  cherchaient  qu'à  se  rassa- 
sier des  âmes  ;  qu'il  fallait  marcher  avec  de 
grandes  précautions.  Il  criait  de  toute  sa 
force  et  avec  toute  rintréj)idite  et  toute  l'as- 
surance d'un  prophète  :  Suivez-moi ,  vous 
tous  qui  voulez  arriver  au  bonheur  éternel, 
je  vous  montrerai  la  voie  qui  y  conduit,  et 
je  vous  marquerai  en  même  temps  celle  qui 
mène  à  un  malheur  éternel.  Je  vous  ferai 
voir  dans  quel  abîme  se  précipitent  ceux  qui 
abandonnent  le  Dieu  vivant  pour  courir 
après  des  idoles  sourdes,  muettes  et  aveu- 
gles. Quel  avantage  pensez-vous  qu'ils  tirent 
d'un  changement  si  peu  sensé?  De  brûler 
dans  un  feu  qui  ne  s'éteindra  jamais  :  c'est 
pourquoi  tous  autant  que  nous  sommes,  qui 
désirons  conserver  le  trésor  inestimable  de 
la  foi,  ne  craignons  point  de  fouler  aux  pieds 
toute  cette  pompe  vaine  et  ridicule  avec  la- 
quelle le  démon  amuse,  surprend  et  engage 
les  esprits  qu'il  a  séduits  :  méprisons  ces 
niaiseries  dont  il  occupe  les  yeux  et  le  cœur 
de  ses  misérables  esclaves  :  que  la  difficulté 
de  l'entreprise  ne  nous  rebute  point,  Jésus- 
Christ  sera  avec  nous  ;  il  nous  soutiendra,  il 
nous  défendra,  il  nous  récompensera. 

C'était  avec  de  semblables  discours  que 
Basile  parcourait  chaque  jour  toute  la  ville 
d'Ancyre;  exhortant,  pressant,  menaçant  un 
chacun,  encourageant  les  uns  par  l'espérance 
des  biens  à  venir,  iiitiniidanl  les  autres  par 
la  crainte  des  peines  futures,  insi)irant  à  tous 
le  mépris  des  tourments  et  de  la  mort.  Ce- 
pendant Eudoxe  (  1  ),  Macaire,  Eugène,  et 
quel(|ue.s  autr(.'s  évêqucs  ariens,  (jui  étaient 
assemblés  à  Constantinople,  lui  défendirent 
d'aller  ainsi  [)rêchant  au  peui)le  des  vérités 
qui  ne  leur  plaisaient  pas;  mais  en  même 
temj)sdeux  cent  trente  évêcpuîs,  (lui  tenaient 
un  concile  dans  la  Palestine,  rexhorlaient  à 
continuer,  à  ne  rien  craindre,  à  agir  tou- 
jours avec  confiance,  et  enfin  à  se  ressou- 
venir (lu'élant  un  des  prineipauv  officiers  du 
palais  de  remi)ereur,  il  devait  ilonner  l'exem- 
ple d  une  jtlus  parfaite  fiaélilé  envers  Jésus- 

(1)  Kvcqiie  arien  de  Guriiiuiiicio,  puis  d'Anliochc, 

cl  ciiliii  do  Constaiilinoplc,  l'an  300. 


437 


BAS 


BAS 


138 


Christ.  Ainsi  ce  saint  homme,  marchant  en 
la  présence  de  Dieu,  aunon<;ait  hardiment  la 
doctrine  irn^prcMiensible  de  la  foi;  et  la  ré- 
gularité de  sa  vie,  jointe  à  la  Ibrcc  de  ses 
paroles,  relirait  chaque  jour  de  l'erreur  plu- 
sieurs chrétiens  qui  s'y  étaient  malheureu- 
sement laissés  engager.  L'Kglise  était  ()Our 
lors  dans  une  horrible  agitation.  On  déféra 
Basile  à  l'empereur  Constanlius,  counne  un 
homme  inquiet,  séditieux,  et  qui  par  ses 
prédications  emportées  fomentait  le  trouble 
et  la  division.  Le  prince  voulut  l'interroger 
lui-mC'me  ;  mais  il  fut  toujours  invariable 
dans  ses  réponses,  toujours  ferme  et  iné- 
branlable dans  la  foi  et  dans  la  tradition  des 
Pères  ;  défendant  avec  beaucoup  de  capacité 
et  de  zèle  la  croyance  orthodoxe.  Ce  qui  en- 
leva bien  des  sujets  ii  l'hérésie. 

Après  la  mort  de  Constantius,  Julien  étant 
parvenu  à  l'empire,  et  ayant  renoncé  ouver- 
tement au  christianisme,  il  entreprit  de  ga- 
gner à  ses  dieux  tout  autant  d'âmes  qu'il 
pourrait.  Il  se  fit  le  docteur  de  Fidolûtrie,  il 
publia  ses  dogmes  impies  touchant  le  culte 
qu'il  voulait  qu'on  rendit  à  ces  divinités  ina- 
nimées et  insensibles,  et  il  l'établit  dans  la 
Calatie,  où  l'on  vit  durant  quinze  mois  fu- 
mer les  autels  des  dieux  de  Julien.  Basile, 
sensiblement  affligé  du  malheur  de  l'Eglise, 
et  craignant  pour  Ancyre,  sa  patrie,  fit  publi- 
quement cetie  prière  à  Jésus-Christ  :  «  Sau- 
veur du  monde,  lumière  qui  ne  peut  être 
obscurcie,  soleil  qui  dissipe/,  les  ténèbres  de 
Terreur,  trésor  immense  des  richesses  infi- 
nies de  la  divinité  :  Seigneur  tout-puissant, 
jetez  les  yeux,  je  dis  ces  yeux  qui  sont  quel- 
quefois allumés  d'une  sainte  et  redoutable 
colère,  ces  yeux  qui  lancent  sur  les  pécheurs 
la  foudre  et  la  mort,  jetez-les  sur  ces  céré- 
monies abominables,  et  dissipez -les  avec 
ceux  qui  les  pratiquent.  Ne  permettez  pas 
qu'elles  prévalent  sur  la  vérité  que  vous  nous 
avez  enseignée  :  renversez  ces  autels  et  leurs 
ministres.  Rendez  leurs  projets  inutiles , 
qu'ils  ne  puissent  jamais  séduire  les  âmes 
de  ceux  qui  croient  en  vous.  »  Cette  prière 
fut  entendue  de  quelques  adorateurs  des 
idoles.  Ils  en  frémirent  de  rage  contre  celui 
qui  la  faisait  ;  et  l'un  d'eux,  nommé  Macaire, 
se  jeta  sur  Basile  et  le  maltraita.  Méchant 
homme,  lui  dit-il,  tu  mets  toute  la  ville  en 
rumeur  par  tes  discours  séditieux  ;  as-tu  bien 
l'audace  d'attaquer  une  religion  que  l'empe- 
reur a  si  sagement  rétablie  ?  Basile  lui  ré- 
pondit :  Que  le  Seigneur  t'arrache  cette  lan- 
gue, misérable  esclave  du  démon.  Ce  n'est 
pas  moi  qui  détruis  ta  religion,  mais  ce  sera 
celui  qui  règne  dans  le  ciel,  celui-là  même 
qui  l'a  déjà  renversée;  celui-là,  dis-je,  saura 
bien  encore  le  moyen  de  l'exterminer  une 
seconde  fois.  Il  saura  bien  faire  évanouir 
tous  les  desseins  chimériques  de  ton  empe- 
reur, jusqu'à  ce  qu'il  le  réduise  aux  derniè- 
res extrémités,  où.  il  ne  trouvera  plus  que  la 
mort  seule,  qui  lui  sera  alors  donnée  comme 
la  juste  punition  de  son  insolente  révolte 
contre  Dieu. 

Celte  réponse  ne  fit  qu'irriter  encore  da- 
vantage les  esprits.  On  l'entraîne  chez  le  pro- 


consul (Saturnin).  Cet  homme,  s'écrient  lu- 
mulluairement  cent  personnes  à  la  fois,  met 
le  trouble  et  la  confusion  dans  toute  la  ville. 
Nous  l'avons  trouvé  enseignant  au  peuple 
une  doctrine  dangereuse  ;  il  dit  qu'il  faut 
renverser  les  autels  des  dieux,  et  il  parle 
d'eux  et  de  l'empereur  en  de  forts  mauvais 
termes  ;  le  peuple  l'écoute,  et  il  en  a  déjà 
perverti  [)lusieurs.  Le  proconsul  lui  demanda 
qui  il  était,  et  comment  il  avait  la  hardiesse 
de  faire  de  semblables  choses.  Je  suis  chré- 
tien, répondit  Basile.  Le  proconsul  :  Puisque 
vous  êtes  chrétien,  que  ne  faites-vous  donc 
ce  qu'un  chrétien  doit  faire  ?  Basile  :  Je  le 
fais  aussi;  car  enfin  un  chrétien  doit  faire 
toutes  ses  actions  à  la  vue  de  tout  le  monde. 
Le  proconsul  :  Pourquoi  excitez- vous  du  tu- 
multe dans  la  ville,  en  parlant  de  l'empereur 
peu  respectueusement,  et  en  le  faisant  pas- 
ser pour  un  prince  qui  viole  impunément  les 
lois  les  plus  saintes,  en  blasphémant  contre 
sa  personne  sacrée  et  contre  sa  religion? 
liasik  :  Il  n'est  rien  de  tout  cela.  Je  n'ai 
blasphémé  ni  contre  l'empereur  ni  contre  sa 
religion.  Mais  cet  empereur  dont  je  parle  est 
le  Dieu  du  ciel  et  de  la  terre,  qui  règne  sou- 
verainement sur  tous  les  hommes,  que  nos 
pères  ont  adoré.  C'est  lui  qui  peut  en  un  mo- 
ment vous  confondre,  vous  et  vos  dieux.  Le 
proconsul  :  A  votre  compte,  elle  ne  serait 
pas  véritabb^  la  religion  que  notre  prince  a 
rétablie?  Basile:  Comment  le  serait-elle? 
vous-même,  seigneur  gouverneur,  la  croyez- 
vous  telle?  Une  religion  qui,  plus  vorace  que 
ne  sont  des  chiens  affamés,  va  dévorant  des 
chairs  à  demi-crues,  pousse  comme  ces  ani- 
maux des  hurlements  devant  les  autels  des 
démons,  et  i'répand  son  sang  autour  de  ces 
mêmes  autels.  Est-ce  là  une  religion  poui 
des  hommes?  La  raison  peut-elle  recevoir  un 
pareil  cuite?  Le  proconsul:  Vous  ne  dites 
que  des  sottises,  Basile  ;  taisez-vous,  et  obéis- 
sez à  l'empereur.  Basile  :  J'ai  obéi  jusqu'à 
présent  à  l'empereur  du  ciel,  je  ne  lui  man- 
querai jamais  de  fidéUté.  Le  proconsul  :  De 
Cfuel  empereur  parlez-vous?  Basile  :  De  ce- 
lui qui  réside  dans  le  ciel,  et  qui  voit  et 
considère  toutes  choses.  Pour  cet  autre  dont 
vous  voulez  m'obligér  de  recevoir  les  ordres, 
il  ne  commande  que  dans  un  coin  de  la  terre, 
et  bientôt  n'y  commandera  plus;  mais  n'é- 
tant qu'un  homme  ,  il  tombera  à  son  tour 
comme  les  autres  hommes  au  pouvoir  du 
grand  roi,  qui  lui  fera  rendre  compte  de  ses 
actions.  Le  proconsul,  peu  satisfait  de  ses 
réponses,  fit  mettre  le  saint  sur  le  chevalet. 
Pendant  qu'on  le  tourmentait,  il  disait  :  Sei- 
gneur, Dieu  de  tous  les  siècles,  je  vous  rends 
grâce  de  ce  que  vous  m'avez  jugé  digne  de 
marcher  dans  le  chemin  des  souiirances;  en 
le  suivant,  je  suis  sûr,  Seigneur,  d'arriver  à 
la  vie,  et  de  me  trouver  dans  la  compagnie 
de  ceux  que  vous  avez  faits  héritiers  de  vos 
promesses,  et  qui  en  jouissent  déjà.  Que 
vous  en  semble,  interrompit  le  proconsul  ; 
croyez-vous  maintenant  que  l'empereur  de 
la  terre  peut,  qn-ind  il  lui  plaît,  punir  ceux 
qui  refusent  d'tbéir  à  ses  ordres?  Si  vous 
l'ignorez,  l'expérience  est  une  grande  mai- 


439 


BAS 


tresse,  elle  pourra  vous  l'apprendre.  Voulez- 
vous  iiiV'n  croire,  sacrifie/,  Basile.  Je  ne  vous 
en  croirai  pas,  réplicjua  IJasile,  je  ne  sacri- 
fierai point.  Le  jn-oconsul   l'envoya  en  pri- 
son. Connue  on  l'y  conduisait,  il  rencontra 
un  certain  Félix,  un  dcbauché  do  profession, 
(jui  lui  dit  :  Où  vas-lu  te  perdre,  mon  pauvre 
Jîasile;  que  ne  le  fais-tu  plutôt  ami  des  dieux, 
tu  le  serais  bientôt  de  C(^sar?  Aulrement  tu 
peux  l'attendre  à  soutfrir  terriblement,  et 
l'on  peut  dire  que  ce  sera  avec  justice.  Ba- 
sile, lui  jetant  une  œillade  foudroyante,  lui 
répondit:   Ne   m'approche  pas,    misérable, 
homme  pétri  de  vices,  esprit  impur;  c'est 
Lien  à  toi  à  pénétrer  les  motifs  qui  me  font 
agir  1  comn)enl,  environné  de  ténèbres,  pour- 
rais-tu entrevoir   le  moindre  rayon  de  vé- 
rité? En  disant  cela  il  entra  daris  la  prison. 
Cependant  le  proconsul  ayant  informé  Ju- 
lien de  tout  ce  c{ui  s'était  passé  dans  cette 
alfaire,  ce  prince  envoya  sur  les  lieux  Elpi- 
duis  (1  j  et  Pégaze,  deux  hommes  qui  sétaient 
entièrement  dévoués  à  lui,  et  qui   lui  ser- 
vaient d'émissaires  pour  perdre  les  âmes  :  ils 
prirent,    en  passant  à  Nicoraédle,  un  autre 
scélérat  nommé  Asclépius,  qui  était  prêtre 
d'Esculape.  Etant  donc  arrivés  tous  trois  ci 
Ancvre,  ils  se  firent  d'abord  rendre  compte 
de  l'état  oii  était  l'affaire  qui  les  y  amenait. 
Ils  surent  que  Basile  était  en  prison,  où  il  ne 
cessait  de  louer  et  de  glorifier  Dieu.  Le  len- 
demain de  leur  arrivée,  Pégaze  y  alla  seul, 
dans  le  dessein  de  conférer  avec  lui.  Dès 
qu'il  l'aperçut  il  lui  cria  :  Je  suis  très-hum- 
ble serviteur  à  Basile.  A  quoi  le  saint  répon- 
dit :  Et  Basile  n'est  pas  le  tien,  détestable 
prévaricateur,  infâme  déserteur  de  la  milice 
de  Jésus-Christ.  Te  souvient-il,  traître,  de  tes 
jiremières  années,  de  ces  heureux  temps  où 
tu  puisais  dans  les  sources  toujours  jmres, 
toujours  claires  de  la  parole  divine?  Et  main- 
tenant tu  ne  te  remplis  que  d'eaux  bourbeu- 
ses. Alors  tu  participais  aux  mystères  sacrés 
de  la  table  de  Jésus-Christ,  aujourd'hui  tu 
manges  à  celle  des  démons.  Dans  ces  jours 
fortunés,  tu  étais  le  docteur  et  le  maître  de 
la  vérité,  et  tu  es  devenu  le  chef  des  i)ersé- 
culeurs  de  la  vérité.  Tu  célébrais  avec  des 
saints  des  fêles  toutes  saintes,   et  tu  n'en 
connais  plus  que  de  profanes  que  tu  solen- 
nises  avec  les  ministres  de  Satan.  Misérable, 
comment  t'es-tu  laissé  enlever  do  si  grandes 
richesses?  Comment  as-tu  renoncé  à  do  si 
beaux  droits?  Que  feras-tu,  que  répondras- 
tu  lorsr|uo  tu  paraîtras  devant  le  tribunal  de 
Dieu?  11  se  mit  ensuite  à  prier  tout  haut  : 
"  Seigneur,  disait-il,  soyez  glorifié  :  vous  (jui 
aimez  à  vous  découvrir  à  vos  serviteurs,  à 
(;(iux  qui  désirent  sincèrement  vous  connaî- 
tre; vous  (jui   répandez   une  parli(!  de  votre 
gloir<'  sur  ceux  (lui  e.s))èrent  en  vous,  el  cou- 
vi(;z  de   confusion   ceux  (jui  méprisent  vos 
saintes  lois;  vous  enfin  ({ui  êtes  glorifié  dans 

(I)  C'est  le  comte  Eliildiiis,  grand  iiiftUre  de  la 
maison  (!<;  Vnupcrcuv,  Icqiw;!  (■ml)rassa  le  paganisme 
|);ir  |)iii(;  (  (m)|)l;iis:iii((' pdiir  .iiilii'ii.  Apres  la  iiiorl  de 
(;<■  priiict;  il  Ii>imI);i  dans  l<;  mépris  sous  ^es  smxos- 
seiirs;  cl  a  la  < our  de  Valeiis,  on  ne  l'appelait  (lUO 
|(!  lacrilicalfîiir  KIpidiiis. 


BAS  4M) 

le  ciel  et  adoré  sur  la  terre ,  ne  permettez 
pas,  ô  Dieu  tout  bon,  que  votre  serviteur 
tombe  dans  les  ])iéges  du  démon  ;  accordez- 
lui  toujours  la  grAce  de  haïr  ceux  qui  haïs- 
sent la  sainteté  de  votre  loi,  de  résister  à 
leurs  attaques,  de  méj)riser  leurs  menaces, 
de  triompher  de  leurs  forces.  »  ;;?*;-( 

Pégaze,  outré  au  dernier  point  d'un  dis- 
cours  qui  le  ménageait  si  peu,  sortit  de  la 
prison,  jurant  {)ar  tous  ses  dieux  qu'il  s'en 
vengerait.  11  redit  la  chose  <i  ses  deux  com- 
pagnons, et  il  n'eut  pas  de  peine  à  les  faire 
entrer   dans  son  ressentiment.  Ils  allèrent 
tous  trois  trouver  le  proconsul,  et  lui  por- 
tèrent leur  plainte  contre  Basile.  Le  ])rocon- 
sul,  voulant  gratifier  Pégaze  qui  faisait  le  plus 
de  bruit  ,   commanda  qu'on  lui  amenât  le 
saint.   Lorsqu'il  fut  arrivé,  il  fit  sur  lui  le 
signe  de  la  croix,  et  dit  au  proconsul  sans 
s'émouvoir  :  Vous  pouvez  maintenant  faire 
ce   qu'il  vous  [daira.   Elpidius,  l'entendant 
parler  de   la  sorte,    dit  au  proconsul  :  Cet 
liomrae-là  est  un  franc  scélérat,  ou  un  fou 
achevé.  Je  suis  d'avis  qu'on  lui  donne  forte- 
ment la  question;  s'il  se  rend,  à  la  bonne 
heure;  sinon  il  faut  renvoyer  son  affaire  à 
l'empereur.  Le  proconsul  le  fit  donc  étendre 
par  les  pieds  el  par  les  mains  ;  en  sorte  que 
ses  nerfs,  ses  muscles  et  ses  tendons  s'allon- 
geaient ^  mesure  que  les  roues  de  la  ma- 
chine tiraient  les  cordes  avec  lesquelles  il 
était  attaché.   Mais  lui,   adressant  la  parole 
au  proconsul,  lui  dit  :  Jfe  te  défie  avec  toute 
ton  impiété,  et  tes  trois  compagnons  avec 
toute  leur  puissance.  Ni  toi  ni  eux  ne  pour- 
rez rien  contre  moi,  parce  que  Jésus-Christ 
est  pour  moi.  Alors  le  proconsul  dit  :  Qu'on 
apporte  les  fers  les  plus  pesants  qu'on  pourra 
trouver,  qu'on  les  lui  mette  au  cou  et  aux 
mains,  afin   que  je  l'envoie   à  l'empereur; 
qu'on  le  renferme  cependant  jusqu'à  ce  que 
je  le  fasse  partir. 

Sur  ces  entrefLÙtes  Julien  vint  îi  Ancyre. 
Los  prêtres  d'Hécate  allèrent  au-devant  de 
lui,  portant  leur  déesse  sur  un  brancard  :  il 
leur  fit  do  grandes  largesses.  Le  lendemain, 
comme  il  assistait  aux  spectacles,  Elf)idius 
lui  parla  de  Basile:  l'enq^ereur  le  voulut  voir 
au  sortir  de  l'amphithéAlre.  Lo  saint  parut 
devant  lui  avec  un  air  tout  h  fait  majestueux. 
Qui  êtes-vous,  lui  dit  Julien,  votre  nom?  Je 
vais  vous  l'apprendre,  lépondit  Basile  :  Pre- 
mièrement je  m'appelle  chrétien  :  ce  nom 
est  grand,  et  il  est  glorieux  de  le  porter.  Car 
celui  do  Jésus-Christ  est  un  nom  éternel,  qui 
ne  |)érira  jamais,  ([ue  la  suite  des  siècles  ne 
pourra  jamais  elfacor;  un  nom  qui  surpasse 
toute  la  grandeur,  toute  la  gloire,  toute  l'in- 
telligence humaine.  Outre  ce  nom  do  chré- 
tien, conliiuia-l-il ,  jt;  porte  encon^  celui  do 
Basile  :  el  c'(;st  sous  celui-là  (jue  je  suis 
connu  dans  le  monde.  Mais  si  je  conserve 
sans  tache  lo  priMuiei',  je  recevrai  do  Jésus- 
Christ  l'inmiortalilé  bienheureuse  pour  ré- 
compense. Vous  êtes  dans  l'eireur,  Basilp, 
répli(pia  Julien;  vous  n'ignorez  |)as  que  j'ai 
(pirhpie  coimaissaiic<î  de  vos  mystères  ;  je 
vous  a|i[jrenils  (pu-  celui  en  cpii  vous  mettez 
votre  espérance  n'esl  pas  le!  iiue  vous  peu- 


441 


BAS 


BAS 


442 


soz;  il  est  mort,  croyez-moi,  et  bien  mort, 
IMIato  étant  pour  lors  gouverneur  de  la  Ju- 
dée. Je  ne  suis  point  dans  Terreur,  repaitit 
Basile;  c'est  vous,  ô  eirip(U*eur  !  qui  y  êtes; 
vous  qui  avez  renoncé  Jésus-CIwist  dans  le 
moment  nu'^nio  (pi'il  vous  donnait  l'empire; 
mais  je  vous  avertis  ({u'il  vous  Fùtera  dans 
peu  avec  la  vie;  et  vous  connaître/  alors, 
mais  trop  tard,  quel  est  celui  que  vous  avez 
abandonné.  ïu  en  auras  menti,  faux  [)ro- 
phéle,  dit  Julien;  la  chose  n'arrivera  j)as 
ainsi.  Je  dis  la  vérité,  reprit  Basile  :  sachez 
que  comme  vous  avez  bien  voulu  perdre  la 
mémoire  des  bienfaits  que  vous  aviez  reçus 
de  lui,  de  même  il  oubliera  sa  bonté  quand 
il  voudra  vous  punir.  Vous  n'avez  eu  au- 
cun respect  jwur  ses  autels,  vous  les  avez 
renversés,  il  vous  renversera  de  votre  trône; 
vous  avez  pris  plaisir  à  violer  sa  loi,  cette 
loi  que  vous  avez  tant  de  fois  annoncée  au 
peujjle  (1);  vous  l'avez  foulée  aux  pieds,  votre 
cor()s  restera  sans  sépulture,  il  sera  foulé  aux 
pieds,  après  que  votre  âme  en  sera  sortie 
f)ar  l'etfort  des  plus  violentes  douleurs.  Mon 
dessein  était  de  te  sauver,  repartit  Julien  ; 
mais  puisque,  sans  aucun  respect  pour  mon 
rang,  non-seulement  tu  rejettes  les  conseils 
que  je  te  donne,  mais  aussi  que  tune  crains 
point  de  me  parler  avec  la  dernière  inso- 
lence, je  dois  venger  la  majesté  de  l'empire 
si  horriblement  outragée  on  ma  personne.  Je 
veux  donc  que  chaque  jour  on  lève  sur  ton 
corps  sept  aiguillettes  de  chair.  Il  commit  à 
cette  exécution  le  comte  Frumentin,  chef 
des  écuyers  du  palais.  Après  que  le  saint 
eut  enduré  avec  une  patience  admirable  ces 
cruelles  incisions  :  Je  souhaiterais,  dit-il, 
parler  à  l'empereur.  Frumentin,  ravi  de  joie 
et  s'imaginant  que  Basile  était  enfin  résolu 
de  sacrifier  aux  dieux,  courut  chez  l'empe- 
reur :  Seigneur,  lui  dit-il  tout  hors  d'ha- 
leine, Basile  se  rend;  il  demande  à  avoir 
l'honneur  de  parler  à  votre  majesté.  Julien 
sortit  aussitôt  de  son  palais,  et  se  rendit  au 
temple  d'Esculape,  où  il  fit  venir  le  saint. 
Dès  qu'il  fut  devant  l'empereur  :  Où  sont, 
lui  dit-il,  vos  sacrificateurs  et  vos  devins? 
Vous  ont-ils  dit  ce  qui  m'a  fait  vous  deman- 
der audience?  J'ai  cru,  répondit  Julien,  que 
c'était  pour  m'assurer  que  vous  étiez  tout 
prêt  à  reconnaître  les  dieux,  et  à  vous  join- 
dre à  nous  dans  les  sacrifices  que  nous  leur 
offrons.  Bien  n'est  plus  éloigné  de  ma  pen- 
sée, reprit  Basile.  Ceux  que  vous  appelez 
des  dieux  ne  sont  rien  moins  que  des  idoles 
sourdes  et  aveugles.  En  disant  cela,  il  prit 
un  des  morceaux  de  chair  qu'on  lui  avait 
coupés  ce  jour-là,  et  le  jetant  au  visage  de 
Julien  :  Tiens,  Julien,  lui  dit-il,  mange  de 
cela,  puisque  tu  l'aimes  si  fort?  Je  te  dé- 
clare, au  reste,  que  la  mort  est  pour  moi  un 
gain,  que  c'est  pour  Jésus-Christ  que  je 
souffre,  qu'il  est  mon  refuge,  mon  appui, 
ma  vie. 

Le  comte  Frumentin,  craignant  l'indigna- 
tion de  l'empereur,  que  cette  action  de  Ba- 
sile  rendait  furieux,    se   déroba  prompte- 


ment  de  devant  lui.  Cependant  il  songeait 
deip.ielle  mort  il  punirait  un  si  sanglant  ou- 
trage fait  h  son  maîlrc,  qui  s'en  prenait  à 
lui,  et  semblait  l'i^n  vouloir  rendre  respon- 
sable. Jl  monta  sur  son  tribunal  (!t  ordonna 
qu'on  redoublAt  les  tournu'nts  du  saint, 
qu'on  lui  fil  de  plus  profondes  incisions, 
jusc^u'à  ce  que  les  entrailles  parussent.  Pen- 
dant (ju'on  obéissait  à  Frumentin,  Basile 
priait:  «  Seigneur,  disait-il,  soyez  béni, 
vous  ()ui  êtes  l'esjxîrance  des  chrétiens,  (pii 
relevez  ceux  qui  tombent,  et  qui  soutenez 
ceux  qui  chancellent ,  qui  [)réscrvez  de 
toute  corruption  ceux  qui  espèrent  en  vous, 
et  qui  guérissez  les  blessures  que  nous  nous 
sommes  faites  par  imprudence  ou  par  ma- 
lice :  Dieu  tout  bon.  Dieu  tout  miséricor- 
dieux, qui  soulfrez  avec  nous,  qui  soutirez 
en  nous,  abaissez  vos  yeux  du  haut  de  votre 
gloire  sur  votre  serviteur.  Accordez-moi  la 
grâce,  ô  mon  Dieu,  d'achever  heureusement 
ma  course,  de  persévérer  dans  la  foi  de  mes 
pères,  et  de  mériter  par  cette  fidèle  persé- 
vérance d'être  reçu  dans  votre  royaume.  » 
Le  soir  étant  venu  ,  le  comte  renvoya  le 
saint  en  prison.  Julien  partit  le  lendemain 
d'Antioche  sans  vouloir  voir  le  comte.  Cet 
officier,  craignant  donc  pour  sa  fortune  et 
pour  sa  propre  personne ,  fit  les  derniers 
efforts  pour  obliger  Basile  à  se  soumettre 
à  la  volonté  de  l'empereur.  Lequel  aimes- 
tu  mieux  enfin,  lui  dit-il,  ou  de  sacrifier, 
ou  de  mourir.  ïu  sais,  répondit  Basile, 
combien  tu  fis  lever  hier  de  morceaux 
de  chair  de  dessus  mon  corps  ;  il  n'y 
avait  pas  un  des  assistants  qui  ne  donnât  des 
larmes  à  mes  souffrances.  Begarde  aujour 
d'hui  mes  épaules,  vois  mes  côtés,  et  dis-moi 
s'il  y  paraît.  Sache  que  Jésus-Christ  m'a 
guéri  cette  nuit  ;  tu  peux  le  mander  à  ton  Ju- 
lien ;  oui,  tu  peux  lui  faire  savoir  quel  est  le 
pouvoir  du  Dieu  qu'il  a  quitté  pour  se  don- 
ner au  démon  qui  le  séduit  et  le  trompe. 
L'ingrat  qu'il  est,  il  ne  se  souvient  plus  que 
les  prêtres  de  ce  Dieu  lui  sauvèrent  autre- 
fois la  vie  (1),  en  le  cachant  sous  l'autel,  cet 
autel  qu'il  a  depuis  renversé.  Mais  mon 
Dieu  me  fait  connaître  qu'il  sera  dans  peu 
renversé  à  son  tour,  et  sa  tyrannie  éteinte 
dans  son  sang.  Tu  mens  impudemment,  re- 
prit Frumentin;  l'invincible  Julien,  le  maî- 
tre du  monde,  n'est  pas  un  tyran.  Méchant, 
n'as-tu  pas  éprouvé  toi-même  sa  douceur, 
sa  clémence,  son  humanité  et  son  incroyable 
patience?  Lui,  au  contraire,  n'a-t-il  pas  es- 
suyé de  ta  part  un  affront  sensible,  et  qu'on 
ne  peut  assez  punir.  Ne  m'as-tu  pas  aussi 
voulu  engager  dans  ton  crime,  ne  me  trouvé- 
je  pas  à  cause  de  toi  dans  la  disgrâce  du  prince? 
Tu  peux  donc  t'altendre  à  recevoir  le  châ- 
timent que  tu  mérites.  Je  vais,  pour  te  gué- 
rir de  ta  folie,  te  faire  enfoncer  par  tout  le 
corps  des  pointes  de  fer  rougies  au  feu.  Ba- 
sile lui  répondit  froidement  :  Ton  empereur 
ne  m'a  pas  fait  peur,  et  tu  penses  me  faire 
trembler  ! 
Tandis  qu'on  perce   le   saint   de    toutes 


(1)  Julien  avait  été  lecteur. 


(l)Constantius,  son  cousin,  voulait  le  faire  n^ourir» 


445 


BAS 


BAS 


444 


parts,  il  prie  à  haute  voix,  et  prononce  dis- 
tinctement ces  paroles  :  «  Jésus  ma  lumière, 
Jésus  mon  espérance,  je  vous  rends  grAces, 
Dieu  de  mes  pères,  de  ce  que  vous  retirez 
enlin  mou  âme  de  ce  séjour  de  mort.  Ne 
jiermeltez  pas  que  je  profane  le  sacré  nom 
que  je  porte;  c'est  le  vôtre,  Seigneur;  con- 
servez-le en  moi  pur  et  sans  tache,  atin  que, 
fournissant  pleinement  cette  glorieuse  car- 
rière, j'entre  en  possession  de  ce  repos  éter- 
nel que  vous  avez  promis  à  mes  pères.  Re- 
cevez l'esprit  de  votre  serviteur,  qui  meurt 
en  confessant  que  vous  êtes  le  seul  et  le  vé- 
ritable Dieu.  »  Il  expira  en  finissant  cette 
prière,  le  28  juin.  (Ruinart.)  Sa  fête  est  célé- 
brée le  22  mars. 

BASILE  (saint),  martyr,  était  évêque  dans 
la  Chersonèse.  Il  eut  le  bonheur  de  verser 
son  sang  pour  la  foi  avec  les  saints  évoques 
Eugène,  Agathodore,  Elpide,  Ethère,  Capi- 
ton, Ephrem,  Nestor  et  Arcade.  On  ignore 
la  date  de  leur  martyre.  L'Eglise  honore  leur 
mémoire  le  4-  mars. 

BASILE  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
à  Constantinople  pour  la  foi  chrétienne  sous 
l'empereur  Léon.  Il  eut  pour  compagnon  de 
son  martyre  saint  Procope,  qui,  comme  lui, 
combaltiT  avec  courage  pour  le  culte  des 
saintes  images.  On  n'a  aucun  détail  sur  leur 
martyre.  L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le 
27  février. 

BASILE  (saint),  dont  l'Eglise  fait  la  fêle 
au  27  novembre,  fut  martyrisé  pour  la  foi 
à  Antioche  avec  les  saints  Auxile  et  Satur- 
nin. L'histoire  n'a  pas  de  détails  sur  leur 
martyre. 

BASILIDE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
soulfrir  la  mort  pour  Jésus-Christ,  en  Crète, 
dans  la  ville  (le  (îortyne,  sous  le  règne  de  Dèce, 
durant  la  persécution  si  terrible  que  ce  prince 
féroce  alluma  contre  l'Eglise.  Il  fut  décapité, 
après  avoir  souffert  d'horribles  tourments. 
Sa  fête  arrive  le  23  décembre.  Saint  Basilide 
est  l'un  des  martyrs  do  Crète.  [Voy.  M^tvTvas 

DE  CrKTE.) 

BASILIDE  (saint),  soldat,  fut  martyrisé  à 
Alexandrie  ,  vers    l'année  210,  avec  sainte 
Potarnienne,  suus  l'empire  de  Sévère.  A'oici 
ce  qu'Kusèbe  en  raconte  dans  le  vi'  livre  de 
son  Histoire  de  V Eglise:  «  Coiume  on  me- 
nait sainte  Potatuienne  au  lieu  où  elle  de- 
vait être  brûlée,  un  peuple  insolent  la  sui- 
vait, se  jetait  sur  elle,  et  lui  insultait,  en  lui 
disant  des  paroles   [)eu  honnêtes,  qui  bles- 
saient rnicom|)aiable  puieté  de  cette  vierge. 
Basibde,  qui  était  archer   et  tpii   la  condui- 
sait,  ref)0ussait  cette  populace  effronté*;,  et 
téiuoignait   à   la  sainte  qu'il   était  sensible- 
ment touché  de  l'état  où  il  la  voyait.  Elle  lui 
marqua   de  la    r<;conriaissan<(!  de  ces  bons 
sentiments,  et  l'exlioilait  à  bien  espérer  de 
son  Srilut,  l'assurant  qii'(;lle  obliendtait  grAce 
pour  lui  auprès  de  Dieu,  aussitôt  (pTelb!  s(î- 
lait  arrivée  au  ciel  [voy.  les  lt(Muarqu(!s),  (!t 
qu'il  recevrait  bientôt  la  récompens*!  des  lua- 
niènjs    honnêtes    et   charitables    qu'M    avait 
pour  elle.  A  peine  eul-elh;  achevé  de  parler, 
qu'on  lui  ver-sa  de  la  poix  fondue;  sur  tout  le 
corps,  ol  ello  iiuil  ainsi  sa  vio  par  une  mort 


lente  et   cruelle,  mais  avec  une  constance 
digne  d'une  éternelle  mémoire.  Or,  il  arriva 
quelques  jours  après  que  les  compagnons 
de  Basilide  ayant  voulu  l'obliger  de  faire  un 
serment,   il  leur   dit    qu'il  ne  lui  était  pas 
permis,  parce  qu'il  était  chrétien,  et  qu'il  en 
faisait  une  déclaration  publique.  Ils  crurent 
d'abord   qu'il  se  raillait  ;   mais  lorsqu'ils  lô 
virent  persister   sérieusement  dans  sa  con-* 
fession  de   foi,   ils  le  menèrent  devant  le 
juge,  qui,  n'ayant  pu  lui  faire  changer   de 
sentiment,  le  lit  conduire  en  prison.  Les  fi- 
dèles le  vinrent  trouver  aussitôt,  et  lui  de- 
mandèrent   la  cause    d'un    changement   si 
prompt  et  si  extraordinaire.  Sur  quoi  il  leur 
raconta  que  trois  jours  après  que  sainte  Po- 
tamienne   eut  souffert  le   martyre,  elle  lui 
avait  apparu  durant  la  nuit,  et  que,  lui  met- 
tant une  couronne  sur  la  tête,  elle  lui  dit 
qu'elle  avait  prié  son  Seigneur  pour  lui,  et 
obtenu  la  grAce  qu'elle  avait  demandée,  et 
qu'il  serait  bientôt  avec  elle  au  nombre  des 
bienheureux.   Il    reçut    ensuite    par    leur 
moyen  le  sacré  sceau  du  baptême,  et  il  eut 
dès  le  lendemain  la  tête  cou[)ée,  après  avoir 
glorieusement  confessé  Jésus-CItrist.  Mais  il 
ne  fut  pas  le  seul  qui  fut  converti  d'une  ma- 
nière   si   surprenante,   et  Dieu  fit  la  même 
grâce  à  nombre  de  personnes  de  la  ville  d'A- 
lexandrie,  par  l'entremise  de  sainte  Pota- 
rnienne, qui  leur  apparaissait  en  songe,  et 
les   exhortait  d'embrasser  la  foi.   L'Eglise 
fait  sa  fête  le  28  juin. 

BASILIDE,  évoque  de  Léon  en  Espagne, 
n'eut   pas  le  courage  d'envisager  les  tour- 
ments et  le  trépas  pour  la  foi  dont  il  était  le 
ministre.  Sous  le  règne  ^e  Dèce,  il  eut  le 
malheur  de   renoncer   son  Dieu,  celui  qui 
l'avait  élevé  à  la  dignité  de  successeur  des 
apôtres,   pour  sacrifier  aux  idoles.  Car  c'é- 
tait   vraiment  sacrifier  aux   idoles  que   de 
commettre,  comme  il  le  fit,  le  crime  des  li- 
bellatiques.  A'oyant  que  Martial,  évêque  de 
Léon  et  d'Astorga,  qui  s'était  rendu  coupa- 
ble du  même  crime,  venait  d'être  déposé  par 
un  concile,  Basilide  se   rendit  h  Rome,  et 
étant  parvenu  à  tromper  le  pape  Etienne,  il 
fut  admis  par   lui  à  la  communion  comme 
évêque,   et  obtint  même  de  sa  part  des  let- 
tres de  recommandation   pour  les  évêques 
d'Espagne.   Ceux-ci    écrivirent   h    saint  Cy- 
prien  et  au  pape,  protestant  contre  cette  dé- 
cision, et  demandant  quelle  conduite  ils  de- 
vaient tenir.  Voici  un  passage  de  la  réponse 
de  saint  Cyprien  ;  «  Basilide  allant  h  Rome, 
en  a  im()Osé  à  Etienne  notre  collègue,  qui  a 
pu  être  livjmpé,  {vàvw,  qu'il    n'était  pas   sur 
les  lieux  et  qu'il  ne  coimaissait  pas  le  véri- 
table étal  des  choses,  qu'on  avait  d'ailleurs 
eu  soin  de  lui  cacher.  Tout  cela,  loin  d'(>f- 
facer  le  souvenir  des  crimes  de  Basilide,  no 
sert  au  contraire  qu'h  en  augmenlei-  le  nom- 
bre,  puisiju'aux  premiers   il   en  ajoute   un 
nouveau,    c(ïlui    d'avoir  voulu  tromper   les 
pasieui'S  de  l'I-lglise.  »  Il  fait  tomber  le  blAme 
non  sur  celui  autpiel  on  a  imposé,  mais  sur 
celui  (pii  frauduleuscniunil  s'était  ouvert  un 
accès    auj)i'ès   do    sa    ptu-sonne.    Ou<->'<l"  <J" 
n'ait   rien  do  positif  sur  celle  aU'airc,  il  et-t 


44S 


BAS 


trôs-probable  ,  sinon  certain  ,  qu'Etienne 
mainliiit  la  déposition  de  Basilide  et  de 
Martial. 

IJASILIDK  (saint),  reçut  la  couronne  du 
marlyrt!  à  Jloine,  sur  la  voie  Aurélienne, 
avec  les  saints  Tripode,  Mandale  et  vinj^t 
cHitres,  Ce  l'ut  sous  rempii'cd'Aurélien  (ju'eut 
jieu  leur  glorieux  sacrifice,  en  l'ainiée  273 
ou  274.  Les  Actes  de  ces  saints  no  sont  [)as 
de  nature  h  inspirer  une  grande  conlianco. 
l*ierre  de  Natalibus  et  Moinhritius  nous  en 
ont  donné  de  fort  ditrérents.  Ceux  de  Pierre 
de  Nntalibus  surtout  sont  pleins  de  ré(;ils 
fabuleux,  ce  qui  n'eni|)ôche  pas  liaronius 
d'y  renvoyer  ses  lecteurs.  On  y  remarque, 
et  le  Martyrologe  romain  les  a  suivis,  qu'ils 
soutfrirent  sous  un  préfet  de  Home  nommé 
Platon.  Ce  Platon  n'est  pas  dans  la  liste  de 
Uuccherius.  L'Eglise  fait  la  fête  de  ces  saints 
lo  10  juin. 

BASILIDE  (saint),  soldat  dans  l'armée  de 
Maxence,  fut  martyrisé  à  Rome  en  l'an  de 
Jésus-Christ  307,  sous  le  préfet  Aurèle.  Après 
avoir  subi  diverses  tortures,  il  fut  décapité. 
On  l'enterra  sur  la  voie  Aurélienne.  Sa  fête 
a  lieu  le  11  juin.  {Voy.  Paul  Diacre,  Raban- 
Maur,  Notker.) 

BASILIDES  ou  FACILIDAS,  Négous  d'A- 
byssiiiie,  succéda  à  son  père  Mélec-Ségucd 
le  26  septembre  1632.  11  fut  un  persécuteur 
acharné  de  la  foi  catholique.  L'Abyssinie 
avait  reçu  la  lumière  évangéliquo  du  temps 
de  saint  Athanase,  patriarche  d'Alexandrie, 
qui  avait  envoyé  saint  Frumence  y  prêcher. 
Dès  ces  premiers  temps,  l'hérésie,  qui  déso- 
lait l'Orient,  s'était  aussi  répandue  chez  les 
Abyssiniens,  et  depuis  lors  ils  étaient  restés 
dans  l'erreur.  Ils  obéissaient  au  patriarche 
hérétique  d'Alexandrie.  Mélec-Ségued,  ayant 
été  converti  à  la  foi  catholique,  avait  prié  le 
pape  de  nommer  un  patriarche  et  de  le  lui 
envoyer  avec  des  missionnaires.  Alfonse 
Mendez  avait  été  choisi  par  le  souverain 
pontife  et  sacré  à  Lisbonne  primat  d'Abys- 
sinie.  On  peut  voir,  à  l'article  Abyssiisie, 
comment  cet  empire  avait  reçu  les  saints 
missionnaires.  De  nombreuses  conversions 
avaient  répondu  à  leurs  etforts  ;  mais  Mélec- 
Ségued  avait  eu  le  tort  de  porter  des  lois  qui 
violentaient  la  conscience  de  ses  sujets.  En 
voulant  les  contraindre  à  embrasser  la  foi 
romaine,  au  lieu  d'attendre  que  leurs  con- 
victions les  y  amenassent,  il  avait  fait  au- 
tour de  lui  une  multitude  d'hypocrites  qui 
n'attendaient  qu'un  prétexte  pour  secouer  le 
jOug  de  ce  qui,  au  fait,  était  une  véritable 
tyrannie.  Plusieurs  révoltes  avaient  eu  lieu  ; 
Tecla  Georgis,  vice-roi  du  Tigré  et  gendre 
du  Négous,  avait  le  premier  levé  l'étendard 
de  la  rébellion  ;  il  avait  été  vaincu,  pris  et 
pendu.  Moins  heureux  contre  les  habitants 
du  Lasta,  le  souverain  avait  d'abord  vu  ses 
armes  humiliées  par  plusieurs  défaites  suc- 
cessives. Le  mécontentement  était  général. 
Basilides,  comme  beaucoup  d'autres,  n'avait 
embrassé  la  foi  catholique  que  pour  plaire 
à  son  père.  Il  avait  de  sourdes  intrigues  avec 
les  mécontents.  Les  rebelles  savaient  qu'il 
les  appuyait  secrètement.  Il  avait  du  reste 


BAS  446 

l'ambition  de  régner,  et  il  ne  voyait  qu'avec 
peine  le  règne  de  son  père  se  prolonger.  Il 
(•oimnettait  dans  son  ca;ur  un  parricide  moral 
en  convoitant  la  couronne  (|u'il  ue  devait 
désirer  prendre  (pic;  sur  la  tonilx;  fermée  par 
Dieu  du  vieillard.  Il  trouvait  mal  tout  c(!  que 
faisait  Mélec-Ségued  et  le  laissait  voir.  Sil  y 
avait  moyen  ([u'il  donnât  des  ordres  opj)o,sés 
à  ceux  de  son  père,  il  n'avait  garde  d'y  faire 
faute.  Ce  fut  dans  ces  dispositions  d'esprit 
qu'il  fut  abordé  par  Serca  Christos,  vice-roi 
du  Cojam,  ennemi  acharné  du  christianisme; 
homme  cruel  et  dissimulé,  véritable  artisan 
de  conqjlols.  Cet  homme  lui  fit  accepter 
d'être  le  chef  de  la  vaste  conspiration  qu'on 
ourdissait  contre  le  vieux  Négous,  son  père. 
Mais  ce  fut  aussi  cet  homme  qui  dévoila 
l'existence  de  cette  conspiration  par  la  pré- 
cipitation inconsidérée  avec  laquelle  il  agit. 
Mélec-Ségued  fit  venir  ce  vice-roi  conspira- 
teur, etiui  fitavouer  et  soncrime  etles  noms 
des  complices  qui  y  étaient  atfdiés.  Il  fut 
désolé  autant  qu'un  père  peut  l'être  d'ap- 
prendre que  son  fils  était  à  la  tête  des  com- 
plots tramés  contre  lui.  Il  fit  sous  l'influence 
de  la  peur  ce  qu'il  aurait  dû  faire  par  simple 
esprit  de  justice.  Il  publia  un  édit  qui  per- 
mettait de  suivre  les  rites  anciens.  Si  nous 
apprécions  ainsi,  c'est  que  nous  croyons  fer- 
mement que  la  tolérance  religieuse  est  l'auxi- 
liaire le  plus  sûr  de  la  vérité,  tandis  que  la 
tyrannie  en  est  l'ami  le  plus  dangereux,  le 
plus  {)ernicieux.  Basilides  ne  fut  pas  étranger 
aux  conseils  de  ceux  qui,  plus  tard,  portè- 
rent le  vieux  et  faible  souverain  à  défendre 
aux  missionnaires  de  prêcher  davantage 
dans  ses  Etats,  et  à  leur  ordonner  de  partir 
pour  les  Indes.  Déjà  il  n'avait  plus  que  le 
semblant  de  la  puissance,  car  nous  trouvons 
que,  quelques  mois  avant  qu'il  mourût,  Ba- 
silides, le  14  juin  1632,  publia  un  édit  qui 
ordonnait  à  tous  de  revenir  à  la  foi  d'A- 
lexandrie. Enfin  le  vieux  Négous  mourut  et 
Basilides  lui  succéda,  comme  nous  l'avons 
dit,  le  26  septembre  1632.  Le  premier  acte 
de  son  autorité  fut  un  de  ces  crimes  atroces 
si  fréquents  chez  les  princes  de  ces  contrées 
et  chez  les  mahométans.  Il  fit  empoisonner 
ou  égorger  vingt-cinq  frères  qu'il  avait.  Il 
reconnut  pour  abonna  ou  primat  d'Abys- 
sinie,  un  aventurier  égyptien  qu'on  préten- 
dait môme  n'être  pas  prêtre.  Les  jésuites, 
malgré  l'ordre  donné  par  Mélec-Ségued, 
étaient  encore  en  Abyssinie.  Le  nouvel 
abonna  déclara  qu'il  serait  obligé  de  quitter 
le  pays  s'ils  y  restaient  plus  longtemps.  Au 
mois  de  mars  1633,  Basilides  leur  intima 
l'ordre  positif  de  partir.  11  leur  ordonna  de 
se  rendre  tous  à  Frémone,  si  ce  n'est  pour- 
tant au  P.  Louis  Azevedo,  vieillard  octog(i- 
naire,  que  ses  fatigues  et  la  maladie  ren- 
daient absolument  incapable  de  voyager. 
Basilides  voulait  livrer  les  Jésuites  aux 
Turcs,  leurs  ennemis  mortels,  lis  le  surent 
et  se  mirent  sous  la  protection  de  Jean  Akaz 
qui  depuis  longtemps  se  maintenait  indé- 
pendant. Basilides  envoya  pour  ce  motif  un 
corps  de  troupes  contre  lui;  mais  il  fut  battu. 
Alors  il  employa  les  promesses,  puis  encore 


447  BAS 

les  menaces,  et  parvint  enfin  ^  intimider 
Akaz,  qui  ne  garda  jirès  de  lui  que  deux 
jésuites.  Les  autres  se  décident  à  partir,  à 
l'exception  du  P.  Apollinaire  Ahneida , 
évêque  de  Nicée,  t[ui  est  désigné  pour  rester 
avec  six  autres.  Ou  peut  voira  l'article  A/>?/s- 
sinie  quel  fut  le  sort  des  religieux  ([ui  par- 
tirent. Quant  à  ceux  qui  restèrent,  Basilides 
les  lit  i)oursuivre  avec  un  acharnement  indi- 
cible. Il  fit  charger  de  fei'S  Tecla  Emmanuel, 
vice-roi  du  Tigré,  qui  les  pi'Otégeait,  et  mit 
h  sa  |>lace  Melca  Christos,  ciniemi  déclaré  du 
catholicisme.  On  sait  comment  ce  barbare 
fit  percer  de  coujis  d'épéc  devant  lui  les 
PP.  Bruno  de  Sainte-Croix,  Tiaspard  Pai'z  et 
Jean  Pereira.  Le  P.  Bruno  seul  survécut  i)0ur 
recevoir  plus  tard  la  couronne  d'un  second 
martyre.  Basilides,  qui  savait  qu'il  y  avait 
encore  d'autres  jésuites  en  Abyssinie,  fei- 
gnit d'être  touché  de  celte  mort,  et  ordonna 
que  dorénavant  on  eût  à  respecter  les  mis- 
sionnaires, à  ne  les  inquiéter  en  rien  et  à  né 
les  maltraiter  dans  aucune  partie  de  ses 
Etats.  Il  publia  un  édit  qui  leur  permettait 
de  rentrer  dans  leurs  maisons.  Il  exprima 
môme  le  désir  de  les  voir  reparaître  à  la 
cour.  Les  PP.  Almeida,  Hyacinthe  Franceschi 
et  François  Rodriguez  vinrent  avec  con- 
fiance à  son  camp;  mais  aussitôt  ils  y  furent 
chargés  de  chaînes  et  bientôt  condamnés  à 
mort.  Basilides,  qui  trouvait  que  faire  mou- 
rir les  martyrs  immédiatement  ne  satisfaisait 
pas  sa  cruauté,  les  confia  à  un  hérétique, 
qui  leur  lit  souffrir  d'horribles  cruautés,  et 
enfin  les  exila  dans  une  île  du  lac  de  Dcm- 
béa,  où  étaient  des  moines  fanatiques  qui 
renchérirent  encore  sur  les  cruautés  qu'on 
avait  jusqu'alors  commises  envers  les  servi- 
teurs de  Dieu.  Enfin  Basilides  écrivit  à  ses 
moines  qu'il  les  leur  abandonnait  entière- 
ment, pour  en  faire  ce  que  bon  leur  semble- 
rait. Ils  les  suspendirent  à  des  branches  d'ar- 
bres et  les  lapidèrent  avec  la  plus  révoltante 
cruauté.  Le  12  avril  16W,  le  tyran  fit  mourir 
de  la  môme  façon  les  PP.  Brunf)  et  Cardeira 
qui  furent  pris  par  les  soldats  du  vice-roi  du 
Tigré.  En  1G38,  il  fit  la|)ider  les  PP.  capu- 
cins Agathange,  de  Vendôme  et  Cassien,  de 
Nantes.  Ayant  apfjris  (fue  trois  autres  capu- 
cins, les  PP.  deP(;tra  Santa,  Félix  de  Saint- 
Séverin,  et  Tortulavi  d'Allino,  étaient  h  Mas- 
saouah,  il  envoya  f)ar  un  and)assadcur  cent 
cinquante  onces  d'or  et  cinquante  esclaves 
au  tjMcha  de  Souakim,  afin(pi'il  lui  livrAt  les 
sauits  missiofniair(;s,  ou  (ju'il  les  fît  mourir 
lui-même.  L(;  bâcha  [)iit  ce  dernier  parti. 
Justpi'à  la  fin  (h;  ses  jours  il  montra  h;  môme 
acharnement  ,'i  peisécuter  le  catholicisme. 
Le  P.  Urbain  Cerri  rap|)Oi'le  (ju'il  fil  encore 
mourir  plusieurs  missionnaires. 

BASILIFN  l'saintj,  répandit  son  sang  pour 
la  foi  à  Laodicée,  en  Syii(!.  Il  eut  jxnir  com- 
pagnon de  son  martyre  saint  Théolime. Nous 
n'avons  pas  d'autres  (h'îlails.  Ils  sont  inscrits 
an  Martyrologe  romain  le  1S  décend)re. 

BASlLlSOi:!-:  (sainlj  ,  martyr,  mourut  ?i 
Comane  dans  le  l»o!il,  poni'  la'foi  chrétienne 
duianl  l'alioci!  jiersi'cution  (\\\<'  les  enqie- 
reurs  Dioclélieii  et  Maxiujieu  firent  soulliir 


BAS 


44S 


à  l'Eglise  du  Seigneur.  Le  président  Agrippa 
lui  fit  mettre  des  chaussures  garnies  de 
pointes  embrasées.  Il  lui  fit  souffrir  plusieurs 
autres  tourments  fort  cruels.  Enfin,  l'ayant 
fait  décapiter,  il  lit  jeter  ses  restes  à  là  ri- 
vière. L'Kglise  fait  sa  fête  le  22  mai. 

BASILISSE  (sainte),  fut  martyrisée  à  Rome 
sous  Néron  en  G(),  jiour  avoir,  avec  sainte 
Anastasie,  pris  soin  des  corps  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Paul.  Elles  furent  décapitées 
toutes  deux,  a|)iès  avoir  eu  les  mains  et  les 
pieds  coupés.  Les  (Irecs  cl  les  Romains  en 
font  la  fôte  le  15  avril. 

BASILISSE  (sainte),  martyre,  donna  sa  vie 
l)our  la  foi  à  Nicomédie  ;  elle  n'avait  (jue 
neuf  ans.  Ce  fut  durant  la  persécution  do 
Dioclétien ,  sous  le  président  Alexandre , 
(ju'ayanl  été  exposée  aux  fouets,  au  feu  et 
aux  bêles,  elle  rendit  l'esprit  en  priant  Dieu. 
L'Eglise  honore  sa  très-sainte  mémoire  le  3 
septembre. 

BASILISSE  (sainte),  martyre,  eut  le  glo- 
rieux privilège  de  donner  sa  vie  pour  la  foi 
avec  sainte  Callénique.  Le  Martyrologe  ro- 
main ne  donne  aucun  détail  sur  le  lieu,  la 
date  et  les  circonstances  de  ieur  martyre. 
L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  immortelle  le 
22  mars. 

BASILISSE  (sainte),  femme  de  saint  Julien 
l'Hospitalier,  fit  vœu  à  Dieu,  de  concert  avec 
lui,  le  jour  de  son  mariage,  de  garder  complè- 
tement la  continence.  Elle  se  consacra,  ainsi 
que  lui,  au  service  des  pauvres  et  des  mal- 
heureux, })our  lesquels  sa  maison  devint  une 
sorte  d'hôpital  et  au  soulagement  desquels 
tous  les  revenus  de  ses  biens  furent  consa- 
crés. Sainte  Basilisse  est  considérée  comme 
martyre,  parce  que,  quoic^u'elle  soit  morte 
en  paix,  elle  souffrit  ])lusieurs  fois  la  persé- 
cution pour  Jésus-Christ.  (Koy,  Julien  l'Hos- 

PITALIKR.) 

BASSF.  (saint),  martyr,  mourut  en  Afrique 
pour  la  foi,  sous  le  règne  de  l'empereur  Dèce, 
en  l'année  250,  avec  saint  Paul  et  saint  For- 
tunion.  On  ne  sait  )ias  exactement  quel 
genre  de  supplice  mit  fin  à  ses  joui's.  Sa  lôte 
arrive,  avec  celle  de  ses  saints  compagnons 
et  celle  de  saint  Mappalicjue,  le  17  avril, 

BASSIN  (sainte),  martyre,  eut  la  gloire  de 
cueillir  la  [)alme  du  martyre  à  Edesse  en  Sy- 
rie :  ce  fut  durant  la  pcM'sécution  de  Maxi- 
mien, Peu  de  temps  auparavant,  ses  exhor- 
tations avaient  soutenu  ses  trois  enfants, 
saint  Théogone,  saint  Agape  et  saint  Fidèle, 
qui  avaient  souffert  également  un  glorieux 
martyre.  L'Eglise  honore  la  ménjoirc  de  ces 
glorieux  saints  le,  21  août, 

BASS1<]  (saint  ),  martyr,  mourut  |)our  la 
foi  h  Carlhage  ave('  les  saintes  Agalhonitpie 
et  Pauh;,  On  n'a  aucun  détail  sur  la  date 
cl  les  cil'conslances  de  leur  combat,  L'Kglise 
célèbre  le\w  glorieuse  mémoire  le  10  août. 

BASSI']  (sainle)  ,  marlyr(> ,  donna  sa  vie 
](Our  la  foi  <^  Nicomédie  avec  saint  Claudien, 
son  époux,  et  les  saints  >'iclorin  et  N'iclor, 
Ils  furent  cruellement  tourmentés  |)endanl 
Irois  ans  cl  achevèrimt  leur  coni'ageux  mar- 
is re  en  prison.  L'I'^glise  célèbre  leur  sainlo 
mémoire  le  0  mars. 


44U 


DAS 


BAT 


ifiO 


BASSIKN  (saint),  martyr,  citait  lecteur.  Il 
out  la  gloire  de  répandre  son  sang  ponr  la 
foi  avec  les  saints  Cyrion,  prôtre,  Agat,  son 
exorciste,  et  Moïse.  Ils  périrent  par  le  l'eu. 
Nous  n'avons  point  d'autres  détails  sur  le 
lieu,  la  date  et  les  circonstances  de  leurcou- 
rageuv  nuirtyre.  L'Eglise  fait  leur  sainte 
mémoire  le  IV  février. 

BASSIEN  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  en  Afrique  avec  les  saints  Pierre,  Succès, 
Primitif  et  vingt  autres  dont  ou  ignore  les 
iion)s.  On  ignore  également  la  date  et  les 
circonstances  de  leur  martyre.  L'Eglise  célè- 
bre leur  sainte  mémoire  le  9  décembre. 

BASSIEN  (saint),  confesseur,  était  évèque 
àLodi.  Il  combattit  généreusement  contre 
les  hérétiques  avec  saint  Ambroise.  On  n'a 
pas  de  détails  authentiques.  L'Eglise  honore 
sa  glorieuse  mémoire  le  19  janvier. 

BASSILLE  (sainte),  vierge  et  martyre  à 
Bonu%  sous  la  Un  du  règne  de  Valérien,  ou 
sous  le  commencement  de  celui  de  Gallien, 
était  issue  de  race  royale  :  étant  liancée  à 
un  des  premiers  seigneurs  de  la  cour  de 
l'empereur,  elle  refusa  de  l'épouser.  Lui, 
pour  se  venger,  la  dénonça  comme  chré- 
tienne. L'empereur  donna  l'ordre  qu'elle 
épousAt  son  iiancé  ou  qu'elle  périt  par  le 
glaive.  La  jeune  vierge,  appelée  pour  ouïr 
cet  arrêt,  n'en  manifesta  aucune  émotion,  et 
déclara  être  prête  à  mourir,  disant  qu'elle 
avait  résolu  de  prendre  pour  époux  le  roi 
des  cieux,  et  que  nulle  puissance  au  monde 
ne  la  déciderait  à  en  prendre  un  autre.  A 
l'heure  même  on  lui  passa  l'épée  au  travers 
du  corps.  L'Eglise  latine  honore  sa  mémoire 
le  20  mai. 

BASSUS  (saint),  mourut  pour  la  foi  chré- 
tienne en  l'an  290,  sous  le  règne  de  Dioclé- 
tien.  Il  était  un  des  confesseurs  prisonniers 
qiîie  Pinien,  proconsul  d'Asie,  mit  en  liberté 
après  sa  conversion.  Il  le  suivit  comme  beau- 
coup d'autres  à  son  retour  en  Italie,  et  vint 
loger  à  Rome  chez  lui.  Mais  obligé  comme 
ses  compagnons  de  se  retirer  dans  les  terres 
de  ;Pinien,  parce  que  son  séjour  chez  lui 
commençait  à  éveiller  des  soupçons,  il  reçut 
la  couronne  du  martyre.  Le  consulaire  Pris- 
que  avait  déjà  fait  mourir  saint  Anthime  et 
saint  Maxime.  {Voy.  les  articles  de  ces  deux 
saints.)  Bassus  encouragea  ceux  qui  restaient, 
et  prit  la  place  des  deux  serviteurs  de  Dieu 
que  nous  venons  de  nommer.  Il  se  trouvait 
à  Fornove,  au  pays  des  Sabins,  comme  le 
peuple  assemblé  offrait  un  sacrifice  à  Bac- 
chus  ;  on  voulut  le  forcer  à  sacrifier  aussi  : 
mais  le  saint  s'y  refusa  avec  énergie,  et  ses 
Actes  racontent  que  pour  prouver  l'inanité 
des  faux  dieux  et  la  puissance  de  Jésus- 
Christ,  il  renversa  d'un  souftle  les  idoles  qui 
étaient  devant  lui.  Les  païens  le  battirent 
tellement  à  coups  de  pieds,  de  poing  et  de 
bâtons,  qu'il  en  mourut.  L'Église  fait  sa  fête 
le  11  mai.  [Voy.  Luciise,  femme  de  Pinien, 
Pinien.) 

BASSUS,  gouverneur  de  Thrace  sous  Dio- 
clétien,  en  30i,  vintàHéraclée,où  il  fit  arrê- 
ter saint  Philippe,  évêque,  saint  Sévère,  prê- 
tre, et  saint  Hermès,  diacre.  Il  leur  fit  subir 


divers  interrogatoires  dans  lesquels  il  mon- 
tra une  douceur  et  une  jiisti(;e  peu  ordinaire 
aux  magistials  (h;  <;e  temps-là.  Durant  c(!lle 
alfaire  il  fut  lévocfué  et  i('m[)la(;é  par  Justin, 
(pii  fut  loin  d(!  faire  voir  la  mcuK!  modéra- 
tion. La  conduite  de  Bassus  lui  fut  peut-être 
ins[)irée  par  sa  femme,  (jui  piali(piait  secrè- 
tement le  christianisme.  {Voy.  les  Actes  de 
saint  Philippe.) 

BASSUS  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  h  Héraclée  en  Thrac(;.  On  ignore  la  date 
de  son  martyre.  Le  Martyrologe  romain  se 
contente  de  citer  son  nom  ainsi  que  celui  de 
ses  deux  compagnons,  Denis,  Agapet.  Ils  en 
curent  quarante  autres  dont  on  ignore  les 
noms.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  20 
novembre. 

BASSUS  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  à  Alexandrie.  On  le  jeta  à  la  mer  avec  les 
saints  Antoine  et  Protolyque.  On  ignore  à 
quelle  époque  eut  lieu  leur  martyre.  L'E- 
glise honore  leur  mémoire  le  Ht-  février. 

BASTAME,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé 
les  Actes  authentiques.  Voy.  Martyrs  (les 
trente-sept)  égyptiens. 

BASTAMONÉ,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en'Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé 
les  Actes  authentiques.  Voy.  Martyrs  (les 
trente-sept)  égyptiens. 

BATAVIA,  capitale  de  l'île  de  Java,  dans 
les  Indes  orientales,  vit,  en  1616,  le  martyre 
d'un  jésuite  portugais,  nommé  Egide  d'Abreu, 
lequel  ayant  été  pris  sur  mer  par  les  Hollan- 
dais, fut  si  horriblement  maltraité  par  eux, 
qu'il  mourut  peu  de  temps  après  de  ses  bles- 
sures dans  les  prisons  de  cette  métropole  des 
colonies  hollandaises  dans  l'Inde. 

BATONS  (fustes).  Ce  mot  a  peu  besoin  de 
commentaires.  Tout  le  monde  sait  ce  que 
c'est  qu'un  bâton.  Cependant  il  y  en  a  d'es- 
pèces bien  différentes, et  capables  de  produire 
des  effets  bien  différents  aussi.  De  sorte  qu'il 
est  assez  diilicile  de  s'entendre  quand  on  voit 
écrit  que  tel  ou  tel  martyr  reçut  un  certain 
nombre  de  coups  de  bâtons.  Nous  réserverons 
cette  dénomination  pour  l'instrument  consis- 
tant en  un  seul  morceau  de  bois,  quelle  que 
soit  sa  grosseur,  et  servant  à  frapper  les  mar- 
tyrs. Dans  certaines  relations,  nous  voyons 
que  les  bourreaux  employèrent  des  bâtons 
courts,  pleins  de  nœuds,  et  allant  en  augmen- 
tant depuis  la  poignée  jusqu'au  bout.  C'é- 
taient de  véritables  casse -têtes.  Avec  ces 
bâtons  on  devait  produire  de  profondes  con- 
tusions et  briser  souvent  les  os.  En  frappant 
sur  certaines  parties,  telles  que  la  tête,  la 
poitrine,  on  pouvait  très-facilement  et  très- 
promptement  tuer  les  victimes  ;  mais  on  pou- 
vait, en  frappant  sur  le  dos,  sur  les  cuisses, 
sur  les  parties  fortement  charnues,  donner 
encore  un  grand  nombre  de  coups  sans  faire 
mourir.  La  manière  la  plus  ordinaire  de  don- 
ner la  bastonnade  était  la  suivante  :  on  cou- 
chait le  patient  sur  le  ventre,  et  le  bourreau, 
se  tenant  près  de  lui,  lui  déchargeait  sur  le 
corps  le  nombre  de  coups  de  bâton  tixé  ;  d'au- 


451 


BAU 


BAZ 


452 


bourreaux  tenaient  les  pieds  et  la  tête.  En 
Africjue,  encore  de  nos  jours,  la  justice  mu- 
sulaiane  fait  souvent  appliquer  ce  supplice. 
Ou  se  sert  le  plus  ordinairement  de  bâtons 
longs  et  llexibles,  dont  les  vibrations  causent 
une  horrible  blessure.  Souvent  les  condam- 
nés reçoivent  depuis  dis.jus(jua  cinquante, 
cent,  trois  cents  coups  de   bâton  et  au  delà. 
Quand  le  bourreau  ne  ménage  pas,  il  est  rare, 
si  le  nombre  de  coups  à  recevoir  est  grand, 
que  le  patient  vive  jusqu'à  la  lin  du  supplice. 
Les  premiers  coups  l'ont  de  longues  meur- 
trissures et  quelquefois  font  iaillir  le  sang; 
bientôt  chaque  coup,  venant  frapper  sur  les 
parties  blessées  déjà,  enlève  la  peau  et  les 
chairs.  A  chaque  fois  que  le  bâton  frappe  et 
se  relève,  on  voit  voler  le  sang  et  des  lam- 
beaux de  chair  meurtrie.  Quehiuefois  le  su])- 
plice  se  prolongeant,  les  os  sont  dénudés.  11 
arrive  que  le  patient  meurt  quelquefois  au 
milieu  du  supplice;  le  bourreau   n'en  con- 
tinue pas  moins.  Quand  la   victime  n'a  pas 
succombé,  on  la  transporte  dans  une  prison 
ou  à  r-hopital.  On  donne  aussi  la  bastonnade 
sous  la  plante  des  pieds  ;  c'est  un  supplice 
atroce.  Quand  il   est  appliqué  avec  rigueur, 
ceux  qui  en  sont   victimes   courent  risque 
d'être  estropiés  pour  leur  vie.  Bien  souvent 
les  persécuteurs  des  chrétiens  ne  prenaient 
pas  la  peine  de  régulariser  les  supplices,  et 
souvent  il  arrivait  que  les  bourreaux  frap- 
paient les  saints  à  coups  de  bâton,  les  lais- 
sant debout  et  ne  choisissant  pas  les  endroits 
011  frapper. 

11  ne  faut  pas  croire  du  reste  que  l'homme 
ne  soit  pas  capable  de  supporter  un  grand 
nombre  de  coups  semJjlables  appliqués  avec 
violence.  Souvent,  dans  la  vie  commune,  et 
surtout  eu  égard  à  la  profession  que  nous 
exerçons,  nous  avons  occasion  de  voir  des 
femmes,  des  enfants,  qui  reçoivent  des  coups 
de  bâion  en  grand  nombre  et  avec  tant  de 
violence,  qu'on  croirait  qu'un  seul  devrait 
être  mortel.  En  ce  moment,  nous  soignons 
un  enfant  que  sa  mère  a  frappé  si  rudement 
à  coups  de  bâton,  qu'il  a  à  la  tête  deux  énor- 
mes abcès,  et  qu'il  est  couvert  de  contusions. 
La  vi(^  n'est  pas  menacée. 

BAUDÈLK  (saint) ,  martyr,  le  même  que 
saint  lUi  DiLE.  {Votj.  ce  nom.) 

liAUDlLIi  (saini)',  martyr,  est  célèbre  dans 
tous  les  martyrologes.  On  ne  connaît  pas  le 
lieu  de  sa  naissance.  On  sait  seulement  ({ue 
son  martyre  eut  lieu  dans  le  ni' ou  dans  le 
IV' siècle.  Il  soulfrit  le  sui)|)lice  du  fouet  et 
plusieurs  autres  tortures  avec  un(ï  constance 
inébranl;ible.  (^e  fut  àîSîmes  que  s'ac(:om|)lit 
son  sacrihce.  Il  y  avait  uni;  |)artie  de  so!i 
cliefa  Paris,  (iansl'église  deSainle-(ienevièv<!. 
Beaucoup  d'églises,  cii  Es|)agne  et  en  France, 
sont  placées  sous  rinvoculioiide  ce  saint.  Sa 
fête  a  lieu  le  20  mai. 

BAUDOL'l.N  11,  comte  de  Flandr(;s,  était 
l'etuiemi  de  saint  i'"oul(jues,  arclievêque  de 
Ueims,  qui  fut  lue  par  plusieurs  vassaux  d(ï 
ce  comte.  Nous  laisserons  parler  Fleury 
{Liv.  Livj,  pour  ex()Oser  les  raisons (pii  déler- 
ininèrenl  cette  haine  iuiplacable  de  Baudouin 
contie  le  snint  arcbevêque. 


Dans  le  concile  de  Reims,  tenu  en  891  et 
présidé  par  Foulques,  «  on  menaça  d'excom- 
munication   Baudouin ,  comte  de  Flandre, 
pour  divers  crimes.   Il  avait  lait  fouetter  uD 
prêtre.  11  avait  ùté  aux  églises  des  prêtres  qui 
y  étaient  ordonnés,  et  y  en  avait  rais  d'au- 
tres sans  la  participation  de  leur  évêque.  i\ 
s'était  révolté  contre  le  roi  au  mépris  de  sou 
serment.  Sur  tout  cela  il  avait  été    depuis 
longtemps  admonesté  par  les  évèques  sans 
en  avoir  protité.  Ceux  du  concile  de  Reims 
jugèrent  donc  qu'il  méritait  d'être  excom- 
munié ;  mais,     attendu   qu'il   pouvait  ser- 
vir utilement  l'Eglise  et  l'Etat,  ils  suspen- 
dirent la  censure,  et  lui  donnèrent  encore  du 
temps  pour  se   corriger.  Ils  déclarèrent   à 
Baudouin  ce  jugement  par  leur  lettre  syno- 
dale, et  en  écrivirent  une  autre  à  son  évêque 
diocésain,  qui  était  Dodilon  de  Cambrai.  11 
avait  été  appelé  au  concile,  mais  il  s'en  était 
excusé  sur  les  T^ormands  qui  étaient  la  sû- 
reté des  chemins,  et  les  évèques  le  priaient 
d'exhorter  fortement   le   comte   Baudouin  à 
se  reconnaître  ;  de  lui  lire  leur  lettre,  s'il  était 
présent,  et,  s'il  était  absent,  de  la  lui  envoyer 
par  son  archidiacre  qui  la  lui  fit  bien  enten- 
dre. Que,  s'il  ne  pouvait  approcher  de  Bau- 
douin, il  fit   lire   en  sa  ])résence    la  lettre 
dans  un  lieu  où  il  eût  insulté  à  la  religion  ;  et 
qu'ensuite,  s'il  ne  se  corrigeait,  personne,  ni 
moine,  ni  chanoine,  ni  aucun  chrétien  n'eût 
plus  de  commerce  avec  lui,  sous  peine  d'ana- 
thème. 

«  A  cette  première  raison,  Baudouin  eut  à 
en  ajouter  une  seconde  :  «  Ce  prince,  étant 
maître  d'Arras,  s'était  aussi  mis  en  posses- 
sion de  l'abbaye  de  Saint-Vaast,  que  le  roi 
Charles  lui  ota  pour  son  intidéliié  et  donna  à 
l'archevêque.  Mais  Foulques  ,  trouvant  plus 
à  sa  bienséance  l'abbaye  de  Saint-Médard, 
que  possédait  un  autre  comte  nomméAltmar, 
échangea  avec  lui  celle  de  Saint-Vaast,  après 
avoir  assiégé  et  pris  Arras  sur  le  comte  Bau- 
douin. Le  dépit  qu'il  en  eut  passa  à  toute  sa 
cour,  et  il  résolut  de  se  venger.  Il  feignit  de 
vouloir  se  réconcilier.  Plusieurs  de  ses  gens 
ayant  épié  l'occasion ,  un  jour  qu'il  allait 
trouver  le  roi  avec  une  très-petite  escorte, 
ils  l'abordèrent  dans  le  chemin,  ayant  à  leur 
tête  un  nommé  V^ineniar.  Ils  lui  parlèrent 
d'abord  de  la  rétonriliation  avec  le  comte 
Baudouin  ,  puis,  lorsqu'il  s'y  allei;dait  le 
moins,  ils  le  chargèrent  à  coups  de  lances, 
le  tirent  tomber  et  le  tuèrent,  etc.  »  On  peut 
voir  à  l'article  Vinemak  l'excommunication 
qui  fut  lancée  contre  les  meurtriers  i)ar  Hervé, 
succe."scur  de  Fouh^ues,  et  la  punition  ex.e)n- 
])lair(;  (fue  Dieu  inlligea  à  ce  même  Viuemar 
pour  prix  de  son  exécrable  forfait. 

BAlJCiY,  bourg  de  l'Auxerrois  ,  où  snint 
Péiégrin,  premier  évê(iue  d'Auxerre,  fut  mar- 
tyi'isé  en  l'an  de  Jésus-Chiist  -U)k.  11  lut  en- 
terré dans  ce  lieu,  témoin  de  son  marlyro. 
l)e|»uis,s(.'s  relupuvs  furent  li'an-l'érées  à  Saint- 
Denis,  près  Pans. 

UAZAN,  martyr,  caléchisl.' du  P.  dt^  Sanvi- 
ionis  {roi/.  s(jn  a.litle,  fut  assassiné,  le  31 
man*  11)72,    i»ar  le  chef  Kipoha,  à  (pii  il  ro- 


455 


BEN 


BEN 


454 


prochait  la  licence  do  ses  mœurs,  malgré  son 
titre  do  chrétien. 

liAVAlAlE  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martjro  à  Rome,  sur  la  voie  Latine,  avec 
saijit  Jovin,  sous  le  rf^^no  (^t  durant  la  por- 
séculidu  (leA'aléricn.  On  no  nous  a  pas  [^ardé 
de  documents  autliontiques  sur  la  façon  dont 
ils  accomplirent  leur  sacritico.  L'Jiylise  fait 
leur  f(He  le  2  mars. 

BKATRIX  (sainte),  martyre,  fut  étranglée 
à  Uome,  dans  sa  piison,  en  303,  du  teni|)s 
de  la  persécution  de  Dioclétien.  Cotte  sainte 
avait  été  témoin  de  la  mort  de  ses  frères, 
saint  Sirapiice  et  saint  Faustin,  qui  avaient 
été  décapités,  et  ensuite  jetés  dans  le  Tibre. 
Après  avoir  fait  retirer  leurs  corps,  elle  les 
fit  enterrer  honorablement  et  se  retira  do 
l'autre  côté  du  tleuve,  chez  une  chrétienne 
nommée  Lucine.Kllepassaitaveccottofemme 
les  jours  et  les  nuits  en  ])rières.  Un  parent, 
quivoulaits'appropriersa  fortune,  la  dénonça. 
Elle  fut  arrêtée,  et  après  qu'elle  eut  souffert 
divers  supplices,  elle  fut,  comme  nous  l'avons 
dit,  étranglée.  Lucine  la  déposa  près  de  ses 
frères.  Le  pape  Léon  transporta  les  reliques 
de  ces  saints  dans  une  église  bâtie  h  Rome 
sous  leur  invocation.  C'est  aujourd'hui  l'é- 
glise de  Sainte-Mari  e-Majeure  qui  lespossèdc. 
L'Eglise  fait  la  fête  de  ces  saints  le  29 juillet. 

BELLIN  (saint),  martyr,  était  évêqueàPa- 
douc.  On  ne  connaît  aucune  circonstance  de 
son  martyre,  la  date  même  en  est  inconnue. 
L'Eglise  célèbre  sa  mémoire  glorieuse  le  26 
novembre. 

BENALT  (FoRÈT  de),  située  près  de  Ne- 
mèse  ou  de  Spire,  est  célèbre  par  le  martyre 
de  saint  Théodard ,  en  669.  Ce  saint  était 
évêque  de  Maëstricht,  et  se  rendait  en  Aus- 
trasie,  près  du  roi  Ghi.'déric  II,  pour  obtenir 
de  lui  la  restitution  des  biens  de  son  église, 
dont  des  seigneurs  })uissants  du  pays  s'étaient 
emparés.  Ces  seigneurs,  ayant  été  informés 
du  but  que  se  proposait  l'évêque,  placèrent 
dans  la  forêt  des  hommes  qui  l'assassinèrent 
à  son  passage. 

BENGALE,  ancienne  province  del'Indous- 
tan,  a  pour  capitale  Calcutta.  Longtemps  le 
Bengale  forma  un  royaume  indépendant.  Il 
fut  conquis  par  les  Afghans  en  1203,  devint 
tributaire  des  Mongols  quelque  temps  après, 
jusqu'en  1340,  époque  à  laquelle  Faklier- 
Aduin  s'en  empara  et  en  fit  de  nouveau  un 
royaume  indépendant.  Cher-Schah  en  lit  la 
conquôie  en  1538  et  le  réunit  au  Delhi.  Akbar 
en  tit  i)cu  après  une  province  du  Grand- 
Mogol  ;  entin,  en  1757,  il  tomba  sous  la  do- 
mination des  Anglais,  qui  le  possèdent  en- 
core. 

En  1602,  la  persécution  visita  les  saints 
missionnaires  qui  évangélisaient  ce  pays  : 
c'étaient  des  jésuites.  Leur  église  et  leur 
maison  furent  saccagées.  François  Fernandez, 
l'un  d'entre  eux,  fut  si  cruellement  maltraité, 
qu'il  mourut  en  prison  des  suites  de  ses  bles- 
sures. Le  P.  Bores  l'assistait  à  ses  derniers 
moments.  Cj  généreux  missionnaire  avait 
obtenu  d'être  conduit  enchaîné  auprès  de 
son  compagnon.  En  1699,  le  P.  Martin  eut  à 


y  souffrir  diverses  persécutions.  (Voy.  son 
arti(-le.) 

BiiNlGNE  (saint),  disciple  de  saint  Poly- 
carpe,  fut  envoyé  par  lui  dans  les  Gaules, 
pour  y  prêcher  TEvangib;,  avec  saint  Ando- 
che,  saint  Tliyrse  et  saint  Félix.  Saint  Bé- 
nigne était  prêtre.  Il  arriva  en  Gaule  sous 
le  règne  d'Antonin  ou  de  Marc-Aurèle.  De 
Marseille  il  passa  à  Lyon,  puis  à  Autun,  où 
il  fut  reçu  par  Fauste,  qui  était  i)remier  ma- 
gistrat do  la  ville  et  chrétien  en  secret,  à 
cause  de  la  persécution  qui  sévissait  alors.  Ce 
Fauste  avait  un  lils  Agé  de  trois  ans  et  nommé 
Sym|)horicn.  Sachant  qu'il  avait  chez  lui  des 
prêtres,  il  les  pria  de  donner  le  baptême  à  sa 
famille  et  à  {)lusieurs  de  ses  amis.  Saint  Bé- 
nigne et  saint  Andoche  baptisèrent  son  fils 
Ensuite  Fauste  parla  à  saint  Bénigne  d'une 
sœur  qu'il  avait  h  Langres,  nommée  Léonille, 
laquelle  y  avait  trois  petits-Iils  qu'elle  dési- 
rait attirer  à  la  religion  chrétienne.  Après 
quelques  années  de  séjour  à  Autun,  saint 
Bénigne  se  rendit  ii  Langres  pour  y  travailler 
au  désir  de  sainte  Léonille.  Il  convertit  en 
ellet  les  trois  petits-tils  de  Léonille,  nom- 
més Speusippe,  EleusippectMéleusippe.Tous 
trois  soufirirent  bientôt  le  martyre.  Saint  Bé- 
nigne se  rendit  ensuite  à  Dijon,  oii  il  conver- 
tit sainte  Pascasie.  Pou  de  temps  après,  un 
gouverneur  étant  venu  à  Dijon,  fit  arrêter 
saint  Bénigne,  qui  finit  ses  jours  par  un 
glorieux  martyre.  Il  fut  étendu  avec  dos  pou- 
lies, et  déchiré  à  coups  de  nerfs  de  bœuf.  On 
lui  enfonça  des  alênes  sous  les  ongles  ;  en- 
suite on  lui  scella  les  pieds  dans  une  pierre 
creuse,  avec  du  plomb  fondu,  puis  on  l'en- 
ferma, sans  lui  donner  de  nourriture,  durant 
six  jours,  avec  des  chiens  furieux.  Au  bout 
de  ce  temps,  on  le  trouva  plein  de  vigueur 
et  de  santé.  Dieu  l'avait  soutenu.  On  le  battit 
sur  le  cou  avec  une  barre  de  fer,  et  enfin  on 
le  tua  d'un  coup  de  lance.  On  fait  sa  fête  le  1" 
novembre. 

Longtemps  le  corps  de  saint  Bénigne  ne 
jouit  pas  des  honneurs  dus  à  un  si  grand 
saint.  La  mémoire  ^es  événements  que  nous 
venons  de  raconter  s'était  effacée,  et  le  tom- 
beau de  saint  Bénigne  était  bien  l'objet  des 
dévotions  traditionnelles  des  gens  du  pays, 
mais  le  doute  retenait  à  cet  égard  les  bons 
esprits.  Le  saint  apparut  lui-même  à  saint 
Grégoire,  évêque  de  Langres,  et  lui  dit  quel 
trésor  renfermait  ce  tombeau.  Saint  Grégoire 
transporta  les  reliques  précieuses  dans  l'an- 
cienne chapelle  dédiée  au  saint.  Le  temps 
l'avait  ruinée,  il  la  fit  rebâtir. 

BÉNIGNE  (saint) ,  martyr,  était  évêque  à 
Utrecht.  Il  y  reçut  la  couronne  du  martyre  à 
une  époque  et  dans  des  circonstances  que 
nous  ignorons.  L'Eglise  célèbre  sa  glorieuse 
mémoire  le  28  juin. 

BENIGNE  (saint),  martyr,  reçut  la  couronne 
du  martyre  à  Todi.  Le  Martyrologe  romain  ne 
donne  aucun  détail  sur  l'époque  et  les  cir- 
constances de  son  combat.  L'Eglise  célèbre 
sa  sainte  mémoire  le  13  février. 

BENILDE  (sainte),  martyre,  mourut  pour  la 
foi  à  Cordoue  en  Espagne.  On  ignore  l'épo- 
que et  les  circonstances  de  son  martyre.  L'E 


45o 


BER 


BER 


456 


glise,  notre  mère,  révère  sa  sainte  mémoire 
le  15  juin. 

BENJAMIN  (saint),  martyr,  était  diacre  en 
Perse  sous  Varanes  on  Vararanes,  qui  con- 
tinua avec  tant  de  fureur,  contre  les  chrétiens, 
la  persécution  commencée  par  son  père, 
Yesdedjerd.  Il  fut  arrêté,  rudement  battu  et 
mis  en  prison.  Il  y  resta  un  an.  Au  bout  de 
ce  temps,  l'ambassadeur  romain  qui  vint  en 
Perse  demanda  son  élargissement.  On  le  lui 
accorda,  mais  sur  la  prouiesso  qu'il  cesserait 
de  prêcher  rEvangile.  L'ambassadeur  le  pro- 
mit, mais  Benjamin,  qui  ne  croyait  pas  pou- 
voir tenir  l'engagement  pris  en  son  nom, 
continua  de  piècher  et  d'instruire  les  intî- 
dèles.  Le  roi  l'ayant  su  le  fit  de  nouveau  ar- 
rêter. D'abord,  il  voulut  l'elfrayer  par  des 
menaces...  Le  saint  diacre  lui  dit:  «  Quelle 
idée  auriez-vous  d'un  do  vos  sujets  qui  vous 
trahirait  pour  ])asser  à  vos  ennemis?  »  Le 
roi,  furieux,  lui  fil  enfoncer  des  pointes  de 
roseaux  sous  les  ongles  des  pieds  et  des  mains 
et  dans  i)lusieurs  autres  parties  du  corps.  Ce 
supplice  fut  répété  un  cei  tain  nombre  de  fois, 
avec  une  cruauté  inouïe.  Enfin  le  bienheu- 
reux diacre  fut  empalé.  Sa  mort  eut  lieu  en 
ï'2\.  L'Eglise  romaine  fait  sa  fête  le  31  mars. 

BENOIT  (saint),  martyr,  était  ermite  en 
Pologne.  Il  y  souffrit  le  martyre  dans  des  cir- 
constances et  à  une  époque  qui  nous  sont 
inconnues  ,  avec  les  saints  Jean  ,  Matthieu, 
Isaac  et  Christin,  également  ermites.  L'Eglise 
célèbre  leur  mémoire  le  12  novembre. 

BENOITE  (sainte),  martyre, était  originaire 
du  diocèse  de  Laon.  Cette  vierge  reçut  la 
couroime  du  martyre  dans  des  circonstances 
et  à  une  époque  qui  nous  sont  inconnues. 
L'Eglise  lionore  sa  mémoire  le  8  octobre. 

BEKAKD  (saint),  martyr,  était  religieux  de 
l'ordre  de  Saint-François.  Il  cueillit  la  palme 
du  martyre  à  Maroc,  en  Afi'ique.  On  ignore 
en  quelle  année.  Il  eut  pour  compagnons  de 
ses  combats  glorieux,  les  saints  Pierre,  Ac- 
curse,  Ajut  et  Olhon.  Leur  mémoire  est  ho- 
uorée  dans  l'Eglise  le  l(i  janvier. 

BÉRÉNICE,  tille  d'Agrippa  l'Ancien,  roi 
des  Juifs,  née  l'an  28  de  Jésus-Christ,  épousa 
d'abord  Hérode,  loi  de Chalcis,  jaiis  Pulémon, 
roi  de  Cilicie.  Elle({uittace  second  mari  pour 
venir  deujeurer  avec  Agrippa  II,  son  frèi-e. 
Ce  fut  pendant  ce  séjour  (juelle  fut  présente, 
à  Césarée,  quand  saint  Paul  se  défendit,  sur 
l'invitation  de  Eestus,  devant  Agrippa.  Tilus, 
(jui  l'avait  vue  ci  la  guerre  qu'il  lit  en  Judée, 
en  devint  amoureux;  il  l'eunnena  à  Rome 
et  l'aurait  épousée  sans  rop|)osili(jn  des  Ro- 
mains. Cet  événement  a  fourni  à  Coineille 
et  à  Racine  le  sujet  de  tragédies  célèbres. 

RÉRÉNK^E  (saintej,  fille  de  sanilc  Duminne 
(;t  soMjr  (ir;  sainte  IM'osdoce,  est  honorée 
connue  martyre  avec  elles,  par  l'Eglise,  le  4 
octobre.  (Poijr  plus  de  détails,  voy.  les  Actes 
(ht  siiinte  l>()MMM:.j 

,  BI*>R(i;\MI'i,  ville  du  roy.iuiiKî  Lombard- 
Vénitien,  est  (célèbre  par  h;  martyre  qu'y  sout- 
Irit  s.iint  l)<;innioii.  ()i\  i}.Miore  coMipléteiiiciil 
(;ii  i|uclles  e.ii'constances  et  a  (pielle  é|toque. 
l'.IJ'.KLLEY  ,  naquit  en  lilande  ej)  lOH'i, 
tiudiu  MU  tolléçie  de  la  Trinité  d«  Dublin,  tl 


devint  associé  de  ce  collège.  En  1708,  il  com- 
posa et  publia  sa  Théorie  de  la  vision,  puis, 
un  an  a|)rès,  ses  Principes  des  connaissances 
humaines.  Dans  cet  ouvrage,  il  prétend  éta- 
blir que  tout  ce  (pie  nous  nommons  les  corps 
n'existe  réellement  pas.  Tous  ces  êtres  qui 
afïectent  nos  sens  n'ont,  d'après  lui,  qu'une 
réalité  subjective,  c'est-à-dire  qu'ils  consis- 
tent simplement  en  des  impressions  produites 
au  dedans  de  nous-mêmes  par  la  toute-puis- 
sance divine.  Le  soleil,  la  terre,  les  astres, 
tout  ce  que  le  monde  enserre,  nos  corps  eux- 
mêmes  sont  de  véritables  fantômes  qui  n'exis- 
tent que  dans  notre  esprit.  Ainsi,  la  vie  n'est 
qu'un  cauchemar  perpétuel  ;  cauchemar  qui 
ne  cesse  qu'à  ce  que  nous  nommons  la  mort , 
c'est-à-dire  à  ce  moment  où  il  plaît  à  Dieu 
de  prendre  en  pitié  la  pauvre  âme  dont  il  a 
fait  son  jouet.  Conséquemment  la  mort  non 
plus  n'existe  pas.  Maintenant,  si  les  corps 
n'existent  pas,  qui  prouvera  à  l'homme  de 
Berkeley  que  les  existences  individuelles 
qu'il  suppose  en  dehors  de  lui-môme,  ne 
sont  pas  aussi  une  vaine  fantasmagorie,  une 
des  mille  aberrations  que  Dieu  lui  envoie 
dans  l'impitoyable  cauchemarqu'il  lui  donne? 
Berkeley  ne  s'arrête  pas  pour  si  peu,  il  sait 
bien,  dit-il,  que  son  système  fait  naître  des 
objections  irréfutables,  mais  ce  n'est  pas  une 
raison  ,  dit-U,  pour  ne  pas  l'admettre.  En 
effet,  il  sulïit  que  l'idée  d'un  pareil  système 
lui  soit  venue,  pour  que  le  monde  doive  non- 
seulement  s'en  préoccuper,  mais  encore  le 
recevoir.  Une  seule  chose  étonne  en  lisant 
ces  absurdités  ;  ce  n'est  pas  qu'une  cervelle 
humaine  ait  pu  les  enfanter,  à  rencontre  de 
la  raison  et  de  la  foi,  c'est  qu'il  se  trouve 
des  hommes  assez  idiots  pour  en  être  dupes. 

Un  sot  trouve  toujours  un  plus  sot  qui  l'admire. 

L'auteur  de  ce  vers  a  écrit  une  des  vé- 
rités les  plus  grandes  qu'il  soit  possible 
de  dire.  Berkeley  méritait  une  place  parmi 
les  aliénés;  les  philoso{)hes  le  proclamèrent 
un  des  leurs,  et  la  Béotie  d'Europe  lui  four- 
nit des  admirateurs. 

Deux  des  amis  de  ce  philosophe ,  Clarke 
et  Wiston,  qui  lui  voulaient  du  bien,  ne  se 
rangèrent  pas  du  côté  des  admirateurs  :  ils 
crurent  que  Berkeley  devenait  fou,  et  vou- 
lurent le  ramener  à  des  idées  plus  saines; 
mais  lui  soutint  son  système  [)ar  de  nouveaux 
arguments,  (ju'il  tit  valoir  dans  ses  Dialogues 
enlre  /lilus  et  Philonoxis.  On  avait  beau  lui 
dire  qu'il  détruisait  la  })ossibilité  des  mira- 
cles, la  responsabilité  des  actes  humains, 
toutes  hîs  bases  de  la  religion  dont  les  preu- 
ves ne  re|)osent  (jue  sui' des  faits;  lui,  avec 
inie  naïveté  béate,  disait  (lu'il  soutenait  et 
j)rouvail  la  religion,  en  détruisant  |)ai- le  pied 
le  mati'rialisme,  puisqu'il  niait  l'i^xislence  de 
la  matière,  l'auvre  Rerkeley  I  après  avoir  pu- 
blié un  éci'it  intitulé  le  Pelit  Philosophe, 
o'uvrt.'  faite,  à  son  point  de  vue,  pour  com- 
balln^  l'athéisme  et  le  th-isnie,  il  ftit  tour- 
nicnlé  de  la  façon  la  plus  eiuelle  par  l'être 
(jiii,  d'aitrès  lui,  l'ail  passer  devant  nos  Ames 
lonles  les  facéties  de  l'inistence.  Un  beau  jour 
il  lui  sembla,  à  ce  pur  esprit,  qu'il  avait  uiio 


4M 


ÈEft 


femme  apparence ,  qu'il  nommait  madame 
KiTkeloy  par  habitude,  et  pour  faire  comuie 
tout  le  monde.  Or,  il  lui  sembla  qu'il  partait 
avec  elle  [tour  UM  prétendu  pay^  d*Aniéri([U(', 
sur  une  a|)paronce  de  vaisseau,  pour  aller 
convertir  des  apparences  de  sauvages.  Au 
loid,  Berkeley  avait  l'Ame  bonne,  ou  plutôt 
Dieu  ne  le  plaisanta'l  (ju'en  lui  faisant  jouer 
des  rôles  honnêtes.  Après  un  certain  laps  de 
temps,  il  lui  sembla  qu'il  revenait  d'Amé- 
rique avec  ce  (|u'il  nonnnait  madinie  Berke- 
ley ;  il  crut  qu'il  acceptait,  en  1733,  l'évéché 
de  Cloyne,  et  ses  amis  et  connaissances  cru- 
rent un  beau  jour  qu'une  chose  qui  se  nom- 
mait Berkeley  mourait  en  1753.  Erreur  [iro- 
fonilel  c'était  sin]{)lemenl  une  àme  sur  la- 
(pi(>lle  Dieu  cessait  de  moitrer  les  ombres 
chinoises.  Puissent  tous  ceux  qui  laisonnenl 
comme  ce  philo>op!ie  être  aussi  sûrs  que 
lui  de  l'éternede  béatitude,  (le  souhait,  nous 
le  faisons  de  tout  cœur;  mais  le  Dieu  qu;  a 
dit  :  heureux  les  pauvres  d'esprit,  n'a  point  dit 
hemeux  les  niais,  heureuses  les  dupes,  heu- 
reux surtout  les  sots  acteurs  de  sols  rôles 
joués  sous  le  masque  de  l'hypocrisie. 

Qu'on  amasse  donc  les  fagots  philosophi- 
ques de  cette  espèce-là,  et  qu'on  laisse  au 
bon  sens  vulgaire  le  soin  d'en  faire  poussière 
et  cendre,  car  ce  serait  vraiment  trop  d'hon- 
neur leur  faire  que  de  les  réfuter  sérieuse- 
ment. 

BERNA  (le  bienheureux  Pierre),  prêtre 
de  la  Compagnie  de  Jésus,  fut  associé  au 
martyre  du  bienheureux  Aquaviva,  recteur 
du  collège  que  les  Jésuites  avaient  dans  l'ile 
de  Salcetle,  avec  les  PP.  Antoine  François, 
Alfonse  Pacheco,  prêtres,  et  le  frère  coadju- 
teur  François  Aragna.  Leur  martyre  eut  lieu 
le  15  juillet  1583.  (Tanner,  SocielasJcsu  usque 
ad  sanguinis  et  vitœ  profusionem  militans, 
p.  2i7  ;  le  P.  d'Outreman,  Recueil  des  hom- 
mes illustres  de  la  Compagnie  de  Jésus,  p.  457  ; 
Du  Jarrie.  Histoire  des  choses  plus  mémora- 
bles, etc.,  t.  1",  p.  352.) 

BERNARD  (saint) ,  éiait  évêque  à  Capoue. 
Il  confessa  sa  foi  à  une  époque  et  dans  des 
circonstances  que  le  Martyrologe  romain  ne 
nous  donne  pas.  L'Eglise  célèbre  sa  mémoire 
le  12  mars. 

BERNARD  COSIN  (le  bienheureux),  frère 
mineur,  fut  martyrisé  en  1555,  pour  la  foi, 
dans  le  val  de  Guadiana,  par  les  Chichimè- 
ques,  avec  Jean  de  Tapia,  religieux  du  môme 
ordre,  et  Jean  Serrado,  qu'ils  firent  périr  à 
coups  de  flèches.  {Chronique  des  Frères  Mi- 
neurs, t.  IV,  p.  307  et  suivantes.) 

BERNARD  (saint),  confesseur,  souffrit  pour 
la  foi  dans  la  Campagne  de  Rome.  Le  Marty- 
rologe romain  ne  donne  aucun  détail  sur  l'é- 
poque et  les  circonstances  de  ses  combats. 
L'Eglise  célèbre  sa  mémoire  le  li  octobre. 

BERNARD  (le  bienheureux  Jean),  frère  lai 
dans  l'ordre  de  Saint-François,  fut  envoyé 
par  ses  supérieurs  prêcher  la  foi  dans  le  Pé- 
rou. Il  fut  saisi  par  les  indigènes  du  terri- 
toire de  los  Charcas,  qui  ne  voyaient  en  lui 
qu'un  complice  des  cruautés  des  Espagnols. 
Ils  le  pendirent,  et,  pendant  trois  jours,  du 
haut  du  gibet,  il  les  exliorta  à  embrasser  la 
DiCTioxN.  DES  Persécutions.  I, 


BEâ  45Ô 

foi.  Ce  miracle,  qui  aurait  dû  leur  ouvrir  les 
veux,  ne  fit  que  les  exaspérer  davantage  Ils 
lui  arrachèrent  le  cœur  et  abandonnèrent  son 
corps,  qui  fut  recueilli  par  les  chrétiens,  et 
déposé  dans  la  custodie  de  la  Plata.  (Férot, 
Abrégé  de  la  vie  des  saints  des  trois  ordres  de 
Saint-François,  t.  IIL  |).  331.) 

BEUNÈDE  IGNACE  (le  bienheureux),  con- 
fesseur, religieux  de  la  Merci.  Voy.  Monnel 
(Bernard). 

BEROINE,  qualifié  [)résident  par  le  Marty- 
rologe romain,  lit  mettre  h  mort,  sous  Num'é- 
rien,  dans  la  ville  d'Aquilée,  saint  Hilaire 
évêque,  saint  Tatien  diacre,  et  les  saints  Fé- 
lix, Large  et  Denis.  On  ne  dit  pas  comment 
ils  terminèrent  leur  sacrifice,  mais  il  est 
certain  qu'il  leur  fit  subir  la  peine  du  cheva- 
let et  plusieurs  autres  su[)plices. 

BÉRONIQUE  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
pour  Jésus-Chri  t,  à  Antioche,  avec  la  vierge 
Pélagie  et  quarante-neuf  autres  saints  mar- 
tyrs, dont  les  noms  sont  inconnus.  Le  Mar- 
tyrologe romain  ne  dit  point  à  quelle  époque 
et  dans  quelles  circonstances.  L'Eglise  ho- 
nore leur  sainte  mémoire  le  19  octobre. 

BÉRYLLE,  gouverneur  de  l'Ombrie,  fit 
mourir  sous  Adrien,  au  commencement  de 
la  persécution  et  du  règne  de  ce  prince,  sainte 
Sérapie,  jeune  vierge  qui  demeurait  chez 
sainte  Sabine,  à  Vindène.  Il  la  fit  décapiter, 
après  l'avoir  fait  battre-à  coups  de  bâtons,  et, 
après  avoir  essayé  delà  faire  violer  par  deux 
Egyptiens.  Dieu  avant  miraculeusement  pro- 
tégé sa  servante  dans  cette  circonstance,  Bé- 
rylle  crut  qu'elle  avait  agi  par  magie,  pour 
empêcher  l'exécution  de  ses  ordres.  {Voy. 
Sërapie,  Sabine,  Helpide.) 

BÈS  (Rosalie),  religieuse  du  Saint-Sacre- 
ment, de  Bolène,  périt  sur  l'échafaud  le 
8  juillet  1794,  avec  Elisabeth  Peleysier,  Ma- 
rie Blanc,  du  même  orire,  et  Marguerite  Ba- 
vasre,  ursuline  au  Pont-Saint-Esprit.  Au  mo- 
ment même  où  le  jugement  qui  les  condam- 
nait à  mort  fut  rendu,  Rosalie  Bès,  dite  sœur 
Pélagie,  tira  de  sa  poche  une  boîte  remplie 
de  dragées,  qu'elle  distribua  à  ses  compa- 
gnes. «  Ce  sont  là,  dit-elle,  les  dragées  que 
j'avais  réservées  pour  le  jour  de  mes  noces.  » 

BESANÇON,  chef-lieu  du  département  du 
Doubs,  est  célèbre  dans  les  annales  de  nos 
martyrs  par  les  souffrances  et  la  mort  qu'y 
endura  l'évêque  Germain. 

BESCHI  (Constant-Joseph),  Italien  de 
naissance,  fut  élevé  dans  la  ville  de  Rome. 
Se  sentant  de  la  vocation  pour  l'apostolat,  il 
dirigea  ses  études  dans  cette  voie,  vers  la- 
quelle il  se  croyait  appelé.  Innocent  XII 
l'envoya  comme  missionnaire  dans  les  In- 
des ori<ntales.  Il  aborda  à  Seranadou  ou 
Maléalam,  sur  les  côtes  du  Malabar,  en  1700. 
Il  parlait  l'italien,  l'hébreu,  le  grec,  le  la- 
tin, le  portugais;  bientôt  il  apprit  le  sanskrit 
et  le  télenga,  mai^  il  s'appliqua  par-dessus 
tout  à  apprendre  le  tamoul ,  dont  il  connut 
bientôt  assez  bien  le  mécanisme  pour  en 
posséder  parfaitement  legéniepoétique.  Aus- 
sitôt qu'il  fut  dans  ce  pays,  pour  se  conci- 
lier l'affection  de  ce  peuple  qui  a  des  usa- 
ges fort  extraordinaii^es,  il  s'y  conforma  au- 

15 


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BES 


BES 


4G0 


tant  que  le  lui  permirent  sa  qualité  de  prêtre 
et  ses  hab.tuJes  d'Européeu.  Il  se  priva  en- 
tièrement de  viande  et  ue   poisson  ;  le  lai- 
tage,  les  fruits  et  les  légumes  dt^vinrent  sa 
nourriture  habituelle.  Un  seul  repas  lui  était 
nécessaire   chaque  jour.  Deux  habitants  de 
haute  extraction,  qu'il  availconvertis,  le  sui- 
vaient partout  en  qualité  do  cuisiniers.  Il  se 
marqua  le  front  d'un  lai'ge  potou,  circonfé- 
rence tracée  av.'c  le    cobi-sandanara  (cou- 
leur faite  avec  de  l'eau   et  de  la  [)Oudre  de 
bois  de   sandal).  Sur   la  tète   il   portait  un 
coulla,  bonnet  en  forme  de  cylindre,  en  soie 
couleur  de  feu  ;  il  avait  un  pagne  rouge  autour 
des  reins.  Un  autre  pagne  bordé  de  rose,  dra- 
pé comme  un  schall  sur  sa  tête,  par-dessus 
son   bonnet,  lui    tombait  sur  les    éj)aules. 
Pour  chaussure,  il  avait  des  soques.  Quand 
il  sortait,  il  était  vùtu  d'une  robe  persane  de 
mousseline  rouge,  portait  un  ceinturon    de 
même  couleur  :  au  lieu  du  bonnet  il  avait  la 
toque  blanche,  un  voile  et  un  mouchoir  en 
mousseline  rouge  tendre.  Il    avait   comme 
bijou  une  pairo  de  boucles  d'oreilles  en  i)erles, 
une  bague  en  or  et   une  longue    caime  de 
jonc.  Dans  cette  toilett  ■  il  quittait  sa  cliam- 
bri' pour  se  mettre  dans  un  palanquin  oiî  il 
était  assis  sur  un«3  peau  de  tigre  qui  recou- 
vrait de  soyeux  coussins.  Pendant  qu'il  mar- 
chait, 011  agitait  près  de  son  i)alanquin  des 
liDUSsoirs  à  crinière  blanche  tlottante,  et  de 
jeunes  garçons  le  précédaient  portant  devant 
lui  des  ornements  en  plumes  de  paon.  A  sa 
suite  marchait  un   homuae  qui    poi  lait  un 
large  parasol  de  soie,  muge  comme  ses  ha- 
biis.  Quand  il  di'scentlait  de  son  palanquin, 
on  déjlo. ait  à  terre  une  peau   de  tigre  atin 
qu'il  pût  s'y  asseoir.  C'est  ainsi    qu'ayant 
échangé  les   mœurs  européennes  coitr  •  les 
habitudes  orientales,  il   [)arvint  à   s'ouvrir 
l'entrée  de  tou  es  les  maisons.  Sur  son  che- 
min il  faisait  d'abon  lantes  aumônes  ;  il  don- 
nait aux  [lauvres,   pourvoyait  à  l'existence 
de  beaucoup  d'entants  qu'il  instruisait.  Vou- 
lant: tout  conformer  à  cette  loi   qu'il    s'était 
faite  de  prendre  les  usages  du  pays,  il  dessi- 
na la  Vierge  en  costume  indou  et  l'envoya  à 
Manille,    pour  qu'on  fit,  d'a[)rès  ce   dessin, 
une  statue  en  bois  de  Notre-Dame  avec  l'en- 
fant Jéaus   dans  ses  bras.  Il  la    plaça  dans 
l'église  de  Conacoupara.  Il  composa  en  l'iion- 
neui-de  la  Vierge  plusieurs  liymnes,(.'t  lit  en 
l'honneur  de  saint  Joseph  un  poëme   reli- 
gieux nommé  Tembavanie.  Ce  jiocme  con- 
tient trois  mille  six-cent  quinze  versetsdivi- 
sés    en  lr(.'nte-six    chants.    Il  composa   un 
grand  nombre  d'autres  ouvrages  ipii  le  ren- 
dirent fort  célèbre  dans  le  |)ays.  Les  savants 
hindous  changèrent  son  nom  en  un  autre  de 
leur  langue,  ipii  signitiait  homme    (rès-sa- 
v;\nl[vir  doctissiinus).  Ut   nabib  le  (pialiliu 
du  titre  d'ismat  sa  iiiiasi  (pénitent    sans  ta- 
che). Il  lui  ht  cad  -aud'uii  p  dan  |ui  i  magui- 
lituje  et  lu  rfîvenudequ  lire  villages poiii'  ses 
dt;penses.   Ces  revenus  monlaie.il  à  28, .'{00 
fiJincs  de  notre  monnaie.  Kniin  il  le  nomma 
premier  ministre.  Quan  I   il  allait    (pjchiue 
part,  des  bér.iuls  le  précédaient  :  trente  ca- 
valiers faisaient   escorte    à  son  jialanquin 


avec  douze  porte-drapeaux  et  quatre  mas- 
siers  à  butons  d'argent.  Quand  il  allait  à 
cheval,  venaient  derrière  lui  un  trompette 
monté  de  même,  puis  trois  chameaux,  le  pre- 
mier portant  d'énormes  timbales,  le  second 
un  gros  tambour;  ces  instruments  faisaient 
vacarme;  le  troisième  chameau  portait  les 
ornements  pour  célébrer  la  messe. 

Besctn  ne  cessa,  ma  gré  les  nouvelles  fonc- 
tions qu'il  avait  acceptées,  de  s'attacher  au 
principal  but  de  sa  mission,  qui  était  la  con- 
version des  idolAtres.  En  17^0,  le  nabab,  dont 
il  était  ministr>',  fut  vaincu .  et  sa  capitale 
ayant  été  prise  par  l'ennemi,  le  missionnaire 
fut  obligé  de  se  retirer  à  Cael-Patanam.  Il 
mourut  tn  1742,  regretté  et  honoré  de  tout 
le  monde. 

En  voyant  ce  récit,  on  pourrait  se  deman- 
der comment  il  va  à  notre  sujet  :  pour  1© 
compléter,  nous  n'avons  qu'à  copier  le  récit 
suivant  des  Lettres  édifiantes  :  «En  étendant 
leurs  conquêtes  dans  cette  partie  de  l'Inde, 
dit  un  jésuite  ,  les  Monghols  avaient  laissé 
subsister  les  anciens  royaumes  de  Tanjanur, 
de  Ma  luré,  de  Maïssour  et  de  Marawa.  Ces 
Etats  continuaient  d'être  gouvernés  par  des 
princes  gintils,  chargés  seulement  env;'rs  le 
Gran  -Monghol  d'un  tribut  annuel ,  qu'ils 
n'étaie  it  pas  toujours  fort  exarts  à  payer. 
L'empereurétait  souvent  obligé  de  faire  mar- 
cher des  armées  contre  eux  pour  les  (;ontrain- 
die  d'y  satisfair  •.  D-puis  un  c  -rtain  temps, 
ces  petits  rois  ou  rajahs  tributaires  étaient 
redevables  de  sommes  considéraules.  Daoust- 
Ali-Kan,  nabab  (ou  vice-ro.)  d'Arcate,  cajd- 
tale  de  tout  le  Carnate,  saisit  cette  occaMon 
pour  porter  la  guerre  ch  z  ces  princes  gen- 
tils. Cette  invasion  des  Monghols  répandit 
l'alarme  et  l'effroi.  Les  princes  gentils  écri- 
virent lettres  sur  lettres  au  roi  des  Marattes 
jiour  lui  demantler  du  secours,  lui  repré- 
sentant (]ue  s'il  n'arrêtait  les  progrès  de  leurs 
ennemis,  c'en  était  fait  non-seu'ement  dé 
leurs  Etats,  mais  encore  de  leur  religion,  qui 
allait  être  entièrement  détruite  par  les  ef- 
forts des  mahométans.  Ces  Marattes  habitent 
à  l'ouest  des  montagnes  qui  sont  derrière 
Goa,  à  la  côte  de  xMalabar.  Sutura,  capitale  de 
leur  pays,  est  une  ville  fort  considérable.  Le 
roi  i\es  Marattes  est  très-puissant;  on  l'a  vu 
souvent  mettre  sur  pied  tout  à  la  fois  150,000 
hommes  de  cavalerie,  qui  allaient  ravager  les 
Etats  du  Manghol  et  les  mettaient  h  contri- 
bution. Les  sollicitations  [tressantes  des  peu- 
|)lcs  de  TritchirAjiali  (a. ors  capitale  du  Ma- 
duré)  et  de  Tanjaour,  jointes  à  l'envie  de 
jiiller  un  pays  enrichi  depuis  grand  nombre 
d'années  par  l'or  et  l'argent  que  toutes  les 
nations  du  monde  ne  cessent  d'y  apporter 
en  échange  des  marchandises  précieuses 
(ju'elles  en  tirent,  détermitiènnil  (O  j)nnce 
à  aeconjer  le  secour»  (pi'on  lui  demandait^ 
Ses  |Miiicipaiix  ministres  ,  dont  la  plupart 
étaient  brahiiKîs, lui  en  tirent  même  un  devoir 
de  consiiencc'.  11  leva  une  armée  de  soixante 
mille  chevaux  et  de  cent  cinquante  mille 
hommiis  de  pied.  Ces  troupes  partirent  au 
mois  d'octobre  17.'j0 ,  cl  prirent  la  route  du 
Carnate.  »  Les  Marattes  sont  diveisemculau- 


i6i  BES 

préciés  par  les  rnissionnairos.  «  Les  arm(^cs 
de  Maïailos  (|u;  pai courent  tous  les  ans  celle 
pari  e  de  rinde  pour  lever  le  tribut  ,  d:t  b' 
P.  rahnellt',  ont  parmi  elles  une  c  ir(''tienl6 
nombreuse  et  édilinnle  ,  qui  donn  ■  li<'U  ;\ 
beau  ou;.)  de  conversions  el  de  b  iplùmes.  Il 
y  a  dans'cliaijue  armée  un  nombre  eo-isidé- 
rable  de  familles  c'u-éticMies.  Ces  néophytes 
se  sont  choisi  un  chef  qui  leur  lient  lie.i  do 
calécliiste.  Tous  les  dimanches  ,  ils  ornent 
une  vaste  tente  en  forme  d'église  ;  les  (idoles 
s'y  rassemblent  pour  écouter  les  instructions 
et  faire  leurs  prières;  el  ils  s'en  acquittent 
avec  tant  d'assiduité  el  de  zèle,  que  le  mis- 
sionnaii-e  a  été  obligé  de  modérer  les  péni- 
tences qu'il  imposait  à  ceux  qui  manquaient 
une  seule  fois  de  s'y  trouver.  » 

Le  P.  Saignes  présente  sons  un  autre  jour 
ces  peu[)les,  dont  les  entreprises  poilèrent  la 
désolation  dans  toute  la  péninsule.  Ce  mis- 
sionnaire écrivait  le  18  janvier  1741  :  «  Ils 
allèrent  l'année  dernière  jusque  sur  les  bords 
du  Gange.  Ensuite  ,  se  tournant  à  l'ou  'st , 
ils  s'emparèrent  de  tout  le  pays  des  Portugais, 
et  assiégèrent  la  ville  de  Coa,  qu'ils  auraient 
prise  sans  les  forts  qii  la  défen  lent.  Ce  serait 
un  mailieur  irré.  arable  pouf  la  religion  :  la 
perte  de  (ioa  enliainerail  infailliblement  la 
ruine  des  missions  du  Canara,  de  Maissour, 
de  Maduré,  de  Travancore,  de  l'île  de  Ceylan  ; 
parce  que  les  missionnaires  qui  sont  dans 
ces  différents  royatnnos  n'y  subsistent  que 
par  les  revenus  de  Goa  ,  sur  lesquels  le  roi 

d.>  Portugal  leur  a  assigné  des  pensions 

Nos  églises  n'ont  point  été  respectées.  Ils 
ont  pris  le  peu  qui  y  étiit  resté;  car  les 
missionnaires  en  prenant  U  tuile  avaient  em- 
porté avec  eux  tout  ce  qu'ils  pouvaient.  Il 
y  a  déjà  quatorze  de  ces  miss  onnaires  à 
Pondichéry.  On  est  en  peine  de  quatre  Pères 
portugais  dont  on  n'a  éprend  aucune  nou- 
velle. O  i  craint  encore  plus  ;0ur deux  autres 
dont  les  églises  sonl  foi-i  éloignées  dans  les 

terres  de  Maissour Quelques-uns  se  sont 

sauvés  comme  ils  o  it  pu,  dans  les  bois  et  sur 
les  montagnes.  11  n'y  a  que  le  P.  Ma  Jeira 
qui  n'a  pu  échapper  à  la  fureur  de  ces  bri- 
gands. A  l'instigatioii  d'un  l)ia!irae,  qui  leur 
persuada  que  ce  Père  avait  each-'ï  de  grands 
trésors,  ils  le  battirent  cruellement;  us  le 
tinrent  pnidant  plusieui-s  jours  lié  à  un  po- 
teau, la  tète  nue  et  to;il  le  corps  presque 
nu,  exposé  aux  ardeurs  d'un  soleil  brû- 
lant, ne  lu;  donnant  du  riz  qu'autant  qu'il 
en  fallait  pré;n~émeut  pour  ne  pas  le  laisser 
mouiir  ue  fdim.  Cei)endant ,  le  peu  qu'ils 
trouvèrent  dans  son  église  de  Vergimpetli 
fit  soupçonner  aux  Marattes  que  le  brahme 
leur  en  avait  imposé  :  «  Il  faut  le  presser , 
dit  ce  brahme;  s'il  n'a  point  d'argent,  vous  en 
tirerez  sûrement  de  ses  disciples  qui  n'épar- 
gneront rieïi  pour  le  racheter  des  tour- 
ments. »  Les  Marattes  suivirent  son  conseil 
et  annoncèrent  au  missionnaire  que  la  réso- 
lution était  prise  de  le  faire  mourir  dans  les 
pi  s  cruels  supplices  s'il  ne  fais  tit  pas  con- 
tribuer ses  disciples...  Les  chrétiens,  infor- 
més de  la  triste  situation  où  était  leur  Père 
en  Jésus-Christ ,  s'offraient  déjà  à  ramasser 


bëu 


4b^ 


parmi  oux  la  somme  qu'on  demandait  pour 
sa  délivrance.  Le  Père  lit  venir  le  eatécniste 
(pii  avait  la  liberté  de  lui  parler,  et  lui  or- 
donna de  défendre  de  sa  part  à  ses  disciples 
(le  donner  la  moindre  chose  pour  le  délivrer, 
aimant  mieux  mourir  que  de  les  voir  réduits, 
à  son  occasion  ,  à  une  extrême  indigence. 
Les  Marattes  furent  étrangement  surfiris 
d'une  résolution  si  généreuse.  Cependant , 
ils  préparèrent  leur  chaise  et  leur  casque  de 
fer;  ils  tirent  rougir  au  feu  l'un  et  l'autre, 
et  ils  se  disposaient  à  faire  asseoir  le  mis- 
sionnaire sur  cette  chaise  et  à  lui  mettre  le 
casque  en  tète,  lorsqu'un  des  chefs  marattes, 
témoin  de  la  fermeté  du  Père  et  de  la  fer- 
veur avec  laîjuell  •  il  offrait  à  Dieu  ses  tour- 
ments, élevant  la  voix  tout  à  coup  :  «  Lais- 
sez en  r(!pos  ce  sanniâsi,  s'écria-t-il  ;  j'ai  ouï 
parler  du  Dii'u  qu'il  invoque  ;  c'est  un  Dieu 
r-'doutable,  et  nous  pourrions  bien  nous  at- 
tirer son  courroux  en  tourmentant  son  ser- 
viteur. D'ailleurs,  ajoula-t-il ,  c'est  un  étran- 
ger qui  fait  du  bi(!n  à  tout  le  monde  par  ses 
prières  et  par  ses  utiles  conseils.  »  On  obéit  : 
le  missionnaire  fut  détaché  du  poteau  et 
renvoyé  libre.  » 

BÈSE  (saint),  Bésas,  martyr,  fut  mis  à  mort 
sous  Dèce  et  sous  le  gouvernement  de  Sabi- 
nus,  î  Alexandrie,  en  l'année  250.  Voici 
comment  eut  lieu  son  martyre.  Il  était  sol- 
dat, et  il  assistait  en  cette  qualité  au  martyre 
de  saint  Julien  et  de  saint  Chronion.  Révolté 
delà  cruauté  brutale  avec  laquelle  on  traitait 
ces  deux  saints ,  il  marqua  combien  cette 
violence  lui  déplaisait.  Conduit  devant  le 
juge  au  imlieudes  huées  d'une  populace  in- 
solente, ce  courageux  soldat  de  Jésus-Christ, 
ne  s'étant  pas  démenti  dans  ce  combat  en- 
trepris pour  sa  gloire,  eut  la  tête  tranchée. 
L'Eglise  fait  la  fête  de  ce  courageux  martyr 
le  27  février,  avec  celle  de  saint  Chronion  et 
de  saint  Julien. 

BESSAAiONE,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé 
les  Actes  authentiques.  Yoy.  Martyrs  (les 
trente-sept  )  égyptiens. 

BETH-ASA,  ville  de  Perse.  Sous  le  règne 
de  Sapor,  en  l'an  de  Jésus-Christ  327,  saint 
Jonas  et  saint  Barachise,  ainsi  que  les  saints 
Zébine  ,  Lazare,  Maruthas  ,  Narsès,  Elie, 
Maharis,  Habibe,  Sabas  et  Scembaise,  y  fu- 
rent mis  à  mort  pour  la  foi.  (  Voy.  les  Actes 
de  saint  Jonas,  à  son  article.  ) 

BETH-NUHADRA,  ville  du  royaume  de 
Perse,  dans  la  Médie,  où  saint  Àïthilahas, 
diacre,  fut  lapidé  sous  le  règne  de  Sapor,  en 
l'an  de  Jésus-Christ  380.  (Voy.,  pour  plus  de 
détails,  l'article  de  saint  Acepsimas.  ) 

BEUïH,  jésuite  français,  fut  pris  dans  le 
Fo-kien  par  un  mandarin  chinois,  vers  la  fin 
de  174-6.  Ce  fonctionnaire  eut  beaucoup  d'é- 
gards pour  lui,  et  se  contenta  de  le  diriger 
sur  .Macao,  en  le  confiant  à  un  valet  de  tri- 
bunal, qui  devait  le  remettre  au  mandarin 
le  plus  voisin  de  cette  ville,  et  rapporter  un 
récépissé  de  sa  part.  Malheureusement  ce 
mndarin  était  celui  de  Hyang-chan,  ennemi 
déclaré  du  christianisme.  Il  fit  comparaître 


403 


BIB 


BIB 


4Ci 


le  Pure  à  son  tribunal,  après  l'avoir  laissé 
j)lusieurs  heures  durant  exposé  aux  injures 
(le  la  populace  qui  le  chargeait  d'impréca- 
tions, en  l'atcusanl  de  sortilège,  d'arracher 
les  yeux  aux  mourants,  de  tuer  les  petits 
enf;uiis  pour  employer  leurs  tôtcs  h  des  ma- 
létioes.  (JuL'lques-ùns  lui  arrachèrent  les 
cheveux  et  la  barbe,  et  lui  firent  soutïrir 
toutes  sortes  d'indignité>.  Le  mandarin  monta 
su-r  son  tribunal,  près  duquel  il  avait  fait 
a])porier  tous  les  instruments  propres  adon- 
ner la  question.  «  Est-ce  que  tu  crois  qu'on 
ne  te  coiniait  pas,  dit-il  au  P.  Beuth?  Tu  es 
un  Européen  venu  ici  pour  prêcher  la  reli- 
gion chrétienne.  Cela  est  vrai,  dit  le  Père. 
Qu'est-ce  que  ton  Dieu  que  tu  veux  nous 
faire  adorer,  ditlemandarin?— C'est  celui  qui 
a  créé  le  ciel  et  la  terre.  — On  1  le  malheu- 
reux !  reprit  le  mandarin;  il  dit  que  le  ciel 
et  la  terre  ont  été  créés.  Quon  lui  do:  ne 
pour  cela  dix  soufilets.  »  Après  qu'on  eut 
exécuté  c'c't  ordre  inique  et  barbare,  le  man- 
darin prit  un  pinceau  et  traça  les  deux  ca- 
ractères chinois  qui  veulent  dire  Jésus.  11 
demanda  au  P.  Beuth  ce  que  c'était.  «  C'est 
le  nom  de  la  seconde  j)ersonne  de  la  très- 
sainte  Trinité,  qui  s'est  faite  honnne  pour  no- 
tre salut.  »  Dix  autres  soufilets,  s'écria  le 
oaandarin.  A  la  suite  d'autres  demanetes,  le 
mandarin  lui  fit  donner  encore  dix  soufilets. 
La  tète  était  horriblement  enllée.En  plusieurs 
endroits,  la  peau  fut  enlevée.  Le  sang  re-ta 
plus  de  quinze  jours  coagulé  et  extravasé 
dans  les  chairs.  Après  cela,  lé  mandarin 
l'envoya  à  Macao,  en  lui  disant  qu'il  lui  fai- 
sait grAce  de  la  question  et  de  la  bastonnade. 
Le  P.  Beuth  était  tellement  malade,  ([u'il  eût 
expiré  sous  les  coups,  si  on  avait  continué  à 
le  torturer  ainsi.  Quand  il  arriva  à  Macao, 
la  manière  horrible  dont  on  l'avait  traité, 
l'intensité  qu'un  voyage  de  deux  cents  cin- 
quante lieues  avait  donnée  «i  une  phthisie 
pulmonaire  dont  il  était  atteint,  l'avaient 
réduit  à  l'état  le  plus  déplorable.  Les  soins 
qu'on  lui  prodigua  le  firent  vivre  encore  deux 
mois.  11  soutfrit  sa  maladie  avec  un  courage 
admirable.  11  vit  venir  ses  derniers  instants 
avec  un  calme  extraordinaire.  11  récita  jus- 
qu'au di-rnier  moment  les  réponses  aux 
prières  des  agonisants  qu'on  disait  près  de 
son  lit.  11  s'endormit  dans  la  paix  du  Sei- 
gneur le  19  avril  17i7. 

BIAUON  (saint),  martyr,  reçut  la  palme  en 
Pisidie,  avec  saint  Silvain.  Après  avoir  souf- 
fert de  cruels  supplices  pour  Jésus-Chnst, 
ils  furent  enfin  décapités.  Le  .Martyrologe 
romain  ne  dit  point  à  (pielle  é,.()que.  L  E- 
giisci  célèbre  leursainle  mémoire  h;  10 juillet. 

BlIJAKS,  était  sultan  de  la  dynastie  Ma- 
uieluks-B.iku-ites,  en  E,.;ypte,  et  fut  pro- 
clamé, suivant  l'usage,  par  la  milice,  après 
avoir  assassiné  son  prédécesseur,  l'an  1200. 
1!  se  rendit  maître  de  j)lusieurs  villes  de 
Syri(j,  repoussa  les  'l'artares,  et  donna  uih; 
foriiK*  slajjle  h  l'empire  û(ts  xMameluks.  Aii- 
liocfie  fut  du  nombre  des  villes  de  Syrie  (jui 
eurent  le  mallicMir  de  tomber'  sous  sa  tyran- 
nie. Celle  ville  avilit  .ilors  deux  couvents  de 
feuiiii'*^,    l'un  de  Dominicaines,   l'autre   do 


Franciscaines.  Quand  le  patriarche  sut  que 
les  musulmans  approchaient,  il  réunit  toutes 
ces  filles  du  Seigneur  dans  le  couvent  des 
Dominicaines,  et  \h  il  les  prêcha  avec  force, 
les  invitant  à  soulfrir  la  mort  plutôt  qu'à  con- 
sentir aux  outrages  ilonl  les  vainqueurs  ne 
manqueraient  pas  de  vouloir  les  rendre  victi- 
mes. Ces  saintes  femmes,  qui  savaient  bien 
que  la  meilleure  volonté  ne  saurait  pas  les 
soustraire  aux  exigences  des  musulmans,  se 
défigurèrent  toutes,  en  se  coupant  mutuelle- 
ment le  nez.  Ce  moyen  de  sauvegarder  leur 
pudeur,   d'  la  mettre  à  l'abri  des  insultes^ 
lul-il  une  inspiration  du  Saint-Esprit?  Il  faut 
l'admettre   pour  le  trouver  excusable.  Avec 
une  foi  vive  et  une  grande  confiance  en  Dieu, 
elles  auraient  pu  ne  pas  se  défigurer,  en  se 
souvenant  comment  Dieu,  dans  les  premiers 
siècles  de  l'Eglise  militante,  savait  protéger 
les  saintes  que  la  brutalité  des  juges  préten- 
dait   livrer  à    la  lubricité   des   débauchés. 
Les  musulmans   les  voyant  en  cet   état  les 
égorgèrent  toutes.  Le  patriarch  •  fut  égorgé 
avec  quatre   f  ères   prêcheurs,    au  pied  du 
grand  autel  de  son  église,  où,   prosterné,  il 
priait  Dieu  pour  son  peuple.  Tous  les  Fran- 
cise lins  que  les  vainqueurs  trouvèrent  dans 
la  ville  et  dans  les  couvents  voisins  furent 
emmenés  captifs.  Cette  année  vit  le  martyre 
de  plus  de  cent  Dominicains,  de  la  province  de 
terre  sainte,  que  le  barbare  sultan  fit  mourir 
et  envoya  rejoindre   au  ciel  leurs  glorieux 
compagnons  d'Antioche.    11   eut  encore    la 
cruauté  de  faire  décapiter  les  six  cents    et 
q  lelques  martyrs   au  chAteau  de  Safed,  en 
1265.  Il  mourut  empoisonné  en  1277 

BiBE  (saint),  inscrit  dans  les  menées  des 
Grecs  comme  martyr  à  Alexandrie,  sous 
l'empire  deDèce  et  le  gouvernement  de  Va- 
lérius  Sabinus,  avec  saint  Fauste,  prêtre,  saint 
Macaire  et  une  grande  quantité  d'autres 
chr»  tiens.  Nous  ne  trouvons  pas  ce  saint 
dont  les  menées  font  grand  récit,  au  Marty- 
rol  ge  romain.  La  ressemljlance  des  noms  a 
fait  commettre  une  erreur  à  Tillemont  :  il 
croit  cjue  le  saint  Bibe  des  menées,  compa- 
gnon de  saint  Fauste,  est  le  môme  que  saint, 
Abibe  du  Maityrologe  romain,  diacre  et 
martyr  à  Alexandrie.  Or  saint  Abibe  est  fêlé 
[)ar  l'Eglise  romaine  le  15  novembre,  et  fut 
martyrisé  à  Alexandrie,  du  tem,.s  de  l'em- 
pereur Licinius,  par  ordre  d'un  juge  nommé 
Lysanius,  qui  le  fit  déchirer  avec  des  ongles 
de  1er,  et  ensuite  jeter  dans  le  feu. 

BIBIANE  (sainte),  vierge  et  martyre  à 
Home,  en  l'an  de  Jésus-Christ  303,  sous 
l'empcieur  Julien  l'Apostat,  fut  une  des  vic- 
times de  la  férocité  et  de  la  superstition 
d'Apronien ,  préfet  île  Home,  (pu,  ayant 
|ie,du  un  œil,  attribuait  cet  accident  ailx 
chrétiens,  et  q  .i  n'en  vengeait  en  les  |)ersé- 
cwtaril.  Après  (jue  ce  tyran  eut  fait  mourir 
Flavien  son  perc,  et  Dafioso  sa  mère  {voy. 
leuis  litres],  Bibiane  donna  tous  ses  biens 
aux  pauvres,  et  se  relira  dans  la  solitude. 
Au  bo.it  de  cinq  mois,  A|ironieii  la  fit  com- 
paraître (levant  lui,  avec  sa  s(eur  Déni  trie. 
Après  avoir  contV'ssé  généreusement  la  foi, 
Démélrie  tomba  morte  aux  pieds  du  jui^e. 


465 


mE 


BLA 


4C6 


Apronion  chargea  une  femme  nommée  Ru- 
line,  et  connue  par  sa  méchanceté,  do  vain- 
cre la  constance  de  Bibiane.  Huline  em- 
ploya sans  succès  les  artifices,  les  caresses 
et  les  mauvais  traitements.  Elle  en  lit  son 
rapi)ort  an  préfet,  (pii,  furieux  de  l'inutilité 
de  ses  efforts,  condamna  Bibiane  à  être  at- 
tachée; h  uti  |)0teau  et  à  être  battue  avec  des 
fouets  garnis  de  i)loml),  juscju'h  ce  ([u'elle 
expirât.  La  sainte  souil'rit  w  supplice  hor- 
rible avec  un  grand  courage,  et  resta  sans 
vie  sous  les  coups  redoublés  des  bourre  .ux. 
Son  corps  fut  laissé  evposé  pour  (|u'il  devint 
la  pAtare  des  bétes  sauvages;  mais  au  bout 
de  quarante-huit  heures  ,  un  saint  prêtre, 
nonuué  Jean,  Teuiporla  nuitamment,  et  l'en- 
terra près  du  palais  de  Licinius.  L  s  n  li- 
gues de  sainte  Dafiose  et  de  ses  deux  lilles, 
Bibiane  et  Démétrie,  sont  encore  à  Home, 
dans  l'église  de  Sainte-Marie  .»lajeure.  L'E- 
glise fiiit  la  fête  de  sainte  Bibi  ne  le  2  dé- 
cembre. 

BIBIEN,  jugf^,  qui  à  Pérynthe  fit  souffrir 
de  cruelles  tortures  h  saint  Achate,  centu- 
rion que  h;  tribun  Firmus  avait  accusé,  du- 
rant la  1  erséculion  de  D  oclélien,  de  faire 
profession  de  christianisme. 

BIBLIS  (sainte),  fut  au  nombre  des  glo- 
rieux martyrs  qu«.'  la  j)ersécution  de  Marc-Au- 
rèle  lit  mourir  dans  la  ville  de  Lyon.  Elle 
eut  pour  compagnons  de  ses  combats  et  de 
sa  mort,  saint  Pothin,  saint  Sanctus,  sainte 
Blandine,et  tous  ces  autres  valeureux  soldats 
du  Christ  do-it  il  est  pailé  dans  la  lettre  des 
chrétiens  de  Lyon.  Biblis  était  du  nombre 
de  ceux  qui  avaient  renoncé  Jésus-Christ; 
le  démon  la  comptait  parmi  ses  captifs,  mais 
il  voulait  encore  l'obliger  à  joindie  e  blas- 
phème à  l'intidélité.  11  la  conduisit  donc  au 
lieu  où  l'on  tourmentait  les  martyrs,  et  ayant 
déjà  éprouvé  sa  faiblesse,  il  espérait  lui  l'aire 
dire  tout  ce  qu'il  voudrait  au  désavantage 
des  chrétiens.  iMais  elle  revint  à  elle  dès 
qu'elle  eut  jeté  les  yeux  sur  les  divers  sup- 
filices  qui  lui  remirent  dans  la  pensée  ceux 
de  l'enfer;  et,  comme  sortant  d'un  profond 
assoupisstraent,  elle  s'écria  :  Méchants  que 
vous  ètesl  comment  osez-vous  accuser  les 
chiétirns  de  manger  de  la  chair  d'ei. faut, 
eux  à  qui  il  n'est  pas  permis  de  toucher  au 
sang  de^  bêles  ?  Cette  coutume,  autorisée  par 
une  loi  de»  apôtres,  a  été,  durant  quelque 
temps,  en  vigueur  dans  l'Eglise.  Il  est  très- 
probable  que  sainte  Biblis  fut  du  nombre  de 
ceu.v  qui  moururent  dans  les  prisons,  d'épui- 
seiiient  et  de  misère.  La  let.re  des  chrétiens 
de  Lyon,  qui  dit  que  beaucoup  moururent 
ain>i,  ne  dit  plus  lien  de  sainte  Biblis. 

BIENHEUBÉ  (saint),  confessa  la  foi  de  Jé- 
suS-Christ  à  Vendôme.  On  n'a  aucun  détail 
sur  l'époque  et  les  circonstances  de  son 
martyre.  L'Eglise  célèbre  sa  sainte  mémoire 
le  9  mai. 

BIÉiMECKA  (Thérèse),  l'une  d^s  religieu- 
ses "16  tsaint-Ba.-ile  établies  à  Minsk,  en 
Li  huanie,  et  connues  sous  le  nom  de  Filles 
de  la  Sainte-Trinité,  qui  furent  ex;  ulsées  de 
leur  couvent,  et  livrées  aux  persécutions  les 
plus  violentes,  dans  le  courant  de  l'an  née 


1837,  par  le  czar  Nicolas  et  Siemaszko,  évê- 
(\iUi  schismatique  et  apostat.  On  les  avait 
renfermées  dans  un  couvent  enlevé  à  d'au- 
tres religieuses,  pour  pass(;r  entre  les  mains 
d'une  communauté  de  (IziMniee  ou  Filles- 
Noires,  recrutées  jiarmi  les  v(uives  de  sol- 
dats russes  et  les  hlles  de  mœurs  déréglées. 
Ces  lilles  passaient  leur  temps  à  s'injurier, 
il  se  battre  et  à  s'iaiivrer  avec  de  l'eau-dcj-vie. 
Elles  tenaient  les  Basiliennes  sous  uni;  si 
rude  discipline  une  l'infortunée  Thérèse 
Biéniecka  devint  rolle.  Elle  vécut  six  mois 
dans  ce  triste  état.  De  tem[)S  en  temps,  tom- 
bant dans  une  es  èce  d'extase,  elle  tirait  un 
jielit  crucilix  <ie  son  sein,  et  chantait  les 
louanges  du  Seigneur.  Les  Filles-Noires,  qui 
n'osai  nt  l'approcher  dans  ses  accès  de 
folie,  profitaient  de  ces  instants  d'extase 
pour  la  maltraiter.  Un  jour,  ses  compagnes, 
rentrant  après  le  travail  de  la  journée,  la 
trouvèrent  morte  et  baignée  dans  son  sang. 
Elle  mourut  probablement  de  la  main  de  ces 
infâmes  persécutrices.  {Voy.  l'art.  Mieczys- 

LAWSKA.) 

BITHYNIE,  contrée  de  l'Asie  Mineure, 
qui,  a['iès  la  mort  de  Nicomède  III,  devint 
province  romaine.  Sous  l'rajan,  elle  eut  pour 
proconsul  Pline  le  Jeune,  qui  persécuta  vi- 
vement les  chrétiens.  On  ignore  les  noms  de 
ceux  qui  jiérirent  alors  pour  la  foi;  mais  il 
est  certain  qu'il  y  en  eut  un  grand  nombre.  Les 
progrès  du  christianisme  avaent  été  grands 
et  rapides  dans  cette  contrée;  car  Pline  écri- 
vait à  Trajan  :  «  Non-seulement  les  villes, 
mais  encore  les  bourgades  et  les  campagnes 
sont  infectées  de  la  contagion  de  cette  su- 
perstition. »  {Voy.  TuAJAN.)  Cette  province, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Dèce,  vit  le 
martyre  des  saints  Lence,  Thyrse  et  Calli- 
nique,  qui  sont  très-célèbres  dans  l'Eglise, 
quoiqu'aucune  histoire  authcnùque  ne  soii 
parvenue  jusqu'à  nous.  Ces  trois  saints  sont 
honorés  le  28  janvier. 

BLAISE  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre  à  Sébaste ,  en  Arménie ,  en  l'an 
de  Jésus-Christ  316.  11  était  évêque  de 
cette  ville.  Agricolaûs  présidait  le  tribu- 
nal qui  le  condamna.  D'abord,  le  saint  mar- 
tyr subit  une  cruelle  flagellation,  |)uis  fut 
attaché  à  un  poteau  oii  on  lui  déchira  la 
chair  avec  des  ongles  de  fer.  Il  fut  enfermé 
dans  un  cachot,  puis  jeté  dans  un  lac  d'où 
il  sortit  sain  et  sauf.  Eifin ,  sur  l'ordre  du 
juge,  il  eut  la  tête  tranchée  avec  deux  en- 
fants. Avant  lui,  sept  femmes,  qui  rei.ueil- 
laient  le  sang  qui  dégouttait  de  ses  plaies, 
furent  prises  comme  chrétiennes,  horri- 
blement tourmentées  ,  et  enfin  décapitées. 
Ces  détails  sont  pris  dans  le  Martyrologe 
romain;  quant  aux  actes  du  saint,  il  nous 
est  impossible  d'y  ajouter  foi.  Bollandiis 
lui-même,  en  les  donnant,  les  critique: 
c'est  critique  double.  On  sait  avec  quelle 
facilité  Bolhindus  admet  en  général  de  pa- 
reil^  documents.  La  fête  de  saint  Biaise  est 
célébrée  par  l'Eglise  le  3  février. 

BLAISE  (saintj,  martyr,  reçut  la  couronne 
de  combattant  de  la  foi  à  Véroli,  avec  saint 
Démètre.  Le  Martyrologe  romain  ne  donne 


^ 


BLA 


BLA 


468 


aucun  détail  sur  les  circonstances  et  l'épo- 
que de  leur  martyre.  L'Iij^Iise  célèbre  leur 
sainte  mémoire  le  29  novembre. 

BLAITHMAC  (saint),  martyr,  était  fils  d'un 
roi  d'Irlande,  et  devint  abbé  d'iui  monastère 
fondé  dans  l'île  d'Hy,  en  Ecosse.  11  fut  mar- 
tyrisé en  793,  par  di-s  pirates  danois,  pour 
avoir  refusé  de  leur  livrer  les  trésors  de 
l'église.  L'EJise  célèbre  sju  illustie  mé- 
moire le  19  janvier 

BLANC-MARIE,  religieuse  du  Saint-Sa- 
crement de  Bolène,  périt  sur  l'échafaud  le 
Sjuiilel  179i,  avec  Elisabeth  Peleysier  et  Ro- 
salie Bès,  du  môme  ordre,  et  Marguerite  Ba- 
vasre,  ursuline  au  Pont-Saint-Esprit. 

BLANDE  (sainte),  Blanda,  martyre,  femme 
de  saint  Félix,  fut  martyrisée  avec  lui  h 
Rome,  sous  l'empereur  Maximin  I".  Ils 
eurent  pour  compagnons  de  leur  martyre 
saint  Simplice,  sénateur,  avec  sa  femme,  ses 
enfants,  et  soixante-huit  personnes  de  sa 
famille.  {Voy.  Simplice.)  Les  tèies  de  tous 
ces  saints  martyrs  furent  exposées  sur  les 
portos  de  la  ville,  pour  servir  h  eifrayer  les 
autres  chrétiens.  L'Eglise  C('lèbre  la  fêle  de 
tous  ces  saints  martyrs  le  10  mii.  Ce>t  au 
Martyrologe  romain  que  nous  empruntons 
cette  narration. 

BLANDINE  (sainte) ,  simple  esclave  de 
Lyon,  eut  le  bonheur,  durant  la  persécution 
de  rem[)ereur  Marc-Aui-èle  ,  de  combattre 
glorieusement  et  de  donner  enfin  sa  vie  pour 
la  foi,  en  compagnie  de  sainte  Bblis  et  des 
saints  Pothin  ,  Sanctus  ,  Mature,  Attal.-  et 
autres,  qui  ouvrirent  si  glorieusement  la  voie 
oii  devaient  entrer  plus  tard  l.'S  martyrs  de 
l'Eglise  de  France.  «  Jésus-Christ  voulut  fa  re 
voir  en  la  personne  de  cette  saint(!  que  ce 
qui  paraît  vil  aux  yeux  des  hjmmes  mérite 
souvent  que  Dieu  l'honore  lui-même,  parce 
qu'il  y  voit  une  charité  ardente  et  soiide , 
qui,  se  souciant  peu  d'éclater  au  dehors  par 
une  vaine  apparence,  se  réserve  toute  [lour 

Quelque  action  héroïque.  Nous  étions  saisis 
'appréhension  pour  elle  ;  et  surtout  sa 
maîtresse,  qui  combattait  elle-même  vail- 
lamment parmi  les  autres  martyrs,  ne  [)Ouvait 
dissimuler  la  crainte  où  elle  était,  que  la 
complexion  délicate  et  le  corps  faible  de  son 
esclave  venant  à  succomljer  sous  la  viok'uce 
des  tourments,  elle  ne  man|uAt  de  force 
I)Our  confesser  Jésus-Christ;  mais  son  grand 
cœur  soutint  de  telle  sorte  la  faiblesse  de 
son  corps,  que  les  bourreaux,  qui,  depuis  le 
malin  jusqu'au  soir,  s((  relayant  sans  cesse, 
avaient  épuisé  sur  elle  tout  ce  que  leur 
cruauté  leur  avait  suggéré  de  supi)lic(îs 
différents,  se  virent  contraints  de  s(î  renilre, 
et,  se  confessant  vaincus  jar  une  lllle,  d'à  vouer 
qu'ils  ne  [)f)uvriient  concevijir  comment  une 
Ame  pouvait  restei-  dans  un  corps  si  déchu'é 
et  percé  de  toutes  [)arts,  un  seul  dos  tour- 
ments él,int  plus  que  sudisant  [)Our  la  faire 
sortir  par  tant  d'ouvertures.  .Mais  cette;  ad- 
mirable c-clavc,  ainsi  qu'un  invincible  athlè- 
te, l'Oprenait  de  nouvelles  fo  ces  lorsiju'on 
'^^'ang(^•lil  de  supfdiees;  clh?  trouviit  dans  la 
confes>ion  du  nom  >acré  d'^  Jésus-(>hrisl  une 
vertu  .-.(icrèle,  qui  la  rendait  pr.sque  insen- 


sible h  la  douleur;  elle  cessait  de  souflrir 
tout'-  les  fois  qu'elle  prononçait  ces  paroles  : 
Je  suis  chrétienne  ;  non  il  ne  se  passe  rien  de 
criminel  ))arini  nous.  »  (Kuinart  ) 

Blandine  fui  jetée  avec  les  autres  martyrs 
dans  une  prison  obscure,  oii  elle  fut  mise 
aux  ceps,  les  j-mbes  écart 'es  jusqu'au  cin- 
q  ième  (rou,  et  là  on  lui  lit  endurer  les  plus 
horiiblos  s  :p|ili.es.  Quehjues  jours  après, 
amenée  ^  l'ampli itkéatre  avec  Mature  ,  Sanc- 
tus et  Attale,  elle  y  fut  de  nouveau  en  j'ruie 
aux  mêmes  tourments  :  ayant  et  att'.ch'''e  à 
un  poteau ,  elle  f  t  exposée  aux  bJ'tes.  Au 
reste,  tous  ceux  nui  combattaient  avec  elle 
reprirent  de  nouvelles  forces,  et  se  sentaient 
remplis  d'une  oi:'  siriinturelle  en  la  voyant 
à  peu  près  de  la  même  manière  que  J  sus- 
Christ  le  fut  à  la  coix;  ils  .irèrent  un  heu- 
reux présage  pour  la  victoire  de  ce  que,  sons 
la  figu!  e  de  leur  sœur,  il  leur  semblait  aper- 
cevoir celui  (pii  avait  été  crucifié  poui'  eux; 
et  ils  marchèrent  à  la  mort,  persuadés  que 
quiconque  mentt  pour  la  gloire  de  Jésus- 
Christ  reçoit  une  nouvelle  vie  dans  le  sein 
même  du  Dieu  vi\anl.  Cependant,  les  bô'es 
n'ayant  osé  la  tou>  her,  elle  fut  détachée  et 
reeon  luite  en  [irison  pour  être  ramenée  au 
Combat  une  seconde  fois,  et  pour  achever 
d  abattre  ei.tièrement  l'ennemi  déjà  vaincu 
tant  de  fois.  Eidin,  le  dernier  jour  des  spec- 
tacles, Blandine  parut  encore  dans  l'amphi- 
th  'àtre,  accompagnée  d'un  jeune  enfant  Agé 
d'environ  quinze  ans,  nommé  Ponticus.  On 
les  y  avait  fait  entrer  les  jours  |)iécédents  , 
a!in  que  li  vue  des  tourments  que  les  autres 
martyrs  enduraient  fil  quelque  impression 
stir  leur  es|)iit,  et  qu'elle  les  disposAt  à  faire 
ce  qu'on  voulait  d'eux  :  c'était  d  ■  jurer  par 
les  i  iolcs.  Mais  comme  on  vil  qu'ils  persis- 
taient toujours  dans  leur  refus,  et  qu'ils  ne 
témoignaient  que  du  mépris  pour-  ces  vains 
simulacres,  le  peuple  entra  contre  eux  en 
une  telle  fureur,  que,  savs  avoir  é^'/U-d  ni  à 
l'Agiï  ni  au  sexe,  on  leur  fil  soulViir  toutes 
sortes  de  toiu'iiients  ,  sans  leur  donner  le 
lem[)S  de  respirer;  et  lorsqu'on  les  lit  passer 
d'un  supplice  h  un  antre,  on  coniinuait  tou- 
jours à  les  vouloir  contraindre  île  jur.  r  par 
les  dieux.  Mais  leur  constance  fut  insuimon- 
table;  car  Ponticus,  souteim  par  les  v,ves  et 
pressantes  exhortations  de  la  sa  nie  compa- 
gne d  •  ses  peines,  l'endit  son  Am  '  innocente 
au  milieu  lï^'S  tortures.  Ainsi  Blandine  de- 
imnira  la  (hn'nière  sur  l'are  le,  (\w  paraissait 
couverte  des  corps  des  autres  martyrs  et 
teinte  de  leur  gi  nér(>ux  sang.  Elle  })()uvait 
alor^  se  reg  uder  ( omme  une  nu'Te  noble  de 
nlus.cirs  enfants  illustres,  laquelle,  après 
l(îs  avoir  animés  au  eomlial  p  u-  son  exemple, 
les  envoie  devant  elle  tout  brillants  de  gloire 
h  la  cour  du  grand  lOi;  puis  se  liAlant  de 
les  rejoindre,  suit  le  même  chemin  où 
(ille  les  a  vus  marclKT.  (U\  eiH  dit,  h  vo  r  la 
joie  q  d  éclatad  sur  son  visage,  (pi'elle  était 
invitée  X  un  baïujuet  délicieux,  et  non  qu'elle 
allAt  elle-même  être  celui  des  li^ns  et  des 
ours.  Aj)rès  doiie,  (jue  !e>  foU'  l>  eiutnt  pies- 
(jue  acii'  vé  d'épui-ei'  s.  s  veines  du  p.  u  de 
sang    que   les  tourments  déjà    soulfcrls    y 


J 


M» 


BOL 


BON 


170 


av<iiont  laissé;  après  (\\\c  les  botes  l'eurent 

l(Hi|^teni|)S  tniinéc  (\<u\s  le  .sal)h',  qii'iilli's  lui 
«ureiil  t'ait  autant  do-  l)l('S^ur•('s  qu'elles  im- 
jjiimèreiit  de  Inis  leurs  duTs  iii.uririères 
dans  sa  chair  tendre  et  d.'iitate,  (slle  fui  en- 
ftTinée  dans  un  rets  ,  et  abandomiée  à  la 
merci  d'un  taureau  luiieux.  11  s'en  joua 
d'abord,  il  l'eidova  (ilusicurs  fois  en  l'.iii'; 
mais  son  Ame  unie  h  Jésus-(]lirisl,  et  toute 
possédée  de  l'attente  prooliaine  d'iin(!  tV;licilé 
que  sa  f  ti  lui  i-UKiitrait  |)i'és('nte,  rcMulail  son 
corps  insensible.  Kniin,  connue  une  victime 
pure  et  obe's^anto  ,  elle  tendit  la  gor,-;e  au 
couteau  qui  l'iunnola  au  Dieu  qu'elle  adorait. 
Jamais  femme,  ue  l'aveu  même  d -s  païens  , 
lie  soutl'rit  ni  tai  tde  lourments  ni  de  si  cruels. 

BLASTE  (saiiit),  et  ses  C(>m;)agnons  fur-ent 
martyrisés  à  Home  sous  Claude  11  dit  le 
Gothique,  en  209.  Ce  saint  était  tribiin.  Il 
fut  envoyé  auxiiiines  avec  deux  cent  soixante 
des  soldats  qu'il  commandait.  Or,  le  nouvel 
empereur,  voulant  fêter  dignement  le  dieu 
Mars,  choisit  pour  cela  le  [jremier  jour  du 
mois  qui  lui  était  consacré  ,  et  fit  venir  à 
-Rome  saint  Blaste  et  ses  soldats.  Ils  travail- 
laient aux  mines  sur  la  voie  Salaria.  Claude 
les  tu  tuer  à  coups  de  flèches  dans  ramplii- 
théAtre ,  [)Our  l'amusement  du  peuple.  On 
brûla  en  grande  partie  leurs  corps,  dans  une 
forge.  Les  chrétiens  recueillirent  ce  qu'ils 
purent  de  ces  restes  précieux,  et  les  ense- 
velirent dans  un  tombeau  commun  sur  cette 
-même  voie  Salaria,  premier  lieu  oii  ils  souf- 
frirent pour  la  foi.  Ce  tombeau  a  gardé  le 
nom  de  saint  Blaste.  L'Eglse  vénère  la  mé- 
moire de  tous  ces  saints  le  1"  mars. 

BLEiVLVlIENS,  pea|)le  sauvage  d'Ethiopie 
qui,  en  l'an  373,  massacra  les  solit.iires  de 
-Raïthe.  {Voy.  Martyrs  de  Kaïthe  et  de  Sinaï.) 

BLENDE  (le  bienheureux  Barthélémy  de), 
missionnaire  de  la  Compagnie  de  Jésus,  s'em- 
-barqua  à  l'Assomption  le  2i  juillet  1715,  avec 
le  P.  Arcé.  ils  remontèrent  ensemble  le  Pa- 
raguay jusqu'au  lac  Manioré  et  là  se  quittè- 
rent. Pendant  l'absence  du  P.  Arcé,  l'équi- 
page de  la  barque  ,  rebelle  aux  ordres  du 
P.  de  Blende  ,  avait  voulu  reprendre  le 
chemin  de  l'Assomption,  et  les  Paya^^uas  les 
ayant  surpris,  avaient  massacré  l'S  matelots, 
et  après  avoir  fait  subir  le  môme  sort  au 
missionnaire,  ils  avaient  précipité  son  cada- 
vre dans  le  fleuve.  On  peut  voir  au  titre  du 
P.  Arcé  comment  lui-même,  à  son  retour,  fut 
-massacré  par  les  meurtriers  de  son  compa- 
gnon. Le  martyre  de  ces  deux  saints  mis- 
sionnaires arriva  l'an  1718. 

BOLINGBROKE  (Henri- Saint-Jean,  vi- 
comte de),  naquit  en  1672,  d'une  noble  et  riche 
famille  anglaise.  Il  tit  d'excellentes  études  , 
, montra  de  bonne  heure  de  très-grands  ta- 
lents, et  eut  une  jeunesse  fort  débauchée. 
Mieux  eût  valu  pour  lui  que  les  f  lutrs  de  sa 
jeunesse  eussent  été  plus  grandes,  et  qu'il 
n'eut  pas  laissé  ces  œuvres  posthumes  qui 
ont  légué  le  crime  à  sa  mémoire,  à  son  éter- 
nité. Il  devint  d'abord  membre  do  la  chambre 
des  Communes,  et  fut  bientôt  après  nommé 
secrétaire  d'Etat.  Promu  à  la  pairie,  il  fut, 
-avec  beaucoup  d'éclai,  ministre  de  la  reine 


Anne.  Comme  tous  ceux  dont  la  fortune 
mon'c  haut  et  vite,  Holii^broke  tomba  (;n 
disgiAce.  Il  a  successivement  publié  un  grand 
nombre  d'ouvrages  pliilosophi(jU(i  liislori- 
(|U''S  et  poliiiqu  s.  L'iiiéli^ion  se  montre  h 
chaque  page;.  Ce  qu'il  a  fait  d(!  |»lus  impor- 
tant coiuiiK!  Qïuvrc  ph;losopliiqu(! ,  a  jiaru 
sius  le  t  ti'0  d'Essais.  L'u  »  de  ci;s  Essais, 
dit  m')nsei,:;'^eiir  Bouvier  (/A/.sf  de  Inpinlos., 
vol.  II,  |).  210),  roule  sur  la  nature,  reten- 
due (îl  11  vériié  de  la  connaissance  humaine. 
L'aut(Hir,  a  (uk  ttant  rcx|)érience  ac(|uise  par 
les  sens  comme  f)remièie  base  des  sciences, 
se  moque  des  jihil  isophes  antérieurs  ,  qui , 
depuis  IMatonjustprà  Malebraiiclie.ont  voulu 
faire  des  démonstrations  a  priori.  Il  déclare 
que  nous  devons  douter  de  tout,  si  nous 
ne  nous  tenons  pas  aux  démonstrations 
a  posteriori.  Il  démontre  de  la  sorte  l'exis- 
tence (le  Di  'U,  '  t  dit  que  nous  connaissons 
la  nôtre  par  intuiiio'i.  C'est  ainsi  qu'avait 
raisonné  Locke.  Bolinghroke,  au  reste,  le  re- 
connaissait poui'  son  modèle. 

Le  second  l'ssai  a  f)Our(»bjet  la  folie  et  les 
prétentions  des  philosophes  dans  les  efforts 
qu'ils  ont  faits  ju-quici  [)Our  corriger  les 
a()us  de  la  raison  humaine.  Bolingbroke  les 
tourne  en  ridicule  et  leur  applique  ces  mots 
de  Buchsnnn,  poète  écossais  du  xvi'  siècle  : 
Gens  ratione  furens.  Le  mo,en  d'éviter  cette 
démence  philosophique  est  de  consulter 
l'expérience,  de  ne  rien  affirmer  au  delà  de 
ce  qu'elle  constate,  et  de  ne  jamais  se  fier  aux 
subtiles  spéculations  de  l'e-prit.  Bolinghroke 
comparait  ces  visionnaires  métaphysiciens  à 
un  fou  de  Bicêtie,  qui,  ne  voulant  croire  qu'à 
ses  idées,  s'imagina  être  le  Père  éternel. 

Il  mourut  en  1751,  âgé  de  quatre-vingts 
ans.  Ses  œuvres  complètes,  q'ii  parurent  en 
1753,  (  n  révélant  les  plus  violentes  a  taques 
contre  le  christianisme,  contre  la  morale 
et  contre  l'odre  f)ublic  ,  excitèrent  une  ru- 
meur générale  d'improbation. 

Cet  i.omme,  fétiche  de  Voltaire,  a  été  assez 
loué  par  cet  écrivain  pour  qu'on  puisse  se 
dispenser  de  lui  infliger  une  autre  critique. 
Quand  on  voit  ce  vieillard  de  quatre-vingts 
ans  chargeant  son  avenir  d'œuvres  posthu- 
mes détestables,  ne  semble-t-il  pas  voir  un 
vieux  criminel  empoisonner,  à  l'instant  de 
mourir,  les  sources  d'eau  vive  où  les  sur- 
vivants viendront  puiser?  Il  semble  que  Bo- 
linghroke ait  voulu  forcer  la  justice  de  Dieu 
à  lui  être  sévère  pav  delà  la  tombe. 

BOLOGNE,  ville  de  l'Etat  ecclésiastique, 
chef-lieu  de  la  légation  ue  Bologne,  a  été  il- 
lustrée par  l'exil  qu'y  vint  jiasser  l'évoque 
saint  Eusèbe,  par  l'ordre  de  l'empereur 
Constante. 

BON  (saint),  prêtre  et  martyr,  fut  couron- 
né à  Rome,  sur  la  voie  Latine,  avec  les  saints 
Fauste  et  Maur,  et  neuf  autres  dont  nous 
ne  connaissons  point  les  noms.  Leur  martyre 
est  ra'  porté  dans  les  Actes  du  pape  saint 
Etienne.  Ils  sont  honorés  dans  l'Egiise  le  1" 
août. 

BONIFACE  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  pour  la  défense  de  la  foi,  à  Rome,  avec 
ses  compagnons  saint  Galliste  et  saint  Félix. 


471 


BON 


BON 


47-2 


Le  Martvrologe  romain  ne  donne  aucun  dé- 
tail sur  l'époque  et  les  circonstances  où  eut 
lieu  leur  martyre.  L'Eglise  célèbre  leur 
sainte  mémoire  )e  29  décembre. 

BONIFACR  (saii)t)  ,  mourut  pour  la  foi 
avec  sainte  Thècle,  sa  femme,  à  Adrumète, 
ville  d'Afrique.  Ces  deux  saints  eurent  douze 
enfants  qui  furent  martyrisés.  Le  Martyro- 
loge romain  ne  donne  aucun  détail  sur  l'é- 
poque et  les  circonstances  de  leur  martyre. 
L'Eglise  les  honore  le  30  août. 

BONIFACE  (saint),  martyr,  mourut  pour 
la  foi  en  l'an  de  Jésus-Christ  306.  Ses  Ac- 
tes authentiques  sont  pris  en  entier  dans 
Fleury. 

Il  y  avait  à  Rome  une  femme  puissante 
nommée  Aglaé,  fille  d'Acace,  qui  avait  été 
pioconsul,  de  race  de  sénateurs  ;  elle  avait 
donné  trois  fois  les  jeux  publics  à  ses  dé- 
pens, à  Rome.  Elle  avait  soixante-treize  in- 
tendants pour  gouverner  son  bien,  et  un  au- 
dessus  de  tous,  nommé  Boniface,  avec  le- 
quel elle  entretenait  un  commerce  criminel. 
Il  était  adonné  au  vin  et  à  toutes  sortes  de 
déiiauches;  mais  il  avait  trois  bonnes  (]uali- 
tés,  rhos[)italité,  la  1  béralité  et  la  compas- 
sion. S'il  voyait  un  étranger  ou  un  voya- 
geur, il  le  servait  avec  toute  sorte  d'atfec- 
tion.  La  nuit,  il  allait  par  les  places  et  par 
les  rues,  et  donnait  aux  pauvres  ce  dont  ils 
avaient  besoin.  Après  plusieurs  an-iées , 
Aglaé,  touchée  de  componction,  l'appela  et 
lui  dit  :  Mon  frère  Bi.niface,  tu  vois  en  quels 
pécliés  nous  sommes  engagés  sans  songer 
qu'il  faudra  nous  présenter  devant  Dieu  et 
lui  rendre  compte  de  ce  ([ue  nous  avons  fait 
de  mal  on  ce  monde.  J'ai  ouï  diie  aux  chié- 
tiens  que  si  qucltju'un  sert  les  saints  qui 
combattent  pour  Jésus-'.hrist,  il  aura  part 
ave;  eux  au  jour  du  terrible  jugement  de 
D  eu.  Je  viens  aussi  d'apprendre  que  les  ser- 
viteurs ue  Jésus-Ciirist  combattent  contre  le 
d 'mon  on  Orient  et  livrent  leur  corps  aux 
toui-ments  pour  ne  point  nier  Jésus-Clirist. 
\'a  donc  et  nous  a  ijorte  des  reliques  des 
>;iiijts  m  irtyrs  ,  afin  que  nous  les  servions, 
(pie  nous  leur  b;1ti-sions  des  oratoires  dignes 
ij'eux,  et  que  j)ar  leui-  moyen  nous  soyons 
sauvé-,  nous  et  plusieurs  autres. 

Bon  face  prit  (luantité  d'or  pour  ache- 
ter dos  reliques  et  pour  donner  aux  pauvres, 
avec  douze  clievaux,  trois  litières  et  divers 
parfums  pour  honorer  les  martyrs.  En  par- 
tant, il  lit  à  sa  maîtresse  par  plaisanterie  : 
Madune,  si  je  Irouve  des  reliques  des  mar- 
t  rs,  je  I  s  ap)  orlerai;  mais  si  mes  reliques 
vienne.. t  s  .us  1  nom  de  martyr,  recevez-les. 
Aglaé  lui  dit  :  Quit'e  tes  folies,  et  .songe  <pie 
t  ,  vas  quérir  de-^  relicpn'S  des  saints  martyrs. 
Pour  moi,  |)auvre  pécheresse,  je  t'a' tends 
dans  peu, et  je  prie  le  Dieu  tout-puissant,  (pii 
a  pris  pour  nous  la  forme  d'esclave  et  réj)andu 
sou  sang  pour  le  salut  du  {^(mvit  humain, 
d'envoyer  son  ange  devant  toi,  ûo,  conduire 
les  pas  [)ar  sa  miséricorde  et  d'acconmiir 
mes  désir,-»  .sans  considérer  mes  péclié.s.  Bo- 
iiil' ce  partit,  et  par  le  cheniiin  il  disait  en 
lui-in(^me  :  il  est  juste  (luo  je  ne  mange 
j^oinl  de  chair  et  que  je  ne  boive  point  du 


vin,  puisque,  tout  indigne  et  tout  pécheur 
que  je  suis,  je  dois  poiter  les  reliques  des 
saints  martyrs;  et  levant  les  yeux  au  ciel  , 
il  dit  :  «  Seigneur  Dieu  tout-puissant.  Père 
de  votre  Fils  unique,  venez  à  mon  secours  et 
conduisez  mon  voyage,  afin  que  votre  nom 
soit  glorifié  dans   tous  les  siècles.  »  A])rès 

Suelquesjours  de  chemin,  il  arriva  à  la  ville 
e  Tarse,  et,  sachant  qu'il  y  avait  des  mar- 
tyrs qui  combattaient,  il  dit  à  ceux  qui  l'ac- 
compagnaient :  Mes  frères,  allez  chercher 
une  hôtellerie  et  faites  reposer  les  chevaux  ; 
je  m'en  va's  voir  ceux  que  je  désire  le  plus. 
Etant  arrivé  au  lieu  du  combat,  il  vit  les 
m.-  rtyrs  dans  les  tourments.  L'un  pendu  la 
tête  en  bas  et  du  feu  dessous  ;  un  autre 
étendu  à  quatre  pieux  ;  un  autre  scié  par 
les  bourreaux  ;  un  autre  avait  les  mains 
coupées  ;  un  autre,  ayant  un  pieu  fiché  dans 
la  gorge,  était  ainsi  cloué  à  terre  ;  un  autre 
avait  les  pieds  et  les  mains  renversés  et  at- 
tachés par  derrière,  et  les  bourreaux  le  frap- 
paient à  coups  de  bAton.  Ils  étaient  jusqu'au 
nombre  de  vingt  hommes,  et  leurs  tour- 
ments faisaient  grande  hori  eur  aux  specta- 
teurs. Boniface  s'approcha  des  martyrs,  et 
les  baisait  en  criant  :  Qu'il  est  grand  le  Dieu 
des  chrétiens,  qu'il  est  grand  le  Dieu  des 
saints  martyrs.  Je  vous  prie,  serviteurs  de 
Jésus-Christ,  priez  pour  moi,  afin  que  j'entre 
en  [tart  avec  vous  au  combat  contre  le  dé- 
mon. Il  s'assit  à  leurs  pieds,  et  embrassait 
leurs  liens,  les  baisant  et  disant  :  Combat- 
tez, martyrs  de  Jésus- Christ  ;  foulez  aux 
pieds  le  démon  ;  un  peu  de  patience,  le  tra- 
vail est  petit  «  t  la  récompense  est  grande. 

Le  gouverneur,  jetant  les  .yeux  sur  le  peu- 
ple, l'aperçut  et  dit  :  Qui  est  celui-là  qui  se 
m'Kjue  ainsi  de  moi  et  des  dieux?  Qu'on 
l'amène  à  mon  Irbunal.  Puis  d  dit  :  Dis- 
moi,  qui  es-tu,  toi  tjui  méprises  la  splendeur 
de  mon  siège  ?  Boniface  dit  :  Je  suis  chré- 
tien, et  ayant  Jésus-Christ  pour  maître,  je 
vous  méjinse,  vous  et  votre  tribunal.  Le 
gouverneur  dit  :  Comment  t'appelles  -  tu  ? 
Boniface  dit  :  Je  vous  l'ai  d'^jà  dit,  je  suis 
chrétien  ;  mais  si  vous  voulez  savoir  mon 
nom  vulgaire,  on  m'appelle  Boniface.  Le 
gouverneur  dit  :  Avant  que  je  te  touche  les 
côtés,  approche  et  sacrifie.  Boniface  dit  :  Je 
vous  ai  déjà  dit  plusieurs  fois  que  je  suis 
chrétien,  d  que  je  ne  sacrifie  point  au  dé- 
mon. Si  vous  voulez  faire  (juelque  chose , 
faites,  voilà  mon  corps  devant  vous.  Le  gou- 
verneur, en  colère,  fit  aiguiser  des  roseaux  et 
les  lui  fit  enfoncer  sous  Tes  ongles  des  mains. 
Boniface  regardait  le  ciel  et  soulfiail  patiem- 
ment. Ce  (jue  voyant  le  gouverneur,  il  com- 
manda (ju'on  lui  ouvrît  la  bouche  et  (pi'on 
y  versAt  du  plomb  bouillant.  Avant  (pi'on  le 
fît,  Boniface,  regardant  au  c;el,  lit  celte 
j)rière  :  Je  vous  rends  grAces,  Seigneur  J6 
sus-Cluist,  Fils  de  Dieu  ;  venez  au  secours 
de  votre  serviteur,  soulagez-moi  dans  ces 
peines  ,  et  ne  [)ermetlez  jias  que  je  sois 
vaincu  par  cet  infrtmc  gouverneur.  Vous  sa- 
vez ;pie  c'est  pour  votre  nom  que  je  souffre. 
Ayant  achevé  sa  prière,  il  cria  aux  autres 
martyrs  :  Jo  vous  prie,  serviteurs  do  Jésus- 


473 


BON 


BON 


474 


Christ,  priez  pour  moi.  Los  martyrs  dirent 
tous  d'utio  voix  :  Notre  -  Soii;;nuur  Jésus- 
Christ  lui-môme  enverra  son  ange  [tour  vous 
délivrer  de  cet  infAme  ;  il  achèvera  dans  peu 
votre  course  et  placera  votre  nom  entre  les 
premiers-nés.  Après  qu'ils  eurent  achevé 
leur  [)rière  et  dit  atncn,  le  |)euple  se  mit  à 
p'eurer  et  cria  h  haute  voix  :  11  est  grand 
le  Dieu  des  chrétiens,  il  est  grand  le  Dieu 
des  martyrs;  Jésus-Ciirist,  Fils  de  Dieu,  sau- 
ve -nous.  Nous  croyons  tous  en  vous  ,  et 
nous  avons  recours  à  vous  ;  anathème  aux 
idoles  des  gentils.  Alors  tout  le  {»euple  cou- 
rut renverser  l'autel  et  jeter  des  pierres 
au  gouvirneur,  qui  s'enfuit  effrayé  de  ce  tu- 
multe. 

Le  lendemain,  il  s'assit  sur  son  tribunal, 
fit  amener  Boniface  et  lui  dit:  Misérable, 
d'où  te  vient  cette  fureur  de  mettre  tes  espé- 
rances en  un  homme,  et  un  homme  quia 
été  crucifié  comme  malfaiteur  ?  Boniface 
lui  dit  :  Tais-toi ,  n'ouvre  pas  tes  lèvres  in- 
fAmes  pour  nommer  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ  ,  serpent  dont  l'esprit  est  ténébreux  , 
qui  as  vieilli  en  de  mauvais  jours.  Malheur 
à  toi,  car  Jésus-Christ ,  mon  maître,  a  souf- 
fert pour  sauver  le  genre  humain.  Le  gou- 
verneur irrité  commanda  que  l'on  emplît 
une  chaudière  de  poix,  et  que,  quand  elle  se- 
rait bouillante,  on  y  jetât  Boniface,  la  tête  la 
Ïiremière.  Le  martyr,  ayant  fait  le  signe  de 
a  croix,  y  fut  jeté.  Maïs  un  ange  descendit 
du  ciel ,  et  toucha  la  chaudière  qui  fondit 
aussitôt  comme  la  cire  devant  le  feu.  Elle  ne 
fit  point  de  mal  à  Boniface  ,  mais  elle  brûla 
plusieurs  des  ministres.  Le  gouverneur,  épou- 
vanté de  la  puissance  de  Jésus-Christ  et  de 
la  patience  du  martyr,  commanda  qu'on  lui 
coupAt  la  tête  avec  l'épée,  disant  :  Nous  or- 
donnons que  celui  qui  n'obéit  pas  aux  lois 
des  empereurs  souffre  la  peine  capitale.  Les 
soldats  le  tirèrent  prompteraent  du  tribunal. 
Le  martyr,  ayant  fait  le  signe  de  la  croix  , 
pria  les  bourr  aux  de  lui  donner  un  peu  de 
temps  pour  prier,  et  se  tenant  debout,  tourné 
vers  l'orient ,  il  dit  :  «  Seigneur  Dieu  tout- 
puissant  ,  Père  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  venez  au  secours  de  votre  serviteur; 
envoyez  votre  ange  et  recevez  mon  âme  en 
paix,  afin  que  le  dragon  meurtrier  ne  lui 
puisse  nuire.  Mettez-moi  en  repos  avec  le 
chœur  de  vos  saints  martyrs  et  délivrez  votre 
peuple  de  cette  oppression  des  impies.  Car,  à 
vous  appartiennent  l'honneur  et  la  puis- 
sance avec  votre  Fils  unique  et  le  Saint-Es- 
prit dans  le  siècle  des  siècles.  Amen.  »  Ayant 
achevé  sa  prière,  il  fut  exécuté,  et  il  se  fit 
un  grand  tremblement  de  terre,  en  sorte  que 
tous  s'écrièrent  :  Il  est  grand  le  Dieu  des 
chrétiens ,  et  plusieurs  crurent  en  Jésus- 
Christ. 

Cependant  les  compagnons  de  Boniface  le 
cherchaient  partout,  et  ne  le  trouvant  point, 
ils  se  disaient  l'un  à  l'autre  :  11  est  à  présent 
dans  un  cabaret  ou  ailleurs  à  se  réjouir,  tan- 
dis que  nous  nous  tourmentons  a  le  cher- 
cher. En  discourant  ainsi,  ils  rencontrèrent 
le  frère  du  geôlier,  et  lui  dirent  :  N'avez-vous 
point  vu  ici  un  étranger  venu  de  Rome?  Il 


leur  répondit  :  Hier,  il  y  eut  un  étranger  qui 
fut  martyrisé  pour  Jésus-Christ,  et  il  eut  la 
tête  coupée.  Et  où  est-il ,  dirent-ils  ?  Il  ré- 
pondit :  Dans  l'arène  ,  et  ajouta  :  Comment 
est -il  fait  ?  Ils  dirent  :  c'est  un  homme 
carré ,  épais ,  blond  ,  qui  porte  un  man- 
teau d'écarlate.  Il  dit  :  Celui  que  vous 
cherchez  soullVit  hier  le  martyre.  Ils  réjtoii- 
dirent  :  Celui  (|ue  nous  cherchons  est  un 
ivrogne  et  un  débauché  qui  n'a  rien  de  com- 
mun avec  le  martyre.  11  leur  dit  :  Que  vous 
coûtera-t-il  de  venir  jusqu'à  l'arène  et  de  le 
voir  ?  Ils  le  suivire;it  et  il  leur  montra  son 
corps  étendu.  Ils  le  [trièrent  de  leur  montrer 
aussi  sa  tête:  ill'allaquerir  et  la  leur  ap[)orta. 
Le  visage  du  martyr,  étant  présenté  à  ses 
com[)agnons ,  se  mit  h  rire  par  la  vertu  du 
Saint-Esprit.  Eux,  l'ayant  reconnu,  pleu- 
rèrent amèrement  en  disant  :  Ne  vous  sou- 
venez pas  de  notre  péché  et  du  mal  que  nous 
avons  dit  de  vous,  serviteur  de  Jésus-Christ. 
Et  ils  dirent  à  l'officier:  Voilà  celui  (}ue  nous 
cherchons,  nous  vous  prions  de  nous  le  don- 
ner. I)  refusa  de  le  leur  donner  gratuitement. 
Ils  lui  en  payèrent  cinq  cents  sous  d'or  et 
l'emiiortèrent.  Ils  l'embaumèrent,  l'envelop- 
pèrent de  linges  précieux,  le  mirent  dans 
une  des  litières  et  reprirent  leur  chemin  avec 
joie,  louant  Dieu  de  l'heureuse  fin  du  saint 
martyr-  Cependant  un  ange  apparut  à  Aglaé 
et  lui  dit  :  Celui  qui  était  votre  esclave  est 
à  présent  notre  Irère ,  recevez  -  le  comme 
Notre-Seigneur  et  le  placez  dignement,  car 
tous  vos  péchés  vous  seront  remis  par  son 
intercession.  Elle  se  leva  promptement  et 
prit  avec  elle  des  ecclésiastiques  pieux.  Ainsi, 
faisant  des  prières  avec  des  cierges  et  des 
parfums  ,  ils  allèrent  au-devant  des  sairites 
reliques,  qui  furent  mises  à  cinquante  stades 
de  Rome,  et  elle  y  fit  bâtir  un  oratoire  digne 
du  martyr.  Il  s'y  fit  plusieurs  miracles  :  les 
démons  y  étaient  chassés  et  les  maladies 
guéries.  Saint  Boniface  souff  it  le  martyre  à 
Tarse,  métropole  de  Cilicie,  le  quatorzième 
de  mai ,  et  fut  enseveli  à  Rome  le  sixième 
de  juin.  Aglaé  renonça  au  monde,  donna 
tout  son  bien  aux  pauvres,  etafl'rancnit  tous 
ses  esclaves,  retenant  seulement  quelque  peu 
de  ses  filles  qui  renoncèrent  au  monde  avec 
elle.  Elle  se  consacra  a  nsi  au  service  de 
Jésus-Christ,  et  lui  devint  si  agréable  q.u'elle 
chassait  les  démoiis  etguérissait  toutes  sortes 
de  maladies  par  ses  prières.  Elle  vécut  en- 
core, dans  les  exercices  de  [3iété,  treize  ans, 
après  lesquels  elle  s'endormit  en  paix,  et 
fut  enterrée  auprès  de  saint  Boniface. 

BONIFACE  (saint) ,  [lape  et  confesseur, 
succéda  à  Zozime  sur  la  chaire  de  saint  Pierre. 
Il  fut  élevé  à  cette  dignité  le  29  décembre 
418,  malgré  sa  volonté,  comme  on  le  voit  [:ar 
la  relation  de  son  élection,  que  le  clergé 
de  Rome  envoya  à  l'empereur  Honorii.s. 
Soixante-dix  prêtres  et  neuf  évêques  confir- 
mèrent son  élection.  Cependant,  plusieurs 
évoques  à  qui  son  élévation  avait  déplu, 
firent  un  pape  de  leur  côté  et  donnèrent  le 
sceptre  de  saint  Pierre  à  Eulalius  :  de  là  na- 
quit un  schisme  dans  l'Eglise.  Symmaque, 
préfet  de  Rome,  protégeait  l'intrus.  11  écrivit 


47$ 


BON 


BON 


479 


à  l'empereur  tout  ce  qui  se  passait,  pr(''Son- 
tanl  les  choses  loul  à  ravintag"  d"Eul  tlius; 
il  ajouta  à  cela  un  acte  cpii  donnait  à  eiiten- 
dr.'  que  gé  léralenient  tout  le  monde  récu- 
sait Boniface.  Tromnc'  par  cette  f  lusse  rela- 
tion, Uonoriu'N  ordoMna  que  Boniface  fiU 
chassé  de  la  ville.  Ceux  de  la  coniuiunioiide 
Boniface,  voyant  que  reni])ei-eur  av  lit  été 
trompé,  lui  adressèrent  une  requête  pour  lui 
ouvrir  les  yeu\,  La  re(}uéle  des  prêtres  de 
Rouie  fit  tout  IV'tl'et  qu'on  en  attendait.  L'em- 
pereur or  loiHia  (|ue  B  miface  et  Eulalius  se 
trouvasse  il,  le  8  février,  ;\  Kavenne,  où  il  ré- 
sidait, av  'C  ceux  qui  les  avaient  respective- 
ment élus,  déclarant  que  celui  ipii  man(}ue- 
rait  se  déclarerait  par  là-niéme  coupable. 
A  l'époque  désignée,  le  coicile  s'assembla; 
mais  connue  les  évèques  q.ii  le  coiuposaie  it 
étaient  partagés  sur  liirérentos  difiiculiés,  el 

3uela  fèiede  Pâques  réclamait  chacun  d'eux 
ans  son  église,  on  résolut  d'attendre  qu'oi 
pût  assembler  a{)rès  P'.ques  un  plus  gr.nd 
concile  où  l'on  mand  rait  même  les  évèques 
des  Gaules  et  d'Afrique.  L'évèque  de  Ra- 
veune  d  fendit  (ju'aucun  des  deux  [iréten- 
dants  n'entr.U  dans  Rome,  de  peur  d'exciter 
une  sédition  [lariui  le  peuple.  L'empereur 
confirma  la  d  fense  elles  deux  [tapi-s  y  con- 
sentirent. De  plus,  comme  on  ne  pouvait  se 
passer  à  Rome  d'un  évê  |ue  (jui  y  célébrât 
la  fête  de  Pâques,  et  que  Boniface  ni  Eulalius 
n^  pouvaient  s'y  rendre,  on  choisit  pour 
cela  Aciillée  de  S.iolète.  Jommjnous  l'avons 
vu  tout  à  l'heure,  le  synode  de  Raven  le  avait 
ordonné  que  Bonifa(;e  et  E  ilalius  s'abshen- 
draienl  d'entrer  à  Rome  jusqu'au  {irocliain 
coiicih",  qu'on  devait  assembler  après  les 
fêles  d  '  P<iques,  el  dan-;  lequel  on  déciderait 
fie  leuis  droits  à  la  pd[)aulé.  Cependant  Eu- 
lalius, v.olantla  paruk' domée,  vint  à  Rome 
le  18 mars,  el  y  cnlraen  plein  midi.  I;  sotde- 
va  des  esclaves,  excila  ses  partisans,  et  quand 
Aciiiliée  ueS[)olète  sepiésenta  lans  la  vide  en 
veitu  des  {;ou\oirs  (jui  1  i  avaient  dé  citnf''- 
rés  parHonorius,  la  sédition  éclata.  Symma- 
quequi,  auforldu  timulte  avait  été  lui-même 
exposé,  éciivil  l'aU'aiie  ■  l'euipereur,  qui  or- 
donna qu'Eulalius  sortît  à  l'insi.uil  de  Home 
s'il  voulait  conseiver  quehjue  chance  de 
réussiîe  dans  le  concile  (lui  dev  iit  décider 
bientôt  entre  lui  et  son  anlagoni-te;  qui'  s'il 
refusait  d'obéir,  il  ])Ouirait  bien  être  puni 
du  dernier  supplie-.  E  lalius  refusa  d'obéir 
et  Se  relira  dans  la  bisili(|ue  de  »,atran;mais 
il  en  fut  chassé  el  contraint  de  sortir  e  la 
ville.  Aussilùl  qu'Honorius  fui  instruit  de 
tous  ces  div  rs  in.idenls,  il  déclara  qu'Eu- 
lalius  s'étant  condamné  lui-même  en  vio- 
lant la  scntcnice  du  concile  el  sa  propre  pa- 
role, il  était  déchu  des  droits  qu'il  |)ouvait 
avoir  au  saint-si('ge,  et  (jue  Bonifaci!  j>ril  >a 
place  sairs  aucune  autre  contestalii^u.  Le, 
|)(.'uple  fut  l'.nqiii  di;  joie  et  alla  au-devanlde 
Bonira{:(;  (|;ii  fut  installé  à  Rome  sans  nulle! 
ddiieiiilé.  .Vinsi  se  leiMiina  le  i'uiK  sle  schisme 
«jui  men.içail  do  désoler  l'Eglise.  Ce  saint 
pape  monna  un  grand  /.èhi  ccjutre  l(!s  péla- 
gieiis  el  témoigna  sa  grande  con>idérat:on 
l»Our  saiiii  Au^usliii  uui  lui  adressa  (lUt.lre 


livres  contre  Pelage.  Il  mourut  vers  Iflf  fin  de 
l'année  '*12  et  fat  enterré  dans  le  cimetière 
de  Sainte-Félicité  sur  la  voie  Salaria.  11  est 
iusciit  au  .M,u'tyro!oge  romain  le  25  octobre. 

BONIFACE  isaint),  martyr,  reçut  illii  la 
palme  du  martyre  vers  l'année  4-83,  dans  la 
perséculinn  que  Hunéric,  roi  des  Vandales 
en  Afrique,  suscita  aux  calholiipies  dans  la 
septième  ann-'C  de  son  règne.  Le  lecteur  ea 
trouveia  l 'S  détails  à  l'article  Lihéuat. 

BONiFACE  (saint  I,  archevêque  d  ■  Mayenc& 
et  mart , r,  naipiit  à  Wessex  ou  h.  Kiibjn,  dans 
le  comté  de  Devonshire,  vers  l'an  G80.  il  fut 
b  ptisé  sous  le  nom  de  Winfrid,  et  dès  sa 
plus  lendr»i  enfance  il  embrassa  la  vie  mo- 
nisti  |ue,  ou  du  moins  il  manifesta  dès  lors 
la  vocation  qu'il  suivit  toujours  depuis.  Ce 
fut  dans  un  mon;!Slère  situé  au  lieu  où  est 
aujouidliui  la  ville  d'Exeler,  qu'il  entra  en 
relgion.  Ensuite  il  (lassa  dans  le  monastère 
de  Nuscelle,  où  les  éludes  étaient  meilleures.. 
11  y  apprit  la  grammaire,  la  joétique  el  les 
interprétations  de  l'Ecriture  sainte,  tant  dans 
le  sens  historique  el  littéral,  que  dans  les 
sens  spirituels,  et  fui  ei'suite  lui-môme  ejj),- 
ployé  cl  les  enseignn'.  Son  abbé  le  (ii  ordun- 
ner  prêtre  à  l'Age  de  trente  an-,  vers  l'an  sept 
cent  dix,  après  quoi  il  commença  avec  un 
grand  zèle  à  instruire  les  peu/ies  et  travail- 
ler au  salut  des  âmes.  Une  affaire  pressée 
ayant  obl'gé  les  évoques  de  la  province  à  te- 
nir un  concile,  sans  attendre  les  ordres  de 
Brituald,  archevêque  de  Cantorbéry  on  lui 
envoya,  avec  la  [lermission  du  roi  Ina,  le 
prêtre  SVinfrid  pour  lui  en  rendre  compte, 
et  depuis  ce  temps  les  évoques  l'appelèrent 
souvent  aux  conciles. 

Loin  de  se  plaire  à  l'estime  qu'il  avait  ac- 
quise, il  résolut  de  quitter  son  pays  pour 
travailler  h  la  conversion  des  infidèles;  et 
ayant  obtenu  avec  peine  le  consentement  de 
son  abbé  el  de  la  communauté,  il  partit  ac- 
compagné de  deux  autres  moines  et  pas.sa 
en  Frise,  vers  l'année  sept  cent  s.  ize.  Mais 
il  y  irouvala  guerre  allumée  entre  Charles» 
jirince  des  Français,  el  le  roi  Ratbod  qui  avait 
rétabli  l'idol.Urie  dans  la  Frise,  auparavant 
sujette  aux  Français,  et  persécutait  les  chré- 
tiens. Winfrid  vint  à  Utrecht  lui  parler;  mais 
voyant  qu'il  n'y  avait  rien  à  faire  pour  la  re- 
ligion dans  ce  pays,  il  repassa  en  Angleterre 
avec  ses  compagnons  et  retourna  au  monas- 
tère de  Nuscelle. 

Le  roi  des  Frisons  avait  écouté  les  instruc- 
tions de  saint  Vulfran  el  était  prêt  à  recevoir 
le  baptême.  Il  entrait  déjà  dans  les  fonts, 
(piatid  il  conjura  le  saint  évêque  de  lui  dire 
où  était  le  |)lus  graïul  nombre  des  rois  et  des 
j)rin(;c's  delà  nation  des  Fi'isons,  s'ils  étaient 
au  paradis  (ju'il  lui  promettait  ou  dans  l'en- 
fer dont  il  le  meiiaçail.  «  Ne  vous  y  troui- 
p(;z  fias,  seigneur,  dit  saint  Vulfran,  les 
princes,  vos  prédécesseurs,  qui  sont  morts 
sans  baptême,  sont  certainement  damnés; 
mais  quicoïKjue  cro  radt'soriuais  et  sera  bap- 
tisé, sera  dans  la  joie  éternelle  avec  Jésis- 
(^lirisl.  Alors  Katbod  rinira  It^  pied  des  fonts 
ba,)ti-maiix  (?l  dit  :  Je  ne  puis  me  résoudre 
à  (luilicr  la  compagnie  dus  princes,  musprô' 


477  BON 

déeo.ssours,  i)Our  ddiuourer  avec  un  petit 
nombre  de  i)auvro.s  dans  le  ro.vauuiu  célcslc. 
Jo  ne  [)uis  .;roiiT  ces  nouveautés,  et  j'ainio 
mieux  suivre  les  anciens  usat:;i'S  de  ma  na- 
tion. Quoi  que  lui  put  dire  sai-it  N'iiHV.iii,  il 
demeura  dans  son  opiniillrelé,  tandis  que 
l)lusieurs  Frisons  se  eonvertissaienl. 

Il  ne  laissa  pas  ensuite  de  demander  saint 
Vdiebrod,  qui  prêchait  dans  le  même  pays, 
pour  ](>  consulter  avec  saint  Vullraii  v.l  Iron- 
ver  quehiue  moyen  de  se  l'aire  chrétien  sans 
quitter  sa  reli|j;ion.  Saint  Villebrod  ré|ion(lil 
à  ses  i  nv :.yés  :  Après  (jue  voire  priiu;e  a  m(''- 
prisé  les  avis  de  notre  i'rèic,  le  saint  évé- 
que  Vidfran,  comment  reeevra-t-il  les  miens? 
Je  l'ai  vu  attaché  celte  nuit  d'une  chaîne  ar- 
dente, c'est  pourquoi  je  suis  assuré  (ju'il  vA 
déjù  dans  la  dannialion  éternelle.  Saint  Vil- 
lebrod ayant  ainsi  pai'lé,  ne  laissa  pas  de  se 
mettre  en  devoir  d'albr  trouvr  le  roi  Kat- 
l)od  ;  mais  1  apprit  en  clu'min  qnil  était 
mort  san.>  baptènn',  et  retourna  sur  ses  pas. 
C'était  l'an  sept  cent  dix-neuf.  Quant  à  saint 
VuH'ran ,  ayant  prêché  en  Frise  pendant 
cinq  ans,  il  ordonna  Géric  i)Our  son  succes- 
seur dans  l'église  de  Sens,  et  retourna  dans 
l'abbaye  de  Fontenelle,  où  il  acheva  sainte- 
ment sa  vie, l'an  sept  cent  vingt,  le  vingtième 
de  mars,  jour  auquel  l 'Eglise  honore  sa  mé- 
moire. 

Peu  de  temps  après  le  retour  du  prêtre 
Winfrid  dans  son  monastère  de  Nuscelle, 
l'abbé  mourut,  et  la  communauté  voulut  le 
mettre  à  sa  [)lace  ;  mais  il  refusa  et  s'en 
alla  à  Rome,  avec  des  1.  ttres  de  recomman- 
dation de  son  évoque.  C'était  Daniel,  évoque 
de  Wincester,  célèbre  par  sa  vertu  et  sa  doc- 
trine. Winirid  étant  arrivé  à  Rome  se  pré- 
senta au  pape  Grégoire  II  et  lui  expliqua  le 
désu'  (|u'd  avait  de  travailler  à  la  conversion 
des  inlidèles.  Le  pape  le  regaida  d'un  air  se- 
rein, et  lui  demanda  s"il  avait  des  lettres  de 
son  évoque.  Winfiid  tira  de  dessous  son  man- 
teau une  lett.e  cachetée  pour  le  pape,  et  une 
autre  ouverte,  qui  était  une  retîommandation 
générale  à  tous  les  chrétiens,  suivant  la  cou- 
tume d'alors.  Le  pape  lui  fit  signe  de  se  reti- 
rer, et  ayant  lu  à  loisir  les  lettres  de  l'évê- 
que  Daniel,  il  eut  [plusieurs  conférenc.s  avec 
W  nfrid,  en  attendant  le  temps  propre  pour 
5oa  voyage,  c'est-a-dire  le  commencement  de 
l'été.  Alors  il  lui  donna  des  reliques  qu'il 
demandait,  avec  une  comm  ssion  de  prêcher 
j'iîvangile  à  toutes  les  nations  infidèles  où  il 
pourrait  arriv  r,  les  ba^  tiser  suivant  l'usage 
cle  1  Eglise  lomaine,  et  avertir  le  pape  de  ce 
qui  lui  serait  nécessaire  pour  l'exécution  de 
sa  commission,  i.a  lett  e  est  du  quinzième 
de  mai,  la  troisième  année  du  règne  cie  Léon  II, 
indiction  seconde,  c'est-à-dire  l'an  sept  cent 
dix-neuf. 

Avec  cette  lettre ,  Winfrid  passa  d'abord 
en  Lorabardie,  où.  il  fut  reçu  honorablement 
du  roi  Luitprand.  Ensuite  il  traversa  la  Ba- 
vière et  vint  en  Thurin^e,  où  il  commença 
à  exercer  sa  cor  mission.  Il  prêcha  aux 
grands  et  aux  peuples  pour  les  ramenor  à 
Jâ  connaissance  de  la  vraie  religion,  altérée 


BON 


478 


et  presque  éteinte  |)arde  faux  docteurs;  car, 
bien  qu'il  y  trouvAt  des  év6(iues  et  des  prê- 
ti(!s  zélés  pour  II!  service  de  Dieu,  il  y  en 
avait  (rauti'(\S(pfi  s'étaient  ;d)(Uidoiinés  à  l'in- 
eonti'icme,  et  il  lit  son  [>oss  ble  par  ses  ex- 
lio' lations  pour  les  ramener  à  une  vie  con- 
foinu!  aux  (  anons. 

Cependant,  ayant  appris  la  mort  d(!  Ral- 
bod,  roi  des  Frisons,  il  eut  une  grande  joie 
d(!  voir  la  porte  ouverte  en  ce  pays-là  pour 
l'EviUigib!  ;  et  il  y  passa  aussitôt  pour  se- 
condei  les  travaux  de  saint  Videbrod,  sous 
la  protf'ciion  du  prince  Charles,,  devenu 
maître  de  la  Frise.  Il  fit  part  de  ces  heunu- 
ses  nouvelles  à  Bugg,  ou  Edburge,  abbesse 
dans  le  pays  de  Keiit,  la  priant  en  même 
temi)s  de  lui  envoyer  des  actes  des  martyrs. 
Dans  sa  réponse,  l'abbesse  le  prie  d'oU'rir 
des  m(!sses  pour  l'Ame  dun  de  ses  parents, 
et  lui  envoie  c  nquaide  sous  d'or  et  un  ta- 
pis d'aulel.  Winirid  travailla  trois  ans  en 
Frise  avec  saint  Villebrod,  convertit  beau- 
coup de  peuple,  ruina  des  temples  d'idoles 
et  kltit  des  églises. 

Saint  Villebrod,  le  voyant  fort  âgé,  le  choi- 
sit pour  S0:i  successeur  ;  mais  Winfrid  s'en 
excusa,  et  comme  le  saint  évoque  le  {)ressait 
fortement,  il  lui  dit  enfin  que  le  pape  l'avait 
destiné  aux  nations  de  la  Germanie  orientale, 
et  le  pria  de  permettre  qu'il  exécutât  sa  pro- 
messe. Saint  Villebrod  y  consentit  et  lui 
donna  sa  bénédiction.  Winfrid  partit  aussi- 
tôt, et  arriva  dans  la  Hesse,  en  un  lieu  ap- 
pelé Amanaburch,  ou  Omenbourg,  apparte- 
nant à  deux  frères,  qui,  portant  le  nom  de 
chrétiens,  exerçaient  l'idolâtrie.  Il  les  con- 
vertit et  un  grand  nombre  de  peuple,  et  bâ- 
tît un  monastère  dans  ce  lieu  que  lui  don- 
nèrent les  deux  seigneurs.  Ensuite  il  s'a- 
vança aux  confins  de  la  Hesse,  vers  la  Saxe, 
où  il  convertit  et  baptisa  plusieurs  milliers 
d'infidèles. 

Après  avoir  ainsi  travaillé  quelque  temps, 
Winfrid  envoya  à  Rome  un  des  siens  avec 
une  lettre  où  il  rendait  compte  au  pape  du 
succès  de  sa  mission,  et  le  consultait  sur 
quelques  difficultés.  Le  pape,  par  sa  réponse, 
l'invita  à  venir;  il  obéit,  et  arriva  à  Rome 
pour  la  seconde  fois,  accompagné  de  plu- 
sieurs de  ses  disciples.  Le  pape  l'ayant  ap- 
pris, ordonna  qu  il  fût  bien  reçu  dans  la 
maison  d  hospitalité  ;  puis  l'ayant  fait  venir 
à  Saint-Pierre,  il  l'interrogea  sur  la  foi  de 
l'Eglise.  Winfrid  lui  demanda  du  temps  pour 
éi^rire  sa  -c  nfession  de  foi  et  la  lui  apporta. 
Le  pape  la  lui  rendit  quelques  jours  après, 
et  l'ayant  fait  asseoir,  l'exhorta  à  conserver 
cette  doctrine  et  à  l'enseigner  aux  autres.  Il 
passa  presque  tout  le  jour  à  conférer  avec 
lui,  lui  faisant  plusieurs  questions  sur  les  ma- 
tières de  la  religion,  et  sur  la  conversion  des 
infidèles.  Enfin,  il  lui  déclara  qu'il  voulait 
le  faire  évêque  pour  ces  peuples  qui  n'a- 
vaient point  de  pasteur.  Le  saint  prêtre  se 
soumit  et  le  jour  de  l'ordination  fut  marqué 
le  30  novembre  723,  fêle  de  saint  André.  L'é- 
vêquelui  changea  son  nom  eesuitc,  lui  don- 
nani  celui  de  Boniiàce.  sous  lequel  il  est 
plus  connu.  11  lui  fit  l'aire  un  sermeat,  daté 


479 


BON 


BON 


480 


de  la  septième  année  du  règno  de  l'empereur 
Léon,  indiction  sixième,  qui  est  la  même 
année  723,  par  lequel  il  promet  de  garder  la 
pun-té  de  la  foi  et  l'unité  de  l'Eglise  ;  de  con- 
courir toujours  avL'C  le  |)ape,  et  procurer 
ses  avantages  et  ceux  de  l'Eglise  romiine  ; 
de  n'avoir  point  de  communion  avec  les 
évèques  qui  n'observeront  pas  les  canons, 
et  les  empêcher  selon  son  pouvoir,  ou  d'en 
avertir  le  pape.  Ce  serment  était  écrit  de  sa 
main,  et  il  le  mit  sur  le  corps  de  saint  Pierre; 
ce  qui  montre  ({u'il  fut  ordonné  dans  l'église 
du  Vatican.  Le  pape,  de  son  côté,  lui  don-ia 
un  livre  de  canons  pour  lui  servir  de  règles 
dans  sa  conduite,  et  le  chargea  de  six  lettres  : 
la  première  à  Charles  Martel,  où  il  lui  re- 
commande l'évoque  Boniface,  envo^^é  aux 
infidèles  qui  habitent  la  partie  orientale  du 
Rhin;  caria  domination  clés  Français  s'éten- 
dait au  delà  de  ce  tleuve  bien  avant  dans  la 
Ge.rmanie.  La  seconde  lettre  est  adressée  à 
tous  les  évèques,  les  prêtres,  les  diacres,  les 
ducs,  les  comtes  et  à  tous  les  chrétiens  cjue 
le  pape  exhorte  à  bien  recevoir  Boniface  et 
ceux  de  sa  suite,  et  lui  donner  des  vivres  et 
tous  les  secours  nécessaires  ;  mais  il  menace 
d'anathème  ceux  qui  s'opposeront  à  son  mi- 
nistère; elle  est  datée  du  1"  décembre  723, 
le  lendemain  de  l'ordination  de  Boniface,  et 
les  cinq  autres  étaient  apparemment  de  même 
date.  La  troisième  lettre  est  adressée  au 
clergé  et  au  peuple  que  Boniface  devait  gou- 
verner, et  marque  les  règles  qu'il  devait  ob- 
server dans  ses  fonctions,  nui  sont  les  mê- 
mes, mot  |)our  mot,  que  celles  de  l'institu- 
tion envoyée  en  Bavière,  l'an  716.  La  qua- 
trième lettre  est  adressée  aux  chrétiens  de 
Tliuringe,  et  particulièrement  à  leurs  cinq 
princes,  qui  y  sont  nommés.  Le  pape  les  fé- 
licite de  ce  qu'ils  ont  résisté  aux  païens  qui 
voulaient  les  ramener  à  l'idokltrie  ;  les  ex- 
horte <à  la  persévérance,  à  l'attachement  pour 
l'Eglise  romaine,  et  l'obéissance  à  Boniface. 
La  cinquième  lettre  est  à  tout  le  peuple  de 
Thuringe,  c'est-à-dire  aux  païens  que  le  pape 
exhorte  à  se  convertir  en  recevant  les  ins- 
tructions de  Bondace,  se  faire  baptiser,  lui 
biltir  une  maison  et  des  églises  pour  eux.  La 
dernière  est  à  tout  le  peui)le  des  anciens 
Saxons  ;  on  appelait  ainsi  ceux  de  (lerrnanie, 
à  la  différence  de  ceux  qui  avaient  passé  dans 
la  Grande-Bretagne.  Le  [)apc  les  exhorte  à 
quitter  l'idolAtrie,  et  leur  rccon)mandc  Boni- 
face.  11  faut  croire  que  ce  saint  évèque,  qui 
connaissait  le  génie  de  ces  [X'uples,  avait  fait 
dresser  ces  lettres,  sachant  l'effet  (pu;  l'on  en 
devait  attendre.  {Voij.  Fleury,  t.  111,  p.  59, 
60,  61.) 

Saint  Boniface  étant  venu  en  France  trou- 
ver Charles  Martel,  ce  princ(!  lui  do'Uia  une 
lettre  de  recoMunanlation  pour  tous  les  évè- 
ques, ducs,  comtes,  vicaires,  doiiiesii(pies  (;t 
autres  olliciers,  afin  cpi'il  piit  aller  partout 
en  lil)erlé  avec  »ine  telle  sauvfigarde.  Il  re- 
tourna dans  la  Hcsse,  où  il  trouva  encore 
beaucouf)  d'idolAlres;  il  y  continua  ses  tra- 
vaux avec,  inlitiinient  do  succès.  Quehjues- 
uu's,  qui  élaii'iil  convertis  d(![>uis  l'jiigtemps, 
lo  nriereul  d'aballra  un    arbre  de  ^randeu^ 


énorme,  qu'ils  nommaient  le  chêne  de  Ju- 
piter parce  qu'il  était  consacré  à  ce  faux 
dieu.  Un  grand  nombre  de  païens  s'assem- 
blèrent à  ce  spe:tacle,  maudissant  celui  qui 
attaquait  ainsi  leur  culte.  L'arbre,  ébranlé 
des  les  premiers  coups  de  cognée,  se  fi-ndit 
en  quatre  parties  égales.  Tous  les  assistants, 
fra[)pés  do  ce  fait  merveilleux,  se  converti- 
rent à  l'instant  même.  Le  saint  prédicateur 
fit  construire  avec  cet  arbre  une  chapelle 
en  1  honneur  de  saint  Pierre.  Ensuite  il 
passa  dans  la  ïhuringe,  où  il  parla  aux 
princes  et  aux  chefs  du  peuple,  les  excitant 
à  revenir  à  la  religion  chrétienne  qu'ils 
avaient  abandonnée,  car  elle  y  avait  été  in- 
troduite par  Théodoric,  fils  de  Clovis,  quand 
il  conquit  cette  province  ;  mais  l'autorité 
des  rois  de  France  s'afîaiblissant,  la  Thu- 
ringe avait  été  opprimée  et  ravagée  par  des 
tyrans,  et  le  peuple  qui  restait  s'était  sou- 
mis à  la  domination  des  Saxons. 

De  plus,  il  y  était  entré  de  faux  frères  qui 
introduisirent  l'hérésie  sous  le  nom  de  reli- 
gion; on  en  marque  quatre  entre  les  autres, 
qui  menaient  une  vie  scandaleuse  et  qui 
excitèrent  une  grande  guerre  contre  saint 
Boniface,  mais  il  les  repoussa  fortement 
armé  de  la  vérité.  La  foi  se  renouvela  et  la 
moisson  fut  grande,  quoiqu'il  y  eût  peu  d'ou- 
vriers, encore  souffraient-ils  une  grande 
disette  des  choses  nécessaires  à  la  vie,  ot  ils 
se  trouvèrent  réduits  à  de  grandes  extré- 
mités ;  mais,  le  nombre  des  fidèles  venant  à 
croître,  le  nombre  des  missionnaires  s'accrut 
aussi. 

On  rétablit  bientôt  les  églises,  et  on  bâtit 
un  monastère  à  Ordof  à  cette  occasion. 
Saint  Boniface,  prêchant  et  baptisant  dans 
la  Thuringe,  avait  fait  dresser  ses  tentes  sur 
le  bord  de  la  rivière  d'Or.  Une  nuit,  le  lieu 
où  il  campait  fut  environné  d'une  grande 
lumière,  saint  Michel  lui  apparut  et  l'en- 
couragea dans  son  entreprise.  Le  matin,  il 
célébra  la  messe  au  même  lieu,  et,  en  ayant 
demandé  la  propriété  au  seigneur  à  qui  il 
appartenait,  il  le  défricha  et  y  bâtit  une 
église  en  l'honneur  de  saint  Michel,  avec  un 
monastère  où  les  moines  subsistaient  du 
travail  de  leurs  mains. 

Sur  ces  entrefaites ,  Grégoire  111  étant 
monté  sur  le  trône  papal,  en  732,  Boniface 
envoya  vers  lui  pour  le  consulter  sur  de 
nouvelles  diflicu  tés  qui  lui  étaient  sur- 
venues. Le  pape  reçut  fort  bien  ses  en- 
voyés, et  l'établit  archevêque  primat  de  l'Al- 
lemagne tout  (mtière,  avec  permission  d'é- 
tablir des  évêchés  partout  où  il  le  jugerait 
convenable.  En  738,  saint  Boniface  fit  son 
troisième  voyage  à  Borne.  Le  j)a|>e  le  reçut 
avec  toute  la  distincliou  (]u'il  iiu'rilail,  et 
lui  donna  le  tiln;  de  légat  du  saint-siége  en 
Alleinagiie.  11  revint  dans  les  contrées  ilonl 
il  était  lapôtre,  établit  |)lusieurs  évêchés  en 
Bavière,  (pii  furent  ceux  de  Frisingen,  de 
Uatisbonne,  d'Erfort,  d(!  Barabourg  depuis 
transféré  à  Pa(leil)orn,  à  Wurt/bourg,  nuis 
(;nliu  à  Hi(hsl(!(lt  pour  le  Palatinat.  Après  la 
moit  d.' (Grégoire  III,  qui  eut  lieu  en  nu- 
veiubro  7^1,  Zacharie  monta  sur  la  chaire  do 


m 


BON 


BON 


m 


saint  Pierre.  Ce  dernier  pape  confirma,  rela- 
tivetnoiit  à   Boniface,  tout  ce  qu'avait   fait 
sou  prodécosseur.  La  révolution   qui   s'ac- 
complit (Ml  France  h  cette  époque,  après  la 
iiiuit  de  Charles  Martel,  vint  luctlre  la  cou- 
ronne sur  la  tùte  d'une  autre  laniille.  Carlo- 
iiian,  fils  de  Charles,  entra,  par  héritage  ou  par 
conquôte,  en  possession  de  tout  le  pays  où 
IJonifaco  avait  accompli  de  si  grandes  choses 
pour  la  foi  ;  il  mit  toute   sa  puissance  h  le 
seconder.  11  lit  mettre  en  prison  deux  impos- 
teurs, Adalberl  ol  Cément,  qui  unissaient  à 
l'hérésie  rescroijuerie  et  le  mensonge,    et 
que   saint  lioniface   avait  condamnés   dans 
un  co'icile  provincial.  Peu  après  Carloman 
ayant  embrassé  la  vie  monastique,  Pépin  le 
Bref,  son  frère,  régna  d'abord  sous  le    nom 
de  maire  du  palais,  puis  fui  élu  roi,  du  con- 
sentement unanime  de  la  nation.  11  choisit 
Boniface  pour  le  couronner  :  cette  cérémo- 
nie se  fit  à  Soissons.  Le  roi,  voyant   que  le 
saint  évéque  n'avait   pas  de  siège  fixe,  lui 
donna   l'évôché  de  Mayence,  que   le  pape 
érigea  immédiatement  en   métropole.  Cela 
n'était  pas  nécessaire  pour  Boniface,  puis- 
qu'il avait  déjà  le  litre  qui  était  inhérent  à  sa 
personne.  Seulement  le  pape  voulut  le  rendre 
inhérent  au  siège,  au  |)rotit  des  successeurs 
du  saint  archevêque  (  cela  arriva    en  751  ). 
Le  saint  archevêque,  sachant    que  la  force 
de  l'exemple  devait  être  immense   sur  ces 
f)euples    barbares  ,    fit    venir    d'Angleterre 
des    hommes    et   des    femmes  recommaii- 
dables  par  leurs  vertus,  et  leur  donna  la  di- 
rection des  monastères  qu'il  avait  fondés. 
Parmi  ces  hommes  furent   les  saints  Wig- 
bert,  Burcliard,  Lulle  et  Willibaud  ;  parmi 
les  femmes,  les  saintes  Liobe,  Thècle,  "Wal- 
burge,  Bertigite,  Contrade.  Qu*  Ique  temps 
après,  ayant  appris  qu'Ethelbard ,   roi  des 
Merciens,  ternissait  son  rang  par  le  vice  de 
l'impureté,  il  lui  écrivit  de  la  manière  la  plus 
forte  et  la  plus  pressante  pour  l'exhorter  à 
la  pénitence. 

Bientôt  après,  ayant  appris  l'élévation  du 
pape  Etienne  II,  il  lui  écrivit  pour  lui  de- 
mander la  communion  du  saint-siége ,  ses 
avis  et  ses  protections,  à  l'exemple  de  ses 
trois  prédécesseurs  ,  les  deux  Grégoire  et 
Zacharie.  Il  dit  qu'il  y  a  trente-six  ans  qu'il 
est  légat  du  saint-siége,  ce  qui  marque  l'an 
TSi,  à  compter  depuis  l'an  718.  11  ajoute  : 
Je  vous  prie  de  ne  pas  trouver  mauvais  que 
j'aie  envoyé  si  tard  vers  vous.  J'ai  été  oc- 
cupé à  réparer  plus  de  trente  églises  que  les 
païens  nous  ont  brûlées.  Quelque  temps 
après,  saint  Boniface  écrivit  encore  au  pape 
Etienne  en  ces  termes  :  «  Du  temps  de  Ser- 
gius,  un  prêtre  d'une  grande  vertu,  nommé 
Villebrod,  autrement  Clément,  étant  venu  à 
Rome,  le  pape  l'ordonna  évêque,  et  l'envoya 
prêcher  la  nation  païenne  des  Frisons.  Il  en 
convertit  la  plus  grande  partie  pendant  cin- 
quante ans  qu'il  y  prêcha,  ruina  les  temples 
des  idoles,  bâtit  des  églises,  une  entre  au- 
tres en  l'honneur  du  saint  Sauveur,  dont  il 
fVtson  siège  épiscopal  dans  la  ville  d'Utrecht. 
11  y  demeura  jusqu'à  une  extrême  vieillesse, 
.substitua  un  évêque  à   sa   place  et  finit 


3 


I 


en  paix.  Carloman,  prince  des  Français,  me 
recommanda  l'église  d'Utrecht  pour  y  ordon- 
ner un  évoque,  ce  que  je  ils.  Maintenant  l'é- 
voque de  Cologne  soutient  que  ce  siège  lui 
appartient,  à  cause  d'une  ])etile  église  dans 
Utrecht,  que  Villebrod  trouva  ruinée  jus- 
qu'aux fondements,  et  l'ayant  fait  rebAtir,  la 

édiaen  l'honneurde  saint  Martin.  11  rapporte 
que  le  roiDagobert  avait  donné  la  ville  d'U- 
trecht avec  cette  église  ruinée  à  l'Eglise  de 
Cologne,  à  condition  que  l'évêque  de  Colo- 
gne convertiraitles  Frisons,  ce  qu'il  n'a  point 
'ait.  11  ne  les  a  pas  môme  prêches  et  ils  sont 
demeurés  j)aïens  jusqu'à  la  mission  de  Vil- 
lebrod. Maintenant  la  ville  de  Cologne  veut 
s'attribuer  Utrecht  et  en   supprimer  le  siège 
épiscopal.  Je  lui  ai  répondu  que  la  commis- 
sion du  saint-siége,  pour  y  établir  un  évoque 
qui  prêche  à  la  nation  des  Frisons,  était  plus 
considérable  que  la  fondation  d'une  petite 
église  ruinée  et  abandonnée  parla  négligence 
des  évoques  de  Cologne;  mais  il  n'en  demeure 
pas   d'accord.    Ayez   donc  la  bonté  de  me 
mander  si  vous  approuvez  ma  réponse  et  de 
faire  copier  dans  les  archives  de  cette  église 
tout  ce  que  le  pape  Sergius  a  écrit  à  ce  su- 
jet à  l'évoque  Villebrod;  ou  si  vous  en  jugez 
autrement,  me    le    faire    savoir,  afin  que  je 
m'y  conforma'.  »  L'évoque  de  Cologne  était 
alors    Hildoberf,  qui   venait   de  succéder  à 
Hildégaire,  tué  par  les  Saxons,  auxquels  le 
roi  Pépin  l'avait  envoyé  pour  traiter  de  la 
paix.  .Ce   fut  peut-être  celte    entreprise  de 
l'évêque  de  Cologne  qui  obligea  saint  Boni- 
face  à  retourner  en  Frise,  bien  que  chargé 
d'années  et  d'infirmités.  Mais  il  n'entreprit 
ce  voyage  que  de  concert   avec  le  roi,   et 
après   avoir   converti  et    baptisé  en   Frise 
grand  nombre  de  paieiis,  il  revient  au  bout 
d'un  assez  long  temps  à  ses  églises  de  Ger- 
manie ,  la  dixième  année  de   :a  fondation 
de    Fulde,    c'est-à-dire  l'an   754.    L'année 
suivante,  il  retourna  en  Frise,   mais  avant 
que  de  partir  il  se  pourvut  d'un  successeur 
dans  le  siège  de  Mayence  et  ce  fut  le  prêtre 
Lulle,  un  de  ses   plus  fidèles  disciples.   Il 
était  né    en  Angleterre  et  avait  été  moine 
dans  le  monas  ère  de  Maldube,  ou  Malmes- 
bury.  Il  passa  en  Germanie,  vers  l'an  7.32, 
avec  quelques  autres,   à  la  prière  de    saint 
Boniface,  pour  l'/iider  en  ses  travaux  apos- 
toliques. Etant  déjà  prêtre,  il  fut  envoyé  à 
Rome  par  saint  Bonif  ice,  vers  le  pape  Za- 
charie, en  751,  comme  il  a  été  dit,  et,  trois  ans 
après,  ordonné  évêque   en  75V,  suivant  la 
permission  une  le  même  pape  avait  donnée 
à  sanit  Bonirace  de  se  choisir  un  successeur. 

Pour  faire  agréer  ce  choix  au  roi  Pépin, 
saint  Boniface  écrivit  à  l'abbé  Fulrad  en 
ces  termes  :  «  Je  ne  puis  assez  vous  rendre 
grâces  de  l'amitié  que  vous  m'avez  souvent 
témoignée  dans  mes  besoins  :  mais  je  vous 
prie  d'achever  ce  que  vous  avez  si  bien  com- 
mencé, et  de  rapporter  au  roi  que  mes  amis 
et  moi  nous  croyons  que  mes  infirmités  doi- 
vent bientôt  terminer  ma  vie.  C'est  pourquoi 
je  le  conjure  de  me  faire  savoir  dès  à  pré- 
sent quelle  grâce  il  veut  faire  à  mes  disci- 
ples après  ma  mort;  car  ils  sont  presque  tous 


485 


BON 


BON 


484 


étrangers  :  quelques-uns  prêtres,  rdpandus 
en  divtTS  lieux  pour  li"  service  de  l'Eglise  ; 
d'autres  sont  moines  établis  dans  de  petits 
monastèies  '  ù  ils  pr  ••nient  soin  d'instruire 
les  enfants.  11  y  a  des  vieillards  qui  ont  long- 
temps vécu  avec  moi,  me  soulageant  dans 
mon  travail.  Je  suis  en  peine  tl'eux  tous, 
craignant  (ju'ils  ne  se  dissipent  après  ma 
mort,  et  que  les  peuples  qui  sont  pi-ès  de  la 
frontière  des  |)aiens  ne  perdent  la  foi  de  Jé- 
sus-Christ. (Vest  pourquoi  je  vous  demande 
pour  eux  votre  conseil  et  votre  protection. 
Je  vous  conjure  aussi,  au  nom  de  Dieu,  de 
faire  établir  mon  fils  Lulle  et  mon  confrère 
en  l'épiscopal,  pour  le  service  de  ces  églises, 
afin  qu'il  soit  le  docteur  des  prêtres,  des 
moines  et  des  peuples.  J'espère  qu'il  en 
remplira  les  devoirs.  Ce  qui  me  touche  prin- 
cipalement, c'est  que  mes  prêtres  qui  sont 
sur  la  frontière  des  païens  mènent  une  vie 
très-pauvre.  Ils  peuvent  gagner  du  pain, 
mais  non  des  habits,  si  on  ne  les  aide  comme 
j'ai  fait.  Faites-moi  savoir  votre  réponse  afin 
que  je  vive  ou  que  j*^;  meure  plus  content.  » 

Saint  Boniface  ordonna  do  ic  Lulle  arciie- 
vèque  de  Mayeiice,  du  consentement  du  roi 
Pé[)in,  des  évêques,  des  abbés,  du  clergé  et 
de  tous  les  seigneurs  de  son  diocèse,  puis 
lui  donna  ses  derniers  ordres  en  ces  termes, 
étant  prêt  à  partir  pour  la  Frise:  «  Le  temps 
de  ma  mort  approche  ;  achevez,  mon  (ils,  le 
bâtiment  des  églises  que  j'ai  commencées  en 
Thuringe.  Appliquez-vous  fortement  à  la 
conversion  des  peuples  ;  achevez  i'ég  ise  de 
Fulde  et  m'y  faites  entenei .  Préparez  tout 
ce  qui  est  nécessane  pour  notre  voyage  et 
mettez  avec  mes  livres  un  linceul  pour 
m'ensevelir.  »  A  ces  mots,  Lulle  fondait  en 
larmes. SaintBonifacc  fit  aussi  venirl'abbesse 
Liobe ,  et  l'exhorta  à  ne  pas  quilt(!r  le  |)ays, 
quoiqu'elle  y  lût  étrangère,  et  ne  f)oint  so 
relâcher  dans  l'observance  de  ses  vœux,  soit 
jiar  la  faiblesse  du  corps,  soit  par  la  longueur 
du  temps,  mais  de  considérer  la  récompense 
étemelle.  Il  la  recommanda  à  l'évêque  Lulle 
et  aux  anciens  du  monastère  de  Fidde  (pii 
étaieit  présents;  leur  ordonna  qu'elle  lût 
enterrée  avec  lui  dans  le  même  sépulcre,  et 
lui  donna  sa  cucule. 

Lnlin  saint  Boniface  partit  et  par  le  Bhin 
descendit  en  Frise,  où  il  convertit  et  baptisa 
j>lusieurs  milli(;rs  de  païens,  abattit  des  tem- 
jiles  et  éleva  des  églises.  Il  était  aidé  par 
Jioban,  qu'il  avait  ordonné  évêcpie  d'Utrecht 
après  la  mort  de  saint  V'illebrod,  et  par  dix 
autres  comiiagnons,  trois  prêtres,  trois  dia- 
cres et  quatre  moines.  11  avait  mar(jué  un 
jour  pour  la  confirmation  de  ceux  qu'il  ve- 
nait de  baptiser,  ap|>ar. •minent  h  PÂ(jues,  et 
qui  s'étaient  retirés  cliai:uii  chez  eux.  Ln  les 
attendant,  il  camj>ait  avi-c  sa  suite  sur  la 
B(>ijrde,  livièie  (pii  séparait  alor.>)  la  Frise 
onentale  de  l'occ. dentale.  Le  jour  venu,  on 
vit  pa/aitre  dès  le  malin  non  pas  les  néophy- 
tes (jue  \'()i\  allendait,  mais  une  li^oupe  do 
pneus  furieux,  armés  (l'é-ciLs  et  de  lances, 
qui  foiidironi  .sur  les  tentes  du  saint  évê(juo. 
Ses  serviteurs  soiliient  pour  les  i^epousseï-  ù 
ujaiu  ai'iJK'c  ;  mais  saint  Boniface,  «yaut  oui 


le  bruit,  appela    son   clergé,  et  prenant  les 
reliipies  (^u'il  porta  t  to'.ijour.s  ave  ;  lui,  il  sor- 
tit de  sa  lente  et  dit  à  s<>s  ,^eiis  :  Mes  eiifanls, 
cessez  de  combaltre;  FFcrilure  nous  apfirend 
de  ne  pas  rendi-e  le  mal  pour  le  mal.  Le  jour 
que  j'attends  dei)iiis  longtemps  (Si  arrivé; 
espérez   en   Dieu  el  il    sauvera  vos   âmes 
Ensuite  il  exhorta  les  prêtres  et  ses  autres 
compagnons  à  se   [)réparer  coura.;eusement 
au  martyi'e.  Aussitôt  les  païens  les  attaquè- 
rent enfune,  l'épée  à  la  main,  et  les  mir  nt 
tous  h  moit;  puisj  yeux  d'  l.-ur   victoire, 
ils  co'.nmeiicèrent  a  piller  le  camp.  Ils  em- 
portèrent les  cotfres  di  s  livres  et  les  châsses 
des  reliques,  croyant  y  trouver  quantité  d'.>r 
et  d'argent.  Ensuite  ils  allèrent  piller  les  ba- 
teaux qui  portaient  les  vivres,  et  en  empor-^ 
tèrent  le  vin  sans  ouvrir  les  vaisseaux  ;  puis 
ayant  reco'inu  ce  que   c'était,  ils  le  burent 
avidement.  Quand  ce  vint  au  partage  du  bu- 
tin et  des  tr  sors  qu'ils  imaginaient  dais  ces 
coUres ,   ils  prirent  querelle,  en  vinrent  aux 
mains,  et  p'usieurs  fui  eut  tués  ;  ceux  qui  res- 
tèrent coururent  aV'C joie  aux  coifres,  et  les 
ayant  ronqms,  ils  furent  bien  surpris  de  n'y 
trouver-  ijue  des  livres.  De  dé|it,  ils  les  disper- 
sèrent dans  les  campagnes,  lesjetereiu  dans  les 
roseaux  des  marais  et  les  cachèrent  en  divers 
lieux  ;  mais  longtemps  après,  ils  furent  trouvés 
entiers,  ce  que  l'on  regarda  comme  un  miracle. 

Le  martyre  de  saint  Boniface  arriva  le  5 
juin,  l'an  755,  indic.ion  huitième,  quarante 
ans  après  qu'i.  fut  entré  en  Germaule,  trente- 
six  ans  apiès  son  épiscopat,  et  la  soixante- 
quinzième  année  de  son  âge.  Les  com[)a- 
gnons  de  son  martyre  furent  jus  lu'au  nom- 
bre de  c  n([uante-deux.  Peu  ue  temps  a[)rès 
sa  mort,  Cuthbert,  archevêque  de  Canlor- 
béry,  orionna  en  un  'loncile  de  céléb  er  sa 
fêle  tous  les  ans,  et  il  est  encore  honoré  par 
rE-,lise  uni.erSvlle.  Le  bruit  de  sa  mort 
s'étant  ré[)andu  dans  toute  la  province,  les 
chrétiens  rassemblèient  une  grosse  armée  et 
au  oout  de  trois  jours  atlaquèi'ent  les  terres 
des  })aieiiS  qui,  ne  pouvant  leur  résister, 
s'enfuirent,  et  il  y  en  eut  un  grand  i. ombre 
de  lu  .s.  Les  chrétiens  pillèrent  leur  pays  et 
emmenèient  leurs  femmcfS.  leurs  enfanis  et 
leurs  esclaves.  Les  i)aïciis  qui  restèrent, 
abattus  de  tant  de  maux,  rentrèrent  en  eux- 
mêmes  et  se  convertirent  j)Our  la  plupart. 
Ainsi  la  mort  de  saint  Boniface  a(  heva  I  ou- 
vrage qu'il  avait  commencé  de  son    vivant. 

Son  cor|)S  fut  poi'lé  d'abord  à  Utrecht  ott 
on  l'enterra.  Ensuite  l'archevêque  Lulle  le 
fit  tiansléi'er  h  Mayence  où  K-  |)eu|)l  •  voulut 
le  retenir;  mais  enfin  la  volonté  du  saint  fut 
exéculée  et  il  fut  enl'Tré  lians  l'église  de 
Fulde.  On  y  rajiporta  au^si  les  livres  (jue  les 
|)aiens  avaient  dispersés  après  sa  mort,  il 
on  y  eu  voit  encore  trois.  Le  premier  con- 
tient liïs  canons  du  Nouveau  T.  slameiit , 
c'esl-iVilire  l'anciiMine  Coucordancc  ;  le  se- 
cond, teint  du  sang  du  martyr,  contient  la 
lettre  de,  saint  Léon  à  Théodon'  de  Frejus,  le 
traité  de  saint  Aiiibro  se  du  Siiiiil-I'^spril  et 
nlusieursautres  ouvrages;  le  troisième  est  un 
livre  dv's  Fvaiigiles  (pie  foii  dit  être  écrit  de 
Il  main  de  saint   Bo.uia.  c.  Les  œuvres  qui 


485  BON 

nous  roFteril  cK»  lui,  l<'s  ulus  cort.iines  sont 
seslotlres  en  j^ninU  noinb.o,  rccuci  lios  sans 
ôr 're  avec  plusi\'in\s  au'iws  qui  lui  sont 
a«l,oss(^;'sou  écrites  |)arses  d'seiplcs.  (Flcu- 
rv  rapporté  les  plus  remarquables),  (pu  font 
voir  S'iu  zùle,  sa  siiuérité,  sou  humilité.  On 
lui  attribue  aussi  ({esStdtutu  ou  lustruciions 
aux  évi^ques  et  cu\  {trôtres,  en  trente-six 
articles,  où  l'on  pcuit  observer  ce  qui  suit  : 
«  Un  prêtre  ne  do  t  aller  nulhi  part  sans  por- 
ter avec  lui  le  saiut-chrème,  l'h  ilc  bénite  et 
l'euch.iristie,  alin  d'ôlre  toujours  priH  a  exer- 
cer toutes  ses  fonctions,  il  doit  garder  le 
saint  chrême  sous  le  sceau,  sans  en  donner 
à  personne,  so  -s  prétexte  de  uiédii  ament  ou 
autrement.  Ceux  que  l'on  baptise  doivent 
faire  en  leur  langue  les  renonciations  et  la 
profession  de  foi,  alin  qu  ils  sachent  ce  qu'ils 
promettent.  Ceux  dont  le  ba|)témi'  est  dou- 
teux doivent  ôtre  baptisi's  sans  scrupule  avec 
cette  protestation  :  Je  ne  le  rebaptise  pas, 
mais  SI  tu  n'es  pas  encore  baptisé,  je  te  baj)- 
tise.  C'est  le  premier  exem{)le  que  je  trouve 
de  baptême  sous  condition.  Connue  divt^rs 
accidents  nous  empêchent  d'observer  plelne- 
ment  les  canons  touchant  la  réconciliation 
des  pénitents,  chaque  prêtre,  auss.tôt  qu'il 
aura  reçu  leur  confession,  aura  soin  de  les 
réconc  lier  par  la  prière,  c'est-à-dire  qu'il 
n'attendra  |)as  que  la  i)énitence  soit  accom- 
plie. Le  malade  qui,  a[)rès  avoir  demandé  la 
pénitence,  oura  perdu  la  parole  ou  la  con- 
naissance, sera  non-seulement  réconcilié  par 
l'imposition  des  mains,  mais  recevra  l'eucha- 
ristie qu'on  lui  feia  cou'er  dans  la  bouche. 
Ce  qui  seuble  marquer  la  seule  espèce  du 
vin.  Le  dernier  article  marque  les  i)Us  de 
toute  l'année  en  cette  sorte  :  Noël,  avec  les 
trois  jours  suivants,  l'Ascension,  la  Saint- 
Jean,  la  Saint- Pierre,  l'Assomption  de  la 
sainte  Vierg»,  sa  Nativité,  la  Saint-André.  Il 
avait  été  parlé  auparavant  de  la  Pentecôte. 

Saint  Boniface  doit  être  regardé  comme 
l'apôtre  de  l'Allemagne  et  le  restaurateur  ue 
la  discip  ine  en  France;  son  monastère  de 
Fulde  devint  l'école  la  plus  célèbre  de  toute 
l'Eglise  d'Occident,  pendant  ce  siècle  et  le 
suivant.  Entre  ses  disciples  les  [dus  fameux, 
est  saint  Burcard,  évêque  de  Virtzbourg, 
mort  quatre  ans  auparavant,  l'an  751,  le  2  fé- 
vrier, quoique  l'Eglise  honore  sa  mémoire  le 
lioctoure.  Ileutpour  successeurdans  cesiége 
Mégingaud,  autre  disciple  de  saint  Bcmiface. 
On  compte  encore  e.tre  eux  saint  Lulle, 
archevêque  de  Mayence  ;  saint  Vil.balde, 
évêque  a'Eichester,  qui  a  écrit  la  Vie  de  son 
maître  ;  saint  Grégoire,  abbé,  qui,  sans  être 
évêque,  gouverna  le  diocèse  d'Utrecht  après 
la  mort  de  saint  Eoban  ;  saint  Sturme,  abbé 
de  Fulde  ;  saint  VinibaM,  abbj  de  Heiden- 
heim,  frère  de  saiiit  Vilibalde  et  de  sainte 
Valpurge,  abbesse.  (Voy.  F;eury,  t.  lil,  p. 
120  et  suiv.) 

BONIi^ACE  (saint),  religieux  camaldule, 
archevè  (ue,  apôtre  de  Russie  et  martyr,  na- 
quit d'une  des  plus  illustres  familles  d  la 
Saxe.  11  fit  de  rapiiles  progrès  dans  les  scien- 
ces, et  le  fameux  Guy  le  Phdusophe  fut  un 
de  ses  maîtres. il  était  jeune  encore  quand 


BOPÎ 


m 


il  entra  dans  l'état  ecclésiastique,  et  fut  fait 
chap  laiude  l'empereur  Otiion  ill.  C(;  prince 
aimait  exliaordinaircnuml notre  saint  àcnusti 
(h;  ses  vertus  rt  de  la  douceur  de  son  carac- 
lôie;  il  le  chargea  de  tout  ce  (jui  co..c(,'rnait 
sa  chapelle  impériale,  et  l'on  dit  (ju'il  l'appe- 
lait communément  son  âme.  Loin  de  s'enor- 
gueillir d'une  telle  faveur,  Boniface  se  livrait 
à  la  I  rati(iue  de  l'humilité  et  des  plus  gran- 
des mortillcalions  ;  il  jeûnait  souvent  et  cor 
sacrait  une  giande  partie  de  son  temps  à  la 
prière.  Cependant  il  ne  resta  pas  longtemps 
à  la  cour  d'Olhon.  Saint  Uomuald  étant  ve- 
nu visiter  l'empereur,  notre  saint  lut  si  édir 
lié  de  sa  sain. été  que,  voulant  se  consacrer 
entièrement  à  Dieu,  il  suivit  Romuald  et  en- 
tra dans  son  oi  dre.  Dès  lors  il  mena  une  vie 
entièrement  opposée  à  cel  e  que  sa  naissance 
et  sa  dignité  le  forçaient  à  mener  dans  le 
nioncJe.  Couvert  d'un  vêtement  pauvi  e,  mar- 
chant pieds  nus,  se  nourrissant  d'herbes  et 
de  racines,  travaillant  des  mains,  gagnant 
son  pain  à  la  sueur  de  son  front,  consacrant 
une  o'atide  partie  des  nuits  à  la  prière,  telle 
était  la  vie  q  e  mena  t  désormais  notre  .^aint. 
11  se  1  vrait  à  de  grandes  macér  tiens,  et 
l'on  dit  que  souvent,  dépouillé  de  ses  vête- 
ments, il  se  roulait  dans  les  ronces  et  dans 
les  orties,  afin  de  macérer  sa  chair.  Ayant 
ainsi  passé  p.usier.rs  années  Sous  la  direc- 
tion de  Koiiiuald,  il  désira  prêcher  la  foi  aux 
infidèles.  Le  pipe  Jean  XVI. 1  lui  en  donna 
la  permission,  en  lui  donnant  toutefois  un 
bre;  qui  portail  qu'on  1  ordonnerait  archevê- 
que sitôt  qu'il  aurait  commencé  sa  piédica- 
iiun.  Il  partit  donc  an  milieu  d'un  rude  hi- 
ver, tantôt  à  pied,  lantôl  à  cheval,  mais  tou- 
jours pieds  nus,  et  aj)rès  avoir  demandé  la 
protection  de  Henri  II,  empereur  d'Allema- 
gne, il  fut  sacré  par  Kaymond,  archevêque 
de  Magdebourg. 

Les  habilanis  de  la  Prusse  lui  semblant 
»ps  plus  enfoncés  dans  les  ténèbres  de  l'ido- 
lâtrie, il  voulut  commencer  sa  mission  par 
eux.  Tous  ses  soins,  tous  ses  eliorts  furent 
Complètement  inutiles.  Le  moment  que  Dieu 
avait  uiarqué  pour  les  appeler  dans  les  voies 
du  sa  ut  n'élait  point  encore  venu,  et  il  dut 
quit  er  ces  idolâtres  qui  ne  voda.ent  point 
l'écouter.  11  vint  prêcher  sur  les  f,  ontières 
de  la  Russie.  Les  Ru.-ses  étaient  encore 
païens  et  vivaient  dans  toute  leur  férocité 
native  ;  ils  oiuonnèreiit  à  notre  saint  de  se 
retirer.  Celui-ci,  loin  d'(  béir,  ada  trouver  le 
roi  d'une  petite  province  du  pays,  qui  avait 
man  fesié  le  d.'sir  de  l'entendie!!  Celui-ci,  le 
voyant  mal  vêtu  et  nu-,.ieds,  ne  voulut  point 
l'écouter.  Bon  face  revint  couvert  de  ses 
habi  s  sacerdotaux,  et  le  rui  lui  dit  alors 
qu'il  se  convertirait  s'il  passait  à  travers 
un  grand  feu  sans  en  ressentir  aucun 
mal...  Notre  saint,  rempli  dune  inspiration 
divine,  opéra  le  miracle,  et  le  roi,  touché,  se 
convertit  avec  plus  eurs  de  ses  sujeis.  Les 
habitants,  furieux  de  la  léu^sitê  de  Boniface, 
lui  ordom.èrent  de  se  retirer,  s'il  ne  voulait 
point  être  mis  à  mort.  Leurs  menaces  ne 
pouvant  le  vaincre,  ils  se  saisirent  de  lui  et 
le  décai-itè-ent  en  compagnie  de  dix-huit 


m 


BON 


BON 


48S 


autres  chrétiens,  l'année  1009.  L'Eglise  ho- 
nore la  mémoire  de  cet  iUustie  martvr  le  19 
juin. 

BONIFACE,  duc  d'Alsace,  successeur  du 
duc  Godon,  exerçait  d'atroces  violences  sur 
les  pauvres  qui  habitaient  son  duché.  11  pil- 
lait et  ravaj.;eait  h-urs  terres  :  en  un  mot, 
il  vivait  de  déprédation.  Saint  Gcrman,  abbé 
du  monastère  de  (iranfel,  souffrait  paiiem- 
nient  toutes  les  vexations  dont  lui  ou  ses 
moines  étaient  l'objet  ;  mais  il  ne  pouvait 
voir,  sans  en  ôlre  profondément  atfecté,  la 
façon  dont  le  duc  traitait  les  pauvres  paysans. 
Un  jour  qu'il  se  livrait  à  ces  actes  de  pillage 
et  de  violence,  le  saint  vint  au-devant  de  lui 
avec  un  de  ses  moines,  nommé  Raudant,  pour 
lui  faire  des  remontrances,  et  le  prier  d'é- 
pargner ses  })auvres  vassaux.  Le  duc  eut  l'air 
de  l'écouter  avec  faveur  ;  mais  aussitôt  qu'il 
fut  parti,  il  envoya  après  lui  des  soldats  qui 
tuèrent  à  coups  de  lance  ces  deux  hommes 
de  Dieu. 

BONNE,  femme  chrétienne,  qui  confessa 
généreusement  le  nom  de  Jésus-Christ  en 
l'an  250  ou  251,  sous  l'empire  de  Dèce.  en 
Afrique.  Quand  les  païens  ne  pouvaient 
vaincre  leurs  ennemis  par  les  tourments,  ils 
étaient  obligés  de  se  considérer  eux-mêm-s 
comme  vaincus.  Bien  souvent  il  ariivait 
qu'ils  s'attribuassent  de  fausses  victoires, 
prétendant  que  certains  chrétiens  a  aient  sa- 
crifié, lorsqu'ils  ne  l'avaient  pas  fiit.  Ainsi 
fut-il  par  rap[)ort  à  la  généreuse  femme  de 
laquelle  nous  parlons.  Bonne  ayant  été  con- 
duite au  temple  par  son  mari,  rc  usa  obsti- 
nément d'offrir  des  sacrifices  aux  idoles.  Les 
païens  lui  prirent  les  mains  et  la  contraigni- 
rent violemment  h  déposer  les  choses  offertes 
sur  l'autel.  Cette  sainte  femme  aurait  pu  se 
contenter  du  témoignage  de  sa  consc  ence, 

aui  ne  lui  reprochait  i)as  ce  qu'on  se  vantait 
'avoir  obtenu  d'elle  ;  mais  cela  i:e  lui  suffi- 
sait pas;  elle  ne  voulut  pas  souffrir  qu'on  fit 
d'elle-même  mensongèrement  une  cause  de 
scandale  pour  les  hdèle.-.  Elle  protesta  pu- 
bliquement contre  la  violence  (pi'on  lui  avait 
fait  subir,  et  déclara  qu'elle  n'avait  jamais 
eu  l'intention  de  sacrifier,  que  sa  volonté 
était  toujours  r<,'stée  opposée  à  lacle  (^u'on 
avait  forcé  ses  mains  d'accomplir.  Celte  cou- 
rageuse protestation  fui  cause  qu'on  l'envoya 
en  exil.  Celle  histoire  se;  trouve  dans  les 
lettres  de  saint  Cyj[)rien.  {Lettre  de  Caldone, 
ou  19«.) 

BONNET  (M  augleiute),  religieuse  du  Saint- 
Sacrement,  fui  guillolinée  à  Orange  le  2G 
juillet  179V,  avec  Thérèse  Consolon,  supé- 
rieure des  Uisulines  de  Sisleron,  Claire  l)u- 
bac,  Anne  Cartier,  ursuline  au  Font-Saint- 
Esprit,  et  Madeleine-Catherine  de  Juslamon, 
(pjaliième  martyie  du  même  nom  cl  de  la 
même  famille. 

BONOSE  (sainlj,  martyr, donna  sa  vie  pour 
la  religion  clirélienne  sous  l'empereur  Juli*  ii 
r.\l)Osial,  en  l'an  de  l'ère  chrétienno  302. 
L'einj)(Meur  Julien  ayant  domié  l'ordre  (jiie 
les  éiendaids  (taiens  fussent  sulislitués  au 
labaruiii  ,  df)i)l  Coust.iiilin  avait  f.iil  l'en- 
seigne  des  légions,   li;.s   coMuuaudanls   des 


corps  d'armées,  les  gouverneurs  de  provin- 
ces commencèrent  à  le  faire  exécuter.  Le 
comte  Julien,  oncle  maternel  de  l'emjiereur, 
apostat  comme  lui,  et  gouverneur  de  l'O- 
rient, ayant  voulu  mettre  cet  ordre  à  exé- 
cution, deux  ofticiers  du  cor[)S  dit  les  vieux 
Hereulieiis,  s'y  refusèrent.  Ces  deux  officiers 
se  nommaient  Bonose  et  Maxiinilien.  Voici 
leurs  actes  sincères,  tirés  d'un  manuscrii  de 
labbaye  de  la  S  lUve-.VIajour,  au  diocèse  de 
Bordeaux,  lequel  n'avait  point  encore  paru. 

Le  comte  Julien  dit  à  Biinose  et  à  Maxi- 
milieu  :  «  L'empereur,  notre  maitre  et  notre 
souverain  seigneur,  a  ordonné  que  les  éten- 
dards de  ses  troupes  fussent  changés.  Bonose 
et  Maximilien  :  Nous  ne  pouvons  en  aucune 
manière  changer  le  nôtre.  Le  comte  Julien  : 
L'empereur  veut,  outre  cela,  que  vous  a.lo- 
riez  les  mêmes  dieux  que  nous  aîiorons  lui 
et  moi.  Bonose  :  Nous  ne  pouvons  adorer  des 
dieux  que  des  hommes  ont  faits.  Le  comte 
Julien  :  Je  vous  ai  exposé  les  ordres  de  l'em- 
pereur ;  songez  à  vous  y  soumettre,  avant  d'y 
être  forcés  par  les  tourments.  Bonose  et  Maxi- 
milien :  Nous  sommes  prêts  à  tout  endurer 
pour  le  nom  de  Jésus-Christ.  Le  comte  Julien: 
Qu'on  fasse  avancer  Bonose.  Répondez  vous 
seul.  >e  voulez-vous  pas  adorer  les  dieux 
que  l'empereur  et  moi  i.ous  adorons?  Bo- 
nose :  Nous  avons  reçu  de  nos  pères  une 
religion  que  nous  professons,  et  à  laquelle 
nous  sommes  attachés.  Pour  vos  dieux,  nous 
ne lesconnaissonspoint.Le comte  Julicn.-yal 
un  ordre  particulier  de  vous  faire  tourmenter 
sur  le  moindre  refus  que  vou>  ferez  d'obéir. 
Bonose:  Vous  ne  nous  intimide  ez  pas  faci- 
lement. Le  comte  Julien:  Qu'on  le  frappe  à 
coups  de  plombeaux.  »  On  lui  en  donna  plus 
de  trois  cents.  Cependant  le  comte  lui  disait  : 
«  Epargn  z-vous  ces  tourments  ;  faites  ce 
qu'on  désire  de  vous.  »  Bonose  ne  lui  ré- 
pondit rien,  il  se  mit  seulement  à  sourire. 
«  Que  dites -vous  donc  enfin?  continua  le 
comte.  Bonose  :  Je  dis  que  nous  n'adorons 
qu'un  seul  Diey,  qui  est  le  véritable;  et  qu'à 
1  égard  de  ces  autres  dieux,  nous  ne  savons 
d'où  ils  sont,  ni  qui  ils  sont.  Le  comte  Julien  : 
Qu'on  fasse  approcher  Maxinniien.  Uépondez- 
moi,  vous  :  ne  voulez -vous  pas  adorer  les 
dieux  quf!  nous  adorons,  et  changer  votre 
étendard?  Maximilien  :  Faites  que  ces  dieux 
vous  entendent  et  vous  parlent,  et  après  cela 
nous  pourrons  les  adorer.  M  ds  s'ils  sont 
sourds  et  muf  ts,  s'ds  sont  insensibles  el  ina- 
nimés, (omment  vous-n)ême  pouvez -vous 
vous  résoudre  h  les  adorer  ?  Il  n'en  est  pas 
de  même  de  notre  Dieu  ;  son  [/ouvoir  est 
grand,  et  l'espérance  (pie  nous  avons  en  lui 
est  fondée  sur  ce  |)ouvoir.  Du  reste,  vous 
nous  verrez  voler  au  martyre.  Mais  (vous  le 
savez  (Ij  aussi  bien  que  nous),  ce  Dieu 
nous  défend  d'adorer  des  idolos  umelles  et 
sourdes.  » 

L(!  comte  Julien  dit  :  Qu'on  les  étende  sur 
le  chevalet,  (pi'un  hnissuM-  les  appelle  par 
leiu'  nom.  »  Après  c(!ite  f. irmalilé,  le  comie 
leur  dit  :  «  Vous  voila  sur  le  chevalet,  les 

(1)  Le  coiiilc  avait  clc  clirclica. 


48y 


BON 


1 


bourreaux  n'attendent  plus   qu'un   dernier 
ordre  pour  vous  tourincntftr.  Obéissez,  et 
cessez  (['entraîner   par  votre    exemple  vos 
coiniagnons  dans  un  niùuie  crime.  Faites  ae 
bonne  grâce  ce  qui  vous  est  ordoimô  :  ôtez 
de  volio  étendar.i  les  figures  qui  y  sont,  et 
mellez-y  1rs  images  des  dieux  immortels. 
Bonose  et  Maximilien  :  Nous  ne  pouvons  à  ces 
concilions  obi'ir  à  Terapereur;  et  nous  n'of- 
IVnserons  point  la  souveraine   majesté   du 
Dieu  vivant,  invisible  et  imiportel  que  nous 
adorons.  )i  Le  comte  Julien   dit  aux   bour- 
reaux :   «  Frappez    harviiment  et  sans  re- 
lâche. »  Mais  Dieu  rendait  les  saints  insen- 
sibles aux  coups.  Le  comte  ajouta  :  «  Si  ces 
tourments  ne  peuvent  (lécinr  votre  0[)inici- 
treté,  j'en  ai  d'autres  ()ui  sauront  m'en  l'aire 
ruisi^n.  Qu'on  m'apporte  une  chaudière  pleine 
de  [)oix,  et,  après  qu'elle  sera  Ibndue  à  grand 
feu,  qu'on  les  y  plonge.  Nous  verrons  si  leur 
Dieu,  ce  Dieu  en  qui  ils  mettent  toute  leur 
espérance,  les  |)Ourra  délivrer.  »  Les  saints 
entrent  dans  la  chau  lière  avec  un  visage 
riant,  dans  Tespérance  qu'un  glorieux  mar- 
tyre allait  terminer  leur  course  ;   mais  cette 
poix  ardeute  se  change  pour  eux  en  un  bain 
rafraîchissant,  la  flamme  qui  s'élève  au-des- 
sus de  la  chaudière  retombe  en  rosée  sur 
eux;  et  alui  qu'on  ne  crût  pas  que  tout  cet 
appareil  n'était  qu'une  vaine  monire  et  qu'un 
su{)plice  feint,  il   resta   sur  leurs  corps  des 
marques  qui  faisaient  assez  connaître  que  le 
tourment  avait   été  très-réel.  D'ailleurs  les 
juifs  et  les   gentils,  qui  voient  les  martyrs 
prier  tranquillement  au  milieu  de  cette  chau- 
dière où  la  poix  s'élève  à  gros  bouillons  par 
la  violence  du  feu,  s'écrient  que  ces  hommes 
sont  des  magicieis  ;  mais  c'était  Jésus-Christ 
lui-même  qui,  par  les  charmes  innocents  de 
sa  divuie  magie,  opérait  ces  merveilles.  Ce- 
pendant la  chose  est  rapportée  au  préfet  Se- 
cundus  (1)  ;  la  nouveauté  de  l'événement  le 
fait  courir  au  palais,  ses  yeux  sont  témoins 
du  miracle,  et  son  esprit  étonné  et  confus 
cherche  à  s'éclaircir  de  la  vérité  par  un  moyen 
extraordinaire.  «  Qu'on  m'amène,  dit-il,  des 
prêtres  de  nos  dieux,  je  les  ferai  jeter  dans 
celte  chaudière,  et  l'on  verra  s'ils  en  sortiront 
aussi  sains  et  aussi  entiers  que  ces  deux 
chrétiens  (2).  »  Les  prêtres  sont  amenés,  ils 
font  leurs  encensements,  ils  prononcent  des 
conjurations  ;  en  un  mot,  ils  n'oublient  rien 
de  leurs  cérémonies  ordinaires  ;   on  les  fait 
entrer  dans  la  chaudière  ;  mais  dans  un  ins- 
tant toute  leur  chair  fut  séparée  de  leurs  os. 
Celte  aventure  déconcerta  le  comte  Julien. 
Il  renvoya  en  prison  Bonose  et  Maxim dien, 
pour  être  interrogés   de  nouveau  par  le  pré- 
fet.  Au  bout  de  sept  jours,  la  prison  étant 
soigneusement  gardée,   tous  les  prisonniers 
qui  croyaient  en  Jésus-Christ  se  trouvèrent 
sans  chaînes.   Cependant  le  comte  leur  fai- 
sait fournir  du  pain  s  ir  lequel  il  avait  aupa- 
ravant inijjrimé  son  cachet,  où  était  gr<\vée 
la  figure  de  quelque  divinité  païenne  ;  et  il  le 
faisait  pour  les  surprendre  et  les  engager 

(1)  Saluste,  qui  était  favorable  aux  chrétiens. 

(2)  L'exemple  est. singulier. 

DiCTIONN.   DES  PeKSÉCUTIONS.    I, 


BON  4'JO 

à  leur  insu  dans  l'idolAtrie.  Mais   le  jour 
môme  qu'ils  devaient  être   ouïs,    ils  tirent 
voir  au  (;omte  tout  le  pain    qu'il  leur  avait 
envoyé,    et  aucpiel    ils   n'avaient  point  tou- 
ché. «  V^otre  artilice,  lui  direnl-ils,  n'a  servi 
de  rien,  nous  n'avons   point    voulu   manger 
de  votr-e  [lain  ;  celui  en  qui  nous  croyons 
nous   en  a  fait  donner-  d'autre.    Au   reste, 
nous  vous  avertissons  que  Jésus-Christ  ruttre 
Dieu   vous   fera   rendre  compte    des  tour- 
ments  que  vous  nous  failes  endurer.  »  Le 
préfet  Secundus,  que  la  fermeté  de  celte  r'é- 
ponse  avait  ému,  dit  au  comte  Julien  :  «  En- 
tendons-les présentement.  »   L'un  et  l'autre 
étant  donc  montés  au  tribunal  employèrent 
tous  leurs  efforts,  mais   en  vain,   pour  les 
engager  à  recevoir  un  nouvel  étendard.  Le 
comte,  que  celte  résistance    mettait  en  fu- 
leur,  dit  :  «  Qu'on  mette  de  la  chaux   vive 
dans   une    fosse,   qu'on  y  jette    ces    deux 
hommes,   et  qu'on  amortisse  la  chaux    sur 
eux.  Après  cela,  qu'ils  invoquent  le.jr  Dieu, 
nous  verrons  s'il  les  viendra  secourir.  »  La 
chaux  est  mise  dans  un  grand  bassin  fait  ex- 
près pour  en  éteindre,    les  martyrs  y   sont 
jetés,   et  l'on  y  verse  ensuite  d^-  l'eau  ;  la 
chaux  s'allume,  et  l'on  entend  la  voix   des 
saints  qui  chantent  :  «  Soyez  béni.  Seigneur, 
Dieu  de  nos  pères.  Dieu  d'Abraham,  Dieu 
d'Isaac,  Dieu  de  Jacob,  qui  avez  daigné  nous 
délivrer  de  la  puissance  de  nos  ennemis  ; 
soyez  loué,  soyez  glorifié  dans  tous  le.-;  siè- 
cles. Amen.  »  Lorsque  la  chaux  fut  entière- 
ment éteinte,  et  qu'on  vint  à  découvrir  les 
corps    des    martyrs,  on   n'y  trouva   pas    la 
moindre  brûlure.  Le  comté,  plein  de  rage, 
les  fit  pour  la  troisième  fois  enfermer,  mais  si 
étroitement  qu'il  voulut  qu'on  lui  apportât  les 
clefs  de  la  prison.  Il  les  y  laissa  uouze  jou.s, 
au  bout  desquels  on  l'ouvrit,  et  on  la  trouva 
éclairée  par  des  flambeaux  qu'on  ne  put  ja- 
mais éteindre.  Cependant,  comme  on  crut 
que  les  martyrs  seraient  extrêmement  pres- 
sés de  la  faim,  on  mit  devant  eux  des  pains 
qu'on  avait  offerts  aux  idoles.  Mais  eux  qui 
étaient  remplis  de  l'esprit  de  Jésus-Chnst, 
qui  en  étaient  nourris  et  fortifiés,  ne  daignè- 
rent pas  touchera  ces  pains.  Ce  lut  pour  lois 
que  le  comte  Hormisdas  fut  éclairé  des  lu- 
mières de  la  foi.  Car  étant  venu  à  la  prison 
pour  en  faire  ouvrir  les  portes,  il  fut  telle- 
ment surpris  de  trouver  les  saints  si  foits,  si 
vigoureux,  et  dans  un  si  grand  embonpoint, 
qui  rendaient  grâces  à  Dieu  et  à  Jésus-Christ, 
qu'il  leur  dit  :«  Priez  pour  moi,  qui  suis  un 
grand  pécheur,  afin  que  je  sois  sauvé  4).  » 
Toutes  ces  circonstances  mirattuleuses  ne 
faisaient  qu'augmenter  la  mauvaise  humeur 
et  la  rage  du  comte  Julien.  Il  se  voyait  foixé 
do  reconnaître   la  souveraine  puissance  ue 
Dieu  qui  triouiphait  de  sa  faibless>',  et  de 
souffrir  le  mépris  ues  servile^-s   du  même 
D.eu,  qui   insultaient  à    son   orgueil.  Mais 
tandis  (juil  fait  ces  réflexions  humiliantes, 
il   en   gémit,    leur  poids   l'accable.  «Qu'on 
les  conduise,  dit-il  enfin,  aux  anciens  bains, 

(1)  Il  était  frère  de  Sapor,  roi  de  Perse,  et  vécut 
quarante  ans  à  la  cour  du  grand  Conslaulin  el  de 
Consiaatius  son  fils. 

te 


491 


DON 


TîRE 


m 


je  veux  encore  les  inten-oger.  »  Les  deux 
martyrs  y  sont  donc  transférés,  et  le  comté 
y  étant  ;irrivé,  et  s'adressant  à  Bonose  : 
0  Quelle  marque  me  donneras-tu,  lui  dit-il, 
du  pouvoir  de  ton  Dieu,  qui  puisse  m'obli- 
ger  à  te  laisser  échapper  de  mes  mains,  si 
tu  persistes  toujours  à  vouloir  ôtre  chrétien? 
Bonose  :  Quelle  marque?  Ecoutez,  comte, 
la  voici.  L"  Dieu  en  qui  nous  croyons,  en 
nous  accordant  la  grAce  de  consommer  le 
martyre  au'pi^'l  nous  aspirons,  nous  tirera 
de  vos  mains  malgré  vous,  toujours  fidèles, 
touj  urs  chrétiens.  Le  comte  Julien  :  Eh 
bien  !  allez  donc  au  martyre,  vous  combat- 
tre/ contre  les  bêtes  de  l'amphithéâtre.  Bo- 
nose :  Ces  bêtes  dont  vous  nous  menacez, 
nous  ne  les  crai.^jçnons  pas.  Nous  irons  les 
comnattre,  et  triompiier  d'elles  au  nom  du 
Père,  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit,  le  Dieu 
que  nous  ..dorons.  Le  comte  Julien  :  Ah  I 
c'en  est  trop  ;  je  vais  vous  faire  jeter  une 
seconde  fois  dans  la  fournaise,  et  nous  ver- 
rons si  Vfius  refus'  rez  encore  de  vous  sou- 
mettre à  la  volonté  de  l'empereur.»  Le  comte 
fut  alors  interro:iiiiu  par  les  cris  de  tous 
ceux  que  la  grâce  avait  choisis,  qui,  se  ran- 
geant du  côté  de  Konose  et  de  Maximilien, 
dirent  nettement  au  comte  :  «  Nous  n'ado- 
rons aussi  qu'un  Dieu,  et  nous  sommes  prêts 
à  accompagner  à  la  uiort  nos  frères  que  voi- 
là. »  Le  préfet  Secundus  dit  au  comte  :  Pour 
moi,  je  Vous  déclare  que  je  n'ap[)rouve  nul- 
lement cette  procédure  violente,  et  que  je 
ce  prétends  point  employer  les  supplices 
pour  contraindre  les  gens  à  obéir.  »  Puis,  sa 
tournant  vers  Bonose  :  «  Je  vous  conjure, 
lui  dit-il,  saint  hommes  par  le  Dieu  que  vous 
adorez,  de  vous  souvenir  de  moi  dans  vos 
prières.  » 

Cela  n'empêcha  pas  le  comte  de  s'adresser 
encore  à  Jovien  et  à  Herculien.  «  Changez, 
leur  dit-il,  votre  étendard,  et  recevez  celui 
où  sont  les  images  des  dieux.  Quelle  attache 
avez- vous  à  ce  signe  des  chrétiens?  »  A  cela 
Jovien  et  Herculien  répondirent  :  «  Sei- 
gneur, nous  sommes  chrétiens  nous-mêmes  ; 
et  nous  reçûmes  le  baptême  le  propre  jour 
que  Constantin,  notre  père  et  notre  empe- 
reur, le  reçut  à  Aquilone  (Acliiron),  proche 
Nicomédie.  Lorsque  ce  grand  prince  appi-o- 
chait  de  sa  fin,  il  nous  lit  jurer  d'être;  tou- 
jours fidèles  aux  empereurs  ses  fils  et  à  l'E- 
glise notre  mère.  »  «le  fut  pour  lors  que  le 
comte  Julien,  s'abandonnant  à  toute  sa  co- 
lère, envoya  au  supplice,  avec  Bonose  et  Ma- 
ximilien, tous  ceux  (ju'il  avait  fait  arrèttîr 
prisonniers,  et  tous  donnèrent  leur  t.He 
avec  joie  pour  Jésus-Christ.  Mélèce,  évêquo 
d'Antioche,  suivi  de  ses  coévê(pies  et  do 
qu  Iques-uns  d<'S  frèr(.'S,  les  accompagna 
jusqu'au  lieu  de  l'exécution.  Enlin  toute  la 
ville  lit  des  réjouissances  extraordinaires 
poiir  célébrer  la  mort  glf)rieuse  de;  tant  do 
martyr.!,  (pi'elle  regardait  connue  devant 
être  â  l'avenir  ses  protecteurs.     (Kuinart.) 

HONOSK  fsainlej,  fut  martyrisée  avec  sa 
sdiur  sainte  Zo/.ime,  sous  le  |)Ontilical  du 
pape  saint  Félix  et  sous  le  règne  (h;  i'(;njpe- 
jeur  /Vurélien,  on  l'amiée  273  ou   ''21k.  Sou 


martyi*e  eut  lieu  h  Porto  (d'Italie).  Les  deux 
saintes  Bonose  et  Zozime  souffrirent  en 
môme  temps  que  le  saint  martyr  Eutrope. 
Nous  n'avons,  sur  leur  glorieux  sacrifice, 
que  des  actes  extrêmement  récents,  et  qui 
sont  loin  d'offrir  les  caractères  d'authenticité 
désirables.  L'Eglise  fait  la  fête  des  deux 
saintes,  en  même  temps  que  celle  de  leur 
glorieux  compagnon,  le  15  juillet. 

BORGTïÈSE,  missionnaire  de  la  coùifpfi- 
gnie  de  Jésus,  confessa  la  foi  de  Jc'sus-Christ 
dans  le  royaume  de  Maduré.  Nous  voyons 
dans  une  lettre  que  le  P.  Bouchet  écrivait 
de  Maduré  le  1"  décembre  1700,  qu'il  était 
à  la  cour  du  roi  du  pays  afin  de  faire  élargir 
notre  saint  missionnaire.  A  cette  époque,  il 
y  avait  déjà  quarante  jours  que  le  P.  Bor- 
ghèse  languissait  dans  les  prisons  de  Trit- 
chirâpalli  avec  quatre  de  ses  catéchistes. 

BOURGES,  chef-lieu  du  département  du 
Cher,  a  été  témoin  des  souffrances  qu'y  en- 
dura saint  Ursin  en  confessant  Jésus-Christ. 
Il  avait  été  ordonné  à  Rome  par  les  succes- 
seurs des  apôtres,  et  désigné  par  eux  pre- 
mier évoque  de  cette  ville. 

BRAGA  (Jean-Fernandès  de),  de  la  com- 
pagnie de  Jésus,  faisait  partie  des  soixante- 
neuf  missionnaires  que  le  B.  Azevedo  était 
venu  recruter  à  Rome  pour  le  Brésil.  {Voy. 
Azevedo.)  Leur  navire  fut  pris  le  15  juillet 
1571,  par  des  corsaires  calvinistes  qui  les 
massacrèrent  ou  les  jetèrent  dans  les  flots. 
Tel  fut  le  martyre  de  notre  bienheureux 
CD\i  Jarrie,  Hist.  des  choses  plus  mémora  : 
oies,  etc.,  t.  II,  p.  278  ;  Tanner,  Societas  Jesu 
tisqae  ad  smujuinis  et  vitœ  profusionem  mi- 
litans,  p.  166  et  170.) 

BRAGANÇA  (Nicolas-Denys  de),  de  la 
compagnie  de  Jésus  ,  faisait  partie  des 
soixante-neuf  missionnaires  que  le  P.  Aze- 
vedo était  venu  recruter  à  Rome  pour  le 
Brésil.  {Voy.  Azevedo.)  Leur  navire  fut  pris 
le  15  juillet  1571,  par  des  corsaires  calvinis- 
tes qui  les  massacrèrent  ou  les  jetèrent  h  la 
mer.  (Du  Jarrio,  llistoire  des  choses  plus  mé- 
morables,  etc  ,  t.  II,  j).  278  ;  Tanner,  Socie- 
tas Jesu  usque  ad  sanyuinis  et  vitœ  profusio- 
nem militans,  p.  166  et  170.) 

BRAGUE,  Braga,  ville  de  Portugal,  a  été 
témoin  du  glorieux  martyi'e  de  saint  Pierre, 
son  premier  évèque,  et  de  celui  de  saint 
Victor,  qui  y  eut  la  tôle  tranclnH;. 

BRÉBEUK  (\e  bienheureux  Jean  de),  mis- 
sionnaire de  la  compagnie  de  Jésus,  |)éril, 
comme  tant  d'auhes,  victime  de  son  zèle, 
dans  la  guerre  que  les  An:j,lais  et  les  Hollan- 
das,  jaloux  de  la  prospérité  des  Français 
dans  le  nouveau  monde,  avaient  excitée 
contre  eux.  Notre  saint  missionnaire  eut 
pour  con)pagnon  d(;  son  douloureux  marlyro 
le  P.  Gabriel  Lallemant.  Ici  nous  laisserons 
[)ai'l(!r  llenr  on  (t.  H,  p.  6()V),  dont  la  narrai- 
lion  nous  a  paru  trop  intéress;Mi(e  [tour  no 
la  pas  nietlri'  i(;i  dans  son  entier: 

«  Le  16  mars  16^*9,  dit -il,  les  Iroquols 
lombeiil  sur  les  bourgades  de  Saint-IgnaCo 
el  de  Saint-Louis,  doul  les  Murons  ont  pour 
pasteurs  les  l'P.  Jean  de  Hréheul  el  (iabriel 
LallcMianl.    i^rebeuf,    captif,   contuiue  d'ex- 


493 


I51U:: 


nRF, 


AU 


horter  ses  noupliytos  :  pour  lui  imposer  si- 
lence, on  lui  (;ou|io  la  l^v^o  inférieure  et 
l'exlrénnlt'  du  ne/  ;  on  lui  appliciue  sur  tout 
le  corps  (les  torches  allumées,  on  lui  hrrtlc 
les  gencives,  on  lui  oufon(;o  dans  le  gosier 
un  1er  rougi  au  Icu.  Si  sa  voix  est  étiMUlo, 
la  llamme  de  son  i-egard  survit  et  impose 
encore  aux  barbares.  Lallemant,  enviiloppé 
depuis  les  pieds  jusqu'h  la  tôle  d'une  écorce 
do  sa()in,  tuuiquequi  doit  le  dévoter,  court 
se  jeter  aux  pieds  de  son  com|)agiiou  ni 
J)aise  respcM'tueusemenl  ses  plaies.  Lus  bour- 
reaux mettent  alors  le  l'eu  à  son  vôtcuunit 
d'écorce,  se  re;  aissent  des  gémissements 
que  lui  arrache  la  douleur,  et,  formant  un 
collier  de  hach 'S  de  1er  roiigies,  ils  le  pla- 
cent au  cou  de  Brébeuf,  sans  ébranler  sa 
fermeté.  Comme  ils  cherchent  un  nouveau 
tourment  pour  vaincre  un  courage  qui  les 
irrite,  un  Hurou  ajiost.il  leur  crie  de  jeter 
de  l'eau  bouillante  >ui'  la  tôle  des  deux  mis- 
sionnaires, en  ])unit:on  de  ce  qu'ils  en  ont 
versé  ta-it  de  froide  sur  celle  des  ndigènes, 
dont  ils  ont  ainsi  causé  tous  les  malheurs. 
L'avis  est  écouté  :  on  fait  bouillir  de  Teau, 
et  on  la  répand  lentement  sur  la  tête  des 
confesseurs.  En  môme  temps  les  Iroquois, 
se  répétant  les  uns  aux  autres  que  la  chair 
des  Français  doit  être  bonne,  en  coupent 
sur  les  maityrs  de  grands  lambeaux  qu'ils 
mangent  à  leurs  yeux.  Ajoutant  la  raillerie 
à  la  cruauté  :  «  Tu  nous  assurais  tout  à 
l'heure,  disent-ils  à  B;ébeuf,  que  plus  on 
soutire  sur  la  terre,  |)lus  on  est  heureux 
dans  le  ciel.  C'est  par  amiiié  i  our  toi  que 
nous  nous  étudions  à  :iugmenter  tes  souf- 
frances, et  tu  nous  en  auras  obligation.  » 
Puis  ils  lui  enlèvent  la  pe  tu  de  la  tête. 
Comme  il  respire  encore,  un  chef  lui  ouvre 
le  côté,  d'où  le  sang  sort  en  abondance,  et 
les  barbares  se  pressent  pour  le  boire.  En- 
fin ,  celui  qui  a  lait  la  plaie  découvre  le 
cœur,  l'arrache  et  le  dévore.  Brébeuf  n'avait 
été  que  trois  heures  dans  le  feu  :  le  supplice 
de  Lallemant  dura  dix-sept  heures,  llamené 
dans  une  cabane ,  il  reçut  au-dessus  de 
l'oreille  gauche  un  coup  de  hache  qui  lui 
ouvrit  le  crâue  et  en  tit  sortir  la  cervelle. 
On  lui  arracha  ensuite  un  œ  1,  à  la  place 
duquel  on  mit  un  charbon  ardent.  De  temps 
en  le.ups  il  jetait  des  cris  ca|)ables  de  percer 
les  cœurs  les  plus  durs,  et  paraissait  hors 
de  lui-même  ;  mais,  s'élevant  bientôt  au- 
dessus  de  la  douleur,  il  offrait  à  Dieu  ses 
soulirances  avec  une  ferveur  admirable.  Il 
mourut  ainsi  le  17  mars.  » 

BilEGANCE  (le  bienheureux  Barthélémy 
de),  naquit  à  Vicence  au  commencement  du 
XIII'  siècle,  de  la  noble  et  ancienne  famille 
de  Bregance.  Il  fit  ses  études  à  Padoue,  et 
les  sanctifia  par  la  pratique  constante  de  la 
piété  chrétienne  Saint  Dominique  venait 
d'établir  son  ordre  depuis  peu.  Etant  venu 
à  Padoue,  notre  bienheureux  eut  occasion 
d'entendre  ses  discours  et  de  voir  les  grands 
exemples  de  vertu  qu'il  donnait  ;  il  en  fut  si 
touché  qu'il  renonça  au  monde  et  prit  l'ha- 
bit dans  le  nouvel  institut.  Dès  lors  il 
s'adonna  aux  pratiques  de  la  perfection  re- 


ligieuse et  fit  de  si  grands  progrès  daus 
rétud(!des  sciences  sacrées,  (luaussitM  pro- 
mu au  sacerdoce,  il  fut  chargé  pai-  ses  su[)é- 
rieurs  d'enseigner  rE(;r'iliire  sainte.  11  rem- 
plit cet  emploi  aux  grands  applau(liss(nri(ints 
de  tous.  Bientôt,  [iressé  du  désir  de  prêcher 
l'Evangile,  il  parcourut  la  Londjardie  et  la 
Bomagne,  infectées  d'une  foui  ■  d'erreurs  et 
de  vices,  et  dont  les  habitants,  partagés  en 
diirérenl(!S  factions,  s'enlriidéchiraient  mu 
tuellcment  dans  de  sanglantes  ren(;ontres.  11 
eut  le  bonheur  de  ramener  plusieurs  Ames 
à  la  foi  catholique.  Le  pape  (irégoire  IX, 
ayant  entendu  parler  de  sa  réputation,  le  fit 
venir  à  Rome  vers  l'an  1-235  et  l'inveslil  de 
la  charge  de  maître  du  saci'é  palais,  établie 
en  faveur  de  saint  Dominique  par  le  pape 
Honorius  111.  Il  remplit  cet  emploi  avec 
zèle,  profitant  de  ses  rares  instants  de  liberté 
pour  composer  des  ouvrages  de  piété  ou  de 
s(;ience  ecclésiastique.  Le  i)ape  Innocent  IV 
eut  en  lui  la  même  confiance  que  ses  prédé- 
cesseurs, et  l'amena  avec  lui  à  Lyon  au  mois 
de  décembre  Plh't.  Ce  fut  probablement  à 
cette  époque,  qu'étant  venu  à  Paris  par  or- 
dre du  pape,  il  eut  occasion  de  connaître 
saint  Louis  qui  le  fit  son  confesseur.  Quel- 
ques années  aj)rès.  Innocent  IV  éleva  notre 
saint  au  siège  épiscopal  de  Némésie,  en  Chy- 
pre, dont  les  Turcs  s'era[)arèrent  plus  tard. 
Il  y  travailla  avec  succès  jusqu'à  l'époque 
où  Alexandre  IV  le  nomma  évêque  de  Vi- 
cence. Il  ne  put  néanmoins  prendre  posses- 
sion de  son  nouveau  siège,  à  cause  des 
cruautés  qu'y  exerçait  le  tyran  Ezzelino.  Cet 
impie,  einiemi  acliarné  de  la  religion,  persé- 
cuta notre  bienheureux  et  chercha  même 
plusieurs  fois  à  le  faire  mourir.  Il  fut  donc 
forcé  de  se  retirer  auprès  du  pape  Alexan- 
dre qui  l'envoya,  en  qualité  de  légat,  vers 
les  rois  de  France  et  d'Angleterre.  Après 
avoir  terminé  sa  mission  d'une  manière  sa- 
tisfaisante, il  assista  à  l'entrevue  que  les 
deux  monarques  eurent  à  Paris.  Saint  Louis, 
charmé  de  levoir  son  ancien  confesseur  dont 
il  avait  déjà  reçu  la  visite  lorsqu'il  était  en 
Syrie,  lui  fit  présent  d'un  morceau  de  la 
vraie  croix  et  d'une  épine  de  la  couronne  du 
Sauveur  des  hoîumes. 

Barthélémy  de  Bregance  reprit  alors  le 
chemin  de  Vicence,  dont  Ezzelino  n'était 
l'ius  maitre.  Les  habitants  furent  si  charmés 
du  zèle  qu'il  meltait  à  réparer  leurs  maux 
qu'ils  le  prièrent  de  devenir  leur  seigneur,  de 
môme  qu'il  était  déjà  leur  évoque.  Il  fit  bâtir 
une  magnifique  église  dans  sa  ville  épisco- 
pale  et  lui  donna  le  nom  de  la  Couronne, 
parce  qu'il  y  déposa  le  riche  présent  que 
saint  Louis  lui  avait  fait.  11  passa  ainsi  les 
dix  dernières  années  de  sa  vie  à  édifier  son 
peuple.  En  1267,  il  eut  le  bonheur  d'assister 
à  la  translation  des  reliques  de  son  maitre 
sprituel,  saint  Dominique,  qui  se  fit  à  Bo- 
logne, et  trois  ans  après,  en  1*270,  il  mourut 
dans  les  sentiments  de  la  plus  fervente  piété. 
Selon  son  désir,  on  l'inhuma  dans  un  coin 
obscur  de  l'église  de  la  Couronne,  mais 
bientôt  les  habitants  de  Vicence  l'honorèrent 
d'un  culte  public.  Il  s'opéra  un  grand  nom 


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BRI 


BRI 


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bre  de  miracles  à  son  intercession,  et  le  pape 
Pie  VI  lui  doinia  le  titre  de  bienheureux,  le 
11  septembre  1793.  L'Eglise  foit  sa  glorieuse 
mémoire  le  23  octobre. 

BKESSANl  (le  bienheureux  François-Jo- 
seph), confesseur,  partit  de  Québec,  en  16ii, 
pour  [lorter  secours  aux  missionnaires  des 
Hurons.  Ayant  été  pris  par  b'S  lioquois,  du- 
rant son  voyag ',  il  rt  eut  la  basloiuiade  ;  on 
lui  fendit  ensuite  la  main  gauche  d  nt  on 
coupa  le  pouce,  ainsi  que  deux  doigts  de  la 
main  droite;  les  bourreaux  lui  brûlèrent 
après  cela  les  ongles,  lui  disloquèreiit  les 
pieds  et  lui  remplirent  la  bouche  d'excré- 
ments humains.  On  donnait  à  manger  sur 
son  vei.tre  à  des  chiens  voraces  cjui  le  déciii- 
raient.  Bientôt,  vaincus  par  l'odeur  infecte 
qui  s'exhalait  du  corps  de  notre  bienheu- 
reux, les  Iroquois  le  vendirent  à  une  habi- 
tation hollandaise,  où  il  fut  erabaïqué  pour 
l'Kurope.  Mais  ce  sauit  missionnaiie,  plein 
de  zèle  pour  le  salut  de  ses  persécuteurs,  se 
lit  descendre  à  terre  et  retourna  dans  la 
mission. 

BHKSSE,  nom  qu'on  trouve  dans  le  Mar- 
tyrologe romain  comme  celui  du  lieu  où  fut 
martyrisé  saint  Ciatée.  11  faut  croire  qu'il 
s'agit  de  Brescia,  ville  du  royaume  Lombard- 
"Vénitien. 

BKESSE,  ville  d'Italie,  aujourd'hui  Brescia, 
fut  témoin,  sous  l'empire  d'Adrien,  du  mar- 
tyre des  saints  Faustin  et  Jovite. 

BRETANNION  (^aint),  confesseur,  vulgai- 
rement saint  Brdagnon,  était  évèque  de 
Tomes  ou  Tomi,  capitale  de  la  Scythie, 
({uand  l'empereur  Valens,  après  sa  première 
gueire  contre  les  Goths,  y  vint  dans  l'année 
de  Jésus-Christ  369.  Ce  prince,  étant  venu 
dans  l'église  où  était  le  saint  évêque,  lit  tous 
ses  efforts  pour  le  porter  à  communiquer 
avec  les  ariens,  mais  ce  fut  inutilement. 
L'homme  de  Dieu,  à  la  tête  de  tout  son  cler- 
gé, se  retira  dans  une  autre  église.  Valens, 
irrité  au  dernier  des  points,  le  Ut  prendre  et 
l'envoya  en  exil.  Bientôt  il  l'en  lit  revenir, 
craignant  d'exciter  la  colère  des  Scythes, 
peuple  puissant  et  qu'il  ne  voulait  pas  avoir 
pour  ennemi.  L'Eglise  honore  la  mémoire 
de  ce  saint  confesseur  le  25  janvier. 

BlUCE  (saint),  évèque  à  Marlole,  ayant 
beaucoup  souUert  [)Oui' la  foi  sous  le  juge 
Marcien,  et  converti  à  Jésus-Christ  une  mul- 
titude inlinie  de  j)euple,  mourut  en  paix 
avec  la  qualité  de  confesseur.  L'Eglise  célè- 
bre sa  mémoire  le  9  juillet. 

BKICH-JÉSUS  (>aint),  martyr,  le  même 
qu'-  saint  Rarachise.  [Voy.  l'art.  Jonas.) 

BRIOL'DL,  ville  située  daiis  le  dépaile- 
ment  de  la  llaule-Loirc,  est  célèbre  dans  les 
anna  es  des  martyrs  par  les  soiiilVances  (jn'y 
endura  saint  Julien  vers  l'année  Wl,  sous 
Cri.^pin,  gouverneur  de  la  j)rovince  Vien- 
noise. 

RKITO  ou  BiiiSTo  (Jkan  dk),  était  (ils  d'un 
ancien  vi(c-rfn  du  l^resil.  Etant  encore;  loi  t 
jeune  il  entra  comme  novice  dans  la  maison 
des  Jésuites,  et  (juand  h;  T.  Halthasar  il'A- 
cost;i  vint  en  l'oriugal  alin  de  recruter  ^\^'s 
misfcionnaires    pour    h-    Malabar,   il   s'ollrit 


pour  cette  mission.  Les  jésuites  portugais 
ne  partaient  jamais  pour  les  Indes  sa'is  aIl(T 
à  la  cour  prendre  congé  du  roi  et  lui  baiser 
la  main,  en  si. ne  de  gratitude  pour  la  pro- 
tection constante  que  les  souverains  de  ce 
royaume  avaient  titujours  accordée  aux  en- 
fants de  saint  Ignace;  puis,  quelques  jours 
après,  ils  partaient  de  la  maison  collégiale 
de  Saint-Antoine,  ayant  pour  cortège  tous 
les  jésuites  qu'elle  renf-imait,  iravirsaient 
en  rang  Lisbonne  et  se  rendaient  jusqu'au 
Tage,  où  ceux  qui  parlaient  prenaient  congé 
des  autres.  Cette  séparation  avait  lieu  d'or- 
dinaire au  milieu  des  larmes,  car  tous  ces 
hommes  ne  formaient  qu'une  fimille.  Les 
missionnaires  portaient  sur  la  poitrine,  dans 
cette  circonstance,  un  crucitix  qui  les  dési- 
gnait aux  yeux  de  la  multitude  :  c'était 
comme  l'emblème  de  la  mission  qu'ils  al- 
laient remplir.  Le  Dieu  crucifié  qu'ils  allaient 
prêcher  au  monde,  ainsi  placé  sur  leur  poi- 
trine, semblait  annoncer  que  ceux  qui  le 
portaient  mettaient  à  son  service  leur  être 
tout  entier,  cœur,  sang  et  courage  :  c'était 
l'armure  avec  laquelle  ils  allaient  combattre, 
le  labarum  par  leipiel  ils  allaient  vaincie.  Jn 
hoc  signo  vincesl  Le  saint  duquel  nous  es- 
quissons la  vie,  ayai.t  sa  famil.e  dans  le 
pays  et  craignant  que  le  moment  des  adieuï 
et  les  embrassemenls  des  siens  vin.vSi  nt  di- 
minuer son  courage,  jugea  à  propos  de  se 
soustraire  à  cette  cérémonie  publiijue.  Ayant 
abordé  à  Goa,  il  y  resta  trois  ans,  puis  il 
partit  pour  les  côtes  du  Malabar,  fit  ses 
vœux  entre  les  mains  du  provincial  de  la 
compagnie,  le  P.  Biaise  d'A.;evedo  ,  et  se 
consacra  à  la  mission  du  Maduré  :  c'était  la 
plus  pénible  et  la  plus  dangereuse.  Nous 
passerons  rapidement  sur  les  détails  qui 
vont  suivre,  puisque  notre  sujet  nous  oblige 
à  traiter  spécialement  ues  persécutions.  Il  y 
convertit  plus  de  vingt  mille  idolâtres.  Sa 
charité,  sa  vertu,  sa  science,  le  don  des  mi- 
racles que  Dieu  lui  avait  octroyé,  lui  don- 
naient une  puissance  d'action  à  laquelle 
rien  ne  résistait.  Le  Tanjaour,  le  Gint-i,  le 
Maïssour,  Coleï,  Couttouro,  furent  particu- 
lièrement témoins  des  prodiges  qu  il  opé- 
rait. 

11  fut  nommé  supérieur  des  missions  du 
Malabar.  Le  pays  des  Maravas  fut  la  pre- 
mière conquête  qu'il  y  lit  h  Jésus-Christ.  Il 
y  établit  une  clirélienlé  florissante,  puis 
chargea  du  soin  de  la  diriger  Louis  de  Mello, 
qui,  comme  on  peut  le  voir  à  son  titre,  y 
gagna  la  counjn  e  du  martyre.  Le  gouver- 
neur qui  avait  fait  mourir  ce  missionnaire 
était  extrêmement  hostile  au  christianisme; 
l)our  donner  à  l'orage  le  temps  di;  se  dissi- 
per, Jean  de  Brilo  alla  prêcher  dans  les  con- 
trées environnantes.  Mais  bientôt  la  fuixur 
de  la  persécution  augmentani,  il  crut  de  son 
d(;voir  de  siq)éiieur  de  se  rendre  au  milieu 
(lu  Irouiieau  qu'«'lle-  désolait.  Rciilôt  il  fut 
airêié  avec  six  néojihytts  et  éprouvé  par 
les  plus  alVreuses  lortuies;  nous  en  citerons 
uni!  entre  autres.  On  ( ondnisil  un  jour  les 
captifs  au  bord  d'un  élang  profond,  et  leur 
avant  allaclié  à  chacun  d'eux  une  corde  sous 


497 


BRI 


lilU 


498 


les  bras,  ou  s'amusn  h  les  plonger  à  diffé- 
rentes reprises.  Un  seul  des  eonfesseurs  re- 
nia sa  foi,  au  grand  scandale  des  autr(!s.  Ou 
s'acharna  avec  plus  do  cruaulé  encor(i  sur 
noire  martyr  :  enfoncé  à  coups  do  |)iod  dans 
l'eau,  on  l'y  retenait  plus  longtemps  q  le  les 
autres,  au  risque  de  rasjjliyxier  si  sa  foi  |)ro- 
fonde  ne  l'eût  protégé.  Ouand  on  eut  épuisé 
tous  les  genres  de  supplices  sur  les  [)iison- 
niers,  on  les  conduisit  h  Ramandabouran, 
caintale  du  Marawa.  Notre  saint,  au  lieu 
d'être  mis  ^  mort,  reçut  de  grands  honneurs 
de  la  part  du  prince  émerveillé  de  son  cou- 
rage, qui  lui  dit  :  «  Allez,  vous  êtes  vrai  et 
sincère  dans  l'enseignement  de  votre  reli- 
gion. » 

Le  P.  Emmanuel  Rodriguez,  qui  était  alors 
à  la  tôte  de  la  province  de  Coehin,  ayant  ap- 
pris le  naufrage  et  la  mort  du  P.  François 
Paës,  tiéputé  à  Rome  comme  procureur  do 
la  mission  des  Indes,  il  chargea  notre  saint 
confesseur  de  la  même  mission.  Jean  de 
Brit)  arriva  à  Lisbonne  en  1G88.  Pendant 
son  séjour  en  Portugal,  il  mena  une  vie  aus- 
tè.e  et  pleine  de  mortifications.  Ayant  re- 
cruté de  jeunes  missionnaires,  il  se  prépara 
à  retourner  aux  Indes.  Dans  l'année  l(i90, 
le  vaisseau  qui  devait  le  ramener  à  Goa  l'at- 
tendait pour  lever  l'ancie  :  mais  avant  été 
retardé  par  les  adieux  du  roi  et  de  la  reine, 
et  le  V 'Ut  s'étant  élevé  favor-able,  le  vaisseau 
dut  |)artir;  et  quand  notre  saint  missionnaire 
arriva  au  port,  il  apprit  q'e  ses  compagnons 
étaient  déjà  loin.  Heureusement  pour  lui, 
une  fi'égate  venue  de  Livourne  consentit  à 
le  pren  re,  et  avant  longtemps  il  put  se  réu- 
nir aux  autres  missionnaires. 

A  son  reiour,  ayant  été  nommé  visiteur 
des  mis>ions  du  Maduré,  il  s'y  livra  aux  tra- 
vaux apostoliques  les   |ilus   pénibles  et  ne 
tarda  pas  à  y  cueillir  la  palme  du  martyre 
Nous  laissei'ons  parler  ici  le  R.  P.  Lainez  : 

«  Ce  ne  sont  point  vos  larmes,  mes  révé- 
rends Pères,  que  je  sollicite  sur  la  perte  que 
la  mission  de  Maduré  vient  de  faire  da  P.  de 
Brito,  mais  vos  can.iques  d'actions  de  grâces 
pour  les  précieux  avantages  que  cette  Eglise 
naissante  doii  retirer  de  la  mort  mémorable 
d'un  illustre  confesseur  de  Jésus-Christ,  q*i 
a  couronné  ses  travaux  iniatigibles  par  la 
gloire  du  martyre.  Quel  bonheur  pour  nous 
si  nous  étions  destinés  à  ime  miTt  aussi  glo- 
rieuse 1  Ettorçons-nous  de  nous  en  rendre 
dignes,  en  travaillant  avec  courage  au  salut 
de  ces  fidèles  rachetés  par  le  sang  du  Sau- 
veur. Regardons  le  martyre  de  notre  saint 
compagnon  comme  une  vive  exhortation 
que  Dieu  nous  a  faite  ,  de  nous  préparer  à 
recevoir  la  même  grâce. 

«  Dans  l'espace  de  quinze  mois  il  a  demeu- 
ré dans  le  Maravas  ;  depuis  son  retour  d'Eu- 
rope jusqu'à  sa  mort,  il  a  eu  la  consolation 
de  baptiser  huit  mille  catéchumènes  et  de 
convertir  un  des  principaux  seigneurs  du 
pays  ;  c'est  le  prince  Tériadeven,  à  qui  ap- 
partient de  droit  la  principauté  de  Maravas, 
mais  dont  les  ancêtres  ont  été  dépouillés 
par  la  famille  deRauganadadeven  qui  y  règne 
à  présent.  Comme  la  naissance  et  le  mérite 


do  Tériadeven  l«i  font  considérer  cl  aimer  de 
tous  ceux  de  sa  nation,  sa  conversion  lit 
beaucou[)  de  bruit  et  l'ut  l'occasion  de  la  mort 
du  P.  de  Brito.  Ce  [)ritice  ét.-ut  attaqué  d'une 
maladie  que  les  médecins  du  pays  jugeaient 
mortelle  ;  réduit  à  la  dernière  extrémité,  sans 
es;)érance  de  recevoir  aucun  soulagement  de 
ses  faux  dieux,  il  résolut  d'employer  le  se- 
cours du  Dieu  des  chrétiens  :  à  ce  dessein, 
il  lit  plusieurs  fois  prier  le  Père  do  le  venir 
voir  ou  du  moins  de  lui  envoyer  un  caté- 
chiste; pour  lui  enseigner  la  doctrine  de 
l'Evangile  ,  en  la  vertu  duquel  il  avait,  di- 
sait-il, [dacé  toute  sa  confiance.  Le  Père  ne 
difiéra  ])as  à  lui  accorder  ce  qu'il  demandait; 
un  catéchiste  alla  trouver  le  malade,  récita 
sur  lui  le  saint  Evangile,  et  au  même  instant 
le  malade  se  trouva  })arfaitemenl  guéri.  Un 
miracle  si  frappant  augmenta  le  désir  que 
Tériadeven  avait  depuis  longtemps  de  voir 
le  prédicateur  d'une  loi  si  sainte  et  si  mer- 
veilleuse. II  eut  bientôt  celte  satisfaction.  Le 
P.  de  Brito,  ui  doutant  plus  de  la  sincérilé 
des  intentions  de  ce  prince,  contre  lequel  il 
avait  été  en  garde  jusqu'alors,  se  transporta 
clans  les  terres  de  son  gouvernement.  Téria- 
deven avait  cinq  femmes  et  un  grand  nom- 
bre de  concubines.  Après  avoir  instruit  le 
prince  des  principaux  dogmes  du  christia- 
nisme, le  P.  de  Brito  fut  (ibligé  de  traiter  ce 
point  essentiel,  auquel  il  fallait  renoncer 
pour  être  admis  à  la  grâce  du  baptême.  «  Cet 
obstacle  sera  bientôt  levé,  dit-il  au  Père,  et 
vous  aurez  sujet  d'être  content  de  moi.  »  Au 
même  instant  il  retourne  à  son  palais,  ap- 
pelle toutes  ses  femmes,  et,  après  leur  avoir 
parlé  de  la  guérison  mii'aculeuse  qu'il  avait 
reçue  du  vrai  Dieu  par  la  vertu  du  saint 
Evangile ,  il  leur  déclara  qu'étant  résolu 
d'employer  le  reste  de  sa  vie  au  service  d'un 
si  puissant  et  d'un  si  bon  maître,  il  ne  re- 
connaîtrait plus  qu'une  seule  femme  pour 
sa  légitime  épouse.  11  ajouta,  pour  consoler 
celles  auxquelles  il  renonçait,  qu'il  aurait 
soin  d'elles  et  qu'il  les  considérerait  toujours 
comme  ses  propres  sœurs. 

«  Un  discours  si  peu  attendu  jeta  ces  fem- 
mes dans  une  terrible  consternation  ;  la  plus 
jeune  n'épargna  d'abord  ni  prières  ni  larmes 
pour  gagner  le  prince  et  pour  lui  faire  chan- 
ger de  ré  olution  ;  mais  voyant  que  ses  ef- 
forts étaient  inutiles,  elle  ne  garda  plus  de 
mesure  et  résolut  de  venger  sur  le  P.  de  Brito 
et  sur  les  chrétiens  l'injustice  qu'elle  se 
persuada  qu'on  lui  faisait.  Elle  était  nièce  de 
Ranganadadeven,  prince  souverain  de  Ma- 
ravas ;  elle  va  le  trouver,  pleure,  gémit ,  re- 
présente le  triste  état  où  elle  était  réduite 
et  implore  l'autorité  et  la  justice  de  son 
oncle.  «  Tériadeven,  lui  dit-elle,  s'est  aban- 
donné à  la  conduite  du  plus  détestable  ma- 
gicien qui  soit  dans  l'Orient  ;  cet  homme 
l'ayant  ensorcelé,  lui  a  persuadé  de  répudier 
honteusement  toutes  sesfemmes,à  la  réserve 
d'une  seule.  »  Elle  parla  d'une  manière  en- 
core plus  pressante  aux  prêtres  des  idoles, 
qui  cherchaient  depuis  longtemps  une  occa- 
sion favorable  pour  éclater  contre  les  minis- 
tres de  l'Evangile.  Il  y  avait  parmi  eux  un 


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mw 


500 


bijihrae  iioninu'  Ponipavanau,  fameux  par 
ses  impostures  el  par  la  haine  irréconciliable 
qu'il  portait  aux  missionnaires  et  surtout 
a'i  P.  de  Brito.  Ce  mécliant  homme,  ravi  de 
trouver  une  si  belle  occasion  de  se  venger  de 
celui  qui,  f-n  lui  enlevant  ses  disci[)]e>,  le  ré- 
duisait avec  toute  sa  famille  à  tne  extrême 
pauvreté,assenil)leles  autres  brahmes,et  dé- 
libère avec  eux  sur  les  moyens  de  perdre  le 
saint  missionnaire  ;  ils  furent  Ions  d"avis  de 
s'adresser  au  jirince.Le  brahme  Pompa vanan 
se  mit  h  leur  tète  et  porta  la  parole.  «  Prince, 
lui  dit  le  brahme,  nous  sommes  menacés  des 
plus  grands  malheurs;  le  manque  de  res- 
pect pour  les  dit'ux  reste  impuni;  plusieurs 
idoles  >ont  renversées,  la  ph-part  des  t^'mples 
abandonnés  ;  plus  de  sacrifie  s  ni  de  fêtes  : 
le  peuple  suit  1  infâme  secte  des  Européens; 
nous  ne  pouvons  souffrir  plus  longtemps  les 
outrages  qu'on  fait  à  nos  dieux  ;  bientôt  nous 
serons  tous  forcés  de  nous  retirer  dans  les 
royaumes  voisins  ])Our  n'étro  point  specta- 
teurs de  la  vengeance  que  ces  dieux  irrités 
sont  prêts  à  exercer  contre  1  s  d 'serteursde 
leur  culte  et  confie  ceux  qui,  devant  punir 
ces  crimes  énormes,  les  tolèrent  avec  tant 
de  scandale.  «  Il  n'en  fallait  pas  tant  pour 
animer  Ran.-,ana(ladeven,  déjà  prévenu  con- 
tre le  P.  de  Brito.  11  ordonna  sur-le-champ 
qu'on  allàtpiller  toutes  les  maisons  des  chré- 
tiens qui  se  trouvaient  sur  ses  terres  ;  qu'on 
fît  |»ayer  une  grosse  amende  à  ceux  qui 
demeureraient  fermes  dans  leur  croyance,  et 
surtout  qu'on  brûlât  toutes  les  églises  :  cet 
ordre  s'exécuta  avec  la  plus  grande  rigueur. 
Ranganadadeven,  qui  regardait  le  P.  de  Brito 
comme  Tauteur  de  tout  le  mal,  commanda 
expressément  qu'on  s'en  saisît,  et  qu'on  le 
lui  amenU.  Les  satellites  de  ce  prince,  ayant 
découvert  la  retraite  du  missionnaire,  se 
saisirent  de  lui  :  ils  s'emparèrent  en  môme 
temps  d'un  brahme  chiélitm  nommé  Jean,  qui 
l'accompagna. t  ;  ils  lièrent  étroitement  ces 
deux  confesseurs  de  Jésus-Christ,  qui  étaient 
bien  plus  touchi-s  des  blasphèmes  (lu'ils  en- 
ten'laienl  prononcer  cijulre  Dieu  que  des 
mauvais  traitements  qu'on  lenr  faisait  souf- 
frir. Deux  jeunes  miants  chrétiens,  dont  le 
f)lus  âg(';  n'avait  [)(is  encore  quatorze  ans,  bien 
oin  d'être  ébranlés  par  les  cruautés  qu'on 
exer(;.)it  sur  le  P.  de  Brito  et  [)ar  les  oppro- 
bres dont  on  le  chargeait,  en  furent  sialfermis 
dans  leur  f  )i,  qu'ils  coururent  avec  une  fer- 
veur incroyable  embrasser  le  saint  homme 
alors  chargé  de  chaînes,  et  (|u'ils  ne  voulurent 
jjIus  h;  quitter.  Les  scjldats,  voyant  (pie  les 
menaces  <'l  les  coups  ne  servaient  de  riejj 
pour  les  éloigner,  garrottèrent  aussi  ces  deux 
innocenttjs  victimes  et  les  joignirent  h  leur 
pè.  e  et  à  leur  pasteur.  On  les  fil  marcher 
lousfjuatreeu  cet  étal  ;  le  P.  de  Brito, (|ui  était 
d'iiiK!  complexion  délicate,  et  dont  les  forces 
ét'.ient  épuisi':es,  tant  |)ar  de  longs  et  |)énibles 
travaux  que  p;ir  la  vie  pénitente  cju'il  avait 
im-née  dans  le  Maduré  depuis  plus  de  vingt 
ans,  se  sentit  alors  extrêmement  all'aibli.  Les 
Ijardesie  (iressaient  et,ii  force  de  coups,  hîfai- 
sai<'nl  iiiaieher,  fjuoiqn'ih  vi.ssfuit  ses  [)i(;ds 
tout  '^an 'lanls  et  horril>lom(înl  enflés,  lui  cet 


état,  qui  lui  rappelait  celui  oii  se  trouva  son 
divin  maître  allant  au  Calvaire,  on  arriva  à 
un  gros  village  nommé  Anoumandancouri, 
où  les  confesseurs  de  Jésus-Christ  reçurent 
de  nouveaux  outrages.  Pour  plaire  au  peuple 
accouru  cm  foule  de  toutes  parts  à  ce  nou- 
veau spectacle,  on  les  plaça  dans  un  char 
élevé,  sur  lequel  les  brahmes  ont  coutume  de 
porter  par  les  rues  leurs  idoles  en  triomphe, 
et  on  les  y  laissa  nn  jour  et  demi  ,  exposés 
à  la  risée  du  public  ;  ils  eurent  là  beaucoup 
à  soulfrir,  soit  de  la  faim  et  de  la  soif,  soit 
de  la  pesanteur  des  grosses  chaînes  de  fer 
dont  on  les  av.iit  garrottés. 

«  Ce|)endant  les  prêlies  des  idoles  firent 
de  nouveaux  efforts  pour  obliger  le  prince  de 
Maravas  à  faire  mourir  les  confesseurs  de 
Jésus-Christ  ;  ils  se  présentèrent  en  fo'de  au 
palais,  vomissant  des  blasphèmes  exécrables 
contre  la  religion  chrétienne  et  chargeant  le 
Père  de  plusieurs  crimes  énormes.  Us  deman- 
dèrent au  prince,  avec  de  grands  empres- 
sements, de  le  faire  pendre  sur  la  place  pu- 
blique, afin  que  personne  n'eût  la  hardie^se 
de  suivre  li  loi  qu'il  enseignait.  Le  généreux 
Tériadeven,  qui  s'était  rendu  auprès  du  prin- 
ce de  Maravas  lorsqu'on  lui  présenta  celte 
injuste  requête,  en  fut  outré  et  s'emporta 
vivement  contre  les  prêtres  des  idoles,  qui 
sollicitaient  l'exécution  ;  il  s'adressa  ensuite  à 
Ranganadadeven  et  le  pria  de  faire  venir  en  sa 
présence  les  brahmes  les  plus  habiles,  afin  de 
les  faire  disputer  avec  le  nouveau  docteur  de 
la  loi  du  vrai  Dieu,  ajoutant  que  ce  serait 
un  moyen  sûr  et  facile  de  découvrir  la  vérité. 

«  Le  prince  se  choqua  de  la  liberté  de 
Tériadeven  ;  il  lui  reprocha  en  colère  qu'il 
soutenait  le  parti  infâme  des  docteurs  d'une 
loi  étrangère,  et  lui  commanda  d'adorer  sur- 
le-champ  quelques  idoles  qui  étaient  dans  la 
salle:  «  A  Dieu  ne  plaise,  répliqua  le  géné- 
reux catéchumène,  que  je  commette  une  te:le 
impiété  ;  il  n'y  a  pas  longtemps  que  j"ai  été 
miraculeusement  guéri  d'une  maladie  mor- 
telle par  la  vertu  du  saint  Evangile  ;  counnent 
a[)rès  cela  oserais-je  y  renoncer  pour  adorer 
les  idoles  et  j)erdre  en  même  temps  la  vie  do 
l'àme  et  celle  du  corps?  »  Ces  [taroles  n-ri- 
tèrenl  la  fureur  du  prince;  mais,  par  des  rai- 
sons d'Etat,  il  ne  jugea  |)as  h  projios  de  la 
faiie  éclater;  il  s'adressa  h  un  jeune  seigneur 
(ju'il  aimait,  nonnné  Pouvaroudeven,  el  lui  lit 
le  même  coamiandement.  Celui-ci,  qui  avait 
été  guéri  aussi  [)ar  le  baptême, quelque  teuqjs 
auparavant,  d'une  liès-fâcheuse  Inconni.O- 
dilé,  dont  il  avait  été  allligé  durant  neuf  ans, 
balança  d'abord  ;  mais  la  crainte  de  déplaire 
au  roi,  (pi'il  voyait  furicniseiîienl  irrilv',  le 
porta  à  lui  obéir  aveuglément.  Il  n'eut  [las 
p  utùl  oflert  son  sacrifice,  cju'il  se  sentit  atta- 
(pié  de  son  piunuier  mal,  mais  avec  tant  de 
vio!en(;e,  cju'il  se  vit  en  peu  de  Itnups  lé- 
duità  la  (iermère  extrémité.  Un  châliimnit  si 
prompt  et  si  Icnniblo  le  lit  rcmtrer  en  lui- 
même:  il  (uil  recours  à  Dieu  ipi'il  venait 
d'abandonnei'  avec  t.uit  de  lâcheté;  il  pria 
qu'on  lui  ap|t0itAt  un  crutilix  ;  il  se  jeta  à 
ses  pieds,  demanda  lrè^-huml)l(nuenl  pardon 
du  crime  qu'il  venaitdo  ('onnuellre,  elcoujur 


m  BRI 

le  Seigneur  d'avoir  pitié  do  son  Auio  et  de 
lui  pardonner  sa  hontouso  apostasie.  A  peine 
eut-il  achevé  sa  prière  (lu'il  se  sentit  exaucé; 
son  mal  cessa  tout  de  nouveau,  et  il  ne  douta 

{)0int  (pie  celui  qui  lui  accordait  avec  tant  de 
)onté  la  santé  du  corps  ne  lui  fit  aussi  mi- 
séricorde et  ne  lui  [)ard()nni\t  sa  chute. 

«  Tandis  que  Pouravoudeven  sacrifiait  aux. 
idoles,   le   prince  do  Maravas  s'adressa  une 
seconde  fois  à    Tériadeven  et  lui    ordonna 
avec  menaces  de  suivre  re\ein|)le  de  ce  sei- 
gneur. Tériadeven   lui   rt^partit  généreuse- 
ment qu'il   aimerait    mieux    mourir  que  de 
commettre  une  si  lAche  impiété.  A  |)cino  eul- 
il  dit  ces  paroles,  que  le   prince  couimanda 
qu'on  lit  le  sacriticc  qu'ils  appellent  palira- 
gahpouci  ;  c'est  une  espèce  de  sortilège.  Les 
inlidèles  assurent  qu'on  n'y  peut  résister  et 
qu'il  faut  absolument    (pie  celui  contre  qui 
on  le  fait  périsse  ;  de  là  vient  qu'ils  le  nom- 
ment aussi  quelquefois  sauLouroyesangaram, 
c'est-h-dirft  liestruction  totale  de  l'ennemi. 
Ce  prince  idolûti-e  eujployati  ois  jours  entiers 
dans  ces  exercices  diaboliques,  faisai'  plu- 
sieurs sortes  de  sacrifices  pour  ne  pas  man- 
quer son  coup.  Quelques  gentils  qui  étaient 
présents  et  qui  avaient  quelquefois  enten- 
du les  exhortations  du  confesseur  de  Jiésus- 
Christ  ,   avaient  beau  lui    représenter  que 
toutes  ses  peines  seraient  inutil^js,  que  tous 
les  maléfices  n'auraient  aucune  vertu  contre 
un  homme  qui  Si'    moquait   de  leurs  dieux, 
ces  discours  ne  tirent  qu'irriter  ce  prince  ;  et 
Gomme  le  premier  sortilège  n'avait  eu  aucun 
effet  ,  il  crut  avoir  manqué  à  quelque  cir- 
constance ;  ainsi  il  recommença  par  trois  fois 
le  même  sacriticc  sans  pouvoir  réussir.  Quel- 
ques-uns des  principaux  ministres,  des  faux 
dieux,   voulant  le  tirer  de  l'embarras  et  de 
l'extrême  confusion  où  il  était,   lui  deman- 
dèrent permission  de  faire  une  autie  sorte  do 
sacrifice,  contre  lequel,  selon  eux,  il  n'y  avait 
point  de  ressource.  Ce  sortilège  est  le  salpe- 
chiam  qui  a,  disent-ils,  une  vertu  si  infailli- 
ble, qu'il  n'y  a  nulle  puissance,  soit  divine, 
soit  humaine,  qui  en  puisse  éluder  la  force; 
ils  assuraient  que   le  prédicateur  mourrait 
immanquablement  le  cinquième  jour.  Mais 
ce  fut  pour  le  prince  et  pour  les  prêtres  des 
idoles  une  nouvelle  confusion; les  cinq  jours 
du  salpechiam  étant  expirés,  le  saint  homme, 
qui  devait  périr,    n'avait  pas  perdu  un  seul 
de  ses  cheveux.  Les  brahines  dirent  au  tyran 
que  ce  docteur  de  la  nouvelle  loi  était  un  des 
plus  grands  magiciens  qui  fût  au  monde  et 
qu'il  n'avait  résisté  à  la  vertu  de  tous  leurs  sa- 
crifâces  que  par  la  force  de  ses    enchante- 
ments.  Ranganadadeven  prit  aisément  ces 
impressions;   il  lit  venir  devant  lui  le  P.  de 
Brito,  et  lui   demanda,  en  lui   montrant  son 
bréviaire   qu'on  lui  avait  ôté  lorsqu'on  le  fit 
prisonnier,  si  cen'étaitpointdecelivrequ'il  ti- 
rait cette  vertu  qui  avait  rendu  jusqu'alors  tous 
leurs  enchantements  inutiles.  Quand  le  saint 
homme  lui  eut  répondu  qu'il  ne  fallait  pas  en 
douter  :  «  Eh  bien  !  dit  le  tyran,  je  veux  voir 
si   ce  livre   te   rendra   impénétrable  à  nos 
mousquets.  »  En  même  temps  il  ordonna 
qu'on  lui  attachât  le  bréviaire  au  cou  eî  qu'on 


BlU 


m. 


le  fit  passer  par  les  armes.  Déjà  f  s  soldats, 
étaient  prêts  à  faire  leurs  décharges,  lors(jue 
Tériadeven,  avec  un  courage  héroïque,  se 
récria  publiquement  contre  un  prdre  si  ty- 
rannique,  et  se  jetant  parmi  les  soldats,  pro- 
testa qu'il  voulait  lui-même  mourir,  si  on 
ôtait  la  vie  à  son  maître.  Ranj^anadadeven, 
qui  s'aperçut  de  quelque  émotion  parmi  les 
troupes,  fit  révoqu,er  l'ordre  qu'il  avait  don- 
né, et  coiiûman^a  qu'on  remît  en  prison  le, 
confesseur  do  Jésus-Christ. 

«  Cependant,  dès  ce  jour-là  même,  il  pro- 
nonça la  sentence  <le  mort  contre  lui,  et  afin 
qu'elle  fût  eitécutée  sans  obstacle,  il  fit  par- 
tir le  Père  secrètement  sous  une  bonne  garde, 
avec  ordre  de  le  mener  à  Ouriardeven,  son 
frère,    chef  d'une   peuplade  située  à   deux 
journées  de  la  cour,   avec   ordre  de  le  faire 
mourir  sans  délai.   Ouriardeven  mit  le  P.  de 
lirilo  entre  les  mains  de  cinq  bourreaux,  pour 
le  couper  en  pièces  et  l'exposer  à  la  vue  du 
peuple  après  qu'il  serait  mort.  Arrivé  au  lieu 
•du  supplice,  le  conf-sseur  de  Jésus-Christ 
pria  les  bourreauxde  lui  donner  un  moment 
pour  se  recueillir,  ce  qu'ils  lui  accordèrent. 
Alors  s'étant  mis  à  genoux  en  prése-ice  de 
tout  ce  gran  1  peujjle  et  s'étant   tourné  vers 
le  poteau,  auquel  son  corps,  séparé  de  sa  tête, 
devait  être  attaché,  il  parut  entrer  dans  une. 
profonde  contemplation.  11  est   aisé  déjuger 
quels   pouvaient  être  les   sentiments  de  ce 
saint  religieux  dans  une  semblable  conjonc- 
ture.   Les    gentils  furent  si   touchés  de  la 
tendre  dévotion  qui  paraissait  peinte  sur  son 
visage,  qu'ils  ne  purent  retenir  leurs  larmes; 
plusieurs  même  d'entre  eux  condamnaient 
hautement  la  cruauté  dont  on  usait  envers 
ce  saint  homme.  Après    environ   un  quart 
d'heure  d'oraison,  le  P.  de  Brito  se  leva  avec 
un  visage  riant,    s'ajjprocha   des  bourreaux 
qui  s'étaient  un  peu  retirés  et  les  embrassa 
avec  une  affection  et  unejoie  qui  les  surprit  : 
«  Vous  pouvez  à  présent,   mes  Irères ,  leur 
dit-il,  faire   de  moi  ce  qu'il  vous  plaira  ;  » 
ajoutant     beaucoup    d'autres     expressions 
pleines  de  douceur  et  de  charité  qu'on  n'a 
pu  encore  recueillir.  Les  bourreaux  à  demi- 
ivres  se  jetèrent  sur  lui   et  déchirèrent  sa 
robe,  ne  voulant  pas   se  donner  la  peine  ni 
le  temps  de  la  lui  détacher  ;  mais  ayantaper- 
çu  le  reliquaire  qu'il  avait  coutume  de  porter 
au  cou,  ils  se  retirèrent  en  arrière  saisis  de 
frayeur  et  se  disant  les  uns  aux  autres  que 
c'étaitassurément  dans  cette  boîte  qu'étaient 
les  charmes  dont  il  enchantait  ceux  de  leur 
nation  qui  suivaient  sa  doctrine,  et  qu'il  fal- 
lait bien  se  donner  de  garde  de  le   toucher 
pour  n'être  pas  séduits  comme  les   autres. 
Dans  celle  ridicule  pensée,  un  d'eux  prenant 
un  sabre  pour  couper  le  cordon   qui  tenait 
le  reliquaire,  fit  au  Père  une  large  plaie  dont 
il  sortit  beaucoup  de  sang;    le  fervent  mis- 
sionnaire l'offrit  à  Dieu  comme  les  prémices 
du  sacrifice  qu'il  était  sur  le  point  d  achever. 
Enfin  ces  barbares,  persuadés  que  les  charmes 
magiques  des  chrétiens  étaient  assez  [unis- 
sants pour  résister  au  tranchant  de  leurs 
épées,  se  firent  apporter  une  grosse   hache 
dont  on  se  servait  dans   leurs  temples  pour 


301 


BHL 


BUC 


égorger  les   victimes  qu'on   immolait  aux 
idoles  ;  après  quoi   ils  lui   attachèrent  une 
corde  à  la  barbe  et  la    lui  passèrent  autour 
du  corps  pour  teuT  la  tête  penchée  sur  l'es- 
tomac pendant  qu'on  lui  déchargerait  le  coup. 
L'homme  de  Dieu  se  mit  aussitôt   à  genoux 
devant  les  bourreaux,  et  levant  les  mains  et 
les  yeux  au  ciel,  il  attendait  en  cette  [)osture 
la  couronne  du  martyre,  lorsque  deux  chré- 
tiens de  Maravas,  ne  pouvant  plus  retenir  l'ar- 
deur dont  ils  étaient  embrasés,  fendirent  la 
presse  et  allèrent  sejeter  aux  pieds  du  saint 
confesseur,  protestant  qu'ils  voulaient  mou- 
rir avec  leur  charitable    pasteur,    puisqu'il 
l'exposait  avec  tant  de  zèle  à  mourir  pour 
eux  ;  que  la  faute,  s'il  y  en  avait  de  son  côté, 
seur  était  commune  et  qu'il  était  juste  qu'ils 
en  partageassent  avec  lui  la  peine.  Le  cou- 
rage de  ces  deux  chrétiens  surprit  étran- 
gement toute  l'assemblée  et  ne  ht  qu'irriter 
les  bourreaux  ;   cependant,    n'osant  pas   les 
faire  mourir  sans  ordre,  ils  les  mirent  à  l'é- 
cart, et  après  s'en  être  assurés,  ils  retournè- 
rent au  P.  de  Brilo  et  lui  coupèrent  la  tète. 
Lecof'ps,  qui  devait   naturellement   tomber 
sur   le  devant,  étant   penché  de   ce  côté-là 
avant  de  recevoir  le  coup,  tomba  néanmo  ns 
à  la  renverse  avec  la  tète  qui  y  tenait  encore, 
les  yeux  ouverts  et  tournés  vers  le  ciel.  Les 
bourreaux  se  pressèrent  de  la  détacher  du 
tronc,    de   peur,  disaient-ils  ,    que  par  ses 
enchantements  il  ne  trouvât  le  moyen  de  l'y 
r.  unir;  ils  lui  coupèrent  ensuite  les  mains  et 
attachèrent  le  corps  avec    la  tête  au  poteau 
qui  était  dressé,  afin  qu'il  fût  exposé  à  la  vue 
et  aux  insultes  des  passants. 

«  Après  cette  exéiîution,  les  bourreaux 
menèrent  au  prince  les  deux  chrétiens  qui 
s'étaient  venus  olfrir  au  martyre  :  ce  barbare 
leur  fit  couper  le  nez  et  les  oreilles  ,  et  les 
renvoya  avec  ignominie.  Un  d'eux,  pleurant 
amèrement  de  n'avoir  pas  eu  le  bonheur  de 
donner  sa  vie  pour  Jésus-Christ,  revint  au 
lieu  du  supplice;  il  y  considéra  à  loisir  les 
saintes  reliques,  et,  après  avoir  ramassé  dé- 
votement les  pieds  et  les  mains  qui  étaient 
dispersés  de  côté  et  d'autre,  il  les  approcha  du 
poteauoùétaientla  tôteetlecorps.etydemeu- 
raquelquetempsenprièreavantdeseretirer.» 

Telle  fut  la  glorieuse  Un  du  K.  P.  Jean  de 
Brito,  qui  depuis  longtemps  soupirait  après 
le  bonheur  du  martyre. 

BKIX  (saint) ,  fut  martyrisé  sur  le  terri- 
toire d'Auxerre ,  avec  un  grand  nombre  de 
courageux  chrétiens,  dont  malheureusement 
le  Martyrologe  romain  n'a  pas  conservé  les 
noms.  On  n'a  pas  de  détails  authentiques  sur 
leurs  combats.  L'Eglise  célèbre  la  fête  de  ces 
saints  martyrs  le  2(i  mai. 

BRUNO  DE  SAINTE-CHOIX  (le  bienheu- 
reux], martyr,  était  l'un  des  six  jésuites  (jui 
furent  désignés  pour  rester  en  Abyssinie, 
quand  la  |)ersécution  (pi'y  excita  le  Négous 
Basilides  força  d'en  sortir  le  patriarche  Men- 
d(,'Z  et  ses  compagnons ,  que  Mélec-Segued 
y  avait  fait  vetiir.  Pris,  en  Ki.'iii,  avec  Caspard 
Puez  (il  Je.iri  IVireita  ,  par  .VIelca-(]hrist()S, 
vjt-e-roi  du  ligié,  il  fut  conduit  avec  eux  au 
camp  d(;  (Ai.  barbare  persécuteur  des  catho- 


504 


liques,  qui  fit  percer  les  trois  saints  h  coups 
d'épée  en  sa  présence.  Gaspard  Puez  mourut 
sur-le-champ.  Quand  les  Portugais  vinrent 
pour  enlever  les  martyrs,  ils  trouvèrent  que 
Bruno  et  Pereira  vivaient  encore;  Pereira 
mourut  le  2  mai  suivant.  L-.-  P.  Bruno  sur- 
vécut à  ce  premier  martyre,  qui  avait  eu  lieu 
le  25  avril.  Dieu  le  gardait  pour  un  second 
combat.  Bruno  se  réfugia  près  de  Za-Mariam, 
vice-roi  du  Temben ,  lequ- 1  était  entière- 
ment favorable  aux  catholiques.  En  16i0,  le 
vice-roi  du  Tigré  attaqua  celui  du  Temben, 
qui  le  vainquit  dans  une  bataille ,  mais  qui, 
quelques  jours  après,  fut  tué  dans  une  em- 
buscade. Restés  sans  protecteur,  les  jésuites 
furent  repris.  Ils  n'étaient  plus  que  deux, 
Bruno  et  Cardeira.  Tous  deux  furent  sus- 
pendus à  des  branches  d'arbres  et  tués  à 
coups  de  pierres.  Il  paraît  que  ce  genre  de 
supplice  était  usité  en  Abyssinie ,  car  nous 
l'avons  vu  déjà  appliqué  à  Alméida,  évêque 
de  Nicée ,  et  à  ses  compagnons.  Bruno  était 
originaire  de  Civitella,  près  Ascoli. 

BRUNON  (saint) ,  évêque  et  confesseur, 
souffrit  de  cruels  tourments  pour  la  foi  de 
Jésus-Christ,  à  Wurtzbourg.  On  n'a  aucun 
détail  sur  ses  souffrances.  On  ignore  même 
à  quelle  époq_ue  il  confessa  sa  foi.  L'Eglise  le 
fête  le  17  mai. 

BRUNON  (saint),  martyr,  évêque  des  Rus- 
ses ,  fut  pris  par  des  impies  lorsqu'il  prê- 
chait l'Evangile  dans  ces  contrées  :  il  eut  les 
pieds  et  les  mains  coupés,  puis  on  lui  tran- 
cha la  tête.  On  ignore  la  date  précise  de  son 
glorieux  martyre.  L'Eglise  fait  sa  mémoire 
le  15  octobre. 

BUCHARELLI  (le  bienheureux),  mission- 
naire jésuite  dans  le  royaume  du  Tonouin, 
tomba  victime  de  la  persécution  qui  s'éleva, 
en  1721,  dans  ce  pays.  Une  femme  chré- 
tienne, qui  demeurait  à  Kesat ,  y  causait 
beaucoup  de  scandale  par  le  libertinage  au- 
quel elle  se  livrait.  Les  chrétiens  ne  vou- 
laient plus  la  voir  ni  communiquer  avec 
elle.  Cette  conduite  de  leur  part  fit  naître  en 
elle  une  violente  colère.  Elle  apostasia  ,  et, 
s'unissant  à  un  autre  apostat ,  ils  présentè- 
rent une  requête  au  vice-roi  contre  le  chris- 
tianisme qu'ils  avaient  médité  de  détruire. 
Dans  cette  requêt'j,  comme  dans  une  seconde 
qu'ils  présentèrent,  ces  scéh'rats  eurent  l'in- 
famie de  charger  les  missionnaires  do  toutes 
sortes  (le  calomnies.  Le  P.  Bucharelli  rési- 
dait à  Kesat  :  ayant  su  que  la  cour  avait  fait 
partir  trois  mandarins ,  et  environ  cent  sol- 
<lats  |)Our  s'emparer  de  cette  bourgade,  il  en 
avertit  les  chrétiens,  et,  suivi  de  ses  caté- 
chistes ,  s'enfuit  au  moment  où  les  soldais 
investissaient  la  bourgade.  Ces  derniers 
s'('m|)arèrent  de  six  néopliytes,  accusés  d'ê- 
tre chrétiens  par  les  deux  a[)Ostats  ,  et  les 
chargèrent  de  chaînes.  Trois  d'entre  eux 
a|K)stasièrent.  Cependant  les  JU*.  Bucharelli 
et  Messari  furent  arrêtés  sur  hïs  contins  du 
royaume  et  jetés  en  prison  ,  où  ce  dernier 
mourut  bientôt.  Notre  bienheureux  lui- 
niêni(!  tomba  si  rudctncnt  malade  ,  que  le 
mandarin,  (lui  cr-aignait  dv.  le  voii'  échapper 
au  supplice  pur  la  mort ,  lui  envoya  un  mé- 


K05 


CAB 


CiEC 


K06 


decin  cliari^i^  do  le  soignor.  Knfin,  après  une 
aniiôo  de  la  plus  doulouroiise  d('!t(MiIion  ,  le 
Père  et  lesehréliens  qui  avaient  (Hé  [»ris  lu- 
rent condaïuiiè'^  h  mort.  A  eetle  nouvollo,  ils 
s'habillèrent  dans  leurs  plus  beaux  vête- 
ments. Les  chrétiens  vinrent  de  tous  côtés  h 
la  prison  pour  féliciter  les  confesseurs  du 
bonheur  (pii  les  attendait.  Un  prêtre  foinpii- 
nois,(]ui  était  en  prison  avec  eux,  leurdoiuia 
la  connuunion.  Le  11  du  mois  d'octobre,  on 
vint  les  prendre  dans  leur  })rison,  et  on  les 
conduisit  sur  la  place,  en  face  do  la  demeure 
du  vice-roi,  pour  y  entendre  lire  leur  sen- 
tence. A  celte  lecture,  Bucharelli  dit  en  in- 
clinant la  tète  :  Dieu  soit  loué  !  Le  lieu  de 
roxécution  était  éloigné  de  la  ville  d'au 
moins  une  grande  lieue,  on  s'y  rendit.  Le 
saint  missionnaire  précédait  les  néophytes. 
La  >ainto  cohorte  s'avançait  en  chant  uU  des 
cantiques  et  des  psaumes.  Le  P.  Bucharelli, 
qui  était  à  peine  convalescent,  tomba  en  fai- 
blesse. On  fut  obligé  de  le  soutenir  jusiiu'au 
boiit  du  chemin.  Quand  il  fut  arrivé,  il  se 
mit  à  genoux,  et,  se  prosternant,  il  embrassa 
plusieurs  fois  la  terre.  Dans  son  cœur,  il 
faisait  hommage  à  Dieu  de  son  existence,  et 
le  remerciait  de  ce  qu'il  le  jugeait  digne  de 
moui'ir  pour  lui.  On  raconte  qu'alors  on  vit 
une  assez,  grande  quantité  d'o. seaux  blancs, 
complètement  étrangers  au  pays  ,  qui ,  vo- 
lant au-dessus  de  la  tète  des  martyrs,  leur 
faisa  eut  co.nme  une  couronne  dans  les  airs. 
Le  P.  Bucharelli  fut  décapité  le  premier.  Il 
n'était  âgé  que  de  trente-sept  ans  et  en  avait 
païSé  vingl-deux  daus  la  compagnie  de  Jésus. 
Bucharelli  fut  enterré  sur  le  lieu  même; 
mais,  quelque  temps  après,  le  fcère  Thomas 
Borgia  le  transféra  dans  l'église  de  Damgia. 
BUCZYNSKl,  religieux  de  l'ordre  de  Saint- 
Basile  ,  fut  une  des  victimes  de  l'atroce  per- 
sécution que  le  czar  Nicolas  fit  subir,  en 
1837,  à  tous  les  catholiques  qui  ne  voulaient 
point  abandonner  leur  foi  pour  embrasser 
la  religion  russe.  Après  avoir  subi  mille  tor- 
tures ,  ce  saint  martyr,  qui  était  plus  que 
septuagénaire ,  fut  placé  sous  une  pompe 
dont  l'eau  qu'on  lâcha  sur  lui  se  congelant 
aucontactde  l'air, l'enveloppa  bientôt  comme 
d'un  manteau  de  glace,  sous  lequel  il  trouva 
une  mort  alfreuse.  Voy.  l'article  Mieczys- 

LAWSKA. 

BURGOS  (Pierre  de),  frère  mineur,  fut  tué 
par  les  flèches  des  Chicliimèques  en  se  ren- 


dant h  Saint-Michel.  11  eut  i)0ur  compagnon 
d(î  son  mai'tyre  le  frèri;  Krançois  Douzeli  do 
(Irenade.  {Chronique  des  Frères  Mineurs,  l.  IV, 
p.  768.) 

BlHUiOS,  ville  d'Espagne,  célèbre  par  le 
martyre  des  saintes  Centolle  et  Hélène,  sur 
lesquelles  le  Martyrologe  romain  ne  donno 
point  de  détails. 

BUSIIUS  (saint),  confesseur  sous  Julien 
l'Apostat ,  il  Ancyre  en  dalatie  ,  se  distin- 
gua par  un  courag*;  extraordinaire.  Le  gou- 
veineur  l'ayant  fait  arrêter  pour  quel'pio 
insulte  qu'on  prétendait  (pi'il  avait  faite  aux 
païens,  se  |  réparait  à  le  faire  étendre  sur  le 
chevalet.  «  Ce  n'est  pas  la  peine,  dit  Busiris, 
en  levant  les  bras  et  en  se  posant  comme 
s'il  eût  été  sur  l'alfreuso  machine  ,  ép-irgnez 
ce  mal  a  vos  officiers,  je  me  tiendrai  seul  et 
sans  cela,  de  manière  à  endurer  les  tortures 
qu'il  vous  plaira  de  mefaire  souffrir.  «Busiris 
tint  [)arole,  et  resta  ainsi  tant  qu'il  plut  au 
juge  de  lui  faire  déchirer  les  côtés  avec  des 
ongles  de  fer.  Ensuite  il  fut  conduit  en  pri- 
son. La  mort  de  Julien  ,  qui  arriva  peu  de 
temps  après,  l'en  fit  sortir.  Il  vécut  jusqu'au 
règne  de  Théodose,  et  ce  fut  h  cette  époque 
que  Dieu  permit  qu'il  entrât  dans  le  sein  de 
l'Eglise  catholique  ,  car,  jusque-là  ,  il  avait 
appartenu  à  l'hérésie  des  encratites.  Les 
nouveaux  calendriers  le  mettent  au  nombre 
des  .saints  confesseurs  le  21  janvier.  Le  Mar- 
tyrologe romain  n'en  fait  pas  mémoire. 

BUSTAMENTE  (Paul  de)  ,  dominicain  , 
était  supérieur  d'un  couvent  de  cet  ordre, 
situé  h  Villaricca,  dans  le  Chili.  Les  hab  tants 
indigènes,  excit''S  par  les  prêtres  des  idoles, 
l'immolèrent  avec  le  P.  Ferdinand  Ovando, 
un  novice  convers  et  quatre  autres  mission- 
naires. (Monumenta  Dominicana,  an.  160G.) 

BYZANCE,  Byzantium,  aujourd'hui  Cons- 
tantinople,  la  ville  la  plus  importante  de  la 
Thrace,  devint  sous  Constantin,  qui  fut  son 
second  fondateur,  la  capitale  de  l'empire 
romain.  Cette  ville  avait  pour  gouverneur  ou 
proconsul,  sous  le  règne  de  Marc-Amèle,  un 
nommé  Cœcilius  Capella,  qui,  ayant  fait  ar- 
rêter un  grand  nombre  de  chrétiens  ,  les  fit 
mettre  à  la  question,  et  ensuite  les  fit  mou- 
rir. Tous  demeurèrent  inébranlables  dans 
leur  foi ,  à  l'exception  d'un  nommé  Théo- 
dote  ,  qui  renia  Jésus-Christ ,  et  qui ,  plus 
tard,  entraîné  par  la  honte  qu'il  éprouva  de 
ce  crime  tomba  dans  l'hérésie. 


C 


I 


CABERO  (le  P.  Jean),  religieux  de  la 
Merci ,  resta  en  otagi' ,  en  1632 ,  pour  plu- 
sieurs esclaves  qui  voulaient  renier  leur  foi 
à  la  vue  de  leurs  compagnons  rachetés  qui 
revenaient  dans  leur  patrie.  Voulant  se  ven- 
ger des  consolations  qu'il  prodiguait  aux 
chrétiens  dans  leurs  prisons,  les  Turcs  lui  fi- 
rent subir  les  plus  gratides  cruautés  .  et  le 
condamnèrent  ensuite  à  être  brûlé.  Déjà  il 
était  attaché  au  poteau,  quand  un  Turc,  tou- 


ché de  compassion ,  donna  six  cents  écus 
pour  lui  sauver  la  vie.  Ce  charitable  infi- 
dèle,  craignant  que  le  zèle  qui  animait  Ca- 
bero  ne  le  jetât  dans  de  nouveaux  dangers, 
le  retint  chez  lui  jusqu'à  l'arrivée  du  P.  Jean 
Itaïcoz,  qui  vint  et  paya  sa  rançon. 

C.ECILIUS  CAPELLA,  nom  "d'un  procon- 
sul ou  gouverneur  de  Byzance,  qui ,  sous  le 
règne  de  l'empereur  Marc-Aurèle,  fil  arrêter 
un  grand  nombre  de  chrétiens.  Il  les  fit  d'à- 


9m 


CAl 


CAl 


508 


bord  mettre  h- la  (|uestion ,  et  ensuite  les  lit 
mourir.  Un  seul  d'entre  eu\,  un  uomiué 
Théoilote ,  eut  la  faiblesse,  la  lAcheté  de  re- 
nier Jésus-Christ.  {Voy.  Byzance.) 

GAERLÉON,  ville  située  sur  TUsk,  dans 
le  comté  de  Montinouili ,  est  célèbre  par  le 
martyre  qu'.  soullVirent  saint  Aaroa  et  sai-it 
Jules ,  vers  l'année  287 ,  sous  le  règne  de 
Dioclélien.  Ces  deux  saints,  (}iii  étaient  Bre- 
tons d'origine,  avaient  étudié  les  Ecritures  k 
Rome ,  avant  de  passer  dans  le  royaume 
d'Angleterre. 

CACiLIARI,  capitale  de  l'île  de  Sardaigno, 
a  été  illustrée  par  le  martyre  qu'y  endura 
saint  E[)liise ,  dm'aut  la  persécution  de  Dio- 
clélien. Le  juge  Flavieu  élail  l'ordonnateur 
des  tourments. 

CAll'HE,  tristement  célèbre  par  la  part 
qu'il  prit  au  jugement  et  à  la  mort  de  Jésus- 
Clu'ist;  grand  prêtre  après  Eléasar ,  son 
beau-frère,  en  l'an  27jus(|u'en  3li.  11  sié- 
geait cOiume  président  du  sanhédrin  quand, 
ai  rès  la  guérison  du  boîl''UX  ,  les  apôtres 
saint  Pierre  et  saint  Jean  furent  ameni's  de- 
vant ce  tribunal.  Plus  tard,  il  le  pn'sidait 
encore,  quand  les  apotn-s  furent  fouettés  et 
mis  en  liberté  avec  défense  de  prêcher  da- 
vantage les  vérités  chr.'tiennes.  Dans  toutes 
ces  circonstances,  il  se  fit  remarquer  par  sa 
rage  contre  les  disciplf^s  du  Sauveur,  par  sa 
]iain(;  contre  leurs  doctrines.  Ce  fut  sous  sa 
présidence,  et  obéissant  en  grande  partie  h 
son  iniluence,  que  le  sanhédrin  i)rononça  la 
sentence  de  mort  de  saint  Etienne. 

CAIUS  saint),  mart.r,  reçut  la  couronne 
du  martyre  à  Apamée,  en  même  terai)S  que 
saint  Alexandre.  Tous  deux  étaient  origi- 
naires dEuménie,  ville  de  la  gr-.nde  Phrygie. 
Ayant  été  arrêtés,  ils  furent  conduits  dans  la 
première  des  villes  que  nous  venons  de  nom- 
mer el  y  moururent  pour  la  défense  du 
ehristianisme,  les  uns  (lisent  sous  Marc-Au- 
rèle,  les  autres  sous  Sévèi'e.  On  ne  sait  d'eux 
que  ce  qu'eu  dit  Eusèbe  d'après  Aslérius 
Urbanus,  auieur  du  tem[)S.  On  les  arrêta  avec 
des  montanistes  dont  la  secte  avait  infecté 
tout  le  pays  (|u'ds  hibitaient.  Us  déclarèi-ent 
n'avoir  rien  de  commua  avec  eux,  et  être 
entier<'ment  séparés  de  croyances.  L'Eglise 
les  lio-iore  le  lu  mars. 

CAIUS  (saint/.  Voici  ce  qu'à  son  sujet  nous 
tiouvo'is  dans  le  Alartyrolo:i;e  romain  :  «  A 
Alexandrie ,  les  saints  prêtres  et  diaci'es, 
Cams,  Fausle,  Eusèbe,  Chérémon,  Luciiis, 
et  leurs  compagnons  ,  dont  les  uns  furent 
martyrisés  dînant  la  pei'séculion  do  Valé- 
rien,  el  les  autniS  en  servant  les  martyrs, 
reçurent  la  récompense  des  martyrs.  »  L'E- 
glise f.iil  biur  fêle  le  'i-  octobre 

CAIUS  (saints  martyr,  soulfrit  avec  les 
saints  D(;ms,  Fausle,  Pierre,  Paul  et  quatre 
autres  sous  l'c-mpcreur  Dèce.  De|)uis,  sous 
Valéiien,  ayant  (Midnré  di;  longs  lourmiinis 
J)ar  ordre  du  piésidiiul  F]inili<Mi,  ils  rempor- 
tèrent la  [)almedu  ma  [yvii.  [Extrait  da  iSlar- 
tyrolotji:  roindin.)  L'E.^lise  fait  la  fête  île 
tous  ers  sauits  l(;  3  octobre. 

(^AIUS  (.saint;,  pape,  nifjiita  sur  h;  siège 
aposluUque,  tu  283,  après  la  mort  de  saint 


Eutychien.  La  paix  de  l'Eglise  fut,  à  cette 
épuiiue  ,  troublée  par  une  i)ersécution  qui 
dura  deux  ans.  Le  saint  pape  encouragea 
constamment  les  martyrs  et  les  confesseurs. 
Pendant  cette  tempête,  il  resta  caché,  non 
point  par  peur,  mais  dans  l'intérêt  de  son 
tr  upeau.  11  mourut  le  21  avril  2QG.  Le  Mar- 
tyrologe romain  lui  domu,'  le  litre  de  martyr, 
que  ses  soulfrances,  dil-on,  lui  avaient  mé- 
rité. D'anciens  pontilicaux  disent  <[u'il  était 
Dalmate  d'origine  et  parent  de  l'empereur 
Diorlétien.  L'Eglise  romaine  célèbre  sa  fête 
le  22  avril,  comme  celle  de  saint  Soter. 

CAiUS  (saint),  reçut  la  palme  du  mari  vre  à 
Bologne,  dura  it  la  persécution  de  Maximiea. 
H  fut  arrêté  et  mis  à  morl  pour  la  défense 
du  christianisme  ,  avec  les  saints  Aggée 
et  Hermès,  honorés  avec  lui  par  l'Eglise  le  \ 
janvier. 

CAIUS  (saint),  martyr,  fut  décapité  à  Sa- 
lerne  avec  un  autre  Caïus  et  Anthès  sous 
l'empereur  Dioclélien  elle  proconsul  Léonce. 
L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  28  août. 

CAIUS  (saint),  martyr,  donna  sa  vie  pour 
la  foi  à  Saragosse  en  l'an  de  Jésus-Christ 
30'»-,  sous  le  gouverneur  Dacien.  !1  souffrit, 
dans  un  premier  combat ,  avec  les  dix-huit 
martyrs,  dits  martyrs  de  Saragosse  ;  mais 
ayant  résislé  a  ix  tourments,  il  ne  mourut 
que  dans  un  second  combat,  quehiue  temps 
après.  L'Eglise  fait  sa  fêle  le  16  avril ,  avec 
celle  (les  martyrs  que  nous  venons  d'indi- 
quer. (Vojf.  Prudeiice,  de  Cor.  hym.  k,  et  les 
articles  Dacien,  Saragosse.) 

CAIUS  (saint),  martyr,  l'un  des  quarante 
martyrs  de  Sébaste  ,  sous  Licinius.  [Voy. 
ISIartyrs  de  Sébaste.) 

CAIUS  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi  h  Alexandrie,  sous  Numérien, 
avec  les  saints  Céréal,  Pupule  et  Sérapion. 
Le  Martyrologe  romain  ne  marque  point 
à  quelle  époque  et  dans  quelles  circonstan- 
ces. L'Eglise  célèbre  leur  sainte  mémoire  le 
28  février. 

CAIUS  (saint),  martyr,  était  officier  du  pa- 
lais. 11  l'ut  jeté  dans  la  mer  avec  vingt-sept 
autres  dont  le  Martyrologe  romain  n'a  [)as 
conservé  les  glorieix  noms,  el  ils  remi)or- 
tèient  ainsi  la  palme  du  martyre.  On  n'a  au- 
cun détail  sur  leurs  combats.  L'Eglise  célè- 
bic  leur  uK'moirc  le  i  mars. 

CAIUS  (saint),  mourut  pour  la  foi  à  Nico- 
mi'die  avec  les  saints  Daser ,  Zotique  et 
douze  autres  soldais  dont  on  ignore  les 
noms.  On  leur  lit  endurer  île  cruels  suppli- 
ces et  ils  furent  ensuite  jiïtés  dans  la  mer  où 
ils  fur  .ni  tous  noyés.  On  ignore  l'éjxxpie  où 
cul  "lieu  leur  courageux  martyre.  L'Eglise 
vénère  la  mémoire  de  ces  saints  le  21  oc- 
tobre. 

CAH^S  (saint),  martyr,  mourut  p(mr  la  loi 
à  (^orinthc  avec  Crispus.  Saint  Paul,  dans 
son  Kj)itrr  aux  Corinthiens,  leur  pa.lede 
(■(;sd(!ux  illuslres  martyrs.  On  n'a  i)as  dedé- 
lails  sur  eux.  L'éjKxiue  même  de  leurs 
combats  n'est  pas  précise.  L'Eglise  l'ait  leur 
fêle  l«  k  octobre. 

CA!US  (saint),  martyr,  eut  le  g-lorieuv  pri- 
vilège do  verser  son  sang  pour  la  défense  de 


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la  religion.  On  igiKM-o  h  quelle  époque  :  le 
Marlyrolo;j;e  romain  uiar(|uo  seuUinKîiil  {]U(3 
(30  l'iit  sous  Dioolélien.  L'IigJiso  l'ail  sa  teto 
le  ±2  avril. 

CAlllS  (saint),  martyr,  cueillit  la  palsne  du 
martyre  h  Messine  en  Sicile,  avec  saint  Aiii- 
pi^le.  Le  Marlyroloh'»' rt>maui  no  donne  au- 
cun (Jélail  cl  lie  dit  |)oint  à  (luelle  épo(|ue 
eut  lieu  leur  martyre.  L'Eglise  les  honore 
le  "20  novembre. 

C.\1US  (saint),  martyr,  n^iandit  son  sang 
pour  la  loi  chrélieniie  h  Mélitine  en  Ai-mé- 
nie ,  avec  les  saints  HcMinogène  ,  Expi^lii, 
Aristonique,  Kut'us  et  (lalatas.  On  ignore  la 
date  et  les  eirconstances  de  leur  nioii,  L'E- 
glise célèbre  leur  iunuortolle  mémoire  le  19 
avril. 

C.ALAHORA,  ville  d'Espagne,  cé'èbre  par 
le  martyre  et  les  miracles  des  saints  Einé- 
tère  et  Chélidoine.  On  ignore  à  quelle 
époque  ils  combattirent  pour  la  foi  de  Jésus- 
Christ. 

CALANGSOll  (  Pierre  ),  catéchiste  du  P. 
Sauvitores,  fut  tué  avec  lui,  le  2  avril  1672, 
dans  le  village  de  Tumham,  aux  îles  Marian- 
nes.  (  Pour  plus  de  détails ,  voy.  l'articlo 
Sanvitores.  ) 

CALANIQÙE  (saint),  martyr,  souffrit  pour 
la  religion  à  Eleulhéropolis  en  Palestine,  avec 
saint  Florien  et  cinquante-huit  de  leurs  com- 
pagnons qui  sont  inconnus.  Ils  furent  mas- 
sacrés par  les  Sarrasins,  en  haine  de  la  foi 
de  Jésus-Christ,  du  temps  de  l'empereur 
Héraclius.  L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le 
19  décembre. 

CALDEiRA  (le  bienheureux  Marc),  Portu- 
gais, de  la  compagnie  de  Jésus,  faisait  partie 
des  soixante-neuf  missionnaires  que  le  P. 
Azevedo  était  allé  recruter  à  Rome  pour  le 
Brésil.  [Voy.  Azevedo.)  Leur  navire  l'ut  pris 
le  15  juillet  1571,  par  des  corsaires  calvinis- 
tes, qui  les  massacrèrent  ou  les  jetèrent  dans 
la  mer.  (Du  Jarric,  Histoire  des  choses  plus 
mémorables,  etc.,  t.  H,  p.  278  ;  Tanner,  So- 
cietas  Jesu  usque  ad  sanguinis  et  vitœ  profu- 
sionem  militans,  p.  166  et  170.) 

CALÉPODE  ^saint),  martyr,  fut  mis  à  mort 
à  Rome,  sous  le  pontificat  de  saint  Calliste  ; 
on  ne  sait  pas  précisément  sous  quel  règne, 
cependant  il  est  probable  que  ce  fut  du  temps 
de  l'empereur  Alexandre.  Cet  empereur, 
ainsi  qu'on  peut  le  voir  à  l'article  saint  Cal- 
liste,  fut  plutôt  protecteur  que  persécuteur 
de  l'Eglise.  Aussi,  il  est  très-probable  que 
saint  Calépode,  comme  plus  tard  saint  Cal- 
liste  lui-même,  périt  dans  une  émeute  j)0- 
pulaire.  Il  était  attaché  au  service  de  l'Eglise 
de  Rome.  Il  avait  baptisé  un  certain  nombre 
de  païens  de  distinction,  et  devint  pour  cela 
l'objet  de  la  haine  des  infidèles  qui  le  tirent 
mourir.  Ce  fut  saint  Calliste  qui  prit  soin  de 
sa  sépulture,  et  qui  le  fit  enterrer  dans  un 
cimetière  situé  sur  la  voie  Aurélienne. 
Bientôt  après,  le  saint  papeyfut  enterré  lui- 
même.  Sous  Paul  \"  et  ses  successeurs,  on 
transféra  beaucoup  de  saints  dans  les  égli- 
ses, parce  que  les  cimetières,  dépourvus  de 
murailles,  étaient  sujets  à  une  foule  de  pro- 
fanations. Saint  Calépode  et   saint  Callist^ 


furent  transférés  dans  l'église  Sainte-Marie- 
Translevère.  L'Eglise  l'ait  la  fêt('  de  saint  Ca- 
lépode! le  10  mai. 

CALÈKE  (Jean  ),  frère  lai  de  l'ordre  de 
Saint-Ei-ançois,  était  au  couvimiI  (rEzetlan 
dans  la  nouvelle  Es()agne,  cpiaud  |)lusieurs 
indigènes  que  les  Es|)agnols  avaient  instruits 
et  baptisés,  prirent  la  fuite  et  se  sauvèrent 
dans  his  montagnes,  oii  le  culte  des  idohîs 
était  en  honneur.  Jean  Calère,  préoccu|)é 
du  salut  de  ces  jeunes  gens,  courut  apiès 
eux  avec  trois  jeunes  Améi'icains  qu'il  avait 
amenés  à  la  connaissance  du  christianisme. 
Il  rejoignit  les  fugitifs  dans  un  lieu  voisin 
des  montagnes  et  ses  exhortations  allaient 
les  ramener,  lorsqu'une  femme  qui  se  trou- 
vait là  insista  vivement  près  d'eux  pour 
qu'ils  ne  laissassent  pas  ()artir  le  mission- 
naire. A  l'instigation  de  cette  femme,  ils  se 
jetèrent  sur  Jean  Calère,  et  lui  scièrent  la 
tête  avec  une  épée  de  bois,  leur  arme  accou- 
tumée. Les  trois  jeunes  Américains  qui  l'ac- 
compagnaient fuient  aussi  mis  à  mort.  Les 
Espagnols  trouvèrent,  sept  jours  après,  le 
corps  de  Jean  Calère,  et  lui  donnèrent  la  sé- 
pulture. 

CALLINIQUE  (saint),  eut  la  gloire  de  don- 
ner sa  vie  pour  Jésus-Christ,  en  Bithynie, 
sous  l'empire  deDèce,  avec  saint  Thyrse  et 
saint  Leuce.  Nous  ne  savons  rien  de  positif 
sur  ces  trois  saints  ;  ce  qu'on  en  raconte 
comme  détails  n'a  aucun  caractère  d'authen- 
ticité. Mais  de  tout  temps  ils  ont  été  en  très- 
grande  vénération  dans  l'Eglise,  qui  célèbre 
leur  fête  le  28  janvier.  Saint  Thyrse  et  saint 
Callinique  eurent  la  tête  tranchée  ;  quant  à 
saint  Leuce,  il  expira  comme  on  cessait  de  le 
tourmenter. 

CALLINIQUE  (saint),  fut  martyrisé  à  Gan- 
gres  en  Paphlagonie.  On  le  fouetta  avec  des 
verges  de  fer  ;  puis  on  lui  fit  souffrir  d'au- 
tres supplices  aussi  cruels,  après  quoi  il 
fut  jeté  dans  une  fournaise  ardente,  oii  il 
rendit  son  esprit  h  Dieu.  L'Eglise  fait  la  lète 
de  ce  martyr  le  29  juillet. 

CALLINIQUE  (sainte),  martyre,  eut  le  bon- 
heur de  répandre  son  sang  pour  la  foi  avec 
sainte  Basilisse.  On  n'a  aucun  détail  sur  le 
lieu,  la  date  et  les  circonstances  de  leur  glo- 
rieux martyr.  L'Eglise  honore  leur  mémoire 
le  22  mars. 

CALLIOPE  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
pour  la  foi  en  Cilicie.  Après  avoir  souffert 
diverses  tortures  sous  le  préfet  Maxime,  il 
fut  crucifié  la  tête  en  bas,  et  honoré  du  même 
supplice  que  notre  Sauveur.  L'Eglise  honore 
la  mémoire  de  cet  illustre  martyr  le  7  avril. 

CALLIOPE  (sainte),  martyre,  répandit  son 
sang  pour  la  foi  chrétienne.  On  lui  coupa  les 
mamelles  et  on  lui  brûla  la  chair,  ensuite 
elle  fut  roulée  sur  des  têtes  de  pots  cassés. 
Enfin,  ayant  eu  la  tête  tranchée,  elle  reçut 
ainsi  la  palme  du  martyre.  Le  Martyrologe 
romain  ne  dit  point  à  quelle  époque.  L'E- 
glise honore  son  immortelle  mémoire  le  8 
juin. 

CALLISTE  (saint),  pape  et  martyr,  mou- 
rut sous  l'empereur  Alexandre,  dans  une  de 
ces  émeutes  populaires  si  fréquentes  alors 


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contre  les  chrétiens.  Ses  Actes  disent  qu'il 
fut  longtemps  enfermé  sans  nourriture  dans 
une  prison,  battu  h  coups  de  bâtons,  entin 
jeté  par  une  fenêtre  du  lieu  où  il  était  en- 
fermé, et  précipité  dans  un  puits,  tout  cela 
nar  l'ordre  d'Alexandre.  Pour  quiconq\ie  sait 
riiistoire,  cette  narration  des  Actes  de  saint 
Calliste  est  inadmissible.  Le  tils  de  .Marnée, 
l'excellent  Alexandre,  n'aurait  jamais  donné 
un  ordre  seinblable  ;  il  eilt  répugné  à  la  dou- 
ceur, à  la  mod  'ration  de  son  caractère.  On 
sait  que  sous  son  règne  tout  procès  suivait 
les  phases  d'une  justice  exacte,  et  que  ja- 
mais l'arbitraire  ne  se  substituait  à  l'é- 
quité. 

Alexandre  avait  api)risde  Marnée,  sa  mère, 
à  aimer  les  chrétiens;  il  les  i)rotégeait  tant 
qu'il  le  pouvait.  La  statue  de  Jésus-Christ 
était  dans  son  oratoire,  avec  celles  d'Abra- 
ham, d'Orphée  et  d'Apollonius  de  Thyanes. 
Un  jour  que  des  cabaretiers  disputaient  aux 
chrétiens  un  lieu  où  ils  se  réunissaient, 
Alexandre  ordonna  qu'on  adjugeât  ce  lieu 
aux  chrétiens,  disant  qu'il  valait  mieux  que 
Dieu  y  fût  honoré  de  n'importe  quelle  façon, 
que  de  le  voir  occupé  par  des  taverniers. 
L'histoire  rapporte  même  qu'il  aimait  et  es- 
timait singulièrement  le  pape  Calliste,  le 
proposant  souvent  comme  modèle  à  ses  offi- 
ciers à  cause  de  sa  vertu  et  de  toutes  les  qua- 
lités qu'il  voyait  briller  en  lui.  Alexandre 
laissa  les  chrétiens  bâtir  des  églises,  qui  fu- 
rent en  partie  détruites  sous  le  règne  de  ses 
successeurs.  La  paix  dont  ils  jouirent  sous 
son  règne  ne  nous  empêchera pointd'admettre 
qu'il  n'y  eût  des  cas  isolés  de  persécution. 
Nous  savons  très-bien  que,  sous  les  meilleurs 
empereurs,  la  haine  et  l'inintelligence  des 
peuples  se  laissait  parfois  entraîner  à  des 
actes  de  cruauté  et  de  barbarie  qui  faisaient 
des  raai-tyrs.  Sous  Alexandre  il  en  fut  ainsi, 
mais  sans  que  reiuj)ereur  y  prît  aucune 
part. 

Saint  Calliste  succéda  au  pape  Zéphirin, 
en  la  première  année  d'Héliogabale,  dans  les 
premiers  jours  de  l'an  219.  La  /)lupart  des  La- 
tins le  nomment  Callixte.  I^'histoiro  bidonne 
connue  faisant  d'incessants  et  de  très-gi-ands 
efforts  pour  accroître  TK^Iise  de  Jésus-Christ. 
On  lui  attribue  l'institution  du  jeûne  des 
Quatre-Temps.  {Voy.  Moretli,  de  S.  Caliislo, 
disq.  1,  p.  67,  et  Claude  Sommier,  t.  I, 
/list.  dofjmaticœ  sedis  apostolicœ,  1.  ii,  p. 
loi).  ) 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  en  commen- 
çant, saint  Calliste  péril  dans  une  émeute 
populaire.  Qu'il  ail  souH'erl  une  parlie  de  ce 
que  racont(;nl  ses  Actes,  nous  ne  le  nions  pas, 
cela  est  même  de  nature  h  nous  co  ilirmer 
dans  nolr(;  0[)inion.  La  j) jpiilace  était  très- 
capable  de  [)ro 'éder  ainsi,  Alexandre  fk;  l'é- 
tait ()as.  On  montre  (vicor(;  ;i  Kome  h-,  puits 
où  on  prétend  ijut;  le  saint  pape  fut  jfli'',  le 
IV  oclobriî  22'},  jOur  auquel  l'E-^Hsi;  lionore 
sa  iri(''iiioire.  Il  fut  enleiré  d  ins  le  cim(!tièr(i 
de  Calépole,  qui;  Tli^^listî  lioiioie  le  10  mai. 
Ce  ciiiKîtiere  se  trouvi^  sur  la  voie  Aiiré- 
lienne.  Saint  Cab'pode  était  atlaelié  au  ser- 
vice do  l'Kglise   romaine  ;  sous  le  pontilicat 


de  Calliste,  ayant  baptisé  un  grand  nombre 
de  païens  illustres,  il  fut  arrêté  et  martyrisé 
avec  plusieurs  autres  tidèles.  Le  pape  Cal- 
liste, qui  prit  soin  de  sa  sépulture, fut  enterré 
près  de  lui  (pieKpie  temps  après.  Plus  tard, 
sous  le  j)ape  Paul  1"  et  ses  successeurs,  on 
lit  transporter  beaucoup  des  corps  des  saints 
enterrés  dans  les  cimetières,  dans  les  égli- 
ses. Les  corps  de  saint  Calliste  et  de  saint 
Calé[)ode  furent  transférés  dans  l'église  de 
Sainte-Marie  au  delà  du  Tibre.  En  l'an  85-'i-, 
le  comte  Everard  obtint  du  pape  Léon  IV 
le  corps  de  saint  Calliste  et  le  plaça  dans  l'ab- 
baye qu'il  avait  fondée  à  Cisoing  ou  Chi- 
soing,  près  Tournay.  L'église  de  ce  monas- 
tère fut  dédiée  sous  l'invocation  de  saint  Cal- 
liste. Par  crainte  des  Normands,  on  a  depuis 
transporté  à  Reims  les  reliques  de  ce  saint 
martyr. L'église  do  Sainte-Marie-ïranstevère, 
à  Rome,  prétend  avoir  encore  une  partie  de 
ces  précieuses  reliques. 

CALLISTE  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  à  Rome,  avec 
les  saints  Félix  et  Boniface.  On  ignore  à 
quelle  époque  et  dans  quelles  circonstances. 
L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  29  décembre. 

CALLISTE  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  pour  la  défense  de  la  foi  de  Jésus-Christ, 
à  Syracuse.  Il  eut  pour  com[)agnons  de  son 
martyre  les  saints  Hermogène  et  Evode. 
L'Eglise   célèbre  leur  fêle  le  25  avril. 

CALLISTE  (saint),  martyr,  était  évêque  à 
Todi.  Il  y  soutfrit  le  martyre  pour  Jésus- 
Christ.  On  ignore  h  (|uelle  époque  et  dans 
quelles  circonstances.  L'Eglise  célèbre  sa 
sainte  mémoire  le  H  août. 

CALLISTE  (saint),  martyr,  fut  noyé  à  Co- 
rinthe  avec  saint  Charise  et  sept  autres  dont 
les  noms  sont  ignorés.  L'Eglise  célèbre  la 
fête  de  ces  martyrs  le  16  avril.  On  ignore  l'é- 
])oque  où  ils  furent  martyrisés. 

CALLISTE  (saint),  martyr,  recueillit  la 
couronne  du  martyre  ave;i  ses  deux  frères, 
Hermogène  et  Evode.  Nous  ne  connaissons 
rien  d'aulhenticjue  sur  leur  mort.  L'Eglise 
vénère  leur  mémoire  le  2  septembre. 

CALLISTRATE  (saint),  martyr,  mourut  à 
Rome  pour  la  foi  avec  quarante-neuf  soldats, 
sous  l'empereurDioclétien.  Ces  soldats,  ayant 
vu  Callislrale  sortir  sain  et  sauf  du  fond  de 
la  mer  où  on  l'avait  jeté  cousu  dans  un  sac, 
se  convertirent  ;\  Jésus-Christ  et  soullririnit 
avec  lui  le  martyre.  L'Eglise  honore  leur 
sainte  mémoire  le  2()  septembre. 

CALOCiEil  (saint),  martyr,  reçut  la  |)alme 
des  combattants  pour  la  foi  de  Jésus-ChrisI, 
sur  la  voi(!  Aj)p'«nne,  à  Rome,  (^e  saint  était 
chef  des  camériers  de  la  femmi!  de  l'empo- 
reur  Dèce.  H  eut  pour  (•om[)agnoM  de.  son 
marlyr(i  saint  PaiMliè  u;,  primicier  dans  une 
autre  charg(î.  Ils  fuient  misii  mort  pour  n'a- 
voir pas  voulu  sacrilieraux  idoles.  L'Eglise 
les  vénère  le  19  mai. 

CALOCEIl  (  saint),  .soullVil  le  martyre  à 
Hresse,  sous  la  persécul  ion  de  l'i-mpere.ur 
Adrien.  Il  avait  et/'  converli  à  la  foi  par  les 
saints  Fausiiii  et  Jovet.  Le  Marlyrolo^rc  ro- 
main nedonne  aucun  détail  sur  sbnmaKym. 


515  CAN 

L'Eglise  lionoro  sa  sainte  mémoire  le  18 
avril. 

CA  (.OCKR  (  saint  ),  était  évoque  h  Raven- 
nes.  M  y  confessa  Jésus-Christ  au  milieu  des 
tort'iies,  tl()?u  le  Mart^  rolo^çe  romain  ne  nous 
a  pas  laissé  les  détails.  L'Eglise  honore  sa 
fé.te  le  11  IV'vrier. 

CALOCf^UE  (saint),  l'ut  martyrisé  sous  le 
régne  de  reui|)ereur  Adrien,  à  Albenga,sur 
la  eùte  dedénes,  vers  l'an  l'io.  L'histoire  do 
ce  saint,  donnée  fort  au  long  par  Bollandus, 
n'otl're  pas  les  caractères  d'authenticité  dé- 
sirables. On  tait  sa  fête  le  19  mars.  Les  Inbi- 
tanls  de  Bresse  prétendent  avoir  le  cor[)s  de 
saint  Calocère  dans  leur  église  de  Sainte- 
Afre.Ceux  d'Albenga  prétendent  l'avoir  aussi 
dans  l'église  de  Sainte-Claire. 

CALPHUUNE,  confesseur  h  Rome,  en  l'an 
250,  sous  le  règne  de  l'empereur  Décc.  Il  fut 
arrêté  avec  saint  Moïse  et  ses  compagnons. 
Il  soullVit  connue  eux  courageusement  la 
prison  et  les  tourments.  11  eut  encore  un 
aulrebonheur,  celui  de  ne  pas  tomber,  comme 
plusieurs  de  ces  confesseurs,  dans  les  ei- 
reurs  de  Novatien.  Nous  ne  savons  pas  ce 
qu'il   devint.   (  Pour  plus   de  détails,  voy. 

MOSE.) 

CALVISIEN,  gouverneur  de  Sicile  sous 
Dioclétien,  lit  mourir  pour  la  foi  chrétienne 
saint  Euplius,  en  30fi-,  dans  la  ville  de  Ca- 
tane.  (Pour  plus  de  dé  ails,  voy.  Eupuus.) 

CAMÉUIN  (saint),  mariyr,  était  originaire 
de  Sardaigne.  Il  y  soulfrit  le  martyre  durant  la 
persécution  de  Dioctétien.  Il  eut  pour  compa- 
gnons de  ses  combats  les  saints  Euxore  et 
Cise.  Ils  périrent  par  le  glaive  sous  le  pré- 
sident Delphius.  L'Eglise  honore  la  mémoire 
de  ces  saints  martyrs  le  21  août. 

CAMEKINO,  ville  des  Etats  ecclésiasti- 
ques, Oli  Ton  prétend  que  saint  Venant  ou 
Venance  fut  décapité,  avec  dix  de  ses  compa- 
gnons, sous  le  règne  de  l'emp  reur  Dèce,  et 
par  ordre  d'un  juge  nommé  Antiochus.  Quel- 
ques auteurs,  Tiliemont  entre  autres,  ont 
prétendu  à  tort  que  le  martyre  de  saint  Ve- 
nant eut  lieu  en  Sicile.  Cette  erreur  est  le 
résultat  d'une  confusion.  Ce  fut  dans  cette 
ville  et  aussi  sous  le  même  juge  que,  durant 
cette  persécution  de  Dèce,  saint  Anastase  et 
ses  compagnons  furent  mis  à  mort  pour  la 
foi. 

CAN  (  François-Xavier  ),  catéchiste  ton- 
quinois,  fut  étranglé  en  l'honneur  de  la  re- 
ligion chrétienne  le  30  novembre. 

CANADA  et  LOL'ISIANE.  Ces  deux  con- 
trées forment  une  pariie  assez  considérable 
de  l'Ainér  que  du  Nord.  Le  Canada,  qui  ap- 
partint longtemps  à  la  France  ,  est  mainte- 
nant une  possession  de  l'Angleterre.  La 
Louisiane  fait  maintenant  partie  des  Etats- 
Unis  a'Amérique.  Anciennement  ces  deux 
pays  étaient  connus  sons  la  dénomination  de 
Nouvelle-France  ;  les  pi-emiers  missionnai- 
res y  vinrent  en  1625.  Jusqu'en  1032,  l'é- 
tude obligée  de  la  lai-gue  des  haoïtants,  de 
leu'is  mœurs,  de  leuis  usages,  de  leurs 
croyances,  fit  qu'on  se  borna  en  quelque 
sorte  à  préparer  la  mission.  A  cette  époque 
elle   commença  k  fructifier.  Plus  tard ,   la 


CAN 


Mi 


compagnie  formée  pour  coloniser  la  Nou- 
velle-France,  persuadée  que  les  religieux 
mendiants  ne  convenaient  pas  chez  un  peu- 
I)le  qui  manquait  sou\ent  du  nécessaire,  at- 
tribua enlièreinenl  cette?  mission  aux  Jésui- 
tes. Elle  devint  extrêmement  lloriss.intf,  et  de 
très-nombreuses  conversions  s'opérèicnt.On 
fixa  le  centre  des  travaux  apostolupies  chez 
les  llurons  ,  h  Joulmtiri  ,  au  |  oste  des  trois 
rivières  au-dessus  de  Québec,  et  à  'J'adoussac. 
On  forma  à  Québec  un  collège  destiné  h  ins- 
truire les  jeunes  indigènes.  Les  mission 
naires  voyaient  le  succès  bénir  leurs  tra- 
vaux, en  dé|)it  des  intrigues  des  Anglais  et 
des  Hollandais,  (jui,  par  haine  des  Français 
et  du  christianisme  ,  faisaient  tous  leurs  ef- 
forts pour  ei  traver  les  travaux  des  mission- 
naires, et  pour  armer  les  unes  contre  les  au- 
tres les  tribus  au  milieu  desquelles  ils  al- 
laient prêcher  l'Evangile.  Ce  fut  surtout  aux 
Jroquois  qu'ils  inspirèrent  cette  haine  qui  les 
animait.  Le  p.uple  devint  l'instrument  fé- 
roce de  leurs  vengeances. 

En  lG'i-2  ,  les  Iroquois  surprirent  les  piro- 
gues qui  ramenaient  de  Québec  le  P.  Joynes 
et  son  escorte.  Un  Français,  Guillaume  Cou- 
ture, fut  mulilé;  René  Goupil,  tué  d'un  coup 
de  hachd  après  d'horribles  tortures;  Joynes, 
horriblement  mutilé,  ne  dut  son  salut  qu'à  un 
oificier  hollandais  qui  le  délivra.  En  1044-,  le 
P.  Bressani,  étant  tombé  entre  leurs  mains  , 
fut  d'abord  rudement  bâtonné;  puis  ensuite 
on  lui  fendit  la  main  gauche  dont  on  abattit 
le  pouce,  avec  deux  doigts  de  la  dioite.  On 
lui  briila  Is's  ongles.  On  lui  remplit  la  bou- 
che d'excréments  humains.  Après  beaucoup 
d'autres  tortures,  on  le  vendit  à  des  Hollan- 
dais, qui  le  renvoyèrent  en  Europe,  d'oii  il 
repartit  bientôt  après  pour  recommencer  ses 
travaux  apostoliques  au  milieu  de  ceux  qui 
l'avaient  martyrisé.  Le  17  octobre  16i6,  le  P. 
La  Lande  et  le  P.  Joynes,  qui  était  aussi  re- 
venu sur  le  théâtre  de  ses  premiers  combats, 
furent  tous  deux  martyrisés. 

Le  4  juillet  1048,  la  peuplade  des  Agniés 
envahit  la  bourgade  de  Saint-Joseph,  elle 
P.  Antoine  Daniel  est  criblé  de  flèches  et 
meuft  victime  du  dévouement  qui  l'a  porté  à 
se  jeter  au-devant  des  ennemis  [)0ur  les  re- 
tarder, et  pour  donner  le  temps  à  ses  chers 
néophytes  de  prendre  la  fuite.  Le  16  mars 
164-9,  ce  fut  le  tour  des  bourgades  de  Saint- 
Ignace  el  de  Saint-Louis.  Jean  de  Brébeuf 
et  Gabriel  Lallemand  furent  horriblement 
martyrisés.  En  décembre  suivant,  la  bour- 
gade de  Saint-Jean  fut  surprise  par  les  Iro- 
quois, et  le  P.  Garnier  cueillit  la  couronne 
du  martyre.  Un  Huron  apostat  tua  dans  cette 
circonstance  Noël  Chabanel.  En  1652  ,  le  P. 
Jacques  Bateux  tomba  sous  les  balles  des 
Iroquois,  le  10  mai.  Le  P.  Poncet  fut  pris 
l'année  suivante  et  mutilé.  Bientôt  après,  le 
P.  Carreau  fut  couronné  pai'  le  martyre  en 
revenant  de  Québec  avec  une  troupe  de  Mu- 
rons. 

Nous  trouvons,  le  24-  août  1724,  le  martyre 
du  P.  Rasles,  tué  par  les  Anglais,  et  traité 
par  eux  d'une  façon  plus  révoltante  que  ne 
l'auraient  pu  faire  les  sauvages  eux-mêmes. 


È\^ 


CAN 


CAN 


51« 


Le  P.  du  Poisson  ,  rencontré  par  un  chef 
natchez ,  le  28  novembre  1729,  eut  la  tète 
tranchée  d'un  coup  de  hache.  Jean  Souel , 
missionnaire  chez  les  Yasous,  fut  tué  à  coups 
de  fusil  en  passant  une  rivière.  Bientôt  après, 
ce  fut  le  tour  du  P.  Doutreloau,  jésuite  mis- 
sionnaire chez  les  minois.  S'il  ne  fut  pas  tué, 
il  ne  le  dut  qu'à  la  protection  divine  :  cou- 
vert de  blessures,  il  gai^na  la  Nouvelle-Or- 
léans. Le  P.  Sénat  fut  pris  et  brûlé  quelque 
temps  après  (>ar  les  Natchez. 

CANCER  (le  bienheureux  Louis),  de  la 
compagnie  de  Jésus  ,  après  avoir  évangélisé 
pendant  près  de  trente  ans  les  indigènes 
de  l'Amérique,  se  dirigea  enfin  vers  la  Flo- 
ride. Les  indigènes ,  furieux  des  horreurs 
commises  chez  eux  par  les  Euroi.écns , 
avaient  résolu  de  ne  souffrir  la  venue  d'au- 
cun Espagnol  parmi  eux.  Trompés  par  le 
langage  de  notre  l)ienheureux  et  le  prenant 
pour  un  do  leurs  persécuteurs,  ils  regorgè- 
rent; ensuite  ils  le  mangèrent  après  l'avoir 
fait  rôtir  et  coupé  par  morceaux.  (OEuvres 
de  don  Barthélemi  de  Las  Casos,  t.  I,  p.  159.) 

CANDALH,  missionnaire  en  Cochinchine, 
y  mourut  de  misère  et  de  privations  ,  avec 
M  Vial'e. 

CANDIDE  (saint),  martyr,  fut  un  des  com- 
pagnons du  glorieux  martyre  de  saint  Mau- 
rice ,  qui  fut  immolé  pour  la  foi  près  d'A- 
gaune,  avec  la  légion  qu'il  commandait,  par 
la  cruauté  de  Maximien.  Candide  était  un  des 
officiers  de  cette  légion.  Il  est  qualifié  sé- 
nateur des  troupes  ;  nous  Tie  savons  pas  ce 
que  ce  titre  signifie.  La  légion  Thébéenne,  en- 
tièrement composée  de  chrétiens,  se  rendait, 
suivant  l'ordre  qu'elle  avait  reçu  de  Dioclé- 
tien,  d'Asie  en  (îaule,  pour  y  faire  la  guerre 
sous  les  ordresde  Maximien,  collègue  que  cet 
empereur  s'était  donné.  A  quatorze  milles 
environ  du  lac  Léman,  l'cirmée  se  trouvant 
réunie  ,  Maximien  ordonna  qu'elle  offrirait 
un  sacrifice  aux  dieux  pour  se  les  rendre 
propices.  Mais  la  légion  Thébéenne,  ne  vou- 
lant pas  prendre  part  à  cette  cérémonie 
païenne ,  se  retira  près  d'Agaune  ,  aujour- 
d'hui Saint-Maurice,  en  Suisse,  et  de  là  écri- 
vit à  l'euipereur  une  lettre  dans  laquelle  elle 
prolestait  contre  la  violence  qu'on  voulait  lui 
lajre.  Maxiraien,  au  comble  de  la  i'ineur,  fit 
d'abord  décimer  la  h'-gion  ,  et  voyant  que  co 
qui  restait  était  inébranlable  dans  la  foi ,  il 
fît  tout  mettre  <i  mort,  officiers  et  soldats. 
Candide  fui  une  de  ces  généreuses  victimes 
qui  se  sacrifièrent  h  Jésus-(Jhrist.  Sa  fè(e  est 
célébrée  par  l'Eglise,  avec  celle  de  saint  Mau- 
rice et  de  ses  compagnons,  lo  22  septembre. 
{Voy.  Maurice.) 

CANDIDE  (saint),  martyr,  mourut  en  con- 
fos'-ant  sa  foi  h  Sebaste  en  Arménie,  avec 
saint  Cyrion  et  un(;  (juaranlaine  d  auties  sol- 
dats caf)pa:lociens  dont  hss  noms  sonl-incon- 
nus.  Ce  fut  sous  r(,'m|)ereur  Licinius  que  le 
juge  Agricolaijs  Iciu-  fit  subir  de  cruels 
loujiiienls.  A(>i'Cs  avoir  enduré  l(!s  chaînes 
et  les  [)risons  pleines  d'infecliou,  après  avoii- 
eu  le  visag»;  meurtri  de  nierr«îs,  ils  furent , 
d.iMs  \i;  teinps  d(!  l'hiver  le  plus  rigoureux  , 
(iî\pos6s  nua  ii  l'air,  durant  une  nuit  entière, 


sur  un  étang  glacé,  où  le  froid  les  pénétra  de 
telle  sorte  que  leurs  corps  s'ouvraient  de 
toutes  parts;  enfin  on  leur  brisa  les  jambes, 
et  ils  achevèrent  ainsi  leur  martyre.  Saint 
Basile  et  plusieurs  autres  Pères  ont  célébré 
dans  leurs  écrits  la  gloire  de  ces  saints  mar- 
tyrs. L'Eglise   solennise  leur  fête  le  9  mars. 

CANDIDE  (saint) ,  niartyr,  souffrit  le  mar- 
tyre en  Afrique  avec  les  saints  Faustin,  Lu- 
cius,  Célien,  Marc,  Janvier  et  Fortunat.  (Voy., 
pour  plus  de  renseignements  ,  l'article  Faus- 
tin.) 

CANDIDE  (saint) ,  souffrit  le  martyTe  à 
Alexandrie  avec  saint  Pipérion  et  vingt  autres 
dont  on  ignore  les  noms.  L'Eglise  fait  leur 
fôte  le  11  mars. 

CANDIDE  (saint),  martyr,  fut  martyrisé  à 
Rom  ,  au  quartier  de  Sainte-Bibiane.  On 
ignore  la  date  et  les  circonstances  de  son 
martyre.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  3  oc- 
tobre. 

CANDIDE  (saint) ,  martyr,  versa  son  sang 
pour  Jésus -Christ,  à  Rome,  avec  les  saints 
Lucius,  Rogat  et  Cassien.  On  n'a  aucun  i  en- 
seignement sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  fôle  le 
1"  décembre. 

CANDIDE  (  saint) ,  martyr,  eut  l'avantage 
de  donner  son  sang  pour  Jésus-Christ ,  à 
Rome,  avec  les  saints  Fortunat,  Firme  et  Fé- 
licien. Ils  cueillirent  ensemble  la  palme  du 
martyre.  L'Eglise  les  honore  le  2  février. 

CANDIDE  ,  femme  romaine  ,  qui  eut  l'af- 
freux malheur  de  sacrifier  aux  idoles  sous 
la  persécution  de  Dèce,  après  avoir  montré, 
avec  Numérie ,  aussi  sa  compagne  d'aposta- 
sie, un  zèle  ardent  et  une  grande  charité  à 
l'égard  des  confesseurs  de  Carthage  venus  à 
Rome.  L'une  des  deux  était  sœur  de  saint 
Célerin,  lequel  écrivit  au  confesseur  Lucien, 
afin  d'obtenir  que  ces  deux  femmes  ren- 
trassent dans  la  paix  de  l'Eglise.  On  sait  que 
Lucien  lui  écrivit  que  les  martyrs  leur  avaient 
accor.ié  la  paix  ,  à  la  condition  qu'après  l'o- 
rage de  la  persécution  elles  iraient  exposer 
leur  cause  à  l'évèque,  et  feraient  Vexomolo- 
gcsc.  {Voij.  l'article  Célekin.) 

CANDiDE  (sainte),  martyre,  était  femme 
de  saint  Artème  de  Rome.  Ils  furcMit  conver- 
tis à  la  foi,  avec  leur  fille  Pauline, par  les  mi- 
racles et  les  discours  de  saint  Pierre  l'Exor- 
ciste. S'étant  tous  liois  fait  bajjtiser  pai- saint 
Marcellin,  prêtre,  Arlème  fut  ciéchire  à  coups 
de  fouets  garnis  do  |)  omb,  puis  décapité  par 
l'ordre  du  juge  Sérène.  Candide  et  Pauline 
ayant  élé  jelées  dans  une  grolle,  y  furent  ac- 
cablées de  pierres  et  de  terre.  L'Eglise  fait 
leur  im-moirc!  le  0  juin. 

CANDIDE  (sainte),  martyre,  eut  l'avantage 
do  mourir  pour  la  foi  d(;  Jisus-Chi  ist  à  Car- 
Ihage,  sous  l'empereur  Maximien.  Elle  endura 
des  tournieiits  si  cruels,  (jue  tout  sou  co.ps 
était  couvert  de  plaies.  C'est  ainsi  (pi'clle  re- 
cul la  coui-oniie  du  martyre.  On  ignoi-e  la 
dali'  précise  de  son  martyre.  L'Eglise  l'ho- 
nore le  20  sepl(Miibre. 

(L\N<ll)li,  espèce  de  carcan  composé  de 
deux  ais  fort  pesants  et  échancrés  vers  lo 
milieu  de  leur  union  ,  oi^i  esl  inséré  le  cou 
de  celui   qu'on  u  (•oiidanuié  h  cette  peine. 


517 


CAN 


CAP 


51« 


C'est  un  instryment  de   supplice    employé 
chez  les  Chinois. 

CANOSA,  dans  la  Fouille,  est  célèbre  dans 
les  annales  dos  martyrs  ,  par  les  souflVaneos- 
qu'y  endura  l'évoque  Sabin  en  confessant  sa 
foi.  On  ignore  à  quelle  époque. 

CANT  (saint),  martyr,  soullVit  la  mort  [)Our 
Jésus-Christ  au  bourg  San-Cantiano  {Aqnœ 
Gradalœ),  en  30'i- ,  durant  la  persécution  de 
Dioclélien,  avec  son  frère  saint  Caution,  sa 
sœur  sainte  Canlianillo,  et  saint  Protus,  son 
précepteur,  (  Pour  plus  de  détails, t?o//.  Can- 
TiEN.)  La  fête  de  tous  ces  saints  arrive  le 
31  mai. 

CANTIANILLE  (sainte),  martyre,  sœur  des 
saints  Cant  et  Cantien,  fut  mise  à  mort  avec 
eux,en3()i,sous  l'empire  de  Dioclélien. (Fo//. 
Cantien.)  La  fête  de  tous  ces  saints  a  lieu  le 
31  mai. 

CANTIDE  (saint),  martyr,  était  Egyptien. 
11  mourut  pour  la  foi  clnétienne  avec  ses 
deux  compatriotes  Cantidien  et  Sobel.  On  n'a 
aucun  détail  sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  sainte 
mémoire  le  5  aoAt. 

CANTIDiEN  (  saint) ,  martyr,  eut  la  gloire 
de  mourir  pour  Jésus-Christ  avec  les  deux 
Egyptiens,  ses  com[)atrioles,samt  Cantide  et 
saint  Sobel.  Le  Marlyrologe  romain  ne  dit 
rien  sur  eux,  ne  donne  aucun  détail.  L'Eglise 
honore  leur  glorieuse  mémoire  le  5  août. 

CANTIEN  (saint),  martyr,  donna  sa  vie  pour 
Jésus-Christ  en  30'i- ,  avec  saint  Cant ,  son 
frère ,  et  sainte  Cantianille ,  sa  sœur.  Ils 
étaient  de  la  famille  des  Anices  ,  à  Rome , 
l'une  des  plus  célèbres  de  la  ville ,  tant  par 
son  ancienneté  que  par  ses  richesses.  Ils 
étaient  parents  de  l'empereur  Carin  :  Protus 
les  avait  instruits  dans  la  foi  évangélique. 
Quand  la  persécution  de  Dioclélien  eutcom- 
men^îé  à  ensanglanter  l'Eglise,  ils  se  retirè- 
rent de  Rome  à  Aquilée  ,  pensant  y  trouver 
la  tranquillité  ;  mais  ils  avaient  compté  sans 
la  rage  des  tyrans  :  des  ordres  les  y  avaient 
précédés.  Quand  ils  y  arrivèrent,  Sisinnius,  gé- 
néral des  troupes  qui  y  tenaient  garnison,  et 
Dulcidius  ,  gouverneur  de  la  province  ,  n'é- 
taient occupés  jour  et  nuit  qu'à  poursuivre  et  à 
arrêter  les  fidèles  :  les  prisons  en  étaient  rem- 
plies. Dès  qu'ils  surent  la  venue  de  nos  saints, 
ils  leur  envoyèrent  l'ordre  de  se  présenter 
pour  sacrifier  :  en  même  temps  ils  députè- 
rent vers  l'empereur  pour  lui  demander 
quelle  conduite  tenir  envers  des  personnes 
de  si  haute  qualité.  Les  empereurs  donnè- 
rent l'ordre  de  les  décapiter  immédiatement, 
s'ils  refusaient  de  sacrifier.  Les  saints  avaient 
profité  de  l'intervalle  qui  s'était  écoulé  ;  ils 
avaient  quitté  Aquilée,  mais  un  accident  ar- 
rêta leur  char  dans  un  bourg  nommé  Aquœ 
Gradatœ.  Sisinnius  y  vint  pour  leur  commu- 
niquer l'ordre  impérial  :  il  mit  tout  en  œu- 
vre ,  mais  inutilement ,  pour  les  engager  à 
l'obéissance.  Les  saints  furent  inébranlables, 
et  dirent  que  jamais  ils  ne  quitleraient  leur 
sainte  religion.  Ils  furent  décapités  avec  Pro- 
tus, leur  maître  spirituel,  qui  avait  été  chargé 
de  leur  éducation.  Un  ecclésiastique  du  lieu, 
nommé  Zoélus,  embauma  leurs  corps,  et  les 
plaça  tous  dans  le  môme  tombeau.  Depuis  , 


le  bourg  ({'Aquœ  Gradatœ  se  nomme  San- 
Cantiano.  L'Kglise  fait  la  fêle  de  ces  saints 
martyrs  le  31  mai. 

CÀNTOVA  (le  bienheureux),  missionnaire 
do  la  com{)agnie  de  Jésus  ,  partit  do  Coua- 
ham  (  îles  iVlariannes)  avec  le  1\  Walter,  le 
2  février  1731  ,  et  ils  arrivèrent  le  2  mars  à 
l'uiu;  des  Carolines  qu'ils  évangélisèrcsnl  en- 
semble durant  trois  mois.  Sur  ces  entrefaites, 
Walter  étant  retourné  aux  Maria'in(!salin  de 
s'y  munir  des  choses  nécessaires  à  la  sub- 
sistaïKMs  dont  on  manquait  com|)létement  au 
lieu  où  ils  étaient,  notre  saint  laissa  ses  com- 
pagnons à  Falalep,  alla  de  garder  la  maison, 
et  suivi  de  deux  soldats  et  d'un  intcrptètc, 
se  rendit  à  l'île  de  Mogmog,  où  il  diivail  bap- 
tiser un  néo{)hyle.  A  peine  y  ful-il  arrive^  ; 
que  les  indigènes  se  jetèrent  sur  lui  et  le 
percèrent  de  trois  coups  de  lance.  Ils  dé- 
j)Oiiillèrent  ensuite  le  cadavre,  retendirent 
sur  une  natte  et  l'enterrèrent  sous  une  [)c- 
lite  maison ,  sépulture  honorable  du  reste, 
qu'ils  ne  donnent  qu'aux  [)rincipai;X  de  leur 
île.  Les  trois  compagnons  de  Cantova  ayant 
étémassacrésde  la  mêmemanière,  leurs  corps 
furent  mis  dans  une  barque  et  abandonnés 
au  gré  (les  flots. 

CAPELLA.  Voy.  C/Ecilfus  Capiîlla 
CAPITON  (saint),  martyr,  était  évêque  dans 
la  Chersonèse.  Il  eut  la  gloire  de  mourir  pour 
la  défense  de  la  religion  avec  les  évêques 
B  isile,  Eugène,  Agalliodore,  Elpide,  Klhère, 
Nestor  et  Arcade.  L'époque  où  eut  lieu  leur 
martyre  est  complètement  inconnue.  L'Eglise 
fait  leur  fête  le  k  mars. 

CAPITON  (saint),  martyr,  reçut  la  palme 
de  combattant  pour  la  foi  avec  saint  Menée. 
On  ignore  le  Heu,  la  date  et  les  circons- 
tances de  leur  martyre.  L'Eglise  célèbre  leur 
mémoire  le  24  juillet. 

CAPOUE,  VuUiirnum,  puis  Capua,  ville  si- 
tuée dans  le  royaume  de  Naples  (Terre  de 
Lauour).  Son  premier  martyr  est  saint  Pris- 
que,  qui  avait  été  disciple  de  Jésus-Christ , 
et  qui  fut  mis  à  mort  sous  la  persécution  de 
Néron. 

CAPPADOCE,  région  considérable  de  l'A- 
sie Mineure,  correspond  aujourd'hui  à  une 
partie  des  pachalikcs  de  Siwas  et  de  Cara- 
manie.  Elle  fut  le  siège  de  diverses  per- 
sécutions endurées  par  les  chrétiens.  (  Voy. 
Césarée.)  Soiis  l'empereur  Septime  Sévère, 
Claudius  Herminianus ,  gouverneur  de  ce 
pays,  en  haine  de  ce  que  sa  femme  avait  été 
convertie,  fit  endurer  une  violente  persécu- 
tion aux  disciples  de  Jésus-Christ.  Il  en  força 
malheureusement  plusieurs  par  la  violence 
des  tourments  à  renoncer  à  leur  foi.  Frappé 
par  Dieu  d'une  maladie  terrible,  il  comprit 
la  [mnition  qui  lui  était  envoyée,  et,  suivant 
Tertullien,  mourut  presque  chrétien.  Sous 
Maximin  P',  le  gouverneur  de  cette  pro- 
vince, nommé  Sérennieu  [Mlius  Serennia- 
nus  ),  y  persécuta  très-violemment  les  chré- 
tiens. C'est  saint  Firmilien,  évêque  de  Césa- 
rée ,  qui  nous  l'apprend  dans  une  lettre 
adressée  à  saint  Cyprien.  (  Pour  voir  ce 
fragment,  voy.  Maximin.)  Les  peuples  de 
cette  contrée  étaient  à  cette  époque  excessi-- 


519  CAR 

vement  irrités  contre  les  chrétiens ,  aux 
quels  ils  attribuaient  les  famines  et  les  trem- 
blements do  terre  qui  avaient  désolé  leur 
patrie  et  les  contrées  voisines.  Nous  croyons 
que  c'est  sous  ce  rè^^ne  qu'il  faut  mettre  le 
martyre  de  saint  Thespèce,  que  nous  trou- 
vons au  Martyrologe  romain  comme  ayant 
eu  lieu  en  Cappadoce,  sous  celui  de  Tempe- 
reur  Alexandre. 

CAPRAIS  (saintj,  martyr,  eut  le  bonheur 
de  donner  sa  vie  pour  Jésus-Christ,  sous  le 
règne  des  emjjereurs  Dioclélien  et  Maxi- 
mien, dans  la  ville  d'Agen,  sous  le  gouver- 
neur Dacien.  Voici  ce  que  nous  trouvons  re- 
lativement à  lui  au  Martyrologe  romain , 
sous  la  date  du  iîO  octobre,  jour  auquel  l'E- 
glise célèbre  sa  fête.  Ce  saint  s'était  caché 
dans  une  caverne,  fiour  éviter  la  fureur  de 
la  persécution  qui  sévissait  contre  les  chré- 
tiens. Ce  fut  dans  cette  retraite  qu'il  apprit 
que  sainte  Foi  avait  soulfert  couragense- 
nient  à  Ageu,  et  avait  donné  sa  vie  pour  Jé- 
sus-Christ. Animé  d'une  sainte  ardeur,  et 
brûUni  de  cueillir  la  njème  couronne,  il  pria 
Jési  s  Christ  de  lui  montrer,  en  faisant  sor- 
tir de  l'eau  claire  des  rochers  de  la  caverne, 
s'il  le  jugeait  digne  de  mourir  pour  lui.  Ce 
miracle  ayant  eu  lieu,  saint  Capi-ais  se  ren- 
dit au  lieu  où  étaient  les  persécuteurs,  et 
ayant  soutenu  avec  un  grand  courage  l'in- 
terrogatoire qu'on  lui  tit  subir,  reçut  la 
palme  glorieuse  qu'il  venait  conquérir  par 
l'ordre  formel  de  Dieu. 

CAUACALLA,  lils  de  Sévère,  monta  sur 
le  trône  en  211,  et  fut  tué  par  Macrin,  qui 
lui  succéda  en  217.  Sous  le  règne  de  ce 
j)rince,  la  [)ersécution  allumée  par  Sévère 
dura  encore,  du  moins  dans  quelques  pro- 
vinces de  l'empire,  s'il  est  vrai  q"e  ï Avis  de 
Terlullien  à  Scapula  ait  été  écrit  après  la 
mort  de  cet  empereur  ;  et,  certes,  il  y  parle 
en  des  termes  qui  font  i)résumer  que,  non- 
seulement  Sévère,  mais  aussi  Caracalla  son 
lils,  ne  régnaient  déjà  plus.  «  Le  père  d'An- 
tonin  (Sévère),  dit-il,  a  eu  quel([ue  considé- 
ration pour  les  chrétiens »  El  plus  bas  : 

«  Sévère  a[jprenant  que  quelques  personnes 
de  qualité  faisaient  profession  du  christia- 
nisme, il  ne  leur  lit  aucun  mauvais  traile- 
ruent »  Et  auparavant  il  avait  fait  men- 
tion du  proconsul  Asper,  que  Dodwel  lui- 
même  avoue  en  avoir  (exercé  la  charge  en 
Afrique,  sous  l'empire  de  Caracalla.  Voici 
donc  comme  'l'erlidlien  parle,  dans  cet  ou- 
vrage, de  la  persécution  qui  paraissait  être 
alois  fort  échaulfée  :  «  On  ne  nous  voit  j)oint 
trembler  à  la  vu»;  des  tourments,  parce  que 
nous  n'.iv  ns  embiassé  la  religion  que  nous 
professons  qu'à  condition  que  nous  serions 
toujours  prêts  à  combattre  contre  vos  injus- 
tes "violences  ;  c'est  uii  engagement  que  nous 

avons  pris  en  nous  laisant  chrétiens En 

effet,  votre  cruauté  et  notre  |)al.ience  se  d  s- 

putent  tour  à  tour  la    victoiie »  On  ap- 

[ireiid  du  même  auteur,  ([ue  la  persécution 
se  fiiisiiit  aussi  s(;ntir  dans  les  autres  pr(j- 
vinces,  mais  mo  ns  viv(;mei.t  qu'en  Alriijue, 
car  on  se  coi.leulail  là  d'êgoiger  les  chré- 
tieas,  et  ici  ou  les  brûlait  tout  vils.  El  qu'on 


CAR 


520 


ne  nous  objecte  pas  que  Caracalla,  nourri 
d'un  lait  chrétien,  comme  parle  Tertullien, 
n'avait  garde  de  s'élever  contre  une  religion 
qu'il  avait  sucée  avec  cette  première  nourri- 
ture ;  car,  outre  que  ce  prince  pouva't  bien 
n'avoir  aucune  part  à  toutes  les  violences 
qu'on  exerç  ut  alors,  c'est  (pi'on  ne  se  per- 
suadera jamais  que  le  plus  infAme  de  tous 
les  hommes,  et  dont  1  s  mœurs  étaient  si 
éloignées  de  la  pureté  de  celles  des  chn-- 
liens,  leur  ait  été  favorable  en  considération 
de  leur  religion.  (Ruinr.rt,  Disc,  préliin.) 

CARADOC  ou  CuADoc,  hls  d'Alain,  prince 
du  pays  d'Holy-Weell,  étant  devenu  éper- 
dument  amoureux  de  sainte  Wéréi'ride,  qui 
était  abbesse  du  monastère  de  Gulh  irin,  et 
n'ayant  pu  l'amener  à  lépondie  à  ses  infA- 
mes  désus,  lui  coupa  la  tète  comme  elle 
cherchait  à  se  réfugier  dans  l'église  que  saint 
Beuiion  avait  fondée  à  Holy-Weell. 

CARALIPPE  (saint),  mait.,r,  eut  le  glo- 
rieux avantage  de  verser  son  sang  pour  la 
foi  chrétienne.  On  ignore  le  lieu  et  la  date 
de  son  martyre  ;  seulemeiit,  le  Martyrologe 
romain  nomme  ses  trois  compagnons  de 
souffrances:  saint  Aphrodise,  saint  Agape  et 
saint  Eusèbe.  C'est  le  28  avril  que  1  Eguse 
lionore  leur  sainte  et  gl  rieuse  mémoiie. 

CARAVES,  lieu  voisin  de  Saragosse  en 
Espagne,  où  Ion  prétend  (jue  saint  Polycète 
fut  martyrisé,  durant lapersécutioii de  Néron. 

CARliElRA,  missionnaire  jé>uile  en  Ab  s- 
sinie,  naquit  à  Béjà  en  Portugal.  Il  viut  en 
Afrique  sous  la  direction  de  Mendez,  pa- 
triarche d'Abyssiiiie,  que  Mélec-Segmd  avait 
demandé  au  pape  en  se  rail  ant  à  la  foi  ca- 
tholique. 11  fut  un  des  derniers  jésuites  qui 
restassent  dans  ce  pays,  lo.  sque  la  persécu- 
tion eut  chassé  ou  exl;'riniiié  la  plupait  de 
ceux  qui  y  étaient  venus  prêcher  i'orlho- 
doxie.  Avec  le  P.  Bruno,  il  s'était  mis  sous 
la  protection  de  Za-Mariam  ,  vice-roi  de 
Tomben,  qui  était  entièrement  favorable  aux 
catholiques.  Za-Mariam  ayant  été  atta- 
(jué  par  le  vice-roi  du  Tigré,  le  vainquit, 
mais  eut  le  malheur  de  tomber  dans  une  em- 
buscade où  il  fut  tué.  Lis  deux  jésuites,  se 
trouvant  sans  protecteur,  furent  pris  et  sus- 
penuus  à  oes  branches  d'arbre,  puis  la|>icJés. 
Il  est  probable  que  ce  genre  de  supplice  était 
usité  en  Abyssinie  ;  nous  le  trouvons  déjà 
ap|>liqué,  par  les  moines  du  la-,  Dembéa.  à 
Alméida,  évê(iue  de  Nie  ée  ,  et  à  ses  compa- 
gnons. La  mort  de  Cardeiia  arriva  le  12 
avril  ICiO,  sous  Je  règne  du  Négous  Basili- 
des,  violent  peiséculi'ur  de  la  loi  c  dliolii|ue. 

CARITINE  ( sainte  j,  fut  arrêtée  à  Rome 
avec  saint  Justin,  sous  Marc-Aurèle,  et  con- 
damnée, avec  ce  saint  et  sesauires  compa- 
gnons, à  être  fouettée,  |)uis  ensuite  décajii- 
tée.  L'Eglise  célèbre  sa  fêle  le  13  d'avril. 
{Voy.  J;  sTiN.) 

CARITON  (isaint),  fui  martyrisé  eu  l'iion- 
neur  ..e  Jésus-Christ.  On  le  jeta  dans  une 
fournaise  ardente  pendant  (pie  son  compa- 
gnon de  .soiilfrances,  sa  ni  Zenon,  était  pré- 
cipité dans  une  ch  ludière  pleine  de  plomb 
loiidu.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  •'{ 
sej)iembre. 


hsl 


CAR 


CAR 


b^l 


CARITON  ^saint),  l'un  dos  compagnons  du 
martyre  do  ?airU  Justin,  fut  mis  à  mort  ^ 
Romo,  sous  le  r^gno  do  Marc-Aurôlo.  Le 
préfet  Riislicus  lo  lit  fouetter,  puis  drctapi- 
ter.  L'Kyliso  fait  la  fôto  do  saint  Cariton  lo 
13  avril.  (  Voy.  JDsrm.) 

CARNATIi;  (Mrssiox  dk),  faisait  ancionnc- 
moiit  partie  de  l'Hindouslan.  Pour  on  avoir 
une  idée  préc  so,  suivons  co  (pie  disent  les 
Lettres  (Wliliantcs,  vol.  IV,  p.  9li. 

«  La  mission  do  Carn;ito  ne  so  borne  |)oint 
au  royaume  (jui  porto  ce  nom,  elle  renlermo 
encore  beaucoLi[)  de  royaumes  et  de  provin- 
ces qui  sont  contenus  dans  une  étendue  de 
pays  fort  vaste  ;  elle  embrasse  du  sud  au 
nord  plus  de  trois  cents  lieues  dans  sa  lon- 
gueur, el  environ  quarante  lieues  de  Test  à 
l'ouest,  daiis  sa  mo.ndre  largeur.  Les  prin- 
cipaux Etals  sur  loscpiels  ol'e  étend  sa  solli- 
cituiie  sont,  outre  \r.  Caruate,  lo  Visapour, 
Bijanacarou  ,  Ikkéii  ,  Golcondo;  ajoutez-y 
plusieurs  Etats  particuliers,  dont  la  i)lupart 
sont  tributaires  du  Grand-Mogol.  Carvé- 
pondy  est  la  j)remièro  église  que  les  fonda- 
teurs de  la  mission  de  Carnate  ont  établie. 
Comme  elle  est  dans  un  territoire  qui  dé- 
pend des  brahmes,  elle  est,  plus  que  toute 
autre  mission  ,  exposée  à  leur  persécution  ; 
ils  n'ont  cessé,  depuis  trente  ans,  d'inquié- 
ter les  missionnaires,  et  quoique  ()unis 
quelquefois  par  les  Maures,  qui  sont  sei- 
gneurs de  cette  contrée,  ils  n'ont  jamais 
perdu  le  dessein  de  ruiner  cette  église  et  la 
chrétienté  qui  en  dépend.  Les  seigneurs  de 
la  province  de  Counampaly  se  sont  rendus 
de  tout  temps  redoutables  aux  princes  des 
pays  voisins  ;  comme  ils  sont  voleurs  de 
profession,  iisfont  des  excursions  nocturnes, 
et  tout  devient  la  proie  de  leurs  briganda- 
ges. Malgré  cette  vie  si  criminelle,  ils  ne 
laissent  pas  que  d'avoir  des  dispositions  fa- 
vorables pour  les  missionnaires  ;  c'est  d'eux 
que  la  mission  tient  le  terrain  où  cette 
église  a  été  bâtie;  il  faut  traverser  quatre  ou 
cinq  lieues  de  bois  pour  y  arriver.  Les  néo- 
phytes qui  s'y  rendent,  dès  qu'ils  déclarent 
qu'ils  sont  chrétiens,  qu'ils  vont  faire  leurs 
prières  à  l'église  du  vrai  Dieu  ou  visiter  les 
souarnis  (c'est  de  ce  nom  qu'ils  appellent 
leurs  missionnaires),  sont  sûrs  de  n'être  pas 
inquiétés  dans  leur  marche. 

La  partie  de  la  mission  de  Carnate  qui  est 
en  deçà  des  montagnes,  regarde  ajuste  titre 
le  P.  d'Harnoncourt  pour  son  fondateur;  les 
églises  qu'il  y  a  établies  sont  des  monu- 
ments durables  du  zèle  dont  il  brûlait  pour 
la  gloire  de  Dieu  et  le  salut  des  âmes  ;  sa 
douceur,  son  humilité,  ses  manières  affa- 
bles et  prévenantes  lui  avaient  gagné  le  cœur 
des  Français  et  des  Malabares.  11  est  diflicile 
de  montrer  plus  de  courage,  plus  d'activité 
et  plus  de  tranquillité  d'àme  qu'il  n'en  a  fait 
paraître  dans  les  diverses  persécutions  qu'il 
a  eu  à  soutenu'.  Dans  la  persécution  de 
Ballabaram,  sa  douceur  charma  tellement  les 
sol  .ats  envoyés  pour  le  prendre,  que,  chan- 
gés tout  à  coup  en  d'autres  hommes,  et  se 
jetant  à  ses  pieds,  ils  lui  demandèrent  par- 
don des  violences  qu'ils  avaient  exercées  à 
DiCTiuNN.  PES  Persécutions.  L 


son  égard.  Dans  un(!  autre  persécution  où 
l'on  avait  soulevé  louti;  la  villo  contre  les 
missionnaires  et  les  cluM'ticns,  un  seul  en- 
tretien (pi'il  ont  avec  lo  cher  do  la  troupe  lui 
ouvrit  les  yeux  sur  la  divinité  et  l'oxcoll  nce 
delà  religion.  Sur  le  rapport  que  co  cliof  en 
lit  au  prince,  il  y  eut  défense  d'in(juié;er  de 
nouveau  les  (idoles.  La  célèbre  fortercss.-  ap- 
pelée Cnrnuta  a  domié  son  noir,  à  tout  le 
pays  ;  elle  est  placée  sur  umo  montagne  fort 
élevée.  On  a  bAti  une  égl  se  au  pied  de  cette 
montagne,  et  une  autre  à  Aréar,  où  l'on 
com|ite  plus  de  (juatre  mille  chi-étions  ;  c'est 
une  grande  ville  maure;  on  lui  donne  neuf 
lieues  de  circuit,  mais  ode  n'est  pas  peuplée 
à  jjroportion  de  sa  grandeur.  Le  nabab  y 
fait  son  séjour  ordinaire.  On  trouve  une  troi- 
sième église  à  Volour,  autre  ville  maure, 
également  considérable,  et  la  demeure  d'un 
nabab  différent  do  celui  d'Aréar  ;  on  y  voit 
une  forte  citadelle  qui  a  double  enceinte, 
avec  de  largos  fossés  toujours  pleins  d'eau, 
où  l'on  entretient  dos  crocodiles  pour  en 
fermer  le  passage  aux  ennemis.  Les  crimi- 
nels qu'on  condamne  aux  crocodiles  n'ont 
pas  été  plutôt  jetés  dans  ces  fossés,  (ju'à 
l'instant  même  ils  sont  mis  en  pièces  et  dé- 
vorés par  ces  cruels  animaux.  Ce  sont  les 
anciens  rois  marattes  qui  ont  construit  cette 
citadelle  ;  elle  est  encore  recommandable 
par  une  superbe  pagode  qui  fait  mainte- 
nant partie  du  palais  du  nabab. 

A  une  journée  de  Velour,  tirant  vers  le 
nord,  on  remarque  une  quatrième  église, 
bâtie  dans  une  forêt  dont  les  arbres  sont 
singuliers  ;  ils  sont  extrêmement  i/auts,  fort 
droits  et  dénués  de  toute  branche;  leur  cime 
est  chargée  d'une  grosse  touffe  de  fouilles  où 
est  le  fruit.  Ce  fruit  est  doux,  gros  comme  un 
pavie  de  France,  et  couvert  d'une  espèce  de 
casque  très-dur;  on  le  cueille  en  son  temps,  et 
on  le  met  en  terre  ;  au  bout  de  deux  mois,  il 
pousse  en  bas  une  racine  et  en  haut  un  jet  ; 
l'un  et  l'autre  se  mangent  ;  six  mois  après, 
on  coupe  certaines  feuilles  de  l'arbre,  gran- 
des comme  des  éventails,  et  qui  en  ont  la 
forme,  dont  on  couvre  les  maisons.  La  queue 
de  la  feuille  est  large  de  quatre  doigts  et 
longue  d'une  coudée  ;  quand,  après  l'avoir 
fait  sécher  au  soleil,  on  l'a  bien  battue,  elle 
ressemble  à  la  fdasse  de  chanvre,  et  l'on  en 
fait  des  cordes.  Au  tronçon  qui  reste  à  l'en- 
droit des  feuilles  qu'on  a  coupées  récem- 
ment, on  attache  des  vases  pour  recevoir  la 
liqueur  qui  en  découle  ;  celte  liqueur  est 
belle,  claire,  douce  et  rafriîchissante.  Je  ne 
le  sais  que  sur  le  rapport  d'autrui,  car  je 
n'en  ai  jamais  goûté  ;  ii  n'est  pas  permis  à 
des  sanias  ou  pénitents,  tels  que  nous  som- 
mes dans  l'idée  de  ces  peu.  les  ,  et  qui  font 
profession  de  renoncer  à  tous  les  plaisirs  de 
la  vie,  de  boire  de  cette  liqueur. 

Plus  on  s'éloigne  des  côtes  de  la  mer, 
plus  on  trouve  de  chrétiens  ré|  andus  sur  la 
surface  de  l'Inde.  Dans  la  seule  mission  de 
Carnate,  fondée  par  les  jésuites  français,  et 
qu'ils  cultivent  seuls  depuis  trente  ans,  on  a 
déjà  élevé  onze  temples  à  la  gloire  du  vrai 
Dieu.  Dans  la  chrétienté  de  Pineipoude,  des- 

17 


523 


CAR 


CAR 


52|. 


sorvif  par  (]uatre  miss^omaires,  on  compte 
iiuit  à  neuf  mille  chrétiens,  partie  choutres 
et  partie  parias  ;  le  supérieur  de  cette  mis- 
sion, le  P.  Le  (iac,  en  parcourt  continuelle- 
ment toutes  les  chrétientés  pour  voir,  ani- 
mer, régler  tout,  ainsi  qu'il  le  fait  dans  la 
vaste  partie  de  l'Inde  coniiée  à  son  gouver- 
nement. Les  brahmes  sont,  à  propieraent 
parler,  les  seuls  ennemis  dos  missionnaires; 
les  prédicateurs  de  l'Evangile  ne  pourraient 
résister  à  leur  fureur  et  au  dépit  qu'ils  con- 
çoivent en  voyant  les  progrès  de  la  foi,  si 
les  missionnaires  n'étaient  pas  manifeste- 
ment protégés  |)ar  le  nabab,  vice-roi  de  Car- 
nat'.',  et  par  le  Grand-Mogol,  qui  a  donné  dos 
ordres  très-favorables  à  la  religion. 

Pondichéry,  situé  au  milieu  de  la  côte  de 
Coromandel,^  est  conmie  le  centre  de  lumière 
qui  s.'  rédéchit  sur  la  grande  péninsule  de 
l'Inde  ;  c'est  dans  cette  ville  que  se  sont  d'a- 
bord établis  les  missionnaires  jésuites  en- 
voyés par  Louis  XiV.  «Nous  sommes  ici  cinq 
prêtres  et  deux  frères  de  notre  compagnie, 
écrivait  un  rrissionnaire,  il  y  a  plus  d'un 
siècle;  tous  y  sont  fort  occupés  :  le  P.  Dolu 
gouverne  la  paroisse  des  Malabares  ;  le  P.  de 
la  Breuille  enseigne  la  philosophie  ;  le  P. 
Turpin,  sans  interrompre  ses  travaux  pour 
la  conversion  des  idolâtres,  apprend  la  lan- 
gue latine  aux  jeunes  Français  et  Poitugais 
qui  se  destinent  à  l'état  ecclésiastique  ;  le 
frère  M.iurice  donne  des  leçons  de  lecture, 
d'écriture,  de  calcul  et  de  pilotage  aux  en- 
fants qui  se  rendent  en  grand  noud^re  à  son 
école;  le  ciel  bénit  nos  travaux.  Il  y  a  vingt- 
cinq  ans  qu'on  ne  voyait  à  Pondichéry  au- 
cun chrétien  rnalahare  ;  on  y  en  compte  au- 
jourd'hui trois  mille.  Nous  espérons,  avec 
la  grâce  de  Dieu,  de  gagner  bientôt  à  Jésus- 
Christ  plusieurs  familles  considérables  par 
leurs  castes,  et  qu'en  peu  d'années  la  plus 
grande  partie  de  ces  peuples  embrasseront 
notre  sainte  religion.  C'est  aussi  à  Pondi- 
chéiy  qui'  les  missionraires  capucins  et 
MM.  des  Missions  étrangères  ont  formé  leur 
premier  établissement  ;  ils  y  ont  chacun  une 
maison  et  une  église.  La  vie  pauvn;,  péni- 
tente, austère  des  missio-  naiies,  réduisait  à 
bien  peu  les  dépenses  nécessaires  à  leur  en- 
trelien ;  mais  il  fallait  des  jnoyens  de  pour- 
voir à  leur  subsistance  et  aux  frais  des 
voyages  longs  et  pénibles ,  [)resque  conti- 
nuels qu'ils  étaient  obligés  de  faire  pour  se 
rendre  .1  leur  destiialion.  L'honneur  de  leur 
miinstère  et  la  loi  rigoureuse  qu'ils  sélaimit 
iujposée,  exigeaient  ipi'ils  ne  reçussent  rien 
de  leurs  prosélytes,  (^u'avaierit-ils  d'ailleurs 
à  attendrie  de  la  paît  des  inlidèles  dont  ils 
venaient  attaquer  les  passions  et  les  préju- 
gés? On  ne  les  voit  recueillir,  h;  |»lus  sou- 
vent, pour  prix  d(i  leurs  travaux  el  <le  leurs 
sacrifices,  que  le  méj)ris,  la  haine  (d  les  per- 
sécutions. » 

Le  P.  .Mauduit  (t  hi  P.  «ouchet  lurent 
viole(nment  persécutés  dans  la  nn^sinii  do 
Cirnate.  (Ko//,  leurs  articles.)  Le  P.  le  <lac  y 
fut  mis  en  |)rison  par  les  Maures.  (J'oy.  son 
arliije.) 

CAIU»K  (sainlj,  évèque  de 'Ihyatires,  mar- 


tyr sous  Dèce  en  251,  fut  arrêté  pour  la  foi 
e"t  conduit  devant  le  proconsul  Valère,  qui 
avait  celte  aimée  sucrédé  à  Opiiuie.  Avec 
lui  fur.  ni  pris  aussi  Papyle  diacre,  et  leur 
domestique  Agalhodore.  Le  proconsul  , 
voyant  qu'ils  confessaient  courageusement 
le  nom  de  Jésus-Christ,  les  fit  conduire 
chargés  de  c'iaines  par  toute  la  place  pu- 
blique de  Thyalires.  Mais  les  saints,  loin 
der('garder  ce  Irailemenl  eomme  une  honte, 
s'en  fusaient  gloire.  Comme  ils  persistaient 
à  confesser  Je  nom  de  Jésus-Ch:  ist,  le  pro- 
consul fit  don  de  tout  ce  qu'ils  })Ouvaient 
posséder  à  ceux  qui  les  avaient  dénoncés, 
et  commanda  qu'on  les  attachât  sur  des  che- 
vaux Irès-rudes  pour  les  conduire  à  Sardes 
où  il  se  rendait.  Celte  fatigue  ne  les  empê- 
cha pas  de  confesser  leur  loi,  pour  la  troi- 
sième fois,  à  Sardes.  Alors  Valère  les  fit 
mettre  en  prison,  el  fit  déchirer  à  coups  de 
nerf  de  bœuf  Agathodore  qui  les  servait,  et 
qui  Ji'avait  pas  voulu  les  quitter.  Cette  fidé- 
lité el  ce  dévouement  lui  méritèrent  le  bon- 
heur d'être  associé  à  leur  triomphe.  11 
mourut  pendant  (ju'on  lui  iniligeaii  ce  tour- 
ment. Valère  ordonna  qu'on  jelàt  son  cor[)S 
aux  chiens;  mais  des  i)ersonnes  pieuses  l'en- 
sevelirent la  nuit  et  le  déposèrent  dans  une 
caverne.  Le  proconsul  croyant  que  les  deux 
saints  avaient  été  intimidés  par  le  supplice 
de  leur  domestique,  1 -s  fit  conduire  à  pied 
jusqu'à  Pergame,  où  il  se  rendait  à  cheval, 
el  au  second  jour  du  voyage,  voulant  aug- 
menter leurs  fatigues,  il  les  fit  charger  de 
chaînes.  Arrivé  dans  cette  ville,  il  (il  battre 
le  saint  évêque  avec  des  bâtons  garnis  d'é- 
pines, lui  fit  brûler  les  côtés  avec  des  tor- 
ches, et  fil  jeter  du  sel  dans  ses  plaies.  Il  le 
fit  étendre  sur  le  chevalet  où,  dans  les  plus 
grandes  violences  de  sa  douleur,  il  so.. riait 
en  disant  au  |  rocons  il  qui  lui  en  demandait 
le  motif:  c'est  que  vos  tourments  me  d(ni- 
neiit  lî  moyen  de  voir  ia  gloire  d'en  haut. 
Saiit  Papale  lul  traité  de  la  même  manièie  que 
sain!  Carpe,  ensuite  on  les  reconduisit  dans 
la  prison.  Quelques  jours  après,  on  les  cou- 
cha tout  nus  sur  des  pomtesde  fer,  on  leur 
déchira  de  nouveau  les  côtés,  et  enfin  ou 
les  jeta  dans  un  b.icher  où  ils  terminèrent 
leur  martyie.  L'Eglise  fait  leur  tête,  avec 
celle  de  sainte  Agitlionique  et  de  saint 
Agathodore,  le  l'A  avrd. 

CAKPOCKATIENS,  hérétiques  qui  furent 
connus  au  ir  siècle,  du  temps  tl'Adrien.  Us 
avaient  pour  chef  Carpocrate  d'Alexandrie  ; 
leur  secte  était  une  dérivation  de  celle  des 
giiostiques  :  ils  prêchaient  la  préexistonco 
des  âmes,  prétendant  qu'elles  avident  [)é- 
ché  dans  un  autre  monde,  et  (ju'elles  de- 
vaient l'expier  dans  celui-ci,  en  obtempé- 
rant à  tous  les  désirs  de  la  chair.  Suivant 
eux,  si  ellesiie  lefaisaienlpas,  elles  passaient 
d<ms  d  autres  corps  pour  y  satisfaire.  On 
conçoit  à  quels  excès,  â  (pielles  débauches 
devaient  airivcn'  les  carpoeraliens,  en  sui- 
vant les  consi'iiuenciis  de  leurs  jjrincines. 
La  communauté  des  femmes,  les  impudici- 
lés,  les  débauches  de  l(Miles  sortes,  étaient 
choses  habituelles  |iarmi  eux.  Saint  Irénéo 


^2t 


CAR 


\ 


(lit  quo  les  infamies  qu'ils  commeftaienf, 
étaient  telles,  (|u"on  se  refuserait  h  y  croire, 
si  elles  n'étaient  consignétis  dans  leurs  pro- 
j)res  ouvrages,  lis  se  livraient,  dans  leurs 
réunions,  h  toutes  les  abominations  (|u'ou 
reprochait  aux  chrétiens  dignes  de  ce  iiom. 
Ils  s'adon-iaienl  ;Ma  magie. On  les  confondait 
avec  les  chrétiens,  et  ceux-ci  se  ressentaient 
de  toute  la  haine  qu'on  leur  por.ait  ;  les 
carpocraticns  n'avaie-it  pourtant  rien  de 
commun  avec  eux  :  car,  comme  les  gnosti- 
ques,  ils  niaient  la  divinité  de  Jésus-Christ. 
Cette  haine  que  suscita  contre  les  vrais  dis- 
ciples du  Christ  la  contusion  qu'on  faisait 
d'eux  et  de  ces  int'Ames  héiéii(iu(vs,  fut  une 
des  causes  qui  les  lit  persécuter  sous  Adrien 
et  sous  plusieurs  de  ses  successeurs.  Peut- 
être  faut-d  en  part  e  attribuer  5  cette  haine  les 
cris  que  jioussait  [)arfois  le  peu|)le  dans 
les  assemblées,  dans  les  amphitliéàires,  pour 
demander  qu'on  fit  mouiir  les  chrétiens, 
qu'on  les  livrclt  aux  bôlfs. 

CAHPON  (saint),  martyr,  fut  égorgé  pour 
l'amour  de  Jésus-Christ,  avec  ses  deux 
frères  Evariste  el  Priscien.  Leur  sœur  For- 
tunale  fut  également  martyrisée  dur.mt  la 
môme  persécution  dj  Dioolétien.  L'Eglise 
célèbre  leur  mém  >ire  le  i't  octobre. 

CARPOPHOUE  (  saint  j,  fut  martyrisé  k 
Cai^oue,  avec  saint  Huf,  sous  les  emi)ereurs 
Dioclétien  et  >;aximicn.  Oi  n'a  aucun  dé- 
tail sur  eux,  et  l'Eglise  célèbre  leur  immor- 
tel e  mémoire  le  27  août. 

CARPOPHOUE  (s.iinl),  martyr,  était  prê- 
tre. 11  versa  son  sang  en  l'honneur  de  Jésus- 
Christ  avec  saint  Abonde,  diacre,  et  durant 
la  persécu.ion  de  Dioclétien.  Il  furent  d'a- 
bord meurtris  cruellement  de  coups  de  bâ- 
ton, puis  mis  en  prison,  avec  ordre  de  ne 
leur  don  er  ni  à  manger  id  à  boire,  ensuite 
tourmentés  sur  le  chevalet  et  remis  dans 
leur  premier  cachot  oii  ils  souffrirent  long- 
temps ;  eifii,  ils  eurent  la  tèle  tranchée. 
L'Eglise  honore  leur  immortelle  et  sainte 
mémoif  e  le  10  décemore. 

CAUPOPHORE  (saint),  martyr  à  Rome,  en 
30i,  sous  le  règne  et  duiant  la  persécution 
de  Dioclétien.  {Voy.  Quatre  Couronnés.) 

CARPOPHORE  (saint),  mourut  au  mdieu 
dessoulfrances  àCôme,  avec  les  saints  Exan- 
the,  Cassius,  Séverin,  Second  ei  Licinius.  ils 
furent  tous  décapités  en  Thonneur  de  noire 
Sauveur.  On  ignore  à  quelle  époque.  L'E- 
glise célèbre  leur  sainte  mémoire  le  7  août. 

CARRHES,  aujourd'hui  Harran,  ville  de 
Mésopotamie,  a  été  illustrée  par  le  martyre 
du  saint  patrice  Eutyche  et  de  ses  compa- 
gnons, massacrés  pour  la  foi,  par  Evélid,  roi 
des  Arabes. 

CAR  j  ÈRE  (saint),  était  habitant  d'Edesse. 
Il  fut  mis  à  mort  pour  la  défense  de  la  foi, 
sous  l'empereur  Licinius,  avec  les  saints 
Styriaquo,  Tobie,  Eudoxe  et  Ag.Hpe.  L'Eglise 
honore  leur  mémoire  le  2  novembre. 

CARTHACiE,  Carthago  lat.,  Kupxr.^M-,  grec, 
la  cité  reine  des  rivages  africains,  la  rivale 
de  Rome,  la  patrie  d'Annibal  et  de  tant  d'au- 
tres grands  hommes  qui  disputèrent  long- 
temps l'emnire  à  la  ville  devenue  la  mai  tresse 


CAR  KâÔ 

dos  nations,  sembla  vouloir,  vaincue  sur 
le  terrain  des  combats,  se  lelever  pour  dis- 
puter encore  à  la  ville  él(;rnelle  l'empire 
spirituel  du  monde  chrétien.  Durant  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  Carthage  fut  l'un 
des  points  où  h;  christianisme  jeta  h;  j>lijs 
d'éitlal.  D'admirables  génies  y  surgirent. Ses 
riiiiuis  aujouid'luii  sont  aussi  retentissantes 
des  souvenii'S  chrétiens  que  des  souvenirs 
guerriers,  et  les  échos  endormis  du  passé, 
s'éveillent  au  nom  de  Cyprien  avec  plus 
d'orgueil  encore  qu'au  nom  d'Annibal.  Les 
premiers  martyrs  qui  aient  arrosé  de  leur 
sang  cette  terre  glorieuse,  sont  les  martyrs 
Scillitains,  saint  Si)érat,  saint  Narzal,  saint 
Ciltin,  sainte  Donate,  sainte  Vestine  el  saint(; 
Seconde.  Us  furent  mis  à  mort  sous  l'empire 
de  Sévère,  par  ordre  du  proconsul  Saturnin 
[Vigellius  Salurninas),  le  [)remier,  dit  Ter- 
tullien  dans  sa  lettre  à  Sca[mla,  qui  ail  tiré 
Ic!  glaive  en  Afrique  contre  les  chrétiens. 
Sous  le  règne  du  môme  empereur,  après  la 
mort  du  proconsul  Minucius  Félix,  Hilarien, 
gouverneur  intérimaire,  fit  martyriser  à  Car- 
thage les  saintes  Perpétue ,  Félicité,  avec 
les  saints  Sécondule  (celui-ci  mourut  en  pri- 
son), llévocat,  Saturnin  et  Sature.  Révocat 
et  Félicité  étaient  tous  deux  de  condition 
servile.  Vivia- Perpéiue  était  d'une  haute 
naissance.  Elle  tenait  à  une  des  familles  les 
plus  impoi'tantes  de  la  cité.  {Voy.  ses  Actes, 
à  son  article.)  Quelque  temps  avant,  mais 
sans  qu'on  sache  précisément  la  date,  saint 
Epictète,  saint  Second,  saint  Artaxe,  saint 
Vital,  saint  Félix,  saint  Saturnin,  saint  Ju- 
cond,  avaient  été  brûlés  vifs.  Saint  Quinte 
était  mort  en  prison.  Les  anciens  martyrolo- 
ges et  le  Martyrologe  romain  mettent  tous 
ces  saints  au  9  janvier.  Il  est  fait  mention  de 
quelques-uns  u'entre  eux  dans  les  Actes  de 
sainte  Perpétue,  au  récit  qu'on  y  trouve  de 
la  vision  de  saint  Sature. 

Celte  terre  d'Afrique,  cette  terre  aujour- 
d'hui si  désolée,  et  que  Dieu  semble  pour- 
tant vouloir  relever  de  ses  hontes  et  de  ses 
déchéances,  pour  lui  rendre  les  croyances 
qui  jadis  ffiisaient  sa  gloire,  fut,  à  toutes  les 
époques  de  nos  fastes  chrétiens,  arrosée  par 
le  sang  des  martyrs.  Sous  la  persécution  de 
l'empereur  Dèce,  Carthage  était,  grâce  à  la 
présence  de  saint  Cyprien  sur  son  siège  épis- 
copal,  comme  la  sœur  de  Rome.  Ce  saint 
prélat,  la  plus  ferme  colonne  de  l'Eglise,  don- 
nait un  lustre  prodigieux  au  pays  et  à  la 
ville  qui  avaient  le  bonheur  de  l'avoir  p  mr 
évoque  et  pour  primat.  L'Eghse  d'Afrique 
était  l'horreur  des  païens,  comme  elle  était 
l'honneur  et  l'admiration  des  chrétiens.  Aussi 
la  persécution  se  déchaina-t-elle  contre  cette 
Eglise  avec  une  violence  sans  égale.  Rogatien, 
Félicissime,une  foule  d'illustres  confesseurs, 
combattirent  pour  la  foi  dans  les  prisons  et 
dans  les  tourments.  Il  périt  dans  les  cachots 
une  foule  de  saints  martyrs,  par  ordre  du 
cruel  tyran  qui  suscitait  une  si  terrible  tem- 
pête contre  l'Eglise  du  Seigneur.  Le  mons- 
tre avait  donné  l'ordre  de  les  y  laisser  mou- 
rir de  iaim  :  cet  ordre  barbare  fut  exécuté. 
Les  saints  Victorin,  Victor,  Hérénée,  Donat, 


527 


CAR 


CAR 


t'ai 


Firme,  Vcntus,  Fracle,  Martial,  Ariston,  Ba~ 
rue,  OLiiiîto,  Janvier,  Macore,  Gallus,  et  les 
saintes  Fortune,  Crédule ,  Hérène,  Julie, 
ainsi  qu'une  foule  d'autres  que  l'Eglise  ne 
nomme  pas,  périrent  de  cette  mort  atlVeuse. 
Les  saints  Paul  et  Fortunion  périrent  dans 
les  tourments  de  la  question,  ou  immédia- 
tement après  ;  saint  Basse  expira  sous  la 
main  des  bourreaux.  La  moisson  de  saints 
et  de  saintes  fut  immense,  mais  hélas  1  les 
bles>ures  que  reçut  l'Kglise  fuient  nombreu- 
ses :  un  graMd  nombre  de  chrétiens  renièrent 
leur  foi.  (Pour  plus  di'  d  ■'lails,ro?/.CvrRiKN.) 
Sous  (ialhis,  la  iiersécution  r<'CoaHneiça, 
f^lle  fut  excessivement  violente  ;  mais  ce 
fut  surtout  sous  ^'alérien  qu'elle  le  devint 
plus  qu'elle  ne  l'avait  encore  été.  Saint  Cy- 
prien  tomba  pour  la  seconde  fois  entre  les 
m.fins  -ies  persécuteurs,  extermina  ses  jours 
si  pleins  de  gloire,  parla  m;iin  du  bourreau. 
Il  fut  décapité.  {Voy.  son  article  pour  plus 
amples  détails,  et  pour  ce  qui  a  trait  aux  dif- 
férentes phases  de  la  persécution  à  Car- 
thage.) 

CARTIER  (Anne),  ursuline  au  Pont-Saint- 
Esprit,  périt  sur  l'é-  hafaud,  le  26  juillet 
179i,  à  Orange,  avec  Thérèse  Consolon,  su- 
périeure des  Ursulines  de  Sisteron,  Claire 
Dubac  ,  'Marguerite  Bonnet,  religieuse  du 
Saint-Sacrement,  et  Madeleine-Catherine 
de  Justamon,  quatrième  martyre  du  môme 
nom  et  de  la  môme  f.unille. 

CARVALHO  (le  bienheureux  Jacques)  , 
Portugais,  de  la  compagnie  de  Jésus,  faisait 
partie  de  la  troupe  de  missionna.res  que  le 
P.  Diaz  et  le  P.  François  de  Castro  condui- 
saient au  Brésil,  à  la  suite  du  B.  Azevedo. 
Un  mois  après  le  départ  du  Saint-Jacques,  qui 
portait  ce  dernier,  Diaz  et  ses  compagnons  quit- 
tèrent Ma:Ière,a(in  de  poursuivre  la  route  vers 
le  Brésil,  avec  le  reste  de  la  Hotte.  La  tempête 
ayant  dispersé  les  navires  de  l'escadre,  celui 
que  montait  notre  bienheureux  et  ses  com- 
pagnons dévia  vers  l'ile  de  Cuba,  et  à  San- 
Yago  on  dut  l'abandonner,  à  cause  de  ses 
nombreuses  avaries.  Les  voyageurs  tnjuvè- 
rent  une  barque,  qui  les  conduisit  au  {)ort 
d'Abana,  d'où  un  navire  qu'ils  y  frétèrent 
les  transporta  aux  Açores,  au  mois  d'août 
1571.  Ils  y  trouvèrent  le  commandant  de  la 
Hutte,  Louis  do  Vasconcellos  avec  le  P.  Diaz 
et  cinq  autres  jésuites,  ({ui  les  y  avaient  de- 
vancés. L'amiral  voyant  son  monde  si  ré- 
duit, ne  conserva  (ju'un  navire,  et  ils  se 
rembarquèrent,  le  0  septeml)re  1571.  Hi(;n- 
tùl  ils  rencontrèrent  cinq  vaisseaux  dt;  iiaut 
bord  conunandés  [)arle  Béarnais  Cajuleville, 
calviniste,  (pji  avait  assisté  à  l'abordagi!  du 
Sainl-Jactjues.  Le  ccjinbat  ne  fut  pas  lo'ig, 
et  les  calvinistes  s'emparèrent  du  vaisseau 
callioli(iU(;.  Le  B.  Diaz  fut  massacré,  puis 
jeté  à  la  mer  (le  13  septembre].  François  d(! 
Castro  lOrifessail  le  pilot(!  au  moment  où  hîs 
calvinistes  monlai(,'iit  à  l'abordage,  il  lut 
inassacré.  (iasj)ard  (ioes  subit  le  même  sort. 
Le  P.  Michel,  qui  avait  (Hé  renfermé  avec; 
d'autres  durant  la  nuit,  dans  la  cabine  d(! 
Louis  de  Vasconcellos,  ayant  ji-h';  un  soupir 
guo   lui  arrachait  la  ble-î^ure  de   son    bras, 


pendant  qu'on  les  lui  liait  den-ière  le  dos, 
les  calvinistes  se  saisirent  de  lui,  et  le  jetè- 
rent à  la  mer  avec  le  B.  François  Paul.  Pierre 
Fernand  fut  également  précipité  dans  les 
flots,  et  fut  noyé  presqu'aussitôt  avec  Jean 
Alvare,  ne  sachant  nager  ni  l'un  ni  l'autre. 
Alfonse  Fernandez,  après  s'être  soutenu  sur 
les  Ilots  pendant  plusieurs  heures,  s'enfonça 
enfin  vers  minuit,  en  récitant  le  Miserere 
mei,  Deus.  Alfonse  André  Pais  se  noya  éga- 
lement ,  en  prononçant  le  saint  nom  de 
Jésus.  L'autre,  Pierre  Diaz,  fut  également 
noyé  avec  notre  bienheureux  Jacques  Car- 
valho.  Le  dernier  compagnon  de  leur  mar- 
tyre fut  Fernand  Alvare,  Portugais.  Voy.  son 
article.  (Du  Jarric,  Histoire  des  choses  plus 
mémorables,  etc.,  t.  Il,  p.  295.  Tanner,  Socie- 
tas  Jesu  usque  ad  sanguinis  et  vitœ  profusio- 
nem  militans,  p.  174  et  177.) 

CARVALHO  (Simon),  était  chargé  de  la 
chrétienté  deTanjaour,àrorient  du  royaume 
de  Maduré.  «  Ce  Père,  dit  le  jésuite  Martin, 
était  l'un  des  plus  illustres  et  des  plus  zélés 
ouvriers  de  la  province  de  Goa,  où  il  pas- 
sait, sans  contredit,  pour  le  bel  esprit  qu'il 
y  eût,  11  y  enseignait  la  théologie  avec  un 
grand  applaudissement,  n'ayant  encore  que 
trente  ans  ;  et  il  était  dès  lors  dans  une  si 
haute  réputation  de  vertu  qu'on  ne  l'appe- 
lait communément  que  le  saint  Père.  Quoi- 
qu'il s'occupût  très-utilement  au  service  du 
prochain  dans  la  ville  et  aux  environs  de 
Goa  et  de  Malabar,  il  se  sentit  vivement 
pressé  de  se  consacrer  à  la  mission  de  Ma- 
duré. Il  communiqua  son  dessein  aux  pro- 
vinciaux des  provinces  de  Goa  et  de  Mala- 
bar, et  prit  des  mesures  si  justes  avec  eux, 
qu'il  fut  incorporé  à  la  mission  de  Maduré 
avant  même  qu'on  soupçonnât  qu'il  eût 
envie  de  s'y  consacrer  et  que  personne  pût 
s'y  opposer.  Il  y  est  un  grand  exemple  de 
zèle,  de  mortification,  de  charité  et  de  toutes 
les  autres  vertus  qui  sont  le  propre  de 
l'homme  apostoliciue.  Pour  moi,  je  regarde 
comme  un  prodige  que,  étant  presque  tou- 
jours malade,  il  i)uisse  soutenir  les  travaux 
immenses  de  sa  mission.  C'est  une  chose 
extraordinaire  de  voir  la  douleur  dont  ce 
saint  homme  parait  saisi,  quand  il  arrive  des 
disgrâces  à  quelqu'une  de  nos  églises.:  il  en 
a  le  cœur  si  serré,  qu'il  ne  peut  prendre  de 
nourriture  ;  il  est  deux  ou  trois  jours  sans 
manger  et  il  dépérit  â  vue  d'œil.  Ainsi,  on 
lui  (  ache  tout  ce  ({u'on  peut  des  traverses 
dont  le  démon  ne  manque  pas  de  nous  aflli- 
ger.  Mais  Dieu  i)araît  prc.'iidre  plaisir  à  l'é- 
j)i'Ouver.  Nul  missionnaire  ne  soullre  plus 
de  peiséculions  ([..e  lui  dans  le  lieu  où  il 
travaille.  Imi  1G98,  il  eut  la  douleur  de  voir 
riiiveis(;r  uiu!  belle  église  (pi'il  venait  de  bâ- 
tir entre  la  ville  tle  Taiijaour  et  un  fameux 
tcmph;  d'idoles.  Les  prêtres  de  ce  temple 
l'avaient  viu^  s'élever  avec  un  eliagrin  mor- 
tel ;  ils  résolui-eiit  de  la  détruire,  et  voici 
l'aitilice  dont  ils  siî  servireul  :  ils  répandi- 
rent parmi  le  peiipl»;  ipie  les  dieux  de  leur 
leiii,(le  voulauMit  qu'on  uélruisit  l'église  des 
br.ihiiics  (lu  nord,  autrement  cpi'ils  aban- 
doniiaieiit    leur    demeure,    «    juirco    que, 


529  CAS 

quand  il  fallait  allor  au  travers  do  l'air,  do 
cetempln  h  la  ville  de  Tanjaour,  ils  trou- 
vaient en  clieinin  l'église  de  ers  élran^^ers, 
et  que,  leur  étant  impossible  de  passer  |)ar 
dessus,  ils  étaient  contraints,  par  uik;  force 
invisinle,  de  prendre  un  fort  lon^  détour, 
ce  qui  leur  était  trés-ineonnnode  et  les  fati- 
guait beaucoup.  «  Quelque  grossières  que 
fussent  les  plaintes  de  ces  dieux  imagi- 
naires, les  idolâtres  y  furent  sensibles  ;  ils 
s'assemblèrent  et  conclurent  d'abattre  l'é- 


CA9, 


>30 


qui  sont  inconnus.   L'Eglise   lait  leur  mé- 
moire le  20  juillet. 

CASSIEN  (saint),  martyr,  soulfrit  le  mar- 
tyre à  Rome,  avec  les  saints  Pierre,  Marcien, 
Jovin  et  plusieurs  autres  dont  le  Martyro- 
loge romain  ne  donne  pas  les  noms.  L'Eglise 
fait  collectivement  leur  fête  le  20  macs. 


CASSIEN  (saint),  fut  l'un  des  tpiarante-huit 
martyrs  mis  à  mort  avec  saint  Saturnin,  en 
Afrique,  sous  le  proconsul  AnuUn,  en  l'an 

^.^^^ _  de  Jésus-Christ  305,  sous  le  règne  et  durant 

glise  sous  les  auspices  d'un  ministre   d'E-     la  persécution  atroce  que  l'infAme  Dioclétien 
tat  qu'ils  avaient  gagné,  et  qui    était   d'ail-     suscita  contre  l'Eglise  du  Seigneur.  (Fo?/.  Sa- 


leurs'  grand  ennemi  de  notre  religion.  » 
Le  P.  Carvalho,  auquel  Mauiluit  donne  le 
prénom  de  Joseph,  h  la  dilférence  de  M.u'tin 
et  de  Petit,  qui  le  nomment  Simon,  fut  ar- 
rêté ainsi  que  le  P.  Michel  liartholdo,  dans 
une  persécution  sanglatiie  qui  s'éleva  contre 
les  chrétiens.  11  mourut  le  ik  novembre 
1701,  de  misère  et  d'épuisement,  d.ms  la  pri- 
son de  Tanjaour.  Le  P.  Barlholdo,  après 
avoir  été  tourmenté  cruellement  pendant 
plusieursjours,futreh\clié.(Henrion,vol.lV, 
p.  413.) 

CAPxVETRO,  ville  en  Toscane,  a  été  il- 
lustrée par  le  martyre  du  pape  saint  Félix  II, 
qui  V  périt  par  le  glaive. 

CÀSAL,  ville  des  Etats  Saries,  oh  reve- 
nue saint  Vas  souffrit  le  martyre  pour  la  dé- 
fense de  la  religion  chrétienne. 

CASCAR,  ville  de  Mésopotamie  frontière 
d'Arabie,  eut  pour  évêque,  sous  Sai)or  Lon- 
gue-Vie, saint  Abdas,  qui  fut  martyrisé  en 
Tan  376  ou  377  à  Lédan,  ville  du  pays  des 
Huzites.  Plus  tard,  sous  Yesdedjerd,  elle  vit 
le  martyre  de  son  évoque  Abd  ésus,  avec  ce- 
lui de  seize  prêtres,  neuf  diacres,  six  moi- 
nes et  sept  vierges. 

CASDOÉ  (sainte),  martyr^,  était  femme 
de  Saint  Dadas,  proche  parent  de  Sapor. 
Elle  souffrit  le  martyre  avec  lui  et  leur  fils 
Galidélas.  Après  avoir  été  défiouillés  de 
leurs  honneurs,  éprouvés  par  dive  s  tour- 
ments, déchirés  de  coups  et  détenus  dans  une 
longue  et  rigoureuse  prison,  ils  eurent  la 
tête  tranchée.  L'Eglise  célèbre  leur  mémoire 
le  29  septendire. 

CASIE  (sainte),  qualifiée  martyre  dans  la 
plupart  des  martyrologes  et  des  actes,  con- 
fessa généreusement  la  foi  chrétienne  à  Thes- 
salonique,  en  l'année  30i,  devant  le  juge 
Dulcélius,  avec  les  saintes  Agape,  Irène  et 
Quionie.  On  donne  les  détails  de  cette  con- 
fession dans  les  Actes  de  sainte  Agape  de 
Thessylonique.  Toutes  ces  saintes  sont  fê- 
tées par  l'Eglise  le  3  avril. 

GASSANDRE,  qualifié  pensionnaire,  dans 
les  Actes  de  sainte  Agape  de  Thessalonique, 
déféra  à  Dulcitius  ,  gouverneur  de  Macé- 
doine, en  l'an  de  Jésus-Christ  30i,  les  sain- 
tes Agape,  Quionie,  Irène,  Casie,  Philippe 
et  Eutychie,  ainsi  que  saint  Agathon,  qu'il 
avait  fait  arrêter  comme  chrétiens,  et  comme 
ayant  refusé  de  manger  des  viandes  consa- 
crées. (Voy.  Agape.) 

CASSÉE  (saint),  martyr,  souffrit  la  mort 
pour  Jésus-Christ  à  Damas,  avec  les  saints 
8a4>in,  Julien,  Macrobe,  Paule  et  dix  autres 


TL'HMN.j  L'Eglise  célèbre  la  fête  de  tous  ces 
saints  martyrs  le  H  février. 

CASSIEN  (saint),  martyr  h  Imola,  mourut, 
pour  la  foi  chrétienne,  en  l'an  de  Jésus- 
Christ  359.  Il  était  maître  d'école,  et  fut  ar- 
rêté comme  chrétien,  probablement  dans  une 
de  ces  émotions  populaires  qui,  à  l'époque 
impériale,  firent  tant  de  victimes  parmi  les 
chrétiens.  Ce[)endant  on  dit  qu'il  fut  déféré 
au  gouverneur  de  la  province,  et  que  celui- 
ci  le  condamna  à  être  tué  par  ses  écoliers, 
qui  durent  le  piquer  de  leurs  stylets  à 
écrire,  jusqu'à  ce  qu'il  fût  mort.  C'était 
doubler  son  supplice  que  de  lui  donner  pour 
bourreaux  des  enfants  dont  les  coups,  sans 
force  et  sans  vigueur,  devaient  être  redou- 
blés souvent  pour  produire  l'effet  qu'eussent 
produit  ceux  d'individus  plus  forts.  Il  fut 
mis  nu  au  milieu  d'une  véritable  armée  d'en- 
fants :  Prudence  dit  deux  cents.  Pendant  que 
c{uelques-uns  le  frappaient  avec  leurs  tablet- 
tes, et  les  lui  cassaient  sur  le  visage  et  sur 
la  tête,  les  autres  le  torturaient  de  mille  ma- 
nières h  coups  de  stylets.  Les  uns  le  pi- 
quaient, les  autres  le  déchiraient  tellement, 
qu'ils  arrachaient  des  lambeaux  de  chair; 
quelques-uns  écrivaient  sur  sa  peau.  Après 
sa  mort,  les  chrétiens  l'enterrèrent  à  Imola. 
Depuis,  ses  reliques  ont  été  mises  dans  un 
superbe  mausolée.  L'Eglise  fait  la  fête  de 
saint  Cassien  le  13  août.  Les  lecteurs  nous 
sauront  gré  de  leur  donner  ici  le  martyre  de 
ce  saint  écrit  par  Prudence,  au  livre  des 
Couronnes. 

«  Imola  est  une  ville  d'Italie,  fondée  par 
Cornélius  Sylla.  Il  y  établit  un  marché  qui 
donna  à  la  ville  le  nom  du  marché  de  Cor- 
nélius. Passant  un  jour  par  ce  lieu,  dans  un 
voyage  que  je  faisais  à  Rome,  il  me  vint  en 
pensée  que  si  j'allais  prier  sur  le  tombeau 
d'un  saint  martyr  qui  est  révéré  dans  ce  lieu, 
son  intercession  pourrait  me  rendre  Jésus- 
Christ  favorable.  Je  courus,  et  je  me  pros- 
ternai devant  les  sacrées  reliques  qui  y  re- 
posent. Mais  comme -je  mouillais  la  terre  de 
mes  larmes  dans  la  vue  de  mes  misères,  et 
que  je  repassais  en  ma  mémoire  les  péchés 
de  ma  vie,  mes  peines  et  mes  faiblesses ,  la 
douleur  que  j'en  ressentis  me  fit  lever  les 
yeux  au  ciel,  comme  pour  y  chercher  du  se- 
cours. Je  les  rabaissais  vers  la  terre,  lors- 
qu'ils s'arrêtèrent  sur  un  tableau  qui  était 
vis-à-vis  de  moi,  et  qui  représentait  le  saint. 
Il  y  paraissait  percé  de  mille  coups.  Une 
troupe  d'enfants  l'environnait,  tenant  à  la 
main  de  petits  poinçons  qu'ils  lui  enfon- 


Hôl 


CAS 


CAS 


532 


çait'iit  dans  le  corps  avec  irio  fureur  qu  ou 
aurait  ])eine  à  s'imaginer  dans  un  Age  si 
tendre  ;  c'étaient  les  poinçons  dont  ils  se 
servaient  pour  écrire  (1),  et  dont  on  avait 
armé  leurs  maius  pour  ôter  la  vie  à  leur 
maître.  Le  mouvement  qui  agitait  ces  })e- 
tits  assassins,  et  qui  était  peint  sur  leur  vi- 
sage et  dans  leur  action,  semblait  faire  en- 
tendre ce  bruit  confus  (jue  fait  d'ordinaire 
une  Iroufte  d'écoliers  mutinés,  ou  qui  sont 
hors  de  la  présence  de  ceux  qui  les  condui- 
sent. 

«  Je  m'adressai  au  sacristain,  et  je  le  priai 
de  m'apprendre  ce  que  signitiait  ce  tableau. 
II  me  répondit  en  ces  termes  :  Cette  pein- 
ture, dévot  étranger,  n'est  pas  une  ûcJon, 
ni  une  pure  idée  du  peintre  ;  c'est  une  his- 
toire véritable.  Celui  qui  e-i  est  le  principal 
personnage  était  un  maître  d'école  ;  il  se 
nommait  Cassien.  Son  habileté,  jointe  à  une 
excellente  méthode,  lui  avait  acquis  beau- 
coup d'écoliers;  car  il  savait  parfaitement 
cet  art  si  utile  et  si  commode  d'écrire  par 
des  notes  abrégées,  d'exprimer  par  un  tiès- 
petit  nombre  de  marques  un  long  discours, 
et  de  rendre  mot  pour  mot,  avec  des  points, 
les  paroles  dun  orateur,  avec  quelque  rapi- 
dité qu'il  les  prononce.  Son  air  austère,  son 
exactitude,  et  les  diilicultés  rebutantes  qui 
se  trouvent  dans  les  commencements  de 
quelque  science  ou  de  quelque  art  que  ce 
soit,  avaient  plus  d'une  fois  jeté  la  terreur, 
et  ensuite  le  dépit  et  la  colère,  dans  l'unie 
de  ces  enfants.  La  figure  d'un  maître  n'est 
pas  un  objet  qui  soit" fort  agréable  à  la  jeu- 
nesse, et  la  passion  de  devenir  savante  ne  la 
touche  guère. 

«  Il  s'éleva  en  ce  temps-là  une  tempête  fu- 
rieuse qui  ravagea  tout  le  champ  de  l'Eglise, 
et  dissipa  le  sacré  troupeau  de  Jésus-Christ. 
Le  maître  d'école  était  chrétien,  on  se  saisit 
de  lui,  on  lui  propose  de  sacrilier,  il  le  i\'- 
fuse  ;  on  ne  délibère  plus  cfue  du  genre  de 
supplice  qu'on  lui  doit  faire  soulfrir.  Quel- 
qu'un dit  :  Il  faut  faire  venir  ses  écoliers,  le 
mettre  entre  leurs  mains,  et  leur  dire  :  Te- 
nez, voilà  votre  maître  (pi'on  vous  aban- 
donne, cet  homme  qui  avait  toujours  les 
verges  à  la  main;  faites-en  ce  ({ue  vous  vou- 
drez; jouez-vous  de  la  peau  de  celui  qui  a 
si  jicu  épargné  la  vôtre;  percez,  coupez,  dé- 
chirez ce  censeur  injpitoyable  ;  que  vos 
mains  à  leur  tour  se  rougissi-nt  de  son  sang. 
Ce  sera,  ajouta  cet  homme,  une  scène  (h\s 
plus  divertissantes  qu'on  puisse  do;mer  au 
peuple,  et  nous  aurons  le  plaisir  de  voir  de 
quelle  manière  ces  enfants  se  piendront  à 
se  venger  de  leur  pédant. 

«  La  {jruposilion  plait  à  la  com|)agni(;,  (»n 
dépouille  ce  pauvre  maîtr(i,  on  lui  lie  les 
mains  derrière  le  dos,  et  en  cet  état  on  le 
livre  à  la  furein-  de  tout  un  bataillon  d'éco- 
liers ;  on  les  arme  de  poinçons  et  de  stylets, 
en  les  anime,  on  les  excite  à  bien  faire,  ils 

(1)  Soit  que  ce  fussent  des  canifs  dont  ils  t;iillai(Mit 
leui>  plumes,  ou  plulol  de  [xails  p  liuçons,  (ju'oii 
nuiiiMiail  aussi  hlyli;ls,  avec  |«;s(picis  ils  iiupriuiaii-iil 
ICb  caraclèrcs  sur  des  tables  euduiies  de  cire. 


profitèrent  très-bien  des  leçons  de  cruauté 
au'on  venait  de  leur  doimer.  Le  ressouvenir 
ues  coups  de  fou -ts  reçus  réveillant  dans  ces 
petites  Ames  le  désir  de  la  vengeance,  et  leur 
ressentiment  ayant  toute  liberté  d'agir,  on 
ne  peut  s'imaginer  en  combien  de  manières 
dilTérentes  ils  l'exprimèrent.  Ils  lui  jettent 
d'abord  à  la  tète  leurs  po.lef.'uilles  et  les  ta- 
blettes sur  lesquelles  ils  écrivaient.  Les  feuil- 
lets, faits  d'un  bois  (de  buisi  mince  et  cou- 
verts de  cire,  sont  lancés  contre  lo  visage, 
le  coupent  en  plusieurs  endroits,  en  revien- 
nent tout  sanglan  s,  tombent  et  s:'  bris  nt. 
Mais  ils  laissen:  bientôt  ces  premières  armes, 
qui  ne  font  pas  un  etlet  as^ez  |'rouq)t  ei  (|ui 
répo'iJe  à  la  grandeur  de  leur  haine.  Us  met- 
tent donc  l  urs  poinçons  en  us;)ge.  Les  uns 
s'en  servent  comme  de  dards  (]u'ils  lui  liient 
dans  les  yeux,  les  autres  lui  enfoncent  les 
leurs  bien  ava:it  dans  le  corps.  Ici  l'on  ferce 
le  martyr  de  J  sus-Chrisi,  là  on  le  décou[)e; 
ceux-ci  pénètrent  jusiju'aux  entrailles,  ceux- 
là  se  contentent  (le  faire  (le  longues  incisions 
sur  la  i)ean.  Deux  cents  mains  se  portent 
toutes  à  1 1  fois  sur  ce  corps,  et  il  s'y  fait  au- 
tant d'ouve.tures  d'où  le  sang  coule.  Il  n'y  a 
pas  de  place  [)our  tant  de  mains.  Les  blessu- 
res les  plus  sensibles  sont  celles  qui  sont 
les  moins  mortelles,  et  celui  qui  ne  fait  (pie 
j)iquer  avec  son  poinçon  est  bien  plus  cruel 
que  celui  qui  enfo'ice  le  sien  bien  avant. 
Le  premier,  autant  d(;  fois  qu'il  en  ap|)lique 
la  poinie,  renouvelle  la  douleur,  la  multi- 
plie, la  rend  en  (|uelque  sorte  perpétuelle. 
En  un  mot,  il  attaque  (;ent  fois  la  vie  sans 
l'ôter,  il  présente  cent  fois  la  mort  sans  la 
donner;  au  lieu  que  le  dernier,  en  j)Ous-ant 
son  stylet  jusqu'aux  |)arlies  nobles  est  d'au- 
tant moins  inhumain  qu'il  |)araît  l'être  da- 
vantage. Mes  enfants,  (jue  vos  mains,  s'il  se 
peut,  ne  se  ressentent  point  de  la  faiblesse 
de  votre  âge;  achevez  piom|)tement  votre 
premier  homicide;  ({ue  la  cruauté  vous  four- 
nisse [)Our  cela  des  forces  que  la  nature  ne 
vous  a  pas  encore  données.  Mais  tous  vos 
ell'orts  ne  servent  qu'à  faire  languir  le  mar- 
tyr et  à  vous  rendre  plus  cruels  en  fai-ant 
durer  plus  longtenifis  votre  crime.  Les  tour- 
ments croissent  à  mesure  que  les  bourreaux 
se  lassent.  L'un  des  plus  Agés  se  mit  à  le  rail- 
ler :  De  quoi  vous  plaignez-vous,  mon  cher 
maître,  n'est-ce  pas  vous  (jui  nous  avez  mis 
ces  poinçons  à  la  main?  Vous  nous  avez  en- 
seigné à  former  des  lettres,  (pielle  peine  n'a- 
vons-nons  pas  eue  à  l'appiendre?  Eh  bien  ! 
en  vo.là  di'-jà  plus  de  mille  ipie  nous  venons 
d'i'erire  sur  votr(î  corps.  Un  autre  ajouta  : 
Comment  èl(.'s-V(ms  lAché  de  ce  que  nous 
écrivons?  eh  1  ne  nous  faisiiïz-vous  pas  écrire 
t(uis  les  jours?  Ne  nous  avez-vous  pas  re- 
comuiandé  cent  fois  de  ne  point  demeurer 
oisifs,  mais  d(î  ne  passer  aucun  joui-  sans 
foriiuM'  ipicKpic!  hiltre,  ne  fiU-ce  ipi'un  aljiha? 
Un  ti  oi.suiiue  venait  lui  din;  :  Nous  ne  de- 
mandons pas  que  vous  nous  donniez  aujoiir- 
d'Iiui. congé,  ce  congi'  (pu;  vous  nous  avez 
rid'iisé  tant  do  fois,  et  dont  vous  étiez  si  bon 
ménager;  nous  aimons  mieux  à  présent 
écrire  que  du  nous  aller  diveitir.  Mon  mai- 


553 


CAS 


CAS 


57,4 


trt',  dirait  un  qiialri^ine,  voilh  uno  grande 
pa.j;o  que  Je  vi-'iis  dr  rifc,  il  ii'v  niaiu]iit'  ni 
})()in  s  ni  vir;:,MLs;(;uirigt!/.-la,  s'il  vous  plait, 
€l  s'il  y  a  t|u<  l(jiio  laulc,  si  1  ('!criliiii;  n'est 
■|)as  bien  formée,  si  les  ea  actèi'es  ne  sont  pas 
■assez  niai(iiiés,  que  i(vs  IV'rules,  ((ne  les  l'ouels 
ne  me  manquent  pas.  C'est  ainsi  (puî  ces  pc;- 
lits  impies,  nuManl  la  raillerie  h  la  eruanli'', 
])roeuraienl  à  leur  maître  la  coui'onne  du 
inart.^  re. 

«  Car  enfui  Jésus-Christ  eut  pitié  de  son 
serviteur,  et  rompant  les  d(M'niers  lions  (pii 
atlacliaient  encore  son  Ame  h  son  corps,  il 
lui  permit  de  sortir  de  prison.  Mille  ouver- 
tures s'empressent  ;\  lui  donner  passade. 
Voiià,  dévot  étranger,  poursuivit  le  saei'is- 
t^iin,  la  glorieuse  histoire  de  Cassien;  voilci 
ce  que  vous  admii-ez  dans  ce  tableau.  Si 
maintenant  vous  avez  quehiue  chose  à  de- 
maiuler  au  ciel,  adi-essez-vous  à  noti'e  saint, 
remettez-lui  vos  intérôls  entre  les  mains, 
con(ie/-lui  vos  vœux,  il  les  portera  sûrement 
au  trône  de  Dieu,  et  il  vous  en  rapportera, 
n'en  doutez  pas,  l'accomplissement.  Je  crus 
ce  bon  sacristain,  j'embrassai  le  tombeau,  je 
l'arrosai  de  mes  larmes,  l'ardeur  de  ma 
prière  échauffe  le  marbre  ;  rempli  d'espé- 
rance, j'expose  mes  craintes,  je  fais  ma  de- 
mande. Je  suis  exaucé,  j'arrive  à  Rome,  tout 
me  succède  selon  mes  souhaits,  je  retourne 
en  Espagne,  je  publie  le  pouvoir  de  saint 
Cassien.  » 

CASSIEN  (saint),  martyr,  cueillit  la  palme 
du  martyre  à  Rome.  Il  eut  pour  compagnons 
de  sa  gloire  les  saints  Lucius,  Rogat  et  Can- 
dide. L'Eglise  honore  leur  immortelle  mé- 
moire le  1"  décembre. 

CASSIEN  (saint),  exerçait  la  charge  de 
greffier  sous  Aurèle  Agricolan,  lieulenant  du 
préfet  du  prétoire,  en  Afrique.  C'était  lui  qui 
tenait  la  plume  et  qui  écrivait  les  réponses 
de  Marcel  dans  l'inlerrogatoire  que  ce  géné- 
reux solilat  prêta  devant  ce  magistrat,  le  3 
des  calendes  de  novembre.  Agricolan  le  pres- 
sait vivement,  et  se  servant,  pour  l'intimider, 
de  paroles  menaçantes  qu'il  prononçait  d'une 
voix  terrible,  il  semblait  qu'il  allait  lui  arra- 
cher un  lâche  et  honteux  désaveu  de  sa  foi. 
Mais  le  saint  martyr  montra  en  cette  rencon- 
tre une  fermeté  inébranlable  ;  il  protesta  tou- 
jours hautement  qu'étant  soldat  de  Jésus- 
Christ,  il  ne  pouvait  plus  porter  les  armes 
pour  un  autre  maître  ;  et  il  persista  dans 
cette  déclaration  avec  une  constance  si  hé- 
roïque, qu'il  parut  en  ce  moment  être  lui- 
même  le  juge  de  celui  qui  le  jugeait.  Agri- 
colan commençait  à  entrer  en  fureur;  et,  dé- 
chargeant sa  colère  sur  le  papier,  il  dictait 
à  son  greffier  tout  ce  qu'elle  lui  inspirait. 
Cassien  écrivit  quelque  temps  ;  mais  enfin, 
voyant  que  le  gouverneur,  quoique  vaincu 
par  les  réparties  sages  et  sensées  cie  Marcel, 
ne  laissait  pas  de  prononcer  contre  lui  la 
sentence  de  mort,  la  patience  lui  échappa.  Il 
ue  put  dissimuler  davantage  son  indignation, 
il  se  leva  brusquement  du  i)ureau  sur  lequel 
il  écrivait  ;  et,  se  récriant  de  toute  sa  force 
contre  une  si  horrible  injustice,  il  jeta  au  vi- 
sage du  tyran,  plume,  encre  et  papier.  Une 


action  de  cette  forc<î  mit  le  trouble  et  la  con- 
fusion dans  toute  rass(îmblé(>,  et  la  partagea 
(11  tlivers  sentiments.  Les  uns  étaient  dans 
j'admiratio  i,  les  autres  d.ins  la  ciainte,  tous 
dans  la  surprise  et  dans  r.illent".  Marcel 
souriait,  mais  Agricolan  frémissait  de  rage  ; 
il  descendit  tout  furieux  d(!  son  tribunal,  et 
ne  se  possédant  [injsqiKî  |)lus,  il  demanda  à 
Cass'e:i  fxmrqnoi  il  avait  ainsi  jeté  les  r<;- 
gistresàterre?Legre(lierlui  répondit  :  Parce 
que  vous  venez  de  rendre  une  sentence  in- 
iuste.  Agiicolan,  pour  n(!  se  voir  plus  exposé 
a  de  nouveaux  reproches  de  son  injuste 
cruauté,  l'envoya  en  [)rison. 

Au  reste,  la  joie  que  saint  Marcel  avait 
témoignée  par  son  sourire  provenait  d'un 
secret  pressentiment  que  le  Saint-Es|)rit  lui 
avait  donné  que  Cassien  serait  le  compagnon 
de  son  mart.vre.  En  effet,  saint  Marcel  en 
ayant  ce  jour-là  même  reçu  la  couronne  pour 
Iciquelle  il  formait  d;'puis  longtem[)S  de  con- 
tinuels souhaits,  peu  de  jours  après,  c'est-à- 
dire  le  3  des  nones  de  décembre,  le  bien- 
heureux Cassien  la  reçut  aussi  au  môme  lieu 
et  presque  avec  les  mêmes  circonstances. 

CASSIEN  DE  NANTES  (le  bienheureux), 
capucin,  fut  lapidé  en  1G38,  avec  le  bienheu- 
reux Agathange,  supérieur  des  capucins  d'E- 
gypte. {Voi/.  Agathange.) 

CASSÎUS  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi,  à  Bonn  en  Allemagne.  11  eut, 
pour  compagnons  de  son  martyre,  saint  Flo- 
rent et  [)lusieuis  autres  dont  les  noms  sont 
inconnus.  On  n'a  pas  de  détails  authentiques 
sur  euK.  L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le 
10  octobre. 

CASSIUS  (saint),  martyr,  cueillit  la  palme 
du  martyr  à  Côme,  avec  ses  saints  compa- 
gnons Carpophore,Exanthe,  Séverin,  Second 
et  Licinius.  Ils  furent  décapités.  L'Eglise  les 
honore  le  7  août. 

CASSIUS  ou  Cassi  (saint),  prêtre  et  martyr 
d'Auvergne,  fut  mis  à  mort  très-pnjbable- 
mc'nt  à  Clermont,  en  l'année  266,  à  peu  près 
quand  Clirocus,  roi  des  Allemands,  vint  ra- 
vager les  Caules,  où  il  fit  de  nombreux  mar- 
tyrs. Il  eut  pour  compagnons  de  ses  com- 
bats et  de  son  triomphe  saint  Victorin,  qu'il 
avait  converti  à  la  religion  chrétienne  {Voy. 
son  article),  et  saint  Maxime,  dont  la  vie  et 
les  actions  sont  inconnues.  Il  y  avait  autre- 
fois à  Clermont  une  église  paroissiale  qui 
portait  le  nom  de  saint  Cassi.  Ces  saints,  qui 
sont  encore  en  Auvergne  l'objet  d'une  gf  aiide 
vénération,  sont  fêtés  par  l'Eglise  le  15  mai. 

CASTANAREZ  (le  bienheureux),  mission- 
naire de  la  compagnie  de  Jésus,  ayant  été 
averti  ([u'un  cacique  des  Mataguayos  s'était 
rendu  à  Salta  pour  y  (lemandiT  un  mission 
naire,  partit  évangéliser  ces  infidèles,  avec 
un  espagnol  nommé  Azoca.  La  demande  du 
ca:jique  était  un  piége  tendu  aux  jésuites. 
Cfîstanarez  reçut  la  mort  de  la  main  de  ce 
prince  même,' et  son  compagnon  de  voyage 
fut  massacré  en  même  tem[)S.  Leur  martyre 
arriva  le  15  septembre  ilkh, 

CASTANEDA,  dominicain  espagnol,  eut  la 
tète  tranchée  pour  la  religion  chrétienne,  le 
7  novembre  1773,  dans  le  Tonquin.  11  eut, 


639 


CAT 


CAT 


S40 


CATHERINE  (sainte),  \ierge  et  martyre, 
viva  l  ;i  Aloxan  Irie  du  temps  i!o  Vi'mn  -ieur 
Max  niin  11.  Ce  fat  sous  lui  (]n'el  e  loui'o^sa 
e,éi!é  'Oiiseuient  la  foi,  eu  s  n'irraul  pour  36- 
sus -Christ.  St^s  actes  ont  éli'  folsiiit''S,  un  ne 
peut    DUC  guère  y  faire  foi.  Malgr  ■  tniit,  ce 
nom  (le  Cat hernie  a  H6  par  les  si  clés  en- 
touré d'une  telle  vénéraiion,  d  un  tel  pr  s- 
tige  de  giandeur  et  de  ()oésie,  (ju'ou  ne  [):*ut 
se  nfuser  h  croire  (|ue   la  s.fintt^  qui  la  il- 
lustre- n'ait  été  grande  parmi  celles  que  Dieu 
lit  entrer  pir  la  vertu,  |)ar  las  'Ulfrance,  dans 
la  cohorte  privilégiée  (li»  ses  élus.  Tous  ceux 
qui  ont  parlé  de  sainte  Calherihe,  méuip  les 
plus  grands  saints,  ont  aj.»uto  (luehjue  chose 
à  ce  merveilleux   qui   i'entour  .  On    dirait 
qu'à    l'envi  ils  ont  voulu  lui  faire  son  au- 
réole. S'd  faut  en  croire  saint  Basile,  Cathe- 
rine était  dnrace  royale.  Elleavait  legrandes 
connaissances.  Elle  confondit  i)lusi(urs  phi- 
losophes avec  ]es(|uels  Maximin  l'obligea  de 
discuter.  Ces  pliiloso[)hes  furent  convertis, 
et,  ayant  i^ersisté  dans  la  foi,  ils  furent  brù- 
Jés  tous  ensemble.  Ce  qu'il  y  a  ih-  certain, 
c'est  (Qu'étant  jeune  et  be  le,  possédant  cette 
douljle  couronne  (jui  fait  la  femme  reine  de 
ce  monde,  elle  la  mit  aux  pieds  du  Seigneur. 
Certes,  elle  aurait  [)u,    elle  aussi,  embellir 
son  avenir  de  beaux  rêves,  croire  à  toutes  les 
illusions  que  son  cœur  ne  manquait  pas  de  lui 
montrer.  Elle  était  riche  :  elle  avait  tout  pour 
jilaire  aux  yeux,  tout  pour  exciter  les  ambi- 
tions. La  jeune   vierge  ne  voulut  être  que 
l'épouse  du  Seigneur.   A   cette  époque  san- 
guinaire, les  [)ersécuteurs,  tigres  altérés  do 
CtU'iiage,  ne  regardaient  pas  oiî  allaient  frap- 
per leurs  fureurs.  INi  les  cheveux  ijlancs  du 
vieillard,  ni  les  grâces  de  la  j  unesse,  rien 
ne   les  arrêtait.  Les  bourreaux   prirent  Ca- 
therine et  la  mirent  toute  nue  sur  des  lout's 
garnies  de   j)oint(!S.    Mais   ipiand  on  voulut 
les  Tiire  tourner,  les  cordes  se  brisèi'ent  mi- 
raculeusement, et  la  jeune  servante  de  Jé- 
sus-Christ  fut   délivi'ée  de  ce  supplice.  Ses 
Actes  ajoutent  (ju'elle  fut  condanuiée  à  être 
déca[)itée. 

Si  l'on  s'en  rnjjporte  à  Joseph  Assémani, 
c'est  à  elle  qu'il  faet  appliquer  ce  passage 
d'Eusèbe  :  «  Il  y  avait  h  Alexandrie  une; 
vierge  chrétu'fuie,  distinguée  par  ses  ri- 
chesses et  |iar  sa  naissance'  illustre.  Elle  eut 
le  cnurage  de  résist(;r  h  la  b;utalité  ou  tyran 
Maxiuiin,  qui  se  faisait  un  jeu  diï  déshono- 
rer les  autres  femmes  de  la  ville.  I'>lle  joi- 
gnait aux  avantages  dont  elle  jo. lissait  dans 
le  iriondi',  un  savoir  peu  comuiun.  Mais  la 
vertu,  mais  la  chast«tté,  lui  i)arurent  préi(''- 
rables  à  tout.  (Juoiriue  le  lyran  n'eût  pu 
réussir  U  la  séduire,  il  ne  voulut  point  la 
condamner  h  mort;  ils  se  conttMila  de  la  dé- 
pouiller de  ses  biens  et  de  l'envoyer  en 
exil.  » 

Ainsi,  suivant  e(!  récit,  siintcî  Catherine 
n  au  ait  pas  été  mart  .i'isé(;,  elle  aurait  sim- 
pleujer*  houll'fîil  l'o.\\\  cl  peut-.'^tre  (piel(|ues 
louniKiiils  avant  d'y  êlJc  envoyé*;.  Daus  le 
viii*  siô(;le,  les  (;hréii(!n>«,  (pii  étaient  (mi 
Egypte  souujis  h  la  dominai  on  ci-uelle  des 
5aiT»sins,  uécouvrir(;nt  les  r(;li(pies  de  sainte 


Catherine.  On  les  porta  dans  le  monastère 
que  s.iirle  Hélène  avait  fait  construire  sur 
le  Sinaï  en  Ai-ahie.  Falronius,  f)ailanl  de 
cette  transi 't-o-1,  s'exprime  ainsi  :  «  Il  pst 
dit  q  e  le  corps  de  la  s;unte  fut  porté  par 
des  ai'ges  sur  le  mont  Sinaï;  ceci  veut  dre 
que  les  mouiî'S  de  Si  laï  lt>  poi'tèrent  dans 
leur  moiiastèie  pour  l'enrichir  de  ce  pré- 
cieux In'sor...  On  sait  qu'on  a  souvent  dé- 
signé l'habit  mouasticpie  par  un  habit  angé- 
lique,  et  qu'anciennement  les  moines  étaient 
appelés  (uujcs,  h  cause  de  la  sainteté  de  leurs 
fonctions  toutes  célestes.  »  Quoi  qu'il  en 
soit  de  l'expl  cation  du  vénérable  évêque, 
la  tradition  populaire  a  pris  le  dessus,  et, 
dans  beaucoup  de  contrées,  ont  croit  h  la 
fr-anslation  de  sainte  Catherioe  par  les 
anges. 

Je  me  souviens  encore  d'une  maison  oil 
j'allais  souvent,  il  y  a  quelques  années.  C'était 
chez  de  pauvres  ouvriers.  11  y  avait  là  une 
jeune  tille,  nommée  Catherine,  belle  comme 
sa  patr'onne  et  bonne  à  son  exemple.  Sou- 
vent je  la  trouvais  au  chevet  des  pauvres 
malades.  A  défaut  d'argent  qr.'elle  n'avait 
pas,  elle  leur  por-tait  des  consolations  et  du 
courage.  Je  vois  encore  au-dessus  d'un 
meuble  en  noyer  l'image  de  sainte  Cathe- 
rine. Une  palme  à  la  main,  symbole  du  marr 
tyre,  la  sainte  était  portée  par  des  anges. 
Le  récit  que  me  faisait  la  jeune  tille  touchant 
sa  patronne,  était  bien  celui  de  la  tradition. 
Hélas  !  me  suis-je  dit,  dans  les  croyances 
j)opulaires  il  y  a  quelquefois  des  erreurs. 
C'est  comme  la  poésie  des  pauvres  gens  ^ 
pour(pioi  la  leur  ôter?  Laissons  ces  opinions 
(pii  ne  font  |)as  de  mal,  bien  qu'elles  puis- 
sent être  erronnées.  Le  pauvre  peuple  ne 
saurait  guère  se  priver  de  croyances  ascéti- 
ques, et  même  de  faits  merveilleux.  Tant 
de  léalités  dures  le  ramènent  au  positif  tous 
les  iours  ! 

Dans  le  xr  siècle,  un  moine  du  Sinaï 
nommé  Sim''on,  venant  à  Rouen  pour  y 
recevoir  l'ollr-ande  que  tous  les  ans  Richard 
de  Nor'mandie  faisait  à  son  monastère,  lui 
apporta  une  partie  des  l'eliijues  de  sainte  Ca- 
therine. Le  reste  des  r-eliipjes  de  la  sainte, 
est  encore  au  mont  Sinai.  L  Eglise  fait  la 
fêt(.'  de  cette  sai  ilc;  le  25  novembre. 

CATHERINE  11,  imiiér'alrice  de  Russie, 
femme  de  Pier-re  111  ,  lit  empoisonner  son 
mari  pour  pouvoir  |)lus  bbr-ement  vivre  avec 
ses  amarris.  (>omm(!  le  poison  n'agissait  pas 
assez  vile  elle  cul  r-ecours  h  la  cor{le  :  le  mal- 
heureux Pierre  IH  lut  étranglé.  Loi's  du 
par'Iage  de  la  l'ologne,  1  artichî  5  du  tr-ailé 
de  partage  portail  :  «  Les  catholiques  \\>- 
mains  jouir-onl,  dans  les  pi'ovinces  cédées 
j)Mr  le  |irvsenl  traité,  de  lorries  letrrs  pi-o- 
pr-iétés,  quant  nu  civil;  et  par  i-apporl  à  la 
ridigion,  ils  ser*ont  enlièremeul  conservés 
///  slata  (juo,  c'(!sl-à-dire  dans  le  même  libre 
exercict!  de  leur  culie  et  discipline,  avec  tou- 
tes et  telles  églises  et  biens  ecclésiastiqires 
(pi'rls  possé  laienl  au  moment  do  leur  pas- 
siige  sous  la  dominaliim  de  Sa  Majesté  Irïi- 
jiériale,  au  mois  de  septembre  1774;  et  Sa 
dite  Majesté  et  ^es  successeurs  ne  se  servi- 


511 


CAl 


ctj: 


u^ 


ront  point  dos  droits  (Je  soiivorain,  nu  pi('- 
jiidico  (lu  stulit  ({Uo  (l(i  la  rcli^io-i  (•atii()li(]iio 
rotnnilic  dans  lo  nays  sus  iiUMitionn 's.  » 

Kii    ITS'i,   011    !7*.)8,  (oiniiic  ollc  le  lif  [ijns 
tnni  on  1815,  la  Kiissio  avait  sojomicilcmoii/ 
rocoiiiui   aux    ])a])os    jos    droits  de  l'I-l-li-o 
catholuiuo  du  r.to  i^rcn;  et  du  lilc  laiii,  (les 
traitôs  avaiont   roçu  la  sanction  do  ro\(''(:u- 
tion.   Nolainniont,  lo  saint  si6,j;o  avait  vaii  lo 
par  son   lionoe  Arcluîtti  la  orôalion  de  l'ar- 
cli0v(^t'Ii6  do   Mohilow.  (lo   l'ut  ;\  colto  oi.-ca- 
sion  quo  fut  ouiiso  la  hidlo  Onerosn pastorti- 
lisofficii.^oua  poui^rionscMicorociiord'antriis 
oocasioMS  dais   ie-iiiuellos  ces  trailôs  feront 
evocutés.    Catherine  11,  (pii  avait  jiii-é  d(!  les 
niaintoiiir,  consacra  sa  vie;  et  tous  losellurls 
de  sa  politicpie  h  tlctrniie  la  roligioi  calho- 
liqno  dans  ses  Ktats.  Elle  cuinnionga  pars'ap- 
pioprior   tous  les  biens  dos  églises  et  des 
couvonts  catlioli([uos.  O'i   sait  (piello  toni- 
pensalion  fut  donnôo  on  ocliange.  I.oi-s  de  la 
révolution  française,   on  lit  la  niônie  chose; 
mais  du  moins  on  vota  |)our  les  prêtres  un 
Iraitouiont  qui  piU  leur  permettre  de  vivre. 
En  Russie,  la  générosité  impériale  leur  at- 
tribue environ  c[uaranieou  cinquante  francs. 
Evidennnent  on  veut  abrutir  |iar  la  misère 
le  cloigé  auquel  on  ne  laisse  aucune  autre 
ressource,  puisque  lo  peuple  est  trop  pauvre 
pour  le  solder  ou  |)Our  lui  faire  l'aumône. 
Le    pape  avait  oidonné  aux  catho  iquos  de 
rester  chacun   dans  leur  rite,  soit  grec,  soit 
latin.  Catherine  avait  promis  de  tout  laisser 
à  cet  égard  dans  le  statu  quo.  Elle  n'en  tint 
compte   et   commanda  aux.  catholiques   du 
rite   grec  de   passer  au   lite  latin  ou  bien 
d'e^iibrasser  le  schisme.  Beaucoup,  habitués 
au  rite  grec,  n'en  voulurent  pas  changer  et 
devinrent  schismatiquos.  Dans  cette  oeuvre 
satanique,  Catherine  fut  aidée  par  Stanislas 
Boliusz   Siestrzencowicz;   évoque  de  Vilna  , 
quelle   fit,  pour  le   payer   do  ses  scrvicv-s, 
passer  à  l'évèché  de  Mo'iilow,  qu'on  sa  fa- 
veur elle  éleva  au  rang  d'archevêché.  11  re- 
çut en  même  temps  le   titre  de  métropoli- 
tain sur  toutes  les    églises  de  l'em,  ire.  Ce 
malheureux,  bien  que  Polonais,    s'entendit 
avec  Podoski,  pour  [lerdre  sa  patrie,  et  i)our 
la  livrer   aux  Russes.   11  prenait  impudem- 
ment le  titre  de  légat  à  latere  dusaint-siége. 
Il  favorisa  les  projets  de  Catherine,  en  for- 
çant son  clergé  à  ado^jter  le  rite  latin.  Beau- 
coup de  populations  à  cause  de  cela,  pour 
conserver  le  rite  grec,  passèrent  au  schisme. 
Catlierine   pour  augmenter  les  conversions, 
fit,  on  179i,  partir  des  bandes  de  pop.-s  et  de 
soldats ,  cpii    parcouraient    son  em[nre    en 
donnant   des  coups   de  fouet   et  de  knout 
pour  raisons  a  ceux  qu'ils  voulaient  amener 
au  schisme.  Les  prêtres  qui  refusaient  étaient 
chassés  de  leurs  paroisses,  avec  leurs  fem- 
mes et  leurs    enfants.   Les    peuples  fidèles 
étaient  déchirés   de  coups.  Souvent  on  leur 
coupait  le  nez,  les  oreilles,  on  leur  arrachait 
les  dents,  ou  les  leur  brisait  à  couj^s  de  cros- 
se de  fusil.   L'évèque  de  Kaminiec,  Pierre 
Bielawski,   fit  de  vives  représentations  au 
gouvernement,  il  présenta  des  mémoires  au 
pape  Pie  VI,  lequel  fit   de   très-pressantes 


doinarches  pour  obtenir  quo  Catherine  chan- 
goH  de  conduite.  Elle  i(''pondil  en  suppri- 
m  uit  (lins  ses  Etats  tous  les  évêcliés  ru- 
tîiénions  unis,  ainsi  que  tous  les  couvonts 
bas  lio'is.  Celte  pcrséculrio(!  s'af)prêlait  h 
poursuivre  ses  desseins  abominabhîs  (piand 
la  uMrt  vint  la  frapper,  en  novembre  171)0. 
Non  contente  de  |)orsé(ulor  h  s  calholiqui's 
dans  ses  Etats,  Catherine  s'était  associée  à 
tout  ce  que  le  siècle  avait  produit  d'écuino 
philosophique  en  Europe  Elle  favorisait  tous 
les  encyclopédistes.  Vollaiie,  Diderot,  d'A- 
lemiiert,  étaient  de  ses  amis.  (Voyez  leurs 
articles.)  Ces  hommes  étaient  assuz  biches  et 
ass(îz  vds  pour  se  faire  les  llaltours,  les  ad- 
mirateurs de  cette  Messaline,  assassin  de  son 
mari  et  bourreau  de  la  Polo.^ne.  (Vuy.  no- 
tamment Voltairl:.)  Quand  on  a  l'amour  do 
la  patrie  ot  l'amour  de  l'humanité,  on  est 
vraiment  honteux  de  remuer  cette  fange 
qu'on  nomme  le  philosophisme  nKjderne. 

CATULIN  (saint),  diacro  et  martyr,  dont 
saint  Augiisliii  prononça  le  panégyrique, 
soulfrit  le  martyre  à  Carthage  avec  les  saints 
Janvier,  Florence  et  les  saintes  Julie  et 
Juste.  Ils  furent  inhumés  dans  la  basilique 
de  Fauste.  L'Eglise  célèbre  leur  immortelle 
mémoire  le  15  juillet. 

CAUBRi,  bourg  du  diocèse  de  Cambrai, 
où  sainte  Maxellende  fut  assassinée  en  070, 
par  un  soigneur  nommé  Harduin,  auquel  ses 
parents  l'avaient  promise  en  mariage.  Elle 
avait  voué,  étant  tout  enfant,  sa  virginité  à 
Jésus-Christ,  et  rien  ne  put  la  détourner  de 
l'accomph'ssement  de  cette  promesse.  Har- 
duin, qui  l'avait  enlevée,  la  tua  lâchement, 
voyant  qu"il  ne  pouvait  vaincre  sa  résolu- 
tion. L'Eglise  de  Gaiibri  possède  encore  une 
partie  de  ses  reliques. 

CAUX  (pays  dej,  Caleti,  partie  de  la  haute 
Normandie,  est  indiqué  dans  les  Actes  de 
sainte  Honorine  comme  ayant  été  illustré 
par  son  martyre,  dans  le  m"  ou  le  iv'  siècle. 
(1  0//.  Honorine.) 

CÉCILE  (sainte),  vierge  et  martyre,  était 
Bomanie  et  d'une  famille  patricienne.  Elle 
fut  élevée  dans  le  sein  de  la  religion  chré- 
tienne. Etant  toute  jeune,  elle  avait  fait  vœu 
de  chasteté  perpétuelle,  mais  ses  parents 
l'obligèrent  à  se  marier.  Elle  épousa  un 
nommé  Valérien,  de  même  condition  qu'elle. 
Elle  obtint  qu'il  renonçât  à  l'idolâtrie  pour 
adorer  Jésus-Christ.  Quelque  temps  après 
elle  convertit  Tiburce,  son  beau-frère,  et  un 
officier  nommé  Maxime.  Valéiien,  Tiburce 
et  Maxime  ayant  été  arrêtés  comme  chré- 
tiens ,  reçurent  la  couronne  du  martyn-e. 
Sainle  Cécde  ne  la  remporta  que  quelques 
jours  après.  Les  Actes  do  ces  saints  sont  sans 
autorité.  Ils  les  mettent  du  temps  du  pape 
Urbain,  ce  qui  serait  vers  l'an  230,  sous 
Alexandre  Sévère  ;  d'autres,  les  mettent  en 
179  ou  180. 

Les  corps  de  ces  saints  martyrs  furent  en- 
terrés dans  une  partie  du  cimetière  de  Cal- 
liste,  laquelle  a  pris  depuis  le  nom  de  Sainte- 
Cécile.  Il  y  avait  à  Rome  une  église  sous  l'in- 
vocation de  la  saint-'.  En  821,  le  pape 
Pascal,  voyant  qu'elle  tombait  en  ruines,  la 


545 


CEL 


CEL 


SU 


fit  rebâtir.  Il  n'espérait  pas  trouver  les  reli- 
(luos  de  la  sainte,  parce  qu'on  croyait  que 
les  Lombards  les  avaient  enlevées  comme 
ci'lles  de  beaucoup  d'autres  saints,  lors(|u'en 
755  ils  avaient  assiégé  Rome.  Mais  s'étant 
un  jour  endormi  daiis  l'église  do  Saint- 
Pierre,  il  eut  un  songe  dans  lequel  sainte 
Cécile  lui  révéla  le  lieu  oiî  rej.'osait  son 
corps.  On  le  trouva  enveloppé  d'un  tissu 
d'or,  auprès  de  celui  de  Valérien;  aux  pieds 
étaient  des  linges  teints  de  sang.  Le  pape 
les  transféra  dans  l'église  de  Sainte-Cécile, 
avec  ceux  de  saint  Tii)urce  et  de  saint 
Maxime,  dans  l'année  821.  Les  Actes  de 
sainte  Cécile  nous  disent  qu'en  chantant 
les  louanges  de  Dieu,  elln  unissait  souvent 
la  musique  des  instruments  à  la  musique 
vocale.  C'est  i)0ur  cela  (jue  les  musiciens 
l'ont  choi-ie  pour  patronne. 

CÉCILE  (sainte),  fut  au  nombre  des  qua- 
rante-huit martyrs,  mis  à  mort  avec  saint 
Saturnin,  sous  le  proconsul  Anulin,  en  l'an 
de  Jésus-Christ  305,  sous  le  règne  et  durant 
la  persécution  atroce  que  l'infâme  Dioclétien 
suscita  contre  l'Eglise  du  Seigneur.  {Voy. 
Satlrmn.)  L'Eglise  célèbre  la  fôtc  de  tous 
ces  saints  martyrs  le  11  février. 

CÉCILE  (la  princesse),  femme  de  Jean, 
troisième  fds  de  Sounou-Peylé  (régulo  de 
3'  ordre),  à  la  cour  de  l'empereur  Young- 
Tching,  fut  baptisée  avec  son  mari  en  1721. 
Elle  lut  l'institutrice  de  presque  toutes  ses 
belles-sœurs.  Sa  bellc-fdie  Agnès,  ses  deux 
petits-fils  Thomas  et  Matthieu  et  deux  petites- 
filles  furent  baptisés  avec  elle.  Tous  souffri- 
rent l'exil  pour  la  foi  et  furent  envoyés  à 
Yeon-Oué  en  Tartarie,  au  delà  de  la  grande 
muraille,  ii  90  lieues  de  Pékin,  en  l'année 
172i.  (Voy.  SouNOU,  Chine.) 

CÉCILIEN  (saint),  fut  martyrisé  à  Sara- 
gosse  en  Espagne,  parles  ordres  de  Dacien, 
qui  en  était  gouverneur  en  l'an  de  Jésus- 
Clirist  30i,  durant  la  persécution  de  Dioclé- 
tien; dix-sept  autres  martyrs  furent  misa 
mort  avec  lui;  on  trouvera  leurs  noms  à  l'ar- 
ticle Dacien.  Les  dix-huit  martyrs  de  Sara- 
gosse  sont  très-honorés  en  Espagne  ;  c'est 
Prudence  qui  rapporte  ce  qu'on  sait  d'eux  ; 
ils  sont  inscrits  au  Martyrologe  romain,  sous 
la  date  du  10  avril.  [Voy.  Prudence,  de  Cor., 
hym.  4.  Tillemont,  vol.  I,  p.  229.  Vasseus, 
Bel  (/a.) 

(CÉCILIEN  (saint),  fut  l'un  des  quarantu- 
liuit  martyrs  mis  à  mort  avec  saint  Saturnin 
en  Afrique,  sous  le  proconsul  Anulin,  en 
l'an  de  Jésus-Christ  305,  sous  le  règne  et 
durant  la  p(;rs(''CUtion  atroce  (jue  l'iufilmc 
Dioclétien  suscita  contre  l'Eglise  du  Sei- 
gneur. {Voy.  Sati;um\.)  L'Eglise  l'ait  la  fête 
de  tous  ces  saints  le  11  février. 

CEE  (rivièri!  de),  (jui  coule  en  «l.-dice,  a  été 
illusli-ée,  sous  le  piési(i(;nt  Atti<pie,  par  le 
martyre,  des  saints  Eacoiid  et  Primitif.  On 
ignor(!  la  dati;  iirécise. 

<^ÉLÉIU.N  (saint),  confesseur  (martyr 
d'après  Bède  et  Vaud(!ll)(;rt).  S'il  a  été  vrài- 
Hieiii  diacres  il  avait  été  ordonné  par  saint 
Cyjtjieri,  h  (^artliiig(!,  où  très- probabhiment 
il  était  né.  Petil-Uls  do  sainte  Célérine,  ne- 


veu de  saint  Laurentin  et  de  saint  Ignace,  qui 
avaient  donné  leur  vie  pour  la  foi  chrétienne 
sous  l'empire  de  Sévère,  il  se  montra  digne 
des  saintes  traditions  de  sa  famille.  Ce  des- 
cenlant  des  martyrs  ne  dégénéra  point  d'une 
noblesse  si  glorieuse.  Lui  aussi ,  par  son 
courage  et  par  ses  nobles  combats,  attacha 
une  couronne  de  plus  au  faisceau  triomphal 
de  sa  sainte  fcunille.  Suivant  saint  Cyprien, 
ce  fut  lui  qui,  sous  l'empire  de  Dèce  ,  entra 
le  premier  dans  cette  arène  des  persécutions 
où  tant  d'autres  glorieux  martyrs  montrèrent 
leur  courage  et  versèrent  leur  sang.  S'il  faut 
s'en  rapporter  à  ce  saint  narrateur,  ce  fut  en 
présence  même  de  l'empereur  Dèce  que 
saint  Célérin  confessa  sa  foi.  Il  fut  le  com- 
pagnon des  saints  martyrs  et  confesseurs 
de  Rome,  et  par  conséquent  il  a  sa  part  dans 
les  éloges  que  saint  Cyprien  leur  donne  dans 
son  épître  25.  Malgré  saint  Cyprien  ,  que 
nous  croyons  tout  simplement  avoir  parlé 
au  figuré,  il  fcuit  croire  que  saint  Célérin  ne 
soutînt  pour  Jésus-Christ  qu'après  la  mort 
de  saint  Fabien.  Il  est  convenable  de  se 
ranger  à  l'opinion  de  Bollandus,  qui  pré- 
tend qu'il  fut  arrêté  avec  les  saints  Mo'ise  et 
Maxime,  à  la  fin  de  janvier  250,  et  qu'il  souf- 
frit avec  eux.  Dix-neuf  jours  entiers,  il  fut 
enfermé  en  prison,  chargé  de  fers  et  les 
jambes  dans  les  ceps.  On  l'y  fit  horriblement 
souffrir  de  faim  et  de"  soif  II  est  probable 
que  saint  Célérin  fut  renvoyé  de  prison  à 
cause  de  son  jeune  âge.  Saint  Cyprien  dit 
que  ce  saint  confesseur  est  illustre  par  le 
témoignage  et  l'admiration  de  son  persécu- 
teur. 11  ajoute  que  Dieu  lui  avait  conservé  la 
vie,  afin  qu'après  avoir  montré  tout  son  cou- 
rage dans  la  persécution,  il  devînt  un  des 
ornements  de  l'état  ecclésiastique.  Il  parle 
beaucoup  de  ses  vertus,  témoignant,  qu'il 
avait  beaucoup  d'humilité  et  de  modestie, 
de  modération,  de  prudence  et  de  sagesse. 

Dieu,  qui  avait  légué  au  saint  confesseur 
un  si  bel  héritage  de  martyrs  morts  pour  la 
foi  dans  sa  famille ,  permit  qu'il  lui  arrivât 
une  de  ces  douleurs  navrantes,  qui  sont  pour 
ses  fidèles  serviteurs  plus  vives  que  la  bles- 
sure du  glaive,  plus  ardentes  que  les  flammes 
dos  bûchers.  Sa  sœur,  oubliant  le  courage 
héréditaire  de  sa  race ,  eut  le  malheur  de 
tomber  durant  la  persécution,  et  de  sacrifier 
aux  idoles.  Ni  le  souvenir  de  son  aïeule  et 
de  ses  oncles,  que  vénérait  l'Edise  comme 
(les  saints,  ni  l'exemple  de  son  frère  suivant 
lavoiegloi'ieuse  (pi'ilslui  avaient  montrée,  ne 
purent  la  soulenir.  Ainsi  sur  le  même  arbre, 
a  côté  des  bons  fruits,  honneur  du  verger, 
qui  mûiisscnt  pour  la  récolte,  il  y  en  a  par- 
ois (pii  sont  piipiés  au  cœur,  et  qui  flétris, 
tombent  j)rénialui'émenl  pour  devenir  la  pâ- 
ture» des  vils  animaux.  Saint  Célérin  se  fit  le 
pénitent  du  ci'ime  de  sa  sœur.  Ce  fut  lui  (pii 
j)aya  à  Dieu  la  raneon  de  lai'ines,  de  jeilnes, 
de  macérations  et  de  prières,  (|ui  devait  effa- 
cer la  faut(!.  Il  j)assait  les  nuits  à  pleui-er,  h 
gémir.  Dans  l'ardeur  de  la  foi,  et  doutant 
de  ses  proj)res  mérites  aux  yeux  du  souve- 
rain juge,  il  s'adressa  à  Lucien  et  h  d'autres 
confesseurs  de  Carlh;n^(;,lo  priant  que  lui  ou 


'i 


645 


CEI. 


CEB 


540 


le  premier  d'entre  les  confesseurs  qui  serait 
couronné  du  martyre,  voulût  bien,  an  mo- 
ment do  la  mort ,  h  l'Iiutn-o  du  sacrilic^o,  in- 
terc(Hl(M-  pour  sa  sœnv,  et  demander  à  l)i('u 
sa  fA'rAce.  U  demandait  aussi  la  môme  laveur 
pour  une  autre  femme  ,  (pii  avait  eonnnis  le 
mùuie  (;rime,  et  (pii  peut-être  était  sa  parente, 
car  il  la  nommait  également  sa  sœur.  Ces  deux 
femmes  s'appelaient  Numérie  et  Candide.  11 
in  voqne  pour  elles  l'indulgence  des  saints  mar- 
t^'rs  Stalis  et  Sévéïien,  et  de  lous  les  saints 
confesseurs  venus  d'Afi  i(pi(;  à  Rome,  et  dos- 
quels  ces  femmes  mallieureusos  avaient  pris 
toutessortes  do  soins.  Lucien  lui  écrivit  ])()ur 
lui  dire  que  les  martyrs  avaient  accordé  la 
paix  cl  Numérie  et  à  Candide,  pourvu  qu'après 
la  persécution,  elles  exposassent  leur  cause 
à  l'évoque,  et  tissent  l'exomologôsc. 

Saint  Célérin  étant  veiui  depuis  à  Carthage, 
allavoir  saintCy|)rien  et  lui  dit  l'alfection  et 
l'estimetoute  particulière  que  les  confesseurs 
de  Rome  avaient  pour  lui.  Voici  en  quels  ter- 
mes remarquables  saint  Cyprien  parle,  et  de 
cette visiteetdesainlCélérin. «  Célérin,  dit-il, 
qui  est  le  compagnon  de  votre  foi  et  do  votre 
courage,  et  qui  s'est  signalé  entre  les  soldats 
de  Jésus -Christ  pour  ses  glorieux  combits  , 
m'est  venu  trouver  ;  et  sa  présence  vous  a 
tous  rendus  présents  à  mon  esprit  et  à  mon 
cœur.  En  le  voyant,  je  vous  ai  vus,  et  tous 
ensemble,  et  chacun  en  particulier,  et  lors- 
qu'il m'entretenait  souvent  de  l'amitié  que 
vous  avez  pour  moi,  il  me  semblait,  en  l'en- 
tendant avec  tant  de  plaisir,  vous  entendre 
parler  vous-mêmes.  Certes,  j'ai  bien  de  la 
joie  de  recevoir  de  vos  nouvelles,  et  de  les 
apprendre  par  des  personnes  d'un  si  grand 
mérite.  »  Peu  de  temps  après,  saint  Cyprien 
le  fit  lecteur.  Nous  ne  pouvons  plus  rien 
écrire  d'assuré  touchant  saint  Célérin ,  si  ce 
n'est  que  par  erreur  de  nom  ,  on  a  pré- 
tendu qu'il  avait  été  plus  tard  engagé  dans 
l'erreur  de  Novatien.  On  croit  qu'il  soutfrit 
encore  pour  la  foi,  sous  l'empire  de  Gallus; 
on  le  croit  d'après  la  lettre  de  saint  Cyprien 
à  saint  Corneille  ,  quand  ce  pape  eut  été 
banni  à  Civita-Vecchia. 

Les  martyrologes  le  qualifient  diacre;  nous 
ne  voyons  pas  qu'il  n'ait  pas  pu  avoir  été 
élevé  au  diaconat  par  saint  Cyprien,  comme 
nous  l'avons  dit  ;  mais  rien  n'établit  non 
plus  cette  particularité  d'une  manière  pé- 
remptoire.  Aussi  laissons-nous  ce  point 
comme  douteux  ,  nous  contentant  de  lui 
donner  le  titre  de  lecteur,  lequel  lui  appar- 
tient positivement,  étant  établi  par  des  titres 
parfaitement  authentiques. 

Sa  mort  est  restée  ignorée.  Ainsi  'que 
nous  l'avons  dit  en  commençant ,  certams 
martyrologes  lui  donnent  le  titre  de  martyr. 
D'autres,  simplement  celui  de  confesseur. 
L'Eglise  fait  sa  fête  le  3  février. 

CÉLÉRIN,  préfet  de  Rome  sousNumérien, 
fit  soutfrir  divers  tuurments  à  saint  Chry- 
santhe  et  à  sainte  Darie,  sa  femme ,  et  en- 
suite, par  ordre  de  l'empereur  Numérien, 
las  ayant  renfermés  dans  une  sablonnière 
de  la  voie  Salaria,  il  les  fit  accabler  sous  une 
énorme  quantité  de  sable  et  de  pierres  qu'on 


jeta  sur  eux.  {Voy.  saint  Chuysanthk.  j  Ij 
lit  aussi  arrêter  saint  Maur,  (pii  était  verni 
d'Afri(iuo  pour  visiterleslond)eauxdes  saints 
a|)ôtres.  Il  le  fit  mourir  au  milieu  des  lour- 
inonls. 

CÉLÉRINK  (saint(!)  ,  aïeule  (hî  saint  Cé- 
lérin, (pli  soullVit  pourla  foi  sous  Dôco,  reçut 
elle-même  la  couionne  du  martyri!  on  A^ri- 
ipie,  sous  le  règni;  d(!  l'empereur  Septimo 
Sévère,  avec  saint  Laur'-iitin,  oncle  paternel 
de  saint  Célérin,  et  saint  Ignace,  oncle  ma- 
ternel du  même  saint.  L'Kgliso  honore  la 
mémoire  de  ces  saints  martyrs  le  3  février. 

CÉLKSTIN  (saint),  martyr,  reci/eillit  la 
couronne  du  martyre  h  Rome,  avec  les  saints 
Saturnin,  Néapole  et  Germain.  Après  avoir 
été  torturés,  ils  furent  jetés  dans  une  prison, 
où  ils  moururent.  L'Église  honore  la  mé- 
moire de  ces  saints  le  2  mai. 

CÉLIEN  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la 
foi  en  Afrique,  avec  les  saints  Fausiin,  Lu- 
cius  ,  Caiid.de  ,  Marc,  Janvier  et  Fortunat. 
(  Voij.  l'art.  Faustin,  pour  plus  de  renseigne- 
ments. ) 

CELSE  (saint),  jeune  enfîmt  qui  fut  mar- 
tyri-sé  avec  saint  Nazaire  à  Milan,  sous  l'em- 
pire de  Néron.  Saint  Nazaire  qui  voulait 
l'instruire  et  le  préserver  de  la  corruption 
du  monJe,  l'avait  pris  avec  lui  et  emmené  des 
environs  de  Nice  en  Provence.  Il  fut  décapité; 
et  son  corps,  enterré  dans  un  jardin  hors  de 
Milan ,  fut  trouvé,  en  l'année  395  ou  396, 
par  saint  Ambroise.  (Voy.  Nazaire.)  L'Eglise 
fait  sa  fête  le  28  juillet. 

CELSE  (saint),  enfant,   souffrit  pour  la  foi 
sous  le  règne  de  Galère  et  de  Maximin,    le 
6  janvier  313,  avec  saint  Julien  l'Hospitalier 
Sa  fêle  arrive  le  9  janvier.    (Voy.  Chastelain, 
p.  lOG.) 

CELSE(saint),  martyr,  mourut  pour  Jésus- 
Christ  à  Rome  avec  saint  Clément.  On  n'a  pas 
de  détails  authentiques  et  précis  sur  eux. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  21  novembre. 

CENSORINUS  (saint),  maître  des  offices  de 
l'empereur  Claude  II,  fut  certainement  con- 
fesseur, et  sans  doute  martyr  de  Jésus- 
Christ.  (Pour  voir  les  détails  de  son  histoire, 
recourez  à  l'article  Martyrs  d'OsTiE.) 

CENTOLLE  (sainte),  martyre,  versa  son 
sang  pour  Jésus-Christ  à  Burgbs  en  Espagne. 
Elle  eut  pour  compagne  de  son  martyre  sainte 
Hélène.  Le  Martyrologe  romain  ne  donne 
point  de  détails  sur  elles.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  13  août. 

CERBONEl  (saint),  confesseur,  était  évo- 
que à  Piombino  en  Toscane.  Saint  Grégoire 
rapporte  qu'il  brilla  par  ses  miracles  pendant 
sa  vie  et  à  sa  mort.  L'Eglise  fait  sa  mémoire 
le  10  octobre. 

CÉRÉAL  (saint),  qualifié  vicaire  dans  les 
Actes  de  saint  Gétule,  fut  envoyé  par  Adrien 
dans  la  terre  Sabine  à  Tivoli,  jiour  y  prendre 
ce  saint  et  saint  Amance,  son  frère.  Converti 
par  ceux  qu'il  allait  faire  prisonniers,  il  par- 
tit pour  Rome,  où  il  fut  baptisé  par  le  pape 
Sixte.  Bientôt  après,  arrêté  par  Licinius  avec 
saint  Gétule,  saint  Amance  et  saint  Primi- 
tif, il  fut  comme  eux  fouetté,  torturé  et  en- 
fin décapité  sur  les  bords  du  Tibre,  à  5  lieues 


547 


CES 


CES 


^3 


de  Tiome,  après  27  jours   de  prison.  On  fait 
sa  fête  le  lU  de  ju  m. 

CÉKÉAL  (sainij,  martyr,  mourut  sous 
l'empire  et  durant  la  persi^îution  de  Tialius, 
avec  sa  femme  Saluslie,  et  plusieurs  soldats 
d'entre  ceux  qui  avaient  étéchargésde  rame- 
ner saint  Corneille  de  Civita-Vecchia  à  Ro- 
me.Voici,  d'après  Adon,((^  cpii  se  |)as?a.  Che- 
min faisant, Céréal  pi'ia  saint  Corneille  de  ve- 
nir chez  lui,  où  le  saint  guérit  sa  fenuiie  Sa- 
iustie  qui  était  paralytique,  et  ensuite  la  bap- 
tisa, ave.-  tous  les  soldats  qui  le  gardaient. 
Dèce  l'ayant  appris  (c'est  Callus  qu'il  faut 
lire  au  fieu  de  Dèce),  fit  prendre  tous  ces 
nouveaux,  baptisés  et  les  lit  mener  avec  saint 
Corneille  hors  la  porte  d'Appius,OLi  ils  furent 
tous  décapités,  après  avoir  refusé  de  sacri- 
fier. Ces  saints  martyrs  étaient  au  nombre 
de  21.  Le  Martyrologe  romain  n'en  parle 
pas. 

CÉRÉAL  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la 
foi  à  Alexandrie,  sous  Numérien,  avec  les 
saints  Pupule,  Caius  elSérapion.  On  ignore 
à  quede  époque  et  dans  quelles  circonstan- 
ces. L'Eglise  fait  leur  fête  le  28  février. 

CÉSAIRE  (saint),  diacre,  fut  mai'lyrisé  à 
Terracine ,  sous  l'empire  de  Trajan<  Les 
Grecs  ont  de  lui  des  actes  dans  leurs  me- 
nées, mais  ces  actes  sont  sans  autorité.  Seu- 
lement un  fait  important  ressort  de  cette 
pièce,  c'est  qu'elle  cite  comme  juges  de  saint 
Césaire,  Léonce,  homme  consulaire,  et  Luxu- 
rius.  Or,  les  Actes  de  saint  Hyacinthe  portent 
aussi  qu'il  fut  jugé  par  Léonce  et  Luxurius. 
Ce  fait  tranche  complètement  une  dilliculté 
qui  a  arrêté  les  auteurs.  Quelques-uns  ont 
dit  que  saint  Hyacinthe  avait  éié  martyrisé 
à  Porto,  d'autres  à  Césarée  de  Cappadoce. 
Evidemment  c'est  à  Porto,  ville  voisine  de 
Terracine  ;  puisque  les  magistrats  qui  le 
condamnèrent  coiumandaicnt  à  Terracin(;, 
ils  ne  pouvaient  pas  avoir  de  juridiction  sur 
Césarée  de  Cappadoce.  Terracine  et  Porto  fai- 
saient partie  du  môme  gouvernement,  du 
môme  ressort  judiciaii'e. 

Saint  Césaire  est  honoré  par  l'Eglise  le  7 
octobre.  {Voy.  Hyagiintue,  Léonce,  Luxu- 
niLS.) 

CÉSAIRE  (saint),  martyr,  souffrit  pour  le 
nom  de  Jésus-Christ  à  Césaréii  en  Cappa- 
doce, sous  le  règne  de  l'empereur  Dèce, 
avec  les  saints  (iernuàn,  Théophile  et  Vital. 
On  n'a  pas  de  détails  authentiques  sur  eux. 
L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  3  novem- 
bre. 

CÉSAH{E  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
religion  de  Jésus-Christ  sous  la  sanglante 
pe;sécution  (luc;  l'impie;  Dioclélien  lit  souf- 
frir .^i  l'Eglise.  Il  eut  pour  couipaguonsde  son 
martyre  les  saints  Victor,  Zoli(iue,  Zenon, 
Sévéi-ien,  Chiyso[)hore,  Théonas  (il  Anlonin. 
Ils  soulfriienl  |)lusieurs  tourments  Irès- 
(  iiuds  avant  d(;  i<;cev(n)'  oulin  leui'  sainte 
couronne,  (^esl  le  20  aviil  (juc  l'Eglise  ho- 
nore leiii-  luémoire. 

CÉSAIRE  (saint),  diacre;,  fut  martyrisé  à 
Terracine,  dans  la  Campagne  de  Roun;,  sous 
l'eMipu'i;  (l(;Dioi'lt'-li(;ti,  eu  Tau^OO.  il  exislail  à 
'i'orracnie  uue  coutume  aussi  hoi  i  ible  (ju'ini- 


pie.  Dans  certaines  circonstances,  un  jeune 
honnneoifrait  à  Apollon  le  sacrilice  volontaire 
desa  vie.CeDicniétait  le  protec  teurde  laville. 
Pendant  quelque  teuq)s,  le  jeune  homme  qui 
se  dévouait,  était  fêté,    choyé   par  les  habi- 
tants, qui  fi'nssaieul  par  l'habiller  avec  magni- 
ficence. Dans  cet  état,  il  sacrifiait  à  Apollon. 
Après  celte  cérémonie,  il  se  jetait   dans   la 
mei-  et  consommait  dans  les  flots  son  absurde 
sacrifice.  Le  diacre  Césaire,  réceunnenl  arri- 
vé d'Afrique,  ayant  été  témoin  de  cet  atfi-eux 
spectacle,  ne  put  contenir  son  indignation  : 
il  condamna  tout  haut  cettehorrible  supersti- 
tion. Arrêté  par  ordre  du  prêtre  d'Apollon,  il 
fut  conduit  devant  le  gouverneur.   Celui-ci 
donna  l'ordre  que  Césaire  et  le  prêtre  Lucien 
fussent  Ions  deux  liés  ensemble  dans  un  sac 
et  précipités  dans  la  mer.  Il  fut  fait  suivant 
cette  sentence,  en  l'année  300,  durant  la  per- 
sécution de  Dioclélien.    Surius   donne  des 
actes  de  saint  Césaire.  Ils  méritent  peu  qu'on 
s'y  arrête.  Ce  saint  est  fêté  par  1  Eglise  le 
1"  novembre. 

CÉSARÉE  de  Cappadoce,  aujourd'hui  Kni- 
sarich,  eut  la  gloire  de  voir  dans  ses  murs, 
sous  rein,;ire  d'Adrien,  mourir  pour  la  foi 
sanit  Enpsyqne.  La  date  précis.'  de  cet  évé- 
nement et  le  genre  de  su|)plice  qui  couronna 
ce  saint  ne  sont  pas  indiqués  dans  l'histoire. 
Nous  retrouvons  en  250,  dans  celte  ville, 
sous  l'épiscojiat  de  saint  Eirmilien,  le  martyre 
(le  saint  Cyrille,  jeune  enfant,  disent  ses  Ac- 
tes, natif  de  Césarée.  Sa  famille  était  païenne. 
Chassé  de  chez  .^on  père  qui  ne  put  dommer 
sa  fiueur  en  le  sachant  ciuétien,  il  fut  man- 
dé par  le  gouverneur,  qui  le  voulut  intimider 
après  l'avoir  voulu  séduire  par  la  douceur, 
et  qui,  n'ayant  pu  réu-sir  ni  h  l'un  ni  à  l'au- 
tre, le  fit  eiilin  inoui-ir.  L'historien  de  ce 
jeune  soldat  de  .Jésus-Christ  est  saint  Fir- 
milieii.  {Voy.  saint  Cyrille.)  Des  actes,  qui 
ne  nous  |)araissenl  pas  parfaitement  authen- 
tiques, racontent  que  l'empereur  Dèce  fit 
décapiter  dans  celle  ville  saint  Mercure,  qui 
apitarlenait  à  son  armée.  C'est  celui  dont 
l'Eglise  fait  la  fête  le  25  novembre. 

Sous  remi)ire  d'Aurélien,  saint  Marnas, 
vulgairement  nommé  Mammès,  berger,  fut 
mailyrisé  pour  la  fa  chrétienne.  11  y  fut 
enlerré,  et,  au  rap|)orl  de  saint  (Irégoire  de 
Nazianze  et  de  saint  Rasile,  son  intercession 
y  opérait  de  nombreux  miracles  cl  môme  des 
résurrections. 

Sous  Dioclélien',  au  commencement  du 
iv°  siècle,  le  gouverneur  de  Cajtpadoce,  ré- 
sidant à  Césarée,  qui  se  nomnuiil  Eabritius, 
fil  soulfrir  de  cruels  su|)pliccs  à  sainte  Do- 
rothée, pour  la  contraindre  à  se  maiier  ou 
à  saciiliei-  aux  idoles.  Voyant  ([u'il  ne  i)ou- 
vail  venir  à  bout  d'ébranler  la  sainte,  il  la 
condamna  à  être  décapitée.  En  303,  sainte 
Jnlitl(!  souHiil  le  martyre  dans  celle  ville. 
(Ko//.  raili<le  de  celle  sainte.) 

lai  320,  c(!lle  ville,  patrie  de  saint  Gorde, 
ceiiiuiiou  dans  les  ai'inées  impéiialos,  fur 
témoin  de  son  mai-lyre.  Lors  de  la  publira-- 
lioii  d(!s  édils  de  Dioclélien,  Corde  i^iiilla 
r,iriiié(;  p(Mir  se  r(>lirer  dans  le  désràii.  Au 
boni  de  (quelques  années,  poussé  j[»ar  l'ouviQ 


(le  vorser  son  sang  pour  Jc^sus-Cliiisi.  H  ro- 
viiU  (huis  s.i  ville  iiîilalc,  au  niouienl  où  lo 
pcu|ilt',  assemblé  au  ciniuo,  (■élébrail  lalôlo 
.lu  dieu  Mars.  Son  extérieur  sale  el  exlrior- 
iliuaire  lo  lit  reiuaniuei'.  ('.ouduil  devaul  le 
|u.|io,  il  dit  (ju'il  était  rlu'éliun.  Condunué  ;\ 
être  (léi'a[)ité,  il  (if  le  sij^nc  do  la  croix  et 
rerul  joyeusement  la  mort.  (Voy.  (ioiuuc.) 

Julieii  l'Apostat,  étant  |)ass(';  datis  eetto 
ville  sur  la  (in  do  sou  ré^^no,  entra  dans  une 
grande  fureur  eu  voyant  (|ue  tous  ses  ha- 
bitants, à  [leu  pi'ès,  étaient  chrétiens.  Us 
venaient  de  démolir  le  lemplo  de  la  Fortune; 
cet  événement  mit  sa  colore  au  comble.  Vou- 
lant punir  la  ville  entière,  il  lui  ola  tous  ses 
privilèges,  la  raya  de  la  liste  des  cités;  il  lui 
lit  reprendre  son  ancien  nom  de  Mazaca,  à 
la  place  do  celui  deCésarée  (lu'elle  tenait  de 
Tibère.  Des  taxes  énormes  lui  furent  impo- 
sées. Toutes  les  églis(>s  de  son  leiritoiro 
furent  démolies.  Le  clergé  fut  em-olé  dans 
la  milice  du  gouverneur  de  la  province,  et 
plusieurs  chrétiens  furent  mis  à  mort.  Au 
nombre  d'entre  eux  fut  saint  Eupsychius,  qu'il 
ne  fiiut  pas  confondre  avec  saint  Eupsyque, 
mort  dans  cette  ville  pour  la  foi,  sous  Adrien, 
comme  nous  le  disons  au  commencement  de 
cet  article.  Julien  ordonna  aux.  Iiabitants  de 
rebâtir  les  temples  des  faux  dieux;  mais 
api'ès  son  départ ,  ils  construisii-ent  une 
église  qui  fut  placée  sous  l'uivocation  de 
saint  Eupsychius. 

CÉSARÉE  de  Palestine,  Cœsarea  P/iilippi, 
d\\bovd  Paneas,  aujourd'hui  Baiiias.  ((^ésarée 
de  Palestine  et  Césaiée  de  Philijipe  sont 
une  seule  et  môme  ville  ;  Tilleuiont  a  fait 
erieur  en  les  distinguant.)  Ce  fut  dr.ns  celte 
ville  où  siégeait  le  gouverneur  Félix,  que 
saint  Paul  fut  amené  [)ar  ordre  de  Claude 
Lysias.  il  y  resta  2  ans  en  prison,  jusqu'à 
l'arrivée  de  Festus,  successe  r  de  Fédx,  qui, 
sur  sa  dema  ide,  le  renvoya  devant  le  trinu- 
iial  de  l'empereur. 

Ce  fut  dans  cette  ville  que,  durant  la  pcr- 
sécuton  de  Dèce,  sainte  Ké{/ai-aie,  v.erge, 
fut  martyrisée.  Ap.  è->q  l'on  lui  eut  fait  subir 
diver-.  tourments,  elie  eut  la  tète  tranchée. 
On  ajoute  qu'à  l'instant  où  sa  tôte  fut  sépa- 
rée du  corp-i,  les  assistants  Virent  l'âiiie  s'en- 
voler, et  monter  au  ciel  sous  la  forme  d'une 
colombe. 

Sous  l'empire  de  Valérien,  les  saints  Pris- 
que,  Maleli  et  Alexandre,  qui  vivaient  près 
de  la  ville,  à  .a  campagne,  étant  devenus 
saintement  envieux  de  la  gloire  des  mart ,  rs, 
allèrent  d'eux-mêmes  se  jjré.Neoter  au  gou- 
verneur ,  qui  les  fit  d'abord  crueHdiuent 
tourmenter,  et  qui  ensuite  les  Ut  livrer  aux 
bètes  pour  être  dévorés.  Après  la  prise  de 
Valérien  par  les  Perses,  la  ville  de  Césarée 
se  trouva,  comme  toute  la  Pale-tine,  soumise 
à  la  domination  de  Macrien,  qui  s'était  fait 
déclarer  empereur  et  qui  continua  la  persé- 
cution contre  les  chrétiens.  Saint  Marin,  sol- 
dat, et  saint  Astère,  sénateur  roiuain,  furent 
martyrisés  dans  cette  ville.  En  l'an  de  Jé^us- 
Christ  303,  sous  le  règne  et  dura  it  la  per- 
sécution do  Dioclétien  ,  Pauhn  ,  qui  était 
gouverneur  de  Palestine,  lit  arrêter  à  lieth- 


CHA 


ym 


san  et  amener  à  Césarée,  saint  Procopo,  lec- 
teur et  exorciste  dans  la  première  de  ces 
deux  villes.  N'ayant  pu  réussir  h  lo  faire 
Siicritier  ni  aux  idoles  ni  aux  (Mn|)ereurs,  il 
le  condamna  à  ôtre  décapité.  {Voi/.  Puocoi'k, 
Paulin  ) 

En  l'an  de  Jésus-Christ  30'i.,  le  gouverneur 
Urbain  (it  jeter  aux  bètes,  dans  '  l'iuiiphi- 
IhrAtre  do  cette  vi.le,  sainte  Thèclo  el  saint 
Agi|)e.  Thècle  fut  déchirée  |)ar  les  bètes  fé- 
roces; mais  Agape  ne  mourut  |)as  des  bles- 
sures ([u'il  y  reçut.  Deux  ans  entiers,  le 
gouverneur  le  retint  en  prison,  et,  par  l'ordre 
do  Maximin  Daïa,  lo  lit  de  nouveau  exposer. 
Cette  fois  encore  il  survécut,  quoifiu'un  ours 
l'eût  cruellement  blessé.  Le  lendemain  on 
le  jeta  dans  la  mer.  En  306,  le  gouverneur 
Urbain  tit  horriblement  tourmenter  saint 
Appien,  jeune  homme  do  dix-neuf  ans,  et 
ensuite  le  lit  jeter  à  la  mer.  Les  noyades 
étaient  du  goût  de  ce  gouverneur.  {Voy.  Ap- 
pien, Urbain.) 

En  308,  ce  môme  gouverneur  fit  mourir, 
pour  la  foi  chrétienne ,  sainte  Théodosie, 
jeune  vierge  de  Tyr  qui,  étant  à  Césarée, 
avait  exhorté  les  chrétiens  qu'on  menait 
devant  lui  à  confesser  généreusement  le 
nom  de  Jésus-Christ.  (  Voy.  Théodosie  .) 
Eusèb  i  raconte  ces  faits.  [Mart.  de  Palest., 
chap.  17.) 

CÉSARÉE,  capitale  de  la  Mauritanie  Césa- 
rienne, vit  en  303,  sous  l'empire  et  durant 
la  persécution  de  Dioolétien,  le  martyre  de 
sainte  Marcienne.  {Voy.  les  Actes  dans  Bol- 
la  nd  us.) 

CÉSIDE  (saint),  prêtre  et  martyr,  mourut 
pour  la  foi,  sous  le  règne  de  l'empereur 
i^laximin,  au  pays  des  Marses,  à  Tran  aeio, 
près  du  lac  de  Célano.  11  était  fils  de  saint 
Ruiin,  évoque  des  Marscs.  On  ne  sait  rien 
davantage  de  sa  vie  ni  de  son  martyre,  qui 
niérue  d'être  rapporté.  L'Eglise  fait  sa  lêlo 
li>  31  août. 

CESSERON  ou  Cessauion,  lieu  situé  dans 
le  territoire  d'Agde,  près  Pezénas,  à  12  ki- 
lomètres de  Béziers,  fut  la  patrie  de  saint 
Tibère  ou  Tibéry,  que  son  pôie  voulut  con- 
traindre à  embrasser  le  culte  des  idoles,  et 
que  dans  ce  but  il  dénonça,  après  lui  avoir 
fait  endurer  de  cruels  supVhces.  Saint  Mo- 
deste qui  fut  arrôié  avec  lui,  et  sainte  Flo- 
rence, qui  se  convertit  à  la  vue  de  la  cons- 
tance des  saints  martyrs,  furent  décapités 
avec  lui.  Ces  événements  avaient  lieu  au 
commencement  duiv' siècle,  durantralfreuse 
persécution  que  la  cruauté  de  Dioclétien  dé- 
chaùia  contre  l'itglise.  Dans  cet  endroit,  on 
construisit  depuis,  à  la  fin  du  viir  siècle,  une 
abbaye  régulière  de  Bénédictins.  {Voy.  D. 
Beaunier,  Rec.  des  abbayes,  t.  II,  p.  4-92.) 

CHABAiNEL  (le  bienheureux  Noël),  mis- 
sionnaire de  la  compagnie  de  Jésus,  périt 
de  la  main  d'un  Huron  qui  avait  apostasie 
la  foi.  Son  martyre  arriva  vers  l'année  1650. 

CHAFFRE  (saintj ,  abbé  de  Carinéri  eu. 
VéLii,  martyr,  est  nommé  aussi  saint  Théo- 
froy  ou  Thielfrey,  était  natif  d'Orange.  Leu- 
froi,  son  père,  gouverneur  de  la  province, 
soigna  d'une  fa(jon  toute  pai'ticuUère  son 


ê)51  CIIA 

éducation.  Son  onciC  F.udes  était  ahuè  de 
Carniéri  en  VLMai.  Quan  1  on  parlait  de  lui 
devant  le  jeune  CliallVe,  et  on  en  parlait 
souvent ,  il  brûlait  du  désir  d'imiter  les 
vertus  de  ce  saint  homme  et  de  marclier  sur 
ses  traces.  Son  père  l'ayant  mené  à  Saint- 
Paul-T.ois-ChAteaux.  pour  y  voir  Eu  les,  il 
fit  ])art  à  son  oncle  des  intentions  dans  les- 
quelles il  était  de  se  consacrer  à  la  vie  reli- 
gieuse. Leufroi  eut  beaucoup  de  peine  à 
donner  son  consentement;  mais  entin  il  le 
donna.  Cliafl're  partit  pour  Carméri.  11  se 
distingua  extrêmement  dans  ce  monastère 
par  ses  vertus,  et  fut  chargé  dans  la  commu- 
nauté du  soin  de  toutes  les  alfaires  exté- 
rieures. Quand  Eudes  sentit  ap})rocher  sa 
fin,  il  demanda  que  son  neveu  lui  succédât. 
Tous  les  moines  applaudirent  à  ce  choix. 
On  n'eut  qu'à  se  féliciter  de  l'avoir  élevé  à 
ce  poste  éminent.  Il  fut  à  la  fois  le  père  et 
l'ami  de  ses  religieux.  La  règle  du  monastère 
s'opposait  à  ce  que  les  femmes  entrassent 
dans  le  couvent  ;  il  leur  permettait  de  s'as- 
sembler à  la  porte,  et  là  elles  recevaient  les 
instructions  évangélit[ues.  Pendant  que  le 
saint  dirigeait  en  paix,  dans  les  voies  du 
Seigneur,  la  famille  spirituelle  qui  lui  avait 
été  confiée,  les  Sarrasins  tombèrent  sur  le 
Vêlai.  11  exigea  que  tous  ses  moines  se  ca- 
chassent dans  une  forôt  voisine;  quant  à 
lui,  il  resta  dans  son  église,  prosterné  et 
priant.  Les  Sarrasins  le  trouvant  seul,  le 
battirent  avec  une  inouïe  cruauté  et  le  lais- 
sèrent pour  mort.  Le  lendemain,  qui  était  un 
des  jours  de  fèie,  ils  se  réuniient  pour  la 
céléb.er.  Saint  Chalfre  revenu  à  lui,  tiouva 
asse/c  de  force  pour  aller  vers  eux  et  les  ré- 
primander de  leur  impiété.  Les  bari)ares 
surpris  de  le  voir,  lui  firent  souifrir  un  trai- 
tement indigne ,  et  ensuite  le  blessèrent 
mortellement.  Un  orage  les  ayant  obligés  à 
fuir,  ils  le  laissèrent  gisant  sur  le  sol.  Quel- 
ques jours  après  il  mourut.  On  pense  que 
sa  mort  arriva  le  19  octobre  728. 

CHALCÉDOINE,  ville  de  «ithynie,  sur  le 
Bosj)liore  de  Thrace,  fut  la  patrie  de  sainte 
Euphémie.  Cette  sainte  y  fut  martyrisée, 
en  l'ail  de  Jésus-Christ  307,  sous  le  règne 
de  Dioclélien. 

CHALONS-SUR-MARNE,  chef-lieu  du  dé- 
partement de  la  Marne,  à  IW  kilomètres  E. 
de  Paris,  est  célèbre  dans  les  annales  des 
martyrs  par  les  soullrances  (ju'y  entlura  l'é- 
voque Domitien  en  coidéssant  la  foi. 

CHALONS-SUR-SAONE,  Cabillunum,  ville 
qui  t;st  maintenant  un  (.hef-lieu  d'arrondisse- 
ment du  département  de  Saone-cl-L(jire,  eut 
jiour  premier  martyr  saint  Marcel,  qui  y  souf- 
frit dillV-renlev  tcjrtures,  (;t  enfin  y  fut  bii")lé  vif 
le  k  septeiidjrc;,  sous  l'empire  de  Marc-Aurèle. 

CHAMUORAN  (Madame  de),  religieuse 
carmélite  de  Saint-Denis  ,  consomma  son 
sacrifice  sur  l'échalaud,  avec  rhin-oisme  (fis 
premiers  martyrs.  Elle  péril  ainsi  pendant 
les  horreurs  de  la  révolution  franeaise. 

CHARISE  (sainlj,  martyr,  soullïit  la  mort 
îi  Corifilhe,  pour  la  défense  de  la  religion.  11 
fui  noyé  avec  s.iint  Callisle  vX  se()l  auln;s, 
dont  le  Mailyrfjl'tfTe  r')main  ne  nous  duinio 


CH4 


552 


pas  les  glorieux  noms.  On  ignore  l'époque  à 
laquelle  eut  lieu  leur  mort.  L'Eglise  les  ho- 
nore le  1()  avril. 

CHAIU  rÉ  (sainte).  Foi/.  Agapée. 

CHARTRES,  Autriciim,  Carnutcs ,  clief- 
lieu  (lu  département  d'Eure-et-Loir.  Le 
Martyrologe  romain  donne,  comme  ayant  été 
martyrisé  dans  cette  ville,  sous  Domitien, 
saint  Cliércn,  sur  lequel  il  n'existe  j^s  de 
documents  •  ertains. 

CHATRES  (aujo(U"d'hui  Arpajon),  ville  du 
département  de  Seine-et-Oise  ,  est  célèbre 
dans  les  annales  des  martyrs  par  la  mnrt 
qu'y  endura  pour  la  foi  saint  Ion,  par  l'ordre 
du  piéfet  Jul  en. 

XHAUMOND  (saint),  était  d'une  famille  il- 
lustre des  Gaules.  Etant  venu  à  Paris,  le  roi 
Clovis  II,  qui  le  respectait  singulièrement 
à  cause  de  ses  vertus,  le  choisit  pour  être 
parrain  de  son  fils  aîné,  qui  fut  depuis  roi, 
sous  le  nom  de  Clotaire  111.  Lorsque  son 
zèle  et  sa  piété  l'eurent  élevé  sur  le  siège 
de  Lyon,  il  remplit  avec  exactitude  tous  les 
devoirs  d'un  fidèle  pasteur.  11  acheva  les  bâ- 
timents de  la  maison  de  saint  Pierre  et  y 
établit  mie  communauté  de  vierges.  Deux 
de  ses  sœurs  lui  furent  utiles  dans  cet  éta- 
blissement. Les  vierges  dont  il  s'agit,  se 
consacrèrent  particulièrement  aux  œuvres 
de  charité.  Le  saint  reçut  avec  de  grandes 
marques  d'alfection  et  de  respect  saint  Be- 
noit Biscop  et  saint  Wilfrid,  qui  passèrent 
par  Lyon  en  allant  d'Angleterre  à  Rome. 

Clovis  il  étant  mort,  Ebroin,  maire  du 
palais,  qui  craignait  (ju'il  ne  fit  connaître 
les  vexations  dont  il  accablait  le  peuple  de 
Lyon,  résolut  de  lui  ôter  la  vie.  11  eut  re- 
cours à  la  calomnie  et  l'accusa  du  crime  de 
lèse-majesté.  1!  n'eut  pas  plutôt  appris  qu'il 
s'était  dérobé  par  la  fuite  à  ses  poursuites, 
qu'il  le  fil  massacrer  par  une  troupe  de  sol- 
dats ,  près  de  Chalons-sur-Saône.  Sa  mort 
arriva  le  28  septembre  657,  Saint  Wilfrid, 
de[)uis  évêque  d'York,  et  les  autres  ecclé- 
siastiques qui  l'accompagnaient,  rapportèrent 
son  corps  à  Lyon,  cl  l'enterrèrent  dans  lé- 
glise  de  saint  Pierre. 

On  garde  la  plus  grande  partie  de  ses  re- 
liques chez  les  religieuses  de  saint  Pierre  de 
Lyon,  (jui  depuis  embrassèrent  la  règle  de 
s;unt  Benoît.  On  invcxpic  ce  saint  contre 
l'épilepsie.  Il  y  a  dans  le  Forez  une  ville  qui 
porte  son  nom. 

Comme  le  saint  évêque  de  Lyon  est  appelé 
aussi  Daulin,  quehjues  auteurs  modernes 
ont  imaj^jiné  d'en  faire  deux  saints  distin- 
gués l'un  de  l'autre;  mais  leur  .>entimenl  est 
abandonné  par  les  |)lus  habiles  (l'itiques;  il 
est  également  conlraiie  aux  ancienms  Vies 
du  saint.  En  1083,  les  filles,  dites  à  Paris 
de  rUinon  clirélienne,  ac(piirent  dans  cette 
ville  l'hôtel  de  saint  Chaumond  ,  où  elles  fi- 
rent bAlir  une  église.  C'est  la  principale  com- 
munaub'  de  leur  congrégaliou.  hllles  étaient 
( oiumes  .>ous  h;  nom  du  sainl  (pii  était  leur 
patron,  (dodescart,  vol.  XIH,  j».  H\).) 

CHAVASL,  pr  in(-(!  aiiiK'nien  de  la  famille 
d'ArdzourouniK,  fut  l'un  de  ceux  qui  souf- 
frirent   volontairement    la     captivité    pour 


B53 


GHE 


cm 


,»)5i 


Jésus-Christ ,  sous  lo  règne  d'Hazguenl , 
deuxième  du  nom,  roi  do  Perso,  et  ([ui  ne 
furent  remis  «mi  liberté  et  renvoyés  en  leur 
pays  (]uo  huit  ans  après  la  mort  de  ce 
prince ,  sous  le  règne  do  son  lils  Bérose. 
(Pour  plus  de  détails,  voy.  Piunces   aumé- 

NIliMS. 

CHftLlDOlNE  (saint),  servait  avec  distinc- 
tion dans  l'armée  romaine.  11  avait  pour 
compagnon  d'armes  saint  Emétère,  vulgai- 
rement appelé  saint  Madir.  Tous  deux  furent 
martyrisés  à  CaJahora,  mais  on  ignore  en 
quel  temps.  Prudence  dit  ipe  ces  deux  il- 
lustres combattants  de  la  foi  (irent  de  nom- 
breux uîiracles  en  Espagne.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  3  mars. 

CHEN,  missionnaire  en  Chine,  dans  le  Cou- 
tching,  fut  livré  par  un  chrétien,  moyen- 
nant vingt  mille  deniers.  11  fut  conduit  à 
Cou-tching,  reçut  soixante  soufllets  et  fut  en- 
suite transféré  dans  la  capitale  Ou-tchang- 
fou.  Il  se  trouva  en  prison  avec  M,  Clet. 
Tous  les  efforts  qu'on  fit  pour  le  faire  apos- 
tasier  furent  inutiles.  11  fut  condamné,  ainsi 
que  M.  Clet,  et  exécuté  avec  lui  en  avril 
1820. 

CHÉREMON  (saint).  Voici  ce  qu'à  son  sujet 
nous  trouvons  dans  le  Martyrologe  romain  : 
«  A  Alexandrie,  les  saints  prêtres  et  diacres 
Caius,  Fauste,  Eusèbe,  Cliérémon,  Lucius  et 
leurs  compagnons,  dont  les  uns  furent  mar- 
tyrisés durant  la  persécution  de  Valérien,  et 
les  autres,  en  servant  les  martyrs,  reçurent 
la  môme  récompense.  L'Eglise  fait  leur  fête 
le  k  octobre. 

CHÉREMON  (saint) ,  évoque  de  Nilopolis 
en  Egypte,  était  arrivé  à  une  extrême  vieil- 
lesse, quand  la  persécution  de  Dèce  s'alluma 
contre  l'Eglise.  Le  saint  vieillard  s'enfuit  avec 
sa  femme  et  un  grand  nombre  d'autres  chré- 
tiens, pour  éviter  la  rage  des  persécuteurs. 
11  se  retira  dans  les  montagnes  d'Arabie, 
exposées  aux  incursions  des  Sarrasins.  De- 
puis on  n'entendit  jamais  parler  de  lui  ni  de 
ses  compagnons  d'exil  ;  furent-ils  massacrés 
par  les  barbares,  pris  par  les  persécuteurs 
ou  victimes  de  la  faim  et  des  intempéries 
des  saisons,  ce  sont  points  sur  lesquels  l'his- 
toire est  muette.  L'Eglise  fait  la  fête  de  saint 
Chérémon,  nommé  aussi  Quérémon,  le  22 
décembre. 

CHÉRON  (saint),  fut  martyrisé  à  Chartres, 
sous  l'empereur  Domitien.  On  le  fête  le 
28  mai.  (Pas  de  documents.) 

CHÉRUBIN  (lebienheureux),  capucin  long- 
temps employé  aux  missions  de  Bassorah, 
s'embarqua  à  Mascate  pour  pénétrer  en  Abys- 
sinie,  et  fut  massacré  à  Magadoxa,  avec  le 
P.  François,  religieux  du  même  ordre,  vers 
l'année  16i0,  sous  le  règne  du  Négous  Bas- 
silides,  fils  de  Mélec-Ségued. 

CHEVALET,  equuleusy  instrument  de  sup- 
plice employé  presque  constamment  à  l'égard 
de  tous  les  martyrs  de  la  primitive  Eglise. 
C'était  une  sorte  de  cheval  de  bois.  11  est  fort 
difficile  de  faire  comprendre  sans  figure  ce 
que  c'était  que  cet  instrument  si  célèbre. 
DiGTiOiNN.  PES  Persécutions,  I. 


La  pièce  principale  était  constituée  par  deux 
fortes  [)Oulrellcs,  jouîtes  ensemble  et  i)Ou- 
vant  se  séparer  i)ar  h;  milieu,  dans  le  sens 
de  leur  longueur  :  ligurez-voiis  un  grand  tré- 
teau, vous  aurez  idée  du  clievahil.  Les  deux 
poutrelles  formeront  la  partie  supérieure  du 
tréteau.  A  chaque  extrémité  des  |)0uttelles 
était  un  anneau  en  fer  dans  lequel  passaient 
deux  cordes,  allant  s'enrouler  chacune  à  un 
tour  fixé  à  l'un  des  pieds  du  tréteau.  Le  pa- 
tient, couché  sur  les  poutrelles,  le  visage  en 
haut,  était  attaché  i)ar  les  poignets  et  par 
les  pieds  aux  cordes  nommées  fidiculœ;  on 
serrait  les  tours,  de  manière  à  ce  que  la 
traction  de  ces  cordes  lui  disloquai  les  mem- 
bres. C'est  dans  cette  affreuse  position  qu'il 
était  torturé  par  les  bourreaux  qui  venaient 
lui  déchirer  les  ilancs,  la  poitrine,  le  ventre, 
avec  les  ongles  de  fer,  avec  les  crocs,  avec  les 
peignes  de  fer;  on  le  brûlait  avec  des  torches 
allumées.  Souvent  la  traction  des  cordes  était 
si  considérable,  que  les  pieds,  les  poignets 
étaient  disloqués.  On  arrachait  aux  martyrs 
les  ongles  des  orteils.  Souvent  les  pauvres 
suppliciés  restaient  plusieurs  heures  dans 
cette  horrible  torture.  Quand  on  jugeait  que 
le  supplice  avait  duré  assez  longtemps,  on 
lâchait  les  tours  ou  moulinets,  les  cordes  se 
relâchaient,  les  deux  poutrelles  se  séparant 
laissaient  passer  le  corps  du  martyr,  lequel 
demeurait  suspendu  au-dessous  du  chevalet. 
C'était  dans  cette  position  qu'il  subissait  l'in- 
terrogatoire. Comme  nous  l'avons  dit  au 
commencement,  cet  instrument  était  em- 
ployé dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise 
par  tous  les  persécuteurs.  Il  était  en  quelque 
sorte  l'âme  de  tous  les  supplices.  Souvent 
les  martyrs  mouraient  dans  cette  torture  qui 
était  ajlroce.  Beaucoup  de  saints  martyrs  su- 
birent l'épreuve  du  chevalet  un  grand  nom- 
bre de  fois. 

CHIÉTI,  ville  du  royaume  de  Naples,  où 
l'évêque  saint  Urbain  confessa  la  foi  de  Jé- 
sus-Christ. On  ignore  à  quelle  époque. 
•  CHLMAVON,  prince  Arménien  de  la  fa- 
mille Anzevadzik,  fut  l'un  de  ceux  qui  souf- 
frirent volontairement  la  captivité  pour  Jé- 
sus-Christ, sous  le  règne  d'Hazguerd,  deuxiè- 
me du  nom,  roi  de  Perse,  et  qui  ne  furent 
remis  en  liberté  et  renvoyés  en  leur  pays 
que  huit  ans  après  la  mort  de  ce  prince,  sous 
le  règne  de  son  fils  Bérose.  (Pour  plus  de 
détails^,  voy.  Princes  arméniens. 

CHINE  (la),  est  le  plus  grand  empire  de 
l'Asie.  Il  est  borné  au  nord  par  la  grande 
muraille,  qui  le  sépare  de  la  Tartarie  occi- 
dentale; à  l'ouest,  il  touche  au  Thibet;  au 
sud,  il  est  terminé  parle  Laos,  le  Tong-King, 
et  la  mer  de  la  Chine,  ou  l'Océan  oriental, 
et  à  l'est  par  le  même  Océan.  Le  Thibet  le  sé- 
pare des  pays  de  Ko-ko-nor  et  de  Si-fan  ;  il 
a  au  N.-O.  le  pays  de  Khami  ou  Khamull, 
partie  de  la  petite  Bukkarie  que  l'on  trouve 
au  delà  d'un  désert  qui  a,  dans  cet  endroit, 
neuf  journées  de  largeur,  suivant  lo  rapport 
des  plus  célèbres  missionnaires,  a  750  lieues 
de  long  sur  500  de  large,  et ,  selon  leurs  ob- 
servations les  mieux  vérifiées ,  il  est  situé 
entre  115  et  81"  de  loogitude  orientale  et  en- 

id 


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CHI 


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tre   20°  14'  de   latitude   septentrionale.   La 
Chine  est  divisée   en  13  ])rovinces,  dont  la 
lûoins  étendue  formerait  un  royaume  consi- 
dérable; il  en  est  même  plusieurs  qui,  pri- 
mitivement, ont  été  parta:4ées  en  diÛ'érentes 
j)étités  mbnarcliies.  Chensi,  Chansi  et  Pecheli 
sont  situés   au  nord;   Chdnsong,  Hyangnan, 
Chc-Kyang,  Fo-Kien  et  Quang-ton  sur   les 
bords  de  la  mer  ;  Quand-d,  Tim-nan  et  5e- 
ckuen  qui  joint   Chen-si   au  sud-ouest  et  à 
Touést,  Ho-nan ,    Hu-Quang,  Quey-Chen  et 
Eiang-Si  sont  placés  au  centre.  Ces  provin- 
ces sont  subdivisées  en  plusieurs   cantons 
qui  tous  ont  une  ville  du  premier  rang  pour 
capitale;  mais  Chun-Tyen-Su,  que  nous  nom- 
mons Pékin,  est  la  capitale  de  l'empire  de- 
puis que,  vers  l'an  HOo, les  empereurs  aban- 
donnèrent leur  résidence  de  Nan-King,  pour 
veiller  de  plus  près   aux  mouvements  des 
Tartares.  Les  auteurs  varient  beaucoup  sur 
le  nombre  des  habitants  de  cet  empire.  Quoi- 
qu'il en  soit  de  leur  calcul,  trop  enflé  pour 
y  donner  quelque  crédit,  il  est  vrai  de  dire 
que  dansles quatre  parties  du  monde,  nous  ne 
trouverons  pointd'exemple  d'une  aussi  grande 
population.  Celle   de  la  Chine  proprement 
dite  est  de  cent  soixante-dix  millions  :  Celle 
de  l'empire   tout  entier,  Chine  et  pays  sou- 
mis, est  de  trois  cent  quarante  millions:  ce 
qui  fait  croire  que,  quand  même  la  Chine 
n'aurait  aucune  liaison  avec  les  autres  peu- 
ples ,  son  commerce  intérieur  lui   suffirait 
pour  soutenir   l'activité   <ia  travail  de  ses 
citoyens  et  fournir  à  leurs  besoins   par  la 
nécessité    des     échanges.  Au   milieu   d'un 
grand  nombre  de  villes    considérables  ,  on 
dislingue  Pékin,  capitale  de  l'empire   et  la 
résidence  du  prince,  beaucoup  plus  grande 
et  infiniment  plus  peuplée  que  Paris.  Nan- 
king  tient   le    second   rang ,  et  a  sis  gran- 
des lieues  et   demie  de  tour.  Les  Chinois, 
en  général,  sont  d'un  caractère  doux  et  trai- 
table;  ils  ont  beaucoup  d'atl'abilité  dans  leur 
air  et  dans  leurs  manières,  mais  ils  sont  vin- 
dicatifs et  toujours  prêts  à  tromper  dans  le 
commerce,  surtout  lorsqu'ils  traitent  avec 
l'étranger.  Us  sont  actifs,  laborieux,  endur- 
cis au  travail,  et  l'élégance  de  leurs  ouvra- 
ges est  un  témoignage  honorable    du  bon 
goût  qui  les   guid*;.  Us  ont  moins  d'inven- 
tion que  nous,  ûiais  ils  imitent  facilement 
tout    ce    qu'on    leur    présente.    Plein    de 
bonne  opinion  pour  lui-même,  et  de  mé- 
pris pour  les  autres  nations,  le  plus  vil  Chi- 
nois ne  peut  être  en^ijagé,  par  aucune  raison, 
h  croire  qu'il  se  trouve   quelque  chose   de 
véritablement  estimable  hors  de  la  Chine.  11 
prétend  qu'il  ne  peut,  sans  blesser  la  justice, 
s'écarter  des    usages    reçus   dans   l'empire, 
uuand  môme  ils  seraient  reconnus  mauvais. 
Les  ieinmes  brillent  par    beaucoup   de  mo- 
destie et,  en  général  ,  ce  peuple  a  quelques 
bonnes    qualités  qui    lui    méritent  l'esliiiuî 
et  l'adtniratifju  de  ceux  qui  lu   pratiquent. 
{Hisloiredes  di/l'ércnls peuples  du  monde,  1. 1", 
p.  1.) 

Saint  François  Xavier,  après  avoir  porté 
la  lumière  du  chrislianisuH)  au  Jaj)i)ii,  vou- 
lait ('Mireitiendr(;   la  nn'-iiK!  chosf*  en  Chiin'. 


Mourant  surles  confins  de  cet  empire,  comme 
Moïse  à  l'entrée  de  la  terre  promise,  il  priait 
Dieu  de  vouloir  bien  inspirer  à  quelques- 
uns  de  ses  apùties  la  sainte  pensée  de  con- 
tinuer son  œuvre.  Ce  fut   le  P.  Ricci ,  qui 
le    premier    entra    dans    cette    voie    glo- 
rieuse. 11  quitta  Macao  en  1583,  et  forma 
un  établissement  à  Choaquin.  Pendant  vingt 
ans  il  eut  à  lutter  contre  dos  obstacles   de 
toute  nature ,  contre  des    persécutions  de 
toutes  sortes  ;  mais  enfin  étant  venu  à  Pé- 
kin et  ayant  été  reçu  de  l'empereur,  auquel 
il   offrit  des  présents  au  nombre  desquels 
étaient  un  tableau  de  la  Vierge,  une  montre 
à  sonnerie,  une  horloge  et  plusieurs  autres 
objets  précieux,  il  eut  la  permission  de  rési- 
der à  Pékin.  A  partir  de  ce  moment,  ses  ef- 
forts furent  couronnés  de  grands  succès.  11 
obtint  de  nombreuses  conversions  dans  tous 
les  rangs  de  la  société.  Bientôt  les  nouveaux 
convertis   devinrent  apôtres   à  leur   tour. 
Ricci  était  l'âme  de  la  mission,  et  veillait  à 
tout  avec  une  activité  sans  égale.  Tant  de 
fatigues  l'épuisèrent  :  il  y  succomba  à  l'âge 
de   57  ans.  La  mission  était  encore  d'ans  la 
désolation  de  la  perte  qu'elle  venait  de  faire, 
lorsque  Dieu  permit   qu'elle  fût    éprouvée 
par  la  persécution.  Les  missionnaires  furent 
tous  forcés  de   sortir  momentanément  de 
l'empire  et  de  se  retirer  à  MdCào. 

L'année  suivante,  1618,  la  Chine  fut  me- 
nacée d'une  invasion  par  les  Tartares.  Leur 
armée  était  formidable,  ils  gagnèrent  une 
g;rande bataille  et  s'avancèrent  jusqu'à  sept 
lieues  de  la  capitale.  On  persuada  à  l'empe- 
reur Ïien-Ki  que  le  moyen  le  plus  sûr  de 
gagner  la  supériorité  sur  les  Tartares  et 
d'en  délivrer  l'empire  était  d-e  faire  usage 
de  l'arlilierie.  Les  Chinois  avaient  des  'ca- 
nons, mais  ilsignoraientl'art  de  s'en  servir.On 
se  détermina  à  appeler  les  Portugais  de  Ma- 
eao  et  à  permettre  aux  missionnaires  de  les 
accompagner.  La  tentative  réussit  :  les  Tar- 
iares  furent  repoussés  sur  les  tVonlières  de 
Jl'empire,  et  cette  nation  inquiète  fut  forcée 
de  se  tenir  quelque  temps  en  repos.  Les 
•missionnaires  profitèrent  de  Ces  moments  do 
calme  et  avancèrent  les  ailaires  de  la  religion. 
Us  gagnèrent  l'estime  et  la  faveur  des  graiids 
et  d'un  grand  nombre  de  mandarins.  Ticn-Ki 
était  mort,  Zon-Chin,  son  successeut-,  prit 
beaucoup  de  goût  pour  l'esprit  et  les  ton- 
paissances  du  P.  Adam  Schall,  iKilif  de  Co- 
logne, et  missionnaire  jésuite.  Ce  fut  sous 
ce  malheureux  {)rince  que  la  Chine  tomba 
au  pouvoir  des  Tartares.  Zunté,  leur  roi,  en 
eotnuiença  Iti  conquête,  et  Cliuiig-Clii,  son 
fils,  l'acheva  en  iGCï.Le  P.  Adam  S(  hall  était 
resté  à  Pékin;  le  vainqueur  voulut  le  voir, 
et  il  $0  prît  pour  lui  de  beaucoup  d'estime 
et  d'alï'cCtion.  Non-sculénieiil  il  lui  donna 
rbnlrée  libre  de  son  palais,  mais  il  allait  sou- 
vent lu  voir  dans  la  maison  qu'il  occujiail, 
et  passait  plusieurs  heures  aveclui.  Le  mis- 
sionnaire par  son  caractère  aimable  et  insi- 
nuant disposait  tellcnieiil  les  sujets  de  ces 
entretiens,  (ju'il  passait  des  sciences  nià- 
tliéiiiati(ju('s  ù  des  points  do  morale  cl  de 
reli-io»i.  Il  'l'énssith  itispirci'  du  'l'iïoins  ft  me 


557 


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99w 


prince  uno  toile  ostiino  pour  la  religion  clné- 
tienne,  (lu'il  «mi  obtint   pour  les  missionnai- 
res la  lilicrlô  do  la  prôclior  et  do  la  propager 
dans  r(Mn[)iro.  Aussi,  la  mission   évanyéli- 
quc  a-l-ello  été  ahondanto  sous  co  rèyuo.  La 
haute  oonsidi'ration  que  procuraitau  P.  Schall 
la  diynilé  de  président  du  Iribuiial  d(!s  uui- 
tliémati(iues,  tourna  au  i)rorit  de  la  religion. 
Chiin-Chi  mourut  à  quatre-vingts  ans;  il  eut 
pour  succcssi  ur  le  célèbre  Canq-IIi,  (\\x\  n'a- 
vaii  que  8  ans  (puuul  il  monta  sui-  le  trôrn?. 
Les  régents  de  renipire  crurent  qu'il  devait 
être  de  Icui'  politicpie  de   servir  la  haine  des 
bonices  contre  le  clirislianisme,  et  ils  devin- 
rent persécuteurs.  Les  missionnaires  furent 
•presque  tous  chargés  de  chaînes,  hannis  et 
conduits  h  Canton.  Adam  Schall,  déchu  de  sa 
ïaveur,  privé  de  ses   dignités,  accab'é  d'op- 
probres et  de  calomnies,  fut  jeté  dans  les  pri- 
sons et  condamné  h  moit  |)Our  avoir  prèehé 
la  foi  do  Jésus-Christ.  Dieu  lui  avait  inspiré 
J'ardeur  du  martyre  ;  il   s'estima  plus  lieu- 
reux  de  confesser  le  nom   de  Dieu  dans  un 
caehot,  que  de  l'avoir  annoncé  avec  honneur 
dans   le  palais  d'un   grand    monarque.  La 
sentence  ne  fut  pas  exécutée,  mais  il  survé- 
cut peu  de  temps  à  ses  longues  souffrances, 
et  Dieu  rompit  ses  liens  terrestres  pour  le 
faire  jouir  de  la  liberté  des  enfants  de  Dieu. 
La  persécution  fut  vive  pendant  la  mino- 
rité de  l'empereur ,  mais   elle  cessa  lors- 
qu'il gouveroa  par  lui-même.  Aucun  empe- 
reur ne  fut  plus  ouvertement  favorable  à  la 
religion.  Il  commença    son  administration- 
.par  rendre  la  liberté  aux   missionnaires  et 
aux  églises  chrétiennes.  La  nécessité  de  ré- 
former le  calendrier    chinois  fit   appeler  les 
missionnaires  à  la  cour:  l'ignorance  des  ma- 
hométans,  alors  en  possession  du   tribunal 
de  l'astronomie,  fut  pleinement   confondue 
en  présence  de  l'empereur;  ils  furent   ren- 
voyés. Le  P.  Verbien,  pour  prix  d'une  vic- 
toi;e  qu'il  lui  fut  facile  de  remporter,  fut 
proclamé,  devant  toute  la  cour,  président  du 
tribunal  des  mathématiques,  et,  ce  qui  éiait 
plus  intéressant  encore  pour  la  religion,  il 
obtint  dès  lors,  et   conserva  sans  interrup- 
tion, la  fciveur  et  la  protection   déclarée  de 
Chang-HL  Le  tribunal,  qui  porle   pour  titre 
celui  du  Tribunal  des  Etats  de  V Empire,  dé- 
clara, pour  réponse  à  une   requête  qui  lui 
avait  été  renvoyée  par  ordre  de  l'empereur, 
qu'après  séiieux  exaiïiencie  la  religion  chré- 
tienne, il  estimait  qu'elhî  avait  été  mal  à  |)ro- 
pos  condamnée,  qu'elle  était  bonne  et  ne  con- 
tenait rien  (|ui  fût  contraire  au  bien  de  l'Etat; 
qu'en  conséquence  il  était  juste  que  la  mé- 
moire du  P.  Adam  Schall,  qui  avait  éîé  flétrie 
pour  l'avoir  prèchée,fûtréhal)ilitée,etqueles 
grands,  dépouillés  de  leurs  charges  pour  l'a- 
voir embrassée,  fussent  rétablis,  et  les  prê- 
tres européens  rappelés,  avec  la  permission 
de  retourner  à  leurs  maisons  et  à  leurs  égli- 
ses, pour  y  pratiquer  les    exercices  de  leur 
religion;  mais,  que  cette  religion  étant  étran- 
gère à  l'empire ,  il  paraissait   à  propos  de 
leur  défendre  de  la  prêcher  aux  Chinois,  et  à 
ceux-ci  de   l'embrasser.  Cette   décision   du 
tribunal  fut  contiimée  par  la  cour,  et  ce  ju- 


gement fut  d'un  grand  poids  pour  assurer 
la  faveur  du  jeune  prince  contre  les  remon- 
trances im[)ortunes  des  ennc^mis  do  la  reli- 
gion. La  parole  sainte  fructifia  de  plus  on 
plus;  l'année  suivante,  1072,  un  oncle  ma- 
ternel de  l'empereur  et  un  des  huit  géné- 
raux qui  commandaient  la  milice  tartare,  re- 
çurent le  baptême.  Le  P.  Verbien  ,  digiiie 
successeur  des  PP.  Ricci  et  Adam  Schall, 
était,  avec  l'assistance  du  ci(;l,  l'ànie  de  ces 
succ(V  et  la  colonne  de  cette  Lglise  naissanie 
Ses  fréquents  entretiens  avec  l'empereur  lui 
inspirèrent  du  respect  et  une  grande  estime 
pour  la  foi  chrétienne  :  m<^is,  adorons  en 
tremblant  les  jugements  de  Dieu;  il  manqua 
au  bonheur  et  h  la  consolation  du  vertueux 
missionnaire  de  ])Ouvoir  persuader  à  ce 
prince  de  se  déclarer  pour  elle  en  l'embras- 
sant. La  sévérité  de  sa  morale  et  une  politi- 
que humaine  et  troj)  timide  l'arrêtèrent.  La 
foi  est  un  don  de  Dieu  ;  il  y  a  encore  loin  de 
la  conviction  de  l'esprit  à  la  persuasion  du 
cœur.  Le  prince  vit  la  vérité,  et  il  se  contenta 
de  lui  rendre  un  hommage  qui  fut  stérile 
pour  lui-même.  Malgré  la  restriction  insérée 
dans  le  jugement  du  tribunal,  la  lumière  s'é- 
tendit bientôt  de  la  capitale  dans  toutes  les 
provinces  de  l'empire.  On  s'aperçut  alors  de 
la  nécessité  d'augmenter  le  nombre  des  ou- 
vriers évangéliques.  Le  P.  Verbien  en  de- 
manda au  souverain  pontife.  Pour  enflammer 
le  zèle  et  exciter  l'émulation  dans  les  corps 
religieux  de  l'Europe,  il  y  fit  connaître  les  dons 
de  la  grâce  et  les  bénédictions  du  ciel  sur  la 
Chine.  C'est  à  ce  motif,  si  digne  de  la  religion, 
que  l'on  doit  l'origine  et  la  publication  suc- 
cessive  des  lettres  édifiantes. 

L'espérance  de  Verbien  ne  fut  pas  trompée  ; 
Dieu  exauça  les  vœux  des  missionnaires  et 
de  leurs  fervents  néophytes.  Des  religieux  de 
l'ordre  de  Saitit-Domi nique  et  de  celui  de 
Saint-Fiançois  et  des  Augustins,  suivis  bien- 
tôt par  des  prêtres  de  l'institut  des  Missions- 
Etrangères  (le  Paris,  volèrent  au  secours  dî^s 
Eglises  de  la  Chine.  N'oublions  pas  que  c'est 
au  P'.  Ferdinand  Verbien  que  les  Français 
sont  redevables  d'avoir  été  appelés  à  parta- 
ger ses  travaux  apostoliques;  c'est  lui  qui 
les  fit  venir  à  Pékin,  et  qui  disposa  l'empe- 
reur îi  les  recevoir  et  à  les  traiter  avec  dis- 
tinction. Il  mourut  au  moment  qu'ils  arrivè- 
rent et  fut  privé  de  la  consolation  de  les  pré- 
senter lui-même  h  la  cour.  Les  décrets  dé 
Dieu  sont  impénétrables  :  pourquoi  faut-il 
qu'une  époque  si  glorieuse  et  si  liciie  en  bé- 
nédictions ait  touché  de  si  près  aux  temps 
de  trounles  et  de  dissensions  qui  ont  agité 
cett«  Eglise,  naissante  et  qui  ont  servi  de  ()ré- 
texte  et  ouvert  la  porte  kla  plupart  des  per- 
sécutions qui,  pendant  le  cours  de  plus  d'un 
siècle,  déchirèrent  son  sein,  et  se  succédè- 
rent presque  sans  intervalle?  On  voit  assez 
que  nous  allons  être  forcé  de  parler  des 
disputes  sur  les  cérémonies  chinoises ,  dis- 
putes qui  n'ont  pas  moins  scandalisé  l'Eu- 
rope qu'affhgé  l'Eglise  de  la  Chine.  Pour  ju- 
ger du  fond  de  ces  disputes,  il  faut  se  former 
une  idée  exacte  du  sujet  qui  en  fut  l'occa- 
sion et  le  prétexte. 


ohd 


r,in 


CHi 


560 


Le  P.  Ricci,  arrivé  à  laCliino  eu  1580,  s'i- 
magina que  le  moyeu  le  plus  sûr  d'attaquer 
les  pn'jugés  et  d'amener  les  Chinois  à  la  vé- 
rité était  de  se  joindre  en  partie  aux  éloges 
Sue  la  nation  et  le  gouvernement  ne  cessent 
e  donner  à  Confucius ,  qu'ils  regardent 
comme  le  sage  par  excellence,ie  maître  de  la 
grande  science  et  le  législateur  de  l'empire. 
Il  crut  avoir  découvert  que  la  doctrine  de  ce 
philosophe  sur  la  nature  de  Dieu  se  rappro- 
<;hait  beaucoup  et  ne  ditl'érait  pas  essentiel- 
lement de  celle  du  christianisme;  que  ce  n'é- 
tait point  le  ciel  matériel  et  visible  ,  mais  le 
vrai  Dieu,  le  Seigneur  du  ciel,  l'Etre  su- 
prême ,  invisible  et  spirituel  dans  son  es- 
sence, inlini  dans  ses  perfections,  créateur  et 
conservateur  de  toutes  choses,  le  seul  Dieu 
enfin  dont  Confucius  prescrivait  l'adoration 
et  Je  culte  à  ses  disciples.  Quant  aux  hon- 
neurs rendus  aux  ancêtres,  les  prosterna- 
tions, les  sacrifices  mêmes  qu'on  offrait  pour 
honorer  leur  mémoire,  le  P.  Ricci  se  per- 
suada et  s'efforça  de  persuader  aux  autres 
que,  dans  la  doctrine  de  Confucius  bien  en- 
(endue,  ces  hommages  étaient  des  cérémo- 
nies purement  civiles ,  où  ce  philosophe 
enseignait  qu'on  ne  devait  voir  rien  de  reli- 
gieux et  de  sacré;  que  ce  motif  en  était  uni- 
quement fondé  sur  les  sentiments  de  véné- 
ration, de  piété  filiale,  de  reconnaissance  et 
d'amour  que  les  Chinois  ont  eus  dans  tous 
^es  siècles,  à  remonter  jusqu'au  berceau  de 
leur  empire,  pour  les  auteurs  de  leurs  jours 
et  pour  les  sages  qui  les  ont  éclairés  des 
rayons  de  la  vraie  science  ;  qu'ainsi,  ces  fê- 
tes nationales  et  ces  cérémonies,  ramenées 
à  leur  source  et  aux  vrais  principes  du  phi- 
losophe chinois,  n'étaient  pas  un  culte  de 
superstition  et  d'idolâtrie,  mais  un  culte  ci- 
vil et  politique  qui  pouvait  être  permis,  à 
i'égard  de  Confucius  et  des  ancêtres,  à  des 
Chinois  convertis  au  christianisme.  Telle  a 
■été  jusquà sa  mort, arrivée  en  1610, l'opinion 
du  P.  Ricci  et  du  plus  grand  nombre  des 
missionnaires. 

Le  P.  Longobardi,  qui  lui  succéda,  vit  ces 
usages  sous  un  aspect  bien  différent.  L'es- 
time qu'il  portait  aux  talents  et  aux  vertus 
du  P.  Ricci  avait  suspendu  son  jugement  et 
'ses  scrupules  sur  le  système  et  la  pratique 
de  cet  homme  aposfoli(iue;  mais  se  voyant  à 
la  tête  de  la  mission,  et  responsable  de  tous 
les  abus  qui  pourraient  s'y  commettre,  il 
crut  de  son  devoir  d'examiner  de  plus  près 
ces  questions  importantes.  11  y  fut  encore 
excité  par  l'avis  que  lui  donna  le  P.  Pascio, 
visiteur  général,  que  les  missionnaires  du 
Japon  n'approuvaient  pas  le  système  de  son 
f)rédécess(!ur.  il  se  mit  à  lire  les  ouvrages 
de  Confucius  et  de  ses  plus  célèbres  com- 
(uentaleurs,  et  il  consulta  les  lettrés  (jui  pou- 
vaient lui  fournir  des  lumières  fît  lui  ins[)i- 
rer  h;  jjIus  de  confiance.  Plusieurs  autres 
rnissifjrinaires  jésuites  agitèrent  entre  eux  ce 
sujet  do  controverse;  l(!s  sentiments  furent 
jtai'  âgés.  Le  P.  Lorig(>l)ai"di  r;omposa  à  (;ctt(; 
<ii;casioii  ut  ouvra  e  où  li  matière  fut  traii^'-e 
<i  f(jnd,  et  les  conclusions  en  étaient  qu(î  la 
doctrine  do  Confucius  et  celle  de  ses  disci- 


ples étaient  plus  que  suspectes  de  matéria- 
lisme et  d'athéisme;  que  les  Chinois  ne  re- 
connaissaient, à  le  bien  considérer,  d'autre 
divinité  que  le  ciel,  et  sa  vertu  matérielle 
répandue  dans  tous  les  êtres  de  l'univers  ; 
que  l'âme  n'était,  dans  leur  système,  qu'une 
substance  subtile  et  aérienne  ;  et  qu'enfin 
leur  opinion  sur  l'immortaliié  de  l'âme  res- 
semblait beaucoup  au  système  absurde  de  la 
métempsycose,  qui  leur  était  venu  des  phi- 
losophes indiens.  Considérés  sous  ce  point  de 
vue,  les  usages  de  la  Chine  parurent  à  Lon- 
gobardi, et  à  ceux  qui  se  déclarèrent  pour 
lui,   une  idolâtrie  des  plus  caractérisées  et, 
par  conséquent,  une  superstition  abomina- 
ble, qui  ne  pouvait  s'allier  avec  la  sainteté 
du  christianisme  ;  une  pratique  criminelle  , 
dont  il  fallait  faire  sentir  l'impiété  aux  Chi- 
nois que  la  grâce  de  Dieu  appelait  à  la  lu- 
mière de  l'Evangile,  et  qu'il  fallait  interdire 
rigoureusement  à  tous  les  chrétiens,  quelles 
que  fussent  leur  condition  et  les  places  qu'ils 
occupaient  dans  l'empire.  Les  partisans  de 
cette  opinion  n'en  restaient  pas  là  :  ils  défen- 
daient aux  nouveaux  chrétiens  de  se  servir 
des  termes  King-Tien,  prétendant  qu'ils  ne 
signifiaient  pas  le  Seigneur  du  ciel,  dans  l'es- 
prit des  Chinois  qui  prononçaient  ces  paro- 
les, mais  seulement  le  ciel  empereur,  enten- 
dant par  là  le  ciel  matériel,  la  seule  divinité 
que  reconnaissent  les  lettrés  eux-mêmes ,  et 
l'unique  objet  de  leur  culte.  A  la  lecture  de 
cet  ouvrage ,  les  Jésuites  qui  demeuraient  à 
Macao  se  déclarèrent  ouvertement  pour  l'opi- 
nion de  Longobardi. Le  P.  Palineiro,  nouveau 
visiteur ,  adressa  aux  missionnaires  la  dé- 
fense formelle  d'employer  à  l'avenir  le  nom 
de  King-Tien  ou  de  Xam-Ti ,  pour  signifier 
le  vrai  Dieu,  et  de  tolérer  l'usage  des  céré- 
monies chinoises  pour  les  chrétiens.  Cet  or- 
dre ne  put  commander  à  la  conscience  des 
missionnaires   attachés   au   système   du  P. 
Ricci.  Ils  protestèrent  de  leur  disposition 
sincère  à   se  soumettre  aux  décisions  qui 
émaneraient  du  saint-siége  ;  mais,  d'après  la 
connaissance  qu'ils  avaient  des  mouvements 
qui  résulteraient,  pour  les  progrès  de  l'Evan- 
gile, de  cette  révolution  qu'on  leur  proposait 
de  faire  dans  les  ojtinions  chinoises ,  sur 
ces  usages  qui   remontaient   si    haut  dans 
l'histoire  de  l'empire,  et  que  jusqu'à  présent 
les  chrétiens  avaient  pratiqués  sans  scrupule, 
en  les  restreignant  à  un  culte  purement  civil, 
ils  refusèrent  de  rien  changer  à  leur  ensei- 
gement  et  à  leur  conduite. 

La  dispute  qui  s'agitait  avec  beaucoup  de 
vivacité  au  fond  de  l'Asie  fut  portée  à  Rome, 
oiî  les  sentinuMits  n'étaient  pas  moins  parta- 
gés (ju'à  la  Chine.  On  pense  bien  que  la 
question  y  était  i)résentée  sous  un  jour  tout 
à  fait  dilléronl  par  les  deux  [)artis.  Sur  l'ex- 
posé des  Dominicains  et  de  leurs  adhérents, 
il  émana  d(!  la  Propagande,  en  1GV5,  avec 
l'ap|)robation  du  papi;  Itniocenl  \,  un  décret 
provisoiie  (pii  défendit  les  cérémonies  chi- 
noises juscpj'à  ce  (pie  le  saint-siége  vùl  [)ro- 
noncé  di'li'iilivemenl.  Les  Jésuites  se  plai- 
gnirent de  n'avoir  j)oint  été  entendus.  Ils 
furent  admis  à  justifier  leur  opinion;  ett 


:6i 


CHl 


cm 


S6i 


d*fiprès  leur  exposé,  parut  un  nouveau  dé- 
cret, en  1G56,  portant  permission  aux  Chi- 
nois et  aux  lettrés  convertis  de  persister 
dans  leurs  anciens  usages ,  en  déclarant , 
pour  sauver  tout  scandale,  que  par  les  hon- 
neurs cpi'ils  rendaient,  soit  aux  ancêtres,  soit 
à  Confucius,  ils  n'entendaient  pas  un  culte 
religieux,  mais  seulement  un  culte  civil  et 
purement  politique.  Les  Jésuites,  s'appuyant 
sur  le  second  décret  approuvé  par  Alexan- 
dre Vil,  prétendirent  qu'il  était  censé  anéan- 
tir les  dispositions  du  premier.  Les  Domini- 
cains en  portèrent  leurs  plaintes  à  Rome  et 
en  obtinrent  un  troisième  décret,  par  lequel 
les  deux  précédents  portés  dans  la  même 
cause  étaient  maintenus  ;  c'est-à-dire  que  les 
cérémonies  chinoises  étaient  défendues  pour 
ceux  qui  les  croiraient  idolâtricfues,  et  per- 
mises à  ceux  qui  ne  les  regarderaient  que 
comme  des  actes  d'une  vénération  purement 
civile.  Le  saint-siége  se  réservait  toujours 
de  prononcer  définitivement  sur  le  fond  de 
la  dispute,  lorsque  les  raisons  produites  de 
part  et  d'autre  paraîtraient  suffisamment 
discutées. 

.  Ce  n'était  pas  là  le  moyen  de  rétablir  la 
paix.  La  liberté  accordée  à  chacun  de  pro- 
duire ses  mémoires  ne  fit  qu'allumer  de  plus 
en  plus  l'esprit  de  dispute  et  de  contention; 
on  devait  s'y  attendre.  Innocent  XI,  qui  s'en 
aperçut,  tenta  de  remédier  à  un  mal  qui  de- 
venait de  plus  en  plus  funeste  aux  succès 
des  missions.  Il  fallait  prendre  sur  les  lieux 
des  informations  assez  sûres  et  assez  éten- 
dues pour  mettre  Rome  en  état  de  rendre  un 
décret  définitif  et  absolu.  Le  pape  s'arrêta  à 
l'exécution  de  ce  projet,  que  lui  dictait  sa 
sagesse  et  que  nécessitaient  les  circonstan- 
ces. 11  s'était  formé  à  Paris  une  société 
d'ecclésiastiques  dont  la  destination  et  l'ob- 
jet étaient  de  porter  la  connaissance  de 
Jésus-Christ  aux  nations  infidèles  de  l'Afri- 
que et  de  l'Asie.  Louis  XIV,  dont  la  magni- 
ficence ne  laissait  aucune  occasion  d'éclater, 
avait  concouru  à  cet  établissement.  Cette 
société ,  dont  le  séminaire  est  situé  rue  du 
Bac,  sous  le  nom  de  Missions-Etrangères , 
procura  à  la  religion,  dès  les  premiers  temps 
de  son  institution,  des  hommes  d'un  mérite 
rare,  d'une  vertu  subhme  et  d'un  zèle  vrai- 
ment apostolique.  Les  sujets  de  cette  compa- 
gnie, après  s'être  préparés  à  la  sainteté  de 
leur  vocation  pendant  quelque  temps,  dans 
la  maison  de  Paris,  sont  envoyés  à  Ispahan, 
capitale  de  la  Perse,  pour  s'y  perfectionner 
dans  l'étude  des  langues  orientales.  L'esprit 

Ërimitif  se  soutient  dans  toute  sa  ferveur, 
rûlants  du  feu  de  l'amour  des  souffrances 
et  de  l'esprit  de  martyre;  sacrifiant  tous  les 
avantages  que  la  naissance,  la  fortune  et  des 
talents  distingués  pouvaient  promettre  à  plu- 
sieurs de  ces  pieux  ecclésiastiques  ;  se  dé- 
vouant sans  réserve  et  sans  partage  au  grand 
œuvre  des  missions,  on  les  a  vus,  dans  tous 
les  temps,  porter  avec  un  courage  héroïque 
la  lumière  de  l'Evangile  aux  nations  idolâ-  ■ 
très  ;  et  ceux  qui  survivent  aux  malheurs 
que  notre  révolution  a  fait  éprouver  à  leur 
compagnie  cultivent,  avec  des  fatigues  in- 


croyables, les  portions  éloignées  du  champ 
de  l'Eglise ,  que  leurs  prédécesseurs  avaient 
défrichées.  Le  royaume  do  Siam,  le  Tong- 
King,  la  Cochinchine  et  his  autres  pays  voi- 
sins continuent  d'être  le  lli(''Atre  de  leur 
zèle.  Uni(iuement  occupés  d'avancer  l'œuvre 
de  Dieu  dans  les  pays  qui  leur  sont  échus  eu 
partage,  ils  ne  pensent  pas  même  h  publier 
en  Europe  les  bénédictions  al)on(lniil(;s  (jue 
Dieu  verse  sur  leurs  travaux.  Ou  oserait 
presque  S(i  |)laindre  de  leur  modestie;.  En 
nous  dérobant  la  connaissance  de  hmrs  suc- 
cès, elle  semble  enlever  à  la  religion  même 
un  des  moyens  les  plus  propres  à  exciter 
dans  les  Ames  généreuses  la  gloire  de  venir 
au  secours  de  leur  établissement,  et  dans 
plusieurs,  la  noble  émulation  de  les  imiter. 
Combien  peu  de  i)ersonnes  savent  que  leur 
mission  était,  en  1787,  dans  l'état  le  plus  flo- 
rissant à  la  Cochinchine  ;  que  cette  année,  le 
nombre  des  communiants,  dans  la  quinzaine- 
de  Pâques,  s'est  élevé  à  près  de  deux  cent 
mille,  et  que  chaque  jour  la  religion  chré- 
tienne y  fait  de  nouveaux  progrès? 

Vers  l'époque  oiî  la  dispute  sur  les  céré- 
monies chinoises  était  dans  sa  plus  grande 
chaleur ,  quelques-uns  de  ces  respectables 
missionnaires  avaient  pénétré  dans  la  Chine, 
et  s'étaient  joints  aux  ouvriers  évangéliques 
de  ce  grand  empire.  Ils  se  rangèrent  du  côté 
de  ceux  qui  jugeaient  le  culte  chinois  in- 
compatible avec  les  principes  du  christia- 
nisme. La  réputation  de  sagesse  et  de  capa- 
cité dont  ils  jouissaient  à  Rome  et  en  France 
donnait  un  grand  poids  à  leur  sentiment. 
M.  Maigrot,  l'un  d'eux,  docteur  de,  la  mai- 
son de  Sorbonne,  honoré  du  titre  de  visiteur 
apostolique,  et  nommé  ensuite  è^  l'évêché  de 
Conon,  s'était  rendu  à  la  Chine.  Les  papes 
Innocent  XI  et  Innocent  XII  le  chargèrent 
d'examiner  sur  les  lieux  le  véritable  état  de 
la  controverse,  et  d'en  informer  le  saint- 
siége.  Après  avoir  employé  un  temps  qu'il 
crut  suffisant  à  cet  important   examen,  il 
condamna   ces   cérémonies  et  les  défendit 
sous  les  peines  canoniques,  comme  opposées 
à  la  sainteté  du  christianisme.  Cette  ordon- 
nance ne  servit  qu'à  alimenter  et  attiser  da- 
vantage le  feu  de  la  dispute.  Les  missionnai- 
res dissidents  opposèrent  le  décret  d'Alexan- 
dre VII  et  celui  même  d'Innocent  XI  à  la 
décision  du  visiteur;  ils  prétendirent  que  ce 
mandement  avait  été  témérairement  rendu 
sur  un  faux  exposé,  et  ils  s'en  plaignirent 
dans   les    mémoires  qu'ils  firent  passer  à. 
Rome.  De  son  côté,  le  prélat  y  fit  présenter 
au  pape,  en  1696,  une  requête  par  laquelle 
il  suppliait  le  saint-siége  d'ordonner  ce  qu'il 
jugerait  convenable  sur  les  dispositions  que- 
contenait  son  mandement.  Les  directeurs  du: 
séminaire  des  Missions-Etrangères  de  Paris, 
se  firent  un  devoir  de  défendre  :eurs  confrè- 
res; pour  attaquer  la  question  au  fond,  ik 
dénoncèrent  à  la  Sorbonne  les  mémoires  du 
P.  Lecomte.  Les  docteurs  de  la  faculté  s'as- 
semblent, examinent  et  portent  leur  censura 
sur  cinq  propositions  extraites  de  ces  mé- 
moires. Dans  le  même  temps,  MM.  des  Mis- 
sions-Etrgngères  écrivent  au  pa])e,  et  ren- 


563 


cm 


cm 


S44 


dent  leur  lettre  publique.  Le  ton  d'aigreur 
et  de  vivacité  qui  s'y  lait  sentir  donna  lieu 
de  soupçonner  qu'ils  agissaient  de  concert 
avec  les  solitaires  de  Port-Royal.  On  sait  que 
depuis  longtemps  ces  messieurs  étaient  en 
guerre  ouverte  contre  les  Jésuites;  tout  leur 
était  bon  pour  la  soutenir  avec  avantage,  et 
ils  saisirent  avec  vivacité  l'occasion  de  sou-r 
lever  do  plus  en  plus  les  préventions  qu'ils 
excitaient  contre  colle  compagnie. 

Pascal  s'ét.ut  montré  à  front  découvert. 
Peut-on  n'avoir  pas  raison  quand  on  écrit  si 
bien?  Les  grâces  de  son  style  changèrent  en 
démonstrations  ce  qui  jusque-là  n'avait  en- 
core été  que  problème.  Sans  autre  examen, 
OH  se  persuaiia  qu'un  écrivain  qui  savait  si 
bien  sa  langue  n'ignorait  pas  l'histoire,  et  la 
cause  fut  jugée;  l'opinion  seule  l'emporta,  et 
en  France  on  est  demeuré  convaincu  que  les 
Jésuites  étaient  les  corrupteurs  de  la  morale, 
parce  que  M.  Pascal  l'avait  dit.  11  ne  s'agis- 
sait plus  que  de  les  montrer,  à  la  Chine,  les 
apôtres  ou  tout  au  moins  les  fauteurs  de 
l'idolâtrie,  et  c'est  l'objet  de  l'ouvrage  volu- 
min£ux  des  solitaires  de  Port-Royal  sur  la 
morale  pratique  des  Jésuites. 

Cependant  l'affaire  des  cérémonies  chinoi- 
ses était  instruite  à  Rome  avec  plus  d'activité 
que  jamais.  La  congrégation  nommée  à  cet 
effet  expose  les  questions  qui  étaient  à  juger. 
Les  docteurs  de  Paris  sont  consultés;  cent 
quarante  donnent  leur  avis  et  condamnent  le 
lulte  chinois.  Les  consulteurs  de  Rome  se 
trouvent  d'accord  avec  la  faculté  de  théologie 
de  Paris,  et  Clément  XI  porte  un  décret  con- 
foi;me-  Des  raisons  de  prudence  empêchent 
le  papp  de  le  rendre  public.  M.  de  Tournon, 
,pa,tri^rche  de  Constanlinople,  et  revêtu  quel- 
que «j^emps  après  de  la  pourpre  romaine,  ar- 
rive k  la  Chine  avec  la  qualité  de  légat  près 
de -l'empereur;  les  missionnaires  favorables 
,'aux  cérémonies  des  Chinois  lui  demandent 
la  publication  des  décrets  du  pape.  Fidèle  à 
ses  instructions,  le  fégat  se  refuse  à  leurs 
instances,  et  se  contente  de  publier  un  man- 
dement qui  bientôt  eut  le  môme  sort  que  ce- 
lui dë'M.  Maigrot.  Les  missionnaires  dissi- 
dents, qui  avaient  à  leur  tôle  trois  évoques 
et  vingt-quatre  Jésuites,  appellent  du  man- 
dement. Leurs  moyens  de  défense  £ont  tou- 
jours les  mômes  :1a  nullité  du  niandement, 
résultant  ()'un  faux  exposé  des  faits  et  de 
l'opposition  marquée  qui  se  trouvait  entre  le 
décret  provisoire  d'Alexandre  VII  ;  décret 
qui,  h'étaat  pas  révoqué,  leur  semblait  de- 
voir subsister  dans  toute  sa  force,  et  j)réva- 
loir  sur  Tautorité  d'une  simple  ordonnanco 
dii  légat. 

Rome  s'aperçut  enfin  que  toutes  ces  réso- 
lutions conditionnelles  et  provisoii'cs  n'au- 
raient jan)ais  une  autorité, sutlisanle  pour 
captiver  les  esprits  et  commandf;j'  (;(liciice- 
ment  h  la  conscience;  qu'en  laissant  toujours 
le'fond  de  la  question  indécis,  plus  (il(;s  se 
iriultiplieraicnt,  j)lus  elles  fournnai(  ni  (j'ali- 
tnenls  îi  la  dispute,  et  de  prétextes  pQur  se 
souslrnire  h  l'ohéissance. 

Pendant  celle  Irjugue  discussion  qui  avait 
duré  plus  d'un  siècle,  on  avait  pu  se  procu- 


rer assez  de  mémoires  et  d'éclaircissements, 
pour  êtr(!  en  état  de  rendre  un  jugement 
absolu  et  drlinitif.  C"est  ce  que  fit  Clément  XI 
en  1710;  la  nullité  de  l'aijpel  des  mission- 
naires dissidents  fut  prononcée,  l'ordonnance 
de  M.  de  Tournon,  pleinement  conlirmée;  et 
pour  qu'il  ne  restât  aucun  doute  sur  les,in-r 
tentions  du  saint-siége,  le  pape  fit  écrire  par 
l'assesseur  de  la  congrégation,  aux  généraux 
des  Jésuites,  des  Dominicains,  des  Augus- 
tins  et  des  Franciscains,  que  son  décret  n'é-^ 
tail  point  conditionnel,  mais  absolu  ;  et  qu'é-! 
tant  dans  l'incbranlable  résolution  de  n'y 
rien  changer,  il  leur  en  adressait  une  expé- 
dition, afin  quils  donnassent  à  leurs  mission- 
naires l'ordre  de  le  faire  exécuter  de  point 
en  point  sur  les  lieux. 

Qu'il  est  difficile  d'éteindre  l'esprit  de  dis-t 
pute  et  de  contention,  surtout  lorsqu'il  es| 
porté  au  point  d'aigrir  et  de  diviser  les 
cœurs  1  Tant  de  précautions  de  la  part  du 
pape  n'empochèrent  pas  qu'on  ne  trouvât 
des  moyens  d'éluder  les  dispositions  du  dé- 
cret, par  dos  interprétations  qui  tendaient  à 
l'assimiler  aux  décrets  précédents,  et  à  ne  le 
faire  envisager  que  sous  le  point  de  vue 
d'une  ordonnance  provisoire  et  condition- 
nelle. Clément  XI  ne  se  rebuta  pas,  et  il 
réussit  enfin  à  terminer  cette  grande  affaire, 
par  une  bulle  solennelle,  revêtue  de  toutes 
les  formes  les  plus  importantes.  Les  usages 
chinois  y  sont  proscrits,  comme  présentant 
tous  les  caractères  d'un  culte  religieux,  et 
par  conséquent  idolâtrique.  Cette  constitu- 
tion apostolique  renferme  un  formulaire  de 
serment  que  doivent  prêter  tous  les  mission- 
naires présents  et  à  venir,  de  se  soumettre  à 
ces  dispositions.  Clément  XI,  sur  les  ins- 
tances que  leur  en  firent  le  visiteur  général, 
les  évoques  et  les  vicaires  apostoliques  de 
la  Chine,  se  résolut  à  envoyer  un  nouveau 
légat,  avec  des  instructions  particulières 
pour  faire  recevoir  et  exécuter  sa  constitu- 
tion ;  le  pape  fit  choix  de  M.  Amhroise  .Mazza 
Barba,  qu  il  créa  patriarche  d'Alexandrie. 
Viani,  confesseur  clu  légat,  a  écrit  l'histoire 
de  sa  légation,  et  on  en  trouve  un  extrait 
très-circonstancié  dans  le  XX'  volume  de 
VJIisloire  générale  des  voyages,  publiée  en 
1749.  Mazza  Rarba  déveloj)pa  un  grand  ca- 
ractère, et  sa  conduite,  au  jugement  môme 
du  P.  du  Halde,  fut  en  tout  [xudente  et  mo- 
dérée. Cependant  les  suites  malheureuses 
que  produisit  sa  légation  n'ont  que  trop  vé- 
rifié le  fiuieste  pressentiment  des  jésuites 
missionnaires,  contre  tout  changement  c|ue 
l'on  tenterait  d'appoi-ter  aux  anciens  usages 
qui  sont,  pour  les  Chinois,  plus  sacrés  et  plus 
resp(!ctés  (pie  leur  religion  même. 

Depuis  longtemps  l'empercui' était  instruit 
des  dissensions  qui  régnai(Mit  |iarini  les  mis- 
sioiuiairos.  Toute  la  question  se  réduisait  à 
se  foi-mer  uik;  idée  exacte  (hi  la  nature  des 
cérémonies  ciiinoises.  Los  niis.sioniiairos  (pii 
étaitnil  à  sa  coui-,  crurent  que  le  seul  moyen 
de  rélal)lir  la  paix  avec-  l'unilormité  de  sen- 
timent, était  (le  faire  dérid<n'  cpi'elles  étaient 
|)ur('ment  civiles.  Ils  s'en  (.nivrirent  .^  reni- 
pcreur,  et  ils  en  obtinrent  une  déciuralion 


565 


cm 


cm 


566 


authentique  et  si  précise,  qu'elle  leur  parut 
un  nrguuieul  irrésistible,  en  faveur  do  leur 
opinion.  L'empereur  asseuihla  les  grands  ilo 
la  nation,  les  premiers  mandarins,  les  prin- 
cipaux lettrés  et  le  président  d»;  rAcadémio 
impériale  ;  tous  parurent  surpris  qu'il  y  eiU 
des  savants  en  Kurope,  qui  semblaif^nl  croire 
que  les  lettrés  de  la  Chine  honoraient  un 
être  inanimé  et  sans  vie,  tel  que  le  ciel  vi- 
sible et  matériel,  et  tous  déclaièrenl  solen- 
nellement tpi'en  invocpiant  le  Tien  «  ils  in- 
voquaient l'Ktre  suprême,  le  Seigneur  du 
ciel,  le  dispensateur  de  tous  les  biens,  qui 
Voit  tout,  qui  connaît  tout,  et  dont  la  provi- 
dence gouverne  cet  univers.  »  Le  prince 
conlirma  cette  déclaration,  et  pour  y  donner 
encore  plus  de  force,  y  joignit  son  opinion 
particulière  :  «  C/est  par  respect,  y  est-il  dit, 
que  les  Chinois  n'osent  pas  a|)peier  Dieu  de 
son  propre  nom,  et  qu'on  a  coutume  de  l'in- 
vixpjer  sous  le  nom  de  Cirl  suprême,  de 
Ciel  bienfaisant,  de  Ciel  universel,  do  la 
même  manière  qu'en  parlant  de  l'empereur, 
on  ne  rapi)ello  pas  de  son  nom,  mais  que 
l'on  dit,  les  Degrés  de  son  trône,  la  Cour  su- 
prême de  son  palais.  Ces  noms,  quoique  dif- 
férents quant  aux  sons,  ont  le  même  sens. 
Entin,  ajouta  l'empereur,  le  principe  de 
toutes  choses  s'appelle  Tien,  ciel,  en  terme 
noble  et  figuré,  de  môme  que  l'empereur  est 
appelé  Chaoling,  du  nom  de  son  palais,  où 
brille  davantage   sa  majesté  impériale » 

Kang-hi  ne  s'explique  pas  moins  nette- 
ment sur  les  honneurs  et  le  culte  rendus  aux 
ancêtres;  selon  lui,  la  doctrine  des  Tablettes 
n'est  conforme  ni  à  celle  de  Confucius,  ni 
aux  lois  de  l'empire.  Ces  Tablettes  ont  été, 
dans  la  suite  des  temps,  substituées  aux  por- 
traits imaginés  depuis  cent  ans  au  plus,  pour 
conserver  le  souvenir  des  ancêtres,  et  dont 
on  s'était  dégoûté  à  cause  do  leur  peu  de 
ressemblance.  11  ajouta  que  malgré  l'inscrip- 
tion, siège  de  Vesprit,  qu'elles  portaient, 
aucun  Chinois  n'était  assez  crédule  pour 
s'imaginer  que  l'âme  de  leurs  ancêtres  vînt 
s'y  rendre;  qulls  les  regardaient  comme 
des  représentations  purement  symboliques 
auxquelles  on  ne  demandait  rien,  et  dont 
on  n'espérait  rien. 

Cette  déclaration,  sur  laquelle  tes  mission- 
naires jésuites  avaient  fondé  les  plus  grandes 
espérances,  ne  servit  qu'à  augmenter  le  feu 
de  la  discorde  ;  bientôt  elle  devint  le  signal 
de  la  ruine  des  missions,  dans  les  provinces 
de  l'empire,  et  de  la  persécution  contre  le 
Chris ;ianisme.  L'empereur  s'en  prévalut  pour 
vouloir  se  rendre  juge  du  fond  de  la  contes- 
tation. Kang-hi^  passionné  pour  les  scien- 
ces, protégeait  avec  éclat  tous  les  Européens 
qu'il  croyait  propres  à  les  étendre  et  à  les 
perfectionner  dans  son  empire.  Ses  entre- 
tiens avec  les  missionnaires  lui  avaient  ins- 
.  pire  une  profonde  estime  pour  une  religion 
qui  n'est  pas  moins  admirable  par  les  vertus 
I  qu  elle  produit  que  par  la  moi  aie  qu'elle  en- 
seigne; il  voyait  avec  satisfacLion  les  heu- 
reux progrès  de  la  mission.  Les  mœurs  des 
bonzes,  leur  charlalanisme  et  leur  ignorance 
lui  éfaie.Ut  parfaitement  connus,  ainsi  que 


toutes  les  absurdités  do  la  doctrine  des  sectes 
chiiKiises.  Tout  le  i)ortait  à  désirer  que  les 
missionnaires  vinssent  à  bout,  par  l'ascen- 
dant de  leur  mérite  et  d(î  leurs  vertus,  d'é- 
tendre à  la  religion  et  à  la  morale  les  mêmes 
lumières  qu'ils  avaient  i)ortées  dans  le.s 
sciences  et  les  arts;  mais  il  envisageait  les 
choses  plus  en  politique  qu'en  ami  sincère 
de  la  v(îrité. 

Les  Chinois  sont  de  toutes  les  nations  dq 
l'univers  le  peu[)le  le  plus  su!>ersliliou\  et 
le  i)lus  porté  à  la  révolte,  quand  on  entre- 
prend de  toucher  h  ses  usages  et  à  ses  |)ra- 
liques  générales.  Us  sont  aussi  anciens  (jue 
l'enipire,  et  ils  les  croient  autant  de  lois  des- 
cendues du  ciel.  Chaque  |)ailicnlier  est  élevé 
dans  l'opinion  que  sa  destinée  en  bien  ou  en 
mal  est  attachée  à  sa  fidélité  ou  à  sa  négli- 
gence h  les  défondre  et  à  les  observer.  La 
])iété  liliale  est  la  vertu  des  Chinois,  et  dans 
tous  les  siècles,  les  honneurs  rendus  aux 
ancêtres  ont  été  regardés  comme  le  premier 
devoir.  Aussi  voit-on  dans  toutes  les  re- 
quêtes présentées  aux  empereurs  contre  la 
religion  chrétienne,  que  le  premier  crime 
dont  on  l'accuse,  est  de  pervertir  le  peuple 
en  lui  inspirant  du  mépris  ou  de  l'indiffé- 
rence pour  un  culte  national,  consacré  par 
les  lois  fondamentales  de  l'empire.  Il  fallait 
donc  commencer  par  détruire  ces  |)réjugés 
que  fomentaient  l'intérêt  personnel  des  bon- 
zes contre  le  christianisme,  et  la  jalousie  des 
mandarins  et  des  lettrés  contre  les  mission- 
naires de  la  cour.  Il  ne  s'agissait,  pour  en 
bannir  les  idées  de  superstition  et  d'idolâ- 
trie, que  d'éclairer  la  raison  du  ])euple;  c'é- 
tait sans  doute  un  grand  pas  de  fait  pour 
arriver  à  cet  important  résultat,  qu'une  dé- 
claration si  importante  par  la  qualité  des 
personnes  qui  l'ont  souscrite,  et  qui,  publiée 
par  le  chef  même  de  l'empire,  réduisait  les 
cérémonies  chinoises  à  un  culte  de  vénéra- 
tion purement  civile.  Cet  acte  authentique 
fut  regardé  par  les  évêques  de  la  Chine  et 
par  la  plus  grande  partie  des  missionnaires, 
comme  un  bienfait  marqué  de  la  Providence. 
On  s'empressa  de  le  faire  passer  h  Rome,  et 
en  attendant  ses  réponses,  on  crut  que  pour 
mettre  en  sûreté  la  conscience  des  nouveaux 
chrétiens,  il  suffisait  de  leur  expliquer  dans 
quel  esprit  ils  pouvaient  se  permettre  d'as- 
sister aux  cérémonies  des  ancêtres  et  de 
Confucius.  Le  calme  dont  jouit  l'Eglise  de 
la  Chine  fut  de  courte  durée^  Un  mandement 
de  M.  Mai^rot  ralluma  la  dispute  et  changea 
les  dispositions  favorables  de  l'empereur 
pour  la  religion  chrétienne.  Son  ressenti- 
ment tomba  d'abord  sur  MM.  Maigrot,  Mezza- 
Falcé,  vicaire  apostolique  de  Tçhé-Kiang,  et 
Guéli,  missionnaire  apostolique  qu'il  fit  ban- 
nir à  perpétuité  de  ses  Etats,  et  reléguer  en 
Tartarie,  comme  chef  de  discorde  entre  les 
missionnaires,  et  violateur  des  lois  sacrées 
de  l'empire.  [Lettres  édifiantes,  t.  II,  p.  28.) 
Le  pape,  pour  juger  laffaire  des  cérémo- 
nies chinoises,  avait  nommé,  comme  nous 
l'avons  dit  plus  haut,  M.  de  Tournon,  pa- 
triarche d'AnlioL;he,  son  légat  eu  Chine.  Nous 
empruntoiis  le  récit  de  ce  qu'ij  y  lit,  au  mé- 


567 


cm 


cm 


S68 


moire  que  le  P.  Thomas,  vice-provincial  des 
Jésuites,  publia  sur  ce  sujet.  Nous  avons 
parlé  de  sa  mission,  sans  entrer  dans  les  dé- 
tails, il  est  utile  de  les  dire,  pour  que  le  lec- 
teur soit  bien  au  courant  des  faits. 

Quand  M.  le  légat  fut  arrivé  à  Canton, 
le  8  avril  1703,  il  prit  conseil  des  plus 
anciens  missionnaires  du  pays,  et  il  résolut 
de  cacher  sa  dignité  jusqu'au  temps  où  il 
serait  à  propos  de  la  découvrir  ;  il  fit  cepen- 
dani  écrire  aux  missionnaires  de  Pékin  qu'il 
allait  se  mettre  en  route  ;  il  leur  écrivit  en- 
suite, contre  Tavis  commun,  d'annoncer  à 
l'empereur  son  arrivée  et  son  dessein  de  vi- 
siter toutes  les  missions  avec  un  plein 
pouvoir  de  Sa  Sainteté.  Depuis  ce  temps , 
M.  de  Tournon  n'a  demandé  conseil  à  au- 
cun missionnaire  de  Pékin.  Pour  obéir  à 
l'ordre  de  M.  le  patriarche,  nous  écrivî- 
mes quatre  fois  en  Tartarie  où  l'empereur 
était  alors,  pour  qu'il  permît  à  M.  de  Tour- 
non  d'user  de  ses  pouvoirs.  A  la  troisième 
lettre,  on  nous  refusa  son  entrée  à  la  cour, 
on  la  permit  à  la  quatrième.  L'empereur  or- 
donna de  faire  prendre  au  légat  un  vêtement 
tartare  et  le  ht  défrayer  jusqu'à  Pékin.  Paria, 
on  ferma  la  bouche  à  ceux  qui  répandaient 
le  bruit,  dans  Rome  et  ailleurs,  que  les  mis- 
sionnaires établis  à  la  cour  de  Pékin  empê- 
cheraient le  légat  deparvenir  jusqu'au  prince. 
M.  de  Tournon  partit  de  Canton  le  9  sep- 
tembre et  fut  reçu  partout  avec  de  grands 
honneurs.  Nous  avions  donné  à  l'empereur 
une  très-haute  idée  de  la  dignité  de  légat  ; 
aussi  ht-il  i>artir  un  de  ses  fils  pour  aller  au- 
devant  de  lui.  Il  arriva  à  Pékin  le  '*  décem- 
bre et  il  fut  logé  dans  la  maison  des  mission- 
naires, dans  l'enceinte  du  palais.  On  lui  as- 
signa des  provisions  de  bouche  aux  frais  de 
l'empereur  pour  tout  le  temps  de  son  sé- 
jour à  Pékin.  Un  de  ses  domestiques  étant 
mort.  Sa  Majesté  lui  donna  un  champ  pour 
sa  sépulture.  De  là,  la  grande  espérance  que 
conçut  le  prélat  d'établir  une  maison  de  mis- 
sionnaires italiens  dans  cette  capitale.  Il  ne 
voulut  point  d'un  terrain  destiné  aux  an- 
ciens Européens,  et  montra  par  là  une  es- 
pèce de  séparation  de  nous  à  un  prince  très- 
pénétrant.  M.  de  Tournon  fut  admis  le  31  en 
la  présence  de  l'empereur,  il  était  suivi  de 
toute  sa  maison.  Les  cohortes  au  milieu  des- 
quelles il  lui  fallut  passer  avaient  ordre  de 
le  dispenser  des  cérémonies  chinoises.  Il  sa- 
lua Sa  Majesté  par  ces  sortes  de  génuflexions 
que  l'on  traite  en  Europe  d'adoration.  L'em- 
jjereur  lit  asseoir  le  légat  sur  un  monceau 
de  coussins  ;  il  lui  demanda  des  nouvelles  de 
Ja  santé  du  pape  avec  un  air  de  bonté  et  de 
cordialité.  Une  réception  de  la  sorte  est  re- 
gardée en  Chine  comme  une  f.neur  extraor- 
dinaire. L'empereur  lui  lit  ensuite  présenter 
du  thé  par  les  plus  grands  seigneurs,  et  lui- 
même  lui  mit  en  main  une  coune  pleine  de 
vin.  Enliri,  on  lui  servit  une  tiible  couverte 
de  36  piafs  d'or,  l'i  nipereur  n'y  avait  pres- 
que p;is  touché  :  cett<;  labli^  fut  envoyée  au 
lê^al  d.ins  son  logis.  On  s'entn  tint  de  choses 
n/i .'aljles  après  le  dîner;  ensuite  rem|)ercur 
invita  !«*  patriarche  à  s'j'Xjiliqmr   sur  )«•  su- 


jet de  sa  légation.  On  peut  assurer  que  ja- 
mais, à  la  Chine,  il  n'y  a  eu  un  seul  exemple 
d'une  réception  d'ambassadeur  qui  égale 
celle  de  M.  de  Tournon.  Les  bontés  de  l'em- 
pereur se  soutinrent  toujours  :  il  fit  délivrer 
des  présents  pour  le  pape  et  se  réserva  d'en 
envoyer  de  plus  précieux  par  le  retour  de 
M.  de  Tournon.  Entin  Sa  Majesté  ordonna, 
le  premier  jour  de  l'année  chinoise  il  est 
d'usage  qu'au  renouvellement  de  l'année 
l'empereur  fasse  des  présents',  qu'on  portât 
au  légat  un  esturgeon  d'une  grandeur  prodi- 
gieuse et  d'autres  poissons,  des  sangliers, 
des  faisans  et  une  table  plus  riche  encore 
par  une  belle  garniture  d'argent  que  par  les 
mets  dont  on  la  couvrit.  Rien  de  plus  ma- 
gnifique que  l'appareil  avec  leauel  on  con- 
duisit au  prélat  les  présents  de  la  cour. 

Le  26  février,  l'empereur  invita  M.  le  pa- 
triarche à  un  beau  feu  d'artifice  qui  devait 
être  tiré  dans  une  de  ses  maisons  de  cam- 
pagne. Comme  M.  de  Tournon  était  indis- 
posé, on  le  porta  à  travers  les  jardins  de 
l'empereur.  On  lui  fit  entendre  un  concert 
d'eunuques  qui  ne  chantent  que  dans  l'ap- 
partement des  femmes  ;  enfin  on  le  fit  cou- 
cher la  nuit  dans  la  maison  impériale,  et 
deux  mandarins  furent  toute  la  nuit  de  garde 
à  sa  porte.  Au  commencement  du  printemps, 
l'empereur  partit  pour  la  chasse  de  certains 
oiseaux  aquatiques,  dans  la  province  de  Pé- 
Tché-li  :  c'est  un  amusement  qu'il  prend 
avant  d'aller  en  Tartarie  passer  les  grandes 
chaleurs.  Le  légat  reçut  du  prince  héritier, 
pendant  l'absence  de  son  père,  les  mêmes 
distinctions.  Vers  la  mi-juin,  l'empereur  étant 
de  retour,  fit  inviter  M.  de  Tournon  à  venir 
prendre  son  audience  de  congé  ;  mais  sa  ma- 
ladie étant  augmentée,  il  ne  put  s'y  rendre. 
Deux  mandarins  inférieurs  eurent' ordre  de 
ne  point  le  quitter,  afin  de  donner  de  ses 
nouvelles  à  la  cour.  Aussitôt  que  l'empe- 
reur eut  appris  sa  convalescence,  il  lui  en- 
voya quinze  pièces  de  brocard  et  une  livre 
de  la  précieuse  racine  de  Ginsem,  cai'  c'est  la 
coutume  de  la  Chine  de  faire  des  présents 
aux  convalescents. 

Sur  la  nouvelle  qu'eut  M.  de  Tournon  du 
prochain  départ  de  Sa  Majesté  pour  la  Tar- 
tarie, il  voulut  encore  avoir  une  audience. 
On  l'admit  dans  une  maison  impériale  hors 
de  la  ville;  il  fut  invité  à  voir  le  lendemain 
la  maison  de  campagne  de  l'empereur  et  les 
jardins  du  prince  héritier.  Ce  fut  le  prince 
lui-même  qui  la  lui  fit  parcourir;  il  avait  fait 
préparer  deux  barques  sur  le  canal,  il  le  ré- 
gala de  liqueurs  délicieuses.  La  cour  fut  sur- 
])rise  de  la  réception  que  les  missionnaires 
du  palais  avaient  procurée  à  un  étranger;  plu- 
sieurs même  murmuraient  de  la  familiarité 
à  laiiuelle,  disaient-ils,  l'héritier  d'un  grand 
empire  s'était  abaissé.  On  peut  dire  (pie  les 
Pères  de  Pékin  n'ont  pas  peu  contribué  h  lui 
attirer  tant  de  marques  de  dixiimlioii.  Plût 
à  Dieu  (jue  l'empereur  eût  continue  ii  traiter 
le  It'gat  avec  le  iiiêiiie  honneur!  Mais  malgré 
lis  sujets  (le  plaintes  (pi'il  crut  avoir  contre 
lui  pendant  deux  ukus,  on  lui  a  toujours 
fourni  gratuitement  de-^  piovjsions,  et  c'est 


5t^ 


cm 


(Hl 


570 


au\  frais  de  co  prince  qu'il  a  t^tt^  conduit  h 
Caiilon.  Lorsque  M.  do  louriion  arrivvi  ;\  Pé- 
kin et  quil  lit  entendre  au\  missionnaires 
que  Konie  avait  pmnoncé  sur  les  contesta- 
tions l';\(.lieuses  qui  les  divisaient,  loncer- 
nant  les  cérémonies  chinoises,  ils  le  suj)- 
plièrent  de  leur  laire  connaître  le  décret,  en 
protestant  qu'alors  ils  sacritieraientM'obéis- 
sance  due  à  TEdise  l'intérêt  de  la  mission, 
et  qu'ils  abandonneraient  même  la  Clnne.  si 
le  souverain  pontife  l'oniomiait.  Le  -25  dé- 
cembre de  l'atinée  ITOo,  l'empereur  tit  de- 
mander au  patriarche  la  cause  de  sa  légation. 
Ce  prince  u'ignorait  pas  le  sujet  de  nos  di- 
visions :  ainsi,  quana  il  vit  arriver  un  com- 
missaire apostolique,  il  coui^ut  qu'il  ne  venait 
que  pour  rétablir  la  paix  entre  les  mission- 
naires ;  il  tit  donc  dire  au  légat  qu'une  na- 
vigation de  6000  lieues  n'avait  certainement 
été  entreprise  que  pour  un  grand  dessein,  et 
qu'il  lui  nnporlait  d'en  être  informé.  Le  pa- 
triarche répondit  qu'il  n'était  venu  que  pour 
rendre  grâce  à  Sa  Majesté  de  la  protection 
qu'elle  accordait  à  la  religion  chrétienne  ; 
mais  bientôt  après  il  résolut  de  faire  savoir 
à  l'empereur  les  véritables  motifs,  en  em- 
ployant nour  cela  l'entremise  des  manda- 
rins ;  il  aéclara  qu'il  était  venu  pour  sou- 
mettre les  Pères  de  Pékin  à  la  visite  pasto- 
rale. Nous  silmes  que  ce  prince  avait  ré- 
pondu à  Son  Excellence  de  la  bonne  conduite 
et  de  la  régularité  des  Pères  de  sa  cour  :  tout 
cela  se  lit  avant  ipi'on  eût  traduit  en  cliinois 
le  mémoire  du  légU.  Par  ce  mémoire,  l'on 
disait  à  l'empereur  que  Sa  Sainteté  désirerait 
de  nommer  quelqu'un  de  sage  et  prudent  en 
qualité  de  supérieur  général  de  tous  les  Eu- 
ropéens, et  qui  serait  charge  d'établir  une 
correspondance  entre  les  deux  cours.  Lors- 
que Sa  Majesté  en  eut  fait  la  lecture  :  «  Ce 
ne  sont  là  que  des  demandes  frivoles,  dit- 
elle  ;  le  patriarche  n'a-t-il  point  d'autre  affaire 
à  négocier  ici?  »  Les  mandarins  rapportèrent 
au  légat  que  l'empereur  jugeait  à  propos  que 
ce  supérieur  général  filt  un  homme  connu  à 
sa  cour;  qui  y  eût  demeuré  au  moins  dix 
ans.  et  qui  fût  instruit  de  ses  maximes.  Cette 
réponse  fut  un  coup  de  foudre  pour  le  pa- 
triarche ;  il  s'écria  avec  émotion  qu'il  lal- 
laiî  que  l'empereur  eût  été  prévenu  par 
des  inspirations  particulières  et  fort  sus- 
pectes. 

Le  prince,  qu'on  instruisit  de  ces  ]~»ropos, 
dit  le  lendemani  à  ses  courtisans  :  u  Noire 
nouveau  venu  d'Europe  s'est  imaginé  que 
les  anciens  Européens  ont  brigue  la  nou- 
velle dignité  dont  il  parle  dans  son  mémoire: 
il  se  trompe  certainement,  car.  outre  qu'une 
commission  lie  la  sorte  n'a  parmi  nous  ni 
rang,  ni  prérogative,  ce  ne  pourrait  être 
qu'une  charge  bien  pesante  pour  eux  :  la 
cour  de  Rome  voudrait  les  rendre  respon- 
sables des  mauvais  succès  de  leur  négocia- 
lion;  ainsi,  je  suis  sûr  qu'aucun  d'eux  ne 
voudrait  s'en  charger.  »  En  conséquence, 
l'empereur  nous  ordop.aa  de  présenter  au 
patriarche  une  protestation  où  nous  dîmes 
que  nous  n'avions  nullement  empêché  ce 
mince  d'accorder  au  légat  ce  qu'il  souhaitait, 


et  que  certainement  nous  refuserions  cette 
place  si  rt>n  nous  la  proposait.  Le  patriareho 
n'en  crut  pas  moins  que  c'était  nous  qui 
avions  détruit  sa  négociation;  il  se  borna 
alors  à  proposer  un  simple  agoni  pour  être 
l'entremetteur  entre  les  deux^  tours.  L'em- 
pereur i"é[)ondit  qu'on  pouvait  donner  cette 
commission  k  (pielqu'ancien  Européen  de  son 
palais.  Le  légat  répliqua  qu'il  était  plus  à  pro- 
pos que  ce  fût  un  nomme  de  contiaiice  connu 
en  cour  de  Rome,  et  qui  en  sût  le  style  et  les 
manières...  ..  (^ue  voulez-vous  dire  jxir  cet 
homme  de  conliance?  Nous  ne  parlons  point 
ainsi  îi  la  Chine  :  tout  sujet  est  pour  moi  un 
homme  de  conliance,  et  je  compte  sur  la  tidé- 
lité  d'eux  tous;  qui  d'entre  eux  oserait  y 
manquer?  Si  je  vous  aecordais  l'agent  que 
vous  souhaitez,  ce  nouveau  venu  nourrait-il 
m'entendre  et  se  faire  entendre?  11  faudrait 
un  interprète,  et  de  là  des  souptjons  et  des 
détîanccs.  comme  on  en  a  aujounlhui  ;  ainsi 
qu'il  n'en  soit  plus  qu  \stion.  » 

Le  troisième  projet  du  légat  n'eut  j>as  un  plus 
heureux  succès.  11  voulaitobtenir  de  l'empe- 
reur la  permission  d'acheter  à  ses  frais  une 
maison  à  Pékin:  il  en  parla  à  un  mandarin 
qui  lui  conseilla  d'agir  de  concert  avec  nous 
pour  cette  atl'aire  :  ils  sont  les  seuls,  lui  dit- 
il.  qui  disent  du  bien  (ie  vous;  sans  eux, 
nul  ne  vous-reconnaîtrait  ici  pour  un  homme 
considérable  en  Europe  :  laites  paraître  un 
esprit  de  paix  et  d'union.  Le  légat  suivit  ce 
conseil,  il  envoya  prendre  les  Pères  du  pa- 
lais: mais  sur  la  demande  qu'ils  tirent  à  Sa 
Majesté  de  cette  maison,  elle  leur  défendit 
d'insister  jamais  là-dessus.  Le  patriarche  en 
eut  du  chagrin  et  couijut  de  violents  soup- 
çons contre  les  Jésuites.  La  quatrième  en- 
treprise du  patriarche  fut  au  sujet  des  pré- 
sents que  l'empereur  envovait  au  pape.  Sa 
Majesté  lui  avait  permis  de  clioisir  quelqu'un 
pour  les  conduire  et  pour  les  présenter  à  Sa 
Sainteté.  M.  de  Tournon  jeta  les  yeux  sur 
M.  Sabini,  son  auditeur.  L'empereur  rélléchit 
ensuite  qu'il  était  plus  décent  de  joindre  à 
ses  présents  un  envoyé  de  sa  part  ;  il  nomma 
le  P.  Bouvet.  Les  présents  ayant  donc  été 
portés  au  légat,  on  en  recommanda  le  soin 
à  ce  Père.  Dans  l'audience  du  monarque 
qu'eurent  M.  Sabini  et  le  P.  Bouvet.  Sa  Ma- 
jesté ne  recommanda  qu'à  ce  dernier  seul  de 
saluer  le  pape  de  sa  part  :  et  les  présents  ayant 
été  emballés,  on  ne  remit  les  clefs  qu'à'  lui 
seul.  Le  légat  les  lui  demanda  :  il  obéit,  et  à 
son  départ  le  patriarche  les  remit  à  M.  Sa- 
bini. avec  défense  de  les  donner  au  P.  Bou- 
vet. Avant  ce  départ.  M.  de  Tournon  de- 
manda une  audience  particulière  de  l'empe- 
reur; ce  prince  la  lixa  au  1"  juin;  mais  les 
grandes  incommodités  du  patriarche  l'em- 
pêchèrent d'y  aller;  il  refusa  jusqu'à  deux 
fois  de  conlier  à  un  mandarin  que  l'empe- 
reur lui  envoyait,  ce  qu'il  avait  à  dire,  pro- 
testant qu'il  s'agissait  de  l'intérêt  de  ce  prince 
et  même  de  la  famille  impériale.  Ces  refus 
réitérés  choquèrent  le  monarque:  il  fut  éton- 
né qu'un  homme  vînt  de  si  loin  lui  commu- 
niqi'.er  des  atïaires  qui  regardaient  sa  fa- 
mille et  lui  personnellement.  Un  peu  ému, 


y?» 


cm 


cm 


S7Î 


il  prit  le  pinceau  et  lui  écrivit  de  s'expliquer 
sans  détour.  Le  patriarche  se  trouvant  ivres- 
se par  cet  ordre,  déclara  que  les  affaires 
qui  touchaient  personnellement  l'empereur 
étaient  (.{ne  le  P.  JJouvi't  se  donnait  pour  sou 
députn  ^  Uome,  et  que  les  Portugais  tMiipô  ■ 
chaicnt  lesautres  nations  de  venir  h  la  Chine. 
On  envoya  cette  déclaration  à  l'empereur  qui 
était  à  la  campagne,  son  tils  aîné  la  reçut  et 
s'écria  dès  qu'il  l'eut  lue  :  «  De  quoi  se  môle 
cet  étranger?  Le  P.  Bouvet  est  réellement 
noire  env(\vé;  le  domcslitiuo  du  légat  peut-il 
lui  en  disputer  la  (|ualité?  L'aurions-nous 
choisi  pour  en  faire  notre  ambassadeur  ?»  Ce 
prince  porta  ensuite  la  déclaration  à  son  père, 
qui  en  parut  très-peu  satisfait.  11  demanda 
aui  missionnaires  si  en  Europe  le  lég:\t  et 
son  auditeur  ne  seraient  pas  punis  ;  il  écri- 
vit de  sa  main  à  M.  de  Tournon,  justifia  le 
P.  Bouvet  et  lui  diJ,  qu'ei  qualité  de  légat  il 
ne  devait  se  mêler  que  des  affaires  de  reli- 
gion; qu'il  ne  semait  que  des  racines  de  dis- 
cordes, que  les  Européens  s't  talent  jusque- 
là  bien  conduits  dans  ses  Etats,  et  qu'ils 
n'étaient  brouillés  que  depuis  son  arrivée. 
Il  le  menaça  de  ne  plus  recevoir  démission- 
naires dans  son  empire  sans  les  avoir  fait 
examiner  dans  ses  ports.  Le  légat  eut  peur 
et  témoigna  qu'il  acquiesçait  aux  volontés  do 
l'empereur;  mais  il  eut  encore  une  sixième 
affaire  à  l'occasion  d'un  mécontentement 
qu'il  avait  do'iné  à  ce  prince,  et  pour  lequel 
on  exigea  qu'il  fit  quelques  excuses,  ce  qu'il 
ne  voulut  point.  Par  là,  AL  de  Tournon  s'at- 
tira la  colère  de  Sa  Majesté;  il  reçut  coup 
sur  coup  des  ordres  très-durs  et  bien  peu 
convenables  à  sa  dignité;  aussi  se  plaignit-il 
qu'un  violait  son  caractère  de  légat  apostoli- 
que. On  lui  ht  déf  use  de  prolonger  le  temps 
lixé  pour  son  déijart,  et  l'on  ht  revenir  les 
présents  que  l'on  envoyait  au  pape.  M.  de 
Tournon  fut  cependant  reconduit  avec  les 
mômes  honneurs  qu'on  lui  avait  rendus  en 
venant.  {Lettres  édifiantes,  t.  II,  i>.  119.) 

Après  sondéparl,  les  affaires  do  la  mission 
allèrent  rapidement  eu  déclinant.  Le  P.  Tho- 
mas continue  :  «  L'empereur  icgretle  d'avoir 
prodigué  ses  faveurs  au  patriarche,  et.  repro- 
che tous  les  jours  aux  missionnaires  les  ins- 
tances qu'ils  ont  faites  pour  oblenir  l'entrée 
de  ce  prélat  à  la  Chine.  On  s'est  imaginé  à 
la  cûui'  que  les  dissensions  des  ujissionnaires 
ne  pouvaient  naître  que  de  quelques  desseins 
ambitieux.  Dans  cette  idée,  le  prince  héri- 
tier a  fait  prendre  des  informations  secrètes 
dans  les  provinces.  Il  a  njèuie  engagé  un  de 
ses  domestiques  à  se  faire  chiélien,  afin  d'ê- 
tre informé  par  son  moyen  du  mystère  de 
nos  ussemijlées.  On  commeneu  à  invectiver 
conli-e  lo  christianisme  en  j)résence  de  l'em- 
pereur, ce  que  ])eisonne  n'avait  osé  faire 
jus(ju'alors;  lu  prince  héritier  (;st  un  des 
|dus  animés.  Les  bon/.<'S  triompluinl,  et  an- 
noncent certains  oracles  de  leuis  dieux  sur 
nob-e  ruin(;  [)rochuni(!.  Notre  religion  com- 
mence à  devenir  suspecte;  rautorilé  du  sou- 
verain |)f)niir(.  (jiii;  „o,,vj  avions  si  fort  exal- 
l[:e,  n'a  plus  le  même  poids  dans  les  églises 
du  la  Chino.  Bientôt  en  olfet,  en  170li,  un 


édit  impérial,  publié  dans  les  provinces  et 
enregistré  dans  tous  les  tribunaux,  défend 
aux  missionnaires  Européens  de  rester  à  la 
Chine  sans  une  permission  expresse  et  par 
écrit  de  la  cour,  qui  ne  devait  leur  accorder 
des  lettres  patentes  qu'autant  qu'ils  se  mon- 
treraient disposés  à  ne  rien  enseigner  qui 
fût  contraire  aux  usages  de  l'empire  et  au 
culte  rendu  à  Confucius  et  aux  ancêtres,  et 
qu'ils  promettraient  avec  serment  de  ne 
retourner  jamais  en  Europe.  Les  mission- 
naires qui  refusèrent  de  prendre  cette  patente 
do  l'empereur,  furent  en  butte  aux  plus  mau- 
vais traitements.  Ceux  qui  ne  purent  se  dé- 
rober à  l'orage,  furent  saisis  et  traînés  char- 
gés do  chaînes  à  Canton  et  à  Macao.  »  (  Let- 
tres édifiantes,  t.  Il,  p.  128.  ) 

M.  de  Tournon  avait  reçu  l'ordre  de  se 
retirer  à  Macao,  On  lui  avait  donné  une  garde, 
sous  prétexte  de  lui  faire  honneur,  mais  qui, 
au  fait,  le  retenait  prisonnier  dans  une  mai- 
son qu'il  avait  louée  sur  le  bord  de  la  mer. 
Sa  [iromotion  au  cardinalat,  qui  fut  annoncée 
à  .Macao  le  17  août  17U9,  acheva  de  le  perdre. 
Six  missionnaires,  chargés  de  lui  annoncer 
celte  promotion  de  la  part  du  pape,  furent 
enfermés  dans  la  forteresse,  et  lui-même,  ré- 
duit à  n'avoir  pas  d'autre  nourriture  que  ce 
qu'une  vieille  femme  du  voisinage  pouvait 
lui  donner  secrètement,  mourut  de  chagrin 
et  de  souffrance  en  1710,  Ce  fut  alors  que 
ceux  des  grands  qui  avaient  vu  avec  peina 
la  religion  chrétienne  s'établir  en  Chine, 
profitèrent  des  dispositions  de  l'empereur 
})0ur  susciter  de  toutes  parts  des  persécu- 
tions. Daiis  beaucou|)  de  i)rOYinces,  les  man- 
darins tirent  des  ordoiniances  particulières 
pour  proscrire  le  christianisme,  le  traitant 
de  religion  fausse,  séditieuse,  inspirant  la 
révolte  et  contraire  aux  lois  de  l'empire.  Le 
P,  d'Entrecolles,  dans  sa  lettre  au  P.  de 
Brossia,  parle  ainsi  de  l'un  de  ces  persécu- 
teurs :  «  Il  y  a  près  de  quatre  ans  que  nolrQ 
mission  touche  à  sa  ruine  ;  le  23  décembre 
1711,  Fan-Tchao-Tso,  mandarin  et  l'un  des 
censeurs  de  l'empire,  attaqua  ouvcrtcmeut 
le  christianisme  et  forma  le  projet  de  le  faire 
proscrire  dans  tout  l'empire.  Le  devoir  des 
censeurs  publics  est  d'avertir  des  désordres 
qui  se  glissent  dans  l'Etat,  de  relever  les 
fautes  des  magistrats,  et  d'user  de  leur  droit 
de  représentation,  même  à  l'égaidde  la  per- 
soime  du  souverain,  lorsqu'ils  croient  q^u'il 
a  enfr(unl  (luelque  loi  de  l'empire.  Us  se  tout 
extrêmement  leilouler  i)ar  leur  hardiesse  et 
lem'  fermeté;  on  en  a  vu  attatpu'r  des  vice- 
rois  lartares,  <juoi(pi'ils  fussent  sous  la  pro- 
tection de  l'empereur;  ils  mettent  leur  gloire 
à  bi'av(!r  sa  disgrAce,  la  moi'l  même,  quand 
ils  pens(;nt  (|ue  h^Urs  poursuites  sont  coidor- 
mes  à  ré(|uité.  Le  censeur  l''an-Tcliao-Tsu 
avait  de  l'avei-sion  j»our  le  christianisme,  et 
l'évéuttincMil  que  voici  fut  la  cause  des  vio- 
huices  au\(iuelles  il  S(î  porta.  Les  Jésuites 
bançais  ont  une  chrétie  ité  nouvelle  dans 
Ouengnan,  vilh;  qui  esta  vingl-ipiatre  litnies 
de  i'ékin;  c'est  la  pallie  du  censeur.  Il  avait 
un  petil-lils  assez  atlectio-mé  à  notre  foi,  (]ui 
épousa  une  jeune  neop'i^tc.  Ou  iMait  coij- 


»73 


Cill 


cm 


m 


venu  qu'elle  ^aurait  la  liberté  de  pratiquer 
les  exercices  de  sa  religion;  cependant,  le 
jour  HuMue  que  se  Ut  le  mariage,  on  la  cun- 
daisil,  selon  la  coutume  chinoise,  dans  une 
chambre  où  il  y  avait  des  idoles.  KIU;  rciusa 
conslammont  de  les  honorer;  sa  belle-mèro 
et  d'antres  [larentes  voulurent  la  i'orcur  do 
baisser  la  tùte  pour  les  adoi'er;  aprôs  des  et- 
furls  inutiles,  voyant  qu'elles  ue  gagnaicuit 
rien,  ni  par  caresses,  ni  par  menaces,  elles 
la  maltraitèrent  pendant  quelques  jours  ; 
mais  la  néophyte  demeura  terme,  et  c'est  ce 
qui  olleiisa  le  censeur,  aïeul  du  nouveau  ma- 
rié. 11  adressa  sur-le-champ  que  requôto 
contre  la  i-eligion  (  hrélionno,  et  il  la  [)ré- 
senta  à  l'empereuv,  Ce  i)rince  la  reçut  et  mit 
au  b;\s,  selon  la  coutume,  qu(i  le  tribunal  des 
rile3  délibérerait  sur  cette  allairo  :  le  raitport 
fut  tel  que  nous  pouvions  le  désirer.  On 
avait  de  la  peine  à  concevoir  que  ce  tribunal, 
qui  nous  avait  toujours  été  si  opposé,  nous 
lïU  si  favorable  en  cette  occasion  ;  l'on  s'at- 
tendait bien  que  l'édit  accordé  par  l'enqje- 
reur,  la  trente-unième  année  de  son  règne, 
empocherait  ce  tribunal  de  proscrire  la  reli- 
gion, mais  on  ne  croyait  pas  que  les  manda- 
rins qui  le  composent,  portassent  d'eux-mê- 
mes un  jugement  conforme  aux  inclinations 
du  prince.  Je  crois  qu'ils  ont  regardé  ce  ju- 
gement comme  une  espèce  de  récompense 
des  services  que  l'empereur  tire  journelle- 
ment des  missionnaires,  dont  plusieurs  sont 
occupés,  depuis  quelques  années,  à  tracer  la 
carte  géographique  de  son  vaste  empire.  Les 
PP.  Jartoux  y  travaillent  encore  avec  des  fa- 
tigues incroyables;  cela  aplanit  do  plus  en 
plus  le  chemin  à  la  prédication  de  l'Evangile  ; 
aussi  la  chrétienté  de  la  Chine  est-elle  très- 
nombreuse,  et  tout  porte  à  espérer  que  le 
christianisme  se  répandra  de  plus  en  plus 
dans  ce  vaste  empire.  {Lettres  édif.,  tome  II, 
page  165.) 

Telle  est  l'appréciation  que  le  P.  d'Entre- 
coUes  faisait  de  sa  situation  cjui,  pourtant 
était  menaçante,  comme  nous  le  voyous  par 
les  événements   qui  font  suite. 

Kang-hi  faisait  toujours  des  vœux  secrets 
pour  le  christianisme.  11  protégeait  les  mis- 
sionnaires qui  étaient  à  sa  cour,  réprimait, 
autant  qu'il  Je  pouvait,  sans  compromettre 
les  principes  de  sa  politique,  les  actes  de  vio- 
lence exercés  par  les  mandarins.  Les  exer- 
cices de  la  religion  continuaient  de  se  faire 
avec  une  entière  liberté  dans  les  Eglises  de 
Pékin,  et  l'empereur  ne  cessait  de  presser 
-es  missionnaires  jésuites  de  redoubler  leurs 
sollicitations  à  Rome  pouren  obtenir  des  dé- 
cisions propres  à  établir  l'uniformité  des 
senlimens  parmi  les  missionnaires,  et  à  con- 
,  ciller  les  principes  du  christianisme  avec  les 
usages  chinois  et  les  lois  de  l'empire.  Ce  fut 
dans  ces  circonstances  que  les  missionnaires 
jésuites  furent  chargés  d^annoncerk  Kang-hi 
l'arrivée  d'un  nouveau  légat,  dans  la  per- 
sonne de  Mazza-Barha.  Les  permissions  né- 
cessaires pour  se  rendre  à  Pék-in  ayant  été 
envoyées  à  Canton,  les  mandarins  des  pro- 
vinces reçurentl'ordrede  lui  rendre  sur  toute 
sa  route  Tes  plus  grands  honneurs.  Arrivé  près 


do  l'ompcreur,  il  en  obtint  quatre  audiences 
soletuielles.  Tout  l'art  de  la  |jolilique  fui  mis 
en  (euvre()Our  le  faii'o  entrer  dans  les  vues 
d(!  l'empereur.  On  essaya  tour  ii  tour  de  le 
séduire  par  les  promess(îsetde  l'itUimider  par 
les  nnmacos.  L'em|)ereurétailsavanl  en  tout 
giiure  de  connaissances,  et  U  avait  la  l'aibhîsse 
d'aimci-  h.  en  faire  [>arade.  Il  n'oublia  rien 
pour  embarrasser  le  légat  [)ar  des  qu(!stions 
et  (les  réponses  captieuses,  et  trop  souvent 
même  il  abaissa  la  dignité  inq)ériale  jusqu'à 
prendre  le  ton  de  la  plaisanterie.  Mazza-Uar- 
Ija  se  montra  on  tout  le  digne  reijrésentant 
du  chef  su[)rûme  de  la  religion;  par  sa  pru- 
dence il  sut  se  dérober  aux  pièges  qu'on  lui 
tendait  de  toutes  parts,  et  son  courage  rele- 
va toujours  au-dessus  des  désagréments  et 
des  outrages  mêmes  qu'on  lui  lit  plus  d'une 
fois  endurer.  11  finit  par  forcer  rem|)ereur  à 
l'estimer,  mais  il  ne  gagna  rien  |»our  les  in- 
térêts de  la  religion.  Le  légat,  prévoyant  (pio 
dans  des  circonstances  aussi  critiijues,  sa  pré- 
sence ne  pouvait  plus  que  nuire  aux  atfai^ 
res  de  la  religion,  obtint  son  audience  de 
congé,  et  peu  de  jours  après,  s'éloigna  de  Pé- 
kin pour  repasser  en  Europe.  L'expulsion 
des  missionnaires  suivit  do  près  le  départ  de 
Mazza-Barba,  et  bientôt  il  ne  fut  plus  i)0ssi- 
ble  d'être  chrétien  sans  se  voir  exposé  cha- 
que jour  à  souifrirla  perte  de  sa  liberté,  de 
ses  biens ,  de  sa  vie  même ,  pour  sa  re- 
ligion. 

Les  deux  légats  du  saint-siége  étaient  char- 
gés d'une  commission  infiniment  délicate  : 
il  fallait  un  miracle  du  ciel  pour  la  faire  réus- 
sir. Suivant  les  règles  de  l,i  prudence  humai- 
ne le  succès  en  était  impossible.  L'Europe  et 
surtout  la  France  ont  été  inondées  d'écrits 
jiour  et  contre  sur  les  cérémonies  chinoises. 
La  liste  qu'on  en  trouve  dans  Fabricius,  qui 
n'en  a  cité  qu'une  partie,  est  déjà  effrayante 
pour  ceux  qui  voudraient  approfondir  ce 
point  de  controverse.  Ces  ouvrages,  enfan- 
tés la  plupart  dans  des  intentions  hostiles 
contrôles  Jésuites,  ne  doivent  être  lus  qu'avec 
l'impartialité  d'une  critique  attentive  et  sé- 
vère. A  en  croire  les  écrivains  de  ce  temps, 
qui  se  piquent  de  se  montrer  les  plus  modé- 
rés dans  leur  opinion,  si  l'Evangile,  qui 
avait  fait  d'abord  des  progrès  assez  rapides 
à  la  Chine,  n'y  a  pas  fructifié  davantage,  il 
ne  faut  s'en  prendre  qu'à  la  rivalité  des  mis- 
sionnaires et  à  l'esprit  de  contention  et  de 
dispute,  maladie  de  l'Europe,  qu'ds  ont  por- 
tée avec  eux  dans  ces  climats  éloignés  oiî 
ils  ne  devaient  aller  que  pour  éclairer  les 
hommes  et  les  rendre  plus  vertueux.  Ce  ju- 
gement est-il  bien  réfléchi?  Il  ne  faut  con- 
naître ni  le  cœur  de  l'homme  ni  l'histoire, 
et  surtout,  il  faut  ignorer  le  caractère  na- 
tional des  Chinois  et  leur  gouvernement  po- 
litique, pour  rejeter  sur  une  cause  pure- 
ment secondaire,  les  persécutions  auxquel- 
les l'Eglise  de  la  Chine  a  été  exposée  pen- 
dant le  cours  de  plus  d'un  siècle.  S'il  se  pré- 
sentait, dans  quelque  empire  de  l'Europe  que 
ce  soit,  un  légat  du  pape  pour  y  faire  abro- 
ger une  loi  constitutionnelle,  imaginerait- 
on  sérieusement  que  les  intrigues  ou  le  cré- 


37S 


cm 


CHI 


5T6 


dit  d'un  certain  nombre  de  religieux  sufTi- 
raient   pour  faire   réussir  ou  échouer  une 
négociation   de  ce  genre.  L'application   est 
aisée  à  faire.  A  la  Chine,  leshonneurs  décer- 
nés à  Confucius  aux   ses  ancêtres  sont   re- 
gardés comme  loi  constitutionnelle  de  l'em- 
pire; et  les  Chinois  tiennent  à  leurs  usages 
plus  encore  qu'aucune  nation   de  rKuro[)e  à 
sa  constitution  })olitique.  Ce  que  les  souve- 
rains politiques  refuseraient?!  la  tiare,  qu'ils 
respectent  et  qu'ils  honorent,  laut-il  s'éton- 
ner uu'un  empereur  intidèle  ne  l'ait  ])as  ac- 
cordé à  des  légats  du   saint-siége  ?  Avant  les 
décrets  de  Clément  XI,  les  missionnaires  jé- 
suites permettaient,  il    est  vrai,   et  ils    se 
croyaient  fondés  à  permettre  les  cérémonies 
chinoises,     telles    que    Alexandre    Vil   les 
avait  permises,  parce   qu'ils  les  regardaient 
comme  un  culte  civil  et  politique.  Peut-on 
douter  que  les  Jésuites,  unis  dans  cette  doc- 
trine et  cette  pratique,  avec  un  grand  nom- 
brede  missionnaires  des  différents  ordres  de 
religieux,  aient   trahi  leur  conscience  et  se 
soient  montrés  rebelles  à  des  décisions  po- 
sitives du  saint-siége? Clément  X[  lui-même, 
dans  le  décret  de  170i,  rend  justice  à  la  droi- 
ture de   leurs  intentions.  Il  redresse  leurer- 
reur,  mais  il   défend  de  les  nommer  coupa- 
bles.  Voici  comme  s'en  expliquait  le  pape 
avec  la  congrégation  de  la  Propagande  :  «  Il  ne 
faut  pas   blâmer  les  missionnaires  qui  ont 
cru  devoir  suivre  jusque-là  une  autre  prati- 
que. 11  ne  doit  pas  paraître   étonnant   que 
dans  une  matière  disputée  durant  tant  d'an- 
nées, 011  le  saint-siége   a  donné    ci-devant 
différentes  réponses,  selon  les  différents  ex- 
posés qu'on  lui  avait  faits  des  circonstances 
des  choses,  tous  les  esprits  ne  se  soient  pas 
trouvés  réunis  dans   le   môme   sentiment. 
C'est  pourquoi,  nous    chargeons  M.  le   pa- 
triarche d'A  mioche  et  tous  les  autres,  qui  au- 
ront le  soin  de  faire  exécuter  nos   répon- 
ses,  de  mettre  à  couvert  l'honneur  et  la 

réputation  des  ouvriers  évangéliques, 

et  d'empêcher  qu'on  ne  les  fasse  passer 
pour  des  fauteurs  de  la  superstition  et  de 
l'idolâtrie,  étant  hors  de  doute  qu'après  que 
la  cause  est  finie,  ilssesouniellrcmtavecrim- 
rnilité  et  l'obéissance  convenables  aux  déci- 
sions du  saint-siége.  »  Ajoutons  ici  les  pro- 
testations envoyées  à  Rome  par  lesmission- 

naiies  jésuites «  Nous  déclarons  à  la  face 

de  toute  l'Kglise,  comme  nous  l'avons -déjà 
fait  plusieurs  fois,  que  quehjue  chose  ou  il 
jjlaiseau  saint-siége  de  déterminer  sur  l'af- 
fair<;  de  la  Chine,  nous  obéirons.  Il  nous 
<:ondanui(Mait  mille  fois  que  nous  n'oublie- 
rons jamais  ce  rpi'il  est  et  (•<;  que  nous  som- 
mes  Si  le  pape  condamne  la  |)rati(pierpie 

nousavons  suivie, (|uoi(pie  ap[)nyé(!  de  l'au- 
torité d'un  autre  pape,  (pichpn;  chose  (ju'il 
nous  en  doive  coAtci',  l'honneur,  la  liberté  et 
la  vie  même,  nous  nous  soumettrons  sans 
restriction  et  sans  délai.  »  {Lelt.  édif.,  t. III, 
p.  51.j 

Les  Jésuites  se  soumirent,  av(!c  une  doci- 
lité (pi'on  ik;  sauiait  tiop  admirer  à  la  dé- 
v.\<u>u  su[)rême  émanée  du  siège  de  saint 
J'ieire.   C(;pendanl  il  nous  semble ,  malgré 


tout  ce   qu'on  a  publié  contre  eux  ,  qu'ils 
étaient  dans  le  vrai,  et  qu'après  l'explication 
donnée   par  les  lettrés  chinois  et  par  l'em- 
])ereur  lui-même ,   il    n'y  avait  plus  aucun 
doute  sur  la  question.  Quand  tous  les  hom- 
mes d'une  nation  déclarent,  aussi  positive- 
ment que  le  firent  les  Chinois  ,  que  le  sens 
d'un  mot  de  leur  langue  est  tel  ou  tel ,  que 
les  honneurs  qu'ils  rendent  à  leurs  ancêtres 
sont  un  culte  purement  civil  et  non  pas  ido- 
lAtrique,  on  doit  les  croire,  parce  qu'ils  sont 
les  meilleurs  juges.  Que  dirions-nous  si  des 
hommes,  étrangers  à  nos  mœurs,  à  notre  lan- 
gage, à  nos  croyances,  soutenaient  mordicus, 
malgré  nos  dénégations  ,  que  nous  sommes 
idolâtres  parce  que  nous  avons  nos  jours  de 
semaine  consacrés  aux  faux  dieux  :  lundi,  à 
la  Lune;  mardi ,  à  Mars;  mercredi ,  à  Mer- 
cure; jeudi,  à  Jupiter;  vendredi,  à  Vénus,  et 
parce  que  nous  donnons  ces  mêmes  noms 
aux  planètes ,  aux  astres  que  nous  décou- 
vrons ?  Les  premiers  apôtres  faisaient  comme 
les  Jésuites  ;  ils  savaient,  et  notamment  saint 
Paul,  qu'il  ne  faut  pas  traiter  avec  trop  d'in- 
flexible rigueur  ceux  que  l'on  veut  conver- 
tir, et  que  la  tolérance  est  souvent  la  plus 
fructueuse  des  vertus.   Ce  que  Dieu  donna 
aux  hommes  de  lumières  révélées  s'est  affai- 
bli, divisé  en  passant  par  les  révolutions  des 
temps  et  des  empires.  Quand  un  rayon  de 
cette  lumière  primitive  luit  encore  chez  un 
peuple,  quelque  affaibli  qu'il  soit,  il  faut  se 
garder  de  l'éteindre.  C'est  à  lui  que  s'allu- 
ment l'esprit   et  le  cœur  de  ce  peuple.   Il 
faut ,  au  contraire  ,  en  faire  le  centre   des 
rayons  nouveaux  qu'on  veut  lui  adjoindre. 
C'est  le  feu  sacré  dont  l'étincelle  est  sous 
la  cendre.  Il  vient  de  Dieu,  il  faut  le  rallu- 
mer (1). 

Quand  l'empereur  de  la  Chine  sut  l'obéis- 
sance des  missionnaires  aux  ordres  du  souve- 
rain pontife,  il  cessa  de  les  protéger.  La  persé- 
cution se  ralluma  dans  toutes  les  provinces  de 
l'empire.  Les  missionnaires  n'eurent  plus 
d'autre  ressource  que  de  se  cacher  dans  les 
forêts,  où.  ils  manquaient  de  tout,  ou  bien  de 
courir  au  martyre.  L'empereur  ne  vécut  que 
quelques  années  après  la  célèbre  ambassade 
de  Mazza-Barba.  En  1718  ,  il  tomba  malade, 
et  ayant  été  guéri  par  les  missionnaires  ,  il 
leur  témoigna  sa  reconnaissance  par  un  acte 
authenti(iue  :  «  Vous,  Européens,  dit-il,  que 
j'emploie  dans  l'intérieur  de  mon  palais, 
vous  m'avez  toujours  servi  avec  zèle  et  at- 
tention, sans  qu'on  ait  le  moindre  reproche 
à  vous  faire.  Bien  des  Chinois  se  défient 
de  vous,  mais  moi,  qui  ai  fait  observer 
soigneusement   toutes    vos    démarches,  et 

(1)  Ici  nous  supprimons  un  par.igraphc  <'n  oorri- 
gcanl  réprouve  de  ce  volume,  pour  dire  à  nos  lec- 
Iciirs  (|uc  nous  venons  de  lire,  nialhcnrcusement 
après  l'inipression  de  notre  arliclc  (lliiiic,  une  publi- 
cation rait(î  dans  la  Uvvue  des  ili'ux  tnondt'A  par  M. 
Lavolh'C.  Col  arliclc  présente  le  resiune  des  évé- 
iienients  qui  se  sont  accomplis  dans  l'empire  chi- 
nois, nolatinnent  (l<-pnis  plusieurs  années.  Nous  en 
re|)ri>duirnns  un  passade  ilesliiie  à  compléter  l'arli- 
cl<*  Chine  de  ce  Dictionnaire.  1!  viendra  à  la  lin  du 
deuxième  voliune. 


877 


cm 


cm 


cr» 


qui  n'y  ai  jamais  rien  trouvé  qui  no  liU  dans 
1  ordro  ,  je  suis  si  ronvaincu  di^  volrc  droi- 
ture et  do  votre  bonne  foi,  (luejedis  iiauteinent 
qu'il  tant  se  lier  Ji  vous  et  vous  croire.  »  Cet 
empereur  mourut  en  1722  ,  le  20  décembre, 
après  un  règne  do  soixante  ans.  On  suppose 
que  ce  prince,  à  sa  mort,  fil  appeler  les  mis- 
sionnaires pour  recevoir  le  baptême;  mais 
le  premier  acte  d'autorité  de  son  (ils,  Joung- 
Tching,  fut  de  les  empêcher  d'entrer  dans  le 
palais.  Ce  fut  dans  le  Fou-Kien,  qu'en  1723 
se  montrèrent  les  pi-emières  étincelles  de  la 
persécution  générale.  Nous  allons  laisser 
parler  le  P.  Mailla,  écrivant  de  Pékin  le  16 
octoi)re  1724-. 

«  Comment  vous  écrire  ,  dans  l'accable- 
ment de  douleur  où  nous  sommes  ?  et  le 
moyen  de  vous  faire  le  détail  des  tristes  scè- 
nes qui  se  sont  passées  sous  nos  yeux  I  Ce 
que  nous  appréhendions  depuis  plusieurs 
années,  ce  que  nous  avions  tant  de  fois  pré- 
dit vient  enfin  d'arriver.  Notre  sainte  reli- 
gion est  entièrement  proscrite  à  la  Chine; 
tous  les  missionnaires,  à  la  réserve  de  ceux 
qui  étaient  au  palais  ,  sont  chassés  de  l'em- 
pire; les  églises  sont  démolies  ou  destinées 
a  des  usages  profanes  ;  les  édits  se  publient 
et,  sous  des  peines  rigoureuses ,  on  ordonne 
aux  chrétiens  de  renoncer  k  la  foi,  et  on  dé- 
fend aux  autres  de  l'embrasser.  Tel  est  le 
déplorable  état  où  se  trouve  réduite  une  mis- 
sion qui ,  depuis  près  de  deux  cents  ans, 
nous  a  coûté  tant  de  sueurs  et  de  travaux. 
Les  premières  étincelles  qui  ont  allumé  le 
feu  d'une  persécution  si  générale  s'élevè- 
rent, au  mois  de  juillet  de  l'année  dernière, 
dans  la  province  de  Fou-Kien  ;  ce  fut  à  Soun- 
Gan-Hien.  Cette  chrétienté  était  gouvernée 
par  les  PP.  Blas  de  la  Sierra  et  Casébio  Ostot, 
dominicains  espagnols  ,  venus  depuis  peu 
des  Philippines.  Un  bachelier  chrétien  ,  mé- 
content de  l'un  de  ces  missionnaires  ,  re- 
nonça à  la  foi ,  et  s'étant  associé  plusieurs 
autres  bacheliers ,  ils  présentèrent  au  man- 
darin du  lieu  une  requête  qui  contenait  plu- 
sieurs accusations ,  dont  les  plus  fortes 
étaient  que  les  personnes  des  deux  sexes  se 
rassemblaient  dans  nos  églises ,  et  qu'on 
destinait,  dès  leur  bas-âge,  de  jeunes  filles  à 
garder  la  virginité.  La  chose  était  vraie;  mais 
c'était  avoir  peu  d'égard  aux  usages  et  cou- 
tumes de  la  Chine ,  car  les  autres  mission- 
naires, jésuites  ou  autres,  ainsi  que  MM.  des 
Missions  -  Etrangères  ,  qui  connaissent  la 
délicatesse  des  Chinois  sur  la  séparation 
des  personnes  de  différent  sexe ,  ont  évité 
avec  grand  soin  de  leur  donner  le  moindre 
ombrage ,  rien  n'étant  plus  capable  de  dé- 
crier la  religion  et  de  la  rendre  odieuse  et 
méprisable.  Le  gouverneur  de  la  ville  de 
Foun-Gan,  à  qui  la  requête  avait  été  présen- 
tée ,  l'avait  renvoyée  aux  mandarins  supé- 
rieurs; il  reçoit  du  Tson-Tou  l'ordre  qui 
suit  :  «  J'ai  appris  que  dans  votre  gouver- 
nement il  y  a  des  gens  qui  professent  la  re- 
ligion du  Seigneur  du  ciel  ;  que  les  riches  et 
les  pauvres  l'embrassent;  qu'ils  ont  des 
temples  à  la  ville  et  à  la  campagne ,  et ,  ce 
qiii  est  plus  répréhensible,  qu'il  y  a  des 


jeunes  filles  h  qui  on  interdit  le  mariage,  et 
(ju'on  leur  donne  le  nom  de  vierges;  que 
lorsipi'on  prêche  cette  r(;ligion  ,  on  no  dis- 
tinguo ni  lionuncs  ni  femmes;  que  dans  le 
territoire  cpii  dé()end  de  Fou-Gan,  on  compte 
seize  tem[)les  de  cette  secte.  Cett(!  religion 
étrangère  séduit  le  peuple  et  corrompt  nos 
bonnes  coutumes;  il  est  donc  d'une  sage 
politique  de  proscrire  cette  religion  et  d'en 
arrêter  les  progrès.  Je  vous  en  transmets 
l'ordre  :  ayez  soin  de  le  publier,  d'interdire 
cette  secte,  de  fermer  ses  temples.  Si,  dans 
lasuite,  il  se  trouve  quelqu'un  qui  ait  la 
témérité  de  violer  ces  ordres ,  punissez-le 
selon  les  lois.  Il  faut  se  saisir  sans  délai  de 
ceux  qui  se  rassemblent  pour  suivre  cette 
religion  étrangère,  et,  selon  les  règlements! 
leur  infliger  le  châtiment  de  leur  crime.  Or 
ne  leur  pardonnera  point.  Exécutez  ce 
ordre...  » 

«  Le  mandarin  de  Fou-Gan  fit  la  réponse 
suivante: — Moi,    mandarin    de   Fou-Gan- 
Hien,  sur  les  ordres  que  j'ai  reçus  de  votre 
part ,  je  me  suis  transporté  en  personne  à 
l'église  qu'on  bâtit  ;  quoique  cet  ouvrage  no 
soit  que  commencé,  j'ai -jugé  que  la  dépense 
ne  saurait  aller  à  moins  de  deux  ou  trois 
mille  taels.    Cet  argent  serait  bien  mieux 
employé  à  secourir  le  pauvre  peuple  :  quel 
dommage  qu'on  l'emploie  en  faveur  d'une 
fausse  religion  ,  qui  détruit  les  cinq  sortes 
de  devoirs  et  la  vraie  vertu ,  qui  renverse 
l'union  des  familles  et  anéantit  les  bonnes 
coutumes  1  J'ai  fait  connaître  au  capitaine  et 
aux  chefs  du  quartier  les  soins  que  vous 
vous  donnez  pour  le  bon  gouvernement  de 
cette  province ,  afin  de  maintenir  nos  usa- 
ges et  de  perfectionner  le  cœur  des  peuples. 
Alors  l'écrivain  Kouo-Siun  et  le  gradué  Ou- 
Ou-Entcho  ,  et  autres  qui  ont  soin  de  la  fa- 
brique  de   cette  église ,   m'ont  répondu  à 
haute  voix  :  —  Le  Seigneur  du  ciel  est  le 
maître  de  toutes  choses  ;  qui  oserait  ne  pas 
le  respecter  et  l'honorer?— Je  leur  adressai 
aussitôt  la  parole,  et  je  leur  demandai  pour- 
quoi  ils  n'honoraient  pas  leurs  ancêtres  ? 
pourquoi ,   à   la  mort  de  leurs  pères  et  de 
leurs  mères,  ils  ne  faisaient  pas  les  cérémo- 
nies  ordonnées  par  les  lois  ?  pourquoi  ils 
avaient  parmi  eux  des  garçons  et  des  filles 
qui  ne  se  mariaient  pas?  pourquoi  ils  re- 
gardaient   comme    de  mauvais  génies  nos 
anciens  sages,  que  nous  révérons?...  A  tout 
cela,  ils  me  répondirent  :  —Qu'il  y  avait  un 
Européen  maître  de  la  loi,  qui  la  publiait  et 
leur  enseignait  le  chemin  du  ciel  ;  qu'à  l'é- 
gard  des  cérémonies  après  la  mort ,  elles 
n'étaient  d'aucune  utilité,   à  quoi  bon  les 
faire? — Je  leur  demandai  comment  s'appe- 
lait cet  Européen?  s'il  avait  la  patente  im- 
périale ?  quel  était  le  lieu  de  sa  demeure,  et 
si  je  ne  pourrais  pas  le  voir?  — Ce  maître  de 
la  loi,  me  dirent-ils,  se  nomme  Ouang;  il  ne 
se    montre  que  très-difficilement;  il  ne  dit 
point  s'il  a  la  patente  impériale-ou  non.  —  De 
semblables    réponses   me  firent  juger  que 
c'étaient  des  ignorants  qui  avaient  embrassé 
cette  religion  par  simplicité  et  sans  examen. 
Par  reflet  du  boa  cœur  de  l'enipereur  dé- 


579 


cm 


CHI 


580 


Cédé  à  rég;ard  des  étrangers  qui  viennent  à 
la  Chine,  il  fut  oitlonné  qu'on  laisserait  de- 
Hicurer  dans  leurs  églises  ceux  qui  avaient 
la  patente  iuiiȎri;ile,  et  (ju'ou  chasserait  les 
*Utres.  Cet  ordre  se  borne  à  permettre  aux 
Européens  de  vivre  dans  leur  loi.  Les  Chi- 
nois ne  peuvent  ni  la  suivre  ni  se  soumetli-e 
aux  étrartgers.  Ceux  qui  ont  la  patente  im- 
périale ont  chacun  leur  éghse;  il  ne  doit  y 
en  avoii-  qu'une  seule  en  chaque  province  ; 
et  comment  soull'rir  que  dans  un  petit  hien 
(ville  du  troisième  ordre)  tel  que  Fou-Gan, 
il  y  ait  dix  de  ces  églises,  où  les  hommes  et 
les  femmes  s'assemblent  pêle-mêle,  sans 
distinction  de  sexe  ?  Les  choses  en  sont  ve- 
nues à  un  point  de  mépris  des  mandarins  et 
de  leur  autorité,  que  si  vous  n'employez  au 
plus  tôt  ce  que  vous  avez  de  pouvoir,  tout  le 
peuple  embrassera  celle  loi  et  s'écartera  ab- 
solument de  ses  coutumes  pour  en  suivre 
d'étrangères.  Je  ne  suis  qu'un  petit  manda- 
rin, et  je  n'ai  pas  le  pouvoir  de  réformer  de 
tels  abus.  Du  reste,  je  vous  conjure  de  faire 
attention  à  l'audace  et  à  l'arrogance  de  ceux 
qui  embrassent  cette  loi.  Tous  les  manda- 
rins d'armes  et  de  lettres  doivent  se  réunir 
pour  y  apporter  un  remède  si  ellicace,  qu'a- 
près la  défense  qui  en  sera  faite  ,  personne 
n'ose  plus  se  soustraire  aux  sages  lois  du 
gouvernement.  » 

On  répondit,  en  envoyant  l'ordre  au  man- 
darin de  Fou-Gan  de  faire  arrêter  un  bache- 
lier qui  avait  embrassé  celte  religion,  de  dé- 
couvrir l'auteur  de  l'écrit  affiché,  de  prendre 
le  nom  et  le  surnom  de  l'Européen,  maître 
de  celte  secte,  tt  de  s'informer  d'abord  s'il 
avait  la  patente.  Le  Tson-Iou  envoya  secrè- 
tement un  billet  au  mandarin  pour  lui  re- 
commander (!c  faire  rentrer  dans  la  bonne 
voie  ceux  qui  se  sont  égarés.  Pour  empêcher 
tout  attroupement  du  peuple,  il  avertit  qu'il 
enverra  des  soldats  pour  le  tenir  eu  resi)ect. 
Le  mandrin  de  Fou-Gan  lit  la  réponse  sui- 
vante au  billet  du  Tson-Tou  :  «  J'ai  lâché 
d'exécuter  vos  ordres,  j'ai  parlé  aux  chrétiens 
à  plusieurs  reprises  ;  mais  hélas  I  on  dirait 
que  ce  sont  des  gens  ivres  :  ils  ne  paraissent 
pas  vouloir  sortir  du  leur  assou[)iss(  ment. 
Loin  de  penser  à  se  corriger,  ils  ont  allaché 
au  bas  de  mon  écrit  un  écrit  injurieux.  J'ap- 
prerrdss  parle  rapport  fait  sur  le  nombre  des 
temples,  qu'il  s'en  trouve  dix-huit  ;  il  a  fallu 
de  grandes  sommes  pour  construire  ces  édi- 
fices, et  cet  flrgejit  a  été  tiré  des  entrailles 
du  pen[)le.  Ces  pauvres  gens,  qui  sont  ava- 
res quand  il  s'agit  de  toute  autre  dépense, 
ne  refrènent  point  largenl  ipi'ils  (lonncnt 
pour  un  usage  aussi  pernicieux  ;  ils  enga- 
gent leurs  maisons  et  vendent  leurs  hérita- 
ges. L«s  jeunes  femmes  et  h.'S  jeunes  lilles 
entrent  aussi  dans  celle  religion  ;  elles  vont 
dans  un  lieu  retiré  dire  à  l'oreide  de  l'Furo- 
f)éen  des  parol(;s  seerèles,  (;'esl  ce  qu'ils  ap- 
pi'llcnl  se  i<mfi-s»er.  Ils  n'ont  pas  de  lumlede 
s'assembler  pêle-mêle,  hommes  cl  lemuifs; 
les  enfants  de  famille,  les  bacheliers  et  au- 
tres lettrés  ne  iwjiigissenl  pas  de  faire  des 
actioiit>indignes)delcur  rang.  Dans  cet  te  secte, 
on  ne  ponbt)  i^ius  à  son  père   ni  à  sa  mère 


quand  ils  sont  morts  ;  on  oublie  jusqu'à  l'o- 
.ngine  de  sa  f;unille  :  on  est  comme  une  eau 
sans  source  et  un  arbre  sans  racines;  on  ne 
ren  l  aucun  honneur  aux  sages  dont  nous 
avons  reçu  la  doctrine  ;  ainsi  le  Chinois  est 
métamorphosé  en  Européen.  Les  filles  qui 
gardent  la  continence  ne  se  marient  jamais  ; 
ceux  dont  la  fL<mme  est  décédée  ne  se  re- 
inarient  pas  non  plus,  et  ils  consentent  à 
passer  leur  vie  snwi  enfants.  N'est-ce  pas  là 
une  secte  qui  séduit  le  peuple,  qui  désunit 
les  f-midles  et  qui  en  corrompt  les  bonnes 
mœurs  ?  L'Atfaire  est  de  consétpience  ;  en- 
'voycz  au  plus  tôt  des  ordres  rigoureux  pour 
ïétablir  les  coutumes  ciui  ont  été  perverties; 
à  l'égard  des  temples  des  chrétiens,  il  me 
paraît  qu'il  faudrait  les  détruire.  » 

Le  vice-roi  se  joignit  au  Tson-ïou,  et  tous 
deux  agir/nt  contre  les  chrétiens;  ils  don- 
nèrent l'édit  que  voici  :  «  La  doctrine  que 
les  anciens  sages  ont  enseignée  aux  hommes, 
les  instructions  des  empereurs  pour  le  gou- 
vernement des  peuples,  les  bonnes  règles  de 
conduite  de  notre  empire,  sont  toutes  ren- 
fermées dans  les  cinq  sortes  de  devoirs  et 
dans  le  code  de  nos  lois.  ï*ar  exemple,  l'o- 
béissance filiale  ne  consiste  pas  précisément 
à  nourrir  délicatement  son  père  et  sa  mère; 
on  peut,  avec  des  vivres  ordinaires  et  gros- 
siers, leur  procurer  une  vie  douce  ;  mais,  à 
la  mort  des  auteurs  de  ses  jours,  un  fds  doit 
pleurer,  gémir,  se  lamenter,  préparer  avec 
soin  l'appareil  de  leuis  funérailles,  et  être 
attentif  à  faire  les  cérémonies  du  Tsi  :  ce 
sont  là  des  devoirs  indispensables.  Nous  li- 
sons dans  nos  livres  que  les  cérémonies  du 
Tsi  doivent  se  faire  avec  autant  ae  respect 
que  si  leurs  esprits  étaient  présents  ;  'et  si  je 
ne  le  fais  pas  moi-môme,  et  que  je  m'en 
repose  sur  les  autres,  c'est  comme  si  j'omet- 
tais de  les  faire.  Nos  anciens  sages  ont  établi 
ces  cérémonies  comme  un  des  principaux 
fondements  du  gouvernement  de  l'Etat.  Des 
trois  péchés  contre  l'obéissance  filiale,  celui 
dene  pas  laisser  de  postérité  est  le  plus  grand. 
C'est  pour  celîl  que,  si  un  homme  perd  sa 
femme  sans  en  avoir  eu  d'enfants,  il  doit  se 
remarier.  Quand  les  filles  sont  en  Age  de  pu- 
berté, ou  doit  leur  chercher  des  époux  ;  les 
hommes  et  les  femmes,  les  garçons  et  les 
filles  ne  doivent  rien  recevoir  les  uns 
des  autres  :  ce  èoti'X  là  defe  points  extrême- 
ment rei  oirtinandes  i)anni  nous.  Nolie  em- 
pereur Yoiig-Tcliing  nouis  dit,  sur  toutes 
choses,  que  l'obéi.ssance  liliah!  soil  exacte- 
ment obserVée.  Dans  notre  gouvernement  du 
l''ou-Kien,lous  s'ax)pliquenl  à  l'élude  du  Chil- 
kin^,  (le  nos  cérémonies  et  do  nos  lois;  celle 
élude  n'e-t  négligée  (pie  d.ms  le  jiays  da 
l'onn-Gan-llicn,  où  eSl  venu  tout  récemment 
un  Européen,  qui  prend  le  tilrc  'de  Maître 
de  la  lui,  et  qui  s'y  tient  caché.  La  religion 
qu'il  j)rêcbe  sénie  le  trouble  l'arnn  le  peujile, 
cl  le  fait  douter  de  la  bonté  d>' nos  lois; 
non -seulement  les  lalioureurs  et  les  mar- 
chands l'écoutcnl  et  le  suivent,  des  lettrés 
mêmes  s'en  sont  tellement  laissés  infaluer, 
rpi'ils  ne  peuv(;nl  plus  démêler  le  Vrai  d'avec 
le  faux.  Cet   L\irop^''*i»  admet  dans  sa   loi 


681 


(m 


cni 


582 


hofiimosol  fonimcs  qui  no  rougissent  pas  do 
g'asscîinbior  s;)n.s  ♦lisliiiclion  do  sexe;  ces 
pauvnvs  avtni^les  (épuisent  leurs  Imur.'e.spour 
élevvr  (les  (eiiiples.  0"i  pourrait,  dans  un 
.tGm[»s  si  serein,  e(  au  plus  beau  soleil  (jui 
luit  à  nos  yeux,  voir  avec  ti-anijuillilé  le  génie 
ky-mal  (démon  de  l'illusion  et  de  rcneui) 
courir  rh  et  ItV.'  Ceux  (pii  i)rofcsseiU  celle  loi 
regardent  nos  anciens  sages,  les  ancêtres  des 
familles,  comme  autant  de  mauvais  génies;  ils 
ne  leur poilenl  aucun  res|)ect  et  leur  refusent 
les  cérémoines  accoutuinées.  Ils  se  l'ont  un 
plaisirde  n'avoir  point  de  postérité,  ils  exhor- 
tent les  tilles  ci  ne  se  |)oint  mai'ier,  et  celles 
qui  suivent  leurs  conseils,  ils  les  api>ellent 
petites  vierges.  De  plus,  ils  ont  une  espèce 
de  chambre  obscure,  où  l'on  voit  entrer  les 
hommes  et  les  femmes,  qui  y  pailenl  à  voix 
basse,  et  c'est  ce  qu'ils  appellent  se  confesser. 
De  toutes  les  sectes,  il  n'y  en.  a  pas  de  plus 
pernicieuse.  11  est  écrit  dans  le  Code  de  nos 
lois  que  le  chef  d'une  secte,  qui,  sous  pré- 
texlede  religion  et  de  bonnes  œuvres,  trompe 
le  peuple,  doit  être   étranglé  ;   et  que   ceux 

3ui  travaillent  sous  lui  au  môme  dessein, 
oivent  être  pUnis  de  cent  coups  de  bâton 
€t  bannis  h  trois  cents  lieues.  De  plus,  il  est 
sévèrement  défendu  d'ériger  de  nouveaux 
temples, de  quelque  secle  que  ce  soit,  et  que, 
si  quelqu'un  contievient  à  cet  oidre,  il  doit 
être  banni  de  l'enipire  avec  défense  d'y  re- 
venir jamais;  les  temples  doivent  être  dé- 
truits, le  terrain  et  les  matériaux  conlisqués. 
Sur  quoi,  nous  Tson-Tou  et  vice-roi,  oixlon- 
pons  qu'on  saisisse  sans  bruit  ce  maître  de 
Ja.ioi,  et  qu'on  le  conduise  sous  bomie  garde 
ll.Macao,  avec  défense  de  rentrer  dans  la 
Ghuie.  Ordonnons  pareillement  aux  per- 
sonnes de  tout  état  de  s'éloigner  d'une  si 
jnauvaise  loi,  et  aux  coupables  de  se  corriger. 
Il  faut  qu'ils  s'occu[)ent  à  lire  les  livres  de  nos 
■anciens  sages,  afin  qu'il  n'y  ail  aucune  di- 
versité dans  les  coutumes,  et  que  les  peu- 
ples maintiennent  leurs  cœurs  dans  l'inté- 
gdté  ;  qu'ils  ne  se  laissent  pas  séduire  jus- 
qu'au point  de  suivre  de  fausses  sectes. 
Pour  ce  qui  regarde  les  lettrés  qui  ont  suivi 
cette  fausse  loi,  s'ils  y  renoncent,  il  faut 
nous  envoyer  leurs  noms,  non-seulement  pour 
leur  pardonner  leur  crime,  mais  pour  les 
louer  de  leur  zèle  ;  et  nous  priverons  de  leur 
degré  ceux  qui  ne  voudront  pas  se  soumet- 
tre ;  nous  les  punirons  selon  les  lois,  car 
c'est  un  crime  qu'on  ne  saurait  pardonner. 
.Que  si  les  mandarins  les  favorisent,  lious 
les  ferons  déposer  de  leur  mandarinat.  Fait  la 
première  année  de  Yong-Tching,  le  deux  de 
i]a  huiiième  lune,  c'est-à-dire  le  1  septem- 
bre 1723.  »... 

«  Lorsque  nous  apprîmes  à  Pékin  ce  qui  se 
passait  dans  la  province  d«  Fou-Kien,  nous 
en  fûmes  alarmés,  et  nous  craignîmes  que  la 
tempête  ne  s'étendît  plus  loin.  Le  Tson-Tou 
ge  Fou-îîien  gouverne  aussi  la  province  de 
Tche-Kiang:  il  est  docteur  du  premier  ordre 
et  de  la  famille  des  Ceintures  rouges,  c'est- 
à-dire  de  la  première  famille  des  Tartares, 
après  celle  qui  occupe  le  trône  impérial  ; 
•iJ  jouit  par  conséquent  d'une  grande  autorité. 


D'ailleurs  les  temps  sont  bien  changés  ;  l'em- 
pereur régnant  ne  se  sert  presque  plus  des 
Knroj.éens,  cl  il  paiail  peu  touché  des  scien- 
ces et  autres  curiosités  des  pays  étrangers. 
Celle  dis|)osition  a  éhjigné  do  nous  les  amis 
que  nous  avions  ;  les  uns  n(!  sont  plus  en 
étal  de  nous  rendre  service  ,  cl  les  autres 
n'osent  avoir  des  liaisons  avec  les  Euro- 
péens. 

«  (](;pendanl,  nous  eûmes  une  forte  recom- 
mandation au[)rès  du  Tson-Tou,  qui  répondit 
qu'il  n'était  jtlijs  maître  de  cette  all'aire  j  au'il 
en  avait  informé    l'empereur,  qu'il  fallait 
attendre  sa  décision.  11  avait  envoyé  un  placet 
à  ce  prince,  où   il  lui  disait  qu  on  pouvait 
laisser  les  missionnaires  à  la  cour,  où  ils 
rendaient  quelques  services,  soil  en  travail- 
lant au  calendrier,   soit  en  s'appliquant  à 
d'autres  ouvrages;  mais  que,  dans  les  pro- 
vinces, ils  faisaient  beaucoup  de  mal  sans 
être  d'aucune  utilité.  L'empereur  envoya  ce 
placet  au  tribunal  des  rites,  afin  qu'il  donnât 
son  avis.  Quoicjue  ce  tribunal   ail  toujours 
été  fort  contraire  à  la  religion,  nous  eûmes 
quelque  espérance  qu'en  gagnant  les  officiers 
qui  ont  soin  des  registres,  nous  pourrions 
les  obliger  à  en  tirer  les  ordres  de  l'empe- 
reur Kang-Gi,   qui  nous  sont  favorables,  et 
à  dresser  sur  ces  ordres  la  minute  de  la  dé- 
termination que  prendrait  le  tribunal.  Nous 
nous  flattions  que  par  ce  moyen  on  conser- 
verait,   du  moins   dans   les   provinces,  les 
missionnaires  qui  ont  la  patente  impériale. 
Nous  eûmes  ce  que  nous  souhai lions  ;   sur 
i;esordres,on  dressa  deux  minutes,  dontl'une 
nous  donnait  gain  de  cause  sur  le  Tson-Tou 
de  Fou-Kien,  et  l'autre  permettait  aux  mis- 
sionnaires qui  avaient  la  patente  impériale 
de  demeurer  dans  les  provinces.  Ce  qui  nous 
rassurait  encore,  c'est  que  le  prince,  dou- 
zième fils  du  feu  empereur,  qui  est  à  la  tête 
du  tribunal  des  rites,  et  deux  de  ses  asses- 
seurs, nous  avaient  promis  leur  protection. 
Le  tribunal  s'étant  assemblé  le  3  janvier,  et 
l'un  des  mandarins  subalternes  ayant  pré- 
senté une  minute  qui  raiifiait  tout  ce  qu'a- 
vait fait  le  Tson-Tou  de  Fou-Kien,  le  prince 
président  la  lut,  et  il  demanda  si  dans  les 
registres  il  n'y  avait  pas  des  ordres  du  feu 
em{)ereur,  son  père,  touchant  la  religion  chré- 
tienne, et  pourquoi  on  ne  les  produisait  pas  ; 
et  il  donna  ordre  de  les  citer  dans  la  minute. 
Mais,  le  jour  suivant,  le  tribunal  assemblé 
à  l'ordinaire,  le  prince  président  ayant   de- 
mandé si  la  minute  de  la  délermihatfon  qu'on 
deVait  prendre  sur  la  religion  chrétienne  était 
prêtrf,  le  mandarin  eut  la  hardiesse  de  lui 
présenter  la  môme  minute  du  jour  précédent. 
Le  prince  lui  en  témoigna  sa  surprise  :  il  ré- 
pondit avec  fierté  qu'il  n'avait  point  u'autre 
minuie  à  présenter;  que  le  prince  était  te 
maître,  mais  qu'il  perdrait  plutôt  son  man- 
darinat que  d'en  changer.  Alors  le  prince, 
se  doutant  peut-être  qu'un  ordre  secret  de 
l'empereur  autorisait  la  témérité  du  manda- 
rin, prit  le  pinceau,  corrigea  quelque  chose 
de  jieu  de  conséquence  dans  la  minute,  et  la 
signa;  les  autres  mandarins   suivirent  son 
exemple,  hors  deux,  qui  prirent  la  minute 


583 


cm 


et  la  rendirent  sans  la  signer  ;  mais,  deux 
jours  après,  craignant  de  s'attirer  quelque 
fâcheuse  alFaire,  ils  signèrent. 

«  Dans  cette  détermination  du  tribunal,  on 
conserve  les  Européens  à  la  cour,  on  inter- 
dit rigoureusement  leur  religion,  et  on  ex- 
pulse les  autres  de  tout  l'Empire.  Ceux  des 
provinces  qui  ont  reçu  ci-devant  la  patente 
impériale,  doivent  la  remettre  pour  être 
brûlée;  enfin,  il  y  a  ordre  à  tous  les  manda- 
rins et  vice-rois  d'observer  le  contenu  de  la 
déclaration  sous  peine  d'être  cassés.  Cette 
déclaration  fut  présentée  à  l'empereur  le  10 
janvier;  le  lendemain,  il  écrivit  avec  son  pin- 
ceau rouge  la  sentence  qui  suit  :  «  Qu'il  soit 
ainsi  fait  qu'il  a  été  déterminé  par  le  tribu- 
nal des  rites.  Les  Européens,  depuis  bien  des 
années,  demeurent  dans  les  provinces  de 
l'Empire;  maintenant,  il  faut  s'en  tenir  à  ce 
que  propose  le  Tson-Tou  de  Fou-Kien.  Mais 
comme  il  est  à  craindre  que  le  peuple  ne 
leur  fasse  quelque  insulte  ,  j'ordonne  aux 
Tsons-Tou  et  vice-rois  de  province  de  leur 
accorder  cinq  ou  six  mois  pour  les  conduire, 
ou  à  la  cour,  ou  à  Macao  ;  de  leur  donner  un 
mandarin  qui  les  accompagne  dans  le  voyage, 
qui  prenne  soin  d'eux  et  les  garantisse  de 
toute  insulte;  qu'on  observe  cet  ordre  avec 
respect.  »  Nous  avions  appris  le  résultat  de 
la  délibération  du  tribunal  des  rites,  et 
n'ayant  plus  d'espérance  de  ce  côté-là,  nous 
prîmes  le  parti  de  recourir  à  l'empereur  lui- 
même;  la  difficulté  était  de  lui  faire  passer 
nos  remontrances.  Le  treizième  fils  du  feu 
empereur,  le  seul  pour  ainsi  dire  qui  soit  en 
faveur  au|»rès  du  monarque  régnant,  nous 
parut  le  plus  propre  à  nous  accorder  ce  ser- 
vice; ainsi,  il  fut  conclu  que  le  P.  Frédelli, 
moi  et  le  frère  Castillon,  que  son  talent  dans 
la  pointure  a  rendu  si  agréable  à  ce  prince, 
irions  le  lendemain  à  son  hôtel  lui  demander 
audience,  et  le  prier  de  nous  accorder  sa  pro- 
tection. Le  lendemain,  nous  nous  y  trouvâ- 
mes tous  les  trois,  son  cortège  se  disposait 
déjà  à  le  conduire  au  palais.  L'eunuque  fit 
d'abord  difficulté  de  nous  introduire,  parce 
que  le  prince  était  sur  le  point  de  sortir; 
mais  s'étant  rendu  à  nos  instances,  il  rentra 
dans  l'appartement,  rcivint  nous  prendre  et 
nous  introduisit  vers  le  prince.  Dès  qu'il 
nous  a[)er(;ut  :  «  Vf)us  venez,  nous  dit-il,  me 
parler  de  l'accusation  que  le  Tson-Tou  de 
Fou-Kien  a  portée  contre  vous  ?...  Nous  lui 
répondîmes  que  oui  et  le  priâmes  de  nous 
honorer  de  sa  protection.  —  Hier,  ré[)liqua- 
t-il,  l'empereur  remit  votre  allaire  au  sei- 
ziènie  de  mes  fières  et  à  moi,  mais  je  n'en 
suis  pas  assez  instruit.  D(;puis  h;  temps  (pie 
dur(!iit  vos  disputes,  vous  voyez  le  train  (|ue 
pnîii'jent  vosallaires  :  (puîlles  peines,  (pielles 
fatigues  n'ont-elles  point  données  au  feu 
empereur  mon  [)ère!  Que  dii'ie/.-vous  si  nos 
gens  allaient  en  Kuiope  (;t  y  voulaient  chan- 
ger les  lois  et  les  coutumes  établies  par  vos 
anciens  sa;^(!S  ?  L'empereiw,  mon  lièic,  veut 
absolument  mettre  lin  ;i  tout  cela  d'iUM!  ma- 
nière ellicace.  ■■ —  Il  n'y  a  plus  de;  dispute, 
répondiuHts-nous  :  tout  est  fini.—  D'où  viiMil 
donc  quo  co!)  cleiii  Laroi)6cni)  do  Fou-liicu 


CHI  S84 

se  tenaient  cachés,  si  tout  est  fini?  —  Nous 
ne  les  connaissons  point;  ceux  que  nous 
connaissons  ont  des  patentes  du  feu  empe- 
reur ;  ils  sont  répandus  dans  les  différentes 
provinces,  par  ordre  du  tril)unal  des  rites, 
donné  la  cinquantième  année  du  règne  de 
Kan-fii.  —  Nous  lui  mîmes  en  même  temps 
cet  ordre  entre  les  mains,  il  le  lut  avec  at- 
tention ;  puis  en  nous  le  rendant,  il  nous  dit 
que  cette  patente  avait  été  mal  donnée; 
qu'elle  pouvait  être  de  quelque  utilité  au  pa- 
lais, mais  qu'elle  n'avait  nulle  autorité  au 
dehors.  A  quoi  nous  répondîmes  que  nous 
étions  des  étrangers  peu  instruits  de  la  ma- 
nière dont  se  gouvernent  les  tribunaux  ; 
mais  qu'ayant  reçu  la  patente  des  mains  de 
l'empereur,  nous  étions  persuadés  que  nous 
n'avions  rien  à  craindre.  «  Oh  !  je  sais,  nous 
dit-il,  qu'il  y  a  plusieurs  sortes  d'Européens 
à  la  Chine  ;  il  y  en  a  qui  viennent  pour  le 
service  de  l'empereur,  d'autres  pour  le  com- 
merce, et  d'autres  pour  prêcher  votre  loi. 
Je  n'ai  pas  le  temps  maintenant  d'examiner 
vos  affaires;  mais  avertissez  tous  les  Euro- 
péens de  se  rendre  demain  au  palais,  je  vous 
y  entretiendrai  à  loisir.  »  Nous  le  priâmes 
alors  de  nous  servir  d'appui  et  de  père. 
«  Soyez  en  repos,  répondit-il,  l'empereur 
m'a  remis  votre  affaire,  j'en  prendrai  soin,  » 
Cette  promesse  nous  consola  et  nous  sortîmes 
fort  satisfaits. 

«  Le  lendemain  6  janvier,  nous  nous  ren- 
dîmes tous  au  palais,  mais  nous  attendîmes 
toute  la  journée  inutilement.  Le  seizième 
prince  qui  devait  s'y  trouver  avec  le  trei- 
zième n'y  parut  point  ;  ce  dernier  nous  fit 
dire  de  revenir  le  lendemain  soir  à  son  hô- 
tel, mais  qu'il  n'était  pas  nécessaire  que 
tous  les  Européens  y  vinssent.  Nous  allâmes 
donc  au  nombre  de  six  à  son  hôtel,  et  nous 
fûmes  introduits  dans  son  appartement. 
Nous  ayant  fait  asseoir  :  «  Je  sais,  nous  dit- 
il,  que  vos  affaires  sont  fort  embarrassées  ; 
j'ai  vu  l'accusation  du  Tson-Tou  de  Fou- 
Kien,  elle  est  grave;  vos  disputes  sur  nos 
coutumes  vous  ont  nui  infiniment.  Que  di- 
riez-vous  si  nous  transportant  dans  l'Europe, 
nous  y  tenions  la  même  conduite  que  vous 
tenez  ici?  Le  soulfririez-vous?  Je  m'instrui- 
rai de  cette  affaire  ;  mais  je  vous  déclare 
qu'il  ne  manquera  rien  à  la  Chine  lorsque 
vous  n'y  serez  plus,  et  votre  absence  n'y  cau- 
sera aucune  perte.  On  n'y  retient  personne 
par  force,  et  l'on  ne  soullVu-a  (|ui  que  ce  soit 
qui  en  viole  les  lois  et  (jui  travaille  à  anéan- 
tir les  coutumes.  »  Le  prince  dit  cela  d'un 
ton  (pii  nous  persuada  qu'il  ne  faisait  que 
répéter  les  paroles  de  l'empereur.  Nous  lui 
présentâmes  alors  un  mémoire  (pii  justifiait 
la  religion  chrétienne  sur  les  chefs  (l'accusa- 
lion  du  Tson-Tou  de  Fou-Kien;  nous  lui 
(limes  (pie  nous  ne  nrêchions  pas  notre  foi 
en  cachette;  (pie  les  livres  (pii  l'eus(Mgnaient 
étaient  entre  les  mains  do  tout  le  monde,  et 
(pie  nous  nous  faisions  un  plaisir  de  les  dis- 
tribuer ;  (pie  nous  avions  iu("^nie  des  feuilles 
iiiipi  iiui'cs  (pie  nous  exjiosioiis  en  public,  ut 
nous  lui  |)résenlâmes  ces  feuilles  (jui  sont  un 
calécliiiiuio  traduit  en  chinois  par  un  do  nos 


585 


CHI 


CHI 


886 


Pères.  Le  prince  parut  un  peu  se  radoucir; 
alors  nous  lui  fîmes  observer  que  notre  con- 
duite avait  toujours  été  irrt^préhensi[)lc, 
qu'on  ne  nous  avait  jamais  accusés  d'avoir 
vioU^es  ois  de  l'empire;  (pie  nous  vivions 
en  bonne  inlellii^^ence  avec  les  mandarins. 
Le  prince  nous  demanda  <i  voir  la  patente, 
nous  la  lui  donnAmes.  Il  fut  surpris  d'y  lu'o 
que  les  luissionnaires  qui  avaient  cette  pa- 
tente no  retourneraient  pas  en  Europe  ;  il 
demanda  si  toutes  les  patentes  renfermaient 
la  môme  clause.  Lui  ayant  r('![)on(lu  (jue  oui  : 
«  Elle  n'a,  nous  dit-il,  nulle  autorité  au  de- 
hors; il  faut  la  changer  et  en  donner  une 
meilleure,  en  cas  que  votre  affaire  s'accom- 
mode. Soyez  tran(]uilles  sur  l'accusation  du 
Tson-Tou  de  Fou-Kien  ;  je  ne  suis  pas  le 
maître  ,  mais  je  tAclierai  de  vous  rendre  ser- 
vice. »  Et  avec  ces  paroles  il  nous  congédia. 
Ce  fut  deux  jours  après  cette  conversation 
que  la  décision  du  tribunal  des  rites  fut  pré- 
sentée c>  l'empereur,  qui  la  conlirina,  comme 
je  l'ai  déjà  rapporté.  Nous  espérions  que  le 
troisième  prince  agirait  en  notre  faveur, 
mais  nous  n'osions  pas  le  presser,  de  crainte 
de  perdre  par  nos  importunités  le  seul  appui 
qui  nous  restait;  cependant  nous  résolûmes 
d'avoir  recours  à  l'empereur  et  de  lui  faire 
présenter  un  placet  par  ce  même  prince,  sur 
la  protection  duquel  nous  comptions  ;  nous 
nous  rendîmes  à  so  i  hôtel  pour  le  supplier 
de  s'en  charger  et  l'appuyer  de  son  crédit.  Il 
nous  fit  di.e  qu'il  n'.ivait  pas  le  loisir  de 
nous  parler,  mais  qu'il  pensait  à  notre  af- 
faire f"t  que  nous  fussions  tranquilles.  Nous 
donnâmes  alors  notre  placet  à  l'eunuque,  le 
priant  de  le  présenter  au  prince;  il  le  fit  sur- 
le-champ  et  nous  le  rapporta  quelque  temps 
après,  en  nous  disant  que  le  prince  ne  pou- 
vait garder  ce  placet  chez  lui,  mais  que  le 
jour  suivant  nous  allassions  le  lui  présenter 
à  une  des  portes  intérieures  du  palais  qu'il 
nous  indiqua.  Le  lendemain,  à  ce  lieu  dési- 
gné, le  même  eunuque  vint  de  la  part  du 
prince  nous  demander  notre  placet.  Ayant 
rencontré  l'eunuque  une  heure  après,  je  lui 
demandai  si  ce  placet  était  parvenu  jusqu'à 
l'empereur.  Il  me  répondit  que  le  prince  se 
trouvant  avec  les  trois  gouverneurs  de  l'em- 
pire et  son  seizième  frère,  ils  en  avaient  fait 
ensemble  la  lecture;  mais  qu'ayant  été  ap- 
pelés par  l'empereur  pour  une  affaire  impor- 
tante, le  treizième  prince  n'avait  pas  porté 
le  placet.  Nous  ne  fûmes  pas  fiichés  qu'il  eût 
été  communiqué  à  ces  seigneurs,  nous  per- 
suadant que  s'il  avait  eu  leur  approbation, 
nous  avions  tout  lieu  d'espérer.  Dans  ce 
placet,  nous  répondions  aux  accusations  du 
Tson-Tou  de  Fou-Kien  ;  nous  disions  que 
notre  religion  ne  pouvait  être  suspecte,  puis- 
qu'elle était  depuis  tant  d'années  approuvée 
dans  l'Empire;  qu'on  y  souffrait  bien  d'au- 
tres religions  sans  obliger  ceux  qui  les  sui- 
vaient d"y  renoncer;  que  nous  suppliions  Sa 
Majesté  ue  laisser  à  la  Chine  les  Européens 
qui  ont  la  patente  et  qui  y  demeurent  depuis 
tant  d'années,  d'avoir  compassion  de  leur 
vieillesse,  et  de  leur  permettre  de  garder  la 
sépulture  de  leurs  prédécesseurs  le  peu  d'an- 
DicTioNN.   DES  Persécutions.  I. 


nées  qui  leur  restent  à  vivre,  et  de  ne  pas 
forcer  les  chrétiens  d'abandonner  la  religion 
qu'ils  ont  embrassée. 

«  Etant  retournés  le  lendemain  au  palais, 
le  prince  parut  vers  le  lieu  où  nous  étions. 
«  Il  semble  par  votre  [ilacct,  nous  dit-il,  quo 
vous  vouliez  entrer  en  dispute  avec  l'empe- 
reur ;  je  crains  que  si  je  le  présente  toi  qu'il 
est,  il  ne  soit  pas  bien  regu.  Il  f;iut  vous 
contenter  de  lui  adresser  des  remerciements  ; 
vous  pouvez  en  courir  les  risques,  mais  je 
ne  réponds  pas  de  l'événement.  »  Nous  l'as- 
surâmes que  nous  retrancherions  tout  ce 
qu'il  jugerait  à  propos,  et  que  nous  nous 
bornerions  à  remercier  Sa  Majesté  et  à  la  sup- 
plier de  nous  honorer  de  sa  protection.  En 
effet,  nous  remîmes  le  lendemain  au  prince 
le  placet  corrigé  selon  ses  vues  :  il  le  riiit,  le 
lut  et  remi)orta  sans  nous  rien  dire.  De  plu- 
sieurs jours  nous  n'eûmes  aucune  nouvelle 
de  notre  placet.  Enfin,  nous  trouvant  au  pa- 
lais, les  PP.  liouvet,  Régis,  Parennin  et  moi, 
le  prince  sortit  d'une  des  portes  intéiieures 
avec  son  seizième  frère  etnousfit  approcher  : 
«  J'ai  donné  votre  placet,  nous  dit-il,  mais  il 
est  venu  trop  tard;  le  tribunal  des  rites  a 
donné  son  avis,  l'empereur  a  souscrit  à  sa 
délibération,  il  n'est  plus  possible  de  reve- 
nir sur  cette  atlaire.  — Rien  n'est  plus  facile, 
répondîmes-nous,  à  un  si  grand  prince  qu'est 
l'ecnpereur:  il  peut  faire  cette  grâce,  et  cette 
grâce  n'arrivera  point  trop  tard,  si  elle  est 
envoyée  par  le  tribunal  des  rites;  les  man- 
darins ne  se  presseront  point  d'exécuter  les 
ordres  qu'ils  ont  reçus  à  cause  du  délai  de 
six  mois.  —  L'empereur  m"a  dit,  répondit  le 
prince,  que  pour  le  présent,  il  ne  pouvait 
rien  changer  à  ce  qu'il  avait  f  lit  ;  mais  que  si 
dans  la  suite  on  voulait  vous  inquiéter  il 
prendrait  votre  défense.  —  Quand  tous  les 
Européens  seront  chassés  des  provinces,  il 
est  bien  clair  qu'on  ne  les  inquiétera  plus. 
—  N'êtes-vous  pas  encore  ici  ?  —  Oui ,  nous 
y  sommes,  sous  les  yeux  et  sous  la  pro- 
tection de  Sa  Majesté;  mais  nous  y  som- 
mes sans  honneur  dès  que  nos  compagnons 
sont  exilés.  —  Ce  n'est  [)rs  l'empereur  qui 
les  chasse,  c'est  le  Tson-Tou  de  Fou-Kien, 
pour  remédier  aux  troubles  que  deux  Euro- 
péens ont  excités  dans  la  province.  —  Nous 
ne  connaissons  pas  ces  Européens  ;  parce 
qu'on  les  a  accusés,  faut-il  envelopper  dans 
leur  malheur  ceux  dont  on  n'a  aucun  sujet 
de  se  plaindre  et  dont  les  mandarins  sont 
contents  ?  »  Alors  le  prince,  se  tournant  du 
côté  de  son  frère,  dit  :  «  Certainement,  le 
tribunal  des  rites  atout  confondu  :  sa  délibé- 
ration ne  vaut  rien,  je  le  remarquai  dès  que 
je  la  vis.  »  Pendant  ce  temps,  nous  étions 
prosternés  jusqu'à  terre  ,  implorant  notre 
grâce  et  priant  le  prince  d'intercéder  pour 
nous  auprès  de  l'empereur.  «  Que  voulez- 
vous  que  je  fasse?  Voulez-vous  que  je  me 
perde  pour  vous  sauver?  D'ailleurs,  l'empe- 
reur a  dit  qu'il  vous  laisse  ici  et  à  Canton.  Je 
lui  ai  objecté  qu'on  vous  enverrait  pareille- 
ment de  Canton  à  Macao  oii  vous  seriez  très- 
mal  ;  il  m'a  répondu  que  le  vice-roi  de  Can- 
ton l'en  avertirait.  —  Il  n'en  aura  pas  l'idée, 

19 


587 


CHI 


CRI 


568 


lui  répliquâmes-nous  :  ainsi,  il  serait  h  pro- 
pos que  vous  eussiez  la  bonté  de  lui  faire  sa- 
voir les  intentions  de  Sa  Majesté.  —  Il  n'est 
pas  nécessaire  ;  écrivez-lui  vous-mômes.  — 
Il  ne  nous  croira  pas;  mais  si  dans  deux 
mois  nous  présentions  un  nouveau  plaoet  h 
l'empereur  ?  »  Le  prince  nous  lit  signe  que 
cela  ne  se  pouvait  pas,  et  il  se  retira  à 
l'instant,  nous  laissant  dans  un  accablement 

qui  ne  peut  se  déciire 

«  Tel  est  le  triste  état  où  cette  mission  est 
réduite  :  on  s'est  saisi  partout  des  églises; 
les  unes  ont  été  détruites,  les  autres  ont  été 
changées  en  salles  pour  honorer  les  ancêtres, 
et  quelques-unes  en  temples  d'idoles.  Quoi- 
que l'ordre  de  Tempereur  recommande  aux 
mandarins  d'empêcher  que  les  missionnaires 
ne  soient  maltraités,  ils  n'ont  pas  été  à  l'abri 
des  insultes.  L'évoque  de  Lorime  a  été  saisi 
dans  une  de  ses  missions  avec  un  Français  qui 
l'accompagnait;  ils  furent  très-mal  traités  par 
leurs  conducteurs.  Les  lettres  de  Canton  nous 
apprennent  que  les  missionnaires  ne  peuvent 
plus  regarder  cette  ville  comme  un  asile  sûr. 
A  peine  le  vice-roi  eut-il  reçu  la  sentence  , 
qu'il  fit  publier  à  son  de  trompe ,  dans  tout 
son  district,  (jue  les  missionnaires  se  dispo- 
sassent à  partir  bientôt  pour  Macao,  que  dans 
peu  il  n'en  soulfrirait  plus  dans  son  dépar- 
tement. Cela  ne  s'accordait  pas  avec  ce  que 
nous  avait  dit  le  prince,  qiie  Sa  Majesté  nous 
laisserait  ici  et  à  Canton.  Quelque  persuadés 
que  nous  fussions  que  nos  lettres  seraient 
inutiles,  nous  écrivîmes  à  ce  vicc-roi  ce  qui 
nous  avait  et.'  dit  par  le  treizième  prince. 
Nous  résolûmes  aussi  d'adresser  un  nouveau 
mémoire  à  ce  prince;  nous  lui  représentions 
que  la  plupart  des  missionnaires,  chassés  des 
provinces ,  étaient  originaires  de  royaumes 
différents  de  celui  d'où  dépend  Macao;  que  les 
vaisseaux  d'Europe,  qui  viennent  commercer 
à  la  Chine,  abordent  à  Canton  ;  que  de  ren- 
voyer à  Macao  ceux  qui  voudraient  retour- 
ner dans  leur  pays,  ce  serait  les  mettre  dans 
l'impossibihté  de  le  faire;  que  d'ailleurs  nous 
ne  pourrions  pas  subsister  ici,  s'il  n'y  avait 
personne  à  Canton  qui  entretînt  noln;  cor- 
respondance avec  renij)ire  ;  qu'ainsi  nous  le 
priions  instamment  d'obtenir  de  l'empereur 
qu'OL  laissùt  à  Canton  ceux  (}ui,  à  cause  de 
leur  âge  et  de  leurs  inlirmiti-s, ne  pourraient 
pas  retourner  en  Europe.  La  raison  secrète 
qui  nous  faisait  délirer  de  rester  à  Canton  , 
c'est  que  cette  ville  est  comme  la  j)orte  de  la 
mission,  et  que  les  missionnaires  y  trouvent 
des  moyens  de  |iénélrer  dans  la  Cliine.  Lo 
prince  iious  lit  corriger  ce  méuioire,  et  vou- 
lut qu'il  lùi  égabîmtjnt  adressé  à  son  seizième 
frère  ,  [iuice  qu'il  avait  été  ,  conjointement 
avec  lui  ,  (iliai^é  de  celte  aifaire  :  n(jus  sui- 
vîmes cet  avis.  Ce  dernier  prince  nous  lit 
v(;nir  et  nous  parla  en  ces  termes  :  «  Je  vais 
vous  dire  ma  pensée  sur  ce  que  vous  dciuaii- 
dez  dans  votre  mémoire  ;  jirenez  garde  que 
e'f'sl  moi  seul  qui  vous  parle  ,  ne  vous  y 
trompez  pas.  Vous  savez  (lue  l'empereur , 
lorsqu'il  n'était  que  quatrieun-  [trince,  était 
foii  peu  attaché  aux  bonzes  liochaug  et  LaO- 
Xsée;  mais,  alors,  il  n'était  pas  sur  le  trône. 


Le  feu  empereur  mon  père  vous  a  beaucoup 
aimés  et  comblés  d'honneurs  et  de'  grâces  ; 
vous  n'ignorez  pas  qu'il  a  souvent  par  là 
excité  les  murmures  des  lettrés  chinois.  Cela 
ne  signilie  pas  que  l'empereur,  mon  frère,  ait 
quelque  chose  contre  vous  et  qu'il  ne  vous 
considère  ;  vous  n'avez  pas  oublié  avec  quelle 
bonté  il  vous  traitait  avant  qu'il  fût  maître 
de  l'empire;  mais  maintenant  qu'il  gouverne, 
il  ne  saurait  se  dispenser  de  se  conduire 
comme  il  fait  à  votre  égard.  Depuis  l'atraire 
de  Fou-Kien  ,  il  a  reçu  contre  vous  plus  de 
vingt  placets  des  lettrés  chinois  (il  les  a  sup- 
primés )  ;  ils  ne  veulent  pas  qu'on  change 
rien  à  la  doctrine  de  nos  anciens  sages,  et  un 
bon  gouvernement  demande  qu'ils  soient 
écoutés.  Ma  pensée  est  donc  qu'au  lieu  du 
mémoire  que  vous  m'adressez,  vous  dres- 
siez un  placet  pour  être  présenté  à  l'empe- 
reur. Bornez-vous  à  lui  représenter  que  de- 
puis le  P.  Ricci ,  qui  est  venu  le  premier  à 
la  Chine,  vous  n'avez  rien  fait  co!itre  les  cou- 
tumes de  l'empire  ;  que  vous  êtes  des  reli- 
gieux qui  ne  pensez  qu'à  vous  perfectionner; 
que  la  loi  que  vous  enseignez  n'est  pas 
fausse;  que  vos  compagnois  qui  sont  dans 
les  iirovinces  sont  sur  le  point  d'être  chas- 
sés :  faites  sentir  les  embarras  et  les  incon- 
vénients où  ils  se  trouveront  si  on  ne  leur 
permet  pas  de  demeurer  à  Canton  ;  que  telle 
est  la  triste  situation  où  vous  êtes  ,  puisque 
le  vice-roi  de  cette  province  a  déclaré  qu'il 
n'y  laisserait  aucun  missionnaire; après  ({uoi, 
priez  et  priez  avez  instance.  Voilà  à  peu  près 
quelle  doit  être  la  forme  de  votre  placet;  au 
reste,  je  veox  en  voir  la  minute  et  la  corri- 
ger :  ensuite  vous  piésenterez  ce  placet  par 
la  voie  des  grands  maîtres  de  la  maison  de 
l'empereur,  dont  mon  frère  le  seizième  est 
le  chef.  Ils  ne  voudront  pas  le  recevoir;  alors 
vous  vous  adresserez  à  moi,  et  je  le  ferai 
passer  à  Sa  Majesté  par  le  canal  de  ceux  qui 
reçoivent  les  mémoriaux  de  l'empire.  « 
Charmés  des  bontés  de  ce  prince,  nous  nous 
prosternâmes  justju'à  terre  pour  le  remer- 
cier. Nous  dressâmes  le  placet  et  fûmes  le 
lui  porter  le  lendemain  au  palais  ;  il  était 
alors  si  occupé,  qu  il  nous  fut  impossible  de 
lui  parler. 

Ce  prince,  qui  partit  pour  la  campagne,  ne 
nous  oublia  point;  il  nous  recommanda  à 
son  seizième  Irère  et  nous  lit  dire  de  lui  i)or- 
ter  notre  jilacet.  Le  môme  jour  il  fut  [)ré- 
senté,  et  l'empereur  écrivit  lui-même  la  ré- 
ponse suivante  :  «  Vous,  gouverneurs  de 
rem|)ire,  priiKîes  et  grands,  prenez  le  placet 
de  Tai-Tsin-hien  (c'est  le  nom  chinois  du 
V.  Kcblor),  ciivoyez-le  au  l\son-Tou  et  au 
vicc-roi  de  la  province  de  Canton  ;  qu'ils  sus- 
pendent les  oi'iioimances  pour  un  temps,  et 
(lu'ils  ne  pressent  j>as  les  Eur(»pccns  d'aller 
demeurer  à  Macao.  Que  le  'l'son-Tou,  le  vice- 
roi,  le  général  des  soldats  larlares,  le  géné- 
ral des  soldais  chinois,  délibèrent  sérieuse- 
ment sur  cela  et  me  fassent  leur  rapj)ort  ; 
s'ils  jugent  qu'il  n'y  a  pas  un  grand  mal  à 
craindre  |)our  h;  gouvernement  du  peuple  , 
on  |)(nit  [)ormetlre  aux  lùiropéens  de  (lemcu- 
rer  à  Canton.  Cousulloz  entre  vous  ot  mê 


589 


Clit 


faites  votre  ra|)|)ort.  »  Cette  réponse  fut  com- 
niuiiiqu(^(>  aux  l'ùios  (jui  (^taietit  présents  par 
un  m.iiidaiiM.  Ln  F.  l'aiiiuiin  remercia  Sa 
Majcsu^  ol  (il  lui  compliment  si  à  propos, 
que  le  mandarin  fui  sur-le-champ  le  rappor- 
ter i^  l'empereur.  Celui-ci  en  fut  si  satisfait, 
qu'il  envoya  pretuire  les  trois  Pères,  laveur 
à  laquelle  aucun  dc^  nous  ne  s'attendait  : 
voici  ce  que  leur  dit  l'empereur  :  «  Le  feu 
empereur  mon  père  ,  après  m'avoir  instruit 
pendant  «juarante  ans,  m'a  choisi  préft'rabh^- 
nient  à  mes  frères  |)Our  lui  succéder.  Je  me 
fais  un  point  capital  de  ne  m'èloijJi;ner  en  rien 
de  sa  manière  de  gouverner.  Des  Européens, 
dans  la  [)rovince  de  Fou-Kien  ,  voul.dent 
anéanlir  nos  lois  et  troublaient  les  peu«)les; 
les  grands  de  cette  province  me  les  ont  dé- 
férés :  j'ai  dû  pourvoir  au  désordre  ,  c'est 
une  atfaire  di>  l'em.ire  ;  je  ne  imis  ni  ne  dois 
agir  maintenant  connue  je  faisais  lorsque  je 
n'étais  cpie  pi-mce  p.irticùlier.  Vous  dite-;  que 
votre  loi  n'est  [)()int  fausse,  je  le  crois;  si  je 
pensais  (|u"elle  le  fiU,  qui  m'em[)êcherait  de 
détruire  vos  églises  et  de  vous  en  chasser  ? 
Les  fausses  lois  sont  celles  qui,  sous  prétexte 
de  porler  à  la  vertu,  soufileni  l'esprit  de  ré- 
volte Mais  que  dirioz-vous  ,  si  j'envoyais 
une  bande  de  Donzes  et  de  lamas  dans  votre 
pays  pour  y  prêcher  leur  loi?  Comment  les 
recevriez-vGus  ?  Ly-Ma-Teou  (le  P.  Uicci  ) 
vint  à  la  Chine  la  première  année  du  règne 
de  Ouan-Li.  Je  ne  loucherai  poini  à  ce  que 
hrenl  alors  les  Chinois  ,  je  n'en  suis  pas 
chargé  ;  mais  en  ce  temps-là  vous  étiez  en 
petit  nombre,  ce  n'était  presque  rien  ;  mais 
vous  n'aviez  pas  de  vos  gens  et  des  églises 
'ians  toutes  les  provinces  ;  ce  n'est  que  sous 
le  règne  de  mon  [)ère  que  vous  en  avez  élevé 
partout  et  que  votre  loi  s'est  répandue  avec 
rapidité  ;  nous  le  voyions  et  nous  n'osions 
rien  dire  ;  mais  si  vous  avez  su  tromper  mon 
père,  n'espérez  pas  qu'il  en  soit  ainsi  de  moi. 
Vous  voulez  que  tous  les  Chinois  se  fassent 
chrétiens;  votre  loi  le  demande  ,  je  le  sais  ; 
mais  dins  ce  cas  ,  que  deviendrions-nous? 
Les  prosélytes  que  vous  f  lites  ne  reconnais- 
sent {(ue  vous  ;  dans  un  temps  de  trouble , 
ils  n'écouteraient  d'aulre  voix  que  la  votre. 
Je  sais  bien  qu'actuellement  il  n'y  a  rien  à 
craindre; mais  (juand  les  vaisseaux  viendront 
par  mille  et  dix  mille,  alors  il  pourait  y 
avoir  du  désor  ire.  La  Chine  a  au  nord  la 
Russie  qui  n'est  pas  méprisable  ;  elle  a  au 
sud  les  Ëurojiéens  et  leurs  royaumes  qui 
sont  encore  plus  considérables, "et  à  l'ouest 
Sse-0uan-Ra{3tan  (jnincede  Tartarie  qui  da- 
pL.is  huit  ans  fait  la  guerre  aux  Chinois).  Je 
veux  le  retenir  cliez  lui  et  l'empêcher  d'en- 
trer dans  la  Chine,  de  peur  qu'il  n'y  excite 
du  trouble.  Lange,  compaguon  d'Ismalioff, 
ambassadeur  du  czar,  priait  qu'on  accordât 
aux  Moscovites  la  permission  d'établir  dans 
les  provinces  des  factoreries  pour  le  com- 
merce ;  il  fut  refusé  ,  et  on  ne  lui  permit  de 
trafiquer  qu'à  Pékin  et  dans  le  pays  des  Kal- 
kas  qui  est  sur  les  limites.  Je  vous  permets 
de  même  de  demeurer  ici  et  k  Canton  autant 
de  temps  que  vous  ne  donnerez  aucun  sujet 
vie  plainte  ;  car  s'il  y  en  a  dans  la  suite  ,  je 


CAU  j(f»d 

ne  vous  laisserai  ni  ici  ni  h  Canton;  je  ne 
veux  point  de  vous  dans  les  provinces.  L'em- 
IxMeur,  mon  père,  a  i)erdu  bcai'.coup  de  sa 
réputation  dans  l'esprit  des  lettrés ,  par  la 
condescendance  avec  laquelle  il  vous  a  lais- 
sés établir  :  il  ne  s(!  peut  faire  aucun  chan- 
gement aux  lois  de  nos  sages,  (ït  je  ne  souf- 
frirai point  que  de  mon  règne  on  ait  rien  à 
m(i  l'cprocher  sur  cet  article.  Quand  mes  (ils 
et  mes  petits-fils  seront  sur  le  trône,  ils  fe- 
ront comme  bon  leur  semblera  ;  je  ne  m'en 
embarrasse  pas  plus  que  de  ce  qu'on  fait  à 
Ou-a/,-li.  Du  reste,  ne  vous  imaginez  pas  que 
j'aie  rien  contre  vous  ou  que  je  veuille  vous 
opprimer;  vous  savez  la  manière  dont  j'en 
usai  av(^c  vous  quand  je  n'étais  que  régiilo; 
la  famille  d'un  de  vos  chrétiens  se  souleva 
contre  son  chef  paice qu'il  n'Iionorait  passes 
ancêtres.  Dans  l'embarras  où  vous  étiez,  vous 
eûtes  recours  à  moi,  et  j'accommodai  cette 
all'airo.  Ce  que  je  fais  maintenant ,  c'est  en 
qualité  d'empereur;  mon  unique  soin  est  de 
bien  régler  remi)irc;  je  m'y  ap|)li(}ue  du  ma- 
tin au  soir;  je  ne  vois  pas  même  mes  en- 
i'.nts  ni  l'impératrice,  je  ne  vois  que  ceux 
qui  sont  chargés  du  soin  des  alfaires  publi- 
ques, (  t  cela  durera  autant  que  le  deuil,  qui 
est  de  trois  ans;  a|)iès  quoi,  je  pourrai  [)'  ut- 
être  vous  voir  comme  à  l'ordinaire.  »  L'em- 
pereur parla  avec  une  rapidité  qui  faisait  as- 
sez connaître  qu'il  ne  voulait  pas  qu'on  ré- 
})ondît.  Il  chai'gea  les  tr-ois  missionnaires  de 
faire  part  à  leui"s  compagnons  de  ce  qu'il 
venait  de  leur  dire.  La  suite  des  événements 
n'a  que  trop  prouvé  que  l'empereur  avait 
conçu  le  projet  d'éteindre  le  christianisme 
dans  ses  Etats.  Les  missionnaires  forcés  de  se 
retirer  à  Canton,  laissèrent  plus  de  trois  cent 
mille  chrétiens  sans  pasteurs,  e,t  plus  de  trois 
cents  églises  entre  les  mains  des  infidèles.  » 
[Lelt.  édif.,  v.  Il,p.  234.) 

La  résolution  qu'avait  prise  le  nouvel 
empereur,  de  détruire  le  christianisme  dans 
ses  Etats,  parut  assez  par  la  manière  dont  il 
traita  toute  une  famille  de  Pékin,  plus  illus- 
tre encore  par  la  profession  qu'elle  lit  de  la 
foi  chrétienne  que  par  le  sang  impérial  dos 
Tartares  -  Mantchoux  ,  duquel  elle  sortait. 
Le  prince  Sounou,  chef  de  la  famille,  nommé 
par  quelques  auteurs  Sourniama,  était,  en 
Vrlk,  Agé  de  soixante-dix-sept  ans.  Il  avait 
onze  tils  vivants,  et  avait  eu  seize  filles, 
presque  toutrs  mariées  à  des  princes  mon- 
gols, (luà  des  mandarins  de  Pékin.  Le  (loi- 
sième  des  fils  de  ce  régulo  avait  été  élevé 
parl'emjjereur,  en  raison  de  sa  sagesse  et  de 
ses  talents,  à  la  dignité  de  régulo.  l\  s'occu- 
pait beaucoup  de  lecture,  et  ce  fut  par  ce 
moyen  que  Dieu  l'amena  à  la  connaissance 
du  chiistianisme.  Lui  et  plusieurs  de  ses 
frères  inclinaient  très-fortement  à  se  con- 
vertir; mais  leur  père,  qui  était  idolâtre,  le 
leur  défendait  absol  <ment. 

En  1719,  l'empereur  Khang-Hi  étanc  en 
guerre  avec  le  r  i  des  Eleuilis,  envoya  con- 
tre lui  l'un  de  SOS  fils.  Le  dixième  des  fils  de 
Sounou  vint  s'offrir  pour  accompagner  le  fils 
de  l'empei-eur  dans  cette  expédition,  il  était 
âgé  de  vingt-sept  ans.  Quoiqu'il  ne  fût  pas 


591 


CHI 


CHI 


59Î 


baptisé,  il  observaitexacteraent  les  comman- 
dements de  Dieu  et  ceux  de  l'Eglise.  Avant 
son  dépari,  le  P.  Suarès  lui  confina  le  bafi- 
tême  et  lui  donna  le  nom  de  Paul.  A  l'armée, 
il  convertit  la  jjlupart  des  seigneurs  qui 
étaient  avec  lui.  Le  Gong  (  régulo  du  5'  or- 
dre), son  frère,  troisième  prince  de  lalamille, 
ayant  appris  la  conduite  de  son'frère,  et  pris 
connaissance  des  lettres  qu'il  écrivait,  réso- 
lut de  ne  pas  ditférer  davantage  à  se  l'aire 
chrétien.  Il  lit  baptiser  un  fils  naturel  qu'il 
avait,  et  qui  était  à  l'article  de  la  mort,  et 
lui-môme  reçut  le  baptême  le  jour  de  l'As- 
somption 1721.  On  le  nomma  Jean.  Son  (ils 
unique,  baptisé  quelque  temps  après,  fut 
nommé  Ignace.  Toute  la  famille  imita  bien- 
tôt ce  saint  exemple.  La  princesse  Cécile,  sa 
femme,  Agnès  sa  belle-tille,  ses  deux  petits- 
fds  Thomas  et  Matthieu,  embrassèrent  le 
christianisme  :  leurs  domestiques  les  imitè- 
rent. 

«  A  cette  nouvelle,  le  vieux  régulo  entra 
dans  une  telle  colère,  qu'il  inter.iit  l'entrée 
de  sa  maison  au  prince  Jean.  Il  alla  jusqu'à 
le  menacer  lui  et  les  siens,  de  les  déférer  à 
l'empereur.  Le  onzième  de  ses  fds  se  lit 
malgré  cela  baptiser,  et  prit  le  nom  de  Fran- 
çois ;  sa  famille  aussi  suivit  son  exemple. 
Le  père  craignait  surtout  la  colère  de  l'em- 
pereur. Peu  après,  Khang-Hi  mourut.  Le  qua- 
trième tils  du  vieil  empereur  monta  sur  le 
trône.  Le  vieux  régulo  fut  avancé  d'un  de- 
gré. Le  prince  Lessihin,  son  sixième  tils,  et 
le  douzième,  ayant  été  disgraciés  par  le  nou- 
vel empereur  et  envoyés  à  l'armée,  tous 
deux  se  tirent  ba|itiser,  le  prince  Lessihin 
sous  le  nom  de  Louis,  l'autre  sous  celui  de 
Joseph.  Leurs  épouses  se  tirent  î.aptiser 
aussi.  L'ainé  de  tous  les  frères  s'ap[)rètait 
aussi  à  faiie  comme  les  autres,  quand  on 
reçut  la  nouvelle  que  la  pcrsécutioa  avait 
écfaté  dans  leFou-Kien,  et  que  l'accusation 
portée  par  les  mandarins  allait  être  remise 
à  l'empereur.  Bientôt,  comme  on  l'a  vu  plus 
haut,  la  sentence  fut  prononcé  î  contre  les 
chrétiens.  Nous  laisserons,  pour  la  suite,  par- 
ler le  P.  Parennin. 

«  Sur  la  lin  de  juin  de  cette  année,  on 
nous  manda  de  toutes  les  provincs  que  les 
mandarins,  en  exécution  des  ordres  de  l'em- 
pereur, avaient  signitié  aux  missionnaires 
de  se  tenir  prêts  à  partir  pour  Macao,  vers 
le  commencement  de  septembre  ;  les  manda- 
rins de  Canton  pressaient  encore  plus  que 
les  autres  ceux  de  leur  ville  de  se  pourvoir 
de  bonne  heure  de  maisons  h  Macao,  pour 
y  transporter  leur  bagage  et  s'y  rendre  au 
I)lus  lard  avant  la  mi-s(!pti'mbre.  Sur  ces  con- 
naissances, nous  son  j,eàmt;s  à  fain;  ufi  der- 
nier effort  pour  oble  lii'  de  Sa  Maj(;.sté  (pnj 
du  moins  elle  nous  fil  la  gr.lci!  de  liissiM-  les 
missionnaires;!  Cant(jn,  sans  l.;s  obli.^ci- d'al- 
ler à  Macao.  Nos  raisons  sont  déduites  dans 
un  Mémorial  qu(!  ih)us  lui  finies  renu!ttr(; 
le  [jr^iuiiT  jour  de  juillet,  avec  bien  di;  la 
peine,  par  le  moyen  de  ses  d(!ux  lièi-es,  le 
treizième  (;t  le  seizième  régulo.  Si  Majesté 
ré[)ondit  [tnr  un  ordr(!  (ju'elle  donna  aux 
mandarin.s  do  (îanlon,  de  ne  pns   presser  le 


départ   des  Européens   et  de  l'informer  au 
plutôt  s'il    y  aurait  de  l'inconvénient  à  les 
laisser  à  Canton.  L'empereur  fit   passer  cet 
ordre  par  les  quatre  gouverneurs  de  l'empire, 
après  quoi  il  nous  a})pela   pour  la  première 
fois  en  sa  présence,  le  P.  liouvet,  le  P.  Ré- 
gler et  moi.  Il  nous  lit  un  discours  qu'il  avait 
jiréparé,  comme  s'il  eût  voulu  s  'justifier  et 
réfuter  les  princi[)aux  points  des   écrits  que 
nous  lui  avions  présentés  pour  notre  défense. 
Un  peu  avant  d'être  a;lmis  en  la  })résencc  de 
l'empereur,  son  oncle  maternel,  un  des  qua- 
tre gouverneurs  de  rEmi)ire,  qui  se  trouvait 
là,    me  tira  à  quartier,  pour  me  donner  un 
avis.  Ce  seigneur,  de  même  que  son  père  et 
son  aïeul,  ont  toujours  eu  beaucoup  de  liai- 
son  avec   les   missionnaires,   et  ils  les  ont 
même   logés  chez  eux   plusieurs  années  ;  il 
crut  donc  que  l'ancienne  amitié  l'obligeait  à 
nous  donner  des  conseils  qu'il  croyait  né- 
cessaires dans  les   conjonctures   présentes. 
«  Prenez  garde  à  vous,  me  dit-il,  et  au  temps 
où  nous  sommes  ;  prêchez    un   peu   moins 
votre  religion;  vous  renversez  les  coutumes 
de  l'Empire,  vous  troub'ez  la  paix  des  famil- 
les, vous  brouillez  les  fils  avec  le  i  ère.  »  Je 
fus  d'abord  surpi'is  d'entendre  parler   ainsi 
un  homme  qui,  d'ailleurs,  était   instruit  des 
vériiés  chrétiennes  et  de  la  morale  que  n  us 
enseignons  aux  peuples.  Cournie  je  voulais 
lui  répondre,  il  m'interromi'it  brusquement 
et  me  dit  :  «  Ne  sais-je  p;is  ce  qui  se  passe 
dans  la  famille  du  vieux  Sounou-Peyiée,  dont 
les  fils  ont  embrassé   votre    loi  ?    L'empe- 
reur l'ignore-l-il  ?  Je  vous  le  répète,    faites 
attention  à  l'avis  que  je  vous  donne.»  Il  n'en 
dit   pas    davantage,  parce  qu'un  des  autres 
gouverneurs  vint  se  joindre  à  nous. 

'/  Le  même  jour,  premier  de  juillet,  arriva, 
comme  nous  lavons  su  depuis,  un  Mémorial 
secret  adressé  à  l'empereur,  par  le  fameux 
Nien-Kem-Yao,  Tsong-Tou  des  deux  pro- 
vinces de  Cliansi  et  de  Ch:msi,  grand  géné- 
ral de  toutes  les  troupes  envoyées  contre 
Tse-\'am-Ua()ta'i,  et  frère  de  Nien-Si-Yao, 
vice-roi  de  Canton.  Dans  ce  Mémorial,  il  ac- 
cusait les  princes  Louis  et  Josepli  de  .s'être 
faits  chrétiens,  d'avoir  contribué  de  leur  ar- 
gent à  la  construction  d'une  église  et  de  par- 
ler souvent  en  secret  au  P.  Mouram.  Le  fils 
de  l'accusateur  qui  est  aujourd'hui  censeur 
public  à  Pékin,  ayant  reçu  le  Mémorial  de 
son  père  pour  le  donner  aux  quatre  gou- 
verneurs (le  l'eiii  'ire,  en  donna  avis  secrè- 
tement à  un  des  lils  du  vieux  régulo  Sounou 
qui  était  son  allié  et  son  ami.  Celui-ci  en 
avertit  ses  autres  frères,  mais  il  est  vraisem- 
blable qu'ils  n'e'i  dirent  rien  à  leur  père,  de 
neur  de  l'allliger.  Il  est  prob.ib^e  que  quand 
l'em|)ereur  nous  recul,  il  avait  déjà  ce  mé- 
moire en  main.  Invité  à  alh  r  voir  les  prin- 
ces, dit  l(!  P.  Parennin,  j'y  fus.  Je  trouvai 
l'ainé  à  qui  je  voulais  cacJier  Vf.  ipie  nous 
ava;t  dit  l'empereur,  el  (|ui  de  son  côlé,  ne 
voulait  pas  me  dii-e  ce  (ju'il  savait  du  mé- 
iuoii(ï.  Je  crai,-,iiais  de  l'allrisler,  mais  je  le 
connaissais  mal.  Ce  grand  homme,  (lui  |>rô- 
voyail  h;  reiiveis(>menl  (\r  toute  .sa  JHmille, 
le  legardail  non  pas  (omiiie  un  état  do  mal- 


99! 


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i9i 


heur  et  de  disgrâce,  mais  comme  une  source 
de  paix,  d(>  l)onlieiir  et  do  tranquillité  qui 
no  pourrait  plus  lui  ôtro  ravie.  Il  voyait  ve- 
nir la  tempôte,  et  loin  d'appréhender  d'en 
ôtre  submergé,  il  s'assurait  qu'elle  allait  le 
jeter  dans  le  port  du  salut;  ces  pensées  le 
remplissaient  di'  la  plus  douce  consolation. 
J'allai  entin  visiter  le  prince  Jean,  et  quoi- 
que je  ne  doutasse  pas  que  son  aîné  ne  lui 
eût  ap[)ris  ce  qui;  j'avais  h  lui  dire,  je  crus 
néanmoins  devoir  lui  donner  cette  marque 
d'intérêt  et  d'amitié.  Le  prince  Jean  me  de- 
manda s'il  était  vrai  que  deux  jésuites  et 
neuf  chrétiens  eussent  souffert  tout  récem- 
ment le  martyre  dans  le  Tong-King.  Je  ré- 
pondis que  nous  en  avions  reçu  avis  de  Can- 
ton, et  que  nous  en  attendions  le  détail.  Il 
prit  de  là  occasion  de  |)a  1er  du  bonheur  des 
marîyrs,  et  de  la  grâce  singulière  que  Dieu 
leui'  fait  de  les  conduire  au  ciel  par  une  voie 
si  courte  :  «  Mais  qui  oserait  espérer  une 
telle  grdce?  »  ajonta-t-il.  Puis,  se  tournant 
vers  ses  frères,  il  leur  dit  d'un  air  riant  : 
«  Oh  1  que  nous  sommes  entrés  bien  à  pro- 
pos dans  le  b;'rcail  de  Jésus-Christ  I  un  peu 
plus  tard,  la  porte  en  était  fermée.  »  Il  fai- 
sait allusion  au  Mémorial  qui  avait  été  pré- 
senté à  l'erapei-eur  contre  lui  et  contre  ses 
frères  ;  comme  on  avait  eu  soin  de  me  le  ca- 
cher, je  ne  pouvais  pas  tout  à  fait  compren- 
dre ce  qu'il  voulait  dire  ;  mais  ayant  remar- 
qué quelques  mouvements  parmi  les  domes- 
tiques, et  qu'ils  venaient  souvent  parler  à 
l'oreille  de  leurs  maîtres,  je  crus  que  quel- 
que affaire  les  occupait  et  qu'il  était  temps 
de  me  retirer.  Je  me  levai  donc,  comme 
pour  prendre  congé  d'eux  ;  mais  le  prince 
Jean,  qui  vit  mon  embarras,  me  dit  aussitôt 
que  le  régulo  leur  père  était  parti  le  matin 
pour  aller  à  la  sépulture  de  ses  ancêtres,  et 
que,  peu  après  son  départ,  l'eujpereur  avait 
ordonné  qu'on  le  fit  venir  au  [lalais;  qu'à 
l'instant  on  avait  couru  après  lui  pour  le 
faire  retourner  ;  qu'il  serait  sans  doute  déjà 
arrivé  au  palais;  que,  selon  les  apparences, 
l'empereur  n'était  f)as  content,  et  qu'ils  s'é- 
taient tous  rassemblés  pour  en  savoir  des 
nouvelles  à  son  retour.  Il  me  pria  ensuite  de 
le  confesser  dans  sa  chapelle.  Le  lendemain, 
nous  apprîmes  ce  qui  s'était  passé  au  palais. 
Dès  que  le  régulo  parut  à  la  porte  où  est  la 
garde  intérieure,  et  où  sont  assis  les  grands, 
un  des  quatre  gouverneurs,  régulo  de  pre- 
mier ordre,  fils  unique  du  frère  aîné  de 
l'empereur  Kang-Hi,et  président  du  tribunal 
des  princes,  ût  mettre  à  genoux  ce  vieillard 
de  soixante-dix-sept  ans,  et,  par  ordre  de  Sa 
Majesté,  il  lui  lut  uuj  longue  liste  des  |)ré- 
tendues  fautes  commises  ()ar  ses  ancêtres  et 
des  siennes  propres.  Pour  toutes  ces  fautes, 
on  le  destituait  de  sa  dignité,  on  le  privait 
de  ses  appointements  et  on  lui  ordonnait  do 
partir  dans  dix  jours  avec  toute  sa  famille, 
ses  femmes,  ses  enfants  et  ses  petits-fils, 
pour  aller  demeurer  à  Yeou-Oué,  petit  heu 
où  il  y  a  une  garnison  de  soldats  tarlares, 
à  quatre-vingt-dix  lieues  à  l'ouest  de  Pékin, 
un  peu  au  delà  de  la  grande  muraille.  Tou- 
tes ces  fautes  qu'on   faisait  revivre  depuis 


tant  d'années,  n'étaient  qu'un  prétexte  pour 
couvrir  le  véritable  motif  d'un  traitement  si 
dur;  car,  nonoostant  toutes  ces  prétendues 
fautes  qu'on  n'ignorait  pas,  il  y  a  deux  ans, 
on  n'avait  pas  laissé  de  l'élever  h  un  nou- 
veau degré  d'honneur.  Le  régulo  fut  trùs- 
peiné  de  cette  injustice.  Presque  tous  ses  fils 
le  reçurent  à  sa  porte,  et,  d'un  air  gai  cl  con- 
tent, ils  le  prièrent  de  ne  point  s'aflligfr  inu- 
tilement et  de  conserver  sa  santé,  l'assurant 
qu'ils  lesuivraient  partout  avec  joie  et  qu'ils 
feraie.t  en  sorte  qu'il  no  manquât  jamais  de 
rien.  Le  lendenmin,  sur  les  huit  neures  du 
matin,  le  régulo  retourna  au  p  ilais,  et  porta 
un  mémoire  apologétique  qu'il  avait  fait  faire 
pendant  la  nuit  ;  je  n'en  sais  pas  le  contenu, 
mais  à  peine  fut-il  parti,  que  son  fils  aine, 
qui  poitait  déjà  le  nom  de  François-Xavier, 
vint  à  l'église  ilemauder  avec  emi)ressement 
le  b  iptôme  :  «  Il  est  à  craindre,  dit-il,  que 
l'empereur,  touché  des  longs  services  et  du 
grand  Age  de  mon  père,  lui  remette  la 
peine  de  l'exil  ;  si  cela  était,  je  désespérerais 
presque  de  ma  conversion  :  il  reviendrait  du 
palais  chargé  de  tant  d'ordres  pour  arrêter 
le  progrès  de  la  religion  dans  notre  famille, 
que  mes  autres  frères  et  moi  serions  liés 
par  de  nouvelles  chaînes  bien  plus  difficiles 
à  rompre.  Il  n'y  a  plus  à  délibérer,  je  veux 
désormais  vivre  et  mourir  chrétien,  et  ne 
pas  abuser  davantage  de  la  bonté  et  de  la  pa- 
tience de  Dieu  qui  m'atlv.nd  depuis  si  long- 
temps. »  11  reçut  donc  cette  grâce,  de  même 
que  son  neveu,  fils  du  huitième  frère  et 
chef  de  sa  famille,  depuis  la  mort  de  son 
père,  et  qui  n'a  pas  eu  le  même  bonheur. 
Après  ces  deux  princes,  trois  domestiques 
du  second  fils,  qui  devaient  accompagner 
leur  maître  dans  son  exil,  furent  aussi  ré- 
générés dans  les  eaux  du  baptême. 

«  Pendant  ce  temps-là,  le  régulo  présen- 
tait son  mémoire  au  président  du  tribunal 
des  princes;  mais  il  fut  fort  surpris  d'enten- 
dre les  nouveaux  reproches  que  ce  prési- 
dent lui  fit  de  la  part  de  .'empereur  :  «  Le 
sixième  et  le  douzième  de  vos  enfants,  lui  dit- 
il  (ce  sont  les  princes  Louis  et  Joseph),  ont 
embrassé  la  loi  chrétienne  et  ont  fourni  de 
l'argent  pour  bâtir  une  église  ;  vous  en  avez 
encore  d'autres  qui  ont  imité  leur  exemple  : 
que  n'employez-vous  votre  autorité  pour 
les  détourner,  ou  que  ne  les  défériez-vous  à 
l'empereur?  On  saura  les  ranger  à  leur  de- 
voir puisque  vous  ne  savez  pas  les  gouver- 
ner. »  Le  régulo  répondit  qu'à  la  vérité  le 
troisième,  le  dixième  et  le  onzième  de  ses 
enfants  s'étaient  faits  chrétiens,  mais  qu'il 
avait  ignoré  leur  dessein,  et  qu'aussitôt  qu'il 
en  avait  été  informé  il  les  avait  chassés  de 
sa  présence,  et  que  pendant  trois  ans  entiers 
il  avait  refusé  de  les  voir;  que  s'il  ne  s'était 
pas  fait  leur  délateur,  c'est  qu'il  n'avait  ni 
assez  d'esprit,  ni  assez  de  capacité  pour  dis- 
cerner si  cette  loi  est  vraie  ou  fausse.  Ses 
excuses  furent  inutiles,  on  lui  tourna  le  dos 
et  on  le  laissa  là  jusqu'au  soir.  Le  septième 
jour,  il  retourna  encore  au  palais,  et  il  y  de- 
meura presque  tout  le  jour  aussi  inutile- 
ment que  la  dernière  fois.  «  Allez,   partez, 


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CHI 


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lui  disait-on.    corrigez-vous  t-t    l'empereur 
YOns  fera  i;r;1ce  ;  »  mais  on  ne  lui  disait  pas 
de  quoi  il  devait  se  corriger.  Le  même  jour 
j'allai  dès  le  matin  à  l'église  des  Pères  por- 
tugais, me  doutant  bien  que  j'y  trouverais 
quelques-uns  de  ces   princes  chrétiens  qui 
m'instruiraient  de  l'état  des  choses.  Efl'ective- 
ment,  j'y  trouvai  les  princes  Jean,  François, 
Paul  et  Jean -Baptiste,  avec  le  fils  unique  du 
prince  Paul.  A;4é  de    17   ans,  qui   attendait 
qu'on  lui  conférât  le  saint   l)aj)tôrae.  Quoi- 
qu'il l'eût  demandé  plusieurs  inis  et  avec  de 
grandes  instances,  on  le  lui    avait  toujours 
diU'éré,  soit  à  cause  de  son  Age  et  du  danger 
qu'il  y  avait  qu'il  se  laissAt  pervertir  [)ar  les 
autres  princes  du  môme  sang  encore  infi- 
dèles, soit  parce  qu'il  demeurait  encore  chez 
le  régulo  son  grand-père,  qui  l'avait  élevé  dès 
Je  berceau,   qui  l'aimait   tendrement  et   qui 
eût  porlé  les  choses  à  quelque  éclat,  s'il  eût 
su  qu'il  était  chrétien.  D'ailleurs,  il  n'était 
pas  inutile  chez   le  régulo;  il    parlait   à   ce 
■vieillard  avec  une  liberté  que  tout  autre  que 
lui  n'eût  osé  prendre,  et  il  l'entretenait  sans 
cesse  des  vérités  de  la  religion  :  un  jour,   il 
l'avertit  que  le    médecin  qu'il    entretenait 
dans  sa  maison  venait  de  mourir  (c'était  un 
vieuK  chrétien  de  la  province  de  Houquain); 
le  régulo  lui  répondit,  en  se  servant  de  l'ex- 
pression   ordinaire    des    chrétiens,   savoir 
«  que  Dieu  l'avait  recueilli.  —  Oui,  reprit  le 
jeune  homme,  Dieu  l'a  recueilli,  mais  il  faut 
savoir  que  nous  mourrons  tous  comme  lui: 
grands  et  petits,  jeunes  et  vieux,   personne 
ne  peut  éviter  la  mort;   mais  tous  iront-ils 
dans  le  même   endroit?   L'enfer   est  la  de- 
meure éternelle  des  infidèles,  qui  ont  refusé 
le  baptême  et  rejeté  la  loi  de  Dieu;  les  chré- 
tiens iront  au  ciel  où  ils  jouiront  d'éternelles 
délices.  Oh  !  si  vous  saviez  ce  que   c'est  que 
l'enfer;  nulle   ex|)ression  n'en   peut   égaler 
l'horreur.  »  Le  régulo,  qui    ne   voulait  i)as 
essuyer  le   reste   du  sermon   de   ce  jeune 
prince,  lui  imposa   silence;    mais    il  n'en 
était  pas  plus  timide,  et   il  saisissait  toutes 
les  occasions  de  lui  rinnetire  devant  les  yeux 
les  grandes   vérités    du    christianisme.    Ce 
jeune  homme  fut  baptisé  et  nonmic  Michel. 
Le  régulo,  qui  s'ait"!idait   toujours  à    quel- 
que f  ivorable  retour  du  côté  de  l'empereur, 
alla  au  tribunal  des  princes  pour  s'inform^T 
si  Sa  Majesté  n(,'  sT-tait  point  radoucie.  Il  eut 
pour  toute  réponse  ((ue  i'empenmr  avait  vu 
son  mé  noire,  et  qu'il  n'avait  (pi'à  partir,  et 
sans  délai.    Sur  cela  le  régulo,   no  firenant 
plus  conseil  qu(i  de  lui-mèun;,  crut  (pie  pour 
apaiser  l'eriiriereur,  il  devait  lui   livrer  c(;u\ 
qui  étaient  (J(;verius  l'objet  de  sa  colèr(;  et  de 
son  indignation, afin  qu'il  en  fit  telle  justice 
qu'il  lui  plairait. 

«  (^'esl  une  t;outume  établie  chez  les  Mant- 
choux  de  livrer  leurs  (infants  à  l'em[)('r(!ni', 
(piand  il  se  jdaint  de  leur  conduite.  Aussi- 
tôt qu'il  fut  de  retour  à  son  luMel,  il  ('nvoya 
clierctu-r  ses  (ils  et  ses  odiciers  ;  il  fit  ap- 
porter dej,  (diairies  et  d'un  >ig'ie  de  main  il 
'»nl(jnna  (ju'on  les  mît  au  prince  Jiîan,  (pii 
les  i(!(;ut  sans  dire  un  seul  mot;  il  indifpia 
de  iiieino  iepriiie»!  l'aul  :  l'oMicier  s'approcha 


pour  le  lier  ;  mais  ce  prince,  repoussant  de  la 
main  les  chaînes,  dit  d'un  ton  ferme  qu'il  n'a- 
vait offensé  ni  le  ciel  ni  la  terrani  l'empereur, 
ni  son  père,  et  qu'il  priait  du  moins  qu'on  lui 
dît  pour  quelle  raison  on  voulait  l'enchaîner. 
Son  père,  ne  répondit  rien  et  se  contentant  de 
baisser  les  yeux,  son  silence  faisait  assez  C(m- 
naitre  l'embarras  où  il  se  trouvait  :  sur  quoi 
le  prince  Jean  prenant  la  [)arole  :  «  Ne  voyez- 
vous  pas,  lui  dit-il,  que  tout  notre  crime  est 
d'avoir  embrassé  la  religion  clirélieine?  — 
C'est  cela  miîme,  reprit  le  [irince  Paul,  qui^  je 
voulais  qu'on  me  (lit  clairement  :je  i-ecevrai 
volontiers  ces   chaînes  pour  une  si   bonne 
cause,  et  de  la   même  aiain  qu'il   les    avait 
rejetées,  il  les  reprit,  et  aida  à  se  les  mettre. 
Le   prince   Fran(jois   qui,  dès  sa  jeunesse, 
avait  un  commencement  de  surdité,   n'en- 
tendit pas  bien  ce  qui  se  disait,  mais  jugeant 
du  traitement  qu'on  lui  préparait  par  ce  qu'il 
voyait,  il  n'attendit  pas  qu'on  vînt  ji  lui;   il 
sortit  (le  sa  place  et  alla  se  présenter  aux  ofii-  ' 
ciers  qui,  sans  antre  ordre,  le  lièrent  comme 
ses  deux  frères.  A  la   fin  de  cette  scène,  le 
régulo  se  leva   et  retourna  au  palais  de  l'em- 
pereur pour  y  rendre  compie  de  ce  qu'il  ve- 
nait de  faire.  Avant  que  de  partir,  il  ordonna 
à  un  de  ses  officiers,  infidèle,  d'aller  dans 
tous  les  hôtels  de  ses  enfants  et   d'enjoimlre 
à  leurs  domestiques  ciu'ils  eussent  à  détruire 
promj)tement  les  chapelles  et  les  oratoires,  et 
à  ramasser  les  images,  les  croix, les  chapelets, 
pour  les  rejiorter  à  l'église.  Pendant  que  le  ré- 
gulo était  au  palais,  les  trois  princes  chrétiens 
qui  restèrent  avec  leurs  gardes  ne  doutaient 
pas  qu'on  ne  les  conduisît  bientôt  au   tribu- 
nal des  princes  pour  y  snbir  l'intorrogaloire  ; 
ils  en  ressentaient  upe  sainte  joie.  Ils  avaient 
rédigé  une  apologie  de  la  religion  chrétienne 
pour  la  remettre  à  ce  tribunal,  mais  les,  mis- 
sionnaires craignant  l'éclat,  les  en  avaient 
dissuadés. 

'(  Les  princes  étaient  entrés  pour  lors  dans 
ces  raisons  de  prudence,  mais  ils  cnu-ent 
qu'elles  cessaient  dans  les  circonstances  pré- 
sentes et  que  le  temps  était  venu  de  rendre 
un  témoignage  public  aux  vérités  de  la  reli- 
gion. Le  prince  Jean  et  le  prince  Paul  s'en- 
tretenaient de  la  sorte,  tandis  ([uc  le  prince 
Fran(;ois,  cpii  se  promenait  dans  la  salle , 
montrant  ses  phaînes  à  ses  d()mesli(iues  et  à 
ceux  de  son  père  :  <(  Vous  voyez  ees  fers,  leur 
disait-il, je  les  estime  plus  ciue  toutes  les  ri 
chessps  de  l'univers;  gardez-vous  bien  de 
me  plaindr(;  ou  d'apjjréhender  pour  vous  le 
iiiêun!  soit;  le  plus  grand  bonheur  (jui  puisse 
vous  arriver,  c'est  d'être  e  iciiaînés  et  d»;  souf- 
frii' (•omm(Mious  pour  la  cause  de  Jésus- 
Christ.  On  nous  a  condamnés  à  l'exil  :  ah! 
p'ûl  il  Dieu  (jue  ce  fût  à  la  mortl  Quel  bon- 
liein- serait-ce  j)our  nous  do  voirabiéger  le 
(lieuun  du  ciel,  d'êlre  tout  d'un  coui»  déli- 
vres des  misères  de  cettt;  vie  et  transportés 
da  is  c(!  litni  de  délices  où  Di(ni  même  em- 
ploie loule  sa  puissance  h  récompenser  ses 
saints  I  »  Il  [tarlait  encore  lors(|u'un  de  ses 
(loniesli(iues,  envoyé  p  ir  la  priniuïsse  son 
('•ii'Mise ,  vint  l'avcirtir  de  rordr(>  du'avail 
(bniiié  le  régulo   d'enlever  les  imajies,  Ion 


9»1 


CIB 


cm 


>98 


croix  et  les  autres  symboles  de  la  piétô  cliiYi- 
tienno.  Il  ue  répondit  qu'en  récitant  d'un 
ton  ftînuo  le  premier  précepte  du  Décalo^ue: 
Yous  adorerez  If  Sri(jneur  voire  Dieu,  et  ne 
servirez  qm  lui  seul.  «  Ou'cci  ne  louche  à 
rien,  ajouta-t-il,  avant  que  ces  chaînes  tom- 
bent par  ma  mort  ou  (juc  j'en  sois  délivré 
d'une  autre  manière  ;  moi-même,  je  mettrai 
ordre  h  tout.  »  Le  prince  Jean-Baptiste,  qui 
était  présent,  Ht  une  réponse  un  peu  plus 
dure;  il  en  fut  repris  doucement  par  le 
prince  Jean  son  oncle  :  «  faites  attention,  lui 
dit-il,  que  nous  devons  plus  que  jamais 
ménager  la  faiblesse  de  bos  domestiques 
chrétiens;  il  faut  si  peu  de  chose  pour  aflfai- 
blirleur  courage,  surtout  lorsqu'ils  voient 
leurs  maîtres  couverts  de  chaînes  ;  ce  no  sont 
encore  que  déjeunes  arbres  ([u'on  vient  de 
transplanter  :  le  moindre  vent  peut  les  abat- 
tre. » 

Cependant    le  régulo  ,    qui  était  allé  au 
palais  adn  de  demander  <i  qui  l'empereur 
souhaitait  qu'il  remit  ses  enfants  ponr  en 
faire  justice,  ne  fut  pas  reçu  comme  il  l'es- 
pérait; le  président  l'ayant  enicndu,  ne  parut 
pas  content  de  sa  démarche.  Soit  que,  con- 
naissant  la   fermeté  de    ces  trois   illustres 
néophytes,  il  vît  lùen  qu'ils  ne  reculeraient 
pas  et  qu'on  s'engagerait  avec  eux  dans  une 
dispute  de  laquelle  il  serait  diiïicilo  de  sortir 
avec  avantage;  soit  gu'il  craignît  que   l'em- 
pereur ne  poussAt  l'alfaire  trop  loin,  et  qu'en- 
suite venant  à  s'en  repentir,  il  ne  le  rendît 
responsable  de  sa  trop  grande  sévérité;  soit 
par  quelque  autre  motif  que  j'ignore,  il  ne 
voulut  jamais  se  charger  d'en  faire  le  rapport 
à  Sa  Majesté  :  «  Tout  est  fini,  lui  dit-il,  vous 
êtes  instriiit  de  la  sentence  qui  a  été  portée, 
il  ne  vous  reste  plus  d'autre  parti  à  prendre 
que  celui  d'obéir  et  de  vous  corriger,  vous 
et  vos  enfants.  »  Comme  on  lui  ajouta  qu'en 
cas  d'amendement  ils  seraient  tous  avancés, 
mais  qu'autrement   ils  seraient  punis  sévè- 
rement, il  ne  s'agissait  plus  que  de  savoir  de 
quoi  il  fallait  se  corriger,  et  c'est  ce  qu'on 
ne  voulut  jamais  lui  dire.  Le  régulo  ne  se 
voyant  pas  plus  avancé  par  une  démarche  qui 
avait  tant  coûté  à  sa  tendresse,  retourna  à 
son  hôtel  et  fit  ôter  les  chaînes  à  ses  enfants 
sans  leur  dire  un  seul  mot.  Le  prince  Xavier, 
son  aîné ,  prit  cette  occasion  de  lui  repré- 
senter de  nouveau  ce  qu'il  lui  avait  déjà  dit 
tant  de  fois,  que  de  toutes  les  familles  de 
Pékin,  il  n'y  en  avait  aucune  qui  eût  reçu  de 
Dieu  des  faveurs  plus  singulières;  que  le 
traitement    qu'on   lui   faisait    éprouver   ne 
devait  pas  lui  paraître  une  disgrâce ,   mais 
qu'il  devait  le  regarder  comme  un  effet  de 
la  miséricorde  infinie  de  Dieu  qui  cherchait 
à  le  sauver  par  la  voie  des  souffrances.  Animé 
qu'il  était  de  ce  feu  divin,  qu'il  venait  de  re- 
cevoir auba])tême,  il  continua  de  dire  à  son 
père  les  choses  les  plus  louchantes.  Le  prince 
Jean,  les  larmes  aux  yeux,  regrettait  la  perte 
de  ses  chaînes  et  l'occasion  qu'il  avait  man- 
qué? de  souffrir  le  martyre.  Il  voulut  parler, 
mais  sa  faiblesse  et  les  sanglots  lui  coupè- 
rent la  parole;  le  prince  Paul,  son  cadet,  y 
suppléa  :  «  A  ce  trait,  dit-il,  ne  reconnais 


se;«-vous  pas  le  monde  qui  a  été  jus(pric' 
votre   idole?  Quoi  de  plus  ingrat?  il   oïdjlie 
les  plus  longs  et  les  plus  impoitanls  services. 
Quoi  de  plus  injuste?  ce  n'est  nullement  la 
raison  qui  le  conduit.  Quoi,  enlin,  de  plus 
trompeur?   il  n'a  que   des    ap[)ai('ncos   qui 
éblouissent.  Mais  nous  donnAl-il  des   bi(ms 
réels,  quelle  en  est  la  solidité?  Tout  ce  qu'il 
a  et  ce  qu'il  peut  donn-^T  n'est  qu'une  vapeur 
qui  se  dissipe  à  l'insliint  et  dont  à  la  lin  il 
ne  reste  qu'un  souvenir  inutile.   Dieu,  au 
contraire,  est  grand,  libéral  dans  ses  dons, 
magnili  pie  dans  s(.'s  proun^sses  et  îidôle  aies 
exécuter.  Voulez-vous  tout  à  coup  goûtei 
une  paix  que  rien  ne  puisse  altérer  et  vous 
remplir  d'une  force  supérieure  à  tous  les 
événements?   attachez-vous    uniquement    à 
Dieu;    adorez-le,  servez-le  de   la    manière 
dont  il  veut  être  adoré  et  servi;  en  un  mot, 
faites-vous  chrétien.  Vous  avez  avoué   tant 
de  fois  (pie  celle  icligion  est  bonne;  dites- 
moi  ,  y  en  a-t-il  quelque  autre  qui  soit  ca- 
pable de  donner  ce  zèle  et  celte  ardeur  que 
vous  nous  voyez,  qui  nous  fait  pleurer  et 
gémir  depuis  si  longtemps,  sur  le  danger  où. 
vous  êtes  de  vous  perdre  éternellement?  Ehl 
que  vous   servira-t-il  d'avoir  eu   ce  grand 
nombre  d'enfants  que  vous  aimez  avec  tant 
de  tendresse  ,    s'il  arrive  que  vous    soyez 
éternellement  séparé  d'eux  pour  n'avoir  pas 
voulu  reconnaître  et  servir  le  même  maître?  » 
Le  régulo,  se  voyant  ainsi  assailli  de  tous 
côtés,  porta  ses  deux  mains  à  la  tète,  et  s'ap- 
puyant  contre   la  muraille,  il   y  demura 
attaché  sans  répondre   un   seul  mot.  Cette 
posture  fit  connaître  à  ses  enfants  qu  il  ne  les 
écoutait  pas  volontiers,  et  que  le  temps  de 
sa  conversion  n'était  pas  encore  venu,  ce  qui 
les  obligea  de  se  retirer.  Malgré  le  danger 
auquel  exposait  une  persécution  qui  ne  pou- 
vait  plus  être  ignorée  de  personne ,  neuf 
femmes    de  la  même  maison ,  toutes  bien 
instruites  et  sur  le  point  de  suivre   leurs 
maîtresses  en    exil ,  vinrent  à  l'église  de  la 
Sainte-Vierge  demander  et  recevoir  le  saint 
baptême.  Cependant  presque  tous  les  parents 
du  vieux  régulo  lui  conseillèrent  de  ne  plus 
avoir  recours  aux  mémoriaux  ni  aux  apolo- 
gies; qu'il  lui  fallait  tenter  une  autre  voie 
plus  capable  de  iléchir  la  colère  de  l'empe- 
reur; c'était  d'aller  encore  au  palais,  d'im- 
plorer sa  clémence  et  d'y  rester  dans  une 
posture  humiliée  jusqu'à  ce  qu'il  eût  reçu 
quelque  réf)onse;  qu'on  ne  manquerait  pas 
d'avertir   secrètement   Sa  Majesté  de  l'état 
d'humiliation  où  il  se  tiendrait;  et  que  sans 
doute  ,    touchée   de  son  grand  âge,  de  ses 
longs  services  et  des  marques  de  son  repen- 
tir,  elle  prendrait  des  sentiments  de  bonté 
et  de  douceur  à  son  égard,  et  que  le  pardon 
ne  tarderait  pas  à  venir 

«  Le  régulo  n'était  pas  élo'gné  de  prendre 
ce  parti;  ses  enfants  chrétiens  l'appréhen- 
daient fort,  sans  oser  néanmoins  ouvrir  la 
bouche  pour  l'en  détourner  :  ils  se  conten- 
taient de  conjurer  la  femnôte  par  leurs  con- 
tinuelles prières  ,  car  ils  désespéraient  de  sa 
conversio  1,  s'il  obttnait  quelque  adoucisse- 
ment qui  lui  rendît  îa  liberté  de  demeurer  à 


509 


cm 


CHI 


«00 


la  cour.  Dieu  permit  qu'un  ami  du  réguïo, 
en  qui  il  avait  une  entière  confiance,  désafv- 
|)rouvàt  fort  ce  dessein,  comme  indigne  do 
son  âge,  de  son  rang,  de  sa  réputation  et  de 
ses  services;  ainsi  il  ne  fut  plus  question  de 
retourner  au  palais.  Comme  il  n'y  avait  [loint 
eu  de  défense  de  visiter  cette  famille  avant 
son  départ,  pre«quo  tous  leurs  proches,  leurs 
alliés  et  leurs  amis  s'acquittèrent  de  ce  de- 
voir; c'était  un  flux  et  reflux  continuel  de 
seigneurs  qui  inondaient  le  quartier;  nous 
n'(  sAmes  pas  aller  les  voir,  parce  que  nous 
étions  instruits  qu'il  y  avait  des  gens  postés 
pour  é[)ier  tous  ceux  qui  entreraie:it  dans 
leur  maison.  Le  parti  que  je  pris,  fut  de  leur 
é.M'ire  une  lettre  en  langue  tartare  sans  la 
signer,  où  je  tAcliais  de  les  fort  fier  en  leur 
insjiii-ant  les  sentiments  qu'il  fallait  prendre 
dans  d  s  conjonctures  si  tristes  :  je  l'adres- 
sais au  ))rince  Jean,  et  je  la  lui  envoyai  par  un 
catéchiste  qui  lui  portait  de  ma  part  quel- 
ques présents  de  dévotion.  Ce  catéctiiste 
avait  un  talent  rare  de  bien  parler  de  Dieu, 
et  il  était  accoutumé  à  voir  de  grands  sei- 
gneurs. 11  sav;dt  que  ces  princes  étaient 
chrétiens,  mais  il  ne  les  avait  jamais  vus;  il 
les  visita  l'un  après  l'autre.  Quanti  il  vint  me 
rendre  compie  de  la  commission  dont  je 
l'avais  chargé,  je  trouvai  un  honnne  trans- 
porté hors  de  lui-môme  :  «  Ahl  mon  Père, 
s"écria-t-il  dans  une  espèce  d'enthousiasme, 
chez  quelles  personnes  m'avez-vous  envoyé? 
Eh  !  quelles  paroi fS  de  consolation  pouvais-je 
porter  à  des  gens  qui  ne  respirent  que  les 
croix  et  les  soutlrances?  J'ai  vu  des  saints 
qui  parlent  de  Dieu  avec  une  éloquence  toute 
divine;  je  n'ai  eu  autre  chose  à  faire  qu'à  les 
écouter  et  à  admirer  la  vivacité  de  leur  foi  ; 
ils  ne  tiennent  à  aucune  des  choses  de  la 
terre;  ce  qui  les  touche  uniquement,  c'est 
que,  dans  le  lieu  de  leur  exil ,  ils  n'auront 
point  de  missionnaires  pour  leur  administrer 
les  sacrements.  Vous  ne  sauriez  croire  avec 
quel  sang  froid  ils  m'ont  entretenu  de  leur 
départ;  non,  si  je  n'avais  pas  vu  moi-même 
ces  seigneurs,  je  n'aurais  jamais  ajouté  foi  à 
tout  ce  ou'on  aurait  pu  me  dire  de  leur  cou- 
rage et  cie  leur  vertu.  » 

«  Ce  môme  jour,  le  prince  François  dé- 
j)ôclia  un  (le  ses  eunu  ^ues  aux  missionnaires 
pour  leur  den;an  ier  la  permission  de  caté- 
ciiiser  et  de  hapti-er  dans  le  lieu  de  son  exil , 
où  il  ne  prétendait  pas,  disait-il  ,  aller  inu- 
tilement; et  il  les  priait  de  lui  envoyer,  de 
toutes  les  églises, le  |)lus  qu'on  |)0u;  rait  trou- 
ver de  [letiles  images,  de  croix  et  de  chape- 
lets. Que  ne  doit-on  pas  attendre  du  zèle  de 
ce  fervent  néophyte,  qui  |)art  pour  une  terre 
étrangère,  animé  de  la  plus  ardente  charité 
ftour  le  salul  de  ceux  (ju'il  y  trouvera?  Un 
de  nos  Pères  lui  ayant  témoigné  condjien  il 
él.iil  touché  de  ce  (pi'il  était  devenu  un  peu 
.sourd,  il  lui  l'épondil,  (ju'au  c<jntraire  ,  il 
remerciait  le  Seigneur  d<;  lui  avoii'  envoyé 
une  infirmité,  parce  que;,  comme  elle  le  ren- 
d.iit  jtnili!e  poiii-  le  monde,  elle  lui  laissait 
une  hhcrté  filière  de  penser  h  Dieu  et  de  ne 
^ervil•  (pi(î  lui.  Le  leii.iemain,  le  régulo  en- 
voya cherrherlaprinccîsse  Françoise,  épouse 


du  prince  Joseph;  pendant  son  absence  ,  il 
dépêcha  un  de  ses  officiers  infidèles  avec 
ordre  de  visiter  sa  maison  et  do  pénétrer 
mêmejusquedans  la  chambre  de  la  princesse, 
de  ramasser  tout  ce  qu'il  trouverait  de  croix, 
de  chapelets  et  d'images,  et  de  les  brûler  au 
milieu  de  la  cour.  Cet  ordre  sacrilège  fut 
exécuté  ponctuellement  :  tout  était  déjà  con- 
sumé lorsque  la  jH-incesse  reto-irna  à  son 
hôtel.  A  la  vue  de  ce  monceau  de  cendres, 
elle  pensa  tomber  en  défaillance,  et  elle  ex- 
prima sa  d  )uleur  par  les  cris  les  plus  lamen- 
tables, ce  qui  fit  croire  aux  voisins  qu'une 
douleur  si  excessive  ne  pouvait  être  que 
l'effet  du  dé,'laisir  que  lui  causait  l'exil; 
elle  ne  se  consola  que  quand  ses  oeaux- 
frères  chrétiens  lui  euren'  promis  <le  la  dé- 
dommager de  sa  perte  en  partageant  avec 
elle  ce  (ju'ils  avaient.  Ils  firent  en  mMie 
temps  réflexion  que  le  régulo  pourrait  or- 
donner une  semblable  visite  dans  leurs  mai- 
sons; et  pour  ne  point  exposer  les  croix  et 
les  images  tjui  leur  restaient  à  être  profanées 
par  des  mains  idolâtres,  ils  renvoyèrent  les 
plus  grandes  à  l'église  et  ne  gardèrent  que 
les  plus  petites,  ou  celles  qui  pouvaient  ai- 
sément se  cacher  ;  après  quoi  ils  allèrent 
tous  ensemble  exhorter  de  nouveau  leur 
père  à  embrasser  le  christianisme  ;  mais  ils 
ne  purent  rien  gagner  sur  son  esprit.  Cette 
journée  finit  par  le  baptême  de  trois  domes- 
tiques, dun  de  ses  enfants  catéchumènes. 
Le  jour  suivant  il  y  en  eut  encore  quelques- 
uns  de  baptisés  et  d'autres  qui  se  purifièrent 
dans  le  sacrement  de  la  pénitence. 

«  Le  13,  le  régulo  et  tous  ses  enfants  de- 
vant aller  à  la  sépulture  de  leuis  ancêtres , 
et  étant  obligés  de  passer  près  de  l'église  des 
Pères  portugais,  qui  é'ait  sur  leur  chemin, 
le  prince  Pa  il,  le  prince  Jean  et  le  prince 
Michel  partirent  de  grand  matin,  vinrent  à 
l'église,  y  entendirent  la  messe  et  reçurent 
Notre-Seigneur;  le  deuxième  fils  du  second 
fils  du  régulo  y  reçut  le  baptême  et  fut 
nommé  Jean-Baptiste,  comme  son  cousin  ; 
son  père  était  toujours  catéchumène  :  il 
souhaitait  fort  d'être  baptisé  avant  que  de 
partir;  mais  le  soin  de  ses  affaires  domesti- 
ques, que  les  autres  négligeaient,  l'engagea 
(ians  tant  de  délais  qu'il  en  [lerdii  l'occasion. 
Ce  môme  jour,  vingt  dames,  suivantes  des 
maisons  de  ces  princes,  vinrent  se  confes- 
ser; enfiti  tous  ceux  qui  avaient  la  liberté  de 
sortir,  (lue'hjue  embarras  qu'ils  eussent  d'ail- 
leurs, trouvaient  le  temps  de  venir  à  l'église. 
11  y  eut  même  uni)  princesse  qui  ,  dans  la 
crainte  qu'aucun  des  missionnaires  ne  [)ùt 
aller  chez  elh;,  se  rendit  à  l'église  des  fem- 
mes avec  ses  suivantes,  aimant  mieux  s'ex- 
l)oser  à  la  censure  et  h  la  malignité  des  dis- 
cours pid)licsquede  p  rlir  sans  le  secours  des 
sacrements.  Un  Père  portugais  dit  la  messe, 
l(!  IV,  chez  le  |)rince  Xavier,  et  lui  donna  la 
comniunion,  ainsi  (pi'à  la  princesse»  Thérèse, 
à  Pi(Mr(!  leur  second  lils,  à  Agnès  leur  belle- 
lille,  et  à  plusieurs  autres.  Le  1*.  Suarèsollicia 
le  mêiiKî  jour  dans  la  chapelle  du  prince 
Paul. 

«  L«^  L*),  le  régulo  partit  pour  se  rendre 


I 


601  eut 

flu  lieu  do  son  exil  avec  ses  enfants ,  ses 
petits-fils,  SOS  arrières-[)etits-tils,  au  nombre 
de  tronte-sopt,  sans  coniptor  les  princossos, 
femmes  ou  tilles  (pii  éj:;,alaiont  presipic  co 
nombre,  et  environ  trois  cents  (Join('sii(|ues 
de  l'un  ot  do  l'autre  soxe,  dont  la  [)lus  jurande 
partio  avait  roçu  lo  ba|)lôme;  plusiours  autres 
étaient  encore  catéchumènes  ;  fuuto  do  temps, 
ils  ont  été  obligés  d'attendre  qu'ils  ftisscMit 
arrivés  au  termo  de  leur  voyage  |)Our  se  faire 
bap.'isor.  Deux  jours  avant  leur  départ,  le 
bruit  se  réfiandil  qu'il  y  avait  ordre  (le  visi- 
ter exactenu3nt  tous  les  équipages  au  passage 
'delà  grande  muraille.  Sur  cet  avis,  les  dames 
cachèrent  tout  ce  qu'elles  pouvaient  de  leurs 
meubles  de  dévotion  dans  les  doublures  de 
leurs  habits,  dans  les  chevets  de  lit,  et  dans 
les  autres  choses  qu'elles  croyaient  n'être 
point  sujettes  à  la  visite.  Deux  d'entre  elh'S, 
oui  ne  pouvaient  cacher  aisément  les  cilices 
dont  elles  usaient,  paraissaient  fort  allligées 
de  ne  pouvoir  les  emporter.  Leur  confesseur 
les  (ionsola  en  leur  faisant  dire  que  les  fati- 
gues du  voyage  qu'elles  entreprenaient  pen- 
dant les  ardeurs  de  la  canicule,  et  les  mon- 
tagnes affreuses  qu'elles  auraient  à  traverser 
leur  tiendraient  lieu  de  cilice,  et  qu'il  leur 
sullisait  d'endurer  toutes  ces  peines  avec 
patience  et  résignation  à  la  volonté  de  Dieu. 
«  Le  jour  même  que  ces  illustres  exilés 
arrivèrent  au  terme  qui  leur  était  marqué  , 
le  prince  François-Xavier  passa  à  une  meil- 
leure vie,  à  l'âge  de  cinquante-neuf  ans. 
Quand  il  partit ,  il  se  sentit  fort  oppressé 
d'un  asthme  qu'il  avait  depuis  quelques 
années;  nous  apprîmes  la  nouvelle  de  sa 
mort  au  retour  des  porteurs  de  chaises  dont 
il  s'était  servi.  Quoique  ce  fussent  des  infi- 
dèles, ils  ne  cessaient  de  louer  sa  patience 
et  la  douceur  avec  laquelle  il  les  avait  traités. 
Le  prince  Paul  écrivit  au  P.  Suarès  la  lettre 
suivante  :  «Je  suis  en  peine  de  la  santé  des 
PP.  Suarès,  Fridelli,  Kegler,  Parennin  ,  Sla- 
vick.  Bouvet  et  de  tous  vos  autres  Pères.  11 
n'y  a  qu'un  peu  plus  d'un  mois  que  je  vous 
ai  quittés  et  ce  temps  m'a  déjà  paru  une  an- 
née. Par  la  grâce  de  Dieu,  il  ne  nous  est 
arrivé  aucun  accident  durant  notre  voyage. 
Le  seizième  de  la  sixième  lune,  à  deux  heures 
après  midi,  Dieu  appela  à  lui  notre  frère  Fran- 
çois-Xavier ;  un  vomissement  de  sang  lui 
ayant  ôté  l'usage  de  la  parole,  il  ne  lui  était 
pas  [ossible  de  réciter  les  prières  ordinaires; 
mais  nous  voyant  à  ses  côtés,  il  nous  faisait 
signe  de  la  tôte  qu'il  entendait  celles  que 
nous  récitions  pour  lui;  c'étaient  les  prières 
des  agonisants  :  cinqjours  auparavant,  il  lui 
avait  pris  un  vomissement  semblatde ,    et 

f»our  lors  il  nous  pria  instamment  de  dire 
es  priè.es  que  les  chrétiens  ont  accoutumé 
de  réciter  pour  ceux  qui  sont  à  l'article  de 
la  mort;  il  fit  son  acte  de  contrition  et  nous 
témoigna  par  ses  larmes  ,  la  douleur  qu'il 
ressentait  de  ses  péchés.  Selon  que  je  puis 
juger,  je  crois  que  Dieu  lui  a  fait  miséricorde; 
je  prie  cependant  tous  vos  Pères  de  dire  ia 
messe  à  1  autel  priviL'gié,  et  de  réciter  les 
autres  prières  de  l'Eglise  pour  notre  frère 
François-Xavier;  ce  sera  un  double  bienfait^ 


cm 


C02 


s'ils  veulent  bien  lui  accorder  leurs  suffrages, 
aussitôt  i(ue  vous  les  aurez  informés  de  sa 
mort.  Quoique  j'aie  pc^u  soulfe-t  dans  ce 
voyage,  cependant,  connue  il  s'est  fait  avec 
beaucoup  de  précipitation  ,  je  crains  bien 
d'avoir  commis  i)lusieurs  fautes;  je  su|)plie 
tous  les  Pères  de  prier  Dieu  qu'il  mes  les 
pai'ilonne ,  qu'il  me  fasse  la  grâce  de  bien 
garder  ses  commandements  et  qu'il  me  dorme 
la  force  de  vaincre  les  ennemis  de  mon  salut. 
J'aurais  bien  autre  chose  à  dire  que  le  pin- 
ceau ne  peut  achev.'^r;  vous  en  pourrez  juger 
par  celles  que  j'ai  dites.  —  Paul,  dixième 
de  la  famille ,  a  écrit  ;  cacheté  le  23  de  la 
sixième  lune.  Michel  vous  sa'ue.  » 

«  La  nouvelle  de  cette  mort  nous  causa 
plus  de  joie  que  de  douleur,  parce  qu'il  nous 
parut  qu'elle  d(!vait  être  très-précieuse  aux 
yeux  de  Dieu.  Quel  bonheur,  disions-nous, 
pour  ce  prince!  A|)rès  trois  ans  de  prépara- 
tion, il  est  baptisé  le  6  de  juillet;  le  ik  il 
reçoit  le  corps  de  Notre-Seigneur;  il  part  le 
15  pour  le  lieu  de  son  exil,  il  en  bénit  Dieu, 
il  souffre  avec  une  patience  héroïque  les 
fatigues  d'un  voyage  pénible,  dans  une  sai- 
son affreuse,  et  attaqué  d'une  maladie  mor- 
telle, il  ne  cesse  de  pleurer  ses  péchés;  enfin 
le  k  du  mois  d'août,  jour  de  son  arrivée  au 
terme  de  son  exil,  il  sort  de  cette  vie  mor- 
telle pour  aller  recevoir  dans  le  ciel,  ainsi 
qu'il  y  a  lieu  de  l'espérer,  la  récompense  de 
ses  soutrrances  et  de  ses  vertus.  »  {Lettres 
cdif.,  vol.  Il,  pag.  337.) 

Le  2  janvier  1723,  le  vieux  régulo  mourut. 
L'empereur  envoya  au  lieu  de  leur  exil 
deux  mandarins,  pour  dégrader  les  princes 
de  la  qualité  de  princes  du  sang.  Peu  après, 
le  P.  Fan,  jésuite  chinois,  vint  leur  admi- 
nistrer les  sacrements,  et  les  trouva  toujours 
résignés  et  fervents.  En  1726,  l'empereur  les 
fit  incorporer  comme  simples  cavaliers  dans 
ses  troupes,  et  les  fit  loger,  eux  et  leurs  fa- 
milles, dans  des  casernes.  Bientôt  un  juge- 
ment intervint  contre  le  vieux  régulo  qui, 
quoique  mort,  fut  condamné.  On  déterra  ses 
os  pour  les  brûler  et  les  jeter  au  vent.  Plu- 
sieurs de  ses  fils  et  petit-fils  au-dessus  de 
quinze  ans  furent  condamnés  à  être  mis  à 
mort,  les  autres  à  être  dispersés  dans  les 
provinces. 

Ce  qu'il  y  a  de  surprenant,  c'est  que  l'em- 
pereur, en  fra(>pant  le  troupeau,  n'inquiéta 
pas  les  pasteurs,  les  laissant  dans  sa  capitale, 
et  leur  donnant  môme  parfois  audience.  Du 
moins  cela  dura  jusqu'en  1732.  A  cette  épo- 
que, tous  les  missionnaires  de  Canton,  ecclé- 
siastiques, dominicains,  franciscains  et  jésui- 
tes, fure.it  renvoyés  de  cette  capitale  et  ré- 
légués à  Macao,  ville  qui  appartenait  au  roi 
de  Portugal.  «  Nous  eûmes  recours,  dit  le 
P.  Mailla,  à  l'empereur,  pour  le  supplier  de 
permettre,  du  moins  à  trois  ou  quatie  mis- 
sionnaires, de  demeurer  dans  la  ville  de  Can- 
ton, afin  d'y  recevoir  les  lettres  et  autres 
choses  qu'on  nous  envoie  d'Europe  pour 
nous  les  faire  tenir  sûrement  à  Pékin.  L'em- 
pereur ayant  a.imis  en  sa  présence  cinq  mis- 
sionnaires de  Pékin,  commença  d'abord  par 
justifier    la    conduite   que    ses   mandarins 


«es 


GBI 


cm 


«84 


avaient  tenue  à  Canton;  il  dit  ensuite  qu'il 
ii'avait  consenti  à  l'expulsion  des  mission- 
naires qu'après  de  vives  instances,  réitérées 
jusqu'à  tro:s  fois  parées  mandarins;  que  les 
accusations  étaient  si  gi-aves  cpi'il  n'avait  pu 
s'empêcher  d",-ic(i!ii(.'scer  àleurjuj;ement;  que 
du  reste  cela  ne  nous  iini)ortait  guère,  à 
nous  qui  restions  à  Pékin,  parce  que  les 
vaisseaux  européens  devant  faire  désormais 
leur  conimerce  à  Mac.io,  il  nous  serait  plus 
avanta.;eu\,  (|ue  ceux  cjui  ])r(Mrient  s(un  de 
nos  alfaires  demeurassent  là  qu'à  Canton, 
oi!l  ces  vaisseaux  ne  devaient  plus  revenir. 
Sur  la  répons-  que  les  gros  vaisseaux  euro- 
péens ne  pouvaient  pas  aborder  à  Marao,  et 
que  d'ailleurs  cetl(î  ville  ne  pouvait  pas  leur 
fournir  des  vivres,  lemperourdit  :  «  Si  cela 
est  vrai,  on  pout  permettre  à  trois  ou  quatre 
de  vos  gens  de  revenir  à  Canton  ,  pour  y  en- 
tretenir une  correspondance.  » 

«  Il  ordonna  ensuite  aux  ministres  d'Etat 
de  nous  inl.rroger  encore  sur  le  même  fait, 
pour  plus  grand  éclaircissement,  et  d'envo}  er 
des  ordres  au  Tsong-Tou  et  au  Fou-yven, 
c'est-à-'lire  au  goiive.  iieur  général  et  au  vice- 
roi  d  '  la  i)rovince  de  Quang-Tong.  Les  man- 
darins do  (Janton,  a  va  il  reçu  les  ordres  do 
l'empereur,  tirent  de  nouvelles  représenia- 
tions  par  un  placot  encore  [)lus  violent  que 
les  autres,  où  ils  se  déchaînaient  avec  fureur 
contre  les  missionnaires  d»;  Pékin,  et  surtout 
contre  ceux  qu'ils  avaient  exilés  à  Macao. 
Ils  yjoignirent  une  carte  du  port  df  Macao, 
qu'ils  avaient  fait  dresser  selon  leurs  vues, 
afin  de  détruire  ce  que  nous  avions  avancé 
à  l'empereur.  Lorsque  l'empereur  eut  reçu  ce 
placet ,  il  le  remit  à  ses  ministres  pour  nous 
le  communiquer  et  nous  demander  ce  que 
nous  avions  à  y  répondre.  A  la  lecture  qu'on 
en  fit,  nous  fûmes  saisis  d'horreur,  tant  il 
était  rempli  de  fausses  accusations  et  de 
calomnies  grossières.  Nous  demandâmes 
qu'il  nous  fût  permis  d'en  tirer  une  copie, 
alin  tl'y  pouvoir  répondre  d'une  manière 
dont  Sa  Majesté  pût  être  satisfait(;.  Quelques- 
uns  d'eux  s'y  opposèrent  sur  ce  que  l'ordre 
du  prin.e  portail  simplement  qu'on  nous  en 
fit  la  lecture,  et  non  pas  qu'on  nous  en  don- 
nât copie.  (Cependant  llorlai,  ministre  d'Etat 
tartare,  trouva  (pi'il  n'y  avait  nul  inconvé- 
nient à  nous  le  laisser  transcrire,  et  il  nous 
le  mil  entre  les  mains. 

0  Nous  nousempiessAmesde  composer  un 
mémoire  où  nous  n'oubliâmes  rien  de  ce  qui 
était  nécessaire  [)0ur  détruire;  les  imputations 
faites  contre  les  missionnaires, et  l(;s  pi-éjiigés 
contre  noire  sainte  religion.  L(;  |)r(!mierjour 
do  l'an,  qui  était  le  IV  f  vrier,  nous  nous 
rendîmes  au  palais  pour  nous  ac(piitler  des 
cérémonies  ((rdinaires  en  ce  jour-là.  L'(nn- 
ner.-ur,  par  uni;  distinction  singiilicro,  vou- 
lut (|ue  nous  hîs  lissions  en  sa  pi-ésence; 
apiès  quoi,  il  lit  donmir  à  chacun  de  nous 
deux  tle  ces  bourses  (ju'on  port*;  aux  deux 
colés  de  la  ceinture,  dans  chaciiu  d  s(|n('lles 
il  y  avait  une  demi-once  d'argent.  11  nous  lit 
.servii'  Oii.suite  une  tab  t;  garni(i  de  viande,  de 
poissons  et  de  laitag(;.  [Jn  accueil  si  giac,i(mx 
de  la  purl  de  ce  jniuco  lit  juger  (juil  avait  lu 


notre  réponse  et  qu'il  vouiait,  par  ces  mar- 
ques d'honneur,  acloucir  le  chagrin  que  nous 
avaient  causé  les  fausses  et  injustes  accu- 
sations des  mandarins  de  Canton.  Sans  que 
nous  ayons  pu  avoir  de  nouvelle  audience, 
le  prince  partit  pour  aller  faire  les  cérémo- 
nies du  printemps  à  la  sépulture  de  l'empe- 
reur Kang-hi  son  père,  laquelle  est  à  trois 
jonrnées  de  Pékin.  11  partit  sans  qu'il  nous 
lût  permis  de  le  voir.  Au  retour  de  Sa  Ma- 
jesté, quelques-uns  des  missionnaires  allè- 
rent au  ))alais  pour  s'informer  de  l'état  de 
sa  sanlé.  L'empe.eur  leur  fit  dire  qu'il  se 
portait  bien,  et  qu'il  ordonnait  à  ceux  des 
Européens  qui  entendent  le  mieux  la  langue 
chinoise,  et  qui  sont  le  pus  instruits  des  cou- 
tumes de  l'empire,  de  se  rendre  au  palais  le 
lendemain  ou  le  jour  suivant.  On  ajouta  (jue 
Sa  Majesté  voulait  qu(^  Se-Li-Ke,  c'est-à-dire 
M.  Pedrini,  inissioninire  de  la  Propagande, 
fût  du  nombre.  Nous  y  allAmes  le  lendemain 
18  mars.  Nous  y  trouvâmes  l'empereur  avec 
deux  ministres  d'Etal.  11  parla  de  nous  ren- 
^oyer  de  laChine,  parce  que  nous  défendions 
d'honorer  les  ancêtres  après  leur  mort.  Tout 
le  temps  qu'il  pa  la,  il  eut  constamment  les 
yeux  altacnés  sur  M.  Pedrini,  et  l'on  oût  dit 
que  c'était  principalement  à  lui  qu'il  adressait 
la  parole.  C'est  ce  que  nous  lui  fîmes  remarquer 
au  sortir  de  l'audience,  et  il  nous  répondit 
qu'en  i^lfet,  du  vivant  de  l'empereur  Kang-hi 
et  avant  qa'Yong-tching  son  (ils  montât  sur 
le  trône,  il  avait  souvent  disputé  avec  lui 
sur  cette  matière.  Nous  dressâmes  un  acte 
de  celte  audience  pour  l'envoyer  à  Home, 
aûn  qu'on  jugeât  si  dans  ce  danger  extrême 
où  était  la  mission,  il  n'était  pas  à  propos 
d'ordonner  aux  missionnaires  de  se  confor- 
mer aux  permissions  accordées  par  le  sainl- 
siége,et  que  son  légat  apostolique  M.  Mezza- 
Barba,  patriarche  d'Alexandrie,  leur  avait 
laissées  avant  son  départ  de  la  Chine  pour 
l'Europe.  C'est  ce  que  le  prélat  jugea  abso- 
lument nécessaire,  en  publiant  une  lettre 
pastorale,  par  laquelle  il  enjoignait  à  tous  les 
missionnaires  de  se  conduire  selon  ces  per- 
missions ,  sous  peine  de  suspense ,  ipso 
facto,  de  tout  exercice  de  leurs  fonctions. 

«  Tel  (îsl  l'acie  que  nous  dressAines  :  «  Le 
18  de  mars  de  l'année  1733,  tioisième  jour 
de  la  sp-co  ide  lune,  nous  fûmes  apfielés  au 
palais.  Comme  il  ne  nous  était  point  encore 
venu  de  réponse  à  la  requ;He  (pie  nous  avions 
[irésentée  au  sujet  des  missionnaires  exilés 
de  (Canton  à  Macao,  nous  augurâmes  favora- 
blement de  celt'^  audience  qui  nous  était  ac- 
cordée; mais  l'espérance  (pii  nous  llattait 
ne  dura  guère,  puiscjue  bien  loin  de  per- 
niettu!  le  retour  d(!s  missionnaires  à  Canton, 
il  s'agissait  de  nous  chasser  nous-mêmes  de 
Pékin  et  de  Ifiul  l'empirc!.  ('e  fui  vers  midi 
(}  i(!  nous  parûmes  dcwant  reinperenr,  on  pré- 
senc(î  diîdeux  principaux  minisiKvs  pcjur  être 
t  •moins  de  ce  (ju'il  avait  à  nous  dire  et  pour 
exécuter  ses  ordres.  A|irès  nous  avoir  parlé 
d(;  la  loi  clu('tieiine,  (pi'il  dis.iit  n'avoir  en- 
core ni  défi'iidiK;  ni  pcrmisis  il  en  vint  à  un 
aulr(î  article,  surleipud  il  insista  princi[>ale- 
meiil  :  u  Vous  uu  rendez  aucun    hoiuieur  à 


605 


CHl 


CHI 


«0$ 


vos  parents  et  à  vos  ancêtres  défunts,  nous 
(jit-il  ;  vous  n'allf^z  jamais  à  leur  sé|)iilluio, 
co  qui  esl  un»;  iin|ti<Uô  très-grande;  vous  no 
faites  pas  plus  do  cas  do  vos  parents  (jue 
d'une  tuile  qui  se  tnuivo  <\  vos  pi(!ds;  té- 
moin cet  Ourhiiett,  qui  est  de  lu  l'ainillc  im- 
[)ériale  (le  prince  Joseph, conf(îsse;r  de  Jésus- 
Christ).  11  n'eut  pas  jilutàl  end)r.iss ':  vulro 
foi,  (ju'il  perdit  tout  r(>s[)L'cl  pour  ses  aneé- 
ti-es,  sans  qu'on  ait  jamais  pu  vaincre  son 
opiniâtreté;  c'est  re  (pii  ne  peut  se  soullrir. 
Ainsi,  je  suis  obliji;é  de  |)roscrire  votre  loi 
et  de  la  défendie  dans  tout  mon  empire. 
Après  cette  dclense,  y  aura-t-il  quchiu'un 
qui  ose  l'embrasser?  Vous  serez  donc  ici 
sans  occupation ,  et  par  conséquent  sans 
honneur.  C'est  [)Ourquoi  il  faut  vous  retirer.» 
«  L'empereur  ajouta  plusieurs  auti'es  ciio- 
ses  peu  imf^ortanlt's,  mais  il  revenait  tou- 
jours à  dire  que  nous  étions  îles  im[)ies,  (jui 
refusio'"!?  d'ho'ior;  r  luis  [larenls,  et  qui  ins- 
pirions le  môme  méj)ris  à  nosdiscipIes.il  par- 
lad  fort  rapidement  et  d'un  ton  d'assurance, 
qui  ne  prouvait  que  trop  (juïl  était  convain- 
cu de  la  vérité  des  reproches  qu'il  nous  fai- 
sait, et  que  nous  n'aurions  rien  à  répli(iuer. 
Lorsque  ce  prince  nous  eut  laissé  la  liberté 
de  parler,  nous  lui  répondîmes  d'un  air  mo- 
deste, mais  avec  toute  la  force  que  l'iniïo- 
cence  et  la  vérité  inspirent,  qu'en  l'avait  mal 
informé;  que  tout  ce  qu'on  lui  avait  rap- 
porté était  de  pures  calomnies  et  de  ma- 
lignes inventions  d'ennemis  secrets ,  qui 
clierchaient  à  nous  rendre  odieux  et  à  nous 
perdr  •  dans  l'esprit  de  Sa  Majesté;  que  lo- 
bli;^ation  d'honorer  ses  parents  nous  est  pres- 
crite par  la  loi  chrétienne,  et  qu'elle  en  est 
le  quatrième  commandement  ;  que  nous  ne 
pouvons  pas  prêcher  une  loi  si  sainte,  sans 
apprendre  h  nos  disciples  à  s'acquitter  de  ce 
devoir  indispensable  de  piété.  «  Quoi!  nous 
dit  rera[)ereur,  vous  visitez  la  sépulture  de 
vos  ancêtres  ? — Oui,  sans  doute,  répondîmes- 
nous,  mais  îîous  ne  leur  demandons  rien  et 
nous  n'attendons  rien  d'eux.  —  Vous  avez 
donc  des  tablettes,  dit  le  prince?  —  Non- 
seulement  des  tal)lettes,  dîmes-nous,  mais 
encore  leurs  portraits,  qui  nous  rappellent 
bien  mieux  leur  souv;'nir.  »  L'empereur  pa- 
rut fort  étonné  de  ce  que  nous  lui  disions; 
après  nous  avoir  fait  deux  ou  tro  s  fois  les 
mêmes  questions,  qui  furent  suivies  des 
mêmes  réponses,  il  nous  dit  :  «  Je  ne  con- 
nais pas  votre  loi,  je  n'ai  jamais  lu  vos  livres; 
s'il  est  vrai,  comme  vous  le  dites,  que  vous 
n'êtes  point  contraires  aux  honneurs  que  la 
pieté  filiale  prescrit  à  l'égard  des  parents, 
vous  pouvez  demeurer  ici.  »  Puis,  se  tour- 
nant vers  ses  ministres  :  «  ^'oilà  des  faits 
que  je  croyais  constants,  leur  dit-il,  et  ce[)en- 
dant  ils  les  nient  fortement.  Examinez  avec 
soin  cette  affaire,  informez-vous  exactement 
de  la  vérité,  vous  en  ferez  ensuite  votre 
rapport,  et  je  donnerai  mes  ordres.  » 
Après  cela,  les  ministres  examinèrent  les 
livies  que  leur  donnèrent  les  missionnaires 
contenant  la  doctrine,  et  un  placet  rédigé 
par  eux.  Un  des  docteurs  chargés  de  l'exa- 
meu.  (iit  :   «  Si  l'on  n'est  pas  saint,  diiiieile- 


ment  peut-on  observer cettoloi.  »  l^'empereur 
im  s'est  |>as  contenté  de  fuire  examiner  nos 
livrcîsdans  le  tribunal  de  ses  nnnistres;  nous 
avons  su  qu'il  les  avait  fait  leiuellre  entre 
les  mains  d(,  qu(^l(|ues  Tio-diang  et  de  quel- 
(|ues  Tao-Ssée  (ce  soûl  les  ministres  de  deux 
sectes  idolAtres),  du  premier  président  du 
tribunal  des  rites,  et  du  prenner  président 
du  tribunal  des  censeurs  de  l'euqtii-e,  alin 
de  pouvoir  y  trouver  (jueh^ue  prétexte  plau- 
sibl  t  de  condamner  noire  sainte  rcdi^ion,  et 
de  nous  chasser  tous  de  son  empire.  C'est 
apparemment  dans  la  même  vue  qu'il  adon- 
né ordre  à  (piatre  cnseurs  de  l'empire  d'être 
attentifs  à  la  conduite  des  chrétiens,  de  les 
interroger  sur  les  pratiques  de  leur  religion, 
et  en  particulier  sur  les  céiémonies  établies 
h  la  Chine,  à  l'égard  des  [)arents  défunts. 
C'est  ce  (pie  nous  avons  appris  do  (|ueli[ues- 
ui;s  de  nos  chrétiens  qui  ont  subi  ces  inter- 
rogatoires, et  qui,  se  r;q)pelanl  les  jiermis- 
sions  accordées  par  le  saint-siége,  ont  ré- 
pondu d'une  manière  dont  les  censeurs  ont 
paru  satisfaits.  Entin,  après  plus  de  cinq 
mois,  les  ministres  auxquels  nous  avions 
remis  quelques-uns  des  livres  qui  traitent 
de  la  religion,  nous  les  renvoyèrent  sans 
nous  faire  dire  un  seul  mol  de  ce  qu'ils 
en  pensaient,  ni  des  dispositions  où  était 
l'empereur  k  notre  égard.  Ainsi ,  nous 
sommes  toujours  dans  le  même  état  d'in- 
certitude sur  le  sort  d'une  mission  au- 
trefois si  florissante,  qui  se  trouve  mainte- 
nant sur  le  penchant  de  sa  ruine  et  prête  à 
périr;  notre  unique  ressource  est  dans  la 
miséricorde  du  g^  and  maître  que  nous  ser- 
vons. »  {Lett.  édif.,l.  Il,  p.  368.) 

Youfig-Thing  mourut  le  17  octobre  1735 
sous  le  règne  de  son  fils  Khian-Loung.  Le 
premier  ministre  Ma-tsi,  lié  depuis  trente- 
six  ans  avec  le  P.  Parennin,  lui  envoya  dire 
de  dresser  proraptement  une  requête,  pour 
demander  le  rétablissement  de  la  religion  et 
des  missionnaires  ,  rien  n'étant  plus  raison- 
nable, et  l'empire  ne  possédant  pas  de  plus 
honnêtes  gens  que  les  Européens.  On  ne 
changea  dans  celte  requête  que  deux  où. 
trois  caractères  qui  paraissaient  trop  f  irts 
contre  Mouan-pao ,  ancien  Ïson-Tou  du 
Fo-Kien,  dont  les  démarches ,  concertées 
du  reste  avec  Young-Tching,  avaient  fait 
chasser  les  missionnaires  des  provinces. 
Mais  le  seizième  régulo  s'opposa  à  ce  que  le 
mémoire  fiit  remis  à  l'empereur.  Les  Jésui- 
tes, en  attendant  une  occasion  favorable, 
ajoutèrent  de  nouvelles  prières  et  d'autres 
bonnes  œuvres  aux  messes  votives  qu'on 
disait  tous  les  jours  dans  leurs  trois  églises, 
depuis  le  18  mars  1733,  que  Young-ïching 
avait  été  sur  le  point  de  les  ^envoyer  en 
Europe. 

Sur  ces  entrefaites,  le  mandarin  Tcha- 
sse  -  hai  renouvela ,  dans  une  accusation 
formelle  contre  le  christianisme,  toutes  les 
accusations  que  d'autres  avaient  avancées 
avant  lui,  insistant  pour  que  les  ^îantchoux 
et  les  Chinois  qui  étaient  sous  les  bannie!  es 
n'eussent  pas  la  liberté  de  se  faire  chrétiens. 
Le  seizième  régula,  si  défavorable  §  la  re- 


«07 


cm 


CHI 


608 


quête  des  Jésuites,  présenta  l'accusation  du 
iiiandarin  à  l'empereur  :  en  conséquence,  il 
fut  arrêté  au  mois  d'avril  173G,  que  les  chefs 
des  bannières  exhorteraient  les  nouveaux 
chiétiens  à  abjurer  la  foi,  et  les  puniraient 
en  cas  de  refus;  qu'àl'é^^ard  des  Européens, 
que  l'on  cons-rvait  à  Pékin,  à  cause  de  leur 
habileté  dans  les  science»;,  le  triuunal  des 
rites  leur  défendrait  d'attirer  les  soldats  des 
ba-uiières  et  le  peuple  à  leur  religion.  Les 
fidèles  remplirent  aussitôt  les  églises  pour 
se  disposer,  par  la  réception  des  sacrements, 
à  soutenir  la  persécution  qui  commença  le 
jour  même.  A  la  réserve  d'un  très-petit  nom- 
bre, que  rap[)areil  des  supplices  intimida, 
ils  donnèrent  les  marques  d'uie  intrépidité 
et  d'une  constance  héroïque  au  milieu  des 
plus  cruels  tourmen's.  Dans  c'tte  extré- 
mité, les  jésuites  prirent  le  parti  de  faire 
remettre  leur  requête  à  Kian-loung,  par  le 
frère  Castigiione.  Né  Tan  1G98,  en  Italie, 
des  talents  qu'il  perfectionna  sous  des  maî- 
tres habiles  auraient  pu  lui  faire  tenir  un  rang 
distingué  parmi  les  peintres  de  sa  patrie; 
mais  une  piété  tendre  et  son  goût  pour  l'é- 
tat religieux  lui  firent  préférer  l'humole 
état  de  frère  coadjuteur,  dans  la  famille  de 
saint  Ignace.  Envoyé  à  Pékin,  il  y  passa  la 
plus  grande  partie  de  sa  vie,  occupé  des 
travaux  que  lui  imposait  son  service  à  la 
cour.  Young-Tchinget  Khian-loung  employè- 
rent assidûment  son  pinceau,  et  lui  prodi- 
guèrent les  marques  les  plus  flatteuses  d'es- 
time et  de  bienveillance.  Khian-loung  ve- 
vait  presque  tous  les  jours  voir  travailler  le 
frère  qu'il  se  plaisait  à  entretenir. 

Le  3  mai  1736,  il  alla  comme  h  l'ordinaire 
s'asseoir  auprès  de  lui.  «  Le  frère  quitta  son 
pinceau,  ditParennin,  et  prenant  tout  à  coup 
un  air  triste  et  interdit,  il  se  mit  à  genoux, 
où  après  avoir  dit  quelques  paroles  entre- 
coupées de  soupirs,  sur  la  condamnation  de 
notre  sainte  loi,  il  tira  de  son  sein  notre  mé- 
morial enveloppé  de  soie  jaune.  Les  eunu- 
ques de  la  ijrésence  tremblaient  de  la  har- 
diesse de  ce  frère,  car  il  leur  avait  caché 
son  dessein.  L'empereur  l'écouta  [)Ourtant 
tranquillement,  et  lui  dit  avec  bonté:  «  Je 
n'ai  pas  condamné  votre  religion  ;  j'ai  dé- 
fendu simplement  aux  gens  des  bannières  de 
l'embrasser.  »  En  même  temps  il  ht  signe  aux 
eunuques  de  recevoir  le  mémorial  ,  et  se 
tournant  du  côté  du  frère  C;istiglione ,  il 
ajouta  :  «  Je  le  lii-ai,  soyez  irancpiille,  et  con- 
tinuez de  peindre.  »  Quand  nous  apprîmes 
le  succès  d"  notre  mémorial,  nous  fûmes 
ijien  consolés,  jugeant  (pie  par  la  lecture 
qu'en  ferait  l'en'iiiereur  il  se  mettrait  au  fait 
(le  ce  qui  regarde  notre  sainte  religion..... 
Cependant  nous  voyions  bien  (|ue,  soit 
qu'il  eût  été  surfiris,  soit  qu'il  n'eût  pas  fait 
les  réllexions  nécessaires  sur  l'accusation  de 
Tcha-sse-hai...,  il  ne  reviendrait  (pu;  très- 
diflicilemerit  de  la  résolution  (}u'il  avait 
|irise...  IJien  qu'on  ne  sût  pas  (iu(,'l  or- 
dre il  nous  avait  donné,  (|U(!l(pies-uns  des 
mandarins  usèienl  de  modér;ilion  env(!rs 
l(;s  chrétiens  ;  d'autres  continuèrent  encore 
quelque  temps   leurs  veiations  ;   mais  en- 


fin la  persécution  fut  assoupie,  après  avoir 
duré  environ  deux  mois,  k  L'éclat  que  l'on 
faisait  alors,  pour  obligf^r  les  chrétiens  des 
bannières  de  renoncer  à  la  loi  de  Dieu,  ne 
mit  po'nt  obstacle  à  la  réhabilitation  des 
exilés,  fils  et  pe'its-(ils,de  Sour-Miana,  aux- 
quels on  accorda  la  ceinture  rouge,  comme 
transition  à  la  ceinture  jaune, 

A  peine  respirait-on  à  Pékin  de  la  persé- 
cution qu'on  suscita  en  l'année  1735,  contre 
la  religion  chrélienne,  qu'il  s'en  éleva  une 
nouvel  e  en  l'armée  1737,  dont  les  suites  fu- 
rent plus  fâcheuses  et  p'us  capables  d'arrê- 
ter le  progrès  de  la  foi.  Voici  ce  (jui  y  donna 
lieu  :  On  n'ignore  pas  qu'à  Pékin  on  expose 
un  grand  nombre  de  petits  enfants  qui 
meurent  la  plupart  faute  des  secours  né- 
ces^^aires.  Il  est  vrai  qu'il  y  a  des  char- 
rettes établies  par  autorité  publique  pour 
ramasser  ces  enfants  et  les  transporter  dans 
des  espèces  d'hôpitaux  où  l'on  enterre 
ceux  qui  sont  morts  et  où  1  on  doit  prendre 
soin  des  vivants  ;  mais  presque  tous  meurent 
de  misère.  Un  des  plus  grands  biens  et  le 
plus  solide  que  fassent  les  missionnaires 
est  de  procurer  le  baptême  à  ces  pauvres 
enfants.  Les  jésuites  qui  sont  attachés  aux 
trois  églises  chrétiennes  de  Pékin  ont  depuis 
longtemps  partagé  entre  eux  les  div-rs  lieux 
où  on  les  transporte  ;  ils  ont  chacun  des  caté- 
chistes entretenus  pour  aller  leur  conférer  le 
baptême.  Il  n'y  a  point  d'année  qu'on  ne  bap- 
tise environ  deux  mille  de  ces  enf;mts. 
Lieou-Eul ,  catéchiste  des  Pères  portugais, 
s'occupant  à  ce  saint  exercice,  fut  arrêté 
dans  l'hôpital  et  conduit  au  tribunal  lu  gou- 
verneur de  Pékin.  On  linterrogea  dans  plu- 
sieurs séances  sans  lui  trouver  d'autre  crime 
que  celui  d'être  chrétien  ;  c'en  était  un 
dans  l'idée  d  3  ce  gouverneur,  à  cause  des  dé- 
fenses qui  avaient  été  faites,  soit  la  première 
année  (lu  règne  d'Youg-Tching  en  17-23,  soit 
la  première  année  du  présent  règne,  en  1736, 
d'embrasser  la  religion  chrélienne.  Il  ren- 
voya donc  cette  alfaire  au  tribunal  des  cri- 
mes et  il  y  lit  conduire  le  catéchiste  Lieou- 
Eul  avec  Ï(;hin-Si,  qui  était  gardien  de 
l'hôpital,  et  Ly-Si-Eou  qui  s'était  l'ait  le  dé- 
nonciateur de  l'un  et  de  l'autre.  Lorsqu'ils 
arrivèrent ,  Ou-che-san  ,  mandirin  Mcint- 
cheou,  ne  peut  retenir  sa  joie  ;  il  y  avait 
longtemps  (pi'il  souliaitait  que  qucl'|ue  af- 
faire concernant  la  religion  chrétienne  lom- 
bAt  entre  ses  mains.  Il  lit  comparaître  L'eoa- 
Eul  et  lui  ht  (piantité  de  questions  ca^utieu- 
ses  aux(piel  es  le  chrétien  répondit  avec 
beaucoup  de  sagesse.  Mais  comme  l'inten- 
tion de  ce  juge  était  de  le  condanin  r  à  la 
mtjrt,  il  le  lit  appli(iuer  ;»  la  (jueslion,  dans 
l(!  dessein  de  lui  faire  avouer  cjue  les  Euro- 
péens attiraient,  ?1  force  d'argei.l,  les(Miinois 
à  leur  religion  ;  les  lourmenU  ne  purent  ar- 
raclnn-  h  Lieou-Eul  l'aveu  d  une  si  grossière 
calomnie.  Le  président  Manlcheou  de  co 
tribunal,  égdenunit  ennemi  du  c  listianisme, 
le  !ii  m(,'ttr(ï  d<!  nouveau  h  la  toi  lure,  (lue  ce 
généreux  (  hrélien  soullVil  avec  beaucoup  do 
fermeté  et  (h;  courage.  Naschtou,  c'est  le  nom 
do  ce  président,  aurait  poussé  les  choses  plus 


009 


CHI 


CHI 


CIO 


loin,  s'il  n'ei^t  6t(^  nommé  doux  jouis  <^p^^s 
Tsong-tou  ()ug<)uvei'iieui'g!^ii(''ral  do  Nankin. 
Ou-clic-san  no  poursuivit  pas  ootto  allau'o 
avoc  moins  do  vivacité;  il  voulait  absolu- 
ment l'aire  mourir  le  chrétien,  et  il  y  aurait 
réussi  si  so'i  collùguo  ne  s'y  lût  o()posé. 
Celte  diversité  dest'Ulimeut  obligea  de  por- 
ter l'atlairo  h  Suukia,  président  chinois  de 
ce  tribunal,  qui  bl;\ma  la  sévérité  outrée 
d'Ou-che-s;m.  L  i  sentenco  fut  «uodérée  ;  le 
chrétien  fut  condamné  h  l'ocevoir  cent  coups 
de  pan-tsee  (c'est  le  bâton  dont  on  frap[)C 
les  coupables),  h  [jorter  la  cangue  pondant 
un  mois,  et  ensuite  à  recevoir  oMCOro  '[ua- 
rante  coups  de  |)an-tsee.  La  sentence  de  ce 
tribunal,  envoyée  au  tribunal  du  gouver- 
neur de  Pékin,  était  conçue  en  ces  termes  : 
«  Le  tribunal  de  lling-pou,  c'est-à-dire  des 
crimes,  sur  l'airaire  de  Lieou-Eul,  que  le 
gouverneur  de  Pékin  a  fait  |)rendre  à  rhô[)i- 
tal  des  Enfants-Trouvés,  où  il  vers.ût  de  l'eau 
sur  la  tète  de  ces  enfants,  en  prononçant  des 
paroles  magiques.  Dans  l'interrogatoire  qu'à 
subi  Lieou-Eul,  il  dit  r  «  Je  suis  un  homme 
du  peuple,  âgé  de  quarante  ans ,  et  du  ué- 
partement  de  Ta-hing-kien.  Je  suis  chrétien 
dès  mon  enfance  ;  ayant  su  que  hors  la  porte 
de  la  ville  noumiée  Tsong-ouen-men ,  au 
nord,  à  la  tète  du  pont,  à  coté  de  la  barrière, 
il  y  avait  une  chambre  pour  recueillir  les 
enfants  abaudoîuiés,  auprès  de  l'hôpital  où 
on  les  transporte,  et  uniquement  dans  le 
dessein  de  faire  de  bonnes  œuvres,  j'y  allais 
pour  les  guérir,  en  récitant  quelques  priè- 
res ;  c'est  ce  que  je  fais  depuis  un  an.  Le 
moyen  que  j'emploie  c'est  de  prendre  de 
l'eau,  u'en  verser  cjuel  pies  gouttes  sur  la 
tête  de  enfants,  de  réciter  en  même  temps 
quelques  [)rières,  et  aussitôt  les  enfants  sont 
guéris  ;  s'ils  viennent  à  mourir,  i!s  vont 
dans  un  lieu  de  délices  ;  c'est  une  coutume 
établie  dans  la  religion  chrétienne.  Lorsque 
je  m'occupais  à  celte  bonne  œuvre,  ds  of- 
ticiers  de  justice  m'ont  arrêté.  Ce  Tchin-Tsi 
qu'ils  ont  pris  avec  moi  est  le  gardien  de 
cet  hôpital.  Le  seul  motif  de  faire  des  bon- 
nes œuvres  me  portait  à  lui  donner,  à  cha- 
que lune,  deux  cents  petits  deniers  pour 
acheter  des  petits  ()ains  et  soulager  ces  pau- 
vres enfants  ;  c'est  ce  que  j'ai  fait  pendant 
treize  lunes.  Si  l'on  trouve  que  j'ai  agi  par 
d'autres  vues,  je  m'offre  à  soutl'rir  les  plus 
rigoureux  chAtnuents  de  la  justice.  Oserais- 
je  mentir  en  votre  présence?  11  est  vrai  que 
]e  fais  profession  de  la  religion  chrétienne, 
mais  je  n'ai  pas  su  qu'elle  fût  défendue  et 
je  n'ai  jamais  reçu  aucun  argent  des  chré- 
tiens. »  On  rapporte  ensuite  les  réponses  du 
gardien  de  l'hôpital  et  celles  du  délateur 
qui  disent  la  même  chose,  après  quoi  on 
continue  de  la  sorte  :  «  En  examinant  sur 
cela  nos  registres ,  nous  trouvons  que  la 
première  année  de  Youg-Tch:ng  (c'est-à- 
dre  en  1723),  sur  un  placet  présenté  se- 
crètement par  Mouan-Pao,  Tson-Tou  de  la 
province  de  Fou-Kien,  le  tribunal  des  cé- 
rémo.iies  défendit,  sous  des  peiness  évères, 
d'entrer  dans  la  religion  chrétienne,  et  or- 
donna à  ceux  qui  l'avaient  embrassée  de  la 


quitter;  maintenant,  il  paraît  par  les  répon- 
ses do  Lieou-Eul,  dans  l'intorrogatoiro  qu'il 
a  subi,  que  n'obéissant  pas  h  celle  loi,  et 
persévérant  dans  la  religion  chrétienne,  il 
est  allé  à  l'hôpital  des  enfants,  qu'il  y  a 
prononcé  des  paroles  magi(pies  en  l(!ur  ver- 
sant de  l'eau  sur  la  tête  pour  les  guérir. 
Nous  le  con  amnons  à  recevoir  cent  coups 
do  pan-tsee,  h  porter  la  cangue  un  mois  en- 
tier, et  à  recevoir  ensuite  quarante  autres 
coups  de  pan-tsee.  Pour  ce  qui  est  de  Tching- 
ïsi,  gardien  de  la  chambre  de  cet  iiô[)ilal, 
il  ne  pouvait  ignorer  que  Lieou-Eul  employait 
la  magie  |)0urles  guérir.  Son  devoir  était  de 
l'empêcher,  et  il  l'a  souffert.  Suivant  la  ri- 
gueur des  lois,  il  devrait  recevoir  quatre- 
vingts  coups  de  pan-tsee  ;  on  ne  lui  en  don- 
nera que  trente.  A  l'égard  des  deux  cents 
deniers  qu'il  recevait  à  chaque  lune  [)Our  lo 
secours  de  ces  enfants,  il  n'est  pas  nécessaire 
d'en  |)arler.  Enfin,  le  petit  vase  de  cuivre  où 
Lieou-Eul  portait  de  l'eau,  sera  mis  en  piè- 
ces. Que  celte  (Jétermination  présente  que 
nous  avons  prise  soit  envoyée  au  gouver- 
neur de  Pékin  et  au  tribunal  de  ïou-cha- 
yuen,  ahn  qu'ils  la  fa^sent  connaître  aux 
cinq  déi  arteinents  de  la  ville  et  aux  deux 
Hienqu'ils  gouvernent,  et  que,  parce  moyen, 
les  uns  et  les  autres  défendent,  sous  de  griè- 
ves  peines,  à  qui  que  ce  soit,  non-seuleinent 
de  fréquenter  cet  hôpit-d,  sous  prétexte  d'y 
guérir  les  malades,  mais  encore  d'embrasser 
la  loi  chrétienne,  avec  ordre  à  ceux  qui  l'au- 
raient embrassée,  de  l'abandonner  ;  et  que 
ces  défenses  soient  afiichées  dans  tous  les 
carrefours  de  leurs  districts.  Que  tout  ceci 
leur  soit  donc  envoyé  et  qu'ils  l'exécutent 
promplement.  »  Ce  fut  le  vingt-troisième  de 
la  neuvième  lune  intercalaire,  c'est-à-dire 
le  15  novembre,  que  celte  sentence  fut  en- 
voyée à  ces  différents  tribunaux.  11  y  avait 
déjà  deux  jours  qu'elle  avait  été  exécutée  à 
l'égard  de  Lieou-Eul  qui,  dès  le  13  no'^  embre, 
était  à  la  cangue  sur  laquelle  on  avait  écrit 
ces  mots  en  gros  caractères  :  Criminel  pour 
être  de  la  religion  chrétienne. 

Les  Pères  portugais,  voyant  que  tous  les 
mouvements  qu'ils  s'étaient  donnés  pour 
ca'mer  cette  affaire  avaient  été  inutiles,  pri- 
rent la  résolution  de  recourir  à  l'empereur. 
Ils  dressèrent  un  placet,  et,  le  20  novembre, 
le  P.  Kegler,  président  du  tribunal  des  ma- 
thématiques, le  P.  Parennin,  supérieur  de 
la  maison  française,  et  le  P.  Pinheiro,  supé- 
rieur de  l'Eglise  orientale  des  Pères  portugais, 
auxquels  se  joignirent  le  P.  Chaiier  et  le 
frère  Castiglione,  qui  étaient  au  palais,  allè- 
rent trouver  un  des  grands  maîtres  de  la 
maison  impériale,  nommé  Hay-Ouang,  qui 
est  spécialement  chargé  des  afl'aires  des  Eu- 
ropéens, et  ils  lui  montièrent  le  mémorial 
ou  |;lacet  qu'ils  avaient  dressé.  Ce  seigneur, 
que  le  P.  Kegler  avait  déjà  mis  au  fait  de 
cet^e  affaire,  parut  fort  piqué  de  ce  que  le 
tribunal  des  crimes  n'avail  eu  nul  égard  à 
son  intercession  :  il  leur  dit  qu'il  avail  fait 
venir  le  mandarin  Ou-che-san,  auteur  de  tout 
le  mal,  et  qu'il  lui  avait  parlé  en  ces  termes  : 
«  Si  lu  as  le  pouvoir  absolu  de  chasser  tous 


m 


cm 


cm 


612 


les  Européens  de  la  Clihie,  tu  poux  conti- 
nuer; sinon  tu  t'engagod  sans  une  entreprise 
qui  ost  au-dessus  de  tes  Ibices.  Qui  a  or- 
dinné  a  votre  tribunal    de  publier  des  afll- 
clies  ?  Pourijuoi,  ne  trouvant  point  de  crime 
dans  Lieou-Eul,   rallaiiuez-vous  sur  la  loi 
chrétienne?  Révoquez   au   jihis  tôt   l'ordre 
que  vous  avez  icnvbyé  aux  ditt'rents  tribu- 
naux de  cette  ville, \'t  n'y  manquez  pas  ;  je 
reijois  le  mémorial  des  Eur  i{)éens  cpii  se  sont 
mis  h  genoux   devant  moi.  »  Il  dit  ensuite 
aux  missionnaires  de  lui  laisser  leur  mémo- 
rial ,    qu'il    l'examineiait  ;   (]uils    n'avaient 
(ju'à  revenir  dans  deux  jours,  et  (ju'd  leur 
dii-ait  s'il  y  avait  quelqu'  chose  qui  dût  être 
réformé,  il  u'atteiidit  pas  jusqu'à  ce  temps- 
là,  il  le  lut  le  môme  jour,  et  sur  le  soir  il  le 
rendit  au  fi'ère  Casliglioie,  en  lui  marquant 
ce  qu'il  fallait  y  corriger.  Le  lendemain  (jui 
était  le  23  novembre,  on  le  lui  porta  corrigé 
selon  ses  ordres  ;  il  le  reçut  avec  promesse 
de  le  montrer  le  jour  suivant  au  président 
du  tribunal  des  ciimes  ;  et  qu'au  cas  qu'ils 
refusassent  de  retirer  l'ordre  qu'ils  avaient 
donné,  il  le  ferait  passer  à  l'empereur.  Sur  le 
soir  du  môme  jour,  il  dit  au  P.Chalier,  qu'il 
n'avait  pas  encore  eu  le  temps  de  le  montrer 
aux  grands  mandarins  du  grand  tribunal  des 
crimes;  on  nous  insinua ([u'il  l'avait faitdans 
la  suite.  Quoi  qu'il  ert  soit,  ce  tribunal  agit 
comme  s'il  n'en  avait  eu  nulle  connaissance. 
Le  25  novembre,  l'empereur  partit  pour 
se  rendre  à  la  sépulture  de  l'empereurCang- 
Hi;  le  grand   maître  Hay-Ouang  le  suivit: 
ainsi  la  p,  oteclion  que  nous  espérions  de  ce 
seigneur  nous  manquant  pour  lors,  les  man- 
darins exécutèrent  l'ordre   que  le   tribunal 
des  crimes  leur  avait  donné.  Deux  jours  après 
le  départ  de  l'empereur,  on  vit  à  toutes  les 
portes  et  à  tous  les  carrefouiS  de  la  ville,  de 
grands  cao-chi  ou  plai  ards  contre  la  religion 
chrétienne.  Dans  chacun  de  ces  cao-chi  était 
écrite  tout  au  long  la  sentence  du  tribunal 
des  crimes,  et  on  concluait  ainsi  :  En  consé- 
quence de  quoi,  si  quelqaun  s\ivise,  sous  pré- 
texte de  maladie,   de  fréquenlei- riiôpital  des 
enfants  abandonnés,  il  sera  an-été  et  livré  au 
tribunal  des  crimes.  Cest  pour  vous  te  faire  sa- 
voir,(lens  de  bannières  et  peuples,  que  nous  fai- 
sons afficher  cet  ordre. Que  cliacun  ait  soin  de 
garderies  lois  de  C  empire  ;que  ceux  qui  ont  erré 
reviennent  à  résipiscenccct  reprennent  laloidc 
i  empire  qui  leur  est  naturelle;  qw  s'il  s' en  trouve 
qui  suivent  en  secret  cette  loi  étrangère  ou  qui 
refusent  d' g  renoncer,  ils  seront  Irès-sévèrement 
punis.  Le  G  de  la  G'  lune  di;  la  secumje  année 
de  Kien-long  (c'est  le  27  novembre  IIIH). 

Le  2  décembre,  l'emp  reur  étant  revenu 
de  la  séi)ulluiede  Cang-hi,  leslN-res  allèrent 
au  palais  pour  s^iijformer  de  >«a  santé;  ils 
(•royaienl  y  trouver  le  grand-maitre  llay- 
ouang,  mais  il  était  r(!lourné  chez  lui  sans 
venir  au  palais.  Ils  y  allei cnl  le  lendemain 
vers  midi,  et  lui  porièicnl  d(-'ux  placirdsalii- 
chés  contre  la  loi  chréiici.n»!.  Il  leur  dit  do 
venir  dans  deux  jours,  (;l  (pi'il- pnsenterait 
leur  mémorial  à  l'cmi^enjur.  On  le  lit,  et  co 
stMgiieur  le  remit  l\  un  de  ses  écrivains  en 
lui  disant  de  le  porter  do  sa  porta  l'eunuque 


Ouang,  avec  ordre  de  le  faire  présenter  le 
jour  suivant  h  l'empereur.  Voici  la  teneur  de 
ce  mémorial  :  Les  Européens   Tay-Tsi-hien 
(le  P.  Régler,  etc.),  oilVent  avec  un  profond 
lespect  ce  mémoiial  à  Votre  Majesté,  contre 
la  calomnie   la  plus  atroce.  Nous  trouvant 
dénués  de  tout  ap|)ui  et  de  toute  protection, 
à  qui  aurions-nous  recours  qu'à  Votre  Ma- 
jesté ?  Le  6  de  cette  dixième  lune  (27  novem- 
bre), lorsque  nous  nous  y  attendions  le  moins, 
on   vint  nous  dire  que  dans  toutes  les  rues, 
grandes  et  petit(^s,  de  celte  ville  de  Pékin,  on 
voyait  des  alliches  du  gouverneur,  des  man- 
darins des  cinq  départements,  des  deux  Tchi- 
hien  et  autres  juridictions-,  en  conséquence 
d'un  ordre  du  tribunal  des  crimes,  qui  pros- 
crit la  religion  chrétienne,  ordonne  de  se  sai- 
sir de  ceux  qui  la  professent,  et  de  les  livrer 
à  leur  tribunal  pour  y  être  sévèrement  punis. 
Ce  qui  a  donné  lieu  à   l'arrêt  de  ce  tribunal, 
c'est  que  Lieou-Eul,  homme  du  peuple,  sui- 
vant la  pratique  de  sa  religion,  avait  versé  de 
l'eau  sur  la  tôte  de  quelques  petits  enfants  et 
avait  récité  des  prières.  Cette  pratique  est  la 
porte  par  où  l'on  entie  dans  la  leligion  chré- 
tienne fondée  sur  la  plus  droite  raison.  Nous 
n'avions  pas  encore  entendu  dire  que  ce  fût 
un  crime  de  verser  de  l'eau  et  de  réciter  des 
prières,  ni  que  l'un  ou  l'autie  méritât  des 
châtiments.  C'est  cependant  uniquement  pour 
cela,  et  non  pour  aucune  autie  raison,  que 
l'on  a  donné  deux   fois  la  question  à  Lieou- 
Eul;  c'est  uniquement  pour  la  religion  sainte 
qu'il  a  été  battu  et  mis  à  la  cangue  sur  la- 
quelle on  a  écrit  ces  mots  en  gros  caractères  : 
Criminel  pour  être  entré  dans  lu  religion  chré- 
tienne. Comme  nous  n'oserions  parlera  Votre 
Majesté  du  motif  qui   fait   agir  de  la  sorte, 
nous  le  passerons  sous  silence.  Nous,  vos  lidè- 
les  sujets,  charmés  de  la  réputation  de  votre 
gouvernement,  nous  sommes  venus  icipoury 
passer  le  reste  de  nos  jours;  ce  n'est  nue  dans 
le  dessein  de  jiorter  les   peuples  à  lumorer 
et  à  aimer  ce  qu'ils  doivent  honorer  et  aimer, 
-et  de  leur  faire  connaître  ce  qu'ils  doivent 
savoir  et  pratiquer.  Les  empereurs  de  votre 
auguste  dynastie  se  sont  servis   de  gens  ve- 
nus de  loin,  sans  la  moindre  ditliculté.  L'cm- 
))eur  Chun-chi  honora  feu  ïang-io-ouang  (le 
P.  Adam  Schal)  du  glorieux   liti-e  de  l'ong- 
ouei-Kiao-se,  ou  de  maître  qui  approfondit 
les  choses  les  plus  subtiles,   et  le  graiilia  de 
l'iioiiorable  inscriptio  i  (lui  sub^i^te  entOro 
en  son  entier.  L'eini)eieui-  Kan^-hi  employa 
avec  un  égal  avantage   Nan-ho  li-iiiu   (le  P. 
Vetbii  st),  le  lit  assesseur  du  tribunal  des  ou- 
vrages publics,  et  le  chargea  dc>  allaires  du 
tribunal    des   mathéinaliques.    11    donna   à 
T(:lnng-Tcinng{le  P.Cerbillon)  et  à  l'c-'I'jin 
(le  P.  ïtouvel),  une  maison  en  dedans  de  la 
jiorte  Si-ng.n-nu'n  ,  et  leur  y  lli   bAtir  une 
église.  La  Irenlc-uniôme  année  de  Kang-Ui, 
le  vice-roi    de    la  province  de  Tche-Kiang 
ayant  fait  défense  de  suivre,  la  leligion  chré- 
tienne, Suge-Sin  (le  P.  Thomas  Pereyra)  ot 
Ngan-To  (le  P.  Antoine  Thomas),  (  urenl  re- 
cours à  rem))ereur,  <pii  ordoiuia  au  tribunal 
d(!s  iiiinisires  de  se  joindre,  à  (;elui  des  céi6- 
nioniiset  dejugenonjoinlemeul  celte  all'aii'e. 


é)é  cm 

La  sontonce  qu'ils  pr(»non(•^l•ont  fut,  qu'il  no 
fallait  pas  coiulaïuuur  la  rt'liyiou  (thn'lit'tiiio 
ni  driVndro  à  persoiuiedo  la  pratiquer.  Cette 
sentence  fut  enregistrée  dans  les  tribu- 
natix,  c'est  ce  (|u'on  peut  exanuiu3r.Le  uuMuo 
empereur,  la  (piarante-ci'Kjuiènie  année  do 
son  rèj,ne,  doiuia  aux  missionnaires  d.vs  pa- 
tentes avec  le  sceau  du  grand  maitre  de  sa 
maison.  La  cinquantième  année,  il  donna  à 
l'église  qui  est  au-dcdans  de  la  porte  Suen- 
ou-men.cetteiiiscription  :  «  Ouan  yeou  Tcliiiig 
yucn,  c'est-à-dire  le  vrai  principe  de  toutes 
choses.  11  raccompagna  de  deux  auti'os  ins- 
criptions pour  Ctre  |)lacées  h  côté  selon  la 
coutume;  l'une  est:  Vauchivou  tcliong  sien 
tso  hingchhig  tchin  ff/tufA(/?/,c'est-h-dire  sans 
commencement,  sans  tin,  et  véritable  maître; 
il  a  donné  commencement  îi  tout  ce  (pii  a  ti- 
gurc,  et  sa  providence  les  gouverne.  Et  l'autre 
est  :  Suen  gen  suen  y  yuc  tchao  cliing  Isi  ta 
kûien  heng,  c'est-à-dire  souverainement  bon, 
souverainement  juste,  il  a  fait  éclater  sa  sou- 
veraine j)uissance  en  sauvant  lis  malheureux. 
L'empereur,  votre  auguste  père,  a  fait  Taj- 
ïsin-hien  (le  P.  Kegler)  président  du  tribui.al 
des  mathématiques,  et  assesseur  honoraire 
du  tribunal  des  cérémonies.  Il  a  fait  de  môme 
Su-meou-Te  (le  P.  André  Pereyra)  assesseur 
du  tribunal  des  mathématiques.  Il  a  donné 
ordre  à  San-to-Min  (le  P.  Parennin)  et  autres 
d'enseigner  le  latin  à  plusieurs  jeunes  gens, 
fils  de  mandarins  :  ce  sont  toutes  faveurs  si 
éclatantes  et  si  singulières,  qu'elles  sont 
comme  le  soleil  et  les  étoiles  au  ciel,  et  qu'il 
est  difficile  de  les  mettre  par  écrit.  Ce  qui 
nous  a  remplis  d'une  nouvelle  joie,  sire,  c'est 
queVotreMajesté,  montant  sur  le  trône,  nous 
a  honorés  d'une  protection  particulière.  Nous 
avons  appris  que  cette  année,  à  la  troisième 
lune,  elle  a  donné  un  ordre  qu'elle  a  fait 
publier  dans  toute  la  Chine,  oii  elle  dit  clai- 
rement que  les  lois  de  cet  empire  n'ont  jamais 
condamné  la  religion  chrétienne;  et  ayant 
été  informée  de  l'arrivée  toute  récente  de 
quelques  missionnaires,  elle  a  ordonné  de 
les  faire  venir  à  la  cour. 

«  Lorsque  l'on  considère  tant  de  bienfaits 
que  nous  avons  reçus  de  Votre  Majesté,  est-il 
Kicile  de  les  exprimer?  Elle  ne  nous  regarde 
point  comme  des  étrangers,  elle  nous  traite 
avec  la  même  bonté  que  ses  propres  sujets  ; 
c'est  ce  que  personne  n'ignore.  On  cite  ce- 
pendant contre  nous  Mouan-Pao  ;  dans  quel 
dessein? A  lahuitièine  année d'Yong-Tching, 
ce  grand  prince,  à  la  huitième  lune,  nous 
graliùa  de  mille  taelspourréparer  nos  églises; 
s'il  eût  été  vrai  qu'il  eût  proscrit  notre  reli- 
gion, nous  aurait-il  fait  une  si  insigne  fa- 
veur qui  tendait  directement  à  la  perpétuer? 
Dans  l'affaire  que  suscita  Mouan-Pao, il  n'est 
fait  nulle  mention  ni  d'afticher  des  placards 
dans  les  rues,  ni  de  saisir  les  chrétiens,  ni 
de  les  renfermer  dans  des  prisons,  encore 
moins  de  leur  donner  la  question,  de  les 
battre  et  de  les  mettre  à  la  cangue.  Plus  nous 
pensons  à  ce  qui  se  passe  aujourd'hui  à  notre 
égard,  plus  nous  sommes  persuadés  qu'on 
n'a  agi  que  par  des  vues  particulières  et  par 
une  disposition  de  cœur  à  nous  calomnier  et 


en 


ea 


à  nous  perdre,  jusqu'à  nous  porter  con)me 
reixilles  sous  le  char  de  Voti'e  Majesté,  aliu 
de  nous  déiruire;  c'est  ca>  cpn;  nous  ne  sau- 
rions ex[)li<pjer.  Suivant  les  iiiaxirjies  de  no- 
tre sainte  religion,  nous  soulfions  tranquille- 
ment les  injures  et  les  tortsqu'on  nous  fait, 
sans  nous  plaindre  et  sans  avoir  même  la 
pensée  d'en  tirer  vengeance  ;  mais  il  s'agit 
ici  de  l'honneur  de  la  religion  que  nous  pro- 
fessons; nous  trouvant  sans  ressource  et  sans 
honneur  devant  les  hommes,  et  rap[)elant 
dans  notre  souvenir  les  bienfaits  de  tous  les 
empereurs  de  votre  auguste  dynastie  et  ceux, 
que  nous  avons  reçus  de  Votre  Majesté,  nous 
nesaurions  lelenimos  larmes, etne  les  [)asrap- 
l)eler  dans  la  mémoire  de  Votre  Majesté,  en  la 
conjurant  de  nous  en  accorder  un  qui  sera 
semblable  à  ceux  d'un  père  et  d'une  mère 
pleins  de  tendresse  et  de  bontél  Malheureux  or- 
phelins que  noussommes,et  destitués  de  tout 
ap[)ui,  nous  osons  lui  demander  une  grâce 
singulière,  qui  est  de  terminer  elle-même 
celte  affaire,  afin  que  nous  ne  succombions 
])as  sous  la  calomnie  de  ceux  qui  ne  cher- 
chent que  notre  perte.  Dès  lors  toutes  les 
calomnies  cesseiont;  nous  regarderons  ce 
jour  comme  celui  de  notre  naissance  ,  et 
cette  lavear  comme  une  année  de  nouvelle 
vie.  C'est  dans  cette  espérance  que,  pénétrés 
de  crainte  et  de  respect,  nous  osons  offrir 
ce  mémorial  à  Votre  Majesté  ,  le  seizième 
jour  de  la  seconde  année  de  Kien-Long,  c'est- 
à-dire  le  7  décembre.  » 

A  une  heure  après-midi,  le  grand  maître 
Hay-Ouang  joignit  les  missionnaires,  et  leur 
dit  en  langue  lartare  :  «  Votre  affaire  est  re- 
mise par  l'empereur  au  tribunal  des  crimes, 
afm  qu'il  l'examine  et  en  fasse  son  rapport 
à  Sa  Majesté.  »  A  ce  discours,  les  mission- 
naires demeurèrent  interdits.  «  Notre  affaire, 
dit  sur  cela  le  P.  Parennin,  est  remise  au  tri- 
bunal des  crimes!  Eh!  c'est  ce  tribunal  qui 
nous  l'a  suscitée.  Il  est  vrai,  répondit  ce  sei 
gneur,  mais  Yn-Ki-Chan,  qui  était  Tson- 
tou  de  la  province  de  Koei-Tcheou,  vient 
d'être  fait  président  de  ce  trilmnal  à  la  place 
de  Naschtou  qui  est  allé  à  Nankin  ;  il  n'a  nulle 
part  à  ce  qui  s'y  est  passé.  Allez,  aile  ■jajnula- 
t-il,  quand  cette  affaire  sera  terminée,  vous 
viendrez  remercier  Sa  Majesté.  »  Cette  ré- 
ponse ne  tranquillisa  pas  ces  Pères,  car  enfin, 
ils  se  voyaient  en  compromis  avec  un  des 
plus  grands  tribunaux  de  Tempire,  qui  ne 
pouvait  manquer  d'être  piqué  de  ce  qu'on 
avait  eu  recours  a  l'empereui'  contre  sa  déci- 
sion ;  ainsi,  lolud'espi-rer  rien  d'avantageux, 
ils  avaient  tout  lieu  de  craindre  que  si  le 
rapport  de  ce  nouveau  président  n'était  pas 
favorable,  il  fût  plus  dfticile  que  jamais  d'en 
revenir,  à  moins  d'une  protection  spéciale 
de  la  divine  Providence. 

L'événement  fit  voir  qu'ils  ne  craignaient 
pas  vainement,  car  voici  quelle  fut  sa  ré- 
ponse, présentée  à  l'empereur  le  22  de  la 
dixième  lune,  c'est-à-dire  le  13  décembre: 
«  Yn-Ki-Chan,  président  du  tribunal  des  cri- 
mes, et  président  honoraire  du  Iribunal  de 
la  guerre,  présente  avec  respect  à  Votre  Ma- 
jesté ce  mémorial,  pour  obéira  l'ordre  qu'elle 


61S  CHI 

m'a  donné  d'examiner  le  mémorial  des  Euro- 
pé.vis,  et  de  lui  en  faire  mon  iap;)ort.  «Après 
avoir  fait  le  précis  du  mémorial  présenté 
par  les  missionnaires,  et  de  la  sentence 
du  tribunal  des  crimes  ,  où  il  rapporte 
les  réponses  faites  par  le  chrétien  et  par 
le  gardien  de  l'hùpital,  il  poursuit  ainsi: 
«  Examinant  les  registres,  j'ai  trouvé  que 
dans  la  douzième  lune  de  la  [)remière 
année  d'Young  -  Ching  ,  le  *  tribunal  des 
rites  délibéra  sur  un  mémorial  de  Mouan- 
Pao,  ceinture  rouge,  Tson-tou  ou  gouver- 
neur général  des  nrovinces  de  Tche-Kiang 
ou  Fou-Kien,  qui  clemandait  que  la  religion 
chrétienne  fût  proscrite,  quoiqu'on  pût  laisser 
les  Européens  à  Pékin  pour  y  travailler  à 
quelques  ouvrages,  et  s'en  servir  dans  des 
affaires  de  peu  de  conséquence;  mais  que 
pour  ceux  qui  étaient  dans  les  provinces,  on 
n'en  retirait  nul  avantage  ;  que  le  peuple 
stupide  el  ignorant  écoutait  leur  doctrine  et 
suivait  leur  religion,  se  remplissant  ainsi 
l'esprit  et  le  cœur  d'inquiétudes,  sans  la 
moindre  utilité  :  sur  quoi  il  demandaitqu'on 
condamnât  cette  religion,  qu'on  obligeât  ceux 
qui  l'avaient  embrasséed'y  renoncer;  et  que 
s'il  s'en  trouvait  dans  la  suite  qui  s'assem- 
blassent pour  en  faire  les  exercices,  on  les 
punît  rigoureusement,  sentence  qui  fut  ap- 
prouvée par  l'empereur.  De  plus,  à  la  troi- 
sième lune  de  la  première  année  de  Rien- 
Long  (1736],  les  régents  de  l'empire,  les 
princes  elles  grands  délibérèrent  sur  le  mé- 
morial de  Tcha-se-Hay,  mandarin  de  Tong- 
Tching-Se,  qui  demandait  qu'il  fût  fait  de 
rigoureuses  défenses  aux  soldats  et  aux  peu- 
ples d'embrasser  la  religion  clirétienne;  i|u'il 
s'en  t-rouvait  dans  les  huit  bannières  qui 
l'avaient  embrassée;  qu'on  ordonnât  h  leurs 
ofùciers  de  les  punir  sévèrement,  s'ils  y  per- 
sévéraient, et  que  le  tribunal  des  rites  pu- 
bliât, par  des  placards  afiichés  dans  toutes 
les  rues,  la  défense  qu'il  ferait  aux  Euro- 
péens, d'inviter  en  quelque  manière  que  ce 
lût,  les  soldats  ou  le  peu()le  à  suivre  leur  re- 
ligion; sentence  que  Votre  Majesté  a  a|)prou- 
vée,  qu'on  res[)e.;te  et  qu'on  garde  dans  les 
registres;  ainsi  la  défense  faite  aux  soldats 
et  au  peuf)le  d'embi-assrr  cette  religion  est 
évidemment  une  loi  de  l'empii-e  qu'on  doit 
respecter  au  dedans  et  au  delior-s. 

A  l'égard  de  l'atraire  |)résente,  un  homme 
du  peu|)le,  nommé  Licou-Eal,  est  entré  dans 
la  religion  chrétienne,  est  allé  à  1  hôpital  des 
jielits  enl'aits  abandonnés,  et  il  a  fait  usage 
d'une  eau  magi([ue;  il  a  violé  en  cela  la  loi, 
sa  déposition  en  fait  foi;  el  la  loi  porte  (ju(i 
pour  un  i)areil  crime  il  soit  coudaiimé  h  la 
carigue.  Les  sohJats  et  le  peu[)le  ne  sont  pas 
inslruitsdes  rigueurs  des  lois,  c'est  poui^pioi 
il  y  en  a  ipji  embrassent  cctli;  rciligion  ;  il  a 
donc  fillu  les  leurfairi;  conn.iitre  (;t  «Mivoycr 
la  sentfMice  au  gouverneur  de  l*ékin  et  aux 
mandarins  d(;s  cinq  dép.n-temenls  delà  ville, 
alin  (jue  h;s  tribunaux  en  aveilisscnt  bî  pu- 
blic |Mi'  l(;urs  afiiclies  ;  ([u'on  maintiimnc!  les 
lois  dans  leur  vigueur,  el  ((u'on  réveille  les 
sliipides.  C'est  ainsi  certainement  qu'on  doit 
faire  respecter  les  lois  et  traiter  les  allairos. 


CHJ 


616 


Pour  ce  qui  est  de  la  question  à  laquelle 
Lieou-Eul  a  été  appliqué,  on  a  eu  raison  de 
l'y  condamner,  parce  que  l'eau  qu'il  versait 
sur  la  tète  des  petits  enfants  a  du  rapport  à 
la  magie  et  en  a  toute  l'ajjparence.Le  crimi- 
nel ne  l'avouant  pas,  on  a  dû  le  mettre  à  la 
question;  c'est  la  coutume  du  tribunal,  fon- 
dée sur  la  raison,  alin  de  dé.nôler  le  vrai  d'a- 
vec le  faux  ;  il  faut  arracher  jusqu'à  la  racine 
de  toute  mauvaise  doctrine  qui  lend  à  trom- 
per les  peu|)les.  Ce  ifest  (pie  parce  que  les 
Européens  ont  (quelques  c  uinaissances  de  la 
science  des  nombres,  que  les  prédécesseurs 
de  Votre  Majesté,  pleins  de  bonté  pour  les 
étrangers,  ne  les  ont  i)as  obligés  de  s'en  re- 
tourner. Est-ce  qu'il  leur  est  [)ermis  de  ré- 
pandre lenr  religion  dans  l'empire,  de  ras- 
sembler de  côté  et  d'autre  nos  peuples,  et  de 
les  jeter  dans  le  trouble  par  leur  doctrine 
erronée?  Lieon-Eul,  qu'on  a  pris  et  qu'on  a 
mis  à  la  cangue,  est  entré  à  l'étourdie  dans 
la  religion  chrétienne;  il  n'est  point  chrétien 
européen.  Appartient-il  aux  Européens  de 
gouverner  ceux  qui  ont  embrassé  leur  reli- 
gion? S'il  est  vrai,  comme  ils  l'ont  rapporté 
à  Votre  Majesté,  (jue  Lieou-Eul,  suivant  les 
maximes  de  leur  religion,  ne  puisse  pas  être 
examiné  par  la  justice,  il  ne  sera  donc  plus 
permis  aux  mandarins  d'interroger  nos  Chi- 
nois qu'ils  auront  trompés  ?  Les  mandarins 
du  tribunal,  suivant  les  lois  établies,  gou- 
vernent les  Chinois.  Qu'y  a-t-il  en  cela  qui 
ne  soit  conforme  à  la  droite  raison?  Et  voilà 
cependant  ce  qu'ils  appellent  sentiment  par- 
ticulier et  disposition  de  cœur  à  les  calom- 
nier et  à  les  perdre.  Y  a-t-il  rien  de  plus  ab- 
surde? Les  étrangers  des  autres  royaumes 
sont  naturellement  fort  ignorants,  c'est  ce 
qu'il  n'est  pas  besoin  d'examiner  ici  ;  mais 
pour  ce  qui  regarde  le  gouvernement  dupeu- 
j)le,  on  ne  saurait  être  trop  exact  et  trop  sé- 
vère pour  inspirer  du  resjject  et  de  la  crainte 
pour  les  lois.  La  religion  des  Européens  ins- 
pire beaucoup  d'adresse  à  tromper  les  gens; 
il  y  aurait  de  grands  inconvénients  à  lui  ac- 
corder la  moindre  libeité  :  les  suites  en  se- 
raient fâcheuses  ;  on  ne  peut  s'em()ôther  de 
s'en  tenir  à  nos  lois.  Voilà,  sire,  ce  que  moi, 
iidèle  sujet  de  Votre  Majesté,  après  un  exa- 
men exact,  lui  ])résente  avec  i-espect  sur  la 
punition  d(; /-tfou-A'<f/,  et  l'ordre  de  déAnidre 
au  peuple,  par  des  alliclies  publi(pics,  d'en- 
trer dans  la  religion  chrétienne,  et  de  jires- 
crire  à  ceux  (|ui  y  sont  entrés  d'y  renoncer  : 
pi'osterné  jus(]u'à  terre,  je  prie  Votre  Majesté 
de  ra[)prouver.  » 

L'empereui-  approuva  ce  mémorial,  et,  le 
méni(!J(>ur,  les  missionnaires  turent  appelés 
au  palais  par  le  gi'aiid  madré  Hay-Ouang, 
pour  entendre  l'ordre  de  Sa  Majesté,  ipii  por- 
tad  (pu!  I(!  lril)unal  des  crimes  s'était  con- 
loi'iné  aux  lois  liiées  de  ses  registres  ;  qu'on 
leur  laissait  la  lii)(;rté  de  faire  dans  Imirs 
églis(!s  les  (ixercices  de  Imir  religimi;  (pi'on 
ne  voulait  pas  (pie  les  Chinois,  et  surtout  les 
Tarlar(!s,  gens  de  baninères,  en  lissent  pro- 
lessio  i;  (jne  du  reste,  ils  n'avaient  (pi'à  rem- 
pbr  hmr^  emplois  à  l'ordinaii-e.  Les  mission- 
naires écoutèrenlcet  ordre  à  genoux.  «  Nous 


ne  sommes  pas  venus  do  plus  de  six  mille 
lieues,  n^pondit  le  P.  Parennin,  pour  deman- 
der la  permission  d'ôtre  cluéliens,  d'en  faire 
les  fonctions,  de  prier  Dieu  en  secret  ;  la  cour, 
la  ville,  les  provinces,  savent  que  nous  ve- 
nons ici  pour  prôclier  la  religion  chrétienne 
et  en  môme   temps  rendre  à  l'empereur  les 
services  dont  nous  sounnes  capables.    Les 
empereurs,  prédécesseurs  de  Sa  Majesté,  et 
surtout  son  auguste  aujul,  ont  fait  examiner 
notre  docirine,  non  par  quelques  particuliers 
ignorants,   tels  que  sont  ceuv  qui  nous  ont 
accusés  sous  ce  règne  et  le  précédent,  mais  par 
tous  les  tribunaux  souverains,  par  les  grands 
du  dedans  et  du  dehors,  qui  tous,  après  une 
exacte  discussion  et  un  mûr  examen,  ont  dé- 
claré que  la  religion  chrétienne  était  bonne, 
véritable  et  entièrement  e\em[)te  du  moindre 
mauvais  exemple  ;  qu'il  fallait  bien  se  don- 
ner de  garde  de  la  proscrire  ou  d'empêcher 
les  Chinois  de  la   suivre  et  d'aller  dans  les 
églises  ;  cette  déclaration  fut  confirmée  par 
l'empereur   et  publiée  dans  tout  l'empire. 
Depuis  ce  temps-là  notre  sainte  religion  n'a 
point  changé,  elle  est  toujours  la  môme,  nos 
livres  en   font  foi  ;  pourquoi  donc  le  tribu- 
nal des  crimes  fait-il  emprisonner  les  chré- 
tiens ?  Pourquoi  les  punit-il  ?  Pourquoi  fait-il 
aflicher  des  placards  par  toute  la  ville,  pour 
obliger  ceux  qui  en  font  profession  d'y  re- 
noncer?   Pourquoi    ordonne-t-il  la  même 
chose  dans  les  provinces  ?  Si  c'est  être  cri- 
minel que  d'être  chrétien,  nous  le  sommes 
bien  davantage,  nous  autres,  qui  exhortons 
ies  peuples  à  embrasser  le  christianisme  ; 
cependant,  on  nous  dit  de  continuer  nos  em- 
plois ;   mais  avec  quel  front  pourrons-nous 
désormais  paraître?  Comment  pourrons-nous, 
couverts  de  honte  et  de  confusion,  avec  le 
nom  odieux  de  sectaires  et  de  séducteurs  du 
peuple,  servir  tranquillement  Sa  Majesté?  Si 
l'on  nous  disait  maintenant:  Retournez  dans 
votre  pays,  notre  condition  serait-elle  meil- 
leure ?  On  nous  dirait  en  Europe  :  N'avez-vous 
pas   comblé  d'éloges  le    nouvel  empereur? 
dans  combien  de  lettres  ne  nous  avez-vous 
pas  mandé  que  ce   grand  prince  récompen- 
sait les  gens  de  bien,  qu'il  pardonnait  aux 
coupables,  qu'il  vous  traitait   aussi  bien  et 
encore  mieux  que  ses  prédécesseurs  ?  Toute 
l'Kurope  s'en  réjouissait,  et  lui  donnait  mille 
bénédictions  :  aujourd'hui,  vous   voilà  hors 
de  la  Chine;  vous  l'avez  donc  obligé,  ou  par 
votre  mauvaise  conluite,    ou  par  quelque 
faute  éclatante,  de  vous  chasser  de  son  em- 
pire ?  Que  répondrions-nous,  seigneur? Nous 
croirait-on  sur  notre  parole?  Daignerait-on 
écouter  ce  que  nous  aurions  à  dire  pour  no- 
tre justificatioa?  Nous  voilà  donc  dans  le  dé- 
plorable état  de  ceux  qui  ne  peuvent  avancer 
ni  reculer:  que  nous  reste-il  autre  chose  que 
d'implorer  la  clémence  de  Sa  Majesté?  c'est 
notre  empereur,  c'est  notre  père,  nous  n'a- 
vons point  d'autre  appui  ;  pourrait-il  nous 
abandonner?  serions-nous  les  seuls  qui  gé- 
mirions dans  l'oppression  sous  son  glorieux 
règne.  Et  vous,  seigneur,  qui  nous  voyez  à 
vos  pieds,  daignez  lui  représenter  notre  afflic- 
tion et  nos  gémissements,  ou  permettez-nous 

DiGTIONN.    DES  PERSÉCUTIONS,   L 


cHl 


618 


do  les  offrir  par  écrit.  —  Par  écrit,  non,  dit 
ce  seigneur,  c'est  une  affaire  conclue  :  un 
grand  tribunal  a  pailé,  on  ne  peut  en  reve- 
nir.—Mais,  répliqua  le  Père,  plusieursgrands 
tribunaux  avaient  parlé,  comment  en  revient- 
on  aujourd'hui?»  Ce  seigneur  élail  réellement 
affligé  d'avoir  agi  en  faveur  des  missioruiaires 
avi.'c  si  peu  de  succès,  mais  il  n'osait  rece- 
voir aucun  écrit  :  «  Si  l'on  m'interroge,  dit-il, 
je  })arlei'ai  etje  vous  ren  Irai  service.  » 

C'est  avec  cette  réponse,  dont  il  fallut  bien 
se  contenter,  que  les  Pères  se  retirèrent.  Le 
lendemain,  vingt-troisième  de  la  lune,  c'est- 
à-dire  le  li  décembre,  l'empereur  se  rendit, 
sur  les  dix  heures  du  matin,  dans  lapparte- 
ment  où  le  frère  Castiglione  était  occupé  à 
peindre;  il  lui  fit  plusieurs  questions  sur  la 
peinture.  Le  frère,  accablé  de  tristesse  et  de 
douleur,  de  l'ordre  donné  le  jour  précédent, 
baissa  les  yeux  et  n'eut  pas  la  force  de  ré- 
pondre. L'empereur  lui  demanda  s'il  était 
malade.  «Non,  sire,  lui  répondit-il,  mais  je 
suis  dans  le  plus  grand  abattement.  »  Puis, 
se  jetant  à  genoux  :«  Votre  Majesté,  sire, 
condamne  notre  sainte  religion  ;  les  rues 
sont  remplies  de  placards  qui  la  proscrivent; 
comment  pourrons -nous  après  cela  servir 
tranquillement  Votre  Majesté?  Lorsqu'on 
saura  en  Europe  l'ordre  qui  a  été  donné,  y 
aura-t-il  quelqu'un  qui  veuille  venir  à  votre 
service.— Je  n'ai  point  défendu  votre  reli- 
gion, dit  l'empereur,  par  rapport  à  vous  au- 
tres :  il  vous  est  libre  de  l'exercer;  mais  nos 
gens  de  doivent  pas  l'embrasser.  —Nous  ne 
sommes  venus  depuis  si  longtemps  à  la  Chine, 
répondit  le  frère,  que  pour  la  leur  prêcher, 
et  l'empereur  Kang-Hi,  votre  auguste  aïeul, 
en  a  fait  publier  la  permission  par  tout  l'em- 
pire. »  Gomme  le  frère  dit  tout  cela  les  larmes 
aux  yeux,  l'empereur  en  fut  attendri  ;  il  le 
fit  lever  et  lui  dit  qu'il  exauinerait  encore 
cette  affaire. 

Le  vingt-quatrième  de  la  lune,  c'est-à-diro 
le  15  décembre,  le  grand  maitre,  Hay-Ouang^, 
se  trouvant  malade,  l'empereur  fit  appeler  le 
seizième  prince,  son  oncle,  pour  lui  donner 
ses  ordres  ;  c'est  celui-là  môme  qui  était  à 
la  tète  des  princes  et  des  grands,  lorsque,  la 
première  année  du  règne  de  cet  empereur,  il 
fut  fait  défense  aux  soldats  des  huit  ban- 
nières d'embrasser  la  religion  chrétienne. 
Ce  prince  fit  avertir  les  Pères  de  se  trouver 
le  lendemain  matin  au  palais.  Ils  furent  fort 
alarmés  de  ce  nouvel  ordre,  parce  qu'ils  con- 
naissaient la  mauvaise  disposition  de  ce  sei- 
zième prince  à  leur  é^ard  ;  \\s  redoublèrent 
donc  leurs  prières  pour  l'heureux  succès 
d'une  affaire  si  importante  ;  et,  suivant  l'or- 
dre qui  leur  avait  été  intimé,  ils  se  rendirent 
de  grand  matin  au  palais;  ils  y  attendirent 
jusqu'à  une  heure  après-midi,  que  le  seizième 
prince  sortît  de  l'intérieur  du  palais  et  vînt 
dans  les  appartements  extérieurs  oii  étaient 
les  missionnaires.  11  les  fit  entrer  dans  une 
chambre  écartée,  et  leur  renouvela  l'ordre 
de  l'empereur,  mais  bien  plus  radouci.  «  L'em- 
pereur, leur  dit-il,  n'a  point  défendu  votre 
religion;  Lieou-Eul  n'a  point  été  puni  parce 
qu'il  était  chrétien,  il  l'a  été  selon  les  lois  de 

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la  Chino  pour  d'autres  fautes.  »  Comme  le 
fait  qu'il  niait  était  (évident,  ce  prince,  pour 
donner  t^  ce  qu'il  avançait  un  air  de  vérité, 
aiouta:«  On  punit  à  KtChineles  Lamas,  les  Ho- 
chang,  les  Tsao-Ssé  (ce  sont  trois  ditTérentes 
sortes  de  bonzes)  qui  guérissent  les  malades 
en  les  touchant  h  la  tôle  et  récitant  des  priè- 
res. »  On  conçoit  assez  ce  que  l 'S  mission- 
naires répondirent  aune  semblable  compa- 
r.iison;  mais  sur  quoi  ils  insistèrent  le  plus, 
ce  fut  sur  ce  qui'  l'ordre  qu'ils  recevaient  do 
l'empereur  n'était  connu  que  d'eux  seuls,  et 
que  n'étant  pas  signifié  au  tribunal,  il  conti- 
nuerait à  faire  mettre  des  affiches  injurieuses 
à  la  religion  chrétienne,  non-seulement  à 
Pékin,  mais  encore  dans  toutes  les  provinces 
de  l'empire,  ce  (pii  autoriserait  les  mandarins 
à  tourmenter  les  chrétiens.  «  Je  vous  réponds 
du  contraire,  leur  dit-il,  soyez  en  repos  ;  et 
si  vous  avez  sur  cela  quehiue  peine,  fiites 
un  mémorial  par  lequel  vous  remercierez 
l'empereur,  en  lui  demandant  qu'il  ne  soit 
|)lus  permis  de  mettre  aucune  afiiche  con- 
traire à  la  religion  chrétienne  ;  je  le  ferai 
passer  à  l'empereur,  et  s'il  m'appelle  en  sa 
présence,  je  lui  exposerai  toutes  vos  raisons.» 

Les  missionnaires,  selon  le  conseil  du 
prince ,  dressèrent  un  nouveau  mémorial 
qu'ils  portèrent  le  lendemain  de  grand  ma- 
tin au  palais  ;  mais  ils  ne  purent  voir  le  prince 
qu'à  deux  heures  après  midi.  Il  reçut  le  mé- 
morial, le  lut,  mais  le  trouva  trop  fort:  «  Il 
semble,  leur  dit-il,  que  vous  vouliez  dictera 
rem[)ereur  ce  qu'il  doit  faire.  » 

Alors  il  résolut  de  h'ur  dnnner  par  écrit 
l'ordre  de  l'empereur,  qu'il  ne  leur  avait  dé- 
claré que  de  vive  voix  ;  il  le  dicta  à  un  écri- 
ra Il  du  ttalais  et  le  fit  communiquer  au 
grand  miîlre  Hay-Ouang  qui  ra|)prouva. 
Les  missionnaires  le  remercièrent  et  firent 
le  mémorial  suivant  pour  marquer  leur  re- 
coniiaiss  ince  îi  remp(!reur  :  «  Les  Euro- 
péens, Tay-S.n-Hien  {le  P.  Kngleri  et  autres 
olfrent  avec  re3[)ect  ce  mémorial  à  A'otre 
Majesté ,  [)0ur  la  remercier  d'un  bienfait 
inii.j,nft.  Le  '25  de  cette  lune,  le  prince 
Tchouang-Tsin-Ouang  (nom  du  seizième 
prince;,  et  le  gran  i  maître  Hay-Ouang,  nous 
oui  pui)lié  l'or  ire  de  \'olre  Aiajeslé  qui  dit  : 
<i  Le  tribunal  des  crimr's  a  pris  et  puni 
Likou-Ll'l,  pour  avoir  trunsyressé  les  lois  de 
la  Chine  ;  certainement  il  devait  être  ainsi 
puni  ;  cela  n'a  nul  rapport  à  la  religion  chré- 
tienne, ni  aux  J'Àiropéens.  Qu'on  respecte  cet 
ordre.  »  Nous,  vos  fidèles  sujets,  recevons 
ce  bienfait;  pleins  de  reconnaissance  et 
jjroslernés  jusqu'à  terre,  nous  lui  en  ren- 
dons de  très-humbhis  actions  de  gi'ûces,  et 
nous  osons  lui  liemandei-  (jue  pai-  un  elfet 
d(;  sonc(i3ur  bienfaisant,  elle  ne  j)erin(;lle  pas 
({u'on  allichc  des  cao-chi  ou  nlacai'ds  contre 
la  religion  chrétienne,  ut  (pi(!  le  nom  de  cliré- 
liou  un  .soit  pas  un  litre  [)Our  pi-endro  ou 
j»unir  peisonm;,  alin  ([iie  nous  jouissions  du 
boidietir  de  la  paix  de  son  glorieux  lègne. 
0"i  ind  même  nous  éjiuiserions  t(jut.  s  nos 
forc(!S  |.our  leconiiattre  un  tel  l)i  iifail,  nous 
n'en  pourriotis  rec(Minailre  jamais  la  dix- 
Uiilbuuiu  punie.  C'est  j.our  lui  on  rondro 


grAces  que  nous  lui  offrons  ce  placet,  le  27 
de  la  dixième  lune  de  la  seconde  année  de 
Kien-Long  (iS  décembre).  » 

Le  môme  .jour,  le  seizième  prince  vit  ce 
mémorial,  le  lut,  en  fut  content  et  le  fit 
passer  à  l'empereur  par  la  voie  ordinaire 
des  mémoriaux.  L'empereur  l'approuva  dans 
les  mômes  termes  et  avec  les  mômes  carac- 
tères dont  il  s'était  servi  pour  approuver  le 
mémorial  d'Yn-Ki-Chan,  que  j'ai  ra[>porté  ci- 
dessus.  Sa  réponse  fut  renvoyée  au  prince 
en  ces  termes  :  «  Ordre  de  l'empereur  :  à 
Vaveni}.,  on  ne  mettra  plus  d'affiches  contre 
la  religion  chrétienne.  »  Le  piince  leur  in- 
tima cette  réponse  d'un  air  gai,  et  comme 
ils  s'étaient  mis  à  genoux  pour  le  recevoir, 
il  les  tit  relever,  s'assit  et  les  fit  asseoir;  il 
h  ur  dit  ensuite  beaucoup  de  choses  obli- 
geantes qu'ils  écoutèrent,  comme  s'ils  eus- 
sent été  persuadés  qu'elles  partaient  d'un 
cœur  sincère  ;  il  les  exhorta  jusqu'à  deux 
fois  à  continuer  chacun  leurs  occupations, 
c'était  un  ordre  de  l'empereur;  il  leur  fit 
aussi  entendre  qu'il  signifierait  aux  giands 
mandarins  du  tribunal  des  crimes  la  ré[)onse 
de  l'empereur  à  leur  mémorial,  quoiqu'il  ne 
le  leur  [)roinît  pas  en  termes  exprès.  11  le  fit  en 
elfet,  mais  sim|)lemenl  de  vive  voix.  Quand 
les  mis^ionnaires  furent  de  retour  dans 
leur  maison,  ils  jugèrent  tous  que  celle  ré-" 
ponse,  signifiée  de  l,i  sorte,  ne  suffirait  pas, 
et  qu'il  tailait  prii^r  le  prince  de  la  f  iire  pas- 
ser au  tribunal  dans  les  formes  ordinaires  ; 
c'est  ce  qui  n'était  i^as  facile,  parce  qu'il  n'a- 
vait pas  sur  cela  un  ordre  [irécis  de  r^m[)e- 
reur,  et  que  d'ailleurs  c'était  faire  honte  h 
un  des  plus  grands  tribiinaux  de  l'empire, 
de  l'obliger  à  mettre  dans  ses  registres  le 
contraire  de  ce  qu'd  avait  demandé  à  l'em- 
pereur,  et  qu'il  avait  obtenu.  Nonobstant 
cette  difficulté,  qu'ils  ne  sentaient  que  trop, 
ils  ne  laissèrent  pas  de  dresser  un  écrit  où, 
sous  prétexte  de  remercier  ce  prince  des 
peines  qu'il  avait  prises,  ils  lui  demandèrent 
cette  giAci".  Quatre  d'entre  eux  allèrent  à 
son  hôtel  pour  lui  jirésenter  cet  écrit  ;  m  lis 
il  s'excusa  de  les  voir  sur  ce  (ju'ils  ne  fai- 
sait que  de  rentrer  chez  lui,  et  il  leur  fit  dira 
d'être  tranquilles  et  qu'il  avait  averti  les 
grands  mandarins  des  intentions  de  l'fnupe- 
reur.  On  fut  jusqu'au  commencemeni  de 
ranu'o  17;J8sans  entendre  dire  (|uo  le  tribu- 
nal eût  faitaucune  démarclie  sur  cette  affaire. 
VjO  no  fut  que  vers  le  l't  janvier  qu'on  ap- 
prit par  une  voie  silre  que,  dès  le  27  décem- 
bre, le  tribunal  des  crimes  avait  envoyé  le 
mémoiial  d'Vu-Ki-(^lian,  appiouvé  par  î'cm- 
p('i-eur,au  tribunal  duTou-tclia-yueiuel  dans 
toutes  les  provinces  de  l'empire,  pour  y  ôtn> 
inséré  dans  tous  les  registres.  Les  mission- 
naires en  furent  consternés,  car  il  y  avait 
tout  lieu  de  craindre  une  perséculion  géné- 
ral(!  d  iiis  tout  l'empiri^ 

Le  P.  Andn'î  Pereyra,  vice-|M'ovinciHl  des 
jésuiii's  poitugais,  (pii  (connaissait  le  tsong- 
t(»u  ou  gouvoiiieur  général  de  la  province  de 
Pi',lc.lie-ly,  lui  envoya  un  «alécliislo  à  son 
liôl(!l  d(!  Pt'kin,  où  il  était  alors,  pour  lui 
communi(iucr  lu  dernier  mémorial  offert  h 


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l'empereur,  avec  la  réponse  do.  Sa  Majesté,  et 
le  prier  de  ne  [tas  permelire  (pi'oii  nialtrailAt 
\es  clirélit'Ms  de  son  ^onverncnienl.  (le  nian- 
ilarin  demanda   ponninoi   l(vs   missionnaires 
n'avaient  pas  lait  me' Ire  ce  mémorial    el   la 
réponse  dans   les   gazelles    pid)li(pnvs,  où  il 
avait  vu  celui  dVn-Ki-Clian  ;  ipi'il  n'en  fallait 
pas  davantage  pour  contenir  les  mandarins 
des  provinces.  Le  catéchiste  répondit  ([u'ou 
avait  bien  voulu  l'y  faiie   mrllre,  mais  (jue 
le  gazelier  l'avait  refusé,  parce  qu(i  ce  mé- 
morial n'avait  pas  été  envoyé  par  l'empereur 
au  tribunal  des  ministres  d'Etat  pour  y  être 
enregistré  !   Sur  ([uoi  Ly-Ouei,  c'est  le  nom 
de  ce  tsong-lou,  lit  venir  un  de  ses  secré- 
taires et  lui  ordonna  de  prendre  le  mémorial 
et  la  réponse  de  l'empereur,  et  de  les  faire 
mettre  dès  ce  soir-là  même  dans  les  gazettes 
publi(iues,  atin  de  les  faire  passer  incessam- 
ment dans  toutes  les  [)rovinces  de  rem[)irc. 
Eu    renvoyant  le  catéchiste,    d    lui    recom- 
manda de\jre  au  P.  Percyra  qu'il  deva  t  se 
tranquilliser  sur  ce   qui  regaidait  les  chré- 
tiens de  son  gouvernement  et  qu'on  ne  les 
inquiéterait  {)oint  sur  leur  religion.  D'un  au- 
tre coté,  le  P.  Parennin  lit  imprimer,  avec 
tous  les  ornements  dont  on  décoie  les  ordres 
de  l'empereur,  les  trois  mémoriaux  qui  lui 
aval  nt  été  olForls  ei  ses  réponses,  lis  for- 
maient un  petit  livre  dont  on  lit   tirer   un 
grand    nombre   dexem|)laires,  pour  les  ré- 
pandre  partout  autant  qu'il   serait  possible. 
Outre  que   ce   remède  vint   trop   tard  pour 
])révenir  le  mal,  comme  il  était  dénué  des 
formaliiés  de  la  justice  qu'où  n'avait  pu  ob- 
tenir, il  s'en  fallut  bien  qu'il  pût  faire  une 
impression  semblable  à  celle  tpie  faisaient 
des  ordres  du  triimnal  des  crimes,  appuyés 
auparavant  de  l'au  orité  de  l'empereur.  On 
ne  fut   pas,   en  eifet ,   longtemps    sans    en 
éprouver  les  suites  (|u'on  a[)préliendait.  Les 
Pèies  portugais  reçurent  une  lettre  que  le  P. 
Gabriel  de  Turin,  franciscain,  missionnaire  de 
la  SacréeCongrégation, leur  avait  envoyée  par 
un  exprès,  où  il  exposait  le  tr.S;e  état  où  il 
se  tri.uvait  dans  la  province  ue  Chan-si,  en 
conséquence  des  cao-chi  ou  placards  ailichés 
contre  ia  loi  chrétienne,  condamnée  par  le 
tribunal  des  crimes.  11  mandait  qu'il  s'était 
retiré   sur  une   montagne,  dans  un  antre, 
avec  ses  plus  lidèles  domestiques,  et  que, 
malgré  les  précautions  qu'd  avait  prises  pour 
cacher  le  lieu  de  sa  retraite,  il   s'attendait 
d'y  être  arrêté  au  premier  jour,  chargé  de 
chaînes,  conduit  au  tribunal  des  mandarins, 
et  peut-être  à  Pékin,  dans  les  prisons  du  tri- 
bunal dus  crimes. 

Peu  de  jours  après,  le  R.  P.  Antoine  de  la 
Mère  de  Dieu,  franciscain  et  zélé  mission- 
naire, arriva  au  collège  des  Portugais,  dé- 
guisé en  pauvre,  pour  n'être  pas  reconnu  ; 
il  y  demeura  caché  tout  le  temps  qu'il  y 
resta,  disant  la  messe  de  grand  matin  et  ne 
sortant  point  de  sa  chambre  le  reste  de  la 
>ournée.  Il  était  venu  de  la  province  de 
Ghan-tong  à  Pékin,  parce  qu'en  suite  des 
ordres  du  tribunal  des  crimes,  tous  les  lieux 
de  sa  mission  étaient  remplis  d'affiches  con- 
fere  la  loi  chrétienne  j   ses  néophytes  ea 


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avaient  été  si  fort  effrayés,  que  nul  d'entre 
eux  n'osait  le  rec(ivoir  dans  sa  maison. 
Ouinzejours  étaient  à  pcùne  écoulés  que  le 
Ù.  P.  Keri-ayo ,  franciscain  et  missiomiairo 
de  la  Sacrée  Congrégation,  vint  pare  llement 
h  Pékin  de  la  |)rovince  de  Ghan-tong,  où  il 
était,  pour  y  chercher  quelque  |)rotection 
auprès  du  mandarin  qui  touinientait  les 
chrétiens  de  son  déi)artemcnt.  Le  P.  Pein- 
heiro,  su|)érieur  de  1  Eglise  ori(!nlale  des 
Pères  portugais,  auquel  il  s'adressa  particuliè- 
rement, se  doima  beaucoup  de  mouvement 
pour  lui  procurer  de  fortes  recommandations 
auj)rès  des  mandarins  de  sa  province,  avec 
lesquelles  il  retourna  dans  sa  mission  ;  et 
l'on  n'a  pas  su  que  le  feu  de  la  ijersécution 
y  ait  été  tout  à  fait  éteint. 

Le  10  août  de  la  même  année  1738,  la  fa- 
mille d'un  mandarin  d'armes^  toute  chré- 
tienne, arriva  do  la  province  de  Ghan-si  h 
Pékin.  La  pe.sécution,  ex(-itée  i)ar  I  ordie 
qu'on  y  avait  regu  du  tribunal,  avait  con- 
traint celte  famille  de  se  retirer  à  Si-ngan- 
fou,  qui  en  est  la  capi  aie.  Le  poste  de  ce 
mandarin  n'était  point  dans  cette  capitale,  il 
en  était  éloigné  de  huit  grandes  journé  s  ; 
mais  il  y  avait  loué  une  maison  pour  loger 
sa  famille,  afin  (|u'elle  prît  soin  de  son  pè  e 
qui  était  tiès-àgé  et  malade,  et  quelle  lui 
procurât  la  consolation  de  recevoir  les  sacre- 
ments pour  le  disposer  à  la  mort,  qui  n'était 
])as  éloignée.  Loisque  l'ordre  du  tribunal 
des  crimes  arriva,  on  fit  la  recherche  des 
maisons  où  il  y  avait  des  chrétiens.  Le  Tchi- 
hien  dans  le  département  duquel  était  !a 
maison  du  mandarin  chrétien,  eut  quelque 
soupçon  qu'un  Euro,)éen  s'y  était  cac  é  ;  il 
fit  semblant  d'ignorer  qu'elle  a[)pattînt  au 
mandarin,  et  il  y  envoya  des  officiers  de 
justice  pour  la  visiter  et  enlever  l'Européen. 
M.  Goncas  ,  évoque  de  Lorime  et  vicaire 
apnsloli.jue  de  cette  province,  s'y  était  en 
effet  relire.  Aussitôt  qu'on  sut,  dans  la  fa- 
milL',  que  les  officiers  venaient  visiter  leur 
maison,  ils  firent  cacher  le  prélat  dans  la 
chambre  de  deux  sœurs  du  mand-irin  chré- 
tien. Lorsqu'après  avoir  bien  cherché  dans 
tous  les  ap.artements,  ils  s'approchèrent  de 
cette  chambre,  les  deux  sœurs  en  sortirent 
comme  pour  leur  laisser  la  liberté  d'y  entrer; 
mais  n'osant  le  faire,  ils  se  contentèrent  d'y 
jeter  un  coup  d'œil  du  seuil  de  la  porte  et 
se  retirèrent. 

Le  Tchi-hien,  non  content  d'avoir  ordonné 
cette  visite,  quoique  depuis  la  mort  du  père 
du  mandarin  chrétien  il  n'y  eût  plus  dans  la 
maison  que  des  femmes,  leur  fit  dire  qu'elles 
eussent  à  renoncer  à  la  religion  chrétienne 
ou  à  se  retirer  d'un  lieu  qui  était  de  sa  ju- 
ridiction. Elles  firent  réponse  que  leur  parti 
était  pris  de  retourner  dans  la  province  de 
Petche-ly,  qui  était  leur  terre  natale,  et  elles 
se  retirèrent  en  effet  à  Pékin.  G'est  d'elles 
qu'on  tient  ces  particularités,  auxquelles 
elles  ajoutèrent  que  les  chrétiens  de  la  pro- 
vince de  Ghen-si  étaient  dans  le  trouble  et 
la  confusion. 

Au  mois  d'octobre,  Ly-ouei,  tsong-tou  de 
U  province  de  Petche-ly,  vint  à  Pékin  à 


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l'occasion  du  jour  où  l'on  cëlèbre  la  nais- 
sance (le  l'empereur,  car  ce  n'est  pas  à  Pékin 
qu'il  fait  sa  résidence  ordinaire,  11  fit  dire 
au  P.  Pereyra  de  bien  recommander  aux 
chrétiens  de  la  [irovince  de  tenir  une  con- 
duite si  mesurée,  qu'il  n'eût  aucun  re|iroche 
à  leur  faire  ;  et  que  dix-sept  ditféreuts  man- 
darins lui  avaient  présenté  contre  eux  des 
accusations  qu'il  avnit  supprimées.  Dans  la 
province  de  Hou-quang,  quoique  le  tsong- 
tou,  qui  est  de  la  famille  impériale,  soit 
chrétien,  quelques  mandarins  ne  laissèrent 
pas  d'afilclier  l'ordre  du  tribunal  des  crimes 
dans  les  dilïérents  départements, 

A  Siang-yang-fou,  qui  est  une  des  chré- 
tientés, le  tchi-hien  apprit  qu'à  la  montagne 
Moupan-clian  il  y  avait  un  grand  nombre  de 
chrétiens  qui  en  défrichaient  les  terres  ;  il 
fit  prendre  quelques-uns  des  chefs,  se  les  fit 
amener,  en  lit  souffleter  un  ou  deux,  et,  les 
effrayant  par  les  plus  terribles  menaces,  il 
leur  présenta  à  signer  une  déclaration  par 
laquelle  ils  promettaient  de  ne  plus  entrer 
dans  la  religion  chrétienne.  Un  d'entre  eux, 
qui  se  croyait  habile,  dit  que  par  ces  paroles 
on  pouvait  entendre  qu'ils  ne  se  feraient  pas 
rebaptiser,  et  qu'en  ce  sens  ils  pouvaient  si- 
gner la  déclaration  :  ce  qu'ils  firent,  et  ils 
revinrent  bien  contents  de  s'être  tirés  si 
adroitement  des  mains  du  mandarin,  A  leur 
retour,  le  missionnaire  les  traita  cooime  des 
apostats;  et  après  leur  avoir  fait  comprendre 
qu'il  n'était  jamais  permis  de  dissimuler  ni 
d'user  de  termes  équivoques,  et  bien  moins 
quand  il  s'agit  de  la  foi  et  dans  un  tribunal 
de  justice,  il  leur  refusa  l'entrée  de  l'église 
et  les  sacrements.  Les  chrétiens  reconnurent 
leur  faute  et  la  pleurèrent  amèrement  ;  ils 
demandèrent  publiquement  pardon  à  tous 
les  chrétiens  du  scandale  qu'ils  avaient 
donné,  et  s'offrirent  d'aller  au  tribunal  ré- 
tracter leur  signature  et  faire  une  profession 
ouverte  du  christianisme.  Au  même  temps 
Norbert  ïchao,  mandarin  de  guerre  et  fer- 
vent chrétien  ,  vint  trouver  le  tchi-hien,  et, 
après  lui  avoir  fait  les  plus  grands  reproches 
de  sa  conduite,  il  lui  demanda  l'écrit  signé 
des  néophytes  en  lui  disant  :  «  Ne  savez- 
vous  pas  que  je  suis  chrétien?  mais  ce  que 
vous  ignorez  peut-être,  c'est  que  le  tsong- 
tou  de  cette  province  et  tous  ses  officiers 
sont  chrétiens  comme  moi.  »  Le  tchi-hien 
fui  eifrayé  à  son  tour,  et ,  s'excusant  sur 
l'ordre  émané  du  tribunal  des  crimes,  il  |)ro- 
mit  bien  de  no  plus  in(}uiéter  les  chrétiens. 

{LcAi.  édif.,  t.  II,  p.  :n9.) 

L'empereur  Kliian-long,  comme  son  grand- 
père  et  son  père,  était  enchanié  d'avoir-  les 
missionnaires  dans  ses  Etats.  Il  |)rolilait  de 
leurs  services  et  de  leurs  connaissances  dans 
toutes  les  s(;i(;nces,  dans  tous  les  arts,  L(; 
P.  (îaubil,  jésuite,  était  devenu  l'homme  do 
]'cm[)irele  plus  savant,  même  dans  l'histoire, 
dans  les  scienccts  chinoises.  Le  P,  H(!noi.st, 
homme  universi  1,  savait  tout,  ou  inv(;ntail 
tout  pour  satisfaire  les  désirs,  les  caprices 
de  ce  soiiVi'iain.  Il  lui  construisail  des  palais 
à  rt!uro|>é(;tui(î,  lui  faisait  d(;s  jardins  av(!C 
des  j(,'ls  d'<;au,  et  des  machines  hydrauli<j[ues 


qui  rappelaient  A'ersaîlles  et  Marly;  il  ensei- 
gnait aux  Chinois,  avec  une  rare  perfection, 
la  gravure  sur  cuivre,  qu'il  n'avait  jamais 
apprise.  Le  frère  Castiglione  et  le  frère  Atli- 
ret  faisaient  d'admirables  peintures  pour 
l'ornement  des  palais  impériaux.  Cependant 
l'empereur  avait  le  mauvais  vouloir  ou  la 
faiblesse  de  tolérer  des  persécutions  et  quel- 
quefois d'en  faire.  Ainsi,  en  174-6,  il  s'en  al- 
luma une  que  nous  allons  raconter. 

C'est  dans  la  province  de  Fou-kien  que 
cette  persécution  a  pris  naissance  ;  celui 
qu'on  en  dr)it  i-egarder  comme  le  principal 
aute  ir  est  le  fou-yven  ou  vice-roi  de  cette 
province.  Les  accusations  formées  contre  le 
christianisme  se  réduisent  à  sept  chefs  : 
1"  que  la  religion  du  Seigneur  du  ciel  était 
prêchée  par  des  Européens  qui  ne  pouvaient 
se  trouver  et  demeurer  dans  l'empire  que 
contre.  l'S  ordres  de  l'empereur;  2°  qu'on 
engageait  le  peuple  à  entrer  dans  cette  reli- 
gion par  l'espérance  d'un  paradis  et  la  crainte 
d'un  enfer;  3°  qu'on  choisissait,  parmi  les 
chrétiens  les  plus  attachés  à  leur  religion  et 
à  toutes  ses  pratiques,  un  certain  nombre  de 
chinois  pour  les  mettre,  en  qualiié  de  caté- 
chistes, à  la  tête  de  cinquante  chrétiens  ; 
4°  que  les  chrétiens  n'honoraient  ni  leurs 
ancêtres,  ni  même  Confucius,  mais  qu'ils 
rendaient  toutes  sortes  d'honneurs  à  un 
étranger  nommé  Jésus  ;  5°  que  les  mission- 
naires avaient  établi,  i)armi  les  chrétiens,  la 
coutume  de  venir  leur  déclarer  secrètement 
toutes  leurs  fautes  et  tous  leurs  péchés,  deux 
fois  l'année  ;  6°  que  les  filles  et  les  femmes 
chrétiennes  affectaient  de  ne  point  porter 
des  habits  de  soie  et  de  ne  point  orner  leurs 
têtes  de  fleurs  el  de  pierreries,  et  que  parmi 
les  filles  il  y  en  avait  qui  renonçaient  pour 
toujours  au  mariage  ;  7°  que  dans  quelques 
maisons  des  chrétiens,  il  y  avait  des  murs 
do  blés  et  autres  retraites  pr-opres  h  tenir 
cachés  les  Européens,  et  que  ceux-ci  assenn- 
blaient,  dans  de  grandes  salles  bâties  exprès, 
les  chrétiens  et  les  chrétiennes,  leur  don- 
naient un  certain  pain  à  manger,  un  certain 

vin  à  boire,  et  les  oignaient  d'huile Ce 

sont,  en  substance,  les  accusations  envoyées 
au  vice-roi  ;  elles  ont  servi  de  matière  aux 
interrogatoires  qu'on  verra  se  n'itérer  si 
souvent  pour  trouver  des  motifs  à  une  sen- 
tence de  3ondamnation.  On  a  aussi  employé 
l'accusation  de;  magie,  tant  de  fois  mise  en 
œuvre,  dans  la  Chine  et  ailleurs,  contre  les 
prédicateur-s  de  la  re.igion  chrétienne. 
{Lett.  édif.,  t.  111,  p.  2.) 

Le  viee-r-oi  envoya  ce  procès-verbal  h  l'of- 
ficier Fan,  h  Fnu-ng^n.  Celui-ci  lit  partir  si-s 
troupes  en.  trois  bandes  pour  tra(]uer  et 
j)i cndr-e  les  Européens,  Les  deux  premières 
jtiirenl  dairs  la  ville  onz(î  chr-iUiermes,  une 
rrrariée,  deux  veuves  et  huit  vierges  vouées 
à  Dieu,  |)lus  cinri  (;hréliens  parmi  lesquels 
un  a|)oslal  eonculirn.iu-e.  L,i  tr-oi.sième  bande, 
.illant  au  village  de  Mo-yang,  prit  deux  chré- 
tiens (pri  allaient  aver-tir'  cirKi  ririssionnaires 
c/iehés  dans  ce  village,  Pieiie-Martyr  Sanz, 
évê(jire  de  Mauricastre,  les  PP.  Uoyo,  Alco- 
ber,  iîcrrauo  ut  Diuz,  tous  dominicains.  Au 


625 


cm 


cm 


626 


jour,  on  conduisit  h  Fou-ngan  les  prison- 
niers et  ce  (iiii  appartenait  aux  raissio-inai- 
res.  Le  P.  Alcober,  tpio  la  torture  empochait 
de  marcher,  fut  pris  et  porK^.  On  mit  en  pri- 
son six  chrét  eus.  Huit  femmes  chrétiennes 
furent  placées  dans  une  chambre  ;»  |)art.  Le 
P.  Alcober  fut  lo^^é  chez  le  gouverneur.  Le 
lendemain,  le  gouverneur  fil  comparaître  les 
chrétiens  et  les  chrétiennes.  Tous  r. 'fusèrent 
de  dire  où  était  lévéque.  Mais  l'apostat 
concubinaire  dit  qu'il  demeurait  avec  les 
missionnaires  chez  la  veuve  Miao,  l'une  des 
prisonnières.  Cette  femme  et  neuf  autres 
prisonnières  furent  cruellement  tourmen- 
tées. Kien  ne  put  les  faire  parler.  Une  on- 
zième, épouvantée  de  l'appareil  des  tortures, 
dit  ce  qu'elle  savait,  et  qu'on  l'avait  faite 
chrétieime  par  importnnité  et  malgré  elle. 
On  la  fit  reporter  en  chaise  chez  elle,  avec 
plusieurs  pièces  d'étoffe  de  soie  pour  récom- 
pense. Cet  interrogatoire  dura  jusqu'à  la 
nuit.  L'officier  Fan  tourmenta  si  cruollument 
les  chrétiens,  que  le  gouverneur  lui  en  fît 
des  reproches.  Mais  lui,  fier  de  ra|)pui  du 
vice-roi,  lui  dit  qu'il  mollissait  dans  les  de- 
voirs de  sa  charge.  La  nuit,  six  chrétiennes 
torturées  refusèrent  de  parler  ;  une  ser- 
vante, cédant  à  la  douleur,  mena  les  soldats 
au  lieu  où  étaient  les  PP.  Serrano  et  Diaz. 
L'officier  leur  demanda  vainement  où  était 
l'évéque.  11  fit  donner  des  soufflets  au  P.  Ser- 
rano et  la  torture  au  P.  Diaz.  Deux  infidèles 
qu'on  voulait  forcer  à  dénoncer  les  Euro- 
péens, furent  rudement  frappés  et  empri- 
sonnés plusieurs  jours.  Le  chrétien  qui  lo- 
geait l'évéque  lui  dit  :  «  Vous  me  compro- 
mettez; mon  voisin  Ambroise  Ko  a  été  tor- 
turé quatre  fois,  ses  biens  sont  confisqués, 
il  est  en  prison  ainsi  que  les  siens.  —  Mon 
ami,  dit  l'évéque,  sommes-nous  venus  ici, 
tout  ce  que  nous  sommes  de  missionnaires, 
pour  nO(S  intérêts  ou  pour  les  vôtres  ?  Si 
nous  sonnues  une  occasion  innocente  des 
maux  qu'on  vous  fait  souffrir,  ne  sommes- 
nous  pas  prêts  à  les  partager  avec  vous,  ou 
même  à  les  prendre  tous  sur  nous?  Mais 
vous  allez  être  satisfait.  »  Il  sortit  et  passa 
la  nuit  dans  un  jardin,  où  les  soldats  passè- 
rent deux  fois  sans  le  voir.  Son  hôte  ayant 
refusé,  quoi  qu'on  fit,  de  le  recevoir,  il  vint 
ostensiblement  dans  le  village  et  fut  empri- 
sonné le  30  juin.  Le  P.  Royo  suivit  son 
exemple. 

Tous  les  prisonniers  comparurent.  On  dit 
à  Thérèse  :  «  Qui  vous  a  conseillé  la  virgi- 
nité? —  Moi-même,  dit-elle.  — Combien  êtes- 
vous  de  femmes  servant  aux  plaisirs  des 
Européens?  —  Cette  odieuse  question,  dit 
Thérèse,  prouve  que  vous  ne  les  connaissez 
pas.  Nous  détestons  ces  horreurs.  »  Fan  fit 
torturer  Thérèse.  Les  autres  dirent  :  «  Nous 
restons  vierges  par  choix  volontaire,  à  l'exem- 
ple de  Thérèse  qui  nous  y  a  exhortées.  — 
C'est  vrai,  dit  cette  dernière  ;  moi  seule  dois 
donc  être  punie,  elles  toutes  renvoyées.  » 
Le  gouverneur  se  tournant  alors  vers  les 
missionnaires,  demanda  au  P.  Alcober  pour- 
quoi il  était  venu  à  la  Chine.  «  C'est,  répon- 
dit le  Père,  pour  prêcher  la  religion  chré- 


tienne. »  Et  Ih-dessus  il  expliqua  les  com- 
mandements de  Dieu.  L'ofïicier  Fan  lui  fit, 
au  sujet  des  prisonnièrcîs,  des  (piestions  que 
la  pudeur  ne  permet  pas  do  rapporter.  Le 
Père  lui  dit  eue  des  questions  si  dignes  d'un 
ministre  de  èatan  ne  méritaient  pas  de  ré- 
nonse.  L'ofiicier  adressa  ensuite  la  parole  à 
l'évéque  et  lui  demanda  depuis  (jucl  temps 
il  était  dans  l'emnire.  Le  prélat  lui  répondit 
qu'il  y  était  entré  sous  le  règne  de  l'empereur 
Kang-Hi,  pour  faire  connaître  la  sainte  loi  et  la 
seule  vérilablereligion.  lien  expliqua  ensuite 
les  principaux  points  avec  tant  d'éloquence 
et  d'onction  qu'il  toucha  et  attendrit  les 
assistants,  et  avec  tant  de  zèle  et  de  véhé- 
mence qu'à  la  fhi  la  voix  lui  manqua.  Le 
P.  Koyo,  interrogé  à  son  tour,  dit  qu'il  était 
dans  l'empire  de|)uis  trente  ans  pour  prêcher 
la  même  religion.  On  ne  demanda  rien  aux. 
PP.  Serrano  et  Diaz.  Le  10  juillet,  tous  les 
missionnaires,  cinq  chrétiens  et  la  généreuse 
Thérèse  partirent  de  Fou-ngan  pour  être 
conduits  à  Fou-tcheou-Fou ,  capitale  de  la 
province,  distante  de  cette  première  ville  de 
vingt-sept  lieues.  Ils  étaient  chargés  de 
chaînes  qui  leur  tenaient  les  mains  et  les 
pieds  étroitement  serrés,  et  dans  cet  état  ils 
furent  portés  sur  des  charrettes,  suivis  d'un 
grand  norrdjre  de  chrétiens  qui  enviaient 
leur  sort  et  qui  les  exhortaient  à  soutenir  la 
gloire  de  la  sainte  religion.  D'autres  chré- 
tiens accoururent  aussi  de  divers  endroits 
pour  leur  offrir,  à  leur  passage,  des  rafraî- 
chissements. Les  infidèles  venaient  en  foule 
de  toutes  parts,  attirés  par  la  nouveauté  du 
spectacle.  Les  uns  chargeaient  d'injures  les 
saints  confesseurs  de  Jésus-Christ,  les  appe- 
lant magiciens,  impudiques,  scélérats,  fils 
du  diable,  et  leur  donnaient  tous  les  autres 
noms  que  leur  malice  leur  suggérait.  Quel- 
ques autres  se  montraient  compatissants  et 
reprenaient  les  premiers.  «  11  suffit  de  les 
voir,  disaient-ils,  pour  reconnaître  leur  in- 
nocence ;  des  hommes  coupables  des  crimes 
qu'on  impute  à  ceux-ci  ne  sauraient  avoir 
cet  air  respectable  que  nous  leur  voyons.  » 
A  leur  arrivée  dans  la  capitale,  le  vice-roi, 
impatient  de  les  examiner,  les  fit  sur-le- 
champ  comparaître  devant  son  tribunal  en- 
tre six  et  sept  heures  du  soir  et  les  y  retint 
jusqu'à  minuit,  renouvelant  à  peu  près  les 
mêmes  questions  qu'on  leur  avait  faites  à 
Fou-ngan. 

Entre  autres  interrogatoires  qu'il  leur  fit 
à  tous,  il  demanda  à  l'évéque  par  l'ordre 
de  qui  il  était  venu  dans  la  Chine  et  s'il  en- 
gageait les  Chinois  par  argent  à  se  faire 
chrétiens.  Le  prélat  répondit  que  le  souve- 
rain pontife  l'avait  envoyé  pour  prêcher  la 
religion  chrétienne.  «  Pour  ce  qui  est,  ajou- 
ta-t-il,  d'engager  les  Chinois  à  l'embrasser 
par  argent,  je  suis  bien  éloigné  de  le  faire. 
On  m'envoie  tous  les  ans  d'Europe  ce  qui 
est  nécessaire  pour  mon  entretien  et  rien  de 
plus.  Ma.  manière  d'engager  ceux  qui  veulent 
m'écouter  à  se  faire  chrétiens,  est  de  leur 
montrer  l'excellence  de  la  religion  que  je 
leur  prêche.  Je  le  fais  simplement  et  sans 
art;  je  ne  trompe  personne,  je  ne  baptise 


6-27 


cm 


que  ceux  qui  le  veulent  bien  ;  il  faut  même 
qu'ils  le  demandent  instaminent,  et  c'est  ce 
que  ne  peuvent  manq'ier  de  l'aire  ceux  qui 
con'iaissent  notre  religion.  La  Chine  ne 
so;)stine  à  la  rejeter  que  p;u'ce  qu'elle  ne  la 
connaît  pas  ;  mais  elle  résiste  en  vai-i,  il 
faudra  bien  qu'elle  l'accepte  un  jour.  Ceux 
qui  vivent  conformément  aux  lois  de  cette 
religion  sainte  jouiront,  après  leur  mori, 
d'une  félicité  éternelle;  et  ceux  qui  auront 
refusé  opiniAtrément  de  s'y  so  uneltre,  ne 
I)euvent  >'viter  de  tomber  dans  un  abimc  de 
feux  et  de  su  )plices  qui  n'auront  pas  plus 
de  lin  que  les  récompenses  des  justes  ;  au 
reste,  les  rangs  honorables  et  les  plus  hautes 
dignités  du  monde  ne  [)'nivent  mettre  [)er- 
sonna  à  c  )uvert  de  cet  enfer;  vous-même, 
m  inseigneur,  avec  toute  votre  autorité  et 
l'éclat  de  la  place  qni  vous  élève  si  fort  au- 
dessus  de  la  |)lupart  des  autres  hommes, 
vous  avez  à  ap|)réhender  l'extrèrao  malheur 
d  >nt  tous  sont  menacés,  et  vous  ne  pouvez 
l'éviter  qu'en  reconnaissant  la  vérité  et  en 
suivant  la  sainte  religion.  » 

Ce  discours,  si  di-ne  du  zèle  d'un  apôtre, 
ne  tarda  pas  h  être  payé  de  vingt-cinq  souf- 
lleîs  que  le  vice-roi  tii  donner  inlnunaine- 
nicnt  au  saint  prélat  ;  après  quoi  il  ordonna 
qu'où  distribuAt  les  trois  l)andcs  des  confes- 
seurs de  Jésus-Christ  dans  les  prisons  de  la 
ville,  ce  qu'on  n'exécuta  qu'avec  peine  dans 
le  reste  de  la  nuit.  Deux:  jours  après  arrivè- 
rent à  Fou-ngan  neuf  autres  chrétiens  et 
cinq  chrétiennes,  et,  le  30  juill  t,  tous  ceux 
qui  étaient  dans  les  fers  comparurent  en- 
semble devant  un  tribunal  composé  de  plu- 
sieurs mandarins  dont  chacun  était  gouver- 
neur d'un  bien,  c'est-à-dire  d'une  ville  de 
troisième  ordre  ou  d'une  portion  d'une  plus 
grande  ville  équivalente  à  une  ville  du  troi- 
sième ordre.  On  demanda  aux  prisonniers 
pourquoi  ils  s'étaient  attachés  à  la  religion 
cbrétierme;  ils  dirent  unanimement  (}u'ils 
l'avaient  embrassée  et  qu'ils  voulaient  con- 
tinuer à  la  suivre,  parce  qu'ils  la  reconnais- 
saient pour  véritable.  Un  seul  déclara  qu'il 
y  renonçait  et  protesta  qu'il  n'avait  été  jus- 
que là  chrétien  que  [tour  obéir  à  ses  [jarents, 
(jui,  étant  eux-mêmes  de  cette  religion,  l'y 
avaient  fait  entrer  et  l'y  avaient  élevé.  Ce 
discours  déplut  à  l'un  des  juges  :  il  reprit 
aigrement  cet  apostat  et  lui  dit  qu'il  mon- 
trait un  bien  mauvais  ca'ur  ûo  vouloir  aban- 
donner les  exemples  et  les  enseignements 
de  ses  jj.irents.  Les  juges  mar(pièrent  en- 
suite à  plus  d'une  re|)ns(î  leur  compassion 
1)0ur  les  chrétic'nnes,  (!n  voyant  leurs  malus 
lorribleuHuit  meurtries  par  les  tortures.  Ils 
adressèrent  surlout  la  parole  à  la  plus  jeuiu', 
qui  y  avait  été  ap|iliquée  deux  fois.  «  Oui 
vous  a  si  cruelliMuent  maltraitée?  lui  de- 
niandèrcnt-ils.  — (^est  f)ar  ordre  (h;  l'ollicier 
Fan,  répondit-elle,  (jue  nous  avons  toutes 
.S(»uirert  la  (|Uf;slion.  —  Pour(pioi,  lui  dirent 
les  juges,  n(!  port(!Z-vous  sur  la  tète  aucune; 
jianire,  cOMuru!  Ilciws,  pi(!rreries  et  perles? 
—  l'ont  cela  ri'(;st  qur;  vanité,  répli(|ua-t-(!lle; 
notre  sainte  rcdigioti  nous  apprend  à  uK'pri- 
ser  la  gloiro  pa.ssagère  et  les  faux  (tlaisiis  de 


cm  638 

cette  vie  ;  tout  cela  n'est  rien  encomparai- 
son  du  paradis  que  nous  voulons  mériter.  » 
L'ollicier,  dans  les  instructions  qu'il  ava't 
données,  avait  accusé  les  missio  n.aires  d'im- 
pudicité  et  d'^  magie.  L'unique  fondement 
d'une  calomnie  si  atroce  étaient  quehjues 
remèdes  trouvés  parmi  leurs  elfets,  et,  en 
particulier,  une  caisse  d'ossements  que  le 
P.  Alcober  avait  mise  en  dé|)ôtchez  un  chré- 
tien. L'oilii'ier  prétendait,  en  premier  lieu, 
f|ue  les  missionnaires  tuaient  de  [)etits  en- 
fants et  liraient  de  leurs  tôles  des  filtres  'Pro- 
pres h  faire  consentir  le  sexcî  aux  plus  iiifà- 
mes  passions;  en  second  lieu,  que  l'usage 
des  remè  les  européens  était  d'en  em  ôc  ler 
les  suites.  Les  missionnairi'S,  interrogés  sur 
ces  deux  accusalimis,  répondirent  qu'elles 
étaient  toutes  deux  fausses  et  que,  de  plus, 
la  pre.uière  était  absurde.  «  Mais,  dirent  les 
juges,  qu'est-ce  donc  que  cette  caisse  d'osse- 
nitmts?  qu'en  faites-vous,  si  vous  ne  vous 
en  servez  pas  pour  exercer  quehiue  art  ma- 
gique?—  Ce  sont,  répondirent  les  mission- 
naires, les  précieux  restes  d'un  de  nos  pré- 
décesseurs, 'l'une  vertu  extraordinaire,  le- 
quel ,  sous  la  dynastie  précédente,  fut  tué 
par  une  ban  le  de  voleurs.  Nous  aurions 
souhaité  pouvoir  les  envoyer  en  Europe, 
dans  lo  royaume  qui  est  sa  patrie  et  la  no- 
tre; mais  nous  n'en  avons  pas  encore  trouvé 
l'occasion  favorable  depuis  qu'ils  nous  ont 
été  remis  entre  les  mains  par  les  chrétiens 

3 ni  les  avaient  recueillis.  »  Kn  conséquence 
e  cette  déposition,  les  juges  voulur -ni  faire 
la  visite  de  la  caisse.  Ils  se  transportèrent 
hors  de  la  ville,  où  elle  était  gardée  par  des 
soldats;  et  ayant  pris  avec  eux  des  expei'ls 
dont  la  profession  est,  à  la  Chine,  d'exami-- 
ner  les  cadavres,  on  trouva  les  ossements 
presque  en  poussière.  L'ollicifT  Fan,  (pii 
était  présent,  s'en  prévalait,  comme  si  c'eût 
été  un  Indice  que  c'étaient  des  ossements 
de  petits  eiil'anls.  L(îs  experts,  au  coulraire, 
disaient  (|u'a  les  voir  ou  ne  fiouvait  juger 
autre  chose,  sinon  qu'ils  étaient  d'une  per- 
sonne morte  au  moins  depuis  un  siècle.  Los 
juges  ne  savaient  que  décider,  lorscju'ti  force 
d'examiner  on  trouva  un  article  de  vei'lèbre 
assez  entier  pour  être  mesuré.  Sa  hauteur 
était  de  ciiKf  lignes  et  demie  du  pied  chinois, 
d'où  il  résultait  que  les  cs^cmeiits  étaient 
d'une  grande  peisonne.  (Le  pied  chinois  se 
divise  en  10  pouces  Si'uhnnent,  et  lo  pouce 
en  M)  ligues.)  Le  fm  était  évidiuit  :  lit  comme 
l'ollicier  Fan  s'ol)sti  lait  encoi-e  à  sont,  iiir 
que  c'c'laient  des  ossements  d'enfauls,  los 
juges  lui  (Ui  tirent  des  reproches  amers  et 
l'acciisèriMit  de  mauvai>^e  f  )l  et  d'ignoranco. 
«  'renons-nous-en,  ajoulèrcMil-ils,  aux  livres 
d(!s  tribunaux  (pii  maiipieiit  la  mesure  des 
osseiiuuits  du  coriis  humain  (;t  (pii  prescri- 
vent la  manière  dont  nous  diivous  procéihu* 
dans  CVS  sortes  de  vérilicali(Uis  ,  autrenniiil 
nous  allons  coiiln;  les  lois,  el  nous  nous  ren- 
dons coupables  d'un  crune  tpie  le  ciel  pu- 
nira dans  nos  descondants;  faites  votre  rap- 
port à  votre  gré,  c'est  votre  all'aire  ;  pour 
nous,  dussifuis-nous  iKM'dnt  notre  cliarge, 
nous  voulons  jugi'r  selon  ré(iuilé.  w  Ils  clé- 


m  cm 

claiôrent  ensuite  qu'il  était  temps  do  drps«;cr 
1  acte  do  véiilicatioii  et  de  relVriner  la  caisse, 
mais  (|ue  cIluiim  devait  y  a|»|)osc'r  son  sceau, 
aliu  de  prtWeiiii'  luulo  laiisso  itiiputalion. 
I/odifier  protesta  (ju'il  n'eu  ierail  ricii  et 
(ju'il  110  situerait  pas  le  procès-verhd.  Ce- 
peiuiuMt  les  ju^^es  le  foicèienl  eiidii  à  l'aire 
l'un  et  l'autre,  et  ils  appoi  lèreul  l'acte  au 
juge  criminel  de  la  province,  (jui  anprouva 
et  leur  [>roc('dé  et  la  sente-u o  dans  la- 
quelle ils  déclaraient  les  missio-uiaires  in 
ijucents. 

De  son  côté,  l'olTicior  Fan  alla  accuser  les 
juj;es,  au()rès  du  vic(>-roi,  de  s'être  l.iissés 
corrompre  par  argent.  11  lui  dit  que  des  chi  é- 
ticns  étaient  venus  de  Fou-nyan  avec  des 
sonnnes  considérables,  qu'ils  avaient  lépan- 
dues  abond  nnnent  dans  les  tribunaux,  et 
que  les  soldats,  les  grediers,  et  géuéra- 
lenient  tous  les  ot'lieiers  étaient  gagnés.  Sur 
celte  accusation,  quoiijue  de>tituéi!  de  preu- 
ves, le  vieo-roi  cassa  tontes  les  procédures; 
il  appela  d'autres  gouverneurs  h  la  place  des 
premiers,  et  il  tit  venir  des  villes  voisines 
d'autres  chrétiens,  et  enparlicul  er,  la  chré- 
tieiHie  que  l'ofticier  Fan  avait  récompensée 
pour  avoir  apostasie,  et  pour  avoir  indu}ué 
les  tiemeures  des  missionnaires.  Cette  chré- 
tienne se  re[)entait  déjà  de  son  apostasie; 
elle  la  rétracta  alors,  et  elle  accusa  l'ofiicier 
de  la  lui  avoir  conseillée  auparavant,  en  se- 
cret, et  de  l'y  avoir  déterminée  par  ses  arti- 
fices. Le  vice-roi  ht  encore  emprisonner  des 
gentils,  arrivés  depuis  peu  de  Fou-ngan,  et 
l'aubergiste  qui  les  logeait.  11  fit  en  même 
temps  arrêter  des  marchands  qui  portaient 
tous  les  ans,  de  Canton  dans  le  Fou-Kien,  la 
'pension  pour  les  missionnaires;  et  des  chré- 
tiens qui  étaient  venus  de  Fou-ngan,  pour 
secoui  ir  les  prisonniers,  et  qui  furent  con- 
vaincus d'avoir  donné  de  l'argent  aux  soldats, 
pour  procurer  quelques  soulagements  aux 
confesseurs  do  la  foi.  Les  soldats  môme 
furent  cassés  de  leurs  charges  et  condamnés 
à  porter  deux  mois  la  cangue;  enfin,  tout 
alla  au  gré  de  l'officier  Fan.  Les  chi  étiens  et 
même  les  gentils  furent  maltraités  selon  son 
caprice.  H  mit  les  uns  à  la  cangue,  et  con- 
damna les  autres  à  la  bastonnade  ou  à  être 
reconduits  chez  eux  chargés  de  chaînes.  11 
ordonna  à  six  chrétiens  d'adorer  une  idole, 
et  cinq  d'entre  eux,  ayant  refusé  constam- 
ment de  le  faire,  reçurent,  par  son  ordre,  cha- 
cun qu.-^rante  coups  de  b;Uon;  le  sixième  eut 
la  lâcheté  impie  de  lui  obéir. 

Aussitôt  que  les  nouveaux  juges  furent 
arrivés,  ils  commencèrent  de  nouveaux  in- 
terrogatoires, et  ils  les  réitérèrent  à  l'infitii, 
dans  l'espérance  de  trouver  q  lelque  preuve 
de  rébefion,  dimpudicité  ou  de  mage.  On 
appliqua  le  P.  Diaz,  et  ensuite  Thérèse  à  la 
torture,  sans  en  pouvoir  tirer  aucun  aveu 
qui  donnât  lieu  à  une  sentence  de  condam- 
nation. On  voyait  tous  les  jours  les  m  ssion- 
naires  revenir  de  l'audience  à  la  prison,  le 
visage  entlé  et  meurtri  de  soufflets.  Le 
P.  Serrano  en  eut  la  peau  des  joues  enlevée, 
çt  le  visage  tout  ensanglanté.  M.  L'évêque 
en  a  reçu  en  tout  quatre-vingt-quinze,  sans 


riii 


630 


qu'on  ait  ou  le  moindre  ménagf>mont  ]ionr 
son  grand  âge.  Outre  les  soufilets,  les  P.  Al- 
cobcit  et  I\oyo  ont  soulfeit  une  fois  la  bas- 
ton  ade;  II!  •*.  Dia/.  l'a  so:,ll"orte  deux  fois,  et 
deux  fois  la  torture  aux  pieds. 

Cependant  le  vice- roi  pn.'ssriii  les  jnges 
de  porter  un  ari'êt  de  con<laiunUio  i,  et  il 
comimnieait  h  appeler  leurs  dél.iis  des  Icn- 
teuis  allV'Clées;  h^s  juges  étaient  au  déses- 
poir de  ne  pas  Irvjuver  matièr-e  à  une  sen- 
tence (pii  prtt  être  de  son  goilt;  enfin  ils  se 
délcnruuièrinit  h  recommencer  les  procédu- 
res, (pii,  poui'  cette  fois,  aboutirent  ii  ron- 
danni'n-  les  missionn  tires  (!t  (juehpies  clné- 
ti(ms  h  l'fîxil,  et  les  autres  clirétitMis  et  chié- 
liennes  à  de  moindres  peines.  L''  mhanas 
decesj'iges  n'était  pas  d'a.corder  la  droi- 
ture naturelle  avec  la  condanination  qu'on 
exigeait  d'eux  :  ils  étaient  tous  résolu-  de  sa- 
crifier la  justice  h  la  faveur  du  vice-roi  ou 
du  moins  h  la  crainte  de  son  ressenliinent  ; 
mais  il  fallait  garder  une  forme  dans  le  ju- 
gement, et  faire  parler  les  lois  dans  une  sen- 
tence où  ils  [)ortaient  la  sévérité  juscju'au 
dernier  supplice;  c'est  le  parti  qu'ils  prirent. 
La  sentence  fut  dressée  et  envoyée  au  vice- 
roi  qui  11  fit  passer  à  l'empereui'. 

Dans  le  temps  que  l'on  |)Ortait  dans  le 
Fou-Kien  cette  sentence  conîre  ces  généreux 
confesseursde  la  foi,  l'empereur  envoyait  des 
ordres  secrets  à  tous  les  tsong-tou  ou  gou- 
verneurs do  deux  provinces,  et  au  fou-yven 
ou  vice-roi  d'une  province,  de  faire  toutes 
tes  diligences  nécessaires  pour  découvrir 
s'ils  avaient  dans  leurs  districts  des  Euro- 
péens ou  autres  personnes  qui  euseignas- 
sent  une  religion  appelée  Tien-Tchu-Kiao, 
c'est-à-dire  religion  du  Seigneur  du  ciel  ;  et 
de  dégrader  tous  les  mandarins  subalternes 
qui  se  montreraient  négligents  à  faire  par 
eux-mêmes  les  visites  convenables,  pour 
parvenir  à  abolir  une  religion  traitée  de 
secte  perverse.  En  conséquence,  tout  a  été 
mis  en  mouvement  dans  les  quinze  provin- 
ces. Les  ordres  de  l'empereur  ont  été  plus  ou 
moins  fidèlement  exécutés ,  selon  que  les 
tsong-tou  et  fou-yven  les  ont  dilféremraent 
interprétés  à  leurs  inférieurs.  Dans  plusieurs 
endroits,  on  a  emprisonné  et  condamné  à  la 
torture  et  à  la  bastonnade;  dans  d'autres,  on 
a  pillé  les  maisons  des  cljrétiens,  et  ruiné 
leurs  familles;  la  fureur  des  idolâtres  a 
éclaté  sur  tout  ce  qui  a  iparteu.dt  à  la  reli- 
gion ;  saintes  imagos,  croix,  chapelets,  orne- 
ments d'église,  reliquaires,  mé  lailles,  tout 
a  été  la  proie  des  flammes,  rien  n'a  échappé 
à  leur  vigilance  sacrilège.  L-es  livres  chm  )is 
qui  traite  m  de  not;e  s  inte  religion,  et  qui 
jusqu'à  pi'ésent  avaient  été  éiir.rgiiés  ort  été 
pareiileiuenl  condaoïnés  au  feu.  La  plupart 
des  égiises  ont  été  détruites  de  fond  en 
comble.  Combien  en  a-t-il  coûté  aux  zélés 
adorateurs  du  vi-ri  Dieu,  de  se  voir  arracher 
par  vio  ence  les  marques  de  leur  tendre 
piété!  Us  les  ont  cachées  ou  défendues,  au- 
tant qu'd  leur  a  été  possible;  mais  la  persé- 
cution les  a  a-ussi  presque  partout  attaqués 
dans  leurs  personnes.  Parmi  ceux  qui  ont 
été   traînés  devant  les  tribunaux ,  il   s'ea 


C31 


cm 


CiU 


152 


est  trouvé  dans  toutes  les  cnrétientés  qui  se 
sont  montrés  fermes  et  inébranlables  dans 
leur  foi;  souvent  même,  ceux  qui  l'avaient 
embrassée  récemment,  l'ont  bonorée  par  leur 
constance  à  la  professer  au  milieu  des  tour- 
ments. La  ferveur  en  a  porté  quelques-uns 
à  se  présenter  d'eux-mêmes  aux  mandarins, 
pour  avoir  occasion  de  souffrir  pour  la  foi. 
C'est  ce  que  lirent  en  particulier  deux 
chrétiens  de  la  province  de  Chan-Tong  qu'on 
n'avait  point  recherchés.  Ils  allèrent  trouver 
leurs  mandarins,  l'un  tenant  un  crucifix,  et 
l'autre  une  image  à  la  main  :  «  A  ces  mar- 
ques, lui  dirent-ils,  reconnaissez  que  nous 
sommes  de  la  même  religion  que  ceux  à  qui 
vous  faites  souffrir  les  questions,  les  basr 
tonnades  et  les  prisons;  autant  coupables 
qu'eux,  nous  méritons  comme  eux  tous  ces 
châtiments.  »  II  faut  savoir  jusqu'où  va  le 
respect  du  peuple  pour  ses  mandarins,  ou 
})Iutùt  la  crainte  qu'il  en  a,  pour  comprendre 
tout  l'héroïsme  de  ct^^'tte  démarche.  Le  man- 
darin se  porta  à  un  tel  excès  de  colère  qu'il 
arracha  lui-même  le  crucifix  des  mains  du 
chrétien  qui  le  portait,  et  lui  en  donna  des 
souftlels.  Il  faut  néanmoins  convenir  que 
tous  les  chrétiens  de  la  Chine  n'ont  pas,  à 
beaucoup  près,  montré  le  même  attache- 
ment et  le  même  zèle  pour  la  religion  sainte 
qu'ils  professaient.  C'est  avec  une  extrême 
douleur  que  nous  avons  apj)ris  que  plu- 
sieurs, dans  divers  endroits,  l'avaient  hon- 
teusement désavouée  et  hlcheraent  ab'tn- 
Jonnée;  il  y  a  même  des  chrétientés  oiî  le 
plus  g;  and  nombre  a  signé  des  actes  d'aposta- 
sie, dressés  par  les  mandarins  des  lieux.  Les 
missionnaires  nous  éciivent,  l'amertume 
dans  l'àme  et  les  larmes  aux  yeux,  la  défec- 
tion d'une  grande  partie  de  leur  troupeau,  et 
celle  même  de  plusieurs  chrétiens  distingués, 
sur  la  piété  et  la  ferveur  desquels  ils  avaient 
le  plus  compté.  La  plupart  d'entre  eux  ont 
eu  peine  à  trouver  un  asile  pour  se  dérober 
aux  recherches  ;  plusieurs  missionnaires  , 
rebutés  partout,  ont  pris  le  parti  de  se  ca- 
cher dans  des  barques,  et  de  courir  les  lacs 
et  les  rivières;  d'autres  se  sont  exposés  à 
faire  le  voyage  de  Macao.  Du  nombre  de 
ceux  qui  ont  osé  tenter  cette  dernière  voie, 
jxjur  se  soustraire  aux  plus  vives  recherches, 
a  été  le  1*.  Baborier,  jésuite  français.  J'ai  vu 
arriver  ici  ce  vieillard  septuagénaire.  La 
Providence  avait  favorisé  son  voyage  qui  fut 
de  près  de  300  lieues:  mais  elle  i)ermit  qu'en 
arrivant  à  Macao  la  nuit,  afin  d'échapper  aux 
corps-de-garde  chinois,  il  brisAt  contre  un 
roctier  la  |)elite  barcjue  qui  le  portait;  il 
grimpa  ciuiime  il  put,  dans  les  ténèbres,  sur 
une  pet  te  montagne  escarpée,  et  nous  en- 
voya au  point  du  jour  t.on  batelicT.  en  grand 
.secret,  pour  d(;mander  des  habits  européens. 
C(!  vénérable  missionnaire,  (pii  pendant  une 
longue  suite  d'années,  s'est  é[)uisé  de  fati- 
gues, ne  pense  et  ne  demande  (\nh  rentrer 
dans  la  Chine  afin  d'aller  mourir,  suivant 
son  expression,  les  arrnrs  à  la  main.  Peu  de 
joiiis  après  son  arrivée  est  aussi  venu 
AL  de  Marlillat,  évêque  d'Kcrinée  et  vicaire 
apostolique,  Français  de  nation.  Quand  la 


persécution  ne  l'aurait  pas  obligé  de  sortir 
de  sa  mission,  sa  santé  dangereusement  al- 
térée ne  lui  aurait  pas  permis  d'y  demeurer. 
Ce  digne  prélat,  peu  avant  le  commencement 
de  la  |)erséciition  générale,  avait  été  décou- 
vert, cité  devant  un  tribunal,  et  rudement 
frappé  pour  avoir  confessé  Jésus-Christ.  Sa 
retraite  fut  bientôt  suivie  de  colle  de  M.  de 
Vertharaon,  qui  s'étanl  vu  abandonné  de  tous 
ses  chrétiens  qu'il  cultivait  depuis  un  an  seu- 
lement, fut  sur  le  point  d'être  surpris  par 
les  soldats  chinois.  Il  n'échappa  que  par  des 
traits  visibles  de  la  Providence  qui  lui  four- 
nit des  guides  dans  des  lieux  et  dans  des 
temps  où  il  n'avait  nulle  espérance  d'en 
trouver.  Après  lui  sont  arrivés  presque  en 
môme  temps  deux  révérends  jtères  don.ini- 
cains,  tous  deux  Italiens,  l'un  appelé  Tchi- 
foni  et  l'autre  Matsioni.  Ce  dernier  s'était  ré- 
fugié dans  la  maison  qui  servait  d'asile  au 
P.  Beuth,  jésuite  français;  mais  un  accident 
imprévu  l'obligea  bientôt  d'en  sortir,  et  en- 
suite de  venir  à  Macao. 

Ces  deux  missionnaires  s'entretenaient  un 
soir  sur  l'état  de  la  mission,  lorsqu'ils  en- 
tendirent dans  la  rue  des  cris  horribles  à 
l'occasion  du  feu  qui  avait  pris  à  une  mai- 
son voisine.  En  pareil  cas,  la  maison  où  ils 
étaient  ne  pouvait  manquer  d'être  bientôt 
visitée.  Ils  sentirent  le  danger,  et  se  retirè- 
rent au  plus  tôt  dans  la  maison  d'un  chrétien 
plus  éloignée  de  l'incendie.  Ils  prirent  aussi 
le  parti  d'emporter  avec  eux  les  vases  sacrés 
et  ce  fju'ils  purent  des  ornements  de  leurs 
chapelles.  A  la  faveur  des  ténèbres,  ils  y  ar- 
rivèrent heureusement  sans  être  vus  de  per- 
sonne; mais  quand  ils  voulurent  retourner, 
après  que  l'incendie  fut  éteint,  ils  renco-i- 
trèrent  un  mandarin  qui,  à  la  lueur  d'un 
flambeau,  les  reconnut  pour  étrangers.  Il  ne 
lui  fut  pas  difficile  de  faire  arrêter  le  P.  Beuth, 
affaibli  qu'il  était  par  une  maladie  de  plu- 
sieurs mois  ;  mais  le  P.  dominicain  |)rit  la 
fuite,  de  sorte  que  les  soldats  ne  purent  ja- 
mais l'atteindre.  Après  avoir  couru  plusieurs 
rues,  comme  il  n'entendit  plus  personne 
qui  le  poursuivît,  il  s'arrêta,  et  ne  sachant 
où  se  retirer,  ni  comment  sortir  de  la  ville 
avant  le  jour,  il  se  mit  dans  un  coin  pour  y 
prendre  quelque  repos.  Ce  repos  fut  bientôt 
troublé  :  une  bande  de  soldats  aperçut  le 
Père,  et  vint  le  considérer  de  près.  Un  des 
soldats  s'imagina  que  le  chapelet  était  une 
mar(|ue  qu'il  était  d'une  secte  appelée  Pe- 
lien-kino  (secte  la  j)lus  séditieuse  qu'il  y  ait 
à  la  Chine).  «  Non,  répondit  un  autre,  il  doit 
être  chrétien.  J'ai  vu  à  des  chrétiens  (|uel- 
que  chose  de  semblable.  — 11  faut,  dit  un 
tiuisième,  (ju'il  so.it  touinienté  d'une  vio- 
lente (•oli(jue,  nous  devrions  le  mettre  chez 
un  chrétien   (jui  deiiunire  tout   jjrès  dici.  » 

Cet  avis  fut  suivi.  Les  soldats  n'ayant  rien 
su  sans  doute  de  l'cinpi  isonnement  du 
P.  Beuth,  eurent  la  charité  de  porter  le  I*.  do- 
minicain chez  le  chrétien,  en  lui  disant: 
«  TicîMs,  voilà  un  homme  do  ta  religion  (pii 
sonllViî,  j)rends  soin  do  le  soulagerl  »  Le 
mandarin  (pii  avait  arrêté  le  P.  Beuth  eut 
aussi  beaucoup  d'égards  pour  lui.  Commo 


67.3 


cm 


CHI 


634 


i 


s'il  eiU  ignoré  que  c'était  un  missionnaire, 
et  qu'il  l'ciU  pris  pour  un  niarcliand  étran- 
ger, il  se  contenta  de  le  faire  conduirez  à  IMa- 
cao  par  un  tchaigin  ou  valet  du  tribunal, 
(|ui,  pour  certifier  que  le  Père  s'y  était  rendu, 
devait  ra|)porter  à  son  retour  une  réponse 
du  mandarin  le  plus  voisin  de  Macao.  Par 
niallit'urce  mandarin  estceluideHyang-Clian 
([ui  n'est  rien  moins  que  favorable  au  cliris- 
ti^rnisnic.  Il  (it  comparaître  le  Père  devant 
son  tribunal,  après  l'avoir  laissé  plusieurs 
heures  exposé  aux  insultes  de  la  popu  ace 
qui  le  chargeait  d'mjures,  et  lui  reprochait  do 
ne  [)as  honorer  ses  parents,  d'arracher  les 
^eux  aux  mourants,  de;  tuer  les  petits  en- 
ants  piiur  en  faire  servir  la  tète  à  des  sorti- 
lèges, quelques-uns  lui  arrachaient  les  che- 
veux et  la  barbe,  et  lui  faisaient  soutfrir 
toutes  sortes  d'indignités. 

Enlin  le  mandarin  vient  s'asseoir  sur  son 
tribunal,  ordonna  de  tenir  prêts  les  instru- 
ments de  la  question,  le-;  lit  étaler  avec  les 
fouets  destinés  aux  châtiments  i)ubhcs;  après 
quoi  il  employa  un  temps  considérable  à 
vomir  toutes  sortes  d'injures  et  de  blasphè- 
mes. C'est  la  coutume  à  la  Chine,  que  les 
mandarins  tâchent  d'étourdir  les  accusés  par 
des  lailleries  et  des  reproches,  ordonnant 
même  aux  soldats  de  faire  des  huées,  ou 
pour  mieux  dire,  de  hurler  à  leurs  oreiiles. 
Ils  veulent  se  concilier,  par  ce  moyen,  de 
l'autorité  et  faire  craindre  leurs  jugements. 
«Est-il  bien  vrai,  dit  le  mandarin,  que  tu  te 
persuades  de  n'être  pas  connu  ?  Tu  es  un 
Européen  venu  ici  pour  prêcher  la  religion 
chrétieime.  —  Cela  est  vrai,  répondit  le 
P.  Beuth.  —  Or,  dis-moi,  poursuivit  le  man- 
darin, qu'est-ce  que  le  Dieu  que  tu  veux 
faire  adorer?  —  C'est,  répondit  le  Père, celui 
qui  a  créé  le  ciel  et  la  terre.  —  Oh  I  le  mal- 
heureux, re;)rit  le  mandarin,  est-ce  que  le 
ciel  et  la  terre  ont  été  créés?  Qu'on  lui  donne 
dix  soulilets.  »  Après  qu'on  eut  exécuté  cet 
ordre  injuste  et  cruel,  le  mandarin  prit  un 
pinceau  et  en  forma  les  deux  caractères  chi- 
nois qui  expriment  le  saint  nom  de  Jésus  ; 
puis  il  les  lit  présenter  au  P.  Beutli  en  lui 
demandant  ce  que  c'était.  Le  Père  répondit 
que  c'était  le  nom  de  la  seconde  personne 
de  la  sainte  Trinité  qui  s'est  faite  homme 
pour  notre  salut.  «  Autres  dix  souftlets,  s'é- 
cria le  mandarin,  »  et  il  procura  ainsi  à  ce 
digne  missionnaire  la  gloire  de  soulfrir  di- 
rectement et  d'une  manière  toute  spéciale 
pour  le  saint  nom  de  Jésus.  Après  d'autres 
demandes  et  d'autres  réponses,  le  mandarin 
lui  fit  encore  décharger  dix  soufflets  sur  le 
visage  qui  en  fut  horriblement  entlé.  La  peau 
fut  enlevée  en  plusieurs  endroits  et  le  sang 
resta  plus  de  quinze  jours  extravasé  et  coa- 
gulé, ainsi  que  j'en  ai  été  témoin. 

Le  mandarin  prit  ensuite  le  parti  de  l'en- 
voyer sans  dilférer  à  Macao,  en  lui  disant 
qu'il  lui  faisait  grâce  de  la  question  et  de  la 
bastonnade.  Il  comprit  sans  doute  que  ce 
missionnaire  étant  très-malade,  il  ne  pouvait 
manquer  d'expirer  dans  les  tortures  ou  sous 
les  coups.  Et  en  etïet,  la  manière  barbare 
dont  il  futfrappé,joinle  à  uuephthisie  consi- 


dérablement augmentée  par  les  fatigues  d'un 
voyage  de  deux  cent  cinquante  lieues,  avait 
réduit  le  P.  Ueuth  aux  derniers  abois,  quand 
nous  le  vîmes  arriver  ici  au  commencement 
du  carême.  Cependant,  h  lorce  de  soins, 
nous  avons  conservé  encorci  piès  de  deux 
iH(jis  ce  respectable  confesseur  de  la  foi;  il 
exciterait  nos  regrets  |)ar  ses  vertus,  par 
son  zèle  et  par  la  supériorité  de  son  génie, 
si  nous  no  le  regardions  comme  un  des 
protecteurs  de  notre  maison  dans  le  séjour 
des  bienheureux.  Avec  quelle  patience  ne 
soufl'rit-il  pas  sa  maladie,  sans  vouloirjamais 
entendre  {)arler  de  faire  aucun  vœu  pour  sa 
guérison  !  Avec  quel  goût  ne  faisait-t-il  pas 
lire,  plusieurs  fois  par  jour,  le  livre  des  souf- 
frances de  Jésus-Christ,  et  ceux  qui  traitent 
de  la  préparation  à  la  mort  !  Avec  quelle  foi 
vive  reçut-d  les  derniers  sacrements  après 
avoir  renouvelé  ses  vœux,  sa  consécration 
au  service  de  la  sainte  Vierge  et  sa  soumis- 
sion de  cœur  et  d'esprit  aux  derniers  décrets 
sur  les  rites  et  cérémonies  chinoises  1  Avec 
quelle  tranquillité  et  quelle  joie  vit-il  venir 
son  dernier  moment,  répondant  avec  une 
pleine  connaissance  à  toutes  les  prières  de 
la  recommandation  de  l'âme  1...  La  seule 
peine  qu'il  éprouva  fut  de  réfléchir  qu'il 
n'en  ressentait  aucune.  «N'y-a-t-il  pas  de 
l'illusion  ?  me  disait-il  :  je  suis  si  près  de  la 
mort  et  je  ne  sens  aucune  frayeur.  »  Il  s'ef- 
forçait de  remplir  chaque  moment  par  les 
actes  des  vertus  les  plus  parfaites  et  surtout 
du  plus  pur  amour.  Enfin,  un  peu  avant  cin(| 
heures  du  matin,  il  rendit  doucement  son 
âme  à  Dieu,  le  19  avril  17i7. 

Un  autre  missionnaire  que  nous  avons  vu 
arriver  dans  cette  ville  est  le  R.  P.  Abormio, 
de  l'ordre  de  Saint-François  et  Italien  de 
nation.  Après  avoir  été  traîné  de  prison  en 
prison,  pendant  l'espace  de  onze  mois,  il  a 
été  conduit  ici  et  remis  entre  les  mains  du 
procureur  de  la  ville,  avec  charge  d'en  ré- 
pondre. Ce  zélé  missionnaire  avait  été  ar- 
rêté le  dimanche  de  Pâques  de  1746,  dans  la 
province  de  Chan-si.  Les  soldats  le  maltrai- 
tèrent de  soufflets  ,  pillèrent  ses  meubles  et 
frappèrent  si  rudement  son  domestique , 
qu'il  en  mourut  en  peu  de  jours.  Cependant 
les  tribunaux  voulurent  prendre  une  con- 
naissance plus  ample  du  procès,  et  ils  ordon- 
nèrent de  faire  comparaître  le  prisonnier.  Le 
mandarin,  obligé  alors  de  le  leur  envoyer,  le 
suivit  même  de  près  pour  lui  demander  en 
grâce  avant  l'audience,  de  ne  lui  susciter  au- 
cune mauvaise  affaire,  avec  promesse  que 
tous  ses  etl'ets  lui  seraient  rendus  ;  que  de 
plus  il  lui  serait  favorable  et  qu'il  solliciterait 
fortement  sa  délivrance.  Le  P.  Abormio, 
sans  compter  beaucoup  sur  ces  promesses 
intéressées,  se  laissa  gagner  et  ne  voulut  pas 
tirer  du  mandarin  une  vengeance  qu'il  ne 
jugeait  pas  devoir  être  utile  h  la  religion. 
Mais  le  mandarin  était  bien  éloigné  de  tenir 
paYole.  Résolu  de  se  mettre,  à  quelque  prix 
que  ce  fût,  à  couvert  des  accusations  qu'il 
craignait,  il  formate  cruel  dessein  défaire 
mourir  secrètement  le  Père  dans  la  prison. 
Se§  ordres  auraient  été  exécutés,  sansun  sei- 


635 


■CHT 


cm 


63^ 


gneur  condamné  à  une  prison  perpétuelle, 
et  qui  avait  trouva  auprès  du  digne  mission- 
naire r.nanta:J,e  incomparable  de  connaître 
la  véritable  religion.  Instruit  de  l'ordre  se- 
cret du  mandarin,  il  lui  lit  déclarer  que  si  le 
Père  mouiait  dans  la  prison,  il  en  écrirait 
â  un  de  ses  parents,  puissant  en  cour.  Le 
mandarin,  outré  de  se  voir  découvert,  no 
trouva  plus  d'autres  moyens  de  cacher  aux 
tdbunaux  tout  ce  qu'il  avait  fait  et  ce  qu'il 
venait  d'entreprendre,  que  de  resserrer  si 
fort  les  prisonniers  qu'ils  ne  pussent  avoir 
au  deîiors  amnine  communication.  Il  lit  donc 
bàlir  un  nouveau  mur  devant  la  porte  de  la 
prison,  et  lit  attacher  les  prisonniers  par  des 
chaînes  aux  deux  murailles  opposées  d'un 
cachot  assez  étroit,  en  sorte  qu'ils  ne  pou- 
vaient ni  se  tenir  debout,  ni  s'asseoir,  ni 
môme  se  remuer.  L'unii^ue  adoucissement 
qu'on  leur  accorda  fut  de  les  détacher  quel- 
ques heures  chaque  jour.  Une  si  grande  ri- 
gueur dura  un  mois  et  demi  ;  et  pendant  ce 
temps,  les  prisonniers,  que  le  P.  Abormio 
av.iit  convertis  et  baptisés  au  nombre  do 
cinq,  ne  cessèrent  de  bénir  Dieu  et  de  chan- 
ter ses  louanges.  Ils  souhaitaient  lous  de 
mourii-  au  milieu  des  soutfrances,  dont  ils 
avaient  appris  à  profiter,  pour  mériter  des 
récompenses  éternelles. 

Malgré  toutes  les  précautions  qu'on  avait 
prises  pour  empêcher  les  approches  de  la 
prison,  quelques  chrétiens  sautèrent  les  mu- 
railles des  cours,  et  jetèrent  par  une  f)etite 
fenêtre  du  pain  au  missionnaire.  Us  furent 
pris  et  sévèrement  chAtiés  par  ordre  du  man- 
darin, qui  ne  pouvait  assez  s'étonner  d  une 
alï'ection  si  extraordinaire  pour  un  étranger. 
Eniin,  il  fut  décidé  par  les  mandarins  supé.- 
rieui'S,  que  le  missioniiaii-e  serait  renvoyé  à 
Macao  s(»us  la  garde  de  deux  soldats.  Dans 
le  chemin ,  il  n>'  manqua  aucun  jour  de 
prêcher;  et  comme  il  parlait  bien  le  chinois, 
plusieurs  man  iarins  voulurent  l'entendre  et 
l'invitèrent  à  leur  table.  Il  passa  plus  d'une 
fois  la  plus  grande  j)artie  de  la  nuit  à  dis- 
puter contre  des  lettrés  gentils  ou  à  parler 
au  peuple.  Quelques-uns  lui  promirent 
d'examiner  la  religion  chrétienne.  Le  seul 
mandarin  dont  il  fut  maltraité  sur  sa  route 
fut  celui  de  Hyang-Ghan.  Cet  ennemi  de 
notre  sainte  religion,  pour  signaler  sa  haine 
contre  elle  dans  la  personne  de  ce  Père, 
comme  il  l'avait  fait  peu  au|)aravant  dans 
celle  du  P.  Beulh,  lui  ht  donner  trente-deux 
soufll  ;ts  et  le  fit  appliquer  doux  fois  à  la 
torture. 

Voici  une  partie  de  l'entretien  qu'ils  eu- 
rent pendant  l'audience.  Le  mandarin  lui 
dit  :  «  Ks-tu  (Chinois  ou  Kuro[)éen  ?  Le  Père 
répondit  :  Je  suis  Europé(!n.  —  Cela  est 
faux,  dit  le  mandarin,  lu  es  Chinois  comme 
moi  ;  j'ai  connu  la  mère;  dans  le  Hou-Kouang, 
je  l'ai  déshonorée;  (pi'on  donn(î  dix  soul- 
lleis  à  ce  menteur,  pour  avoir  méconnu  sa 
patrie?»  Après  les  soid'Ilets,  le  mandarin 
reprit  la  parole:  «  Dis-moi  :  quelhï  est  ta  re- 
lig.oM  ?  »  Le  Père  répondit  :  «J'adore  h; 
Seigneur  du  ciel.  »  Le  mandarin  lui  dit  : 
«  E->l-co  qu'il  y  a  un  seigneur  du  ciel  "/  i^  n'y 


en  a  point.  Tu  ne  sais  ce  que  tu  dis  avec  ton 
seigneur  du  ciel.  »  Le  Père  répliqua  :  «  Dans 
une  maison,  n'y  a-t-il  pas  un  chef  de  fa- 
mille ;  dans  un  empir-^,  un  empereur  ;  dans 
un  tribunal  un  mandaiin  qui  préside?  Do 
même  le  ciel  a  son  seigneur,  qui  est  en 
même  temps  le  maître  de  toutes  choses.  » 
Sur  ces  réponses,  le  mandar  n  lit  frapper  et 
mettre  deux  fois  à  la  question  ce  généreux 
confesseur  de  la  foi,  qui  en  fut  malade  plu- 
sieurs semaines. 

Le  P.  de  Nenvialle,  jésuite  français,  vint 
aussi  à  Macao.  11  est  vrai  que  la  persécution 
ne  fut  pas  la  [principale  cause  de  sa  retraite  ; 
ce  zélé  missionnaire,  après  avoir  contracté 
des  maladies  habituelles  et  ruiné  sa  santé  à 
former  la  chrétienté  du  Hou-Kouang,  qui 
est  aujourd'hui  une  des  plus  ferventes  et  des 
plus  nombreuses,  se  trouva  hors  d'état  de 
continuer  ses  travaux  apostoliques;  et  d'ail- 
leurs, il  se  vit  obligé  de  venir  prendre  soin 
des  affaires  de  notre  mission,  en  qualité  de 
supérieur  général,  dans  ces  temps  fâcheux 
où  elle  était  tout  ensemble  affligée  et  des 
ravages  do  la  persécution  et  de  la  perte 
qu'elle  venait  de  faire,  dans  la  même  année, 
de  plusieurs  de  ses  meilleurs  sujets  ;  car 
dans  un  si  court  espace  de  temps,  la  mort 
lui  enleva  le  P.  Hervien,  supérieur  géné- 
ral ;  le  P.  Chalier  son  successeur,  qui  ne  lui 
survécut  que  peu  de  mois;  le  P.  lîeuth,  dont 
nous  avons  déjà  parlé,  et  le  jeune  Père  de 
Saint-André,  qui  se  disposait  par  les  études 
de  théologie,  h  travailler  bientôt  au  salut  des 
âmes.  Nous  ne  savons  pas  si  bien  ce  qui 
regarde  les  missionn.tires  qui  jusqu'ici 
demeurèrent  cachés  dans  les  provinces,  à 
peu  près  au  môme  nombre  que  ceux  qui  en 
sortirent;  c'est  que,  n'ayant  pas  la  com- 
modité des  courriers,  ils  ne  pouvaient  écrire 
qne  par  des  exprès  qu'ils  envoyaient  à 
gcands  frais  dans  les  cas  importants.  Le  P. 
Lefèvre,  jésuite  français,  nous  envoya  le 
P.  Chin,  jésuite  chinois  et  compagnon  de 
ses  travaux,  pour  nous  apprendre  sa  situa- 
lion  présente.  On  remua  ciel  et  terre  pour  le 
découvrir.  Les  mandarins  avaient  appris 
qu'il  était  dans  une  maison,  oii  il  faisait  sa 
plus  ordinaire  résidence.  Trois  mandarins, 
avec  plus  de  soixante  de  leurs  gardes  et  sol- 
dais, allèrent  à  cette  maison,  l'investirent  et 
y  pénétrèrent;  le  Père  n'y  était  plus  de()uis 
trois  jours.  Sans  avoir  encore  aucune  nou- 
velle de  la  pcrséculion,  il  était  parti  pour 
passer  delà  |)rovince  de  Keang-Si  à  celle  de 
Kiang-Nan.  On  saisit,  on  |)illa  tout  ce  qui  s'y 
trouvait  ;  on  conlis((ua  la  maison,  qui  ensuite 
fut  détruite;  on  arrêta  un  grand  nombre  de 
chrétiens,  voisins  de  cette  maison;  on  les 
mena  en  prison  chai'gés  de  chaînes;  ils  fu- 
rent fra|)])és  h  coups  de  b.Hon  par  la  main 
des  boui'reaux  ;  on  leur  donna  la  (pu'stion 
et  on  les  chargea  de  toules  sortes  d'oppro- 
bres. Alors  un  des  chrétiens  de  ce  district 
courut  ai)rès  le  P.  Lef'evre,  l'alteignii  au 
bout  d(;  trois  journées  de  chemin,  et  lui  ap- 
prit l'édit  de  rempereur,  (pu  ordonnait  de 
recherclHM'  les  prédicateurs  de  la  religion 
clnélie.nne     et    i&s    cruautés    (pi'on   venait 


6S7  cm 

(roxorcer.  «Changez  do  route,  lui  dit-il,  mon 
Père,  retournez  sur  vos  pas,  vous  n'avez 
rien  de  mieux  h  faire  que  d(;  veuir  pre-i/lre 
une  reiraile  dans  ma  maison.  On  y  viendra 
faire  des  reelierclies,  mais  où  est-ce  ([u'on 
n'en  fera  pas?  Je  ne  crains  que  pour  voui; 
et  je  m'expose  volontiers  à  tous  les  dan.j;er-; 
j'espère  môme,  qu'ayant  un  em[)loi  dans  le 
tribunal,  je  |)0urrai  modérer  ces  visites  jus- 
((u'au  point  de  vous  conserver  pour  le  bien 
de  la  cmélienté.  »  Ce  généreux  chrétien  no 
trouva  pas  peu  d'obstacles  dans  ses  parents 
qui  refusaient  de  lecevoir  le  missionnaire  ; 
mais  i'  vainquit  leurs  lésistances  et  |)laça  le 
1*.  Lefèvre  dans  un  petit  réduit,  où  peu  de 
personnes  do  la  maison  le  savaient.  Pour  lui 
donner  un  peu  de  jour,  il  lallut  faire  une 
ouveiture  au  toit,  en  tirant  qu  Iques  tuiles 
qui  se  remettaient  dans  les  temps  de  pluie. 
On  ne  le  visitait  et  on  ne  lui  portait  à  man- 
ger que  vers  les  neuf  heures  du  soir.  Il  écrit 
lui-iiiôme  qu'il  entendit  plus  d'une  fois  des 
chrétiens  conseiller  h  cette  famille  de  ne  le 
point  recevoir,  su[)posé  qu'il  vînt  demander 
un  asile.  On  vint  visiter  la  maison  par  or- 
dre du  mandarin  du  lieu;  mais  comme  le 
chrétien  qui  le  tenait  caché  avait  une  espèce 
d'autorité  sur  les  gens  du  tiibunal,  et  qu'il 
tenait  un  dos  premiers  rangs  parmi  eux,  la 
visite  se  fit  légèrement.  Cependant  le  P.  Le- 
fèvre passa  sept  ou  huit  mois  dans  cette  es- 
pèce de  prison.  Il  écrit  que  cela  ne  l'inquié- 
tait nullement  et  que  c'était  l'affaire  de  la 
Providence. 

Nous  reçûmes  par  la  province  de  Hou- 
Kouang  des  nouvelles  de  la  montagne  de 
Mou-Pouanchan.  Cette  montagne  était  cé- 
lèbre par  une  chrétienté  des  plus  florissantes 
que  nous  y  avions  formée  depuis  plusieurs 
années,  et  où  les  fidèles,  dans  l'éloignement 
du  commerce  des  gentils,  étaient  une  véri- 
table image  de  la  primitive  église.  Le  P.  de 
Neuvialle  a  eu  soin  de  ces  montagnes  pen- 
dant six  ans,  et  y  a  baptisé  plus  de  6,000 
personnes.  Hélas  !  ces  montagnes,  précieuses 
à  noire  zèle ,  nous  venons  de  les  perdre. 
L'enfer  a  exercé  toutes  ses  cruautés  |)Our 
dissiper  les  chrétiens;  tortures,  bastonnades, 
prisons,  tous  les  mauvais  traitements  ont 
été  employés  à  cet  effet.  Le  P.  de  la  Roche, 
jésuite  français,  qui  cultivait  cette  chré- 
tienté, s'est 'retiré  précipitamment  dans  un 
petit  hameau  au  milieu  des  bois,  et  s'est  vu 
obligé  ensuite  d'aller  plus  loin  chercher  une 
retraite.  11  est  vrai  que  les  chrétiens  de  la 
montagne  le  firent  depuis  avertir  qu'on  ne 
les  inquiétait  plus;  qu'il  ne  paraissait  aucun 
soldat  dans  toute  l'étendue  de  la  chrétienté, 
et  qu'ils  s'assemblaient  comme  auparavant 
pour  faire  les  piières;mais  ils  ajoutaient 
que  celte  paix  leur  était  d'autant  plus  sus- 
pecte, qu'ils  savaient  qu'un  païen  du  voisi- 
nage avait  été  chargé  par  son  mandarin  de 
s'informer  secrètement  quand  un  mission- 
naire serait  retourné  dans  la  chrétienté,  et 
de  l'en  avertir.  Il  s'en  fallut  peu  que  le 
P.  Dugad,  autre  jésuite  français,  ne  tombât 
entre  les  mains  des  soldats.  Averti  qu'on  le 
cherchait  et  qu'on  s'avançait  pour  visiter  la 


nii 


CTA 


maison  où  il  était  coché,  il  s'enfuit  prompte- 
ment,  et,  avant  que  diî  trouver  où  si;  réfu- 
gier, il  couriil  assez  Ion-temps  sur  les  lacs 
et  sur  les  rivières.  l'^nfin,  arrivé  dans  la  re- 
traitt;  que  11  P.  de  Neuvialh;  occupait  alors, 
et  où  il  était  la  ressource  et  h;  conseil  de 
tous  1(!S  missionnaires  des  environs,  il  la 
|)aitagoa  avec  lui  ;  c'(;st  \h  qu'il  reçut  les  let- 
tnss  d'un  chrétien  qui  hï  i)ressait  vivement 
de  retourner  dans  sa  mission.  Ce  chrétien, 
après  avoir  longtemps  cnlrelfuiu  chez  lui 
deux  concubines,  avait  tout  récemment  pro- 
mis au  P.  Dugad  un  entier  amendement.  Il 
tint  si  bien  parole,  qu'ayant  été  lui-même 
accusé,  il  confessa  la  foi  de  Jésus-Cluisl  au 
milieu  des  tortures  et  des  bastonnades  ;  en- 
suite il  mit  hors  de  sa  maison  une  de  ses 
concubines,  et  se  disposa  h  marier  l'autre. 
11  juia  ce  missionnaire  de  venir  reci'voir  sa 
confession  générale  et  prendre  possession 
d'une  grande  maison,  cju'il  lui  céd-dl  pour 
en  faire  une  église.  Monseigneur  l'évèque 
du  Chan-Si  et  Chen-Si,  écrivit  qu'il  ne  sa- 
vait ni  comment  se  tenir  caché  ni  comment 
s'exposer  à  faire  le  voyage  de  Macao.  Les 
mandarins  de  la  province  de  Kouang-Tong 
se  donnèrent  aussi  toutes  sortes  de  mouve- 
ments pour  découvrir  un  prô.re  chinois, 
nommé  Sou,  mais  ils  ne  purent  y  réussir. 
Tandis  qu'on  était  en  garde  contre  les  infi- 
dèles, on  ne  laissait  pas  d'avoir  à  se  défier 
des  mauvais  chrétiens.  Il  y  en  avait  un  dans 
la  môme  province  de  Kouang-Tong,  qui  était 
employé  dans  le  tribunal  et  qui  voulut  ga- 
gner de  l'argent  par  unmoyenbienindigne.il 
composa  une  fausse  procédure,  et  fit  avertir 
le  P.  Miralta  qu'on  était  sur  le  point  de 
présenter  contre  lui  une  accusation  aux  man- 
darins de  Canton,  portant  qu'il  avait  intro- 
duit plusieurs  missionnaires  dans  l'empire. 
Cette  prétendue  accusation  n'était  autre 
chose  que  la  procédure  qu'il  avait  fabriquée 
de  sa  main,  et  où  il  nommait  plusieurs 
olficiers  de  justice  qu'il  fallait,  disait-il,  ga- 
gner par  argent,  afin  d'assoupir  cette  mau- 
vaise all'aire.  Du  reste,  il  promettait  de  tra- 
vailler de  tout  son  pouvoir  et  de  tout  son  crédit 
pour  une  si  bonne  cause.  Il  ne  lesl-dt  plus 
qu'à  lui  confier  une  somme,  lorsque  la  Pro- 
vidence divine  'e  punit  de  son  impie  strata- 
gème. Les  mandarins  découvrirent  c{u'il 
avait  fait  une  fausse  procédure  ;  ils  l'appli- 
quèrent plusieurs  l'ois  à  la  question  pour  lui 
JÉiire  avou'T  son  attentat,  et  le  condamnè- 
rent ensu.te  à  quarante  coups  de  bâton  et 
à  l'exil,  en  lui  disant  qu'il  avait  mérité  de 
perdre  la  vie. 

Les  belles  chrétientés  du  Kiang-nan  se 
ressentirent  moins  (jue  les  autres  des  trou- 
bles et  des  vexations,  parce  qu'elles  étaient 
si  nombreuses,  qu'il  y  avait  des  chrétiens 
dans  tous  les  tribunaux  qui  supprimaient 
par  eux-mêmes  les  ordres  de  faire  des  re- 
cherches, ou  qui  en  donnaient  avis  avant 
qu'ils  fussent  expédiés,  afin  que  les  autres 
chrétiens  les  fissent  supprimer  par  argent. 
La  ville  de  Macao,  quoique  soumise  à  la  do- 
mination portugaise,  ne  lut  pas  entièrement 
garantie  de   l'orage.  On  y  vint  publier  des 


659 


CHI 


CHl 


(UO 


défenses  auï  Chinois  qui  l'habitaient,  de 
servir  les  Européens  et  d'aller  aux  é^^lises. 
On  fut  môme  sur  le  point  de  signifier  un  or- 
dre des  mandarins  de  Canton,  de  r<^nvoyer 
dans  l'intérieur  de  l'empire,  non-seulement 
tous  les  Chinois  qui  en  portaient  encore 
l'habit,  mais  même  tous  les  originaires  de  la 
Chine  qui  avaient  pris  l'habit  européen.  Si 
tous  ces  ordres  avaie-it  eu  leur  effet,  il  ne 
resterait  à  Macao  qu'une  très-petite  partie 
de  ses  habitan's;  mais  on  n'y  eut  point 
égard,  et  les  mandarins,  après  les  avoir  mi- 
nutés, n'en  voulurent  pas  tenter  l'exécution, 
dans  la  crainte  d'entreprendre  une  guerre. 
Il  vint  ensuite  un  ordre  qu'on  devait  encore 
moins  observer,  parce  qu'il  était  directement 
contraire  à  l'honneur  de  la  religion  ;  il  por- 
tait qu'on  eût  à  fermer  une  petite  église  oii 
l'on  baptisait  les  catéchuniènes  chinois.  Les 
mandarins  prétendaient  que  c'étaient  les 
Chinois  qui  avaient  bâti  cette  église.  On 
leur  répondit  qu'elle  avait  été  bâtie  aux  dé- 
pens des  Portugais,  et  on  leur  montra  l'acte 
do  sa  fondation.  Malgré  cela,  le  mandarin 
de  Hvang-Chan  se  transporta  ici  la  veille  de 
Pâques  174-7 ,  faisant  entendre  que  c'était 
de  la  part  des  mandarins  supérieurs  de  la 
province.  En  entrant  dans  la  ville  avec  un 
cortège  de  trente  ou  quarante  hommes,  il 
fut  salué  par  la  forteresse,  de  cinq  pièces  de 
canon  ;  et  quand  il  se  fut  arrêté  dans  une 
maison  près  de  la  petite  église,  le  sénat, 
composé  de  trois  présidents  et  de  douze 
conseillers,  alla  l'y  visiter;  mais  sur  la  de- 
mande que  fit  ce  mandarin  qu'on  fermât  l'é- 
glise en  sa  présence,  le  sénat  répondit  que 
noire  religion  ne  nous  permettait  pas  d'exé- 
cuter un  pareil  ordre;  que  l'église  n'appar- 
tenait pas  aux  Chinois,  mais  aux  Portugais, 
ainsi  qu'on  l'avait  démontré.  Cependant  le 
mandarin  persista  dans  ses  prétentions  et  de- 
manda qu'on  lui  donnât  la  clef  de  l'église 
pour  la  fermer  lui-même.  Cette  clef  était  dans 
le  collège  de  Saint-Paul,  entre  les  mains  du 
P.  Loppez,  provincial  des  jésuites,  qui  com- 
posaient la  province  appelée  du  Japon.  Ce 
Père,  agissant  de  concert  avec  Mgr  l'évêque 
de  Macao,  et  conséquenmient  à  la  décision 
de  ceux  qui  avaient  examiné  le  cas,  refusa 
de  donner  la  clef(ju'on  demandait,  et  pro- 
testa qu'il  aimerait  mieux  donner  sa  tète. 
Une  réponse  si  ferme  étonna  le  mandarin  ; 
il  se  contenta  d'allichcr  un  écrit  où  il  était 
déi'endu  de  se  servir  de  l'église  en  fjuestion, 
et  il  se  retira  aussitôt,  craignant  sans  doute 
une  émeute  de  la  |)0pulace. 

Aussitôt  a|)rès  l'édit  de  proscription,  on 
commença  à  inrjuiéter  les  ehréticnlés  des 
(;iivirons'd(;  P(''kin,  formées  vA  (Miltivi'c.s  par 
les  missionnaires  (\u\  faisaient  leur  .séjoiu' 
dans  cette  grande  ville.  Ouoi(iuc  les  clué- 
tiens  qui  les  composaient  passassent  pour 
ferm(!S  dans  la  foi  ,  plusiiMirs  cependant 
a[)Ostasièrent  à  la  vm;  des  maux  dont  on  les 
menaçait.  D'autres  soulinrenl  courageuse- 
ment les  tortures,  la  perle  do  leurs  biens, 
d(!  leurs  (MUfjlois  ou  la  ruine  d(!  leurs  tâ- 
milhî.s.  L<;s  images,  chapehîts,  reliipiaires, 
croix  et  autres  marques  de  leui'  piété,  furent 


profanés  et  brûlés.  Quelques-uns  ayant  dé- 
claré qu'ils  les  avaient  reçus  du  P.  Da  Ro- 
cha,  jésuile  portugais,  qui  visitait  souvent 
ces  chréiientés,  ce  missionnaire  fut  cité  de- 
vant le  gouverneur  de  Pékin,  et  confessa 
que  ces  signes  de  la  piété  chrétienne  ve- 
naient en  effet  de  lui.  Sur  son  aveu,  le  gou- 
verneur dressa  une  accusation  contre  lui  et 
la  présenta  à  Sa  Majesté,  en  demandant  à 
quelle  peine  il  devait  être  condamné  ;  mais 
l'empereur  répondit  qu'il  lui  faisait  g  âce. 
Ce  prince  nomma,  en  môme  temps,  deux 
grands  de  sa  cour  pour  protéger  les  Euro- 
jiéens  qui  étaient  dans  sa  capitale  :  pro- 
tection fort  équivoque  et  sur  laquelle  il 
n'était  pas  naturel  que  l'on  comptât  beau- 
coup. 

Cependant,  pour  ne  rien  omettre  de  ce 
qui  pouvait  servir  à  la  défense  de  la  religion, 
les  Européens  adressèrent  un  mémoire  où 
ils  représentèrent  que  la  rehgion  chrétienne 
ne  méritait  rien  moins  que  le  nom  de  fausse 
secte,  qu'on  venait  de  lui  donner;  qu'elle 
avait  été  permise  par  A'empereur  Kang-Hi 
et  par  le  tribunal  des  rites,  et  qu'eux-mômes 
avaient  toujours  éprouvé  les  bontés  des  em- 
pereurs, et  en  particulier  celles  de  Sa  Ma- 
jesté régnante  ;  mais  qu'ils  ne  pouvaient 
plus  paraître  avec  honneur,  tandis  qu'on  les 
regardait  comme  attachés  à  une  fausse  secte. 
Ils  mirent  ensuite  ce  mémoire  entre  les 
mains  des  prote(;teurs  pour  le  faire  passer 
à  l'empereur;  mais  ces  patrons,  peu  affec- 
tionnés, différèrent  tant,  qu'ils  donnèrent  le 
temps  à  ce  prince  de  partir  pour  un  voyage 
d'environ  deux  mois.  Enfin,  un  peu  avant 
son  retour,  ils  indiquèrent  une  assemblée 
dans  la  maison  des  jésuites  français,  où  ils 
appelèrent  tous  les  missionnaires  de  Pékin. 
Le  plus  distingué  de  ces  deux  seigneurs, 
nonuné  Ne-kong ,  premier  ministre  et  fa- 
vori de  l'empereur,  ouvrit  la  séance  par  des 
discours  vagues ,  qui  regardaient  pour  la 
plupart  l'Europe  et  ses  divisions  en  divers 
Etats.  Le  P.  Gaubil,  supérieur  de  la  maison, 
les  lui  montra  dans  un  atlas.  Le  Ne-kong  se 
mit  ensuite  à  exagérer  les  attentions  et  les 
bontés  de  Sa  Majesté  pour  les  Européens  ; 
après  quoi,  il  montra  assez  clairement  com- 
bien il  y  avait  peu  de  fond  à  faire  sur  sa 
protection,  en  demandant  comment  on  ose- 
rait i)rés(.'nter  à  l'empereur  un  écrit  où  il 
s'agissait  de  proposer  que  la  religion  chré- 
tienne fût  approuvée.  On  le  laissa  haran- 
guer longtemps,  afin  de  mieux  connaître  ses 
sentimenls.  Ensuite  le  P.  Caubil  i)rit  la  pa- 
role (ît  [)aila  dignement  pendant  un  tem|)s 
considérable.  La  religion  c  ii-élienne,  disail- 
il,  est  une  loi  pur>'  et  sainte  ;  elle  a  été  exa- 
niiné(>  par  le  tribunal  des  rites,  (jui  l'a  ap- 
j)rouvée  sous  le  règne  de  Kang-lli,  1 1  son 
ap|)robalion  a  été  agréée  et  confirmée  par 
c(î  môm-.;  empereur.  Celt(>  religion  n'a  point 
changé  depuis,  et  elle  est  prôchée  par  les 
mômes  prédicateurs;  ponrcpioi  était -elle 
alors  (!!i  honneur,  ou  poui(iuoi  ne  continut»- 
t-elh;  [)as  d'y  être  aujourd  liui?  tandis  sur- 
tout (pi(!  nous  voyons  (ju'on  souffre  dans 
l'empire  la  religion  des  mahométans,  cello 


6it 


cm 


cm 


6i'2 


des  laraàs  et  plusieurs  autres.  Si  la  religion 
chrétienne  passe  dans  l'empire  pour  Cire  la 
ndigion  d'une  secte  [)crverse ,  comment 
jHJurrons-nous  y  demeurer,  nous  (pii  ne 
sommes  venus  rendre  nos  services  à  Tem- 
poreur  que  pour  mériter  sa  protection  en 
faveur  de  notre  sainte  1  )i,  et  à  qui  il  ne  se- 
rait pas  môme  permis  d'y  rester  sans  l'espé- 
rance de  pouvoir  la  prêcher  ? 

Le  Nc-kong  ne  vouhit  pas  répondre  au 
discours  du  P.  (Jaubil  et  recommença  à  par- 
ler de  la  honte  de  l'emjjcreur  pour  les  eu- 
ropéens, ajoutant,  que  s'il  les  comhlait  de 
hientaits,  ce  n'était  pas  qu'il  eût  besoin  de 
leurs  mathématiques,  peintures  et  horloges; 
mais  que  cela  venait  uniquement  de  la  ma- 
gnilicence  de  son  cœur  qui  embrassait  toute 
la  terre.  Plusieurs  missionnaires  retouchè- 
rent quelques-unes  des  raisons  apportées  i)ar 
le  P.  daubil.  Enhn  le  second  protecteur  vou- 
lut ramener  le  Ne-kong  à  la  question  prin- 
cipale :  mais  cekii-ci  lui  imposa  silence  d'un 
geste,  et  conclut  la  conférence  en  otl'rantaux 
Européens  toutes  sortes  de  bons  offices.  11 
leur  recommanda  aussi  d'aller  tous  au-de- 
vant de  l'empereur  à  son  retour;  ce  qu'ils 
ne  manquèrent  jioint  de  faire  ,  lorsque  ce 
prince  rentra  dans  la  capitale  sur  la  tin  de 
novembre  1746,  après  avoir  fait  un  pèlerinage 
à  la  fameuse  montagne  Vou-tao-chan,  révé- 
rée.et  appelée  sainte  par  les  Chinois.  Avant 
ce  voyage  nos  Pères  de  Pékin  chargèrent  le 
frère  Castiglione,  peintre  italien,  particuliè- 
rement estimé  de  l'empereur,  de  profiter  de 
la  première  occasion  qui  se  présenterait  pour 
parlera  ce  prince.  Ce  [larti  ne  laissait  point 
d'avoir  ses  risques  ;  car  quoique  ce  frère  avec 
deux  autres  peintres,  jésuites  comme  lui, 
vissent  souvent  l'empereur,  il  ne  leur  était 
cependant  pas  permis  de  lui  parler  d'aucune 
atlaire,  à  moins  qu'ils  ne  fussent  interrogés  ; 
d'ailleurs  user  de  cette  voie,  c'était  choquer  les 
grands  qui  nous  avaient  toujours  témoigné 
leur  ressentiment,  toutes  les  fois  que  nous 
avions  voulu  nous  en  servir.  On  ne  voulut 
donc  pas  que  le  frère  Castiglione  présentât  à 
l'empereur  aucun  écrit  ;  on  lui  recommanda 
seulement  d'implorer  en  deux  mots  la  clé- 
mence de  ce  prince  en  faveur  de  la  religion 
chrétienne,  trop  opprimée  pour  pouvoir  nous 
taire. 

L'occasion  de  parler  au  monarque  ne  tarda 
pas  à  se  présenter.  Le  frère  ayant  reçu  deux 
pièces  de  soie  de  la  libéralité  du  prnice,  il 
était  obligé  d'en  faire,  selon  la  coutume,  son 
remerciement  la  première  fois  qu'il  serait  en 
6a  présence.  Ce  fut  pi  us  tôt  qu'il  ne  pensait,  car 
des  le  lendemain  il  fut  mandé  par  l'empereur 
même,  qui  voulait  lui  donner  le  dessin  d'une 
nouvede  peinture.  Dès  que  le  frère  parut,  il 
se  mit  à  genoux,  et  après  avoir  fait  son  ro- 
merciement,  il  dit  à  l'empereur:  «Je  supplie 
A'otre  Majesté  d'avoir  compassion  ue  la  reli- 
gion désolée.  »  A  cette  demande,  l'empereur 
ciiangea  de  couleur  et  ne  répondit  rien.  Le 
Ireri-  s'imaginant  qu'il  n'avait  pas  été  enten- 
du, répéta  de  nouveau  ce  qu'd  venait  de  dire, 
et  alors  le  prince,  prenant  la  parole,  lui  dit  : 
«  Vous  autres,  vous  êtes  des  étrangers;  vous 


ne  savez  pas  nos  manières  et  nos  coutumes  ; 
j'ai    nommé  deux  gnuids  de  ma    cour  pour 
avoir  soin  do  vous  dans  ces  circonstances.  » 
Ce  même  frère  eut,  depuis  le  retour  de  l'em- 
nereur,  un    second  entretien  avec   lui,  pins 
long  que  le  premier;  ce  fut    l'empereur  (jui 
le  commença  à    l'occasion  de  la  maladie  du 
P.  Ciialier   dont  j'ai  déjà  annoncé   la  mort. 
Ce  prince  vint  h  son  ordinaire  dans  Tappar- 
tement  où  le  frère  Castiglione  travaillait  à  la 
tête  de  plusieurs  Chinois  et  Tartares;  et  lui 
adressant  la  parole,  il  demanda  si  l'on  espé- 
rait de  conserver  le  P.  Chalier.   Le  frère  lui 
répondit  qu'il  ne  restait  que   bien  peu  d'es- 
pérance.   «  N'avez-voiis  pas  ici,  ajouta  l'em- 
pereur,  quelques  médecins  européens?  — 
Nous  n'en   avons   pas,    répondit  le  frère.  — 
Pourquoi  cela,    reprit  l'empereur?  —  C'est, 
dit  le"  frère  Castiglione,  qu'il  est  trop  dillicile 
d'en  faire  venir  de  si  loin  ;  mais  nous  avons 
deux  chirurgiens,  entendus  dans  leur  art.  — 
11  est  plus    aisé,  dit  l'empereur,  do    devenir 
habile  dans  la  chirurgie,  iiarce  que  les  mala- 
dies qu'elle   traite    sont   extérieures.  Mais, 
dis-moi  :  Vous  autres  chrétiens,   priez-vous 
votre  Dieu  pour  le  malade  ?   Lui  demandez- 
vous  qu'il  le  guérisse  ?  —  Oui,  seigneur,  ré- 
pondit   le  Irère,  nous  l'en  prions    tous   les 
jours.  —D'où  vient  donc,  dit    l'empereur, 
que  vous   ne  l'obtenez  pas  ?  —  Notre  Dieu, 
reprit  le  frère,  est  tout-puissant,  il  peut  nuos 
l'accorder  ;  mais  il  vaut  peut-être  mieux  qu'il 
ne  nous  l'accorde  pas,  et  nous  demeurons 
toujours  résignés  à  sa  volonté.— Dis-moi  une 
autre  chose,  ajouta  l'empereur  :  les  chrétiens 
craignent-ils  la  mort?  —Le  frère  répliqua  : 
Ceux  qui  ont  bien  vécu  ne  la  craignent  pas  ; 
ceux  qui  ont  mal  vécu  la  craignent  beaucoup. 
—  Mais,  dit  l'empereur,  comment  savoir  si 
on  a  bien  ou  mal  vécu  ?  —  On  le  sait  ,  dit  le 
frère,  parle  témoignage  de  sa  conscience  »... 
La  sentence  de  mort  portée  dans  le  Fou-Kien, 
contre  cinq  missionnaires  et  un  de  leurs  ca- 
téchistes, était  examinée  à  Pékin.  Le  vice-roi 
de  Fou-Kien,  qui   s'en  glorifiait  comme  de 
son  ouvrage ,  se  rendit  dans  la  cajdtale  de 
l'empire  pour  plaider  sa  cause.  La  nouvelle 
dignité  de  tsong-ho  ou  intendant  des  fleuves, 
dont  il  venait  d'être  pourvu,  lui  en  fournis- 
sait naturellement  l'occasion  et  pouvait  bien 
être  le  saiaire  de  ses  manœuvres  ou  même 
un  dernier  moyen  pour  les  conduire  au  point 
que  s'étaient  proposé  les  ennemis  de  la  re- 
ligion. Si  le  premier  ministre,  déjà  désigné 
par  le  nom  de  Ne-kong  et  sous  la  qualité  de 
protecteur  des  Européens,  ne  fut  pas  le  prin- 
cipal moteur  de  tous  ces  stratagèmes,  il  pa- 
rut bien  qu'il  ne  fil  rien  pour  les  détruire  et 
ne  tenta  rien  en  faveur  de  la  religion.  L'em- 
pereur, qui  ne  voyait  et  qui  n'agissait  que  par 
lui,  renvoya  la   sentence    au  tribunal  des 
crimes    quoiqu'il   pût  facilement   répondre 
qu'on  s'en  tînt  aux  ordonnances  générales 
pour  renvoyer  dans  leurs  pays  les  étrangers 
qu'on  surprendrait  dans  l'empire.    On  avait 
j.squ'alors  attendu   quelque    chose  de  sem- 
blable de  la  modération  dont  les  empereurs 
avaient  coutume  d  user,  à  l'égard  même  de 
leurs  sujets,et  des  ménagements  qu'ilsavaieut 


643 


CHI 


tous  affecté  d'avoir  pour  les  Européens.  De 
plu?,  les  entretiens  que  je  viens  do  i  apporter 
et  l'honneur  que  l'empereur  venait  de  faire 
au  P.  Chalierde  lui  envoyer  son  premier  mé- 
decin, faisaient  penser  qu'il  ne  vuudnit  pas 
porter  les  choses  à  la  dei-uière  extrémité.  Il 
traita  cependant  l'atfaire  avec  la  plus  grande 
rigueur.  Le  tribunal  ne  ditféra  pas  la  sen- 
tence dans  tous  les  points.  11  la  |)résenta  en- 
suite de  nouveau  à  l'empereur  pour  être 
Signée  ou  supprimée  h  son  gré,  et  l'empereur 
la  signa  le  21  avril  17W.  La  voici  traduite 
littéralement  : 

-.<  Volonté  de  l'empereur,  manifestée  le 
treizième  de  la  troisième  lune. 

«  Le  tribunal  des  crimes  prononce,  après 
avoir  pris  les  ordres  de  Sa  Majesté  ,  en  ré- 
pondant à  Tclieou,  vice-roi  de  Fou-Kien,  sur 
le  [)rocès  de  Pcto-lo  et  autres  qui  séduisaient 
par  une  fausse  doctrine.  Ordonnons  que  Peto- 
lo  ait  la  tête  tranchée  sans  délai  ;  approuvons 
la  sentence  rendue  contre  Hoa-Kin-chi  , 
Hoang-Tching-te ,  Hoang-Tching-Houé  et 
Fei-jo-Yong,  qu'ils  soient    décapités  ;  ap- 

Srouvons  la  sentence  rendue  contre  Ho- 
oeitgin,  (|u'il  so,t  étranglé.  Voulons  que 
ceux-ci  attendent  en  prison  la  tin  de  l'au- 
tomne et  qu'ensuite  ils  soient  exécutés.  Nous 
contirmons  la  sentence  des  mandarins  pour 
tout  le  reste.  » 

Lors  |ue  cette  sentence  arriva  dans  le  Fou- 
Kien,  un  déjuges  qui  avaientfait  les  premies 
interrogaloii-es  fut  nommé  pour  présider  à 
l'exécution  ;  mais  il  s'en  défendit  et  ne  vou- 
lut avoir  aucune  part  à  un  arrêt  qu'il  appe- 
lait une  grande  injustice  ;  ce  refus  donna  le 
temps  à  un  prêtre  chinois  d'aller  annoncer 
la  confirmation  de  la  sentence  à  M.  l'évêque 
et  aux  autres  prisonniers.  Quelques  chré- 
tiens firent  tenir  au  vénérable  prélat  des  ha- 
bits [)lus  dignes  de  son  triomphe  que  ceux 
qu'il  portaitdans  la  prison.  S'en  étant  revêtu, 
il  rappela  en  peu  de  mots  aux  soldats  (|ui  le 
gard.iient  les  exhortations  qu'il  leur  avait 
souvent  faites  ;  il  embrassa  les  chers  com- 
pagnons de  sa  prison,  parmi  lesquels  étaient 
d  ux  missionnaires  ;  il  goûta  avec  eux  quel- 
ques rafraîchissements,  et  il  ne  tarda  pas  à 
être  appelé  devant  le  mandarin  qui  devait  lui 
annoncer  l'arrêt  de  son  su[)f)lice  et  présider 
à  l'exécution.  Arrivé  dans  la  salle  de  l'au- 
dience, il  répéta  qu'il  mourait  pour  la  dé- 
fense de  la  sainte  et  véritable  religion  et  avec 
la  ferme  confiance  que,  ce  jour  même,  son 
ù\n(i  serait  placée  dans  le  séjour  des  bien- 
heureux. 11  ajouta  qu'il  prierait  Dieu  d'avoir 
crripassion  de  la  (^hine  et  de  l'éclaii'er  des 
liniiières  do  l'Kvangilc'.  «  Je  vais,  dit-il,  de- 
venir danslo  ci(!l  le  ])rotectein'de  cet  empire.)) 
(lepondaiil  on  (il  l.i  lecture  do  l'arrêtdo  mort 
dans  la  sallo  do  l'audience  ;  on  attacha  au 
jdélat  les  mairisdorrièro  h;  dos  et  on  lui  mit 
sur  les  épaules  un  écrit  où  on  lisait  (pj'il 
él;iil  condamné  à  êiro  décapité  pour  avoir 
travaillé  a  porvoi'tir  hîfXMipIc  par  ufio  mau- 
vaise doctrine.  Dans  cet  étal,  il  hil  conduit  à 
pied  «Il  lieu  du  siif)f)lico,  récitant  des  prières 
d'tiis  II, ut  h;  cheiinn  avc'C  un  vi-ngo  gai  et 
^allammé  Uo  l'amour  do  son  créatour.  Les 


cm  m 

infidèles  n'en  étaient  pas  peu  surpris,  et  ils  ne 
pouvaient  se  lasser  de  le  contempler.  Les 
femmes  chrétiennes  avaient  formé  plusieurs 
assemblées  oij  l'on  réci'ait  le  rosaire  entre- 
mêlé de  méditations  sur  la  passion  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Ciirist.  On  se  laissait  aller  à 
de  saints  transports  de  dévotion  aux  appro- 
ches de  cet  heureux  moment  où  la  Chine 
allait  avoir  un  martyr  dans  la  personne  d'un 
évêijue  condamné  "par  l'arrêt  le  plus  solen- 
nel. Plusieurs  chrétiens  de  Fou-Tcheou  et 
d'autres  de  Fou-Ngan  suivaient  dans  la  fouie. 
On  arriva  à  la  porte  du  midi;  on  passa  un 
pont  de  bois  sur  lequel  les  exécutions  ont 
coutume  de  se  faire,  et  à  quelques  pas  au 
delà ,  l'évêque  fut  averti  par  le  bourreau 
de  s'arrêter  et  de  se  mettre  à  genoux,  ce 
qu'il  lit  aussitôt,  en  demandant  à  l'exécuteur 
un  moment  pour  achever  sa  prière.  Après 
quelques  instants,  il  se  tourna  vers  lui  avec 
un  visage  riant  et  lui  adressa  ces  paroles 
qui  lurent  les  dernières  :  «  Mon  ami;  je  vais 
au  ciel  :  Oh!  que  je  voudrais  que  tu  y  v  nsses 
avec  moi  !  »  Le  bourreau  lui  répondit  :  «  Je 
désire  de  tout  mon  cœur  d'y  aller,  »  el  lui 
tirant  avec  la  main  droite  un  petit  bonnet 
qu'il  avait  sur  la  tête,  de  la  main  gauche  il 
le  décapita  d'un  seul  coup  ,  sur  les  cinq 
heures  du  soir,  le  26  mai  174-7. 

Une  des  superstitions  des  Chinois  est  de 
croire  que  l'âme  d'un  supi  licié,  en  sortant  du 
corps,  va  se  jeter  sur  h  s  prcmieis  qu'elle 
rencontie  ;  qu'elle  exerce  sur  eux  sa  rage  et 
qu'elle  les  chaige  de  malédictions,  surtout 
s'ils  ont  contribué  au  supplice,  et  c'est  [)Our 
cela  que  lorsqu'ils  voient  donner  le  coup  de 
la  mort,  ils  s'enfuient  de  toutes  leurs  forces. 
Ici,  personne  no  jugea  l'àme  du  vénérable 
prélat  malfaisante  ;  tous  couraient  après  sa 
morl  l'examiner  de  plus  près.  Un  gentil, 
nommé  Cing-Eul-Yven  ,  gagé  par  les  chré- 
tiens pour  ramasser  son  sang  avec  des  vises, 
des  cendres  et  des  linges,  écaita  le  ])euple, 
et  s'étant  acquitté  le  mieux  qu'il  put  de  sa 
commission,  il  ne  voulut  pointlaver  ses  mains 
couvertes  de  terre  el  de  cendres  ensang  an- 
tées  ;  il  les  porta  élevées,  par  respect,  jus(|u'à 
sa  maison,  baisant  les  traces  de  sang  qu  il  y 
remarquait,  et  en  frotta  enfin  la  tête  de  ses  en- 
fants, en  disant:  «  Que  le  sang  du  saint  vous 
bénisse!»  Les  chrétiens  lavèrent  le  corps, 
l'ensevelirent  honorablement  dans  plusieurs 
enveloppes  d'étoiles  de  soie,  elle  mirent  dans 
un  cercueil  (ju'ils  enterrèrent  ensuite.  Mais 
les  mandarins,  ayant  su  que,  pondant  la  nuit 
comme  |)endant  le  jour,  il  était  gardé  par 
une  do.izaino  do  personnes,  firent  briser  la 
croix  de  pierre  dressée  sur  le  tombeau  ;  ils 
ordonnèrent  (|u'on  tiansporlAl  le  cercueil 
dans  l'endroit  oiJ  l'on  a  coutume  d'ex])Oser  les 
cadavres  des  sup|)li(nés,  el  ils  mircnl  aux  fers 
deux  chrélieiis.  Ils  lireiil  aussi  chercher  le 
prètro  chinois  (jui  a  écrit  ce  détail  le  jour 
même  où  le  corps  du  vénérable  prélat  fut 
déterré. 

De()(iis  le  21  septembre  jus([u'au  dépari 
des  va.sseaiix  pour  l'Iùirope,  c'e.st-à-dire 
jusqu'à  la  lin  de  déiMMiibre,  nous  apprîmo.s 
que  la  maison  de  AI.  do  Porlimense,  éVêqhe 


GiÈ 


cm 


eut 


filO 


do  Chan-si  ol  Chen-si,   avait  (Hé   visitée  et 
qu'on    y    avait    pris    |)lusioiirs  porsonnos  ; 
mais  que  M.  l'6v(>quo  avait  ôchapix'  et  qu'il 
était  resté  errant  plusieurs  jours  sans  avoir 
avec  lui  aucun  donieslique.   On  espéra  qu'il 
passerait  de  la  province  de  Chan-si  h  celle 
de  Chen-si.  Le  P.Urbano,  Allenuuid,  do  l'or- 
dre de  Sanit-François,  re(;ut   des   soulUets 
devant  les  tribunaux,  et  on  le  retint  prison- 
nier en  attendant  que  la  cour  détenniuAt  son 
sort.  Plusieurs  missionnaires    dans  diverses 
provinces   recommencèrent   à    visiter    leur 
chrétienté  et  .1  y  administrer  les  sacrements. 
Les  vénérables  Pères  condamnés  à  être  dé- 
capités attendaient  encore  au  commencement 
de  novembre  le  jour  do  leur  martyre.  Leur 
arrêt,  selon  l'usage,  devait  paraître  de  nou- 
veau devant  l'empereur,  avec  tous  If^s  arrêts 
de  mort  portés  pour  être  exécutés  avant   le 
solstice  d'hiver.  M.  Sou-Matliias,  prêtre  chi- 
nois du  séminaire  des  missions  étrangères, 
les  visita  et  leur  administra   les  sacrements 
de  même   qu'au  vénérable    raléchiste   Ara- 
broisoKo,  et  en  cela  conune  dans  toutes  les 
occasions  où  il  put  assister  les    confesseurs 
de  la  foi,  il  montra  coiubien   il  ambitionnait 
leur  bonheur.  Lidolâtre  dont  j'ai   parlé   et 
qui  avait  i  ecueilli  le  sang  du  resMCCtable  pré- 
lat, était  un    insigne   brigand,   redouté    du 
peui)le  dans  toute  la  contrée  ;  ce  fut  même 
la  raison  pour  laquelle  on  l'employa  à  cette 
fonction.  Après  s'en  être  acquitté,  il  n'adora 
plus  ses  ido'es  ;  au  conti-aiie,  il  les  brisa,  et 
dans  sa  famUle  on  n'adressa  p  us  de  prières 
qu'au  vrai  Dieu  et  au  vénérable  évoque  Sanz. 
Il  porta  dans  sa  maison  la  pierre  sur  laquelle 
la  sentence  avait  été  exécutée,  et  il  y  grava 
ces   paroles  :  «  Pe-  lao  -  sec  -  ten  -  thien-che  : 
pierre    sur   laquelle    le  respectable  maître, 
n(jmmé  ?*</,  est  monté  au  ciel.  »  Depuis,  ayant 
oui    dire    que  tous   ceux   qui  suivraient  sa 
doctrine  seraient  condamnés  au  même  sup- 
plice :  «  Tant    mieux  (  répliqua-t-il   en    se 
coniptant  déjà   au  nombre   des  chrétiens  ) 
tant  mieux,  nous  irons  tous  au  ciel  1  »   Sou- 
Mathias   se  transporta  avec  plusieurs  chré- 
tiens dans  le   lieu   destiné    à  recevoir   les 
cadavres  des   suppliciés.   Ils  trouvèrent    le 
saint  corps  dans  son   cercueil,  tout  frais  et 
sans  que  le  visage  eût  presque  rien    perdu 
de  ses  couleurs.  Bien  plus,  ayant  remarqué 
sur  un  poignet  un  peu  de  san^'  extravasé  , 
à  cause  du  frottement  des   cordes,  et  ayant 
voulu    en     tirer    quelques    parcelles  ,    ils 
virent  couler  goutte  à  goutte  un  s.nng  liquide 
et  vermeil.  Peu  de  temps  après  le   martyre 
de  M.  l'evêque  Sanz,  on  grava  sur  le  visage 
des   Pères  et   du  catéchiste  Ambroise    Ko 
deux   caractères  chinois   qui  marquaient  le 
genre  de  supplice  auquel  ils  étaient  condam- 
nés. {Lettres  édifiantes,  vol.  III,  p.  8.  ) 

Peu  de  temps  après  le  martyre  de  l'evêque 
de  Mauricastre,  on  fit  tracer  au  fer  rouge, 
sur  le  visage  des  quatre  autres  dominicains 
et  du  catéchiste  Fo,  en  caractères  chinois, 
l'indication  du  genre  de  supplice  auquel  ils 
avaient  été  condamnés.  L'evêque  de  ïipasa 
était  dans  une  prison,  le  P.  Royo  dans  l'au- 
tre, les  PP.  Alcober  et  Diaz  dans  une  troi- 


sième. Ils  furent  étranglés  dans  Wur  prison 
le  28  oitobie  17  VH. 

La  famille  de  saint  Ignace  (;ut  ses  martyrs 
connue  celle  de  saint  Dominique.  Sous  les 
auspices  du  fran<;iscain   François  D(!staroza 
de  Vit(!rbe,  évêque  de  Nankin,  huit  Jésuites 
cultivaient,  dans  la  (trovince  de  c(!  nom,  en- 
vir'on  soixante  mille  chrétiens.  Antoine-Jo- 
seph Hcnriquoz,  leur  su[)érieur,  né  à    Lis- 
bonne, le  L'J  juin  1707,  était  passé  à  la  Chine 
avec  un  andjassadeur,  que  le  roi  de  Portugal 
envoya  à  Young-Tching.  Arrivé  à  Macao,  la 
vue  et  la   conversation  des  missionnaires, 
qui  de  15  se  répandaient  dans  le  céleste  era- 
])ire  et  dans  l'empire  Annamite,  allumèrent 
en  son  c(jeur  les  premières  étincelles  du  zèle 
a[)Ostolique.  Docile  aux   im{)ressiois  de  la 
grAce,   il  fut  reçu,  le  25  décen)bre  1727, 
dans  la  compagnie  de  Jésus,  entra  en  nns- 
sion  dix  ans  après,  et  fit  profession  en  17'i-5. 
Tristan  de  Alhémis,  né  à  Friouli,  le  28  juil- 
let 1707,  entré  dans  la   compagnie  le  même 
jour,  en  1725,  avait  fait  profession  le  2  fé- 
vrier 17W,  et  enseigné  la  philosophie  avec 
a[)plaudissement.  Le  zèle  de  la  conversion 
des  âmes  le  poitant  à  consacrer  ses  talents 
aux  missions,  il  arriva  à  Macao  le  15  septem- 
bre 17H,   et  partit  Tannée  suivante  pour  la 
province  de  Nankin.  Hcin-iquez  et  Aihémis 
furent  découverts  et  enchaînés  aussitôt.  On 
les  amena  [)risonniers  à  Sou-tcheou,  le  21 
décembre   1747.  La   sentence  qui  les  con- 
damna à  être  étranglés  ayant  reçu  la  sanction 
impériale,  le  geôlier,  accompagné  d'un  bimr- 
reau,  entra,  le  12  septembre  17i8,  dans  la 
prison.  On  commença  [)ar  tirer  les  lits  et  par 
répandre  la  paille  à  te.  re;  dispositions  qui 
firent  juger  aux  confesseurs  que  l'heure  du 
sacrilice  n'était  pas  éloignée.  Un  autre  bour- 
reau parut  ensuite,  des  cordes  à  la  main, 
pour  les  lier.  «  Nous  allons,  leur  dit-il  d'un 
ton  moqueur,  vous  envoyer  dans  votre  para- 
dis joun-  de  la  félicité  éternelle  que  vous 
vous  promettez.  »  Suivant  la  coutume  de  la 
Chine,  on  servit  à  manger  aux  patients  avant 
l'exécution.  Comme  les  missionnaires  ne  tou- 
chaient à  aucun  mets,  les  bourreaux  leur 
lièrent  les  mains  et  leur  mirent  la  corde  au 
cou.  Avant  d'être  séparés,  ils  obtinrent  par 
faveur  de  pouvoir  se  parler  un  instant  pour 
se  réconcilier.  Ils  tirent  ensuite,   chacun  de 
leur  côté,  une  courte  prière,  au  milieu  de 
laquelle  les  bourreaux  impatientés  les  étran- 
glèrent. Leurs  précieuses  reliques,  renfer- 
mées dans  des  cercueils,  furent  inhumées 
le  h  ndemain  dans  le  cimetière  des  pauvres, 
d'ûij  on  les  tira,  un  an  après,  sans  aucune 
marque  de  corruption.  L'evêque  de  Nankin, 
tendrement  attaché   à  son  cher  troupeau  , 
dont  il  partagea  tous  les  risques  et  toutes  les 
épreuves,  termina  sa  vie  le  2  mars  1750,  par 
une  mort  sainte,  fruit  d'une  longue  suite  de 
misères  supportées  avec  constance. 

Nous  ne  pouvons  nous  étendre  sur  les  ra- 
vages que  la  persécution  causa  dans  diver- 
ses chrétientés,  mais  nous  ne  saurions  laire 
que  le  ciel  fit  sur-le-champ  éclater  sa  colère 
sur  les  principaux  persécuteurs,  par  des  châ- 
timents qui  ne  permirent  pas  de  méconnaître 


647 


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64S 


la  main  vengeresse  qui  les  écrasait  :  1"  Une 
famine  cruelle  qui  désola  plusieurs  i)rovin- 
ces  de  l'empire,  et  y  rendit  communs  d'hor- 
ribles excès  de  barbarie  ;  une  gue.re  san- 
glante accompagnée  de  funestes  revers;  la 
mort  du  prince  héritier,  fils  unique  de  Tim- 
pératrice,  et  celle  de   l'unpératrice  môme, 
voilà  les  punitions  générales.  2°  Voici   les 
châtiments  parlicul'ers  :  Le  premier  minis- 
tre, conseil  et  favori  do  Khian-loung,  auteur 
de  l'édit  de  proscription,  fut    précipité  tout 
à  coup  du  plus  haut  point  de  la  faveur  au 
rang  île  simple  soldat,  puis  condamné  à  per- 
dre la  tête  et  exécuté.  Le  vice-roi  ilu  Fou- 
Kien,  persécuteur  du  vénérable  évêque  de 
Mauricastre  et  de  ses  compagnons,  élevé  à 
la  charge  de  suprême  mandarin  des  fleuves, 
dans  la  province  de  Nankin,  jouissait  paisi- 
blement de  la  bienveillance  impériale.  L'im- 
pératrice m('urt.  11  a  l'imprudence  de  se  faire 
rase;-  la  tête  dans  le  temps  du  deuil  général. 
A  l'occasion  de  cette  faute  légère,  il  si>ra 
puni  de  tous  ses  attentats  contre  la  religion 
et  ses  ministres   On  le  dégrade,  on  l'exile, 
on  l'oblige  de  relever  à  ses  frais  les  murs 
d'une  forteresse  ruinée;  on  le  condamne  en- 
tin  à  perdre  la  tète,  et,  par  grâce,  à  s'étran- 
gler de  ses  propres  mains.  Le  vice-roi  de  la 
province  de  Nankin,  à  la  suite  d'une  sédition 
que  provoqua  la  cherté  des  vivres,  est  saisi, 
enchaîné,  dépouillé,  ainsi  que  sa  famille,  de 
ses  biens  comme  de  ses  honneurs;  on  l'exile 
en  Tartarie,  et  on  le  condamne  à  balayer  les 
cours  du  palais  de  l'empereur.  Tandis  que 
le  ciel  venge  ainsi  l'innocence  opprimée  par 
l'anéantissement  des  persécuteurs,  la  reli- 
gion applaudit  au  triomphe  de  ses  martyrs 
par  toutes  les  marques  de  joie  et  toulc  la 
pompe  qui  accompagne  les  fêtes  les  plus  so- 
lennelles. (Hennon,  vol.  IV,  page  526.) 

Jusqu'en  1708,  la  chrétienté  de  la  Chine 
jouit  d'une  assez  grande  tranquillité  ;  mais 
cette  année-là,  le  bruit  se  répandit  qu'on  al- 
lait rechercher  les  chrétiens  dans  tout  l'em- 
pire. La  peur  saisit  la  ville  et  les  environs; 
tranquilles  sur  notre  sort,  nous  ne  l'étions 
pas  sur  celui  de  tant  d'Ames  qui  nous  sont  si 
clières  et  qui  allaient  être  exposées  à  des 
tentations  [)lus  délicates  qu'on  ne  pense, 
quand  on  est  loin  du  danger.  L'alarme  aug- 
menta quand  on  apprit  (|ue  le  chef  commis- 
saire du  tribunal  des  mathématiques  était 
allé  au  palais  présenter  à  l'empereur  une 
accusation  pleine  d'invectives  contie  notre 
sainte  rijligion.  On  craignit,  avec  (juclque 
fondement,  qu'il  n'y  eûl  dans  toute  cette  af- 
faire (juehiue  mjinœuvie  s(!crète  de  la  cour, 
qui,  par  u  i  reste  de  ménagemeiil  pour  les 
missionnaires  de  Tékin,  ne  voulait  pas  se 
montre,  à  découvert,  taidis  que  peut-être  elle 
donnait  le  branle  à  tout.  Luti  i  parut  un  li- 
belle d  accusation  dont  voici  l'abrégé  :  Tsi- 
Tctung-Oo  (c'est  le  rKMU  de  l'accusateur)  of- 
fre avec  respect  à  Votre  Majesté  ce  placel, 
pour  lui  demander  ses  oi-dres  touclianl  l'af- 
laiie  suivaile  :  J'ai  (îxamiié  les  diller'e:it(!s 
religions  (|ui  soit  défendues  dans  l'empire, 
J>''irco  qu'elles  f)erverlisse:il  les  peuples,  et  je 
me  suis  convaincu  (pi'a   ce   litn.'  la  religion 


chrétienne,  plus  qu'aucune  autre ,  méritait 
d'être  entièrement  et  à  jamais  proscrite.  Elle 
ne  reconnnît  ni  divinité,  ni  esprits,  ni  ancê- 
tres; elle  n'est  que  tromperie,  sujierstiiion 
et  mensonge.  J'ai  souvent  ouï  parler  des  re- 
cherches qu'on  en  a  faites  dans  les  provinces, 
et  des  sentences  qu'on  a  portées  contre  elle, 
mais  je  ne  vois  pas  que  la  capitale  ail  encore 
rien  fait  pour  l'éteuidre  dans  son  sein.  Ce- 
pendant  celte  religion    perverse    s'étend  : 
le  peuple  ignorant  et  grossier  l'embrj^se,  et 
y  tient  avec  une  constance  qm  ne  sait  passe 
démentir.  Dans  la  crainte  que  le<  Européens, 
qui  depuis  longtemps  sont  dans  le  tribunal 
des  mathématiques,  n'eussent  sédu  t  quel- 
ques membres  de  ce  tribunal,  j'ai  fait  faire 
sous  main,   et   sans    éclat,   des  recherches 
exactes,  et  il  s'est  trouvé  vingt-deux  manda- 
rins qui,  au  lieu  d'être  sensibles  à  l'honneur 
qu'ils  ont  de  porter  le  bonnet,  la  robe  et  les 
autres  ornements  qui  décorent  leur  dignité, 
se  sont  oubliés  au  |)oint  qu'ils  ne  ro  igissent 
pas  de  professer  cette  religion  superstitieuse. 
Lorsque  le  cœur  de  l'homme  n'a  aucun  frein 
qui  lé  contienne,  bieniùt  ii  devient  le  jouet 
de  l'erreur;  les  vices  y  prennent  racine  et 
portent  partout  la  désolation.  Les  autres  tri- 
bunaux sont  sans  doute  infectés  comme  le 
mien;  le  reste  de  la  capitale  et  les  provinces 
se  pervertissent.  Il   est  temps,  il   est  de  la 
dernière  importance  d'y  mettre  ordre,  il  faut 
séparer  le  bon  du  mauvais.  C'est  dans  cette 
vue  que  moi,  votre  sujet,  je  prie  Votre  Ma- 
jesté qu'elle  donne  ordre  que  les  vingt-deux 
mandarins  de  mon  tribunal  soient  traduits 
aux  tribunaux  compétents,  pour  y  être  jugés 
selon  les  lois;  qu'en  outre,  on  délibère  sur 
les  moyens,  les  recherches,  les  défenses  et 
les  punitions  qui  doivent  couper  court  au 
mal.  J'attends  respectueusement  les  ordres 
de  Votre  Majesté.  Le  4  de  la  dixième  lune, 
c'est-à-dire  le  12  novembre;  de  Kien-long33, 
c'est-à-dire  lan  1768.  »  La  réponse  de  l'em- 
pereur fut  :  Kai  pou  y  treon  :  que  les  tribu- 
naux compétents  délibèrent  et  me  fassent 
leur  rapport. 

Ce  placet  ne  nous  parvint  que  le  15  no- 
vembre. Sa  lecture  nous  pénétra  de  la  plus 
vive  douleur;  il  y  avait  longtemps  qu'un 
particulier  n'avait  osé  traiter  notre  sainte  re- 
ligion avec  tant  d'indignité.  11  fut  conclu 
sui-le-champ  qu'on  vengerait  son  honneur 
dans  une  requête  qu'on  ferait  passer  à  l'em- 
pereur par  1j  ministre,  qui  est  nommément 
chargé  de  nos  alfaires  clans  cette  cour.  La 
reiiuête  fut  bientôt  faite.  Le  P.  Harestain, 
j)rési(lent  du  tribunal  des  mathématiques,  et 
ses  deux  collègues,  furent  chargés  de  la  pré- 
senter. Ils  se  rendirent  jiour  cela  au  [)al.ds; 
mais  le  ministre  ne  leurdonr)a  (pie  de  belles 
[)aroles.  U  leur  dit  ({uc  nous  nous  inquiétions 
pour  rien;  (jue  celte  all'aire  n'aurait  pas  do 
mauvaises  suit(!s;  qu'il  se  chargeait  de  par- 
ler lui-même  à  rciupereur;  (pie  nous  devionis 
savoir  qu'il  était  noire  ami,  et  (pie  le  meil- 
leu-  avis  ([u'il  avait  à  nous  (kuiiier  en  cette 
ipi  ililé,  c'était  de  bien  pren(lr(!  garde  de  re- 
muer. Le  minisire  nous  lroin|)ail  peut-être  ; 
mais  (pie  faii«?  On  achevait  (io  tout  perdre. 


()49 


GHI 


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si,  contre  ie  '^v6  d'un  homme  aussi  puissant 
que  lui,  on  s(î  ïùt  adressé  dii-ectoment  h  l'em- 
pereur. D'ailleurs  c'était  une  chose  morakï- 
mcnt  impossible;  on  ne  voit  pas  ici  rem|)e- 
reur  quand  on  veut.  Il  fallut  donc  att(Mi(lre 
les  événements.  Nous  ei'imes  tous  recours  h 
la  ressource  ordinaire  des  |)ersonnes  alllifz;ées. 
On  redoubla  la  prière  dans  nos  maisons,  et 
tous  les  jours  on  y  offrit  le  saint  sacrifice  de 
la  messe  pcmr  conjurer  l'orage.  Cependant, 
la  nuit  du  18  au  19  novend)re  17G8,  les  vingt- 
deux  mandarins  accusés  furent  cités  au  tri- 
bunal des  crimes,  qui,  ne  voulant  pas  juger 
cette  affaire  tout  seul,  avait  appelé  des  mem- 
bres (lu  tribunal  des  rites  et  du  tribunal  des 
mandarins,  pour  juger  conjointement  avec 
lui.  L'interrogatoire  fut  long,  et  ce  ne  fut 
que  bien  avant  dans  la  nuit  que  les  accusés 
furent  renvoyés  jusqu'à  un  plus  ample  in- 
formé. On  présenta  au  ministre  les  (ié|)osi- 
tions;   il   dit:  «Pourquoi,  dans  une  atl'aire 
qui  n'est  pas  de   conséquence,  envelopper 
tant  de  personnes.  »  Ce  mot  lit  son  eifet.  Le 
tribunal  des  crimes  rappela  les  accusés,  et, 
les  divisant  en  sept  familles,  il  ne  fit  subir 
un  nouvel  interrogatoire  qu'aux  chefs  de  cha- 
cune de  ces  familles;  les  autres  accusés  ne 
comparurent  plus.  Ignace  Pao,  chef  de  la  fa- 
mille des  Pao,  qui  la  première  se  fit  chré- 
tienne à  Pékin  il  y  a  près  do  deux  siècles, 
et  qui,  dans  des  temps  très-difTiciles,  avait 
logé  le  fameux  P.  Ricci,  fondateur  de  cette 
D)ission,  Ignace  Pao   répondit    comme  un 
ange.  Ses  juges,  étonnés  de  la  beauté  de  la 
morale  chrétienne,  convinrent  de  bonne  foi 
que,  même  sur  le  sixième  commandement 
que  les  païens  gardent  si  mal,  c'était  la  bonne 
et  la  véritable  doctrine.  Survint  l'arrêt   du 
sin-pou;  il  est  assez  modéré.  Il  ne  dit  rien 
contre  notre  sainte  religion  ;  on  y  lit  môme 
qu'elle   n'a   rien    de  mauvais.    Cependant , 
comme  elle  est  défendue  par  les  lois,  il  la 
défend  de  nouveau,  et  il  oblige  les  chrétiens 
à  aller  se  déclarer,  s'ils  veulent  obtenir  le  par- 
don du  passé. 

Voici  les  termes  de  l'arrêt  :  «  Les  manda- 
rins accusés  nous  ont  répondu  d'une  ma- 
nière suftisante.  Toute  leur  faute  se  réduit 
à  avoir  embrassé  une  religion  défendue  dans 
l'empire.  Nous  avons  consulté  les  lois  :  il  y 
en  a  une  qui  porte  que  ceux  qui  auront  violé 
une  loi  seront  condamnés  à  cent  coups  de 
pantze  (c'est  un  grand  bâton  de  cinq  pieds, 
plat  par  le  bout).  Selon  le  dispositif  d'une 
autre  loi  :  Si  toute  une  famille  se  trouve  cou- 
pable, le  chef  seul  sera  puni.  Un  troisième 
dit  •  Si  quelqu'un  du  tribunal  des  mathémati- 
ques est  coupable,  on  le  privera  de  ses  titres 
et  il  sera  réduit  au  rangdupeuplc.  Pour  se  con- 
former à  ces  lois,  dans  le  cas  présent,  il  faut 
casser  de  leurs  mandarinats  les  sept  chefs  de 
famille  qui,  contre  les  lois,  ont  professé  la 
religion  chrétienne.  Quant  aux  quinze  autres 
accusés,  comme,  suivant  les  lois,  on  a  jugé 
responsables  de  leur  faute  leurs  pères  ou 
leurs  frères  aînés,  ils  doivent,  selon  les 
lois,  être  mis  hors  de  cause  et  de  procès. 
11  faudra  défendre  aux  uns  et  aux  autres  de 
[•rofesser  la  religion  chrétienne  et  les  punir 

DiGïioNN.  DES  Persécutions.  I. 


sévèrement  s'ils  no  se  corrigent  pas.  Outre 
cela,  dans  les  deux  villes  qui  comnosent  Pé- 
kin, et  dans  tout  le  disirict,  il  faunra  afficher 
(U'S  placards  pour  avertir  (jue  désormais  on 
usera  des  voies  de  rigueur  contre  tous  les 
chrétiens  qui  n'iront  i)as  se  dénoncer  eux- 
mêmes.  Ces  placards  s(!r()iit  affichés  [)artout 
où  il  est  de  coutume.  Telle  est  la  sentence 
que  nous  avons  porté(>  ;  nous  la  proposons 
respectueusement  à  Votre  Majesté. — Aujour- 
d'hui le  5  de  la  onzième  lune,  de  Kienlong 
33,  le  1.3  décembre  17G8.  » 

L'empereur  répondit  par  ces  deux  mots  . 
«  1',  F,  j'appi'ouve  cette  sentence,  respectez 
cet  ordre.  »  Le  ministre,  par  égard  pour  les 
missionnaires  de  Pékin,  et  le  président  tar- 
tarc  qu'on  avait  su  gagner,  avaient  fait  adou- 
cir cet  arrêt  tant  qu'ils  avaient  pu  ;  cepen- 
dant, en  le  lisant,  nous  eûmes  le  cœur  percé 
de  la  douleur  la  plus  araère.  Nous  vîmes  f|ue 
des  sept  chefs  de  famille  interrogés,  tous 
n'avaient  pas  répondu  également  bien;  plu- 
sieurs avaient  cherché  des  détours  pour  se 
tirer  d'affaire,  et  sans  renoncer  à  leur  foi, 
ils  ne  l'avaient  pas  honorée  comme  ils  de- 
vaient; d'ailleurs  notre  sainte  religion  se 
trouvait  défendue  de  nouveau,  et  il  était  en- 
joint aux  particuliers  d'aller  se  dénoncer 
eux-mêmes,  s'ils  voulaient  obtenir  le  pardon 
du  passé.  Cette  clause  était  bien  dangereuse; 
elle  causa  effectivement  de  grands  maux 
comme  nous  ne  l'avions  que  trop  prévu. 

Les  mandarins  des  provinces ,  attentifs 
aiix  démarches  de  la  capitale,  se  tenaient 
prêts  à  agir  ;  un  rien  pouvait  allumer  le  feu 
de  la  persécution  dans  tout  l'empire.  Le  P. 
Lamalthe,  missionnaire  français  de  la  pro- 
vince de  Houquan,  ne  fut  manqué  que  d'un 
quart  d'heure;  les  archers  étaient  presque  à 
sa  porte  qu'il  n'en  savait  encore  rien.  Il  se 
sauva  précipitamment  dans  les  montagnes 
où  il  resta  trois  jours  et  trois  nuits,  caché 
dans  un  fossé  et  pouvant  être  à  tout  moment 
dévoré  par  les  tigres,  qui  sont  en  grand 
nombre  dans  toute  la  Chine.  La  chrétienté 
qui  est  auprès  de  la  grande  muraille  nous 
envoya  un  exprès,  disant  que  le  bruit  se  ré- 
pandait que  nous  étions  tous  arrêtés  et 
qu'on  nous  avait  conduits  au  tribunal  des 
crimes,  chargés  de  neuf  chaînes  comme  le 
sont  les  criminels  de  lèse-majesté.  Nous  ne 
méritions  pas  une  si  grande  grâce,  la  Provi- 
dence nous  réservait  à  un  autre  genre  de 
])eine.  Les  placards  s'afTichèrent  le  saint  jour 
de  Noël.  Cela  ne  nous  empêcha  pas  de  célé- 
brer cette  fête  avec  un  certain  éclat.  Comme 
il  ne  faut  pas  braver  l'autorité,  il  ne  faut  pas 
non  plus  que  les  ministres  du  Seigneur  crai- 
gnent trop.  Le  soir,  avant  que  les  barrières 
des  rues  fussent  fermées,  une  foule  de  chré- 
tiens se  rendit  à  petit  bruit  dans  notre 
maison;  il  y  en  avait  déjà  d'autres  venus  de 
la  campagne.  Je  vis  parmi  eux  un  bon  vieil- 
lard de  soixante-douze  ans,  qui,  pour  avoir 
la  consolation  d'assister  à  la  fête ,  n'avait 
pas  craint  un  voyage  de  quatre-vingts  lieues 
dans  une  saison  très-rigoureuse.  A  minuit, 
notre  église  était  plus  éclairée  qu'en  plein 
jour.  La  messe  commença  aux  sons  des  ius- 

21 


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GHl 


652 


truments  et  d'une  musique  vocale  qui  est 
fort  au  goût  des  Chinois,  et  qui  a  quelquefois 
de  quoi  plaire  aux  Européens.  Il  n'y  eut  que 
vingt  musiciens:  on  retrancha  le  gros  tam- 
bour et  les  instruments  qui  font  trop  de 
bruit  et  qui,  dmslos  circonstances,  auraient 
paru  réveiller  la  haine  des  idolâtres.  Les 
soldais  dos  rues  battaient  les  veilles  de  tous 
côtés ,  et  ils  entendaient  à  peu  près  comme 
s'ils  eussent  été  dans  l'église.  Cependant  il 
n'y  eut  rien.  Quand  le  jour  fut  venu,  les 
chrétiens  sortirent  de  notre  maison  peu  à 
peu,  et  s'en  retournèrent  bien  contents  chez 
eux.  , 

Pékin  a  deux  villf^s,  la  ville  tartare  et  la 
ville  chinoise.  La  première  a  quatre  lieues 
de  tour  et  contient  un  million  d'hnbitants; 
la  seconde,    quoique    moins   grande,   n'en 
compte  pas  moins.  Elle  a  deux  lieutenants 
de  police,  qui,"  pour  l'ordinaire,  sont  man- 
darins  d'un    ordre  supérieur  et    membres 
d'un  des  six  grands  tribunaux  de  l'empire. 
Le  mandarin  Ma  occupait  un  de  ces  postes 
et  s'y  distinguait  par  sa  probité,  son  désin- 
téressement et  son  exactitude  à  maintenir 
l'ordre.  Tout  le  monde  savait  qu'il  était  chré- 
tien et  personne  ne  pensait  à  l'inquiéter.  Son 
collègue  nommé  Lij,  ne  pouvant  lui   res- 
sembler, chercha  à  le  perdre.   Il  lui  signi- 
fia qu'il  eût  à  obéir  à  l'arrôt  du  sin^pou  et 
à  se  dénoncer  lui-même  comme  chrétien,  ou 
bien  qu'il  lui  en  épargnerait  la  peine;  qu'il 
ne  lui  donnait  que  trois  jours  pour  délibé- 
rer. Ma   fut  fort  embarrassé  :  il  consulta; 
enfin,  tout  bien  considéré,  il  prit  son  parti. 
Le  .31  d 'cembre,  il  présenta  au  tribunal  du 
gouverneur,  dont  il  était  membre,  un  écrit 
conçu  eu  ces  termes  :  «  Pour  obéir  à  l'arrêt 
du  iribunal  des  crimes,  je  déclare  que  ina 
famille  et  moi  nous  sommes  chrétiens  depuis 
trois  générations.  Nos  ancêtres  embrassèrent 
la  religion  dans  leLeao-Tong,  leur  pays.  Nous 
connaissons   comme  eux  que  c'est  la  vraie 
religion  qu'il  faut  suivre,  nous  y  sommes 
tous  fermes  et  constants.  »  Les  mandarins 
du  tribunal   du  gouverneur   aimaient  iMa. 
Ayant  lu  sa  déclaration  ,  ils  lui  dirent  :  «  A 
quoi  pensez-vous?  Vous  courez  vous-même 
à  votre  perte;  attende/ qu'on  vous  recher- 
che, il  sera  alors  temps  de  vous  déclarer.  — 
C'est  malgré  moi,  dit  Ma,  que  je  fais  culte 
démarche,  on  m'y  a  forcé.  »  Là  dessus  on 
le  conduisit  au  ministre,  comme  au  chef  du 
tribunal.  Le  jninislre  connaissait  Ma,  il  le 
recul  avec  beaucouj)  d'amitié  ;  mais  le  voyant 
ferme,  il  donna  commission  aux  mandarins 
do  son  tribunal  de  iCvàmi-ier.  Pour  le  sau- 
ver, on  ne  voulait  lirei-  de  lui  qu'une  parole 
un  tant  .soit  [)eu  équivocpie  :  on  eut  beau 
faire,  A/a  fut  inébranlab'.t!.  Sa  ft.'rmeté  irrita 
insensiblement  ses  juges  qui  ne  concevaient 
pas  coinmetil  on  [)eul  être  ainsi  attaché  à 
une  religion.  Le  lils  du  ministre,  qui  était 
gouverneur  de  Pékin  et  eneor.;  jeune,  s'é- 
chauil'a  [)lus  que  les  autres  eldemanda  brus- 
ijuement  à  Ma  :  «  Si  l'em[)ereur  vous  ordonne 
(le  changer,  que  fer(;z-vous?  »  Ma  ré|)ondit  : 
«  .l'obéirai  à  Dieu.  »  Le  jeune  gouverneur,  oui 
tie  voyait  rien  au-d(jssus  de  l'empereui',  fut 


frappé  de  cette  réponse;  il  pâlit  et  ne  dit  plus 
mot.  Il  alla  sur-le-champ  faire  son  rapport  au 
ministre,  son  père,  qui  présenta  un  placet  à 
l'empereur  en  son  nom  et  au  nom  de  son 
fils.  11  y  raconta  tout  ce  qui  s'était  passé  la 
veille,  et  il  finit  eu  [)riant  l'empereur  de  li- 
vrer il/a  au  Iribunal  des  crimes  pour  y  être 
jugé  selon  la  rigueur  des  lois. 

L'empereur  aima  mieux  qu'il  fût  conduit 
au  tribunal  des  ministres  et  des  grands  de 
l'empire  pour  y  être  examiné   et  interrogé 
de  nouveau.  L"em[)ereur  comptait  que  la  ma- 
jesté de  ce  tribunal  en  imposerait  à  l'accusé 
et  que  difficilement  il  pourrait  résister  aux 
instances  de  ce  que  l'empire  a  déplus  grand. 
Mais  Ma  se  soutint  avec  un    courage   qui 
étonna  ses  juges  et  qui  leur  ôta  l'espérance 
de  le  vaincre.  Dès  le  lendemain  ils  présen- 
tèrent à  l'empereur  le  placet  suivant  :  «  Vos 
sujets,   nous,   premier   ministre  et  autres, 
présentons  respectueusement    ce   placet   à 
Volrt  Majesté.  Pour  obéir  aux  ordres  qu'elle 
nous  a  donnés,  nous  avons  fait  venir  en  no- 
tre présence  Sching-le  (nom  taitare  de  Ma) 
et  nous  lui  avons  dit  :  «  Si  vous  consentez  à 
sortir  de  votre  religion,  l'empereur  vous  ac- 
corde le  grand  bienfait  de  vous  exempter  de 
toute  poursuite  et  de  vous  maintenir  dans 
vos  emplois.  »  Ma  a  répondu  :  «  Je   n'avais 
que  dix-neuf  ans  lorsque,  étant  encore  dans 
mon  pays  au  delà  de  la  grande  muraille,  un 
nommé  Na-Lung-go  persuada  à  mon  aieul 
d'embrasser  la    religion    chrétienne.   Mon 
père  suivit  son   exemple    et  moi   celui   de 
mon  père.  En  recevant  le  saint  baptême,  je 
fis  vœu  de  mourir  plutôt  que  de  renoncer 
au  Dieu  du  ciel,  à  l'empereur  et  à  mes  père 
et  mère.    Depuis   dix-huit  ans  que  je  suis 
dans  Pékin,  occupé  dans  difiérents  manda- 
rinats, j'ai  été  de  temps  en  temps  aux  églises 
du  Dieu  du  ciel.  J'ai  lu  dans  ces  églises  trois 
inscriptions  exposées  à  la  vue  du  public,  et 
toutes  trois  écrites  du  propre  pinceau   de 
l'empereur  Kang-hi.    L'inscription  du  mi- 
lieu contient  ces  quatre  lettres:   Au  vérita- 
ble principe   de  tous  les  êtres.    Les  inscrip- 
tions  latérales  sont  :  Après  avoir    tiré  au 
néant  tout  ce  qui  tombe  sous  nos  sens,  il  le 
conserve  et  il  ij  préside  souverainement  ;  il  est 
la  source  de  toute  justice  et  de    toutes  les  au- 
tres vertus  ;  il  a  la  souveraine  puissance  de 
nous  éclairer  et  de  nous  secourir,  ^i^c.  Tel  est 
le  Dieu  des  chrétiens  ;  tels  sont  nos  engage- 
ments, je  ne  puis  y  renoncer....  Nous,  vos 
sujets,  nous  nous  y  sommes  pris  de  toutes  les 
manières  pour  convertir  et  gagner  ce  manda- 
rin, mais  il  |)ersiste  aveuglément  dans  son 
opiniAlreté  ;  il  ne  veut  [)as  ouvrir  les  yeux  : 
c  est  quehpie  chose  d'incompréhensible.  Vo- 
tre Majesté  s'en  convaincra  par  le  détail  de 
nos  interrogations  et  de  ses  réponses,  dont 
nous  ofiVons  lespeclueusemenl   le   manus- 
crit à  Votre  Majesté,  avec    ce   placet.  —  Le 
27  de  la  onzième  lune,  de  Kian-long    33, 
lo  11  janvier  1709.  »  L'(!mpeieur    répondit  : 
Que  Ma  soit  cassé  et  traduit  nu  sin-pou. 

En  conséquence  de  cet  ordre,  on  arracha 
à  Ma  les  luanjues  do  sa  dinnilé;  on  le  char- 
geade  chaînes  et,  dans  cul  étal,  on  le  condui- 


655 


flH! 


cm 


cr)4 


sit  du  palais  an  tribunal  des  crimos,  sur  une 
charroMo  ([(^couverte.  Ainsi  Itla,  lieutenant 
de  i,>olic(>  (le  la  capitale,  membre  d'un  des 
six  grands  liibunanx  de  l'empire,  ayant 
grade  de  colonel  dans  une  des  huit  banniè- 
res, l'ut  (lonn(^  en  spectacle  d(i  terrenr,  uni- 
quement [loiu'la  religion.  Menaces,  sollicita- 
tions, insultes,  promesses,  tout  fnt  (Miiployé 
successivement  pour  l'ébranler,  mais  ce  f'iit 
eu  vain;  Ma  ni;  se  dénuMilit  pas  un  moment. 
Sa  conslahce  comnien(;a  à  intrij^uer  les  mi- 
nistres ;  il  y  allait  au  moins  de  leur  foi- 
tune  s'ils  ne  venaient  pas  <^  bout  de  l'aire 
respecter  l'ordre  de  l'emperenr,  cjui  ja- 
mais ne  doit  être  sans  ed'et.  Ils  se  rendaiint 
de  temps  en  temps  au  sin-pou.  Un  jour, 
le  ministre  chinois  menaça  Ma  de  le  faire 
mettre  h  une  question  cruelle  :  «  Nous  ver- 
rons, dit-il,  si  les  tourments  ne  seront  pas 
plus  eilicaees  que  nos  paroles.  —  Vous  n'y 
entendez  rien,  reprit  le  comte;  il  est  inu- 
tile le  le  presser  de  renoncer  à  sa  reli- 
gion ;  il  n'y  renoncera  pas  ;  laissez-moi 
faire.  »  Puis,  s'adressant  à  Mo,  il  lui  dit  : 
«  Vous  avez  otfensé  l'empereur,  ne  vous  en 
repent  z-vous  pas  ?  Et  n'ètcs-vous  pas  dans 
la  résolution  de  vous  corriger  de  vos  fautes 
passées?  —  Oui,  répondit  Ma,  mais  je  ne 
puis  sortir  do  la  religion  chrétienne  ni  renon- 
cer à  Dieu.  »  Ce  m  it  tira  d'affaire  le  minis- 
tre, ma  s  il  ternit  du  moins  devant  les  hom- 
mes la  gloire  que  Ma  s'était  si  justomeii  ac- 
quise jusqu'alors.  Le  ministre,  s'attachant  à 
la  première  paitie  de  la  réponse,  dit  d'un 
ton  ba.iin  qui  lui  était  familier  :  «  Je  sais 
mieux  ce  que  pense  Ma  que  lui-même  :  il 
respecte  L'S  ordres  de  l'empereur;  il  veut 
se  corriger;  tout  est  dit.  Que  faut-il  de 
plus?  Ma  eut  beau  [)rotester  qu'il  était  tou- 
jours ciirétien,  et  qu'il  le  serait  jusqu'à  la 
mort,  le  ministre  fit  la  sourde  oreille  ;  et, 
sans  tarder  davantage,  il  alla  faire  son  rap- 
port à  l'empereur  qui,  qu  Iquesjours  après, 
fit  publier  dans  les  bannières  l'ordre  sui- 
vant : 

«  La  résistance  que  Ma  a  faite  à  ma  vo- 
lonté méritait  une  punition  exemplaire;  il 
convenait  de  le  traiter  en  criminel  ;  mais 
comme  la  crainte  lui  a  enfin  ouvert  les  yeux, 
et  l'a  fait  sortir  de  la  religion  chrétienne,  je 
lui  fais  grAce  ;  je  veux  même  qu'il  soit  man- 
darin du  titre  de  Cheon-pei.  Qu'on  respecte 
cet  ordre.  » 

Il  y  a  dans  l'empire  huit  bannières  :  c'est 
toute  la  force  de  l'Etat.  Chaque  b  uinièrepout 
avoir  trente  à  quarante  mille  hommes  exer- 
cés dans  le  métier  de  la  guerre,  et  toujours 
prêts  à  partir  au  moindre  signal.  Quoique  les 
Tar'ares  fassent  le  fond  de  ces  troupes,  on  y 
compte  cependant  beaucoup  de  Chinois  dont 
les  lamilles  s'attachèrent  à  la  dynastie  pré- 
sente, lorsqu'elle  conqidl  la  Chine.  L'<dfaire 
de  Ma  excita,  dans  quelques-unes  de  ces 
bannières,  une  vive  persécution  contre  no- 
tre sainte  religion:  les  premiers  coups  tom- 
bèrent sur  la  famille  des  Tcheon.  Son  chef, 
nommé  Laurent,  est  un  homme  de  soixante- 
deux  ans,  qui  s'était  signalé  dans  une  pa- 
reille occasion,  trente  ans  auparavant  :  il 


comptait  bien  qu'il  en  serait  de  môme  cette 
fois-ci,  mais  il  m;  savait  pas  à  quelle  épieuvi! 
on  devait  mettre  sa  constance.  11  avait  un 
(ils  noumié  Jean  :  c'était  un  jeune  homme 
extrêmement  aimable,  et  peut-être  trop  ai- 
mé du  vi(!ux  Laurent.  Ce  fui  par  cet  endroit 
qu'on  l'attaqua. 

Jean  fut  mandé  le  7  janvier  17G9,  avec 
son  père  (;t  quelques-uns  de  ses  parents. 
Les  mandarins,  en  voyant  Laurent,  dirent  : 
«  Nous  connaissons  cet  homrne-là,  il  ne  de- 
manderait pas  mieux  que  de  mourir.  »  Puis 
ils  vinrent  au  fils  et  ils  lui  dirent  :  «  Il  y  a 
ordre  de  l'empereur  (lue  vous  renonciez  à 
votre  religion.  Y  renoncez-vous,  ou  bien 
n'y  renoncez-vous  j»as? — Je  n'y  renonce 
pas,  répondit  Jean.»  A  l'instant  on  se  jeta  sur 
lui,  et  on  rétendit  \)QV  terre;  un  hoûjme 
se  mit  sur  sesé()aides,  un  autre  sur  ses  jam- 
bes, et  un  troisième,  armé  d'un  fouet  tar- 
tare  long  de  cinq  pieds  et  gros  com:ne  le 
petit  doigt  par  l'une  de  ses  extrémités,  lui 
donna  vingl-sej)!  cou[)S.  Les  trois  premiers 
lui  firent  une  douleur  si  vive,  qu'il  craignit 
de  ne  pouvoir  pas  soutenir  longtemps  un 
combat  si  rude;  mais  ayant  prié  Dieu  dans 
le  fond  de  son  cœur,  il  sentit  croître  ses 
forces  et  son  courage.  Le  lendemain,  il  vint 
nous  voir;  il  avait  un  air  content.  Nous  nous 
jetûmesàson  cou  pour  l'embrasser;  ils'atjjen- 
drit  et  pleura.  «  Ah  !  que  je  crains,  nous  dit- 
il,  de  n'avoir  pas  la  force  de  soutenir  les  tour- 
ments!» Nous  le  rassurâmes  de  notre  mitux, 
et  nous  lui  promimes  tou's  le  secours  de  nos 
prières.  Le  9,  il  communia  à  notre  église, 
et  après  avoir  demandé  instamment  notre 
béné  iction,  il  se  rendit  pour  la  seconde 
fois  au  lieu  du  combat.  Le  vieux  Laurent 
reçut  d'abord  cinquante-quatre  coups  en 
deux  temps.  On  n'en  donna  que  trois  à  Jean, 
puis  on  s'arrêta.  Jean,  qui  auparavant  crai- 
gnait de  n'avoir  pas  le  courage  de  souflrir, 
craignit,  dans  ce  moment,  de  ne  soufi'rir  pas 
assez.  Il  reçut  encore  vingt-se[)t  coups. 

Le  11  janvier,  il  fut  rappelé  pour  la  troi- 
sième fois.  Ce  fut  le  jour  de  ses  grandes 
souffrances  et  de  son  tiiomphe.  Voici  com- 
ment il  raconte  la  chose  dans  une  lettre  qu'il 
nous  écrivit  le  lendemain.  «  Hier,  dès  que  je 
fus  ariivé,  le  mandarin  me  demanda  si  je  re- 
nonçais, ou  non.  Je  répondis  à  l'ordinaire  : 
je  ne  renonce  point.  Aussitôt  on  m'ôta  mes 
habits,  et  on  me  donna  vingt-sept  coups  de 
fouet  ;  après  quoi,  on  me  demanda  une  se- 
conde fois  :  Renoncez-vous,  ou  non?  Je  ré- 
pondis une  seconde  fois  :  Je  ne  renonce  pas  ; 
on  me  donna  encore  vingt-se[)t  coups.  On 
me  fit  quatre  fois  !a  même  demande,  je  fis 
quatre  fois  la  môme  réponse,  qui  fut  tou- 
jours suivie  de  vingt-sept  cou^s.  A  toutes 
les  reprises,  ou  changeait  de  bourreaux.  » 

Jean,  dans  sa  lettre,  ne  parle  j)as  de  son 
père.  Nous  sûmes  qu'il  avait  été  battu  plur 
sieurs  fois,  saiiS  avoir  donné  la  moindre 
marque  de  faiblesse;  mais  il  ne  tint  pas  aux 
traitements  cruels  que  l'on  faisait  à  son 
fils  ;  chaque  coup  qui  le  frappait  perçait  son 
cœur.  Vaincu  enfin  par  une  fausse  tendresse, 
il  succomba  malheureusement,  ne  pienaut 


«55 


CHl 


€HI 


656 


pas  garde  que  sa  chute  allait  être  le  plus 
cruel  supplice  de  son  fils.  Jean  continue 
ainsi  :  «  Voyant  que  les  coups  de  fouet  n'é- 
branlaient pas  la  constance  ciue  le  Seigneur 
rD'inspirait,mon  mandarin  me  mit  à  genoux, 
une-  demi-heure,  sur  des  fragments  de  por- 
celaine cassée,  et  il  me  dit  :  «  Si  tu  remues, 
«  ou  si  tu  laisses  échapper  quelque  plainte, 
«  tu  seras  censé  avoir  apostasie.  »  Je  le 
laissais  dire,  et  je  m'unissais  à  Dieu;  les 
mains  jointes  j'invoquais  tout  bas  les  saints 
noms  de  Jésus  et  de  Marie.  On  voulait  en- 
core m'(Mer  cette  consolation.  On  séparait 
mes  mains,  et  on  parlait  de  me  cadenas- 
ser la  bouche  ;  mais  on  eut  beau  faire,  ce 
supplice  n"eut  pas  l'eiret  qu'on  s'en  était  pro- 
mis; on  en  revint  aux  coups.  On  me  frappa 
encore  à  quatre  reprises  dilférentes  ;  alors 
mes  forces  s'épuisèrent,  une  sueur  froide  me 
prit,  et  je  tombai  en  faiblesse.  Ceux  qui 
étaient  autour  de  moi  profitèrent  de  ce  mo- 
ment; ils  saisirent  ma  main,  et  formèrent 
mon  nom  sur  un  billet  apostatique.  Je  m'a- 
perçus bien  de  la  violence  qu'on  me  faisait  ; 
mais  alors  j'étais  môme  hors  d'état  de  pou- 
voir m'en  plaindre.  Dès  que  j'eus  assez  de 
force  pour  pouvoir  j)arler,  je  protestai  que 
je  n'avais  aucune  part  h  cette  signature;  que 
je  la  détestais  ;  que  j'étais  chrétien  et  que  je 
le  serais  iusqu'à  ma  mort.  On  me  remit  une 
seconde  fois  sur  les  fragments  de  porcelaine 
cassée,  mais  je  n'y  restai  pas  longtemps. 
Mon  olficier  s'aperçut  que  je  m'affaiblissais 
sérieusement  ;  il  donna  ordre  de  me  traîner 
hors  de  la  cour.  Je  crus  devoir  renouveler 
en  ce  moment  ma  profession  de  foi.  Je  dis 
hautement  que  j'étais  chrétien,  et  que  je  le 
serais  toujours.  Mon  père  et  mon  oncle 
m'emportèrent  dans  une  maison  voisine 
pour  y  passer  le  reste  de  la  nuit.  » 

Nous  avons  su  d'ailleurs  que  Jean  était 
dans  un  état  si  pitoyable  que  les  païens 
eux-mêmes  ne  purent  s'empêcher  de  verser 
des  larmes  en  le  voyant,  et  le  fils  do  son 
mandarin  alla  lui-même  lui  chercher  un  re- 
màdequi  lui  lit  du  bien.  On  ne  pouvait  plus 
revenir  à  1-a  charge  sans  le  tuer.  Le  froid  lui 
avait  causé  une  si  violente  contraction  de 
nerfs,  que  ses  genoux  touchaient  sa  poi- 
trine ;  ses  reins  étaient  courbés  et  ses  chairs 
monstrueusement  entlées.  Il  ne  voulait  pas 
({ue  ses  parents  et  ses  amis  le  plaignissent;  il 
était  tranquille,  gai,  content.  Les  chirurgiens 
«;omptaient  que,  s'il  en  réchapi)ait,  il  en 
avait  au  moins  pour  tiois  mois  ;  mais,  grAce 
à  Dieu,  en  moins  d'un  mois  il  guérit  assez 
bien  pour  venir  h  notre  église,  à  l'aide  de 
deux  personnes  qui  le  soutenaient  :  il  lit 
.ses  dévotions.  A|)rès  son  action  do  grAces, 
il  vint  nous  voir.  Je  lui  demandai  si,  dans 
les  tourments,  la  jjensée  ne  lui  était  pas  vo- 
nue  (ju'il  pourrait  bien  y  rester;  il  nu;  ré- 
ijondil  (pi'il  cioyjiil  bien  être  h  sa  deniièn! 
heure,  quand  il' sentit  la  sueur  froide  si-  ré- 
pandre sur  tout  son  corps;  cependant,  a.jou- 
t.-i-t-il  avec  beaucoup  d(!  simplicité:  si  j'étais 
iQort,  je  n'aurais  plus  eu  le  i)onlieur  de 
communier;  oA  en  disant  ••••s  paroles  les 
Jaim»s  lui  vinrent  aux  yeux.  On  n'cnlondil 


pius  parler  que  de  chrétiens  battus  et  mal- 
traités de  tôitesles  façons  pour  la  religion. 
Un  jeune  soldat,  noxmuéOuang  Michel,  d'une 
autre  bannière  que  Jean,  eut  à  soufirir  les 
mêmes  combats  que  lui.  Tchon  Joseph  fut 
attaché  à  une  colonne  la  tête  en  bas  et  la  moi- 
tié du  corps  sur  la  glace.  Ly  Matthias  fut 
battu  sans  interruption  jusqu'à  ce  qu'il  per- 
dît connaissance,  etc....  (Lett.  édif.,  vol.lll, 
p.  78.J 

Ce  fut  à  cette  époque  à  peu  près,  que  fut 
arrêté  dans  le  Sse-tchouan,  le  .30  mai  17G9, 
le  P.  Gleyo,  prêtre  des  missions  étrangè- 
res. Ses  souffrances  durèrent  jusqu'en  1777, 
comme  on  peut  le  voir  à  son  titre.  En  1772, 
il  y  eut  quelque  apparence  de  persécution.  Un 
édit  fut  rendu  qui  déclarait  la  religion  chré- 
tienne contraire  aux  lois  de  l'empire,  mais 
qui,  en  même  temps,  disait  qu'elle  ne  ren- 
fermait rien  de  faux  ni  de  mauvais.  On  vou- 
lait surtout  intimider  les  chrétiens.  Personne 
ne  fut  condamné  à  mort. 

En  1774,  on  eut  connaissance  à  Pékin  du 
bref  qui  supprimait  la  compagnie  de  Jésus. 
Le  supérieur  des  Jésuites  écrivait  :  «  Sou- 
mettons-nous et  adorons  :  Donunus  est.  Je 
vous  avoue  que,  malgré  la  résignation  la  plus 
entière,  mon  cœur  est  blessé  à  ne  guérir  ja- 
mais ;  sa  plaie  durera  autant  que   moi 

Mais  je  l'ai  dit  :  Je  ne  veux  ni  me  olaindre, 
ni  être  plaint;  il  faut  boire  le  calice  jusqu'à 
la  lie.  Heureux  si  en  nous  élevant  jusqu'aux 
sentiments  généreux  de  l'apôtre  des  Indes 
et  du  Japon,  notre  grand  saint  Xavier,  nous 
disons  avec  lui  :  «  AmpUiis,  Domine,  am- 
plius  l  »  Cependant,  pour  dire  le  vrai,  il  se- 
rait difficile  d'ajouter  à  nos  malheurs.  Au 
mois  de  février  de  cette  année  1775,  il  nous 
en  est  arrivé  un  qui  nous  a  percés  jusqu'au 
vif.  il  y  avait  au  collège  une  magnifique 
église,  bAtie  à  l'européenne.  Ce  monument 
auguste  de  la  piété  et  du  zèle  des  princes 
chrétiens,  dominait  cette  superbe  ville  et  an 
no;içait  à  sa  façon  la  gloire  du  vrai  Dieu. 
L'Orient  n'avait  rien  de  si  beau  ni  de  si  tou- 
chant. Le  jour  de  la  fête  de  sainte  Catherine 
de  Ricci,  grand'tante  du  respectable  et  saint 
vieillard  du  même  nom,  qu'on  dit  être  au 
chAteau  Saint-Ange,  le  P.  Puno ,  Chinois, 
alla  célébrer  la  dernière  messe  qui  se  dit  à 
sept  heures,  parce  que  l'usage  des  Chinois 
est  de  dîner  à  huit.  Pend;! ut  la  messe,  il  se 
trouva  mal.  Il  sortait  de  dessous  l'autel  une 
odeur  forte  (jui  rincommoda  au  point  (pi'il 
eut  bien  de  la  peine  à  finir-  le  saint  sacri- 
fice  A  peine  était-il  rentré  dans  sa  cliam- 

bic,  qu'on  ci'ia  dans  la  cour  :  «  Le  feu  est  à 
l'église!...»  Le  feu  était  si  violent,  et  il  avait 
pris  en  tant  d'endroits  à  la  fois,  qu'en  une 
heure  de  t(Mn[)S,  ce  vaste  édifice  fut  con- 
sumé!... Celui  (pii  tient  entre  ses  mains  le 
(•(i;ur  des  mis  toucha  celui  de  l'empereur... 
Dès  le  lendemain,  il  donna  ordre  au  tribunal 
(les  ministres  do  s'informcM-  de  ce  (pie  son 
aïeul,  l'empereur  Khang-lii,  avait  fait  pour 
l(!  (lollége,  lors(pr(m  doiuia  à  son  église 
la  l'orme  (pi'ell(!  avait  ci-devant.  Il  se  trouva 
(jue  Kliaiig-hi  avait  nrêlé  à  nos  Pères  un  ouan, 
c'est-à-ilire  dix  mille  onc<«s  d'argent,  ce  qui 


6S7  CHI 

revient  ici  à  s(>i\aiito-(|uiiizo  mille  livres  de 
iiotic  moniiait'.  Kii  Chine,  les  anciens  usa- 
ges l'ont  loi  :  Kliian;^-loun|^  en  donna  autant. 
Cetti;  Ki-Ace  n'était  (jue  le  nréhide  d'une  au- 
tre bien  [)lus  eonsidérable.  11  y  avait  dans 
l'église  trois  grandes  et  magnilicmes  ins- 
eri[)lions.  L'empereur  Khang-lii  lui-mômo 
les  avait  écrites  de  son  pinceau  rougcî.  C'est 
un  de  ces  présents  rares  dont  on  no  connaît 
bien  le  prix  (pi'en  voyant  de  ses  yeux  quel 
cas  en  font  les  Cliinois.  Nous  avons  une  de 
ces  inscriptions  impériales  en  trois  caractè- 
res seulement  :  c'est  un  mot  gracieux  de 
Kliiang-lii  au  P.  Parennin  ;  elle  est  expo- 
sée tlans  l'endroit  le  plus  honorable  de  la 
salle  où.  nous  recevons  les  grands.  J'ai  vu 
un  prince  du  sang  n'oser  s'asseoir  au-des- 
sous; il  se  retira  par  respect  dans  un  coin. 
Selon  les  mœurs  du  pays,  perdre  un  tel  pré- 
sent, c'est  toujours  une  faute  ;  il  faut  s'en 
accuser  auprès  de  l'empereur.  Nos  Pères  du 
collège  le  firent  dans  un  écrit  qu'ils  présen- 
tèrent à  Sa  Majesté.  L'empereur  les  reçut 
avec  cet  air  de  bonté  qu'il  sait  si  bien  pren- 
dre quand  il  veut  ;  il  leur  pardonna  comme 
on  pardonne  une  faute  qu'on  sait  bien  être 
involontaire.  Ensuite ,  pour  réparer  leur 
perte,  il  donna  ordre  à  son  ancien  maître, 
qu'il  avait  fait  ministre  do  l'empire,  do  pré- 
parer de  belles  inscriptions  pour  ia  nouvelle 
église  :  «  Je  veux  les  écrire  moi-même , 
ajouta  l'empereur;  je  les  écrirai  de  mon  pin- 
ceau rouge.  » 

Cette  nouvelle  se  répandit  aussitôt  partout. 
On  vint  de  tous  côtés  au  collège  féliciter  nos 
Pères...  Il  y  eut  môme  de  nos  chrétiens  en 
place,  qui  ne  pouvaient  presque  s'empêcher 
de  regarder  comme  une  espèce  de  bonheur 
l'accident  qui  était  arrivé.  Depuis  ce  temps- 
là  nous  sommes  tranquilles  ;  on  rebâtit 
l'église,  elle  sera  magnifique.  Nos  Pères  du 
collège,  ne  voyant  plus  de  successeurs  après 
eux,  ne  craignent  pas  de  se  mettre  à  l'étroit; 
ils  veulent  olFrir  à  Dieu ,  en  finissant ,  ce 
qu'ils  ne  gardaient  que  pour  le  faire  connaî- 
tre et  aimer.  Quoique  nous  tachions  de  ne 
rien  laisser  échapper  au  dehors  de  nos  dé- 
sastres ,  cependant  nos  néophytes  savent 
tout.  Ils  sont  désolés.  Ils  font  quelque  chose 
de  plus  :  par  attention  pour  nous  et  pour 
l'honneur  de  la  religion,  ils  évitent  de  par- 
ler de  nos  malheurs  et  des  leurs.  Les  choses 
vont  leur  train.  Il  nous  est  venu  des  pro- 
vinces près  de  deux  cents  chrétiens  pour  les 
fêtes  de  Pâques.  Ils  ont  montré  une  fer- 
veur qui  nous  a  d'autant  plus  touchés  que 
nous  ne  pouvions  nous  empêcher  de  penser 
que,  dans  la  suite,  il  n'en  sera  peut-être  pas 

ainsi Vaine    espérance  ,   si    l'on   ne  se 

presse  de  nous  remplacer  1  Quels  hommes 
que  les  Loppin,  les  Roy,  les  Beutfi,  les  For- 
geât et  tant  d'autres  que  notre  province 
seule  a  fournis  à  la  Chine  !  Nous  les  vîmes 
partir  il  y  a  longues  années  ;  nous  ne  pou- 
vions assez  admirer  leur  piété,  leur  zèle, 
leur  détachement ,  leur  recueillement,  cet 
esprit  intérieur,  cet  esprit  d'oraison  qui  les 
tenaient  sans  cesse  dans  la  présence  de  Dieu, 
et  qui  les  rendaient  si  souples  dans  sa  main. 


cm 


058 


J'ai  ou  le  uonheur  de  les  suivre  sans  avoir 
leur  vertu.  J'ai  vu,  de|)uis  que  je  suis  ici, 
que  bien  loin  de  se  déuientir,  ils  sont  allés 
en  croissant.  Aj)rès  avoir  fourni  une  car- 
rière méritoir(ï  et  bien  gloricîuse  h  la  reli- 
gion, ils  sont  morts  saints.  Il  y  n  sans  doute 
de  saintes  gens  et  de  bons  missionnaires 
parmi  les  religieux  et  les  prêtres  rpii  ont 
voulu  j)artagerles  travaux  de  laComj)agnie; 
qu'on  no  tarde  donc  pas  d'en  envoyer  1  O 
Dieu  I  combien  d'âmes  vont  se  re[)longer 
dans  les  ténèbres  de  l'idolâtrie  1...  Combien 
n'en  sortiront  pas!...  Ici,  Dieu  aidant,  les 
choses  pourront  encore  se  soutenir  quel- 
ques années,  parce  que,  vu  les  circonstan- 
ces et  le  local,  on  ne  voudra  pas  nous  inter- 
dire, parce  qu'il  est  plus  difficile  qu'on  ne 
pense  de  nous  remplacer;  parce  qu'il  est 
moralement  impossible  de  toucher  à  notre 
état,  c'est-à-dire  à  notre  façon  de  vivre  et 
d'être  au  palais.  Mais  nous  ne  sommes  pas 
immortels  :  Pékin  tombera  enfin  et  suivra  le 
malheureux  sort  des  autres  missions.  » 
(Henrion,  vol.  IV,  p.  534.) 

En  1776,  le  tribunal  des  crimes  poursuivit 
d'office  les  missionnaires;  mais  un  mot  do 
l'empereur  fit   cesser   cette    poursuite.   En 
1777,  la  persécution  recommença.  Le  man- 
darin d'un  village  nommé  Ye-kia-tchouang, 
frappé  du  progrès  de  la  religion,  voulut  l'ar- 
rêter. Pour  avoir  occasion  de  faire  une  mau- 
vaise affaire  aux  chrétiens ,   il  leur  donna 
ordre  de  contribuer  à  la  rebâtisse  d'un  miao 
(temple  d'idoles).  Les  chrétiens  répondirent 
qu'ils  ne  le  pouvaient  pas,  mais  qu'ils  s'of- 
fraient  volontiers  à   contribuer  à  d'autres 
charges  publiques  ,   comme   à   rebâtir  des 
ponts  et  à  raccommoder  des    chemins.  Le 
mandarin  s'attendait  bien  à  cotte  réponse  ; 
au  lieu  de  s'en  contenter,  comme  tant  d'au- 
tres mandarins,  idolâtres  comme  lui,  il  les 
chargea  de  chaînes  et  les  traîna  en  prison. 
Ils  étaient  on  tout  une  vingtaine.  Trois  jours 
après,  c'est-à-dire  le  5  mars  1778,  il  les  cita 
a  son  tribunal.  Là  il  fit  tout  au  monde  pour 
les  séduire  :  il  revenait  sans  cesse  aux  lois  de 
l'empire  et  à  la  honte  dont  il  prétendait  que 
des  Chinois  se  couvraient  en  suivant  une  re- 
ligion étrangère,  telle  que  celle  des  Si-Yang- 
Gin  (Européens).  Il  y  avait   parmi  les  pri- 
sonniers un   nommé   Sou-Mathias ,  baptisé 
seulement  depuis  un  mois.  Il  prit  la  parole 
et  répondit  si  à  propos  et  si  raisonnablement 
que  le  mandarin  n'eut  rien  à  répliquer.  II 
s'en  Irrita,  et,  pour  s'en  venger,  il  lui  fit  don- 
ner sur-le-champ  la  question  qu'on  appelle 
en  chinois  kia-koan  ;  c'est  un  supplice  vio- 
lent. On  met  les  pieds  du  patient  entre  des 
planches  qui  sont  étroitement  liées  ensemble 
à  une   de  leurs  extrémités  ;  à  l'autre  il  y  a 
deux  hommes  puissants  qui,  avec  des  cor- 
des, serrent  ces  planches  et  les  rapprochent 
par  secousses  ;  à  la  première  secousse  les 
plus  robustes  tombent  en  défaillance.  Sou- 
Mathias  soutint  généreusement  cette  ques- 
tion, à  plusieurs  reprises;  le  mandarin,  re- 
buté et  humilié  de  sa  constance ,  le  fit  relâ- 
cher. Il  s'attaqua  ensuite  à  un  catéchumène. 
Il  s'imagina  que  celui-ci,  n'étant  point  encore 


659 


cm 


cm 


(i  h) 


chrétien,  il  en  viendrait  plus  aisément  à 
bout  ;  il  lui  fit  donner  dis  soulllcts  sans  nom- 
hre.  Le  catéchumène  répondit  constamment 
qu'ayant  le  bonheur  de  connaître  !e  vrai 
Dieu",  sa  conscience  ne  lui  permettait  pas  de 
s'en  écarter  et  (jue  très-silrement  il  embras- 
serait la  religion  chrétienne,  la  seule  où 
l'homme  puisse  rendre  à  Dieu  ce  qu'il  lui 
doit  et  sauver  son  âme.  Le  raandaiin  en  fit 
battre  un  troisième  et  les  renvoya  tous  en 
prison. 

LaChineaurait  ses  martyrs commeailleurs, 
si  le  |iremier  interrogatoire  décidait  du  sort 
des  chrétiens  ;  mais  il  n'est  pas  croyable 
combien  on  fait  jouer  de  machines  pour  les 
tromper  et  les  ébranler.  Les  Chinois  sont 
en  cela  d'une  in<lustrie  qui  passe  tout  ce 
qu'on  peut  dire.  Il  faut  que  le  mandarin  l'em- 
porte à  quelque  i)rix  que  ce  soit;  il  y  met 
son  honneur,  jam.iis  il  ne  se  rend.  Quand 
celui  de  Pa-tcheou  sut  que  ses  gens  étaient 
ve  lus  à  bout,  à  force  de  ruses,  de  tromi)er 
quelques-uns  des  néophytes,  il  les  lit  tous 
comparaître  devant  lui  pour  la  seconde  fois. 
Sou-.Mathiasfut  encore  souflleté  et  battu  avec 
le  pan-tsée  (bûton  long  de  quatre  à  cinq 
pieds  dont  on  se  sert  pour  puiiir  les  cûuj)a- 
hitis).  Tous  les  autres  chrétiens  furent  battus 
de  même.  Alors  le  mandarin  dit  :  «  qu'on 
les  reconduise  en  prison  et  qu'ils  signent 
l'écrit  qu'on  demande  d'eux.  »  Les  uns  di- 
rent :  «  Nous  obéirons;»  d'autres  se  turent, 
et  afin  (|u'on  n'entendît  pas  ceux  qui  j)Our- 
raient  réclamer,  les  gens  du  tribunal  firent 
beaucoup  de  bruit  et  les  p  >ussèrenl  hors  de 
la  salle.  La  même  chose  ai'riva  peu  après  à 
Sin-tcliang-hien,  |)etit  endjoit  qui  n'est  pas 
loin  de  Pa  -  tcheou ,  mais  d'un  autre  dis- 
trict. Onze  chr  tiens  y  montrèrent  beau- 
coup de  constance  dans  les  tourments  ;  et 
après  ils  cédèrent  presque  tous  à  de  mau- 
vaises laisons  et  à  une  compassion  dépla- 
cée. Je  ne  suis  point  pour  le  merveilleux,  il 
faut  cependant  dire  le  vrai.  11  est  arrivé  à 
Pa-tcheou  deux  faits  singuliers. 

Sou-ilathias,  après  avoir  re(;u  la  question 
kia-koan,  fit  un  mouvement  |)our  se  lever. 
Les  gefis  du  tiibunal  se  mirent  à  lire  ;  deux 
s'apjjrochèrent  d;-  lui  pour  l'eujporler.  «  At- 
tends, lui  dirent-ils,  tu  n'y  penses  pas  ;  tu  en 
as  f>our  cent  jours;  sans  jKjuvoir  te  remuer.  » 
Sou-Ma'hias  se  sentait,  il  les  laissa  dire,, se 
leva  seul  et,  sans  douleur  et  sans  aide,  il  s'en 
retouiiia  f;n  prison  où  tout  de  suite  il  pré- 
para à  manger  aux  autres  prisonniers.  Dï\ 
jours  ap/ès  il  vint  de  son  pi(Ml  ii  lN';kin.  Les 
chrétiens  nous  r<JContèrent  ce  (jui  était  ar- 
rivé et  ce  qu'ils  avaient  vu  euv-inèiues  d(; 
leurs  yeux.  Je  cherchais  à  expliquer  cç  fait 
singulier.  Il  nie  vint  en  pensée  tpie  peut- 
être  le  mandiirin  n"<iv;jit  voulu  (pie  l'eiliMyei', 
et  que  les  coiiji'.squi  unissaient  los  pl.jnchcs 
il  une  extrémité  se  prét-iient  n  inesuie  «piii 
l'autre  exicémité  on  i'apj)roi:liait  les  jilanches 
nour  érraser  le  jiiiid  el  le  ba-i  de  la  jambe. 
L'i  P.  Dollicirs  voulut  en  avoir  le  eunir  net. 
lilanl  seul  dans  la  cliambre  avec  Sou-.Ma- 
tliias,  il  lui  dii  d'ùter  ses  bas;  .dois  il  vit  de 
s«s   yeux  ,    au-dcssuj»  el  au-dessous  de  la 


cheville  du  pied  ,  de  grosses  taches  noires, 
formées  par  un  sangextravasé;Sou-Mathias 
y  passa  la  main  et  les  frotta  sans  sentir  au- 
cune douleur.  La  cheville  du  |)ied  n'était 
luiint  entamée,  j)arce  que  dans  les  planches 
on  fait  un  trou  dans  l'endroit  qui  y  corres- 
pond; sans  quoi  celui  qui  aurait  reçu  celte 
question  serait  hors  d'état  de  niaVcher  le 
reste  de  ses  jours Sou-Mathias  ne  se  dé- 
mentit point,  on  n'osa  pas  môme  lui  présen- 
ter le  billet  apostatique  à  signer. 

Theou-Neat  Mathieu  ne  fut  pas  si   heu- 
reux ni  si  fiilèle,  quoique,  de  son  propre 
aveu,  Dieu  l'eût  favorisé  d'une  grûce  qu'il 
ne  connut  pas  assez.   Voici    comment  je  lui 
ai  oui  ia(;onter  la  chose  lui-méine,le  P.  Dol- 
liers  était  présent  :  «  Le  mandarin,  dit-il,  me 
demanda  si  j'étais  chrétien  ;  je   lui   ré;;on- 
dis  :  Je  suis  chrétien.   Il  me  demanda  mon 
saint  nom  ;  je  répondis  :  Je  m'appelle  Ma- 
teou    (Mathieu).  Il  m'ordonna  de  changer. 
Je  répondis  :  Cela  ne  se  peut.    Aussitôt,  il 
fit    étendre  devant  moi  des  chaînes  sur  le 
pavé  de  la  salle;  on  abaissa  mes  bas  et  on 
me  mit  à  genoux.  Dans  le  premier'  moment, 
je  sentis  une  douleur  excessive  ;  je  fis  cette 
courte  jirière  :  Mon  Dieu  !  ayez  pitié  de  moi^ 
soutenez-moi.   A  l'instant   la  douleur  cessa 
On   me   tint   sur  ces  chaînes  [lendant  près 
d'une  heure.  Je  répondis  à  tout  sans  embar- 
ras et  sans  trouble.   Le  mandarin  fit  passer 
une  planche  sur  mes  jambes,  et  ordonna  à 
deux  hommes  de  monter  dessus,  afin  de  les 
presser  davantage  sur  les  chaînes  ;   cela  ne 
fit  rien.  On  me  fit  ensuite  étendre  les  bras 
en  croix,  et  on  les  lia  dans  cet  état  à  un  gros 
bâton  long  de  cinq  à  six  pieds,   qui  me  pas- 
sait derrièi'e  le  dos.  Deux  hommes  eurent 
ordre  (Je  me  presser  en  bas,  moyennant  ce 
bâton  ;  on  le  fit  avec  violence.  Tout  fut  inu- 
tile, je  ne  sentis  rien  ;  et  après  une  heure 
passée  dans  cet  état,  je  me  relevai  sans  dou- 
leur ;  j'étais  content  d'avoir  sauvé  ma  foi; 
mais  en  prison  ils  m'ont  tour.ié  la  tôle,  j'ai 
eu  le  malheur  de  la  renoncer,  je  viens  me 
mettre    en    pénitence.  »  Je   ne    pus   in'em- 
pèchi  r   de   lui    dire  :  «  Malheureux  !   votre 
narré  vous  condamne.  Quoi  !  celui  qui  vous 
avait  soutenu  si  puissamment  dans  votre  pre- 
mier combat  ne  pouvait-il  pas  encore  vous 
soutenir  uaus  les  autres  ?  Après  avoir  leçii 
de  sa  bonté   une  si   grande  grûce,  deviez- 
vous  l'oublier  sitôt  et  le  renoncer?  >>  Il  me 
répondit  :  «  Je  ne  l'ai   [)as  reiioncé  dans  le 
cu3ur;  j'ai  pej'du  la  tôle  en  prison.  »  Tcheou 
Mtilhiru  (îsl  un   bon  honnne,  je  le  connais 
dcjjuis  longtemps  ;   il  a   eu  le  malheur  de 
toiuber,   mais  je  ne  crois  pas  (ju'il  ait  voulu 
nous  tromper  sur  le  fait  cm  (pieslion.  D'ail- 
leurs, en  laconlant  ce  qui  lui  était  arrivé,   il 
iH!    paraissait    jtas    s'apercevoir   de  la  grâce 
spéciale  (jue  le  Seigncui'  lui  avait  faite.    Il 
avait  la  (-o nfusion    peinte  sur  le  visag(!  et 
l'air  (|u'on  donne  aux  apostats  dans  les  Actes 
lies  mait.\is,  si  dillVnenl  de  (cliii  (pravaieiil 
les   g('iiérinix    conlcssiurs  de   Jésus-Christ. 
Nous   l'avons   admis    à  la    pénitence.    [IaII. 
é<lif.,  vol.  lii,  I).  ll'i.  j 

iùj  17b'i,   plusieurs    missionnuires   de  la 


m 


cin 


Propagande  ayant  été  pris  en  Chine,  Ja  per- 
S(^cution  rocoininença  contre  les  ministres  de 
l'Ev;uvj,ilo,  (pioique  dans  la  capitale  ils  con- 
tinuassent h  ôlro  toujours  bien  nîçus.  M. 
Potlier,  évôipie  d'Agallio|)olis,  ayant  (Habli, 
en  1780,  un  séruinairo  chinois  dans  son 
vicariat,  avait  obtenu  pour  coadjuleur  M. 
de  Saint-Martin  qu'il  avait  sacré,  lo  l;i  juin 
ITHV,  sous  le  nom  d'év(^(iuc  do  Caradre.  Peu 
apiùs,  un  édit  de  l'empereur  parut,  ordon- 
nant de  chercher  s'il  n'y  avait  [)as  de  pré- 
dicateurs de  la  religion,  tout  en  disant  de 
ne  pas  la  confondre  pourtant  avec  les  mau- 
vaises. La  maison  de  Tcliintou,  où  étaient 
habituellement  l'évoque  de  Caradre  cl  plu- 
sieurs autres  missionnaires,  fut  investie  ; 
mais  après  avoir  mis  en  sûreté  les  ellets  de 
religion,  les  missionnaires  l'avaient  quittée 
à  l'annonce  de  la  persécution.  11  n'y  restait 
qu'un  catéchiste  jmur  la  garder.  11  fut  pris 
avec  plusieurs  clu-étiens.  Le  gouverneur, 
qui  était  {)lein  de  bon  vouloir,  après  deux 
mois  ti'examen,  condamna  les  prisonniers 
aux  peines  les  plus  légères  qu'il  lui  fut  pos- 
sible d'appliquer,  et  ensuite  les  en  exempta. 
11  publia  même  une  ordonnance,  pour  qu'on 
n'eût  plus  à  tourmenter  les  chrétiens.  Mais 
les  recherches  qu'on  faisait  dans  les  autres 
provinces  devinrent  funestes  aux  mission- 
naires de  ïchintou.  Ils  furent  dénoncés  par 
(les  chrétiens  du  Chensi,  qui  atlirmèrent 
que  M.  Pie  Lieou,  prêtre  chinois,  et  deux 
missionnaires  se  trouvaient  au  Sutchuen.  Le 
gouverneur  du  Chensi  écrivit  à  celui  du 
Sutchuen  pour  réclamer  fortement  le  prêtre 
chinois  qui,  par  sa  famille,  appartenait  à  son 
gouvernement.  Ce  prêtre  prit  la  fuite. 

Arriva  un  nouvel  édit  impérial,  i)rescrivant 
de  rechercher  encore  les  missionnaires  et 
de  les  diriger  sur  Pékin.  Un  mandarin  fut 
envoyé  du  Chensi  pour  faire  les  recherches. 
L'évèque  de  Caradre,  qui  s'était  retiré  à 
quatre  journées  de  Tchintou,  à  Tientsuen 
dans  les  grandes  montagnes,  fut  dénoncé 
par  des  chrétiens  qu'on  avait  rais  à  la  tor- 
ture. S'étant  retiré  dans  une  forêt  voisine 
pour  éviter  les  soldats  mis  à  sa  recherche, 
il  fut  arrêté  par  eux  au  bout  de  quelques 
jours.  Cela  arriva  le  8  février  1785.  Il  fut 
pris  avec  sa  boite  aux  saintes  huiles,  son 
livre  de  l'Imitation  et  un  chapelet.  Quoiqu'il 
fût  malade,  on  lui  mit  la  chaîne  au  cou.  En 
l'emmenant  ils  s'égarèrent  et  se  saisirent  du 
domestique  de  l'évèque  d'Agathopolis.  Ils 
le  mirent  à  la  même  chaîne  que  l'évèque. 
A  la  longue  barbe  qu'il  porîait,  au  vieux 
bonnet  de  laine  qui  lui  couvrait  la  tête,  ils 
prirent  l'évèque  pour  un  coquin.  Arrivés 
dans  une  auberge,  ijs  voulaient  le  mettre  à 
la  torture;  des  sergents  s'y  opposèrent  et  lui 
donnèrent  un  verre  de  vin  dont  il  avait  un 
besoin  extrême.  Les  mandarins  ayant  été 
prévenus  de  la  prise  de  l'évèque,  arrivèrent 
avec  de  nouveaux  soldats.  On  le  fit  compa- 
raître. Celui  qui  présidait  le  traita  honora- 
blement et  voulut  lui  faire  ôter  sa  chaîne. 
L'évèque  ayant  dit  qu'il  se  faisait  honneur 
de  la  porter  pour  la  religion,  le  mandarin  la 
lui  laissa,  en  lui  disant  :  «  Comme  vous  vou- 


GHl  8(^1 

drez.»  Après  l'avoir  interrogé,  on  le  fit  trans- 
porter en  chaise  h.  Yatcheou,  pour  y  être 
jugé  en  première  instance.  Durant  le  che- 
min il  mangeait  à  la  table  des  mandarins. 
C'était  en  carême;  ils  le  firent  s(Tvir  en  mai- 
gre sur  sa  demande.  Au  tribunal,  interrogé 
I)ar  le  président,  il  lui  dit  (ju'il  était  en 
Chine  pour  y  prêcher  la  rtdigion  chrétienne 
(nous  laissons  })arler  l'évêfiuc!)  :*<  religion 
seule  véi'i table,  religion  absolununit  néces- 
saire pour  obtenir  le  bonheur  et  éviter  des 
maux  éternels,  Ayant  parcouru  cette  [)ro- 
vince,  dit-il,  j'y  avais  formé  environ  deux 
ou  trois  mille  prosélytes;  tous,  ainsi  que 
moi,  suivant  les  maximes  de  notre  religion, 
nous  étions  très  -  fidèles  à  l'empereur  et 
obéissants  aux  lois.  — Tu  mens,  me  dit  un 
Tnandarin;tu  mens:  l'empereur  défend  de  prê- 
cher ta  religion  ;  tu  la  prêches  ici  contre  ses 
oi'dres  :  comment  oses-tu  dire  qw\  tu  es  obéis- 
sant aux  lois  de  l'empire  ?  »  Je  sentis  la  ré- 
ponse que  je  devais  faire,  mais  j'éprouvai  un 
mouvement  de  crainte  et  de  terreur  que  Dieu 
me  fit  la  grâce  de  surmonter.  Je  répondis  : 
«  Dieu  est  plus  grand  que  l'empereur;  c'est  lui 
qui  est  le  roi  des  rois  ;  l'empereur  n'est  qu'un 
homme  :  ainsi,  quand  jedis  que  nous  sommes 
très-obéissants  à  l'empereur,  c'est  par  rap- 
port aux  lois  qui  ne  sont  pas  contraires  à  cel- 
les de  Dieu  ;  s'il  y  a  opposition,  pour  lors  c'est 
à  Dieu  que  j'obéis  et  non  pas  à  l'empereur.  » 
Us  insistèrent  :  «  Est-ce  Dieu  qui  t'a  dit  de 
venir  en  Chine  ?  L'as-tu  vu  ?  As-tu  entendu 
ses  paroles  ?—  Dieu,  répondis-je,  me  l'a  dit 
par  sa  loi,  qui  commande  de  l'aimer  ])ar- 
dessus  toute  chose  et  d'aimer  les  hommes 
comme  nous-mêmes;  or,  c'est  ce  que  j'ai  fait 
en  venant  publier  ici  ses  grandeurs  et  ses 
miséricordes,  et  vous  ouvrir  le  vrai  chemin 
du  bonheur  que  je  connais  et  que  vous  ne 
connaissez  pas. —Mais,  n'est-ce  pas  plutôt 
le  roi  de  ton  pays  qui  t'envoie  ici?  — Non, 
assurément  non  ;  le  roi  de  mon  pays  gou- 
verne ses  Etats  sans  prétendre  vouloir  gou- 
verner ceux  des  autres  souverains.  —  Ne 
sait-d  pas  du  moins  que  tu  es  ici?  —Il  ne 
me  connaît  point.—  Tu  es  donc  sorti  sans  sa 
permission  :  tu  es  coupable. —Ce  n'est  pas 
une  conséquence  ;  j'ai  obtenu  du  mandarin 
chargé  de  ces  sortes  d'atfaires  la  permission 
de  sortir  du  royaume;  ce  mandarin  savait 
bien  que  mon  intention  était  de  prêcher  la 
religion  ;  mais  il  ignorait,  ainsi  que  moi,  le 
pays  où  Je  devais  la  prêcher.  —  Mais  pour- 
quoi venir  en  Chine  plutôt  qu'ailleurs  ?  — 
Par  toute  la  terre  il  y  a  des  missionnaires 
qui  prêchent  la  religion  ;  ayant  vu  la  langue 
chinoise,  je  sentis  [lus  de  goût  et  de  facilité 
pour  l'apprendre  que  d'autres  langues  :  en 
co.iséquence  je  me  déterminai  à  entrer  en 
Chine.—  Eh  1  pourquoi  plutôt  au  Sutchuen 
que  dans  les  autres  provinces?  —Pour  deux 
raisons  :  les  vivres  y  sont  moins  chers,  et 
les  histoires  m'ayant  appris  que  cette  pro- 
vince, il  y  a  plus  de  cent  ans,  fut  dévastée 
par  les  Pa-tay-ouan^,  et  le  peuple  renouvelé 
depuis,  je  jugeai  qu'il  y  avait  moins  d'abus 
et  de  malice,  et  par  conséquent  moins  d'obs- 
tacles à  la  vérité.  —  Qui  t'y  a  amené  ?—  Des 


mz 


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CHI 


664 


païens  que  je  ne  connais  pas.  J'entendais 
quelque  chose  de  la  langue,  et,  moyennant 
cent  cinquante  taëls.  ils  ont  consenti  à  tout. 

—  Comment  as-tu  pu  ap|irendre  la  langue? 

—  Nous  avons  dans  notre  pays  des  livres 
qui  l'enseignent,  et  j'en  ai  vu  un,  fait  par  un 
nommé  Fromon,  (jiii  a  bien  cinquante  ans 
de  date.  — Mais  les  livres  n'apprennent  pas 
les  tons  ;    il   faut   une   voix  pour   hs    faire 
sonner.  »  Je   lis  quelques  observations  sur 
les  notes  de  musique,  qu'on  écrit  sur  le  pa- 
pier sans  qu'il  soit  besoin  de  les  articuler 
ou  sonner.   Je  dis  que  la  seule  pensée  suffi- 
sait pour  les  écrire  et  autres  choses  sembla- 
bles,  où  ils  n'entendaient  rien  ni  moi  non 
plus.  Un  d'eux,  ennuyé  de  ma  dissertation, 
m'interrompit   en  disant  :  «  La  réponse  est 
toute  simple  :  vous  avez  dans  votre  pays  des 
Chinois  qui  y  sont  allés  pour  y  apprendre 
vos  livres,  et  qui  rentrent  ensuite  en  Chine 
pour  y  prêcher  votre  religion  ;  ce  sont  pré- 
cisément  ceux-là    qui  vous  ont  appris  les 
sons.  —  Il  n'en  est  rien,  répondis-je  ;  les 
Chinois  ne  peuvent  sortir  de  l'empire,  et  les 
vaisseaux  européens  qui  vont  h  Canton  crain- 
draient de  les    recevoir;    mais   il    est  vrai 
qu'il  y  a  dans  mon  pays  des  commerçants 
européens  qui  viennent   à  Canton   faire  le 
commerce  ;  ils  savent  le  chinois  et  j'en  ai 
vu   plusieurs  avec   qui  je  me  suis   entre- 
tenu. —  Comment  vis-tu  ici  ?  — A  mes  frais  : 
j'ai  apporté  environ  cinq  cents  taëls  ;  je  n'en 
ai  plus  que  dix,  et  ils  sont  entre  vos  mains. 
—Mais,   si  tu  n'avais  pas  été  pris,  n'ayant 
plus  d'argent,  comment  aurais-tu  vécu  ?  — 
Les  chrétiens  ne  s'embarrassent  pas  du  len- 
demain ;  au  reste,  il  était  naturel  de  sup|)0- 
ser  que  des  gens,   pour  le    salut  desquels 
j'ai  tout  sacrifié,  ne  me  laisseraient  pas  mou- 
rir de  faim.  »  On  voulut  savoir  ensuite  les 
lieux   que  j'avais  parcourus,    les  chrétiens 
que  j'avais  proches,    les  maisons  où  j'avais 
demeuré,  et  s'il  y  avait  des  Européens  dans 
la  province.    Je   répondis  à  cette   dernière 
(|uestion  que  je  n'en  connaissais  point.  Par 
rapport  aux  autres  questions,  je  vous  dé- 
clare, leur  dis-je,  ([ue,  suivant  ma  religion, 
je  suis  veiui  ici,   non   pas  pour  me  sauver 
en  nuisant  aux  autres,  mais  bien  pour  sau- 
ver les  autres,  même  à  mon  préjudice.   Le 
président  me  dit  en  propres   termes  :  «  Tu 
es  un  sot,  qui  ne  sais  pas  j)enser.   En  quoi 
nuiras-tu  à  ces  chrétifjns  que  tu  nommeras  ? 
La  religion  chrétienne  est  bonne; quel  mal  y 
a-t-il  d(^  suivre  une  boinic  religion  ?  »  Je  ne 
répon'lis  rien.  Un  autre  me  demanda  :  «  As- 
tu  d(;meuré  chez  tel  et  tel  (cpi'il  ukî  nomma)?» 
Je  dis  :  «  Je  ne  coimais  pas  (;ela.  —  Mais  tu 
n'es  pas  descendu  du  ciel  en  volant  ;  certai- 
nenn^nt  il  y  a  des  (indroits  où  tu  as  demeuré  ? 
—  Oui,  il  y  (;n  a  et  beaucoup,  mais  ma  reli- 
gion me  défend  d'eu  noruMHM'  aucun.  —  Les 
chrétiens  l'ont  déclare';  eux-mi'^mes,  tel  et  Itd 
r<int  avoué.— S'ils  h;  dé(l,ir(!nt,ce  sont  leurs 
allaires  ;  ce  n'est  pas  moi  ^\\ï\  leur  juiis;  au 
reste,  je  demande  contioiil.itiou  ;  s'ils   l'a- 
vouerii  devant  n»oi,  je  le  i(;connaitrai.)' Je;  lus 
renvoyé  il  une  ;iutr(î  audieiic(!  et  rappelé  peu 
de  temps  après.  On  avait  mis  dcviinl    l'en- 


droit où  je  devais  me  mettre  h  genoux,  une 
férule  dont  ils  se  servent  j)Our  donner  des 
soulllets.  On  me  demanda  combien  de  temps 
j'avais  demeuré  dans  l'endroit  où  j'avais  été 
j)ris?  d'où  j'étais  parti  pour  y  venir  ?qui  est- 
ce  qui  m'y  avait  conduit  ?  par  où  j'avais 
passé  ?  Je  fixai  un  tem]is  :  je  dis  que  j'a- 
vais loué  sur  la  route  des  gens  que  je  ne 
connaissais  pas,  pour  porter  mes  effets,  et 
qu'ils  s'en  étaient  retournés.  J'assignai 
aussi  plusieurs  endroits  de  marché  par  où 
j'avais  passé,  où  il  n'y  avait  pas  de  chrétiens. 
Je  fus  interrompu  sur  l'époque  du  temps 
qui  ne  s'accordait  pas  avec  ce  que  les  chré- 
tiens avaient  déclaré.  Je  dis  :  «  Qu'on  les 
fasse  venir.  »  En  effet,  ils  furent  appelés  et 
le  mandarin  leur  dit  :  «  N'est-il  pas  vrai 
que  vous  avez  déclaré  avoir  été  chercher 
votre  maître  dans  tel  endroit,  que  vous  l'a- 
vez conduit  vous-mêmes  chez  vous  et  qu'il 
y  était  depuis  tel  temps?  »  Les  chrétiens  le 
reconnurent.  Je  dis  :  «  Passe,  ce  sont  leurs 
affaires.  » 

On  fit  ensuite  mettre  l'évêque  en  prison  , 
avec  les  fers  et  les  menottes.  On  le  fit  cou- 
cher avec  une  troupe  de  bandits.  11  avait  un 
soldat  chargé  de  prendre  soin  de  lui.  Le  len- 
demain ,  le  soldat  lui  ôta  les  menottes  et  le 
mandarin  lui  envoya  à  souper  et  h  dîner.  Le 
surlendemain  ,  il  fut  ramené  en  chaise  à 
Tchintou.  Il  fut  mis  dans  la  prison  qui  ser- 
vait aux  mandarins  ,  et  parut  le  lendemain 
devant  le  lieutenant  criminel.  Après  plu- 
sieurs interrogatoires  dans  lesc[uels  l'évoque 
fut  très-bien  traité,  on  lui  demanda  si  Li-to- 
lin  n'était  pas  dans  le  Sutchuen  (  Li-to-lin 
était  le  nom  de  M.  Dufresse).  Mis  dans  une 
salle,  l'évêque  entendit  dire  qu'il  y  avait  des 
ordres  très-pressants  pour  se  saisir  de  M.  Du- 
fresse ,  et  que  celui-là  pris ,  les  poursuites 
finiraient.  Craignant  que  dans  les  recherches 
([u'on  faisait  pour  le  i)rendre ,  on  arrêtât 
beaucoup  d'autres  missionnaires,  il  lui  écri- 
vit pour  l'engager  à  venir  de  lui  -  même. 
Douze  jours  après,  M.  Dufresse  arriva.  Sur 
ces  entrefaites  ,  il  vint  un  ordre  d'arrêter 
M.  Delpont,  dénoncé  parles  domestiques  du 
procureur  de  la  Propagande,  ainsi  que  tous 
les  autres  missionnaires  de  celte  congréga- 
tion. On  avait  dit  que  M.  Delpont  était  au 
Sutchuen.  Des  chrétiens,  interrogés  par  le 
lieutenant  criminel,  avouèrent  la  vérité  des 
révélations  faites.  Plusieurs  chrétiens  de  la 
chrélienlé  de  Ng.ni-yo  où  on  avait  dit  qu'il 
était,  furent  mis  à  la  torture,  reçurent  cousi- 
déi-aldement  de  soulllets.  Croyant  bien  faire, 
révê((ue  ,  i)Our  é|)argner  aux  chrétiens  de 
j)areilles  tortures,  écrivit  aussi  à  M.  I)el|)ont 
(hs  se  pi'ésrmler,  et  affirma  (pi'il  n'y  avait  |)lus 
de  missionnaires  dans  la  partie  orientale, 
cr'oyant  (pie  M.  Devant  était  dans  la  [U'o- 
vince  do  Kouei-tcheou.  On  mit  les  chrétiens 
h  la  ([uestiou  ,  et  M.  Devant  fut  dénoncé 
coiuiiK!  étant  dans  la  f.inulle  Ly ,  à  Tchong- 
Un-l'ou.  Un  mandarin,  détaché  avec  des  sol- 
dats, alla  pou rl(!chei'cher  dans  cette  famille,  et 
ne  l'v  ayant  pas  trouvé,  alla  du  C(Médu  Soiu- 
l'ou  où  ()n  disait  (pi'il  s'était  nUiré  ,  et  pni^ 
loul  fit   ses  recherches  avec  infiniment  cio 


cos 


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666 


sévérité  contro  les  chrétiens.  André  Yang,  ■» 
pr(Mre  cliiiiois,  fut  pris.  M.  (llogo  et  M.  De- 
vant furent  sur  le  point  de  ['(Hro.  Beaucoup 
de  elirélieiis,  pris  dans  les  districts  de  ces 
deux  Miissionnaires,  furent  conduits  h  T(;hin- 
lou.  Plusieurs  membres  de  la  famille  Ly  fu- 
rent mis  il  la  question.  On  dit  à  celte  fa- 
mille que,  si  dans  un  mois  rEuro|)éen  ne  s'é- 
tait pas  présenté  ,  tout  entière  elle  irait  en 
prison.  M.  André  Yang,  la  familhî  Ly,  M.  J)el- 
pont  ayant  supplié  l'évéque  ,  M.  de  Saiid- 
iMartin  ,  d'écrire  à  M.  Devant  de  venir,  il  le 
lit.  Le  môme  jour  il  partit  pour  Pékin  avec 
M.  Dufresse.  On  les  y  conduisit  en  chaise. 
Ils  y  arrivèrent  le  28  avril.  Ils  parurent  le 
lendemain  au  tribunal  des  crimes,  dit  Hing- 
pou,  enchaînés  et  les  fers  aux  pieds.  On  les 
mit  dans  la  i)rison  des  mandarins.  Dans  co 
lieu,  ils  furent  nourris  avec  de  mauvais  riz  et 
unecertaine espèce  defromagefaitavecdulait 
deféves,  qu'ils  achetaient.  Quatre  ou  cinqjours 
après,  les  satellites  leur  ôtaient  leurs  fers,  et 
ne  les  leur  remettaient  que  quand  ils  de- 
vaient aller  à  l'audience.  Dans  cette  prison 
ils  étaient  en  fort  mauvaise  compagnie  et  ron- 
gés de  vermine.  Après  plusieurs  jugements 
rendus,  le  tribunal  supérieur  porta  le  sien  , 
(pie  l'empereur  ratifia.  Les  courriers  qui 
avaient  introduit  les  missionnaires  furent 
condamnés  à  un  exil  perpétuel  en  un  lieu 
nommé  Yli,  et  à  être  marqués  au  visage. 
Les  prêtres  chinois^  au  uamlire  de  six,  parmi 
lesquels  était  M.  Adrien  Tchou,  furent  con- 
damnés à  la  môme  peine.  Quant  à  MM.  Saint- 
Martin  et  Dufresse,  le  jugement  les  condam- 
nait à  une  prison  perpétuelle. 

Plusieurs  des  missionnaires  emprisonnés 
ne  vivaient  que  du  riz  que  faisait  distribuer 
l'empereur  ;  sept  moururent  dans  la  prison 
d'inanition  et  de  misère.  Parmi  les  sept,  il  y 
avait  deux  évêques,  celui  de  Milétopolis  et  ce- 
lui de  Domitiopolis,  tous  deux  vicaires  apos- 
toliques du  Chensi.MM.  Devant  et  Delpont 
moururent  aussi.  Cetti;  nouvelle  étant  arrivée 
à  Pékin,  l'évêque  de  Caradre  en  eut  une  ex- 
trême douleur,  en  songeant  que  c'éîait  lui  qui 
les  avait  engagés  à  se  présenter.  Après  trois 
mois  ,  il  était  dans  un  état  de  consomption 
tel ,  que  de  jour  en  jour  il  s'attendait  à  mou- 
rir. M.  Dufresse  gardait  une  bonne  santé. 
Les  missionnaires  de  Pékin  leur  firent  pas- 
ser des  secours.  Malgré  tout  ce  qu'ils  avaient 
fait  d'etïorts  pour  adoucir  de  toute  façon  le 
sort  des  prisonniers,  jusque-là  ils  n'avaient 
pu  réussir  à  rien.  A  leurs  prières ,  l'empe- 
reur répondait  qu'ils  méritaient  la  mort , 
et  que  c'était  encore  leur  faire  grâce  que  de 
les  condamner  à  une  prison  perpétuelle.  Le 
ministre  défendit  qu'on  présentât  aucune  pé- 
tition concernant  les  missionnaires.  Enfin 
on  parvint ,  moyennant  d'énormes  sacrifices 
d'argent,  à  gagner  les  geôliers  et  à  les  déci- 
der à  leur  faire  ,  comme  nous  le  disons  plus 
haut,  passer  des  vivres.  D'abord,  on  avait 
enterré  les  corps  de  MM.  Devant  et  Delpont 
avec  les  criminels  ;  l'empereur  permit  enfin 
qu'on  les  enterrât  oij  le  jugeraient  à  propos 
les  missionnaires  de  Pékin.  Enfin,  le  10  no- 
vembre 1783 ,  l'empereur  donna  un  édit  qui 


ordonnait  de  mettre  les  Européens  en  liberté, 
en  leur  laissant  le  choix  de  retourner  à  Ma- 
cao  ou  de  rester  dans  les  églises  de  Pékin. 
Recueillis  h  l'église  des  missionnair-cs  fran- 
çais, jusqu'à  ce  qu'ils  pussent  relourntr  à 
Macao  ,  hîs  missionnaires  conhisseurs  d(i  la 
foi  y  furent  traités  avec  toutes  sortes  de  dis- 
tinctions et  de  prévenances. 

Les  mandarins  supérieurs  de  Tchintou 
avaient  eu  beaucoup  de  bonté  pour  l'évoque  et 
ses  compagnons  ;  ils  leur  avaient  affirmé  en 
partant  que  leur  maison  ne  serait  pas  con- 
fisquée. Ils  avaient  aussi  eu  égard  aux  priè- 
res que  l'évêque  leur  avait  faites  de  ne  pas 
forcer  les  chrétiens  h  apostasier. 

Cette  persécution  enleva  à  la  Chine  dix- 
huit  missionnaires  européens  ,  huit  [)rêlres 
chinois,  plus  M.  Matthieu  Kou  et  plusieurs 
du  Sutchuen  et  du  Foukien,  Six  des  huit 
premiei'S  sont  morts  en  prison,  les  six  autres 
conduits  en  exil  à  Yli ,  à  huit  ou  neuf  cents 
lieues  de  Pékin ,  et  marqués  sur  l»joue  de 
deux  lettres  qui  signifient  hors  les  limites; 
condamnés  en  outre  à  servir  d'esclaves  aux 
grands  mandarins  qui  gouvernent  dans  ces 
lieux  lointains  pour  l'empereur.  Beaucoup 
de  chrétiens  ,  qui  avaient  servi  de  conduc- 
teurs aux  missionnaires ,  furent  pareille- 
ment envoyés  en  exil.  Ceux  qui  les  avaient 
reçus  dans  leurs  maisons  furent  condamnés 
à  un  exil  de  trois  ans  dans  les  diflérenies 
provinces  de  l'empire.  Il  faut  aussi  com[)ter 
M.  de  la  Roche,  ex-jésuite,  mort  dans  les  fers 
hors  de  Pékin.  L'évêque  de  Caradre,  M.  Du- 
fresse, et  huit  ou  neuf  missionnaires  sortis 
de  prison,  se  rendirent  à  Macao.  Les  PP.  Ma- 
riano  et  Crescentiano,  franciscains  italiens  , 
restèrent  à  Pékin,  ainsi  que  M.  Ferreti,  prê- 
tre de  la  congrégation  des  Baptistains.  Voici 
maintenant,  pour  compléter  ce  récit,  l'extrait 
d'une  lettre  écrite  de  Macao  le  12  novembre 
1806  :  «  On  ne  trouve  plus  à  Pékin  ni  les 
missionnaires,  ni  les  chrétiens  ;  on  continue 
à  y  être  observé  de  plus  près  et  à  y  avoir 
bien  moins  de  liberté  qu'auparavant.  Il  faut 
espérer  que  la  constance  montrée  par  les  fi- 
dèles de  cette  capitale  l'année  dernière  ;  que 
leur  patience  à  tout  souffrir  plutôt  que  de 
trahir  leur  conscience  ;  que  les  tortures  que 
quelques-uns  ont  endurées,  les  cachots, 
l'exil,  l'esclavage  que  plusieurs  endurent  en- 
core en  témoignage  de  la  foi  ;  que  la  fidélité 
de  ces  généreux  confesseurs  attireront  sur 
cette  église  des  grâces  spéciales  dont  on  ne 
tardera  pas  à  sentir  les  heureux  effets.  Le 
missionnaire  de  Pékin ,  qui  a  été  exilé  en 
Tartarie,  est  plus  libre  et  mieux  traité  qu'il 
n'était  dans  le  principe.  On  espère  que  l'em- 
pereur ne  tardera  pas  à  lui  donner  la  liberté 
de  retourner  avec  ses  confrères.  La  persé- 
cution que  celle  de  Pékin  faisait  craindre 
dans  \cs  provinces  n'a  heureusement  pas 
eu  lieu.  Tout  s'est  borné  à  quelques  édits 
que  l'on  a  publiés  ,  mais  qui  n'ont  pas  été 
exécutés,  excepté  peut-être  celui  qui  enjoint 
de  veiller  plus  strictement  pour  empêcher 
l'entrée  de  nouveaux  missionnaires. 

«Le  missionnaire  italien  qui  fut  arrêté  dans 
l'été  de  1803  et  conduit  dans  les  prisons  de 


667 


CHI 


cm 


66» 


Canton,  y  est  encore.  La  sentence  de  l'em- 
jiereur  le'  condamne  h  y  rester  trois  ans.  Pen- 
dant quelque  temps  il  a  «été  fort  maltraité. 
Le  geôlier,  dans  la  vue  d'extorquer  de  l'ar:- 
gent,  suivant  l'usage  ,  no  se  contentait  pas 
de  lui  mettre  de  trùs-gros  fers  aux  pieds  et 
fréquenunent  aux.  mains,  il  lui  faisait  mettre, 
]>our  la  nuit,  une  barre  do  fer  dont  une  ex- 
trémité attachée  aux  jambes  et  l'autre  lui 
passa-it  sous  le  menton  ,  tenaient  son  corps 
étendu,  tixe  et  immobile,  d'u-ie  manière  très- 
génante.  On  est  venu  à  bout  de  trouver  un 
intermédiaire  qui  a  réussi  à  traiter  avec  ce 
geôliL'i'  ;  et  moyennant  une  somme  qu'on  lui 
donne  tous  les  mois,  et  une  plus  forte  qu'on 
lui  a  dojui  e  d'abord  ,  le  prisonnier  n'a  plus 
à  soulIVirqueles  incommodités  inséparables 
de  la  prison.  On  peut  lui  faire  passer  quel- 
ques   adoucissements,  de    Targent,   môme 
quelques  lettres,  et  en  recevoir  de  sa  part. 
Nous  avons  appris  dernièrement  qu'il  avait 
pour  compagnons  d'infortune   trois  manda- 
rins, de  l.i  société  et  de  la  conversation  des- 
quels il  éîait  assez  content  ;  mais  que  deux 
d'cnti'e  eux  venaient  d'être  mis  à  mort,  et  que 
l'autre  avait  iirévenu  son  supplice  en  se  pen- 
dant lui-môi'ne.   J'ai  dit  qu'on  avait  trouvé 
\\n  intermédiaire  pour  traiter  avec  le  geôlier; 
c'est  que  les  prisons  étant  dans  la  ville  ,  les 
Européens  n'y  ont  pas  d'accès.  D'ailleurs,  il 
estimportantquo  les  Européens  ne  paraissent 
pas  s'intéresser  beaucoup  pour  ces  prison- 
niers ,  sans  quoi  le  geôlier  mettrait  ses  fa- 
veurs ou  omissions cV inJiumanitc  h  des  prixex- 
horbitants  ;  et  môme  à  force  de  vouloir  ex- 
torquer de  l'argent ,  il  ferait  mourir  de  faim 
et  de  miser-'  notre  pauvre  prisonnier.  Pour 
cette  raison,  il  est  important  d'avoir  un  inter- 
médiaire discret,  et  il  convient  de  n'envoyer 
que  peu  de  chose  au  prisonnier.  Les  Chinois, 
qui  conduisaient  ce  missioiman-e  loniu'il  fut 
arrêté,  ont  et';  condamnés  à  un  exil  perpé- 
tuel ,  et  cet  exil  est  en  môme  temps  un  es- 
clavage :  ils  ont  porté  la  cangue  et  ont  souffert 
plusieurs  autres  tourments  avant  de  partir 
pour  leur  exil.  Le  chef  des  conducteurs  du 
missionnaire  s'est  comporté  avec  beaucoup 
de  pruiience  et  une  fiM-mcté  héroïque;...  11  a 
pris  tout  le  délit  sur  lui-njôme  ;  les  tortures 
n'ont  pu  lui  ari-acher  le  nom  d'aucun  mis- 
sioimaire  ,  d'aucun  chrétien.  Ce  grand  cou- 
fag(;    et  l'attention   qu'd    eiit,   lors([u'il   vit 
(pi'il  allait  être  ariôté,  de  détruire  les  lettres 
dont  il    était   chargé  et    ([ni   enssent  dorme 
des  renseignements  aux  mandarins,  ont  mis 
il   l'abri   des   l'ccherches  plusieurs  mission- 
naires et  chrétiens  qui  eussent  écha[)pé  dil- 
fii.ileirKMjt.  Le  coadjuteiu'  de  Pékin  est  tou- 
jours ici,  en  att'-ndant  que  les  voi(;s  d(;vien- 
nent  praticables,    l/incej'litude  dn  ti'mjfs  où 
il  pourra  se  rcjiidi-e  'i  son  poste,  et  la  crainte 
qiie  l'évô'iue  de  Pékin  vieinie  h  manquer  et 
(jue  ce  quarti(!r  se  ti'ouve   sans  prélat  ,   ont 
uétfMininé  celui  de  rios  coidVères   portugais 
de  Pékin,  «pii  a   été  /lonniié  à  l'évôché   de 
N.i'ikin,  à  acceplej-  cette  dignité,  qnoicpi'il  n'y 
';ôl   pas  de  probabilité  qu'il  |)flt  visiter  son 
propre  troupeau.  Il   a  été  consacré  dans  lo 


courant  du  mois  d'août.»  (Lett.  édif.,  vol.  III, 
p.  29G.) 

La  révolution  française,  qui  éclata  peu  de 
temps  a|)rès  ,  porta  un  coup  funeste  à  toutes 
les  institutions  religieuses.  Celles  qui  dans 
ce  noble  pays  se  consacraient  aux  missions, 
furent  jnomentanément  sujiprimées.  Plu- 
sieurs des  directeurs  de  ces  établissements 
que  le  fanatisme  inintelligent  de  la  révolu- 
lion  ferma,  se  retirèrent  à  Rome  ,  d'autres  à 
Londres.  Plusieurs  nouveaux  apôtres  parti- 
rent cependant  :  six  de  Londr.  s,  de  17%  à 
1799,  et  quatre  de  Rome,  de  1800  à  1807. 
M.  Souviron,  l'un  de  cenx  qui  étaient  partis 
de  Londres,  ayant  été  découvert  peu  de  temps 
après  son  entrée  en  Chine,  fut  mis  en  prison 
oh  il  mourut  le  13  mai  1797. 

M.  Dufresse  ,  sacré  évoque  de  Taoraca  le 
2ojuillet  1800,  par  l'évoque  de  Caradre  mou- 
rant, devint  vicaire  apostolique  du  Sset- 
chouan,  etsacraM.  Tranchant  évêque  de  Ca- 
radre. En  1803,  il  réunit  un  synode  ,  le  pre- 
mier qui  se  fut  tenu  en  Chine.  Peu  après, 
l'arrestation  d'un  courrier  pris  avec  ses  dé- 
pêches donna  lieu  à  de  nouveaux  édits; 
mais  ils  ne  firent  pas  beaucoup  de  mal.  L.a 
religion  continua  à  être  florissante  ,  malgré 
les  petiti^s  vexations  dont  de  temps  en  temps 
les  missionnaires  furent  l'objet.  Cet  état 
dura  jusqu'en  1812.  A  cette  époque,  un  prê- 
tre chinois  ayant  été  arrêté  dans  le  Chensi , 
le  nouvel  empereur,  Kia-k  ng,  rendit  un  nou- 
vel édit  portant  peine  de  mort  contre  tous  les 
prêtres  qui  seraient  découverts  dans  l'em- 
pire. On  voulut  expulser  de  Pékin  tous  les 
ministres  de  l'Evangile  ,  hormis  trois  qu'où 
gardait  pour  le  tribunal  des  mathématiques. 
On  accepta  dans  Tint  rôt  de  la  religion. Cette 
situation  valait  encore  mieux  qu'une  expul- 
sion complète.  Bientôt  après  ,  le  collège  de 
Lo-lang-keou,  dirigé  [)ar  les  ])rêtres  des  mis-" 
sions  étrangères,  fut  surpris  et  brûlé.  L'évo- 
que do  Tabraca  fut  pris  le  18  mai  1815.  Vai- 
nement M.  Escodecade  de  la  Boissonnade 
offrit  pour  lui  une  rançon  ,  elle  ne  fut  pas 
acce|)tée.  Le  vice-roi,  comme  on  peut  le  voir 
à  l'article  Tonquin,  le  fit  décapiter. 

Le  28  octobre  1819,  M.  Clet  écrivait  des  pri- 
sons de  Ou-tchang-fou  à  M.  Richenet:  «  Mon- 
sieur et  très-cher  confrère  ,  l'endro.t  d'où  je 
vous  écris  vous  indi(|ue  au  premier  abord 
que  c'est  avec  raison  (jue  j'emnloie  ces  pa- 
roles du  pro])hète  :  Dcus uajiitor  in  tri- 

buldlionihiis  (juœ  invcnerunt  nos  nimis,  Dieu 
est  !)olre  a|)pui  au  milieu  des  gi-andes  tribu- 
lations dont  nous  sonnnes  abreuvés.  Au  mois 
de  diM-embre  1818,  une  maladie  d(!  sept  à 
huit  jours  nous  a  ravi  M.  Dumazcl.  La  Pro- 
vidcnee  a  voulu  ,  je  crois  ,  épargner  à  sou 
Ame  très-s(Misible  le  regret  de  vide  la  déso- 
lation des  clnétiens  des  montagnes  du  Cou- 
trliing.  Dans  le  mois  de  février  1819,  notre 
confrère  ,  M.  Chen  ,  a  été  vendu  aux  préto- 
ji(;iis  par  un  nouv(>au  Judas  ,  moyennant 
vingt  mille  denicîrsdont  il  a  (ié  di'pouillé  par 
un  aussi  mauvais  garninnent  (jui!  lui.  M.Chcu 
a  été  conduit  à  (^ou-lching,  d'où,  api'ès  avoir 
été  liouoié  d'une  soixantaine  do  soufllels. 


669  cm 

il  a  été  traduit  h  la  capitale  Ou-tchang-fou. 
Pour  moi ,  j'ai  élé  |)ii.>  au  voisinage  (\c.  Non- 
gang-fou,  dans  le  lIo-!jaiJ,  où,  après  avoir  6lé 
liORoré  à  diverses  repi'ises  d'une  trentaine 
de  soul'tlelseld'nna^^enouilleinent?!  nu,  pen- 
dant trois  ou  quatre  luMires,  sur  des  ehaiîies 
(le  i'or,  jai  été  conduit  h  Ou-tcliaig-lbu  ,  par 
une  roule  di;  viîigt  jours,  les  fers  aux  pieds  , 
aux  niainsetau  cou,  n'ayant  poin-anberge  que 
les  prisons  ([ue 'l'on  r(niconirail  dans  le  che- 
min... J'ai  eu  la  consolation  de  trouver  no- 
tre cher  confrère  avec  dix  bons  chrétiens  ; 
réunis  seuls  dans  une  c]iainbr(>  où  nous  fai- 
sions sans  gène  en  connnun  les  prières  du 
matin  et  du  soir  sans  être  inquiétés....  Je 
l'avoue,  je  ne  puis  m'enipècher  de  verser  des 
larmes  ch;  consolation  et  de  joie  en  voyant  lo 
soin  pat(n'nel  du  bon  Dieu  à  l'égard  do  son 
indigne  serviteur  et  à  l'égard  de  ses  enfants 
fidèles  qui  ne  pouvaient  être  confessés  que 

par  moi Notre  confrère,  M.  Je-hing,  qui 

visite  en  secret  les  chrétiens  dans  les  li(m\ 
circonvoisins  de  cette  ville ,  a  célébré  la 
sainte  messe  dans  une  maison  peu  éloignée 

et  nous  a  apj)orté  la  sainte  communion 

M.  Lamiol  a  élé  aussi  compromis  à  mon  oc- 
casion ;  il  est  arrivé  ici;  il  par.iît  que  son  af- 
faire s'accommodera.  Pour  la  mienne ,  la 
voilii  à  peu  (irès  Unie.  »  Il  ajoutait  en  post- 
scriptum  :  «  M.  Laniiot.  M,  Clien  et  moi ,  et 
un  grand  nombre  de  chrétiens,  avons  été  ju- 
gés délinitivement  par  le  grand  mandarin  le 
1"  janvier  1820,  qui  tombait  un  samedi.  D'a- 
bord on  a  présenté  aux  a;)OSt:its  de  la  viande 
de  porc,  ce  qui  est,  dans  ces  circonslances,  un 
signe  d'apostasie.  Les  malheureux  en  ont  tous 
mangé,  et  en  conséquence  ont  tous  été  ren- 
voyés chez  eux.  Ensuite  on  a  fait  compa- 
raître vicgt- trois  chrétiens  fidèles,  qui  ont 
persévéré  avec  générosité  dans  la  profession 
de  notre  foi  :  ils  ont  été  renvoyés  en  prison 
pour  y  attendre  la  décision  de  lem;  ereur. 
Ealin  ont  comparu  MM.  Lamiot,  Chen  et  moi. 
Après  deux  ou  trois  interrogations,  le  Ta-gen 
a  déclaré  M.  Lamiot  déchargé  de  toute  accu- 
sation, et  lui  a  ordonné  de  se  lever.  Il  ex- 
horta ensuite  M.  Chen  à  apostasier  :  sur  son 
refus,  il  a  été  déclaré  coupable.  Enfm  le  Ta- 
gen  dit  quelques  mots  [)Our  moi  et  pour  ex- 
cuser mon  séjour  en  Chine ,  tout  en  me  dé- 
clarant coupable.  M.  Lamiot  retourna  en 
chaise  à  porteurs  à  son  logis.  M.  Chen  et  moi, 
avec  nos  chaînes  aux  pieds,  aux  mains  et  au 
cou,  retournâmes  en  prison  où  nous  déposâ- 
mes aussitôt  ces  ornements  dont  nous  ne 
sommes  décorés  c|ue  lorsqu'il  faut  paraître 
devant  le  mandarin.  Nous  attendons  à  pré- 
sent la  décision  de  l'empereur...  Quoique  le 
Ta-gen  ait  écrit  quelques  mots  à  ma  dé- 
charge ,  on  doute  fort  qu'il  consente  à  me 
laisser  en  vie.  Je  me  i-réj)are  donc  à  la  mort, 
disant  souvent  avec  sair't  Paul  :  Mihi  vivere 
Ciiristus  est ,  el  mori  lucruin.  Si  je  vis  ,  c'est 
pour  Jésus-Christ,  et  la  mort  serait  pour  moi 
un  gain.  »  (Henrion,  vol.  IV,  p.  651. j 

Ce  que  M.  Clet  avait  prévu  arriva.  L'em- 
pereur ratitia  la  sentence.  «  L'empereur 
veut  la  mon,  lui  dit  le  mandarin  qui  lui  lut 
la  sentence.— Bien  volontiers  dit  M.  Clet.  » 


CHI 


670 


il  l'ut  étranglé  le  18  avril  1820.  On  conserve 
à  Paris  avec  respect  l'habit  «pi'il  jmrtaità  ce 
moment,  et  la  corde  qui  astnvi  à  son  supplice. 
M.  Lamiot,  bamii  de.  l'cnnpire,  se  retira  à 
Macao  où  il  fonda  el  diiigea  juscpi'à  sa  mort 
un  séminaire  pour  les  (Chinois.  Dans  UiSse- 
Tcliouan,  le  |)iètre  chinois  Lieon,  [)ris  en 
1821,  fut  slrangulé  en  182:}.  Nous  ne;  retrou- 
vons plus  de  |)ersécutions  ^ustpi'en  1839. 
M.  Jean-Cabriel  Perboyre  lut  arrêté  dans 
la  provin(;e  de  Kouang-in-Tan,dans  leHou[)é, 
le  15  se[)tembre.  Il  était  à  célébrer  la  fête  de 
Sainte-Marie,  avec  M.  Uameanx,  évêque  de 
Myre,  M\L  lUildus  et  Clauzetto,  quand  on 
vint  les  prévenir  qu'ils  élaient  trahis.  Le 
troisième  jour  de  la  fête,  :\i.  Perboyre  fut 
rencontré  par  les  soldats.  Il  était  avec  an 
catéchiste.  «  Vous  cherchez  un  Kurofiéen? 
dit  celui-ci. — Oui,  c'est  un  chef  de  la  religion 
du  maître  du  ciel. — Et  combien  a-t-on  pro- 
mis à  celui  qui  le  livrera? — Tiente  taëls. — 
Ehbi(ni  1  dit  le  caléchi>te  en  montrant  M.  Per- 
boyre, cet  homme  est  l'Européen  que  vous 
cherchez.  »  Mené  à  Syang-yan-fou ,  M.  Per- 
boyre dut  subir  l'interrogatoire  à  genoux  de- 
vant le  juge.  Il  dut  s'agenouiller  sur  des 
chaînes  qu'on  étendit  au  milieu  de  la  salle. 
Pour  qu'il  pût  rester  dans  cette  atroce  posi- 
tion, des  cordes  attachées  au  plafond  le  te- 
naient par  les  pouces  et  par  la  tresse  des 
cheveux  qu'on  a  l'habitude  de  porter  en 
Chine.  On  mit  un  madrier  sur  ses  mollets, 
et  des  soldats  se  balançaient  aux  deux  ex- 
trémités. Durant  ce  sup[)lice,  qui  dura  la 
moitié  d'un  jour, vainement  le  mandarin  vou- 
lut le  faire  apostasier.  Ce  ne  fut  là  que  le 
commencement  de  son  cruel  martyre.  Au 
même  tribunal  on  voulut  lui  faire  fouler  aux 
pieds  un  christ;  il  refusa,  et,  prenant  le 
crucifix,  il  le  colla  avec  respect  sur  ses  lè- 
vres. A  un  autre  tribunal  rien  ne  put  non 
plus  l'oijliger  à  marcher  sur  des  croix  qu'on 
avait  fait  peindre  à  terre.  Il  refusa  avec  une 
généreuse  indignation  d'adorer  une  idole 
qu'on  avait  fait  apporter.  Alors  le  mandarin 
furieux  commanda  aux  chiétiens  alors  pré- 
sents, de  lui  arracher  la  barbe  et  les  che- 
veux. Sur  leur  hésitation,  le  juge  les  con- 
damna à  être  violemment  tlagellés.  «  Faites, 
dit  le  P.  Perboyre  ;  je  soutlVirai  ceia  avec 
plaisir.  »  Il  y  en  eut  alors  qui  eurent  la  lâ- 
cheté d'obéir.  Le  juge  lui  fit  ensuite  donner 
cent  coups  de  bambou,  puis  lui  ordonna  de 
se  revêtir  de  ses  habits  sacerdotaux.  Un  ins- 
tant le  saint  martyr  garda  le  silence;  mais  ré- 
fléchissant sans  doute  à  la  couronne  d'épines 
du  Sauveur  et  à  la  robe  de  pourpre  que,  [)ar 
dérision,  on  lui  avait  mise,  il  dit  qu'il  allait 
le  faire.  A  peine  cela  fut-il  fait,  qu'il  s'éleva 
dans  le  tribunal  une  grande  rumeur.  Le  vice- 
roi  lui  fit  imprimer  sur  le  visage,  avec  un  fer 
rouge,  les  quatre  caractères  suivants  :  sie 
kiao  ho  chnng,  c'est-à-dire  bonze  d'une  re- 
ligion mauvaise.  Après  cela  on  le  mit  dans 
une  prison  sale  et  fétide  avec  des  scélérats. 
Mais  ses  juges  le  croyaient  magicien,  et  pour 
neutraliser  ses  malétices,  ils  le  forçaient  à 
avaler  de  fortes  rasades  de  sang  de  chien  toui 
fumant. 


G71 


cm 


CHI 


67:i 


Le  11  septembre  18V0,  la  sentence  du  tri- 
bunal de  Pékin,  qui  condamnait  le  saint  à 
être  étranglé,  arriva  avec  la  signature  de 
l'empereur.  Il  marcha  au  sujiplice,  vêtu  d'un 
caleçon  et  de  la  robe  rouge  des  condamnés. 
11  avait  les  mains  attachées  derrière  le  dos. 
Elles  tenaient  une  longue  perche  au  bout 
de  laquelle  était  un  drapeausurlequel  était  im- 
primée lasentence.  On  lui  adjoignitcinqmal- 
faiteurs  qui  durent  être  exécutés  avec  lui.  On 
attachasuccessivement  et  or)  décapitales  cinq 
malfaiteurs.  Le  bourreau  prit  M.  Perboyre, 
lui  lia  les  talons  au  dos  et  le  fixa  au  ])oteau 
dans  la  posture  d'un  homme  agenouillé, 
mais  à  quelque  distance  du  sol.  Alors,  sai- 
sissant une  corde,  il  la  lui  tordit  autour  du 
cou  avec  vigueur.  Quand  il  vit  le  martyr 
prêt  à  rendre  l'àme,  il  lâcha  la  corde.  Ce  ne 
fut  qu'à  la  troisième  fois  qu'il  l'étrangla. 
Comme  il  rendait  le  dernier  soupir,  un  sol- 
dat s'approchant  lui  donna  un  violent  coup 
de  pied  dans  le  ventre.  On  a  à  Paris  les  pré- 
cieuses reliques  de  ce  saint  martyr,  hormis 
ses  ongles.  Beaucoup  d'effets  à  son  usage, 
entre  autres  le  matelas  et  la  couverture 
qui  lui  servaient  d'habitude,  y  arrivèrent 
aussi  àla  fin  de  juillet  ISil.  M.deLagrenée, 
ambassadeur  envoyé  par  Louis-Philippe  en 
Chine,  en  1843,  stipula  avec  le  mandarin  Ki- 
hing  des  garanties  de  tolérance  très-grandes 
en  faveur  des  chrétiens  indis;ènes  et  des  mis- 
sionnaires. 

Voici  la  teneur  de  ce  qu'écrivit  le  manda- 
rin à  l'empereur,  et  de  la  réponse  qu'il  en 
reçut.  «  Après  un  (îxamen  a[)profondi,  écri- 
vit le  mandarin  Ki-iny  h  l'empereur  Tao- 
Kouang,  j'ai  reconnu  que  la  religion  du  maî- 
tre du  ciel  (le  christianisme)  est  celle  que 
vénèrent  et  professent  toutes  les  nations  de 
l'Occident  :  son  but  principal  est  d'exhorter 
les  hommes  au  bien  et  de  réprimer  le  mal. 
Anciennement  elle  a  pénétré,  sous  la  dy- 
nastie de^Ming,  dans  le  royaume  du  milieu 
(Chine);  et  à  cette  époque,  elle  n'a  piiint  été 
prohibée.  Dans  la  suite,  comme  il  se  trouva 
souvent,  parmi  les  Chinois  qui  suivaient 
cette  religion,  des  hommes  qui  en  abusèrent 
pour  faire  le  mal  ,  (!t  qui  allèrent  même  jus- 
qu'à séduire  les  femmes  et  les  filles  et  à  ar- 
racher les  yeux  des  malades,  les  magistrats 
cherchèrent  et  punirent  les  coupables.  Leurs 
jugements  sont  consignés  dans  les  actes  ju- 
diciaires. Sous  le  règ'ie  de  Kia-kinq  on  com- 
iriença  à  établir  un  artich;  spécial  du  code 
|)énal  pour  punir  ces  crimes.  Au  fond  (;'(■- 
tait  j)Oiir  em[)ôcher  h.vs  (chinois  chrétiens  de 
faire  le  mal,  mais  nullement  poui-  prohiber 
la  religion  (pje  vénèrent  et  ])rofessenl  les 
nations  élrangèies  dn  rOccid(;nt.  Aujour- 
d'hui, conum;  l'ambassadeur  français  J.a- 
grenée  de-mand*;  (ju'on  exempt»;  (1(5  cli.lli- 
ments  les  chréti(;ns  chinois  qui  prali(pient 
Je  bi(;n,  cela  me  paiait  juste  et  conv(!nable. 
J'ose,  en  conséipience,  suppli(.'r  Voti(!  Ma- 
jesté d(!  daigne-r  e\eiiq)ter  ;i  l'avetiir  (Uj  tout 
châliiiient  J(;s  Chinois  c(jmm(;  h-s  élrang(Ms 
qui  pr(jfess<;nt  la  r(;ligion  clirélieinie,  et  (]ui 
en  nièiiK*  IcLnps  no  se  rendent  coupables 
d'aucun  désordre  ni  délit.  S'il  s'en  trouvait 


encore  qui  osassent  séduire  les  femmes  et 
les  filles,  arracher  les  yeux  des  malades  ou 
commettre  tout  autre  crime,  on  les  punirait 
d'après  les  anciennes  lois.  Quant  aux  Fran- 
(•ais  et  autres  étrangers  ([ui  professent  la 
religion  chrétienne,  on  leur  a  {)ermis  seule- 
ment d'élever  des  églises  et  des  chapelles 
tlans  le  territoire  des  cinq  ports  ouverts  au 
commerce  ;  ils  ne  pourront  prendre  la  li- 
berté, dans  l'intérieur  de  rem[)ire,  de  prê- 
cher leur  religion.  Si  quelqu'un,  au  mépris 
de  celte  défense,  dépasse  les  limites  fixées  et 
fait  des  excursions  téméraires,  les  autorités 
locales  aussit(jt  après  le  livreront  au  consul 
de  sa  nation,  afin  qu'il  puisse  le  contenir 
dans  le  devoir  et  le  punir.  On  ne  devra  pas, 
comme  auparavant,  le  châtier  précipitamment 
ou  le  mettre  à  mort.  Par  là  Votre  Majesté 
montrera  sa  bienveillance  et  son  affeclion 
I)our  les  nommes  vertueux  ;  l'ivraie  ne  sera 
point  confondue  avec  le  bon  grain;  et  ses 
sentiments  et  la  justice  des  lois  éclateront 
au  grand  jour.  Suppliant  donc  Votre  Majesté 
d'exempter  de  tout  châtiment  les  chrétiens 
qui  tiennent  une  conduite  honnête  et  ver- 
tueuse, j'ose  lui  présenter  humblement  cette 
requête,  pour  que  sa  bonté  auguste  daigne 
approuver  ma  demande  et  en  ordonner  l'exé- 
cution. »  Requête  respectueuse.  —  Approba- 
tion. —  «  Le  (Jix-neuvième  de  la  onzième 
lune  de  la  vingt-quatrième  année  de  Tad- 
Kouang,  j'ai  reçu  ces  mots  (de  réponse)  écrits 
au  vermillon  :  «  J'acquiesce  à  la  requête. 
Respectez  ceci.  »  (Henrion,  vol.  IV,  p.G57.) 
CHIO  (André  de),  malade  d'une  grosse 
fièvre  en  1465,  promit  à  la  sainte  Vierge,  s'il 
guérissait,  de  garder  la  chasteté  perpétuelle. 
Il  guérit,  et,  fidèle  à  son  vœu,  il  s'habille  de 
blanc  et  se  rend  à  Constantinople.  Aussitôt 
des  marchands  égyptiens  le  traduisent  de- 
vant le  juge,  comme  ayant  renié  la  croix  en 
Egypte  et  l'ré([uentant  de  nouveau  les  églises 
des  chrétiens.  André  prouve  par  des  témoins 
(ju'il  n'a  jamais  été  en  Egypte,  et  n'a  quitté 
son  île  que  pour  venir  dans  la  capitale  de 
r(!mpire.De  plus,  on  le  visite,  et  on  ne  trouve 
sur  lui  aucune  trace  de  circoncision.  Le  juge 
porte  l'atlaire  au  sultan,  qui,  informé  que 
c'est  un  grand  et  beau  jeune  lionnne ,  com- 
mande de  lui  olfrir  le  grade  de  capitaine  s'il 
veut  se  faire  musulman,  sinon  de  lui  couper 
la  tète.  A  toutes  les  olfres  les  plus  brillantes, 
André  se  coident(!  de  répondre  que  la  mort 
pour  Jésus-Christ  lui  est  {)lus  chèr(>  que  tou- 
tes choses.  Le  lendemain,  lié  à  un  poteau,  il 
est  battu  do  verges  et  de  lanières;  il  ne  dit 
qmj  ces  mois  :  «Vierge  Marie,  secourez-moi  I» 
Cependant,  au  soir,  les  bourreaux  pansent 
ses  plaies  et  lui  donnent  à  manger,  coanno 
touchés  de  compassion,  mais  en  etlVl  pour 
prolonger  sa  vie  et  ses  tourments.  Le  second 
jour,  (»n  lui  déchire  le  dos  avec  des  ongles 
d(;  fer;  on  le  panse  et  le  restaure  de  nouveau 
le  soir,  de  peur  qu'on  n'allribuàl  sa  guérison 
à  Dieu.  11  se  trouva  elVei  liveuient  guéri  celto 
nuit-là  même.  Le  troisiènu;  jour,  on  lui  tor- 
liira  les  mains  et  les  pieds  (U;  telle  sorte, 
(puî  tous  l(>s  doigts,  les  coudes  et  les  genoux 
étaient  disloqués,  avec  une  douleur  excès- 


673 


cm 


GHR 


674 


sive.  Le  quatrième  jour,  on  lui  détache  la 
cliair  dos  épaules  avec  des  épées  ;  le  cin- 
quième, la  chair  des  fesses  avec  des  rasoirs; 
le  sixième,  les  mollets;  le  septième,  les  cuis- 
ses. Le  huitième,  on  lui  déchire  ?i  coups  do 
fouets  tout  le  corps,  de  la  tète  aux  ])ieds  ;  un 
coup  emporte  la  cliair  de  la  mAchoirc.  (le 
lambeau,  conservé  ))ar  les  chrétiens  dans  la 
monastère  de  Saint-François,  répand  une 
odeur  nierv(Mllcnse.  Le  neuvième  jour, 
amené  au  lieu  du  sup|)lice,  on  le  voit  f^uéri, 
très-vigoureux,  et  d'un  visage  rayonnant  do 
joie  :  les  mahométans  de  vanter  la  vertu  de 
leurs  remèdes,  et  de  [)romellr('  la  faveur  du 
prince  s'il  veut  renier  la  croix.  Le  martyr 
attribue  sa  guérison  <i  Jésus-Christ  et  à  la 
sainte  Vierge,  et,  désirant  mourir  pour  Jésus- 
Christ,  il  présente  sa  tète  au  bourreau.  La 
tète  et  le  corps,  par  ordre  du  sultan,  sont 
portés  <i  Calata,  et  ensevelis  honorablement 
dans  l'église  de  la  Sainte-^"ierge.  Dix  mois 
après,  l'illustre  Grégoire  de  TrcMjisonde,  qui 
a  célébré  ce  martyre  dans  un  élégant  dis- 
cours, vit  le  corps  tout  entier  et  de  couleur 
vermeille,  comme  d'un  honuiie  qui  dormait, 
quoique  le  lieu  fût  si  humide,  que  toutes  les 
étoffes  dont  on  avait  enveloppé  le  corps  se 
trouvaient  déjà  pourries.  (Uohrbacher,  Hist. 
nniv.  de  VEgl.  cath.,  t.  XXV,  p.  575;  Alla- 
tius ,  De  Eccl.  occident,  et  orient,  perpétua 
consensione,  1.  m,  c.  7,  n.  2.) 

CHIO,  aujourd'hui  Scio,  Jle  de  la  Grèce, 
près  la  côte  occidentale  de  l'Asie  Mineure, 
dont  un  canal  étroit  la  sépare.  Ce  fut  dans 
cette  île  que,  sous  le  règne  de  l'empereur 
Dèce,  saint  Isidore  fut  jeté  dans  un  puits, 
pour  la  foi  chrétienne,  vers  l'an  250.  On  pré- 
tend que  bien  longtemps  l'eau  de  ce  puits 
eut  la  propriété  miraculeuse  de  guérir  les 
malades.  Un  prêtre  du  pays  avait  dit  à  saint 
Grégoire  de  Tours,  qui  le  rapporte,  que  sou- 
vent une  flamme  très-vive  en  sortait. 

Dans  cette  même  persécution,  sainte  My- 
rope  fut  aussi  mise  à  mort  pour  la  foi  dans 
cette  île.  Le  Martyrologe  romain  dit  qu'elle 
fut  condamnée  par  un  juge  nommé  Numé- 
rien ,  qui  la  fit  assommer  à  coups  de  levier. 

CHIONIE  (sainte],  martyre,  était  vierge. 
Elle  cueillit  la  palme  du  martyre  avec  sainte 
Agape,  sous  l'empereur  Dioclétien.  N'ayant 
pas  voulu  renoncer  à  Jésus-Christ,  elles  souf- 
frirent d'abord  une  longue  et  dure  captivité, 
puis  furent  jetées  dans  le  feu;  mais  les  flam- 
mes ne  leur  ayant  fait  aucun  mal,  elles  ren- 
dirent leurs  âmes  à  Dieu.  L'Eglise  fait  leur 
mémoire  le  3  avril. 

CHIOUSI  ou  Chiusi,  Clusium,  ancienne- 
ment ville  de  Toscane,  aujourd'hui  bourg  de 
l'Etrurie,  vit  sous  Aurélien  plusieurs  de  ses 
habitants  arrêtés  par  Turcius ,  envoyé  de  ce 
çrince,  pour  cause  de  christianisme.  Tous 
lurent  mis  à  mort  le  même  jour  que  sainte 
Mustiole,  cousine  de  l'empereur  Claude,  et 
saint  Irénée,  diacre,  qui  sont  les  plus  célè- 
bres parmi  les  saints  que  Turcius  envoya  au 
ciel.  [Yoy.  Turcius,  Mustiole,  et  Irénée, 
diacre.) 

CHIRIBICHI  (les  naturels  de),  excités  par 
ceux  de  Maracaoana,  dont  plusieurs  avaient 


été  enlevés  et  vendus  par  Alphonse  de  Ojeda, 
pillard  espagnol,  se  détirent  dc-s  religieux 
(pii  hal)ilaient,  au  milieu  d'eux,  \a  couvent 
(le  Saifit(!-F()i.  (^'étaient  des  J)(»minicains.  Les 
deux  religieux  de  Sainto-Foi  ignoraient  les 
événements  (pii  étaient  arrivés  à  Mar.icapana, 
bien  qu'ils  se  fussent  passés  à  quoUpios  licmes 
seulement  de  chez  eux.  (hélait  le  saint  jour 
de  diman(;he.  L'un  d'eux  n'était  f)as  prêtre; 
il  venait  de  recevoir  l'absolution  [)Our  com- 
miniier;  l'aulro  était  sur  le  point  d'offrir  le 
saint  sacrilice.Les  naturels  arrivèrent  comme 
des  forcenés,  égorgèrent  les  deux  religieux, 
miiont  le  f(m  au  couvent,  brisèrent  les  clo- 
ches, les  images,  les  croix,  un  christ,  et  je- 
tèrent les  débris  de  ces  clioses  saintes  sur 
les  chen\ins  des  environs.  Ils  coii[)èrent  les 
arbres  plantés  par  les  Européens,  voulant 
ainsi  effacer  jusqu'à  la  dernière  trace  de  leur 
séjour  au  milieu  d'eux.  Bien  des  fois,  dans 
l'histoij'o  américaine,  on  trouve  de  tels  évé- 
nements. La  cupidité,  la  cruauté  des  vain- 
queurs, éloignaient  les  indigènes  de  la  reli- 
gion qu'on  leur  prêchait,  et  les  poussaient  à 
de  terribles  représailles, 

CHIUKIN,  prince  arménien  de  la  famille 
d'Ardzourounik,  fut  l'un  de  ceux  qui  souffri- 
rent volontairement  la  captivité  pour  Jésus- 
Christ,  sous  le  règne  d'Hazguerd,  deuxième 
du  nom,  roi  de  Perse,  et  qui  ne  furent  remis 
en  liberté  et  renvoyés  en  leur  pays  que  huit 
ans  après  la  mort  de  ce  prince,  sous  le  règne 
de  son  fils  Bérose.  (Pour  plus  de  détails,  voy. 
Princes  arméniens.) 

CHRISTÈLE  (  sainte  )  ,  martyre  ,  souffrit 
pour  la  foi,  à  Avila  en  Espagne,  avec  saint 
Vincent  et  sainte  Sabine.  (Ko?/.  Vincent,  pour 
plus  de  détails.) 

CHRISTIN  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre  en  Pologne,  oii  il  était  ermite.  Jl  eut 
pour  compagnons  de  ses  glorieux  combats 
les  saints  Benoît,  Jean,  Mathieu  et  Isaac, 
tous  quatre  ermites  comme  lui.  On  ignore 
l'époque  et  les  circonstances  de  leur  martyre. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  12  novembre. 

CHRISTINE  (sainte),  martyre,  après  avoir 
subi  divers  supplices  pour  là  foi  clirétienne, 
durant  la  perséeution  de  Dioclétien,  au  com- 
mencement du  IV'  siècle,  fut  condamnée  à  une 
mort  cruelle.  Elle  fut  exécutée  à  Tyro,  ville 
qui  se  trouvait  dans  une  île  engloutie  main- 
tenant dans  le  lac  de  Bolsène  en  Toscane. 
Aujourd'hui  les  reliques  de  cette  sainte  sont 
gardées  à  Palerme  en  Sicile.  L'Eglise  fait  sa 
fête  le  2V  du  mois  de  juillet.  {Voy.  Ughelli , 
Ital.  sacr.,  t.  V,  et  Pinius,  Acta  sanctorum, 
t.  V  Juin,  p.  495.) 

■  CHRISTINE  (sainte),  martyre,  habitait  la 
Perse.  Cette  vierge  y  souffrit  le  martyre  dans 
des  circonstances  qui  ne  sont  point  parve- 
nues jusqu'à  nous.  Le  Martyrologe  romain 
ne  donne  aucun  détail.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
13  mars, 

CHRISTOPHE  (saint),  ou  Chhistophore, 
avait  un  autre  nom  que  celui-ci  :  nous  igno- 
rons lequel.  Il  avait  pris  celui  de  Christophe, 
pour  indiquer  davantage  son  amour  pou* 
Jésus-Christ.  C'est  ainsi  que  saint  Ignaco 
d'Antioche  avait  pris  le  nom  de  Théonhoro. 


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CHR 


CHR 


676 


Le  nom  de  Christophe  signifie  Porte-(^hrist  : 
c'est  à  cause  de  cela  que  la  tradition  popu- 
laire,  matérialisant  l'idée  qu'ex;  rime  ce 
nom,  a  ûiit  de  saint  Christophe  un  géant,  un 
colosse  portant  le  Christ  sur  ses  épaules,  et 
traversant  la  mer  avec  lui.  Peut-être  ne  faut- 
il  voir  en  cela  qu'une  allégorie.  L'art,  encore 
à  son  enfance ,  exprimait  ainsi ,  traduisait 
d'une  façon  palpable,  les  idées  et  les  senti- 
ments. Quoi  qu'il  en  soit,  saint  Christophe 
fut  martyrisé  en  Lvcie.  Ses  reliques  ,  (jui 
avaient  é*lé  transportées  à  Tolède,  le  furent 
depuis  h  l'abbaye  de  Saint-Denis.  L'Eglise 
célèbre  sa  fête  le  25  juillet. 

CHRISTOPHE  (saint), martyr,  reçut  la  cou- 
ronne des  combattants  de  la  foi  à  Cor>loue, 
sous  la  persécution  des  Arabes.  Il  eut  pour 
compagnon  de  son  martyre  saint  Léovigilde. 
Tous  deux  ayant  été  emprisonnés  pour  la 
défense  de  la  foi  chrétienne,  furent  décapités 
et  brûlés  ensuite.  L'Eglise  honore  leur  sainte 
mémoire  le  20  août. 

CHRISTOPHE  (le  bienheureux),  natif 
d'Atlyhuetza,  près  de  Tl  iscala,  dans  le  Mexi- 
que, était  lils  d'un  puissant  Indien  nounné 
Acxotechall.  Cet  homuie  avait  soixante  fem- 
mes :  il  en  avait  eu  quatre  entants.  Cortès 
exigea  qu'il  les  <;nvoyât  au  séminaire  que  les 
religieux  avaient  fondé.  Les  faits  que  nous 
racontons  se  passaient  en  1528.  Christophe 
était  l'aîné;  ce  nom  lui  fut  donné  à  son  bap- 
tême. 11  fit  de  grands  et  rapides  progrès  dans 
les  sciences,  et  uiontra  un  zèle  ardent  })Our 
la  propagation  de  la  foi.  Navré  de  voir  son 
|)ère  idolAtre,  il  voulut  le  convertir;  mais  ses 
instances  ne  parvinri^nt  qu'à  le  faire  détester 
de  lui.  Voyant  que  les  paroles  de  douceur 
n'avaient  pas  réussi,  il  jugea  convenable  de 
le  reprendre  avec  fermeté,  et  de  faire  enten- 
dre à  son  père  les  menaces  (|ue  fait  la  reli- 
gion à  ceux  qui  ne  suivent  pas  ses  saints 
comm.indements.  Acxotechalt  fit  endurer  à 
son  fils  de  rudes  chûtimenls,  pour  la  liberté 
de  son  langage.  La  mère  de  sou  fils  puîné, 
voulant  que  son  fils  à  elle  devint,  au  détri- 
ment de  l'aîné,  l'héritier  des  biens  paternels, 
excita  la  colère  d'Acxotcchalt,  en  accusant 
près  de  lui  Christophe  de  cerl.iins  crimes. 
Le  père  alors  résolut  la  mort  de  son  fils.  Il 
l'enferma  dans  un  lieu  écarté,  et  le  tua  en 
l'accablant  de  coups  de  bâton.  Après  cet 
odieux  forfait,  Acxotechall  c.icha  dans  le  sa- 
ble le  corps  de  son  fils,  et  défendit  à  ses  ser- 
viteurs d'en  parler.  Quelque  temps  apiès , 
Acxotechalt,  ayant  été  enipiisonné  pour  in- 
jures envers  un  Espagnol,  vil  son  eriuu^  (lé- 
couvert  et  fut  pendu.  Le  <  orjis  de  Christophe 
fut  transporté  dans  une  chapelh'  qu'(j.i  bâtit 
à  All.;huel/a;  depuis,  il  l'ut  mis  dans  une 
église  qu'on  él(;va  ii  Tlascala ,  et  (jui  est 
nommée  édiscdi!  l'Assouiption. 

CllitlSlOl'HK  HOTl.NDO  ,  le  bifndicu- 
reux),  de  la  compagnie  df  .lésus,  fut  marty- 
risé à  Axaca,  le  8  levriei-  1571,  avec,  les  bien- 
iieureu.v  Jcau-Rapiisle  Ségura ,  Saiichc/  Sa- 
velli,  Pierre  de  Linarez ,  CaLricl  (ionu'Z.  Ils 
avaient  pi'nélré  dans  la  J'ioridc,  conduits  par 
un  naturel  du  pays,  iiouniié  Louis,  ijui  avait 
éli' baptisé  en  Espagne.  Nous  venons,  ii  l'ar- 


ticle Louis  de  Quiros,  que  ce  naturel  re- 
négat le  massacra  avec  deux  de  ses  com()a- 
gnons.  Trois  jours  après,  les  meurtriers  se 
présentèrent  devant  les  autres  missionnaires 
qui  restaient,  ceux  nommés  plus  haut,  pré- 
textant avoir  besoin  de  haches  pour  abattre 
des  arbres.  A  peine  curent-ils  désarmé  les 
missionnaires,  qu'ils  les  massacrèrent  (8  fé- 
vrier 1571).  Ils  s'emparèrent  des  vases  sacrés 
et  commirctil  un  grand  nombre  de  profana- 
tions. (Societns  Jcsu  usgue  ad  sanguinis  et 
vitœ  profusioncm  militans,  p.  4'i-9.) 

CHRISTOPHE  (le  bienheureux),  prêtre 
portugais,  fut  un  des  derniers  [irètres  catho- 
li(jues  qui  restèrent  en  Abyssiiiie  ap-rès  le 
déj)art  ou  la  mort  des  missionnaires,  lors  de 
la  cruelle  persécution  que  Basilides,  Négous 
du  pays,  suscita  contre  les  catholiques.  {Voy. 
Melca  Chkistos.) 

CHHOCUS,  célèbre  roi  des  Allemands,  qui 
fit  en  Gaule ,  sous  le  règne  des  empereurs 
Valérien  et  Gallieii ,  plusieurs  incursions 
dans  lesquelles  il  ravagea  le  pays  et  fit  mou- 
rir un  grand  nombre  de  chrétiens.  Ayant 
trouvé,  près  de  Mende,  saint  Privât  retiré 
dans  une  grotte,  sur  le  haut  d'une  montagne 
qui  dominait  le  château  de  Gièze,  qui  était 
au  bas,  et  dans  lequel  les  habitants  s'étaient 
retirés,  il  voulut  le  forcer  à  les  trahir;  et 
n'ayant  pu  y  réussir,  il  voulut  l'obliger  à  sa- 
crifier à  ses  dieux.  Voyant  que  le  samt  refu- 
sait avec  horreur,  il  le  lit  ti  llement  battre, 
qu'il  en  mourut  quelques  jours  après.  On 
trouve  encore  qu'il  lit  mourir  saint  Amarand 
ou  Amaranthe,  au  village  de  Vians  ou  Vieux, 
près  u'Albi. 

CHRO.MACE,  préfet  de  Rome  sous  l'empe- 
reur Carin,  et  dans  les  premiers  temps  de 
l'empereur  Dioclétien ,  sévit  avec  rigueur 
contre  les  chrétiens.  Parmi  ceux  (jui  furent 
amenés  devant  lui,  saint  Tranquillin,  que  le 
prêtre  saint  Polyc.irpe  venait  de  convertir, 
lui  raconta  que  sa  conversion  tenait  à  ce  quo 
ce  prôti-e  l'avait  guéri  de  la  goutte.  Chromace^ 
qui  était  attaqué  de  la  même  maladie,  fil  ve- 
nir Polycarpe,  et  ayant  été  guéri  lui-même, 
il  se  convertit  avec  Tiburce,  son  fils.  Il  quitta 
sa  place,  qu'on  donna  à  un  nommé  Fabiim. 
11  alîrancliit  et  fit  baptiser  tous  les  esclaves 
de  son  domaine,  au  nombre  de  L'i-00.  il  se 
retira  ensuite  en  Camoanie,  où  il  avait  des 
terres  considérables.  11  y  accueillit  une  foule 
de  chrétiens,  pour  les  niillre  à  labii  de  la 
j)ersécution  ;  et,  enfin,  il  y  mourut  dans  la 
j)rati(pie  des  plus  saintes  vertus  du  chi'islia- 
iiisme.  L'Eglise  fait  sa  fête,  avec  celle  de  son 
fils  saint  Tiburce,  le  11  juillet.  Il  est  de  toute 
néc(îssité  de  recourir  ii  l'article  saint  SÉiivs- 

TlKN. 

CHROMACE  (saint),  évêque  et  coid'csseur, 
fut  tourmenté  pour  la  délciise  de  la  religion 
à  A(|uilé(!,  dont  il  était  (Wéipie.  Le  .Martyro- 
loge romain  ne  nous  a  lais>é  aucun  détail 
sur  son  combat.  L'Eglise  célèbre  sa  mé- 
moire le  2  décembre. 

CHRONION  (sa'inl),  martyr,  suru(Mmné 
lùim;,  était  douu-slicpie  de  saint  Julien,  mar- 
tyr è  Alexandrie,  en  2.")i»,  sous  le  règne  do 
Dèce  et  sous  le  gouvernement  de  Sabinus. 


677 


cnn 


CIM 


678 


Arrêté  avec  .son  maître  et  un  autre  domcsli- 
quc,  son  coUèsno  près  do  lui,  il  eut  le  bon- 
heur do  ne  pas  l'imiter  dans  so'i  a|)o4asio,  ot 
de  donner  so  vie  pour  Jésns-Chrisl  ou  mémo 
temps  (fue  son  vieux  maîtns  ancpiol  il  élait 
fort  attaché  :  ce  (pii  lui  avait  valu  le  surnom 
d'iMURis  ,  c'esl-h-dire  attache  ,  afl'ectionné. 
Avant  donc  conl'ossé  Jésus-Christ  avec  le 
saint  vieillard  Julien,  il  fut  avec  lui  all.iché 
sur  un  chameau,  promené  par  la  ville,  et 
comme  lui  horriblement  battu  à  coups  de 
verges  en  l'orme  de  tléaux.  Knlin  on  les  jeta 
dans  un  grand  l'eu,  en  présence  d'une  niull- 
tude  intinie  de  peuple,  qui  prit  plaisir  à  les 
voir  réduire  en  cendres.  L'Eglise  f.iit  sa  iète 
le  "27  lévrier,  avec;  celle  de  saint  Julien.  Les 
auteurs  du  Martyrologe,  trompés  par  le  sur- 
nom, ont  mieux  partagé  ce  saint  (jue  la  plus 
grande  partie  des  autres;  car  ils  inscrivent 
encore  sa  fôto  au  30  octobre,  sous  le  nom  do 
saint  h!un(!.  (Voy.  Jui.ikn.) 

CHKYSANTHL  (>aintj,  «  martyr  à  Rome, 
après  avoir  enduré,  sous  le  préfet  Célerin, 
avec  s  linte  Darie,  sa  fenniie,  de  rigoureuses 
tortures  pour  Jésus,  fut,  par  l'ordre  de  l'em- 
pereur Numérien,  descendu  avec  el'e  dans 
une  sablonnière  de  la  voie  Salaria,  et  ense- 
veli tout  vivant  sous  la  terre  et  les  pierres 
dont  on  les  accabla.  »  (Maityiologe  romain.) 
Saint  Cirégoire  de  Tours  raconte  que  beau- 
coup de  chrétiens  s'étant  assemblés  à  leur 
tombeau  quelque  temps  après  leur  mort , 
pour  y  célébrer  leur  fête  et  le  divin  sacritice, 
Numérien  lit  fermer  sur  eux  l'entrée  de  la 
grotte  avec  une  grande  quantité  de  sable  et 
de  pierres,  et  que  tous  ces  chrétiens  y  mou- 
rurent. Ce  récit  prouve  que  saint  Chrysanthe 
et  sainle  Darie  furent  enterrés  au  lieu  même 
où  ils  avaient  été  martyrisés,  ou  dans  une 
grotte  voisine.  Plus  tard,  Dieu  ayant  révélé 
le  lieu  oii  étaient  les  corps  de  tous  ces  saints, 
quand  Uome  entière  eut  quitté  le  culte  des 
idoles,  on  lit  une  ouverture  pour  y  aller.  Ou 
construisit  dans  cette  grotte  une  voûte,  pour 
en  faire  un  lieu  oii  les  fidèles  pussent 
s'assembler.  On  sépara  la  grotte  en  deux  par 
une  muraille  :  de  sorte  que  les  corps  de  saint 
Cnrysanlhe  et  de  sainte  Darie  furent  placés 
d'un  côté ,  et  ceux  des  autres  martyrs  de 
l'antre.  11  se  faisait  en  ce  lieu  beaucoup  de 
miracles.  Saint  Grégoire  de  Tours  obtint 
pour  son  Eglise,  du  pape  Pélagie  11,  des  reli- 
ques de  sauit  Chrysanthe  et  ue  sainte  Darie. 
L'Eglise  fait  la  fêlé  de  saint  Chrysanthe  et  de 
sainte  DariC  le  i25  octobre. 

CHllYSE  (sainte),  martyre,  eut  la  gloire  de 
donner  sa  vie  pour  la  foi  chrétienne,  sous  le 
règne  et  durant  la  persécution  de  Caude  II 
le  Got  ique.  (Pour  voir  son  histoire,  recourez 
à  l'article  Martyhs  d'OsTiE.) L'Eglise  romaine 
ne  fait  pas  la  fête  de  celte  sainte.  On  n'a  la 
certitude  de  son  martyre  que  depuis  peu  de 
temps.  C'est  à  la  tin  du  siècle  dernier  que  ses 
Actes  ont  été  retrouvés  ;  ils  sont  compris 
dans  ceux  que  nous  indiquons. 

CHRYSECIL  (saint),  martyr,  fut  apôtre  et 
est  patron  de  Commines.  Ses  Actes  ne  sont 
pas  très-certains.  «  Le  point  sur  lequel  on 
s'accorde  est  quiil  prêcha  l'Evangile  dans  le 


territoire  de  Tournay,  on  même  temps  (|uo 
saint  Piat  et  saint  Eubert,  c'est-h-dire  sur  !a 
lin  (le  m'  siècle.  La  })elile  ville  de  Commi- 
nes fut  le  principal  théAtie  de;  ses  travaux 
apostoli(juos.  Il  fut  martyrisé  dans  le  lieu 
appcs'é  aujourd'hui  Vertcm/hcm,  et  enterré  à 
Conunines,  qui  n'en  est  pas  éloigné.  La  tra- 
dition du  pays  porte  que  saint  Eloi  renferma 
S(!s  roli(iuos  dans  une  chAssc  préci(!use  (]ue 
relovait  encore  la  beauté  du  travail.  Les  mal- 
heurs occasionnés  par  la  guerre  privèrent  la 
vilhide  Commines  de  ce  pieux  trésor.  On  le 
garde  aujourd'hui  |)artie  h  Saint-Donatien 
de  lirugos,  partie  à  Notre-Dame  de  Lens. 
En  IGll,  les  chanoines  de  Bruges  envoyè- 
rent à  ceux  de  Tournay  une  côte  qu'ils 
avaient  tirée  de  la  châsse  du  saint  martyr. 
On  honore  saint  Chryseuil  le  7  février.  » 
Godescard,  II"  vol.,  j).  370.) 

CUUYSOGONE  (saint),  martyr,  souffrit  la 
mort  pour  la  foi  au  commencement  de  la 
persécution  de  Dioclétien  et  du  iv"  siècle. 
Il  fut  arrêté  à  Rome  et  décapité  à  Aquilée. 
Son  chef  est  gardé  à  Rome  dans  une  église 
bâtie  sous  son  invocation.  Son  corps  est  à 
Venise.  L'Eglise  célèbre  sa  fête  lé  24  no- 
vembre. Voy.  les  Lettres  de  saint  Grégoire 
le  Grand. 

CHRYSOPHORE  (saint),  martyr,  recueil- 
lit la  glorieuse  [)alme  du  martyre  sous  l'im- 
pie persécution  que  Dioclétien  fit  souffrir 
aux  chrétiens.  Il  eut  pour  compagnon  de 
son  martyre  les  saints  Victor,  Zosique,  Ze- 
non, Césaire,  Sévérien,  Théonas  et  4nto- 
nin.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  20 
avril. 

CHRYSOTÈLE  (saint),  eut  la  gloire  de 
verser  son  sang  en  Perse,  pour  la  défense  de 
la  religion.  Il  eut  pour  compagnons  de  son 
martyre  deux  autres  prêtres,  nommés  Par- 
mène  et  Héliménas,  et  les  deux  diacr.  s  Luc 
et  Mucius,  dont  le  martyre  est  décrit  dans 
les  Actes  des  saints  Abdon  et  Sennen.  L'E- 
glise fait  leur  mémoire  le  22  avril. 

CHUDION  (saint),  martyr,  l'un  des  qua- 
rante martyrs  de  Sébaste  sous  Licinius. 
{Voy.  Martyrs  de  Sébaste.) 

CHYPRE,  île  de  la  Turquie  d'Europe,  dans 
la  Aiéditerranée,  a  été  témoin  du  martyre 
des  saints  Pothame  et  Némèse.  On  ignore 
coinp'étement  à  quelle  époque. 

CIA'J'ÉE  (saint),  martyrisé  h.  Bresse,  sous 
la  pevséculion  de  Néron.  (Pas  de  docu- 
mcnis.)  L'Eglise  fait  sa  fêiele  4  juin. 

CIBALES,  ville  de  Paniionie,  eut,  en  304- 
de  l'ère  chrétienne,  l'honneur  de  voir  le  chef 
des  lecteurs  de  son  église,  saint  Pollion,  mis 
à  mort  pour  la  foi,  par  ordre  du  gouverneur 
Probus.  {Voy.  Probus  et  Pollion.) 

CiLîCIENS.  il  est  question  dans  les  Actes 
(chap.  VI,  V.  9j,  que  des  Juifs  ciliciens,  parmi 
lesquels  était  très-prob;;blement  saint  Paul, 
s'élevèrent  contre  le  diacre  Etienne,  dispu- 
tèrent contre  lui,  et  s'érigèrent  en  faux  té- 
moins pour  le  faire  condamner  à  mort. 

CIMÈLE,  ancienne  ville  d'Italie,  dans  les 
Alpes.  Sous  l'empereur  Valérien  ,  environ. 
l'an  258,  saint  Pons  ou  Ponce  y  subit  un  glo- 
rieux martyre.  Les  Lombards  ont  dépuis  dé- 


679 


CIS 


CLA 


680 


truil  cette  ville.  Aujourd'hui,  sur  remplace- 
ment qu'elle  occupait,  il  ne  reste  jilus  que 
la  c'i'lèlire  abbaye  de  Saint-Pons  des  Cimiés. 
C'est  à  côté  de  rancienne  Cimèle  que  la 
ville  de  Nice  a  été  bAtie.  Sur  les  ruines  d'une 
ville  1^1  us  rien  qu'une  abbaye.  C'est  une 
croix  sur  une  tombe.  C'est  ainsi  que  la  reli- 
gion chrétienne  consacre  le  souvenir  des 
choses  qui  passent  ici-bas.  Le  paganisme  qui 
ne  voyait  que  la  vie  terrestre,  mettait  sur  les 
tombeaux  des  emblèmes  éphémères  comme 
elle  :  le  myrte  ou  le  laurier,  amour  etgloire, 
ces  deux  rêves  de  l'homme  morts  avant  lui, 
comme  les  feuilles  avant  l'arbre.  Encore  un 
peu  de  temps,  l'herbe  de  l'oubli  pousse  vite 
sur  les  tombes,  myrte  et  laurier  seront  pous- 
sière ;  amour  et  gloire ,  échos  d'une  voix 
éteinte,  et  qui  vont  chaque  jour  s'alFaiblis- 
sant,  seront  muets  dans  la  tombe.  Le  chris- 
tianisme, au  contraire,  qui  voit  avec  l'œil 
de  la  foi,  découvre  des  horizons  d'outre- 
tombe  qu'on  nomme  l'éternité.  Il  enterre 
le  corps  ;  il  met  sur  la  tombe  une  croix, 
une  simple  croix  de  bois  cachée  dans  l'herbe, 
mais  cette  croix,  elle,  n'est  point  comme  un 
triste  écho  du  passé  ;  elle  est  un  symbole 
d'avenir  et  d'immortalité.  Les  pieds  en  terre, 
la  tète  vers  les  cieuxet  les  bras  étendus,  elle 
figure  l'humanité  qui  meurt,  mais  qui  res- 
suscite pour  la  vie  éternelle.  Chose  remar- 
quable !  sur  la  tombe  des  chrétiens  on  voit 
une  croix,  à  côté  est  un  presbytère  où  de- 
meure un  prêtre  comme  le  gardien  des  tom- 
beaux. Et  quand  lui-même  a  pris  sa  place 
dans  le  champ  des  morts,  un  autre  vient 
dans  sa  demeure  attendre  aussi  sa  tombe. 
Ainsi  d'âge  en  Age,  de  siècle  en  siècle,  de- 
puis Jésus-Christ  jusqu'au  jugement,  il  y  a, 
près  de  chaque  champ  qui  s'appelle  cime- 
tière, un  pasteur  qui  conduit  à  Dieu  le  silen- 
cieux troupeau  ;  un  cultivateur  qui  entasse 
les  gerbes  pour  la  moisson  de  l'éternité, 
baptisant  l'enfant,  enterrant  le  vieillard,  et 
priant  sur  tous.  Et  quand  la  trom|)ette  son- 
nera, le  dernier  gardien  du  cimetière  pren- 
dra, pour  la  vallée  de  Josaphat,  la  tête  du 
troupeau  des  générations  confiées  h  sa  garde. 

CIKIAQUE,  l'un  des  trente-sept  maityrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé 
l(;s  Actes  aullientiques  Voy.  Maktyus  (les 
trente-septj  égyptiens. 

ClUION  (saiiilj,  martyr,  l'un  des  quarante 
martyrs  de  Sébasle,  sousLicinius.  {Voy.  Mau- 
TYusde  Sébaste.) 

CISEL  (saintj,  mar'lyi-,  répandit  son  sang 
pour  la  foi  en  Sardaigne,  sous  la  persécution 
d(;  Diocléti(;n.  Les  (;ompagru)ns  di;  s(jn  mar- 
tyre furent  l(;s  saints  Luxoie  et  Camérin.  Ils 
j)érirent  \mr  le  glaive,  sous  le  pn-sidcMit  Del- 
nliius.  L'Eg'ise  célèbre  leui- illustre  mémoiic 
le  21  août.' 

CISNEKOï  (Bi;uN,\Hi)  i>i;j,  de  l.i  (^)mpagiii;) 
dr;  Jésus,  narpiit  (;i)  l''sj)agti(;.  Loisqu'il  eut 
terminé  sa  idiilosophie,  (j:i  l'envoya  ('U  mis- 
•sion  cIkîz  les  'l'épéguaiis  avec,  son  compa- 
gnon d'étud(;s,  Didace  de  Orosco.  Dans  c(!lto 
piOMiière  mission,  notic  bienheiu-eux  r(!(;ul 
Il  oiscoups  do  poignard  d'un  i<lol;Uro  du  j)ays, 


dont  il  avait  renversé  deux  fois  le  temple 
qu'il  bâtissait  pour  ses  idoles.  Les  naturels 
du  pays,  comme  nous  l'avons  dit  à  l'article 
Ferdinand  de  Culiacan,  avaient  résolu  de 
massacrer  les  missionnaires  le  21  novembre 
1616.  Bernard  et  Didace  ayant  remarqué  une 
surexcitation  extraordinaire  chez  les  indi- 
gènes, tirent  entrer  dans  l'église  les  fidèles 
et  les  Espagnols  qu'ils  trouvèrent  sur  leur 
chemin.  Après  avoir  donné  trois  assauts  au 
bâtiment  où  étaient  renfermés  les  chrétiens, 
les  naturels  feignirent  de  déposer  les  armes 
et  vinrent  au-devant  de  nos  bienheureux 
saints  qui  portaient  le  saint  sacrement.  Tout 
à  couj)  ils  se  précipitent  sur  eux,  foulent 
aux  pieds  le  saint  ciboire,  et  le  P.  Didace  qui 
le  portait  reçoit  un  violent  coup  de  javelot 
en  pleine  poitrine.  Un  des  bourreaux,  armé 
d'une  hache,  le  sépare  ensuite  en  deux  de- 
puis la  tète  jusqu'aux  pieds.  Bernard  fut 
massacré  en  même  temps  que  son  compagnon 
avec  tous  ceux  qui  s'étaient  réfugiés  dans 
l'église,  le  18  novembre  1616.  (  Tanner,  So- 
cietas  Jesu  usque  ad  satiyuinis  et  vitœ  profu- 
sioncm  militans,  p.  WO.) 

CITTIN  (saint),  l'un  des  martyrs  Scillitains, 
fut  mis  à  mort  à  Carthage  avec  ses  compa- 
gnons, en  200,  sous  le  règne  de  l'empereur 
Sévère.  Sa  lète  arrive  le  17  juillet.  (  Pour  les 
détails  de  son  martyre,  voy.  Spéraï.) 

CLAIR  (saint),  martyr,  était  prêtre  dans  le 
Vexin.  Il  y  soullrit  le  martyre  dans  des  cir- 
constances et  à  une  époque  que  le  Martyro- 
loge romain  ne  nous  dit  point.  L'Eglise  cé- 
lèbre sa  sainte  mémoire  le  4  novembre. 

CLARISSES  (les  bienheureuses),  mai-tyres 
h  Saint-Jean-d'Acre,  en  1291,  le  k  mai.  Ce 
fulcejour-lâ  que  le  sultan  des  mameluks  d'E- 
gypte, nommé  Mélik-Aschruf,  emporta  la 
forteresse  de  Sainl-Jean-d'Acre,  boulevard  de 
la  puissance  chrétienne  en  Palestine.  Plu- 
sieuis  Dominicains  et  Franciscains  y  furent 
immolés  dans  l'exercice  des  fonctions  deleur 
muiislère  ;  mais  ce  qui  illustra  surtout  cette 
ville,  ce  fut  le  martyre  des  religieuses  Cla- 
risses  dont  (die  possédait  un  couvent.  Leur 
supérieure  ayant  ai)pris  que  les  ennemis  ve- 
naient d'entrer  dans  la  place,  assembla  ses 
l'eligieuses  et  leur  dit  :  «  Nous  sommes,  mes 
lilles,  sur  le  point  de  pai-aître  devant  notre 
divin  é])0ux.  Le  sacrifice  qui;  nous  alhuis 
accomplir  lui  sera  d'autant  plus  agiéable, 
(pie  nous  serons  i)urcs  de  corps  aussi  bien 
([ue  de  cd'ur  ;  laites  donc  ce  que  vous  allez 
me  voir  faire,  y  Aussitôt  elle  se  coupa  le  nez, 
et  son  visage  fut  inmiédialemenl  couvert  de 
sang.  Les  religieuses  se  mutilèrent  ii  l'ins- 
tant même;,  en  se  tailladant  le  visage  de  dif- 
férentes sortes.  Quand  les  musulmans  eii- 
trèrefU,  transportés  de  fui'eur,  ils  les  ég(jr- 
gèicid.  Ce  fut  ainsi  que  ces  saint(\s  femmes 
sauvèrent  leur  chasteté.  Liî  P.  Toiuon^  re- 
garde l(!ur  conduite  conuiic  \{'  ré.sullal  d'imo 
inspiration  du  Saint  -  Es|)rit.  Pour  (pi'on 
puisse;  l'approuver,  il  faut  en  eUet  admellr(5 
celle  explication,  l-es  religieuses  d(!  Saint- 
Ji  an-d'Acre  iuiilèrenl,  dans  cette  circons- 
l.iiice,  l'exemple  (|ue,  (pielipies  années  aupa- 
ja\anl, celles  d'Anliocho  leur  avaient  donné. 


681 


CLA 


C\A 


682 


fjouron,  Histoire  des  hommes  illustres    des 
Dominicnins,  1. 1,  p.  5V0.) 

CLASSIOUK  (saint),  martyr,  souffrit  pour 
la  confession  dr  In  ioi  en  Afrique  avec  les 
saints  Lucius  ,  Silvain,  Rnlule  ,  Seeondin, 
Fruclulo  el  Maxime.  L'Eglise  fait  leur  mé- 
moire le  18  février. 

CLAUDE  APOIXINAIRE  (saint),  évéquc 
d'Hiéraple  en  Phrygi(%  était  sous  Marc-Au- 
rèle  un  (les  plus  saints  et  des  plus  savants 
prélats  qui  gouvernassent  l'Eglise.  A  la  con- 
naissance profonde  des  é(;rilures  il  joignait 
celle  des  belles-lettres.  Il  adressa  ii  Marc-Au- 
rèlc,  en  faveur  des  chrétiens,  une  apologie 
que  saint  Jérôme  nomme  un  ouvrage  insi- 
gne. Midheureusemenl  il  ne  nous  en  reste 
rien.  11  est  très-i)robable  qu'elle  fut  présen- 
tée à  l'empereur  en  môme  temjts  (pie celle  de 
saint  Méliton.  Et  comme  il  y  est  (luestion  de 
la  victoire  rcra|)ortée  miraculeusement  sur 
les  Quades,  il  est  convenable  de  mettre  sa 
présentation  à  l'empereur  en  l'an  170.  (C'est 
Eusèbe  (jui  nous  apprend  c^ue  saint  Claude 
Apollinaire  parle  dans  son  apologie  do  la 
victoire  sur  les  Quades.)  Saint  Claude  Apol- 
linaire écrivit  })lusieurs  autres  ouvrages, 
notamment  cinq  livres  contre  les  païens,  et 
deux  sur  la  vérité.  Il  combattit  avec  un  grand 
succès  les  Montanistes.  —  Ce  saint  mourut 
probablement  avant  Marc-Aurèle,  avant  l'an 
180.  Baronius  a  mis  sa  fête  dans  le  Martyro- 
loge romain  le  8  janvier. 

CLAUDE  II  [Marcus  Aurelius  Claudius), 
surnommé  le  Gothique,  a  cause  de  ses  vic- 
toires sur  les  Goths,  fut  le  successeur  immé- 
diat de  Gallien.  Il  naquit  le  10  de  mai  214, 
ou  215  s'il  est  mort  à  50  ans,  comme  le  dit 
la  Chronique  d'Eusèbe.  Sa  naissance  était 
obscure,  PoUion  l'avoue;  et  ce  qyi  le  prouve, 
c'est  qu'on  a  voulu  lui  trouver  à  toute  force 
de  nobles  ancêtres.  Quand  les  flatteurs  font 
une  généalogie,  on  peut  être  sûr  qu'ils  n'é- 
pargneront pas  l'illustration.  Ceux  qui  vou- 
lurent faire  de  Claude  un  homme  illustre  par 
sa  naissance  le  firent  descendre  de  Darda- 
nus  et  des  Troyens.  D'autres,  plus  modestes, 
le  dirent  lils  de  Gordien,  ce  qui  est  insoute- 
nable. Claude  n'avait  pas  besoin  qu'on  lui 
cherchât  d'illustres  ancêtres  ;  car  il  était  de 
ces  hommes  qui  sont  assez  grands  par  eux- 
mêmes  pour  se  passer  de  titres,  et  qui  sa- 
vent s'en  créer  de  personnels,  La  noblesse, 
quoi  qu'en  disent  les  nullités  intéressées  à 
prétendre  le  contraire,  est  plus  belle  et  i)lus 
grande  à  sa  source  que  })]us  bas.  Elle  a  le 
cours  qu'ont  les  fleuves;  elle  descend,  mais 
le  plus  souvent  elle  ne  s'élargit  pas  comme 
eux.  Claude  fut  un  grand  homme,  heureux 
s'il  n'eût  pas  été  persécuteur  des  chrétiens, 
et  si  une  cruauté  quelquefois  atroce  ne  fût 
pas  venue  déshonorer  les  brillantes  facultés 
qui  lui  avaient  été  départies.  Claude  mourut 
sans  postérité  ;  mais  il  laissa  deux  frères, 
Quintille,  duquel  nous  parlerons  plus  tard, 
et  Crispe,  père  de  Claudia,  laquelle,  mariée  à 
Eutrope,fut  mère  de  Constance,  père  de  Cons- 
tantin le  Grand.  On  le  trouve  pour  '  la  pre- 
mière fois  du  temps  de  Dèce,  qui  lui  donna 
la  garde  du  passage  des  Thermopylcs  et  lo 

DiCTIONN.    DES    PeRSÉCUTIO?JS,     I, 


commandement  du  Pélojmnèse.  11  était  alors 
tribun.  C((|)Oste  était, ?i  cause;  (h;  son  exlrênie 
iniiiorlance,  un  véritable  poste  de  con(ianc«!. 
N'alérien  lui  donna  bï  comiuandciiient  (J'unc 
légion  en  Syrie,  ave(-  les  appoinhMiienls  do 
général,  bien  (ju'il  ne  fût  (pie  tribun.  Tout 
le  monde,  peuple  et  sénat,  trouvait  étiango 
qu'on  ne  le  fit  pas  avancer  en  grade  (!t  (ui'oii 
ne  lui  donnât  pas  bi  connnandemenl  (l'une 
armée.  Valérien  obéit  enfin  à  cette  désigna- 
lion  si  glorieuse  pour  Claude;  il  lui  dorma 
le  grade  dont  il  était  si  digne,  avec  le  com- 
maudement  des  troupes  de  toute  l'Illyrie, 
c'est-h-dirc  de  la  Thrace,  de  la  Mésie  ,  de  la 
Dalmatie,  de  la  Pannonie  et  de  la  Dacc. 
Plus  tard  on  le  retrouve  dans  la  guerre  cen- 
tre les  Goths  en  207,  é[)Oque  h  la(pjello  il  les 
chassa  de  l'empire;  ce  qui  fit  que  lo  sénat 
lui  décerna  une  statue.  Il  était  à  Pavio  pour 
la  garder,  quand  Gallien,  qui  assiégeait  Au- 
réole dans  Milan,  fut  tué  par  ses  propres  sol- 
dats. On  a  prétendu  qu'il  eut  part  à  cette 
mort;  c'est  une  chose  presque  assurée.  Après 
la  mort  de  Gallien,  les  soldats  proclamèrent 
Claude  empereur.  Quand  la  nouvelle  en  ar- 
riva à  Rome,  lo  24  mars  208,  la  joie  y  fut  ex- 
trême. Claude  eut  de  la  peine  à  modérer  ks 
témoignages  de  joie  qu'on  lui  montrait  et 
ceux  de  la  haine  qu'on  faisait  paraître  pour 
son  prédécesseur.  La  tache  que  Claude  ac- 
ceptait était  excessivement  lourde,  l'empire 
était  dans  un  état  déplorable.  Les  provinces 
avaient  été  partout  ravagées  par  les  barba- 
res. Les  guerres  civiles  avaient  tout  consu- 
mé. On  avait  peine  h  trouver  des  armes 
pour  combattre  l'ennemi.  Tétricus  était  maî- 
tre de  la  Gaule  et  de  l'Espagne  ;  Zénobie  oc- 
cupait l'Orient,  et  Auréole  résistait  encore 
dans  la  ville  de  Milan.  Les  barbares  étaient 
aux  portes  de  l'Italie.  Quand  Auréole  sut 
que  Claude  était  proclamé  empereur,  il  de- 
manda à  faire  sa  soumission.  On  le  lui  per- 
mit, suivant  les  uns  ;  suivant  d'autres,  et  c'est 
le  plus  probable,  on  refusa  de  négocier  avec 
lui.  Il  fut  obligé  de  combattre,  vaincu  dans 
une  grande  bataille,  et  enfin  tué  par  les  sol- 
dats de  Claude.  On  dit  que  ce  fut  Aurélien 
qui  lui  porta  le  premier  coup.  Il  était  temps 
que  cette  guerre  fût  achevée  ;  les  Allemands, 
profitant  des  divisions  des  Romains,  se  pré- 
cipitaient pour  les  attaquer.  Claude  les  ren- 
contra sur  les  bords  du  lac  de  Garde,  et  par 
lui  ou  par  ses  généraux,  les  battit  tellement, 
que  la  moitié  do  leur  armée  y  resta. 

Claude  vint  ensuite  à  Rome,  et  y  resta 
toute  la  fin  de  cetteannée,s'occupant  d'amé- 
liorer l'état  des  finances,  de  remettre  de  l'or- 
dre dans  les  diverses  administrations.  Il 
montra,  dit  Zonare,  une  grande  sagesse  et  une 
grande  fermeté,  jointes  à  une  profonde  con- 
naissance dos  atï'airos.  Ce  fut  durant  son  sé- 
jour à  Rome  que  Claude  persécuta  violem- 
ment les  chrétiens,  comme  on  le  peut  voir  à 
notre  article  Persécutions,  et  dans  notre 
deuxième  volume  de  l'Histoire  générale  des 
persécutions  de  l'Eglise.  Ce  fut  dans  l'année 
suivante  que  Claude  remporta  sur  les  Goths 
sa  célèbre  victoire  qui  lui  valut  le  surnom  de 
Gothique.  On  sail  qu'à  la  lin  de  l'anucc  £C7 

2a 


685  CLA 

il  les  avait,  de  concert  avec  Marcien,  chassés 
de  l'empire.  Ceux  que  Marcien  avait  laissé 
échapper  contre  l'avis  de  Claude,  de  retour 
chez  eux,  excitèrent  tous  leurs  compatriotes 
à  venir  venger  leur  honte.  L'occasion  leur 
paraissait  favorable.  Les  divisions  intestines 
déchiraient  l'empire,  les  finances  étaient 
épuisées,  et  ils  pensaient  que  la  main  qui  te- 
n.iil  le  glaive  des  cés;trs  était  aussi  molle 
(îuc  celle  des  deux  derniers  empereurs  ;  ou 
du  moins,  les  deux  rt\;inesde  Valéricn  et  de 
Gallien  avaient  tellement  abaissé  chez  ces 
barbares  le  prestige  de  la  puissance  romaine, 
qu'ils  s'imaginaient  que  ce  vaste  empire 
était  pour  eux  une  proie  à  partager,  vérité 
qui  ne  devait  s'accomplir  que  plus  tard. 
Après  avoir  fait,  pendant  toute  l'année  268, 
d'immenses  préparatifs,  les  Gotlis,  les  Os- 
tro^otlis,  les  Gépides,  les  Hérules  et  plu- 
sieurs autres  peuples,  descendirent  le  Nies- 
ter  sur  2000  vaisseaux  quils  avaient  cons- 
truits, e!  vinrent,  au  nombre  de  trois  cent 
vingt  mille  combattants,  atta(pier  la  ville  de 
Tomes,  dans  la  petite  Scythie,  et  Marciano- 
ple  dans  la  Mésie.  Ils  furent  repousses  de 
l'une  et  de  l'autre  après  plusieurs  combats 
qui  furent  livrés  près  de  Marcianopolis.  Ils 
franchirent  ensuite  le  Bosphore,  où  la  rapi- 
dité du  courant,  faisant  heurter  leurs  vais- 
seaux les  uns  contre  les  antres,  leur  fit  péiir 
beaucoup  de  monde.  Ils  assiégère-it  inutile- 
ment plusieurs  villes  et  furent  défaits  près 
de  Naisse,  i)ar  Claude,  qui  leur  tua  cliquante 
raille  honnnes.  Une  partie  se  réfugia  et  se 
tbriitia  sur  le  raonl  Hémus,  oij,  l'année  sui- 
vante, les  Romains  achevèrent  de  les  dé- 
truire. , 

Voil?i,  commefaitsd'armcs,  cequ  on  trouve 
dans  le  règne  de  Claude,  qui  fut  court,  puis- 
quaprès  la  défaile  des  (loths  il  fui  pris  de 
la  peste  qui  le  fit  mourir  h  Sirmich.  Il  est 
juste  de  dire  cjue  les  victoires  de  Claude 
dans  celle  guerre  sont  des  plus  belles  et  des 
plu.^  impoi  tailles  dont  l'histoire  ait  fait  men- 
tion. Claude  était  un  grand  général.  Ses  ta- 
lents militaires,  ses  vertus  civiles,  font  do 
lui  un  des  plus  grands  empereurs  tpi'aient 
eus  les  Komains.  S'il  eût  vécu,  nul  doute 
qu'il  n'eût  ramené  l'empire  h  l'unilé,  en 
abattant  ses  rivaux.  îsul  doute  qu'il  n'eût 
lait  respecter  partout  autour  de  lui  le  nom 
romain^  (jue  ses  indignes  prédécesseurs 
avaient  abaissé.  Il  avait  tout  ce  qu'il  fallait 
i)Our  arriver  à  de  tels  résultats.  Il  était  aimé, 
ailiuiré  et  craint.  Sous  ce  dernier  rap[)Orl,  il 
nous  reste  une  ailégali'.n  à  justifier.  Nous 
avons  dit  en  coinmencanl  que  (ùlaude  était 
cruel  :  en  elfcl,  entre  autres  preuves  nous 
citerons  celle-ci.  Des  soldais  s'élaiit  nio-i- 
trés  avides  de  pillage,  il  b'S  fil  pnmdre  au 
n«)iiiljre  de  |)lusieurs  ctnilaines  et  b's  envoya 
h  h(jme  jiour  y  servir  aux  jeux  alroc(;s  du 
p(Mij)le  romain.  Il  les  fil  luer  à  coups  de  fiè- 
ches  dans  i'ainpliiUié.llie.  l-.videirimeiilon  ne 
peul  appeler  cela  de  la  sévérité.  Il  faut  un 
nom  h  de  If  Iles  atrocités,  <;l  ce  noui  est  un 
sli-Miinte  pour  Claude.  De  semblables  a.:les 
soiiilleiit  la  gloire  la  plus  belle.  D'un  aube 
oAté,  il  lil  perséeulei'  les  rhréiiens  avec  un 


CLA. 


684 


acharnement  incroyable.  La  punition  de  ses 
crimes  lui  fut  envoyée,  et  la  vengeance  cé- 
leste tomba  sur  sa  tète  au  moment  où  la  vic- 
toire y  déposait  ses  couronnes,  où  les  succès 
cl  les"^  prospérités  semblaient  lui  en  assurer 
l'avenir  et  la  durée.  .Mais  Dieu  ne  permettait 
pas  aux  empereurs  romains  de  trouver  la 
stabilité  sur  le  Irone.  Ou'on  lise  attentive- 
ment leur  histoire  :  chaque  règne  commence 
par  un  crime  et  finit  par  une  catastrophe. 
Celui  qui  monte  lesdegrés  qui  vont  au  trùne 
les  arrose  du  sang  de  son  prédécesseur,  et 
le  sien  à  lui-même  est  le  plus  souvent  versé 
sur  les  degrés  qui  en  descendent.  S'il  n'en 
est  pas  ainsi,  c'est  cjuclque  fiéau  de  Dieu, 
quehjue  malheur  imprévu,  qui  remplace  la 
main  des  assassins.  Jamais,  à  aucune  épo- 
que de  riiisloire,  on  ne  voit  la  main  d'une 
providence  vengeresse  comme  dans  cette  pé- 
riode de  l'idstoire.  Souvent  Dieu  donne  au 
génie  môme  de  ceux  qui  ne  le  servent  pas, 
les  récompenses  terrestres  qui  sont  le  fruit 
dus  vertus  humaines.  Des  rois  vieillissent 
sur  le  trône  qu'ils  ont  illustré,  et  lèguent  en 
mourant  en  paix  l'empire  qu'ils  ont  conquis, 
fondé  ou  soutenu,  h  leurs  enfants.  Kien  de 
jiareil  chez  les  empereurs  romains  ;  hors 
deux  ou  trois  qui  font  exception,  nul  ne  peut 
jouir  de  ses  succès,  nul  ne  peut  léguer  l'era- 
piie  à  s?s  tlescendanls.  Tous  sont  frajipésau 
faite  de  la  puissance,  inopinément  et  sans 
pouvoir  jouir  du  fruit  de  leurs  vertus  ou  de 
leurs  talents.  Il  semble  que  ce  sol  de  l'em- 
pire romain,  que  les  empereurs  ont  inondé 
du  sang  des  martyrs,  soit  fait  pour  les  (dévo- 
rer tous.  Ainsi  en  fut-il  de  Claude.  11  est  à  la 
têle  d'armées  aguerries,  couvert  de  lauriers 
récemment  cueillis  ;  il  est  aimé,  vénéré.  Il 
sort  de  rendre  h  l'empire  qu'il  sauve  de  l'in- 
vasion, de  mémorables  services.  La  peste  le 
faitmourir.  Pauvres  grandeurs  humaines,  que 
vous  êtes  faibles,  quand  Dieu  laisse  tomber 
le  fil  de  vos  destinées  1  Quand  Claude  fut 
mort  on  lui  éleva  des  statues  d'or,  on  lui  bâ- 
tit des  temples,  on  lui  rendit  des  honneurs 
divins.  Pitoyable  dérision!  C'est  quand  la 
mort  vient  montrer  l'inanité  de  la  puissance, 
qu'on  prétend  diviniser  cette  [iuissam  e.  On 
prend  cet  homme  que  la  morl  a  couché  près 
des  plus  petits.  Terrible  égalité,  celle  de  la 
tombe,  des  vers  et  de  la  pourriture  1  et  cet 
homme  on  en  fait  un  dieu  I  II  y  a  de  ces 
aberrations,  do  ces  audaces,  (jui  dénassent 
tout.  Trois  choses  ici  sonl  grandes  à  rinfiîii: 
la  folio  des  hommes,  la  vanilé  du  tombeau, 
la  justice  de  Dieu.  Que  cette  anliquité  csl  pi- 
toyable! Comparez  ces  sénateurs  romains, 
décrélanl  la  divinité  de  leurs  empereurs 
morls,  el  Massillon  s'écrianl  en  ])réseiice  des 
restes  de  Louis  XIV:  «  Dieu  seul  esl  grand, 
mes  frères!  »  Claude  morl,  son  frère  Quiii- 
lille  prit  la  pourpre;  mais  p<'u  après,  pour 
écliai)])er  à  Aurélieii,  il  se  fil  ouvrir  les  vei- 
nes. 

CLAUDF.  (  saint  ),  fui  martyrisé  à  Troycs 
e'1  même  lem|>s  que  saint  .lusli;,  saint  Ju- 
coiidin,  et  ciiK]  autres  (pie  le  Martyrologe 
romain  ne  nomme  [las.  Leur  sacrifice  s'ac- 
complit sous  le  rôgnode  l'empereur  Aurélien, 


C85 


CLA. 


CLA 


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et  s'il  faut  en  croire  les  Actes  do  saiiilo  Ju- 
lie, eu  sa  piTseiico.  Leur  f(He  a  lieu  le  21 
juillet,  roinnie  celle  (le  sainte  Julie.  Probnble- 
uuMil  (jiie  leur  martyre  eut  lieu  le  nuMiiejour. 
('LAl'DK  (saint),  geôlier  de  la  prison  dans 
laquelle  ou  avait  mis  les  chrétiens  à  Uome, 
en  "28'i.,  sous  le  rè;^ue  d(!  Cari;),  fut  converti 
par  le  récit  que  lui  fit  le  greffier  en  clief  do 
la  préfecture,  nommé  Nicostrale,  des  mira- 
cles opérés  par  saint  Sébastioi  dans  sa  mai- 
son, et  sur  la  persoinie  de  sainte  Zoé,  sa 
femme,  ainsi  que  par  l'expérience  qu'il  fit 
lui-même  de  la  })uissancc  du  saint,  en  lui 
présentant  ses  deux  fils  qui  étaient  liydro|)i- 
ques  et  qui  furent  guéris.  Ces  deux  fils,  qui 
étaient  ainsi  gravement  malades,  se  nom- 
maient Félicissime  et  Félix.  L'un  des  deux 
se  nonuuait  aussi  Sympliorien.  Celui-là  fut 
martyrisé  avec  sou  père  dans  les  circonstan- 
ces suivantes.  Lorsque  saint  Zoé  et  saint 
Tranquillin  eurent  été  martyrisés,  Claude  et 
Synq)liorien  son  fils  furent  jiris  comme  ils 
ciuM'chaient  les  corps  de  ces  saints  martyrs, 
avec  Nicostrate,  CastoreetVictorin.  Conduits 
devant  Fabien,  nouveau  préfet  de  Rome, 
ils  furent,  pendant  dix  jours,  de  la  part  de  ce 
magistrat,  l'objet  d'obsessions  de  toutes  sor- 
tes, de  menaces,  de  caresses,  ayant  pour  but 
de  les  faire  renoncer  à  la  foi.  Tout  ayant  été 
vainement  emj)loyé,  Fabien,  sur  l'ordre  de 
Dioclétieu  et  de  i^Taximien,  les  fit  mettre 
trois  fois  à  la  torture,  et  ensuite  les  fit  jeter 
dans  la  mer.  Ce  fut  un  17  juillet  que  la  mort 
de  ces  saints  eut  lieu,  ce  qui  n'empôche  pas 
le  Martyrologe  romain  de  mettre  leur  fête  au 
7  juillet.  (Pour  plus  de  détails,  voy.  les  Actes 
de  saint  Sébastien  à  son  article.) 

CLAUDE  (saint),  habitait  Egée  en  Cilicie. 
Sur  la  dénonciation  de  sa  belle-mère,  il  fut 
arrêté  avec  ses  frères,  saint  Astère  et  saint 
Néon,  et  tous  trois  souffrirent  d'horribles 
tourments,  avant  de  consommer  leur  sacri- 
fice. Leur  martyre  eut  lieu  en  même  temps 
que  celui  des  saintes  Domnine  et  ïhéonille, 
sous  le  proconsul  Lysias  et  sous  le  règne  de 
l'empereur  Dioclétien,  en  l'aimée  285.  Les 
Actes  de  tous  ces  saints  ne  peuvent  être  scin- 
dés, nous  les  don-ierons  ici  en  entier.  Seu- 
lement, au  titre  de  chacun  d'eux  en  particu- 
lier nous  y  renverrons  le  lecteur. 
Actes  de  saint  Claude,  de  saint  Astérius,  de 
saint  Néon,  et  des  saintes  Domnine  et  ïhéo- 
nille. 

Le  dixième  des  calendes  de  septembre  (1), 
sous  le  consulat  de  Dioclétien  et  d'Aristo- 
bole  (2),  à  Egée  (3)  en  Lycie,  le  proconsul 
Lysias,  tenant  l'audience,  dit  :  Qu'on  fasse 
entrer  les  chrétiens  qui  ont  été  arrêtés  par 
les  ofiiciers  de  la  ville,  en  exécution  de  nos 
ordres.  Euthalius,  garde  général  des  pri- 
sons (i),  dit  au  proconsul  :  Seigneur,  quel- 
que recherche  qu'aient  pu  faire  ces  olïïciers, 
ils  n'ont  pu  découvrir  que  trois  jeunes  gar- 

(1)  Le  23  août. 

(2)  Ou  Aris lobule. 

i'ô)  Ou  plutôt  en  Cilicie,  où  est  ^gée,   ville  épi- 
scopale,  relevant  d'Anazarbe,  métropole. 
(4)  Commentariensis,  Clavicularius,  Cornkularius, 


çons  qui  sont  frères  (1),  deux  femmes  et  un 
petit  enfant.  Voici  un  de  ces  trois  frères  ; 
(jue  votre  grandeur  (2)  veut-elli!  qu'on  en 
lasse?  Le  i)roconsul  Lysias,  l'ayant  fait  ap- 
p(;ler,  lui  dit  :  Mon  fils,  connu'ent  vous  ap- 
pelez-vous? Le  jeune  lioniMU!  répondit: 
Seigneur,  je  m'appelle  Claude.  Le  j)roconsul 
Lysias  dit  :  Ne  vous  amusez  point  h  toutes 
ces  folies,  mon  (ils;  croyez-moi,  sacrifiez 
aux  dieux  ;  c'est  l'unique  moyen  d'évii^r-  les 
tournuînts  qui  sont  préparés  [)Ourtous  ceux 
qui  refuseront  de  le  faire.  Claude  répondit: 
Le  Dieu  que  je  sers  ne  demande  point  do 
pareils  sacrifices.  Ce  qu'on  lui  peut  offrir  do 
plus  agréable  ,  ce  sont  de  bonnes  œuvres  ; 
voilà  les  sacrifices  qu'il  aime.  Pour  vos  dieux, 
ce  ne  sont  que  des  esprits  immondes,  qui 
pe  se  plaisent  qu'à  perdre  les  Ames  de  ceux 
qui  les  adorent  ;  c'est  pouniuoi  vous  ne  rae 
persuaderez  jamais  de  les  adorer.  Alors  le 
proconsul  Lysias  lui  fit  donner  cent  coups 
de  fouet,  disant  qu'il  n'y  avait  que  ce  moyen- 
là  de  le  rendre  sage.  Claude  dit  :  Quand  vous 
me  feriez  souffrir  des  tourments  mille  fois 
plus  cruels,  vous  ne  viendriez  pas  pour  cela 
à  bout  de  votre  dessein  ;  sachez  que  vous 
vous  faites  plus  de  mal  qu'à  moi.  Le  pro- 
consul Lysias  dit  :  Je  veux  bien  encore  vous 
le  redire,  l'ordre  précis  de  notre  invincible 
empereur  enjoint  à  tous  les  chrétiens  de  sa- 
crifier aux  dieux,  et  veut  que,  s'ils  s'en  défen- 
dent, ils  soient  punis  sur-le-champ  ;  mais 
aussi  que  s'ils  obéissent,  ils  soient  comblés 
d'honneurs  ,  et  inscrits  sur  une  liste  pour 
avoir  part  aux  gratifications  du  prince.  Claude 
dit  :  Ces  honneurs  et  ces  gratifications  que 
vous  faites  sonner  si  haut  ne  seront  que 
pour  un  temps  ,  au  lieu  que  la  récompense 
que  je  recevrai  pour  avoir  confessé  Jésus- 
Christ  sera  éternelle.  Le  proconsul  Lysias  le 
fit  mettre  sur  le  chevalet,  et  fit  allumer  du  feu 
sous  ses  pieds.  H  s'avisa  même  d'une  extrême 
cruauté  ;  ce  fut  de  lui  faire  couper  de  la  chair 
aux  talons,  et  de  la  lui  faire  mettre  dans  les 
mains  ,  afin  que  les  secouant  par  l'horreur 
que  lui  donneraient  ces  morceaux  de  chair 
sanglante,  ils  tombassent  dans  le  brasier 
qu'on  avait  allumé  sous  lui,  et  qu'il  parût 
ainsi  les  avoir  offerts  en  sacrifice.  Claude 
dit  :  Le  feu  et  les  tourments  les  plus 
âpres  ne  peuvent  rien  sur  ceux  qui  craignent 
Dieu.  Le  proconsul  Lysias  commanda  qu'on 
lui  appliquât  les  ongles  de  fer.  Claude  dit  : 
Je  veux  que  vous  connaissiez,  par  le  peu 
d'effet  que  vos  tourments  font  sur  moi,  que 
vos  dieux  ne  sont  rien,  ou  ne  sont  tout  au 
plus  que  de  mauvais  démons,  de  misérables 
créatures  impuissantes.  Pour  vous,  craignez 
le  feu  qui  ne  s'éteint  jamais.  Le  proconsul 
Lysias  dit  aux  bourreaux  :  Prenez  des  mor- 
ceaux de  pots  cassés,  choisissez-en  des  plus 
aigus  et  des  plus  tranchants,  déchirez-lui 
les  côtés  avec  cela,  et  ensuite  mettez-y  des 
flambeaux  allumés.  Pendant  qu'on  exécutait 
cet  ordre,  Claude  dit  :  Vos  feux  et  vos  sup- 
plices  me  font  plus  de  bien  que  vous  ne 

(1)  Livrés  par  la  méchanceté  de  leur  belle-mère.- 

(2)  C tarifas  tua,  nobilitas  l2<a. 


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pensez  ;  ils  mettent  mon  salut  en  pleine  as- 
surance. Ce  que  Ton  souffre  pour  le  nom  et 
la  gloire  du  Seigneur  ne  cause  aucune  tris- 
tesse ni  aucune  douleur  :  mourir  pour  Jésus- 
Christ  vaut  mieux  que  toutes  les  richesses 
du  monde.  Le  proconsul  Lysias  dit  :  Qu'on 
l'ôte  de  là,  qu'on  le  remène  en  prison  et 
qu'on  en  iasse  entrer  un  autre. 

Euthalius,  garde  général  des  prisons,  dit  : 
Seigneur,  en  exécution  des  ordres  de  votre 
grandeur  (1),  j'ai  amené  devant  elle  Astérius, 
le  second  des  trois  frères.  Le  proconsul  Ly- 
sias dit  :  Et  vous,  mon  {ils,  m'en  croirez- 
vous?  Sacrifiez  aux  dieux  ;  car,  pour  peu  que 
vous  on  fassiez  difficulté  ,  vous  voyez  que 
tout  est  prêt  pour  vous  y  contraindre  à  force 
de  tourments  :  je  n'ai  qu'à  dire  un  mot.  As- 
lérius  dit  :  Il  n'y  a  qu'un  Dieu  qui  habite 
dans  le  ciel,  qui  viendra  un  jour  sur  la  terre 
qu'il  gouverne  par  sa  providence;  ceux  de 
qui  je  tiens  la  naissance  m'ont  appris  àl'aimer 
et  à  l'adorer.  Du  reste,  je  ne  connais  point 
ce  que  vous  appelez  des  dieux  ;  croyez-moi 
à  votre  tour,  tout  cela  n'est  qu'une  pure  in- 
vention des  hommes,  il  n'y  a  pas  la  moindre 
vérité.  Alors  le  proconsul  Lysias  le  fit  sus- 
pendrt^  sur  le  chevalet ,  et  pendant  qu'on  lui 
déchirait  les  côtés,  il  lui  faisait  dire  :  Sacri- 
fiez, sacriliez,  croyez  aux  dieux,  croyez  aux 
dieux.  Astérius  dit  :  Je  suis  le  frère  de  celui 
que  vous  venez  d'interroger,  et  qui  vous  a 
con'ondu  [)ar  ses  réponses.  Sachez  que  lui 
et  moi  n'agissons  q  .e  par  un  môme  esprit, 
que  nous  n'avo  is  qu'un  môme  sentiment, 
une  môme  foi,  un  même  Dieu.  Faites-moi 
tout  le  mal  que  vous  pourrez,  mon  corps  est 
en  voire  puissance;  mais,  grâce  à  Dieu,  mon 
âme  n'y  est  pas.  Le  proconsul  Lysias  dit  : 
Qu'on  lui  serre  les  pieds  avec  des  tenailles, 
pour  voir  si  son  âme  ne  souffrira  rien  :  il  ne 
doit  rien  craindre  [)Our  elle,  puisqu'elle  n'est 
pas  sous  ma  i)uissance.  Astérius  dit  :  Quelle 
fureur  te  possède,  pourquoi  me  fais-tu  tour- 
menter ainsi  ?  Qu'ai-je  fait  pour  mériter  un 
traitement  si  cruel?  Ne  vois-tu  pas,  misé- 
rable, ce  que  Dieu  prépare  pour  te  punir  de 
ta  cruauté  ?  Le  proconsul  Lysias  dit  :  Gela 
ii'emijèchera  pas  que  je  ne  te  fasse  brûler  les 
pieds  ;  et  pendant  qu'on  les  lui  brûlera,  vous 
autres,  frapi)ez-le  de  toute  votre  force  à 
grands  coups  de  nerf  de  boiuf  sur  l'estomac  et 
sur  lesreins.  Astéi'iusdil:  Jene  vous  demande 
qu'une  grâce,  c'est  que  vous  ne  laissiez  au- 
cun endroit  sur  mon  corps  dont  vous  ne 
fassiez  une  plaie.  Lysias  dit  :  Qu'on  le  re- 
mette avec  les  autres. 

Kutlialius,  premier  geôlier,  dit  :  Seigneur, 
voici  Néon,  le  troisième  des  frères.  Lysias 
dit  :  Approchez,  mon  fils,  et  venez  sacrifier 
a  nos  dieux.  Néon  dit  :  Si  vos  dieux  ont 
quelque  jjouvoir  ,  qu'ils  se  vengent  eux- 
mêmes  de  ceux  ([ui  les  méprisent  comme 
nous  faisons,  sans  vous  laisser  le  soin  de 
cette  vengeance.  S'ils  sont  (pu-hpie  chose, 
qu'ils  rious  le  fassent  sentir  ;  jusipie-là  nous 
n'en  citjirons  ruj'i.  .Mais  s'dsne  sont  tout  au 
jjlus  que  dt;  mauvais  oéiiii's,  el  qui;  vuus  ne 

^i  ;   Potrulnlit  tu<v^  '      '  ' 


soyez  que  le  complice  et  l'exécuteur  de  leur 
noire  malice,  apprenez  que  je  vaux  mieux 
qu'eux  et  vous,  jtuisque  j'adore  le  vrai  Dieu 
qui  a  fait  le  ciel  et  la  terre.  Le  proconsul 
Lysias  dit  :  Donnez-lui  cent  coups  sur  la 
tète,  et  dites-lui  à  chaque  coup  :  C'est  ainsi 
qu'on  traite  ceux  qui  blasphèment  contre  les 
dieux  immortels.  Néon  disait  :  Je  ne  blas- 
phème point,  je  dis  la  vérité.  Le  proconsul 
Lysias  dit  :  Qu'on  lui  brûle  la  plante  des 
pieds,  et  qu'on  lui  décharge  sur  le  dos  et  sur 
le  ventre  force  coups  de  bâton.  Après  qu'on 
eut  exécuté  cet  ordre.  Néon  dit  :  Tous  ces 
tourments  ne  me  feront  pas  changer  de  ré- 
solution :  je  sais  ce  qui  m'est  utile,  et  je  fe- 
rai toujours  ce  que  je  croirai  être  avantageux 
pour  mon  âme.  Lysias  s'étant  un  peu  éloi- 
gné, on  tira  un  rideau  sur  lui  :  et  ayant  re- 
paru après  quelques  moments,  il  lut  dans 
ses  tablettes  cette  sentence  :  «  Claude,  Asté- 
rius et  Néon,  tous  trois  frères,  tous  trois 
chrétiens,  et  tous  trois  convaincus  d'avoir 
blasphémé  contre  les  dieux  immortels,  ayant 
outre  cela  refusé  de  leur  sacrifier,  seront 
chacun  attachés  à  une  croix  dans  la  grande 
place  du  palais,  et  leurs  corps  jetés  aux  bêtes 
et  abandonnés  aux  oiseaux.  Il  ajouta  :  Nous 
commettons  à  l'exécution  de  la  présente  sen- 
tence Euthalius,  le  premier  geôlier,  et  Ar- 
chelaûs,  exécuteur  de  haute  justice.  » 

Euthalius,  garde  général  des  prisons,  dit  : 
Seigneur,  suivant  les  ordres  de  votre  gran- 
deur (  1  ),  Domnine  com])araît  devant  elle. 
Lysias  dit  :  Vous  voyez,  ma  chère  anjie,  ce 
feu  et  ces  autres  tourments  ;  tout  cela  est 
préparé  pour  vous.  Voulez-vous  vous  en 
garantir?  venez,  et  sacrifiez  aux  dieux.  Do- 
mnine dit  :  Je  ne  crains  que  les  tourments 
éternels  et  le  feu  qui  ne  s'éteindra  jamais  ; 
et  c'est  pour  n'y  pas  tomber  que  j'adore  Dieu 
et  son  Christ  qui  a  créé  le  ciel  et  la  terre  : 
car  pour  vos  dieux,  ce  ne  sont  que  des  dieux 
de  l)ois  et  de  pierre.  Lysias  dit  :  Qu'on  la 
dépouille  de  ses  vêtements  et  qu'on  la  frappe 
fort  longtemps  avec  des  verges.  Un  des 
bourreaux  vint  dire  :  Seigneur,  par  la  vie  de 
votre  grandeur  (2),  cette  femme  est  expirée. 
Le  jtroconsul  Lysias  dit  :  Qu'on  jette  son 
corps  dans  le  fleuve. 

Euthalius,  garde  général  des  prisons,  dit: 
Voici  Théonille.  Lysias  dit  :  Je  vous  conseille 
en  ami  de  sacrilieraux  dieux,  si  vous  voulez 
éviter  ce  feu  et  ces  tourments.  Théonille  dit: 
Ce  feu-là  ne  me  fait  point  de  peur  :  celui  que 
je  crains,  c'est  le  feu  éternel,  (|ui  peut  brû- 
ler l'âme  aussi  bien  que  le  corps,  et  qui  est 
préparé  pour  ceux  (jui  renoncent  au  culte  du 
vrai  Dieu  j)our  adorer  les  idoles.  Lysias  dit  : 
Qu'on  lui  donne  plusieiu's  coups  sur  le  vi- 
sage, (pi'on  lui  ôte  ses  habits,  et  qu'on  la 
foule  aux  ])ieds.  Théonille  dit:  Vous  est-il 
permis  de  traiter  si  indignement  une  femme 
de  condition  libre,  une  étrangère?  Vous  ne 
l'ignorez  |)as;  mais  Dieu  le  voit.  Lysias  dit  : 
Qu'on  la  pende  maintenant  par  les  cheveux, 
el  <pu'  l'on  n(;  lui  épargne  pas  les  soufllels. 
Théonille  dit  :  Il  ne  V(uis  sullit  donc  pas  île 

(1)  Cluritulis  liur. 


689 


CLA 


CLA 


690 


m'avoir  l'ait  ck'pouillor  de  mes  véleiirientssans 
ménager  ma  |iii(lcur;  cet  outrai^,!',  au  reste, 
vous  lie  le  laites  pas  à  moi  seule,  vous  le 
faites  h  votre  mère,  ^  votre  lennne  :  tout 
mou  sexe  a  part  à  cotte  injure.  Lysias  dit  : 
Etes-vous  mariée  ou  veuve?  Th('M)nillo  dit  : 
11  y  a  vingt-trois  ans  que  j'ai  perdu  mon 
mari  ;  et  depuis  ce  jour,  m'étaut  consacrée 
tout  h  mon  Dieu,  je  passe  ma  vie  dans  le 
jeûne,  les  veilles  et  l'oraison  :  car  ce  fut  on 
ce  temps-là  (pio  mon  Dieu  me  fit  la  grAce  do 
me  retirer  des  ténèbres  de  l'idolAtrie.  Lysias 
dit  :  Qu'on  lui  rase  la  tôte  :  cette  confusion 
t'est  bien  due,  misérable.  Qu'on  l'attache 
ensuite  i)ar  les  pieds  et  parles  mains  à  qua- 
tre picpu'ts  ;  et  après  qu'on  l'aura  ainsi  sus- 
pendue (>n  l'air,  (ju'on  allume  du  feu  sous 
elle,  vl  eni'm  qu'on  lui  donne  tant  de  coups 
qu'elle  en  meure,  lùithalius  et  un  des  bour- 
reaux vinrentdire  h  Lysias:  Seigneur,  elle  est 
morte.  Lysias  dit  :  Qu'en  la  jette  à  l'eau.  Eu- 
thalius  et  un  des  bourreaux  dirent  :  Seigneur, 
nous  avons  exécuté  les  ordres  de  votre  gran- 
deur (1). 

L'Eglise  fôte  tous  ces  saints  le  23  août. 

CLAUDE  (saint),  tribun,  fut  martyrisé  à 
Rome,  du  temps  de  l'empereur  Numérien, 
avec  sainte  Hilarie,  sa  femme,  et  leurs  deux 
enfants,  Maur  et  Jason,  et  soixante-dix  sol- 
dats. Saint  Claude  fut  attaché  à  une  grosse 
pierre  et  précipité  dans  la  rivière;  les  deux 
enfants  et  les  soixante-dix  soldats  eurent  la 
tête  tranchée.  Sainte  Hilarie  donna  la  sépul- 
ture à  ses  deux  fils.  Quelque  temps  après,  les 
païens  l'ayant  trouvée  priant  sur  leur  tom- 
beau ,  se  saisirent  d'elle.  Ils  la  mirent  en  pri- 
son ,  où  elle  s'endormit  dans  le  Soigneur. 
Ainsi  que  nous  l'avons  dit  plusieurs  fois, 
l'Eglise  honore  avec  raison  comme  martyrs 
ceux  qui,  sans  avoir  souffert  aucun  supplice, 
sont  morts  étant  en  prison  pour  la  foi.  Nous 
faisons  ici  cette  réflexion,  parce  que  les  ex- 
pressions qu'emploient  les  martyrologes  re- 
lativement à  sainte  Hilarie  donnent  à  suppo- 
ser qu'elle  ne  fut  pas  soumise  à  do  grandes 
rigueurs  durant  son  emprisonnement.  Peut- 
être  était-elle  d'un  âge  avancé  et  déjà  sur  le 
bord  du  tombeau.  QuQi  qu'il  en  soit ,  elle 
mourut  en  prison  victime  de  son  amour  ma- 
ternel et  martyre  des  croyances  qui  avaient 
fait  monter  au  ciel  les  deux  enfants  avant  la 
mère.  L'Eglise  honore  la  mémoire  de  cette 
sainte  famille  de  martyrs  et  des  soixante-dix 
soldats,  le  3  décembre.  Los  martyrologes  de 
saint  Jérôme  les  marquaient  le  10  août  avec 
saint  Chrysanthe.  L'Eglise  romaine  a  suivi 
Usuard  et  Adon. 

CLAUDE  (saint),  frère  de  saint  Maxime  et 
mari  de  sainte  Prépédigne,  fut  arrêté  avec 
eux  et  ses  deux  enfants,  Alexandre  et  Cutias. 
Ils  appartenaient  à  une  très-illustre  famille. 
D'abord  Dioclétien,  qui  avait  donné  l'ordre 
de  leur  arrestation,  prononça  contre  eux  la 
peine  du  bannissement.  Mais  bientôt  après, 
reg.roltant  d'avoir  montré  une  douceur  qui 
11  était  pas  dans  ses  habitudes,  il  les  con- 
damna tous  au  feu.  Ils  subirent  cet  affreux 

(!)  Pra'cepttm  emineniiœ  Uiœ, 


supplice  avec  courage,  et  après  leur  mort 
les  païens  jetèrent  leurs  restes  dans  la  ri- 
vière. Ces  saintes  relicpies  lïn-ent  recueil- 
lies par  les  chrétiens  qui  les  eulerrèrenl  près 
de  la  ville.  L'Kglisii  fait  leur  fêle  le  18  lévrier. 

CLAUDR  (saint) ,  martyr,  était  seulpleur  à 
Rome,  en  30V,  sous  l'empor-eur  Dioclétien  ;  il 
refusa  do  faire  des  idoles  et  fut  mis  ii  mort  b 
cause  do  (îela.  D'abord,  il  fut  mis  en])riso!i,(ui- 
suite  tiéchiré  avec  des  fouets  garnis  ,1c  poin- 
tes do  lei',  puis  précipité  dans  la  rivière.  Sa 
fête  a  lieu  le  8  novembre. 

CLAUDE  (saint),  martyr,  fut  martyrisé  à 
Léon  en  Kspagno.  11  eut  pour  (,omf)agnoris  do 
son  martyre,  les  saints  Luperque  et  Viclorius^ 
ses  doux  frères.  Ils  étaient  fils  du  centurion 
saint  Michel.  Ce  fut  (jurant  la  [)ersécution  de 
Dioclétien  et  de  Maximien  qu'ils  eurent  la 
tête  tranchée  par  rordr(î  du  président  Diogé- 
nien.  L'Eglise  fait  leur  fôte  le  30  octobre. 

CLAUDE  (saint),  martyr,  souffrit  à  Cons- 
tantinople  avec  Lucillien  ,  ancien  prêtre 
d'idoles,  et  trois  autres  enfants  de  son  âge, 
Hypace,  Paul  et  Denis.  {Voy.  LucitLiEN  pour 
plus  de  détails.) 

CLAUDE  (saint),  martyr,  reçut  la  glo- 
rieuse palme  du  martyre,  en  Afrique,  avec 
les  saints  Crispin,  Magine,  Jean  et  Etienne. 
L'Eglise  les  honore  le  3  décembre. 

CLAUDE  (sainte),  martyre,  versa  san  sang 
pour  confesser  la  foi.  On  ignore  l'époque  où 
eut  lieu  son  martyre  ;  on  sait  seulement 
qu'il  eut  lieu  à  Amide  en  Paphlagonie,  et 
qu'elle  souffrit  avec  les  saintes  Alexandra,. 
Euphrasie,  Matrone,  Justine,  Euphémie» 
Théodose,  Derphrite  et  sa  sœur.  L'Eglise 
honore  leur  mémoire  le  20  mars. 

CLAUDE  (saint),  martyr,  l'un  des  quarante 
martyrs  de  Sébaste,  sousLicinius.  Voy.  MàR> 
TYRS  de  Sébaste. 

CLAUDIEN  (saint),  fut  martyrisé  pour  la 
foi  chrétienne  en  l'année  250,  sous  le  règne 
et  durant  la  persécution  de  l'empereur  Dèce. 
Ce  fut  dans  la  Pamphylie  qu'il  eut  la  gloire 
de  donner  sa  vie  pour  Jésus-Christ,  durant 
cette  terrible  tempête  que  la  rage  du  tyran 
souleva  contre  l'Eglise  du  Seigneur  et  qui  fit 
périr  tant  de  chrétiens  dans  toutes  les  con- 
trées de  l'empire.  Ce  fut  le  proconsul  Pol- 
fion,  l'un  des  plus  ardents  persécuteurs  de 
cette  époque  sanguinaire,  qui  fit  mourir  le 
saint,  avec  saint  Diodore  et  saint  Gonon.  On 
n'a  plus  dans  l'histoire  aucun  document  d'a- 
près lequel  on  puisse  donner  des  détails  sur 
la  manière  dont  saint  Claudien  mourut,  car 
malheureusement  ses  Actes  ont  été  perdus. 
L'Eglise  honore  la  mémoire  de  ce  saint 
martyr,  avec  celle  de  saint  Diodore  et  de 
saint  Papias,  le  2G  février. 

CLAUDIEN  (saint),  martyr,  eut  la  gloire 
de  confesser  courageusement  de  nom  de 
Jésus-Christ,  à  Corinthe,  sous  le  règne  de 
Dèce,  en  2i9,  avec  les  saints  Victorin,  Victor, 
Nicéphore,  Dioscore ,  Sérapion  et  Papias. 
Exilés  en  Egypte,  tous  ces  saints  y  vécu- 
rent jusqu'en  l'année  28!^,  époque  à  laquelle, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Numérien,  tous 
donnèrent  leur  vie  pour  Ja  foi.  Le  juge  Sa- 
bius  venait  de  faire  broyer  dans  un  mortier 


691 


CLE 


CLE 


^n 


les  saints  Victorin,  Victor  et  Nicéphore.  Il 
fit  cou[)c'r  Claudien  i)ar  morceaux,  et  fit  jeter 
ses  membres  tout  sanglants  aux  pieds  de  ses 
compagnons  qui  vivaient  encore,  pour  les 
épouvanter.  L'Eglise  fait  la  fête  de  ce  saint 
et  de  tous  ses  compagnons,  le  25  février. 

CLAUDIEN  (saint),  martyr,  cueillit  la 
palme  du  martyre  h  Nicoméilie,  avec  saint 
Victor,  saint  Victorien  et  sainte  Basse,  sa 
femme.  Pendait  trois  années  on  les  tour- 
menta cruellement  et  ils  achevèrent  leur 
martyre  en  prison.  L'Eglise  célèbre  leur 
saintr*  mémoire  le  6  mars. 

CLÉMENT  (saint),  pape  et  martyr,  est  le 
troisième  qui  fut  élevé  au  pontificat  après 
l'apôtre  saint  Pierre.  Ce  saint  avant  été 
banni  dans  la  Chersonèse,  durant'  la  per- 
sécution de  Trajan  ,  fut  ensuite  précipité 
dans  la  mer  avec  une  ancre  attachée  au  cou. 
Son  corps,  transporté  à  Rome  sous  le  ponti- 
ficat de  Nicolas  1",  fut  placé  avec  honneur 
dans  l'église  quon  avait,  avant  ce  temps, 
bâtie  sons  son  nom. 

CLÉMENT  (saint),  Flavius,  cousin  germain 
de  l'empereur  Domiri"n,  était  fils  de  Flavius 
Sabinus,  frère  de  Vespasien.  Il  avait  pour 
femme  Domitille,  fille  do  Domitille,  sœur  de 
Domitien.  Il  fut  co-isul  la  quator7ièmc  année 
du  règne  de  Dnmitien,  la  95'  de  Jésus-Christ. 
Il  avait  deux  fils  encore  jeunes  que  Domitien 
avait  désignés  pour  lui  succéder.  Il  avait 
môme  changé  leurs  noms  en  ceux  de  Ves- 
pasien  et  Domitien.  fSuét.,  Domitien,  n.  15. 
Bion,  Epist.,  p.  236.)  Le  consul  Clément 
était  chrétien.  Les  païens,  à  cause  de  la  vie 
calme  et  retirée  qu'il  menait,  l'accusaient  de 
paresse  et  d'inca;jacité.  Il  fut  accusé  d'im- 
piété et  de  judaïsme  (Eus.,  Chr.,  an.  97, 
et  Hist.  III,  c.  17,  18.  Dion.  Cassii  Histo- 
riarum  1.  lxvii,  p.  7G6,  typis  Wecclielianis, 
an.  106).  C'était  le  nom  qu'on  donnait  en- 
core à  la  doctrine  des  chrétiens,  (fu'on  ne 
connais'iait  pas  assez  pour  les  ditférencier 
des  Juifs.  Clément  fut  mis  à  mort  par  Do- 
mitien ,  étant  à  peine  sorti  du  consulat, 
c'est-à-dire  en  93  de  Jésus-Christ.  Les  Mar- 
tyrologes ne  font  pas  mention  de  ce  saint. 
(Voi/.  DoMiriKx  et  Domitim.e.) 

CLÉMENT  (saiiilj,  d'Ancyre,  évèquo  et 
martyr,  appartie  it  aux  premiers  temps  delà 
persécution  de  Dioclutien,  et  du  iv'  siècle. 
S'il  fallait  en  croire  ses  Actes,  nous  dirions 
q'i'on  prolongea  son  martyre  en  lui  faisant 
endurer,  pi'uda'U  28  ans,  les  su|);ilices  et  les 
tourments  ;  mais  il  nous  faudrait,  pour  ad- 
mettre un  fait  pareil,  d(!S  |)i'euves  (juc»  civs 
Actes  sont  loin  (le  nous  fournil-.  S(!S  relicjues 
furent  d'abord  portées  h  CoristanlitKjpIc.  nù 
deux  églises,  iiotarnimint  (îclh;  du  palais, 
furent  [ilaeées  sous  son  invocation.  Ia'.  (•rA^l(^ 
de  saint  Clément  est  au  Val-de-(irAce  de; 
Pai'is,  Anne  d'Autriche  en  lit  cade.ui  ;i  cette 
église  fpiand  elle  f>n(la  l'abbaye.  Saint  Aga- 
thangtî  fut  martyrisé  avec  saint  Clément. 
L'i-lgljse  honoi»!  la  mémoire  de  ces  (hnix 
saints  le  2.'{  janvier.  (Voy.  (ihaslclain,  p.3.>.».) 

C.LÉMENT  (saint),  martyr,  recueillit  la 
COuruMiio  (les  gl<)ri(;ux  comballanls  de  la  loi 
à  Uoiiie,   avec  son  compagnon   saint  Celse. 


L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  21  novem- 
bre. 

CLÉMENT  (saint),  martyr,  cueillit  la  palme 
glorieuse  du  martyre  avec  les  saints  Apelle 
et  un  autre.  On  ignore  à  quelle  date  et  dans 
quelles  circonstances.  L'Eglise  célèbre  leur 
mémoire  le  10  septembre. 

CF.ÉMENTIN  (saint),  martyr,  fut  martyrisé 
à  Héraclée  en  Thrace,  avec  "les  saints  Théo- 
dote  et  Philomène.  L'Eglise  célèbre  leur 
mémoire  le  l'i.  novembre. 

CLÉOMÈNE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire 
de  souffrir  la  mort  pour  Jésus-Christ  ,  en 
Crète,  dans  la  ville  de  Gortyne,  sous  le  règne 
de  Dèce,  durant  la  persécution  si  terrible 
que  ce  prince  féroce  alluma  contre  les 
chrétiens.  Il  fut  décapité,  après  avoir  souf- 
fert d'horribles  tourments.  Sa  fête  arrive  le 
23  décembre.  Saint  Cléomène  est  l'un  des 
dix  martyrs  de  Crète.  iVoy.  Martyrs  de 
Crète). 

CLÉOPHAS  (saint),  disciple  de  Jésus- 
Christ,  l'ayant  confessé,  fut,  selon  la  tradi- 
tion, massacré  par  les  Juifs  à  Emmaiis,  dans 
la  maison  même  où  il  l'avait  invité  à  souper, 
et  où  on  l'enterra  honorablement.  L'Eglise 
fait  sa  mémoire  le  25  septembre. 

CLER  (saint),  martyr,  était  diacre  à  An- 
tioche.  Il  fut  appliqué  sept  fois  à  la  torture, 
et  tenu  fort  longtemps  dans  une  étroite 
prison,  pour  la  défense  de  la  vérité.  Enfin, 
ayant  eu  la  tète  tranchée,  il  accomplit  ainsi 
son  martyre.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le 
7  janvier. 

CLERMONT-FERRAND,  avant  l'invasion 
romaine,  se  nommait  Ncmosiis.  Sous  la  do- 
mination romaine,  cette  ville  avait  pris  le 
nom  de  Nemetum.  Auguste  et  ses  succes- 
seurs l'avaient  considérablenient  augmentée 
et  embellie.  Elle  fut  plusieurs  fois  prise, 
saccagée,  prcs(pie  détruite  j)ar  les  barbares, 
qui  firent  si  souvent  des  invasions  dans  les 
Gaules,  Sous  nos  premiers  rois,  les  guerres 
civiles  lui  firent  souvent  le  môme  sort.  Plus 
tard,  elle  fut  occupée  par  les  Anglais.  Plu- 
sieurs fois  elle  fut  fortifiée  et  démantt  lée. 
Peu  de  nos  villes  de  Franco  ont  passé  j)ar  tant 
de  vicissitudes.  Clermont  est  actuellement  le 
chef-lieu  du  (h'partement  du  Puy-de-Di'ime. 
Dans  cette  ville  il  se  tint  sept  conciles.  Le 
plus  célèbre  est  celui  de  1095,  où  fut  décidée 
la  jireniière  croisade.  L'un  des  princes  bar- 
bares qui  vinrent  ravager  les  Gaules,  et  do 
qui  notre  sujet  nous  oblige  de  i)arler,  est 
Chrocus,  roi  des  Allemands.  Il  passa  dans 
ce  malheunnix  pays  comme  un  torrent  dé- 
vastateur. Clermont  fut,  comme  beaucoup 
d'auli-es  villes,  ravagée  par  ce  féroce  coïKjué- 
ranl.  L'épécuies  Césars  s'était  raccourcie  aux 
mains  du  faible  Valérien;  elle  ne  savait  plus 
protéger  les  provinces  de  ]'(nMpire.  Le  pres- 
tige du  nom  romain  n'était  plus  uiu^  bar- 
rière, aux  entreprises  (bs  barbares.  Cliroeus 
passa  donc  comme  un  Iléau  de  Dieu.  On  eût 
dit  (ju'il  était  chargé  de  semer  sur  sa  route 
toutes  les  sortes  do  calamités.  Il  apjtortait 
la  guerre  (U  ses  horribles  consé(pi(Mu;es  , 
la  dévastation,  le  pillage  et  mille  horreurs  ; 
mais  ce  n'éluil  i»as  assez,  il  ])crsocutail  vio- 


693 


COC 


CGC 


un 


lemmenl  les  chrétiens,  vou.ant  les  contraindre 
d'adorer  ses  dieux.  A  Clermont,  il  lit  maily- 
risor  les  sainis  Cassius  ou  Cassi,  Vicloiiii, 
Ma\im(;,  AiUolien  ou  Auiitolioii,  et  Litiguio 
Ou  l.iiuinius.  Ces  saints  sont  l'ohjta  d'une 
grande  véuérafiou  on  Auvergne.  Ancienne- 
ment on  avait  l)i\li  à  Clerniont-Ftïrrand  inio 
église  sous  rinvocalion  de  saint  Cassius  ou 
Cassi  :  elle  possédait  ses  reli(iues.  Le  temps 
en  a  fait  des  ruines. 

CLET  (saint),  pape  et  martyr.  C'est  le  se- 
cond qui  gouverna  l'Eglise^  après  ra|)ôtro 
saint  Pierre.  Il  re(;ut  la  couronne  du  martyre 
durant  la  persécution  de  Domitien.  L'Eglise 
fait  sa  mémoire  le  2G  avril. 

CLET  (le  bienheureux),  missionnaire  en 
Chine,  y  fut  étranglé  pour  la  foi  le  18  avril 
1820.  (Pour  plus  de  détails,  voij.  Pehsécu- 
TiONS  EN  Chine). 

CLKiNE  (saint),  confesseur,  souffrit  pour 
la  religion  à  Aqum.  On  ignore  la  date  et  les 
circo'istances  de  sa  confession.  L'Eglise  fait 
sa  mémoire  le  30  mars. 

CLOMAN,  (saint),  martyr,  fut  martyrisé  à 
Wurtzbourg  en  Allemagne  ,  avec  l'évoque 
Killien  et  le  diacre  saint  Tatnan.  On  ignore 
les  circonstances  du  martyre  de  ces  saints 
combattants  de  la  foi.  L'Eglise  célèbre  leur 
mémoire  immortelle  le  8  juillet. 

CLOMAN  (saint),  martyr,  était  originaire 
du  royaume  d'Autriche.  Il  y  soutfrit  pour 
Jésus-Christ.  On  ignore  la  date,  le  lieu  et 
les  circonsîances  de  son  martyre.  L'Eglise 
célèbre  sa  sainte  mémoire  le  13  octobre. 

COCHIN,  ancien  royaume  de  l'Hindoustan, 
sur  les  côtes  du  Malabar,  fut  un  des  pre- 
miers pays  de  ces  vastes  contrées  évangé- 
lisées  par  les  missionnaires.  En  l'an  1600,  il  y 
avait  déjà  quelque  temps  que  le  royaume 
de  Cochin  était  érigé  en  évêché,  quand  le  roi 
se  mit  à  persécuter  avec  acharnement  ceux 
de  ses  sujets,  qui  se  convertissaient  à  Jésus- 
Christ.  Tout  le  long  de  la  côte,  depuis  sa 
capitale  jusqu'à  Colam,  et  depuis  cette  ville 
jusqu'au  cap  Coraorin,  il  existait  un  assez 
grand  nombre  d'églises.  Les  missionnaires 
qui  les  desservaient  étaient  des  membres  de 
la  compagnie  de  Jésus  ou  de  celle  do  saint 
François.  Cette  persécution  devint  extrême- 
ment pénible  pour  eux  tous,  en  entravant 
leurs  saints  travaux  et  en  mettant  obstacle 
aux  progrès  qu'ils  accomplissaient  dans 
cette  vigne  que  leurs  sueurs  avaient  ferti- 
lisée. 

COCHINCHINE,  contrée  de  l'Asie  orien- 
tale, dans  l'empire  d'Annam.  La  religion  qui 
y  domine  est  le  bouddhisme.  Presque  tout  ce 
que  nous  avons  dit  du  Tonquin  peut  s'ap- 
pUquer  à  la  Cochinchine.  Aussi  allons-nous 
arriver  immédiatement  à  ce  qui  concerne 
les  persécutions  endurées  dans  ce  pays.  En 
1690,  le  roi  excita  une  persécution  qui  fut 
de  courte  durée.  Il  mourut  à  l'époque  où  il 
se  préparait  à  persécuter  beaucoup  plus  vio- 
lemment les  chrétiens.  François  Perez,  Sia- 
mois, était  alors  vicaire  apostolique  de  ce 
royaume.  Laissons  parler  les  Lettres  édi- 
fiantes : 

«  Le  roi,  encore  jeune,  est  extrêmement 


superstitieux  et  entièrement  dévoué  aux 
bonzes  chinois  qu'il  a  appelés  dans  son 
royaume;  il  a  un  oncle  auprès  de  lui  «pji 
est  le  plus  cruel  ennenii  du  <;hristianisme. 
On  a  abattu  plusieurs  églisc^.s  ;  la  persécu- 
tion serait  i)eut-ètre  allée  plus  loin  ;  mais 
une  cahnnité  publique,  causée  [tar  des  ora- 
ges, tourna  de  ce  côté  l'attention  de  la  cour. 
D'ailleurs  la  prédiction  que  je  lis  d'une 
éclipse,  le  porta  à  me  traiter  plus  favorable- 
ment. L'année  royale,  qui  revie.it  de  douze 
en  douze  ans,  suivit  bientôt  après.  Comme 
on  doinie  au  peuple  durant  cette  année  une 
grande  liberté ,  les  clirétiens  en  jouirent 
comme  les  autres,  de  sorte  que  nous  faisions 
les  exercices  de  la  religion  aussi  publique- 
ment qu'avant  la  persécution.  Au  commen- 
cement de  cette  année  1700,  quelques  en- 
nemis des  chrétiens  abattirent  et  mirent  en 
pièces  les  idoles  de  la  campagne  :  le  roi  ne 
doutant  pas  que  nous  n'en  fussions  les 
auteurs  ,  donna  ordre  qu'à  notre  première 
assemblée  on  lit  main  basse  sur  tous  les 
chrétiens  ;  j'en  fus  averti,  et  je  les  empêchai 
de  se  réunir.  Nous  étions  alors  5  mission- 
naires d'Europe.  Le  12  mars,  on  vint  à  main 
armée  dans  nos  églises,  on  arrêta  nos  do- 
mestiques, on  pilla  nos  maisons,  et  l'on  mit 
en  arrestation  chaque  missionnaire  dans  son 
église,  et  trois  jours  après  ils  furent  menés 
dans  les  prisons  publiques  ;  on  leur  mit  la 
cangue.  Quant  à  moi,  on  m'arrêta,  mais,  dès  le 
lendemain,  on  me  rendit  ma  liberté  à  cause 
de  ma  qualité  de  mathématicien.  Le  17,  on 
publia  un  édit  du  roi,  qui  ordonnait  qu'on 
abattit  dans  tout  le  royaume  les  églises  des 
chrétiens,  qu'on  brûlât  les  livres  de  leur  re- 
ligion, qu'on  arrêtât  tous  les  missionnaires; 
que  tous  ceux  qui  avaient  embrassé  le  chris- 
tianisme reprissent  la  religion  du  pays  et 
que,  pour  marque  d'obéissance ,  hommes, 
femmes,  enfants  ou  vieillards,  vinssent  fouler 
aux  pieds  l'image  du  Sauveur,  qui  est  tou- 
jours la  principale  que  nous  exposons  sur 
l'autel.  Cet  ordre  s'exécuta  d'abord  dans  le 
palais,  dans  les  maisons  des  mandarins , 
dans  les  rues  et  dans  les  places  publiques  de 
cette  ville.  Plusieurs  chrétiens  obéirent, 
d'autres  se  cachèrent  ;  il  y  en  eut  qui  eurent 
assez  de  courage  pour  mériter  la  palme  du 
martyre.  Le  môme  jour,  on  brûla  presque 
tous  les  livres  saints  ;  on  me  rendit  ceux 
qui  étaient  à  mon  usage,  sous  prétexte  que 
ces  livres  pouvaient  servir  aux  mathémati- 
ques. On  saisit  un  missionnaire  qui  s'était 
sauvé  à  la  campagne,  on  lui  pressa  forte- 
ment les  doigts  pour  l'obhger  à  dire  les 
noms  des  mandarins  chrétiens;  il  soufifrit 
courageusement  ce  supplice,  ce  qui  le  fit 
estimer  des  païens  mêmes.  Un  vieillard  fut 
assommé  pour  n'avoir  pas  voulu  donner  les 
livres  ni  fouler  la  sainte  image.  Le  roi  avait 
ordonné  de  laisser  piller  aux  soldats  tout  ce 
qui  appartenait  aux  chrétiens,  à  la  réserve 
des  choses  que  nous  regardons  comme  sa- 
crées, qu'il  voulait  qu'on  lui  apportât.  On 
lui  montra  entre  autres  choses  plusieurs 
reliques ,  dont  quelques-unes  étaient  des 
os  entiers  ;   les  ayant  prises  et  les  faisant 


695 


coc 


coc 


606 


voir  aux  gens  do  sa  cour  :  «  Voici,  dit-il, 
jusqu'où  les  chrétioiis  portent  riinpiutô  :  ils 
tirent  des  tombeaux  des  ossements,  ce  qui 
doit  nous  faire  horreur;  ils  l'ont  plus,  ajouta- 
t-il,  ils  en  réduisent  plusieurs  en  poudre, 
et  la  mêlant  dans  des  breuvages,  ils  ensor- 
cellent par  là  si  fort  le  peuple,  (^ue  tous  em- 
brassent aveuglément  leur  doctiine.»  Le  roi, 
voyant  que  ce  discours  animait  toute  sa  cour 
contre  nous ,  ordonna  qu'on  exposât  ces 
ossements  dans  la  place  publique  et  qu'on 
fît  entendre  au  peuple  l'usage  que  nous  en 
faisions. 

«  Cependant  on  tourmentait  furieusement 
les  chrétiens;    un   mandarin  considérable, 
vers  le  pays  du  nord,  refusa  courageuse- 
ment de   fouler  aux  pieds  h;  crucifix  ;  on  le 
conduisit  à   la  cour.    Présenté  au  roi  :  «  11 
faut   tout  à  l'heure,  lui  dit  ce  prince,  fouler 
aux  pieds  cette  image   ou  perdre    la  vie.  » 
«  Perdre  la  vie  mille  fois,  répondit-il  ;  prêt  à 
obéir   dans  tout   le  reste,  je  ne  puis  le  faire 
en  ce  qui  regarde  ma  religion.  »  Les  manda- 
rins qui  étaient  présents,  indignés  do  cette 
réponse,  prièrent  le  roi  de  leur  permettre  de 
le  mettre  en  pièces.  Le  prince,  plus  modéré, 
ordonna  qu'il  fût  envoyé  dans  son  pays  pour 
être   décapité.   A  son  arrivée,  plusieurs  de 
ses  parents  vinrent  se  jeter  à  ses  pieds,  le 
conjurant  d'obéir  au  roi,  ou  du  moins  d'en 
faire  semblant,    en  approchant  tant  soit  peu 
le  pied  de  la   sainte  image,  ce  qui  suffirait 
au  général  des  trounes  qui  voulait  le  sauver. 
Ils  lui  mirent  sous  les  yeux  les  malheurs  où 
son  obstination  entraînait  sa  famille  ;  ils  le 
conjurèrent  d'être  sensible  à  leurs  pleurs,  à 
leurs  gémissements,  puisqu'ils  allaient  tous 
être  enveloppés  dans  sa  ruine.  Chose  étrange  î 
Celui  qui  avait   montré  tant  de  courage  de- 
vant le  roi  n'eut  pas  la  force  de  résister  aux 
larmes  et   aux    prières  de  ses  parents;  il 
feignit  de  fouler  l'image,  en  protestant  ce- 
pendant  que   c'était  pour  céder  à  leurs  im- 
porlunités  et  non  pour  renoncer  à  la  religion 
chrétienne.  Le  général  écrivit  au  roi,  qu'en- 
fin  le  mandarin  avait  exécuté  ses  ordres;  le 
roi,  irrité  de  ce  qu'un  autre  avait  su  se  faire 
mieux  obéir  rpie  lui,   commanda  ((u'on  ne 
laissât  pas  de  lui  trancher  la  tête,  ce  qui  fut 
exécuté.   Il  mourut   avec   le  re[)entir  de  sa 
laibiesse.  Le  i'i  avril,  on  présenta  au  roi  les 
<iuatre  missioiinair(;s  ;  il  ordonna  qu'on  les 
menât  dans  une  prison  [)lus  rude,  où  il  j)a- 
raît  vouloir  les  laissei-inourirde  misèi-(i.  Trois 
dames  furent  conduites  en  même  temps  en 
la  présence   du  roi,  qui  les  condamna  à  la 
bastonnade,  h   être    rasées,   et  à   avoir  les 
bouts  des  or(.'illes  et  d(;s  doigts  coupés.  Pour 
les  hommes,  ceux  qui  ne  voulurent  ])as  obéir 
lurent    condamnés  h   mort.  Je  ne  |)Ourrais 
nombrer   toutes   les    personnes  (pii  soulfri- 
rent  et  jiérirent  pour  la  cause  (h;  la  religion; 
il    y   eut    des    martyrs  d<;  tout  agi;,  de  tout 
.sexe,  de  tout  état,  lin  des  missionnaircss  est 
mort    d(!    misère   dans  la    prison,  les  antres 
y    Iraîiicnt     encopi!    une    vi(!    languissante, 
l'our     moi  ,   yt    loge    dans    un    petit  jardin 
(ju'on  m'a    doinié    près   du  palais  ;    le.    lilre 
ûo   matlnMualicicti    me  p(.'ini<'l   (J'allfr  librc;- 


ment  partout,  de  visiter  mes  pauvres  pri- 
sonniers et  de  les  consoler.  »  {Lett.  édif., 
vol.  II,  p.  7-2.) 

A  l'époque  où  le  P.  Arnedo  termine  son 
récit,  il  n'y  avait,  comme  on  vient  de  le  voir, 
qu'un  seul  missionnaire  moit  en  prison.  Il 
en  mourut  bientôt  trois  autres.  Ces  qua- 
tre martyrs  ee  nommaient  Candone,  Bel- 
monte,  Langlois  et  Feret,  tous  quatre  jé- 
suites. Les  autres  prisonniers  furent  rendus 
à  la  liberté  en  l'O'i-.  La  paix  dura  jus- 
qu'en 1750.  A  cette  époque  un  édit  pro- 
scrivit la  religion  chrétienne  et  frappa 
d'exil  tous  ses  ministres.  Vingt-neuf  fu- 
rent bannis.  L'évêque  de  Néoléna,  M.  Le- 
febvre,  M.  Bemutat,  son  coadjuteur,  évêque 
d'Eucarpie ,  tous  deux  du  séminaire  des 
Missions  Etrangères;  sept  autres  mission- 
naires de  la  même  maison  ;  deux  de  la  sacrée 
congrégation  de  la  propagation  de  la  foi; 
neuf  d'entre  les  Frères  Mineurs,  et  neuf  jé- 
suites. Voici  comment  on  arrêtait  les  mis- 
sionnaires. Un  soldat  les  saisissait  par  les 
cheveux  noués  sur  le  sommet  de  la  tête,  les 
terrassait  et  les  traînait  par  torre;  on  leur 
liait  les  bras  en  croix  devant  la  poitrine  ou 
derrière;  on  leur  garrottait  les  jambes,  puis 
on  leur  passait  le  cou  dans  la  cangue  qui 
leur  était  destinée.  On  démolit  les  églises. 
A  la  cour,  le  frère  du  roi  fit  épargner  l'église 
de  l'évêque  de  Neoléna.  Les  deux  jésuites, 
Monlezzo  etKofler,  firent  aussi  épargner  les 
leurs.  Beaucoup  de  chrétiens  venus  des  pro- 
vinces dans  la  capitale,  tentèrent  inutile- 
ment, à  prix  d'argent,  de  faire  cesser  la  per- 
sécution. On  obligeait  les  chrétiens  prison- 
niers h  payer  le  loyer  de  leurs  prisons.  Frère 
Michel  de  Salamanque,  franciscain,  natif 
d'Espagne,  mourut  en  prison  des  misères 
qu'il  y  endurait.  En  176i,  la  persécution  s'a- 
doucit un  peu;  et  bientôt  le  jeune  prince,  qui 
cette  année-là  monta  sur  le  trône,  donna 
l'ordre  de  mettre  en  liberté  tous  les  prison- 
niers. 

On  sait  les  événements  politiques  qui  s'ac- 
complirent dans  le  ïonquin  et  dans  la  Co- 
chinchine  en  1788.  A  cette  époque  ce  der- 
nier royaume  conquit  le  Tonquin  avec  le- 
quel il  avait  été  si  longtemps  en  lutte  achar- 
née, et  dei)uis  lors  ces  deux  puissantes  con- 
trées ne  forment  i)lus  qu'un  seul  empire. 
Malgré  ces  agitations  politiques,  les  mission- 
naires et  les  chrétiens  jouirent  d'une  assez 
piofond(i  |)aix  juscju'cn  1795.  Une  persécu- 
tion |)ariielle,  (jui  s'alluma  dans  le  Tonquin, 
gagna  la  haute  Cochincliine.  Elle  fut  assez 
pi'omplement  apaisée;  mais,  en  175)8,  elle 
s(.'  i)i'opagea  avec  une  intensité  nouvelle. 
Emmanuel  Triêu,  prêtre  cochinchinois,  fut 
décapité  à  Huê. 

«  (irand  nombre  do  fidèles,  dit  un  témoin 
oculain;  {Lctt.  cdif.,  vol.  III,  ]>.  'M2),  ont 
soullerl  (\i'.s  questions  horribles,  pane  ipron 
voidait  les  fonder  à  aposlasitîr  et  à  dé- 
iion(  rr  les  inêlros  et  h  s  objets  df  religion. 
A  (pichpies-utis  on  cnfonçail  des  stylets  do 
1er  .sous  les  ongles  jus(iu'au  second  ailicle 
(lu  doigl,  <|u'on  retirai!  el  (pi'on  enl'oneait. 
dt'  nouveau.   On  (.■|(;nail  à  des  planches   les 


697  COI 

mains  do  quelques  autres  ;  on  enveloppait  h 
d'autres  les  mains  avec  des  nion-eauv  de 
linge  (|u'oii  trempait  dans  l'huile  et  aux- 
quels on  nu>(lait  ensuite  leieu,  etc;.  Les  prê- 
tres, pour  (éviter  d'cMrc  pris,  ont  été  obligés 
de  se  tenir  cachés  dans  les  antres,  dans  les 
foi'ùts  <'l  dans  les  l'oclu'is.  11  n'y  avait  pros- 
(pie  plus  aucune  maison  de  sûre,  tant  les  re- 
cherches étaient  rigoureuses  nuit  et  jour, 
tant  on  (Hait  exposé  aux  dénonciations.  » 

Jean  Dat,  prètr-e  lon(|uinois,  l'ut  martyrisé 
le  28  octobre  ;  l'évèquc  de  (lortyne  fut  mis 
en  [)rison  ;  mais  ce  n'étaient  là  (pie  tics  i)er- 
sécutions  isolées.  Le  souverain  régnant,  in- 
time ami  do  Tévèque  d'Adran,  était  bien 
disposé  pour  le  christianisme.  Sa  njort  de- 
vint un  malhevu"  ellVoyable  pour  toute  celte 
elu-éticiUé.  Au  lieu  de  laisser  son  trcuie  à  Ung- 
lioa,  lils  du  |)rinceCauh,  il  y  appela  par  son 
testament  Minlnnaug,  son  lils  naturel.  Il  lit 
venir  tous  les  nnssionnaii'es  à  la  cour, 
sous  prét(!xte  de  les  consulter  sur  des  cartes 
géographiques.  11  avait  eu  soin  de  se  faire 
présenter  par  ()lusieurs  mandarins  une  re- 
quête conti'e  la  religion  chrétienne,  alin 
d'avoir  un  motif  plausilde  aux  mesures  vio- 
lentes qu'il  était  dans  l'intention  de  prendre. 
En  1832,  le  roi  condanma  M.  Jaccard  à  ser- 
vir, comme  simple  soldat,  dans  les  armées; 
puis,  le  6  janvier  1833,  il  rendit  un  éditqui 
commandait  à  tous  les  chrétiens  d'aposta- 
sier  en  mai'chantsurla  croix,  et  qui  ordonnait 
la  destruction  des  églises  et  des  maisons  re- 
ligieuses. Il  portait  en  outre  qu'on  devait 
faire  recherche  des  prêtres  et  des  catéchistes. 
Furent  successivement  martyrisés  :  Pierre 
ïuy,  prêtre, du  Tonquin,  le  11  octobre;  Ga- 
gelin,  le  17  octobre;  Paul  Doi  Buong,  capi- 
taine des  gardes,  le  23  du  môme  mois.  Jac- 
card et  Odérico  furent  condamnés  à  être  dé- 
tenus dans  le  Laos.  Le  13  janvier  1834,  parut 
un  nouvel  édit  plus  violent  que  les  pre- 
miers. Le  30  novembre  1835,  M.  Marcliand 
souffre  un  martyre  des  plus  glorieux  en  même 
temps  que  des  plus  cruels.  Le  20  septembre 
1837  voit  celuideM.Cornay.  Le30novembre 
même  année,  François  Xavier  Cân  est  étran- 
glé. Ignace  Delyado  meurt  dans  les  prisons 
du  ïonquin,  le  12  juin  1838.  Dominique 
Henarez  est  décapité  le  25.  Pierre  Dumou- 
lin Borie  est  mis  en  pièces  le  2i  novembre. 
Le  5  décembre  1838,  le  18  janvier,  le  3  oc- 
tobre 1839,  des  édits  terribles  sont  publiés. 
Il  est  ordonné  à  tous  les  habitants  de  con- 
tribuer à  l'érection  de  temples  en  l'honneur 
des  ancêtres.  Il  faut  donc  que  les  chrétiens 
secrets  se  dévoilent.  M.  Delamotte,  prêtre 
français,  meurt  à  la  suite  d'affreuses  tortu- 
res, le  3  octobre   1840. 

Ici  se  bornent  les  documents  qu'il  nous  a 
été  donné  de  recueillir  sur  les  persécutions 
dans  ces  contrées. 

CODRAT  (saint),  fut  martyrisé  à  Corinthe 
durant  la  persécution  de  Dèce,  sous  le  prési- 
dent Jason,  avec  les  saints  Denys,  Cyprien, 
Anect,  Paul  et  Crescent.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  10  mars. 

COINTE  (sainte),  fut  martyrisée  à  Alexan- 
drie, sous    l'empereur  Dèce.    Les  païens, 


COM  098 

l'ayant  arrêtée,  la  menèrent  devant  les  ido- 
les pour  la  contraindnï  de  les  adorer;  mais 
cette  généreuso  iènuiie  refusant  de  le  faire, 
en  les  détestant,  ils  lui  lièrent  les  pieds,  la 
traînèrent  par  les  rues  de  la  ville,  et  la  mi- 
rent en  |)ièces  par  C(!l  horrible  supplice.  L'E- 
glis(ï  vénère  sa  mémoire  le  8  février. 

COLIOUUK,  ville  de  Catalogne,  où  fut 
martyrisé  un  saint  Vincent. 

COLLUTUS,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens,  t|ui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Uuinart  a  laissé 
les  actes  authentiques.  Voy.  Martyrs  (les 
trente-sept  )  égyptiens. 

COLOGNE,  ville  des  Etats  prussiens,  est 
célèbre  par  le  martyre  de  sainte  Cordule. 

COLOMBE  (sainte),  vierge  et  martyre, 
souffrit  pour  la  foi  à  Cordoue  en  Espagne. 
On  ignore  la  date  et  les  circonstances  de  ses 
courageux  combats.  L'Eglise  fait  sa  mémoire 
le  17  septembre. 

COLOMBE  (  sainte  ),  vierge  et  martyre, 
souffrit  en  258  ou  en  273:  si  on  admet  la  pre- 
mière de  ces  deux  dates,  il  faut  la  mettre 
sous  Valérien  ;  si  on  admet  la  seconde,  il 
faut  au  contraire  aller  jusqu'au  second 
voyage  qu'Aurélien  fit  clans  les  Gaules, 
quand  il  remporta  à  Châlons  une  célèbre 
victoire.  Elle  donna  sa  vie  à  Sens  pour 
la  religion  chrétienne .  Son  cultt  y  est 
en  grande  vénération.  Anciennement  il  y 
avait  dans  cette  ville  une  chapelle  qui  lui 
était  dédiée.  On  y  gardait  ses  reliques 
chez  les  bénédictins.  Les  huguenots  les  dis- 
persèrent avec  celles  de  plusieurs  saints,  qui 
y  étaient  renfermées.  L'Eglise  honore  sa 
mémoire  le  31  décembre. 

COLOSSES,  Colossœ,  ville  de  Phrygie, 
l'une  des  premières  converties  à  l'Evangile. 
Saint  Paul  a  écrit  une  Epitre  aux  Colossiens. 
Cette  ville  fut  fortement  éprouvée  durant  la 
persécution  de  Néron.  Saint  Epaphras,  dis- 
ciple de  saint  Paul,  y  fut  d'abord  martyrisé, 
et  quelques  mois  après,  saint  Philémon  et 
sainte  Âppia,  aussi  disciples  de  saint  Paul. 

COMANE,  ville  du  Pont,  fut  témoin  du 
martyre  de  saint  Hermias,  soldat,  sous  le 
règne  de  l'empereur  Marc-Aurèle.  Ce  fut  un 
juge  nommé  Sébastien,  cjui  condamna  le 
saint  à  la  mort.  Sous  Sévère  (Septime),  elle 
vit  le  martyre  de  saint  Zotique,  évêqne. 
Nous  manquons  de  documents  sur  ce  der- 
nier saint,  seulement  indiqué  dans  le  Mar- 
tyrologe romain  à  la  date  du  21  juillet.  Sous 
le  règne  de  Dioclétien  et  de  Maximien,  saint 
Basilisque,  honoré  par  l'Eglise  le  22  mai, 
souffrit  dans  cette  ville  un  cruel  martyre. 
Le  président  Agrippa  lui  fit  mettre  des 
chaussures  garnies  de  pointes  embrasées  ; 
puis  enfin,  l'ayant  fait  décapiter,  il  ordonna 
qu'on  jetât  ses  restes  à  la  rivière. 

COME,  ville  du  royaume  Lombard-Véni- 
tien, à  40  kil.  N.-O,  de  Milan,  a  été  témoin 
du  martyre  des  saints  Carpophore,  Exanthe, 
Cassius,  Séverin,  Second  et  Licinius,  qui  fu- 
rent décapités  pour  avoir  confessé  Jésus- 
Christ. 

COMMINE  (saint),  l'un  des  quarante-huit 
martyrs  de  Lyon,  sous  le  règne  de  l'empe- 


699 


COM 


COÎ^ 


700 


reur  Marc-Aurèle,  en  l'an  177,  dut  à  sa 
qualité  de  citojen  romain  (TcMpo  décapité 
plutôt  que  d'être  exposé  aux  bétes,  comme 
le  furent  |ilusieurs  de  ses  compagnons.  L'E- 
glise célèbre  sa  fête  avec  celle  de  tous  ces 
saints  martyrs  le  2  jiiin. 

COMMODE  [Lucius  Commoâus  Mlîus  Au- 
relius  Antoninus),  fds  de  Maic-Aurèle,  suc- 
céda à  son  père  en  180.  Loin  d'imiter  les 
rertus  paternelles,  il  fut  sur  le  trône  un  des 
plus  exécrables  princes  qu'aient  eus  les 
Romains.  Il  fut  cruel,  avare,  lâche  Xït  igno- 
ble dans  ses  goûts.  Il  s'abandonna  aux  con- 
seils des  eunuques  et  des  valets.  Il  décima 
le  sénat,  fil  mourir  Lucille,  sa  sœur,  el  Cris- 
pine,  sa  femme.  Il  eut  comme  Néron  l'a- 
mour des  jeux  du  cirque.  Doué  d'une  force 
herculéenne,  il  descendit,  disent  les  auteurs 
du  temps,  plus  de  sent  cenis  fois  au  rôle 
déshonorant  de  gladiateur.  Il  fui  soupçonné 
d'avoir  empoisonné  son  père,  pour  arriver 
plus  tôt  au  t'-ône.  Marcia,  sa  mr.itresse,  sa- 
chant qu'il  avait  mis  son  nom  sur  une  liste 
de  proscription,  le  fit  mourir  en  192,  en  lui 
administrant  du  poison.  Quoi(jue  cruel  et 
sanguinaire,  ce  prince  ne  persécuta  pas  les 
chrétiens,  et  défendit  môme  qu'on  les  pour- 
suivît dans  l'empire.  Ils  furent  redevables 
de  celte  paix,  qui  dura  douze  années,  à  la  fa- 
veur toute  particulière,  avec  laquelle  Marcia, 
maîtresse  du  prince,  les  traitait.  Pendant  tout 
ce  laps  de  temps,  elle  ne  cessa  de  prendre 
leurs  intérêts. 

Sous  l'empereur  Commode,  nos  affaires,  dit 
Eusèbe,  demeurèrent  dans  un  état  assez  tran- 
quille,et,  par  la  miséricorde  de  Dieu,  l'Eglise 
jouit  d'une  profonde  paix  par  toute  la  terre. 
Après  sa  mort,  Pertinax  qui  lui  succéda,  ayant 
aussi  été  tué,  Didius  Julianus  fut  élevé  par 
des  soldats  à  l'empire.  Mais  comme  il  se 
trouva  alors  partagé  entre  trois  concurrents, 
Sévère  qui  s'empara  de  la  Pannonie,  Niger 
qui  se  rendit  maître  de  l'Orient,  et  Albin 
qui  se  saisit  des  Gaules,  pendant  que  tout 
était  en  confusion  dans  l'Etat,  et  que  trois 
grandes  armées  portaient  la  guerre  et  le 
trouble  dans  toutes  les  i)arties  du  monde,  le 
calme  et  la  paix  régnaient  dans  l'Eglise. 
Cette  paix  ne  fut  interrompue  que  vers  la 
dixième  année  de  Sévère  et  la  deux  cent 
deuxième  de  Jésus-Christ,  quoique  durant 
ce  temps  elle  fût  un  peu  altérée  par  le  mar- 
tyre de  quehjues  chrétiens.  Car  l'on  ne  peut 
diilérer  plus  tard  rpie  jusqu'en  200  la  mort 
des  martyrs  Scillitains  (pii  soulfrirent  en 
Afrique  sous  le  proconsul  Saturnin.  Le  con- 
sulat de  Claudius,  marqué  dans  leurs  Actes, 
en  est  une  preuve  convaincanle. 

COMMODE  (saint),  l'un  des  gardes  de  la 
prison  de  saint  (^eiisorin  ou  Ccmsorinus, 
sousClaudf!  II  le  Cothiciue,  fut  converti  à  la 
foi  chrétienne,  par  le  prêtre  saint  Maxime, 
avec  les  autres  gardes  de  la  prison,  lesipiels 
étai(;nl  Félix,  Maxime,  Eaustin,  Hercnlan, 
Numère,  Sloiaciruis,  Mènes,  Nerne,  M.nn-, 
Eusèbr;,  J{ijsti(pj(!,  Aniaîidinns,  JNIonacre, 
Olympe,  (^yprien,  'J'héodote.  (Pourvoir  Iciu- 
hi.slone,  recourez  U  l'arliclo  M4iaïus  u'Os- 


TiE.)  Ces  saints  ne  sont  pas  nommés  au  Mar- 
tyrologe romain. 

COMPLETE,  Complutum,  ville  d'Espagne, 
aujourd'hui  nommée  Alcala  de  Hénarès , 
s'enorgu(îi]lit  d'avoir  donné  le  jour  à  Cer- 
vantes, h  Solis.  Au  cardinal  Ximénès  elle 
doit  sa  célèbre  université,  la  première  d'Es- 
pagne, après  celle  d(>  Salam.mque.  Mais  à 
côlé  de  ces  célébrités  mondaines  elle  a  des 
fastes  religieux,  que  le  chrétien  met  bien  au- 
trement au-dessus.  Elle  a  vu  naître  dans  ses 
murs  les  deux  jeunes  frères,  saint  Just  et 
saint  Pasteur,  tous  deux  martyrs  glorieux 
de  la  religion  évangélique.  Ils  élaient  en- 
fants encore  quand  le  glaive  de  la  ])ersécu- 
tion  de  D-oclétien  vint  les  frapper.  Ils  mou- 
rurent avec  un  courage  que  les  tourments 
ne  purent  ébranler,  et  qu'on  ne  s'attendait 
pas  à  trouver  dans  des  enfants  si  jeunes  et 
si  faibles.  Mais  le  Dieu  qui  appelle  à  lui  Ips 
petits  enf  ints,  était  en  eux  et  leur  avait 
donné  sa  force  et  sa  grAce.  Le  féroce  Dacien 
fut  vaincu  par  eux  et  les  fit  décapiter.  La 
ville  d'Alcala  possède  la  plus  grande  partie 
de  leurs  reliques  dans  l'église  qui  est  sous 
leur  invocation.  Qnund  Ducien  les  mit  à 
mort  dans  cette  ville,  il  y  avait  déjà  exercé 
de  grandes  cruautés.  Après  avoir  publié  les 
édits  sanglants  lancés  contre  les  chrétiens, 
il  avait  fait  mourir  tous  ceux  qu'on  lui  avait 
dénoncés.  Saint  Just  et  saint  Pasteur  sont 
les  seuls  dont  l'histoire  ait  gardé  les  noms, 
parmi  ceux  des  saints  martyrs  qui  cueillirent 
à  Complute  la  couronne  éternelle  à  cette 
sanglante  époque. 

CONCESSE  (saint),  martyr,  souffrit  pour 
la  foi  de  Jésus-Christ  à  Rome,  avec  les  saints 
Démètre,  Hilaire  et  leurs  compagnons,  dont 
le  Martyrologe  romain  ne  nous  a  point  trans- 
mis les  noms.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le 
9  avril. 

CONCESSE  (sainte),  fut  martyrisée  à  Car- 
thage.  On  ignore  à  quelle  époque  et  dans 
quelles  circonstances.  L'Eglise  honore  sa 
mémoire  le  8  avril. 

CONCORDE  (saint),  sous-diacre  et  martyr. 
Ce  saint  fut  arrêté  dans  un  désert,  sous  le 
règne  de  Marc-Antonin,  et  conduit,  vers  l'an 
178,  devant  Torquatus,  gouverneur  d'Om- 
brie,  qui  faisait  alors  sa  résidence  à  Spo- 
lette.  Les  prumesses  et  les  menaces  ayant 
été  inidiles,  on  le  battit  à  cou|)s  de  bâton 
dans  l(!  premier  interrogatoire  et  on  reten- 
dit sur  le  chevalet  dans  le  second.  Il  souf- 
frait avec  une  patience  héi'oïque,  et  disait 
avec  joie,  dans  le  fort  de  ses  tourments  : 
Soyez  glorifié,  Seigneur  Jésus.  Trois  jours 
a()rès,  Tor([ualus  envoya  deux  soldats  [)Our 
1(!  décapiter  en  prison,  s'il  refusait  de  sacii- 
lier  à  une  idole  (pie  portait  un  i)rètre  qui  les 
accompagnait.  Concorde,  ayant  craché  sur 
l'idole,  pour  marquer  l'hori-eur  (juil  avait 
d'un  [x'.\  sacrifice,  un  des  soldats  lin  trancha 
aussitôt  la  lêtii.  Son  nom  se  trouve  au  1" 
janvier  dans  le  Mai-lyrolog(!  romain  ;  nmis 
dans  (piel(|ues  autres  il  est  au  2  du  mémo 
mois,  ((iodescart,  t.  I"%  p.  5V.) 

CONt^OUDE  (  saint)  ,  avait  pour  pèro  un 
nommé  Gordicu  ,   ou  Concordien,  prêtre  dd 


701 


CON 


CON 


m 


l'église  du  Pasteur  à  Rome.  Le  père  et  le  fils, 
qui  était  sous-tliaore,  no  cessaient  clo  prier 
Dieu,  pour  (|ue  la  persécution  les  trouvAt 
fidèles  et  valeureux,  si  elle  venait  à  s'e\ercer 
contre  eux.  C'était  sous  le  règne  de  l'empe- 
reur Marc-Auréle,  et  la  |)ersé(;ution  était  vio- 
leiile  contre  les  chrétiens.  Concorde  [tria 
son  |)ère  do  lui  i)eruiettre  d'aller  [lasser 
quelque  temps  chez  un  ami  nonnné  Eiily- 
chiiis,  ({u'il  avait  il  la  campagne  auprès  de 
Tribale.  Gordien  engagea  son  (ils  h  rester 
à  Home,  lui  disant  (ju'il  fallait  qu'ils  restas- 
sent enseuible  pour  recevoir  ensemble  la 
couronne  du  martyre,  si  l'occasion  s'en  pré- 
sentait. Concorde  lui  dit  ({uo  si  Dieu  avait 
l'intention  de  lui  accorder  celtes  faveur,  il 
saurait  aussi  bien  le  trouver  ailleurs  qu'à 
Rome.  Gordien  se  rendit  au  désir  de  son 
fils,  lequel  s'(ni  alla  trouver  Eutycliius  (|ui 
le  reçut  avec  beaucoup  do  joie.  Tous  deux 
s'exercèrent  continuellement  aux  jednes  et 
à  la  [)rière,  guéi'issant  beaucoup  de  malades 
qui  venaient  im|)lorer  leur  assistance. 

Torijuatus ,  gouverneur  de  Ja  province, 
actuellement  à  Spolètc,  en  ayant  entendu 
parler,  envoya  quérir  Concorde  et  lui  de- 
manda comment  il  se  nommait ,  ce  qui  était 
d'usage  au  commencement  de  tous  les  inter- 
rogatoires. Celui-ci  ne  lui  répondit  pas  autre 
chose  que  ces  mots  :  «  Je  suis  chrétien.  » 
Le  juge  n'en  ayant  pas  pu  tirer  autre  chose, 
le  fit  hattre  h  coups  de  bâton ,  et  ensuite 
mettre  en  piison.  La  nuit  suivante,  Euti- 
chius  le  vint  trouver  avec  l'éveque  Anthime, 
qui  gouvernait  alors  l'église  de  Spolète. 
Comme  cet  évoque  était  ami  de  Torquatus, 
il  obtint  d'avoir  chez  lui  Concorde  pendant 
quelques  jours.  Durant  ce  temps,  il  l'ordonna 
prêtre.  Après  qu'ils  eurent  passé  assez  long- 
temps ensemble  ,  Torquatus  envoya  cher- 
chei'  Concorde;  il  tenta  de  nouveau  sa  fer- 
meté ,  et  lui  demanda  s'il  avait  songé,  aux 
moyens  de  sauver  sa  vie.  Le  saint,  lui  ayant 
répondu  qu  il  n'avait  trouvé  de  salut  qu'en 
Jésus-Christ,  à  qui  il  otîrait  tous  les  jours 
un  sacrifice  de  louanges  et  d'actions  de  grâ- 
ces, Torquatus  le  fit  étendre  sur  le  chevalet, 
et  ensuite  le  fit  mettre  en  prison,  le  cou  et 
les  mains  chargés  de  chaînes  de  fer,  voulant 
le  laisser  mourir  de  faim  dans  cet  état.  Mais 
il  ne  put  empêcher  qu'un  ange  (disent  les 
Actes)  n'y  entrât  durant  la  nuit  pour  encou- 
rager le' saint  martyr.  Deux  soldats,  trois 
jours  après,  vinrent  par  son  ordre  lui  tran- 
cher la  tète.  Avant  de  mourir,  le  saint  cra- 
cha sur  une  statue  de  Jupiter,  cju'on  lui 
présentait  pour  qu'il  l'adoiât.  Deux  clercs 
vinrent  enlever  son  corps  pour  l'ensevelir. 
Le  monastère  de  Sainl-Pierie  au  diocèse  de 
,  Girone  en  Catalogne  prétend  avoir  son  corps. 
Oïl  prétend  que  saint  Concorde  eut  pour 
compagnon  de  captivité  à  Spolète,  saint  Pon- 
tien,  martyr.  L'Eglise  fait  la  fête  de  saint 
Concorde  le  1"  janvier. 

CONCORDE  (  saint  ) ,  souffrit  le  martyre  à 
Nicomédie,  avec  les  saints  Zenon,  Théodore 
et  ses  enfants.  On  n'a  aucun  détail  authen- 
tique. L'Eglise  célèbre  leur  sainte  mémoire 
le  2  septembre. 


CONCORDE  (saint)  ,  martyr,  était  fils  de 
saint  Valentin,  maître  de  la  milice  h  Ravenne, 
(\u  temps  de  l'empereur  Maximien.  Son  pèro 
ayant  été  arrêté  poui- la  fui  chrétienne,  Cou- 
c()C(lc  eut  le  même  sort  et  [)arlagea  le  triom- 
phe de  son  père.  Us  curent  pour  compa.^nons 
de  leur  martyre  les  saints  Navale  et  Agricole, 
(l()!it  l'Eglise  fait  la  fête  avec  la  leur  lo" 
IG  déeeujbre. 

CONCORDE  (sainte),  martyre,  nourrice  de 
saint  llippolytc  ,  ]>rêlre  do  Rome,  qui  fut 
martyrisé  soiis  Gallus,  fut  iinse  à  mort  le 
nuMue  joTu'que  lui.  Elle  fut  déchirée  avec  des 
foutits  garnis  de  ploiidj,  jusqu'à  ce  (pi'elle 
rendît  l'esprit.  Elle  était  trè.s-àgée,  puisque 
saint  Hippolyte  est  nommé  vieillard  dans  ses 
Actes.  Dix-neuf  personnes  de  la  maison  du 
saiîit  furent  décapitées  ce  jour-là  hors  de  la 
])Orte  Til)urtine,  et  enterrées  avec  lui  au 
champ  Vérun.  L'Eglise  fait  la  fôle  de  sainte 
Concorde  le  13  août,  avec  celle  de  saint  Hip- 
polyte et  de  ses  dix-neuf  comi)agnons. 

CONCORDIA  ,  bourg  du  royaume  Lom- 
bard-Vénitien, célèbre  dans  les  annales  du 
Martyrologe  romain,  par  le  martyre  des 
saints  Douât,  Secondien,  Romule  et  quaire- 
vingt-six  autres,  dont  les  noms  ne  nous 
sont  point  parvenus. 

CONDORCET  (Marie-Jean-Antoine-Nico- 
LAs,  marquis  de),  naquit  en  Picardie,  près  de 
Saint-Quentin.  Son  oncle  Condorcet,  évêque 
de  Lisieux,  lui  fit  faire  ses  études  au  collège 
de  Navarre.  Il  devint  extrêmement  fort  en 
mathématiques ,  et  les  cultiva  avec  grand 
succès  à  Paris,  oii  il  se  fixa.  Il  publia  diffé- 
rents ouvrages  sur  cette  partie  importante 
des  connaissances  humaines.  L'académie 
des  sciences  l'admit  parmi  ses  membres,  et 
bientôt  le  nomma  son  secrétaire  perpétuel. 
Il  travailla  activement  à  V Encyclopédie,  à  la- 
quelle il  fournit  de  nombreux  articles.  Son 
admiration  pour  Voltaire  était  grande,  et  les 
idées,  les  tendances  de  ce  philosophe  trou- 
vèrent en  lui  un  disciple  fervent,  un  imita- 
teur persévérant.  Condorcet  avait  l'air  fort 
doux,  presquebénin;  ce  qui,  dans  ses  écrits,  ne 
l'empêchait  pas  de  se  montrer  excessivement 
fougueux,  ennemi  acharné  du  christianisme, 
qu'il  attaquait  avec  encore  plus  de  fureur 
que  ne  l'avait  fait  Voltaire.  Grimm  nommait 
Condorcet  un  mouton  enragé.  Il  accueillit  la 
révolution  française  avec  enthousiasme,  et 
collabora  activement  aux  travaux  de  l'Assem- 
blée législative  et  de  la  Convention.  Condor- 
cet ne  vota  pas  la  mort  de  Louis  XVI;  mais 
il  avait  voté  sa  déchéance,  l'avait  déclaré 
coupable,  et  avait  rejeté  l'appel  au  peuple 
et  demandé  qu'on  lui  appliquât  la  peine 
la  plus  grave  qui  no  fût  |)as  la  peine  de 
mort.  En  1793,  Condorcet  fut  proscrit  avec 
les  fédéralistes,  se  cacha  quelque  temps  dans 
Paris,  puis  s'étant  déguisé,  sortit  de  la  ville. 
A  Bourg-la-Reine ,  il  fut  arrêté  et  mis  en 
prison.  Perdant  alors  tout  courage,  il  s'em- 
poisonna et  mourut  le  28  mars  1794.  Dans 
sa  retraite  qui  dura  huit  mois  ,  Condorcet  fit 
un  travail  intitulé  :  Esquisse  d'un  tableau 
liistorique  des  progrès  de  V esprit  humain. 
Dans   ce   livre  il  montre  que  le  malheur  no 


703  CON 

l'avait  pas  corrigé  de  son  impiété.  Il  y  pro- 
clame que  c'est  un  j^Tand  bonheur  pour 
riiomme  de  n'avoir  ni  rois,  ni  prêtres,  ni 
religion.  Il  y  a  quelque  chose  de  vraiment 
révoltant  dans  ces  maximes  etl'rontées  ,  que 
ces  philosophes  émettaient  ainsi  pour  la  per- 
dition de  cette  humanité  (ju'ils  prétendaient 
régénérer. Quel  exemple!  Condorcet  proscrit, 
placé  entre  l'échafaud  et  le  poison,  profite 
du  peu  de  temps  qu'il  peut  dérober  au  trépas 
qui  le  menace,  pour  outrager  celui  qui  l'at- 
tend avec  sa  justice  dans  cette  éternité  dont 
il  va  franchir  le  seuil  I 

CONGO,  région  de  l'Afrique  occidentale, 
est  formé  par  l'assemblage  d'une  multitude 
de  petits  Etats  indépendants,  dont  les  prin- 
cipaux sont  :  celui  de  Congo  proprement  dit, 
ceux  de  Bamba,  Sandi,  Pango,  Batta,  Pemba, 
Sogno,  Giagas  (ce  dernier  nom  appartient 
plutôt  aux  habitants  qu'au  pays).  Ce  pays 
fut  visité  plusieurs  fois  par  lès  navigateurs 
avant  qu'on  y  fondât  des  établissements. 
Les  premiers'  furent  ceux  des  compagnies 
de  commerce  françaises,  en  1626.  Cinq  ans 
plus  tard,  le  capitaine  Emmery  de  Caen  y 
emmena  les  premiers  missionnaires;  c'é- 
taient les  Pères  capucins  Alexis  de  Saint-Lô 
et  Bernardin  Renouard.  Plus  tard,  en  16i8,  des 
capucins  italiens  partirent  pour  aller  évan- 
géliser  le  royaume  de  Bénin  et  celui  d'Overry. 
Le  chef  ou  roi  de  ce  pays  chassa  do  son  pa- 
lais toutes  les  femmes  qu'il  y  entretenait,  et 
épousa  chrétiennement  une  femme  de  l'ile 
Saint-Thomas,  qui  avait  été  élevée  à  sa  cour. 
En  1666,  M.  Du  Case  se  fit  accompagner  dans 
le  pays  par  deux  capucins,  qui  disposèrent 
le  roï  à  être  baptisé.  Evidemment,  la  plus 
grande  partie  des  sujets  de  ce  monarque 
eussent  suivi  son  exemple.  Les  protestants, 
qui  depuis  peu  s'étaient  établis  sur  les  côtes, 
craignirent  que  leurcommerce  n'eût  à  souffrir 
de  ce  changement,  et  firent  tant  par  leurs  ca- 
bales, par  leurs  intrigues,  par  l'argent  qu'ils 
ré[)andirent,  qu'ils  indisposèrent  violemment 
les  prêtres  des  nègres  contre  les  deux  mis- 
sionnaires. La  veille  du  jour  où  le  roi  devait 
recevoir  le  baptême  éclata  une  sédition.  La 
chaf)elle  catholique  fut  brôlée.  Le  palais  fut 
investi,  et  il  fallut  toute  l'autorité  du  prince 
pour  mettre  en  sûreté  les  deux  missionnai- 
res. Voyant  cette  disjjosition  de  ses  sujets, 
le  roi  promit  qu'il  n'embrasserait  pas  le  clu-is- 
tianisuK;.  L'un  des  deux  capucins  fut  empoi- 
sonné, l'autre  fut  forcé  de  s'embartiuei-. 

En  1670,  d(njx  dominicains,  partis  de 
France  pour  reprendre;  cette  œuvre;  aposto- 
lique, n(!  [)urent  réussir  l\  ricui ,  par  la  mau- 
vaise volonté  des  mêmes  pr'otestanis,  et  mou- 
rurent tous  deux  peu  de  teiufts  après  Ictu' 
arrivée,  empoisonnés,  connue  l'avait  été  le 
capucin. 

En  M'tll,  la  princesse  Zinglia,  serMU'  du  roi 
de  Matamb'i,  étant  venue  (lans  les  posses- 
sions portugais(;s  d'Angola,  cornuK;  ambas- 
sadrice, fui  convertie  à  la  foi  chréliennf!  et 
b.iplisée,  dans  la  calliédiale  de  Saint-Paul  de 
Loaiid.i;  mais,  en  l(i27,  elle  s'eiiipaia  d»;  la 
conr'oruie,  abjura  le  chiistianisnie  (.4  le  p(!r- 
bécuta  violemment.  Elle  se  convertit  de  nou- 


CON 


704 


veau,  en  16^8,  et  écrivit  au  pape  des  lettres 
qui  lui  lurent  ai)portées  par  le  P.  Antoine- 
Marie  de  Monte  Piadone.  A  sa  demande  le 
pape  envoya  une  mission  de  douze  prêtres 
pour  le  Congo,  i)Our  le  royaume  d'Angola  et 
de  Matamba.  Après  sa  mort,  qui  eut  lieu  en 
1663,  sa  soMir  Barbara  renonça  au  christia- 
nisme et,  durant  trois  ans  de  règne,  persé- 
cuta ouvertement  les  chrétiens.  Elle  fit  in- 
cendier l'église  de  Sainte-Marie  de  Matamba. 
Le  Congo  vit  quelque  temps  après  les  tra- 
vaux et  le  maityre  de  Jean-Antoine Cavazzi, 
celui  du  P.  Phili|tpe  de  Calefia,  les  souffrances 
du  P.  Thomas  de  Sistola  et  de  ses  compa- 
gnons. 

CONON  (saint),  martyr,  était  originaire  de 
Nazareth  en  Galilée;  mais  il  habitait  la  Pain- 
phylie.  Il  demeurait  près  de  la  ville  de  Ma- 
gyde,  y  cultivant  un  jardin  et  y  vivant  de 
son  produit  dans  une  grande  pauvreté,  ce  qui 
ne  rempèchait  pas  d'exercer  la  charité  autant 
qu'il  le  pouvait.  DurantlapersécutiondeTem- 
pereur  Dèce,  Pollion,  gouverneur  qui  demeu- 
rait à  Perge  ou  à  Magyde,  l'envoya  prendre, 
et  après  l'avoir  vainement  sommé  de  renier 
sa  foi,  il  lui  fit  enfoncer  des  clous  dans  les 
pieds.  Cet  homme  féroce  obligea  le  saint  de 
courir,  en  cet  état,  devant  son  char,  jusqu'à 
ce  que  la  douleur  le  fit  tomber  d'épuisement 
et  mourir  sur  le  chemin.  L'Eglise  fait  la  fête 
de  saint  Conon  le  6  mars. 

CONON  (saint),  et  son  fils,  martyrs,  sont 
honorés  par  l'Eglise  le  29  mai.  Saint  Conon 
demeurait  à  Icône;  il  avait  épousé  une  fem- 
me chrétienne  comme  lui,  de  laquelle  il  avait 
eu  un  fils.  Quand  sa  femme  fut  morte,  saint 
Conon  se  retira  avec  son  fils  ,  pour  vivre 
dans  les  exercices  de  la  piété.  On  rapporte 
que  la  foi  le  rendit  maître  d'opérer  des  pro- 
diges dans  le  cours  des  choses  naturelles. 
Ainsi  on  affirme  qu'une  rivière  qui  passait 
près  de  chez  lui,  ayant  débordé,  et  arrêtant 
beaucoup  de  personnes  qui  avaient  à  passer, 
saint  Conon,  sur  leurs  prières,  se  rendit  au 
bord  et  ordonna  aux  eaux  de  s'arrêter  et 
d'ouvrir  un  passage  aux  personnes  qui  se 
trouvaient  \h.  Les  eaux  obéirent  et  après 
reprirent  leur  cours.  Elles  inondèrent  même 
j)lusieurs  villages;  mais  le  saint  leur  ayant 
commandé  de  rentrer  dans  leur  lit,  elles  le 
firent  à  sa  voix  ,  comme  la  premièie  fois 
elles  avaient  suspemlu  leur  cours.  L'espace 
nous  fait  défaut  |>our  discuter  ce  fait.  Bor- 
nons-nous h  (lire  (pie  Bollaiulus  l'abandonne, 
ne  le  trouvant  \)\s  suliisamment  appuyé  (29 
mai,  [).  7  c),  et  (jue  Tillemont  (vol.  IV, 
p.  68'i-)  regarde  les  Actes  entiers  du  saint 
comme  faits  après  coup,  j)aitie  sur  pièces 
oiiginales,  partie  sur  traditions,  où  le  faux, 
dit-il,  a  bien  pu  se  mêler-. 

S/iint  Conon  vécut  ainsi,  se  livrant  aux 
]ii'ali(pios  de  la  piété  la  plus  grande,  il  nar- 
vinl  jusepi'à  un  <'^ge  très-avanci',  ne  voulant 
pas  (Hi'c  autre  chosmjue  lanpie.  Son  humilité 
était  si  grande,  (pi'il  m)  se  (•^o^•ail  pas  digne 
d'entrer-  dans  les  oi'dres  saci-eVs,  Il  se  consi- 
(It'rait  comme  un  pécheur  et  ne  voulait  être 
regardé  (pie  connue  tel.  Il  ollVit  son  fils  à 
l'i'lglise  dans  laquelle  il  n'osait  pas  lui-niêina 


70λ 


cors 


COiN 


706 


entrer.  A  l'Ago  do  douze  ans,  le  (ils  do  saint 
Conon  fut  élevé  à  la  dignité  do  lecteur.  Plus 
tard  il  fui  élevé  au  diaconat. 

Les  anciens  monuments  qui  parlent  de 
saint  Conon  et  do  son  iils  ne  nonnnent  |»as 
ce  dernier;  or  nous  no  saurions  prendre  au 
sérieux  le  nom  do  Conelle,  cpie  (lucl.pics 
modernes  lui  ont  donné.  Ce  noui  est  un  di- 
minutif qui  équivaut  à  dire  :  petit  Conon.  11 
n'était  pas  dans  le  génie  des  langues  ancien- 
nos  de  créer  ainsi  des  diniiiuitifs,conun(!  fait 
la  langue  italienne  ([ui  a  de  si  charmants  noms 
pro[)res  pour  les  enfants  :  Carolinetta,  Caro- 
lina.  No  dirait-on  pas  le  bouton  de  rose  et  la 
rose  épanouie?  Notre  remarque  a  d'autant  plus 
de  force  qu'anciennement  les  Iils  ne  portaient 
pas  le  nom  de  leurs  pères.  Les  noms  de  fa- 
mille, surtout  on  Orient,  étaient  excessive- 
ment.rares.  Encore  ne  les  em[)loyait-on  pas 
comme  chez  nous.  Le  iils  de  IMiilijipe  se 
nommait  Alexandre ,  le  Iils  de  Miltiado  se 
nonnnait  Cinion,  etc. 

Enlin  le  saint,  qui  n'avait  pas  voulu  entrer 
dans  l'Eglise  et  prendre  rang,  se  jugeant  in- 
digne, parmi  les  prêtres  du  Seigneur,  fut  ap- 
pelé par  lui  à  entrer  dans  ces  saintes  légions 
te  saints  qui  montent  au  ciel  couronnés  du 
martyre  et  ])ortant  à  Dieu  l'otîrande  de  leur 
vie  et  do  leur  sang.  Un  officier  d'Aurélien, 
nommé  Domitien  ,  chargé  do  persécuter  les 
chrétiens,  vint  à  Icone.  On  lui  amena  saint 
Conon.  11  témoigna  d'abord  au  saint  vieil- 
lard la  compassion  bien  naturelle  que  lui 
inspirait  son  grand  âge.  Il  lui  demanda  entre 
autres  choses  pourquoi  il  menait  une  vie 
si  dure  et  si  triste,  tandis  que  tout  le 
monde  était  en  festins  et  en  fêtes.  Le  saint 
lui  répondit  :  «  Ceux  qui  vivent  selon  l'hom- 
me sont  ici  dans  la  joie,  dans  les  festins, 
dans  l'éclat  et  dans  la  pompe  ;  mais  ceux 
qui  vivent  selon  Dieu  no  peuvent  vivre  de 
la  même  sorte,  parce  qu'il  laut  qu'ils  entrent 
dans  le  royaume  de  Dieu  par  beaucoup  de 
tribulations;  c'est  pourquoi  j'aime  mieux 
avoir  part  aux  peines  et  à  la  croix  de  Jésus- 
Christ  que  de  jouir  pour  un  peu  de  temps 
des  joies  du  péché  :  et  la  grâce  que  je  vous 
demande,  c'est  de  ne  pas  m'ôter  la  vie  par 
un  supplice  de  peu  de  durée,  mais  par  divers 
tourments  qui  se  succèdent  les  uns  aux  au- 
tres, afin  que  j'en  sente  le  plaisir.  »  (lille- 
mont,  vol.  IV,  p.  356.) 

Cette  demande  faite  par  saint  Conon  lui 
était  sans  doute  suggérée  par  l'esprit  de 
Dieu.  Autrement  nous  aurions  peine  à  l'ex- 
pliquer, et  l'excuserions  difticilement.  Les 
chrétiens  doivent  attendre  le  martyre,  mais 
ils  ne  doivent  pas,  en  général,  le  chercher, 
coui'ir  au-devant.  Domitien ,  ayant  fait  au 
saint  ditTérentes  questions  sur  son  état,  lui 
demanda  s'il  avait  des  enfants.  «  Oui,  dit  le 
saint,  j'ai  un  fils,  que  je  serais  ravi  de  vous 
présenter,  pour  qu  il  confesse  avec  moi  le 
nom  de  Jésus-Christ.  »  Domitien  le  lit  aussi- 
tôt amener.  La  compassion  que  Domitien 
avait  témoignée  au  saint  vieillard  était  une 
tentation  ou  une  hypocrisie;  car  il  lui  fil  en- 
durer, ainsi  qu'à  son  fils,  les  tourments  les 
plus   etlroyables.  Certes,  si   la  compassion 


d'il  parlé  h  son  cœur,  il  ortt  pu  faire  mou- 
rir- les  deux  saints  d'une  faeor»  moins  cruelle. 
On  les  coucha  sur 'le  lit  de  foi-  iMidjrasé  ,  on 
alluma  des  charl)ons  arrosés  d'huile,  et  on 
les  coucha  d(!ssus  swv  le  dos,  ensuite  sur  le 
ventre;  enlin,  on  lesplon^jca  dans  nue  cliau- 
dièrti  pleine  d'huile  bouillante.  Durant  ces 
su|)plices  horibles,  saint  Conon  se  mo(piait 
de  hîiu"  insuffisance;  il  disait  aux  bourreaux 
qiH'  leurs  feux  n'avaient  aucun(!  force,  (pi'ils 
ne  les  avaient  pas  bien  allumés,  et  (pi'ils 
n'avaient  qu'à  chercher  des  su|)|)lices  plus 
cruels,  pour  faire  éclater  davantage  la  puis- 
sance de  Jésus-Christ.  Enfin  Domitien  ayant 
donné  l'ordre  qu'on  les  suspendit  par  les 
pieds  stw  une  fuméo  i)i(iuante,  et  cai)able 
de  les  élouifer,  saint  Conon  lui  dit  qu'après 
avoir  triomphé  de  ses  feux,  il  ne  se  mettait 
guère  en  peine  do  sa  fumée.  Parvenu  au 
comble  de  la  fureur,  Domitien  fit  couper  les 
mains  au  saint  vieillard  et  ;i  son  fils,  avec 
une  scie  do  bois.  Conon  lui  dit  :  «N'avez-vous 
pas  honte  que  des  imposteurs  mettent  toute 
votre  i)uissance  en  déroute,  et  brisent  tout 
le  faste  de  votre  superbe  grandeur?  Les 
souffrances,  la  perte  de  sang,  avaient  épuisé 
les  deux  saints.  Agenouillés  et  les  yeux  au 
ciel,  ils  commencèrent  une  prière  que  leurs 
âmes  en  s'envolant  allèrent  achever  au  sein 
do  Dieu.  Une  voix  se  fit  entendre  dans  les 
cieux  à  l'instant  o\x  les  deux  saints  rendirent 
leur  âme.  Domitien  en  fut  tellement  efîrayé, 
qu'il  se  retira  aussitôt.  Los  chrétiens  (jui 
étaient  présents  purent  recueillir  leurs  res- 
tes et  les  enterrer  honorablement.  Aujour- 
d'hui leurs  reliques  sont  vénérées  dans  la 
ville  d'Acerre,  près  de  Naples.  On  les  y  ap- 
porta dans  le  ix"  siècle.  L'Eglise  honore  la 
mémoire  de  saint  Conon  et  de  son  fils  le 
29  lïiai. 

CONON  (saint),  fut  martyrisé  à  Perge,  en 
Pamphilie,  avec  les  saints  Papias,  Diodore, 
Claudien.  Us  furent  martyrisés  avaut  saint 
Nestor.  L'Eglise  célèbre  leur  sainte  mémoire 
le  26  février. 

CONRAD  (saint) ,  de  l'ordre  des  Frères 
Mineurs,  fut  martyrisé  pour  la  foi  avec  un 
autre  frère  appelé  Voisel ,  du  même  ordre. 
Les  mahométans  les  lièrent  à  des  poteaux, 
et  leur  dépouillèrent  le  crâne.  Comme  ils 
continuaient  malgré  ce  supplice  à  chanter  à 
pleine  voix  le  Salve,  Regina,  les  bourreaux 
les  noyèrent.  (  Voy.  Wadding ,  an.  1284 , 
n°  11.) 

CONRAD  (saint),  Saxon,  frère  mineur,  fut 
tué  avec  Etienne,  Hongrois,  appartenant  au 
môme  ordre,  dans  l'année  1287,  près  des  por- 
tes Caspiennes.  Etant  sortis  comme  d'habi- 
tude pour  se  iivreraux  ti^avaux  de  leur  apos- 
tolat, les  schismatiques,  qui  voyaient  avec 
grand  dépit  leurs  succès,  les  maltraitèrent 
avec  une  cruauté  inouïe.  Les  deux  martyrs 
succombèrent  au  milieu  des  souffrances,  eu 
prononçant  le  nom  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ.  (Fo//.  Chronique  des  Frères  Mineurs, 
t.  il,  p.  148  bis.) 

CONSOLON  (Thérèse),  supérieure  desUr- 
sulines  de  Sisteron,  i'iil  guillotinée  le  26juil- 
let  1784,  à  Orange,  avec  les  sœurs  Claii  e  Du' 


767  CON 

bac,  Anne  Cartier,  ursulinc  au  Pont-Saint- 
Esjiril,  Marguerite  Bonnet  ,  religieuse  du 
Siuul -Sacreuie'it  ,  et  Madeleine  -  Cathe- 
rine de  Justaniu'i ,  quatiièiue  luarlyre  du 
uuôuie  nom  et  de  la  nicMne  famille. 

«  Qui  es-tu,  demanda  le  président  du  tribu- 
Bal,  à  Thérèse  Consohm?—  Je  suis,  répon- 
dit-elle, tille  de  lEglisc  catholi(|ue.  »  Peu 
d'instants  après,  les  tètes  de  ces  saintes  vic- 
times roulaient  surféchafaud.  (Tiré  de  1  abbd 
Carron,  Confesseurs  de  la  foi,  t.  11.) 

CONSTANCE  (saintj,  martyr,  fut  martj'iisé 
sous  Néion,  avec  saint  Félix,  dans  la  ville 
de  Nocéi-a.  Le  Martyrologe  romain  ne  donne 
point  les  circonstances  ni  la  date  précise  de 
leur  martyre.  L'Eglise  bonore  leur  mémoire 
le  19  septembre. 

CONSTANCE  (saint),  évoque  de  Pérouse, 
fut  martyrisé  pour  la  foi  cbrétienne  sous 
l'empire  "de  Marc-Aurèle.  L'Eglise  Tbonoro 
le  29  janvier,  comme  évoque  et  martyr.  Bol- 
laudus  donne  trois  Vies  de  saint  Constance. 
Laquelle  faudrait  -  il  accepter  comme  la 
bonne  ?  Nous  sommes  heureux  de  cette  cir- 
constance assez  singulière,  parce  qu'elle  i)eut 
nous  servir  d'argument  contre  ceux  qui  pré- 
tendent que  nous  devons  accepter  sans  exa- 
men comme  vraies  toutes  les  Vies  de  saints, 
toutes  les  légendes  que  l'antiquité  nous  a 
transmises.  Aucune  des  trois  Vies  de  saint 
Constince  ne  peut  être  acceptée  par  un 
homme  sérieux. 

CONSTANCE  (saint),  eut  la  gloire  de  rem- 
porter la  palme  du  martyre  au  pays  des 
Marses,  avec  son  père  saint  Simplicc  et  son 
frère  saint  Victorien,  sous  le  règne  de  l'em- 
pereur Marc-Aurèle.  Tous  trois  eurent  la  tête 
tranchée.  L'Eglise  célèbre  leur  fôtc  le  2G 
aoLit. 

CONSTANCE  (saint),  martyr,  souffrit  pour 
la  foi  a  Trêves.  (Pour  plus  de  détails,  voy. 

CONSTANCE  (saint),  prôtre  d'Antioche  et 
confesseur,  est  peu  connu  dansl'Eglise,  quoi- 
qu'il mérite  beaucoup  de  l'être.  On  ne  sait 
rien  de  son  père  ;  sa  mère,  femme  pleine 
d'honneur  el  de  générosité,  vivait  en  Wi. 
Elle  éleva  notre  .^aint  avec  tous  les  soins 
d'une  ujère  chrétienne,  et  son  éducation  fut 
très-s'oi;^née.  Dès  sa  première  jeunesse,  il 
fut  employé  au  service  de  l'Eglise  d'Antio- 
che, pour  écrire  des  lettres  en  qualité  de  no- 
taire et  de  secrétaire.  11  fut  fait  ensuite  lec- 
teur et  diacre,  après  avoir  renoncé  au  ma- 
riage. Ayant  |)assé  un  certain  lemp^  dans  le 
diaco  lal,  il  fut  promu  au  saccndoce.  11  vivait 
dans  la  |)ratique  des  plus  grandes  austérités, 
et  s(!  faisait  chérir  par  sa  douceur  et  son 
aménité.  Il  ne  se  cont(;nta  pas  de  travailhT 
pour  l'Eglise  d'Anliochfï  ;  il  donna  encore 
ses  soins  à  celles  de  Phénicie,  d'Aïahie  et 
d'autres  provinces  d'Ori(;nt.  Il  travailla,  de 
concert  avfîc  saint  Chrysoslome,  pour  étouf- 
fer l'idolAtrie,  surtout  en  Phénicie,  et  nous 
voyons  (jue  ce  grand  homme  tenait  noln; 
s.'iînt  en  grande  estime.  Saint  l-'lavicm,  i''vè- 
que  dAnlioclie,  étant  niorl,  on  jeta  les  yeux 
sur  Constance  pour  le  renij)lacer;  ses  talents 
tl  sa  vertu  l'en  rendaient  digne  et  capable  : 


COiN 


708 


Dieu  ne  le  permit  pas,  et  ce  fut  Porphyre 
qui  s'empara  de  ce  siège  par  ses  intrigues. 
Depuis  longtemps  ce  dernier  exerça  t  à  An- 
tioche  les  fonctions  de  diacj'c  et  de  prêtre. 
Ennemi  de  la  chasteté,  [)rolecteur  lies  comé- 
diens et  des  magiciens,  il  sut  néanmoins 
sur[)rendre  la  faveur  des  magisti'ats  d'Antio- 
che. Il  persécuta  notre  saint  et  le  força  à 
s'enfuir.  Constance  se  retira  à  Cucuse,  au- 
près de  saint  Chrysostome.  Le  peuple,  fu- 
rieux de  voir  Por[)hyre  élevé  à  ré[)iscopat 
par  ses  intrigues  ténébreuses,  voulait  le  brû- 
ler dans  sa  maison,  le  lentlemain  de  son  or- 
dination ;  mais  cet  ambitieux,  qui  connais- 
sait la  haine  du  peuple  contre  lui,  avait  ob- 
tenu du  général  une  partie  des  troupes  avec 
lesquelles  il  résista  aux  chrétiens.  Cet  intrus 
fit  souifrir  beaucoup  ceux  qui  restèrent  fi- 
dèles à  la  communion  de  saint  Chrysostome; 
en  un  mot,  il  régna  par  la  force.  Saint  Cons- 
tance revint  à  Antioche,  où  on  lui  voulait 
faire  subir  un  procès  pour  son  attachement 
à  Chrysostome.  Loin  de  paraître  timide  de- 
vant l'évoque  persécuteur,  il  rendit  à  l'Kglise, 
à  ses  frères  et  à  la  vérité,  tous  les  services 
qui  furent  en  son  pouvoir.  Poiphyre  le  chassa 
de  la  ville.  De  plus,  il  obtint  un  ordre  de  la 
cour  par  le  moyen  des  évoques  qui  y  domi- 
naient, pour  le  faire  bannir  en  Libye,  dans 
les  déserts  de  l'oasis,  comme  un  perturbateur 
du  repos  des  peuples.  Constance,  en  ayant 
été  averti,  se  sauva  en  Chypre  par  le  secours 
de  ses  amis.  On  présume  que  plus  tard  il 
retourna  auprès  de  saint  Chrysostome,  car 
on  lit  à  la  tète  des  homélies  de  ce  Père,  sur 
VEpître  aux  Hébreux,  qu'elles  ont  été  don- 
nées au  public,  après  sa  mort,  par  Constance, 
prêtre  d'Antioche,  qui  les  trouva  écrites  seu- 
lement en  notes.  Notre  saint  vécut  jusqu'à 
la  fin  de  l'an  hOT. 

CONSTANCE  (sainte),  fut  martyrisée  h  No- 
céra,  avec  saint  Félix,  sous  l'empire  et  du- 
rant la  })erséc'ution  de  Néron.  Sa  fête  tombe 
le  19  septembre.  On  n'a,  fiar  rapport  à  cette 
sainte,  aucun  document  authentique. 

CONSTANCE,  lils  de  Constantin,  partagea 
l'empire  avec  ses  fi'ères  Constantin  et  Cons- 
tant, à  la  mort  de  son  père,  en  337.  11  eut 
en  partage  l'Orient.  Son  règne  commença 
])ar  le  massacre  des  frères,  des  neveux  et 
des  ministres  de  (Constantin  le  (Irand.  En 
3'i0,  la  mort  de  Constr.ntin  le  Jeune  laissa 
l'empiie  tout  entier  à  deux  maîtres.  Constant 
et  Constance.  Le  père  de  ces  deux  empereurs 
s'était  beaucoup  trop  mêlé  des  alfaires  de 
l'Fglise.  Ses  deux  enfants  tirent  comme  lui. 
Cela  est  vrai,  surtout  de  Constance,  (]ui  était 
un  [)rince  extraordinairemcnl  faible,  et  qui, 
(■(unme  tous  hvs  gens  atteints  de  <;e  malheu- 
r(Mix  défaut,  était  extrêmement  vaniteux  et 
])()rlé  à  se  mêler  de  tout.  Constance  fut  très- 
favorable  aux  Ariens,  et  h  \rur  instigation, 
il  [lerséiula  violemimnit  les  catholi(jues.  Ce 
fut  surtout  dans  la  personne  de  saint  Atlia- 
nas(!  (pi'il  l(\s  attaqua.  O.  saint  docteur  était 
la  plus  puissantecolomiedel  E.:,lisc  d'Orient. 
Sans  lui,  sans  son  grand  ( onrage,  sans  sa 
haute  science,  il  est  très-probable  cpie  tou- 
tes les  contrées  soumises  à  Constance  se- 


709 


CON 


CpN 


710 


raient  entièrement  tombées  sous  !a  doiiiiiia- 
tion  dos  Aiieiis.  Celui  de  Ions  ((ni  rx(M'rail 
le  plus  triullticMce  sue  l'cspr  t  de  vv  [H'inee 
était  lùisc'lx'  de  Nicomédie.  C'était  lliomme 
le  plus  dangereux  qui  pût  so  trouver  à  eùté 
d'un  monanpie  de  ce  caractère.  {Voij.  l'arti- 
cle de  saint  Atiivnase.)  A])rès  la  moi-l  de  son 
frère  Constant,  il  niarclia  contre  Maj^nence 
et  Vitranion,  qui  avaient  pris  la  pourpre. 
Vainqueur,  et  seul  maître  de  l'empire,  il 
coimnit  d'atroces  vengeances.  11  se  rendit 
tellement  exécrable,  que  les  troupes  se  ré- 
vollèrent  et  mirent  Julien  à  sa  place.  Il 
marcjiait  contre  lui,  quand  la  maladie  l'ar- 
rêta à  Mopsocrènc  ou  Aïopsuesle  ,  oiî  il 
monrui,  au  pied  du  mont  Tanrus,  l'an  .']61. 

CONSTANCE,  ville  de  Suisse,  lut  témoin 
des  soulTrances  qu'y  endura  saint  Pclay, 
sous  rem|)er('ur  Domitien,  et  le  juge  Evila- 
sie.On  ignore  la  date  pi'écise  de  son  martyre. 

CONSTANTIN  (saint),  martyr  à  Eplicse, 
est  leté  par  l'Eglise  le  '21  juillet.  Il  est  l'un 
dos  sept  Dormants  doit  saint  Crégoii'e  do 
Tours  nous  a  donné  une  histoire.  Voy.  Dor- 
mants (les  sept). 

CONSTANTIN,  patriarche  de  Constantino- 
ple,  sous  l'enqiereur  Constantin  Copronyme, 
était  un  homme  au  fond  sincèrement  catho- 
li(}ue,  désireux  de  bien  faire,  mais  faible  et 
timide.  Ces  malheureux  défauts  furent  cause 
de  sa  perte.  A  plusieurs  re{)rises,  il  résista 
aux  exigences  de  l'empereur  touchant  l'hé- 
résie des  iconoclastes,  en  faveur  de  laquelle 
il  i)ersécutait  les  chrétiens  ;  mais  il  ne  le  lit 
(}ue  quand  il  rcmai-qua  de  l'hésitation  chez 
l'empei'eur,  et  avec  une  certaine  faiblesse. 
Quand  l'empereur  exigea,  quand  il  employa 
la  menace,  le  patriarche  céda.  Ainsi  une  fois 
il  lui  fit  jurer  qu'il  ne  condamnait  pas  le 
concile  des  iconoclastes  qui  avait  proscrit  le 
culte  des  images.  Plus  tard  il  le  bannit  dans 
l'île  du  Prince. 

En  l'année  767,  le  G  octobre,  au  commen- 
cement de  l'indiction  sixième,  l'empereur  fit 
amener  à  Constantinople  le  patriarche  Cons- 
tantin, de  l'île  du  Piince,  oij  il  était  en  exil. 
Après  l'avoir  décinré  de  coups,  en  sorte 
qu'il  ne  pouvait  marcher ,  on  l'apporta  dans 
l'église  de  Sainte-Sophie,  et  on  le  fil  asseoir 
devant  le  sanctuaire,  à  l'endroit  nommé  So- 
lea. 

Un  secrétaire  de  l'empereur  était  près  de 
lui,  tenant  ui  volume  en  papier,  où  étaient 
écrits  ses  crimes  ;  il  en  fit  la  lecture  en  pré- 
sence de  tout  le  peuple  et  du  patriarche  Ni- 
cétas,  assis  sur  son  trône.  A  chaque  chef 
d'accusation,  le  secrétaire  frappait  Constan- 
tin au  visage  avec  le  livre  ;  ensuite  on  le  fit 
monter  sur  l'ambon,  et  le  patriarche  Nicétas 
envoya  des  évoques  pour  lui  ôtei'  le  pallium, 
et  l'analhématisa  ;  puis  on  le  fit  sortir  de 
l'église  à  reculons.  On  voit  ici  un  exemple 
de  la  dégradation  cjui  devait  précéder  la 
peine  de  mort. 

Te  lendemain,  jour  de  spectacle  dans  l'hip- 
podrome, on  lui  rasa  la  tète  entièrement,  les 
cheveLix,labarbe,lessourcils,ell'ayautrovètu 
d'un  habit  de  laine  sans  manches,  on  le  mit 
à  rebours  sur  un  âne,  dont  il  tenait  la  queue 


entre  ses  mains.  On  lui  fit  aijjsi  passer  toute 
la  carrièr(ï  au  milieu  du  iieuplc,  (jui  crachait 
sur  lui  et  le  chargeait  (riijuies.  L'Ane  était 
mené  par  son  neveu,  à  (jui  on  avait  coupé 
le  m'Z.  Ouand  ils  furent  arrivés  à  l'endroit 
où  les  chevaux  s'airètaient,  on  le  jria  à  bas 
de  i'ilne,  et  on  lui  mit  le  pied  sui'  la  grji-^c  ; 
puis,  l'ayant  fait  asseoir,  le  peuple  cmuinna  à 
se  mo({uer  di;  lui  iuscpi'à  la  [\\\  du  speclacfi;. 

Le  (piinzième  du  même  mois,  l'empi'ieur 
lui  envoyadirepar  des  patrices  :  Que  dites- 
vous  de  noti'e  foi  et  du  con(  ile  que  nous 
avons  assemblé  ?  Le  malheureux  Constantin, 
croyant  apaiser  l'emiieieur,  répouil  :  A'otre 
foi  est  bonne,  et  vous  avez  bien  fait  de  tenir 
ce  concile.  C'est,  dirent  les  j)alrices,  ce 
que  nous  voulions  entendre  de  la  bouche  ira- 
l)ure  :  va  mainten.nt  aux  ténèbres  cl  à  l'ana- 
llième.  11  fut  condamné  à  mort,  et  eut  la  tète 
coupée  h  l'ancien  amphithéâtre  nonnné  Cy- 
négium,  lieu  ordinaire  des  exécutions.  On 
j)endit  sa  tète  par  les  oreilles  dans  la  place 
du  Mille,  où  elle  diuneura  trois  jouis  expo- 
sée à  la  vue  du  peui)Ie.  Le  corps  fut  traîné 
jiar  un  pied  et  jeté  avec  les  suppliciés  ;  on 
y  jeta  aussi  la  tète  au  bout  de  trois  jours. 
C'est  ainsi  que  le  patriarche  Constantin  fut 
traité  par  l'empereur  dont  il  avait  baptisé 
les  deux  enfants  nés  de  sa  troisième  femme, 
ce  qui  était  alors  regu'dé  comme  une  alliance 
spirituelle.  (Eleurv,vol.  III,  p.  139.) 

CONSTANTIN  COPRONYME  IV^  ou  VP 
(suivant  qu'on  com[)te  ou  qu'on  ne  compte 
pas  Héraclius  et  Héracléonas  parmi  les  Cons- 
tantins)  était  fils  de  Léon  d'Isaurie  ;  il  succéda 
à  son  père  et  monta  sur  le  trône  impérial  en 
l'an  7'i.l.  Ce  prince  méritait  le  surnom  sous 
lequel  l'histoire  le  connaît  encore  plus  par  ses 
habitudes  ordurières  que  par  l'accident  arrivé 
à  son  baptême.  Il  était  grossier,  brutal,  san- 
guinaire et  im|)udique.  il  fut,  comme  son 
père,  ennemi  acharné  des  images.  En  752, 
il  tint  plusieurs  conseils  contre  la  vénéra- 
tion des  images  ,  excitant  tous  les  jours  le 
peuple  à  les  abolir.  En  7oi  ,  il  assembla  le 
fameux  concile  des  iconoclastes  ,  qui  con- 
damna le  culte  des  images  et  anathématisa 
un  grand  nombre  d'évêcjues  c[ui  suivaient 
l'ancienne  tradition.  A  la  suite  de  ce  con- 
cile, il  persécuta  violemment  les  catholiques, 
fit  mourir  à  coups  de  fouet  saint  André  le 
Calybite,  persécuta  Etienne  d'Auxence,  Anne 
la  religieuse,  et  finit  par  envoyer  Etienne  en 
exil  à  Proconèse.  En  7G6  ,  il  le  fit  revenir  et 
eut  avec  lui  une  longue  discussion  qui  fut 
tout  à  son  désavantage.  Cette  môme  année  , 
il  lit  punir  rigoureusement  plusieurs  de  ses 
officiers  accusés  de  vénérer  les  images,  et  fit 
prêter  serment  à  tous  ses  sujets  de  ne  les 
plus  adorer.  11  obligea  le  patriarche  Constan- 
tin à  faire  la  même  chose.  Il  persécuta  vio- 
lemment les  moines  et  les  traita  ignominieu- 
sement [Voy.  Iconoclastes).  Il  poursuivait 
partout  les  catholiques,  faisait  déterrer  et-je- 
ter  les  reliques  des  saints.  En  765,  il  fit,  par 
ses  gouverneurs  et  autres  officiers  ,  mourir 
un  grand  nombre  de  catiioliques  de  tout  rang 
et  de  toute  condition.  Il  finit,  en  cette  année, 
par  faire  martyriser  saint  Etienne  d'Auxence, 


7H 


coo 


COR 


712 


Il  fit  dégrader  et  tuer  Constantin,  patriarche 
de  Constantinople ,  après  l'avoir  rendu  en 
quelque  sorte  apostat.  Il  continua  la  persé- 
cution avec  acharnement  jusqu'à  sa  mort  qui 
arriva  en  775.  Il  mourut  de  la  peste  dans 
une  expédition  contre  les  Bulgares. 

CONSTANTIN  (saint) ,  avait  sur  terre  une 
couronne  royale  au  front.  Sa  naissance  l'a- 
vait mis  sur  un  trône.  Sa  foi  lui  donna  une 
autre  couronne,  celle  du  martyre,  couronne 
qui  n'est  pas  périssable  et  qui  Veste  pour  l'é- 
ternité. Il  régnait  en  Bretagne  :  frappé  des  pa- 
roles du  roi-proi)hè te, Fa/jj7as  vanitatum,  etc., 
il  abdiqua  son  sceptre  et  se  retira  dans  le 
couvent  de  Saint-David.  Il  fut  reçu  au  nom- 
bre des  religieux.  Plus  tard,  s'associant  aux 
travaux  évangéiiques  de  saint  Colomb,  il  alla 
avec  lui  prêcher  la  foi  aux  Pietés  ,  peuples 
qui  ne  reçurent  que  très-tard  la  lumière  de 
la  loi.  Sur  les  bords  de  la  Clynd,  en  Ecosse, 
il  fonda  un  monastère  en  un  lieu  nommé 
Govane.  Bientôt  les  prédications  du  saint  eu- 
rent entièrement  converti  le  pays  deCantire; 
mais  les  infidèles,  qui  voyaient  avec  déplai- 
sir le  succès  de  son  zèle  ,  le  massacrèrent 
vers  la  tin  du  vi'  siècle.  Ses  restes  furent  in- 
humés à  Govane.  Plusieurs  églises  d'Ecosse 
ont  été  fondées  sous  son  invocation.  Il  y  eut 
dans  ce  pays  un  autre  Constantin,  martyr, 
avec  lequel  il  est  bon  de  ne  pas  le  confondre. 
Ce  dernier  était  un  religieux  d'Irlande  qui 
avait  longtemps  séjourné  dans  le  couvent  de 
Saint-Carthag  à  Rathane.  L'Eglise  célèbre  la 
fôte  de  saint  Constantin  le  11  mars. 

CONSTANTIN  (saint) ,  confesseur,  souffrit 
pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  à  Cartilage,  dans 
des  circonstances  et  h  une  époque  qui  nous 
sont  inconnues.  L'Eglise  célèbre  sa  mémoii  e 
le  11  mars. 

CONSTANTIN  (saint),  évêque  et  confes- 
seur, souffrit  de  grands  tourments  à  Gap,  en 
l'honneur  de  Jésus-Christ.  On  n'a  pas  de  dé- 
tails sur  lui.  L'Eglise  célèbre  sa  bienheu- 
reuse mémoire  le  12  avril. 

CONSTANZO,  jésuite,  fut  brôlé  à  Firando, 
dans  l'empire  du  Japon,  en  1022,  pour  la  foi 
chrétienne. 

COOQUER  (  A^TOI^E  Asthlez),  comte  de 
Schaftesbury ,  né  à  Londres  en  1671  ,  était 
pelit-lils  d'un  ami  intime  de  Locke,  et  reçut 
môme  quelques  leçons  de  vv  philosoi)he.  Il 
voyagea,  vit  en  Hollande  Bayle  et  plusieius  li- 
bres penseurs  comme  lui.  De  retour  en  An- 
gleterre ,  il  publia  plusieurs  ouvrages  dans 
lesquels  il  montrait  plus  (jue  de  la  hardiesse 
contre  la  religion. Il  mourut  à  Na])lesen  1713. 

Dans  ses  Hccfierchcs  sur  le  mérite  et  la 
vertu,  il  établit  un  système  de  moralité  f(»ndé 
uniquenn.'nt  sur  les  aHections.  Les  actions 
qui  |)rocèdentdes  affections  naturelles  et  ont 
pour  but  1(!  bien  public  ou  le  bonheur  indi- 
viduel ,  sont  vertueuses  ;  celles  (pii  procèdent 
d'atfections  contraires  sont  vicieusc.'S  ;  celui 
(pii  sait  faire  céder  les  intérêts  privés  au 
bien  puljlic  ,  est  vertueux  au  plus  haut  de- 
gré :  celui,  au  contraire,  (]ui  t'ait  plier  le 
bien  [lublic;  à  ses  intérêts  |)iivés,  est  malheu- 
reux et  niéchaiit  ;  s'il  lerid  h  anéantir  le  bien 
put>li(;,  il  est  malheureux  au  supiême  degré» 


Ainsi ,  vertu  et  bonheur,  vice  et  malheur, 
sont  synonymes. 

Shaftosbury  lit  plusieurs  autres  ouvrages, 
tous  écrits  avec  pompe  et  élégance ,  de  ma- 
nière à  ce  qu'il  est  regardé  comme  un  des 
meilleurs,  ou  au  moins  comme  un  des  plus 
aimables  écrivains  anglais  ;  mais,  dans  les 
matières  religieuses  ,  il  n'a  été  ni  exact ,  ni 
mesuré  ;  il  admettait  Dieu  et  la  providence, 
tout  en  se  moquant  de  la  révélation  ,  et  en 
parlant  du  christianisme  avec  mépris.  (Bou- 
vier, Ilist.  de  la  Philos.,  t.  II,  p.  206.) 

COPRÈS  (saint),  martyr,  habitait  Alexan- 
drie. Il  fut  martyrisé  sous  Julien  l'Apostat 
avec  Patermuthe  et  Alexandre.  On  ignore 
en  quelle  année.  L'Eglise  honore  la  mémoire 
de  ces  bienheureux  martyrs  le  9  juillet. 

CORBINIEN  (saint),  confesseur,  évêque  de 
Frisingen  en  Bavière,  naquit  à  Châtres,  dans 
le  diocèse  de  Paris.  Pendant  quatorze  ans,  il 
vécut  en  reclus  dans  une  cellule  qu'il  avait 
fait  construire  près  d'une  chapelle.  Sa  répu- 
tation de  sainteté  s'étant  répandue  au  loin  , 
il  fut  bientôt  en  état  de  former  une  commu- 
nauté religieuse  ,  vu  le  nombre  des  fidèles 
qui  voulaient  vivre  sous  sa  direction.  Trou- 
blé bientôt  dans  la  vie  intérieure  qu'il  avait 
menée  jusque-là  par  les  distractions  sans 
cesse  renaissantes  que  lui  occasionnaient 
ceux  qui  venaient  le  consulter,  il  se  rendit  à 
Rome  et  s'enferma  dans  une  cellule  située  au- 
près de  l'église  de  Saint-Pierre.  Le  pape,  ayant 
reconnu  bientôt  sa  grande  vertu  et  ses'  ta- 
lents, le  sacra  évêque ,  et  le  cliargea  d'aller 
prêcher  l'Evangile,  lui  disant  qu'il  ne  devait 
pas  vivre  ainsi  pour  lui  seul,  quand  tant  de 
peuples  manquaient  de  missionnaires.  Cor- 
binien  revint  donc  dans  sa  i)atrie  où  il  obtint 
de  grands  succès.  Ayant  fait  ensuite  un  se- 
cond voyage  à  Rome  ,  il  passa  jiar  la  Ba- 
vière où  il  convertit  beaucoup  d'idolâtres.  Le 
pape  Grégoire  II  lui  ayant  ordonné  de  conti- 
nuer ses  travaux  apostoliques  dans  ce  pays, 
il  y  revint  bientôt  et  établit  son  siège  épis- 
copal  à  Frisingen,  quand  il  vit  l'heureux  ré- 
sultat de  ses  prédications. 

Grimoald,  duc  de  Bavière,  qui  était  chré- 
tien pourtant ,  ne  suivait  ])oint  res[)rit  du 
christianisme  ;  il  venait  même  d'épouser 
Biltrude,  veuve  de  son  frère.  Notre  saint  lui 
reprocha,  mais  en  vain  ,  son  mariage  inces- 
tueux. Les  deux  coupables  ,  i)our  se  venger 
de  son  zèle  généreux  ,  lui  suscitèrent  mille 
persécutions,  et  Biltrude  suborna  môme  des 
assassins  pour  le  tuer.  Mais  Dieu  sut  défen- 
dre et  protéger  son  serviteur,  et  les  deux 
coupables  périrent  ndsérablement  peu  apiès. 
Après  leur  mort,  l'exil  volontaire  de  Corhi- 
nien  cessa,  et  il  revint  contiiuier  ses  travaux 
a|)ostr)liquesà  Frisingen  juscpi'à  sa  mort  (\n\ 
eut  lieu  en  7;{0.  Son  nonresl  inscrit  au  Mar- 
tyrologe romain  le  8  seplend)r(\ 

COliDOUE,  Cordova,  ville  d'Kspagnc,  fut 
le  théâtre  du  martyre  de  saint  Jan\ier  et  do 
ses  couq)agnons, saint  Fansleel  saint  Martial, 
en  'Wt^,  sous  l'tMnjiire  de  Dioclélien.  iMigène 
comniand.iit  alors  nn(!  partie  de  l'Espagne 
pour  lesRomaiiis.  Ce  l'ut  lui  (piilit  mourir  les 
saiuls  avec  une  cruauté  sans  égale  (  Yoy, 


713 


C6r 


COR 


7!4 


saint  Janvier).  Saint  Aciscle  et  sa  sœur  Vic- 
toire furent  aussi  martyrisés  sous  le  môme 
prince,  à  Cordoue.  Leur  culte  y  devint  très- 
célèbre,  et  une  église  ainsi  qu'un  moiiaslèro 
furent  bAtis  sous  le  nom  de  saint  Aciscle. 
Sous  Abdérame  II ,  qui  commen^-a  h  régner 
en  821  ,  les  chrétiens  soull'rirent  une  assez 
vive  persécution  de  la  part  des  Aral)es.  Ces 
derniers  laissaient  dans  leurs  Etats  une  cer- 
taine liberté  aux  chrétiens  ,  liberté  qui  au- 
rait dû  leur  sudire  si  une  restriction  n'y  eût 
été  apportée.  Les  Arabos  permettaient  que  les 
chrétiens  pratiquassent  leur  religion;  mais 
ils  ne  voulaient  pas  qu'ils  admissent  des  gens 
de  leur  naiion.  Ils  s'opposaient  au  prosély- 
tisme. Plusieurs  personnes  furent  martyri- 
sées pour  cette  cause  ;  mais  il  y  en  eut  un 
graîicl  nombre  qu'on  ht  mourir,  parce  qu'ils 
viin-ent  d'eux-mêmes  et  sans  y  être  le  moins 
du  monde  poussés,  se  présenter  aux  magis- 
trats en  insultant  le  culte  des  vainqueurs. 
On  désapprouva  généralement  leur  conduite, 
et  elle  devait  l'être.  Le  concile  de  Cordoue, 
qui  s'assembla  sur  les  instances  d'Abdérame 
lui-même,  qui  désirait  mettre  un  terme  à  cette 
ardeur  qu'avaient  les  chrétiens  pour  le  mar- 
tyre ,  et  les  engager  à  rester  paisibles  dans 
leur  croyance  ,  blâma  ceux  qui  à  l'avenir 
iraient  ainsi  se  présenter  d'eux-mêmes.  Ce- 
pendant il  le  fit  d'une  manière  ambiguë  ,  ne 
voulant  pas  avoir  l'air  de  condamner  ceux 
qui  ayant  déjà  fait  cela  étaient  regardés 
comme  martyrs.  Voy.  Musulmans  {Perséc, 
des).  A  cet  article,  on  verra  en  détail  l'his- 
toire des  saints  qui  souffrirent  pour  leur  foi 
à  Courdoue.  Ce  fut  un  prêtre  de  cette  ville  , 
martyr  lui-même  ,  saint  Euloge  ,  qui  écrivit 
l'histoire  de  ceux  qui  moururent  dans  cette 
persécution. 

CORDULE  (  sainte  ) ,  souffrit  le  martyre  à 
Cologne.  Elle  était  une  des  compagnes  de 
sainte  Ursule.  Cette  sainte  ,  effrayée  par  les 
supplices  et  la  mort  des  autres,  s'alla  cacher; 
mais  s'en  étant  repentie  le  lendemain  ,  elle 
se  tit  connaître ,  et  reçut  la  dernière  de  tou- 
tes la  couronne  du  martyre.  L'Eglise  célèbre 
sa  mémoire  le  22  octobre. 

CORÈBE  (saint),  martyr,  était  préfet  à 
Messine.  Ayant  été  converti  par  saint  Eleu- 
Ihère ,  il  périt  par  le  glaive.  L'Eglise  fait  sa 
mémoire  le  18  avril. 

CORINÏHE,  Corinthus ,  primitivement 
Ephyre,  Kordos  des  Turcs,  ville  de  la  Gi  èce, 
dans  la  Morée  (Péloponèse),  sur  l'isthme  de 
Corinthe  ,  dans  la  province  actuelle  d'Argo- 
lide.  Anciennement  l'une  des  plus  impor- 
tantes cités  de  la  Grèce,  elle  était  le  rendez- 
vous  des  sciences  ,  des  arts,  des  lettres  ,  et 
l'un  des  berceaux  de  la  civilisation.  Il  est 
juste  dédire  que  la  dissolution,  que  la  cor- 
ruption des  mœurs  y  étaient  au  comble. 

Saint  Paul  y  porta  de  bonne  heure  la  pa- 
role évangélique.  Il  y  vint  en  53  avec  Silas, 
et  y  fut  l'objet  de  la  haine  acharnée  des 
Juifs,  qui  le  traînèrent  devant  le  proconsul 
Gallion;mais  celui-ci  leur  ayant  répondu  qu'il 
n'avait  point  à  se  mêler  de  leur  religion  ,  ni 
de  leur  doctrine  qu'ils  prétendaient  attaquées 
par  saint  Paul ,  ils  furent  obligés  de  rendre 
DicTionN.  DES  Persécutions.  I. 


le  saint  h  la  liberté.  Mais  devant  le  tribunal 
même  du  proconsul,  ils  battirent  Sosthène, 
chef  de  la  synagogue,  parce  qu'il  avait  em- 
brassé le  christianisme. 

Sous  l'empereur  Dèce,  la  ville  do  Corintho 
fut  honorée  du  martyre  dos  saints  Codrat , 
Cyprien,  Denys  ,  Crescent ,  Anect  et  Paul  , 
condamnés  par  un  juge  qualilié  |)résident  par 
le  Martyrologe  romain,  et  nommé  Jason. 

CORNAY,  missionnaire  en  Cochinchine  , 
se  disposait  à  regagner  la  France  où  sa  santé 
détruite  le  força  t  de  se  rendre,  quand  il  fut 
saisi  le  20  juin  1837,  et  mis  h  mort  le  20  sep- 
tembre. La  sentence  portait  qu'il  serait  coupé 
par  morceaux,  mais  on  ne  l'exécuta  pas  dans 
toute  sa  sévérité.  Arrivé  au  lieu  du  su[iplice, 
on  lui  ouvrit  la  cage  qui  le  renfermait,  on  le 
débarrassa  de  ses  chaînes ,  et  on  le  fit  age- 
nouiller sur  un  vieux  tapis  d'autel  :  on  lui 
trancha  d'abord  la  tête,  puis  les  membres, 
après  quoi  son  corps  fut  coupé  en  quatre 
morceaux. 

CORNEILLE  (saint),  martyr,  l'un  des  qua- 
rante-huit glorieux  soldats  de  Jésus-Christ 
qui  donnèrent  leur  vie  pour  la  foi,  dans  la 
ville  de  Lyon,  en  l'année  177,  sous  le  règne 
de  l'empereur  Antonin  Marc-Aurèle.  Saint 
Corneille  fut  du  nombre  des  martyrs  qui 
n'eurent  pas  la  force  de  supporter  jusqu'au 
bout  la  violence  des  tourments  que  les  per- 
sécuteurs leur  faisaient  souffrir.  11  mourut 
en  prison.  L'Eglise  honore  sa  mémoire,  avec 
celle  de  tous  ses  compagnons  de  gloire  ,  le 
2  juin. 

CORNEILLE  (saint),  pape  et  martyr,  mou- 
rut victime  de  la  persécution  de  Gallus.  11 
était  monté  sur  le  trône  pontifical  seize  mois 
après  la  mort  de  saint  Fabien,  arrivée  le 
20  janvier  250.  La  violence  de  la  persécution 
n'avait  pas  permis  qu'on  pourvût  à  la  va- 
cance du  siège  de  saint  Pierre.  Dèce ,  ce 
persécuteur  acharné  des  chrétiens,  disait 
qu'il  aimait  mieux  voir  un  compétiteur  à 
1  empire  se  lever  contre  lui,  que  de  voir  nom- 
mer un  évoque  à  Rome.  Ce  fut  duiant  que 
ce  prince  était  occupé  à  réprimer  la  révolte 
de  Julius  Valens,  ou  à  s'opposer  aux  invasions 
des  Goths  qui  venaient  de  battre  son  fils  aîné 
et  de  ravager  la  Thrace  ,  qu'on  nomma  un 
successeur  à  saint  Fabien.  Le  choix  du  peu- 
ple et  du  clergé  tomba  sur  saii.t  Corneille , 
prêtre  de  l'Eglise  de  Rome.  C'était,  dit  saint 
Cyprien,  un  homme  d'une  conduite  irrépro- 
chable, et  doué  de  toutes  les  vertus  qui  font 
aimer  l'homme  et  vénérer  le  minisire  de  Jé- 
sus-Christ ;  il  avait  franchi  peu  à  peu  tous 
les  degrés  de  la  hiérarchie  cléricale ,  faisant 
dans  les  fonctions  moins  élevées  l'apprentis 
sage  des  vertus  et  des  devoirs  qu'exigeaient 
les  fonctions  supérieures.  A  la  mort  de  saint 
Fabien ,  il  avait  été  chargé  de  l'administra- 
tion provisoire  des  affaires.  Il  n'ambition- 
nait pas  le  suprême  pontificat  ;  on  fut  même 
obligé  d'employerune  sorte  de  violence  pour 
le  contraindre  à  en  accepter  la  responsabi 
lité.  L'ambition  court  après  les  honneurs  ei 
les  places  ;  le  vrai  mérite  les  redoute  et  le? 
refuse.  La  modestie  est  la  pierre  de  louche 
du  génie,  du  mérite  et  de  la  vertu. 

23 


715 


COR 


COR 


lis 


Dès  que  sa  promotion  fut  connue,  les  évo- 
ques des  auti-es  Eglises  lui  écrivirent  pour 
le  féliciter  et  entrer  en  communion  aveclui. 
L'Eglise  jouissait  d'un  peu  de  paix  sous  la 
houlette  du  nouveau  pasteur,  quand  l'héré- 
tique Novatien  vint  la  contrister  par  sa  ré- 
volteetparsesdésorJres.  Célèbre  p.irson  élo- 
quence ,  Novatien  était  attaclié  h  la  pliiloso- 
phie  stoïcienne;  instruit  des  vérités  chré- 
tiennes, il  resta  caté.:humène  jusqu'à  une 
;ualadie  qui  mit  ses  jours  en  danger.  Ce  fut 
alors  qu'il  reçut  le  baptême.  Plus  tard  on  l'a- 
vait ordonné  !)rêtre.  Durant  la  persécution 
de  Déce,  il  s'était  tenu  caché  d  uis  sa  mai- 
son, f't  comme  on  l'invitait  h  aller  au  secours 
des  frères,  il  (h^venait  firieux  et  disait  qu'il 
ne  servirait  plus  l'Eglise,  mais  s'adonnerait 
à  une  au're  doctri  ie.  Quand  la  paix  eut  été 
rendue  à  l'Eglise  ,  il  se  montra  aussi  rigo- 
riste qu'il  avait  été  lâche  :  il  prélendit  que 
les  évoques  recevaient  trop  facilement  ceux 
qui  étaient  tombés  durai. t  la  persécution. 
Un  prêlre  indigne  de  son  sacerdoce,  nommé 
Noval,  vint  laider  à  grossir  son  parti.  A 
Carthage,  il  s'était  attaché  à  l'erreur  de  Féli- 
cîssime,  qui  trouvait  saintCyprientroi)  rigou- 
reux pour  les  tombés  ;  à  Home  ,  il  s'attacha 
à  Novatien  qui  prétendait  qu'on  ne  pouvait 
jamais  l'être  assez  ,  car  il  en  vint  à  prêcher 
que  les  tombés  ne  devaient  jamais  être  récon- 
ciliés, même  à  l'article  de  la  mort.  Bientôt  il 
pi  étendit  que  l'Eglise  n'avait  pas  le  pouvfur 
d'absoudre  du  crime  d'apostasie.  Bientôt  ses 
sectateurs  mirent  le  meurtre  et  laf  irnication 
au  même  rang  que  l'apostasie.  Novatien  s'é- 
tant  attiré  un  certain  nombre  di3  partisans,  en- 
gagea quatre  évêques  d'Italie  à  ven  r  h  Home, 
où  ils  le  sacrèrent  évoque  de  cette  ville. 
Saint  Corneille  assembla  un  concile  où  se 
trouvèrent  soixante  évêques.  L  'S  anciens  ca- 
nons qui  ordcmnaient  d'admettre  les  tombés 
à'  la  pénitence  publique  furent  conlirmés. 
Novatien  fut  excouifimnié.  Les  confesseurs 
Maximin,  Url)ain,  Sidoine,  Célérin  et  Moïse, 
un  instant  séduits,  renoncèrent  h  l'erreur. 
Saint  Corneille  les  reçut  à  la  communion  , 
ce  dont  le  peuple  fut  très-joyeux. 

Saint  Cyprien,  parlant  de  saint  Corneille  , 
s'exprime  en  ces  termes  :  «  Ne  doit-on  pas 
compter  parmi  les  confesseurs  et  les  martyrs 
les  plus  illustres,  celui  qui  se  vit  exposé  si 
longtemps  à  la  fureurdes  ministres  d'un  tyran 
barbare,  qui  courait  continuellement  les  ris- 
ques de  penirela  tête,  d'être  brûlé,  d'être  cru- 
cifié, d'être  mis  en  pièees  par  des  tortures  éga- 
lem'  nt  cru' lies  et  inouïes  ;  qui  s'opposait  h 
des  édils  redoutables,  et  'jui,  par  le  pouvoir 
puis'^anl  de  la  foi ,  méprisait  les  supplices 
dont  on  !e  menaçait 'MJuoiquci  la  bonté  do 
Dieu  l'eût  sauvé  jusquolà  ,  il  d(jnna  cepen- 
dant des  preuv(!S  suilisantes  de  son  amour 
et  de  sa  lidélilé,  étant  dans  la  disposition  do 
soulfrir  tous  les  tourments  imaginables,  et 
de  Irion.'jther  du  tyran  par  son  zèle.  » 

Bienlùl  saint  Corn  -ille  reçnt  la  glorieuse 
couronne  du  mai'tyre  (Jont  il  s'était  rendu  si 
di^ne.  (jallus  ayant  succ-'-d'')  .^i  Uèco  ,  (ju'il 
avait  pour  ain^i  dire  assassiné,  se  inoiUra  , 
dans  Itis  prumieis  louips  du  sou  rè^ue,  iiiul- 


tentif  aux  affaires  religieuses  ;  ràaîs  plus  tard, 
juge  in^  que  la  peste  dont  son  empire  était 
désolé  provenait  de  la  colère  qu'avaient  ses 
dieux  contre  les  chrétiens,  il  ht  exécuter  ri- 
goureusement les  édits  portés  par  son  pré- 
décesseur contre  les  chrétiens.  Saint  Cor- 
neille fut  le  premier  qu'on  arrêta  dans  la  ville 
de  Rome.  Une  foule  considérable  de  chrétiens 
se  porta  au  tribunal  où  il  comparut  pour  y 
confesser  la  foi  avec  lui.  Ce  fut  peut-être  à 
cause  de  cette  démonstration  imposante 
qu'on  se  contenta  d'aburd  de  le  bannir  à  Ci- 
vita-Vecchia.  Saint  Cyprien,  ayant  appris  sa 
glorieuse  confession ,  lui  écrivit  une  lettre 
pour  le  féliciter  (la  57'  dans  ses  Œuvres).  Il 
y  prédit  clairement  les  combats  que  tous 
deux  devaient  avoir  à  soutenir,  disant  que 
Dieu  les  lui  a  annoncés  par  une  révélation 
S[>é(:iale. 

La  mort  de  saint  Corneille  eut  lieu  le 
li  septemb  e  252.  Six  ans  après,  jour  pour 
jour,  saint  Cypr  en  fut  décaiité.  Tous  (U'ux 
sont  nomm'S  le  même  jour,  le  16  septembre, 
au  Martyrologe  romain.  S'il  faut  en  croire  le 
calendrier  de  Libère,  le  saint  pape,  ayant  été 
banni  à  CentumccUœ ,  s'endormit  le  li  sep- 
tembre. Saint  Jérôm  • ,  dans  sa  Vie  de  saint 
Cyprien,  dit  t^ue  ramené  à  Rome  il  y  souf- 
frit la  mort.  So.n  corps  fut  dabord  déposé 
dans  le  cimetière  de  Callixte  ;  Adrieii  I"  le 
fit  placer  dans  une  église  bAtie  sous  son  in- 
vocation. Transportées  à  Corapiègne,  par 
Charles,  fils  de  Louis  le  Débonnaire  ,  ses  re- 
liques étaient  en  grande  vénération  à  l'é- 
poque oij  les  révolutionna'res  les  dispersè- 
rent après  avoir  envahi  l'abbaye  des  Béné- 
dictins. Une  partie  est  actuellement  à  Reims» 
l'auti' ■  à  la  collégiale  de  Rosuay  en  Flandre. 

CORNRILLE  (-aint),  martyr,  est  inscrit  au 
Martyrologe  romain  le  31  décembre  et  ho- 
noré comme  martyr  par  l'Eglise,  avec  les 
saints  Etienne  Pontien  ,  Atlale ,  Fabien  , 
Sexte,  Flori.s,  Quin'ien,  Minervien  et  Sim- 
plicion,  qui  furent  les  compagnons  de  son 
triomphe.  Les  circonstances,  le  lieu  et  la 
date  de  leur  martyre  sont  complètement 
inconnus.  Le  Martyrologe  romain  n'en  dit 
rien. 

CORNÉLIE  (sainte),  martvre,  versa  son 
sang  pour  la  défense  de  la  r(;Iigion,  en  Afri- 
que, avec  les  saints  Théodule,  Anèse,  Félix, 
et  leurs  compagnons  qui  sont  inconnus.  Le 
Martyrologe  romain  ne  précise  pas  l'épo- 
que où  eut  lieu  leur  martyre.  L'Eglise  les 
honore  au  .'M  mars. 

CORNfiLIli  (sainte),  eut  le  bonheur  do 
coni'esser  le  nom  de  Jésus-Clu-i.st  sous  l'em- 
pire d(!  Dèce  en  l'an  250,  avec  Einérite,  sa 
sœur,  et  Macaire,  son  frère.  Pendant  dix- 
huit  mois  de  prison,  elhï  soutl'rit  conrai^cu- 
sement  [)Our  la  foi.  Il  est  fait  ment;on  d  ello 
dans  la  lettre  (pie  Lucien  écrivit  aux  con- 
fesseurs 

C0RU^:A  (le  bienheiireu\  Pi kuuk)  ,  do  la 
compagnie  de  Jésns,  reçut  la  palme  (lu  mar- 
tyie  av(;c  Jean  Soiiza,  du  même  ordre?,  chez 
lès  Carijos.  Noire  s.iint  avait  apjiris  ^  con- 
nailri;  1(îs  bonies  (pialiles  de  ce  peuple  dans 
uno  mission  ipii  lui  avaii  ét('  orécédcmuient 


1\1 


eôs 


rot 


i\{} 


Citnfii^c,  cl  qui  consistait  ^  liror  do  IcMirs 
mains  clf.s  |)rison'iicrs  (|ii'ils  dcv.iic^nt  innii- 
g'  r  cl  doux  Ks|)ag'i()is  dcstiiK's  au  riK^no 
sort.  Dans  la  sccondi'  excuision  qu'il  faisait 
choz  CCS  pou|)los,  il  ne  devait  rcslor  avec 
sou  compagnon  (lue  jusqu'aux  l'ùtos  de  PA- 
ques  155'i-.  L'tVoque  (ixéo  j)onr  leur  retour 
par  leurs  supérieurs  étant  arrivée,  ils  quit- 
tèrent le  pa.vs,  guidés  p<u-  un  des  Espagnols 
que  notre  bienheureux  avait  délivrés  de  la 
mon.  Ceniallicureux,  oubliant  la  reconnais- 
sance uu'il  devait  à  son  saint  bienfaiteur, 
peisnada  aux  Carijos  que  nos  deux  saints 
s'entendaient  avec  une  tribu  voisine  pour 
les  égorger.  Ce  [)euple  crédule,  irrité  do 
cette  trahison  pré  enduo,  se  mil  en  embus- 
cade sur  le  cnemin  que  devaient  suivre 
nos  missionnaires  et  les  tua  à  coups 
de  flèches.  (Tanner,  Societas  Jesu  usqtic 
ad  sanguinis  et  vitœ  pi'ofusionem  militans , 
}).  W8.) 

COURE  A  (le  bienheureux  Louis),  Portu- 
gais, de  la  compagnie  de  Jésus,  faisait  par- 
tie des  saints  missionnaires  recrutés  à  Rome 
pour  le  Brésil  par  le  P.  Azev(;do.  (  Voij. 
s<  n  titre.)  Leur  navire  fut  pris  le  15  juill  t 
1571  p;!r  des  corsaires  calvinistes  qui  les 
massacrèrent  ou  les  jetèrent  dans  les  flots. 
(Du  Jarric,  Histoire  des  choses  plus  mémo- 
rables, etc.,  t.  11,  p.  278;  Tonner,  Societas 
Jesu  usquc  ad  sanyuinis  et  vitœ  profusionem 
milltaiis,  p.  1G6  et  170.) 

CORREA  (le  bienheureux  Antoine),  Por- 
tugais de  Porto,  de  la  compagnie  de  Jésus, 
faisait  partie  des  soixante-neuf  missionnai- 
res que  le  P.  Azevedo  était  allé  recruter 
à  Rome  pour  leBiésil.  iVot/.  l'art.  Azevedo.) 
Leur  navire  fut  pris  le  15  juillet  1571  f  ar  des 
corsaires  calvin  stcs  qui  les  massacrèrent  ou 
ics  jetèrent  dans  les  flots.  (Du  Jarric,  His- 
toire des  choses  plus  mémorables,  etc.,  t.  II, 
p.  '118;  Tanner,  Societas  Jesu  iisque  ad  san- 
guinis  et  vitœ  profusionem  militans,  p.  1G6 
et  170.) 

CORTIL  (le  bienheureux),  missionnaire 
de  la  compagnie  de  Jésus,  partit  le  14  no- 
vembre 1710,  de  l'archijjel  des  Philippines, 
accompagné  du  Père  Duberron  et  du  frère 
Jitienne  Bauuin,  atin  d'aller  prêcher  l'évan- 
gile dans  les  Carolines  occidentales.  Api  es 
quinze  jours  de  navigation,  le  30  novembre 
1710,  on  aperçut  la  terre.  Des  indigènes 
étant  venus  à  bord,  dirent  que  ces  îles  s'ap- 
pelaient Sonsorol  ou  Sorol,  et  qu'elles  fai- 
saient partie  des  îles  Palaos.  Malgré  les  re- 
présentations des  officiers  du  navire,  les 
deux  Pères  voulurent  descendre  à  terre  et 
y  planter  une  croix  pendant  que  le  vaisseau 
continuerait  sa  marche  pour  découvrir  l'île 
f  an4og,  éloignée  d'environ  50  lieues  de  celle 
où  les  missionnaires  allaient  descendre. 
Quelque  temps  après  le  vaisseau  étant  re- 
venu aux  îles  Sonsorol  pour  avoir  des  nou- 
velles des  deux  Pères,  un  vent  violent  le 
força  de  prendre  le  large,  et  ce  ne  fut  qu'un 
an  après  que  l'on  apprit  le  sort  des  Pères 
Duberron  et  Cortil  :  ils  avaient  été  tués  et 
mangés. 

ÇOSAQUI  (saint  Pierre),  martyr,  était  un 


Japonais,  qui  en  1507  suivait,  avec  Franrois 
Danto  ,  le^  saints  martyrs  de  Nangazaqui, 
pour  leur  douiuîr  des  ralVaîchissemeiUs. 
Les  gardes  le  prirent  et  le  mirent  avec  eux. 
Il  eut  la  gloire  et  le  bonheur  de  partager 
leurs  soulfrancMjs  et  hiur  mat  tyi-e.  [Vorj.  Ja- 
pon.) L'Kglist!  f  lit  sa  fêle  h;  5  février. 

COSME  (saint),  martyr,  frère  de  saint  Da- 
mien,  fut  martyrisé  avec  lui  en  30.'{,  h  Kges 
en  Cilicie,  durant  la  persécution  de  pioclé- 
tien.  Tous  deux  étaient  médecins,  et  foi-l  ha- 
biles. Ils  étaient  Arab(3S  do  naissance.  I.y- 
sias,  gouverneur  de  Cilicie,  les  ayant  fiit 
arrêter,  leur  lit  soulTrir  divers  tourments, 
sans  pouvoir  les  contraindre  à  abjurer  leur 
foi.  Enfin  il  les  fit  décapiter  tous  les  deux. 
Leurs  corps  furent  transportés  en  Syrie,  et 
inhumés  à  Cyr.  Une  partie  de  leurs  leiiriues 
a  été  transportée  ji  Rome  Jans  l'église  qui 
porte  leurs  noms.  L'Eglise  fiiit  leur  fête  lo 
27  septembre. 

COSME  (le  bienheureux),  naquit  à  Malaga 
en  Espagne.  Ayant  pri's  l'habit  ce  saint 
François,  il  se  livra  aux  [)lus  grandes  maco- 
ralons.  Il  partit  prêcher  la  foi  à  Jérusalem, 
et  y  séjourna  quelque  temps  sans  avor  rien 
souffert  pour  Jésus-Christ.  Il  revint  en  Es- 
pagne, mais  en  repartit  quatre  mois  a  près  pour 
retourner  en  Orient,  sur  une  révélation  qu'il 
eut  de  son  prochain  martyre.  Un  jour,  ù 
l'heure  de  la  prière,  il  entra  dans  une  mos- 
quée et  s'écria  que  Mahomet  était  un  ^l 
im()OSleur.  On  s'empara  de  lui  et  il  eut  à 
endurer  mille  outrages.  Après  avoir  été 
cruellement  fouetté,  on  lui  trancha  la  tête  le 
15  août  1597.  Son  corps  fut  traîné  par  la 
ville  à  la  qu.  ue  d'un  cheval  et  fixé  ensuite 
à  un  poteau  en  face  du  Saint-Sépulcre.  (Fé- 
rot,  Abrégé  historique  de  la  Vie  des  saints 
des  trois  ordres  de  Saint -François,  t.  111, 
p.  318. 

COT  (saint),  Cottus,  fîit  martyrisé  à  Toussi- 
sur-Yonne  dans  l'Auxerrois,  sous  l'empire 
et  durant  la  persécution  d'Aurélien.  II  as- 
sistait au  supplice  de  saint  Prisque,  <  t  par- 
vint à  s'emj)arer  de  sa  tête  aussitôt  après 
qu'il  eut  été  décapité.  Il  s'eiifuit  dans  les 
bois  avec  cette  .'•a  nie  relique  ;  mais  les 
païens,  qui  ne  voulaient  pas  souffrir  que 
les  chrétiens  conservassent  le»  rest-  s  ues 
martyrs,  coururent  après  lui,  et,  étant  par- 
venus à  Tatteindro,  lui  donnèrent  aussi  à 
lui  la  glorieuse  couronne  du  martyre.  Son 
corps  était  conservé  dans  l'église  de  Saint- 
Prisque.  J'vm  Baillet,  évêque  d'Auxerre, 
en  1480,  i'ùta  du  tombeau  de  gianit  où  on 
l'avait  déjiosé,  et  L  fil  mettre  dans  une 
châsse.  Le  couvent  de  Picpus,  à  Paris,  a 
possédé  longtemps  des  reliques  du  saint. 
L'Eglise  romaine  fait  sa  fête  le  26  mai. 

COTTIDE  (saint),  martyr,  eut  l'honneur 
de  mou  ir  poui' Jésus-Christ,  en  Capjiadoce, 
avec  saint  Eugène  et  leurs  lompagnous.  dont 
les  noms  sont  inconnus.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  G  septembre. 

COTYÉE,  ville  de  Phrvgie,  oij  saint  Menne 
était  en  g.unison  en  304,  sous  le  règne  et 
durant  l'horrible  persécution  de  Dioclétiem, 


m 


CRA 


CRE 


720 


quand  il  fut  mis  h  mort  pour  la  foi  chré- 
tienne. 

COURONNE  (sainte),  fut  martyrisée  à  Da- 
mas de  Syrie,  avec  saint  Victor,  soldat  sous  le 
règne  dcrempereurMarc-AurôIe.  Leurs  Ac- 
tes, dont  Bède  donne  un  abrégé  dans  son 
Martyrologe,  sont  loin  de  présenter  les 
caractères  d'autiienticité  désirables.  Les 
Latins  font  la  fête  de  sainte  Couronne  le  li 
mai.  Les  Grecs  l'honorent  sous  le  nom  de 
sainte  Stéphanie. 

COURROIES  {lora)  ou  fouets  de  cuir.  C'é- 
taient deux  lanières  attachées  à  un  manche 
qu'on  tenait  à  la  main,  et  chacune  terminée 
par  une  balle  en  plomb.  Le  manche  de  cet 
instrument  était  court.  11  ne  faut  pas  con- 
fondre ces  courroies  avec  les  fouets  garnis 
de  plomb  ou  plumbatœ,  qui  avaient  non  pas 
une  seule  balle,  mais  musieurs.  Les  mar- 
tyrs étaient  très-souvent  condamnés  à  rece- 
voir un  certain  nombre  de  coups  de  ces  la- 
nières comme  moyen  de  préluder  au  sup- 
plice; car  généralement  les  persécuteurs 
regardaient  ces  fustigations  comme  de  sim- 
ples questions  qu'ils  faisaient  subir  pour 
éprouver  la  constance  de  leurs  victimes. 

COVILLO  (le  bienheureux  François-Al- 
VARo),  Portugais,  de  la  compagnie  de  Jésus, 
faisait  partie  des  missionnaires  que  le  P. 
Azevedo  était  venu  recruter  à  Rome  pour  le 
Brésil.  [Voy.  Azevedo.)  Leur  navire  lut  pris 
le  15  juillet  1571,  par  des  corsaires  calvi- 
nistes, qui  les  massacrèrent  ou  les  jetèrent 
au  milieu  des  flots.  Notre  bienheureux  subit 
le  même  sort.  (Du  Jarric  ,  Histoire  des  cho- 
ses plus  mémorables  ,  etc. ,  t.  II ,  p.  278  ; 
Tanner,  Societas  Jesu  usque  ad  sangiiinis  et 
vitœ  profusionem  militans,  p.  166  et  170.) 

CRATON  (saint),  martyr,  s'étant  fait  bap- 
tiser par  le  bienheureux  évêque  saint  Va- 
lentin,  avec  sa  femme  et  toute  si  famille,  fut 
bientôt  après  martyrisé  avec  eux.  L'Eglise 
célèbre  leur  mémoire  collectivement  le  15 
février. 

CRATZ  (Jean-Gaspard)  ,  naquit  au  sein 
d'une  famille  catholique  dans  la  ville  do 
Duren  duché  de  Juliers,  à  distance  é,j,ale  de 
Cologne  et  d'Aix-la-Chapelle.  Sorti  des  uni- 
versités, il  parcourut  dillérents  Etals  d'Lu- 
rojje,  finit  p.ir  entrer  au  service  de  la  Hol- 
lanile,  qui  l'employa  à  Batavia.  Le  séjour 
qu'il  fit,  dans  un  pays  hérétique,  n'attaqua 
en  rien  les  sentiments  qu'il  avait  pour  sa 
sainte  mère  l'Eglisecatholique.  Au  bout  d'un 
certain  temps,  quittant  le  service  des  Hollan- 
dais, il  se  retira  à  Macao,  et,  après  de  lon- 
gues instances,  fut  admis.  Agé  de  lil  ans,  air 
noviciat  des  Jésuites  le  27  (u.tobre  1730.  il 
témoigna  le.  plus  grand  désir  d'élie  envoyé 
dans  le  'i'onquin;  sus  sui)éii(;urs  lui  accor- 
dèrent la  f;iv(;ur  qu'il  réclamait.  Il  i)artil  di; 
Macao  h;  10  mars  17;J6,  pour-  alh'r-  cvangt  li- 
Si(;r-  le  'l'onquin,  avec  les  PP.  Jean-(îaspar'd 
Ciatz,  Allerirand;  Hartliiîlcrny  Alvarez,  Vin- 
cent da  Curilia,  (Christophe  de  S.unpayo  (;t 
Lriimanucl  (Carvalho,  P  rlugais.  Le  12  avril 
17.'{(>,  (plaire  d'enlr-e  eux  furirrl  pris,  à  Halxa, 
flvcjc  les  catéchistes  'l'o-Kpiinois  Marc  et 
Vincent  :  c'éluieul  les  PP.  Cratz,  Barthélémy 


Alvarez,  Emmanuel  d'Abreu  et  Vincent  da 
Cunha.  Le  P.  Sam[)ayo  avait  été  arrêté  par  a 
maladie  àLo-feou,  elle  P.  Carviilho  était  resté 
pour  l'y  soigner  ;  de  sorte  aue  ces  deux  Pè- 
res ne  pénétrèrent  que  jiius  tard  dans  le 
royaume.  Ou  peut  voir  h  l'aiticle  Alvarez 
le  détail  des  soullVances  et  du  martyre  de  nos 
quatre  saints  missionnaires.  Us  furent  déca- 
pité>  le  12  juin  1737.  Le  P.  Cratz  eut  la  tête 
abattue  d'un  seul  coup.  Le  catéchiste  Vin- 
cent, qui  avait  été  pris  avec  eux,  était  mort 
en  prison  le 30  juin  1736;  l'autre  catéchiste, 
nommé  Mai^c,  fut  exilé. 

CRÉDULE  (sainte),  martyre  à  Carthage  en 
l'année  de  Jésus-Christ  250,  durant  la  terri- 
ble persécution  que  l'empereur  Dèce  alluma 
contre  l'Eglise.  Elle  fut,  avec  d'autres  cliré- 
tiens,  placée  dans  un  cachot  étroit  et  infect, 
où,  par  l'or'dre  de  l'empereur,  on  les  laissa 
mourir  de  faim  et  de  soif.  La  puanteur  et  la 
chaleur  de  ce  cachot  furent  un  supplice  af- 
freux ajouté  à  celui  que  la  privation  d'ali- 
ments til  souffrir  aux  saints  martyrs.  {Voy. 
saint  VicTORiN.)  L'Eglise  fait  la  fête  de  tous 
ces  saints  mart , rs  le  17  avril. 

CREMENCE  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
pour  la  foi  à  Saragosse,  en  l'an  de  Jésus- 
Christ  304,  sous  le  gouverneur  Dacien.  Il 
souffrit,  dans  un  premier  combat,  avec  les 
dix-huit  martyrs  dits  martyrs  de  Saragosse; 
mais  ayant  résisté  aux  tourments,  il  ne 
mourut  que  dans  un  second  combat,  quel- 
que temps  api'ès.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  16 
avr'il,  avec  celle  des  martyrs  que  nous  venons 
d'indiquer.  [Voy.  Pru<lence,  de  Cor.,  hym. 
k,  et  les  articles  Dacien,  Saragosse.) 

CRÉPIN  (saint),  martyr,  était  noble  ro- 
main. Après  de  très-cruels  tourments  endurés 
avec  saint  Crépinien,  autre  noble,  sous  le 
président  Rictiovare,  dur-ant  la  persécution 
de  Dioclétien,  ils  furent  passés  au  fil  de  l'é- 
pée,  et  obtinrent  la  couronne  du  martyre. 
Leurs  corps  furent  ensuite  transportés  de 
Soissons,  oii  ils  avaient  souffert,  à  Rome,  et 
reçurent  une  sépulture  honorable  dans  l'é- 
gl  se  de  Sainl-Lauient  m  Paneperna.  L'E- 
glise fait  leur  fêle  collectivement  le  25  oc- 
tobr-e. 

CRÉPINIEN  (saint)  ,  martyr  ,  versa  son 
sang  pour  la  foi,  à  Soissons,  avec  saint  Cré- 
pin,  comme  lui  noble  romain.  Ils  soutfrirent 
durant  la  persécution  de  Dioclétien,  sous  le 
pr-ésideiit  Rictiovare.  Us  furent  [lassés  au  fil 
de  l'épée.  On  Ir-ansporta  leurs  deux  corps  à 
Rome,  et  ils  furent  ensevelis  dans  l'église 
de  Sainl-Laureiil  m  Paneperna.  L'Eglise  cé- 
lèbre leur  immortelle  et  sainte  mémoire  le 
25  octobre 

CRESCENCE  (saint),  martyr,  reçut  la  cou- 
ronrre  du  martyre  h  Trêves,  dur-airt  la  per-sé- 
culion  de  Dioclétien,  sous  le  présideirt  Ric- 
tiovare. Il  eu:  |)our  compagnons  de  son  mar- 
tyre les  saints  Maxence,  Corrslanee,  Justin  et 
d'airlres  saints  dont  les  noms  sont  inconnus. 
L'Ivglisf  fait  leur  fêle  le  12  décembre. 

CRESilENCE  (saiirli;), martyre,  nourrice  de 
sair-t  Vil  ou  Guy,  l'éleva,  ;\  linsu  de  sori 
j)ere,  Hylas,  dans  les  principes  de  la  foi 
chiéiieniie.  L'éducation  qu'elle  lui  donna  lit 


721 


CRE 


CRE 


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de  lui  un  disciple  de  Ji^sQS-Christ  digne  de 
mourir  pour  la  gloire  de  son  divin  maître. 
La  semence  qu'on  jette  de  bonne  lieure  dans 
rAraodesenlants.yjelle  des  racines  qui,  plus 
tard,  nes'arraclieronl  pas,  et  qui  |)roduiront 
dos  fruits  de  bénédiction  et  de  salut.  Quand 
la  cruauté  de  reni[)ereur  Diodétien,  au  coni- 
niencement  du  i\'  siècle,  alluma  contre  l'E- 
glise une  des  [)lus  violentes  persécutions  qui 
Jaient  éprouvée,  Hylas,  père  de  saint  Vit, 
apprit  par  hasard  que  son  tils,  avec  le  lait  de 
sa  nourrice ,  avait  sucé  les  principes  de  la 
religion  de  Jésus-Christ.  Il  entreprit  aussitôt 
de  renverser  ce  que  cette  éducat  on  reli- 
gieuse avait  fait,  et  de  forcer  son  lils  h  sacri- 
fier aux  idoles.  11  employa,  dans  ce  but,  les 
supplices  et  la  prison,  les  prières  et  les  me- 
naces ;  tout  fut  mutile.  Alors  il  en  vint  à  ce 
point  de  fureur,  qu'il  dénonça  son  tils  h  Va- 
léri(in,  gouverneur  de  Sicile,  province  qu'il 
habitait.  Celui-ci  fit  inutilement  souffrir  au 
jeune  martyr  les  plus  cruelles  tortures.  TdUt 
vint  se  briser  devant  sa  constance.  La  mort 
de  saint  Vit  aurait  probabh'ment  couronné 
son  glorieux  combat;  mais  Crescence,  et  son 
mari  Modeste ,  réussirent  à  l'enlever  des 
mains  des  persécuteurs,  et  se  sauvèrent  avec 
lui  en  Italie.  Ils  espéraient  trouver  sur  cette 
terre  le  re^os  que  leur  patrie  leur  refusait. 
Ils  venaient  chercher  l'hospitalité  dans  l'an- 
tre de  labôteféioce,  près  du  lieu  où  régi  ait 
ce  tyran  qui  dévastait  l'empire  par  ses  édits 
de  sang  et  de  carnage.  En  Lucanie  ils  furont 
arrêtés,  et  près  de  la  rivière  de  Silaro  ils  fu- 
rent mis  à  mort.  D'abord  on  les  plongea 
dans  une  cuve  remplie  de  plomb  en  fusion  ; 
on  les  exposa  aux  bêtes  étendus  sur  le  che- 
valet; et  enfin,  on  termina  leurs  conibats, 
en  leur  donnant  la  mort.  L'Eglise  fait  la  fête 
de  ces  trois  saints  le  15  juin.  [Voy.  le  P.  Pa- 
pebroch,  t.  Il  Junii,  p.  1013.) 

CRESCENT  (saint),  l'un  des  sept  fds  de 
sainie  Symphorose  et  de  saint  Gétule,  mou- 
rut pour  la  foi  sous  l'empire  d'Adrien.  11  eut 
la  gorge  perc-e  d'un  coup  d'épée.  [Voij.  Sym- 
phorose.) L'Eglise  fait  sa  fête  le  17  juilL't. 

CUESCENT  (saint),  fut  martyr. se  en  Gala- 
tie.  11  fut  disciple  de  l'apôtre  sa  ni  Paul.  Ce 
saint  martyr,  en  passant  parles  Gaules,  con- 
vertit un  grand  nombre  de  tidèles  h  la  foi  de 
Jésus-Christ,  par  la  force  de  ses  prédications. 
Etant  lelourné  ensuite  vers  le  peuple  auquel 
il  avait  été  donné  spécialement  pour  évoque, 
il  ailermit  les  (ialates  dans  l'œuvre  du  Sei- 
gneur, jusqu'à  la  (in  de  sa  vie,  qu'il  termina 
par  le  martyre  sous  ïiajan.  L'Eglise  honore 
et  vénère  sa  sainie  mémoire  le  27  juin. 

CRESCENT  (saint),  fut  martyrisé  à  Corin- 
the,  duj-ant  la  persécution  de  Dèce,  sous  le 
président  Jason,  avec  les  saints  Codrat,  De- 
nys,  Cyprien,  Anect  et  Paul.  L'Eglise  fait 
leur  fête  le  10  mars. 

CRESCENT  (saint),  martyr,  mourut  en 
Afrique  pour  la  foi  de  Jésus-Christ  avec  les 
saints  Dominique,  Victor,  Primien,  Lybose, 
Second  et  Honorât.  On  ignor  la  date  et  les 
circonstances  de  leur  martyre.  L'Eglise  fait 
leur  mémoire  le  29  décembre. 

CRESCENT  (saint),  martyr ,  mourut  par 


amour  pour  sa  foi,  avec  les  saints  Diosco- 
ride,  Paul  et  Hellade.  On  ignore  les  circons- 
tances de  leur  courageux  martyre.  Le  Marty- 
rologe romain  n'en  dit  rien.  L'Eglise  fait 
leur  fête  le  28  mai 

CRESCENT  (saint),  martyr,  accomplit  son 
martyre  par  le  feu  h  Myre,  en  Lycie.  Le  Mar- 
tyrologe romain  n'en  "dit  pas  davantage  sur 
lui.  L'Eglise  l'honore  le  15  avril. 

CRESCENT  (saint),  confesseur,  était  disci- 
ple de  saint  Zénobe,  évoque.  11  souffrit  la 
mort  pour  Jésus-Christ  à  Florence.  Le  Mar- 
tyrologe romain  n'en  dit  pas  davantage  sur 
eux.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  19  avril. 

CRESCENT  (saint),  martyr.  Voy.,  pour  plus 
de  détails,  saint  Valéuien. 

CRESCENT  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  à  Tomes,  dans  la  province  du  Pont.  Il  eut 
pour  compagnons  de  son  martyre  les  saints 
Prisque  et  Evagre.  L'Eglise  fait  leur  sainte 
fête  le  1"  octobre. 

CRESCENT,  philosophe  cynique,  vivait  du 
temps  d'Anlonin  et  de  Marc-Aurèle.  Ce  fut 
lui  qui  excita  ce  dernier  empereur  à  persé- 
cuter les  chrétiens.  11  se  rendit  fameux  par 
ses  débauches  et  par  sa  haine  calomniatrice 
contre  les  disciples  du  vrai  Dieu.  Saint  Jus- 
tin ayant  élevé  une  chaire  publique  de  chris- 
tianisme dans  Rome,  battit  complètement  ce 
philosophe  dans  la  discussion.  Ce  fut  contre 
Crescent  que  saint  Justin  écrivit  sa  dernière 
apologie.  Crescent  pour  s'en  venger,  et  inca- 
pab  e  de  répondre,  dénonça  le  saint  et  fut 
cause  de  sa  mort.  {Voy.  Justin.) 

CRESCENTIEN  (saint),  l'un  des  compa- 
gnons du  saint  martyr  Cyriaque,  diacie  de 
l'Eglise  romaine,  mourut  en  303,  à  Rome, 
sur  la  voie  Salaria,  où  il  fut  enterré.  Ils  fu- 
rent vingt-six  dans  le  même  jour  mis  à 
mort  au  même  endroit.  L'Eglise  célèbre  leur 
fête  collective  le  jour  de  leur  translation,  qui 
eut  lieu  le  8  août.  {Voy.  Cyriaque.  Voy.  aussi 
l'abbé  Grandidier,  Hist.  de  VEglise  de  Stras- 
bourg.) 

CRESCENTIEN  (saint),  martyr,  était  un 
soldat  lomain.  Il  souffrit  le  martyre  à  Citta 
di  Castello,  en  Ombrie,  durant  la  persécu- 
tion de  l'empereur  Dioclétien.  On  manque 
de  détails  sur  les  circonstances  de  son  mar- 
tyre. L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  l'^' juin. 

CRESCENTIEN  (saint),  martyr,  s'était  con- 
verti à  la  foi  chrétienne,  au  même  temps 
que  les  saints  Ariston,  Eustychien,  Urbain, 
Vital  et  Juste.  Ils  y  avaientété  déterminés  par 
saint  Tranquillin,  leur  ami  commun.  Ce  fut 
à  saint  Sébastien  qu'ils  durent  surtout  leur 
conversion,  puisque  ce  saint  officier  du  pa- 
lais de  l'empereur  Dioclétien  fut  l'instru- 
ment principal  de  la  conversion  de  Tran- 
quillin. Ils  furent  baptisés  par  le  prêtre 
saint  Polycarpe.  S'étant  retirés  en  Campanie 
dans  les  terres  de  saint  Chromace,  qui  pour 
s'adonner  à  la  pratique  des  vertus  chrétien- 
nes avait  quitté  sa  charge  de  préfet  de  Rome, 
ils  furent  martyrisés  avec  saint  Félix,  saint 
Félicissime,  sainte  Marcie,  mère  de  ces  deux 
saints  et  sainte  Symphorose.  L'Eglise  fait  la 
fête    de   saint   Crescentien,  avec  celle  dQ 


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tousses  compagnons  le  â  juillet.   [Vorj.  Sié- 

BASTIÉN.) 

CRESCENTIEN  (saintj.  reçut  la  palmp  du 
niartyri^  à  Augsbouri^,  avec  les  saint-  Oui- 
ria([ue,  Lnrgion,  Nin^^e,  Julienne  el  vingt  au- 
tres que  nous  ne  connaissons  |.as.  Le  mCMue 
jour  et  dans  la  même  ville,  sainte  Hilario, 
mère  de  sainte  Afre,  martyre,  qui  veillait  au 
tombeau  de  sa  fille,  fut  pour  la  foi  de  Jésus- 
Christ  brûlée  au  même  lien  par  les  persécu- 
teurs avec  Digne,  Eu  Tépie  et  Eunomie  ses 
servantes.  L'Eglise  honore  collectivement 
leur  sainte  et  immortelle  mémoire  le  12 
août. 

CRESCENTtEN  («aint),  mourut  en  Afrique 
en  l'honneur  de  sa  foi,  et  pour  la  défense  de 
la  religion  chrétienne.  Il  eut  pour  compa- 
gnons de  son  raiart}  i'e  les  saints  \  ictor,  Ro- 
sule  el  Général.  Du  reste,  nous  manquons 
de  détails  sur  l'époque  précise  et  les  ditfé- 
rontes  circonstances  de  leur  martyre.  L'Eglise 
fait  collectivement  leur  fête  le  H  sep- 
tembre. 

CRESCENTIEN  (saint),  reçut  la  couronne 
du  martyre  à  Rome  avec  saint  Narcisse.  On 
ignore  la  date  et  les  circonstances  de  leur 
martyre.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  17  sep- 
tembre. 

CRESCENTIEN  (saint),  martyr,  reçut  la 
couronne  du  martyre  à  Torre  ei  Sardaigne. 
Les  détails  manquent  sur  lui.  On  ignore  la 
date  et  les  circonstances  do  son  martyre. 
L'Eglise  célèbre  son  immortelle  mémoire  le 
31  mai. 

CRESCENTIEN  (saint),  martyr,  cuoillit  la 
couronne  du  martyre  à  Rome.  On  ignore  la 
date  et  les  circonstances  de  son  martyre.  Il 
est  parlé  de  lui  dans  les  Actes  du  marty-re 
du  j>ape  sainlMarcel.  L'Eglise  fait  samé  ..oirc 
le  2-'i-  novembre. 

CRESCENTEN  (saint),-  martyr,  mourut  en 
confessant  sa  foi.  (PoUrplus  de  détails,  Vuy. 
l'article  Valérien.) 

CRKSCENTIENNË  (sainte),  martyre,  rem- 
porta la  couronne  du  m  .rtyre  à  Rome.  La 
date  et  les  circonstances  de  ses  combats  sont 
inconnues.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  5  mai. 

CRESCONE  (saintj,  martyr,  donna  sa  vie 
pour  la  défense  de  la  religion.  (Pour  plus  de 
détails,  Voy    Valérien.) 

CRETEIL,  est  un  [letit  village  situé  dans 
le  dé|)artement  de  la  Seine,  h  11  kilomètres 
de  Paris.  Il  est  célèbre  par  le  martyre  de  saint 
Agoa.d  et  de  saint  Agiiliert,  (jui  ari'i-a  vers 
l'an  /*00  de  J.-C.  Ces  deux  saints,  originai- 
res d(;s  l)ords  du  Rhin,  étaient  venus  prêcher 
dans  les  (ïaules.  Un  joui'  que,  rem;ilis  d'un 
saint  zèle,  ils  renversèrent  un  teiiiph;  d'id<j- 
les,  ils  furtiiil  égorgés  ainsi  qu'une  Irnujxule 
chrétiens  [)ar  les  ordres  d'un  barbare  gouvei- 
neurqui  ét.iil  i)aien.  Leurs  reliques  sont  con- 
servées dans  deux  châsses  pré.:ieuses  placées 
dans  une  église  qui  a  été  bûlie  sur  leur 
toiiiljeau. 

CRIMINAL  (le  bierdieureui  Antoine), 
soudril  U<  juori  pour  son  troupeau  et  mourut 
Ticluijo  de   la  diarilé  chrétienne   en    15V!), 

Rreiijjer  martyr  de  la  compagnie  de  Jé.sus. 
''lif  (le  ijisi,  prèi  l'arwe,  il  fut  reçu  h  Rome 


par  saint  Ignace  au  nombre  de  ses  disciples* 
De  Rome,  il  passa  en  Portugal,  et  de  Ih  aux 
In  les.  Il  y  fut  nommé  par  saint  François 
Xavier  suniTieur  de  la  mission  de  la  Pêche- 
rie, fl  visitait  chaque  mos  et  jjresijue  tou- 
jours |»ie(ls  nus  toute  l'étendue  de  la  côte.  Au 
nor  i-est  du  pays  des  Paravas,  les  Portugais 
avaie  .t  un  fort  gardé  par  ipiaranle  soldats. 
Ce  fort  se  nommait  Punical.  A  deux  lieues 
de  Ih,  se  trcHivait  une  pagode  fameuse,  dont 
les  brames  avaient  été  souvent  l'objet  des 
moqueries  et  quelquefois  des  violences  des 
Portugais.  Ceux-ci  pour  se  venger  armèrent 
contre  les  Portugais  les  Badages,  peuple  qui 
obéissait  au  roi  de  Narsinga.  Ils  s'assern- 
blèrenl  six  mille  hommes  déerminés,  et 
marchèrent  contre  le  fort  de  Punical,  qui 
était  démantelé  et  presiiue  dépourvu  de  dé- 
fenseurs. Les  Portugais  qui  savaient  bien  que 
les  Paravas,  peui-le  faible  et  timide,  ne  leur 
seraient  d'aucun  secours,  prire  t  le  parti  ce 
quitter  la  ville  et  de  se  retirer  sur  les  vais- 
seaux qui  étaient  à  l'ancre  pies  de  la  côte. 
Les  Badages,  l'ayant  appris,  forcèrent  la 
marche  pour  leur  couper  la  retraite.  Les  Pa- 
ravas, délaissés  ainsi,  fuyaient  de  toutes 
parts.  Beaucoup  se  jetèrent  à  la  mer,  pour 
gagner  h  la  nage  les  vaisseaux  portugais.  Le 
spectacle  de  ceux  qui  restaient  sur  le  rivage, 
était  déchirant  à  voir.  Les  mères,  avec  leurs 
enfants  sur  les  bras,  poussa  ent  des  cris  la- 
mentables. Le  P.  Criminal  faisait  en  ce  lieu 
sa  visite  mensuere  ;  il  fit  tout  son  possible 
pour  engager  l'oiïicier  [)ortugais  h  faire 
quelque  concession  aux  Badages;  mais  ce- 
lui-ci ne  le  voulut  pas.  Alors  le  Saint  re- 
ligieux re  int  à  terre  (Il  était  allé  aux  vais- 
seaux trouver  loilicier) ,  pour  s'interposer 
entre  son  t  oupeau  et  lennemi.  Il  se  rend  à 
l'éolise  où  il  ava  t  oillcié  le  matin,  et  offre  à 
Dieu  sa  vie.  Aussitôt  (pj'il  a  |)rié  il  retourne 
au  rivage  fait  entrer  le  [)lus  de  Paravas  qu"il 
le  peut  dans  les  barques  et  refuse  d'y  entrer 
lui-mèm  ,  il  met  à  sa  i)lace  un  de  ses  chers 
indigènes.  L'ennemi,  furieux,  arrivait  comme 
les  derniers  Portuga  s  se  retiraient  et  lit 
pleuvoa-  sur  eux  une  grêle  de  projectiles  ; 
six  sont  tués.  Criminal  va  d'roit  aux  Badages, 
pour  s'offrir  conime  une  victime  qui  apaise 
leur  fureur;  son  interprète  est  tué  à  côté  de 
lui.  Il  se  met  à  genoux  les  mains  et  les  yeux 
aux  ciel.  D(mix  troupes  de  Badages  j)assent 
el  ne  lui  font  aucu.i  mal.  La  troisième,  près-- 
que  toute  (:oin|)osé(!  de  mahométans,  ai'iive, 
qt  hii  h  (iiinie  lui  enfonce  une  javeline  dans 
le  liane  gaui;he.  Les  intestins  sont  })eifurés. 
D'auties,  le  croyant  mort,  arrivent  pour  lui 
enlever  sa  soutane;  il  s'empresse  de  la  leur 
donner  ainsi  que  sa  chemise  qui  était  teinte 
de  sang.  Il  se  lève  el  va  vers  l'église  , 
désirant  mourir  au  pied  du  saint  autel.  Les 
Badiges,  croyant  qu'il  y  va  cliercluT  un 
abri,  se  mettent  à  sa  poursuiti;.  Alors  il 
s'arrête,  et  tournant  vers  eux  un  vi.sage  i)leiii 
d'allégress(!,  il  reçoit  un  second  coup.  Il  se 
met  à  genoux  et  une  troisième  blessure  lo 
fut  tomber  sur  le  côté.  Les  l)arl)ares  se  jet- 
tent sur  lui  et  lui  linnchent  la  tôle  en  jiro- 
féranl  d'horribles  cris  de  joie,  el  s'eu  iout. 


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ainsi  que  do  la  chomisn  ensanglantée,  un 
tropliéc,  qu'ils  siispondircnl  dans  la  pagode 
<le  Triciiaiidur.  Après  leur  départ  les  Païa- 
vas  couvrirent  le  corps  du  Uiarlyr  avec  du 
sable.  Depuis,  les  Portugais  iVîiiterrèrent 
eonvenahletnent,  mais  en  le  meilanl  si  j)ro- 
fondément  eu  terre,  que  depuis  on  n'a  pu  le 
ret.y)uver. 

<"!IUSP1N  (saint),  mart.yr, répatulitson  sang 
pour  la  foi  à  Thagore,  en  Afiique,  avec  Ks 
saints  Jules,  Potamie,  Félix,  (irat  et  sept 
autres  que  nous  ne  connaissons  pas.  Nous 
Ignorons  également  les  circonstances  de 
leurs  combats.  L'Eglise  faii  leur  fête  le  5 
décembre. 

CRISPIN  (saint) ,  martyr,  était  évoque  à 
Ecija.  11  fut  décapité  à  cause  de  son  attache- 
ment à  la  foi  du  Christ.  L'Eglise  fait  sa  mé- 
moire le  19  novembre. 

CUISPIN  (saint),  martyr,  mourut  nour  la 
foi  en  Afrique,  avec  les  saints  Clauue,  Ma- 
ginc,  Jean  et  Etienne.  On  ignore  les  circons- 
tances de  leur  martyre.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  3  décembre. 

CRISPIN  (saint),  évêque  et  confesseur, 
soulfrit  des  toi-tures  enl'hoineur  delà  foi  de 
3 .'sus-Christ,  dans  la  vdl'  de  Pavie.  Les  dé- 
tails nous  manquent.  L'Eglise  célèbre  sa 
sainte  mémoire  le  7  janvier. 

CRISPIN,  était  gouverneur  de  la  province 
Viennoise.  Il  fit  mourir  saint  Julien,  vers 
l'aiinée  431. 

CRISPINE  (saintej,  fut,  martyrisée  pour  la 
foi  évangélique  en  l'an  de  Jésus-Christ  304, 
sous  le  règne  et  durant  la  persécution  de 
Bioclétien,  à  Thébaste,  v.ile  d'Afrique.  L'E- 
glise fait  sa  fête  le  5  décembre.  Nous  citons 
èniièrement  ses  Actes  authenticiues,  d'après 
Ruinart. 

Le  proconsul  Anulin  étant  assis  sur  son 
tribunal,  dans  la  chambre  de  l'interrogatoire, 
le  grelFier  lui  dit  :  Seigneur,  on  entendra 
maintenant,  si  vous  voulez,  Crispine,  qui  a 
méprisé  les  ordonnances  des  empereurs  nos 
seigneurs.  Le  proconsul  dit  :  Qu'on  l'cunène. 
Crispine  étant  entrée,  le  proconsul  lui  dit  : 
Vous  savez  quel  est  le  nouvel  édit.  Crispine 
répondit  :  Je  ne  sais  quel  est  cet  édit.  Le  pro- 
consul Anulin  reprit  :  Il  porte  que  vous  sa- 
crifiiez à  tous  les  dieux  pour  le  salut  des 
empereurs  nos  maîtres,  les  pieux  Dioclétien, 
Maximien  et  Constantius  César.  Crispine  ré- 
pondit :  Je  n'ai  jamais  sacrifié  ,  et  je  ne  sa- 
crifie qu,'à  lin, seul  Dieu  et  à  son  fils  Jésus- 
Christ  notre  Seigneur,  qui  est  né  et  qui  a 
^ouffert  pour  nous.  Le  proconsul  dit  :  Défai- 
tes-vous de, votre  superstition  et  soumettez- 
vous  au  culte  de  nos  dieux.  Crispine  répon- 
dit :  j'adore  tous  les  jours  mon  Dieu ,  qui 
est  le  seul  que  je  connaisse.  Le  proconsul 
dit  :  Vous  êtes  opiniâtre  et  méprisante  et 
vous  subirez  ,  malgré  vous  ,  du  moins  une 
partie  de  l'édit.  Crispine  répliipia  :  Je  sou- 
tiendrai volontiers  ,  pour  l'honneur  de  ma 
foi,  tout  ce  que  vous  ordonnerez  de  me  faire 
souffrir.  An\iiin  dit  :  Etes-vous  encore  si  in- 
sev^sée  que  vous  ne  vouliez  pas  abandonner 
cette  illusion  pour  adorer  nos  dieux?  Cris- 
pine redit  encore  ;  J'adore  tous  les  jours  un 


seul  Dieu  et  je  n'en  connais  point  d'autre, 
Anulin  dit  :  Je  vous  présente  l'édit  sacré, 
c'est  h  vous  à  l'observer.  (>risnine  répondit  : 
J'observe  la  loi  de  Jésus-Clirist  mon  Sei- 
gneur et  mon  Dieu.  Le  proconsul  dit  :  Si 
vous  ne  vous  rendez  de  bonni;  grAci;  h  l'or- 
dre de  nos  empereurs,  on  vous  le  fera  faire 
de  force  et  vous  en  pourriez  perdre  la  vie  : 
vous  savez  bien  comme  on  en  a  usé  dans 
toute  l'Afrique.  Crispine  répondit  :  Que  les 
empereurs  meurent  plutôt  que  de  me  faire 
sacrifier  aux  démons  ;  mais  je  sacrifie  au  Dieu 
qui  a  fait  le  ciel  et  la  terre  et  tout  ce  qui  y 
est  contenu.  Vous  n'acceptez  donc  pas  ces 
dieux,  dit  lepr(»consul,  pour  lesijuelsil  vous 
faut  contraindre  d'avoir  la  dévolitm  que  vous 
leur  deve'.  Crispine  répondit  :  OiJ  ii  y  a  de 
la  contrainte  il  n'y  a  [wint  de  dévotion. 
Anulin  lit  :  Eh  bien  I  ayez-la  volontaire- 
ment,  et  venez  oifrir  librement  d- l'encens 
dans  nos  temples.  Crispine  répondit  :  Je  ne 
l'ai  point  fait  depuis  que  je  suis  au  mo-^de, 
et  je  ne  le  ferai  de  ma  vie.  Le  proco-^sul  dit  : 
Faiies  le  si  vous  voulez  éviter  la  rigueu;'  dos 
lois.  Cris^  ine  répondit  :  Cela  n'est  rien,  je  ne 
vous  crains  pas  ;  mais  si  je  méprisais  le  Dieu 
du  ciel,  je  serais  alors  vraiment  sacrilé^i;»",  et 
il  me  perdrait  au  grand  jour  d::;  son  juge- 
ment. Le  proconsul  d;t  :  Vous  no  sauriez 
être  sacrilège  en  obéissant  à  nos  lois  sacrées. 
CriSpine  répondit  :  Voulez-vous  que  je  sois 
sacrilège  envers  mon  Dieu,  de  peur  de  l'étrb 
envei's  vos  empereurs?  A  Dieu  ne  plaise  : 
mon  Dieu  est  seul  grand  et  tout-jmissant; 
c'est  lui  qui  a  fait  la  terre  et  tout  ce  qu'elle 
produit;  mais  les  hommes  qu'il  a  créés  lui- 
même,  que  peuvent-ils  faire?  Le  [)rocon>ul 
dit:  Suivez  la  religion  romaine  comme  nous 
et  comme  nos  invincibles  empereurs  mômes. 
Crispine  répondit  :  Je  ne  co;mais  qu'un 
Dieu,  qui  est  le  seul  véritable;  car,  poui-  ces 
dieux  que  vous  voulez  me  fare  adorer,  ce 
ne  sont  que  des  pierres  taillées  de  la  main 
des  hommes.  Anulin  :  Ces  blasphèmes  que 
vous  (.roférez  avec  si  peu  de  retenue  ne  ren- 
dront pas  voire  cause  meilleure.  Puis,  se 
retournant  \ers  son  greffier  :  Qu'on  la  rase, 
ajouta-t-il,  qu'on  lui  arrache  ensuite  la  peau 
de  la  tète,  et  qu'en  cet  état  elle  soit  produite 
devant  le  peuple  comme  un  objet  d'horreur. 
Crispine  répondit  :  Que  vos  dieux  me  disent 
seulement  une  parole  ,  et  je  suis  prête  à 
croire  tout  ce  que  vous  voudrez  :  sachez,  au 
reste,  que  si  je  ne  cherchais  le  salut  éternel, 
je  ne  me  serais  pas  laissé  conduire  ainsi  à 
votre  tribunal  pour  y  être  int'^rrogée.  Anu- 
lin dit  :  Je  vous  donne  encore  le  choix,  ou 
de  vivre  heureuse,  ou  de  mourir  dans  les 
tourments  comme  vos  compagnes  ,  Maxime, 
Donatile  et  Seconde.  Crispine  répondit  :  Ce 
serait  pour  lurs  que  je  choisirais  la  mort  et 
que  je  me  précipiterais  volontairement  dans 
un  feu  éternel  si  j'adorais  vos  démons.  Anu- 
lin dit  :  Tu  les  adoreras  ou  je  te  ferai  ti-an- 
cher  la  tête.  Crispine  répondit  :  Que  d'ac- 
tions de  grâces  je  rendrais  à  mon  Dieu  si 
j'obtenais  de  vous  cette  faveur!  Je  ne  sau- 
rais perdre  la  tête  qu'une  fois;  mais  si  j'of- 
frais de  i 'encens  aux  idoles...  Anulin  l'inlei^ 


727 


CRO 


eue 


72? 


rompit  :  Eh  bien  !  tu  persistes  toujours  dans 
ton  fol  entêtement.  Crispine  répondit  :  Le 
Dieu  que  j'adore  est  véritablement  Dieu  et  il 
l'a  toujours  été.  C'est  lui  qui,  après  m'avoir 
fait  n  litre ,  m'a  encore  régénérée  dans  les 
eaux  du  saint  baptême.  Il  est  avec  moi  et  il 
empêche  que  mon  âme  fasse  ce  que  vous 
voulez,  qu'elle  commette  un  sacrilège. 

Anulin  dit  :  C'est  trop  longtemps  souffrir 
cette  impie.  Qu'on  fasse  la  lecture  de  son 
nterrogatoire.  Ce  qui  ayant  été  exécuté,  il 
prononça  cette  sentence  :  «Crispine,  persé- 
vérant dans  sa  superstition,  et  refusant  de 
sacritier  aux  dieux ,  sera  mise  à  mort ,  con- 
formément àl'édit  des  empereurs.  »  Crispine 
rendit  grâces  à  Jésus-Christ  de  ce  qu'il  la 
délivrait  ainsi  des  mains  et  de  la  puissance 
du  [)roconsul.  Elle  souffrit  à  Thébaste  {ville 
de  Numidie)  le  jour  des  nones  de  décembre. 

CRISPULE  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  en  Espagne.  On  n'a  pas  de  détails  sur  son 
martyre.  Il  eut  pour  compagnon  de  ses  souf- 
frances saint  Restitut.  L'Eglise  fait  leur  mé- 
moire le  lOjuin. 

CKISPUS  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la 
foi  à  Corinthe  avec  saint  Caïus.  Saint  Paul 
parle  de  ces  saints  dans  son  Epitre  aux  Co- 
rinthiens. On  n'a  pas  de  détails  authentiques 
sur  eux.  On  ignore  même  la  date  de  leur 
martyre.  L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  4 
octobre. 

CRISTOPHLE  (saint),  martyr,  eut  le  bon- 
heur de  donner  sa  vie  pour  la  foi  sous  l'em- 
pire de  Dèce,  mais  on  ne  sait  rien  d'absolu- 
ment certain  sur  son  compte.  Les  Grecs,  qui 
l'ont  en  grande  vénération,  disent  qu'il  était 
disciple  de  saint  Babylas  d'Antioche,  et  qu'il 
avait  été  baptisé  par  lui.  Ils  font  sa  fête  le  9 
mai. 

CROC  ,  uncus  (crochet) ,  était  un  instru- 
ment de  sup[)lice  fréquemment  employé  par 
les  bourreaux  de  la  primitive  Eglise  ,  pour 
déchirer  le  corps  des  martyrs.  Il  avait  une 
seule  pointe  fort  aiguë  et  récourbée,  comme 
son  nom  l'indique.  On  s'en  servait  pour  la- 
bourer les  chairs  et  faire  de  profondes  dé- 
chirures. Les  bourreaux  l'employaient  dans 
les  mêmes  cas  que  le  peigne  de  fer  et  que 
les  on.^les  de  fer.  Le  plus  ordinairement  on 
s'en  servait  pour  déchirer  les  flancs,  les  pa- 
rois de  la  poitrine,  du  ventre,  les  seins  chez 
les  fi'mioes.   Les  blessures  que  faisait  cet 
instrument  étaient   terribles.    Le   bourreau 
seul,  par  sa  force  et  sa  volonté,  en  détermi- 
nait l'étendue.  Très-souvent  il  arrivait  que 
le  croc  s'engfigeail  sous  des  parties  nerveu- 
ses ,  lei:din.-uses    ou  aponévroti(iues.  Alors 
la  douleur  devait  être  immense,  la  r.'sistaace 
des  parties  néc^'ssitant  de  la  [«art  du  bom-- 
rcan  une  Iraclioi  vraiment  énorme!  j)Our(pie 
la  déchirure  eût  lieu.  Onand  un  martyr  avait 
été   d'chiré   [)ar  les  bourreaux  h  l'aidt;  du 
croc,  on  le  renvoyait  en  jjrison  pour  recom- 
mencer (piel<jues  jours  après.  Alors  l'Iioni- 
ble    instrument   rouvrait    les    plaies  à  (hsmi 
fermées.   Pour  bien  se  faire  uik;  idée  de  la 
sowUnuicefpje  devaient  endurer  1(!S  martyrs, 
il  faut  song'T  h  l'i^xlrême  sensibilité  de  la 
peau  que  cet  instrument  déchirait,  et  à  co 


qu'on  éprouve  quand  on  s'y  fait  la  moindre 
déchirure.  Souvent  il  arrive  qu'on  n'ose  pas 
retirer  soi-même  un  faible  instrument  en- 
foncé dans  les  chairs.  Souvent  des  hommes 
forts  ,  courageux ,  vont  trouver  le  médecin 
pour  faire  extraire  un  simple  hameçon.  Les 
femmes  qui  font  des  broderies  au"  crochet 
s'enfoncent-elles  cet  instrument  dans  le  doiu,t, 
dans  la  main,  elles  ont  recours  à  l'homme  de 
l'art,  et  trouvent  atroce  la  douleur  occasion- 
née par  l'extraction  qu'il  faut  ()ratiquer. 

CROIX  (Supplice  de  la).  Tout  le  monde 
sait  ce  qu'est  cet  instrument  de  supplice, 
élevé  à  un  si  haut  point  de  gloire  pour  avoir 
été  l'instrument  de  la  mort  du  Dieu  fait 
homme.  Les  Juifs  clouaient  le  patient  sur  la 
croix;  les  Romains  l'y  attachaient,  et,  en 
cela,  étaient  imités  par  la  plupart  des  autres 
peuples.  Au  Japon,  on  liait  les  martyrs  à  terre 
sur  leurs  croix  ,  puis  on  les  élevait  en  l'air. 
A  un  signal  donné ,  les  bourreaux  leur  don- 
naient le  coup  mortel  avec  des  lances  dont 
ils  étaient  armés.  On  prétend  que,  dans  cer- 
tains pays,  les  croix  avaient  des  formes  par- 
ticulières, comme,  par  exemple  ,  la  croix  de 
Saint-André  ,  que  tout  le  monde  connaît. 
Quand  un  martyr  était  cloué  sur  la  croix,  il 
y  pouvait  vivre  très-longtemps.  C'était  alors 
un  horrible  supplice.  Parfois  le  patient  était 
cloué  ou  attaché  sur  la  croix  la  tête  en  bas. 
On  sait  que  ,  chez  presque  tous  les  peuples 
de  l'antiquité  ,  le  supplice  de  la  croix  était 
réputé  infamant.  Infamant  !  que  l'homme  est 
pitoyable  avec  ses  dispositions  légales  1  L'in- 
famie s'attache  au  crime  et  non  à  la  peine. 
Aujourd'hui  la  croix  est  le  phare  de  la  civi- 
lisation, le  signe  du  salut,  l'élendard  de  la 
foi  chrétienne.  Placée  entre  la  terre  et  le 
ciel ,  elle  est  comme  le  trait  d'union  entre 
l'homme  et  son  Dieu. 

CRONIDAS  (saint)  ,  martyr,  était  grefûer. 
Ayant  confessé  Jésus-Christ,  il  fut  mis  à  mort 
avec  saint  Philet ,  sénateur,  sainte  Lydie,  sa 
femme,  et  leurs  enfants  Macédo  et  Théopré- 
pide,  saint  Amphiloque,  chef  de  milice.  L'E- 
glise honore  la  mémoire  de  ces  illustres  mar- 
tyrs le  27  mars. 

"  CROTATE  (saint) ,  martyr,  répandit  son 
sang  pour  la  foi  sous  l'empereur  Diocléfien, 
avec  les  saints  Apollon  et  Isace.  Le  Marty- 
rologe romain  ne  dit  point  en  quel  lieu  ni 
dans  quelles  circonstances.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  21  avril. 

CUCUFAT  (saint),  martyr,  habitiit  à  Scil- 
lite  ,  ville  d'Afrique  ,  avec  ses  parents,  qui 
étaient  des  plus  riches  du  pays.  Il  quitta 
cette  ville  pour  se  soustraire  aux  elfels  de  la 
persécution  de  Diocléfien.  D'abord  il  se  ren- 
dit en  Mauritanie ,  puis  en  Espagne  avec 
saint  Félix.  On  l'arrêta  dès  son  arrivée  à 
Rar(;(!lone,  et  le  gouverneur  DacicMi ,  devant 
lequel  on  le  conduisit,  lui  ayant  fait  uiulile- 
mont  endurer  plusieurs  supplices  ,  le  con- 
damna h  avoir  la  lêle  tranchéo  ,  ce  qui  fut 
exécuté  en  l'année  Mi. 

Les  moines  de  Samt-Deins ,  près  Pans, 
prétendent  avoir  les  reli(iues  de  saint  Cucu- 
fat  ;  les  Espagnols  prétendent  les  avoir  aussi. 
Sai'nl  Cucufat  est  api)elé  Congal  à  Barcelou©» 


729 


CUT 


C\P 


73d 


Quienqucnfat  h  Ruoil ,  près  Paris  ,  Guinefort 
dans  certains  antres  lieux  en  France.  La  fôtu 
(le  ce  saint  est  marquée  au  25  juillet  dans  lo 
Martyrologe  romain 

CUCUSE  ,  ville  d'Afrique,  est  célèbre  par 
le  marlyn;  d'un  grand  nombre  de  chrétiens 
sous  le  règne  de  Hunéric  ,  vers  l'année  VSV, 
et  entre  autres  par  celui  de  saint(^  Victoire. 
On  la  suspendit  en  l'air  el  on  alluma  un  feu 
ardent  au-dessous  de  son  corps.  Les  bour- 
reaux lui  dislo(iuèrenl  les  os  ,  lui  brisèrent 
les  éj)aules  et  la  laissèrent  pour  uiorte.  Elle 
revint  h  elle-même  et  assura  qu'une  sainte 
lui  étant  apparue,  elle  l'avait  guérie  en  tou- 
chant les  différentes  parties  de  son  corps. 

CUNHA  (d.v),  naquit  à  la  cour  de  Portugal 
et  entra  au  noviciat  de  Lisbonne  chez  les  * 
Jésuites  ,  le  25  mars  172G.  Depuis  long- 
temps, il  sollicitait  la  faveur  d'aller  porter  la 
lumu^M-e  de  l'Evangile  en  Orient.  Le  10  mars 
1736,  il  partit  de  Macao  pour  le  Tonquin, 
avec  les  PP.  Jean  Gaspard  Cratz,  allemand, 
Barthi'Iemy  Alvare^  Chrisiophe  deSampayo 
et  Emmanuel  Carvalho,  Portugais.  Lu  12 
avril  1736,  quatre  d'entre  eux  turent  pris  à 
Batxa  avec  les  catéchistes  tonquinois,  Marc 
et  Vincent  :  c'étaient  les  PP.  Cratz,  Barthé- 
lémy Alvarez,  Emmanuel  d'Abreu  et  Vincent 
da  Cunha.  Le  P.  Sampayo  avait  été  arrêté 
parla  maladie  à  Lo-Feou  et  le  P.  Carvalho 
était  resté  pour  l'y  soigner,  de  sorte  que 
tous  deux  ne  pénétrèrent  que  plus  tard  dans 
le  royaume  où  les  autres  saints  allaient  con- 
quérir la  palme  du  martyre.  On  peut  voir,  à 
l'article  Alvarez,  le  détail  d^^s  souffrances  et 
de  la  mort  de  nos  quatre  saints  missionnai- 
res, cpii  furent  décapités  le  12  juin  1737.  Le 
P.  da  Cunha  no  fut  décapité  (ju'au  troisième 
coup.  Le  catéchiste  Vincent,  pris  avec  eux, 
était  mort  saintement  en  prison  le  30  juin 
1736  ;  l'autre  catéchiste,  nommé  Marc,  fut 
exilé. 

CUïHBERT-MaINE  (le  bienheureux;, 
prêtre  de  Cornouailles,fut  le  premier  parmi 
les  missionnaires  martyrs ,  sous  la  reine 
Elisabeth  d'Angleterre,  fille  de  Henri  VIIL 
{Voy.  l'article  de  cette  reine.)  Elle  avait, 
comme  on  le  sait,  porté  des  lois  qui  dé- 
fendaient à  un  prêtre  catholique  de  dire  la 
messe  dans  son  royaume,  qui  ordonnaient  à 
tous  ses  sujets  de  reconnaître  sa  suprématie 
et  son  infaillibilité  tn  matière  religieuse,  et 
d'avoir  aucun  rapport  avec  le  souverain  pon- 
tife. Nous  bornons  là  nôtre  énumération, 
parce  que  le  saint  duquel  nous  racontons  le 
martyre,  ne  fut  accusé  d'avoir  contrevenu 
qu'à  ces  trois  dispositions  légales.  On  le 
déféra  aux  tribunaux  institués  par  la  reine, 
sous  la  triple  accusation  d'avoir  :  1°  obtenu 
une  bulle  du  pape  ;  2°  refusé  de  reconnaître 
la  suprématie  de  la  reine  en  matière  ecclé- 
siastique ;  3°  d'avoir  dit  la  messe  chez  un 
seigneur  nommé  Triguian.  Le  saint  prêtre 
fut  condamné  à  mort  et  reçut  le  29  novem- 
bre 1577,  la  couronne  du  martyre,  en  subis- 
sant le  supplice  des  traîtres.  Tréguian  fut 
mis  en  prison  et  y  mourut  après  avoir  vu 
confisquer  tous  ses  biens. 


CUTÏAS  (saint),  fds  de  saint  Claude  et  de 
sainte  Prépédigne,  eut  la  gloire  do  verser 
son  sang  pour  la  cause  de  Jésus-Christ,  du- 
rant l'horrible  persécution  (pie  la  rage  de 
l'empereur  Dio(;létien  avait  déchaînée  con- 
tre rEglis(!  du  Seigneur.  11  fut  arrêté  par  or- 
dre ex|)rèsdu  tyran  avec  son  père,  sa  mère, 
son  frère  Alexandre  et  son  oncle  Maxime. 
Comme  ils  appartenaient  à  une  famille  extrê- 
mement illustre  par  sa  richesse  et  par  l'é- 
clat d(ï  sa  naissance,  Dioclétien  ne  montra 
pas  d'abord  contre  eux  une  excessive  ri- 
gueur. 11  se  borna  à  les  condamner  à  l'exil. 
Ma  s  bientôt  son  caractère  féroce  prenant  le 
dessus,  il  commanda  qu'on  les  fit  périr 
au  milieu  des  flammes.  Ce  fut  à  Oslie  que 
cette  sentence  fut  exécutée.  La  famille  en- 
tière périt  sur  le  bûcher,  ofl'ranl  à  Dieu  le 
sacrifice  de  sa  vie  avec  un  courage  que  la 
foi  seule  peut  donner.  Les  païens,  qui  n& 
voulaient  pas  permettre  que  les  chrétiens 
rendissent  les  derniers  devoirs  aux  reliqueS' 
des  saints,  jetèrent  dans  le  Tibre  tout  ce  que 
les  flammes  avait  épargné  des  corps  de  nos 
saints.  Cependant  les  chrétiens  purent  en 
retrouver  la  majeure  partie,  qu'ils  enterrè- 
rent auprès  de  la  ville  d'Ostie,  avec  les  hon- 
neurs et  la  vénération  dont  étaient  dignes 
ces  glorieux  défenseurs  de  la  foi.  Le  Marty- 
rologe romain  inscrit  leur  fête  le  28  fé- 
vrier. 

CYPRIEN  (saint),  évêque  do  Carthage  et 
martyr,  naquit  à  Carthage.  Prudence  dit 
qu'il  mourut  dans  le  lieu  de  sa  naissance  ; 
Suidas  félicite  Carthage  d'avoir  été  son  ber- 
ceau. Il  se  nommait  aussi  Tascius.  Il  ajouta 
à  ces  dnux  noms  celui  de  Cécile,  en  mémoire 
du  prêtre  Cécile  qui  l'avait  converti.  Saint 
Grégoire  de  Nazianze  dit  que  sa  famille 
était  une  des  plus  illustres  de  Carthage,  et 
que  lui-même  était  sénateur.  Baronius  pré- 
tend, mais  sans  pr<^uves  suffisantes,  qu'il  fut 
marié  et  qu'il  eut  des  enfants.  Saint  Cyprien 
avait  une  profonde  érudition, jointe  à  une 
grande  intelligence,  nette  et  précise.  Il  devint 
tellement  éminent  comme  orateur,  qu'il  fut 
choisi  pour  professer  la  rhétorique  à  Car- 
thage. Il  le  fit  avec  infiniment  d'éclat  et  ac- 
quit une  très-grande  réputation.  Avant  sa  con- 
version, il  avait  acquis  une  science  profonde 
des  choses  profanes.  Au  point  de  vue  humain 
seulement,  il  était  un  des  hommes  les  plus 
éminents  de  son  époque.  Il  fut  parmi  les 
chrétiens  ce  qu'il  était  avant  d'avoir  le  bon- 
heur de  l'être  lui-même,  un  des  hommes  les 
plus  remarquables  de  son  siècle.  Quand  la 
grande  lumière  de  l'Eglise,  Origène,  s'étei- 
gnait en  Asie,  dans  les  splendeurs  de  sa 
gloire,  une  autre  se  montrait  au  rivage  afri- 
cain, capable,  sinon  de  la  faire  oubli'T,  du 
moins  de  la  remplacer  parmi  les  chrétiens. 
Avant  sa  conversion,  sa  vie  fut  ce  qu'était  la 
vie  des  païens  de  cette  époque  et  ae  ce  pays 
surtout,  où.  la  richesse,  la  naissance  et  le  sa- 
voir ne  convergeaient  que  vers  un  seul  but,  la 
jouissance  et  la  volupté.  Saint  Augustin  dit 
que  la  vie  de  sain-t  Cyprien  était  criminelle, 
impie  et  détestable.  L'instrument  de  sa  con- 
version fut  un   saint  orêtre,  un  vieillard 


731  CYP 

nommé  Cécile,  dont  l'Eglise  fait  la  fête  le  3 
jui'i. 

S;iint  Cypi'ion  reçut  le  bnnfôme  dans  un 
Age  où  les  mauvaises  habitudes  sont  enra- 
ciné(^s  dans  lûrne.  où  elles  ont  vieilli  avec 
elle.  li  est  probable  (|ue  ce  fut  en  *2iG.  Bien 
peu  de  temps  s'écoula  avant  que  son  mérite 
l'eût  fait  distinguer.  11  fut  fait  évêque  en 
2'i.8.  Il  se  voua  là  la  chasteté  ;  il  voidut  ôtre 
pauvre,  car  il  vendit  tous  ses  b'ens  pour  en 
donner  le  pi  ix  aux  pauvres.  II  avait  aujtrcs 
de  Carllnge  des  j.irdi'is,  ({u'il  vendit  comme 
tout  le  reste;  mais  Dieu  les  lui  rendit  plus 
tard  et  il  les  gaixla.  On  ne  comprend  pas,  dit 
Ti  leiiiont,  comment  cela  se  tit.  Ilien  pour- 
tant de  plus  simple.  Cyprieu  avait  vendu  ses 
jardins,  il  était  devenu  pauvre  :  dos  admi- 
rateurs de  sa  vertu,  des  Ames  pieuses,  les 
racheté  eut  et  les  lui  rendirent,  ce  qui  le 
mit  dans  l'obligation  de  les  garder.  Voilà 
une  supposition  qu'il  est  (out  simple  de 
faire.  II  devint  très-savant  dans  les  Écritu- 
res. Il  garda  dans  sa  mnison  le  prêtre  Cécile 
qui  rivait  c.mverti,  jusqu'il  ce  ([ue  la  mort 
vint  fiapper  le  saint  vieillard.  A  ce  dernier 
moment,  le  père  S|urituel  de  Gyprien  fit  son 
testament  et  il  n'oublia  pas  ce  (ils  que  Dieu 
lui  avait  donné.  Il  le  nomma  son  légdaire. 
Tout  son  bien  se  composait  de  sa  femme  et 
de  ses  enfants  qu'il  chargeait  Cyprien  de 
garder,  d'honorer,  d'aimer,  de  nourrir  et 
d'ébver.  Le  legs  fut  accepté. 

il  prit  TertuUien  pour  modèle,  lisant  sans 
cesse  ses  ('-crits.  Quand  il  le  demandait,  il 
avait  coutume  de  dire  :  «  Donnez-moi  le 
Maître.  »  Il  choisit  les  diamants  semés  dans 
ses  œuvres,  il  rejeta  les  impuretés  qui  les 
dé[)araient.  Gomme  celui  qui  vanne,  il  sé- 
paia  le  gi-ain  de  l'ivraie.  Dans  Terlullicn  la 
récolte  éiait  un  trésor  iuunense,  il  se  ïa[)- 
propria. 

Quand  il  fut  promu  h  l'épisropat.  le  peu- 
phj,  qui  le  voulait  pour  évéque,  allait  procé- 
der aux  élections.  Il  se  caclia  dans  sa  mai- 
son, de  laquelle  on  fut  i)resque  obligé  di3  le 
tirer  par  fon-e  pour  le  conduire  à  l'assem- 
blée, que  présidaient  les  évoques  de  la  pro- 
vince. Son  arrivée  fut  accuriilie  avec  des 
transports  de  joie.  11  y  eut  prescjue  unmi- 
mité  dans  les  suifrages.  Gin*}  prêtres  seule- 
ment s'opposèrent  avec  acharnement  h  son 
élection.  Il  les  tint  dcîpuis  au  noml)re  de  ses 
familiers;  l.i  est  la  générosité,  la  grandeur 
d'Ame.  Mais  qu  md  'l'illemont  le  lou(;  de  ne 
les  avoir  pas  [)unis  connue  ils  le  méritaient, 
dit-il,  il  se  fourvoie;  car,  après  tout,  ils 
étaierit  dans  le  droit  strict ,  mèmc!  en  no 
choisissant  pas  celui  que  sa  vei-tii  et  (|ue  la 
v(nx  du  p(;uple  désigii;ii(Mit  comriKî  hî  |)I<rs 
digne.  Ces  prêtres  répondirent  mal  h  la  gé- 
nérosité de  Gy[)rien;  plus  lar-d,  t'élicis- 
sime  en  tête,  ils  d(!vinr(!nt  schismati(|ues. 
La  dignité  d'évêque  de  Garlhagc;  faisait  saint 
Gy[)rieii  primat  de  la  petit(;  AIritpm  ou  pro- 
consulaiio  dr;  la  |{y/a(;ene,  d;;  la  Tripolitairic, 
de  la  iNuruidie,  des  derr^  Mauiilanies,  la  Cé- 
saricMine  cl  la  'lingitane.  IMiis  tar'd  une  par- 
tie (h;  1,1  Mauritani(!  fut  jointe;  h  rivsfiagne. 

îj'iinl  Cypriijii  montra,  dans  l'exercice  de 


CYP 


-32 


ses  fonctions  épiscopales,  la  douceur  et  la 
fermeté  utiles  [lour  se  faire  à  la  fois  aimer 
et  obéir.  Son  extérieur  res()irait  les  qualités 
de  s  m  Ame  et  irrq)osait  h  la  fois  l'amour,  la 
vérrération  et  la  crainte  Hientôt  la  persécu- 
tiorr  vint  mettre  ses  vertus  à  l'épreuve.  Dèce 
l)rit  la  pourpre  en  Pannonie;  Philippe  et  son 
iils  fur'ent  tués  |)ar  lui.  11  commença  son  rè- 
gne en  pei-sécutant  violemment  es  chrétiens. 
L'édit  qu'il  lança  arriva  à  Carthage  dès  le 
commencement  de  250.  Aussitôt  les  idolAtres 
de  celte  ville  se  po.tèr-enl  en  foule  sur  la 
place  publique  en  criant  :  «  Cyprien  aux 
bêtes  !  Cyprien  aux  lions  !  »  On  le  bannit, 
sous  le  nom  de  Cécilius  Cyprianus,  en  lui 
intimant  l'oi'dre  de  ne  rien  cacher  ni  empor- 
ter de  ce  qui  lui  appartenait.  Les  païens  le 
nommaient  Coprien  au  lieu  de  Cyprien;  par 
haine  pour  lui,  ils  avaient  ainsi  travesti  son 
nom  (celui  qu'ils  lui  donnaient  signifie,  en 
grec,  ordur-e,  excréments,  fumier).  Dans  une 
vision  qu'il  eu',  la  fuite  lui  fut  ord  nnée.  Il 
est  certain  que  s'il  fût  resté,  et  que  si,  à 
cette  époque,  les  per'sécuteurs  l'eussent  fait 
mourir,  le  sort  de  l'Eglise  d'Afrique  eût  été 
bien  compromis.  Peut-être  en  eût-ce  été  fait 
du  chr  stianisme  dans  cette  contrée.  Le  pro- 
jet de  Dèce,  d'abattre  l'Eglise  en  jetant  à 
ter're  ses  principales  colonnes,  eût  là,  du 
moins,  reçu  son  exécution.  Qui  eût  relevé 
les  tombés  ?  Qui  eût  soutenu,  maintenu  la 
discipline?  Qui  eût  fait  justice  des  héréti- 

3ues  cjui  se  moidrèrenl  avec  tant  d'audace 
ans  ces  temps  malheureux?  L'état  de  l'E- 
glise d'Afrique  absout  compléiementCyprneii 
du  reproche  qu'on  lui  a  fait  d'avoir  fui  du- 
rant la  persécution.  Du  reste,  son  courage 
eut  l'occasion  de  [)rouver  qu'il  ne  r.^culait  pas 
devant  le  danger.  Son  sang  vd  se  plus  lard  fut 
sa  réponse.  Absent  du  milieu  de  son  trou- 
prîau,  il  ne  l'abandorma  pas  d'esprit  :  il  écri- 
vait sans  cesse  aux  tidèles,  les  exhortant,  les 
invitant  A  demeurer'  fer-mes,  à  se  retremper 
dans  la  pricr-e.  11  écrivait  aux  confesseur'S  qui 
étaiinit  en  i)rison,  il  les  faisait  visiter  par  ses 
jii'êtres,  qui  allaient  célébr-er  le  saint  sacri- 
fice au  mdieu  d'eux,  et  leur  donnaient  cha- 
que jour  le  pain  ûqs  forts. 

Bientôt  des  malheur-s  plus  grands  que  la 
persécution  vinr^'Ut  aftliger  le  cœur  du  saint 
évoque.  On  sait  que  malheureusement,  dans 
cette  ))ersé(ution,  beaucoup  di^  chr'éliens  eu- 
rent la  fiililesse  de  r-eiioneer  leur  foi.  La  plu- 
part du  tirups,  ces  inalh  nneux,  A  (pii  le  cou- 
rage avait  maïKpié,  éiaient,  aussitôt  le  crime 
comrrris,  pr-is  de  repentir-.  Ils  dé.^iraient  ren- 
trer- dans  le  sein  d(*  l'Eglise.  Si  ce  désir  était 
naturel  et  louable,  il  ne  l'était  ()as  moins  que 
l'Kglise  maintînt  A  leur  égard  rure  juste  sé- 
vérité, dans  le  double  inlé  et  de  la  disci- 
pline et  de  l'avantage  spirituel  des  coupables 
eux-mêmes.  Tout  cr  ime  veut  irne  pérùtinice. 
Or  il  ar-r  iva,  dans  l'Eglise  d'AIViipie,  (pie  les 
confesseurs,  ou  ilu  moins  (pielipies-uns,  fi- 
HMii  un  dé[)lor-al)le  abus  de  la  latitude  (pie 
ri\-,lise  bnir  avait  laissée  d'inlercéder  près 
d'elle  en  faveur- des  tombés,  A  rpii  ilsremel- 
tai(!nl  des  billets  d'indul^eiK-e.  Munis  do  cc^ 
billets,  les  lomnés  devaient  se  présenter  A 


rôz 


CYP 


t\P 


'734 


ri^V(\(iio  en  prosoMce  des  fitlMos,  faire  l'oxn- 
moIOj^èso,  et  ôtre  admis  à  la  coinniuiiio-i. 
C'élait  Q'io  sorte  de  compe-isalion  qui  s'rta- 
l)li.s.sail.  La  |)ri(>i'e  d'un  cunl'esseur,  dont  lo 
coinbal  était  un  trésor  ih\  grAee,  couvrait  la 
iaule  du  uiaHu'ureux  qui  avait  alijuré.  On 
conçoit  (jue  les  choses  pussent  se  passer 
ainsi  par  exception.  L'Eglise  l'avait  admis 
par  sa  pratique,  (kda  se  faisait  du  tetnjis  do 
Tertullien,  en  Egypte,  sous  saint  Denis  d'A- 
lexandrie, îi  Sniyrne  en  Asie.  On  sait  qiu.'  les 
tombés  vinrent  imploi-er  le  secours  de  s  dut 
Pione  dans  sa  prison.  Saint  Cyprici  se  |)lai- 
^nit,  non  pas  de  ce  que  les  conlesscurs  se 
lissent  les  intercesseurs  de  ceux  cpii  étaient 
ioml)és,  mais  de  ci;  qu'ils  donnassent  de  ces 
billets  d'indulgence  h  profusion,  et  sans  au- 
cune espèce  de  discernement.  Le  principal 
auteur  de  ce  désordre  était  un  confesseur 
nommé  Lucien,  honnne  d'une  grande  foi, 
U)ais  peu  instuit;  d'un  courage  invincible, 
mais  d'une  faiblesse  ou  d'une  présom;it on 
tout  aussi  grande.  11  donnait  de  ces  billets  à 
tout  le  monde  indistincteajent,  il  en  donnait 
en  son  nom,  au  nom  du  saint  martyr  Paul, 
de  qui  il  disait  en  avoir  reçu  l'ordre  ;  il  e;i 
écrivait  au  nom  du  jeune  Àurèic,  sous  pré- 
texte que  ce  jeune  homme  ne  savait  pas 
écrire.  11  était  loin,  sous  ce  rapport,  de  la 
sage  rés/rve  de  Saturnin  et  de  AJappalique. 
Quant  aux  tombés  eux-mêmes  ,  ils  deve- 
naient d'une  indiscrétion  extrême,  ils  for- 
çaient, pour  ainsi  dire,  les  bonnes  disposi- 
tions des  martyrs  et  des  confesseurs,  par 
leurs  importuintés,  et  souvent  par  leurs  su- 
percheries. Certains  prêtres  exagéraient  en- 
core le  scandale,  en  dépassant  la  recomman- 
dation des  confesseurs ,  qui  prescrivaient 
l'exomologèse.  Ils  admetaient,  sans  cette 
formalité,  .-ans  en  référer  à  l'évêque,  les 
tombés  à  l'église  ;  ils  les  recevaient  à  la 
communion,  et  leur  donnaient  l'eucharistie. 
Toute  celte  enduite  était  en  oppositioti  for- 
melle avec  les  prescriptions  de  saint  Cy- 
prien,  qui  avait  déclaré  que  ceux  du  clergé 
qui  agiraient  ainsi  seraient  eux-mêmes  frap- 
jiés  d'excommunication.  Il  est  très-probable 
que  ces  prêtres,  dont  saint  Cyprien  se  plaint 
en  plusieurs  endroits  de  ses  écrits,  étaient 
les  cinq  qui  s'étaient  opposés  à  son  élection, 
comme  cela  semble  indiqué  du  reste  assez 
clairement  dans  sa  quarantième  lettre.  Ce 
fui  ent  eux  qui,  comme  nous  le  verrons  lûien- 
tôt,  âe  joignirent  au  schisme  de  Novat  et  de 
Félicissime 

Saint  Cyprien  supporta  longtemps  sans 
sévir  tous  ces  désordres  ;  il  espérait  que  la 
Yérité  luirait  d'elle-même  à  l'esprit  des  cou- 
pables. 11  craignait  le  scandale  et  le  trouble. 
11  ne  voulait  pas  surtout  diviser  son  Eglise 
au  moment  du  combat.  Mais  sa  tolérance 
dut  céder  enfin  devant  des  abus  si  flagrants, 
des  désordres  et  des  scandales  si  monstrueu- 
sement coupables.  Dieu,  du  reste,  l'aveiiit, 
dans  plusieurs  visions,  de  la  colère  qu'il 
éprouvait  de  voir  le  mal  qui  régnait  dans  son 
Eghse.  Saint  Cyprien  écrivit  sur  ce  sujet 
trois  lettres,  l'une  aux  martyrs  et  aux  con- 
fesseurs, la  seconde  au  clergé,  et  la  troisième 


au  peup'o.  Ce  sont  les  10%  11'  et  i2'.  H 
exhorte  fortement  les  martyrs  à  être  très- 
réservés  dans  la  délivrance  de  ces  bill(!ts.  Il 
leur  dit  d'examiner  avec  soin  la  qualité  de 
la  personne,  du  crime,  de  la  [)ér)ilence.  11 
leur- recommand(î  de  n'en  accorder  qu'à  ceux 
dont  la  pénitence  ap[)roclie  d'une  entière  sa- 
tisfaction. Sa  lettre  au  clergé  est  extrême- 
ment s.  vère;  il  menace  ceux  qui  sont  tom- 
bés dans  les  fautes  que  nous  venons  de  si- 
gnahn-,  da  les  interdire,  s'ils  persistent  dans 
leur  crime,  leur  déclarant  que,  du  reste,  ils 
auront,  à  son  lelour,  à  lui  rendre  compte  do 
leur  conduite.  Dms  sa  lettre  au  peuf)le,  il 
dit  que  l(!s  tombés  ne  songeraient  qu'à  faire 
pénitencii  et  ù  s'humilier, s'ils  n'étaient  trom- 
pés par  la  fausse  douceur  de  quehpuîs  prô- 
t/-es.  Il  dit  (|u'à  son  retour  il  examinera  les 
lettres  des  toadjés,  d-ans  une  assemblée  do 
plusieurs  évoques.  Ce  fut  à  celte  époque  que 
la  nouvelle  de  la  retraite  do  saint  Cy.irien 
étant  venui'  à  Rome,  le  clergé  de  celte  ville 
en  fut  scandalisé.  Saint  Cyiirien  l'ayant  su, 
lui  éciivil  une  lettre  pour  expliquer  ses  mo- 
tifs, déclanml  que,  du  reste,  il  n'avait  pas 
abrndonné  le  s  )in  de  son  diocèse.  Cela  n'em- 
pêcha pas  que  le  clergé  de  Rome  n'écrivît  à 
celui  de  C;irthage  une  lettre  qui  fut  appor- 
tée par  le  diacre  Clément,  dans  laquelle  ceux 
do  liomeparlaienl  à  ceux  de  Carthage,  comme 
s'ils  n'eussent  plus  eu  d'évêque,  les  exhor- 
tant à  faire  comme  eux  et  à  prendre  eux- 
mêmes  soin  de  leur  Eglise.  Saint  Cyprien  en 
fut  p*'niblement  aflecté;  mais  il  attendit  pa- 
tiemment le  temps  de  la  ustice.  Cette  lettre 
des  Romains  parle  des  tombés.  Les  règles 
qu'elle  pose  sont  très-sages.  Ils  disent  que, 
quoiqu'ils  soient  séparés  de  l'Eglise,  ils  ne 
doivent  point  pour  cela  être  aoandonnés, 
mais  exhortés  à  la  pénitence,  afin  que  Dieu, 
leur  faisant  miséricorde,  ils  puissent,  sils 
sont  pris  de  nouveau,  avoir  le  courage  du 
martyre;  que,  s  ils  sont  à  l'article  de  la  mort, 
il  faut  les  recevoir  à  la  communion.  Saint 
Cyprien  s'élève  très-fort,  dans  sa  lettre  aux 
confesseurs,  contre  la  prétention  de  Lucien, 
qui  disait  avoir  reçu  de  saint  Paul  la  per- 
mission que  nous  avons  dite.  Il  prétend,  et 
avec  raison ,  qu'il  exagère  singulièrement 
l'ordre  du  saint  martyr.  Les  tombés  n'en  de- 
vinrent pas  plus  modérés;  ils  semblaient 
ignorer  qu'ils  fussent  criminels;  ils  exi- 
geaient, avec  une  violence  étrange,  la  |)aix 
que  les  martyrs  leur  avaient  promise.  Saint 
Cyprien,  pour  modérer  cette  violence,  et 
pour  se  conformer  aussi  aux  préceptes  sages 
contenus  dans  la  lettre  des  Romains,  écrivit 
à  son  clergé  qu'on  eût  à  donner  la  paix  aux 
tombés  qui  tomberaient  malades,  après,  tou- 
tefois, qu'ils  auraient  fait  Vexomologàe,  et 
qu'ils  auraient  reçu  l'imposition  des  mains 
pour  la  pénitence.  Son  clergé  l'ayant  consulté 
plus  tard,  relativement  à  la  conduite  5  tenir 
en  présence  de  l'iinportunité  de  certains  tom 
bés,  il  répondit  que  c'était  une  question  qui 
regardait  toute  l'Eglise,  et  qu'il  fallait  atten- 
dre que  la  paix  fût  rétablie,  pour  qu'un  con- 
cile en  décidât.  Quelques  temjts  après,  l'é- 
vêque Caidoae  lui  ayant  écrit,  pour  le  con- 


735 


CYP 


sulter,  relativemen'  à  certains  tombes,  qui, 
avant  été  repris,  avaient  courageusement 
combattu  pour  la  loi ,  saint  Cyprien  lui  ré- 
pondit qu'il  partageait  entièrement  son  opi- 
nion ,  laquelle  était  qu'on  ne  pouvait  s'em- 
pêcher de  les  recevoir  à  la  communion.  La 
lettre  de  Caldone  et  la  réponse  de  saint  Cy- 
prien sont  la  19'  et  la  20'  parmi  les  lettres 
du  saint. 

Après  les  lettres  que  saint  Cyprien  avait 
écrites,  les  confesseurs  auraient  dû  se  mon- 
trer modestes  et  soumis  :  il  n'en  fut  rien  ; 
Lucien  écrivit  à  saint  Cyprien  une  lettre  ex- 
cessivement arrogante  ,  dans  laquelle  il  lui 
disait  :  «  Vous  saurez  que  nous  avons  donné 
la  paix  à  tous  ceux  dont  la  conduite  posté- 
rieure aura  été  soumise  à  votre  examen. 
Nous  voulons  que  vous  en  informiez  vous- 
même  les  autres  évêques.  Nous  désirons  que 
vous  soyez  en  bonne  intelligence  avec  les 
saints  martyrs.  »  Cette  lettre  ne  pouvait  que 
contribuer  à  rendre  le  saint  évêque  odieux, 
sous  prétexte  de  sévérité  outrée.  C'est  ce  qui 
arriva;  cette  lettre,  qui  brisait  la  discipline, 
qui  foulait  aux  pieds  la  hiérarchie ,  donna 
une  ardeur  toute  nouvelle  aux  plaintes  et 
aux  prétentions  des  tombés.  Ils  s'élevèrent 
avec  fureur  contre  saint  Cyprien.  Dans  ce 
moment  même,  il  lui  arriva  un  secours  ines- 
péré. Les  confesseurs  de  Rome  écrivirent  à 
ceux  de  Carthage  une  lettre  exactement  sem- 
blable à  celles  que  le  saint  évêque  leur  avait 
lui-même  écrites  :  mêmes  conseils  ,  mêmes 
principes.  Il  écrivit  aux  confesseurs  de  Rome 
et  au  clergé  de  cette  ville  pour  les  remercier 
et  les  féliciter.  Ce  sont  ses  lettres  23'  et  25°. 
Ce  fut  peu  de  temps  après  que  les  prêtres  de 
Rome ,  qui  avaient  cessé  de  lui  écrire  ,  vi- 
rent bien  ,  après  avoir  reçu  ses  lettres ,  sur- 
tout la  13' ,  qu'on  ne  leur  avait  pas  dit  la 
vérité  par  rapport  au  plus  grand  évoque  qui 
fût  dans  la  chrétienté.  Ils  lui  écrivirent  une 
lettre,  classée  la  31'  parmi  celles  du  saint , 
lettre  la  plus  humble  ,  la  plus  sage ,  la  plus 
apostolique  qui  ait  peut-être  jamais  été  écrite 
de  Rome.  Dans  cette  lettre,  on  convient  de 
tenir  en  suspens  l'affaire  des  tombés,  jusqu'à 
ce  qu'il  y  ait  un  pape  élu  ,  et  qu'on  puisse 
assembler  un  concile.  Ce  fut  la  règle  que, 
conformément  à  l'avis  de  saint  Cy|)rien,  tous 
les  évêques  d'Afrique  adoptèrent.  Après  bien 
d'autres  circonstances  que  nous  omettons, 
saint  Cyprien  reçut  la  visite  de  saint  Céle- 
rin  ,  confesseur  de  Rome  ,  qui  vint  le  voir 
dans  sa  retraite  de  la  part  des  confesseurs 
de  celle  ville,  lesquels,  depuis  près  d'un  an  , 
se  trouvai(;nt  dans  les  iers.  Le  .saint  évê(}ue 
leur  écrivit  sa  lettre  10'.  Ce  fut  à  cette  épo- 
qu(;  (pi'ii  ordonna  Célerin  lecteur,  ainsi  (jue 
le  jeune  Aurèle  ,  et  qu'il  éleva  Numidique 
au  sacerdoce. 

Au  ijfjut  d'!  qu(ilquo  tein(is,  la  paix  ayant 
commencé  à  être  lauduc  h  l'Kglisc,  beaucoup 
des  confesseurs  qm  étai(;iit  (!ii  [)iison  furent 
nlAcliés.  Saint  Cyprien  l(!S  lit  s(!courir  pour 
qu'ils  no  rnancpiasscnl  d(;  rien  ;  il  (vivoya,  'i 
cet  olfel,  h  Cartliagcî,  les  évê(jues  Caldone  cl 
H<t(;ulan,  qui  leur  distribuaient  de  sa  part, 
ainsi  qu'aux  [jauvres,  toutes  les  choses  qui 


CYP  736 

leur  étaient  nécessaires.  A  l'instant  où  le 
saint  évô(}uese  pré|)arait  h  rentrer  au  milieu 
de  son  trou|ieau,  Félicissime,  autre  que  le 
saint  confesseur  du  môme  nom,  homme  con- 
vaincu de  fraude  et  de  vol,  et  d'une  conduite 
fort  mauvaise,  au  point  de  vue  des  mœurs, 
se  déclara  ouvertement  schismatique,  en  se 
séparant  de  la  communion  de  Cyprien.  Il 
commença  à  s'opposer  à  lui  en  empêchant, 
autant  qu'il  fut  en  lui,  l'accomplissement  des 
œuvres  de  charité,  pour  lesquelles  Cyprien 
avait  envoyé  à  Carthage  les  évêques  Caldone 
et  Herculan.  Un  nommé  Augende  se  joignit 
à  lui.  Saint  Cyprien,  instruit  de  ce  qui  se 
passait,  le  sépara  de  sa  communion  par  pro- 
curation qu'il  envoya  à  ses  vicaires.  Fort 
peu  de  temps  après,  Novat,  prêtre  de  Car- 
thage, et  quatre  autres,  probablement  les 
cinq  qui  s'étaient  opposés  à  son  élection,  se 
joignirent  à  Félicissime.  Fortunat ,  qui  fut 
depuis  évêque  schismatique  deCarthags,  était 
parmi  eux.  Ces  prêtres  schismatiques,  pour 
se  faire  un  parti,  appelèrent  à  eux  les  tom- 
bés, disant  qu'ils  les  recevraient  à  la  com- 
munion, que  leur  refusait  i'évêque.  Saint 
Cyprien  en  écrivit  à  son  peuple  et  aux  tom- 
bés eux-mêmes,  les  exhortant  à  repousser 
cette  douceur  dangereuse,  à  rester  du  côté 
où  avec  la  pén  tence  et  la  sévérité  se  trou- 
vaient aussi  pour  eux  le  salut  et  la  volonté  de 
Dieu.  Il  annonçait  dans  cette  lettre  que  cette 
crise  serait  la  hn  de  la  persécution.  Sa  pré- 
diction s'accomplit.  Novat  fit  ordonner  ou 
ordonna  Félicissime  diacre.  Il  étnit  digne 
d'un  homme  comme  Novat,  voleur  des  biens 
des  pauvres,  assassin  de  son  père  vieux  et 
inlirme,  qu'il  avait  laissé  mourir  de  faim 
dans  son  village,  de  vouloir  pour  acolyte  un 
voleur  scandaleux  comme  Félicissime.  Peu 
après,  saint  Cyprien  revint  à  Carthage.  H  as- 
sembla imméaialement  un  concile,  pour  ré- 
gler l'affaire  des  tombés.  Il  y  fui  décidé  que 
les  libellatiques  qui  avaient  embrassé  la  pé- 
nitence aussitôt  après  leur  faute,  seraient 
admis  à  la  communion;  que  les  tombés  vé- 
ritables seraient  traités  plus  sévèrement, 
qu'on  les  tiendrait  longtem[)s  en  pénitence  , 
bien  qu'on  dût  la  proportionner  ce|)en- 
dant  à  la  gravité  de  la  faute  de  chacun  , 
aux  intentions  et  à  toutes  les  circonstaices 
qui  peuvent  aggraver  ou  atténuer;  que  l'on 
aurait  plus  d'indulgence  pour  ce\ix  qui  n'é- 
taient tombés  qu'après  avoir  résiste  long- 
temf)s  aux  touriuents,  et  qui  n'avaient  pas 
eu  la  forc(ï  do  soull'rir-  sans  mourir.  Le  con- 
cile fulmina  des  nuMiaccs  graves  contre  ceux 
qui  accorderaient  tr'op  facilement  la  paix  aux 
tombés.  Une  sentence  particulière  portait 
(pie  les  évè(|ues  et  les  prêtres  tombés  [)0ur- 
raienl,  comme  les  autres,  être  admis  à  la 
|)éniteii(c,  mais  jamais  réintégrés  dans  les 
fonctions  sacei'dotales.  C'est  ainsi  (pie  le  con- 
cile adopta  une  sévérité  (pii  piiMi>sait,  jointe 
h  une  indulgence  (pii  éloignait  le  désespoir 
et  le  dé(;ouragem«Mit.  Les  décisions  de  ce 
(•ori(i!(!  furent  adoptées  par  toute  rFglisc.  La 
décision  prise  di-jh  par  neuf  évétiues,  contio 
les  évê(jues  tombés  Jovin  et  Maxime,  fut 
maintenue.  On  excommunia  aussi  Félicis- 


75? 


C\P 


C^P 


l%f 


sime  et  les  cinq  prêtres  déserteurs  de  l'E- 
glise qui  s'élaieul  joints  à  lui.  Saint  Cor- 
neille ayant  été  élu  pape  h  la  place  de  saint 
Fabien,' saint  Cyprien  le  lit  recev()ir,  en  cette 
qualité,  par  tous  les  évéc^ues  d'Afrique,  h 
qui  le  taux  [)ape  Novatieu  s  était  déjà  adressé 
pour  être  reconnu. 

A  partir  de  sa  rentrée  à  Carthage,  jusqu'à 
&a  seconde  arrestation,  le  saint  s'occ'.])a  avec 
aideur  à  reconstruire  les  broches  ipie  la  [)er- 
sécution  avait*fc\ites  dans  son  Eglise.  Il  af- 
fermit la  foi  autour  de  lui  dans  toute  sa  pro- 
vince ;  il  écrivit  à  une  multitude  d'évéques, 
aux  confesseurs  de  Rome,  pour  les  féliciter 
d'avoir  abondonné  les  erreurs  de  Novatien. 
Il  écrivit  aussi  son  traité  de  l'Unité  de  l'E- 
glise, son  Explication  de  l'oraison  domini- 
cale. Le  15  mai  "io-i,  il  tint  à  Carthage  un 
second  concile,  où  plusieurs  questions  de 
discipline  et  de  dogme  furent  réglées.  Il 
était  formé  de  soixante-six  évoques.  Ce  fut 
à  l'issue  de  ce  concile  que  Fortuiiat  fut  fait 
évoque  de  Carthage  par  Félicissime.  Déjà 
les  Novatiens  avaient  nommé  de  leur  côté 
Maxime  évéque  de  cette  ville  :  la  faction  de 
Félicissime  ne  voulut  pas  être  en  retard,  et 
nomma,  elle  aussi,  son  faux  évéque.  Aussi- 
tôt nommé,  Fortunat  députa  Félicissime  à 
Rome  ;  mais  saint  Corneille  le  chassa  et  le 
rejeta  avec  une  énergie  et  une  vigueur  vrai- 
ment apostoliques.  Le  saint  pape  fit  immé- 
diatement savoir  à  saint  Cyprien  la  conduite 
qu'il  avait  tenue  dans  cette  circonstance; 
mais  bientôt,  ne  recevant  pas  de  nouvelles 
de  saint  Cyprien,  qui  avait  jugé  que  ce  n'é- 
tait pas  la  peine  d'écrire  à  Rome  pour  se 
mettre  en  garde  contre  des  gens  tels  que 
Fortunat  et  Félicissime,  et,  d'un  autre  côté, 
harcelé  sans  cesse  par  Félicissime,  il  montra 
un  peu  de  refroidissement  à  l'égard  du  saint 
évoque  de  Carthage,  et  lui  écrivit  une  se- 
conde lettre  qui  était  loin  de  ressembler  à  la 
première.  Alors  saint  Cyprien  écrivii,  et 
bientôt  Corneille  revint  à  ses  premiers  sen- 
timents. L'élection  de  Fortunat,  comme  évé- 
que de  Carthage,  loin  de  servir  le  schisme, 
contribua  à  l'abattre.  Ceux  qu'on  avait  rete- 
nus ju>que-là  dans  le  schisme,  en  leur  fai- 
sant espérer  que,  par  suite  d'un  accord  qui 
interviendrait,  ils  rentreraient  tous  à  la  fois 
dans  le  sein  de  l'Eglise,  virent  bien,  par  cette 
élection,  que  cet  espoir  était  [)erdu  pour  eux 
désormais.  Alors  ils  vinrent  en  foule  frapper 
à  la  porte  de  l'Eglise  qu'ils  avaient  aban- 
donnée, de  sorte  que  bientôt  Cyprien  ne  fut 
presque  plus  occupé  qu'à  examiner  la  con- 
duite de  ceux  qui  venaient  se  présenter 
à  lui  pour  être  admis  à  sa  communion. 
Ce  fut  alors,  quand  ce  schisme  fut  presque 
éteint,  que  la  persécution  s'étant  renouve- 
lée sous  Gallus,  Cyprien,  en  toute  hâte,  as- 
sembla un  concile  composé  de  quarante  et 
un  évêques.  11  était  important  de  rallier  l'ar- 
mée de  Jésus-Christ,  de  ne  pas  laisser  en  ar- 
rière les  soldats  blessés,  c'est-à-dire  tous 
ces  tombés  qui  faisaient  pénitence  publique. 
Le  concile  décida  qu'immédiatement  ils  se- 
raient admis  à  la  communion.  Saint  Cyprien 
en  écrivit  à  saint  Corneille  pour  lui  deman- 


der son  avis,  en  lui  soumettant  h  décision 
du  concile;  mais  le  saint  pape  n'eut  pas  le 
tem|)s  de  répondre,  car  la  persécution  s'é- 
tant allumée  à  Rome,  il  fut  des  premiers  ar- 
rôié,  et  confessa  généreusement  la  foi  dont 
il  était  le  |)remier  pasieur.  Sdnt  Cyprien 
l'ayant  appris,  lui  envoya  une  lettre  de  féli- 
citations, lui  témoignant  toute  la  joie  qu'il 
éprouvait  de  son  glorieux  triomj)he.  C'est 
sa  57'  lettre.  Il  exhorte  le  saint  pape,  à  qui 
il  prédit  sa  mort  prochaine,  à  s'y  préparer 
par  le  jeûne,  la  prière,  les  veilles  et  les  gé- 
missements. Il  lui  demande  qu'ils  aient  à  se 
soulager  l'un  l'autre  par  leur  charité  et  leurs 
prières  mutuelles.  Ces  deux  saints  étaient 
unis  par  une  très-grande  allection. 

Nous  possédons  encore  aujourd'hui  huit 
lettres  de  saint  Cynrien  à  saint  Corneille,  en 
outre  de  celle  de  laquelle  nous  parlons  i(;i, 
et  qui  est  une  lettre  synodale.  Il  est  certain 
qu'il  lui  en  écrivit  bien  davantage,  qui,  mal- 
heureusement, auront  été  perdues. 

Peu  de  temps  après,  le  saint  pape  Cor- 
neille fut  rais  à  mort  par  les  persécuteurs. 
Saint  Cyprien  ne  perdit  point  en  lui  un  ami, 
car  les  saints,  quand  un  ami  meurt,  au  lieu 
de  l'avoir  ici-bas,  l'ont  au  ciel.  Après  saint 
Corneille,  ce  fut  saint  Luce  qui  monta  sur  le 
trône  pontifical.  Aussitôt  après  son  élection, 
il  fut  banni  pour  la  foi,  semblable  au  soldat 
qui  marche  au  combat  aussitôt  qu'il  revêt 
l'armure.  Saint  Cyprien  fit  comme  il  faisait 
toujours.  11  lui  écrivit  une  lettre,  dans  la- 
quelle il  le  congratulait  et  lui  donnait  des 
exhortations.  Bientôt  ce  saint  pape  fut  em- 
porté par  la  persécution.  A  cette  époque, 
l'épiscopat  était  comme  un  brevet  de  mar- 
tyre. 

Saint  Etienne  fut  nommé  à  la  place  de 
Luce.  Nous  aurons  souvent  à  parler  de  ce 
pape,  car  ce  qui  s'est  nasse  entre  lui  et  saint 
Cyprien  est  une  des  plus  grandes  et  des  plus 
importantes  parties  de  leur  vie  à  tous  deux. 
Mais  avant  d'en  venir  là,  nous  devons  rap- 
porler  ce  qui  se  passa  de  calamiteux  dans 
l'empire.  Une  peste  terrible  le  ravagea  dans 
toutes  ses  parties.  Vengeance  de  Dieu  con- 
tre les  persécuteurs,  celte  peste  fut  une 
épreuve  nouvelle  qu'il  envoya  à  ses  servi- 
teurs. Après  les  horreurs  de  la  persécution, 
les  terreurs  de  la  mort  au  sein  de  la  famille 
et  dans  le  silence  du  foyer  domestique. 
Cette  peste  dura  douze  années  entières.  Elle 
fut  des  plus  terribles  dont  l'humanité  se  sou- 
vienne. Commencée  sous  Gallus,  elle  rava- 
geait encore  l'empire  après  la  prise  de  Va- 
lérien.  Elle  emporta  à  Rome  jusqu'à  cinq 
mille  personnes  dans  un  seul  jour.  Cette 
peste  prit  naissance  dans  l'Ethiopie ,  d'oii 
elle  se  répandit  par  toute  la  terre.  Ce  qu'en 
dit  saint  Grégoire  de  Nysse  est  fait  pour  ins- 
pirer une  grande  crainte  des  fléaux  de  Dieu. 
Quand  elle  commença  dans  le  Pont,  elle  était 
précédée  d'un  horrible  miracle.  Un  spectre 
apparaissa.t  dans  chaque  maison  qui  devait 
en  être  frappée;  et  quand  cet  affreux  pré- 
sage avait  passé,  rien  ne  pouvait  en  arrêter 
les  suites ,  si  ce  n'est  les  prières  de  saint 
Grégoire  Thaumaturge.  N'était-ce  point  cet 


759  CYP 

angp  extermin.''tonr  ministre  de?  col^ros  di- 
vines (ini  venait  ;unsi  frapper  de  dv-solation 
les  maisons  maudites I  Dans  le  Pont,  on  le 
voyait  ainsi,  ailleurs  on  ne  le  voyait  pas. 
Elail-il  n.');ns  présent  ?  Qui  sait?  Qui  pour- 
rait dire  si  dans  ees  jouis  de  deuil  tpd  ter- 
rilient  I  s  v.li  s  et  les  nations,  si  dans  ceux 
qui  durent  eneore  en  ce  moment  où  j'écris, 
et  où  le  choléra  nous  décime,  un  spectie  ne 
vient  pas  aussi  invisible  mais  réel,  marguer 
ses  victimes?  Que  de  niystères,  grand  dieu  ! 
dans  ce  monde  inconnu  des  esprits,  oii  nos 
sens  ne  peuvent  pénétrer,  où  nos  yeux  ne 
peuvent  [)as  voir  1  Quels  sont  les  ôires  qui 
peuplent  autour  de  nous  les  solitudes  de 
l'espaee?  Alil  si  Dieu  nous  donnait  cette  vue 
qui  découvrirait  les  esj.rils,  que  de  choses 
ne  verrions-nous  pas  1  Au  chevet  de  tel  ou 
tel  mourant,  nous  apercevrions  soit  une  li- 
gure désolée  dan3e  gardien,  priant  et  mon- 
trant le  ciel,  ou  bien  quelque  tigure  hideuse 
desjirit  infernal  grimaçant  une  horrible 
jo  e  et  montrant  au  mourant  la  route  de 
Taiiîme. 

LKgypte  fut  désolée  par  le  fléau,  l'Afri- 
que moins  fra[)pée  fut  loin  d'en  èlie exempte. 
Sain!  Cyprien  exhorta  son  troupeau  h  se 
résigner  sous  la  main  qui  le  fia 'pait,  mais 
a'issi  à  montrer  le  courage  qui  convient  à 
des  chréiens,  c'est-à-dire  le  courage  delà 
charité,  qui  ne  craint  plus  rien  quand  il  s'a- 
git de  secourir  si'S  f,  ères,  môme  ses  frères 
ennemis,  et  de  le  .r  porter  avec  les  secours 
corporels,  les  consolations  de  re>prit  et  les 
trésors  spirituels  de  l'ilme.  Lui-même  paya 
d'exemple.  Ou  le  voyait  auprès  des  |)estifé- 
rés,  accomphr  les  devoirs  qu'il  pre>crivait 
aux  autres.  Noble  exemple,  qiie  plus  tard, 
de  l'autre  côté  de  ce  rivage,  à  l'autre  bord  , 
Belzunce  imili  ra.  L'esprit  de  Dieu  ne  change 
pas  avec  les  siècles  :  la  charité  n'a  qu'une 
Voix,  «  lie  se  fait  entendre  sous  saint  Cyprien 
quan  I  la  pesle  désole  Cart'iage;  (juaUvi  elle 
viendra  tiésoler  Marseille,  les  échos  français 
lui  réjiondront. 

Tous  ces  iléaux,  au  lieu  de  faire  rentrer 
les  païens  en  eux-mêmes,  de  les  porier  àré- 
iléchir,  ne  faisaient  que  les  irriter  davantage 
et  les  exaspéra  r  contre  les  chrétiens  qu'ils 
considéraient  comme  les  auteurs  de  ces  dé- 
solations, dues,  disaient-ils  à  la  co  ère  que 
leurs  dieux  avaient  contre  ces  sectateurs 
d'une  religion  qui  détruisait  la  leur.  Quant 
aux  pestiférés,  les  païens  craignaient  telle- 
ment de  les  approcher  qu'ils  les  abandon- 
naient sans  secours  aux  angoisses  de  leur 
mal.  Ils  n'avaient  qu'un  souci,  celui  de  s'em- 
parer de  leurs  biens  (piarui  la  mort  les  avait 
glaces.  Dans  le  désordre  général  ipii  fut  causé 
par  cette  pesle  les  païens  volai(!nt,  pillaient, 
se  livraient  à  tous  les  excès  imaginables. 
Persoime  ne  réprimait  ces  désordres,  tant  la 
terreur  élait  grande.  Tout  lestait  an  j)illage, 
chacun  se  sauvant  pour  évite,  le  lléau.  i  es 
villages,  les  villes  étaient  désertes;  (p.iand  une 
maison  était  frappée,  de  deux  choses  l'une, 
ou  bien  les  habitants  jettaienl  his  malades 
delior.s,  ou  bien  ils  prenaient  la  tuile  et  les 
iLbuiido^iiiuical.  Alors  les   bngajids  qui  res- 


CYP 


710 


taient  apparaissaient  dans  la  ma'son  déso- 
lée, pires  que  ces  bêtes  féroces  ei  lAidiesqui 
guettent  la  mort  ;  ils  dépouillaien;  le  iii' u- 
rant,  ils  pillaient  sous  ses  yeux  sa  maison, 
ils  prenaient  j,,squ'aux  vêtements  et  aux 
couvertures  de  son  lit.  Avec  ces  atrocités,  il 
s'en  commettait  tl'aut'es.  Les  païens  blas- 
phémaient le  ciel,  et,  comme  nous  l'avons 
dit,  accusaient  les  chrétiens  de  tous  leurs 
maux. 

Démétrien,  gouverneur  d'Afrique  ,  élait 
celui  de  tous  qui  répandait  le  plus  ces  ca- 
lomnies contre  les  chréti<ms.  Son  auiorité 
lesaccréditait.Dureste,  persécuteur  acharné, 
il  montrait  contre  les  disciples  de  Jésus- 
Christ  une  cruauté  sans  égale,  1  'S  ciiassait 
de  leurs  maisons,  confisquait  leurs  biens, 
les  j 'tait  dans  les  cachots,  et  enlin  les  fai- 
sait mourir  au  milieu  des  [ilus  horribles 
supplices.  Nous  l'avons  nommé  gouverneur 
d'Afrique,  parce  qu'il  est  très-probable  qu'il 
l'était,  ou  du  moins  un  des  principaux  ma- 
gistrats. Peut-être  é!ait-il  simplement  asses- 
seur du  proconsul.  Ce  Démétrien  venait 
très-souvent  voir  saint  Cyprien,  mais  c'était 
])lutôt  pour  disputer  contre  lui  que  pour 
s'instruire  en  l'écoutant  ;  aussi  le  saint  ne 
voulut  jamais  consentir  à  entrer  en  confé- 
rence avec  lui.  Mais  voyant  cômbiei  ses 
propos  calomnieux  réussissaient  à  tromper 
le  public,  qui  sur  la  foi  de  ses  assertions 
croyait  les  chrétie  :s  coupables  de  tous  les 
malheurs  publics,  il  craignit  ({u'un  plus  long 
silence  de  sa  part  ne  fût  attribué  à  de  la 
faiblesse  ou  à  de  la  crainte.  Il  écrivit  à  ce 
méchant  homme  avec  une  force,  une  véhé- 
meu!  e  extraordinaire,  il  le  traite  comme  le 
dernier  des  houimes,  il  l'accable  sous  sa  pa- 
role, comme  un  homme  d'honneur  fait  à  l'é- 
gard d'un  misérable  qu'il  méprise,  et  qu'il 
veut  Uétrir,  punir,  [dutôt  que  convaincre.  A 
entendre  ce  langage,  on  dirait,  en  vérité,  que 
saint  Cyprien,  du  haut  de  sa  chaire  épisco- 
pale,  était  souverain  dans  Carthage,  et  qu'au 
liim  d'avoir  tout  à  redouter  de  celui  à  qui  il 
parlait  ainsi,  il  était  maître  de  le  traiter 
comme  bon  lui  semblait.  On  dirait,  à  l'en- 
tendre, que  Démétrien  n'avait  aucune  auto- 
rité pour  se  venger.  Et  quand  on  son^e  que 
cet  homme  pouvait  d'un  mot  faire  arrêter  le 
saint  évêcjue  et  l'envoyer  au  martyre,  on  se 
sent  pris  d'admiration  pour  l'éiuM-gie  chré- 
tienne de  ce  dernier.  On  sent  là  l'évêque,  le 
chef  des  lidèles,  ijui  ne  veut  pas  qu'o  i  in- 
sulte son  troupeau,  et  qui  le  défend  avec  le 
courage  d'une  lionne  qui  défeiul  ses  lioU' 
ceaux.  Pour  lui,  qu'iiUiiorleul  les  outrages, 
qu'importent  les  calomnies?  n'a-l-il j)as  à 
suivre,  pour  les  su|)porter,  Jésus-Christ  son 
divin  modèle?  Ahl  s'il  ne  s'agis.sait  ijuc  de 
lui,  il  se  réfugierait  dans  l'Iiumihté,  dans  la 
patience.  Mais  on  calomnie  ses  eiifants,  on 
les  insulte,  on  les  persécute,  on  les  condii  t 
aux  supplices,  on  les  fait  mourir  :  l'homme 
n'est  plus  la,  c'est  le  iirêlre,  c'est  l'évêque, 
c'est  le  dépositaire  des  Ames  (pie  Jésus- 
Christ  lui  a  conliées.  Nous  citerons  ici  deux 
fiagmenls  de  ce  remaripiable  écrit. 

«  Jusqu'ici,   Déméliicn,  j'avais  dédaii^Jié 


7  il 


CYP 


CYP 


m 


(]o  r(''MOii(lrp  aux  .sarn.(';^(vs  hlasph^mos  que 
tu  vomis  avco  tant  (rcinporUMioiil  coiitiM^  It; 
Dion  unique  cl  vér^abN;  :  il  m'avail  [)aru  il 
la  l'ois  plus  sajïo  et  plus  utile  d'oi'P'^»'^''''  '"^ 
ton  ip;noranre  le  sihînce  du  nu'^pri.s,  (pu>  de 
provoquer  par  une  rélutaliou  iiiteuipcslive 
la  fougue  insolente  d(!  to)  caractère.  L'auto- 
rité divine  (die-mêrue  a[)puyait  uia  rés()!u- 
tio'i.  Nt'  parle  point  dans  r oreille  de  Un- 
sensé,  uotis  dit-elle,  oar  il  méprisera  la  sa- 
gesse de  tes  discours.  Ri  ailleurs  :  Ne  réponds 
pas  au  fou  selon  sa  folie,  de  peur  que  tu  ne 
lui  deviennes  semblrble.  t'Apôtre  aussi  nous 
recommande  de  regarder  le  saint  du  Sei- 
gneur dans  le  sanctiiaire  de  notre  conscience, 
alin  de  ne  i)as  l'exposer  aux  [)rofanations  :  Ne 
livrez  pas  les  choses  saintes  aux  chiens,  s'é- 
crie-l-il,  ne  jetfz  pas  vos  perles  devant  les 
pourceaux,  car  ils  les  fouleraient  aux  pieds; 
et  ensuite  ils  reviendraient  sur  vous  pour 
vous  déchirer.  Comme  tes  fréquentes  visites 
avaient  pour  motif  bien  moins  te  désir  de 
t'éclairer  q  :e  le  beso  n  de  disputer;  comme 
tu  aimais  mieux  lancer  à  grand  bruit  l'im- 
précaiion  et  l'injure  que  d'écouter  patiem- 
ment mes  observations ,  il  y  aurait  eu  i.e  la 
déûience  d'essayer  de  lutter  contre  toi. 
D'ailleurs,  il  serait  plus  facile  h  la  voix  hu- 
maine d'apMser  une  mer  qui  gronde  que 
d'enchaîner  ta  rage  par  des  laisonnements. 
A  quoi  bon  présenter  la  lumière  à  des  yeux 
éteints,  le  son  h  des  oreilles  frappées  de 
surdité,  la  sagesse  à  la  brute?  Ces  considé- 
rations m'avaient  déterminé  à  garder  le 
silence,  dans  l'espoir  de  vaincre  !'<  mporte- 
Dient  par  la  patience,  puisque  mes  repré- 
sentations échouaient  contre  ton  indocilité, 
le  langage  de  la  religion  contre  ton  ibcrédu- 
lité,  la  modération  contre  le  déchaîiîement 
de  ta  fureur.  Mais  aujourd'hui  je  t'ai  en- 
tendu )ire  qu'un  concert  universel  de  plain- 
tes s'élève  contre  nous  ;  que  ces  guerres 
cruelles,  toujours  renaissantes,  ces  pestes, 
ces  famines  qui  dé^oleni  le  monde,  ces  pluies 
que  tous  refuse  un  ciel  d'airain,  l'opinion 
publique  se  plaît  à  nous  les  imputer.  L'heure 
du  silence  est  donc  passée  :  on  mettrait  sur 
le  compte  de  l'impuissance  notre  résignation, 
et,  dans  mon  dédain  pour  les  calomnies,  on 
verrait  peut-être  un  aveu.  Ainsi,  Démétrien, 
je  vais  te  répoudre,  à  toi,  et  à  tous  c  ux  que 
tu  as  soulevés  contre  nous;  car  la  contagion, 
partie  d'un  foyer  impur,  s'est  étendue  de 
proche  en  proche.  Tes  complices  se  rendront 
à  l'évidence  :  du  moins  je  l'espère.  N'est-il 
pas  juste  que  les  préventions  erronées  dis- 
paraissent devant  les  rayoïs  de  la  vérité, 

aussitôt  qu'elle  allume  son  flambeau? 

«  Mais  que  dire  du  point  principal  sur  le- 
uol  roule  notre  diti"érend?  Vous  nous  cou- 
amnez  malgré  notre  innocence,  et  vous 
vous  déchaînez  contre  les  serviteurs  du 
Christ,  pour  outrager  dans  nos  perso  mes  le 
Dieu  que  nous  adorons.  Peu  contents  de 
s  uill^r  votre  vie  p^r  de  honteux  dérégle- 
raeits,  par  des  scélératesses  sans  noud)re  et 
par  des  rapines  sanglantes,  de  renverser  la 
religion  véritable  par  de  ridicules  supersti- 
tions, entia  de  ne  chercher  ni  de  redouter 


3 


le  Seigneur,  il  faut  encore  que  vous  vous 
einportie/,  à  d'i-^jusles  i  ersé.  utiois  contre 
ceux  (pii,  le  coruiaissant,  vouent  à  sa  ma- 
jesté divine,  un  culte  digne  de  lui.  Il  ne  te 
suflil  pas,  Démétrien,  de  ne  point  honorer 
notie  Dieu,  lu  ne  veux  pas  même  ({u'on 
l'honore.  L'homme  qui  se  courbe  devant  de 
mueltes  idoles,  devant  des  siinoUn  res  taillés 
de  ses  mains,  que  dis-je!  quiconque  se  pros- 
terne (levant  des  monstres  impurs,  tu  l'as 
nour  ami,  ta  haine  ne  s'appesantit  que  sur 
le  serviteur  du  vrai  Dieu  :  des  bûchers, 
chargés  de  victimes,  fument  partout  dans 
vos  temples,  et  le  vrai  Dieu  n'a  pas  d'autels, 
ou  bien  il  n'en  a  qu'en  secret  !  le  crocodile, 
le  cynocéphale,  le  serpent,  la  pierre  elle- 
même,  tout  est  dieu;  le  Dieu  véritable,  seul, 
ne  le  sera  j)as,  ou  ne  pourra  ô|re  adoré  im- 
punément. A  l'innocence,  li  la  justice,  à 
l'objet  des  divines  aifections,  les  ciraînes,  les 
S()oiiations,  les  cachots,  le  fer  homicide,  les 
bêtes  sauvages,  les  flammes  dévorantes!  Des 
douleurs  isolées,  une  mort  simple  et  rapide, 
ne  sauraient  rassasier  ta  haine  :  il  te  faut  de 
longues  tortures,  pour  déchirer  nos  corps, 
des  supplices  variés  pour  nous  mettre  en 
lambeaux,  et,  \  our  mieux  te  repaitre  de  nos 
soullVances,  ta  cruauté  ingénieuse  invente 
des  châtiments  inconnus.  Quelle  est  donc 
cette  fantaisie  de  bourreau,  cette  soif  inex- 
tinguible de  noire  sang?  Choisis  une  fois 
pour  toutes  dans  cette  alternative  :  ou  la 
pro  ession  du  christianisme  est  un  crime, 
ou  elle  ne  l'est  pas  :  si  elle  est  un  crime, 
frappe  sur-le-champ  le  coupable  qui  se  dé- 
clare ;  si  elle  ne  1  est  pas,  pourquoi  con- 
damner l'innocent  ?  A  quoi  bon  la  question, 
quand  j'avoue  le  fait?  Si  la  pusillanimité 
m'avait  décidé  à  cacher  par  un  mensonge 
mon  attachement  à  ma  religion  et  mon  mé- 
pris pour  vos  dieux,  à  la  bonne  heure!  Je 
concevrais  les  tortures  pour  me  contraindre 
h  des  aveux.  Ainsi,  dans  l'uiformation  judi- 
ciaire ,  la  douleur  accusatrice  arrache  au 
coupable  des  révélations  que  la  bouche  eût 
toujours  refusées  sans  l'aiguillon  de  la  souf- 
france; mais  moi,  quand  je  crie  le  premier, 
et  à  haute  voix  :  Je  suis  chrétien!  encore  un 
coup  à  quoi  bon  la  torture?  Ne  suis-je  plus 
le  même  homme  qui  a  renversé  tes  idoles, 
non  fas  timidement,  avec  mystère,  loin  de 
tout  témoin,  mais  au  grand  jour,  mais  sur 
la  place  publique,  mais  en  présence  des 
chefs  et  des  magistrats?  A  tes  premiers  mo- 
tifs de  ressentiments,  n'ai-jepas  voulu  ajou- 
ter un  crime  plus  impanionnable  encore, 
le  crime  d  avoir  confondu  le  paganisine  et 
ses  dieux  par  une  éclatante  prédication,  en 
me  déclarant  chrétien  dans  la  partie  de  la 
ville  la  plus  fréquentée,  au  milieu  d'un  im- 
mense concours  de  peuple.'  pourquoi  s'atta- 
quer à  un  co.  f)s  débile?  Pourquoi  lutter  con- 
tre une  chaire  périssable  ?  Viens  engager  le 
combat  contre  la  vigueur  de  mon  âme  :  brise 
l'énergie  de  mon  courage,  bats  en  ruine  ma 
foi,  et  renverse-la,  si  tu  le  peux ,  par  le  rai- 
sonnement et  la  discussion;  ou,  si  tes  dieux 
ont  quelque  puissance,  qu'ils  se  lèvent  et  so 
vengent?  Que  leurmajesté  les  défende.  Rîait 


745 


CYP 


que  pourraient-ils  pour  leurs  adorateurs , 
quand  ils  sont  impuissants  contre  leurs 
contempteurs?  Si  le  protecteur  est  plus  fort 
que  son  protégé,  tu  es  par  cela  môme  supé- 
rieur h  tes  dieux.  Alors  cliangez  de  rôle  :  à 
eux  de  t'adorer,  h  eux  de  trembler  devant 
leur  maître?  Misérables  captifs,  qu'il  faut  in- 
cessamment défendre  si  l'on  ne  veut  pas 
qu'ils  périssent  ;  ils  ont  besoin  de  ton  bras 
pour  venger  leurs  atfronls.  Rougis  donc 
d'adorer  des  idoles,  qui  ne  sont  rien  que 
par  toi  ;  rougis  d'attendre  quelque  protec- 
tion de  tes  stupides  protégés.  »  fBelouino, 
Histoire  des  persécutions  de  l'Eglise  catholi- 
que, tom.  II,  p.  201.) 

Saint  Cyprien  composa  son  livre  intitulé  : 
De  In  Mortalité,  pour  engager  les  chrétiens  à 
supporter  avec  courage,  les  pertes  doulou- 
reuses qu'ils  faisaient  par  les  ravages  de  la 
peste.  Peu  de  temps  après,  les  barbares  ayant 
profité  de  l'état  de  désolation  dans  lequel  se 
trouvait  l'empire,  firent  une  incursion  dans 
la  province  d'Afrique,  et  emmenèrent  pri- 
sonniers beaucoup  de  chrétiens.  Les  évo- 
ques l'écrivirent  à  saint  Cyprien,  qui  en- 
gagea les  fidèles  de  Carthage  à  venir  au  se- 
cours de  leurs  frères  captifs.  Il  envoya  pour 
la  rançon  des  prisonniers  une  somme  qu'on 
peut  évaluer  à  25,000  francs  de  notre  mon- 
naie. 

Ce  fut  à  cette  époque,  en  253,  que  Valé- 
rien  monta  sur  le  trône  à  la  place  de  Gallus. 
On  sait  que  d'abord  ce  nouvel  empereur  se 
montra  extrêmement  favorable  aux  chré- 
tiens. Aucun  de  ses  prédécesseurs  ne  l'avait 
été  davantage  (  ici  nous  ne  comptons  pas 
Emilien  ).  Mais  bientôt,  un  grand  change- 
ment s'opéra  dans  les  dispositions  de  son 
cœur,  et  il  devint  un  des  |)lus  cruels  persé- 
cuteurs de  l'Eglise.  (Voy.  son  article.)  C'est 
ici  qu'il  faut  placer  I  ail'aire  de  Marcien.  11 
était  évoque  des  Gaules,  et  occupait  le  siège 
d'Arles.  Partisan  de  l'hérésie  de  Novatien,  il 
avait  eu  la  cruauté  de  refuser  à  plusieurs 
tombés  la  communion  à  l'article  de  la  mort. 
Il  se  vantait  môme  de  cette  indigne  con- 
duite. Quelques  évoques  en  écrivirent  au 
pape  Etienne;  mais  ce  pape  ne  se  hâtant 
pas  de  donner  une  solution  à  celte  affaire, 
ils  écrivirent  h  saint  Cy()rieii,  pour  que  son 
zèle  stimulât  celui  d'Etienne.  Le  saint  évo- 
que de  Cartha.^e  ne  faillit  pas  h  ce  devoir. 
11  écrivit  à  Elienne  pour  (ju'il  déposAt  M.ir- 
cien,  le  piiant  de  lui  faire  savoir  qui  serait 
nommé  évoque  d'Arles  à  sa  place,  a(in  qu'il 
sût  <t  qui  recommander  les  lidèles  qui  se  ren- 
draient dans  celle  ville.  Après  celte  adaii-f!, 
vint  celle  de  Jiasilide  et  de  Maiti.il,  évôipies 
d'Ivsfiagne,  le  ()i'emier  de  Mérida,  h^  second 
de  Léon  et  d'Aslorga.  Tous  deux  s'étaient 
rendus  coupables  du  crime  des  libellaliques  ; 
c'esl-à-iiire  qu'ils  avaiinit  donné  ou  reeu  un 
bill't  alleslanl  qu'ils  av.iienl  sacrifie,  inen 
qu'ils  ne  l'eussfMil  pas  fait.  Ç'.ivail  été  un 
grand  scandah.'daris  rJiglised'Lspagne.  Après 
l'-s  orages  de  la  persécution,  les  évô(pies 
av.ii(;-il  évoqué  cette  scandaleu.>(!  allaire. 
M'iitial  avait  étédéposé  dans  nn  cnncihî. 
liabilide,  uni  craignait  le  même  sort,  se  réduit 


CTP  7^4 

à  Rome,  oii,  à  force  d'obsessions,  de  men- 
songes et  d'astuce,  il  parvint  à  surnrendre 
la  bonne  foi  du  pape  Etienne,  qui  le  reçut 
comme  évoque  h  sa  communion,  et  qui  lui 
donna  des  lettres  de  recommandation  pour 
les  évoques  d'Lspagne.  Martial,  se  larguant 
de  cela,  voulait  aussi  reprendre  son  rang. 
Les  églises  de  Mérida  et  de  Léon,  les  évo- 
ques de  l'Espagne  en  écrivirent  à  saint 
Etienne  et  à  saint  Cyprien,  réclamant  contre 
la  décision  du  pape  qui  avait  été  surpris. 
Un  comité  tenu  h  Carthage  maintint  la  dé- 
chéance des  deux  évoques,  prono:  çant  avec 
raison,  que  quant  à  Basilide,  le  fait  davoir 
trompé  le  pape  ajoutait  à  ses  autres  crimes, 
et  le  rendait  encore  moins  digne  d'indul- 
gence. Saint  Cypiien  composa  h.  |)eu  près  à 
cette  époque  son  écrit  conire  Novatien.  11 
est  plein  de  doctrine,  d'éloquence,  en  un  mot 
parfiîitemeiit  digne  de  saint  Cyprien. 

Maintenant  il  ne  nous  reste  plus  à  parler, 
avant  d'arriver  au  martyre  du  saint  évoque, 
que  de  la  fameuse  dispute  qui  surgit  dans 
l'Eglise  à  propos  du  baptême  administré  par 
les  hérétiques.  Cette  dispute  ne  commença 
tout  au  plus  qu'à  la  fin  de  l'année  253.  Saint 
Cyprien  soutenait  avec  Firmilien  et  beaucoup 
d'autres  évoques,  que  tout  baptême  donné 
hors  de  l'Eglise  catholique  était  nul,  et  que, 
par  conséquent,  tout  individu  qui,  baptisé 
par  les  hérétiques,  se  convertissait  à  la  foi 
catholique,  était  obligé  de  recevoir  un  second 
baptême.  Toute  son  erreur  venait  donc  de 
ce  qu'il  confondait  l'effet  et  la  grâce  du  sa- 
crement, avec  le  sacrement  lui-même.  Saint 
Etienne,  son  principal  adversaire,  prétendait 
avec  la  tradition  de  l'Eglise  que  quand  le 
baptême  était  administré  par  des  hérétiques 
observant  pour  son  administration  la  même 
forme  que  l'Eglise  catholique  et  baptisant  au 
nom  des  trois  personnes  de  la  très-sainte 
Trinité,  il  était  valable-  Agrippin,  évoque  de 
Carthage  et  l'un  des  prédécesseurs  de  saint 
Cyprien,  suivait  l'opinion  des  rebaptisants  : 
on  prétend  même,  avec  assez  de  fondement, 
que  ce  fut  lui  qui  commença  à  pratiquer  la 
rebaptisation  ;  un  concile  qu'il  avait  assem- 
blé et  qui  était  composé  d'un  assez  grand 
nombre  d'évôques,  avait  décidé  dans  le  môme 
sens.  En  Cappad'occ  on  avait  fait  la  môme 
chose.  En  Gallicie,  en  Cilicie,  on  suivait 
aussi  la  même  chose.  Des  évoques  de  Nu- 
midie  ayant  consulté  saint  Cy|)rien  sur  lo 
baptême  des  hérétiques,  il  assembla  deux 
conciles  pour  juger  cette  question.  Ces  d(iux 
conciles  résolurent  la  question  dans  le  sens 
des  opinions  de  saint  Cyprien.  Il  en  écrivit 
au  pape  saint  Eticiiîie  pour  lui  communi- 
quer les  dt'cisions,  et  ensuite  envoya  sa  let 
tre  h  Jubaien.  Saint  Etienne  répondit  en 
maintenant  la  traditidU  de  l'Eglise,  en  éta- 
blissant la  suprématie  de  son  sié.,e,  el  l'au 
torité  (pi'il  avait  en  (|ualilé  de  succes>eur 
de  saint  Pierre.  Il  usa  de  conuiiaiuloment  el 
de  menaces  envers  saint  «'.yprien,  i)Oiir  le 
forcer  i^  cpiilterson  sentiment,  déclarant  que 
reux  qui  rebaptiseiviienl  seiaicnil  chassés  de 
ri';.:,lise.  Saint  l'itieniie  avait  rais(Ui,  mais  il 
élail  dans  cotte  uU'airo  trou  raido   cl    Iror 


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ne 


prompt;  car  enfui,  la  vérité  qu'il  défondait 
n'était  jws  encore  établie  avec  ce  caraclôre 
d'incontestabilité  qui  fait  que  personne  n'a 
le  droit  de  la  discuter.  Puis  il  était  permis 
de  contester  son  opinion  personnelle,  puis- 
que aucune  décision  de  concile  n'était  venue 
sur  ce  point  établir  la  règle.  Saint  Cyprien 
en  fut  trés-clioqué,  il  eût  voulu  que,  dans 
une  question  si  délicate,  tout  le  monde  eût 
agi  avec  modération  et  avec  charité.  Le  pape 
l'avait  traité  de  faux  Christ,  faux  apôtre, 
d'ouvrier  trompeur  et  inlidôle.  La  dispute 
alla  excessivement  loin.  Le  pape  Etienne 
montra  cependant  assez  de  douceur  pour  no 
pas  mettre  à  exécution  les  menaces  qu'il  avait 
laites,  et  l'unité  de  l'Eglise  ne  fut  pas  partagée. 

Saint  Cyprien,  qui  ne  se  rendait  |)as  aux 
raisons  et  aux  injonctions  du  pape  Etienne, 
assembla  à  Carthage  un  concile  pour  élucider 
la  question.  Ce  concile  fut  nonnné,  compara- 
tivement aux  autres  assemblés  par  saint 
Cyprien,  le  grand  concile  de  Carthage.  Il  dé- 
cida la  question  dans  le  sens  des  opinions  que 
soutenait  saint  Cyprien,  mais  il  décida  aussi 
qu'il  n'entendait  encore  forcer  personne  à 
adopter  telle  ou  telle  opinion.  Après  ce  con- 
cile, des  députés  furent  envoyés  par  les  évo- 
ques d'Afrique  à  saint  Etienne,  qui,  non- 
seulement  refusa  de  les  recevoir  ,  mais 
ordonna  aux  fidèles  de  leur  refuser  l'hospi- 
talité et  le  couvert.  Quelques-uns  ont  pensé 
qu'après  cela  saint  Etienne  excommunia 
saint  Cyprien  et  saint  Firmilien;  mais  c'est 
sans  preuves  suffisantes.  Saint  Etienne  infor- 
mait les  évèques  de  la  chrétienté  de  la  con- 
duite qu'il  tenait  dans  cette  affaire  ;  saint 
Cyprien  en  faisait  autant. 
r  Nous  passons  ici  une  partie  des  détails  de 
cette  grave  affaire,  faits  plutôt  pour  être 
rapportés  dans  une  histoire  de  l'Eglise  que 
dans  un  Dictionnaire  des  persécutions.  La 
dispute  durait  encore  après  la  mort  d'E- 
tienne sous  le  pape  saint  Sixte;  et  saint 
Denis  d'Alexandrie,  qui  s'était  posé  comme 
médiateur  auprès  du  premier,  fit  la  même 
chose  près  du  second.  Saint  Cyprien  se  ré- 
tracta-l-il?  Saint  Augustin  laisse  cette  ques- 
tion dans  le  doute.  Mais  il  semble  avéré, 
d'après  l'histoire,  que  peu  à  peu  fous  les 
évoques  d'Afrique,  qui  avaient  été  d'avis  de 
rebaptiser,  changèrent  peu  à  peu  de  senti- 
ment, se  rétractèrent  et  rendirent  même  une 
décision  contraire  à  celle  qui  était  émanée 
d'eux  d'abord.  Saint  Augustin  dit  que  cette 
querelle  touchant  le  baptême  fut  enfin  ter- 
minée par  un  concile  général  tenu  avant  sa 
naissance  à  lui,  où  la  difficulté  fut  discutée 
et  examinée  avec  soin.  Il  est  certain  que  ce 
concile  eut  lieu,  puisque  saint  Augustin  l'af- 
firme, mais  il  ne  nous  en  reste  rien.  Celui 
de  Nicée  est  venu  décider  dans  le  même 
sens  que  lui,  et  décréter  que  non-seulement 
le  baptême,  mais  encore  l'ordination  donnés 
par  les  novatiens  étaient  valables. 

Quand  la  persécution  de  Valérien  vint  af- 
fliger l'Eglise,  saint  Cyprien  composa  un 
discours  en  grande  partie  tiré  de  l'Ecriture, 
pour  animer  et  encourager  les  soldats  de 
Jésus-Christ  à  ce  nouveau  combat.  Il  fit 
DicTioNN.  oiis  Persécutions.  I. 


aussi  de  fréquentes  (exhortations  dans  le 
même  but.  Mais  le  temps  arrivait  où  lui- 
même  devait  payer  de  sa  personne,  où,  après 
avoir  encouragé  les  autres  par  ses  écrits  et 
par  ses  discours,  il  devait  encore  les  édifier 
par  son  exemple.  Ce  fut  le  30  août  de  l'an 
257  qu'il  fut  conduit  devant  le  proconsul 
d'Afrique ,  nommé  Aspasius  Paternus.  Ici 
nous  citerons  ce  que  nous  avons  des  Actes 
de  saint  Cyprien;  jiour  les  faire  conconler 
avec  l'époque  à  laquelle  nous  sommes  arri- 
vés, il  faudrait  ne  transcrire  que  la  seconde 
confession  de  saint  Cyprien  ;  mais  nous  te- 
nons à  donner  entièrement  ce  document 
précieux,  d'autant  mieux  qu'il  est  fort  court. 
Ce  sera  à  l'intelligence  du  lecteur  h  suppri- 
mer mentalement  la  première  partie  de  ces 
Actes,  s'il  veut  les  faire  servir  à  compléter 
avec  tout  ce  que  nous  venons  d'écrire  une 
histoire  suivie. 

Actes  proconsulaires  de  saint  Cyprien,  évéque 
de  Carthage  et  martyr. 
Sous  le  quatrième  consulat  de  l'empereur 
Valérien,  et  sous  le  troisième  de  Gallien  son 
collègue  à  l'empire,  le  3  des  calendes  de 
septembre  (1),  à  Carthage,  dans  la  chambre 
d'audience  du  proconsul,  Paternus,  procon- 
sul d'Afrique,  dit  à  l'évêque  Cyprien  :  Nos 
très-religieux  empereurs  Valérien  et  Gallien 
m'ont  fait  l'honneur  de  m'écrire  que  leur  in- 
tention est  que  tous  ceux  qui  ne  font  pas 
profession  de  la  religion  des  Romains  aient 
à  l'embrasser  sans  délai,  avec  tous  ses  usages 
et  toutes  ses  cérémonies.  Je  vous  ai  donc  fait 
venir  pour  vous  faire  rendre  raison  de  votre 
créance,  et  pour  savoir  de  vous  ce  que  vous 
avez  à  dire  touchant  ces  ordres  de  nos  prin- 
ces. L'évêque  Cyprien  répondit  :  Je  suis 
chrétien  et  évêque  ,  je  ne  connais  point 
d'autre  dieu  qu'un  Dieu  seul,  qui  a  fait  le 
ciel  et  la  terre  ;  c'est  ce  Dieu  que  nous  autres 
chrétiens  adorons;  c'est  à  lui  que  nous  adres- 
sons nos  prières,  pour  nous  et  pour  tous  les 
peuples,  mais  particulièrement  pour  la  con- 
servation des  empereurs.  Le  proconsul  Pa- 
ternus dit  :  Persistez-vous  dans  cette  décla- 
ration? L'évêque  Cypiien  répondit  :  Quand 
la  volonté  est  droite,  et  que  Dieu  la  conduit, 
elle  ne  peut  changer.  Le  proconsul  Paternus 
dit  :  Vous  pouvez  donc  vous  disposer  à  par- 
tir incessamment  pour  Curube,  c'est  le  lieu 
que  les  empereurs  nous  ont  marqué  pour 
votre  exil.  L'évêque  Cyprien  répondit  :  Je 
suis  tout  prêt  à  partir.  Le  proconsul  Pater- 
nus dit  :  Les  ordres  que  j'ai  reçus  ne  con- 
cernent pas  seulement  les  évêques,  mais  aussi 
les  prêtres  de  la  province  :  donnez- m'en 
donc  la  liste.  L'évêque  Cyprien  répondit  : 
Vos  lois  punissent  les  délateurs,  et  avec  jus- 
tice, et  vous  voulez  que  je  le  devienne  en 
vous  donnant  les  noms  et  la  demeure  des 
prêtres  ;  Vous  pouvez  en  faire  la  recherche, 
il  y  en  a  dans  toutes  les  villes  circonvoisines. 
Le  proconsul  Paternus  dit  :  Je  commencerai 
à  la  faire  dès  aujoutd'hui  dans  cette  ville. 
L'évêque  Cyprien  répondit  :  Vous  savez  que 
le  droit  naturel  et  le  droit  écrit  défendent  de 


(l)  Le  50  août. 


24 


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s'accuser  soi-même,  et  vous  ne  pourriez  vous 
empêcher  de  l'impiouver  ;  vous  ne  devez 
donc  pas  exiger  d'eux  qu'ils  viennent  se  li- 
vrer entre  vos  mains.  Mais,  comme  je  vous 
l'ai  déjà  dit,  si  vous  en  faites  quelque  per- 
quisition, il  ne  sera  pas  dillicile  de  les  décou- 
vrir. Le  proconsul  Paternus  dit  :  Oui ,  je 
donnerai  ordre  qu'on  la  fasse,  et  fort  exacte. 
£t  il  ajouta  :  Les  très-rdigieux  empereurs 
ont  aussi  défendu  toutes  assemblées  clan- 
destines, soit  dans  des  maisons  particulières, 
soit  dans  les  cimetières  et  les  catacoml)es.  Il 
y  a  des  peines  rigoureuses  pour  ceux  qui 
contreviendront  à  ce  règlement.  L'évèque 
Cyprien  répondit  :  Vous  avez  vos  ordres, 
c'est  à  vous  de  les  suivre. 

Ainsi  le  bienheureux  Cyprien  fut  envoyé 
en  exil.  Il  y  demeura  jusqu'à  ce  que  Galère- 
Maxime  ayant  succédé  à  Paternus  dans  la 
charge  de  proconsul,  ce  nouveau  magistrat 
rappela  le  saint  évoque.  Il  se  retira  dans  un 
jardin  qu'il  avait  à  un  faubourg  de  Carthage. 
Ce  fut  dans  celte  paisible  retraite  que,  sous 
le  consulat  de  Fuscus  et  de  Bassus,  il  vit 
arriver  un  jour  (1)  deux  officiers  du  procon- 
sul (2),  qui  le  firent  monter  dans  un  chariot, 
et  le  conduisirent  à  une  maison  de  campagne 
peu  éloignée  de  la  ville,  où  le  proconsul 
était  venu  passer  quelque  temps  pour  y  réta- 
blir sa  santé,  l'air  y  étant  fort  sain.  Il  remit 
à  quelques  jours  de  là  l'interrogatoire  de  Cy- 
prien, qui  cependant  alla  attendre  les  ordres 
du  proconsul  chez  son  premier  écuyer,  qui 
lui  donna  un  appartement.  Cet  officier  était 
logé  dans  le  bourg  de  Saturne,  entre  Véné- 
ria  et  Salutaria.  Tous  les  frères  y  accouraient 
chaque  jour  en  grand  nom!)re,  pour  voir 
leur  évoque;  plusieurs  jeunes  filles  y  étant 
aussi  venues  de  Carthage  et  des  environs, 
comme  elles  étaient  obligées  de  passer  la 
nuit  à  la  porte  de  son  logis,  il  donna  ordre 
qu'on  eût  soin  qu'il  ne  s'y  passût  rien  d'in- 
aéeeut 

Le  18  des  calendes  d'octobre ,  le  pro- 
consul Galère,  séant  sur  son  tribunal  (3), 
se  fit  amener  Cyprien.  Le  proconsul  Galère 
lui  dit  :  N'ôtes-vous  pas  Thascius  Cyprien? 
L'évoque  Cyprien  répondit  :  Oui,  je  le  suis. 
Le  proconsul  Galère  dit  •  N'est-ce  pas  vous 
qui  êtes  l'évoque  des  chiéliens,  de  ces  hom- 
mes impies  et  sacrilèges  ?  L'évèque  Cyprien 
ré[)ondit  :  Oui,  c'est  moi.  Le  proconsul  Ga- 
lère dit  :  Les  très-religieux  emueroursveulent 
et  entendent  que  vous  sacriliiez  aux  dieux. 
L'évèque  Cyprien  répondit  :  Je  ne  lo  puis. 
Le  proconsul  Galère  dit  :  Prenez  conseil. 
L'évèque  Cyprien  répondit  :  Faites  ce  qui 
vûu>  est  ordonné  :  dans  une  chose  juste  lo 
conseil  est  bientôt  [)ris. 

L(i  proconsul  (ialère,  ayant  été  aux  avis, 
paria  ainsi  h  Cyprien  :  Il  y  a  longtemps 
qu'on  vous  accuse  do  vivre  sans  religion  et 
sans  piété,  et  d'avoir  séduit  f)lusieurs  per- 
sonnes, à  qui  vous  avez  insjiiré  les  maximes 
iuipies   do  votre  superstition.  On  suit  (juc 


\'4 


1)  Aux  ides  de  SepUMiil»re. 

2)  Slralor  cl  Equislrutor 
<5)  Nointnc  Sanciolnm. 


VOUS  faites  vanité  d'insulier  aux  dieux  et  de 
mépriser  les  lois  de  l'empire;  et  quelques 
soins  obligeants  qu'aient  daigné  ijreiidre  lés 
illustres  princes  Valérien  et  Gallien,  et  lo 
très-illustre  César  Valérien,  pour  vous  en- 
gager par  douceur  à  ne  reconnaître  point 
d'autres  dieux  que  ceux  qu'ils  adorent,  ils 
n'ont  jamais  pu  obtenir  cela  de  vous.  Ainsi, 
étant  convaincu  comme  vous  l'êtes  des  cri- 
mes les  plus  noirs,  que  vous  ne  vous  êtes 
pas  contenté  de  commettre  seul,  mais  que 
vous  avez  encore  enseignés  à  une  inlinité 
d'autres,  il  faut  que  votre  mort  serve  ou  à 
rappeler  à  leur  devoir  ceux  que  vous  avez 
rendus  les  complices  de  tant  de  forfaits,  ou 
du  moins  à  les  intimider;  et  il  est  juste  que 
votre  sang  rétablisse  Je  bon  ordre  que  vous 
avez  troublé  par  vos  discours,  et  l'obéissance 
aux  lois  que  vous  avez  détruite  par  vos 
exemples.  Prenant  ensuite  des  tablettes,  il 
écrivit  cette  sentence,  qu'il  lut  à  haute  voix  : 
«  Nous  condamnons  le  nommé  Thascius  Cy- 
«  prien  à  perdre  la  têlC;  »  L'évèque  Cyprien 
répondit':  Dieu  soit  béni  ! 

Dès  que  les  fidèles  eurent  entendu  pro- 
noncer ce  jugement  contre  leur  saint  évêque, 
ils  se  disaient  les  uns  aux  autres  :  Allons, 
et  qu'on  nous  fasse  mourir  avec  lui.  Il  y  en 
eut  môme  un  très-grand  nombre  qui  le  sui- 
vit au  lieu  où  il  devait  être  exécuté.  Cyprien 
y  étant  arrivé,  il  ôta  son  manteau  (1),  mit  les 
genoux  en  terre,  et  pria  quelque  temps.  Il  se 
dépouilla  ensuite  de  sa  dalmatique ,  qu'il 
donna  à  quelques  diacres  qui  l'avaient  ac- 
compagné, et  il  ne  garda  qu'une  simple  tu- 
nique de  lin.  L'exécuteur  étant  arrivé,  il  lui 
fit  donner  vingt-cinq  pièces  d'or.  Cependant 
les  frères  jetaient  d.s  linges  autour  du  saint 
martyr  (2).  Pour  lui,  après  que  Julien  prêtre 
et  Julien  sous-diacre  lui  eurent  lié  les  mains 
par  son  ordre,  il  les  porte  sur  ses  yeux,  et 
reçut  en  cet  état  le  coup  qui  mit  fin  à  sa  vie. 
Son  cor[)s,  que  les  frères  accompagnèrent 
portant  des  flambeaux  de  cire  et  chantant 
des  hymnes,  fut  enterré  dans  un  champ  ap- 
partenant à  Macrobe  Candide,  intendant  de  la 
province,  le  long  du  chemin  de  Maj)palle. 
Galère  Maxime  ne  lui  survécut  que  quelques 
jours. 

Saint  Cyprien  souffrit  le  dix-huit  des  ca- 
lendes d'octobre.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
IG  septembre. 

CYPUIFN  (saint) ,  l'un  des  gardes  de  la 
prison  do  saint  Censorin  ou  Censorinus, 
sous  Claude  II  le  Gothique  ,  fut  converti 
à  la  loi  chi'étienne  par  lo  ])rêtre  saint 
Maxime ,  avec  les  autr(>s  gardes  de  la  pri- 
son, lesquels  étaient  Félix,  Maxime,  Faus- 
tin  ,  Hercîulaii  ,  Nurnôre,  Slniacinns,  Mène, 
C(nnmode,  Herne,  Maur,  Fusèbe,  Rustique, 
Ainandinus,  Monaere,  Olynijie,  Cy|iricn  et 
'i'héodoie.  l*onf  voir  leur  histoire,  recourez 
à  l'aiticle  ]\lAnTïus  d'Ostiic.  Ces  saints  no 
sont  |)as  nommés  dans  le  Martyrologe  ro- 
romain. 

CYPUIEN  (saint),  fut  martyrisé  à  Corinthe 

(Ij  De  coiiloiir  hruiio. 

(%)  l*our  r*>(.u  illii  .^uii  sang. 


m 


CYP 


CYR 


Î80 


durant  la  persécution  de  Dôce  sous  le  prési- 
dent J.ison,  avec  les  saints  Codrat,  D(ïnys, 
Ariect,  Paul  et  Crescent.  L'Eyliso  lait  leur 
fôlo  le  10  mars. 

CYPRIKN  (saint),  dit  le  Magicien,  habitait 
une  petite  ville  nommée  Anlioche,  entre  la 
Syri(>  el  l'Arabie,  et  dépendant  du  j^ouverne- 
ment  de  Pliénieie.  Ses  parents,  païens  et  trôs- 
su|)erstilieux,l'avaientlail  élever  dans  la  pi'a- 
que  dos  mystères  du  paganisme,  ainsi  cpie 
dans  la  science  de  la  magie.  La  magie  est 
considérée  comme  une  science  chez  tous  les 
peujjles  ignorants  et  barbares.  Sa  puiss;incc 
n'est  })as  en  elle-même  ,  miis  dans  la  stupi- 
dité, dans  la  niaiserie  du  public.  Pour  acqué- 
rir plus  de  connaissance  dans  celte  préten- 
due science,  il  parcourut  successivement  la 
Grèce,  l'Egypte,  la  Chaldée  et  les  Indes.  Il 
était  devenu  1  un  des  ennemis  les  plus  achar- 
nés de  la  religion  chrétienne,  blasphémant 
sans  cesse  le  nom  de  Jésus-Chiist.  On  pré- 
tend qu'il  égorgea  plusieurs  enianls,  pour 
chercher  dans  leurs  entrailles  j)al[)itantes 
les  secrets  de  son  art.  Dans  cotte  ville  d'An- 
tioche  qu'il  habitait  ,  une  jeune  fille  de 
haute  naissance,  nommée  Justine,  était 
d'une  bcauîé  remarquable.  Depuis  peu  elle 
s'était  convertie  au  christianisme,  et  sa  con- 
version avait  amené  celle  de  ses  parents. 
Un  jeune  homaie,  qui  avait  le  malheur  d'ê- 
tre encore  païen,  brûlait  jiour  elle  d'un  vio- 
lent amour  ;  mais  c'était  en  vain  qu'il  avait 
voulu  toucher  le  cœur  ae  la  jeune  vierge. 
Désespérant  de  réussir,  il  pria  Cyprien  de 
venir  à  son  secours  à  l'aide  de  son  art.  Cy[)rien 
consentit;  mais  bientôt  il  devint  lui-même 
éperdûment  amoureux  de  cette  jeune  tUle. 
Il  mil  tout  en  œuvre  pour  réussir  lui-même 
aupiès  d'elle.  Cyprien,  qui  avait  foi  dans  son 
art,  se  voyant,  disent  ses  actes,  vaincu  par 
un  pouvoir  supérieur  à  celui  qu'il  invo- 
quait, résolut  d'abandonner  le  culte  de  ses 
dieux  el  d'adorer  celui  des  chrétiens.  Il  vint 
trouver  un  prêtre  nommé  Eusèbe,  que  de- 
puis longtemps  il  connaissait.  Eusèbe  le  con- 
duisit le  dimanche  suivant  à  l'assemblée  des 
fidèles.  Cyprien  fut  vivement  frap[)é  de  l'air 
de  recueillement  et  de  respect  qui  pai  aissait 
dans  les  adorateurs  du  vrai  Dieu.  De  leur 
côté  les  chrétiens  furent  très-surpris  devoir 
qu'Eusèbe  leur  amenait  Cyprien  générale- 
ment connu  et  presque  redouté.  L'évoque 
lui-même  avait  peine  à  retenir  sa  surprise. 
Il  ne  croyait  pas  que  la  conversion  de  Cv- 
prien  dût  être  sincère.  Ce  dernier  dissi|>ases 
doutes  en  brûlant  devant  lui  tous  ses  Hvres 
de  magie,  en  donnant  tous  ses  biens  aux 
pauvres  et  en  se  mettant  au  nombre  des  ca- 
téchumènes. Quand  il  eut  été  conven.Hble- 
menl  iistruit,  il  fut  baptisé  par  l'évoque 
lui-même.  Le  jeune  homme  qui  avait  voulu 
Temployï  r  pour  toucher  le  cœur  de  Justine 
se  convertit  aussi.  Justine,  heureuse  d'avoir 
été  vis-à-vis  de  ces  deux  hommes  l'inslru- 
ment  des  miséricordes  divines,  se  coupa  les 
;  cheveux  en  signe  du  sacrifice  qu'elle  faisait 
à  Dieu  de  sa  virginité,  et  distribua  aux  pau- 
vres tout  ce  qu'elle  possédait.  Cyprien  de- 
idûanda  un  des  emplois  les  plus  minimes  de 


l'église.  On  lo  nomma  |)ortier.  Quelque 
temps  après  il  fut  ordonné  ))iêtre,  et  bientôt 
j)iomn  à  l'épiscopal,  l'évêipu;  Anihime  étant 
mort.  La  ])erséculion  de  Dioclélien  s'étant 
allumée,  Cyprien  fut  arrêté  et  conduit  de- 
vant le  gouverneur  de  Phénicie,  à  Tyr,  ainsi 
(jue  sainte  Justine.  La  sainte  fut  cruellement 
llagellée.  Cyprien  fut  déchiré  avec  les  ongles 
de  fer.  Tous  deux  furent  ensuite  menés  à 
Nicomédie,  où  se  trouvait  Dioclélien.  Dès 
que  ce  prince  eut  pris  connaissance  de  la 
lettre  du  gouverneur  de  Phénicie,  il  con- 
damna les  deux  saints  à  être  décapités.  La 
sentence  fut  exécutée  sur  les  bords  d'un 
lleuvcï  nommé  Gallus,  en  l'an  de  Jésus-Christ 
SOV.  Un  chrétien  nommé  Théocliste  fut  déca- 
pité aussi  i)Our  avoir  parlé  h  Cyprien  pen- 
dant qu'on  le  menait  au  su[)plice.  Des  cnré- 
tiens  de  Rome  em()Oi  tèrenl  les  relicjues  des 
deuv  saints  dans  cette  ville.  Elles  sont 
maiiitenant  dans  la  basilique  de  Latran. 
L'Eglise  fait  la  fête  de  ces  saints  le  2G  sep- 
tendjre. 

CYPRIEN  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  jjour  la  généreuse  défense  de  sa  loi, 
à  Bresse,  avec  son  compagnon  saint  Savin. 
L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  H  juillet. 

CYR  (saint),  jeune  enfant  de  trois  ans,  qui 
mourut  en  l'an  de  Jésus-Christ  30i  à  Séleu- 
cie,  avec  sainte  Julitte,  sa  mère,  par  l'ordre 
du  gouverneur  Alexandre,  durant  la  persé- 
cution de  Dioctétien.  (Pour  plus  de  détails 
lisez  les  Actes  qui  sont  communs  à  sa  mère 
et  à  lui,  à  l'article  Julitte.)  Il  est  inscrit  au 
Martyrologe  romain  sous  le  nom  de  saint 
Quiric.  Sa  fête  arrive  le  16  juin. 

CYR  (saint),  martyr,  fut  décapité  à  Rome 
avec  saint  Jean,  après  avoir  enduré  divers 
supplices.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le 
31  janvier. 

CYRE  (sainte),  martyre,  cueillit  la  palme 
des  glorieux  combattants  de  la  foi  à  Césa 
rée  en  Palestine  avec  les  saintes  Zénaïdes, 
Valère  et  Marcie.  Avant  d'exeirer,  elles 
souffrirent  plusieurs  tourments.  L'Eglise 
honore  leur  mémoire  le  5  juin. 

CYRIAC  ou  Cyriaque  (saint),  évêque,  eut 
la  tele  tranchée  pour  la  foi  chrétienne  sous 
l'empire  de  Claude  II  le  (.othique,  avec  saint 
Archelaas,  diacre,  «  t  saint  Maxime,  prêtre. 
(Poiirplusde  détails  l'oy.  Martyrs  d'Ostie.) 

CYRIACIDE  (sainte;,  reçut  à  Rome  la  cou- 
ronne du  martyre  en  303,  sous  l'empire  et 
durant  la  persécution  de  Dioclélien.  Elle 
fut  mise  à  mort  sur  la  voie  Salaria,  où  elle 
demeura  enterrée  jusqu'au  jour  de  sa  trans- 
lation, qui  eut  lieu  le  8  août  de  nous  ne 
savons  quelle  année.  Yingl-six  chrétiens  fu- 
rent exécutés  le  même  jour  dans  le  même 
endroit.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  8 
août.  (  Voy.  Cyriaque.  Voy.  aussi  l'abbé 
Grandidier,  Histoire  de  VLglise  de  Stras- 
bourg.) 

.  YRIAQUE  (saint),  fils  de  saint  Hespère 
et  de  sainte  Zoé,  était  frère  de  saint  ïhéo- 
dule.  Tous  quatre  étaient  esclaves  chez  un 
nommé  Catale,  païen,  demeurant  à  Attalie 
en  Pamphilie.  Ce  jeune  saint  et  son  frère,  ne 
pouvant  voir  sans  colère  les  honneurs  qu'on 


m 


C\R 


C\B 


76â 


rendait  aux  faux  dieux  dans  la  maison  do 
leur  maître,  se  déclarèrent  chrétiens.  Catale 
leur  ayant  fait  endurer  divers  supplices,  les 
fit  mettre  avec  leur  père  et  leur  mère  dans 
un  four  où  ils  moururent.  Ces  faits  eurent 
lieu  sous  l'empire  d'Adrien.  L'Eglise  fait  la 
fête  de  ces  saints  le  2  mai. 

CYRIAQUE  (saint),  fut  décapité  à  Pérousc 
pendant  la  persécution  de  Dèce,  probable- 
ment en  251,  avec  les  saints  Florence,  Ju- 
lien, Marcellin,  Fauste.  L'Eglise  honore  la 
mémoire  de  tous  ces  saints  le  5  juin  :  c'est 
à  tott  que  le  Martyrologe  imprimé  à  Lille 
(Catalogne)  pour  l'usage  des  baptêmes  dit  le 
k  de  ce  mois. 

CYRIAQUE  (saint),  diacre  et  martyr,  ap- 
partenait à  l'Eglise  romaine.  En  303 ,  il 
fut  arrêté  et  mis  à  mort  comme  chrétien.  La 
persécution  de  Dioclétien  sévissait  alors 
dans  toute  sa  violence  :  les  saints  Large, 
Smaragde  et  vingt  autres  chrétiens,  parmi 
lesquels  sont  nommés  Crescentien ,  Serge, 
Second,  Alban,  Victorin  ,  Fauslin  ,  Félix  , 
Svlvain,  et  quatre  femmes,  Memmie,  Ju- 
lienne, Cyriacide  et  Donate,  partagèrent  son 
triomphe  et  reçurent  avec  lui  la  couronne 
du  martyre.  Tous  ces  saints  martyrs  fu- 
rent enterrés  sur  la  voie  Salaria ,  lieu  de 
leur  exécution.  Depuis  ils  furent  transférés 
dans  un  lieu  appartenant  h  une  dame  chré- 
tienne qui  s'appelait  Lucine.  Cette  propriété 
se  trouvait  sur  la  voie  d'Ostie.  Ce  fut  le  8 
août  qu'eut  lieu  cette  translation,  s'il  faut 
en  croire  quelques  vieux  calendriers.  {Voy. 
l'abbé  Grandidier ,  Histoire  de  VEglise  de 
Strasbourg.)  C'est  le  môme  jour  que  l'Eglise 
célèbre  la  fêle  collective  de  tous  ces  saints. 

CYRIAQUE  (saint),  martyr,  reçut  la  cou- 
ronne du  martyre  en  Afrique  avec  saint 
Apollinaire.  Le  Martyrologe  romain  ne  donne 
aucun  détail  sur  leurs  combats,  et  ne  dit 
point  à  quelle  époque  ils  eurent  lieu.  L'E- 
glise honore  leur  mémoire  le  21  juin. 

CYRIAQUE  (saint),  martyr,  mourut  à  Ni- 
comédie  pour  la  foi  chrétienne.  Il  eut  pour 
compagnons  de  son  martyre  saint  Anaslase, 
saint  Syndime ,  saint  Paulille  et  saint  Se- 
cond. L'Eglise,  notre  mère,  célèbre  la  mé- 
moire de  ces  saints  le  19  décembre. 

CYRIAQUE  (saint),  martyr,  souffrit  le  mar- 
tyre à  Satales,  en  Arménie,  sous  le  règne  de 
Maximien.  Il  eut  pour  compagnons  de  sou 
rûarlyre  ses  six  frères  Orence,  Héros,  Phar- 
nace,  Firmin,  Firme  et  Longin.  L'Eglise  lait 
leur  mémoire  glorieuse  le  24- juin. 

CYRIAQUE  (saint),  martyr,  soullVit  le 'mar- 
tyre h  Malaga,  en  Espsagne,  avec  la  vierge 
Paulo.  Ils  moururent  sous  les  pierres  dont 
on  les  accabla.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le 
18  juin. 

CYRIAQUE  (saint),  martyr,  cueillit  la 
palme  du  martyre  à  Tomes,  dans  la  |)ro- 
vince  du  Pont.  Il  eut  noui-  compagnon  de  ses 
soullVances  saint  l'aui.  On  n'a  pas  d<',  détails 
précis  sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  fêle  le  20 
juin,  jour  où  elle  les  honorti  collectivement. 

CYIUAQUK  (saintj,  martyr,  reçut  la  |)alme 
du  iii.irlyre  à  Rome  avec  les  saints  Paul  et 
Lucius.    On    ne    conijnti    pas    1<.'>    circons- 


tances de  leurs  combats.  L'Eglise  fait  leur 
mémoire  le  8  février. 

CYRIAQUE  (saint),  est  inscrit  au  Marty- 
rologe romain  le  31  janvier.  Il  souffrit  lo 
martyre  avec  les  saints  Tharsice  et  Zotique. 
On  ignore  le  lieu,  la  date  et  les  circonstances 
de  leurs  combats.  L'Eglise  fait  leur  fête  le 
31  janvier. 

CYRIAQUE  (saint),  martyr,  versa  son 
sang  pour  la  défense  de  sa  foi  à  Nicomédie. 
Il  eut  pour  partager  sa  gloire  dix  autres  com- 
pagnons dont  les  noms  ne  nous  sont  pas  par- 
venus. L'Eglise  honore  leur  mémoire  le 
7  avril. 

CYRIAQUE  (sainte),  martyre,  répandit  son 
sang  à  Rome  en  l'honneur  de  Jésus-Christ. 
Durant  la  persécution  de  l'empereur  Valé- 
rien,  cette  sainte  veuve  employait  son 
temps  et  tout  ce  qu'elle  possédait  au  service 
des  saints.  Elle  donna  sa  vie  elle-même  bien- 
tôt pour  le  service  de  Jésus-Christ.  L'Eglise 
honore  sa  mémoire  le  21  août. 

CYRIAQUE  (sainte),  vierge  et  martyre,  re- 
çut la  couronne  du  martyre  à  Nicomédie, 
avec  cinq  autres  do  ses  compagnes  dont  les 
noms  ne  nous  sont  point  parvenus.  Notre 
sainte  ayant  repris  l'imj-iété  de  l'empereur 
Maximien  avec  beaucoup  de  liberté,  fut  '  A 
fouettée  cruellement,  déchirée  par  tout  le  ■ 
corps  et  enfin  brûlée.  L'Eglise  célèbre  la  mé- 
moire de  ces  vierges  le  19  mai. 

CYRIAQUE  (sainte),  martyre,  répandit  son 
sang  pour  la  religion  chrétienne,  Elle  souffrit 
avec  sainte  Photine  et  ses  deux  fils  saint  Vic- 
tor et  saint  Joseph,  les  saints  Sébastien,  offi- 
cier de  l'armée,  Anatole,  Pholius,  Photide 
et  sainte  Parascève,  sa  sœur.  Le  Martyrologe 
romain  ne  parle  point  de  l'époque  où  ce 
martyre  eut  lieu,  et  ne  donne  aucun  détail. 
L'Eglise  honore  ces  martyrs  le  20  mars. 

CYRILA,  était  patriarche  des  Vandales;  il 
succéda  dans  cette  dignité  à  Joconde  qu'Hu- 
neric  avait  fait  brûler  au  milieu  de  Carthage, 
parce  qu'il  paraissait  soutenir  la  maison  de 
Théodoric.  Cyrila,  portant  envie  à  saint  Eu- 
gène dont  la  réputation  se  répandait  de  toutes 
parts,  inventait  chaque  jour  quelque  nou- 
velle calomnie  contre  lui.  Aidé  des  autres 
sectaires  d'Arius,  il  porta  enfin  Hunéric  à 
défendre  à  ce  saint  de  s'asseoir  sur  son  siège 
épiscopal,  de  prêcher  la  parole  de  Dieu  au 
jieuple,  et  de  souffrir  dans  son  église  ni 
hommes  ni  femmes  qui  fussent  vêtus  à  la 
vandale.  Car  il  y  avait  un  fort  grand  nombre! 
de  catholicpiesqui,  étant  officiels  chez  le  loi, 
avaient  pris  l'habit  des  Vandales.  Il  persuada 
encore  à  Hunéric  que  s'i'l  voulait  jouir  long- 
temps et  paisiblement  de  sa  couronne,  il 
fallait  qu'il  exterminAt  en  Afriiiue  juscpi'au 
nom  des  catlioli(pies.  Ce  prince  était  persuadé 
([u'une  conférence  dont  il  serait  le  maître 
])Ourrait  donner  (pielque  ouverture  ;\  son 
dess(!in.  Cette  conlércnct!   comiiiença  (juand 


il  plut  aux  ariuns,  et  dans  un  lieu  cpi'ils 
avaient  choisi.  Les  catholiqui^s  avaient 
imé  dix  d'entre  eux  pour  parler  au  nom 
autres,  tant  afin  d'éviter  la  confusion  et 
ruit  qu(î  |)our  Ator  aux  aricîus  le  prétexte 
lire  qu'ils  avaient  été  accablés  par  la  mul- 


763 


CYR 


C\R 


7n4 


titiule  de  lours  adversairos.  Cyrila  vint  avec 
ses  satollilos  ((lui  pouvaient  être  les  autres 
évoques  ariens,  ou  môme  les  soldats  de  Hu- 
neric),  et  il  se  plaça  sur  un  très-riche  tiùne, 
dans  un  lieu  6\ové,  tandis  que  les  catholiques 
demeuraienlpeut-ôtre  debout.  Ces  derniers, 
apiès  s'cHre  plaints  de  ce  faste  si  })eu  conve- 
nable c^  l'égalité  (jue  doivent  f;,arder  des  pcr- 
sonii(>s  qui  contèrent  ensend)le,  demandèrent 
qui  serait  le  juge  pour  examiner  c(^  (pii  se 
dirait  de  part  et  d'autre,  et  pour  prononcer 
ensuite  conformément  aux  règles  de  la  vé- 
rité. Durant  qu'on  disputait  sur  cela,  un  se- 
crétaire d'Hunéric  prit  la  parole.  Mais  ayant 
connnencé  par  ces  mots,  le  patriai'chc  Cyrila 

dit, les  catholiques  indignés  de  la  vanité 

avec  laquelle  CyrUa  prenait  un  titre  qui  lui 
appartenait  si  peu,  demandèrent  cju'on  leur 
montrât  qui  lui  avait  permis  de  le  prendre. 
Sur  cela  les  ariens  firent  grand  bruit  et 
commencèrent  à  traiter  injurieuseraent  les 
callioliques.  Et  connue  ceux-ci  avaient  de- 
mandé que  si  on  ne  voulait  prendre  le  peu- 
ple jiour  juge,  on  lui  permît  au  moins  d'être 
témoin  de  ce  qui  se  ferait,  il  y  eut  ordre  de 
donner  cent  coups  de  bâtons  à  tous  les  laï- 
ques catholiques  qui  étaient  présents  ;  sur 
quoi,  saint  Eugène  s'écria  :  Voyez  ,  mon 
]Jieu,  de  quelle  sorte  on  nous  opprime,  et 
soyez  le  juge  des  violences  que  nos  persécu- 
teurs nous  font  souffrir. 

Les  catholiques  dirent  ensuite  à  Cyrila 
qu'il  n'avait  qu'à  proposer  ce  qu'il  voudrait. 
Cyrila  répondit  par  un  interprète  qu'il  ne 
savait  pas  le  latin.  Les  catholiques  lui  sou- 
tinrent qu'ils  étaient  bien  assurés  qu'il  avait 
toujours  parlé  latin,  et  qu'il  ne  devait  pas 
demeurer  dans  le  silence,  puisque  c'était  lui 
qui  avait  excité  tout  cet  orage.  On  ne  laissa 
pas  de  parler  du  mot  de  consubstantiel  que 
les  ariens  voulait  qu'on  leur  montrât  expres- 
sément dans  l'Ecriture  ou  qu'on  le  condam- 
nât sur  l'autorité  des  conciles  de  Rimini  et 
de  Séleucie,  composés,  disaient-ils,  de  plus 
de  mille  évoques.  Les  catholiques  n'eurent 
garde  de  condamner  ce  terme,  ni  ce  jour-là, 
ni  le  lendemain  auquel  il  semble  qu'on  en 
parla  encore.  Cyrila,  voyant  qu'ils  étaient 
mieux  préparés  qu'il  n'avait  cru,  évita  par 
toutes  .'vortes  d'artifices  de  leur  laisser  le 
temps  de  parler.  Cela  n'empêcha  pas  que  les 
ariL'ns  ne  publiassent  que  les  catholiques 
avaient  tout  brouillé  par  les  clameurs  et  les 
séditions  du  peuple  qu'ils  avaient  soulevé. 
Hunéric,  trompé  par  eux,  ordonna  dès  lors 
que  les  églises  des  catholiques  fussent  fer- 
mées à  Cartilage  le  7  février.  Il  voulut  faire 
croire,  dans  son  édit  de  persécution,  qu'il  les 
avait  fait  fermer  pour  obliger  les  catholiques 
de  venir  à  la  dispute,  sans  qu'un  moyen  si 
violent  les  y  eût  pu  faire  résoudre.  Ce  fut 
pour  ruiner  cette  calomnie  que  les  catholi- 
ques firent  touies  choses,  même  après  la 
conférence ,  pour  empêcher  qu'on  ne  les 
soupçonnât  de  fuir  le  combat. 

Cyrila  commettait  beaucoup  de  violences 
pour  établir  sa  religion  impie.  Victor  de 
Vite  le  vit  de  ses  propres  yeux  exercer  une 
violence  inouïe  dans  Carthage.  Il  fit  arracher 


un  enfant  de  sept  ans  d'entre  les  bras  de  sa 
mère  qui  était  une  dame  de  condition.  Elle 
courut  après  ces  ravisseurs  au  milieu  de 
toulf!  la  ville,  les  cheveux  épats  et  l'enfant 
criait  d(!  toute  sa  force  :  Je  suis  chrétien  !  ie 
suis  chrétien  !  ces  impies  lui  fiM'uièrcint  la 
bouche  et  plongèrent  cette  innocente  créa- 
ture dans  l'eau  de  leur  faux  baptême.  Plus 
tard,  nous  le  voyons  soutenant  une  dispute 
avec  saint  Eugèn(î,  en  présence  du  roi  Tnra- 
samond.  Dans  cette  dispute,  saint  Eugène 
eut  l'avantage  qu'on  pouvait  attendre  d'un 
saint  par  qui  l'esprit  du  Père  parlait.  Ce  qui 
confondait  et  irritait  encore  davantage  Cyrila, 
c'est  que  saint  Eugène  soutenait  par  des 
mirachis  la  vérité  de  la  foi,  et  rendait  la  vue 
aux  yeux  du  corps  aussi  bien  qu'à  ceux  de 
l'âme.  Ce  saint  avait  encore  avec  lui  deux 
hommes  j)leiiis  de  sainteté  et  de  sagesse, 
Vindémial  et  Longin.  Cyrila  voyait  avec  un 
esprit  d'envie  et  de  fureur  la  réputation  que 
ces  miracles  donnaient  aux  saints  et  le  mé- 
l)ris  où  lui-même  était  tombé.  11  voulut  donc 
soutenir  la  vanité  par  la  vanité,  et  l'erreur 
par  la  fourberie,  pour  vérifier  ce  qu'avait  dit 
un  auteur  africain  quarante  ou  cinquante  ans 
auparavant,  que  les  hérétiques  et  principa- 
lement les  ariens  trompaient  les  peuples  par 
des  miracles  apparents.  11  persuada  à  un 
homme  de  sa  secte  en  lui  donnant  50  pièces 
d'or,  de  faire  semblant  d'être  aveugle,  afin 
qu'il  pût  aussi  faire  semblant  de  le  guérir. 
L'homme  y  consentit.  La  farce  se  joua  pu- 
bliquement et  en  la  présence  des  trois  saints; 
mais  elle  devint  bientôt  une  vérité  terrible. 
Celui  qui  faisait  l'aveugle  se  trouva  effecti- 
vement aveugle  dès  que  Cyrila  lui  eut  im- 
posé les  mains,  et  avec  une  si  grande  dou- 
leur qu'il  semblait  que  les  yeux  lui  allassent 
sortir  de  la  tête.  L'erreur  et  l'argent  cédèrent 
alors  à  la  vérité  ;  il  confessa  son  crime  et  ce- 
lui de  Cyrila  ;  et  ayant  reconnu  que  l'on  ne 
se  moque  point  de  Dieu,  il  eut  recours  à  ses 
fidèles  serviteurs,  devant  qui,  pour  mériter 
que  Dieu  eût  pitié  de  lui,  il  confessa  haute- 
ment la  foi  catholique.  Il  se  forma  alors  une 
contestation,  non  d'orgueil,  mais  d'humilité 
entre  les  trois  saints,  et  enfin  pour  s'accor- 
der, Longin  et  Vindémial  imposèrent  leurs 
mains  sur  la  tête  de  cet  homme,  durant  que 
saint  Eugène  faisait  sur  les  yeux  le  signe 
sacré  de  la  croix.  Toute  la  douleur  de  cet 
homme  cessa,  et  il  recouvra  aussitôt  la  vue. 

CYRILLE  (saint),  assistait  au  martyre  de 
sainte  Anastasie  l'Ancienne,  sous  l'empe- 
reur Valérien  et  sous  le  préfet  Probus. 
Ayant  donné  à  la  sainte  de  l'eau  qu'elle  lui 
avait  demandée,  il  fut  pris  par  les  persécu- 
teurs, et  eut  la  gloire  et  le  bonheur  d'être 
associé  à  son  martyre.  l'Eglise  le  fête  le  28 
octobre. 

CYRILLE  (saint),  fut  martyrisé  sous  le 
règne  de  l'empereur  Dèce.  Il  est  ainsi  mar- 
qué dans  les  martyrologes  :  Saint  Cyrille 
enfant.  On  verra,  par  l'histoire  que  nous 
allons  en  donner,  qu'il  ne  faut  pas  prendre 
cette  expression  à  la  lettre.  Saint  Cyrille 
devait  au  moins  entrer  dans  l'adolescence: 
l'énergie  de  ses  réponses,  la  manière  même 


7KI 


CYR 


CYR 


7.^ 


r, 


dont  le  juge  lui  tit  valoii-  les  motifs  d'intérêt 
qui  devaient  le  dét'.Mniiner  suivant  lui  à  re- 
chercher les  bonnes  grAces  de  son  père, 
nrouvent  qu'il  était  un  peu  plus  âgé  que 
rexpression  d'enfant  ne  sig-iitie  ordinaire- 
ment. Les  Ados  que  nous  allons  copier  sont 
pleins  d'intérêt  et  paifaitenienl  écrits.  Tontes 
.es  probaliilités  sont  poui-  qu'on  les  attribue 
à  saint  Firmilieii.  Aussi  doit-on  admettre 
que  c'est  bien  sous  Dèce,  et  non  pas  sous 
Valérien,  que  le  saint  martyr  dont  nous 
écrivons  la  vie  adonné  son  sang  pour  la  foi. 
Nous  copions  texluelleuient. 

«La relation  (pie  je  vous  envoie,  mes  chers 
frères,  du  martyre  d'un  jeune  enfant  nommé 
Cyrille,  ne  vous  causera  pas  moins  d'admi- 
ration sans  doute  que  de  consol.Uions  et  de 
joie.  Ce  jeune  soldat  de  Jésus-Christ  a  com- 
b;ittu  généreusement  contre  l'impiété  et  la 
cruauté  des  juges,  mais  il  n'a  pas  com- 
battu seul;  la  foi,  que  dis-je?  Dieu  lui- 
mèaie,  ont  combattu  avec  lui.  Césai-ée  a  été 
le  lieu  da  combat.  L'Age  tendie  de  Cyrille 
remplissait  les  spectateurs  d'étomeraent,  et 
Ja  fermeté  de  sa  foi  attirait  à  Jésus-Christ 
des  louanges  et  des  bénédictions  ;  car  ce 
saint  enfant  avait  sans  cesse  à  la  bouciie  le 
nom  sacré  de  JJ'Sus-Christ,  et  il  disait  qu'il 
trouvait  d^ms  ce  nom  adorable  une  vertu  se- 
crète qui  le  fortiliait  et  le  rendait  insensible 
aux  touiments  qu'on  lui  faisait  endurer. 
Son  père,  ne  pouvant  souffrir  qu'il  fut  chré- 
tien, le  mit  hors  de  chez  lui,  et  le  laissa 
manquer  de  toutes  choses.  Parmi  les  paiens, 
les  uns  louaient  en  cela  la  conduite  du 
père,  les  autres  admiraient  son  détache- 
ment ;  mais  il  y  en  avait  aussi  qui  n'approu- 
vaient en  aucune  manière  cette  dureté. 
Pour  Cyrille,  se  voyant  chassé  de  la  maison 
paternelle,  et  privé  de  tout  secours,  il  bé- 
nissait Dieu  de  ce  que,  par  la  perte  de  quel- 
ques avantages  lemporels,  vils  et  mépri- 
sables, il  acquérait  des  biens  infinis  et 
d'une  éternelle  durée.  Cependant  ces  choses 
étaient  venues  aux  oreilles  du  juge  de  Cé- 
saiée;  il  envoya  prendre  le  petit  Cyrille  par 
des  soldats.  Lorsqu'il  l'eut  fait  amener  en  sa 
présence,  il  lui  parla  d'un  ton  jxopre  à  je- 
ter la  fraeur  dans  cette  jeune  Ame  ;  il  le 
menaga  des  siq)plices  ;  il  lui  en  lit  une  pein- 
ture atfreuse  ;  mais  tout  Cila  fut  inutile  : 
l'enfant  n'en  fut  |)as  seulement  ébranlé,  et, 
coirmarant  eu  lui-même  les  biens  que  la  foi 
lui  faisait  csj)érei'  avec  les  maux  qu'on  lui 
voulait  faire  craindre,  il  se  moipia  des  me- 
naces du  juge,  et  la  vue  des  tourments  n'eut 
)a.-  seulement  le  pouvoir  de  le  laire  chance- 
er  un  morm;nt.  «Mon  enfant,  lui  dit  ce  ma- 
gistrat, je  veux  bien  vous  |)ardonuer  votr'e 
jaule  en  cons  déraliori  (h;  votre  Age;  votre 
père  même  consent  à  l'oublier,  il  est  prêt  à 
vous  l'ecevoir,  et  il  ne  lierrdra  (\\ih.  vous  do 
•"entier  dans  ses  bonnes  grAcrs  et  dans  la 
jouissance  de  tout  son  bien,  mais  à  con- 
dition que  vous  s(!i-ez  sage  à  l'averrir,  et  que 
vou^  renoncerez  h  votre  su|ieislitrorr.  — 
Qiie,  j'aimo,  répondit  (Cyrille,  vos  répiimarr- 
des  t,'t  vos  merrace.^,  et  qu'il  rrre  sera  d(jux 
<^e  soudi  il-  iKiiji'  irrio  si  bourre  cause  !  Si  mon 


père  me  refuse  l'entrée  de  sa  maison,  mcii 
Dieu  m'ouvrir-a  la  sienne  ;  pour  une  de- 
meure de  terre  et  de  boue  que  je  perdrai, 
j'erj  recouvrerai  une  toute  d'or  et  de  pierre- 
ries. Je  devie^rdrai  volontiers  pauvre  ici- 
bas  pour  être  riche  là- haut.  Je  ne  crains 
point  la  mort,  parce  qu'elle  sera  suivie  d'une 
vie  heureuse  et  (jui  ne  finira  jamais.  »  11 
prononça  ces  {)aroles  avec  une  foi'ce  toute 
divine,  et  on  s'aper-ccvait  aisément  qu'elles 
paitaient  d'une  intelligence  irdirjiment  éle- 
vée au-dessus  de  son  Age.  Le  juge,  pour  l'in- 
timider, le  fit  lier,  comure  s'il  l'eût  voulu 
envoyer  au  su[)plice.  En  elfet,  on  lui  fit  voir 
un  bùeher  qu'on  lui  dit  ôtie  préparé  pour 
lui.  Mais,  bien  loin  de  marquer  quelque  fai- 
blesse, cet  aduiirable  enfant  n'en  [jarut  (jue 
plus  ferme  et  plus  assuré.  Lor-s  donc  qu'on 
eut  rapporté  au  juge  C[ue  la  vue  du  feu  n  avait 
fait  aucune  impression  sur  lui,  qu'elle  ne 
lui  avait  arraché  aucune  larme,  ni  fait  pous- 
ser le  moindi'e  gémissement,  il  le  fit  l'appe- 
ler, et  voulut  encor-e  cnrployer  la  persuasion 
pour  tâcher  de  vaincre  ce  coui'age  que  les 
menaces  n'avaient  pu  surmonter.  «  Eh  bien  1 
lui  dit-il,  vous  avez  vu  le  feu  que  j'ai  fait 
allumer  pour  vous  brûler  tout  vif.  Seiez- 
vous  sage  à  l'avenir,  et  par  une  entière  sou- 
mission à  ma  volonté  et  à  celle  de  votre 
pèie,  vous  eilorcerez-vous  de  mériter  qu'il 
vous  rende  son  atfeclion  et  qu'il  vous  re- 
çoive chez  lui?»  Le  jeune  Cyrille  répon- 
dit :  Oue  tu  m'as  fait  tort,  tyran,  de  mavoir 
rappelé  !  Quoi  !  je  ne  serai  donc  pas  brûlé  ? 
Auras-tu  en  vain  fait  allumer  ce  feu?  lleii- 
voie-moi,  tyran,  i envoie-moi.  Je  meurs 
d'impatience  de  me  voir  au  milieu  des  fiain- 
mes  pour  aller  à  mon  Dieu  !  Tous  les  assis- 
tants qui  l'entendaieut  parler  de  la  sorte  fon- 
daient en  pleurs  ;  mais  l'enfant,  leur  repro- 
chant leur  faiblesse  :  «  Vous  pleurez,  leur 
disait-il,  et  vous  vous  aflligez  |)our  l'amour 
de  moi?  rie/,  plutôt  et  réjouiss.z-vous  de 
mon  bonheur.  Venez  chanter  un  cantique 
de  joie  autour  de  mon  bûcher.  Ah  !  vous  ne 
savez  pas  quelle  gloire  m'attend,  ou  plutôt 
vous  ignorez  ([uelie  est  la  graiuleur  de  ma 
foi.  Laissez-  moi  donc  finir  piouiptement  ma 
vie,  et  n'en  déshoiioi-ez  pas  la  fin  par  vos 
larmes.  »  Kn  disant  cela,  il  courut  au  bûcher, 
où  il  trouva  bientôt  une  mort  précieuse  de- 
vant Dieu,  (,'t  glorieuse  dans  la  mémoire  des 
hommes.  LKglise  lait  sa  fêle  le  29  mai. 

CYlllLLL  (saint j,  évoque  (le  Corlyne  et 
martyr,  eut  le  bonheur  de  donner'  sa  vie 
pour-  la  foi  sous  l'(nu|)ii'e  de  Dèce,  clans  l'ilo 
de  Crète,  sous  le  pré>i(ient  Lucius.  Les  mar- 
!yr'olog(is  de  saint  Jér-tuire  portinil  que  ce 
juge  le  fit  jeter  dans  le  feu  sans  rien  ajouter 
davanlage,  ce  (pii  semble  irr(li(iu(!r  que  son 
sacrifice  fut  coiisouuué  |»ai'  ce  sirpidice.  SiS 
Actes  au  c  onlr-aiic,  suivis  en  cela  j»ar  le  M<u- 
tyrcdoge  romain,  ra(  (-tnteiit  que  le  feu  ne  lit 
(jue  brûler  les  cordes  (pu  atlachaunil  lu 
Siint  évê(iue,  et  (pi'il  sortit  du  bûdier  sain 
et  sauf.  Le  juge,  ajoutenl-ris,  fut  tellement 
émci  veillé  de  ce  miiaele,  qu'il  laissa  partir 
l(!  saint  sans  le  louriiientcn'  davanlage.  Au 
bout  de  (|uel(iue  temps,   voyant  (pu!  C_}rille 


797 


CYR 


CTR 


768 


continuait  à  prêcher  la  parole  de  Dieu  et  a 
faire  do  nombreuses  conversions,  il  le  lit 
décapiter.  L'Eglise  fait  la  fôte  de  ce  saint 
évôqiie   lo  0  juillet. 

CYIULLE  (saint),  martyr,  reçut  la  cou- 
ronne (lu  martyre  h  Phila(lel|)liie  en  Arabie, 
avec  les  saints  A(piilas,  Picrie,  Domilien, 
l\uf  et  Mt'nandre.  L'Eglise  célèbre  leur  mé- 
moire le  1"  août. 

CYUILLE  (saint),  archevêque  de   Jérusa- 
lem, docteur  de  l'Église  et  confesseur,  était 
originaire  de  Jérusalem  ou  des  environs.  11 
naquit  vers  l'an  315.  11  s'a|)i)liqua  avec   tant 
de  succt^s  h  Vétuile  des   saintes    Ecritures, 
que  quand  il  prôchail,  ses  discours  n'étaient 
que  des  citalio'is  presque    textuelles  dans 
tous  les  cas  parfaitement  appropriés  des  au- 
teurs sacrés.  Il  ne  négligea  pas  l'étude  des 
écrivains  profones,  persuadé  qu(i  la  science 
est  utile  à  uii  ministre  des  autels,  aj)|)elé  à 
enseigner  et  h  tenir,  s'il  comprend  sa  mis- 
sion, la  tête  de  son  siècle.   Ce  fut  le  grand 
Maxime,  évoque  de  Jérusalen),  qui  lui  con- 
féra les  ordres  sacrés.  11  fut  promu  au  sacer- 
doce à  l'Age  de  30  ans,    c'est-à-dire  en  34.5. 
Il  fut  chargé  par  lui  de  prêcher  la  parole  de 
Dieu,  ce  qu'il  faisait  chaque  dimanche,  ainsi 
qu'il  nous  l'apprend  lui-même.  Il  fut  aussi 
chargé  de  l'école  des  catéchumènes.  Cinq  ans 
après  sa  promotion  au  sacerdoce,  il  succéda 
à  Maxime  sur  le  siège  épiscopal.  Acace  était 
alors  évêque  de  Césarée.  Il  s'attribuait  ju- 
ridiction sur  le    siège   de  Jérusalem.  Saint 
Cyrille   repoussait    cette   prétention.  De  là 
guerre  ouverte  entre  les  deux  évèques.   De 
plus  Acace,  partisan  des  ariens,  attaquait  la 
consubstantiaiilé  du  Verbe  que  Cyrille  dé- 
fendait avec  persévérance  comme  le   crité- 
rium de  la  foi  catholique.  L'évoque  de  Cé- 
sarée assembla   un   concile    devant   lequel 
il  cita   Cyrille.    Deux  ans   durant,  celui-ci 
refusa  de  se  présenter  devant  une  juridic- 
tion qu'il  ne  reconna"issait  pas,  et  au  bout 
de  ce  ,  temps  le   concile   le   déposa.    Entre 
autres  crimes  qu'on  lui  reprochait,  on  avan- 
çait qu'il  avait  volé,  pillé  les  biens  elles  or- 
nements des  églises.  Le  fait  est  que  Cyrille, 
dans  une  famine,  avait  vendu  des  ornements 
pour  donner  du  pain  à  une  multitude  de 
pauvres.  Malgré  l'appel  de  Cyrille  à  l'empe- 
reur et  aux  autorités  supérieures  ecclésiasti- 
ques, il  fut  obligé  de  céder  à  la  violence.  Il 
se  retira  à  Antioche,  puis  après  cela  à  Tarse 
en  Cilicie.  11  y  fut  très-honorablement  reçu 
par  Sylvain,  évêque  de  cette  ville,  quiil'auto- 
risa  à  exercer  toutes  les  fonctions  de  son 
ministère.  Dans  le  concile  deSéleucie,  il  fut 
rétabli   en  359;  mais  le  fameux  concile  de 
Constantinople,  tenu   un  an  après  par  les 
ariens,  le  déposa  de  nouveau.  Quoiqu'il  eût 
été  lié  avec  plusieurs  des  évêques  qui  de- 
puis se  mirent  dans  les  rangs  et  à  la  tête  des 
semi-ariens,  jamais  il  n'adopta  leur  foi.  Il 
avait  adopté  toutes  les  décisions  du  concile 
de  Sardique  et  par  conséquent  la  foi  de  Nicée 
dans  toute  son  intégrité.   Dans  un   concile 
tenu  à  Constantinople  en  382,  on  rendit  en- 
tièrement justice  à  sa  foi.  Les  évêques  pré- 
sents, dans  une  lettre  adressée  au  pape  Damase 


et  aux  évêques  d'Occident,  dirent  que  letrès- 
révériMid Cyrille,  évêque  de  Jérusalcuj,  avait 
été   élu  canoniquemenl  |)ar  les  évêques  de 
la  province,  et  avait  soull'ert  jjlusieurs  i)er- 
sécutions  pour  la  foi.  Julien,  (;n  remontant 
sur  le  trên(!,  rappela  tous  les  évêques  exilés. 
Son  but  était  fie  maintenir  la  balance  éc^uili- 
brée  eritre  les  catholiques  et  les  ariens,  espé- 
rant les  détruin;  tous  les  uns  par  les  autres, 
en  discréditant  le  christianisme,  par  les  divi- 
sions intestines  qu'il  montrait.  Saint  Cyrille 
fut    ainsi   rendu  h  son  Eglise.  Julien  n'ap- 
prouvait pas  la  marche  suivie  par  les  persè- 
cuteuis  [)0ur  détruire  la  religion  chrétienne. 
11  savait  que  le  sang    des  martyrs  était  une 
semence  féconde,  à  l'aide  de  laquelle  sans 
cesse  le  christianisme  étendait  ses   progrès 
et  ses  conquêtes.  H  voulut,  lui,  prendre  le 
côté  opposé,  montrer  une  grande  douceur 
en  apparence,  pour  cacher,  sous  ce  manteau 
hypocrite   et    trompeur,    ses   attaques   les 
mieux  combinées  et  les   plus  dangereuses. 
Sachant  ce  que  les  pro[)hètes  avaient  dit  du 
temple  de  Jérusalem,  il  entreprit  de  le  rele- 
ver pour  mettre  en  défaut  les  saintes  Ecri- 
tures. Si  cette  entreprise  eût  pu  réussir,  cer- 
tes il  était  démontré   péremptoirement  que 
Jésus-Christ  n'était  pas  Dieu,   et    que  par 
conséquent  tout  ce  qu'on  lui  appliquait  de 
l'Ecriture  sainte  était  faussement  appliqué. 
Ce   fut   sous  l'épiscopat   de    saint   Cyrille 
qu'eut  lieu  cette  entreprise  insensée,  et  que 
Dieu  accomplit,  pour  ^a   faire  avorter,  une 
suite  de  miracles  dont  on  peut  voir  le  détail 
à  l'article  Julien.  Saint  Cyrille  fut  extrême- 
ment heureux  du  résultat  que  du  reste  il 
avait  prévu  et  annoncé,  en  disant  qu'il  était 
bien    tranquille,    et  que  jamais   puissance 
humaine  ne  pourrait  rien  contre  la  parole 
de  Dieu.  Julien,  qui  en  fut  averti,  avait  l'in- 
tention de  le  punira  son  retour  de  la  guerre 
contre  les  Perses;  mais  Dieu  le  prévint  en  le 
fcusant  mourir  au  milieu  du  pays  ennemi. 

Saint  Cyrille  vécut  en  paix  jusqu'à  l'avé- 
nement  de  Valens,  empereur  arien,  qui 
l'exila  de  nouveau  II  assista,  comme  nous 
le  disons  plus  haut,  au  concile  de  Constanti- 
nople, en  381,  et  mourut  en  386,  à  l'âge  de  70 
ans.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  18  mars. 
(Tiré  de  ses  ouvrages.) 

CYRILLE  (saint),  martyr,  était  diacre  à 
Héliopolis  au  mont  Liban.  Ce  fut  sous  Ju- 
lien l'Apostat  que  ce  saint  souffrit  le  mar- 
tyre. Les  païens  lui  ayant  ouvert  le  ventre, 
lui  arrachèrent  le  foie  qu'ils  mangèrent 
comme  des  animaux  féroces.  L'Eglise  fait  sa 
mémoire  le  29  mars. 

CYRILLE  (saint),  martyr,  l'un  des  qua- 
rante martyrs  de  Sébnste,  sous  Licinius. 
[Voy.  Martyrs  de  Sébaste.) 

CYRILLE,  fut  établi  évêque  sur  le  siège 
de  Typase  par  les  sectaires  d'Arius.  Ce  Cy- 
rille avait  été  secrétaire  du  roi,  ou  plutôt, 
selon  une  autre  version,  du  patriarche  arien 
Cyrila.  Je  ne  sais  si  ce  serait  ce  Bulimande, 
évêque  arien,  que  les  Grecs  disent  avoir  al- 
lumé avec  Cyrille  la  persécution  d'Hunéric, 
Dès  qu'on  sut  à  Typase  l'ordination  de  ce 


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C\R 


CYR 


760 


faux  ëvôque,  toute  la  \ille  se  mit  en  mer  et 
se  retira  en  Espagne,  à  la  réserve  de  fort  peu 
do  personnes  qui  ne  purent  trouver  moyen 
de  s'embarquer.  L'évoque  arien  employa  au 
commencement  les  caresses  et  puis  les  mena- 
ces pour  faire  changer  de  religion  à  ceux 
qui  étaient  restés;  mais  Dieu  les  fortifia  de 
telle  sorte  qu'ils  se  moquèrent  de  sa  folie. 
Ils  s'assemblèrent  mèiuetous  dans  une  mai- 
son où  ils  célébrèrent  les  divins  mystères 
sans  se  cacher.  La  générosité  de  cette  E^:ilise 
est  d'autant  plus  remarquable  que  Réparât, 
son  évêque,  s'était  perdu  par  sa  lâcheté.  L'é- 
vèque  arien,  voyant  cette  fermeté  inébran- 
lable des  catholiques,  en  donna  secrètement 
avis  à  Carthage,  et  Hunéric,  tout  en  colère, 
envoya  un  comte  avec  ordre  de  faire  venir 
dans  la  ville  toute  la  province,  et  de  faire 
confier  ensuite  au  milieu  de  la  place,  à  ces 
généreux  catholiques,  la  main  droite  et  la 
langue  jusqu'à  la  racine.  Cela  fut  exécuté. 
Mais,  par  un  etîet  de  la  grAce  toute-puis- 
sante du  Saint-Esprit,  «  ils  parlèrent  et 
parlent  encore,  dit  'Victor,  comme  ils  fai- 
saient auparavant.  Que  si  quelqu'un  trouve 
ce  miracle  incroyable,  qu'il  aille  à  Constan- 
tinojile,  continue  le  môme  auteur,  et  il  y 
verra  l'un  d'eux,  nommé  Réparât,  qui  est 
sous-diacre  et  qui  parle  parfaitement  bien  : 
il  est  respecié  de  tout  le  monde  dans  le  pa- 
lais de  l'empereur  Zenon,  et  l'impératrice 
même  a  une  vénération  toute  particulière 
pour  lui.  )) 

CYRILLE  (saint),  patriarche  d'Alexandrie, 
docteur  de  l'Eglise  et  confesseur,  était  neveu 
de  Théophile,  patriarche  d'Alexandrie.  11  fut 
nourri  dès  l'enfance  dans  l'étude  des  lettres 
sacrées,  instruit  dans  les  dogmes  purs  et 
apostoliques  de  l'Eglise,  sans  avoir  ja- 
mais été  engagé  dans  aucune  hérésie.  Théo- 
phile, son  oncle,  étant  mort  en  l'année  412, 
il  y  eut  de  grandes  disputes  pour  l'élection 
de  son  successeur  :  les  uns  demandaient 
Timothée  qui  étaient  archidiacre,  les  autres 
saint  Cyrille,  et  la  dispute  alla  jusqu'à  for- 
mer une  sédition  parmi  le  peuple.  Abon- 
dance, comte  ou  général  des  troupes  d'E- 
gypte, y  prit  part  en  faveur  de  Timothée. 
Ce[)endànl  tiois  jours  après  lamort  de  Théo- 
phile, saint  Cyrille  fut  intronisé. 

Il  commença  l'exercice  de  son  pouvoir 
par  une  grande  mesure  de  rigueur  contre 
les  novaliens.  Il  ferma  les  églises  qu'ils 
avaient  à  Alexandrie,  s'empara  de  tous  les 
vases  et  de  tous  les  meubles  qui  y  servaient, 
et  dépoudla  leur  évè(jue,  nommé  Théo- 
peinpte,  de  tout  ce', qu'il  possédait.  Quelque 
temps  après  il  chassa  les  Juifs  coupables  de 
plusieuis  violences  contre  les  chrétiens.  Le 
préfet  Oreste  fut  très-sensiblement  louché, 
dit  Socrate,  de  l'expulsion  des  Juifs,  et  il  lit 
de  grandes  plaintes  de  ce  qu'un  avait  dépeu- 
plé la  ville  d'un  si  grand  nombre  d'habitants. 
11  en  écrivit  à  remj)erein-.  Saint  Cyrille  lit 
la  même  chosi-  dc^son  cAté,  et  rejirésenla  les 
violenci.'S  t\u(t  les  Juifs  avaient  laites  contre 
les  clirétiens.  Il  narail  (jue  remjiereur  con- 
IJrma  leur  expulsion,  cor  ils  ne  revinrent 
p<is&  Alexariririo.  Il  faut  remarquer  que  c'é- 


tait Pulchérie  qui  gouvernait  alors  les  affai- 
res sous  le  nom  du  jeune  Théodose  son  frère, 
et  elle  a  toujours  été  très-favorable  à  l'E- 
glise. L'inimitié  d'Oreste  pour  saint  Cyrille 
devint  pubique  par  les  plaintes  que  ce  pré- 
fet faisait  de  l'expulsion  des  Juifs.  Saint  Cy- 
rille, à  la  prière  du  peuple,  envoya  témoi- 
gner à  Oreste  qu'il  ne  souhaitait  que  de  vi- 
vre avec  lui  en  ami.  Mais  Oreste  rejeta  ces 
offres,  et  le  respect  des  sacrés  Evangiles,  par 
lesquels  saint  Cyrille  le  conjura  d'apaiser  sa 
colère,  ne  |)ut'  vaincre  son  obstination. 
Ainsi  leur  division  continua  toujours,  et 
voici  l'effet  funeste  qu'elle  produisit. 

Quelques  moines  des  montagnes  de  Nitrie, 
d'un  naturel  fort  bouillant,  et  les  mêmes 
dont  Théophile  s'était  autrefois  servi  pour  sa- 
tisfaire sa  passion  injuste  contre  Dioscore 
et  ses  trois  frères,  étant  encore  alors  trans- 
portés par  un  zèle  trop  ardent,  prirent  les  ar- 
mes pour  la  défense  de  saint  Cyrille.  Etant 
donc  sortis  de  leur  monastère  au  nombre 
d'environ  cinq  cents,  ils  vinrent  à  Alexandrie, 
où,  ayant  rencontré  le  préfet  porté  sur  son 
char,  ils  s'approchèrent  de  lui  et  l'appelè- 
rent païen  et  idolâtre.  Le  préfet  jugeant  que 
c'était  im  piège  qui  lui  avait  été  diessé  par 
saint  Cyrille,  s'écria  qu'il  était  chrétien  et 
qu'il  avait  été  baptisé  à  Conslantinople  par 
l'évoque  Atticus.  Les  moines,  faisant  peu 
d'attention  à  ses  paroles ,  un  d'entre  eux, 
nommé  Ammone,  lui  jeta  une  pierre  à  la  tête, 
et  le  blessa  de  telle  sorte  qu'il  le  mit  tout 
en  sang.  Ses  gardes,  craignant  d'être  lapidés, 
s'enfuirent  presque  tous  de  côté  et  d'autre, 
et  s'allèrent  cacher  parmi  la  foule.  Cepen- 
dant le  peuple  accourut  au  secours  du  préfet, 
écarta  les  moines,  se  saisit  d'Ammone  et 
le  mit  entre  les  mains  du  gouverneur,  qui 
le  mit  publiquement  à  la  question  et  le  fit 
tourmenter  selon  toute  la  rigueur  des  lois, 
et  avec  tant    de   violence  qu'il  en  mourut. 

Il  écrivit  en  môme  temps  en  cour  tout  ce 
qui  s'était  passé.  Saint  Cyrille  y  écrivit 
aussi  de  son  côté,  mandant  tout  le  contraire 
du  préfet.  Il  redemanda  le  corps  d'Ammone, 
le  fit  enterrer  dans  une  église,  changea  son 
nom  et  lui  donna  celui  de  Thaumase.  Il  le 
faisait  môme  honorer  du  litre  de  martyr, 
fit  son  éloge  publiquement  dans  l'église,  et 
loua  son  courage,  comme  s'il  avait  perdu  la 
vie  pour  la  défense  de  la  religion.  Mais  les 
plus  modérés  d'entre  les  chrétiens  mômes 
ne  purent  approuver  ces  louanges  d'Am- 
mone, parce  qu'ils  savaient  bien  que  ce  moine, 
bien  loin  d'être  mort  pour  avoir  confessé  Jé- 
sus-Christ, n'avait  souUVrl  que  le  juste  châ- 
timent de  son  insolence.  Aussi  sanit  Cyrille 
eut  soin  dans  la  suite  d'étouffer  cette  atlaire 
j)ar  le  silence. 

La  même  division  produisit  encore  depuis 
un  autre  malheur  plus  célèbre  que  les  pré- 
cédents, qui  arriva  l'année  suivante  ('*15). 
]|  y  avait  à  Al(;vandri(!  une  fille  païenne 
nonunéi;  Ilypacie,  (pii  enseignait  la  philuso- 
plii(!  platonicienne,  et  que  son  talent  distin- 
gué avait  mise  on  grande  ré|)utalion.  Celte 
l'cnnne  élait  fortliécavecOrcstc  ;  aussi  Je  peu- 
ple,persuadé 'pje  c'étaient  les  cons<'i]s  d'JHy- 


7«! 


CYR 


CTR 


762 


pacie  qui  empochaient  le  gouverneur  do  se 
réconcilier  avec  Cyrille,  la  mirent  à  mort  un 
jour  qu'elle  sortait  de  sa  maison,  et  traînè- 
rent ses  membres  dans  les  dillercnts  quar- 
tiers de  la  ville. 

Ce  fut  en  l'année  419  que  saint  Cyrille, 
qui  s'était  laissé  prévenir  contre  saint  Cliry- 
sostome,  et  qui,  jusqu'alors,  avait  refusé  de 
rétablir  sa  mémoire,  mit  enliii  le  nom  du 
saint  archev6(|ue  do  Constantinople  dans 
les  diptjqui's.  Informé  de  co  qu'il  avait  lait, 
le  pape  Zozime  lui  envoya  aussitôt  des  let- 
ti-es  de  communion.  Voilà  ce  que  nous  trou- 
vons de  la  vie  de  saint  Cyrille  jusqu'à  l'au 
428,  auquel  il  faut  commencer  l'histoire 
de  l'hérésie  nestorienne,  qui  en  doit  faire 
la  plus  grande  et  la  plus  importante  par- 
tie. 

A  la  mort  de  Sisinne,  évoque  de  Cons- 
tantinople (427),  la  cour,  voulant  arrêter  tou- 
tes les  brigues  que  plusieurs  mettaient  en 
œuvre  pour  lui  succéder  sur  ce  siège  im- 
portant ,  résolut  de  prendre  quelqu'un 
qui  ne  fût  point  du  clergé  de  Constantino- 
ple, et  jeta  les  yeux  sur  Nestorius,  alors  prê- 
tre d'Antioche,  qui  avait  une  très-grande  ré- 
putation. Ce  Nestorius  était  de  (îermanicie, 
ville  de  la  Syrie  Euphratésienne.  Il  paraît 
qu'il  était  d'une  extraction  fort  médiocre  , 
puisque  saint  Cyrille  dit  que  Dieu  l'avait 
élevé  de  la  bassesse  aux  dignités  les  plus 
grandes.  Il  donne  même  lieu  de  croire  que 
sa  naissance  était  honteuse.  Théodoret  dit 
au'il  ne  sait  pas  de  quelle  manière  il  avait 
été  élevé  ni  quelles  sciences  il  avait  apprises 
d'abord.  Quoi  qu'il  en  soit,  après  avoir  par- 
couru différents  pays,  il  s'arrêta  à  Antioche 
et  y  acquit  une  science  médiocre  dans  les 
belles-lettres.  Il  avait  naturellement  une 
•  grande  facilité  à  parler  sur-le-champ;  il  avait 
même  la  voix  fort  belle  et  extrêmement 
forte  ;  sa  vie  était  très-exemplaire,  et  sa  pu- 
reté le  faisait  estimer  d'un  grand  nombre  ; 
son  habit  était  fort  brun  ,  son  air  modeste 
et  recueilli.  Il  évitait  les  lieux  de  trouble 
et  d'assemblées  ;  la  pâleur  de  son  visage  et 
de  son  corps  était  une  marque  de  sa  sobriété. 
Il  était  presque  toujours  chez  lui  appliqué  à 
la  lecture  et  renfermé  en  lui-même  dans  le 
repos  et  dans  le  silence.  Théodore  de  Mop- 
sueste  ayant  avancé,  eu  prêchant  à  Antio- 
che, une  proposition  qui  n'était  pas  exacte, 
Nestorius  fut  le  premier  à  la  désapprouver 
et  à  témoigner  avec  liberté  son  zèle  pour  la 
véritable  doctrine.  Il  acquit  par  ce  moyeti 
une  fort  grande  réputation  qui  le  fit  envier 
h  Antioche  par  les  autres  villes.  On  le  re- 
gardait comme  une  personne  dont  la  foi 
était  pure  et  sans  tache,  capable  d'exciter 
les  autres  h.  la  piété,  et  très-propre  pour 
instruire  les  peuples.  On  ne  doutait  point 
qu'il  n'eût  toutes  les  qualités  d'un  bon  pas- 
teur et  d'un  excellent  évoque.  Néanmoins, 
Théodoret  dit  que  toute  la  vertu  extérieure 
qu'il  faisait  paraître  n'était  qu'une  vaine 
apparence  pour  s'acquérir  l'estime  des  hom- 
mes ,  et  qu'il  préférait  sa  gloire  à  celle  de 
Jésus-Christ  même;  que  dans  ses  discours, 
son  langage  n'avait  rien  de  mâle ,  rien  de 


naturel ,    rien  de  touchant ,   rien  qui  pût 

échauffer  le  cœur  de  ses  auditeurs  ,  et  qu'il 
ne  s'appliquait  qu'à  leur  plaire  et  à  flatter 
leurs  oreilles  afin  de  s'attirer  leurs  louanges 
et  leurs  ap[)laudissements  ,  de  gagner  leur 
estime  et  de  se  faire  suivre  par  la  foule  du 
peuple.  Socrate  dit  aussi  (pi'il  n'était  pas  si 
savant  qu'on  le  croyait  :  qu'étant  cnllé  de 
son  élocpieuce,  et  croyant  qu'elle  le  niiîtlait 
au-dessus  de  tout  le  monde,  il  ne  s'était  pas 
mis  en  peine  de  lire  les  interprètes  ni  d'étu- 
dier solidement  les  anciens  Pères  ;  qu'il  était 
tout  ensemble  vain,  violent  et  peu  judicieux. 
C'était  un  esprit  bouillant,  qui  se  portait 
avec  feu  à  tout  ce  qu'il  entreprenait.  Mar- 
cellin  dit  qu'il  avait  assez  d'éloquence,  mais 
peu  de  sagesse.  Saint  Cyrille  l'accuse  d'a- 
voir eu  plus  d'attache  à  l'or  et  à  l'argent 
qu'aux  vérités  de  l'Ecriture. 

Notre  saint  écrivit  sans  différer  à  Nesto- 
rius pour  lui  témoigner  sa  joie ,  pour  le 
louer  et  pour  lui  souhaiter  de  la  bonté  de 
Dieu  les  biens  les  plus  excellents.  Neslorius 
inaugura  sa  nouvelle  dignité  en  persécutant 
avec  vigueur  les  Ariens,  les  Macédoniens, 
les  Manichéens,  et  finit  enfin  par  les  chasser 
de  son  diocèse.  Il  poussa  le  zèle  jusqu'à  faire 
abattre  l'église  oi!i  les  sectaires  d'Arius  te- 
naient leurs  assemblées.  Bientôt,  cependant, 
il  nia  avec  les  Pélagiens  !a  nécessité  de  la 
grâce,  quoiqu'il  reconnût  l'existence  du  pé- 
ché originel.  Il  osa  prêcher  et  faire  prêcher 
publiquement  qu'il  y  a  deux  personnes  en 
Jésus-Christ  ,  celle  de  Dieu  et  celle  de 
l'homme  ;  que  le  Verbe  ne  s'est  point  uni 
hypostatiquement  à  la  nature  humaine  ; 
qu'il  ne  l'a  prise  que  comme  un  temple  oii 
il  habite,  et  que  par  conséquent  la  sainte 
Vierge  n'est  point  mère  de  Dieu,  mais  seu- 
lement mère  de  l'homme  ou  du  Christ.  Tou- 
tes ces  nouveautés -impies  excitèrent  une 
indignation  générale  parmi  les  fidèles. 

Saint  Cyrille  eut  la  gloire  de  s'opposer  le 
premier  avec  une  vigueur  digne  de  son  zèle 
aux  homélies  de  Nestorius  que  cet  héré- 
siarque faisait  colporter  dans  les  provinces, 
et  qui  commençaient  à  semer  la  division 
dans  l'Eglise.  Le  mal  avait  pénétré  jusque 
dans  les  saints  déserts  où  l'on  trouvait  clés 
gens  qui  allaient  de  tous  côtés  pour  corrom- 
pre la  simplicité  de  la  foi  des  solitaires,  qui 
voulaient  qu'on  doutât  si  la  Vierge  devait 
être  appelée  mère  .de  Dieu,  et  qui  trou- 
blaient le  repos  des  monastères  d'Alexan- 
drie et  de  l'Egypte  par  la  lecture  des  homé- 
lies de  Nestorius.  Saint  Cyrille  apprit  cela  de 
(juelques  solitaires  qui  étaient  venus  à 
Alexandrie,  selon  la  coutume,  pour  les  fêtes 
de  Pâques.  Ce  furent  une  grande  surprise 
et  une  grande  alfliction  tant  à  ce  saint 
qu'aux  autres  qui  venaient  de  témoigner 
tant  de  joie  de  l'élection  de  Nestorius,  de 
voir  un  succès  si  opposé  aux  grandes  espé- 
rances qu'ils  avaient  conçues  de  lui.  Notre 
saint  ayant  donc  appris  le  trouble  où  étaient 
les  monastères  de  l'Egypte,  fit  une  lettre  cir- 
culaire contre  l'hérésie  de  Nestorius,  qu'il 
leur  fit  distribuer. 

Cyrille  écrivit  deux  fois  à  Nestorius,  afin 


7^  DA£L 

de  l'exhorter  h  rentrer  dans  le  sein  de  l'E- 
glise; mais  celui-ci  se  refusa  à  tout  ce  qu'on 
put  lui  dire ,  et  n'en  devint  que  plus  opi- 
niâtre. On  assembla  doncle  concile  d'Ejihèse 
(431)  composé  de  2r0  évoques,  et  notre  saint 
le  présida  au  nom  du  pape  Célestin.  Nesto- 
rius  fut  cité  trois  fois  <^  comparaître ,  mais 
quoiqu'il  fût  dans  la  ville  ,  il  ri^fusa  cons- 
tamment. Alors  on  prononça  contre  lui  une 
sentence  de  déposition  dont  on  informa 
aussitôt  l'empereur. 

Quelques  jours  après ,  Jean  d'Antioche 
arriva  enfin  à  E])hèse  avec  les  orientaux  qui 
l'accompagnaient.  Ils  favorisaient  en  sous- 
main  la  personne  de  Neslorius,  crovant  qu'on 
lui  imputait  des  torts  qu'il  n'avait  pas.  ils 
déclarèrent  nul  le  concile,  et  déposèrent 
Cyrille.  Mais  bientôt  les  légats  du  pape  Cé- 
lestin  arrivèrent,  et  ])l(Mneruent  instruits  de 
ce  qui  .s'était  passé,  ils  confirmèreni  la  sen- 
tence prononcée  contre  Nestorius.  Les  évo- 
ques schi^matiques  reconnurent  enfin  la  vé- 
rité, se  réconcilièrent  avec  saint  Cyrille  en 
433,  et  Nestorius  fut  relégué  à  Oasis,  dans 
les  déserts  de  la  haute  Egypte,  où.  il  mourut 
sans  s'être  repenti  de  son  erreur.  Evagre 
dit  qu'il  avait  vu  dans  un  écrit  oiî  l'on  rap- 
portait la  fin  de  sa  vie ,  qu'il  était  mort  la 
langue  mangée  de  vers.  Telle  fut  la  fin  do 
ce  malheureux  qui  n'avait  employé  qu'à 
troubler  l'Eglise  les  qualités  qui  le  ren- 
daient capable  de  lui  rendre  de  très-grands 
services. 

Notre  saint,  voyant  que  sa  présence  n'é- 
tait plus  nécessaire  à  Ephèse  ,  revint  à 
Alexandrie.  Il  s'appliqua,  comme  par  le 
passé,  à  remplir  tous  les  devoirs  que  sa 
charge  lui  imposait,  et  cimenta  la  paix  que 
l'hérésie  avait  enlevée  à  l'Eglise  pendant 
plusieurs  années.  11  mourut  enfin  en  444, 
dan.s  la  trente-deuxième  année  de  son  épis- 
copat.  Ses  vertus  et  ses  talents  lui  méritè- 
rent de  la  part  du  pape  Célestin,  qui  l'esti- 
mait foit,  les  titres  de  généreux  défenseur  de 
VEfjlise  et  de  la  foi,  de  docteur  catholique  et 
d'homme  vraiment  apostolique.  Il  est  inscrit 
au  Martyrologe  romain  le  28  janvier. 

CYRILLE  (saint)  eut  le  glorieux  privilège 
de  verser  son  sang  j)our  la  religion  chré- 
tienne à  Anlioche,  avec  les  saints  Secon- 
daire H  Prime.  L'Eglise  fait  collectivement 
leur  mémoire  le  2  octobre. 


DAC 


7W. 


CYRILLE  (saint),  martyr,  mourut  en  Sy- 
rie, en  confessant  sa  foi  avec  les  saints  Paul, 
Eugène  et  quatre  autres  dont  nous  ignorons 
les  noms.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  20  mars. 

CYRILLE  (saint',  martyr,  reçut  la  palmo 
du.  martyre  avec  les  saints  Archelaiis  et 
Pholius.  On  ignore  le  lieu,  la  date  et  les  cir- 
constances de  leur  mart\  re.  Le  Martyrologe 
romain  n'en  dit  rien.  L'Eglise  honore  leur 
mémoire  le  4  mars. 

CYRILLE  (sainte),  vierge,  fille  de  sainte 
Tryphonie,  fut  égorgée  pour  la  foi  chré- 
tienne sous  le  règne  et  durant  la  persécu- 
tion de  l'empereur  Claude  II,  dit  le  Gothi- 
que, dans  la  ville  de  Rome.  Sa  fête  tombe  le 
28  octobre. 

CYRILLE  (sainte),  martyre,  souffrit  à  Cy- 
rène,  durant  la  persécution  de  Dioclétien. 
Elle  tint  longtemps  en  main  des  charbons 
ardents,  avec  de  l'encens  sans  le  remuer, 
de  crainte  que  quelqu'un  de  ces  charbons 
venant  à  tomber,  elle  ne  parût  avoir  sacrifié 
aux  idoles.  Enfin,  ayant  eu  le  corps  cruelle- 
ment déchiré,  elle  alla  présenter  ses  mérites 
à  celui  en  l'honneur  duquel  elle  avait  ré- 
pandu son  sang.  L'Eglise  fait  sa  glorieuse  et 
sainte  mémoire  le  5  juillet. 

CYRIN  (saint)  soulfrit  le  martyre  dans 
l'Hellespont  avec  les  saints  Prime  et  Théo- 
gènes. L'Eglise  célèbre  collectivement,  leu^ 
mémoire  le  3  janvier.  .   ' 

CYRION  (saint),  martyr,  souffrit  le  mar- 
tyre à  Sébasle  en  Arnaénie.  {Voij.,  pour  plus 
de  détails,  l'article  Candide.) 

CYRION  (saint),  prêtre  et  martyr,  versa 
son  sang  pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  avec 
les  saints  Bassien,  lecteur,  Àgathon,  exor- 
ciste, et  Moïse.  Ils  soutl'rirent  tous  le  sup- 
plice du  feu ,  et  l'Eglise  vénère  leur  sainte 
mémoire  le  14  février.  • 

CYRTHE,  ville  de  Numidie  en  Afrique, 
célèbr*!  par  le  martyre  de  saint  Agape  et  de 
saint  Secondin,  sous  l'empire  de  Valérien, 
avec  celui  de  saint  Emilien,  soldat,  et  des 
saintes  TertuUe  et  Antoinette.  "* 

CYZIQUE,  ville  située  dans  l'Hellespont, 
est  célèbre  dans  les  annales  des  martyrs, 
])ar  les  souffrances  qu'y  endura  l'évèque 
Emilien  pour  la  défense  de  la  religion.  Ce 
fut  l'empereur  Léon  qui  le  fit  tourmenter  à 
cause  du  culte  des  saintes  images 


D 


DACE  (saint),  martyr,  mourut  en  Africpie 
pour  l'honneur  de  la  religion  duianl  la  |)er- 
sécution  des  Vandales.  Il  eut  poui'com[>a- 
gnons  de  son  martyre  saint  Réatc;  et  d'autnis 
encore,  dont  les  noms  ne  nous  sont  point 
parverms.  On  n'a  pas  de  détails  sur  li;ur 
martyre.  L'Eglise  fait  leur  fêle  le  27  jan- 
vier. 

DACE  (saint),  évèque  et  confesseur,  souf- 
frit pour  riKjiineur  d(;  sa  foi  dans  la  ville  de 
Milan.    Le  paue  saint    Grégoire  en  a   fuit 


mention.  Nous  n'avons  aucun  détail  sur  lui. 
Sa  fèt(!  est  inscrite  au  Martyrologe  romain 
le  15  janvier. 

DACIEN  (saint),  fut  l'un  des  (juarante- 
huit  martyrs  mis  a  mort  avec  saint  Salm-nin 
en  Alriipie,  sous  le  |)roconsul  Anuliu,  en 
l'an  d(i  Jésus-Christ  .{(Ki,  sous  le  règne  et 
durant  la  persécution  si  terrible  (\\u)  l'in- 
fàm(!  Dioclétien  suscita  conti(î  l'Eglise  du 
S('ign(!ur.  (Voij.  Satium-n.)  L'Eglise  célèbre 
la  fêle  de  tous  ces  suints  lu  II  février. 


765 


DAC 


DAC 


766 


DACIEN  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
toi  à  Homo  avec  saint  Arôce.  On  Ignore  la 
date  ot  les  circonstances  de;  leur  martyre. 
L'K/lise  honore  leur  immortelle  mémoire  le 
'i'  juin. 

DAlllKN  (irès-probablement  le  môme  ([uo 
le  suivant),  gouverneur  en  Esjjagne  sous 
l'empire  et  durant  la  persécution  de  Dioelé- 
tien,  lit  arrêter  à  Tolède  sainte  Lt'ocadie. 
A|)rès  l'avoir  tait  horriblement  tourmentiM", 
il  la  lit  mettre  (mi  prison,  où  elle  mourut  dus 
suites  des  supplices  qu'elle  avait  (Midurés. 
En  303,  saint  (iUcutat  c[ui  avait  quitté  S^-il- 
lile,  ville  de  l'Afrique  [)roconsulaire  oii  il 
habitait,  pour  éviter  la  persécution  de  Dio- 
clétien,  étant  arrivé  à  Barcelone,  Dacicn  lui 
fit  endurer  divers  tourments,  puis  enfm  le 
fil  d'capiter. 

C'est  ce  même  Dacien  qui  fit  mourir  à 
Complute,  aujourd'hui  Alcala,  saint  Just  et 
sai  it  Pasteur.  11  les  condamna  à  être  déca- 
pités :  la  sentence  reçut  son  exécution  dans 
un  champ  près  de  la  ville.  Dans  la  môme 
année,  ce  féroce  persécuteur  des  chrétiens 
inonda  de  sang  la  ville  de  Saragossc.  Il  y 
fit  mourir  h  la  fois  les  martyrs  dont  les 
noms  suivent  :  Optât,  Luperque,  Martial, 
Successe,  Urbain,  Quinlilien,  Jule,  Publias, 
FrontO'i,  Félix,  Cécilien,  Evotius,  Primiiif, 
Apodème,  plus  quatre  du  nom  de  Saturnin. 
Ces  martyrs  sont  connus  sous  le  nom  des 
dix-huit  martyrs  de  Saragosse.  Caius  et  Cré- 
mence,  qui  combattirent  avec  eux,  ne  mou- 
rurent pas  le  môme  jour;  ils  endurèrent  un 
Second  combat  dans  lequel  ils  cueillirent  la 
palme  du  martyre.  Sainte  Eiicratide  ou  En- 
gratie  fut  aussi  victime  de  la  barbarie  de 
ce  monstre  de  cruauté.  Elle  mourut  en  pri- 
son des  suites  des  blessures  affreuses  que 
lui  avaient  faites  les  bo'urreaux.  Dacien 
l'avait  envoyée,  avant  de  la  livrer  aux  bour- 
reaux ,  dans  une  maison  de  prostitution  ; 
mais  Dieu  avait  v  nllé  sur  elle,  et  pas  un  des 
débauchés  qui  fréquentaient  ce  lieu  infâme 
n'avait  osé  s'adresser  à  elle  :  la  vierge 
garda  son  innocence,  et  le  juge  son  op- 
probre. 

DACIEN ,  gouverneur  des  Gaules  sous 
Dioclétien  et  Maximien,  ayant,  en  vertu  des 
ordres  de  ces  empereurs,  excité  une  vio- 
lente persécution  contre  les  chrétiens,  vint 
dans  la  ville  d'Agen,  oià  il  fit  comparaître 
devant  son  tribunal  sainte  Foi,  jeuiie  chré- 
tienne qui  appartenait  à  une  famille  illustre. 
Il  e^saya  d'abord  de  la  gagner  par  la  dou- 
ceur de  son  langage  et  par  ses  pernicieux 
conseils.  N'ayant  pu  y  réussir,  il  la  fit  atta- 
cher sur  un  lit  d'airain,  sous  lequel  on  al- 
luma un  grand  brasier.  Les  spectateurs  de 
ce  supplice  ayant  témoigné  l'indignalion  et 
l'horreur  qu'ils  en  éprouvaient,  il  en  fit  ar- 
rêter un  certain  nombre,  et  les  fit  décapiter 
avec  sainte  Foi ,  parce  que,  conduits  au 
temple,  ils  refusaient  obstinément  de  sacri- 
fier. {Voy.  Foij.  Quelque  temi)S  après  ce 
juge  fit  mourir  aussi  saint  Caprais,  qui  s'était 
caché  dans  une  caverne  pour  éviter  la  per- 
sécution, mais  qui,  ayant  appris  avec  quel 
courage  sainte  Foi  avait  souffert,  vint  de  lui- 


même    se  présenter  aui  bourreaux.  {Voy. 
Capkais). 

DACLNHA,  fut  envoyé  par  Manoel  Sarcy, 
provincial  de  Coa,  et  son  supérieur,  dans  le 
Maissour.  Il  y  endura  plusiiiurs  persécutions 
pendant  trois  ans,  et,  avec  un  zèle  que  lien 
ne  pouvait  lasser  il  ti-availia  au  bien  de 
cette  chrélitmté.  Il  avait  sur  les  terres  du 
roi  de  Cagonti  une  église  que  les  Mahomé- 
tans  bi'iilèrent.  Durant  qu'on  en  éditiait  une 
autre  plus  vaste,  plusieurs  disciples  du 
Gourou,  chef  de  la  religion  à  Cagonti,  vin- 
rent di.s|)u(er  avec  lui  à  propos  de  l'unité 
de  Dieu.  Ils  furent  confondus.  Le  généial 
des  troupes,  ([ui  protégeait  le  missionnaire, 
le  rassura  contre  les  menar;es  que  ces  gens 
lui  tirent  entendre  en  se  retirant.  Le  jour  de 
l'Ascension  1711,  comme  il  disait  la  messe 
dans  cette  église  pour  la  première  fois,  des 
Dasséi'is  l'disciples  du  Gourou),  au  nombre  de 
pi  us  de  soixante,avec  beaucoup  de  Brahmanes, 
vinrent  l'assaillir'.  L'un  de  ces  derniers  lui  as- 
séna un  cou|)  de  bAton  sur  les  reins;  de  |)lus, 
le  missionnaire  reçut  plusieur-s  coups  d'épée 
et  de  lance  sur  les  bras  et  sur  la  tôte.  Ceux  qui 
ne  le  frappèrent  pas  l'accablèrent  d'injures. 
Un  brahmane  qui  l'avait  admiré  dans  la  dispute 
qu'il  avait  soutenue  concernant  l'unité  de 
Dieu,  prit  son  parti  et  em[)êcha  qu'il  fû' 
massacré  au  pied  de  l'autel.  Dacunha,  cou- 
vert du  sang  des  blessures  qu'il  avait  à  la 
tète  et  à  la  main  droite,  fut  mené  devant 
le  Gourou. 

Celui-ci,  assis  sur  un  tafus,  faisait  paraître 
autant  d'orgueil  et  de  colère  que  l'apùtre 
montrait  de  constance  et  d'humilité.  «Le 
Gourou ,  écrit  le  jésuite  de  San-Iago,  parla 
d'aboi  d  au  Père  en  des  termes  d(^  mépris  , 
puis  il  lui  demanda  qui  il  était,  a'où  il 
était,  quelle  langue  il  parlait,  et  dans  quelle 
caste  il  était  né.  Le  Pèi'e  ne  lui  fit  aucune 
réponse,  et  le  Gourou  attribuant  ce  silence 
à  sa  faiblesse,  interrogea  le  catéchiste  qui 
était  à  côté.  Celui-ci  répondit  que  le  Père 
était  Kchatria  (c'est  la  deuxième  caste  des 
Indiens).  De  là  le  Gourou  passa  à  des  ques- 
tions sur  la  religion.  «  Qu'est-ce  que  Dieu, 
demanda-t-il  au  catéchiste?  —  C'est  un 
souverain  d'une  puissance  infinie,  répon- 
pondit-il.  —  Qu'entendez-vous  par  ces  mots? 
reprit  le  Gourou.  —  Le  Père  prit  alors  la 
parole  et  dit  :  «  C'est  un  être  par  lui-même, 
indéj)endant,  pur  esprit  et  très-parfait.  »  A 
ces  mots  le  Goui'ou  fit  de  grands  éclats  de 
rire,  puis  il  ajouta  :  «Oui,  oui,  je  l'enverrai 
bientôt  savoir  si  ton  Dieu  n'est  qu'un  pur 
esprit.  »  Le  Père  répondit  que  s  il  voulait 
l'apprendre,  il  serait  aisé  de  le  lui  démon- 
trer. Le  Gourou  n'ignorait  pas  le  succès  des 
disputes  j)assées,  et  il  craignit  de  s'engager 
dans  une  dispute  nouvelle  qui  aurait  tourné 
infaillibluinent  à  sa  confusion.  Aussi  il  se 
contenta  de  demander  si  Brahma  de  Tripurdi, 
idole  fort  révérée  dans  le  pays,  était  dieu. 
«  Non,  »  répondit  le  Père.  A  ces  mots,  le 
Gourou  se  livra  à  toute  sa  colère  et  prit  à 
témoin  le  magistrat  de  la  bourgade.  11  eût 
sans  doute  fait  mourir  le  Père  sur  le-champ, 
mais  quelques  gentils,  touchés  de  compas^ 


767 


DAF 


DAG 


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sion,  le  conjurèrent  avec  larmes  de  ne  point 
souiller  ses  mains  du  peu  de  sang  qui  lui 
restait  dans  les  veines.  Le  Père  seul  dans 
l'assemblée  paraissait  intrépide.  Il  se  conso- 
lait intérieurement  de  voir  que  ses  travaux 
n'étaient  pas  vains,  puisqu'ils  aboutissaient 
à  confesser  et  è  glorifier  le  nom  du  vrai 
Dieu.  Sa  consolation  fat  encore  augmentée 
par  la  générosité  de  ses  néophytes.  Deux 
anciens  chrétiens,  tandis  qu'il  était  en  pré- 
sence du  Gourou,  vinrent  se  jeter  au  cou  de 
leur  pasteur,  et  s'offrirent  à  défendre  les 
intérêts  de  la  religion.  On  ne  les  tira  de  ces 
tendres  embrassements  qu'avec  violence  et  . 
à  grands  coups.  Le  catéchiste  (jui  ne  le 
quitta  point  reçut  un  coup  de  sabre  sur  les 
côtes;  il  avait  une  ardeur  inexprimable  de 
mourir  avec  son  pasteur.  Cependant  le  chef 
des  Dasséris,  voyant  que  le  peuple  et  ceux 
des  Brahmanes  qui  n'étaient  pas  de  sa  secte,  ■ 
porlaient  compassion  au  missionnaire,  lui 
ordonna  tout  à  coup  de  sortir  du  pays.  Le 
catéchiste  lit  son  possible  pour  obtenir  que 
le  Père  demeurât  encore  cette  nuit-là,  afin 
qu'on  pût  le  panser  :  ce  fut  en  vain.  LoPère, 
de  son  côté,  fit  instance  et  demanda  qu'il 
lui  fût  permis  de  guérir  les  plaies  des  chré- 
tiens ,  dont  il  était  plus  touché  que  des 
siennes.  Le  Gourou  rejeta  avec  fierté  sa 
demande,  et  le  fit  partir  dès  ce  soir-là  môme. 
Pour  s'assurer  mieux  de  sa  sortie,  il  lui 
donna  des  gardes,  avec  ordre  de  ne  le  point 
quitter  qu'ils  ne  l'eussent  mis  hors  du 
royaume.  Le  Père,  voyant  qu'il  ne  pouvait 
plus  différer,  regarda  tendrement  son  église, 
dit  adieu  à  ses  clu'étiens  qui  fondaient  en 
larmes,  et  partit  à  pied.  Eniin,  il  se  trouva 
dans  un  état  où  il  ne  pouvait  plus  se  soute- 
nir ,  et  ce  ne  fut  qu  avec  bien  de  la  peine 
qu'on  le  transporta  à  Capinagati,  le  princi- 
pal lieu  de  sa  résidence.  Les  chrétiens  de 
cet  endroit  m'envoyèrent  un  exprès  [)0ur 
in'avertir  du  danger  où  était  leur  pasteur. 
Se  sentant  beaucoup  plus  mal,  il  me  pria  de 
lui  administrer  les  sacrements,  li  connut 
lui-même  l'heure  de  sa  mort  ;  il  prononça 
le  saint  nom  de  Jésus,  et  m'ayant  embrassé 
avec  une  parfaite  connaissance,  il  s'endor- 
mit dans  le  Seigneur,  dix-huit  jours  après 
les  mauvais  traitements  qu'il  avait  reçus 
des  Brahmanes  et  des  Dasséris  de  Cagonti. 
(Henrion,  vyl.  IV,  p.  45.3). 

DADAS  (saintj,  ujai'tyr,  reçut  la  couronne 
du  martyre  avec  les  saints  Maxime  et  Qnin- 
tilien,  sous  la  persécution  do  Dioclétien.  On 
n'a  jias  de  détails  sur  leurs  souffrances. 
L'Eglise  fait  leur  fêle  le  13  avril. 

DADAS  fsainl),  martyr,  était  proche  pa- 
rent du  roi  Sa|)or.  Il  souffrit  le  martyre  avec 
Casdoé,  sa  feunne ,  et  (iai)delas,  leur  fils. 
Après  avoir  été  dépouillés  de  hmrs  honneurs, 
éprouvés  par  div«;rs  tourments,  déchii'és  de 
couf)S  et  déteiHis  dans  une  longue  et  ligou- 
reijse  prison,  ils  eurent  la  tête  tranchée. 
L'Kglise  honore  leur  mémoire  le  2!>  sep- 
teinbrc. 

DAFUOSE  (sainte),  mère  de  sainte  Bibian(î 
ol  épouse  de  saint  Flavien,  fut  mise  à  mort 
pour  la  foi  chrétienne,  sous  Julien  l'Apostat, 


par  ordre  du  préfet  Apronien.  {Voy.  son  ar- 
ticle). Son  mari  avait  déjà  versé  son  sang 
pour  Dieu  (Voy.  Flavien,  Apronien),  quand 
elle  fut  emprisonnée  dans  sa  propre  maison, 
d'où  bientôt  ou  la  tira  ]iour  la  conduire  hors 
de  la  ville,  où  elle  fut  décapitée  par  ordre  du 
préfet.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  k  du 
mois  de  janvier.  {Voy.  Anastase,  in  Sim- 
j)licio).  ^ 

DAGAD,  prince  arménien,  de  la  famille 
d'Ardzourounik,  fut  l'un  de  ceux  qui  souf- 
frirent volontairement  la  captivité  pour 
Jésus-Christ ,  sous  le  rogne  d'Hazguerd  , 
deuxième  du  nom,  roi  de  Perse,  et  qui  ne 
furent  remis  en  liberté  et  renvoyés  en  leur 
pays ,  que  huit  ans  après  la  mort  de  ce 
prince  sous  le  règne  de  son  fils  Bérose. 
(Pour  plus  de   détails,  voy.  Princes  akmé- 

MENS). 

DAGILA  (sainte),  était  mariée  à  un  maître 
d'hôtel  du  roi  Genséric.  Elle  confessa  plu- 
sieurs fois  le  nom  de  Jésus-Christ,  et  acquit 
encore  depuis  la  même  couronne  sous  Gen- 
séric, comme  nous  le  lisons  dans  Victor 
de  Vite.  Sa  qualité  et  la  faiblesse  de  sa  com- 
])lexion  n'empêchèrent  point,  dit-il,  qu'on  ne 
lui  donnât  tant  de  coups  de  fouet  et  de  bâ- 
ton, qu'il  ne  lui  resta  plus  aucune  force. 
Puis  on  la  relégua  dans  un  lieu  sauvage  et 
stérile,  où  elle  ne  pouvait  recevoir  aucune 
consolation  de  personne.  Elle  quitta  cepen- 
dant avec  joie  pour  y  aller,  sa  maison,  son 
mari,  ses  enfants.  Et,  comme  depuis  on  lui 
permit  de  passer  dans  un  autre  désert  moins 
affreux,  où  elle  pouvait  avoir  la  satisfaction 
de  voir  ceux  qui  souffraient  comme  elle 
pour  la  foi,  elle  se  tenait  si  heureuse  d'être 
privée  de  toute  consolation  humaine,  qu'elle 
pria  qu'on  la  laissât  où  elle  était. 

DAGOBERT  II  (saint),  martyr,  était  fils  de 
saint  Sigebert,  roi  d'Austrasie,  et  de  la  reine 
Himnehilde.  Etant  encore  enfant,  il  perdit  son 
père,  et  Grimoald,  maiie  du  palais,  en  profila 
pour  dépouiller  Dagobert  de  la  puissance 
souveraine  ai)rès  quelques  mois  de  règne,  et 
])Our  l'envoyer  en  Irlande,  où  il  vécut  long- 
temps ignoré.  Grimoald  mit  sur  le  trône  son 
fils  Sigebert.  Mais  les  seigneurs  austrasiens 
le  détrônèrent  bientôt.  Plus  tard  cependant, 
ayant  appris  que  Dagobert  vivait  encore,  ils 
écrivirent  à  saint  Wilfrid ,  évêque  d'York, 
qui  l'avait  assisté  dans  sa  disgrâce,  de  le 
leur  renvoyer.  A  son  retour ,  on  ne  le  re- 
connut pas  de  suite  pour  roi.  Mais  Childéric, 
à  qui  l'Auslrasie  avait  été  donnée,  ayant  été 
assassiné  à  cause  de  sa  cruauté,  vers  l'an 
073,  la  mère  de  noire  saint  en  profila  pour  le 
faire  monter  sur  le  trône.  Dagoljerl  fit  cons- 
truire des  monastères,  des  abbayes,  et  réta- 
blir les  églises.  Bientôt  la  gucri-e  s'alluma 
entre  lui  et  Thierri  IIL  Les  deux  rois  élaient 
déjà  prescpi'en  présence,  (piand  Ehroin , 
maire  du  |)alais  sous  Thierri,  fit  massacrer 
notre  saint  dans  la  forêt  de  NOivi-e,  le  !23  dé- 
cembre ()71).  On  pourrait  peut-être  s'étonner 
de  voir  \\  DagoIxM't  le  nom  de  martyr,  mais 
anciennement,  connue  on  sait,  on  donnait  le 
litre  de  martyrs  à  ceux  (pii,  après  avoir  vécu 
saintement,  périssaient  <l'une  mort  injuste 


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DAL 


DAM 


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et  violente.  On  transporta  son  corps  à  Stenay, 
où  il  est  lionon^  le  2  septembre.  L'Eglise 
fait  sa  ini^moire  illiistio  le  23  décembre. 

D'ALEMIÎKKT  (Jean  le  Uond),  naquit  à 
Paris  en  1717.  Il  l'ut  exposé  sur  les  marches 
de  Saint-Jean-le-Kond,  église  qu'on  voyait 
anciennement  près  iU\  Notre-Dame.  Il  fut  re- 
cueilli par  un  commissaire  de  police,  ([ui  le 
contia  provisoirement  <^  la  femme  d'un  vi- 
trier. Il  était  trop  faible  et  trop  chétif  pour 
g^n'on  osât  le  transporter  îi  l'hospice  des  en- 
Lints  trouvés.  Ses  père  et  mère  avaient  des 
niolifs  sérieux  pourne  pas  avouer  cet  enfant. 
Le  père  était  Destouches,  commissaire  d'ar- 
tillerie; la  mère  était  madame  du  ïencin, 
femme  célèbre  de  cette  époque.  Destouches, 
néanmoins,  prit  soin  de  l'enfant,  et  lui  as- 
sura une  pension  de  douze  cents  francs  de 
rente.  D'Alembert,  Apre  au  travail,  doué 
d'une  grande  facilité,  lit  d'excellentes  études 
et  de  très-grands  progrès,  en  géométrie  prin- 
cipalement. Il  tit  en  mathématiques  des  dé- 
couvertes fort  importantes. 

Lié  avec  Voltaire,  Diderot  et  les  autres 
philosophes  anti-chrétiens  de  l'époque,  il 
n'avait  point  de  religion,  dit  Laharpe,  qui  le 
connaissait  bien  ;  mais  il  la  respectait  quand 
il  avait  occasion  d'en  parler  dans  ses  écrits  ; 
car,  outre  ses  ouvrages  de  mathématiques, 
nous  avons  de  lui  son  Discours  préliminaire 
de  l'Encyclopéilie,  des  Eloges  lus  dans  les 
séances  de  V Académie  Française,  6  vol.  in-12  ; 
Mélanges  de  littérature  et  de  philosophie , 
5  vol.  in-12;  OEuvres posthumes, '2\o\.  in-12, 
et  plusieurs  autres   écrits  auxquels   on  ne 

fiourrait  pas  faire  de  grands  reproches  sous 
e  rapport  religieux.  Mais,  dans  sa  corres- 
pondance avec  Voltaire  et  le  roi  de  Prusse, 
il  se  montre  à  découvert  et  se  prononce  for- 
tement contre  le  christianisme  ;  s'il  garde 
plus  de  mesure  encore  que  le  patriarche  de 
Ferney,  il  ne  lui  cède  pas  en  haine  contre  ce 
qu'il  nomme  la  superstition  ;  il  se  vante 
même  de  lui  donner  des  soufflets,  en  faisant 
semblant  de  faire  des  révérences.  Cette  corres- 
pondance ne  fut  imprimée  qu'après  sa  mort. 
Toutefois  on  ne  peut  l'excuser  sur  la  publi- 
cité qu'ont  eue  ses  lettres;  car  il  en  avait 
fait  faire  deux  copies,  les  avait  confiées  à 
Condorcet  et  à  Watelet,  deux  de  ses  amis: 
ce  n'était  sûrement  pas  pour  qu'elles  restas- 
sent ignorées  après  lui,  qu'il  les  communi- 
quait ainsi. 

Frédéric  l'engagea  plusieurs  fois  à  aller  se 
fixer  k  Berlin;  Catherine  le  pressa  d'accepter 
la  place  de  gouverneur  de  son  fils,  héritier 
du  trône  des  czars,  et  lui  offrit  100,000  liv. 
d'appointements.  D'Alembert  refusa  ces 
avantages,  préférant  conserver  sa  liberté  et 
jouir  de  l'agrément  d'être  au  milieu  de  ses 
amis:  il  resta  donc  à  Paris,  oii  il  jouissait  de 
14,000  liv.  de  pension.  Il  y  mourut,  sans  re- 
cevoir les  secours  de  la  religion,  le  29  octo- 
bre 1783.  Son  testament  commence  néan- 
moins par  ces  paroles  toutes  chrétiennes  : 
Au  notn  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Es- 
prit. (Bouvier,  Hist.  de  la  philos.,  vol.  II, 
pag.  249.) 

Voici  le  jugement  que  Laharpe  porte  sur 


d'Alembert  :  «  On  me  demandera  peut-être 
comment  d'Alembert,  qui  fut  un  des  premiers 
fondateurs  de  ce  monument  encyclopédique, 
que  je  viens  de  décrire  (îommé  un  arsenal 
d'irréligion,  se  trouve  placé  par  moi  dans 
cette  classe  de  philosophes  queje  sépare  des 
sophistes.  Je  dois  en  dire  les  raisons  :  c'est 
qu'il  ne  m'est  permis,  en  rigueur,  de  juger 
un  écrivain  que  par  ses  écrits,  puisque  ce 
n'est  que  par  ses  écrits  qu'il  est  homme 
public,  et  ressort  du  tribunal  de  la  posté- 
rité  

«  D'Alembert  haïssait  .es  prêtres  beaucoup 
plus  que  la  religion,  et  c'est  pour  cela  que, 
dans  ses  lettres,  il  poussa  contre  eux  la 
main  de  Voltaire,  tandis  qu'il  retenait  la 
sienne  avec  soin,  mais  sans  peine.  On  s'a- 
perçoit, dans  ses  écrits,  qu  il  n'avait  pas 
même  été  insensible  au  charme  des  livres 
saints,  encore  moins  au  mérite  de  nos  poètes 
et  de  nos  orateurs  chrétiens;  et  je  ne  crois 
pas  qu'il  ait  jamais  imprimé  une  phrase  qui 
marque  du  mépris  ou  de  la  haine  pour  la 
religion;  au  lieu  qu'on  pourrait  citer  beau- 
coup de  morceaux  de  ses  Eloges,  où,  entraîné 
apparemment  par  ces  héros  du  christianisme, 
il  en  parle  lui-même  avec  dignité  et,  ce  qui 
est  encore  plus  pour  lui,  avec  sentiment. 

«  J'ai  assez  connu  d'Alembert  pour  affirmer 
qu'il  était  sceptique  en  tout,  les  mathéma- 
tiques exceptées.  11  i/aurait  pas  plus  pro- 
noncé qu'il  n'y  avait  point  de  religion,  qu'il 
n'aurait  prononcé  qu'il  y  a  un  Dieu;  seule- 
ment il  trouvait  plus  de  probabihté  au 
théisme  et  moins  à  la  révélation.  De  là  son 
indifférence  pour  les  divers  partis  qui  divi- 
sèrent sur  ces  objets  la  littérature  et  la  so- 
ciété. Il  tolérait  en  ce  genre  toutes  les  opi- 
nions, et  c'est  ce  qui  lui  rendait  insupporta- 
ble l'arrogance  intolérante  des  athées.  Il 
haïssait,  bien  moins,  à  sa  manière,  l'abbé 
Batteux,  et  aimait  assez  Foncemagne,  tous 
deux  très-bons  chrétiens;  ce  qui  prouve  que 
ce  n'était  pas  la  croyance  qui  l'attirait  ou  le 
repoussait  :  il  a  loué  avec  épanchement  Mas- 
sillon,  Fénelon,  Bossuet,  Fléchier,  Fleury, 
non  pas  seulement  comme  écrivains,  mais 
comme  hommes  religieux.  Il  était  assez  équi- 
table pour  être  frappé  du  rapport  constant  et 
admirable  entre  leur  foi  et  leur  conduite,  en- 
tre leur  sacerdoce  et  leurs  vertus.  Il  a  laissé 
aux  philosophes  de  la  révolution  la  plate  et 
ignoble  insolence  d'appeler  fanatiques  et  dé- 
clamateurs  ces  grands  génies,  dont  le  nom 
n'eût  jamais  été  outragé  parmi  les  hommes, 
s'il  n'y  avait  pas  eu  une  révolution  française.  » 
(Raison  du  Christian.,  t.  IV,  p.  619.) 

DALMACE  (saint),  martyr,  reçut  la  cou- 
ronne du  martyre  à  Pavie  dont  il  était  évê- 
que.  Ce  fut  durant  la  persécution  de  Maxi- 
mien qu'il  versa  son  sang  pour  la  foi.  On  n'a 
aucun  détail  sur  lui.  L'Eglise  célèbre  sa  mé- 
moire le  5  décembre. 

DAMAS,  Damascus  des  anciens,  Demecho 
des  Turcs,  El-Cham  des  Arabes,  ville  de  Sy- 
rie, chef-lieu  du  pachalich  de  ce  nom,  sur  le 
Barady,  est  une  ville  fort  ancienne.  Elle  est 
mentionnée  dans  la  Genèse.  Souvent  elle  fut 
soumise  aux  Juifs  ;  d'autrefois,  elle  forma  un 


771 


DAM 


DAN 


77-2 


royaume  indépendant.  C'est  en  allant  à  cette 
ville  pour  y  persécuter  les  chrétiens,  que 
saint  Paul  fut  converti,  sur  la  routo,  par  le 
Seigneur  lui-même,  qui  lui  apparut  et  lui 
parla.  Il  résida  plusieurs  années  dans  celte 
ville,  qui  comptait  un  assez  grand  nombre 
de  Juifs  parmi  s<s  habitants.  (Encore  aujour- 
d'hui, sur  150,000  hab.,  il  y  a  5000  Juifs.) 
Ceux-ci  avant  formé  le  projet  de  tuer  saint 
Paul,  le  saint  apôtre  céda  aux  conseils  des 
disciples,  qui  le  descendirent  par-dessus  les 
remparts,  dans  une  corbeille.  Les  portes 
étaient  gardées,  pour  l'empêcher  de  sortir, 
par  les  Juifs  et  par  les  soldats  de  la  garni- 
son. 

Ce  fut  dans  cette  ville,  sous  le  règne  de 
l'empereur  Marc-Aurèle,  que  saint  Victor  et 
sainte  Couronne  furmt  martyrisés.  Cette 
dernière  sainte  est  honorée  par  les  Grecs 
sous  le  nom  de  sainte  Stéphanie. 

DAMIEiN  (saint),  martyr,  fière  de  saint 
Cosuîe,  fut  martyrisé  avec  lui,  en  303 ,  à 
Eges  en  Cilicie,  durant  la  persécution  de 
Dioctétien.  Tous  deux  étaient  médecins  et 
fort  habiles.  Us  étaient  Arabes  de  naissance. 
Lynas,  gouverneur  de  Cilicie,  les  ayant  fait 
arrêter,  leur  Ut  soulfrir  divers  tourments, 
sans  pouvoir  les  contraindre  à  abjurer  leur 
foi.  Enfin,  il  les  fit  décapiter  tous  les  deux. 
Leurs  corps  furent  transportés  en  Syrie,  et 
inhumés  à  Cyr.  Une  partie  de  leurs  reliques 
a  été  transportée  à  Rome,  dans  l'église  qui 
porte  leur  nom.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  27 
septembre. 

DAMIEN  (saint),  martyr,  était  soldat.  11 
soullrit  le  martyre  en  Afrique,  à  une  époque 
et  dans  des  circonstances  qui  nous  sont  in- 
connues. L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  12  fé- 
vrier. 

DAMiEN  (saint),  martyr,  était  évoque  à 
Pavie.  11  y  souffrit  le  martyre  à  une  époque 
et  dans  des  circonstances  qui  nous  sont 
inconnues.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  12 
avril. 

DAMIEN  (le  bienheureux),  remporta  la 
palme  du  martyre  en  Afrique,  il  était  né  à 
Valence  en  Es|)agne,  et  avait  pris  l'habit  des 
Franciscains.  Après  avoir  été  ordonné  prê- 
tre, il  partit  pour  i)rôcher  l'Evangile  aux  rau- 
suhuans.  A  peine  arr.vé  au  mdieu  d'(îux,  il 
commença  à  anathématiser  le  prophète,  et 
ne  tarda  pas  à  être  arrêté.  11  fut  jeté  sur  un 
bûcher,  dont  les  flammes  le  respectèrent. 
Alors  il  fut  lapidé,  après  quoi  il  fut  percé  de 
nombreux  coups  d'é{)ées.  Son  martyre  ar- 
riva l'an  lo.'J3.  (Férot,  Abrégé  historique  de  la 
vie  des  saints  des  trois  ordres  de  Saint-Fran- 
çois, lom.  III,  pag.  122;  Wadding,  an.  1533, 
n  1;>  ;  Chroniques  des  Frères  Mineurs,  t.  IV, 
p.  3V1.) 

DAMIEN  ni'KNAL,  calécf)iste  du  P.  San- 
vitores,  l'apotre  (hs  il(;s  Marianrics,  fut  tué 
par  los  indigènes  di!  Couaham,  avec,  un  autre 
catéchiste,  nommé  Nicolas  deFigucroa.Leur 
inarlyre  arriva  vers  l'an  1G72. 

1>À.M1ETTE,  dans  la  basse  Egypte,  sur  la 
branche  orientale  du  Nil,  fut  témoin,  1201, 
du  iiiariyrij  d»!s  Frèies  Prêcheurs  qui  por- 
taient la  lumière  évan^^élique  dans  celle  ville 


ettiansses  environs.  Ils  furent  massacrés 
par  les  musulmans,  au  nombre  d'environ 
deux  cents.  (Fonlana,  Monumenta  domini- 
cana.) 

Vers  l'année  1288,  le  bienheureux  Fran- 
çois, de  Spolète,  prêchait  l'Evangile  aux  ha- 
bitants de  Damiette.  Leur  esprit  commen- 
çait à  s'ouvrir  aux  splendeurs  des  clartés  du 
christianisme  ,  mais  leur  cœur  restait  atta- 
ché à  la  loi  de  Mahomet.  Us  demandèrent, 
unjour,  au  saint  missionnaire  ce  qu'il  pen- 
sait de  leur  prophète.  Celui-ci  ne  crut  pas 
pouvoir  leur  cacher  sa  manière  de  penser  h 
cet  égard.  U  leur  dit  que  le  mahométisme 
était  une  religion  qui  devait  entraîner  la  per- 
dition éternelle  de  ses  sectateurs.  Dénoncé 
pour  cette  réponse,  il  fut  cmpi  i>onné  et  con- 
damné à  la  peine  de  mort.  Les  musulmans 
vinrent  le  trouver  dans  la  prison  :  «  Réfléchis 
bien,  lui  dirent-ils;  il  te  laut  opter  entre 
l'abjuration  de  ta  foi,  l'aiihésion  à  l'islamisme 
ou  la  mort!  —  Je  choisis  la  mon,  dit  Fran- 
çois, qui  doit  me  délivrea*  des  misères  de 
cette  vie,  pour  me  faire  monter  au  ciel,  où 
l'on  vit  toujours  heureux.  Je  n'ai  qu'un  re- 
gret, c'est  de  vous  laisser  dans  l'ignorance 
où  vous  êtes,  dans  les  turpitudes  qu'auto- 
rise votre  loi,  toutes  choses  qui  vous  préci- 
piteront dans  les  feux  éternels  où  déjà  brtile 
votre  prophète  Mahomet.  »  Les  musulmans, 
à  ce  langage,  poussèrent  des  cris  de  fureur, 
et  se  précipitèrent  sur  le  saint.  L'un  d'entre 
eux  lui  asséna,  dit  la  Chronique  des  Frères 
Mineurs  [L  II,  p.  Ii8),  un  tel  coup  de  cime- 
terre, qu'il  le  fendit  en  deux.  Quoi  qu  il  en 
soit  d'un  fait  si  impossible,  le  martyre  du 
saint  est  constant.  U  monta  au  ciel  recevoir 
la  palme  éternelle  que  Jésus-Christ  accorde 
aux  saints  qui  meurent  pour  lui.  Son  mar- 
tyre arriva  en  1288. 

DANACHA  (sainte),  vierge,  mourut  en 
l'honneur-  de  la  foi  chr^étienne,  en  l'an  34-3  de 
Jésus-Christ,  sous  le  règne  de  Sapor-,  dit 
Longue-Vie.  Elle  habitart  Heth-Séleucie.  Sa 
fête  est  inscrite  au  Martyrologe  romain,  le  30 
novembre. 

DANIEL  (saint),  martyr,  fut  martyrisé 
pour  la  foi  à  Nicopolis  en  Arménie.  Il  eut 
pour  com|)agnons  de  ses  courageuses  souf- 
IVances  les  saints  Léonce,  Maurice  et  d'au- 
tres encore  dont  les  noms  ne  sont  pas  parve- 
nus jus(iu'à  nous.  Ils  lurent  d'abord  todurés 
de  plusieurs  manièi-es  sous  rem|)ereur  Li- 
cinius  et  le  président  Lysias,  puis  achevèrent 
leur-  martvre  dans  le  feu  où  ils  lui  eut  jetés. 
L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  immoitcile  le 
lOjuillet. 

DANIEL  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la 
foi  dans  la  ville  de  Padoue.  U  ne  nous  est 
parvenu  aucun  détail  louchant  ce  saint  com- 
battant. L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  3  jan- 
vier'. 

DANIEL  (saint),  martyr,  eut  l'avantage  de 
mourir  en  coiilessant  sa  foi,  à  Césaréc  de  Pa- 
lestine, en  l'an  de  Jésus-C.hiist  309,  sous  le 
gouverneur  Firmilien,  avec  saint  Elle,  saini 
Samuel  vX  saint  Isaïe.  Us  i(îV(iiai(;nt  de  Cili- 
cie, où  ils  él«i«Mit  nll(''>  rendre  visite  à  des 
confesseurs  condaumés  aux   mines.  A   leur 


773 


DAM 


DAR 


774 


retour,  passant  {)ar  Césaréo,  ils  furent  arrê- 
tés et  conduits  au  gouvorneur  qui  les  lit 
cruelleuiont  soullrir,  et  onsuito  on  leur  tran- 
cha la  ttit'î.  L'Eglise  honore  la  niénioh-e  de 
ces  illustres  u)arlyrs  le  IG  février. 

DANIEL  (saint),  martyr.  Nous  donnons  ici 
les  Actes  du  martyre  de  ce  saint  et  de  sainte 
Varda,  vierge,  avec  laquelle  il  eut  le  bonheur 
de  mourir  pour  la  foi  évangélique. 

Deux  ans  après  le  martyre  de  saint  Milles, 
Daniel,  prôtre,  et  A^iarda,  vierge  consacrée  à 
Dieu,  de  la  province  des  llazichites,  arrêtés 
par  l'urdre  du  préfet  et  mis  en  jugement,  fu- 
rent vainement  soumis  aux  supplices  les  plus 
cruels,  dont  le  but  était  de  les  forcer  à  abju- 
rer le  vrai  Dieu,  tant  il  était  dans  leur  vo- 
lonté et  dans  leur  résolution  de  supjiorter 
tous  les  supplices,  de  se  laisser  déchirer, 
n'importe  par  quelles  douleurs,  plutôt  que 
de  trahir  leur  foi  et  de  renoncer'  à  leur  espé- 
rance. Leur  jugement  dui-a  trois  mois.  Pen- 
dant cet  espace  de  temps,  ce  juge  inhumain 
et  injuste  les  tourmenta  trôs-cruellement,  à 
ce  point  qu'il  leur  fit  perci  r  les  pieds  avec 
des  tarrières,  et  les  lit  tenir,  dans  cet  état, 
plongés  pendant  cinq  jours  entiers  dans  de 
re>iu  glacée.  Voyant  que  les  bienheureux 
martyrs  supportrtienl  avec  une  consiance  sans 
égale  tous  les  tourments,  au  point  qu'ils  eus- 
sent mieux  aimé  perdre  tous  les  membres 
que  de  rejeter  de  leur  cœur  la  religion  et  la 
foi,  les  condamna  à  la  peine  cai)itale.  C'est  de 
cette  manière  que  ces  illustres  athlètes  cueil- 
lirent la  palme  du  martyre  le  vingt-cinquième 
jour  de  la  lune  de  février.  (Traduction  de 
Vauteur).  Ces  deux  saints  sont  inscrits  au 
Martyrologe  romain  le  21  février. 
•.  DANIEL  (le  bienheureux  Antoine),  mis- 
sionnaire de  la  compagnie  de  Jésus,  périt 
victime  de  son  zèle  dans  la  guerre  que  les 
Anglais  et  les  Hollandais,  jaloux  de  la  pros- 
périté des  Français  dans  le  nouveau  monde, 
avaii  nt  excitée  contre  eux.  Le  k  juillet  1648, 
les  Agniès(Iroquois  inférieurs),  ennemis  des 
Hurons,  qui,  fidèles  à  la  voix  des  mission- 
naires, s'étaient  faits  chrétiens,  vinrent  atta- 
quer la  bourgade  de  Saint-Joseph,  la  pre- 
mière où  les  disciples  de  Loyola  ont  planté 
l'étendard  de  la  croix.  Le  P.  Antoine  Daniel, 
voulant  favoriser  la  fuite  de  ses  néophytes 
dans  les  bois  environnants,  sortit  de  la  cha- 
pelle et  vint  au-devant  de  l'ennemi  qui  re- 
cula d'abord,  frappé  de  cet  excès  d'audace. 
Revenus  bientôt  de  leur  stupeur,  les  Agniès 
entourèrent  notre  saint  et  le  percèrent  de 
flèches,  dont  tout  son  corps  était  hérissé.  Un 
des  plus  furieux  s'étant  rapproché  de  lui, 
lui  plongea  son  glaive  dans  le  cœur,  et  le 
renversa  mort  à  ses  pieds. 

DANTE  (saint),  fut  l'un  des  quarante-huit 
"martyrs  mis  à  mort  avec  saint  Saturnin  en 
Afrique,  sous  le  proconsul  Anulin,  en  l'an 
de  Jésus-Christ  305,  sous  le  règne  et  durant 
la  persécution  atroce  que  l'infâme  Dioclé- 
tien  suscita  contre  l'Eglise  du  Seigneur.  [Voy. 
Saturnin.)  L'Eglise  célèbre  la  fête  de  tous 
ces  saints  martyrs  le  11  février. 

DANTO  (saint  François),  fut  l'un  des  vingt- 
six  martyrs  que  la  cruauté  de  l'empereur 


Taicosama  fit  mourir  à  Nangazaqui,  en  l'an 
1597.  Ce  saint,  avec  Pierre  Cosaqui,  chrétien 
japonais  comme  lui,  suivait  les  saints  mar- 
tyrs et  leur  donnait  des  rafraîchissements. 
Les  gardes  l'arrêtèrent,  le  mirent  avec  eux, 
et  il  eut  le  bonheurdepartager  leur  triomphe! 
[Voij.  Japon.)  L'Eglise  fait  sa  fôlo  le  5  fé- 
vrier. 

DAO  (Ambuoise)  ,  néophyte  tonquinois, 
fut  mis  h  mort  pour  la  foi,  en  l'an  1722,  au 
Ton(iuin,  avec  le  P.  Bucharelli,  jésuite,  Pier- 
re Frieu,  Emmanuel  Dien,  Philippe  Mi,  Luc 
Thu,  Luc  Mai,  Thadée,  ïho,  Paul  Noi  et 
François  Kam,  néophytes,  qui  mêlèrent  leur 
sang  à  celui  du  saint  missionnaire. 

D'AUGENS  (Jean-Baptiste  de  Boyer,  mar- 
quis), né  à  Aix,  en  Provence,  en  1704,  prit 
d'abord  du  service  dans  un  régiment  et  le 
quitta  par  amour  pour  une  comédienne.  En- 
voyé par  sa  famille  à  Const.inlinopie  avec 
l'ambassadeur  français,  il  lit,  pendant  son 
voyage,  des  folies  de  différentes  sortes.  Re- 
venu en  France ,  il  essaya  la  carrière  du 
barreau  et  n'y  réussit  pas;  il  reprit  du  ser- 
vice et  le  quitta  pour  cause  de  blessures. 
Déshérité  par  son  père,  il  passa  en  Hollande, 
se  fit  écrivain,  composa  ses  Lettres  juives, 
8  vol.  in-i2;  Lettres  chinoises,  6  vol.  ;  Lettres 
cabalistiques,  7  vol.  ;  Philosophie  du  bon 
sens,  3  vol.,  et  grand  nombre  d'autres  ou- 
vrages écrits  sans  bonne  foi,  sans  goût,  sans 
critique,  tous  marqués  au  coin  de  l'indépen- 
dance et  de  l'impiété  la  plus  audacieuse.  Fré- 
déric l'appela  à  sa  cour,  le  nomma  son  cham- 
bellan et  l'admit  dans  son  intimité  ;  bientôt, 
il  en  fit  l'objet  de  ses  plaisanteries  et  lui 
rendit  le  séjour  de  Berlin  désagréable.  D'Ar- 
gens,  après  raille  déboires,  se  retira  en  Pro- 
vence et  y  mourut  en  1771,  dans  des  senti- 
ments de  religion,  auxauels  son  libertinage 
constant  et  ses  impiétés  ne  l'avaient  pas  pré- 
paré. (Bouvier,  Mist.  de  la  philos.,  tome  II, 
p.  281.) 

DARIE  (sainte),  femme  de  saint  Chrysanthe, 
eut  la  gloire  de  mourir  avec  lui,  sous  l'em- 
pire de  Numérien,  pour  le  nom  de  Jésus- 
Christ.  Heureux  les  époux  qui  s'associent 
ainsi  dans  l'amour  de  Dieu,  et  qui  persévé- 
rant à  garder  jusqu'à  la  fin  ses  saints  com- 
mandements, se  marient  dans  la  gloire  du 
martyre  comme  ils  l'ont  été  dans  la  sainteté 
du  sacrement.  Après  avoir  souffert  avec  son 
épouxplusieurs  tourments,  ellefut,  par  l'ordre 
de  l'empereur,  renfermée  avec  lui  dans  une 
sablonnière  de  la  voie  Salaria,  et  y  fut  étouf- 
fée sous  le  sable  et  les  pierres  dont  on  les 
accabla.  Saint  Grégoire  de  Tours  obtint  du 
pape  Pelage  II  des  reliques  de  la  sainte,  ainsi 
que  de  celles  de  saint  Chrysanthe,  pour  son 
église.  La  fête  de  sainte  Darie,  avec  celle  de 
saint  Chrysanthe,  est  marquée  auMartyrologe 
romain  le  25  octobre. 

DARIUS  (saint),  martyr,  reçut  la  palme  à 
Nicée  avec  les  saints  Zozime,  Paul  et  Second. 
On  n'a  pas  de  détails  précis  sur  eux.  L'E- 
glise fait  leur  mémoire  le  19  décembre. 

DASE  (saint),  martyr,  endura  divers  tour- 
ments à  Nicomédie  avec  les  saints  Zotique, 
Caïus  et  douze  autres  soldats  dont  les  noms 


775 


DA13 


DAV 


776 


sont  inconnus.  Us  furent  ensuite  précipités 
dans  les  tlots  où  ils  trouvèrent  la  couronne 
des  combattants  de  la  foi.  L'Eglise  fait  leur 
mémoire  le  21  octobre. 

DASE  (saint),  martyr,  était  évoque  à  Do- 
rostore  en  Mysie.  Ce  saint  évêque,  ne  vou- 
lant pas  consentir  aux  impudicités  qui  se  com- 
mettaient à  la  fête  de  Saturne,  fut  massacré 
par  l'ordre  du  président  Bassus.  Nous  n'en 
savons  pas  davantage  sur  lui.  L'Eglise  ho- 
nore sa  mémoire  le  20  novembre. 

DATHE  (saint),  évêque  et  confesseur, 
souilrit  à  Ravenne  pour  la  défense  de  la  re- 
ligion. On  n'en  sait  pas  davantage  sur  lui. 
L'Eglise  vénère  sa  mémoire  le  3  juillet. 

DATIF  (saint),  évêque  et  qualitié  martyi 
au  Martyrologe  romain,  à  la  date  du  10  sep 
tembre,  jour  auquel  l'Eglise  célèbre  sa  fête, 
était  l'un  des  neuf  évêques  enfermés  dans 
les  mines,  et  à  qui  saint  Cyprien  écrivit  sa 
76^  lettre.  Il  avait  été  déporté  immédiatement 
après  sa  première  confession,  aussitôt  après 
avoir  été  cruellement  frappé  h  coups  de  bâ- 
ton. Cet  évêque  avait  assisté  au  grand  con- 
cile de  Carthage.  (Voy.  Némésieis.j 

DATIF  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  défense  de  la  religion  avec  les  saints 
Julien,  Vincent  et  vingt-sept  autres  dont  les 
noms  ne  sont  point  parvenus  jusqu'à  nous. 
L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  27  jan- 
vier. 

DATIF  (saint),  sénateur,  fut  l'un  des  qua- 
rante-liuit  martyrs  mis  à  mort  avec  saint  Sa- 
turnin, en  Afrique,  sous  le  proconsul  Anulin, 
en  l'an  de  Jésus-Christ  305,  sous  le  règne  et 
durant  la  persécution  atroce  que  Tinfiime 
Dioclétien  suscita  contre  l'Eglise  du  Seigneur. 
(Voy.  Saturnin.)  L'Eglise  célèbre  leur  fête 
le  11  février. 

DATIVE,  nom  d'une  femme  qui,  à  Rome, 
sous  l'empire  de  Dèce,  en  l'an  250,  fut  ar- 
rêtée pour  cause  de  christianisme,  avec  saint 
Moyse  et  une  foule  d'autres  chrétiens.  Pen- 
dant dix-huit  mois,  elle  souffrit  en  prison 
les  tourments  les  plus  grands  sans  que  son 
courage  en  fût  ébranlé.  11  est  fait  mention 
d'elle  dans  la  lettre  que  Lucien,  confesseur 
de  Carthage,  écrivit  à  ceux  de  Rome,  et  qui 
est  dans  les  œuvres  de  saint  Cyprien.  {Voy., 
pour  plus  de  détails,  saint  Moyse.) 

DATIVE  (sainte),  martyre,  soutfrit  d'hor- 
ribles douleurs  sous  Hunéric,  roi  des  Van- 
dales, pour  confesser  sa  foi.  Elle  mourut 
couiageuscment  après  avoir  lassé  ses  bour- 
reaux. Elle  était  sœur  de  sainte  Dcnyse,  qui 
fut  Uagellée  dans  la  même  persécution. 

D.\USAS  (saint],  évêque  et  martyr,  faisait 
partie  des  prisonniers  qui  furent  massacrés 
en  Perse,  en  3G2,  pour  cause  de  christia- 
nisme. Les  Perses  faisaient  de  fréquentes 
irrupti(jns  sur  le  territoire  des  Rcjniains,  av(;e 
des  alternatives  de  i-evers  et  de  succès.  Dans 
l'une  ils  prirent  d'assaut  le  ch;lteau  de  Beth- 
Z'irde,  où  un  grand  nonjbre  d'habitants 
s'étaient  réfugiés  h  leur  ajjproche.  Après 
avoii-  inassaoré  la  garnison,  \\s  se.  Irouvèienl 
maîtres  d(;  n(.'uf  rnill»;  prisonniers  iju'ils  em- 
m(;nèrent.  L'évèque  Iléliodore  était  du  nom- 
bre, avec  (leux.anciens.prôtres  Mariabe  et 


Dausas,  et  plusieurs  autres  ecclésiastiques. 
Héliodore  étant  mort  sur  la  route,  nomma 
Dausas  pour  le  remplacer.  Tous  les  jours 
les  prisonniers  chrétiens  se  réunissaient  et 
Dausas  célébrait  pour  eux  les  saints  mystères. 
Connue  on  arrivait  surleîfrontières  del'Assy- 
rie,  les  vainqueurs  ordonnèrent  à  trois  cents 
d'entre  les  prisonniers  d'adorer  le  soleil,  ou 
de  se  résoudre  à  mourir;  vingt-cinq  obéirent 
et  reçurent  des  terres  en  récompense.  Les 
deux  cent  soixante-quinze  autres,  ayant  re- 
fusé, furent  massacrés  avec  l'évoque  Dausas. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  9  avril.  {Voy.  Assé- 
mani,  t.  I,  p.  134..) 

DAVID  COMNÈNE ,  dernier  fils  d'Alexis 
Comnène,  empereur  grec  de  Trébizonde,  se 
révolta  avec  ses  frères  contre  son  père.  On 
sait  que  le  vieil  empereur  périt  dans  ces 
guerres  civiles,  et  qu'après  cela  ces  frères 
parricides  se  firent  entre  eux  une  guerre 
acharnée.  Enfin,  Jean  demeura  seul  maître, 
et  fut  reconnu  comme  empereur.  Bientôt  la 
mort,  terme  fatal  de  toute  ambition  humaine, 
lui  enleva  la  couronne.  David,  le  seul  qui 
restait  d'enlreles  frères  del'empereurdéfunt, 
fut  nommé  régent  et  tuteur  d'un  jeune  prince 
âgé  de  quatre  ans,  que  l'ordre  de  la  succes- 
sion appelait  au  trône,  après  la  mort  de  Jean, 
son  père.  David  montra  qu'il  était  en  perfi- 
die et  en  ambition  criminelle  l'égal  de  ses 
frères.  11  fit  mourir  son  neveu,  et  prit,  sur 
un  berceau,  qu'il  transformait  en  cercueil, 
une  couronne  à  laquelle  il  ne  devait  préten- 
dre que  si  Dieu  lui-même  en  eût  fait  mou- 
rir le  maître.  Il  prit  pour  femme  la  princesse 
Hélène,  une  fille  de  la  grande  maison  des 
Cantacuzènes.  De  cette  union  naquirent  huit 
fils  et  deux  filles,  comme  si  Dieu  eût  voulu, 
en  faisant  sortir  de  si  nombreuses  tiges  de  la 
souche  usurpatrice,  lui  faire  l'avenir  d'une 
dynastie.  Tous  les  usurpateurs  font  ce  rêve  : 
comme  les  souverains  de  vieille  race,  ils 
voient  les  générations  sorties  d'eux  se  suc- 
céder sur  le  trône.  Us  ne  songent  pas  que  la 
porte  par  laquelle  ils  sont  entrés,  l'usurpa- 
tion, est  ouverte  aussi  pour  d'autres,  et  que 
le  ciel  bénit  rarement  ceux  qui  devancent, 
en  montant  sur  les  trônes,  l'appel  de  la  pro- 
vidence. Dieu  les  donne  :  malheur  à  qui  les 
prend. 

David  Comnène,  orgueilleux  de  sa  nom- 
•^'reuse  famille,  croyait  donc  sa  domination 
assise  non-seulement  pour  le  présent,  mais 
encore  pour  rav(Miir ,  (|uand  Dieu  suscita 
Mahomet.  Les  voies  de  sa  justice  sont  ca- 
chées et  incompréhensibles.  Les  Grecs 
comme  les  Juifs  devaient  être  frappés  d'une 
déchéance  absolue  comme  nation.  Ils  avaient 
dit  :  Mieux  le  turban  que  le  pape.  Il  fut  fait 
suivant  leurs  désirs,  et,  de|)uis  ce  temps,  la 
puissance  mahométano  ,  campée  sur  eux, 
accomplit  les  vengeances  do  Dieu.  Mahomet 
vint  avec  deux  armées  puissantes  assiéger 
Trébizonde.  Après  trente  jours  de  siège,  la 
j)lac(!  allait  succomber.  David  Comnène  n'é- 
tait pas  de  ces  j)rinces  ([ui  grandissent  la 
pourpre  en  la  teignant  dv.  h;ur  sang,  ou  qui 
du  moiiis  desceiulent  d(!  la  j)uissauce  sans 
I  leu  deiQuiidor  au  monde,  et  (lui  fout  dire 


in  DEC 

d'eux  que  l'exil  est  encore  un  trône.  ï)avid 
proposa  à  Mahomet  la  cession  de  ses  Etats, 
a  condition  (ju'on  lui  donnerait  une  province, 
et  que  sa  tille  aînée,  Anne  Couniône,  devien- 
drait sultane.  En  elfct,  Mahouiet  épousa  la 
jirincesse,  qui  abjura  le  chrislianisnu!.  Cette 
famille  souveraine  était  assez  abaissée. 
Elle  avait  reçu  sa  punition  temporelle.  La 
justice  de  Dieu  était  apaisée.  Il  prit  en  pitié 
le  |)ère  et  les  enfants.  Il  leur  avait  ôté  la 
royauté  usurpée  d'ici-bas,  il  leur  donna  une 
auti-e  couroime,  celle  des  martyrs,  que  ni 
les  temps  ni  les  révolutions  ne  lont  i)erdre. 
Mahomet  les  accusa  de  conspiration  avec  les 
princes  chrétiens.  Il  ne  leur  laissa  que  le 
choix  entre  la  mort  ou  l'apostasie  :  ils  choi- 
sirent la  mort.  Mahomet  lit  décapiter  le  père 
et  Iv's  enfants,  en  présence  de  l'impératrice 
Hélène.  Un  seul  des  lils  se  sauva  et  fut  la 
souche  de  la  famille  des  Comnène,  réfugiée 
en  France,  plus  glorieuse  par  les  souvenirs 
du  martyre  que  par  ceux  de  la  pourpre  im- 
périale. 

DAVID  (saint),  autrement  dit  Aliba,  était 
frère  de  Boris,  connu  sous  le  nom  de  saint  Ro- 
main. Us  étaient  tils  d'Uladomir,  roi  de  Mos- 
covie.  Ces  deux  saints  moururent  pour  la  foi 
en  1010,  ou  en  1015,  selon  le  P.  Stilting,  de 
la  main  de  l'usurpateur  Suatopelet.  L'Eglise 
honore  leur  mémoire  le  2i .juillet. 

DAVILA  (le  bienheureux  Jean),  de  l'ordre 
de  Saint-Dominique,  fut  martyrisé  en  1725, 
dans  la  mission  du  Cochabamba,  avec  ses 
deux  compagnons  Nicolas  Gonzalès  et  Michel 
Panligoso. 

DAVIN  (saint),  confesseur,  souffrit  pour 
la  foi  à  Lucques  en  Toscane.  On  n'a  pas  de 
détails  sur  son  martyre.  L'Eglise  fait  sa  mé- 
moire le  3  juin. 

DÈCE  {Caius  Messius  Quintus  Trajanus), 
monta  sur  le  trône  impénal  à  la  fin  de  24-9. 
Il  est  surtout  célèbre  par  la  persécution 
atroce  qu'il  lit  subir  aux  chréùens.  Il  était 
natif  de  Bubalie  ou  Budalie,  bourg  du  terri- 
toire de  Sirmich,  dans  la  Pannonie.  11  dut 
naître  en  l'an  191,  s'il  est  vrai  qu'il  mourut  à 
l'âge  de  soixante  ans,  comme  le  porte  la 
chronique  d'Alexandrie.  Il  eut  quatre  fils, 
Dèce,  l'aîné  de  tous  ;  Hostilien,  qui  fut  pro- 
clamé Auguste  après  la  mort  de  son  père  ; 
puis  Etruscus  et  Trajan.  Tous  portaient  le 
nom  de  Messius,  ce  qui  indique  que  ce  nom 
était  très-probablement  celui  de  la  famille  de 
Dèce.  S'il  faut  en  croire  Zozime,  Dèce  était 
très-illus  re  par  sa  dignité  ,  par  sa  nais- 
sance,  orné  de  toutes  les  vertus  qui  font 
l'homme  privé,  de  toutes  les  qualités  qui 
constituent  le  grand  prince.  Il  le  donne 
comme  un  excellent  homme  de  guerre,  par- 
faitement capable  de  conduire  une  armée. 
Le  jeune  Victor  renchérit,  en  disant  qu'il 
unissait  à  toutes  ces  qualités  personnelles 
une  science  profonde  eu  toutes  sortes  de  ma- 
tières. Vopisque  dit  que  sa  vie  et  sa  mort 
furent  dignes  des  temps  antiques.  A  part  les 
criliqUvS  qu'on  peut  adresser  à  de  telles  as- 
sertions, nous  avons,  nous,  à  faire  une  ap- 
préciation toute  spéciale  de  Dèce.  il  fut  un 
deâ  plus  atroces  persécuteurs  de  l'Eglise,  et 

DiCTioNiN.   DES  Persécutions.  I, 


DEC  11Q 

certes  l'un  des  plus  habiles.  Si  c'est  un  mé- 
rite (pie  l'habileté  quand  elle  vise  au  bien, 
c'est  une  grande  calamité  cpiand  elle  cherche 
le  mal  et  tourne  vers  lui  les  facultés  qu'elle 
a  reçues.  Ainsi,  que  Dèce  ait  été  V(  rliu-ux 
conim(3  homme  privé,  (pi'il  ait  été  grand  ad- 
ministrateur, guerrier  éininent,  ce  n'est  pas 
notre  all'aire  ;  nous  ne  l'admettons  pas,  nous 
ne  l(i  nions  pas  davantage.  Il  a  tuurné  con- 
tre Dieu  les  facultés  qu'il  avait  reçues,  il  a 
dirigé  contre  les  disciples  de  Jésus-Christ 
une  des  persécutions  les  [>lus  violentes  qu'ils 
aient  eu  h  soutfrir;  à  nos  yeux,  Dèce  est  un 
grand  criminel.  Du  reste,  que  mettre  en  op- 
position avec  ses  cruautés  contre  l(;s  chré- 
tiens? A-t-il,  durant  son  règne,  accompli  de 
grandes  choses,  attaché  son  nom  à  (juehiue 
jirogrès,  à  quelque  grande  victoire,  à  (juoiijue 
ce  soit  qui  confère  aux  princes  l'illustration  ? 
Rien  de  semblable  ne  nous  est  raconté  par 
l'histoiie.  Dèce  s'est  fait  une  célébrité  de 
cruauté  en  persécutant  les  chrétiens;  sans  ses 
persécutions,  il  passerait  à  peu  près  inaperçu 
dans  la  liste  des  souverains  qui  tour  à  toui» 
se  sont  assis  sur  le  trône  des  Césars.  Son 
premier  soin,  en  montant  sur  le  trône,  fut  de 
persécuter  les  chrétiens.  Jusqu'à  la  fin  de 
son  règne  il  montra  contre  eux  un  acharne- 
ment sans  égal.  {Voy.  l'article  Persécutions, 
persécution  de  Dèce.) 

Dans  l'année  251,  Dèce  fut  obligé  de  mar^ 
cher  contre  les  Golhs,  qui,  sous  la  conduite 
de  leur  roi  Cniva,  avaient  battu  son  fils  Dèce, 
taillé  en  pièces  une  armée  romaine,  et  ravagé 
presque  entièrement  la  Thrace  et  les  conirées 
voisines.  Zozime  dit  qu'il  les  battit  dans 
toutes  les  rencontres,  et  leur  enleva  tout  le 
butin  qu'ils  avaient  fait.  Pendant  ce  temps- 
là,  L.  Priscus,  puis  ensuite  Julius  Valens,  se 
firent  déclarer  empereurs.  Tous  deux  fini- 
rent mal  :  ils  furent  lues  très-peu  de  jours 
après  leur  révolte.  Les  Colhséta.ent  vaincus, 
l'honneur  des  armes  romaines  était  vengé, 
ils  ne  demandaient  plus  qu'à  se  retirer  en 
paix  ;  mais  Dèce,  voulant  les  punir  encore 
davantag  •,  les  poursuivit  à  outrance.  C'était 
là  que  l'attendait  la  vengeance  céleste.  Gal- 
lus,  qui  s'entendait  avec  les  ennemis,  leur 
ayant  conseillé  de  camper  derrière  un  vaste 
marais,  engagea  Dèce  à  les  attaquer  proba- 
blement la  nuit.  Le  vieil  empereur  marcha 
contre  eux  avec  son  fils.  Il  s'y  porta  avec  une 
telle  impétuosité  qu'il  s'enfonça  avec  tous 
ceux  qui  l'environnaient  dans  la  fai  ge  du 
marais,  oij  il  lui  fut  impossible  de  manœuvrer 
et  ue  se  défendre.  Enveloppé  par  les  Goths, 
il  fut  massacré  avec  tous  les  siens. 

Dèce  a  gardé  dans  l'histoire  une  réputa- 
tion que  certains  écrivains  ,  et  notamment 
Dodwel,  ont  prétendu  lui  enlever.  Dom  Rui- 
nart  a  l'ait  justice  de  cette  prêt  ntion  dans 
les  passages  suivant  de  son  Discours  préli- 
minaire des  Actes  sincères  des  martyrs  : 

«  Personne,  jusqu'ici,  ne  s'était  avisé  en- 
core de  douter  que  la  persécution  excitée 
contre  l'Eglise  par  l'empereur  Dèce  n'eût  été 
très-sanglante  et  très-cruelle,  et  les  auteurs 
modernes  étaient  en  cela  d'accord  avec  les  an- 
ciens historiens.  Dodwel  est  le  premier  qui  a 

25 


m 


DEC 


DEC 


780 


d'couvert  que  les  uns  et  les  aiifros  sont,  ou 
d'i   lAmes  calointiialeurs  ou  des  inii)0>teuis 
ridicules,  et  qui  ont  eu  si  peu  d'égards  pour 
la  véiitée{  pourli  vertu,  qu'ils  n'ont  pascraiiit 
de  donner,  dan-^  leurs  écrits,  une  idée  faus-e 
et  i.Jurieuse  d'un   prince  que  le  sénat  n'a 
pas  lait  diditullé  d'égaler  à  Trajan,  d'un  em- 
pereur que  sa  [)iété  a   mis  au  nombe  des 
dieux,  lequel,  quoiqu'il  crût  être  obligé  de 
répandre  le  sang  des"  chrétiens  pour  le  bien 
<ie  la  rénubhque  et  pour  donner  quelque 
.chose  à   la  religion  du  peuple,   n'en  avait 
toutefois  usé  ainsi  qu'en   se  faisant  une  ex- 
trême violence;  mais  qu'il  avait  bientôt  lai>sé 
agir  sa  douceur  naturelle,  et  cette  noble  am- 
bition qui  1."  [)Ossédait  de  faire  la  félicité  de 
son  siècle,  connue  il  faisait  déjà  le  bon'neur 
de  son  empire.»  C'est  avec  de  tels  ou  sembla- 
bles traits,  que  DoJwcl  fait  l'éloge  de  Dèce  : 
que  C'  l  emi)creur  soit  mis  ,  si  l'on  veut,  au 
rang  des  bons  ])rinces,  en  ce  qui  ne  regarde 
point   la  cause  des   chrétiens,  je  ne  m'y  op- 
pose pas;  mais  je  ne  jmis  uj'  maginer  qu'il 
■se  trouve   quelqu'un,  hors  Dodwel,  qui  nie 
que    la  persécution   dont  il    a    été  l'auteur 
n'ait  été  très-violente,  et  n'ait  coûté  la  vie  à 
un  très-grand  nombre  de  fidèles   dans  toute 
l'é  endue  de  l'Empire  romain.  «  Une  bête  fé- 
roce,  dii   Lactance,  un  monstre  exécrable, 
Dèue  enlin,  est  venu,  après  plusieurs  années, 
prmr  ravager.l'Eglise Et  comme  s'd  n'a- 
vait été  élevé  que  pour  cela  seul  à  ce  haut 
degré  de  puissance,  à  peine  sf>n  impiété  a- 
t-elle  commencé  h  attaquer  Dieu,  que  Dieu 
l'en  a  précipité.  »  Lact;ince,  comme  l'on  voit, 
prétend  que  la  mo' t  honteuse  ne  Dèce  est 
une  juste    punition  de  sa  fureur  contre   le 
christianisme.  Saint  Denys  d'Alexandrie,  le 
grand  C)'\stantin  et  plusieurs  autres  auteurs 
ec':lésiasliques  disent  la  même  chose  ;  mais 
surlo.it  saint  Cyprien,  qui  commence  ainsi 
un  de  ses  livres  :  «  La  paix  vient  enlin  d'être 
rendue  à  l'Eglise  ;  Dieu  s'est  déclaré  ])our 
elle;   il  l'a  vengée  de  ses  ennemis  et  nous 
jouissons,  sous  son  auguste  [)roteclion,  d'une 
'tranquillité  dont  les  incrédules   croyaient  le 
retour  dillicile,  et  les  impies   \e  jugeaient 

tout  à  fait    impossible »  Ces  paroles  de 

saint  Cy[)rien  marquent  assez  que  la  persé- 
cution avait  élé  violente.  Le  même  saint, 
dans  une  de  ses  lettres,  iél  ici  le  l'Eglise  sur 
sa  constance  et  sur  sa  foi.  Car,  af)rès  avoir 
exalté  la  victoire  d^-s  martyrs  qui  avaient 
déjà  reçu  la  couronne,  et  encouiagé  ceux 
qui  combaltaient  encore  pour  l'obtenir,  il 
parle  du  la  grandeur  d(!  leurs  su,>plices  en 
ces  termes  :  «  Toute  leur  rigu(nn-  n'a  |  u 
ébranler  la  foi  de  ces  saints,  quoiqu'on  leui 
fil  de  nouve.les  plaies  d.ius  celh;s  (jui  n'é- 
taiiMit  pas  encore  fermées,  (pioique  ce  no 
fùl  i)lus  sur  leurs  membres,  mais  sur  h;urs 
itlcssures  que  les  bourreaux  (!xen;ai(;iit  leur 

c, 'laulé Les  entrailles  étaient  dél'ichéi  s 

du  corps,  le  sang  coulait  de  tous  cotés » 

Cependant,  m.ilgré  tant  d'anlorités  et  si 
pressâmes,  Dodwtjl  souvent  toujours  qin; 
C4Hle  per.séciition  a  él(''  fort  mrxléréc  e't  qu'elle 
n'a  jamais  élé  poussée  jusqu'à  rép.'.nlre  le 
bang  des  clirétieus;  cl  cela  usl  si  viui,  dil-il, 


que  lorsqu'elle  fut   apaisée,  îa  plupart  de 
ceux  qui  avaient  élé  arrêtés  durant  la  plus 
grande    violen.o,    fui-ent   trouvés    sains    et 
saufs.  Et  c'est  cela  même  que  les  chrétiens 
de  ce  temps-là  trouvaient  de  pins  cruel  dans 
cette  persécution;  ils  i-eprochaieni  aux  gen- 
tils, que  leur  intention,  en  tourmentant  les 
fidèles  qui   étaient  déférés  à  leur  tribunal, 
était  de  tirer  de  leur  bouche,  non  la  vérité, 
mais  le  mensonge,  et  de  jierdre   l'Ame   en 
même  temps  (]u'ils  faisaient  périr  le  corps» 
C'est  pourquoi  la  plupart  des  martyrs  ii  é- 
taient  livrés  à  la  mort  qu'après  l'avoir  élé  à 
toutes  sortes  do  tou.ments.  Souvent  même 
on  prenait  soin  de  leurs  plaies,  par   l'oidre 
exprès  des  juges,  afin  qu'étant  l'efermées,  on 
pût  les  ro  ivrir  par  de  nouvelles  tortures,  et 
faire  de  nouvelles   plaies   sur  les  anciennes 
cicalr-ices,  ce  qui  est  le  comble  de  la  cruauté, 
et  c'est  celle  qu'on  exerça   sur  Origène,  au 
rapport  d'Eusèbe.  Ajoutez  k  tant  de  diffé- 
rents supjHices,   la  prison,  avec  tou  es  ses 
ho  leurs,    ses   chaînes,    son    obscurité,  sa 
puanteur,  ses  horribles  machines  où  l'on  en- 
fermait les  pieds,  l'exil  el  les  incommodités 
qui  l'accomjjagnent,  les  mines,  ces  tombeaux 
souterrains  où  des  hommes  sont   enterrés 
tout  vivants.  En  un  mot,  la  rage,  la  fureur  et 
l'inhumanité  d(S    juges  et    des  bourretiux 
étaient  montées  è  un  tel  excès,  durant  cette 
persécution,  que  saii  l  Cy  rien,  qu'on  n'ac- 
cusera jamais  de  relâchement  en  matière  de 
discipline,  ne  peut  s'empê.  lier  d'avouer  que 
1  i  chute  des  chrétiens   trouvait  en  quelque 
sorte  sa  justification  dans  la  cruauté  des  per- 
sécuteurs. Et   certes  Optât  n'était  pas  d'en 
autre  sent  mont  que  nous,  lui  qui  compare  à 
un  lion  rugi  sant  la  persécution  qui  s'éleva 
en  Afri(]ue  par  les  oi'dres  de  Dèce  et  de  Va- 
lérien.  Ce  n'est  donc  pas  une  marque  cer- 
taiPrC  qu'une  {)ersécut.on  a   été  modérée,  si 
quelques  martyrs  réservés  à  de  plus  g^nds 
supplices,  viennent  tout  d'un  coun  à  recou- 
vier  leur  liberté,  soit  parla  mort  des  tyrans, 
soit  par  une  dis[)Osilion  secrète  de  la  misé- 
ricorde  de  Dieu   qui    veut   bien  donner  la 
paix  à  son  Eglise.  Au  reste,  il  est  cerlain  (jne 
cette  persécniion  de  Dèce  em{^)orla  un  tiès- 
giand  nombre  de  lidèles  en  Ati-icpie,  comme 
on  le  fait  voir  dans  les   remarques   sur  les 
Actes  de  saint  Cypr  en.  Outre  ceux-là,  saint 
Fabien  souffrit  à  Rome,   sainte    Agathe  eu 
Sicile  et  saint  Saturnin  dans  les  Gaules. 

Elle  ne  lit  ()as  moins  de  progrès  en  Espa- 
gne, comme  on  le  [)eut  sûrement  conjecturer 
d'une  lettre  écrite  au  nom  de  saint  Cyprien 
et  des  autres  évêques  d'Africpie,  par  laipiello 
ces  |)rélals  disent  que  leur  sentiment  est 
qu'on  dépose  Martial  el  Uasilide,  évêques 
espagnols,  convaincus  d'a\()ir  pris  des  bil- 
lets d'idolAtrie.  L'Eglise  grecqiu'  se  ress(Milit 
aussi  h. en  (pie  la  latii  e  de  ce  trnul)le  excité 
par  I)èc(;  d.ins  tout  le  monde  chréticm.  Eu- 
.sel)(!  déc,  il  \os  lourme  (s  que  souirnt  Ori- 
gène à  C(''.s,ué(!  ;  mais  il  ne  dit  point  qu'il  eiU 
dm-iiié  des  marques  de  fail)lesse  ,  comme 
(jnel  pies-uMS  le  pi-  tendent,  l'jifin  cette  tem- 
pête fut  si  fiirieu>e  h  Né  .césarée,  que  sninl 
Grégoire  *le  Nysse,dans  la  Vie  de  saint  Gré- 


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mt 


bvM 


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goire  Thaumaturge,  nous  (iép'^iiit  cette  ville 
coiuiiic  uiKî  plicc  |)risc  d'assaut,  où  un 
vaiiiijuoui  harbari'  et  iusoloi.l  l'ail  tout  jiasscr 
au  liltle  rô|)6o.  Lcs.'uvirons  ri'  n  rlaiout  pas 
plus  paisibi  s  ,  puis(|u'ou  (lit  (praprès  que 
c(.'t  oiajiic  fut  |uissé,  eu  sùiit  évi^jur  lil  lu 
tour  de  sou  dioc;è-:c  pour  y  iuslilucr  dos  ïè- 
tcs  (laMS  lous  les  lieux  où  il  avait  éto  niarly- 
lisé  (luclque  chrolicMi.  Co  lui  alors  quosouf- 
iiirc'it  s.jui  Troade  cl  saiul  Alexaudre,  qui, 
de  philosophe  s'étanlfaii  charbounier,  fut  de 
chaiboiuiicr  fait  évoque  et  placé  sur  le 
siéf^e  de  Couiane  [)ai'  saint  Grégoire  Thau- 
maturgie. A  l'égard  de  ce  qi.i  se  pas  a  à 
Alexandrie  et  dans  toute  l'Egypte,  nous  eu 
avons  un  témoin  oculaire  et  irréprocha- 
ble dans  saint  Dciys,  évè(iue  de  la  ville  pa- 
liiarchale.  C'est  dans  une  lettre  qu'il  écrit  à 
Fabius,  évoque  crAntioche,  où,  ai)rès  avoir 
rapporté  les  noms  de  cpielques  martyrs,  il 
ajoute  qu'il  y  en  a  eu  un  tiès-grand  nombie 
qui  ont  été  uéeh  rés  et  mis  en  pièces  i)ar  les 
gentils,  dans  les  autres  villes  et  dans  les 
bourgades,  sans  compter  une  multitude  in- 
finie qui  périt  dans  les  déserts,  [)ar  la  faim 
et  la  soif,  le  IVoid  et  la  nudité,  le  fer  dos  vo- 
1' urs  et  les  dents  des  bèlos  carna^siô^es.  Et 
dans  une  autre  lettre  à  Domitius  et  àDidyme  : 
«  Il  fair,  leur  dil-ii,  que  vous  sachiez  que 
les  honnnos  et  les  feujmes  ,  les  jeu-ies  gens 
et  les  vieillai'ds,  les  soldais  et  les  villageois, 
de  tout  âge  et  do  toute  condition,  ont  tous 

remporté  dos  couro mes »  En  un  mot,  la 

pers  ''cution  fut  si  violente,  qu'au  rapport  du 
mémo  saint  Donys,  les  fidèles  s'imaginaient 
êtr,'  enfin  arrivés  à  ces  jourf-s  malheureux 
prédits  par  le  Seigneur  dans  son  Evangile. 
Ce  fut  pour  s'en  mettre  à  couvert,  que  saiut 
Paul,  preiuior  eriniie,  s'enfuii  dans  le  déseif, 
suivant  lo  témoignage  de  saint  Jérôme,  qui 
prend  de  ià  ocasioi  de  raconter  de  que  Je 
sole  on  éprouva  la  constance  de  deux  mar- 
tyrs, l'un  desquels  fut  frotté  de  miel  de.'uis 
les  pieds  jusqu'à  la  tète  et  en  cet  éiaf  exposé 
en  plein  midi  aux  aiguillons  dun  essaim  (ie 
mouches,  et  l'autre  couché  mollement  sur  un 
lit  de  roses,  fut  livié  aux  caresses  impudi- 
ques d'une  courlisaune  aussi  belle  qu'ef- 
irontée.  » 

DÉCOKOSE  (saint),  évoque  et  confesseur, 
soutfrit  [)0ur  la  foi  à  Capoue.  Les  déiaiis 
Dianquont  entièrement.  L'Eglise  fait  sa  fête 
le  i5  février. 

JDECOUl  (Marie),  religieuse  du  Sainl-Sa- 
croment  à  Bolènii ,  périt  sur  l'échafaud  à 
Orange,  le  ICjuillet  179i  avec  la  sœ  u-  Jus- 
tamon,  ursuline  converse  à  Perne  ;  Cardon, 
religieuse  du  Saint-Sacrement  à  Bolène; 
Alarie  Lage,  ursuline  à  Bolène,  Je  .nne  Kous- 
sillon  et  Madeleine-Dorothée  de  Justamon, 
du  même  ordre. 

DELA  MOTTE,  prêtre  français  ,  périt  le  3 
octobre  IS'+O.  dans  l'empire  d'Annam,  épuisé 
par  les  toitures. 

DELGADO  (Ignace),  dominicain,  qui  de- 
puis quarante  ans  était  vicaire  apostolique 
dans  le  Tonquin  oriental,  mourut  o.n  prison, 
le  12  juin  1838,  par  suite  des  soullraaces 
yu'il  avait  eu  à  y  endurer 


DELGADO  (le  bienheureux  Alexis),  l»or- 
tugais,  de  la  compagnie  de  Jésus,  fai.sait 
j)arlie  des  soixante-neuf  missionnaires  que 
le  P.  Azevcdo  était  venu  recruter  h  Rome 
pour  h;  Brésil.  (Voy.  Azirvtoo.)  Leur  navire 
fut  pris,  le  ISjuiib't  1571,  |)ar  des  corsaires 
calvinistes  qui  1rs  m;>ssacrèi(;nl  ou  les  j-  lè- 
ront  <i  la  mer.  Tel  fut  le  niart\r.'  de  notée 
bienheureux.  (Du  Jarric,  Histoire  des  choses 
plus  méincrahlrs,  t.  il,  p,  273.  Tanner,  So- 
cietas  Jesu  us(/ue  ad  sanquinis  et  vilœ  profu- 
sioncm  mililans,  p,  IGG  et  170.) 

DELPON  (le  bienheureux),  missionnaire, 
mourut  dans  les  prisons  do  Pékin,  en  17r5, 
où  on  l'avait  transféré  après  que  lui-même 
était  venu  se  livrer,  comme  nousTavons  vu 
aux  articles  Chine  et  iMAnxiN  (saint).  Il  mou- 
rut eu  |)rison  ainsi  que  M.  Devau!,  par  suite 
de  la  mauvaise  nounituro  et  des  misères  de 
toutes  so  les  qu'il  eut  à  endurer. 

DE.VIBÉA  (Lac  ije),  en  Abyssinie.  conte- 
nait une  île  dans  lacjuelle  étaient  des  moi- 
nes fanatiques  dépendant  du  patriarche  l,é- 
réti(^ue  d'Alexandrie.  Basilides,  Négous  de 
ce  pays,  exila  au  milieu  d'eux  les  saints 
missionnaires  Apollinaire  Alméida,  Hyacin- 
the FrancGschi  et  François  Rodriguez,  que 
le  grand  tribunal  du  royaume  av-nt  condam- 
nés à  la  peine  de  mort.  Ces  moine  s  prodi- 
guèrent à  leurs  prisonniois  toutes  sortes 
d'insultes,  de  mauvais  traitements.  Furieux 
de  voir  que  de  toutes  parts  les  catholiques 
venaient  donner  des  consolations  aux  saints 
confesseurs,  ils  écrivirent  au  Négous  pour 
lui  d  re  qu'il  était  scandaleux  de  laisser  vi- 
vre ces  ennemis  de  la  religion,  des  hommes 
que  le  tribunal  des  grands  avaitjugés  d  gnes 
do  mort.  Basilides  leur  ré[)on  lit  qu'il  les 
leur  abandonnait,  qu'ils  pouvaient  faire  d'eux 
ce  que  bon  leur  semblerait.  Ces  moines  bar- 
bares ,  totah-ment  oublieux  des  etiseigue- 
ments  évangéliques  ,  el  de  ce  titre  d  '  chré- 
tiens qu'ils  portaient ,  dépouillèrent  en  par- 
tie les  sai  Ils  de  leurs  vêlements,  les  suspen- 
dirent à  des  branches  d'aibre  et  les  lapidè- 
rent. Ces  faits  eurent  lieu  en  j.  in  1638. 

DEMETBE  (saint),  martyr,  était  proconsul 
à  Thessalotiique.  Co  saint,  avant  attiré  beau- 
coup d'iutidèles  à  Jésus-Christ ,  fut  percé  à 
cou.^s  de  lance  par  l'ordre  de  l'empereur 
Maximion,  et  reçut  a  nsi  l'honneur  du  mar- 
tyre. L'Eglise  fait  sa  sainte  mémoire  le  8  oc- 
toi're. 

DÉMÈTKE  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  j)Our  la  foi  en  Afrique.  On  ignore  à 
qu  lie  éooqae  et  dan-  quelles  circonstances. 
L'Eglise  fait  sa  biinheureuse  mémoire  le  14 
août. 

DÉMÈTRE  (sanit),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi  à  Ostie,  avec  les  saints  Ho!:orat 
et  Florus.  Les  d  taiis  nous  manquei^t  sur 
leur  ma! lyre.  L'Eghse  fait  leur  mémoire  le 
22  décembre. 

DÉMÈTRE  (saint),  martyr,  était  évoque  à 
An'iocne.  11  y  soulnit  un  n.artyre  sur  lequel 
on  n'a  aucun  d  tail.  Un  sait  seulement  qu'il 
eut  pour  comjjagnons  de  tortures  saint 
Aguan,  diacre  à  la  môme  église,  saint  Eus- 
Use  £t  vingt  autres  saints   martyrs.    L'E- 


78S 


DÈN 


t)EN 


784 


glise  lionore  leur  mémoire  le  10  novembre. 

DÉMÈÏRE  (saint),  marlyr.  moural  pour  la 
ffii  (le  Jésus-Christ  à  Vrroli  ,  avec  saint 
Biaise.  On  n'a  pas  de  di-tails  cert  îins  et  au- 
thentiques sur  leur  martyre  ;  l'épo  |ue  même 
en  est  .nconnue.  K'E,lise  célèbre  leur  mé- 
moiie  le  19  novembre. 

DÉMÈTRE  (saint),  soulfrit  le  martyre  à 
Rome,  avec  saint  Concess",  Hilairo  et  leurs 
compagnons,  dont  on  ignore  les  noms.  L'E- 
glise fait  leur  mémoire  le  9  avril. 

DÉMÈTKE  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyie  à  Ostie,  avec  saint  Hcnorius.  Nous  n'a- 
vons aucun  détail  sur  les  circonstances  de 
leur  martyre.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  21  no- 
vembre. 

DÉMÉTRIUS,  orfèvre  d'Ephèse,  faisait  un 
gr.md  commerce  de  statuettes  de  Diane,  en 
plâtre,  en  métal,  en  ivoire,  etc.  Les  conver- 
sions qu'opéraient  les  prédications  de  saint 
Paul  lui  firent  beaucoup  de  tort  ;  dans  l'irri- 
tation qu'il  en  éprouva,  il  souleva  contre  le 
saint,  d'abord  les  ouvriers  de  la  ville,  et  en- 
suite les  habitants.  Ces  furieux,  n'ayant  pu 
trouver  saint  Paul,  s'emiarèrent  de  Gains  et 
d'Aristarque,  ses  disciples.  Ils  les  auraient 
infailliblement  fait  mourir, si  un  greflier  d'E- 
phèse n'eût  calmé  leur  fureur  par  la  sagesse 
de  ses  discours  et  ne  les  eût  fait  renoncer  à 
leurs  mauvais  desseins.  «  Ceux  que  vous 
avez  arrêtés ,  leur  dit-il ,  ne  sont  cou- 
pables ni  de  blasphème  ni  de  sacrilège 
contre  Diane.  Avez-vous  d'autres  griefs  ? 
nos  tribunaux  en  jugeront.  Mais  ne  crai- 
gnez-vous pas  qu'on  nous  accuse  de  sé- 
dition pour  avoir  fait  ainsi  un  rassemble- 
ment sans  motifs?  »  Sur  ce,  ils  se  disper- 
sèrent. 

DÉ.MÉTRIUS  DE  TIFLIS  (le  bienheureux), 
frère  lai  chez  les  Franciscains,  était  Georgiwn 
de  nation  et  très-versé  dans  les  langues 
orientales.  Il  partit  avec  trois  autres  moin  s 
de  son  ordre,  nommés  Pierre  de  Sienn's  Tho- 
mas de  Tulentino  et  Jacques  de  Padoue, 
pour  aller  iirôcher  l'Evangile  dans  le  Katzai, 
dirigés  par  un  zélé  dominicain  français, 
nommé  Jourdain  Catalini.  Forcés  par  diver- 
ses circonstances  d'aborder  à  Tann,  capitale 
de  l'jle  Salsette,  ils  y  soulfrirent  le  martyre 
pour  la  défense  de  l'Evangile  et  de  la  loi. 
(Koi/.,  pour  plus  de  détails,  l'article  Martyus 
DK  Tan  A.) 

DÉMOCRITE (saint), martyr,  mourut  pour 
la  foi  à  Synnade,  dans  la  Pin-ygie  Pacatii^iuie, 
aveu  les  saints  Second  et  Denis.  L'histoire 
n(;  nous  a  conservé  aucun  détail.  L'Eglise 
lait  leur  fête  le  31  juillet. 

DENIS  (saintj,  martyr,  souffrit  de  cruels 
tourments  à  Rome  en  l'hoiniiiur  de  Jésiis- 
(^hrist.  Il  eut  pour  compagnons  de  sers  souf- 
frances les  saints  Faustf.',  (^aius,  Pierrf;,  Piul 
et  quatre  autres  dont  hîs  noms  nous  sont  in- 
connus. C(!lte  |)r('mièr(!  ccjnfcssion  de  leur 
foi  eut  lieu  sous  l'enipcrciur  Dè'-e.  Mais  do 
puis,  sous  Valéricn,  ayant  enduré  de  lon^'s 
lourmeils  |»ar  l'ordri;  du  présidtrit  Ernil.ei, 
ils  ieiriporlèr(;nt  la  |ialmr  du  martyi'e.  L'K- 
glise  f.'iil  leur    siiiiite  mémoire  le  .'1  octobre. 

DEMS  Nainlj,  soullVit  le  martyre  à  Aqui- 


lée  avec  saint  Hilaire,  évêque,  et  les  saints 
Tatien,  diacre,  Félix  et  Large;  leur  sacrifice 
eut  lieii  sous  l'enipire  de  Numérien,  et  sous 
le  président  Béroine.  On  ne  dit  pas  quel  fut 
au  juste  leur  genre  de  mort  :  il  est  certain 
qu  ils  subirent  la  peine  du  chevalet,  et  di- 
vers autres  tourments.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  16  mars. 

DENIS  (saint) ,  martyr,  mourut  pour  la 
confession  de  sa  foi  à  Héraclée  en  Thrace. 
L;i  date  de  son  martyre  est  inconnue.  Il  eut 
deux  compagnons  de  soullVances  appelés 
Bassus  et  Agapet,  et  quarante  autres  dont  le 
Martyrologe  romain  ne  donne  pas  les  noms. 
L'Eglise  honore  ces  saints  martyrs  le 20  no- 
vembre. 

DENIS  (saint),  martyr,  souffrit  le  martyre 
avec  saint  Socrate  ;  on  ignore  en  quel  lieu,  à 
quelle  époque  et  dans  quelles  circonstances. 
Tous  deux  furent  percés  inhumainement 
à  coups  de  lances.  L'Eglise  honore  leur 
sainte  mémoire  le  19  avril. 

DENIS  (saint),  martyr,  reçut  la  mort  pour 
son  attachement  à  la  foi  du  Christ.  11  eut 
pour  compagnon  de  s.i  décapitation  saint  Am- 
mône.  On  n'a  pas  d  autres  détails  sur  eux. 
L'Eglise  les  honore  le  14  février. 

DENIS  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  défense  de  la  religion.  Ce  fut  dans 
la  Basse-Arménie  que  son  martyre  eut  lieu, 
avec  les  saints  Emilien  et  Sébastien.  Les  dé- 
tails manquent  comph  tement  sur  eux.  L'E- 
glise célèbre  leur  sainte  mémoire  le  8  fé- 
vrier. 

DENIS  (saint),  martyr,  reçut  la  palme  des 
glorieux  combattants  de  lafo'i  de  Jésus-Christ 
à  Syimade  dans  la  Phrygie  Pacatienne.  Les 
détails  nous  font  entièrement  défaut  sur 
eux.  L'Eglise  célèbre  leur  sainte  mémoire 
le  31  juillet. 

DENIS  (saint),  évêque  et  confesseur,  eut 
l'immortel  honneur  de  confesser  Ji'sus-Christ 
au  milieu  des  soutfrances.  Nous  n'avons  au- 
cun détail  a  .thentique  sur  ses  tourments. 
L'Eglise  rhonore  comme  confesseur  le  8 
mai.  Ce  fut  à  Vienne  qu'il  endura  ses  souf- 
frances. 

DENIS  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la  foi 
à  Consta  Ttinople  vecLucillien,  -incien  prê- 
tre d'idoles,  et  trois  autres  enfants  de  son 
tige,  Paul,  Hypace  et  Claude.  [Voy.  l'arlicle 
LurjLMKN  [)Our  plus  de  détails.) 

DENIS  (le  bienheureux),  de  l'ordre  des 
Franciscains,  fut  mis  h  mort  en  1520  par  le 
cacique  de  .>Jaia.a;tana.  Voici  dans  quelles 
circonstances:  Alfonse  deOjeda  s'élanl  rendu 
àCnmaua  pour  la  pêche  des  perles,  lit  venir 
à  son  borti  i»lusieurs  des  habit.uils  du  pays 
qu'il  emmena  dans  un  antre,  pour  les  y  ven- 
dre comme  esclaves.  Plus  tard  ,  étant  des- 
cendu à  terre,  il  y  fut  tué  par  le  caciipu!  do 
Marac.ipana.  Tous  les  Européens  de  la  con- 
trée, soupçonni'S  d'avo  r  trempé  dans  la  Ira- 
h  son  de  cet  oflicier,  furent  obligés  de  se  re- 
tirer à  Haïti.  Il  ne  resta  (pu^  Denis  (pii,  pen- 
dant six  jours,  fui  (Nuihé,  mais  (jui  au  boni 
(le  ce  lenqis,  poussé  par  la  faim  ,  fut  obligé 
(lèse  livrer  aux  nalin-els.  Ceux-ci  le  frappè- 
rent si  rudement,  qu'ils  lui  firent  sauter  la 


783 


DEN 


DEN 


786 


cervelle.  Non  content  do  cotte  vongoanco, 
le  oaci(nio  excita  ceux  do  Cliiriliclii  h  so  dé- 
faire de  leur  côté  dos  religieux  (|ui  lial)i- 
taient  au  milieu  d'eux  le  couvent  de  Sainte- 
Foi.  C'étaient  des  dominicains.  Les  doux  re- 
ligieux (le  Sainte-Foi  ignmaicnt  l'événement 
qu'o  nous  venons  do  dire,  birn  (ju'il  se  lïlt 
passé  h  quelques  lieues  seulement  <lo  chez 
eux.  C'était  le  saint  joui-  do  dunanche.  L'un 
d'eux  n'était  pas  prêtre,  il  venait  de  rece- 
vou'  l'absolution  pour  communioi",  l'ai^ti-o 
était  sur  le  point  d'oll'rir  le  saint  sacrilice. 
Les  naturels  arrivèrent  connue  dos  force- 
nés, égorgèrent  les  doux  religieux,  mirent  le 
feu  au  couvent  et  brisèrent  les  cloclies,  les 
images,  les  croix,  un  christ,  et  jetèrent  les 
débris  de  ces  choses  saintes  sur  les  chemins 
dos  environs.  Us  coui)ôrent  les  arbres  plan- 
tés par  les  Européens,  voulant  ainsi  ell'acer 
jusqu'à  la  dei'uière  trace  de  leur  séjour  au 
niilieu  d'eux.  Bien  dos  fois  ,  dans  l'histoire 
amé.icaine,  on  trouve  de  tels  événements. 
La  cupidité,  la  cruauté  des  vainqueurs,  éloi- 
gnaient 1>  s  indigènes  de  la  religion  qu'on 
leur  prêchait  et  les  poussaient  à  de  terribles 
représailles. 

DENISE  (sainte),  martyre  h  Lampsaque  en 
l'an  de  Jésus-Chi-ist  25  ),  sous  l'empire  de 
Dèce.  Etant  témoin  de  ra[)Ostasieque  venait 
de  commettie  Nicomaque,  chrétien  qui  com- 
parai^sait  devant  le  proconsul  avec  les  saints 
Paul  et  André,  elle  en  exprima  tout  haut 
son  horreur,  ce  qui  fut  cause  qu'elle  fut  elle- 
môme  anêtée  et  martyrisée.  Voici  comment 
est  r.iconté  ce  qui  la  concerne  dans  les  Actes 
de  saint  Pierre  de  Lampsaque  : 

«  Il  y  avait  parmi  ceux  qui  étaient  présents 
à  cet  alfreux  spectacle  une  jeune  fille  nom- 
mée Denise,  âgée  de  quinze  à  seize  an^', 
qui  ne  put  s'empocher  de  s'écrier:  Ah!  mi- 
sérable, faut-il  que,  pour  n'avoir  pu  souffrir 
encore  un  moment,  tu  te  sois  pré[)aré  une 
éternité  de  peines  !  Cela  fut  entendu  du  pro- 
consul ,  (jui  la  fit  approcher,  et  lui  ayant 
demandé  si  elle  était  du élienne,  elle  répon- 
dit :  Oui,  je  le  suis.  C'est  pour  cola  que  je 
plains  ce  malheureux,  qui,  pour  quelques 
moments  de  douleur,  s'est  privé  lui-même 
d'un  repos  qui  ne  finira  jamais.  Le  procon- 
sul lui  répliqua  :  Vous  vous  trompez,  ma 
fille;  car  en  sacrifiant  aux  dieux  e;  aux  em- 
pereurs, il  a  satisfait  à  son  devoir,  et  a  trouvé 
le  repos  dont  vous  parlez.  Aiais  aîin  qa'il  ne 
demeurât  pas  exposé  aux  reproches  que  vos 
chrétiens  auraient  pu  lui  faire,  à  ca;  se  de 
son  heureux  changement,  Vénus  et  la  grande 
Diane  ont  bien  voulu  le  retirer  prompte- 
ment  du  monde.  Pour  vous,  disposez-vous 
à  sacrifier,  ou  à  être  brûlée  toute  vive.  De- 
nise répondit  :  Je  ne  vous  crains  pas  ;  le  Dieu 
que  je  sers  est  plus  puissant  que  vous  ;  il  me 
donnera  la  force  de  souffrir. 

«  Le  lendemain,  saint  Paul  et  saint  André 
furent  lapidés  par  le  peuple  sur  l'ordre  des 
magistrats.  Le  bruit  en  vint  bientôt  aux 
oreilles  de  Denise.  Alors  cette  vierge  s'étant 
dérobée  à  ses  gardes,  poussant  dos  cris  et 
répandant  force  larmes,  court  au  lieu  où  se 
faisait  l'exécution.  Lorsqu'elle  y  fut  arrivée, 


elle  se  jeta  sur  les  corps  des  saints  martyrs 
qui  rospiraicMit  encore,  et  leur  adressant  la 
parole,  elUî  leur  dit  :  Pourquoi  voulez-vous 
aller  au  ciel  sans  moi?  je  veux  mourir  avec 
vous  pour  vivre  éternellement  avec  vous.  Le 
proconsul  fut  aussitôt  informé  que  cette 
jeune  fille  qu'il  avait  abandonnée  aux  era- 
portouionts  de  deux  jeunes  débmchés,  en 
avait  été  miraculeusement  préservée  ;  et 
que,  s'étant  sauvée  du  lieu  où.  on  la  gardait, 
elle  voulait  mourir  avec  les  deux  chrétiens 
qu'on  lapidait  ;  il  ordonna  qu'on  la  retirât  do 
lA,  et  (|u'on  la  conduisît  dans  un  autre  en- 
droit pour  y  avoir  la  tête  coupée.  Ce  qui  fut 
exécuté  sur  rheiire,  5  Lampsaque,  le  jour  des 
ides  de  mai,  sous  l'empire  do  Décius  et  sous 
le  proconsul  Optimus.  » 

L'Eglise  fait  la  fête  do  sainte  Denise  et  de 
ses  compagnons,  le  15  mai. 

DENISE  (sainte),  martyre,  mère  de  plu- 
sieurs enfants,  fut  arrêtée  sous  l'empire  de 
Dèce,  et  sous  le  gouverneur  Sabinus,  à 
Alexandrie,  en  l'année  250.  Elle  eut  le  bon- 
heur d'y  donner  sa  vie  pour  la  foi.  Elle  fut 
décapitée  par  ordre  du  juge,  qui  ne  lui  fit  pas 
endurer  d'autres  supplices  préalables,  comme, 
cela  se  pratiquait  le  plus  ordinairement. 
Elle  mourut  avec  ses  compagnes,  sainte 
Mercurie  et  les  deux  saintes  Ammonaire. 
L'Eglise  célèbre  la  fêle  de  ces  quatre  saintes 
le  12  décembre. 

DENYS,  l'un  des  trente-sept  martyrs  égyp- 
tiens qui  moururent  pour  le  christianisme, 
en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  donné  les 
Actes  authentiques.  Voy.  Martyrs  (les  trente- 
sept)  égyptiens. 

DENYS,  l'un  des  trente-sept  martyrs  égy- 
ptiens qui  donnèrent  leur  sang  pour  la  foi, 
en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé  les 
Actes  authentiques.  Voy.  Martyrs  (les  trente- 
sept)  égyptiens.  Ce  saint  est  différent  du 
précédent,  (juoiqu'il  porte  le  même  nom  et 
qu'il  ait  souffert  dans  les  mêmes  circonstan- 
ces. 

DENYS  (saint),  fut  martyrisé  à  Corinthe 
durant  la  persécution  de  Dèce,  sous  le  pré- 
sident Jason,  avec  les  saints  Cadrât,  Cyprien, 
Ane^t,  Paul  et  Crescent.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  10  mars. 

DENYS  (saint),  martyr  à  Ephèse,  est  fêté 
par  l'Eglise  le  27  juillet.  Il  est  l'un  des  sept 
dormanis  dont  saint  Grégoire  de  Tours 
nous  a  donné  l'histoire.  Voy.  Dormants  (les 
sept). 

DlîNYS  ou  Denis  (saint),  évoque  de  Paris, 
martyr,  est,  malgré  les  obscurités  de  son 
histoire,  un  des  saints  les  plus  célèbres  de 
la  France.  Justement  à  cause  de  ces  obscu- 
rités, à  cause  d'une  foule  de  croyances  peu 
solides  accréditées  par  la  crédulité  publique, 
il  sera  bon  qu(!  nous  disions  en  peu  de  mots 
quel  était,  à  l'époque  oiî  vivait  saint  Denys, 
l'état  de  l'Eglise  des  Gaules,  et  quel  il  avait 
été  auparavant. 

Saint  Sulpice-Sévère  et  l'auteur  des  Actes 
de  saint  Saturnin  disent  que  la  lumière  de 
la  foi  ne  pénétra  que  lentement,  et  assez 
tard  dans  les  Gaules.  D'un  autre  côté,  d'il- 
lustres évêques,  que  cite  Grégoire  de  Tours, 


787 


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t8J 


disent  que  la  religion  chrétienne  se  répan- 
dit dès  le  commL'ncemjnt  dans  ces  bcilles 
contrées.  Qij('l(]iios-uns  ont  dit  que  saint 
Paul  et  s.-'int  Philippe  apôtres  y  avaient  pio- 
ché la  foi.  Saint  Kpiphane  l'affirme  de  saint 
Luc,  il  dit  la  môme  chose  de  sa  nt  Crosceiit, 
disciple  de  saint  Paid.  L'une  et  l'autre  Of)i- 
uion  peuvent  êtreé^a'ement  soutenues.  Au- 
cune ne  peut  être  prouvée  péremjitoirement, 
Une  seule  ch(jso,  o  Ton  peut  dii'e  avec  assu- 
rance, c'est  que  si  la  parole  divine  fut  semée 
dès  le  commencement  dans  les  Gaules,  el'e 
V  g.'rmabien  peu  et  donna  bien  p'U  de  fruits. 
t-  n'est  que  dans  le  ir  siècle  qu'on  voit  l'E- 
van^^ile  faire  des  conquêtes  rée  les  dans  les 
Gaules.  Beaucoup  d'églises  ont  des  traditions 
contraires  h  ce  que  nous  diso  is  ici,  mais 
ces  traditions  iTontassurémenl  riende  f.ndé. 
C'est  dans  l'é.^lise  de  Lyon  que  nous  trou- 
vons les  premières  et  les  plus  fortes  :  reuves 
d'aitiquité.  Saint  Pot  lin  son  premi^^r  évo- 
que, et  son  successeur  saint  L'énée,  étaient 
uiseiples  de  saint  Polycarpe.  Ce  fut  le  |)ape 
Fa.)i^n  qui,  dui'ait  la  paix  que  donniit  à 
l'ijlglise  ie  rè,.^ne  de  l'emiieroui'  Philippe,  en- 
voya en  G'iuies  les  s>[!t  évèques  dont  les 
noms  suivent  :  s;iint  <ialien  de  'l'ours,  saint 
Trôphime  d'Arles,  saint  Paul  de  Narbo me, 
saint  S.iturnin  de  Toulouse,  saint  De  lys  de 
Paiis,  saint  Austremoine  de  Cle-mont,  et 
sai  it  M.'.rtial  de  Limogos.  C  -s  sept  évèques 
fuient  envoyés  comme  des  apôtres  et  co  .irae 
des  évangélisles,  sans  désignation  de  siège. 
Ils  devaient  aller  où  l'esprit  de  Dieu  et  le 
coui'S  desé  énemenls  les  conduiraient.  Nous 
lie  voulons  [)oint  dire  qu'ils  aiiml  été  h^s 
premiers  évèques  ni  les  |)r(ïmiers  [irédica- 
tuurs  des  lieux  où  ils  fixèrent  leur  résidence, 
ou  qu'ils  honorèrent  de  leur  m  irtyre.  Peut- 
être  y  avait-il  des  chr  tiens  dans  ces  villes  ; 
peut-être  même  y  avait-il  eu  dos  évè  mes 
mais  ^-.ji  avaient  étj  obligés  de  partir,  ou 
étaient  vnorts  sans  laisser  de  successeurs.  Ce 
que  nous  disons  la  est  [)Ossii)le  ;  mais  les 
tiadiUo  is  (jui  l'aflirment  n'ont  eu,  jusqu'ici, 
do  leur  cùlé,  ni  les  monuments,  ni  les  pro- 
babilités. Il  est  certain  que  ces  sept  ('vèques 
étaient  accompagnés  de  be.aujou;»  d'autres 
missionnaires  bien  moins  élevés  ipi'eux 
en  dignité.  Les  saints  Fuscien,  Viclor;n, 
Créi)in,  Crépinien,  Rutin,  Valèrc,  Lucen  rie 
Beauvais,  K  'gule  ou  Uicule,  Quentin,  Piaton, 
Marcel,  étaient  venus  de  Uoine  avec  saint 
Deuys. 

Ce  (pli  donnerait  lieu  de  croire  que  saint 
Denys  était  le  chef  de  t(ms  ces  saints  mis- 
sioiinaiies,  les  sept  évèques  compris,  c'est 
qu(i  nous  trouvons  dans  Collandus  r'iO  marsj, 
que  tou.s  ces  saints,  étant  arrivés  à  Ailes,  y 
iiommèifnl  saint  Troplumti  évêipie.  Cette 
histoire  rapporte  que  saint  Denys  y  prêcha 
av(ic  ua  giaiid  succê.s.  D'un  autre  côté,  his 
traditions  de  Tégliso  d'Arles  mettent  un 
saint  Donys,  évêque,  avant  saint  Tiophime. 
C(;  qui  e.'^t  eertam,  c'est  ipie  de  tous  ces 
t^ai'its  prédicateurs  do  l'Kvangile,  ce  fut 
faijit  Denys  qui  porta  le  plus  avant  la  lu- 
lu.Ciw  de  la  foi,  pui.squ'd  vint  jusqu'à  P.tri». 
Parlons  de  lui  maintenant  en  particulier. 


Dans  le  iv'  sièfle,  Hilduin,  abbé  de  Saint- 
Denys,  entreprit  de  [.rouver  qne  l'évéquc  de 
Paris  était  le  mêuie  que  saint  Denys  l'Aréo- 
pagite,  piemier  évèqut^  u'Athènes  et  disci- 
ple de  saint  Paul.  Ce  fut  lui  a^ssi  qui  pré- 
tendit (pie  le  saint,  après  avoir  été  déca[)ité, 
avait  porté  sa  tète  dans  ses  mains.  Ces  as- 
sei'tions  erronées  passèrent  de  Paris  à  Pvome, 
de  Rome  chez  les  Grecs.  [)ar  Méthodius  , 
qui  s  '  fit  la  trompette  d  Hilduin.  Athanase 
en  Grèce,  ayant  traduit  la  Vie  de  saint  De- 
nys, comi)Osée  i>ar  Méthodius,  sa  traduelion 
fut  re(;ue  en  France,  et  y  do  ma  un  nouveau 
poids  aux  faiis  avancrs  j)ar  Hilduin.  L'erreur 
revenait  à  son  point  de  départ,  plus  forte 
et  plus  accréditée  après  .ses  pérégr  nations: 
on  croit  facilement  qui  revient  de  loin. 

Pour  le  premier  pouit,  saint  Denys  l'Aréo- 
pagite  n'était  certes  i)as  un  enfant  du  temps 
de  saint  Paul.  Donnons-lui  quarante-cinq 
ans.  Comme,  de  cette  ép.oque  à  celle  où 
saint  Denys,  évô  jue  de  Paris,  vint  en  Gaules, 
c'est-à-dire  environ  l'an  2io,  sons  Phili[)pe, 
deux  cents  ans  s'étaient  écoulés,  il  s'ensuit 
que  le  saint  Aréopagite  aurait  eu,  lors  de  son 
martyre,  ([uelque  chose  comme  270  ans,  ou 
mieux.  Quant  à  ce  fait,  que  saint  Donys 
poi-ta  sa  tète  dans  ses  mains  après  sa  déca- 
pitation, nou-i  ne  l'attaquerons  pas:  no  is 
abandonnons  cette  croyance  aux  légendaires 
qui  veulent  du  merveilleux  h  tout  [)rix,  et 
qui  sont  [)Ortés  h  attacher  d'autant  plus  de 
mérite  aux  Actes  des  saints  ,  qu'ils  renfer- 
ment j)lus  de  choses  extraordinaires.  Un  de 
ces  hommes  h  croyances  acquises  a  toutes 
les  légendes  nous  (iisait  que  nos  discussions 
étaient  presque  des  sacrilèges,  et  que.  quand 
la  sanction  dos  années  avait  passé  sur  les 
histoires  des  saints,  nul  n'avait  le  'iroit  d'y 
porter  le  tlambeau  de  la  discussion.  A  ce 
compte,  bien  des  choses  seraient  restées  di;- 
bout,  e  1  vertu  de  cette  autoiité  des  années, 
qui  feraient  h;  désespoir  de  ce  légen  aire  I 

Ce  fat  saint  Donys,  qui,  par  lui  ou  par 
ses  disfiples,  fonda  les  églises  de  Chartres, 
de  Senlis,  de  Meaux,  et  peu  après  celle  de 
Cologne.  A  Paris,  il  avait  converti  un  grand 
nombre  de  personnes  par  ses  prédications 
et  ()ar  ses  miracles.  Il  y  avait  établi  un  cler- 
gé, et  y  avait  bâti  une  église  ;  jusi|ue-là  il 
n'y  en  avait  pas  eu.  No  is  ne  savons  pas  où 
était  cette  église,  qui  fut  probablement  rui- 
née avec  les  autres,  en  l'an  303.  Ce|)endant 
la  Vie  de  saint  Marcel  nous  dit  qu'elle  n'était 
pas  éloignée  de  la  .'^eine.  Rien  à  cela  d'éton- 
nant, puis()ue  l'ancien  Pains  était  entière- 
ment grou{)1!}  autour  de  ce  Ueuve. 

Les  Actes  de  saint  Denys  nous  apprennent 
qu'une  persécution  violente  s'élant  élevée 
tout  <i  cou|),  les  pers('cutcurs,  chinciiant 
partout  l(îs  chrétiens  dans  l'Occident  ,  ils 
lirireiit  saint  D(niys  à  Paris,  ave(;  saint  Rus- 
ii(pie,  prètrf!,  et  saint  Fleuthèic,  archidiacre. 
Dans  la  conf-ssioii  (pi'ils  firent  do  la  foi, 
tous  trois  dinneurèrent  victorieux.  Après 
ovou'  subi  plusieurs  sup[)lices,  (nitre  autres 
celui  des  fou(ïl5,  ils  eurent  la  lêtit  irancliéo. 
D'après  Aiion,  le  jug()(iui  les  condamna  se 
nommait  Fesccnninus.  L'auteur  des  Actes 


78!) 


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7«a 


du  saint  (^v^quo  dit  qne  les  corps  dfs  trois 
saints  fiiront  portés  ])(nir  ôtrc  jctrs  dans  la 
Soiiio,  et  (lue  c(î  fui  une  fcinrntî  ctiriHiiMiiic, 
iioiniiu'^o  Caluila,  qui,  ayant  troav6  luovcn 
<roiiip(\'ti(>r  qu'ils  lo  fussent,  les  enterra 
«u  lieu  nu'^nie  oCi  ils  avaient  ('l(^  décapités. 
L'Kj^lise  do  Paiis  i)rét(Mui  qu'avanl  leur 
glorieux  uJarlyre,  les  saints  avaient  été  em- 
prisonnés au  lien  nommé  Saiiit-Denys  do 
la  CliAtre.  Les  fidèles  y  élevère-it  une  cha- 
pelle. Sainte  (jeucviùve  obtint  [)ar  ses  exhor- 
tations, qu'o'i  y  construisit  un(!  église,  (jui 
fut  élevée  sur  les  ruines  de  la  cha[)elle.  Kli(! 
<Uait  desservie  par  une  commuiiautô  (^ui 
obéissait  à  un  al)bé. 

Dagobert,  qui  mourut  en  G38,  fit  bAtir 
l'abbaye  de  Saint-Denys,  où  nos  rois  eurent 
si  longtemps  une  sépuitin'o  protégée  par  le 
respect  religieux  de  tous.  Les  r(;li(iues  de 
saint  Denys,  de  saint  Uuslicpie  cl  de  saint 
lileuthère  y  étaient  gardées  avec  gcande  vé- 
néi'alioti.  Quand  arriva  celle  éj  oijue  de  l<'r- 
reur  où  tout  ce  qui  était  saint  et  respect.bl  ? 
était  profané,  quand  on  vola  le  trésor  de 
l'abbaye,  les  relicpies  furent  sauvées  pardoin 
Warentlot,  religieux  de  Sainl-Denys,  et  ca- 
ché s  précieuseuient.  Depuis,  en  n;)5,  elles 
furent  déposées  dans  l'église  p  u-oissiale  do 
Saint-Denys.  Le  2G  mai  1819,  elles  furent  en 
grande  pompe  tr;insft''rées  dans  l'église  de 
l'ancienne  abbaye,  où  elles  sont  encore  dans 
des  châsses  de  bronze  doré. 

L'Eglise  fait  la  fête  de  saint  Denys  le  9 
octobre.  En  q  el  temps  a-t-il  soutfert?  11  est 
iuipossible  de  le  préciser.  Cependant  il  est 
très-probable  cjue  sa  mort  fut  une  consé- 
quence de  la  persécution  d'Aurélien.  Elle 
dut  avoir  lieu  de  273  è  275.  On  lait  h  cette 
date  une  objection  :  on  dit  que  saint  D  nys, 
dans  ce  cas,  devait  être  fort  âgé.  S'il  avait 
40  ans  quand  il  arriva  en  Gaules,  en  245, 
sous  Philippe,  cela  ne  ferait  encore  que  70 
ans  environ.  Il  y  a  nombre  d'hornmes  qui 
vivent  audclà.Dans  le  Martyrologe,  les  noms 
de  saints  morts  à  cet  âge,  ou  môme  à  un  âge 
plus  avancé,  ne  sont  pas  rares. 

Maintenant,  en  quel  lieu  les  saints  furent- 
ils  martyrisés?  Leurs  Actes  portent  que  les 
persécuteurs,  ayant  ordonné  de  jeter  Irs 
corps  des  saints  dans  la  Seine,  de  peur  que 
les  chrétiens  ne  leur  rendissent  les  honneurs 
qu'ils  avaient  coutume  de  rendre  aux  mar- 
tyrs, Catulla,  femme  chrétienne,  fit  faire 
bonne  chère  aux  soldats  chargés  d'exécuier 
l'ordre,  tandis  que  ses  gens  enlevaient  de 
dessus  les  bateaux  les  corps  des  saints.  Ils 
ajoutent  qu'elle  les  fit  enterrer  dans  une 
pièce  de  terre  prête  à  semer,  et  sur  laquelle 
on  sema  aussitôt,  pour  qu'on  ne  pût  pas 
connaître  le  lieu  où  ou  les  avait  mis.  Ces 
Actes  disent  que  les  saints  furent  enterrés 
près  du  lieu  où  ils  avaient  été  martyrisés. 
D'après  cela,  s'ils  sont  exacts,  il  est  certain 
que  ce  ne  fut  pas,  que  ce  ne  put  pas  être  à 
Paris.  Pour  nous,  il  est  probable  que  ce  fut 
au  lieu  où  §e  trouve  l'abbaye  de  Saiat-De- 
nvs  :  ceiiendant  nous  i)e  le  voudrions  pas 
aftii'mer.  Quelques-uns   ont  prétendu  que 


c'était  h  Montmartre.  {Voy.  Tartiole  Mont- 

MARTRK.) 

DENYS  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
verser  son  sang  [)our  la  confession  de  la 
foi.  Son  martyre  eut  lieu  h  Césarée,  eu  Pa- 
lestine, sous  le  présidiMil  Ucbain,  dans  la 
persécution  de  Diodélien.  Il  eut  pr)ur  com- 
pagnons de  son  martyre,  saint  Timolaus, 
saint  Pauside,  saint  liomule,  s  dut  Ah'xan- 
dre,  saint  Agape  et  un  autre  saint  Den.s. 
L'Eglise  honore  la  mémoire  de  ces  maints 
martyr,  le  ^2'*-  mars. 

DÈNYS  (saint),  martyr,  fut  martyrisé  au 
même  lieu  et  dans  les  mêmes  circonstances 
que  l(!  saint  précédent.  {Voy.  ci  dv'ssus.) 

DENYS  D  ALEXANDRIE  (saini),  est  l'un 
des  hommes  les  plus  émini  nls  (lui  aient 
paru  dans  l'Eglise.  Saint  liasilo  et  les  Crées 
lui  don  eut  le  liti  e  de  (Irand  ;  saiU  Alh  \nase 
l'apnelle  le  do .teur  de  l'Eglise  caihol'.que.  Il 
na  ]uit  a  AKixandrie,  d'une  famille  consiié- 
rabie  p.ir  sa  f'.lune  et  par  sa  noijiesso;  du 
mo  ns  cette  opinion  est  la  plus  prob.bla. 
Quelques-uns  uni  préiendu  qu'il  éiail  du 
p;!ys  de  Saba.  O  \  est  fondé  à  croire  (ju'il  lut 
marié,  et  qu'il  avait  clés  enfants.  L'un  d  eux 
se  noiumait  Timo.h  '-e.  Saint  Denys  était  ex- 
trê  riement  éruait,  très-ver  é  dans  les  scien- 
ces proianes.  L;s  écrils  qui  nous  re-teut  de 
lui  purtruit  rempreinte  d  un  génie  vaste  et 
profond,  en  môme  temps  quils  montrent 
be.uiîoup  d  érudition.  Il  y  a  Hl'u  de  croire 
qu'i.  fut  élevé  en  dignité  dans  sa  ville  natale, 
probablement  dai;S  les  finances  ou  da.  s  la 
magistrature.  Sa  famil  e  était  païenne;  lui- 
même  fut  païen  pendant  longtemps.  Il  dut 
de  np  pas  l'être  toujours  à  une  heureuse 
qualité  d'esprit  dont  Dieu  l'avait  doué  :  dési- 
reux de  s'instruire, il  fais  dt  ce  qu'on  nomme 
aujourd'hui  de  l'eccleciisme.  il  .i>ait  sans 
prévention  tous  les  1  vres  qui  lui  tombaient 
entr.  les  mains,  quels  que  .ussent  leurs  au- 
teurs ,  de  quelque  école  qu'ils  vinssent.  11 
trouva,  en  lisant  les  Epîtres  de  saint  Paul, 
une  satis.action  qu'aucune  autre  lecture  ne 
lui  avait  donnée;  il  fut  profondément  touché 
des  vérités  ijuc  traite  le  grand  apôtre,  el  de- 
manda à  devenir  chrétien.  L'évèque  Démètre 
le  baptisa,  après  qu'il  se  fut  fait  instruire.  Dès 
queDenyseulgoùié  les  douceurs  de  la  religioa 
chrétienne,  il  ne  songea  plus  à  autre  chose 
en  ce  monde.  Il  voulul,pour  entrer  tout  entier 
dans  la  voie  de  Dieu,  renoncer  aux  dignités, 
aux  honneurs, aux  avantages  de  sa  naissance 
et  de  sa  fortune  :  il  échangea,  en  un  mo,  les 
avantages  qu'on  envie  tant  ici-bas  contre  les 
trésors  que  la  foi  donne  à  ceux  qui  suivent 
Jésus-Christ.  Origène  était  à  la  tête  de  1  école 
des  catéchèses  d'Alexandrie,  où  sa  science  et 
sou  génie  jetaient  le  plus  vif  éclat.  Denys 
devint  son  disciple.  Bientôt  le  disciple  devint 
une  des  gloir.  s  de  cette  école  si  féconde  eu 
grands  hommes.  Quand  Héracle,  à  qui,  en 
231,  Origène  avait  laissé  le  soin  de  son  école, 
fut  promu  l'année  môme  à  la  dignité  d'évê- 
que  d'Alexandrie  ,  ce  fut  saint  Denys  qui  fut 
chargé  des  catécièses  à  sa  place.  11  demeura 
dans  cet  emploi  durant  seize  ou  dix-sept  ans- 
Suivant  la  chronique  orientale,  Héracle,  qui 


791 


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792 


faisait  le  plus  grand  cas  de  ses  talents  et  de 
sa  vertu,  le  lit  son  vicaire,  et  le  chargea  de 
juger  les  fidèles  qui  s'adresseraient  à  lui. 
Denys  avait  été  promu  à  la  prêtrise.  Le  4  ou 
5  df^^cenibre  de  l'an  2i7,  Héracle  étant  mort, 
il  y  eut  une  va^nce  d'un  an,  après  laquelle 
Denys  fut  élu  pour  lui  succéder.  Ainsi,  c'est 
à  la  lin  de  2i8  qu'il  dut  être  élu.  Dans  une 
aufie  partie  du  monde  chrétien,  la  même 
année  voyait  aussi  la  promotion  à  l'épiscopat 
d'une  des  illustrations  de  l'Eglise  :  saint 
Cyprien  était  nommé  évèque  de  Carthage. 
Le  siège  d'Alexandrie  étendait  sa  juridiction 
sur  toute  la  Libye  :  c'était  donc  un' des  plus 
importants  de  la  chrétienté.  Avant  saint 
Denys,  il  y  avait  eu  douze  évêques  sur  ce 
siège. 

Au  moment  oij  il  fut  mis  dans  ces  samtes 
et  importantes  fonctions,  l'Eglise,  sous  le 
règne  de  Philippe,  jouissait  d'une  paix  pro- 
fonde. Ce  prince  favorisait  extrêmement  les 
chrétiens,  et  il  semblait  que  rien  ne  dût  ve- 
iiii'  troubler  la  quiétude  dans  laquelle  ils  se 
reposaient  enfin,  après  tant  de  combats  sou- 
tenus, de  persécutions  endurées.  Mais  tandis 
que  le  reste  de  l'Eglise  était  en  paix,  et  que 
la  persécution  ne  commença  pour  elle  qu'a- 
vec les  édils  de  l'empereur  Dèce,  Alexandrie 
fut  tout  h  coup  atteinte  par  une  violente 
persécution.  Le  point  de  départ  en  fut  une 
émotion  populaire.  Le  peuiîle  se  souleva 
contre  li}s  chrétiens,  et,  la  faiblesse  des  ma- 
g  strats  y  prêtant,  les  chrétiens  furent  vio- 
Jeunnent  persécutés.  Ce  fut  au  commence- 
ment de  2i9,  ou  au  moins  à  la  fin  de  2i8, 
que  ces  événements  se  passèrent.  Le  saint 
évoque  d'Alexan  Jrie  eut  du  moins  la  conso- 
lation (Je  voir  ceux  qui  furent  l'objet  direct 
de  celte  persécution,  sainte  Apolline  et  beau- 
coup d'autres,  deuieurer  inébranlables  dans 
la  loi,  et  donner  généreusement  leur  vie  pour 
Jésus-Christ. 

Aires  cette  violente  bourrasque,  l'Eglise 
d'Alexandrie  eut  quelques  moments  de  cal- 
me ;  les  persécuteurs  en  étaient  aux  mains 
les  uns  avec  les  autres.  L'empire  changeait 
d(,'  maître  :  Dèce  montait  sur  le  trône  à  la 
place  de  Philippe.  On  sait  que  le  premier 
soin  de  ce  cruel  empereur  fut  de  Inuccr 
des  édits  de  persécution.  Aussi  le  calme  de 
TEglise  d'Alexandrie  dura  peu,  dit  saint  De- 
nys :  «  La  crainte  de  toutes  sortes  d(>  ri- 
gueurs, dont  on  menaçait  ITiglise,  succéda  h 
la  douceur  dont  elle  jouissait  sous  h;  rèj^ne 
[)ré(éd('nt,  qui  lui  avat  été  ti'ès-favorable.  » 
Aussitôt  arrivèrent  les  édits  impériaux.  Voici 
comme'it  saint  Denys  raconte  ce  qui  lui  est 
per-onn(jI  dans  celle  persécution.  Nous  co- 
pions Icxtuellement  : 

«  Dieu  connaît  le  fond  de  mon  cœur,  .le 
|)ar]e  en  sa  présence,  et  il  sait  si  j'avance 
quclipie  cho^e  centre  la  vérité;  mais  il  (;st 
certani  rpir;  ce  ihî  lut  |)as  d(!  mon  [Mopre 
ui  luveme  it  rpje  je  me  réscjlus  d(!  [tiemliiî  la 
fuit»;  et  de  me  cach-r,  mais  par  un  si^nliment 
iiil''rieur,  (pii  me  lit  connaili-e  que  c'était  la 
V(jli)nié  d(;  Dieu.  C'est  donc  l.i  vérité  pure, 
qui;   IVîdii   (Je   l'empereur   Décius  venait  à 


peine  d'être  publié,  que  le  préfet  Fabien  en- 
voya un  soldat  à  mon  logis,  avec  ordre  de 
m'arrêter.  Je  l'y  attendis  quatre  jours  en- 
tiers; cependant  il  parcourait  les  chemins, 
les  champs,  les  rivières  :  en  un  mot,  il  n'y 
eut  aucun  endroit  qu'il  ne  visitAt,  dans  la 
pensée  que  j'aurais  pu  m'y  être  mis  à  cou- 
vert de  la  recherche  qu'on  faisait  de  moi. 
Mais  Dieu  l'avait  frappé  d'aveuglement ,  afin 
qu'il  ne  pût  jamais  lui  venir  dans  l'esprit 
que  j'eusse  voulu  y  rester  dans  un  temps  de 
persécution.  Enfin,  le  quatrième  jour  étant 
passé.  Dieu  m'ordonnant  de  me  retirer  ail- 
leurs, et  m'en  ayant,  contre  toute  espérance, 
ouvert  la  voie  d'une  manière  toute  miracu- 
leuse, je  sortis  de  chez  moi,  suivi  de  mes 
domestiques  et  accompagné  de  plusieurs  des 
frères.  L'événement  fil  assez  voir  que  c'avait 
été  là  un  coup  de  la  Providence;  car  dans  la 
suite  nous  ne  fûmes  pas  tout  h  fait  inutiles  à 

quelques  personnes Nous  n'étions  pas  fort 

éloignés,  et  le  soleil  se  couchait,  lorsque 
nous  tombâmes  entre  les  mains  des  persécu- 
teurs ,  qui  nous  conduisirent  à  Taposire  ; 
mais  Dieu  permit  que  Timothée,  qui  ne  s'é- 
tait pas  rencontré  avec  les  autres,  ne  fût  pas 
arrêté.  Etant  donc  allé  quelque  temps  après 
à  mon  logis,  il  trouva  qu'il  était  abandonné, 
qu'il  y  avait  garnison,  et  que  nous  étions 

pris Alors,  tout  troublé,  il  se  mit  à  fuir  en 

diligence.  Un  paysan  le  rencontra,  et  lui  de- 
manda ce  qu'il  y  avait  et  ce  qui  causait 
l'épouvante  qui  paraissait  sur  son  visage. 
Timothée  le  lui  conta.  Le  paysan  entra  dans 
une  maison  où  se  faisait  une  noce  dont  il 
était  prié  (ces  sortes  de  réjouissances  durent 
d'ordinaire  toute  la  nuit),  et  il  raconta  aux: 
convives  ce  qu'il  venait  d'apprendre.  Ceux-ci 
sortirent  de  table  tous  ensemble,  coururent 
au  lieu  où  j'étais  avec  ma  suite,  y  entrèrent 
en  criant,  et  nous  pressèrent  de  sortir.  Les 
soldats  qui  nous  gardaient  s'enfuirent  aussi- 
tôt, et  ces  bonnes  gens  nous  trouvèrent  cou- 
chés sur  des  lits  sans  garniture.  Je  les  pris 
d'abord  pour  des  voleurs,  et,  demeurant  sur 
mon  lit,  nu,  en  chemise  comme  j'étais,  je 
leur  présentais  le  reste  de  mes  habits,  qui 
étaient  auprès  de  moi.  Ils  me  dirent  de  mo 
lever  et  de  sortir  au  plus  vite.  Alors,  com- 
prenant pourquoi  ils  étaient  venus,  je  com- 
mençai à  crier  et  h  leur  dire  :  Retirez-vous, 
je  vous  su])plie,  et  nous  laissez;  ou,  si  vous 
v(julez  me  faire  plaisir,  prévenez  ceux  qui 
m'emmènent,  et  coupez-moi  la  tête.  Tandis 
qu(!  je  criais  ainsi,  ils  inc  firent  lever  do 
force;  je  me  jetai  par  terre,  h  la  renverse; 
mais  ils  me  prirent  par  les  [tieds  et  par  les 
miins  ,  et  me  traînèrent  dehors.  Caius , 
Fausle,  lM(>rre  et  Vnn\  me  suivaient;  ils  mo 
j)orlèrent  hors  de  la  ville,  me  firent  monter  à 
poil  sur  un  Ane,  et  m'emmenèrent.  »  (Kui- 
nart,  l"vol.,  |)age  303.) 

Klant  donc  ainsi  échapppé  malgré  lui  des 
mains  des  persécuteurs,  saint  Denys  se  re- 
tira, avec  Caius  el  Pierre,  dans  un  lieu  désert 
de  la  Libycî,  <i  trois  jours  de  mari  lie  de  Parc- 
toim;,  ville  de  la  Libye  marmariipie.  Il  resta 
dans  cette  retraite;  jusipi'à  la  mort  (\o  Dèce, 
ou  au  moins  jusqu'à  la  fin  do  la  persécution. 


793 


DKN 


i)EN 


794 


Co  fut  (lo  Ih  qu'il  (Vrivit  à  Domicc  ot  îi  Di- 
dymo.  Nous  en  copions  un  fragment  : 

«  Au  reste,  il  est  inutile  de  vous  marquer 
ici  les  noms  de  nos  martyrs;  ils  sont  en  trop 
grand  noml>re,  et  aucun  d'eux  no  vous  est 
coiuui.  Il  suiïit  seulement  que  vous  sachiez, 
en  j^(^néial,  (juo,  sans  (ju'on  ev1t  le  moindre 
égard  ni  h  l'ilge,  ni  au  sexe,  ni  a>i  l'ang,  ou 
tournuMita  indilféremment  les  lioinm(\s  et  les 
fenmics,  les  jeunes  gens  et  les  vieillarils,  lo 
soldat  et  le  bourg-ois  ;  (|ue  tout  éprouva  la 
rage  des  [)erséeulours,  et  que  les  fouets,  lo 
fer  et  le  feu  furent  mis  en  usage  contre  les 
fidèles.  11  s'en  est  même  trouvé  quehjues- 
uns  de  c(ui  Dieu  n'a  voulu  recevoir  le  sacri- 
fice qii'après  les  avoir  longtem[)S  exercés.  Je 
suis  do  ce  nombre ,  et  il  dilfére  Jusqu'ici 
d'hcceptcr  le  mien  :  co  sera  lorsque  sa  provi- 
dence, qui  seule  dis[)0sc  des  temps,  en  aura 
marqué  le  moment;  mais  je  suis  si"ir  qu'elle 
choisira  ceiui  qui  est  lo  plus  avantageux 
pour  moi,  suivant  cette  parole  du  Seigneur  : 
Je  vous  ai  exaucé  dans  le  moment  favorable, 
et  je  suis  venu  h  votre  secours  au  jour  de 
grâce  et  de  miséricorde. 

«  Mais  puisque  vous  souhaitez  particuliè- 
rement savoir  ce  qui  nous  regarde  et  l'état 
présent  do  nos  affaires,  je  vous  l'apprendrai 
volontiers.  Il  n'est  pas  que  vous  n'ayez  su 
de  quelle  manière  des  paysans  de  la  Marî'ote 
nous  arrachèrent,  uialgré  nous,  d'entre  les 
mains  de  quelques  oilicieis  de  justice  qui 
nous  conduisaient  en  prison.  Nous  étions 
cinq  :  Pierre,  Caius,  Paid,  Fauste  et  moi. 
Les  deux  premiers  ne  m'ont  point  quitté,  et 
nous  nous  sommes  tous  trois  retirés  dans  le 
fond  d'un  désert  affreux,  à  trois  journées  de 
Pareloine. 

«  Cependant  Maxime,  Dioscore,  Démétrius 
et  Luc  us,  tous  quatre  prêtres,  se  tie  nent 
cachés  dans  la  ville,  pour  assister  les  frères 
dans  cette  conjoncture.  Faustin  et  Aquila 
n'ont  pas  cru  devoir  s'y  renfermer;  mais, 
sans  craindre  de  s'exposer  au  grand  jour,  ils 
parcourent  toute  l'Egypte.  A  l'égaid  des  dia- 
cres, ils  no  sont  plus  que  trois  que  la  conta- 
gion a  éi>argnés,  savoir  :  Fauste,  Chérémon 
et  Eusèbe;  Eusèbe,  dis-je,  que  Dieu  a  telle- 
ment fortifié  dès  le  commencement  de  la 
persécution,  que,  méprisant  les  péiils  où  son 
zèle  l'expose,  il  ne  cesse  de  l'exercer  tant 
envers  les  confesseurs  prisonniers,  auxquels 
il  rend  des  services  assidus,  qu'envers  les 
saints  martyrs,  dont  il  prend  soin  d'enseve- 
lir les  corps.  Car  le  préfet  ne  fait  grâce  à 
aucun  de  ceux  qui  tombent  entre  ses  mains, 
ôtant  cruellement  la  vie  aux  uns,  faisant 
éprouver  aux  autres  les  rigueurs  des  tortures 
les  plus  horribles,  et  exposant  les  autres  à 
toutes  les  horreurs  des  cachots  les  plus  noirs 
et  les  plus  infects;  il  en  a  fait  môme  soigneu- 
sement garder  l'entrée  par  des  soldats  ;  mais 
Dieu  se  rit  de  la  cruauté  du  tyran,  et,  pre- 
nant plaisir  à  tromper  sa  vigilance,  il  donne 
le  moyen  à  la  charité  des  tidèles  de  s'insi- 
nuer (ians  ces  lieux  affreux,  et  il  y  fait  en- 
trer avec  elle  la  consolation,  et  divers  soula- 
gements aux  peines  qu'on  y  endure.  »  (Kui- 
nart,  ibid.,  page  306.) 


De  retour  à  Alexandrie,  il  fut  instruit  du 
schisme  que  No' atien  avait  fait  contre  le 
pape  Corneille.  Cet  hérésiarq\]e,  qui  s'était 
fait  nommer  pape,  écrivit  l\  siùnl  Dcnys,  pour 
lui  (lir(!  (pie  sa  promotion  avait  été  fiiiti!  sui- 
vant h's  règles.  «  Vous  devriez,  lui  ré|)ondit 
saint  Denys,  tout  soulfrir  plutôt  (jue  d'(;xci- 
ter  un  schisme  dans  l'Eglise.  Mourir  pour  la 
défense  de  l'unité  de  rEglis(;  est  aussi  glo- 
rieux, et  même  selon  moi  [)lus  glorieux,  (pie 
de  l'efusor,  aux  déj)ens  de  sa  vie,  de  sacrili(!r 
aux  idoles,  parce  qu'il  s'agit  alors  du  bien 
généial  de  rEf)ouse  do  Jésus-Christ.  Si  vous 
ramenez  vos  frères  à  l'unité,  vous  répanerez 
votre  faute,  vous  la  ferez  oublier,  et  vous 
mériterez  de  justes  éloges.  Si  vous  ne  pouvez 
gagner  les  autres,  vous  sauverez  du  moins 
votre  âme.  »  Plusieurs  fois  le  saint  évôtiue 
écrivit  aux  membres  du  clergé  de  Rome,  aux 
confesseurs  qui  avaient  eu  lo  malheur  de 
suivre  Novatien,  les  exhortant  à  rentrer  dans 
le  sein  de  l'Eglise.  Ses  efforts  furent  couron- 
nés de  succès  :  avant  que  l'année  s'écoulât , 
les  confesseurs  renoncèrent  au  schisme.  No- 
vatien ,  non-seulement  schismatique ,  mais 
encore  auteur  de  plusieurs  hérésies,  préten- 
dait qu'il  était  certaines  fautes  que  l'Eglise 
n'avait  pas  le  droit  de  remettre.  Saint  Denys, 
pour  protester  contre  cette  doctrine  déso- 
lante et  cruelle ,  donna  l'ordre,  dans  tous  les 
lieux  soumis  h  sa  juridiction,  d'admettre 
tous  les  mourants  à  la  pénitence.  Saint  De- 
nys prémunit  contre  le  schisme  de  Novatien 
Fabien  d'Antioche,  qui  paraissait  incliner  à 
le  suivre. 

La  persécution  no  fut  pas  le  seul  fléau  qui 
vint  éprouver  le  cœur  du  saint  évêque  :  il 
eut  la  douleur  de  voir  périr  une  grande  par- 
tie de  son  troupeau  par  une  peste,  qui  com- 
mença en  250  et  qui  dura  douze  années  en- 
tières. Ailleurs,  nous  avons  eu  sujet  de  dire 
qu'à  Rome,  en  un  seul  jour,  elle  enleva  cinq 
mille  personnes.  A  Alexandrie,  elle  fut  ex- 
cessivement cruelle.  Dire  les  miracles  qu'ac- 
complit la  charité  du  saint  évoque  serait 
chose  impossible.  Il  se  mul  ipl;ait  pour  por- 
ter des  secours  de  toutes  sortes  aux  malheu- 
reuses victimes  de  cette  dé>ol;tion.  Il  sut 
inspirer  à  son  clergé  et  à  un  grand  nombre 
de  chrétiens  les  sentiments  dont  il  était 
animé  lui-même.  La  charité  fit  de  nombreux 
martyrs  en  cette  occasion  :  beaucoup  de 
ceux  qui  se  dévouaient  au  soulagement  des 
malades  périrent  victimes  de  leur  dévoue- 
ment, et  les  couronnes  qu'ils  reçurent  sont 
certes  aussi  glorieuses  que  celles  des  mar- 
tyrs qui  donnaient  leur  sang  pour  la  foi  au 
milieu  des  supplices.  Ce  fut  environ  vers  ce 
temps-là  que  parut  l'hérésie  des  millénaires. 
D'après  un  passage  de  l'Apocalypse,  qu'ils 
interprétaient  mal,  ils  prétendaient  que  Jésus- 
Christ  devait  régner  en  ce  monde  pendant 
mille  ans  avec  les  siens.  Parmi  ceux  qui  par- 
tageaient cette  singulière  idée,  il  y  avait  des 
gens  de  deux  sortes  :  les  uns  prétendaient 
que,  durant  ce  règne  de  mille  ans,  ceux  qui 
seraient  avec  Jésus-Christ  se  livreraient  .à 
tous  les  plaisirs  sensuels;  d'autres,  au  con- 
traire, prétendaient  qu'ils  devraient  se  con- 


7f» 


vm 


DEN 


7W 


tenter  fies  plaisirs  spirituels.  Saint  Deiiys  ré- 
futa les  uns  et  les  au!rcs.  11  se  roiidit  à  Arsi- 
noL^où  il  eut  des  contéronocs  publiques  avec 
Giiracion,  le  chef  des  miliéiiairts.  L'argu- 
i«  ntntion  du  saint  fat  si  puissai.te,  et  lelle- 
menl  empreinte  de  douceur  et  do  charité, 
que  Coraciou  et  les  s  ens  reconnurent  qu'ils 
avaient  mal  interprété  l'Ecriture,  et  ils  re- 
noncèrent à  lei.r  erreur.  Après  cela,  saint 
Denys  rcfuta  les  écriis  de  l'évèque  Népos,qui 
av.iit  le  ])remier  donné  naissance  à  l'hérésio 
des  millénaires. 

Si  l'amour  du  saint  pour  les  saines  doctri- 
nes et  .it  grand,  son  amour  pour  la  paix  de 
l'Eglise  l'était  autant.  0  i  sait  la  grande  dis- 
pute qui  s'était  élevée  touchant  le  ba;>tomo 
d^'S  héréticjues.  Saint  Cyprieu,  et  av  c  lui 
les  évèques  d'Afrique  et  bumcoup  d'évèques 
d'Orient,   [)ensaient  qu'il   fallait    rebaptiser 
ceux  qu   l'avaient  é  é  i;ar  d^s  hérétiques.  Le 
pa,ie  s  lint  Etienne,  avec  le  roste  de  l'Eglise, 
soute  laitlopinion  contraire.  I.aluitedpveiiait 
vive,  animée  :  elle  prenait  niè.ne  un  caiactère 
d'aigreur  déplorable  :  saint  Firmilien  avait, 
da'is  une  lettre,  parié  d  i  pape  saint  Etienne 
d  une  façon  que  la  char. té  et  les  bienséani'cs 
auraient  di^'i  proscrire.  Saint  Donys  voulut 
mettre  sa  charité  cl  ses  consnls  entre  les 
combattants.  C'est  à  son  intervention  qu'on 
dut  i  e  ne  pis  voir  l'Eglise  divisée  par  l'ex- 
communication que  le  pa[)e  Eiienne  voulait 
lancer  contre  ses  adversaires.  Saint  Denys 
lui  écrivit,  lui  donnant  à  entendre  que  dans 
la  question  ])endante  il  était  du  même  avis 
que  lui,  mais  qu'elle  était  grave,  litigieuse, 
et  que  l'an  orité  de  l'Eglise  n'ayant  pas  pro- 
noncé ,  il  serait  inijjrudent  de  condamner 
trop  vile  ceux  qui  no  se  rangeaient  pas  à  sa 
manière  di;  voir.  C'étaU  un  hommage  à  la  li- 
berté de  discussion  >  l  une  pmtestation  con- 
tre   l'absolut. sino   de    l'autorité,   en    môme 
temps  qu  un  appel  fait  à  la  charité  et  à  la 
conciliation.il  s'ag'ss;iit,  du  reste,  d'inler- 
di.e  ou  du  moins  d'excommunier  h  la  fois 
saint  Cyprien  et  toute  l'Afrique,  les  provin- 
ces de  Cilicie,  de  Ca[)padoce,  de  Galatie,  et 
plusieurs  autres.  Saint   Etienne   eut   égard 
auv  représentations  do  saint  Denys  :  la  paix 
de  l'Eglise  fut  maintenue.  Plus  laid  l'Eglise, 
dans  un  concile  général,  décida  la  question 
beaucoup  mi  ux  que  ne  l'eût  pu  faire  un 
coup  d'autori'ié,  qui,  a|)rès  tout,  eût  été, 
avant  la  décision  de  l'Eglise,  un  acte  d'arbi- 
traire et  de  tyrannie  morale.  De  pan  et  d'au- 
tre, l'iiritation  avait  un  peu  banni  !a  cha:il'''. 
Honneur  et  gloire  au  saint  évoque  d'AloAan- 
drie,  qui  rendit  h  la  ch.élieiité  un  si  é(unieiit 
service.  Il   continua  son  rùle  de  c.onc  iliateur 
auprès  de  saint  Six:e,  .-q)  es  la  mor.  de  saint 
Etienne.  (Juand  il  écriv.t  sa  dernière  lettre 
au  i^ajte  Sixte,  louchant  la  question  du  b.ip- 
.    tome,  il  était  en  r'xil. 

Dans  les  premières  années  do  son  règne, 
l'empereur  Valériciii  s'était  montré  très-l'a- 
voraljh's  aux  chrélieus  ;  mais,  en  257,  ses  dis- 
no^iiions  ayant  changé, on  lit  par  .ses  ordres 
Ixîaucoup  de  martyrs  dans  l'enqjire.  Sanil 
Denys  confe.ssa  gl(jrieus(!m(n.t  la  f)i  chré' 
lie»in<;.Nouslclaiss<;i'ons  raconlcrlui-mèmc: 


«  La  nécessité  où  je  me  trouve  de  rappor- 
ter ici  de  quelle  manière  la  divine  Provi- 
dence s'est  déclarée  en  notre  faveur  pour- 
rait me  faire  craindre  de  passer  pour  un 
homme  peu  sensé,  si  l'Ecriture  sainte  ne 
me  rassurait  elle-même,  en  ra'ap[)renant 
qu'il  ne  "uns  est  pas  moins  glorieux  de  pu- 
blier les  bienfaiis  que  nous  avons  reçus  de 
Dieu,  qu'il  est  louable  de  couvrir  d  un  in- 
violable silence  le  secret  (pie  le  prince  nous  a 
contié.Je  n'aj)|)réhenderai  donc  point  de  ren- 
dre publi(jues  les  bontés  que  Dieu  a  eues 
poui'  nous,  et  de  me  servir  de  c-t  aveu  |)0ur 
1110  défendre  c(uilre  la  calomnie  de  Germain. 
Je  me  présentai  devant  le  préfet  Emilien,  ac- 
compagné du  prêtre  Maxime,  et  îles  diacres 
Fauste,  Eusèbeet  Chérémond.  11  y  eut  aussi 
un  de  nos  frères  de  l'Eglise  de  Rome,  qui, 
se  Irouv  .nt  pour  lors  en  Egypte,  entra  avec 
nous  dans  la  ch.imbre  de  l'audience.  Au 
reste,  le  préfet  ne  me  <dt  pas  d  abord  :  On 
vous  défend  de  tenir  des  assemblées  ;  cette 
défense  eût  été  [)rémati!rée,  et  il  s'agissdt 
au[)aravant  d'un  [)oint  plus  important.  Car 
enlin  il  lui  était  assez  indifféient  que  j'as- 
semblasse les  fidèles  chez  moi,  ou  d;ins  1  é- 
glise  ;  le  })oinl  essentiel  consistait  à  nous 
einj)ôcher  d'être  chréiiens.  C'est  ce  qui  obli- 
geait Emdien  h  m'ordoniier  de  me  dé>isler 
entièrement  de  la  pro  ession  que  je  faisais 
du  christianisme,  dans  l'espérance  de  voir 
les  autres  y  renoncer,  dès  (ju'ils  me  le  ver- 
raient abandonner.  Je  ne  fus  pas  longtemps 
à  chercher  une  réponse,  et  je  dis  netteineiit 
au  gouverneur  :  Il  vaut  mieux  obéir  à  Dieu 
qu'aux  hommes.  Mais  j'ajoutai,  en  prenant 
un  ton  encore  plus  haut  et  plus  ferme,  que 
j'adorais  celui  (jui  seul  était  Dieu  ;  que  rien 
ne  serait  capable  de  me  faire  changer  de 
sentiments,  et  qu'on  ne  me  verrait  point  re- 
noncer à  l'honneur  que  j'avais  d'être  chié- 
tien.  Sur  cette  réjjonse,  le  gouverneur  com- 
manda qu'on  nous  conduisit  à  un  bourg 
noinniiî  C  phro,  qui  est  à  l'entrée  du  désert; 
mais  voici  une  copie  de  ce  qui  fut  dit  de 
nart  et  d'autre.  Je  vous  l'envoie  telle  qu'on 
l'a  extraite  des  registres  du  grelfe. 

«  Denys,  Fauste,  Maxime,  Marcel  et  Ché- 
rémondayant  été  introduits  à  l'audience,  le 
préfet  Emilien  a  dit:  Vous  avez  [)u  reconnaî- 
tre parles  entietiens(iuej'ai  eus  avec  vous,  et 
par  tout  (-e  que  je  vous  en  ai  écrit,  combien 
nos  f)rinces  ont  té.noigné  de  bonlé  à  votre 
égard  ;  je  veux  bien  encore  vous  le  redire:  ils 
font  dej)endre  voli'c  conservation  il  votre 
salut  d(i  vous-mêmes  ;  et  vutie  de.-linée  est 
entre  vos  m  dus.  Ils  ne  demandent  de  vous 
qu'une  seule  chose,  ipie  la  raison  (>xige  do 
toute  personne  raisonnable,  c'est  que  vous 
adoriez  les  dieux  protecteurs  de  leur  ein- 
jiire,  (ït  ip  e  vous  abandonniez  cet  autre 
culte  si  conlraire  h  la  nature  et  au  bon  sims  : 
parlez,  (pie  dites-vous  à  cela?  Je  vous  crois 
l'es  r  l  troj)  b  en  fait  pour  vouhdr  n 
par  une  ingratitude  iiijuriinise  c 
.saison  aux  témoignages  ipie  nos  i)i'iiices 
veulent  bien  vous  (Joinier  de  leur  clémence, 
et  aux  eiJorls  obligeante  (piils  font  pour 
vous  raïuciKr   au   bon   parti.  Deflys  a  ré- 


_  imdro 
cl  hors  do 


^01 


i)EN 


t)FN 


/98 


pondu  :  Tout  lo  monde  n'a  pas  1ns  m^mos 
dieux,  (>l  cliacu-i  adori'  ceux  qu'il  croit  l'^^tre 
V{^ntnl)lom('nt.  Pour  nous,  nous  n'en  ado- 
rons qu'un  soûl,  lo  créateur  de  toutes  cho- 
ses ;  et   c'est  celui-là  in^^mo,  ([ui  a  doii'K^ 
l'empire  aux  IrcVs-augustes  Valéri.ri  et  (lal- 
licn.  Nous  lui  odVons  sans  cesse  des  vonix 
pour  leurs  personnes  sacrées,  afin  ([u'il  af- 
fermisse leur  trône  et  qu'il   rende  liouicux 
leur   r^gne.  Emilien  a   ro[)li(jué  :  Qui  vous 
empoche  d'adorer  tout  ensemble  et  nos  diiMix 
et  le  vôtre?  Vous  voyez  ce  que  l'ortlonnanix» 
porte.    11   est  dit    que  vous    adorerez    les 
dieux,  c'est-à-d  rc  tous  ceux  qui  sont  iccon- 
nus  pour  tels.  Denys  a  répondu  :  Nous  n'en 
adorons  jamais  qu'un  seul.  Le  pi'ét\'t  Kmi- 
lien  a   repris  :  Je  vois  bien  que  vous  ôtes 
ûcs  ingrats,  qui  abusez  des  bontés  que  les 
empereurs  ont  pour  vous;  un  entêtement  ri- 
dicule ne  vous  i)ermot  pas  de  sentir  comme 
vous  devriez  l'Iionneur  qu'ils  vous  font.  Eh 
bien  !  vous  ne  demeurerez  pas  davantage  en 
cette  ville,  et  je  vais  vous  envoyer  à  Cé[)hro, 
dans  le  fond  de  la  Libye.  Ce  sera  là  le  lieu 
de  votre  bannissement,  selon  l'ordre   q<ie 
j'en  ai   reçu  de  nos   empereurs.  Au  reste, 
ne  pensez    pas  y  tenir  vos  assemblées,  ni 
aller  faire  vos  prières  dans  ces  lieux  que 
TOUS  nommez  des  cimetières  ;  cela  vous  e^t 
absolument  défendu  et  Je  ne  le  permettrai  à 
personne.  Que  si  quelqu'un  a  la  téméi'ité  de 
contrevenir  à  cette  défim.se,  et  qu'il  ne  se 
rende  pas  incessamment  au  lieu  que  je  viens 
de  marquer,  qu'il  sache  qu'il  s'attirera  une 
méchante  affaire,  et  il  peut  s'attendre  h  une 
sévère  punition.  Retirez-vous  et  obéissez  sans 
différer  à  ce  qui  vous  est  ordonné. 

«  Je  fus  donc  contraint,  quoique  malade, 
de  partir  sur  l'heure,  et  je  ne  pus  obtenir 
un  seul  jour  de  délai.  Mais,  malgré  les  dé- 
fenses du  préfet,  les  assemblées  des  fidol  s 
furent  aussi  fréquentes  à  Alexandrie  que  si 
j'y  eusse  été  présent.  11  est  vrai  que  j'y  étais 
présent  en  esprii  ;  et,  quoique  absent  d^ 
corps,  je  ne  laissais  pas  de  les  exciter  avec 
quelque  sorte  de  succès  à  s'assembler.  Le 
lieu  môme  de  notre  exil  devint  en  tiès- 
peu  de  temps  une  Eglise  nombreuse,  formée 
en  partie  des  chrétiens  qui  nous  avaient 
suivis,  et  en  partie  de  ceux  qui  y  accouraient 
de  divers  endroits  de  l'Egypte.  Dieu  voulut 
bien  aussi  nous  ouvrir  une  porte  à  la  prédi- 
cation de  son  Evangile,  car  encore  que  les 
habitants  de  ces  lieux  sauvages  nous  j  tas- 
sent d'abord  des  pierres,  ils  s'adoucirent 
toutefois  dans  la  suite,  et  plusieurs  d'enlre 
eux  renoncèrent  au  culte  des  idoles  pour 
embrasser  celui  du  vrai  Dieu.  Nous  eûmes 
donc  la  consolation  de  l'avoir  fait  connaître 
à  un  peuple  qui  ne  l'avait  jamais  connu,  et  d'a- 
voir les  premiers  semé  la  parole  divine  dans 
une  terre  qui  jusqu'alors  était  demeurée  en 
friche.  Mais,  comme  si  Dieu  ne  nous  eût  en- 
voyés là  que  pour  y  porter  la  lumière  de 
la  foi,  dès  que  nous  nous  fûmes  acquittés 
de  notre  ministère,  il  nous  fit  transporter 
ailleurs.  Emilien  résolut  de  nous  mettre 
dans  les  lieu^  les  plus  rudes  et  les  plus  voi- 
sins de  la  Libye;  et,  pour  cet  effet,  il  nous 


fit  tous  venir  dans  la  Maréofe  ,  marquant  à 
chacun  son  bourç,  et  me  logeant  avec  ma 
siii!(î  sur  1(!  chenun,  afin  ch;  nous  avoir  des 
premiers;  car  son  intenlion  était  de  nous 
tenir  C(.mme  dans  sa  main,  f)0;ir  pouvoir 
s'assurer  de  nous  charpie  fois  (ju'il  lui  en 
jiroudrait  envie.  Lorsque  j'a[)pris  (ju'on  de- 
v.'.it  nous  transférer  de  Céphro  h  CoIUju- 
thion  j'en  eus  du  chagiin  ;  car  quoique  lo 
lieu  uu' fût  plus  connu,  je  m'imaginais  n'y 
devoir  tiouver  ni  chrétiens,  ni  gens  socia- 
bles ;  et  je  savais,  outi-e  cela,  qu'il  étiit  ex- 
posé aux  visites  importunes  des  voyageurs 
et  aux  courses  contirmolles  des  voleurs. 
Mais  les  frères  dissi-ièrent  bientôt  ces  pei- 
nes, en  me  faisant  considérer  que  cet  en- 
droit était  beaucoup  plus  proche  d'Alexan- 
dr'ie.  Il  est  vrai,  disaient-ils,  qu'à  Céphro  il 
se  rasseuible  un  ^rand  nombre  de  chrétiens 
d'Egypte  ;  mais  ici  le  voisinage  d'Alexandrie 
vous  doimcra  le  plaisir  de  voir  vos  amis  et 
les  personnes  qui  vous  sont  les  {)lus  chères. 
Ils  viendront  l'un  après  l'autre  aux  assem- 
blées, comme  dans  un  faubourg  éloigné,  et 
la  chose  arriva  ainsi.  »  (Ruinart,  Loc.  cit., 
p.  309.) 

Que  devint  saint  Denys,  depuis  lo  moment 
de  son  exil  dans  la  Maréote  jusqu'à  la  fin 
du  règne  de  Valérien  ?  Nous  ne  le  savons 
pas.  Nous  devons  nous  contenter  de  ce  qu'il 
dit  do  lui-môme  et  de  ce  qu'il  souffrit,  quand 
il  répond  à  Germain,  évoque  d'Egypte,  qui 
le  calomniait,  l'accusant  d'avoir  pris  soin 
de  sa  personne  davantage  que  de  son  peu- 
ple ,  et  d'avoir  fui  durant  la  persécution. 
Saint  Denys  parle  ironiquement  dans  ce 
passage,  que  nous  transcrivons  dans  Eu- 
sèbe: 

«  Assurément  Germain  peut  se  vanter 
d'avoir  souvent  confessé  Jésus-Christ.  Il 
peut  faire,  sans  doute,  une  longue  énumé- 
ration  de  ses  "Ipoulfrances,  et  dire  de  lui  ce 
qu'il  peut  dire  d(;  moi,  qu'il  a  été  condamné 

Ear  diverses  sentences  des  paie  is,  que  ses 
iens  ont  été  vendus  publiquement,  qu'il  a 
élé  proscrit,  qu'on  lui  a  ravi  tout  ce  qu'il 
avait,  qu'il  a  quitté  toutes  les  dignités  du 
siècle,  qu'il^  a  méprisé  toute  la  gloire  du 
monde,  qu'au  lieu  des  applaudissements 
qi'-'il  eût  pu  recevoir,  s'il  l'eût  voulu,  des 
gouverneurs,  et  des  premières  personnes  de 
la  ville,  il  s'est  vu  menacé  des  dernières  ex- 
trémités ;  qu'il  a  vu  le  peuple  demander 
pub  iquement  son  supplice,  qu'il  a  couru 
les  plus  grands  hasards,  qu'il  a  été  persé- 
cuté de  tout  le  monde,  qu'il  a  été  réduit  à 
errer  de  tous  côtés,  qu'il  a  enduré  toutes  les 
nécessités  et  toutes  les  fatigues  imaginables; 
en  un  mot,  qu'il  a  éprouvé  tout  ce  que  j'ai 
souffert  du  temps  de  Dèce  et  de  Sabin,  et  de 
tout  ce  que  je  souffre  encore  sous  Emilien. 
Et  où  a  été  Germain  durant  tout  cela  ?  Qu'a- 
t-on  dit  de  lui  ?  Mais  il  faut  enfin  revenir  de 
cet  excès  de  folie  où  Germain  m'a  fait  tom- 
ber, et  laisser  raconter  le  particulier  de  tout 
ce  qui  m'est  arrivé,  à  mes  frères  qui  en  ont 
connaissance.  »  (ïillemont,  tome  IV,  page 
272.) 
Los  souffrances  qu'avait  endurées  saint  De- 


7D9 


DEN 


nv>,  durant  la  persécution,  l'avaient  rendu 
vénéi'able  aux  yeux  de  tout  le  monde.  L'hé- 
rétiiiue  Paul  de  Samosato  lui-mùmelui  écri- 
vait qu'il  le  respectait,  à  cause  qu'il  portait 
sur  son  corps  les-  stigmates  de  Josus-Christ. 
Le  saint  évoque  ne  revint  à  Alexandrie  que 
quand  la  persécution  de  Valéri  n  fut  h  peu 
près  entièrement  éteinte,  lors  de  la  prise  de 
Valérien  par  les  Perses,  eu  2G0.  Mais  il  n'y 
vint  pas  pour  y  trouver  le  repos.  Il  fallait 
que.jusijù'a  la  On  son  Ame  fût  éprouvée  j)ar 
la  douleur,  il  fallait  que  son  cœur  saignAt 
pour  Jésus-Christ.  La  guerre,  la  sé-iition,  la 
lamine,  vinrent  désoler  le  troupeau  du  saint 
évoque  déjà  si  rudement  éprouvé  parla  per- 
sécution. En  261  et  262,  les  habitants,  divi- 
sés en  deux  partis,  à  Alexandrie,  se  livrèrent 
des  luttes  acharné;'S.  Pendant  longtemps  la 
ville  fut  occupée  militairement  ]iar  ces  partis 
opposés,  qui  tenaient  l'un  certains  quartiers 
et  s'y  retranchaient,  tandis  que  l'autre  fai- 
sait la  même  chose  dans  les  quartiers  des- 
quels il  restait  maître.  Cet  état  de  choses 
déplorables  ne  cessa  entièrement  que  par  la 
mort  de  Macrien,  quand  Callien  devint  maî- 
tre de  toute  l'Egypte,  qui,  sous  l'usurpateur, 
s'était  soustraite  à  la  domination  de  Home. 
Depuis  lors  jusqu'à  la  mort  du  saint  évo- 
que, la  peste  désola  Alexandrie.  En  263,  elle 
y  sévit  avec  une  elfrayaiite  intensité. 

Au  milieu  des  malheurs  politiques  qui 
vim^ent  frapper  Alexanliie,  nous  avons  omis 
de  signaler  un  événement  qui,  né  de  causes 
minimes  et  ridicules  en  apparence,  acquit 
des  proportions  désastreuses.  Un  domesti- 
que d'un  magistrat  eut  une  querelle  avec 
un  soldat  pour  une  chose  fiitile  ;  mais  on 
l'arrêta  et  on  le  battit  cruellement,  sous  pré- 
texte d'injure  faite  au  s(jldat.  De  là  une  émo- 
tion populair.'  qui  tlt  couler  des  tlots  de 
sang,  et  de  laquelle  on  profita  pour  immoler 
un  grand  nombre  de  chrétiens. 

Ce  fut  à  p(Mi  près  à  cette  môme  époque, 
que  dans  un  concile  qu'assembla  saint  De- 
nys,  Sabellius  de  Ptolémaïde,  qui  avait  dé- 
daigné d'écouter  les  r.'  montrances  du  saint 
évoque,  fut  condamné  pour  avoir  renouvelé 
les  blasphèmes  de  Pcaxéas,  en  niant  la  dis- 
tinction des  personnes  divines.  Ce  fut  de 
cette  affaire  (pie  certaines  personnes  pri- 
rent occasion  pour  accuser  saint  Denys  de 
nier  la  divinité  de  Jésus-Christ,  auprès  du 
pajjc  Denys,  successeur  de  saint  Sixte.  Ce 
nape  en  écrivit  à  l'évèque  d'Alexandrie,  qui 
lui  répondit  pour  se  justiliei-,  en  établissant 
(\u(i  (jiiand  il  avait  dit  (pae  Jésus-(^hrisl  était 
un(;  cr-éature,  il  ne  p.iilait  (jue  de  sa  nalure 
humaine.  MalheureusemiMit  il  nous  reste 
peu  de  chose  des  nombreux  ouvrages  de 
saint  Denys.  Nous  n'en  avons  [)lus  (|ue  des 
fragments,  avec  son  épîlre  canonicpie  à  Ila- 
silide. 

Peu  de  temps  avant  de  mourir,  saint  De- 
nys qu'on  avait  calomnieusement  accusé 
de  nier  la  divinité  d(!  Jésiis-(^liiisl,  la  défen- 
dit contre  Paul  de  S/nnosale,  évèfpn,'  d'An- 
tioclu;,  rjiii  joignait  au  cririw!  d'hérésie  une 
foiilo  de  vices  tous  indignes  d(;  la  sainteté 
(les  fonctions  dont  il  était  chargé.  Invité  au 


DEO  80O 

concile  qui  se  tint  à  ce  sujet  à  Antioche,  en 
26i,  il  ne  put  pas  s'y  rendre.  Son  grand  Age 
et  ses  infirmités  l'en  empêchèrent.  Mais  il 
réfuta  les  erreurs  de  Paul  de  Samosate,  par 
plusieurs  lettres  qu'il  écrivit  à  l'Eglise  d'An- 
tioche.  Il  finit  sa  glorieuse  carrière  à  Alexan- 
drie, en  265,  après  avoir  été  dix-sept  ans  à 
la  tète  de  l'Eglise  d'Egypte.  Sa  mémoiie  vé- 
cut longtemps  parmi  les  hahitants  d'Alexan- 
drie. Elle  y  fut  conservée  par  une  église 
qu'on  bâtit  sous  son  invocation,  mais  plus 
encore  par  Je  souvenir  de  ses  vertus  et  par 
ses  admirables  écrits.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
17  novembre. 

DENYS  (saint),  martyr  avec  saint  Privât 
en  Phrygie,  on  ne  sait  à  quelle  date  ni  sous 
quelle  règne.  Ils  sont  inscrits  tous  deux  au 
Martyrologe  sous  la  date  du  20  septembre, 
jour  auquel  l'Eglise  fait  leur  fête. 

DENYSE  (sainte),  confessa  la  foi  sous  le 
règne  de  Hunéric,  roi  des  Vandales.  Elle 
souffrit  une  cruelle  flagellation,  qui  fil  de 
son  corps  une  seule  plaie.  Au  milieu  de  ses 
horribles  souffrances,  s'aperce  vaut  que  son 
fils  Majoric  tremblait  à  la  vue  de  ses  tour- 
ments, elle  l'encouragea,  releva  son  courage 
et  l'aida  à  mourir  avec  constance.  Elle  l'en- 
terra, afin  d'aller  plus  tard  prier  sur  son 
tombeau,  et  remercia  Dieu  de  la  grAce  qu'il 
avait  faite  à  son  fils  de  mourir  pour  son  saint 
nom. 

DÉOGRATIAS  (saint),  fut  fait  évoque  de 
Cartilage  en  454,  après  que  cette  ville  eut 
demeuré  longtemps  abandonnée.  Ce  fut  à 
la  prière  de  V.ilentinien  que  Genséric  per- 
mit qu'on  ordonnAt  un  évêque  pour  l'église 
de  cette  ville.  Notre  saint  était  extrêmement 
Agé  quand  il  fut  [iromu  à  ce  siège.  Néan- 
moins, il  est  difficile  de  croire  qu'il  le  fût 
assez  pour  être  ce  Déogratias,  diacre  de  Car- 
thage  ei  depuis  prêtre,  à  qui  saint  Augus- 
tin a  adre>sé  des  écrits  en  4(16  et  même  dès 
avant  l'an  400  ;  car  il  aurait  dû  avoir  plus  de 
quritre-vingts  ans  à  son  élection,  qui  ne  se  fit 
qu'en  l'an  454,  le  dimanche  24  octobre, 
comme  on  le  lit  dans  un  manuscrit. 

Genséric  étant  abordé  en  Afrique  après  la 
prise  de  Rome,  les  Vandales  et  les  Maures 
partagèrent  un  grand  nombre  de  captifs 
qu'il  en  avaitramenés.  Il  arriva, selonli  cou- 
tume des  barbares,  que  les  maris  furent  sépa- 
rés de  leurs  femmes,  et  les  enfants  de  leurs 
pèr(!S.  Déogratias,  qui  semblait  n'avoir  été 
tait  évêque  de  Carthage  que  pour  honorer 
en  cette  occasion  l'Eglise  catholique  par  sa 
charité,  témoigne  aussitôt  combien  il  était 
aimé  de  Dieu  et  plein  de  son  esprit  et  de  son 
amour  divin.  Il  vendit  tous  les  vases  d'oi-  et 
d'argent  (jui  servaient  au  ministère  des  au- 
tels, et  (pie  les  catholiipies  avaient  pu  don- 
n(!r  a|)rès  (pie  les  Vandales  avaient  pillé  les 
richesses  de  l'Eglise,  et  il  einfiloya  le  prix  à 
racheter  ces  ca])lil's,  afin  d(,'  remettre  les  fem- 
mes avec  leurs  maris,  et  rendre  les  enfants 
aux  pères.  CoM)me  il  n'y  avait  point  de  mai- 
S(jn  assez  grande  pour  conttMiir  lout(^  celto 
multitude,  il  les  retira  dans  deux  b.isili(pies 
célèbres  et  fort  grandes,  celle  d(^  Fauste  et 
celle  d(^s  Neuves.  Le  saint  y  ajantdonc  fait 


801 


DEV 


DÎA 


802 


mettre  ces  personnes,  leur  y  fit  fournir  des 
lits  et  (les  paillasses,  et  rc^'gla  co  que  chacun 
devait  recevoir  par  jour.  Il  prenait  un  soin 
particulier  des  malades  qui  (liaient  en  grand 
nombre,  à  cause  des  inconnnodités  de  la  na- 
vigation et  des  suuirian(  es  d'une  si  ciuello 
servitude.  Ce  bienheureux  prélat,  comme 
une  mère  tendre  et  charitable,  les  visitait  à 
toute  heure  avec  des  médecins,  et  faisait  don- 
ner à  chacun  en  sa  présence  la  nourriture 
que  le  médecin  leur  ordonnait,  après  leur 
avoir  touché  le  pouls.  11  ne  se  dispensait  pas 
même  durant  la  nuit  de  cette  œuvre  de  misé- 
ricorde, et  il  se  levait  pour  les  aller  visiter 
l'un  après  l'autre  dans  leurs  lits,  et  savoir  en 
quel  état  ils  étaient.  11  s'était  consacré  si  ab- 
solument à  ce  travail  qu'il  n'épargnait  ni 
son  coi'ps  accablé  de  lassitude,  ni  sa  vieil- 
lesse déj^  languissante. 

Sa  charité  excita  l'envie  des  ariens,  qui, 
bien  éloignés  d'en  avoir  une  pareille,  eu- 
rent plusieurs  fois  la  pensée  de  le  tuer. 
Dieu  se  hAta  de  délivrer  cette  colombe  des 
ongles  de  l'oiseau  de  proie.  11  appela  à  lui 
ce  saint  évoque  après  un  épiscopat  de  trois 
ans,  et  a()rès  qu'en  ce  peu  de  temps  il  eut 
fait  par  son  ministère  de  si  grandes  choses, 
que,  si  on  voulait,  dit  Victor,  les  rapporter 
en  détail,  on  ne  trouverait  pas  assez  de  pa- 
roles pour  en  décrire  seulement  une  partie. 
Les  captifs  de  Rome  pleiu'èrent  sa  mort  avec 
tant  de  larmes,  qu'ils  crurent  n'avoir  ja- 
mais été  plus  abandonnés  aux  mains  des 
barbares  que  lorsqu'il  s'envola  dans  le  ciel. 
Le  peuple  avait  un  si  grand  amour  pour  lui, 
et  un  tel  regret  de  sa  mort,  qu'il  eût  ravi 
tous  les  membres  d'un  si  digne  corps,  pour  en 
faire  des  reliques,  si,  par  un  sage  conseil  on 
ne  l'eût  enterré  secrètement.  On  trouve  son 
nom  au  Martj^rologe  romain  le  22  mars. 
Il  mourut  le  5  janvier  458. 

DERPHUTE  (sainte),  martyre,  habitait 
Amide  en  Paphlagonie.  Elle  y  souffrit  le 
martyre  avec  sa  sœur  dont  on  ignore  le  nom, 
sainte  Alexandre,  Claude,  Euphrasie,  Ma- 
trone, Justine,  Euphémie  et  Théodose.  On 
ignore  l'époque  où  eut  lieu  leur  mar- 
tyre. L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  20 
mars. 

DESAGE,  religieuse  Bernardine,  fut  guil- 
lotinée le4- ju;lletl79i-dans  laville  d'Orange. 

DEUIL  en  Parisis,  nom  d'une  petite  loca- 
lité où,  à  la  fin  du  m'  siècle,  saint  Eugène, 
disciple  de  saint  Denys,  évoque  de  Paris, 
reçut  la  couronne    du    martyre.  {Voy.   Eu- 

DEVANT  (le  bienheureux),  missionnaire, 
mourut  dans  les  piisons  de  Pékin  pour  la 
foi,  en  1785.  11  s'était  livré  lui-môme  [Voy.  à 
l'article  Chine  et  à  l'article  Martiv  (saint).  La 
mauvaise  nourriture,  les  misères  de  toutes 
sottes  qu'il  eut  à  endurer  dans  les  prisons 
de  Pékin,  où  on  le  transféra,  le  firent  mou- 
rir h  l'époque  que  nous  venons  de  dire, 
ainsi  que  M.  Delpon. 

DEYENTER,  ville  des  Pays-Bas,  fut  té- 
moin des  souifrances  qu'y  endura  le  prêtre 
Marcellin,  en  confessant  Jésus-Christ  et  sa 
fui. 


D'HOLBACH  (PAui.-TniKRni,  baron),  natif 
de  Heidelshem,  dans  lo  haut  Palatinat,  en 
1723  ,  vint  très-jeune  à  Paris,  se  livra  h  l'é- 
tmle  et  fut  successivement  reçu  membie  des 
académies  de  Saint-Pétersbourg,  de  Man- 
heim,  de  Berlin.  Riche  et  prodigue,  mettant 
son  or  à  la  disposition  de  ceux  qui  comme 
lui  s'étaient  voués  à  la  destruction  de  la  re- 
ligion catholique,  d'Holbach  les  reçut  chez 
lui  durant  quarante  années.  Trente  ans  du- 
rant, il  publiait  régulièrement,  chaque  an- 
née, un  ou  plusieurs  écrits  irréligieux.  On 
peut  juger  de  ce  qu'ils  étaient  en  voyant 
quelques-uns  des  titres  :  L'Antiquité  dévoi- 
lée; l'Esprit  du  clergé;  DeVimposlurc  sacer- 
dotale ;  La  contagion  sacrée  ;  Lettres  philoso- 
phiques sur  i origine  des  préjugés  ;  Les  prê- 
tres démasqués;  La  théologie  portative;  La 
cruauté  religieuse  ;  L'enfer  détruit  ;  l'His- 
toire critique  de  Jésus-Christ  ;  Le  système  de 
la  nature.  Tous  ces  ouvrages  révoltants 
sont  dépassés  par  le  dernier  que  nous  ve- 
nons de  citer.  L'auteur  y  expose  l'athéisme 
le  plus  effronté.  Ce  misérable  mourut  après 
avoir  épousé  successivement  les  deux  sœurs 
avec  dispense  du  saint-siége.  11  laissait  qua- 
tre enfants  mariés.  Il  finit  en  1789,  juste  à 
l'époque  où  la  France  moissonnait  les  fruits 
de  la  semence  philosophique  déposée  dans 
son  sol  par  d'Holbach  et  ses  semblables.  11 
est  impossible  à  un  homme  de  dire  contre 
les  prêtres,  contre  la  re'igion,  contre  Dieu 
lui-même,  plus  d'abominations,  plus  d'hor- 
reurs que  ne  l'a  fait  ce  frénétique  insensé. 

DIAZ  (le  bienheureux  Pierre),  Portugais, 
de  la  compagnie  de  Jésus,  faisait  partie  de 
la  troupe  de  missionnaires  que  l'autre  P. 
Diaz  et  le  B.  François  de  Castro  condui- 
saient au  Bj'ésil,  à  la  suite  du  P.  Azavedo. 
Un  mois  après  le  départ  du  Saint- Jacques, 
qui  portait  ce  dernier.  Diaz  et  ses  compa- 
gnons quittèrent  Madère,  afin  de  poursuivre 
la  route  vers  le  Brésil  avec  le  reste  de  la 
flotte.  La  tempête  ayant  dispersé  les  navires 
de  l'escadre,  celui  que  montait  notre  bien- 
heureux et  ses  compagnons  dévia  vers 
l'île  de  Cuba,  et  à  San-lago  on  dut  l'aban- 
donner, à  cause  de  ses  nombreuses  avaries. 
Les  voyageurs  trouvèrent  une  barque  qui  les 
conduisit  au  port  d'Abana,  d'où  un  navire, 
qu'ils  y  frétèrent,  les  transporta  aux  Açores 
le  mois  d  août  1571.  Ils  y  trouvèrent  le  com- 
mandant de  la  flotte,  Louis  de  Vasconcellos, 
avec  le  P.  Diaz  et  cinq  autres  jésuites  qui 
les  y  avaient  précédés.  L'amiral,  voyant  son 
monde  si  réduit,  ne  conserva  qu'un  navire, 
et  ils  se  rembarquèrent  le  6  septembre  1571. 
Bientôt  ils  rencontrèrent  cinq  vaisseaux  de 
haut  bord  commandés  par  le  Béarnais  Cap- 
deville,  calviniste,  qui  avait  assisté  à  l'abor- 
dage du  Saint-Jacques.  Le  combat  ne  lut  pas 
long,  et  les  calvinistes  s'emparèrent  du  vais- 
seau catholique.  Le  bienheureux  Diaz  fut  mas- 
sacré, puis  jeté  à  la  mer  (le  13  septembre). 
François  de  Castro  confessait  le  pilote  au 
moment  où  les  calvinistes  montaient  à  l'a- 
bordage ;  il  fut  massacré.  Gaspard  Goes  su- 
bit le  même  sort.  Le  P.  Michel,  qui  avait  été 
lenfermé  avec  d'autres  durant  la  nuit  dans 


SOS  PJt) 

la  cabine  do  Louis  de  Vasconcellos,  ayant 
jeté  u-i  .-oupir  que  lui  arrachait  la  blessure 
de  son  bras  pendant  qu'on  les  lui  liait  der- 
rière le  dos,  les  calvinistes  se  saisu^'ut  de 
lui  et  le  jetèrent  à  la  mer,  avec  le  B.  Fran- 
çois Paul.  Pierre  Furnand  fut  précipité  éga- 
lement dans  les  flots  el  fut  noyé  prescjue  aus- 
sitôt, avec  Jean  Alvarc,  ne  sachant  nag.'r  ni 
Tun  ni  Taiitre.  Ali)honse  Fernandez,  après 
s'être  soutenu  sui-  les  flots  pendant  plusieurs 
heures,  s'enfonça  enfui  vers  minuit,  en  réci- 
tant le  Miserere  inei,  Deus.  Alphonse  André 
Pais  se  noya  é-;alement,  en  prononçant  le 
"saint  nom  de  Jésus.  Pierre  Diaz  fut  é^^ale- 
ment  noyé.  Les  autres  compagnons  de  leur 
martyre  firent  Jacques  Carvalho,  Portugais, 
et  Fernand  Alvare,  né  aussi  en  Portugal. 
(Du  Jarrie,  Histoire  des  choses  plus  mémo- 
rables, etc.,  t.  15,  p.  235.  Tanner,  Soiielas 
Jesu  usque  ad  sanguinis  et  vitœ  profusionem 
militans,  p.  17+  et  177.) 

DIAZ,  né  à  Ecija,  dans  l'Adalousie,  en 
1712,  était  à  ManUle  en  173G.  L'évêque  de 
Mauricaste  l'emmena  avec  lui  au  Fo-Kien 
en  1738.  Quand  éclata  la  persécution,  en 
17i6,  il  était  avec  cet  évèque  dans  les  envi- 
rons de  Fou-nyan.  Le  vice-j'oi  ayant  commis 
l'officier  Fan  à  la  recherche  des  mis>ionnai- 
res,  c<'lui-ci  s'y  livra  avec  une  activité  que 
redoublait  sa  haine  contre  les  chrétiens.  Ayant 
fait  donner  la  torture  à  une  servan:e,  celle- 
ci,  vaincue  par  la  douleur,  le  coi;duisit  au 
lieu  011  étaient  cachés  entie  deux  jjlanches 
hs  PP.  Serrano  et  Diaz.  Il  fut  dans  une  joie 
extrême  de  cette  capture.  11  demanua  à  ces 
deux  missionnaires  où  était  révoque.  Tous 
deux  gardèrent  le  silence.  Le  P.  Diaz  l'ut  mis  à 
la  torture.  Le  10  juillet  après  plusieurs  inter- 
rogatoires, il  fut  conduit  enchaîné  du  Fou- 
ngan  à  Fou-Tclieou-lbu,  cajiitale  de  Fo-Kien, 
à  27  lieues  de  distance  de  Fou-ngan.  La 
po[)ulace,  qui  suiva.tles  charreltes  sur  les- 
quelles on  transportait  les  missionnaiiCS, 
faisait  entendre  ues  malédictions  et  des  in- 
jures. De  nouveaux  juges  ayant  été  nom- 
més, le  P.  Diaz  l'ut  mis  à  la  torture  duux 
fois.  Cette  torture  était  le  Kia-k(meii.  Deux 
fois  il  reçut  la  bastonnade.  Quand  la  sentence 
qui  le  condamnait  à  être  étranglé  eut  été 
ralitiée  par  le  tribunal  des  crimes  et  sigiée 
de  remi)ereur,  on  le  sépaia  de  ses  conl'ières 
pour  le  mettie  dans  une  prison  isolée.  On 
lui  marqua  sur  le  visage,  avec  un  fer  rouge, 
deux  caractères  chiiiois  qnï  exprimaient  le 
genre  de  .supplice  qu'il  devait  subir.  Puis  on 
fétrangla  dans  sa  prison  le  28  octobre  1748. 

DIDACL  (iAUZlA  (le  bienheureux),  mis- 
sionnaire zélé,  lit  un  grand  jKjjiibrc  de  con- 
versions à  Lima.  Son  giand  zèle  lut  cause  de 
sa  mort.  Ayajit  lepiis  l'ortement  plusieurs 
indigènes  des  scanJales  qu  ils  donnaient 
publi(^ueuient  ,  ses  ennemis  l'empoison- 
nèrent. 

DjDACK  BOTKLLK),  frère  de  l'ordre  de 
Saint-François,  fut  ujis  à  mo.l  en  151G  (,'t 
dévfjré  [lar  les  (Caraïbes  de  l'Amérique  du 
Nord,  ainsi  que  Salzedo  Ferdinand  et  un 
«luîn-  i./iii^K'Ui  du  même  oiMie,  dont  nous 
i^uojoij6  lo  nom.  (Funlaua,  Monummln  Du- 


DID 


§04 


minicana,  an.  1516,  et  Wadding,  an.  1516, 
n°  ko  } 

DIDRUOT  (Dems),  fils  d'un  coutelier  de 
Langres,  naquit  en  cette  ville  (  n  1712.  Ses 
parents  l'avai  nt  destiné  à  l'état  ecclésiasti- 
que. Ils  l'envoyèrent  à  Paris  pour  y  étu- 
dier la  théologie',  mais,  ne  se  sentant  pas 
de  goût  pour  ce  genre  d'éti-des,  il  enti-a  chez 
un  jirocureur.  Cette  |)artie  ne  lui  ayant 
pas  convenu  davantage,  il  lésolutde  se  vouer 
entièrement  au  culte  des  sciences  et  des  let- 
tres. Il  s'adonna  à  la  fois  h  la  littérature,  k 
la  méta])tiysique,  à  la  physique,  à  la  morale 
et  aux  mathématiques,  puis  il  donna  des 
leçons  pour  vivre  et  tit  aes  livres.  11  publia 
d'jibord  des  traductions  d'ouvrages  anglais, 
puis,  en  1746,  ses  Pensées  philosopfnques,  où  il 
attaquait  avec  violence  la  religion  chr.'tienne. 
Il  lut,  avec  d'Alembert,  le  fondateur,  le  créa- 
teur de  V Encyclopédie  ;  il  y  eut  dès  le  com- 
mencement une  très-grande  part.  Ln  der- 
nier lieu,  il  en  fut  le  seul  rédacteur  en 
chef  11  y  travailla  considérablement  ;  mais, 
ne  pouvant  sufire  à  l'immensité  de  l'œuvre, 
il  y  ht  travailler  beaucoup  par  d'autres.  11 
s'inquiétait  peu  du  mérite  réel  de  ses  col- 
laboialenrs.  11  lui  suffisait  qu'ils  fussent 
mus  par  les  mêmes  sentime.  ts  d'impiété 
que  lui  :  il  prenait  de  toutes  mains.  Malgré 
cela,  Diderot  n'enrichissait  pas  .11  fut  obligé 
de  m.  ttre  en  vente  sa  bibliothèque.  Cathe- 
rine, impéiatrice  de  Russie,  l'acheta,  à  con- 
dition qu'il  continuerait  à  en  jouir,  et  lui 
constitua  une  pension.  Ayant  appris  qu'un 
des  arrérages  de  cette  pension  ne  lui  avait 
pas  été  payé  régulièrement,  elle  lui  en  ht 
compter  cinquante  années  d'un  coup.  Dide- 
rot alla  en  Russie  pour  remercier  sa  bienfai- 
trice, et  en  fut  parfaitement  accueilli.  11  n'eut 
pas  à  se  louer  de  môme  de  Frédéric,  roi  de 
Prusse,  qui  le  recul  assez  mal.  Diderot  mou- 
rut acta.dé  d'inlirmités,  en  1784. 

Partout  dans  ses  œuvres  on  trouve  une 
impiété  éhontée  ,  une  licence  ,  une  audace, 
incroyables.  Crimm  dit  de  lui:«Que'que  vo- 
lonticis  que  je  pardonne  à  tous  les  hommes 
de  ne  rien  cro  re,  je  pense  qu'il  eût  été  fort 
à  désirer  pour  la  réputation  de  Diderot, 
peut-être  même  [)Our  l'honneur  de  son  siè- 
cle, qu'il  n'eût  point  été  athée.  La  guerre 
0|iiniâtre  qu'il  se  crut  obligé  de  faire  à  Dieu 
lui  ht  perdre  les  momcnits  les  plus  précieux 
de  sa  vie.  »  Tous  les  philosophes  de  son 
époque  l'abandonnèrent.  Le  roi  de  Prusse 
écrivait  à  d'Alembert  en  l'^74.  «  Il  rabAche 
sans  cesse  les  mêmes  choses...  Je  ne  sau- 
rais soutenir  la  lecture  de  ses  livres,  tout 
intrépide  lei;teur  que  je  sois.  11  y  règne  un 
Ion  suffisant  et  une  arrogance  qui  révoltent 
ma  liberté.  »  Marmontel  dit  en  parlant  de 
lui  dans  ses  Mémoires,  «  (pi'il  a  écrit  de  belles 
nages,  mais  qu'il  n'a  jamais  su  faire  un 
livVe.  »  Aujourd'hui  on  ne  lit  prescjue  plus 
Di.ierot.  Les  esprits  séiieux  h;  leganlent 
commis  un  mauvais  philosophe,  el  le  juj^e- 
ment  [lorté  sur  lui  comme  écrivain,  par  (jil- 
bert,  a  leçu  la  sanclio  i  de  la  postérité  : 
Va  ce  lourd  Di^'crol,  »I(kIciii'  on  slyle  dur, 
yui  pabbc  pour  buljliiiic  à  force  U'clic  obscur.  •♦ 


SOS 


^ID 


DID 


Hdd 


Puisque  nous  citons  doux  vers  faits  con- 
tre lui  par  le  grand  criliiiuo  qui  fustigea  si 
cruelleiuenl  les  philosophes  du  temps,  nous 
cilei'ons  aussi  deux  des  vers  de  Diderot 
lui-iii(^iue,  dans  sa  pièce  intitulée  Les  fu- 
ricNX  de  liberté: 

El  SOS  mains  oiirdiraioni  les  enliaillos  du  pivlre, 
A  (JolaDl  d'un  cordon,  pour  cliangier  les  rois. 

On  voit  par  cette  citation  h  quel  point  de 
dévergoidage  furieux  descendaient  ces  écri- 
vains abiiniiiia  iles.  Diderot  est,  coinm  ;  on 
peut  le  voir,  un  des  plus  méritants  parmi 
tîette  affreuse  bande  d'ennemis  acharnés  du 
tîn'ist  anisme. 

DIplii';  (^saint),  martyr,  reçut  la  couronne 
du  martyre  h  Alexandrie,  sous  la  persécution 
de  Galère  Maximien.  11  eut  pour  com])a- 
grionsdeson  mai  tyre  les  saints  Fausle,  [)rètre, 
Aminoito,  l'iiiléas,  Hésyque,  Paeùme,  Théo- 
dore, évèquc  égyptien,  et  six  cent  soixante 
autres,  dont  malheureusement  nous  ignorons 
les  glorieux  noms.  L'Eglise  fait  collective- 
menl  leur  fôte  le  2G  n(<vembre. 

DIDIEII  (saint),  lecleui-  et  martyr,  était 
attaJié  il  l'église  de  Bénévcnt.  Ayani  appris 
l'emprisonnemenl  de  son  évoque  saint  .lan- 
vier,  il  vint  à  Noie  pour  le  voir.  îl  fut  ar- 
rêté et  présenté  au  gouverneur  Timothée. 
Saint  Janvier  Tayaiit  reconnu  jiour  apparte- 
nir à  son  Eglise,  il  fut  conduit  à  Po»  zzoles 
et  jeté  aux  bètes  dans  rami)hithéàlre,  avec 
son  évoque  et  ses  compagnons  de  captivité. 
Les  animaux  féroces  n'ayant  pas  voulu  faire 
de  mal  à  ceux  qu'on  leur  donnait  pour  vic- 
times, Timothée  lit  décapiterions  les  saints. 
Le  corjis  de  saint  Didier  fut  porté  à  Béné- 
vent.  {Voy.  Janvier.)  L'Eglise  fait  la  fêle  de 
saint  Didier,  avec  celle  de  saint  Janvier,  le 
19  septembre. 

DIDIER  (saint),  évêque  de  Vienne  et  mar- 
tyr, mourut  :  our  la  confession  de  sa  foi.  On 
ignoi  e  cl  quelle  époque  et  dans  quelles  cir- 
constances. L'Eglise  honore  sa  mémoire  le 
11  février. 

DIDIER  (saint),  évêque  de  Langres  et  mar- 
tyr, fut  mis  à  mort  par  les  barbares  en  I  an 
de  Jésus-Chiist  411.  Sous  le  règne  de  Théo- 
dose 11,  ayant  fait  une  invasion  dans  les 
Gaules,  ils  s'emparèrent  de  la  ville  de  l.an- 
gres.  Comme  ils  marchaient  sur  celte  ville, 
le  saint  évêque  Didier  vint  au-devant  d'eux 
avec  son  clergé.  Il  espérait  les  (léchir  et  ob- 
tenir qu'ils  prissent  en  pitié  son  iroupeau  ; 
mais  il  fut  massacré  avec  tous  ceux  qui  1  ac- 
compagnaient. Saint  Didier  est  l'objet  d'un 
culte  très-fervent  en  France,  en  Italie  et  eu 
Allemagne. 

DlDYiVIE  (saint),  martyr  à  Alexandrie,  en 
l'an  de  l'ère  chrétienne  30i,  sous  l'empire 
de  Doclétien.  Didyme  était  un  jeune  homme 
plein  d'une  foi  ardente  el  courageuse  :  sa 
conduite  le  fit  voir.  Quand,  en  aciouiplisse- 
ment  des  édiis  cruels  lancés  par  le  tyran, 
l'Egl  se  entière  fut  livrée  aux  persécuteurs  et 
à  leurs  bourreaux,  Alexandrie  comme  tou- 
jours, lugiiste  privilège  !  eut  sa  part  de  ca- 
lamités. Eustratius  ProcuJus,  gouverneur, 
»(ti  montra   le  di^jne  exécuteur  des   ordres 


i)arbares  de  ses  maîtres.  Il  lit  arrf^er  une 
jinnie  vierge  nomme  'I  lié(jd(j(e.  C'était  une 
jeune  fille  remarquable  par  sa  beauté,  el  aj)- 
jjaitenant  à  l'uiu!  des  familles  les  plus  dis- 
tinguées de  la  ville  par  leur  foiiu-ie  el  leur 
noblesse.  Coiiiine  elle  ré>istail  courageuse- 
ment aux  or  ires  que  lui  donnait  ee  suppôt 
de  la  tjrannie,  et  qu'elle  restait  (idèle  à  sa 
foi,  il  la  condamna  <\  subir  les  ouliages  des 
libertins  et  des  débauchés,  dans  une  des 
maisons  de  jiroslitution  de  la  ville.  Dieu 
pourvut  ati  salut  d<;  la  sainte  jeune  lille  en 
suscitant  Didyme.  Ce  jeune  homme  ne  vou- 
lut pas  que  la  virginité  (J(!  la  servante  du 
Seigneur  fût  plus  longtemj)S  en  danger.  11 
s'habilla  en  soldat,  pi'it  une  allure  elliontée 
et  libertine,  et  entra  résolumei.t  dans  la 
maison  où  ell  ■  avait  été  conduite.  Apiès  le 
])remier  mouvement  de  fra>  eur  (pi'eut  Théo- 
dore ,  Did.>me  se  lit  connaitre  à  elle,  et  lui 
donna  ses  habits  en  échange  des  siens  :  à  la 
faveur  do  ce  dégiiisemenl  elle  put  s'évader. 
Ceux  qui  la  vi.eiit  sortir  la  i)rirent  pour  le 
soldat  cpii  venait  d'entrer:  alors  les  débau- 
chés qui  attendai"  nt  au  dehors  enlièient  et 
furent  extrêniement  surpris  (Je  rturontrer 
un  homme  ti  la  place  de  celle  qu'ils  cher- 
chaient. Déjà  ils  criaient  au  prodige,  quand 
Didyme,  avec  un.  courage  qu'on  ne  saurait 
trop  louer,  leur  dit  sa  généreuse  superche- 
rie. Noble  et  sainte  victime  de  son  dé\oue- 
ment  admirable,  il  fut  pus  par  les  persécu- 
teurs cl  condamné  h  la  peine  capitale.  Il 
allait  subir  son  supjjlice,  déjà  la  couronne 
du  martyre  était  apprêtée  pour  lui;  l'ange 
qui  porte  les  présents  du  Seigneur  la  tenait 
suspendue  sur  sa  tête.  Dieu  voulut  qu'il  etit 
une  autre  recompense  et  le  monde  un  nou- 
V(  au  sujet  d'aduii  ation.  Théodore  quitta  la 
retraite  oii  elle  était  en  sûreté  contre  les 
recherches  des  persécuteurs,  et  v.nt  s'of- 
frir aux  bourreaux  à  l'endioii  oii  son  libéra- 
teur allait  verser  son  sang.  Avec  une  géné- 
rosité puisée  dans  la  foi  et  dans  la  recon- 
naissance ,  elle  demande  à  mourir  pour  le 
sauver  ,  et  otfre  sa  tête  en  échange  de  la 
sienne.  Didyme,  heureux  de  donner  sa  vie 
dans  une  si  grande  cause  et  pour  un  si  saint 
motif,  veut  que  la  jeune  fille  se  retire  :  en 
mourant  pour  elle,  il  meurt  pour  Dieu  ; 
n'est-il  pas  trop  payé  du  bienfait?  Le  ciel 
ne  se  chaige-t-il  pas  de  la  dette  de  la  jeune 
vierge  ?  Qu'elle  vive  et  qu'elle  demeure 
près  de  ses  parents,  dont  elle  est  l'orgueil 
et  la  joie;  qu'elle  ne  ravisse  pas  à  son  libé- 
rateur sa  couronne  toute  préparée.  Bientôt, 
inteicesseur  pour  elle  dans  le  sein  de  Dieu, 
il  suivra  avec  amour  ses  pas  sur  cette  terre, 
et,  de  concert  avec  l'ange  gardien  qui  la 
protège,  il  veillera  sur  elle  du  haut  des 
cieux.  ïl.éodore,  de  son  côté,  insisie  :  elle 
veut  sauver  Didyme.  Allez,  nobles  enfants, 
Dieu  vous  regarde  :  vous  êtes  dignes  l'un  de 
l'autre.  La  vierge  sera  l'épouse  de  celui  qui 
l'a  ];rolégée.  Tous  deux  v.  us  allez  être 
unis  dans  la  plus  sainte  alliance.  Donnez- 
vous  la  main,  inclinez  vos  têtes.  Dieu  vous 
attend  dans  son  ciel.  Le  festin  nuptial  est 
préparé.   Le   bourreau   les  décapita    toug 


807 


t)IE 


DIJ 


m 


deux.  Leur   fête   arrive  le  28  avril.   (  Voy. 
sainte  Théodore.) 

DIDYME,  l'un  des  Irente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  |)Our  la 
foi  en  Egyjite,  et  desquels  Kuinart  a  laissé 
les  actes  aulhentiquis.  Voy.  Martyus  i^les 
trente-'^epl)  égyptiens. 

DIDY.MK  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  à  L.-iodicée  en  Syrie.  Les  compagnons  de 
son  martyre  sont'  les  saints  D.omède  et 
Diodore.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  11  sep- 
tembre. 

DIKN  (Emmanuel),  néophyte  tonqninois, 
fut  mis  à  mort  pour  la  foi  en  l'an  1722,  au 
Tonquin ,  avec  le  P.  Bucbarelli,  jésuite; 
Pierre  Frieu,  Dao  Ambroise,  Philippe  Mi, 
Luc  Thu,  Luc  Mai,  Thadée  Tho,  Paul  Noi 
et  François  Kam,  néophytes,  qui  mêlèrent 
leur  sa;;g  à  celui  du  saint  missionnnre. 

DIEGO  DE  MONTALVAN  (le  bienheu- 
reux), de  la  compagnie  de  Jésus,  coadju- 
teur,  naquit  au  Mexique.  Il  fut  envoyé  par 
le  P.  Louis  Valdivia  pour  évangéliser  la 
tribu  des  Elicuriens  avec  les  bienheureux 
Martin  d'Aranda,  Valdivia  et  Horace  de  Vec- 
chi.  Peu  de  temps  auparavant,  le  P.  Louis 
Valdivia  avait  baptisé  trois  des  femmes  d'An- 
ganomon,  cacique  des  Araucanos.  Ces  fem- 
mes s'étaient  évadées  avec  leurs  enfants, 
tout  jeunes  encore,  et  réfugiées  auprès  des 
Espagnols.  Anganomon  les  ayant  réclamées 
en  vain,  résolut  de  s'en  venger.  Ayant  appris 
le  dé|)arl  de  nos  trois  missionnaires,  il  les 
suivit  avec  deux  cents  cavaliers  et  fondit  sur 
eux  au  moment  où  ils  faisaient  leur  pre- 
mière exhortation  aux  Elicuriens.  Us  furent 
assommés  à  couf)S  de  massue,  parcés  de  ilè- 
ches  et  eurent  ensuite  la  tête  tranchée,  le  14 
décembre  1612.  D'autres  auteurs  prétendent 
qu'ayant  été  liés  à  un  arbre  pour  être  écor- 
chés  vifs,  on  leur  arracha  le  cœur,  et  qu'ils 
furent  achevés  à  coups  de  massue.  (Tan- 
ner, Spcietas  Jesu  usque  ad  sanyuinis  et  vitœ 
profusionon  mililans,  p.  iO'i-.) 

DIEGO  OKTIZ  (le  bienheureux),  profès 
du  couvent  de  Saint-Augustin,  à  Séville, 
naquit  ïur  le  territoire  de  Mddrid.  Ses  su- 
périeurs lui  ayant  reconnu  un  grand  talent 
j)ùur  la  prédication,  le  joignirent  à  plusieurs 
autres  religieux  qu'ils  envoyaient  au  Pérou. 
Notre  bienheureux  fut  chargé  de  la  direction 
du  dioi-èse  de  Cuzco.  A|  rès  y  avoii'  travaillé 
quelque  trmps,  on  l'envoya  dans  l'île  de  la 
Puna,  dtjnt  [ilusieurs  de  ses  féroces  habi- 
tants se  conv(MtireiJt.  De  là  Diego  vint  dans 
la  mission  de  Vileabamb.i,  où  il  devait  su- 
bir le  martyre.  Us  eoivei  tirent  le  prince  du 
pays.  J)eux  d'entre  les  |)ri'icipaux  indigènes 
(pii  venaient  de  r(M:evoii'  !<"  l)ai)tême,  liniit 
ent(;ndi('  .i  l'inca  que  de[)uis  (|u  il  était  chré- 
tien l'amour  de  ses  .sujets  se  reboiilissait. 
Le  piince  i-esla  indécis  ei  ne  se  iiéclaia  pour 
peisonne.  Fort^  d(;  ce  sihîuce,  les  idolAties 
[iOursuivirtiiit  les  misisionnai.  es.  Le  P.  Or- 
tiz  se  cacha.  Llnca  ay.ml  découvert  sa  r.- 
Irait.'!,  I(!  lit  v(;nir  et  l'eiilrelint  longtemps, 
S''Mis  riéanriifjins  rin>truii(!  de  son  .iposlasie, 
que  iioiie  bienheureuv  connaissait.  Sur  ces 
culrcluilcbi  le  prince  vint  <i  mourir.  Peut- 


être  fut-il  empoisonné.  Quoi  qu'il  en  soit, 
le  P.  Ortiz  fut  acrusé  par  ses  ennemis  de 
l'avoir  empoisonné.  Il  soulfril  les  plus  grands 
tourments  et  fut  soumis  aux  outrages  les 
plus  sanglants.  Les  idolâtres  exigèrent  de 
lui  qu'il  célébrât  la  messe  pour  obtenir  la 
rés'irrection  de  l'Inca  ;  il  le  fit,  non  dans  le 
but  cherché  par  ces  hommes  cruels,  mais 
afin  do  prier  pour  eux  et  pour  obtenir  lui- 
même  le  [)ardon  de  ses  |)échés.  La  messe 
ét.int  achevée  sans  (^ue  le  miracle  exigé  fût 
obtenu,  il  fut  accablé  de  cou[)S.  Ensuite  on 
lui  perça  les  joues  et  on  y  passa  une  corJe 
en  forme  de  bride  pour  le  promener  par  la 
ville  peniant  trois  jours  de  suite.  Il  fut 
exécuté  sur  la  fin  de  1569  ou  au  commen- 
cement de  1570. 

DIGNE  (saint),  reçut  à  Rome  la  couronne 
du  martyre  avec  sainte  Emérite,  sous  l'em- 
pire de  Valérien  et  de  Gallien.  On  manque 
de  détails  authentiques  et  circonstanciés  sur 
leur  sacrifice.  Leurs  reliques  sont  actuelle- 
ment dans  l'église  de  saint  Marcel.  Elles 
sont  inscrites  dans  le  Martyrologe  romain, 
à  la  date  du  22  septembre. 

DIGNE  (sainte),  martyre  à  Augsbourg  en 
304-,  sous  l'empire  de  Dioclétien,  était  l'une 
des  trois  servantes  qui  étaient  attachées  à 
la  maison  de  sainte  AlVe,  fille  publique  dans 
cette  ville,  et  qui  mourut  j^our  la  foi  au  com- 
mencement de  la  persécution.  Ces  trois  ser- 
vantes faisaient  le  mên)e  métier  que  leur 
maîtresse.  Elles  la  suivirent  dans  son  triom- 
phe. Comme  on  peut  le  voir  en  lisant  les 
actes  de  la  sainte,  elles  furent  brûlées  vives 
sur  son  tombeau  avec  sainte  Hilaria ,  sa 
mère.  L'Eglise  célèbre  leur  fête  le  5  août. 
{Voy.  Afre.) 

DIGNE  (sainte),  fut  martyrisée  àCordoue, 
sous  la  persécution  d'Abdérame  II.  Cette 
religieuse,  du  monastère  de  Tabane  que 
gouvernait  Elisabeth,  se  présenta  elle-même 
au  martyre.  Peu  de  temps  au|)aravant,  elle 
crut  voir  en  songe  sainte  Agathe  qui,  tenant 
des  lis  et  des  ro-es,  lui  en  donnait  une  et 
l'engageait  à  la  suivre.  Depuis  ce  jour,  elle 
désirait  ardemment  le  martyre;  si  bien 
({n'ayant  appris  celui  du  prêlio  Anastase  et 
du  moine  Félix,  elle  ne  put  attendre  davan- 
tage. Ayant  ouvert  secrètement  sa  clôture, 
elle  se  rendit  en  toute  hâte  à  Cordoue  et 
demanda  hardiment  au  cadi  i)Ourqiioi  il 
avait  fait  mourir  ses  lrèi\'S,  ({ui  ne  sou- 
tenaient (lue  la  vérité.  Elle  ajouta  sa  pro- 
fession dt;  foi  et  des  malédictions  contre  la 
fausse  religion,  et  le  cadi  lui  fit  aussit(>i  cou- 
])er  la  tète  et  pendre  le  corps  par  les  pieds 
avec  les  deux  autres.  Ces  trois  martNrs  souf- 
frirent donc  le  même  jour,  le  IV  juin,  ère 
81)1,  (pjiest  l'an  SlV'i.  Le  lendemain,  Hénihle, 
femme  avancée  en  âge  et  (finie  grande  |)iélé, 
scnillVit  le  même  martyre,  »  t  IT'^gli.se  Inj-iore 
ces  qi.ati».'  saints  le  jour  de  leui-  mort.  Leurs 
cor|)S  fm-ent  h,  ûlés  ([uelques  jours  .^près  et 
leurs cendresjeléesilans  I  ■  Meuve.  (rcjJ/.PicR- 
sÉci  Tm\s  (les  Musulmans.) 

DiJON,  Dicio  ou  h.bio,  ariuellement  (  hef- 
lieu  du  (lépartemriil  de  la  Ciile-d'Or.  Ce  l'ut 
dans  cette  ville  iiue  saint  Uéuigne,  disciple 


i 


809 


DIO 


DIÛ 


i:o 


fie  snint  Polycarpo,  cl  l'un  des  apôtres  des 
<jaules,  fut  martyrisé  sous  le  règne  de  l'em- 
pereur Marc-AuVèle.  Ce  saint  n'y  était  que 
d-epuis  peu  de  leni|)s.  [Yoy.  son  article.) 

DiOCLÈS  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
en  l'honneur  de  Jésus-Christ  avec  les  saints 
Zoël,  Servile,  Félix  et  Sylvain.  C'est  en  Is- 
trie  que  ce  martyre  eut  lieu.  Nous  ne  sa- 
vons pas  d'autres  détails  sur  ces  saints.  L'E- 
glise célèbre  leur  mémoire  le  llk  mai. 

DIOCLÊTIKN  (saint) ,  était  dans  les  jiri- 
sons  d'Asie  pour  la  foi  chrétienne  ,  quand 
Pinion,  proeousid,  fut  miraculeusement  con- 
verti par  les  saints  Anlhimc  et  Sisinne.  11 
vint  avec  lui  h  Rome  et  logea  dans  sa  mai- 
son ,  connue  tous  les  confesseurs  qu'il  avait 
fait  sortir  de  prison.  Obligé  de  se  retirer 
dans  une  des  terres  de  Pinien ,  à  Osme , 
dans    la   Marche  d'Ancône ,   [)our  éviter  la 

i)orséculion  ,  il  y  fut  martyrisé  en  290,  sous 
)ioclétien ,  euq)ereur,  avec  les  saints  Si- 
sinne et  Florent.  Tous  les  trois  ans  les 
gens  du  pays  ollraieut  à  un  démon  célèbre 
un  sacrifice.  Ce  démon  ayant  déclaré  qu'il  ne 
rendrait  plus  d'oracles  à  moins  que  Sisinne, 
Dioclétien  et  Florent  ne  sacrifiassent,  les  trois 
saints  furent  pris  et ,  sur  leur  refus  d'offrir 
des  sacriiîces  aux  faux  dieux  ,  lapidés  par  le 
peuple.  Les  chrétiens  retirèrent  leurs  corps 
de  dessous  les  pierres  et  les  enterrèrent  près 
du  lieu  où  ils  avaient  été  martyrisés.  L'Eglise 
honore  leur  mémoire  le  11  mai.  (Voy.  Lucine, 
Anthime  ,  prêtre.) 

DIOCLÉTIEN  (  Valerius  Jovius  Aurelius 
Diocletianua) ,  empereur  romain  ,  naquit  à 
I>toclée  ,  ville  de  Dalmatie  ,  en  l'an  2i5.  Sa 
mère  se  nommait  aussi  Dioclée;  probable- 
ment à  cause  de  cette  double  circonstance, 
on  lui  donna  le  nom  de  Dioclès,  qu'il  chan- 
gea ,  devenu  empereur,  en  celui  de  Dioclé- 
tien, Son  père  était  greffier,  suivant  les  uns; 
suivant  les  autres ,  sa  famille  n'avait  pas 
même  cette  illustration ,  car  il  naquit  dans 
Fesclavage.  De  bonne  heure  il  entra  dans  le 
métier  des  armes  ;  c'était  alors  le  métier  par 
excellence;  tout  était  à  la  discrétion  des  mi- 
litaires :  le  dernier  des  barbares  pouvait,  en 
franchissant  les  grades  (et  les  événements 
Tont  bien  prouvé) ,  escalader  le  trône  des 
empereurs.  A  une  époque  où  la  légitimité 
du  pouvoir  résidait  dans  le  fait,  et  non  dans 
le  droit ,  n'importe  quel  soldat  pouvait  se 
poser  en  prétendant.  Le  crime  faisait  monter 
au  trône  ;  on  en  descendait  par  le  crime ,  et 
la  pourpre  romaine  était  plus  rouge  du  sang 
qui  la  couvrait  que  de  sa  couleur  première. 
Dioclès  eut  de  bonne  heure  l'ambition  des 
grandes  choses  ;  il  montra  des  talents  mili- 
taires qui,  peu  à  peu,  le  firent  passer  parles 
différents  degrés  de  la  milice  jusqu'aux  em- 
plois les  plus  élevés.  Ce  fut  surtout  dans  la 
guerre  contre  les  Perses  ,  où  il  suivit  Carus, 
qu'il  acquit  sa  célébrité.  Numérien  y  ayant 
été  tué  ,  assassiné ,  comme  on  le  pense  ,  par 
Aper ,  Dioclès  fut  proclamé  auguste  par 
l'armée.  On  élevait  un  tribunal  aux  lieux  où 
les  soldats  faisaient  l'élection  :  après  la 
sienne ,  Dioclétien  y  monta  pour  y  jurer 
qu'il  n'était  ni  auteur  ni  instigateur  de  la 

Diction?!,  des  P£BSllcuxIo^s.  L 


mort  de  Numérien,  puis,  descendant,  il  alla 
di'oit  à  ,A|)('r  et  hs  perçant  de  son  épée  : 
«  Sois  coulent ,  lui  dit-il  ,  lu  meurs  d'une 
main  illustre.  »  En  mellaut  de  côté  ce  qui 
tient  du  barbare  dans  cet  acte  d'un  prince 
(lui  se  fait  juge  et  bourreau,  et  (jui  inaugura 
dans  le  sang  sa  puissance,  on  doii  se  deman- 
der si  Dioclétien  entfmdail  vraiment  accom- 
plir un  acte  de  justice  :  l'histoire  est  là  i)our 
dire  que  non.  Dans  son  pays  ,  pendant  (|ue 
Dioclès  était  encore  dans  les  rangs  les  plus 
inférieurs  de  la  milice  ,  un  oracle  lui  avait 
prédit  qu'il  serait  empereur  quand  il  aurait 
tué  un  sanglier.  Depuis  ce  temps  il  avait  tué 
h  la  chasse,  autant  cpi'il  avait  pu,  de  ces  ani- 
maux, et  il  disait  avei;  assez  d'esprit,  voyant 
que  ces  exploits  ne  le  faisaient  ])oint  monter 
au  trône  :  «J'ai  beau  tuer  des  sangliers,  c'est 
toujours  un  autre  (jui  les  mange.  »  Dans 
l'occasion  que  nous  venons  de  dire  ,  il  crut 
que  le  moment  d'accomplir  l'oracle  était 
venu  ,  car  le  nom  (ÏAper,  en  langue  latine, 
signifie  sanglier.  Dans  un  ouvrage  où  nous 
n'avons  pas  à  raconter  les  faits  qui  sont  en 
dehors  de  notre  sujet,  nous  n'aurions  point 
rapporté  celte  anecdote  si  elle  ne  peignait 
d'un  seul  coup  et  la  barbarie  et  la  stupide 
superstition  de  Dioclétien.  Les  chrétiens  fu- 
rent depuis  traités  par  lui  comme  le  pouvait 
faire  le  prince  à  la  fois  le  nlus  barbare  et 
l'e  plus  superstitieux. 

Comme  nous  l'avons  dit  en  commençant, 
Dioclès  prit  le  nom  de  Dioclétien.  Les  his- 
toriens ne  sont  point  d'accord  dans  les  juge- 
ments qu'ils  portent  de  lui.  Exalté  à  outrance 
par  les  païens,  trop  abaissé  par  les  chrétiens, 
Dioclétien  n'a  point  été  jugé  par  eux  à  sa 
mesure.  Aucun  des  empereurs  romains  n'a 
montré  une  aussi  grande  habileté  en  politi- 
que que  lui.  Ce  qui,  par-dessus  tout,  prouve 
celle  habileté  ,  c'est  que  Dioclétien  a  fourni 
un  des  règnes  les  plus  longs,  à  une  époque 
où  les  conspirations  ,  l'assassinat,  les  catas- 
trophes de  toutes  sortes  précipitaient  si  vite 
du  trône  ceux  qui  y  étaient  assis.  Il  n'avait 
pas  une  bien  grande  instruction;  mais  il  était 
doué  d'un  esprit  naturel,  il  avait  une  habi 
lude  des  affaires,  une  connaissance  des  hom- 
mes qui  suppléaient  chez  lui  à  ce  que  l'édu- 
cation ne  lui  avait  pas  donné.  11  était  fin,  sou- 
ple ,  pénétrant,  excessivement  dissimulé.  Il 
savait  à  merveille  pénétrer  dans  les  secrets 
et  les  desseins  d'autrui ,  et  fermer  les  siens 
à  tous  les  regards.  Quand  il  y  avait  à  pren- 
dre une  mesure  ou  cruelle  ou  vexatoire  à 
n'importe  quel  titre  ,  Dioclétien  savait  tou- 
iours  en  laisser  l'exécution  à  ses  collègues; 
mais  il  se  hâtait  de  faire  par  lui-même  tout 
ce  qui  pouvait  lui  mériter  une  réputation  de 
justice,  de  clémence  ou  de  grandeur.  Le  plus 
grand  acte  de  la  politique  de  Dioclétien  fut 
de  se  donner  un  collègue,  et  de  nommer  des 
césars  comme  successeurs  à  l'empire  :  dès 
lors  l'assassinat  de  l'empereur  n'avait  plus 
de  but.  On  le  concevait  quand  il  n'y  avait 
qu'une  tète  à  abattre;  mais  ,  avec  les  mesu- 
res pris'^s  par  Dioclétien,  à  quoi  eût  servi 
aux  ambitieux  de  tuer  un  empereur,  quand 
cet  empcrtur  avait  uu  collègue  qu  des  suc- 


811 


DIO 


DIO 


m 


cesseurs  désignés?  Pendant  tonte  la  durée 
de  l'empire ,  sa  plus  grande  plaie  avait  été 
cette  instabilité  du  pouvoir  (jui ,  à  chaque 
instant,  faisait  des  révolutions  nouvelles,  re- 
mettait tout  en  question  et  tuait  la  prospé- 
rité publique  par  les  guerres  ,  les  séditions 
et  l'absence  de  sécurité  dans  toutes  les  rela- 
tions. En  partageant  sa  puissance  entre  sou 
collègue  et  les  césars ,  Dioctétien  les  faisait 
tous  intéressés  à  la  défense  mutuelle.  Cette 
solidarité  d'intérêts  offrit  un  faisceau  telle- 
ment puissant ,  qu'aucun  compétiteur  n'osa 
lever  la  tète  durant  ce  règne  si  long  ,  tandis 
que  sous  celui  de  Gallien  ,  qui  avait  été  si 
court ,  trente-lieux  généraux  ou  administra- 
teurs avaient  successivement  pris  la  pourpre. 
Un  autre  fait  capital  de  la  politique  de 
Dio'.létien  gît  dans  les  changements  qu'il 
0[)éra  dans  l'administration.  Rien  n'est  dan- 
gereux pour  les  gouvernants  comme  de  voir 
une  trop  grande  puissance  aux  mains  de 
leurs  subordonnés.  Anciennement ,  chaque 
gouverneur  ou  proconsul  réunissait  dans  sa 
main  une  foule  d'attributions  ;  un  seul  homme 
gouvernait  les  Gaules,  un  autre  l'Afrique 
proconsulaire.  Que  pouvaient  faire  les  em- 
pereurs contre  un  proconsul  des  Gaules  ré- 
volté ou  contre  un  proconsul  d'Espagne  ,  à 
une  époque  surtout  où  la  force  de  l'empire 
était  dans  la  population  des  provinces  adon- 
née tout  entière  aux  travaux  de  l'agriculture 
e,t  faite  au  métier  des  armes  ?  c'étaient  les 
provinces  qui  fournissaient  des  troupes  à 
l'empire.  Quant  à  l'italie  elle-même,  autre- 
fois si  pleine  de  sève  ,  d'énergie  et  de  cou- 
rage ,  elle  était  tombée  au  dernier  rang  des 
nations  :  sa  civilisation  l'avait  tuée.  La  race 
italienne  s'était  amoitidrie,  annihilée,  pour 
ainsi  dire,  aux  excès  de  la  liberté  :  l'avocas- 
serie  avait  envahi  le  sénat;  plus  de  vérita- 
bles vertus  civiques.  Le  luxe,  la  fainéantise, 
la  haine  de  toute  autorité,  l'orgueil  poussé  à 
ses  dernières  limites  ,  un  amour  incroyable 
de  la  licence,  avaient  fait  des  Italiens  la  der- 
nière nation  du  monde.  L'Italie  est  encore 
sous  le  coup  de  cette  déchéance.  Les  Italiens 
sont  eslimables  (*omme  hommes  ,  il  est  im- 
possible d'en  faire  un  peuple.  Pour  ne 
pas  rester  à  la  discrétion  des  émeuliers 
de  Uome  et  des  gouverneurs ,  Dioctétien 
créa  la  science  administrative  :  il  morcela 
les  adrainistralions,  réduisit,  en  les  mul- 
ti[)liant ,  les  gouverneurs ,  les  magistrats 
et  autres  ,  à  une  puissance  très-minime.  11 
fonda  des  administrations  centrales  où  tout 
devait  venir  aboutir.  Ce  fut  sous  son  règne 
que  la  paperasserie  envahit  le  gouvernement. 
1!  y  eut  une  mullitude  d"em[)loyés,  de  com- 
mis ,  toiis  émargeurs  au  iMidget.  En  un  mot, 
]'emj)ire  fut  gouvei'ué  :  jus(iu'alois  il  ne  l'a- 
vait pas  été.  Chose  terrd)le  h  dire  !  si  un(! 
belle  administration  fait  la  force  d'un  gou- 
veinement ,  elle  fait  en  général  le  maliienr 
d'nn  pays.  Un  peuple  bien  goiivcM-né  doit 
être  ciiblé  d'impôts.  Comment  i)eut-il  en 
ôlre,  autr(;in(!nt,  qiiand  il  f;iul  payer  Ions  hîs 
Hdhuriistrat'Mjrs,Lous!esc(Hiinns  ni'(;essaires? 
Au.-si  iut-ce  sous  Dioclélien  (pi'on  lui.  obligé, 
pour  snljveuii- aux  déjienses  administratives, 


de  créer  l'abominable  impôt  sur  les  denrées 
alimentaires  et  sur  les  boissons.  Les  gou- 
vernants et  les  gouvernés  sont  malheureu- 
sement toujours  à  l'état  d'antagonisme  :  si 
l'on  pouvait  les  accorder,  on  aurait  rendu  le 
plus  grand  service  aux  administrés,  car  alors 
on  pourrait  supprimer  la  plupart  des  admi- 
nistr;itions  qui  dévorent  les  sueurs  du  peu- 
ple. Toujours  est-il  que  ce  fut  Dioctétien 
qui  établit  la  stabilité  du  gouvernement  en 
imaginant  cette  science  administrative,  si 
utile  à  ceux  qui  gouvernent  et  si  nuisible  à 
quelques-uns  des  intérêts  des  gouvernés. 

Ici  nous  devons  borner  ces  considérations 
trop  générales.  Nous  ne  devons  voir  dans 
Dioctétien  que  le  persécuteur  de  l'Eglise  : 
c'est  fâcheux  ,  car  nous  aimerions  à  étudier 
en  lui  l'honnne  politique  sous  tous  ses  as- 
pects. A  cet  égard  ,  le  règne  de  ce  prince  est 
un  des  plus  curieux  qu'on  puisse  examiner. 
L'histoire  de  Dioctétien  n'a  jamais  été  faite  : 
les  écrivains  qui  s'en  sont  occupés  ont  ra- 
conté les  faits,  mais  ont  complètement  laissé 
de  côté  la  philosophie  morale  et  politique 
de  ces  faits. 

A  peine  arrivé  h.  l'empire,  Dioctétien  eut  à 
combatlre  Carin,  qui  régnait  dans  l'Occident 
et  était  maître  de  Rome.  Ce  prince  était  venu 
en  lllyrie  pour  y  joindre  Dioctétien  et  lui 
livnr  bataille.  Chemin  faisant ,  Carin  vain- 
quit et  tua  Julien  ,  c^ui  s'était  fait  déclarer 
empereur.  La  bataille  eut  lieu  dans  les  plai- 
nes de  Vérone.  Ayant  joint  Dioctétien,  il  lui 
livra  plusieurs  combats.  Dans  la  hante 
Mœsie,  h  Margue  sur  le  Danube,  il  avait  été 
vainqueur  et  poursuivait  son  adversaire, 
quand  il  fut  tué  par  ses  propres  soldats ,  ce 
qui  laissa  Dioctétien  seul  maître  de  l'em- 
pire. Immédiatement  celui-ci  vint  îi  Rome  : 
il  s'y  trouvait  lors  du  martyre  de  saint  Gê- 
nés. Rien  que  ce  prince  n'ait  lancé  d'édits 
contre  les  chrétiens  que  dans  l'année  303, 
ceux-ci  n'en  furent  ])as  moins  persécutés 
sous  les  commencements  de  son  règne ,  en 
vertu  des  lois  jinciennes  et  suivant  le  ca- 
price des  gouverneurs  et  ûas  magistrats  :  té- 
moin saint  Néon  ,  saint  Claude,  saint  Astère 
et  leurs  compagnes  les  saintes  Domnine  et 
Théonille,  qui  soulfrirent  h  Eges,  en  Cilicc, 
le  23  août  285.  [Voy.  les  articles  de  ces 
saints.) 

En  l'an  286,  Dioclétien  s'associa  à  l'empire 
Maximien  Hercule  ,  qui  fut,  comme  lui ,  un 
des  i)lus  violcMits  i)ersécuteurs  de  l'Eglise  : 
on  |)eut  le  voir  en  lisant  les  Actes  de  saint 
Ma  .rice  et  le  martyre  de  toute  la  légion 
Thébéonne.  Ce  prince  eut  en  partage  l'Occi- 
dent; Dioclétien  se  réserva  1  Oiienl  et  lixa 
son  séjour  h  Nicoi:;édi(! ,  ville  qu'il  voulait 
rendre  la  premièi'cde  1  empire,  et  qu'il  com- 
bla (ie  faveui'S  et  de  nia,-;nilicences.  A|)iès 
avoir  vaincu  les  PcM-ses,  aux(iuels  il  reprit  la 
M('S()potami(î ,  après  avoir  combattu  avec 
succès  les  Germains  ,  Diocléliini ,  pour  con- 
solider son  ti'ôn(! ,  s'associa  ,  en  2!)2,deux 
nouveaux  collègues,  au\(piels  ((.'pendant  il 
ne  donna  (\u(\  le  tilr(!  de  césars  [at  titre  les 
rendait  héritiers  j)résoinplils  de  l'empire). 
Les  deux  nouveaux  césars  furent  Conslance 


815  DIO 

Chlore  et  Galère;  chacun  d'oux  eut  des  pro- 
vinces h  gouverner.  Duces  deux  nouveaux: 
maîtres  dos  peuples  soumis  à  la  puissauco 
romai'ie,  un  seul  no  fut  pas  perséciileur,  co 
fut  Constance;  cpiant  h  Clalère  ,  ainsi  (ju'ou 
peut  le  voir  h  son  article,  il  fut  un  des  plus 
violents  persécuteurs  de  rJi;ij;Hse.  Co  l'ut  lui 
qui  fut  l'instigateur  de  la  persécution  do 
Dioclélien;  ce  fut  lui  qui  força  la  main  h  ce 
prince  pour  le  contraindre  h  lancer  ses  édits. 
Dioclétien  refusait  loujoui's,  et  depuis  long- 
temps, de  porlei"  ces  édits  terribles  qui  de- 
vaient couvrir  de  sang  tout  l'empire,  (lalère 
eni[)l  'ja  tous  les  moyens,,  même  les  plus 
odieux  ,  pour  l'y  contraindre.  Il  accusa  les 
chrétiens  de  conspirer  conti-e  le  re[)Os  de 
l'em[)ire,  de  vouloir  renvei'ser  la  puissance 
impériale.  11  mit  le  feu  au  i)alais  du  Nicomé- 
die  et  les  chargea  ,  devant  l'empereur,  do  l,i 
responsabilité  de  co  crime  airoce.  Lu  vieil 
em|iereur  céda  et  rendit  les  édits  qu'on  hii 
deuiandait.  Ces  édils  furent  le  signal  do  la 

Plus  violente  persécution  (lu'ait  endurée 
Eglise  ;  persécution  qui  dura  dix  ans  en- 
tiers, et  qui  no  s'arrêta  que  quand  Conslan- 
tin  fut  devenu  maître  de  l'empire.  (Voy.  l'ar- 
ticle PF.nsiîcuTiON.)  Jusqu'à  celte  époque  fa- 
tale, le  lèg  10  de  Dioclétien  avait  élé  heureux; 
quoique  gloire  môme  l'avait  illustré.  A  partir 
de  ce  moment  il  changea  do  face  :  la  malé- 
diction de  Dieu  frappa  la  main  signataire  dos 
édits  qui  versèrent  le  sang  des  tidèles.  Dès 
Tannée  suivante,  Dioclétien  éprouva  une  ma- 
ladie excessivement  grave ,  qui  afï'aiblit  sa 
raison  et  lui  enleva  une  partie  de  ses  bril- 
lantes facultés.  Punition  teirible  1  son  intelli- 
gence se  sentait  décroître  et  tomber.  Elle  as- 
sistait pour  ainsi  dire  à  son  [)ropre  abaisse- 
ment et  à  sa  décrépitude.  Bien  {)lus  ,  le»vieil 
empereur  but  jusqu'à  la  lie  la  coupe  amère 
que  Dieu  réserve  aux  grandeurs  qu'il  frappe 
de  déchéance  pour  les  punir.  Son  autorité, 
si  grande,  si  pleine,  si  entière  jusqu'alors,  il 
la  vit  méprisée  et  foulée  aux  pieds.  Sa  tête 
n'avait  plus  la  force  d'imposer  le  respect  par 
le  prestige  de  la  capacité.  Dioclétien  fut  avili 
par  ceux  qu'il  avait  associés  à  sa  puissance, 
et  en  qui  il  avait  espéré  trouver  des  soutiens 
de  son  pouvoir.  Il  avait ,  en  les  nonunant, 
déjoué  les  conspirations  des  particuliers , 
mais  il  s'était  donné  dos  miîtres.  Galère, 
surtout ,  le  traitait  avec  une  hauteur  et  un 
mépris  extraordinaires.  L'histoiie  de  l'abdi- 
catioi  de  Dioclétien  est  si  curieuse,  que 
nous  allons  la  rapporter  ici.  Je  citerai  ce  que 
j'ai  écrit  dans  mon  Histoire  des  Persécutions, 
vol.  m,  p.  387  : 

L'événement  politique  le  plus  grave  de 
l'époque  à  laquelle  nous  sommes  arrivés, 
est  l'abdication  de  Dioclétien  et  do  Maxi- 
mien. Cet  événement  eut  une  immense  in^ 
fluence  sur  les  alfaires  de  l'Eglise.  Pour  le 
raconter,  nous  allons  être  forcés  de  nous  re- 
porter un  peu  en  arrière. 

A  la  fin  de  l'année  303,  Dioclét'en  se  trou- 
vaitàRome,oii  le  faste  tout  oriental  qu'itatieo- 
tait  de  montrer  depuis  ses  victoires  sur  les 
Perses  le  fit  généralement  délester  et  mé- 
priser. On  opposait ,  pour  se  moquer  de  lui,  - 


DIO 


814» 


à  ce  faste  d'imitation,  les  mesquineries  dont 
le  rendait  coupab'e  sou  avarice;  naturelle,  et 
il  était  l'objet  dos  plaisanteries  des  Romains. 
Il  fut  si  n-rilé  de  cela  ,  cpi'à  l'upprocho  du 
1"  janvier,  il  quilla  brusepioment  Home,  où 
il  devait  inaugurer  son  nouvième  coiisulut, 
cl  s'en  vint  faire  cette  cérémonie  à  Uaveniie. 
A  NicoméJie,  sa  résidence  habituelle,  l'es- 
clave devenu  monarque  pouvait  afiicher  son 
faste  et  ses  airs  de  grandeur  sans  blesser 
aulant  qu'à  Rome,  oij ,  (juolque  déchu  ({u'on 
fiU  do  l'ancienne  simp'licité  ,  on  savait  en- 
core garder  du  mépris  ])Our  la  mollesse  et  le 
luxe  ellréné  de  l'Orient.  Quittant  Rome  au 
m  lieu  de  l'hiver,  le  vieil  om{)ei'eur  fut  for- 
tement incommodé  par  le  froid  et  par  les 
pluies  qui  tombaient  avec  abondance;  il 
contracta  une  maladie  grave  qui  ne  le  quitta 
jamais  entièrement.  Do>  retour  à  Nicomédie, 
au  milieu  de  l'été,  il  voulut  néanmoins  inau- 
gurer le  cirque  qu'il  y  avait  fdt  construire; 
mais  bientôt  son  mal  augmenta  au  point  de 
donner  les  j)lus  sérieuses  inquiétudes.  Par- 
tout on  invoquait  les  dieux  pour  sa  santé; 
des  prières  publiques  furent  ordonnées.  Le 
13  décembre  ,  l'état  de  l'empereur  étant  de- 
venu plus  alarmant,  les  habitants  de  Nico- 
médie remarquèient  dans  le  palais  des  si- 
gnes de  deuil ,  la  tristesse,  les  larmes,  ainsi 
que  les  craintes  et  le  silence  des  juges.  Dans 
toute  la  ville  on  disait  que  non-seulement 
l'empereur  était  mort,  mais  qu'il  était  ense- 
veli. Ce  ne  fut  que  le  lendemain  que  la  nou- 
velle du  contraire  se  répandit ,  et  que  l'on 
put  remarquer  la  joie  et  la  sécurité  reparaî- 
tre sur  le  visage  des  juges  et  des  domesti- 
ques du  palais.  Pourtant,  quelques  personnes 
croyaient  qu'on  cachait  la  mort  de  l'empe- 
reur jusqu'à  l'arrivée  de  César  Galère  ,  dans 
la  crainte  qu'il  ne  survînt  quelques  trou- 
bles. Peu  à  peu  ces  soupçons  augmentèrent 
au  point  que  ,  pour  les  faire  cesser,  Dioclé- 
tien jugea  à  propos  de  se  montrer  au  peuple; 
c'était  le  1"  mars.  11  était  si  défait  qu  à  peine 
on  pouvait  le  reconnaître.  Depuis  le  13  dé- 
cembre, la  raison  lui  était  revenue;  mais  il 
la  perdait  encore  par  intervalles  et  avait  des 
attaques  périodiques  de  démence. 

Quelques  jours  après.  Galère,  son  fds  adop- 
tif  el  son  gendre,  arriva;  ce  n'était  point  le 
désir  de  féliciter  son  père  sur  son  retour  à 
la  santé  cjui  le  ramenait,  mais  bien  le  des- 
sein de  l'engager  ou  de  le  forcer  à  quitter  la 
pourpre.  Il  avait  déjà  eu  des  discussions  à 
co  sujet  avec  le  vieux  Maximien  ,  et  l'avait 
effrayé  en  le  menaçant  d'une  guerre  civile. 
Il  commença  à  attaquer  Dioclétien  par  la 
douceur,  lui  représentant  qu'il  était  avancé 
en  âge ,  que  ses  forces ,  qui  déclinaient,  se^ 
raient  désormais  insuffisantes  pour  supporter 
le  fardeau  des  soins  qui  constituent  le  gou- 
vernement d'un  empire.  Il  lui  faisait  entre- 
voir les  douceurs  du  repos  comme  un  port 
oii  devait  tendre  sa  vieillesse  après  tant  de 
fatigues  ,  après  tant  d'années  passées  au  ti- 
mon des  affaires.  11  lui  citait  l'exemple  de 
Nerva  ,  qui  s'était  démis  volontairement  eu 
faveur  de  Trajau.  A  ces  raisons,  Dioclétien 
répondit  qu'il  serait  honteux  pour  lui  de  fi- 


sts 


DIO 


DIO 


816 


nir  dans  l'oliscurite  de  la  condition  privée, 
une  vie  tout  entière  et  si  glorieusement 
passée  sur  le  troue;  que  dans  le  cours  d'un 
rè,4ne  aussi  long  que  le  sien  ,  il  n'avait  pu 
manquer  de  se  faire  considérablement  d'en- 
nemis ,  et  que  le  parti  qu'on  lui  jiroposait 
pouvait  être  fort  dangereux  à  accepter;  que 
Nerva,  qui  n'avait  régné  qu'un  an,  avait  fort 
bien  fait  de  reprendre  uue  vie  et  des  habi- 
tudes qu'il  n'avait  changées  qu'à  regret, 
quand  surtout  son  grand  Age  et  sa  profonde 
inexpérience  des  atfaires  lui  commandaient 
d€  les  confier  à  des  mains  plus  fortes  et  plus 
expérimentées.  Ensuite,  le  vieil  empereur 
dit  à  son  gendre  que  s'il  voulait  absolument 
le  titre  d'auguste,  il  était  prêta  le  lui  donner 
ainsi  qu'à  Constance  ,  afin  qu'il  n'y  eût  plus 
aucune  distinction  entre  eux  tous.  Galère 
n'eut  gard:3  d'accepter;  son  rêve,  c'était  la 
domination  universelle;  il  savait  bien  que 
Dioclétien  restant  empereur,  le  titre  d'au- 
guste ne  serait  pour  lui  qu'une  vaine  qualité. 
Il  lui  réj)liqua  donc  que,  d'après  les  formes 
tie  gouvernement  sagement  introduites  et 
ordonnées  par  lui-même,  il  fallait  qu'il  y  eût, 
comme  par  le  passé,  deux  augustes  et  deux 
césars.  Il  est  [)ossible  ,  disait  Galère ,  que 
deux  empereurs  restent  en  bonne  intelli- 
gence, mais  quatre,  c'est  impossible,  les  di- 
visions intestines,  les  guerres' civiles  ,  ne 
tarderaient  pas  à  déchirer  l'empire  tout  en- 
tier; que,  du  reste  ,  si  Dioclétien  hésitait  à 
quitter  le  pouvoir,  il  songerait  à  ses  propres 
atfaîres  ,  qu'il  était  las  d'être  depuis  quinze 
sus  subalterne  et  relégué  eu  lllyrie,  sur  les 
bords  du  Danube  ,  où  il  avait  à  combattre 
nvec  des  barbares,  tandis  que  les  autres  ré- 
gnaient agréal)leraent  sur  des  provinces  vas- 
tes et  tranquilles. 

Dioclétien  comprit,  à  ce  discours,  et  sur- 
tout en  voyant  les  lettres  dans  lesquelles  le 
vieux  Maximit-n  l'instruisait  des  intentions 
de  Galère,  qu'il  n'avait  plus  qu'à  se  soumet- 
tre. Il  répondit  donc  les  larmes  aux  yeux  :  — 
Qu'il  en  soit  donc  ainsi;  mais  il  est  conve- 
nable que  les  césars  soient  élus  d'un  com- 
rnan  ticcoid.  — Pourquoi  ?  ne  faudra-t-il  pas 
que  les  autres  en  passent  par  ce  (jue  nous 
aurons  décidé?  —  A  la  bonne  heure  :  du 
reste  il  convient  de  nommer  leurs  fds  césars. 
0\ui  ferons-nous  donc  ?  —  Maxence  n'est  pas 
(iigne  de  cet  honneur  :  lui  qui  m'a  méprisé 
n'é'tant  que  particulier,  que  ne  ferait-t-il  pas 
quand  il  sera  parvenu  à  l'empire?  —  Cons- 
tantin est  univfîrsclhîment  aimé  ,  et  on  est 
persuadé  qu'un  jour  il  surpassera  son  père 
l'.n  bonté  et  en  clémence.  —  Il  adviendra  de 
là  que  je  ne  |)0urrai  faire  ce  (pie  j(i  voudrai, 
.le  v(,'ux  choisir  des  césars  dont  je  puisse 
dis|)0ser,  qui  me  craignent,  qui  ne  fassent 
rien  sans  mon  ordre;.  — Quel  |)arti  donc  nnMi- 
drons-nous  ?  —  Choisissfjns  Sévère.  —  Quoi  ! 
<;e  danseur,  ce  débauclié,  C(!t  ivrogne  cpiifait 
<\(:  1,1  nuit  le  jour  et  du  jour  la  nuit?  —  Il  a  l/i 
Cftrili.'iiice  des  soldats  ,  et  je  l'ai  envoyé  à 
M  xiiiiicn  p(jur({u'il  re(;oivede  lui  ]'honn(!Ur 
«le  la  pojrpio.  — Je  crjusens  à  ce  (juo  vous 
pi(j;M)S('/. ,  mais  (pji  choiMrn/.-vou»  j)0ur  sj- 
ooud  césar?  — Je   tho.sis    colui-oi...  /et   U 


montre  un  jeune  homme  demi-barbare  appelé 
Daia,  auquel  il  avait  donné  le  nom  de  Maxi- 
min).  —  Mais  (]uel  est  celui  que  vous  me 
proposez  ?  —  C'est  mon  parent.  —  Mais  vous 
m'indiquez  là  des  hommes  incapables  de  gou- 
verner l'empire.  —  Je  me  suis  assuré  de  leur 
capacité.  —  Ceci  vous  regarde  :  durant  mon 
règne,  je  me  suis  occupé  de  tout  ce  qui  pou- 
vait contribuer  à  la  félicité  des  Romains; 
s'il  arrive  (juclque  malheur  à  cet  empire ,  ce 
sera  votre  faute... 

Nous  avons  jugé  bon  de  reproduire  ce 
dialogue ,  presque  entièrement  pris  dans 
Lactance  ,  auteur  contemporain  et  parfaite- 
ment à  môme  de  savoir  comment  les  choses 
se  passèrent. 

Tout  étant  donc  ainsi  décidé,  on  en  vint  à 
l'exécution.  Le  1"  mai,  on  se  rendit  à  envi- 
ron trois  milles  de  Nicomédie,  sur  une  émi- 
nence,  celle  où  Galère  avait  reçu  le  titre  de 
césar.  On  y  avait  élevé  une  colonne  sur- 
montée de  la  statue  de  Jupiter.  Ce  fut  là 
que,  devant  l'armée,  les  grands  de  l'empire 
et  une  immense  multitude  de  peuple,  s'ac- 
complit le  grand  événement  qui  donnait  à 
l'empire  de  nouveaux  maîtres.  De  tous  côtés 
on  jetait  les  yeux  sur  Constantin;  tous  les  dé- 
sirs, tous  les  vœux  étaient  pour  lui.  Personne 
ne  doutait  de  son  élévation  à  la  dignité  de  cé- 
sar. Dioclétien,  le  visage  mouillé  de  larmes, 
dit  aux  soldats  qu'il  était  vieux  et  infirme, 
qu'a])rès  tant  de  fatigues  endurées  il  aspi- 
rait au  repos  et  qu'il  remettait  l'empire  eu 
des  mains  plus  robustes  et  plus  fortes  que 
les  siennes.  Il  dit  qu'il  avait  choisi  d'autres 
césars.  On  attendait  avec  impatience,  quand 
tout  à  coup  on  entend  les  noms  de  Sévère  et 
de  Maximin.  La  stupéfaction  est  au  comble. 
Conséantin  était  debout  près  du  trône.  Ga- 
lère l'écarté  et  fait  avancer  Daia.  Tout  le 
monde  se  demande  ce  que  c'est  que  ce  nou- 
veau césar;  cependant  personne  n'ose  ré- 
clamer. Dioclétien  revêt  Daia  de  la  pour|)re 
dont  il  se  dépouille.  Ensuite  la  foule  s'écoule 
silencieuse ,  tandis  que  le  vieil  empereur, 
redevenu  Diodes,  monte  dans  son  cliar,  ne 
fait  que  traverser  Nicomédie,  et  retourne 
dans  sa  |)alrie,  la  Dalmatie,  où  il  choisit  la 
ville  de  Salone  pour  sa  résidence. 

Dioclétien  vécut  relire  à  Salone  jusqu'en 
l'an  313.  Les  derniers  tenq)s  de  sa  vie  fu- 
rent extrêmement  malheureux.  En  311,  il 
avait  vu,  sans  pouvoir  l'empêcher,  le  traite- 
ment affreux  qu'on  avait  fait  subir  à  sa 
femme  et  à  sa  lille.  Plus  tard,  Constantin  el 
Licinius,  en  se  déclarant  pour  les  chrétiens, 
condanniai(!nt  ouvertement  la  conduite  (ju'ij 
avait  tenue.  Partout  ils  faisaient  abattre  les 
images  do  Maximien.  Dioclétien  |)ai!ageait 
la  iKJiite  de  cette  proscription,  car  partout 
son  efhgie  était  jointe  sur  les  monuments  à 
celle  de  son  vieux  collègue.  Dioch'lien, 
voyant  (pie  les  nouveaux  maîtres  de  l'em- 
pire n'avai(nit  plus  pour  lui  les  égards  et  la 
considéralion  (pj'il  se  croyait  dus,  en  prit  un 
profond  chagrin.  Il  ne  se  trouvait  bien  nulle 
j»ai  t,  dit  Lactance,  le  chagrin  el  luKpiiélude 
lui  ôlai(Mil  l'apitélil  et  le  rejtos.  il  soupirait, 
il  gémissait,  il  se  roulait  coiUiuucUouicnl, 


817 


DIO 


DIO 


^ifi 


tantôt  dans  son  »it,  tantôt  à  terro.  Ainsi  Dio- 
cléUen,  si  favorisé  do  la  fortune  pendant 
vingt  ans,  puis  réduit  à  une  (.'undiliou  pri- 
vée, aa'al)lé  d'oi>probres,  ennuyé  dv.  la  via 
par  désesooir,  mourut  de  faim  et  de  tris- 
tesse. 

DIODOUE  (saint),  fut  martyrisé  en  Pam- 
phylie,  sous  la  persécution  de  Dèee  et  sous 
le  gouvernement  de  Poilion,  en  l'année  250. 
Nous  crovons  ses  Actes  perdus.  L'Eglise 
fait  sa  fête  le  26  février. 

DIODOKK  fsaint),  prôlre,  martyr,  était  au 
nombre  des  cnréliens  qui,  après  la  mort  de 
saint  Chrysanlhe  et  de  sainte  Darie,  s'étaient 
rendus  dans  la  sablonnière  qui  leur  servait 
de  tombeau  ,  ])Our  y  célébrer  leur  fête  et 
pour  y  assister  au  saint  sac^riticc.  [/empe- 
reur Numérien  lit  fermer  l'entrée  avec  une 
énorme  quantité  de  sable  et  de  pierres,  de 
sorte  (|ue  tous  les  chrétiens  qui  y  étaient 
assemblés,  moururent  dans  ce  lieu.  L'Eglise 
honore  la  mémoire  de  tous  ces  saints  mar- 
tyrs le  1"  déceuibre.  (Koy.  Chrysanthe). 

DIODORE  (saint),    évôciue   de  Tarse   et 
confesseur,  naquit  lrès-prol)ablement  à  An- 
tioche,  où   il  fut  prêtre  longtemps,  On  dit 
qu'il  appartenait  h  une  famille  illustre.  Jus- 
qu'à ce  qu'il  fût  ordonné  évêque,  il  vécut 
toujours  dans  sa  ville  natale.  11  aimait  beau- 
coup l'étude  et  le  travail.  Ce  fut  à  Athènes 
qu'il  étudia  les  belles-lettres.  Bientôt,  com- 
prenant l'inanité   des  choses   d'ici-bas,  les 
vanités  de  la  science  et  de  la  noblesse,  il  re- 
nonça au  monde  et  à  tout  ce  qu'il  lui  pro- 
mettait d'avantages,  pour  vivre  dans  l'état 
ascétique  et  pour  ne  plus  se  livrer  qu'aux 
travaux  de  piété.  Dès  lors,  il  passa  ses  jours 
dans  la  pénitence,  sans  cesse  occupé  à  prier 
ou  à  défendre  la  foi.  Vers  l'an  370,  il  gou- 
vernait, au  rapport  de  Socrale,  un  monastère 
qui  était  ou  dans  Antioche,  ou  tout  auprès.  11 
fut,  dit  saint  Basile,  élevé  et  formé  par  les 
leçons  de  saint  Silvain  (  celui  de  Tarse,  si 
célèbre   sous  Constance   et  sous  Valens  ). 
Après  la   déposition  du  saint  évêque  Eusta- 
the,  un  grand  nombre  des  orthodoxes  d'An- 
tioche  crurent  devoir  se  soumettre  aux  évo- 
ques que  les  ariens  lui  donnèrent  pour  suc- 
cesseurs. Diodore  fut  de  ce  nombre.  Saint 
Diodore   fut  un  des  premiers  à   demander 
saint  Mélèce  pour  évêque.  Après  l'avoir  ob- 
tenu, il  fut  aussi  des  premiers  à  s'unir  com- 
plètement à  lui  et  à  se  séparer  des  ariens, 
lorsqu'on  l'eut  déposé  pour  mettre  Euzoius 
à  sa  place.  Diodore,   qui  avait  été  un  glo- 
rieux défenseur  de  la  catholicité  contre  l'a- 
rianisrae,  fut  aussi  un  défenseur  éloquent  de 
la  religion  chrétienne  contre  le  paganisme. 
Ce  fut  au  point  qu'il  mérita  recevoir  les  in- 
jures de  Julien  l'Apostat.  Ce  prince,  dans 
une  lettre  à  Photin  l'hérésiarque,  nomme 
Diodore  un  magicien  de  Nazareth,  un  so- 
phiste raffiné  de  la  religion  champêtre  des 
chrétiens,  qui  avait  armé  sa  misérable  lan- 
gue contre  les  dieux  du  paganisme,  qui  avait 
employé  contre  eux  les  sciences  qu'Athènes 
lui  avait  apprises,  et  qui  s'était  malheureu- 
sement remph  de  toute  la  théologie  des  pê- 
cheurs. 


En  1  an  370  ou  371,  sous  la  persécution 
de  Valens,  quand  saint  Mélèce  eut  été  ban- 
ni pour  la  troisième  fois,  Diodore  et  Fla- 
vien  continuèrent  h  faire  ce  (ju'ils  avaient 
conuiiencé  du  temps  de  Cotist.iiice,  c'est-à- 
dire  à  soutenir  h;  peuple;  d'Anlioche  dans  la 
foi,  à  l'allermir  durant  la  persécution;  avec 
cette  diirérence,  que  la  première  fois  ils 
étaient  laïciues  ,  et  que  celte  dernière  ils 
étaient  prêtres  et  délégués  par  saint  Mélèce 
pour  tenir  sa  place. C'était  Flavien  (jui  amas- 
sait dans  les  Ecrituros  les  passages  et  les  ci- 
tations dont  saint  Diodore  nourrissait  les 
di>cours  qu'il  faisait  au  jjeuple.  Les  assem- 
blées se  tenaient  hors  de  la  ville,  nu  delà  de 
la  rivière  d'Oronle.  Valens  n(ï  soudrait  pas 
que  les  catholiques  s'assemblassent  dans  la 
ville.  Non-seulement  il  s'occupait  du  peu- 
ple sous  le  raf)port  de  la  prédication,  mais 
encore  il  donnait  ses  soins  aux  difl'éren'.es 
écoles  que  la  piété  des  catholi(iues  avait 
fondées  pour  l'instruction  du  jeune  t.^e.  Il 
V avait  alors  dansées  écoles  des  hommes  cé- 
lèbres destinés  à  être  plus  tard  l'ornement  de 
l'Église,  saint  Jean  Chrysostome, Théodore  de 
Mopsueste,  Maxime  de  Séleucie.  Saint  Chry- 
sostome, en  parlant  de  saint  Diodore  ,  "ift 
nomme  son  père,  et  se  fait  gloire  do  l'ami- 
t-ié  toute  paternelle  que  ce  saint  homme  lui 
témoigne.  Bientôt  les  hérétiques  ne  purent 
contenir  leur  haine,  en  présence  de  la  force 
avec  laquelle  le  saint  défendait  la  vérité  à 
Antioche.  lis  le  chassèrent  ;  mais  il  reve^- 
nait  :  car  saint  Chrysostome  dit  qu'ils  le 
chassèrent  plusieurs  fois.  Ils  cherchèrent 
bien  des  fois  à  le  tuer  ;  mais  Dieu  semblait 
le  conduire  comme  par  la  main,  et  quels  que 
fussent  les  pièges  qu'on  lui  tend  t,  il  échap- 
pait toujours.  Aussi  saint  Chrysostome  le 
nomme  un  martyr  vivant.  On  ne  peut  du 
moins  lui  refuser  le  titre  de  confesseur. 
Quand  il  était  forcé  de  partir  d'Antioche,  il 
allait  dans  la  basse  Arménie  trouver  saint 
Mélèce  qui  y  était  banni.  11  y  était  quand 
sanit  Basile  vint  voir  le  saint  évêque,  en 
372.  Basile  avait  toujours  aimé  Diodore 
comme  disciple  de  Silvain.  Quand  il  le  con- 
nut mieux  encore,  il  l'aima  et  le  chérit  da- 
vantage, à  cause  de  cette  éloquence  si  re- 
marquable dont  Dieu  lui  avait  fait  l'inesti- 
mable cadeau.  Ses  calomniateurs  voulurent 
lui  faire  un  crime  de  cette  amitié  si  vive.. 
Tillemont ,  dans  sa  naïve  simplicité  ,  dit 
qu'on  ne  voit  pas  pourquoi,  ni  ce  qu'où  vou- 
lait dire.  Ame  simple  et  pure,  il  ne  savait 
pas  de  quelles  infâmes  suppositions  la  ca- 
lomnie peut  percer  ses  victimes.  Du  reste, 
saint  Basile  ne  se  vengea  de  cette  odieuse 
imputation  qu'en  avouant  l'amitié  sainte 
qui  l'unissait  à  Diodore.  «  Oui,  j'aime  Dio- 
dore, disait-il,  parce  qu'il  mérite  être  aimé.  » 
Diodore  ne  fut  fait  évoque  qu'après  la  mort 
de  Valens,  en  378  ou  379.  Ce  fut  saint  Mélèce 
qui  le  sacra  évêque  de  Tarse,  et  qui  l'éta- 
blit chef  et  métropolitain  de  toute  la  Cdi- 
cie. 

Saint  Jérôme  remarque  que  Diodore  se  mon- 
tra beaucoup  plus  grand  étant  prêtre  qu'é- 
tant devenu  évêque.ll  semble  même  s'en  étou- 


8f9 


DIO 


DIO 


820 


ner  ;  cela  nous  surprend,  car  il  faut  remar- 
quer que  le  temps  de  la  prêtrise  de  saint 
Diodore  s'était  passé  durant  la  persécution, 
dans  des  circonstances  tout  exceptionnelles, 
de  nature  à  mettre  en  relief  toutes  les  ver- 
tus que,  dans  les  temps  de  paix,  Thomme 
de  Dieu  tient  en  réserve  et  renfermées  dans 
son  cœur.  Prêtre,  il  avait  été  obligé  de  com- 
battre sans  cesse  contre  les  ennemis  de  la 
foi,  contre  les  ennemis  de  la  religion.  Il 
avait  constamment  lutié.  A  l'instant  où  il 
fut  promu  à  Tépiscopat,  1  »  grand  Théodose 
régnait,  et  l'Eglise  de  Dieu  se  reposait  dans 
■une  paix  profonde,  a[)rès  les  horribles  tem- 
pêtes qui  l'avaient  éprouvé.  Tous  les  soldats 
de  Jésus-Christ  avaient  déposé  les  armes  du 
combat.  Les  confesseurs,  rentrés  dans  les 
fonctions  calmes  du  ministère ,  n'avaient 
plus  qu'à  conduire  doucement  dans  les  voies 
que  le  Seigneur  avait  adoucies  le  troupeau 
qui  leur  était  contié.  Que  pouvait  faire  de 
saillant  un  évêque  qui  le  mît  en  relief.  Il 
n'avait  plus  qu'à  pratiquer  ces  humbles  ver- 
tus de  l'épiscopat,  si  précieuses  aux  yeux 
de  Dieu,  mais  qui  no  font  pas  de  bruit  dans 
le  monde,  et  qui  ne  dépassent  guère  la  con- 
trée où  elles  se  répandent  en  tiésors  de  bé- 
nédictions sur  les  âmes  des  fidèles.  Dans  les 
temps  de  persécution,  l'évèque,  à  la  tète  de 
son  clergé,  soutient  la  foi  publique,  prépare 
les  chrétiens  au  combat,  admoneste  les  ty- 
rans, résiste  à  leurs  injonctions,  à  leurs  sé- 
ductions, à  leurs  manaces,  il  meurt  s'il  le 
faut.  En  temps  de  paix,  il  prêche,  il  instruit, 
il  veille  à  l'administration  des  sacrements,  à 
la  conduite  du  clergé  ;  il  regarde  avec  l'œil 
du  pasteur  et  du  j)ère  si  tout  est  bien  d.uis 
le  troupeau  conlié  à  sa  garde.  Il  montre 
l'exemple  des  vertus  (ju'il  recommande.  Il 
acquiert  peu  de  cetle  gloire  qui  frappe  les 
yeux  ;  mais  à  chaque  instant  une  bonne 
œuvre,  une  ame  gagnée,  un  pauvre  secouru, 
une  chute  empêchée,  viennent  réjouir  les 
cieux.  Saint  Diodore  remplit  en  saint  sa  |)lace 
d'évêque.  Si  Dieu,  dans  cette  haute  position, 
l'eût  appelé  aux  combats  du  confesseur  ou 
du  martyr,  les  gages  qu'il  avait  donnés  étant 
prêtre  |)ermettent  de  dire  qu'il  n'était  pas 
déchu  de  son  passé.  Eu  37'J,  il  assista  au 
grand  concile  d'Antiorhe,  et  au  second  con- 
cile œcuméni({ue  en  ;J81,  où  il  eut  rhonneur, 
avec  saint  Pelage  de  Eaodi;  ée,  d'être  établi 
comme  le  centre  de  la  communion  catlioii- 
que  dans  tout  l'Orient.  Il  prit  part  à  l'éléva- 
tion de  N(;claire  au  siège  de(^onstantino|)le. 
Il  fut  aussi  un  des  auteurs  d(;  l'élection  de 
Flavien  d'Antioche  :  on  le  voit  venir  à  An- 
tioche  lorsque  saint  Chrysostome  était  déjà 
prêtre.  Quoique  malad(!,  il  monta  en  chaire 
pour  instruire  le  [x'Uph;.  Il  comuM^nca  par 
un  grand  élog(;  de  saint  (Chrysostome.  Quel- 
ques jours  apiès,  saint  (ùlu'ysostoin(î  répon- 
dit avec  une  extrême  modestie  aux  louanges 
que  lui  avait  décernées  h;  saint  évê(|ne,  et 
pronon(;a  de  lui  un  inagniliipif  éloge. 

On  ne  sait  plus  ri(Mi  du  saint  évèijue,  seu- 
lenieiil  on  peut  allirmer  (pi'il  mnurut  vers 
3i*iî  ou  393,  puisque  Plmlèrtî  l'ut  nommé 
comme  évoque  do  Turso  dans  un  concile  de 


Constantinople.  Les  plus  grands  saints  ne 
parlent  de  lui  qu'avec  de  grandes  louanges. 
Domnus,  qui  gouvernait  l'Eglise  d'Antioche 
quelque  temps  après,  le  nomme  le  grand 
Diodore,  le  fort  athlète  de  la  piété,  la  co- 
lonne et  le  défenseur  de  la  vérité,  pour  la- 
quelle il  avait  combattu  dans  Antioche  con- 
tre toutes  les  hérésies.  Jean,  qui  fut  le  pré- 
décesseur de  Domnus,  et  tout  le  concile  d'O- 
rient, le  mettent  entre  les  [lus  éclatantes  lu- 
mières de  l'Eglise.  Ce  grand  homme  a  eu 
dans  l'Eglise  le  sort  d'Origène  :  s'il  y  eut 
beaucoup  de  voix  imposantes  à  chanter  ses 
louanges,  beaucoup  l'ont  attaqué  et  ont  pré- 
tendu que  sa  foi  n'était  pas  à  l'abri  de  tout 
soupçon.  11  ne  nous  appartient  pas  d'entrer 
ici  dans  le  détail  des  reproches  qui  lui  ont 
été  faits  ;  il  doit  nous  suîlire  dédire  qu'ils  ne 
nous  paraissent  pas  fondés.  Nous  avons  es- 
quissé sa  vie,  nous  avons  montré  en  lui  le 
défenseur,  le  confesseur  de  la  foi  ;  nous 
avons  rempli  notre  rôle  en  ce  qui  le  con- 
cerne. 

DIODORE  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  à  Aphrodisiade  en  Carie.  Il  eut  [)Our  com- 
pagnons d;'  son  martyre  les  saints  Diodore  et 
Rodopien.  Ce  fut  durant  la  persécution  de 
Dioclétion  qu'ils  furent  lapidés  par  leurs 
concitoyens.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  3 
mai. 

DIODORE  (  saint  ),  martyr,  mourut  pour 
la  foi  à  Laodicée  en  Syrie,  avec  les  saints 
Diomède  et  Didyme.  Nous  manquons  de  dé- 
tails sur  ces  saints.  L'Eglise  fait  leur  mé- 
moire le  11  septembre. 

DIOC.ÈNE  (saint),  martyr,  reçut  la  cou- 
ronne des  glorieux  couib:itlants  de  la  foi -en 
Macédoine.  Il  y  souifit  le  martyre  avec 
saint  Timothée.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  6 
avril. 

DIOMÈDE  (saint),  martyr,  était  médecin 
à  Nicée  en  Rithyiiie.  Ce  f^ut  durant  la  per- 
sécution de  l'impie  Dioclétien  qu'il  périt  par 
le  ghiive,  en  l'honneur  de  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ.  Nous  ne  possédons  aucun  do- 
cument relatif  à  ce  saint.  L'Eglise  fait  sa  fête 
lelGaont. 

DIOMÈDE  (saint),  martyr,  fut  martyrisé 
en  rhonneur  de  Jésus-Christ,  à  Laodicée 
en  Syrie,  il  eut  pour  comj)agnons  de  son 
martyre,  dont  les  ciiconstaiiccs  sont  incon- 
nues, les  saints  Diodore  et  Didyme.  L'E- 
glise fait  la  fête  de  ces  glorieux  combattants 
le  11  septembre. 

DIOMÈDE  (saint),  martyr,  reçut  la  cou- 
ronne du  martyre  avec  les  saints  Julien,  Phi- 
lip|)e,  Kutychien,  Hésiciue,  Léoniciue,  Phi- 
ladelphe,  Ménalippe  et  Pantagape.  Ils  ac- 
complirent leur  martyre,  les  uns  par  le  feu, 
les  autres  par  le  glaive;  ou  sur  la  croix.  L'E- 
glise célèbre  leur   mémoire  le  '2  septembre. 

DION  (saint),  martyr,  piètre  de  l'I-lglise  d'A- 
lex uidiie,  l'ut  mis  à  mort  poui  la  foi,  en  l'an 
31  l,av(>(;  saint  Pierre,  évê(piede  ce!  le  ville, par 
ordu;  {|(!  Maximieu  Daia,  avec  les  sainlsAni- 
nioiiius  et  Fausle.  L'Eglise  célèbre  leur  fêle 
à  tous  le  20  novcnnbre. 

DION,  proconsul  (r.Vfri(jue  en  21)0,  du 
temps  de  VemiJereur  Dioclclien,  coudamua 


821 


DIO 


DOM 


fM 


à  mort  et  fit  exécuter  saint  Maximilion  de 
Tliébosto,  (lui  refusait  de  s'enrôler  pour  le 
service  de  1  empereur,  l'étant  déjà,  disail-il, 
au  service  de  Jésus -Christ.  {Voy.  les  Actes 
de  M  AMMiLiKN,  il  l'arlii'le  de  ce  saint.) 

DlOSr.OKE,  jeune  chrétien,  Ai^é  seulement 
de  ([uiii/.e  ans,  résista  avec  un  Ici  courage 
aux  tourments,  aux  menaces,  (pie  le  juge 
devant  qui  et  par  l'ordre  ducjuel  ccîs  choses 
avaient  lieu,  en  fut  ravi  d'admiration  et 
le  renvoya  à  cause  de  son  jeune  Age,  alin  de 
lui  laisser  tout  le  loisir  nécessaire  pour  qu'il 
j)ùt  devenir  sage.  Cette  histoire  se  trouve 
dans  Eusôbe  (1.  vi,  ch.  41)  citant  saint  Denys. 
Dioscore  reçut  plus  tard  la  couronne  du 
martyre  dont  il  s'était  rendu  si  digne  par 
cetto'^  admirable  confession.  Nous  ignorons 
son  genri!  de  mort;  nous  ne  savons  pas  à 
quelle  date  elle  eut  lieu,  mais  ce  dut  être 
peu  a[)rès,  car  saint  Denys,  dans  le  passage 
cité  par  Eusèbe,  s'ex[)rime  ainsi  :  «  Cet  ad- 
mirable jeune  homme  est  maintenant  avec 
nous,  Dieu  le  réservant  pour  un  combat  plus 
long  et  plus  glorieux.  »  L'Eglise  fait  sa  léte 
le  14  décembre. 

DIOSCOKE  (saint),  martyr,  habitait  Corin- 
Ihe  en  249,  sous  l'empire  de  Dèce;  il  con- 
fessa avec  un  grand  courage  le  nom  de  Jésus- 
Christ,  avec  ses  compagnons  Victorin,  Vic- 
tor, Nicéphore,  Claudien,  Sérapion  et  Papias. 
Avec  eux  il  fut  exilé  en  Egypte.  Quelques- 
uns  disent  qu'ils  s'y  rendirent  volontaire- 
ment :  nous  les  y  retrouverons  en  284,  sous 
l'eminre  de  Numcrien,  donnant  généreuse- 
ment leur  vie  pour  la  foi,  sous  le  gouver- 
neur Sabin.  Déjà  A'ictorin,  Victor  et  Nicé- 
phore, par  ordre  de  ce  gauvern^eur,  avaient 
été  brisés  l'un  après  l'autre  dans  un  grand 
mortier,  sans  que  le  courage  de  ceux  qui 
restaient  en  fut  ébranlé.  Il  fit  prendre  Clau- 
dien et  le  fit  couper  par  morceaux.  Les  mem- 
bres palpitants  du  généreux  martyr  furent 
jetés  devant  les  trois  saints  qui  restaient, 
afin  qu'épouvantés  par  ce  spectacle,  ils  re- 
nonçassent à  Jésus-Christ.  Le  juge  leur  dit, 
en  leur  montrant  les  membres  épars  de  Clau- 
dien :  «Il  ne  tient  qu'à  vous  d'éviter  un  pa- 
reil traitement.  Je  ne  vous  contrains  aucune- 
ment à  mourir.  »  —  Si  vous  nous  connais- 
siez mieux,  lui  dirent  les  martyrs,  vous  ac- 
céderiez à  la  prière  que  nous  vous  faisons 
de  nous  infliger  un  plus  cruel  supplice,  si 
vous  en  connaissez.  Jamais  nous  ne  viole- 
rons la  fidélité  que  nous  devons  à  notre  Dieu 
et  ne  renierons  jamais  Jésus-Christ  notre 
sauveur.  »  Transporté  de  rage,  le  tyran  con- 
damna Dioscore  à  élre  brûlé  vif.  Ce  sup- 
plice fut  mis  à  exécution  le  23  de  février,  jour 
auquel  l'Eglise  célèbre  la  fête  de  tous  ces 
saints.  [Voy.  A'ictokin.) 

DlOSCOllE,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé  les 
Actes  authentiques.  Foy.  Martyrs  (les  trente- 
sept)  égyptiens. 

DIOSCORE  (saint),  martyr,  était  lecteur 
dans  une  église  d'Egypte.  Le  gouverneur  de 
cette  province  exerça  à  son  égard  toutes 
sortes  de  cruautés,  jusqu'à  lui  arracher  les 


ongles  et  à  lui  brûler  les  côtés  avec  dos  flam 
beaux  Mais  les  exécuteurs,  effrayés  d'une  lu- 
mière céleste  qui  parut  tr)ut  à  coup,  tombè- 
rent par  terre.  Ayant  enfin  été  brûlés  avec 
d(!S  lames  ardentes,  il  accomj)lit  son  martyre. 
L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  18  mai. 

DIOSCOIUDE  (saint),  martyr,  rép.uulit  son 
sang  pour  la  foi  avec  les  saints  Crescent, 
Paul  et  Hellade.  Le  Martyrologe  romain  ne 
dit  point  en  (|uelles  circonstances.  L'Eglise 
célèbre  leur  sainte  mémoire  le  28  mai. 

DOl-BUONO  (Paul),  était  capitaine  des 
gardes  du  roi  à  la  cour  de  Cochinchine.  Le 
roi  ayant  pul)lié  un  édit  contre  les  chrétiens, 
le  G  janvier  1833,  ce  saint  guerrier  fut  déca- 
pité le  23  octobre  de  la  môme  année,  sur 
l'emplacement  même  de  l'Eglise  qui  avait  été 
détruite. 

DOMICE  (saint),  martyr,  souffrit  en  Syrie. 
Les  miracles  qu'il  fit  procurèrent  une  infi- 
nité de  bienfaits  aux  habitants  de  ce  pays. 
On  n'a  pas  de  détails  plus  étendus  sur  lui. 
L'Eglise  fait  sa  sainte  et  immortelle  mémoire 
le  5  juillet. 

DOMICE  (saint) ,  martyr,  donna  sa  vie 
pour  Jésus-Christ  à  une  époque  qui  nous 
est  inconnue.  Il  eut  pour  compagnons  de  son 
martyre  saint  Aquilas,  saint  Eparque,  les 
saintes  Pélagie  et  Théodosie.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  23  mars. 

DOMINICAINS  (les  cent  vingt-six  martyrs 
en  12G1),  furent  mis  à  mort  pour  la  foi  chré- 
tienne, parles  Hongrois,  les  Bosniens  et  les 
Dalmates,  chez  lesquels  ils  ré|)andaient  la  lu- 
mière de  l'Evangile.  Ces  peuples  leur  firent 
souffrir  différents  genres  de  mort.  Voy.  Fon- 
tana,  Monumenta  Dominicana,  ann.  1261. 

DOMINIQUE  (saint),  martyr,  mourut  en 
Afrique  pour  la  foi  de  Jésus-Christ  avec  les 
saints  Victor,  Primien,  Lybose,  Crescent, 
Second  et  Honorât.  On  ignore  la  date  et  les 
circonstances  de  leur  martyre.  Le  Martyro- 
loge romain  ne  dit  rien  de  plus  sur  eux. 
L'Eglise  honore  la  sainte  mémoire  de  ces 
glorieux  martyrs  le  29  décembre 

DOMINIQUE  (saint),  évoque  et  confesseur, 
souffrit  dans  la  ville  de  Bresse  pour  la  foi 
chrétienne.  Nous  n'avons  aucun  détail  sur  lui. 
L'Eglise  l'honore  comme  confesseur  le  20  dé- 
cembre. 

DOMINIQUE  DE  VIC  (le  bienheureux),  de 
l'ordre  des  Frères  Prêcheurs,  reçut  la  palme 
du  martyre  en  1535,  avec  André  de  Lopez, 
religieux  du  môme  ordre.  Les  habitants  du 
pays  de  Puchutla,  irrités  de  voir  les  progrès 
de  l'Evangile  chez  leurs  voisins  de  l'ancienne 
Terre  de  guerre,  réunirent  une  nombreuse 
armée  et  envahirent  la  nouvelle  Terre  de 
paix  afin  de  venger  leurs  dieux  délaissés. 
Nos  deux  saints  religieux  périrent  dans  cette 
invasion.  Fontana  [Monumenta  Dominicana) 
marque  leur  martyre  en  1552. 

DOMINIQUE  (  îe  bienheureux  ) ,  mourut 
pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  à  Cumana,  côte 
de  l'Amérique  du  Sud  (province  qui  fait 
maintenant  partie  de  la  république  de  Ve- 
nezuela). Les  Espagnols  y  avaient  jeté  les 
fondements  d'une  ville  qu'ils  nommaientNou- 
velle-ïolède.  Les  Franciscains ,  qui  avaient 


825 


DOM 


DOM 


pris  la  fuite  après  l'affaire  occasionnée  par 
l'affreuse  conduite  d'Alfonse  de  Ojéda  (Toî/. 
Maracapa>«a)  y  revinrent.  Las  Casas  y  vint 
pour  promettre  aux  indigènes  que  les  "^injus- 
tices dont  ils  avaient  été  l'objet  ne  se  renou- 
velleraient pas.  L'ne  femme  de  leur  nation, 
nommée  Marie,  lui  servit  d'intermédiaire  vis- 
à-vis  de  ses  compatriotes.  Las  Casas  jugea  à 
propos  de  faire  cesser  le  commerce  qui  exis- 
tait entre  les  colons  espagnols  de  Cuhagua  et 
les  naturels  de   Cumana,  parce  que  ce  com- 
merce entretenait  le  goût  dépravé  queles  indi- 
gènes avaient  pour  le  vin  d'Espagne.  Voyant 
qu'il  ne  pouvait  venir  à  bout  de  son  dessein,  il 
partit  pour  aller  demander  justice  à  Haïti.  Il 
commit  un   nommé    François  de  Soto  pour 
gouvernerla  colonie  en  son  absence.  Ce  nou- 
veau chef  eut  l'imprudence  de  dimiiuier  les 
moyens  de  défense  de  la  colonie.  Or  les  in- 
digènes protitèrent    de    cette    circonstance 
pour  la  détruire.  Ils  étaient  irrités  des  obs- 
tacles qu'on  mettait  au  commerce  qu'ils  fai- 
saient avec  les  Espagnols,  leur  vendant  leurs 
enfants  pour  être  eselaves,  contre  du  vin  d'Es- 
pagne. Ils  formèrent  le  dessein  de  renverser  le 
fort  et  de  massacrer  tous  les  Franciscains. 

Herrera,  cité  par  Henrion,  en  parle  en  ces 
termes  :  «  Les  religieux  en  ayant  été  ins- 
truits trois  jours  avant  l'événement,  firent 
interroger  l'Indienne  Marie,  pour  s'assurer 
si  la  conspiration  était  véritable.  A  l'enten- 
dre, rien  n'était  plus  faux  ;  mais  ses  yeux  et 
ses  traits  annonçaient  qu'elle  y  croyait.  Il 
arriva  le  même  jour  sur  la  côte  une  barque 
qui  venait  échanger  des  marchandises  :  les 
Espagnols  et  les  religieux  demandèrent  d'y 
être  reçus  pour  échapper  au  danger,  mais  leurs 
prières  furent  inutiles.  Les  Franciscains  qui 
étaient  avec  Solo  passèrent  ce  temps-là  dans  les 
plus  vives  inquiétudes  ;  ils  s'adressaient  aux 
Indiens  et  leurdemandaientqueljouron  avait 
choisi  pour  les  égorger.  La  veille  de  l'exé- 
cution, on  plaça  le  peu  de  monde  qu'on  avait 
et  quatorze  petites  pièces  d'artillerie  autour 
du  magasin  des  Espagnols,  voisin  du  cou- 
vent; mais  lorsqu'on  voulut  se  servir  de 
la  poudre,  on  la  trouva  très-hunjide.  Le  len- 
demain, à  l'heure  où  on  l'exposait  au  soleil 
pour  la  faire  sécher,  des  Indiens  arrivèrent 
en  poussant  de  grands  cris;  ils  mirent  le  feu 
au  magasin  et  tuèrent  deux  ou  trois  hommes, 
pendant  (jue  d'autres,  après  avoir  fait  une 
brèche  dans  un  côté  du  bAtiment  et  au  mur 
du  jardin  des  religieux,  qui  était  entouré 
de  carmes,  les  aidaient  à  y  pénétrer.  Dans  ce 
moment,  Fiançois  du  Soto  revcuiait  du  vil- 
lage d(is  Indiens,  rjui  n'était  éloigné  ({ue  de 
la  portée  du  trait  du  magasin  et  du  monas- 
tère; il  reçut  une  llèche  empoisonnéi;  dans 
le  bras,  ce  qui  ne  l'empôcha  pas  néanmoins 
de  pénétrer  dans  le  jardin.  Les  Pères  avaient 
un  étang  formé  (h's  eaux  du  fleuve  et  qui 
fournissait  de  l'eau  au  couvent;  là  se  trou- 
vait un  canot  en  état  de  recevoir  cinquante 
personnes.  Tout  le  monde  y  entra,  excepté 
le  liere  Domitii(pie,  «pii,  aux  premiers  cris 
des  In(li(;Ms,  étaii  allé  se  cacher, sans  être  vu, 
au  iiuiifMi  (l(!s  roseaux.  Le  canot,  portant  une 
vingtaine  d'Espagnols,  s'avança  vers  le  lleuve 


SU 


pour  gagner  la  mer,  et  se  dirigea  vers   la 
pointe  d'Araya,  où  se  trouvaient  les  salines 
avec  des  navires  en  chargement,  mais  sépa- 
rée du  point  où  l'on  était  par  plus  de  deux 
lieues  de  mer.  Le  frère  Dominique,  ayant 
aperçu  le  bateau,  sortit  de  sa  retraite  et  vint 
jusqu'à  la  rùvièr-e.  Quoiq\ie  ses  compagnons 
fussent  déjà  au-dessous  du  point  où  il  avait 
paru,  ils  tirent  tous  leui's  efforts  pour  arriver 
jusqu'à  lui  et  pour  le  prendre  ;  mais  il  leur 
fut  iinj)ossible  de  surmonter  le  coui\int  qui 
les  emportait  avec  rapidité.  Dominique  s'en 
apercevant,  leur  lit  signe,  avec  les  deux  mains, 
de  s'éloigner.  Les  Indiens,  occupésde  l'incen- 
die du  magasin,  ne  savaient  pas  qu'il  ne  s'y 
trouvait  plus  personne;  mais  voyant  bientôt 
apr'ès  le  canot,  ils  sejetèrent  dans  une  pirogue 
pour  pour-suivrelesEspagnolsqui  étaient  déjà 
une  lieue   en  avant ,  accablés  de  fatigue  ,  et 
n'ayant  pas  cessé  un  seul    instant  de  fuir 
à  Ibrce   de  rames.  Les    deux  embarcations 
échouèrent  en  même  temps  et  on  se  trouva 
très-près  les  uns  des   autres  sur  une  i»lage 
hérissée  de  chardons  à  longues  épines  et  tel- 
leriient  ser-rés,  qu'un  homme  armé  n'aurait 
osé  s'y   engager  sans  le   plus  grand  embar- 
ras.   Comme   les   Indiens  étaient  nus,    ils 
n'avançaient   qu'avec  une  extrême  lenteur 
sijr  ce  terrain  au  milieu  duquel  ils  s'étaient 
réfugiés.  Le  frère  Jean  Garces  raconte  que 
se  voyant  presque  atteint  par  ces  Indiens 
armés  de  sabres,  de  pierres,  et  se  croyant  à 
sa  dernière  heure,  il  se  mit  à  genoux,  fei^ma 
les  yeux  et  recommandant  son  ûmeauciel,  at- 
tendit, la  tête  baissée,  le  coup  qui  devait  l'ôter 
de  ce   monde.    Quelques   moments   s'étant 
écoulés  sans  que  les   Indiens  exécutassent 
leur  résolution.  Garces  releva  la  tête,  l'egarda 
autour  de  lui  et  ne  vit  personne.  11  supposa 
que  les  Indiens  n'avaient  osé  s'avancer  jus- 
qu'à lui,  de  crainte  de  se  blesser,    et   cette 
circonstance  sauva  la  vie  à  tous  les  Espagnols. 
Ils  attendirent  dans  cette  espèce  de  forteresse 
et  en  sortirent  quand  leui's  ennemis  se  furent 
éloignés.  Il   n'y    en  avait  pas   un  seul  qui 
n'eût  le  corps  per-cé  de  mille  épines   et  en 
fort  mauvais  état.  Ils  arrivèr-ent  au  lieu  où 
étaient  mouillés  les  deux  navires  qui  char-- 
geaient  du  sel,  et  furent  r-eçus  avec  tout  l'in- 
térêt qu'inspirait  le  malheur.  11  leur  man- 
quait un  homme  :  c'était  François  de  Soto, 
(pii  avait  été  blessé   d'un    coup   de  llèche. 
Quel(/u'un  dit  l'avoir  vu  sous  un  roi^her,  au 
milieu  des  chardons;  on  se  hAta  d'aller  lo 
chereher  dans    une  barque  à  une  lieue  et 
demie;  il  fut  trouvé   encore  en    vie,  après 
trois  jour-s  de  soullVances,  de  soif  et  d'ina- 
nition. On  h;    tr-anspor-ta  dans  le  bateau,   et 
comme  les  llèches  empoisonnées  excitent  uno 
soil'  ai'denle,  il  demanda  de  l'eau.  Au    mo- 
mcnt|où  on  lui  en  présentait,  il  fut  saisi  d'un 
accès  de  rage  et  succomba  au  bout  de  (pu'l- 
(pies  jouis  à  cette  cruelle  maladie.  Les  In- 
diens prescrivent  en  par^'il  cas    un  régime 
j)articuli(M';  mais  l'expérience  leur  a  ]trouvô 
([u'cn  faisant  boire  et  manger  les    blessés, 
I  ellct  (lu  jtoison  (Mi  devient  plus   actif  et  les 
enlève  en  peu  de  temps.  Après  avoir-   incen- 
dié le  magasin,  les  Indiens  pillèi'enl  lo  coU" 


82S 


DOM 


DOM 


82C 


v(Mit  et  commirent  plusieurs  sacrilégos=  Ils 
tueront  un  cniantciui  tnun.iit  la  niachiiie  lij- 
(lrauli(iuo  dont  los  espagnols  so  scM'vaicul,  ot 
laissèrent  partout  des  traces  de  la  fureur  dont 
ils  étaient  animés  contre  de  bons  religieux: 
qui  ne  leur  avaient  jamais  fait  ([ue  du  bien. 
Dans  le  jardin,  tout  fut  cou{)é  ou  détrutt  par 
le  feu.  Le  frère  Dominique,  qui  était  depuis 
trois  jours  caelié  dans  les  roseaux,  en  sor- 
tit enlin  après  avoir  recommandé  son  Ame  à 
Dieu,  es|)érant  n'avoir  rien  h  ciaindrc  d'un 
grand  nombre  d'Indiens  qu'il  voyait  dans  le 
voisinage  et  dont  il  avait  toujours  été  l'ami. 
11  fut  traité  en  prisonnier,  et,  pendant  trois 
jours,  on  délibéra  sur  ce  qu'on  en  ferait.  Los 
uns  voulaient  le  sauver  parce  qu'on  i)0urrait 
s'en  servir  pour  faire  la  paix  avec  les  chré- 
tiens, les  autres  demandaient  sa  mort.  L'ar- 
rêt en  fut  prononcé  par  l'iniluence  d'un  In- 
dien nommé  Ortéguilla,  qui  avait  été  domes- 
tique dans  le  couvent.  La  victime  venait 
d'être  trois  jours  en  prières.  Ils  lui  passèrent 
une  corde  autour  du  cou  et  après  avoir  as- 
sommé ce  religieux  d'un  coup  de  hache,  ils 
le  traînèrent  dans  tout  l'endroit,  exerçant 
mille  outrages  sur  ses  restes  inanimés!  Le 
cruel  Ortéguilla  dépouilla  le  martyr  et  porta 
sa  robe  pendant  plusieurs  jours.  »  (OJ]uvres 
de  don  Barthélémy  de  Las  Casas,  tome  II, 
p.  490.) 

DOMINIQUE  (sainte),  vierge  et  martyre  en 
Campanio.  Cette  sainte  ayant  brisé  quelques 
idoles  sous  l'empereur  Dioclétien,  fut  ex- 
posée aux  bètes  ;  mais  n'en  ayant  reçu  aucun 
mal,  elle  eut  la  tète  tranchée,  et  son  âme 
glorieuse  s'envola  au  ciel.  Son  corps  est 
conservé  avec  une  grande  vénération  en  Ca- 
labre,  dans  la  ville  de  Tropée.  L'Eglise  fait 
sa  fête  le  6  juillet. 

DOMITIEN  {Titus  Flavius  Domitianus)  , 
fils  de  Vespasien  et  de  FlavieDomitille,  frère 
de  Titus,  naquit  le  24  octobre  de  l'an  51  de 
J.-C,  et  monta  sur  le  trône  en  81,  à  la  mort 
de  son  frère  Titus.  Les  commencements  de 
son  règne  donnèrent  à  espérer  aux  Romains 
qu'il  marcherait  sur  les  traces  de  Vespasien  et 
de  Titus  ;  mais  bientôt  son  naturel  féroce  prit  le 
dessus.  Néron,  Tibère,  devinrent  et  restèrent 
ses  modèles  :  il  eut  le  triste  honneur  de  les  éga- 
ler. Ses  débauches,  son  orgueil,  sa  cruauté 
froide  et  calculée ,  sa  haine  des  arts  ,  des 
sciences  et  des  lettres,  le  rangent  parmi  les 
plus  mauvais  de  ces  empereurs  qui  ont 
souillé  le  trône  des  césars. 

Domitien  a  persécuté  les  chrétiens,  quoi 
qu'en  ait  dit  Dodwel ,  auteur  qui  ment  plus 
qu'il  ne  se  trompe,  dans  le  but  d'amoindrir 
les  triomphes  de  l'Eglise  catholique.  On  ne 
dit  pas  qu'il  ait  porté  des  lois  et  des  édits 
nouveaux  contre  eux  ,  mais  il  fit  appliquer 
avec  une  grande  cruauté  ceux  que  Néron 
avait  promulgués.  Il  fit  mourir  son  cousin 
saint  Clément ,  consul ,  bannit  Domitille  , 
femme  de  saint  Clément ,  dans  l'ile  Pan- 
datarie ,  puis  une  autre  Domitille  encore 
(Flavie),  nièce  de  Clément,  dans  l'île  Ponce. 
Saint  Antipas  fut  martyrisé  à  Pergame;  saint 
Jean  l'Evangéliste  fut,  par  l'ordre  du  tyran  , 
plongé  dans  une  chaudière   pleine  d'huile 


bouillante,  près  de  la  porte  Latine  à  Rome. 
On  avait  fait  venir  (l'Ephèsf!  le  saint  vieil- 
lard ,  disci|)le  chéri  du  Sauveur.  Saint  Jean 
sortit  miraculeusement  sain  et  sauf  de  la 
chaudièreqni  aurait  dô  le  consumer.  Ce  mira- 
cle ne  toucha  pas  Domitien,  (jui  exila  le  saint 
apôtre  àPathmos.  Les  personnages  que  nous 
venons  de  citer  sont  les  plus  remarquables 
que  la  persécution  de  Domitien  ait  atteints; 
mais  il  existe  une  multitude  d'autres  saints 
qui  souffrirent  sous  le  règne  de  ce  prince. 
L'Italie,  les  Gaules,  l'Asie-Mineure  ,  furent 
arrosées  du  sang  des  martyrs.  Domitien  ne 
pouvait  pas  échapper  h  la  punition  qui  at- 
tend les  tyrans.  La  main  de  Dieu  commence 
souvent  le  chAtiment  ici-bas  :  celui  de  Do- 
mitien fut  terrible.  Il  faut  lire  les  écrivains 
du  temps  pour  se  rendre  compte  des  angois- 
ses, des  terreurs  qui,  incessamment  et  par- 
tout, assiégeaient  le  cœur  de  ce  tigre  cou- 
ronné. Enfermé  dans  son  palais  comme  une 
bête  féroce  dans  son  re[)aire,  il  tremblait  à 
chaque  bruit,  à  chaque  mouvement  :  il  voyait 
des  assassins  partout  ;  ses  gardes,  ses  do- 
mestiques, ses  proches  étaient  pour  lui  des 
ennemis  qu'il  croyait  toujours  disposés  à 
l'égorger.  On  raconte  qu'il  lui  arriva,  comme 
à  Néron,  d'accrocher  son  habit  à  un  clou  :  il 
se  crut  saisi  par  des  assassins  ,  il  se  mit  à 
pousser  des  cris  et  devint  livide  de  frayeur. 
11  avait  fait  construire  une  galerie  dans  son 
palais  pour  se  promener;  toutes  les  murail- 
les étaient  revêtues  de  pierres  et  de  lames 
polies  ,  miroirs  de  ces  temps  oii  les  glaces 
n'existaient  pas  :  le  tyran  voulait  qu'en  se 
promenant  son  regard  pîit  veiller  sans  cesse 
autour  de  lui,  pour  voir  si  personne  ne  le 
suivait.  Du  reste,  tout  le  monde  tremblait  à 
son  aspect.  Ce  palais,  cet  antre  oii  il  s'était 
renfermé,  on  craignait  autant,  dit  un  histo- 
rien, d'y  entrer  que  d'en  être  exclu.  Figu- 
rez-vous, si  vous  le  pouvez,  ce  prince  pro- 
menant dans  la  terreur  incessante  de  son 
âme,  sous  les  voûtes  solitaires,  le  souvenir 
et  le  remords  de  ses  crimes.  Chaque  pan  de 
muraille  lui  retrace  quelque  scène  sanglante; 
chaque  ombre  qui  se  projette  lui  semble  un 
mort  qui  passe  ;  chaque  bruit  qui  se  fait  lui 
apporte  comme  un  cri  de  ses  victimes.  Ah  ! 
c'est  que  le  tyran  qui  veut  fuir  le  remords 
et  le  châtiment,  qui  s'enferme  dans  un  pa- 
lais environné  de  gardes  et  hérissé  de  pré- 
cautions, enferme  avec  lui  un  Dieu  vengeur 
qui  le  suit,  qui  le  tient,  et  qui,  à  point  nom- 
mé et  l'heure  venue  ,  le  frappe  et  l'écrase. 
La  mort  de  Clément ,  son  cousin  ,  fut  ce 
qui  hâta  le  plus  la  sienne.  Etienne,  affranchi 
et  intendant  des  biens  de  sainte  Domitille, 
femme  de  Clément  ,  aj-ant  été  inquiété  par 
Domitien,  qui  voulait  qu'il  rendît  compte  de 
sa  gestion ,  se  joignit  aux  ennemis  de  ce 
prince,  qui  conspiraient  pour  le  tuer.  Il  s'of- 
frit même  à  être  l'exécuteur  de  la  sentence. 
Parthène,  chambellan  de  Domitien,  était  dans 
la  conjuration.  Le  18  septembre,  Domitien 
rentrait,  après  avoir  vidé  différents  procès; 
il  était  onze  heures  du  matin.  Comme  il  vou- 
lait aller  au  bain  pour  dîner ,  Parlhène  l'a- 
vertit que  quelqu'un  l'attendait  pour  lui  dire 


tn  DOM 

quelque  cnose  d'important  et  de  pressé.  Sur 
cela,  il  lit  retirer  tout  le  monde.  Eiienne  fut 
introduit  avec  le  bras  gaurhc  en  écharpe  , 
comme  s'il  eût  é[é  i)lessé.  11  pr(5senta  à  L'o- 
mitien  un  mémoire  sur  une  prc^tcntlue  con- 
juration ourdie  \m\v  Clément,  son  cousin,  qui, 
disait  Etienne,  n'avait  pas  été  tué.  Connue  Do- 
milien  lisait,  Etienne,  qui  avait  un  poignard 
caché  dans  son  és-harpe,  le  lui  plo  igea  dans 
le  ventre.  Domitiemriaau  sccoiu's,  deman- 
dant son  épée,  un  paj:»'  accourut,  et  voulant 
la  [)rendrc  au  clievct  du  lit,  où  elle  était  or- 
dinairement, il  ne  trouva  plus  (jue  le  four- 
reau :  toutes  les  précaulions  avaient  été 
prises.  Alors  Doinitien,  faisant  un  suorèmc 
effort,  terrassa  Etienne,  cherchant  à  lui  arra- 
cher les  yeux,  quoique  dans  la  lutte  il  se 
fût  alfreusement  blessé  les  mains.  Parthène, 
voyant  la  lutte  se  prolonger,  entra  et  acheva 
ou  ht  achever  Domitien.  Quelques  soldats 
étant  arrivés  sur  ces  entrefaites ,  tuèrent 
Etienne. 

Ainsi  périt  ce  tyran,  que  l'histoire  a  placé 
près  des  Néron  et  Vies  Tibère.  Après  sa  mort, 
le  sénat  le  déclara  ennemi  public;,  décréta 
qu'il  serait  enterré  comme  un  gladiateur,  lit 
renverser  ses  statues  et  effacer  des  monu- 
ments publics  les  inscriptions  qui  pouvaient 
conserver  sa  mémoire.  H  existe  encore  plu- 
sieurs marbres  où  son  nom  a  été  etfacé.  Do- 
mitien mourut  âgé  de  près  de  quarante-cinq 
ans  (4i  ans  10  mois  et  2G  jours).  Il  avait  ré- 
gné quinze  ans  et  cinqjours. 

Do  iwel  ayant  prétendu  que  sous  les  em- 
pereurs romains  il  y  avait  eu  très-peu  de 
martyrs,  Dom  Uuinart  fait  les  réflexions  sui- 
vantes à  propos  de  Donritien  : 

«  Après  la  mort  Je  N'ron,  l'Eglise  respira 
un  peu ,  et  demeura  tranqudle  durant  les 
trouhiesqui  agitèrent  remuire;  mais  Domi- 
tien étant  monté  sur  le  trône,  la  persécution 
reprit  de  nouvelles  fjrces.  «  Car  cet  empe- 
«  reur,  dit  Eiisèbi,',  ht  gloire  d'être  le  succes- 
«  seur  de  Néron  ,  dans  son  imj)iélé  et  dans  la 
«  guerre  sacrilège  que  co.  détestable  jjrince 
«  avait  faite  à  Dieu.  »  Dodwel  ne  peut  se  dé- 
fendre d'admettre  cette  persécution  ,  mais  il 
l'abrège  le  plusfiu'il  |)eut.  Selon  lui,  à  [)eine 
a-t-elle  duré  un  an;  il  veut,  de  plus,  qu'elle 
ait  été  fort  modérée  ,  qu'on  n'y  ait  point  ré- 
pandu d(!  sang,  (ju'on  n'y  ait  vu  ni  suj)plices, 
ni  tortures.  Il  prétend  prouver  son  peu  de 
durée  par  un  argument  invincible  ,  tiré  do 
Brulius,  rappo/'té  par  Eusèb(! ,  (pii  raconte 
que  Doinitille,  nièce  du  consul  Flavius  Clé- 
ment ,  fut  envoyée  en  exil  avec  d'autres 
chrétiens,  l'année  du  consulat  de  son  oncle, 
et  la  fpiin/ième  du  règne  de  Domitien,  Or, 
ce  prince  eriti-a  au  mois  de  septinubre  d  uis 
la  quinzième  anné(!  de  son  enq)ir(!  et  de  sa 
chargi!  d(;  tribun,  et  au  même  mois  d(î  l'an- 
née suivante  il  fut  tué  ,  après  avoir  fait  ces- 
ser la  persécution,  ainsi  rpn;  l'assun;  Ter- 
tullien  :  donc,  selon  Dodwel,  on  ne  peiil 
étendre  la  f)ei'sé(Mli()n  au  del.i  d'une  année. 
Voici  |(;s  paroles  di'  ce  l'ère;,  dans  son  .l/^o- 
lo(/(Ulmu'.  :  «  Doinilien,  quiavail  une  portion 
«de  i'Aine  do  Néron,  avait  voulu  d'.iooid 
«  faire  «piohiueb  essais  de  cruauté,  mais  il 


DOM 


9» 


«  ne  continua  pas;  et  ayant  rappelé  ceux  qu'il 

«  avait  exilés »  Dodwel  conclut  de  ce 

passage  que  Domitien  eut  à  la  vérité  quelque 
dessein  de  former  une  persécution  ,  mais 
qu'il  ne  ht  cpie  l'ibaucher;  qu'il  voulut  être 
cruel ,  mais  {]\i'\\  ne  le  fut  pas  en  eltet;  qu'il 
se  cotitenta  de  relégiu'r  ceux  qui  confessèrent 
Jésus-Christ,  sans  répandre  leur  sang  ni  leur 
ôterla  vie  ;  et,  si  l'on  en  veut  croire  cet  ajiolo- 
gisledestyrans,lesmonuments  de  l'Eglise  les 
plus  certains  ne  peuvent  nous  foui  nir  durant 
ce  petit  intervalle  que  des  noms  de  chrétiens 
exilés. 

«  Mais  toute  l'induction  q\i"on  peut  tirer 
de  cet  endroit  de  Hrutius  ,  dont  Dodwel  se 
sert  pour  prouver  le  peu  de  durée  de  cette 
persécution  ,  ne  conclut  autre  chose,  sinon 
que  la  ti'm[)ête  excitée  par  Domitien  contre 
l'Eglise  rébranla  avec  plus  de  violence,  la 
quinzième  année  de  cet  empereur,  mais 
qu'elle  avait  déjà  commencé  à  l'agiter  plu- 
sieurs années  auparavant.  Et  Eusèbe  lui- 
même,  qui  sans  doute  avait  lu  Brulius  (car 
nous  devons  à  Eusèbe  tout  ce  qui  nous  reste 
de  cet  auteur) ,  Eusèbe  ,  dis-je,  en  met  le 
commencement  deux  ans  avant  l'exil  de  Do- 
niitille,  et  il  est  suivi  en  cela  par  l'auteur  de 
la  Chronique  pascale.  Le  savant  P.  Pagi , 
marchant  sur  les  traces  de  ces  deux  anciens 
historiens,  le  Oxe  en  l'année  93  ,  quoique  le 
cardinal  Baronius  le  fasse  remonter  deux 
ans  plus  haut.  Saint  Jérôme  n'est  pas  moins 
contraire  à  l'opinion  de  Dodwel  ,  puisqu'il 
attache  le  martyre  de  saint  Jean  h  la  quator- 
zième année  de  Domitien.  Et,  certes  ,  il  y 
avait  déjà  longtem[)s  que  ce  prince  impie 
voulait  [)asser  pour  dieu,  et  se  faisait  rendre 
les  honneurs  divins  ,  ainsi  que  nous  l'ap- 
j)renons,  non-seulement  d'Eusèbe  et  des  au- 
tres auteurs  chrétiens,  mais  des  païens  mê- 
mes. Eniin,  les  actes  de  saint  Ignace  ,  mar- 
tyr, écrits  par  un  auteur  contem[)orain,  et 
reconnus  par  Dodwel,  prouvent  invincible- 
ment que  cette  persécution  a  été  beaucoup 
plus  longue  (pi'on  ne  prétend.  Ces  actes  por- 
tent qu'Ignace  soutint  plusieurs  tempêtes  (pie 
la  fureur  de  Domitien  avait  excitées  con- 
tre l'Eglise.  11  importe  donc  peu  que  les 
chrétiens  exilés  par  Domitien  aient  été  rap- 
pelés du  vivant  de  cet  empeieur,  comme  Ter- 
tullieii  semble  l'insinuer,  ou  du  règne  de 
son  successeur  Nerva.  Eusèbe  atlrd)ue  ce  ré- 
tab'issfuncnit  h  ce  dernier,  sans  s'arrêter  au 
passage  de  Tertullien,  (pi'il  ne  laisse  nas  de 
citiM",  et  il  a|)puie  so!i  sentiment  sur  le  té- 
moignage de  c(nix  qui  ont  écrit  riiisloircde 
ce  t(nii|)S-là.  Cléiu(nit  d'Alexandrie  dit  la  mê- 
me chose,  et  Dion  de  \i[tlulin  fait  rappeler 
par  Nerva  ceux  (pii  avaient  élé  convaiiu  us 
d'impiété  sous  son  prédécesseur  :  c'est  ainsi 
quil  nomme  les  chrétimis.  lùilln,  saint  Jean 
jKi  retourna  de  son  exil  à  Ephèse  (pra|)rès 
que  Doinitien  eut  été  tué,  el  (pn;  le  sénat  (nit 
cassé  tout  ce  qui  avait  été  fait  par  cet  (un- 
|)(n-eiii\ 

'<  Au  reste,  le  seul  excnnple  de  saint  Jean 
montre  assez  (jue  cette  persécutiori  ne  de- 
lueiiia  pas  dans  les  bornes  qu'il  plail  à  Dod- 
wel de  lui  i)rescrire,  et  ipi'ellc  lut,  au  con- 


•29 


DOM 


DOM 


830 


traire,  poussée  jusqu'à  rt^pantlre  le  sang  des 
fidèles;  car  quoique  la  vi(^  de  cet  apAtre  cflt 
été  coMsei'X'e  par  un  nuracle,  il  n'en  avait 
pas  moins  Hô  condauiiu^  h  la  perdre.  L'Apo- 
calypse a  eonsacr(^  la  iiicnioire  du  uiarlyro 
de  saint  Anlipas,  qui  soullVit  à  IVr^anuMlans 
le  mÙMU'  tetui'S.  Uodwel  veut  que  ce  fol  |>ar 
une  t^niol  on  populaire;  mais  d'où  l'a-t-il 
appris?  Du  moins,  les  Aet(-s  de  ce  martyre 
portent  (pi'il  l'iit  il  la  vérité  arrêté  par  un 
peuple  furieux  et  animé  contre  les  chrétiens; 
mais  ils  ajoutent  qu'il  i'ul  conduit  devant  le 
juge.  Ce  magistrat  le  menaça  de  lui  l'aire  en- 
duier  les  supplices  pi-escrils  ])ar  les  lois  ro- 
nia  nés  s'il  ?i'ol)éissail  aux  édils  des  em[)e- 
reurs,  et  s'il  continuait  à  nK-pi-iser  le  culte 
des  dieux.  Kl,  sur  le  refus  qu'il  en  tit,  il  fut 
traîni'  devant  le  teuq)le  de  Diane,  et  enfermé 
dans  lui  taureau  d'aii-ain  ,  cpi'on  avait  fait 
rougii'  au  feu  ,  où  il  linit  sa  vie.  Tout  cela  , 
ce  me  semble,  a  fort  l'air  d'une  pi'rséculion 
ouverte.  Mais  rien  n'est  plus  à  notre  avan- 
tage ipie  ce  (pie  Brutius  dit  dans  la  chroid- 
que  et  dans  l'histoire  d'Eusèhe.  11  y  dit  for- 
mellement que  ,  sous  Donùtien  ,  plusieurs 
chrétiens  entlurèrent  le  martyre....;  que  de 
ce  nombre  fut  Domitille  qui,  avec  beaucoup 
d'autres,  fut  envoyée  en  exil.  Et,  sans  doute, 
la  considération  du  sexe  et  les  égards  qu'on 
eut  pour  la  naissance  dect's  personnes,  adou- 
cit leur  peine;  mais  pour  ceux  que  rien  ne 
distinguait  dans  le  monde,  on  doit  dire,  ou 
qu'ils  périrent  par  divers  sui)plices,  ouqu'ds 
furent  dépouillés  de  tous  leurs  biens,  ou 
qu'un  bannissement  honteux  fut  leur  par- 
tage. Et  ce  n'est  nullement  là  une  simple 
conjecture,  puisque  Dion  le  rapporte  ainsi , 
en  lernii's  exprès  :  «  La  même  année  ,  dit 
«  cet  auteur  ,  Doaiilien  fil  mourir  plusieurs 
«  chrétiens ,  et  entre  autres  le  consul  Fla- 
«  vius  Clément,  quoiqu'il  fût  oncle  de  l'ein- 
«  pereur,  et  qu'il  eût  épouse  Flavie  Domi- 
«  fille,  ^a  parente  très-[)roche ,  l'un  et  l'au- 
«  ti  e  ayant  été  accusés  du  crime  d'impiété. 
«  Ce  crime  lit  périr  un  très-grand  nombre  de 
•x.  ceux  qui,  abandonnant  l'ancienne  r(>ligion 
«  des  Romains ,  avaient  embrassé  celle  des 
«  Juifs  (caries  païens  appelaient  les  chrétiens 
«  des  gens  convaincus  de  juilaisme,  d'athéis- 
«  me  et  d'impiété).  L'empereur  eut  quelque 
«  égard  pour  Doraitil.e  :  il  se  contenta  de 
«  l'exiler  dans  l'de  Pandatarie  ;  mais  pour 
«  (ilabrion,  prévenu  du  même  crime  ,  il  fut 
«  tué  par  l'ordre  de  Domitien,  quoiqu'il  eût 
«  été  le  collègue  de  Trajan  dans  une  des 
«  plus  considérables  magistratures  de  l'em- 
«  pire.  «Ainsi  on  peut  dire,  avec  Tertiillien, 
ciue  cet  emi)ereur  éjjrouva  la  constance  des 
cHirétiens  par  le  fer  et  pat  l'exil  ;  ainsi  l'on 
peut  recevoir  sans  scrupule  les  monuments 
qui  nous  dépeignent  le  combat  et  la  mort  de 
quelques  martyrs,  qui  furent  couronnés  du- 
rant la  persécution  de  Domitien.  » 

DOMITIEN  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi,  à  Philadelphie,  en  Arabie,  avec 
les  saints  Cyrille,  Aquilas,  Pierre,  Kuf  et 
Ménandre.  Ou  ignore  la  date  de  leur  mar- 
tyre. L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  1" 
août. 


DOMITIEN  (saint),  évô(|ue  et  confesseur, 
sonllrit  pour  la  foi  à  CliAlons-sur-Marne. 
On  n'a  pas  de  détails  sur  les  circonstances 
de  ses  combats.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  lo 
9  août. 

DOMITIEN  (saint),  martyr,  l'un  des  qua- 
rante martyrs  de  Sébaste,  sous  LiciniuS. 
{Vol/.  Maktvus  de  Sébaste.) 

DOMITIEN  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre  à  Ancyre  en  (iaialie,  avec  le  prêtre 
saint  l-:ulyche.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le 
28  déc(nnbre. 

DOMITIEN,  oflTicier  d'Aurélien,  envoyé 
])ar  ce  pr:nce  à  Icône  pour  y  uersécuter  les 
(•(uéliens,  est  probidjiement  le  môme  que 
le  Donnlien,  général  suus  (iallien,  qui  vain- 
quit Macrien  et  son  lils.  Cet  honuue,  (pii  des- 
cendait de  l'empereur  Domitien  {)ar  Flavie 
Domitille,  ne  faillit  point  à  hon  sang.  Il  per- 
sécuta avec  fureur  les  chrétiens.  Saint  Co- 
non  et  son  lils  furent,  par  ses  ordres,  sou- 
mis à  d'atroces  supidices.  On  les  étendit  sur 
le  lit  de  fer  embrasé,  sur  des  charbons  ar- 
rosés d'huile  ;  on  les  mit  dans  une  chau- 
dière pleine  d'huile  bouillante,  on  leur  cou- 
pa les  mains.  Quoique  les  dates  contrarient 
un  ))eu  cette  opinion,  nous  inclinons  forte- 
mont  à  croire  que  ce  Domitien  est  celui 
qu'Aurélien  fit  mettre  à  mort  parce  qu'il  le 
soupçonnait  d'avoir  voulu  usurper  l'empire. 

DOMITILLE  (sainte),  fille  de  Domitille, 
sœur  de  Domitien,  était  femme  de  saint 
Clément,  qui  fut  consul  en  95  sous  Domi- 
tien, et  que  ce  prince  fit  mourir  comme 
chrétien.  Elle  fut  exilée  daiiS  l'de  Pandata- 
rie, comme  coupable  du  même  crime  que 
son  mari. 

DOMITILLE  (sainte),  Flavia  Domitilla, 
nièce  de  saint  Clément,  martyr  et  cousin  de 
Domitien.  Suivant  Eusèbe  (1.  m,  ch.  18), 
elle  était  fille  d'une  sœur  du  consul  Clé- 
ment (1).  Deux  de  ses  serviteurs,  saint  Né- 
réc  et  saint  Achilléc,  furent  décapités  à 
Terracine  par  ordre  de  Domitien.  Pour  elle, 
s'il  faut  en  croire  les  Actes  donnés  par  Bol- 
landus  (12  mai,  p.  13  A),  elle  fut  enfermée, 
sous  Trajan,  dans  une  chambre  à  Terracine, 
puis  on  y  mit  le  feu.  Ces  Actes  sont  loin 
d'être  authentiques  :  toiit  ce  que  nous  sa- 
vons de  positif,  c'est  qu'elle  fut  exilée  par 
Domitien  dans  une  île  voisine  de  Pandatarie 
et  nommée  lie  Pontia  ou  Ponce.  Trois  cents 
ans  après  on  voyait  encore  les  cellules  dans 
lesquelles  elle  avait  demeuré.  Sainte  Paule 
les  vit  eu  allant  à  Jérusalem,  vers  la  fin  du 

(l)  Beaucoup  d'auteurs,  même  recoramandahies, 
confoiideiit  saiiUe  Flavie  Domilille,  avec  Douiilille, 
femme  du  consul  Clémenl.  A  celte  erreur  nous 
n'opposerons  qu'un  fait.  L'Eglise,  qui  ne  se  trompe 
pas,  îionore  sainte  Flavie  Domilille  comme  martyre 
et  comme  vierge.  Or,  Domilille,  femme  de  Clément, 
eut  une  fille  nommée  comme  elle  Domitille,  laquelle 
épousa  Flavius  Onésymus.  TréboUius  PoUion,  pour 
Tannée  205  {Sub  Gullictio  tyrannorum  liistoria,  c. 
11,  de  3/fffr»«no),  parle  d'un  Domitien,  honniie  de 
guerre  remarquaiile,  lequel  descendait  de  Domilille 
n)  riéo  à  Chinent.  D'ailleurs  on  sait  que  Clément 
avait  deux  lils  que  Doruiiien  avait  adoptés,  Vespa- 
sien  el  Domitien. 


8M  DOM 

IV'  siècle.  Sainte  Domitille  mourut-elle  dans 
l'île  Ponce  ?  Mourut-ello  martyre?  ce  sont 
(les  questions  sur  lesquelles  plane  le  doute. 
Il  est  certain  qu'elle  soull'rit  poui-  la  foi,  et 
l'Eglise  rhonore  comme  une  sainte,  le  12 
mai,  le  7,  suivant  le  Martyrologe  romain. 

DOM  JEAN,  Abyssinien,  fut  emprisonné 
le  30  septembre  16'i.8,  en  Abyssinie,  sous  le 
rè,4;ne  et  duiaut  la  persécution  de  Basilides, 
Négous  de  ce  i»ays,  en  haine  de  la  religion 
catholique.  Il  eiît  pour  compagnons  de  sa 
captivité  Ihum  Laça  Mariam,  Dom  Théodore 
et  Dom  Melca  Christos. 

DOMMUS  (saint),  martyr,  l'un  des  qua- 
rante martyrs  de  Sébaste,  sous  Licinius. 
{Voj/.  jMartirs  de  Sébaste.) 

DOMNE  (sainte),  martyre,  eut  l'avantage 
de  mourir  pour  sa  foi  à  Nicomédie,  durant 
la  persécution  que  Dioclétien  Ht  souffrir  aux 
chrétiens.  Elle  eut  pour  compagnons  de  son 
glorieux  martyre  saint  Idnès,  un  des  offi- 
ciers du  palais,  et  les  saintes  Agape,  Théo- 
phile et  leurs  courageux  compagnons,  que  le 
Martyrologe  romain  ne  nomme  pas.  L'E- 
glise honore  leur  mémoire  le  28  décembre. 

DOMNIN  (saint),  martyr,  était  un  des 
chambellans  de  l'empereur  Maximien  Her- 
cule, le(iuel  avait  établi  sa  cour  à  Milan,  en 
l'an  de  Jésus-Christ  304,  Comme  la  persécu- 
tion sévissait  avec  rage  contre  les  chrétiens, 
il  prit  secrètement  la  fuite  pour  se  rendre 
à  Rome  ;  mais  des  soldats,  détachés  à  sa 
poursuite,  l'arrêtèrent  sur  la  voie  Clau- 
ciiennc,  entre  Parme  et  Plaisance,  et  lui  tran- 
chèrent la  tète.  Le  lieu  où  il  fut  mis  à  mort 
et  ensuite  enterré  a  pris  son  nom.  Aujour- 
d'hui on  l'appelle  Burgos-San-Domnino.  La 
fôte  de  ce  saint  est  inscrite  au  Martyrologe 
romain  sous  la  date  du  9  octobre. 

DOMNIN  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre le  même  jour({ue  saint  Philémon.  Nous 
n'avons  aucun  détail  conceinant  ces  deux 
saints.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  29  mars. 

DOMNIN  fsaint),  martyr,  reçut  la  palme 
du  martyre  à  Thessalonique  avec  saint  Vic- 
tor et  d'autres  encore  dont  les  noms  ne  nous 
sont  point  parvenus.  L'Eglise;  célèbre  la  mé- 
moire inmiortelle  de  ces  saints  le  30  mars. 

DOMNIN  fsaint),  souffrit  le  martyre  sous 
l'empereur  xMaximin  avec  les  saints  Théo- 
time ,  Philatée ,  Sylvain  et  leurs  compa- 
gnons, dont  les  noms  ne  nous  sont  point 
[)arvenus.  L'Eglise  fait  la  mémoire  de  ces 
courageux  combattants  le  5  novembre. 

DOMNIN  (saint),  martyr,  fut  martyrisé 
sous  rem])er(!ur  Maximien  h  Tli(ïssaloni(]ue. 
Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  doiuKMil  pas 
de  détails  sur  lui.  L'Kglise  célèbre;  la  mé- 
moire do  ce  saint  (lombattant   le  L'  oclobre;. 

DOMNIN K  (sainte),  martyre;,  apparleiiail  il 
l'uni;  (les  familles  les  |)lus  élt;vées  d'Anlio- 
cIk;;  mais  sa  ve.-itu,  sa  beauté,  son  esprit, 
faisai(Mit  oublier  cet  avantage.  Elle  était  au- 
dessus  de  la  plus  haute  naissance.  Elle  avait 
d<;u\  lilles,  liéréniee;  et  Pr()S(loce ,  (pi'elle 
cvail  fait  élever  sous  s(;s  yeux.  Toute;  mère 
eJ(!Viail  ,  epaanel  sa  neisitieni  le;  pe'i'ine't ,  eri 
faire  autant.  L'aile;  eMine-  tnère;  e'st  le;  me'il- 
leur  ani  i   (^u'un»;   lille  puisse  avoir.   Ou   ne 


DOM 


8Si 


trouve  point  ailleurs  ce  que  Dieu  a  mis  là. 

Nulle  part  la  vertu,  l'innocence  ne  sont 
aussi  en  sûreté,  nulle  part  le  cœur  ne  se 
dévelop|)e  aussi  bien.  Les  deux  jeunes  filles, 
dignes  de  leur  mère  par  leur  piété,  avaient 
reçu  d'elle,  avec  les  avantages  de  l'Ame,  la 
beauté  la  plus  éclatante.  Quand  Dioclétien 
publia  ses  derniers  édits,  la  mère  et  les 
deux  filles  s'enfuirent  à  Edesse.  Les  dan- 
gers, les  fatigues  du  voyage  ne  furent  point, 
disent  les  Actes  de  sainte  Domnine,  capa- 
bles de  la  rebuter.  Naïveté  de  légende 
comme  on  en  trouve  souvent,  même  dans 
les  meilleures.  Il  est  évident  que  quand  on 
prend  la  fuite  pour  éviter  un  péril,  on  a  pré- 
féré les  fatigues  et  les  dangers  de  la  fuite  au 
péril  auquel  on  cherche  à  se  soustraire.  Les 
édits  ordonnaient  aux  chrétiens  de  livrer 
leurs  propres  parents.  Le  mari  de  Domnine 
eut  l'atroce  lâcheté  d'obéir  aux  édits  ;  il  dé- 
nonça sa  femme  et  ses  filles.  On  promettait 
la  vie  à  ces  traditeurs  du  sang  de  leurs  pro- 
ches, c\  ces  assassins.  Comment  faut-il,  mon 
Dieu,  que  certains  hommes  aient  le  cœur 
fait,  si  une  vie  ainsi  sauvée,  ainsi  achetée, 
n'est  pas  pour  eux  cent  fois  pire  que  les 
plus  grands  supplices?  Sur  cette  dénoncia- 
tion, la  sainte  et  ses  filles  furent  arrêtées. 
On  les  conduisit  à  H-iéraple  en  Syrie.  Du- 
rant la  route,  elles  trouvèrent  moyen  d'é- 
chapper à  la  surveillance  de  leurs  gardes,  et, 
ayant  pris  la  fuite,  allèrent  se  je-ter  dans  une 
rivière  oii  elles  furent  noyées.  En  s'y  jetant, 
elles  prirent  soin  de  bien  se  couvrir  de  leurs 
vêtements,  de  peur  que,  même  mortes,  elles 
fussent  exposées  à  être  vues  découvertes. 

L'Eglise  a  mis  ces  trois  femmes  au  nom- 
bre des  saintes.  Dieu,  sans  doute,  lui  a  ins- 
piré cette  décision,  car  leur  conduite  est 
tout  à  fait  en  dehors  des  règles  ordinaires. 
On  peut  dire  et  on  a  dit  qu'elles  se  donnè- 
rent la  mort  poni-  éviter  d'être  victimes  ele 
la  lubricité  de  ceux  qui  les  conduisaient  ;  on 
ne  détruit  jjoint  cette  vérité,  que  nul  n'a  le 
droit  de  disposer,  môme  en  face  d'un  danger 
quelconque,  ele  la  vie  qu'il  a  reçue  de  Dieu. 
Leurs  Actes  disent  qu'une  inspiration  parti- 
culière de  Dieu  les  a  autorisées  à  suivre 
cette  conduite  exceptionnelle  :  bien  d'autres 
fois,  dans  le  cours  de  ce  travail ,  nous  avons 
vu  que  ,  dans  le  cas  où  ses  saintes  étaient 
exposées  aux  brutalités  de'S  peM'sécutions,  il 
trouvait  moyen  de  les  |)rotéger.  On  admet- 
tra difficilement  cjuc  dans  celte  circonstance 
Dieu  n'eût  pas  e'm|)loyé  un  moyen  quel- 
conejue  pour  soustraire;  la  sainte  et  ses  deux 
lilh's  aux  attentats  de  leurs  gardiens.  Mais 
nous  aime)ns  mieux  excuser  les  saintes,  en 
alléguant  la  pureté  de  leur  cœur  «'t  la  bonté 
de;  le.!urs  inte'ntions.  Ce;s  elisposilions  purifient 
te)us  les  ae:te's,  epie;ls  epi'ils  se)ie'iU,  e'I  Iranslbr- 
nH'ut  se)uve'nt  en  nu'iile's  aux  ye'ux  élu  Sei- 
gne'ur  ce;  epii  paraît  blâmable-  e)u  même'  cri- 
minel aux  yeux  devs  Iionnne's.  L'Eglise  cé- 
lèbre; la  fêle  (le;  sainte  De)nuiiue;  et  do  ses 
de;nx  lill(;s  le  4  ocleibre. 

Ne)us  faisons  suivre,  el'après  Uuinart,  les 
Aeles  autlie'uliipn's  ele  cette  sainte'  martyre 
et  de;  ses  deux  lilles. 


833 


DOM 


DOM 


834 


Il  n'y  a  que  trois  semai  nos  que  nous  coio- 
brions  la  ioto  de  la  croix,  et  nous  soleuni- 
sons  (léjh  celle  des  martyrs.  O  aduiirable  IV- 
coudilé  du  sang  de  Jésus-Christ  !  ,h  f)eine 
a-t-il  louché  la  terre  (lu'elle  produit.  II  n'y  a 
encore  cjue  vingt  jours  que  cet  arbre  a  été 
planté,  et  il  nous  donne  déjh  des  fruits  ; 
car  eului  la  mort  de  ces  trois  admirables 
personnes  dont  nous  faisons  aujourd'hui  la 
nunuoire,  (lu'est-ce  autre  chose  ([u'un  ex- 
cellent fruit  de  la  mort  de  Jésus-Christ  ?  Ces 
victimes  ont  été  immolées  pour  ce  divin 
Agneau;  ces  génisses  choisies  dans  le  trou- 
peau ont  été. égorgées  pour  cette  innocente 
brebis  ;  et  ces  oblations  ne  sont  agréables  à 
celui  a  ([ui  elles  sont  faites  (ju'en  vue  de  ce 
premier  sacrilice.  Vous  pouvez  voir  aujour- 
d'hui une  démonstration  évidente  de  ce  que 
j'avance  dans  le  discours  que  je  vous  (is  le 
jour  de  la  solennité  de  la  croix.  Je  vous  dis, 
en  parlant  du  Fils  de  Dieu,  (ju'il  avait  brisé 
les  portes  d'airain  et  les  verrous  de  fer 
{IsaiCy  XLV,2).  S'il  n'avait  en  ell'ot  enfoncé 
ces  portes,  des  femmes  auraient-elles  eu  as- 
sez de  force  pour  les  rompre?  S'il  n'avait 
mis  en  pièces  ces  verrous,  de  jeunes  vierges 
auraient-elles  pu  facilement  les  arracher? 
Et  s'il  n'avait  entin^rendu  la  prison  un  lieu 
agréable,  nos  saintes  martyres  y  seraient- 
elles  enti'ées  avec  tant  de  joie?  Que  le  Sei- 
gneur soit  béni  :  le  sexe  le  plus  timide  ose 
atfronter  maintenant  la  mort  ;  ce  sexe,  qui 
autrefois  l'introduisit  dans  le  monde,  la  foule 
aujourd'hui  aux  pieds  ;  ce  sexe,  qui  avait 
servi  de  dard  au  démon  pour  frapper  mor- 
tellement le  premier  homme,  se  tourne  à 
présent  contre  le  démon  môme,  et  le  perce 
de  mille  coups  ;  ce  sexe  qui  n'était  aupara- 
vant qu'un  faible  roseau,  devient  entre  les 
mains  de  Dieu  une  flèche  dont  il  se  sert 
pour  terrasser  ses  ennemis.  Des  femmes  at- 
taquent la  mort,  elle  qui  fait  trembler  les 
plus  hardis  ;  elles  lui  insultent.  Qui  n'admi- 
rera une  hardiesse  si  peu  commune  ?  Que 
les  gentils  rougissent  de  honte;  que  les 
Juifs  meurent  de  confusion  de  ne  pas  croire 
la  résurrection  de  Jésus-Christ.  Quel  argu- 
ment plus  fort  veulent-ils  de  cette  résurrec- 
tion ,  que  ce  prodigieux  changement  qui 
s'est  fait  dans  la  nature?  Des  hommes  ont 
craint  la  mort  ;  je  dis  les  plus  saints,  les  plus 
braves,  des  héros  de  l'ancienne  loi,  des  pa- 
triarches, des  rois;  ils  ont  fait  ce  qu'ils  ont 
pu  pour  éviter  ses  traits  ;  et  de  simples  fem- 
mes de  la  loi  nouvelle  vont  au-devant ,  elles 
se  les  portent  elles-mêmes  dans  le  sein. 
Ecoutez-douc,  mes  frères,  l'élogeque  j'entre- 
prends de  faire  de  nos  illustres  martyres,  si 
toutefois  votre  attention  ne  se  sent  point  fa- 
tiguée des  discours  précédents.  Mais  il  nous 
faut  reprendre  la  chose  de  plus  haut. 

Jamais  l'Eglise  n'avait  été  agitée  d'une 
plus  violente  tempête  qu'elle  le  fut  au  com- 
mencement du  siècle  passé.  Trois  empe- 
reurs (Dioclétien,  Maximien  et  Galère)  ayant 
réuni  toute  leur  puissance  contre  elle,  lui 
déclarèrent  la  guerre  dans  toutes  les  parties 
du  monde;  l'attaquèrent  au  dedans  et  au  de- 
hors, et  elle  se  vil  tout  à  la  fois  deux  guerres 


sui'  l(!S  bras,  une  guerre  civile  et  une  guerre 
étrangère;  elle  avait  h  sa  défcndrti  d'enne- 
mis déclai'és  et  d'ermemis  '(^ouverts.  Une 
S(!ule  d(!  ces  guerres  eût  été  déjà  pour  elle  un 
très-grand  mal  ;  qu(!l  devail  être  l'état  dé- 
plorable où  elle  se  trouvait,  se  voyant  d'un 
coté  exposée  aux  embûches  secrètes  des  î 
siens ,  et  d'un  autre  aux  incursions  des 
étrangers?  Mais,  ajjrès  tout,  la  violence  de 
ceux-ci  était  [)our  elle  moins  à  craindre  (jue 
la  trahison  de  ceux-là.  Il  est  bien  plus  facile 
de  se  garantir  d'un  ennemi  reconnu  pour 
tel  et  qui  condjat  à  force  ouverte,  que  d'é 
viter  les  surprises  d'un  traître  qui,  sous  une 
fausse  apparence  d'amitié,  cache  le  cœur  et 
les  desseins  d'un  ennemi.  L'Eglise  avait 
donc,  comme  nous  venons  de  dire,  deux 
guerres  à  soutenir,  l'une  civile  et  l'autre 
étrangère  ;  ou,  pour  parler  plus  véritable- 
ment, l'une  et  l'autre  civile.  Car  ceux  qui 
l'attaquaient  au  dehors  étaient  les  juges,  les 
magistrats;  des  troupes  de  soldats,  non  des 
juges  étrangers,  ni  des  magistrats  d'un  au- 
tre empire,  ni  des  soldats  tirés  de  quelque 
nation  barbare,  mais  tous  Romains,  tous  vi- 
vant sous  les  mêmes  princes,  gouvernés  par 
les  mêmes  lois,  tous  membres  d'une  même 
république.  Mais  celle  dont  elle  avait  à  se 
défendre  au  dedans  de  la  part  de  ses  pro- 
ches pouvait  passer  pour  une  guerre  plus 
que  civile.  Car  on  voyait  le  frère  livrer  le 
frère,  le  père  ses  enfants,  le  mari  sa  femme. 
Nulle  sûreté,  nulle  fidélité  du  côté  des  pa- 
rents ;  le  sang  avait  perdu  ses  privilèges; 
les  droits  les  plus  sacrés  de  la  nature,  les 
liens  les  plus  serrés  de  l'amitié,  l'alliance  la 
plus  étroite,  tout  cela  n'était  plus  que  des 
liaisons  imaginaires,  ou  tout  au  |)lus  exté- 
rieures, et  purement  politiques.  Ces  unions, 
si  saintes  et  si  vénérables  aux  peuples  même 
les  moins  civilisés,  n'étaient  plus  connues 
des  Romains  ;  on  les  violait,  on  les  rompait, 
on  les  foulait  aux  pieds  impunément.  Ce  fut 
durant  ces  troubles  domestiques  de  l'em- 
pire et  de  l'Eglise  que  trois  illustres  fem- 
mes donnèrent  cet  exem[)le  inouï  d'une 
grandeur  d'âme  plus  qu'héroïque  ;  si  toute- 
fois on  doit  donner  le  nom  de  femmes  à  ces 
admirables  créatures  qui,  dans  un  corps  et 
sous  la  tigure  de  femmes  ,  non-seulement 
renfermaient  un  courage  viril,  mais  qui,  s'é- 
levant  au-dessus  des  forces  ordinaires  de  la 
nature,  tirent  })araître  une  vertu  dont  les 
intelligences  célestes  sont  seules  capables. 
Elles  abandonnèrent  leur  patrie  (1),  leur  fa- 
mille, leur  propre  maison,  pour  aller  cher- 
cher dans  un  pays  éloigné  la  liberté,  qu'on 
leur  refusait  dans  le  leur,  d'adorer  et  de  ser- 
vir Jésus-Christ. 

Ce  fut  par  un  motif  si  noble  et  si  relevé, 
que  la  fidèle  et  généreuse  Domnine  avec  ses 
deux  filles,  Bérénice  et  Prosdoce,  quitta  le 
lieu  de  sa  naissance.  Arrêtons-nous  d'abord 
et  considérons  des  femmes  de  qualité,  éle- 
vées délicatement  et  parmi  toutes  les  com- 
modités de  la  vie,  qui  vont  s'exposer  à  ton 
les  les  suites  fâcheuses  d'un  long  et  pénible 

(1)  Saint  Chrysostorae  ce  la  nomme  point. 


^  DOM 

Toyage.  Si  des  hommes  robustes,  acroutu- 
inés  à  voyager,  ne  laissent  [)as  d'é[)rouver 
dans  le  cours  de  leurs  voyages  d'assez,  iïran- 
dcs  fiUi;5ues,  quoi(iu'ils" aient  des  voitures 
çoiumoJt's,  qu'ils  aient  à  K'ur  suite  plusieurs 
valets,  que  la  route  soit  bonne,  sûre,  aisée 
à  tenir,  que  la  traite  ne  soit  pas  lonf;ue, 
qu'ils  aient  cniin  toute  liberté  de  retourner 
chez  eux;  quelle  doit  Otre  la  foi  de  Doni- 
nine,  sa  résolution,  son  amour  pour  Jésus- 
Christ,  lorsque  nous  la  voyons  marcher  h 
pied,  sans  suite,  embarrassée  de  la  jeunesse 
et  de  la  beauté  de  ses  lilles,  abandonn'-e  de 
ses  amis,  trahie  par  ses  proches,  environnée 
d'ennemis,  se  sauver  par  des  sentiers  dé- 
tournés, à  travers  mille  dangers,  craignant 
pour  ses  filles,  pour  elle,  pour  leur  hon- 
neur, pour  sa  vie;  dans  de  continuelles 
alarmes,  dans  l'appréhension  d'cMre  suivie, 
découverte,  reconnue,  reprise?  Elle  sort  de 
son  pays  natal,  de  sa  ville,  de  sa  maison,  et 
elle  mène  avec  elle  deux  filles  dune  excel- 
lente beauté;  comment  et  où  les  cacher?  Qui 
sera  le  gardien  de  la  virginité  de  ses  tilles? 
Ce  sera  le  Ciel  !  Ce  sera  Jésus-Christ  lui- 
môme!  Car  de  môme  que  Loth  au  milieu  de 
Sodome,  quoique  son  logis  fût  assiégé  de 
tous  côtés  par  les  habitants  de  cette  ville 
infûme,  n'avait  rien  à  redouter  de  leur  in- 
solence, parce  ciue  Dieu  lui  a  envoyé  deux 
anges  pour  le  garder  :  ainsi  nos  saintes  fu- 
gitives, quoiqu'au  milieu  de  leurs  ennemis, 
furent  préservées  de  tant  de  funestes  acci- 
dents qui  devaient  naturellement  leur  arri- 
ver, parce  qu'elles  avaient  au  dedatis  d'elles 
le  Seigneur  des  anges  (lui  les  conduisait. 
Les  tlots  mugissaient  autour  d'elles,  les  nua- 
ges g'-os  de  fjudres  et  de  tempêtes  roulaient 
sur  \t\iv  tôte,  tout  était  en  mouvement  pour 
its  perdre,  et  cepen'lant  elles  marchaient 
d'un  pas  tranquille,  et  dans  une  entière  sé- 
curité. Trois  brebis  entrei)rennent  de  tra- 
verser des  pays  couverts  de  loups  ,  des  dé- 
serts habités  par  des  lions  ,  sans  que  ni  les 
lions  ni  les  loups  osent  seulement  leur  dis- 
puter le  passage.  Tous  les  honnnes  ont  |.>our 
elles  les  yeux  chastes,  ou  plutôt  Dieu  sus- 
pend en  leur  faveur,  durant  tout  le  chemin 
qu'elles  ont  à  faiie,  les  elfets  naturels  de  la 
beauté. 

Ce  chcnuin  se  termina  cniin  à  Edesse  (1). 
Cette  ville  est  h  la  vérité  bien  moins  polie 
que  plusieurs  autres;  mais  on  peut  du-e 
aussi,  à  son  avantage  ,  que  la  |)iéte  y  est 
beaucoup  plus  esliiuée  qu'ailhnars.  Aussi 
nos  illustres  voyageuses  y  trouvèrent-elles 
U'i  asile  contre  les  poursuites  de  l'impiété, 
et  un  |)ort  oiî  elles  crurent  |)ouvoir  attendre 
en  sûreté  h-  retour  d'iuje  saison  plus  cainu!. 
CelLg  ville  toute  sainte  re^ul  donc  la  mère 
et  les  lilles  ,  non  couuiie  des  étrangères, 
mais  comme  des  ciloyetuies  du  ciel,  et  elle 
se  charg(;a  d'elles  connue  dun  dépôt  sacré 
que  Dieu  lui  conliait.  Que  personne,  au 
reste,  n'accuse  ci!S  saintes  femmes  de  p(m 
de  courage,  pour  avoir   piis  ainsi   la  fuite 

M)  MrHrf»()ole  (\<'.  Mt-sopolaiiiic,  aiijourd'lini  du 
L»iarl><;tk,  soub  la  domination  des  Turcb. 


DOM  «^ 

devant  leurs  persécuteurs  ;  elles  ne  firent 
en  cette  rencontre  qu'oliéir  au  précep-te  du 
Sei;^neur,  ipii  veut  ([uo  lorsqu'on  est  jiersé- 
cuté  tla  s  une  ville,  l'on  fuie  dans  une  au- 
tre. Bien  loin  que  cette  fuite  leur  fût  hon- 
teuse ,  elle  leur  j^rocura  au  contraire  une 
coui'omie.  Et  quelle  couronne?  Celle  qui  est 
promise  à  ceux  q\ii  méprisent  tous  les  avan- 
tages du  siècle.  Car  (juicourjuc,  dit  Notre- 
Seigneur  (Matth.  xi\,  2n\  abandoniifm  pour 
moi  sa  maison  ou  sca  frères,  ou  ses  sœurs,  ou 
SCS  amis,  ou  ses  parents,  en  recevra  le  cen- 
tuple, et  aura  pour  héritaije  la  vie  éternelle. 
Elles  avaient  encore  l'honneur  d'avoir  Jé- 
sus-Christ avec  elles  [Ibid.  xvui,  ^0),  puis- 
qu'il assure  (jue  lorsque  deux  ou  trois  per- 
sonnes sont  assemblées  en  son  nom  dans  (quel- 
que lieu,  il  s'y  trouve  au  milieu  d'elles  :  à 
plus  forte  raison,  si  elles  se  sont  bannies  vo- 
lontairement pour  l'amour  de  lui.  Mais  tan- 
dis que  Domnnie  goûtait  quoique  repos 
dans  cette  retraite,  les  empereurs  faisaient 
publier  par  tout  l'empire  des  édits  dictés 
parla  tyrannie  et  la  cruauté.  Car  voici  leurs 
propres  termes  :  «  Que  les  proches,  disent- 
ils,  aient  à  dénoncer  leurs  proches,  que  les 
maris  livrent  leurs  femmes,  les  pères  leurs 
enfants,  et  les  enfants  leurs  pères.  Que  les 
frères  accusent  leurs  frères,  et  que  les  amis 
se  rendent  les  délateurs  de  leurs  amis.  » 
Ressouvenons-nous  en  cet  endroit  de  la  pré-' 
diction  de  Jésus-Christ  {Matth.  x,  21)  :  Ls 
frère  livrera  le  frère  à  la  mort,  et  le  père  le 
fils;  les  enfants  se  soulèveront  contre  leurs 
pères  et  leurs  mères. 

En  un  instant  toutes  les  villes  se  reniplû 
rent  de  traîtres,  de  meurtriers,  de  parricides. 
Les  pères  olbaient  leurs  mains  aux  juges 
pour  égorger  leurs  enfants  ;  les  enfants 
traînaient  leurs  pères  au  pied  des  tribu- 
naux; les  frères  vendaient  le  sang  de  leurs 
frères,  tout  était  plein  de  tumulte  et  de  con- 
fusion. Edesse  ne  fut  pas  exempte  de  cet 
orage,  pendant  lequel  nos  saintes  feuunes 
jouissaient  d'une  profonde  tranquillité.  El- 
les ne  se  regardaient  pas  comme  fugitives  et 
exilées  de  leur  pays;  elles  ne  s'apercevaient 
pas  qu'elles  étaient  dans  la  disette  de  la  plu- 
part des  choses  (pii  rendent  la  vie  agréalde; 
i'espéraiice  des  biens  futurs  leur  fournissait 
abondamment  tout  ce  qui  hnir  était  néces- 
saire; la  foi  était  leur  patrie,  et  la  charité 
leur  servait  de  forteresse  pour  les  mettre  h 
couvert  des  insultes  de  l'ennemi  comnuin 
des  honnnes.  Allermies  dans  ces  ti-ois  ver- 
tus ,  elles  virent  sans  émolion  ariiver  à 
Edes.se,  l'une  son  mari,  les  autres  hnir  père, 
accuiupagné  do  soldais  pour  les  enlever  de 
leur  retraite  ;  si  du  moins  nous  tlevons  don- 
ner th'S  noms  si  doux  et  si  lumorables  à  un 
iiomme  qui  s'était  chargé  d'uiu)  si  cruelle  et 
si  honteuse  commission.  Epargnon.s-le  toute- 
fois en  faveur  d'une  épousi'  et  de  dcnix  lilles 
martyres,  et  n'augunnitons  point  par  nos  re- 
j)ro((ies  la  peine  (lu'il  ress'Mil  j)eut-ôtre  de 
se  voir  obligé  ,  malgré  lui,  de  livrcn'  ce  qu'il 
a  (K-  plus  cher  au  monde.  Considérons  nlti- 
lôl  la  sage  conduite  de  Domnine.  Lorsqu  il  a 
fallu  éviter  la  persécution,  elle  s'est  prur 


837 


DOM 


DOM 


S58 


demmeut  retirée;  maintenant  qu'il  faut  coni- 
b.ittiv,  clh!  no  sonj^r  plus  h  l'iiir.  l.a  voilà 
jxtHfà  suivre  ceux  (|ui  i'eninir'ieut;  elle,  les 
suit  sans  cunlrainle,  (]U()i(iu'elle  sache  bien 
(|u'ils  lacomiuiseiit  h  la  inmt.  A|)i)r('noiis  de 
là,  nous  autres  ,  ce  ^jue  nous  devons  iain! 
dans  les  ditlérenles  conjonctures  où  nous 
nous  trouvons  ;  car  coinnie  nous  ne  devons 
point  téuiérairenient  aller  au-devant  du  né- 
ril,  aus.si  ne  devons-nous  pas  reculer  hlclie- 
nient  lois(|u'iI  se  présente.  Mais  suivons  nos 
saiiUcs  niarlvrcs. 

On  lein-  lii  prendre  le  chemin  de  Hiérapo- 
lis  (1),  c'est-à-dire  ville  sacrée,  (le  lut  enlin 
(tun  etidroil  proche  de  cette  ville  (ju'elies 
pailirent  pour  ariiver  à  la  ville  qui  doit  seule 

i)oiter  lenoiudesacrée;  e'est-à-direàla  céleste 
érusaleni,  et  (pfclh  s  terminèrent  glorJeu- 
senuMit  toutes  leurs  couises  de  la  manière 
çueje  vais  riconter  en  peu  denn.ts. 

Une  rivièi'e  côtoie  le  grantl  chenun  d'E- 
dessc  à  Hiéra|)olis.  Les  soldais  (pii  les  con- 
duisaient s'airètèi'cnt  pour  manger  sous 
quelijues  arbres  (jui  se  trouvaient  là  par  ha- 
sard. Pendant  qu'ils  dînent  et  qu'ils  ne 
songent  qu'à  boire,  nos  saintes  l'erames  son- 
gent à  se  mettre  en  liberté.  On  dit  que  le 
mari  de  Diinmine  y  donna  les  mains,  et 
qu'il  les  aida  à  trom})er  leurs  gardes  ;  je 
snis  assez  de  ce  sentiment,  et  il  y  a  bien  de 
rap()arence  (ju'il  en  usa  ainsi,  afin  de  pou- 
voir se  mettre  en  quelque  sorte  à  couvert  de 
la  colère  du  souverain  juge,  et  d'avoir  quel- 
que chose  à  alléguer  au  jour  du  jugement, 
qui  pût  le  décharger  en  partie  du  crime  de 
trahison  qu'il  avait  commis  en  livrant  sa 
femme  et  ses  tilles  aux  tyrans.  Il  est  certain 
qu'il  amusait  les  soldats  pendant  que  les 
saintes,  s'éloignant  insensiblement  d'eux, 
enlièrent  dans  le  ileuve  jjour  s'y  noyer.  Que 
les  mères  prêtent  l'oreille ,  que  les  filles 
soient  attentives ,  que  les  unes  et  les  autres 
apj.rennent  ici  leurs  devoirs.  Que  celles-ci 
com[)rennent  jusqu'où  doit  aller  leur  obéis- 
sance, et  que  celles-là  considèrent  quelle 
force  ont  leurs  exem[)les.  Domnine  entre 
donc  dans  le  tleuve,  t  nant  ses  deux  filles 
par  la  main  ;  elles  se  laissent  toutes  trois 
aller  au  courant  de  l'eau  (|ui  les  emporte,  les 
sull'oque  et  les  ba[)tise  d'un  baptême  nouveau 
et  peu  usité,  de  ce  ba|)tèine  dont  jiarlaitJésus- 
Chr.st  aux  deux  fils  d'  7X'bédée  {JlJafih.  xx, 
23],  lorsqu'il  disait  :  Vous  boirez  le  même  ca- 
lice que.  je  boirai,  et  vous  serez  baplisé  du 
même  baptême  dont  je  serai  baptise'. 

Ainsi  cette  admirable  femme  fut  trois  fois 
maiiyre  ;  une  fois  par  elle-même,  et  deux 
fois  dans  ses  filles.  De  quel  courage  n'eut- 
elle  pas  besoin  pour  exécuter  la  résolution 
qu'elle  avait  prise  de  sejeter  dans  ce  fleuve? 
Mais  qu'il  dut  être  héroïque,  quand  elle  pro- 
posa à  ses  filles  d'en  faire  autant!  Naturel- 
lement une  mère  craint  moins  la  mort  pour 
elle  que  pour  ses  enfants,  le  coup  qui  les 
frappe  lui  est  infiniment  plus  sensible  que 
celui  qui  la  frappe  elle-même  ;  qu'on  s'ima- 
gine donc,  si  on  le  peut,  la  violence  que  se 

(i)  Quelques-uns  croient  que  c'est  Alep. 


lit  Domnine  en  voulant  réprimer  les  mouve- 
ments de  la  nature  ;  cpu-l  elfoit  pour  étein- 
dre les  llaimnes  de  l'amour  maternel,  pour 
en  étouller  tous  les  mouvemetils,  pour  aj>ai- 
serles  murnnires  de  sou  cieur,  nour  calmer 
les  soulèveuKMits  de  ses  entrailles  !  Si  une 
mère  se  croit  malheureuse  lorscpie  la  mort 
lui  vient  enlever  une  filU;  qui  lui  est  chère, 
si  elle  trouve  a|)rès  cela  la  vie  ennuyeuse, 
([uel  supplice  pour  l'Ame  de  Domnine,  qui 
ne  perd  pas  une  fille  seulement,  mais  deux 
tout  à  la  fois  ;  (jui  n'est  pas  sim[)lement 
spectalri(;e  de  leur  mort,  mais  qui  en  est 
elle-même  la  cause!  c'est  elle  qui  les  pousse 
à  leur  perte  ,  qui  les  y  entraîne  ,  qui  les  y 
précipite. 

Cependant  les  soldats,  qui  ignorent  ce  qui 
s'est  passé  ,  les  attendent  toujours  ;  mais 
elles  sont  déjà  dans  le  ciel  avec  les  anges; 
ce  que  ces  hommes  privés  des  lumières  de 
la  foi  n'ont  garde  de  s'imaginer.  Saint  Paul 
dit,  en  ])arlant  d'une  mère,  qu'elle  sera  sau- 
vée par  le  moyen  de  ses  enfants,  c'est  ici  le 
contraire;  ce  sont  les  enfants  (jui  doivent 
leur  salut  à  leur  mère.  Cherchons  mainte- 
nant les  raisons  qui  firent  entreprendre  à 
celle-ci  une  chose  aussi  extraordinaire.  D'où 
vient  qu'elle  n'attendit  pas  la  sentence  du 
gauverneur,  qui  lui  aurait  sans  doute  fait 
obtenir  l'honneur  du  mai  lyre  ;  pourquoi 
prévenir  son  jugement  en  se  condamnant 
elle-même  à  la  mort  ?  D'où  vient  qu'elle  ne 
voulut  pas  même  com[)araîlre  devant  son 
tribunal  ?  Ce  n'est  pas  qu'elle  craignît  les 
tourments,  mais  elle  craignait  de  voir  ses 
filles  exposées  à  des  regards  lascifs  ;  la  vue 
des  bourreaux  n'avait  rien  qui  l'effrayât  , 
mais  celle  d'un  corrupteur.  Ainsi,  sans  vou- 
loir hasarder  la  victoire  dans  un  combat, 
elle  commença  par  ériger  un  trophée;  en  un 
mot,  elle  aima  mieux  arracher  la  couronne 
c[ue  la  disputer. 

Mèvc-s  qui  ra'écoutez,  rendez  témoignage 
à  la  vérité.  Vous  avez  éprouvé  les  douleurs 
de  l'enfaiitement;  mais  concevez-vous  celles 
qui  déchirent  le  cœur  de  Domnine,  lors- 
qu'entrant  dans  le  fleuve  elle  prit  les  mains 
de  ses  filles?  Comment  les  siennes  ne  devin- 
rent-elles pas  immobiles?  comment  les  nerfs 
ne  se  retirèrent-ils  point,  ou  plu'ôt  com- 
ment purent-ils  prêter  leur  ministère  pour 
eni  rainer  à  la  mort  ces  innocentes  viclimes  ? 
Comment  cette  mère,  je  dirais  dans  une  au- 
tre rencontre,  la  plus  infortunée  de  toutes 
les  mères,  comment,  dis-je,  put-elle  obliger 
sa  raison  à  consentir  à  ce  qu  elle  allait  faire? 
Mais  c'est  en  vain  que  nous  cherchons  ce 
que  personne  ne  pourra  jamais  trouver,  ce 
que  l'esprit  ne  peut  concevoir ,  ni  la  parole 
exprimer.  11  n  y  a  que  celle-là  seule  qui 
éprouva  alors  ces  horribles  douleurs  qui  ea 
puisse  parler.  Mais  ne  donnons  pas  toutes 
nos  louanges  à  la  mère,  réservons-en  pour 
les  filles,  elles  ne  méritent  pas  moins  nos 
éloges  et  notre  admiration.  Avouons  que 
l'obéissance  n'était  pas  en  cette  occasion  une 
vertu  trop  aisée  à  mettre  en  pratique.  Cepen 
dant  Domnine  n'a  que  faire  de  cordes  ni  de 
chaînes  pour   attacher   les   victimes,  elles 


S39  DOM 

suivent  de  leur  bon  gré,  elles  ne  s'enfuient 
point  de  l'autel.  Elles  entrèrent  dans  l'eau 
avec  une  tranquillité  et  une  joie  surpre- 
nante. Elles  eurent  môme  la  présence  d'es- 
prit et  la  charitable  prévoyance  de  laisser 
leurs  souliers  sur  le  rivage,  afin  que  leurs 
gardes  ne  fussent  point  en  peine  à  leur 
considération,  et  que  ces  souliers,  trouvés 
sur  le  bord  du  fleuve,  leur  pussent  servir  de 
décharge  auprès  du  gouverneur,  qui  aurait 
pu  les  accuser,  non  sans  quelque  couleur, 
de  s'être  laissés  corrompre  par  l'argent  ou 
parles  charmes  de  leurs  prisonnières,  et  d'a- 
voir facilité  leur  évasion. 

Ne  vous  sentez-vous  pas  maintenant  tout 
remplis  de  vénération,  d'amour  et  de  res- 
pect pour  la  mère  et  pour  les  tilles?  Profi- 
tons de  ces  moments  de  ferveur,  et  allons 
nous  prosterner  devant  leurs  reliques.  11  est 
certain  que  les  châsses  des  martyrs  et  leurs 
os  sacrés  ont  la  vertu  d'attirer  les  grâces  et 
les  bénédictions  du  ciel  sur  ceux  qui  les 
révèrent. 

DOMNINE  (sainte),  martyre,  habitait  Egée 
en  Cilicie.  Au  commencement  du  règne  de 
Dioclétien,  elle  y  fut  arrêtée  pour  la  foi,  avec 
sainte  Théonille,et  les  saints  Claude,  Astère 
et  Néon,  en  l'année  285.  Le  proconsul  de  la 
province,  nommé  Lysias ,  leur  fit  souffrir  à 
tous  de  cruels  supplices  avant  de  les  faire 
mourir.  (  Voy.  les  Actes  de  cette  sainte  à 
l'article  Claude.  )  La  fête  de  tous  ces  saints 
martyrs  est  inscrite  au  Martyrologe  le  23 
août. 

DOMNINE  (sainte  1,  souffrit  le  martyre  en 
Lycie,  sous  le  règne  de  l'empereur  Dioclé- 
tien. Nous  n'avons  aucun  détail  au  sujet  de 
ces  saints  combattants  de  la  foi.  L'Eglise  fait 
leur  fêle  le  il  octobre. 

DOMNINE  (sainte),  vierge  et  martyre,  souf- 
frit la  mort  pour  la  défense  de  la  religion, 
avec  plusieurs  autres  vierges,  ses  compagnes, 
dont  nous  ignorons  com[)létement  les  noms. 
L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  li  avril. 

DOMNION  (  saint  ),  soullrit  le  martyre  à 
Bergame.  On  ignore  complètement  la  date 
et  les  diverses  circonstances  de  son  combat. 
L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  IG  juillet. 

DOM  THÉODORE,  Al)yssinien,  fut  empri- 
sonné le  30  sej)lembre  lii'fS,  en  Abyssinie, 
sous  le  règne  (;t  durant  la  persécution  de  Ba- 
silides,  Négous  de  ce  pays,  en  haine  de  la  re- 
ligion catholiipie.  Il  eut  ])our  compagnons  de 
sa  captivité  Ilium  Laça  Marian,  Don  Jean, 
Don  Melca  Christos. 

DOMACEOS  ((iAiJuiEL),  capitaine  en  Abys- 
sini(,',  fut  exilé  durant  le  règm;  du  i)ersécu- 
teur  Basilidcs,  Négous  de  ce  i)ays,  {)our  n'a- 
voir pas  voulu  livier  le  P.  Noguerra,  vicaire 
apostolique  de  Meiidez. 

DONAT  (  saint  ),  martyr,  fut  mis  à  mort  h 
Borne  pfjur  la  loi  chrétienne,  av(M;  saint  AI)on- 
dance,  saint  Léon  cX  saint  Nicéijhore.  L'E- 
glise célèbre  lafètede  ces  saints  le  1"  mars. 
(P;is  d'Actes.) 

DONAT  (saint;,  mnrtyr  .'i  Carthago  en  250, 
sous  le  règne  et  durant  la  persécution  do 
l'empcrcMw  Dèce,  mourut  de  l'iiim  diuis  un  Cii- 
chot  où  il  fut  renfermé  aveu  une  foule   de 


DON 


840 


chrétiens  qui  tous  reçurent  la  glorieuse  cou- 
ronne du  martyre.  (Voy.  Victgrin.)  L'Eglise 
fait  la  fêle  de  tous  ces  martyrs  le  17  avril. 

DONAT  (  saint  ),  évêque  d'Arezzo  en  Tos- 
cane, fut  arrêté  pour  la  foi  au  commence- 
ment du  règne  de  Julien  l'Apostat,  et  con- 
damné h  être  décapité.  Quadratien,  préfet 
impérial  de  Toscane,  qui  l'avait  fait  arrêter, 
lui  fit  souffrir  divers  supplices  qu'il  endura 
avec  beaucoup  de  courage,  avant  de  pronon- 
cer contre  lui  la  peine  capitale.  Ses  reliques 
sont  dans  une  châsse  à  Arezzo,  dans  l'église 
cathédrale.  La  fête  de  ce  saint  est  inscrite  au 
Martyrologe  le  7  août. 

DONAT  (  saint  |,  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  religion  chrétienne,  durant  la  persé- 
cution des  empereurs  romains,  avec  les 
saints  Sabin  et  Agabe.  L'Eglise  les  honore 
tous  les  trois  le  25janvier. 

DONAT  (  saint  ),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi,  àCapoue,  avec  les  saints  Quince 
et  Arconce.  On  ignore  la  date  et  les  circons- 
tances de  leur  martyre.  Le  Martyrologe  ro- 
main n'en  dit  absolument  rien.  L'Eglise  ho- 
nore la  sainte  mémoire  de  ces  martyrs  au  5 
sej)tembre. 

DONAT  (saint),  martyr,  cueillit  la  palme 
du  martyre  à  Fossombrone.  On  ignore  à 
quelle  époque  et  dans  quelles  circonstances. 
Le  Martyrologe  romain  dit  seulement  qu'il 
eut  pour  compagnons  de  son  martyre  les 
saints  Aquilin,  Géminé,  Gélase  et  Magne. 
L'Eglise  honore  leur  sainte  mémoire  le  4  fé- 
vrier. 

DONAT  (saint),  reçut  la  palme  du  martyre 
à  Concordia,  avec  les  saints  Secondien,  Bo- 
mule  et  quatre-vingt-six  autres,  dont  les 
noms  nous  sont  inconnus.  Nous  n'avons  au- 
cun détail  sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  fête  le 
17  février 

DONAT  (  saint  ),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  confession  de  la  foi,  à  Alexandrie. 
La  date  de  son  martyre  est  inconnue.  11  eut 
pour  compagnons  de  ses  combats  les  saints 
Mansuet,  Sévère,  Appien,  Honorius  et  d'au- 
tres encore  dont  les  noms  ne  sont  ]>oint  par- 
venus à  la  postérité.  L'Eglise  vénère  leur 
mémoire  le  30  décembre. 

DONAT  (saint),  reçut  la  palme  du  martyre 
à  Antioche.  11  eut  pour  compagnons  de  son 
glorieux  combat  les  saints  Restilut,  >'alé- 
rien,  Fructuose  et  douze  autres  dont  nous 
ne  savons  pas  les  noms.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  23  août. 

DONAT  (saint),  martyr,  reçut  la  })alme  des 
courageux  combattants  de  la  foi,  dans  la  ville 
de  t^ésarée  en  Cappadoce.  Les  compagnons 
de  son  martyre  furent  les  saints  \'iclorius  et 
Polyeucle.  L'Eglise  fait  leur  sainte  mémoire 
le  21  mai. 

DONAT  (saint), fut  prêtre  et  confesseur,  et 
habitait  le  diocèse  de  Sister(»n.  Dès  ses  plus 
tendres  aimées,  favorisé  de  plusit'urs  grâces 
paiticulières,  il  sc' retira  dans  la  soliluiie  où 
j|  demeura  longlenms,  et  après  s'être  rendu 
célèbre  par  l'éclat  tie  ses  miracles,  il  passa 
de  la  teri'e  au  ciel.  L'Eglise  fail  sa  fête  le  19 
aoùl. 

DONA'r  '  aiaiiil  ),   suullnt   lu  martyre  eu 


841 


DON 


DON 


Wii 


rhonnour  do  la  foi  avec  saint  Hcrmogèiu;  ot 
vingt-deuK  autros  dont  les  noms  no  sont 
pas  connus.  Nous  n'avons  aucun  détail  sur 
les  circonstances  de  leur  martyre.  L'iiylise 
fait  leur  sainte  mémoire  le  12  décendjre. 

DONAT  (saint),  martyr,  donna  sa  vie  en 
l'honneur  de  la  toi,  en  Afric|ue.  Nous  ne  pos- 
sédons aucun  détail  sur  lui  et  sur  les  com- 
pagnons de  ses  soull'rances,  l'évoque  saint 
Kpiphane,Rnlinet  seize  autres  dontles  noms 
sont  ignorés.  L'Eglise  lait  leur  fêle  le  7 
avril. 

DONAÏ  (saint),  fut  martyrisé  en  Afrique 
avec  les  saints  Juste,  Hévénas  et  leurs  com- 
pagnons que  nous  ne  connaissons  pas.  Nous 
n'avons  point  de  détails  sur  eux.  L'Eglise 
fait  leur  fête  le  25  février. 

DONAT  (le  bienheureux),  naquit  près  de 
Perpignan,  dans  la  province  d'Aquitaine.  Il 
partit  avec  trois  autres  Franciscains,  nom- 
més Nicolas  de  Taulicis,  Pierre  deNarhonne 
et  Etienne  de  Laniet,  pour  évangéliser  les 
inlidèles.  Arrivés  ^^  Jérusalem,  ils  résolun^it 
de  se  rendre,  un  jour  de  solennité,  dans  la 
mosquée  du  Temple,  alin  d'y  prêcher  Jésus- 
Christ.  Les  mnhométans.  furieux  de  cette 
hardiesse,  les  battirent  cruellement  et  lesje- 
tèrent  ii  demi  morts  dans  un  noir  cachot  oii 
ils  restèrent  troisjours  sans  manger.  Au  bout 
de  ce  temps,  ayant  courageusement  refusé  de 
rétracter  publiquement  leurs  paroles  insul- 
tantes contre  le  prophète,  ils  furent  massa- 
crés à  coups  de  hache  et  d'épée,  le  11  novem- 
bre 1391.  Deux  fois  les  infidèles  voulurent 
brûler  les  reliques  de  nos  bienheureux, 
deux  fois  ils  furent  obligés  d'y  renoncer.  Ils 
les  enterrèrent  secrètement,  atin  que  leschré- 
tiens  ne  pussent  les  enlever.  {Chronique  des 
Frères  Mineurs,  {.  lU,  p.  16.  Wadding,  an. 
1391,  n"  1.) 

DONATE  (sainte),  cueillit  la  palme  du  mar- 
tyre à  Carthage,  en  200,  sous  le  règne  de 
1  empereur  Sévère.  Elle  faisait  partie  des 
martyrs  Scillitains.  Sa  fête  a  lieu  le  17  juil- 
let. {Voy. ,  pour  les  détails,  saint  Sperat.  ) 

DONATE,  nom  d'une  femme  qui  fut  prise 
à  Rome  avec  saint  Moyse  et  beaucoup  d'au- 
tres chrétiens,  sous  l'empire  de  Dèce,  en 
l'an  250,  pour  cause  de  christianisme.  Elle 
fut,  comme  les  autres  confesseurs,  pendant 
dix-huit  mois  en  prison,  où  les  souffrances 
et  les  tourments  ne  purent  ébranler  son  cou- 
rage et  sa  constance.  La  lettre  de  Lucien, 
confesseur  de  Carthage,  aux  confesseurs  de 
Rome,  lettre  qu'on  trouve  parmi  celles  de 
saint  Cyprien,  fait  mention  de  cette  femme 
courageuse.  (Pour  plus  de  détails,  voy.  saint 

MOYSE.) 

DONATE  (  sainte),  reçut  à  Rome  la  cou- 
ronne du  martyre,  en  303,  sous  l'empire  et 
durant  la  persécution  de  Dioclétien.  Elle  fut 
mise  à  mort  sur  la  voie  Salaria  oij.  elle  de- 
meura enterrée  jusqu'au  jour  de  sa  transla- 
tion qui  eut  lieu  le  8  août  de  je  ne  sais  quelle 
année.  Vingt-six  chrétiens  furent  exécutés 
le  même  jour  dans  le  même  endroit.  L'E- 
glise honore  leur  mémoire  le  8  août.  (  Voy. 
Cyriaque.  Voy.  aussi  l'abbé  Grandidier, 
Uisloirc  de  i Eglise  de  Strasbourg.) 

DicnoNN.   DES  Persécutions.  I 


DONATE  (sainte),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre à  Rome,  avec  les  saintes  Pauline,  Rus- 
li(|ue,  Nominande,  Sérotine,  Hilarie,  et  d'au- 
tres encore  dont  les  noms  nous  sont  incon- 
nus. L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  31 
décembre. 

DONATIEN  (saint),fatmartyrisé  à  Cartha- 
ge, avec  les  saints  Montan,  Leuce,  Flavien, 
Julien,  Victoric,  Primole,  Renus,  Donation. 
Ce  fut  en  259,  sous  l'empire  de  Valérien  et 
sous  le  gouvernement  intérimaire  de  Soion. 
(Pour  plus  de  détails,  il  faut  lire  les  Actes  de 
saint  Montan.  )  L'Eglise  fait  la  fête  de  tous 
ces  saints  martyrs  le  2^i-  février. 

DONATIEN  (saint),  eut  la  gloire  de  donner 
sa  vie  pour  la  religion  chrétienne  dans  la 
ville  de  Nantes,  sous  l'empire  de  Dioclétien 
et  de  Maximien.  Ses  Actes,  que  nous  don- 
nons m  extenso,  ne  nomment  pas  le  préfet 
qualifié  président,  par  l'ordre  duquel  il  fut 
mis  à  mort.  Ce  fut  très-probablement  Ric- 
tius  Varus,  qui  était  préfet  de  la  Gaule  Bel- 
gique, et  très-probablement  aussi  de  la  Celti- 
que. Les  Actes  de  saint  Donatien,  que  nous 
empruntons  à  Bollandus,  sont  communs  à  ce 
saint  martyr  et  à  saint  Rogatien  son  frère. 

Il  est  très-utile  de  présenter  aux  chrétiens 
les  glorieux  combats  des  martyrs,  et  d'apai- 
ser pour  ainsi  dire  avec  ce  sang  précieux  la 
pieuse  soif  de  leur  âme.  Les  pasteurs  se  ser- 
vent de  ces  grands  exemples  dans  les  ins- 
tructions qu'ils  font  à  leurs  peuples  au  mi- 
lieu des  saints  martyrs  ,  et  les  fidèles,  com- 
prenant l'avantage  et  le  gain  solide  qui  se 
trouve  à  mourir  pour  Jésus -Christ,  vont 
jusqu'à  souhaiter  le  même  sort. 

Les  empereurs  Dioclétien  et  Maximien , 
continuant  dans  Rome  leur  bruiah;  persécu- 
tion contre  les  chrétiens  ,  et  voulant  abattre 
la  vraie  religion  sous  leur  idolâtrie,  envoyè- 
rent au  préfet  des  Gaules  un  ordre  précis  de 
faire  adorer  dans  toute  l'étendue  de  son  dé- 
partement les  statues  de  Jupiter  et  d'Apol- 
lon, donnant  leur  parole  que  ceux  qui  con- 
sentiraient au  culte  profane  de  ces  faux 
dieux,  ou  plutôt  de  ces  véritables  démons, 
seraient  couchés  sur  l'Etat,  tâchant  ainsi 
d'exciter  la  cupidité  si  naturelle  au  cœur  hu- 
main, et  croyant  séduire  par  les  bienfaits 
ceux  que  les  discours  trouvaient  invincibles. 
Le  même  édit  portait  sentence  contre  ceux 
qui  persisteraient  dans  la  confession  du  nom 
de  Jésus-Christ. 

Il  y  avait  alors  à  Nantes  un  jeune  homme 
appelé  Donatien,  illustre  par  sa  naissance, 
et  plus  illustre  par  sa  foi,  qui  avait  domptô 
les  passions  de  sa  jeunesse  par  la  maturité 
de  son  esprit,  et  qui,  soutenu  et  guidé  par 
la  crainte  du  Seigneur,  repoussait  avec  un 
courage  et  une  fidélité  merveilleuse  les  tenta- 
tions du  malin  esprit.  Il  était  passé  de  l'ido- 
lâtrie à  la  religion  chrétienne;  ainsi  purifié 
par  l'eau  du  baptême,  pénétré  des  saints 
mystères  ,  armé  de  la  science  de  Dieu ,  il 
faisait  retentir  hautement  partout  le  triom- 
phe de  Jésus-Christ  en  sa  personne  ;  et  de 
peur  d'enfouir  le  talent  que  Dieu  lui  avait 
confié,  il  jetait  sans  cesse  dans  le  cœur  des 
gentils  d'heureuses  semences  de  notre  foi. 

27 


S45 


DON 


DON 


814 


L'odeur  de  sa  sainteté  et  les  grâces  de  son 
éloquence  attirèrent  bientôt  Régalien  son 
frère,  qui,  quoique  l'aîné  selon  l'ordre  de  la 
nature,  honora  toujours  en  son  cadet  l'an- 
cienneté de  la  foi  et  de  la  religion.  Il  {tressa 
même  ce  cher  frère  de  lui  faire  recevoir  le 
bapt-ème  avant  que  la  persécution  éclatât, 
de  peur  que  cette  tempête  ne  le  surprît  en- 
core païen  ou  catéchumène  ,  souhaitant , 
■disait-il,  de  combattre  et  d'être  couronné 
comme  lui.  Toutefois  l'absence  et  la  fuite 
des  prêtres  fut  un  obstacle  à  ce  désir  ;  mais 
son  sang  suppléa  glorieusement  à  l'eau  qui 
lui  manqua. 

Cependant  le  persécuteur,  entrant  dans  la 
ville  de  Nantes  avec  tout  l'appareil  de  son 
ministère,  fut  d'abord  excité  au  carnage  par 
les  habitants  qui  l'environnaient.  Juge  équi- 
table, lui  dirent-ils,  vous  arrivez  heureuse- 
ment pour  ramener  au  culte  des  dieux  cette 
secte  qui  s'est  détachée  des  Juifs  mêmes 
pour  suivre  le  cruciûé.  Nous  vous  donnons 
avis  que  Donatien  est  ici  le  premier  sur  qui 
vous  devez  exercer  la  rigueur  de  votre  juge- 
ment; car,  non  content  de  s'être  soustrait  à 
notre  religion ,  ses   entretiens    ont   encore 
perverti  son  frère ,  et  l'un  et  l'autre  ,  mé- 
prisant impunément    les  dieux    Jupiter  et 
Apollon,  que    nos    invincibles    empereurs 
adorent,  font  presque  céder  la  croyance  an- 
cienne et  publique  à  leurs  erreurs  nouvelles 
et  singulières.  Vous  serez  convaincu  de  la 
vî'rité  de  ce  rapport  quand  vous  les  inter- 
rogerez vous-même.  Le  préfet,  outré  de  co- 
lère, cita  incessamment  1  accusé  à  son  tribu- 
nal, et  lui  parla   d'abord  ainsi  :  Donatien, 
on  nous  a  dit  de  vous  que  non-seulement 
vous  ne  reconnaissiez  pas  Jupiter  et  Apol- 
lon, ces  dieux  qui  vous  ont  donné  la  vie  et 
qui  vous  la  conservent,  mais  môme  que  vous 
alloz  contre  eux  jusqu'à  l'insulte  et  au  blas- 
phème, et  que,  prêchant  au  peuple  je  ne  sais 
quelle  autre  vie,  vous  en  entraînez  plusieurs 
dans  la  secte  du  crucitié.  Donatien  lui  ré- 
pondit :  Vous  dites  plus  vrai  que  vous   ne 
pensez,  en  me  reprochant  de  vouloir  retirer 
plasieurs  de  leur  aveuglement,  pour  les  faire 
passer  à  la   connaissance  du  Dieu  seul  qui 
mérite  nos  adorations.  Le  préfet  dit  :  Mets 
lin  à  tes  remontrances,  ou  l'on  t'aura  bien- 
tôt ôté    la  vie.   Donatien    répondit  :   Vous 
tomberez  vous-même  dans  le  malheur  dont 
vous  me  menacez,  vous  qui,  enseveli  dans 
la  superstition,  préférez  les  ténèbres  de  vos 
opinions  h  la  lumière  de  Jé->us-Christ,  que 
vous  ne  VI. yez  seulement  pas.   Là-dessus  le 
préfet  en  fureur  le  (il  jeter,  les  fers  aux  pieds, 
dans  un  cachot,  afin    (jue  ia  sévérité   du  ce 
traitement  ébranlât  sa  loi,  ou  du  moins  fOt 
un  exemple  qui  détournât  les  spectateurs  de 
l'imiter. 

Alors  son  frèiv  ayant  été  amené,  le  préfet 
commenga  à  employer  à  son  égard  une  dou- 
ceur et  des  caresses  emj)oisonnées ,  sachant 
bien  que  les  inaiiières  (laiteuses  et  insi- 
nuantes amolIiss(5nt  souvent  ceux  (luc  la 
viohirice  fait  loidir.  Kogalien,  lui  dit -il, 
j'a|)prends  que  vous  vous  retii'(;z  inconsidé- 
j'étricnt  du   service    dt.'S  dieux,  cpii  vous  ont 


fait  naître  avec  tant  d'esprit  et  de  sagesse  ; 
et  j'ai  un  regret   sensible  qu'après  tant  de 
preuves  que  vous  avez  données  autrefois  de 
votre  jugement,  vous  vous  soyez  laissé  sur- 
])rendre  aux  imaginations  de  quelques  fré- 
nétiques. Ne  voyez-vous  pas  que  pour  ce 
Dieu  seul  que  vous  confessez,  vous  encourez 
l'indignation  de  tous  les  autres  ?  Mais  enfin, 
puisque  vous  n'êtes  pas  encore  souillé  du 
baptême  des  chrétiens,  si  vous  ne  vous  obs- 
tinez pas   dans  votre    première  démarche , 
vous  pourrez   encore  espérer  de  votre  for- 
tune ae  passer  dans  le  palais  des  empereurs 
et  dans  les  temples  des  dieux  une  vie  heu- 
reuse, et  même  plus  honorable  que  celle  que 
vous  avez  menée  jusqu'à  présent.  Rogalifin 
ré[)liqua  :  Vous    réussissez    paifaitement  à 
faire  de  mauvaises  promesses,  mauvais  juge 
que  vous  êtes,  qui  nommez  vos  empereurs 
avant  vos  dieux.  Mais  quel  rang  tiennent 
dans  vos  temples  mêmes  ces  divinités,  qui 
sont  en  effet  inférieures  aux  hommes,  quoi- 
([u'au  fond  vous  participiez  fort  à  leur  mi- 
sère ;  puisque,  si  elles  sont  sourdes  par  la 
matière  qui  les  compose,  vous  l'êtes  aussi 
à  l'égard  de  la  vérité  ;  si  elles  n'ont  point 
d'âme,  vous  n'avez  poict  de  discernement  ? 
N'est-il  pas  juste,  après  tout,  que  tous  ceux 
qui  adorent  des  pierres  deviennent  sembla- 
bles à  elles  ? 

Le  juge  aussitôt  dit  à  ses  satellites  :  Menez 
ce  disciple  insensé  dans  la  môme  prison  que 
son  maître,  afin. que  dès  demain  le  glaive  de 
la  justice  venge  publiquement  l'injure  faite 
à  nos  princes.  C'est  ainsi  que  ces  deux  flam- 
beaux de  la  foi,  i)lacés  dans  un  lieu  obscur 
et  ténébreux,  l'éclairèrent  plus  par  leur  pré- 
sence qu'ils  ne  souffrirent  de  son  incom- 
modité. Le  bienheureux  Rogatien  s'attristait 
seulement  de  se  tiouver  encore  sans  bap- 
tême ;  il  lui  semblait  toutefois  que  les  em- 
brassements  de  son  frère  lui  tenaient  lieu  de 
ce  bain  salutaire.  Donatien ,  de  son  côté , 
touché  de  son  aflUction,  se  répandait  en 
prières  pour  son  frère,  et  disait  :  Seigneur 
Jésus-Christ,  qui,  dans  l'ordre  de  votre  jus- 
tice, égalez  les  désirs  sincères  aux  effets, 
puisqu'enfin,  ne  nous  laissant  que  les  vœux, 
vous  vous  êtes  réservé  l'exécution  ,  que  la 
foi  pure  de  Rogatien  lui  serve  de  baptême  ; 
et  s'il  arrive  que  le  préf(?t  nous  fasse  mourir 
dès  demain,  comme  il  a  résolu,  (jue  le  sang 
de  votre  serviteur  soit  pour  lui  une  ablution 
et  une  onction  sacramenlale.  Ayant  achevé 
celte  prière  ,  qui  partait  du  plus  ])rofond  de 
son  cœur,  ils  veillèrent  toute  la  nuit,  et  lo 
jour  étant  venu  ,  ils  attendaient  l'heure  de 
leur  mort  et  de  leur  récompense. 

Le  préfet  s'étant  assis  sur  son  tribunal, 
comme  le  j(-)ur  précédent,  il  voulut  juger'  ces 
saints  confesseurs  en  i)résence  de  tout  le 
j)euple.  L'on  vil  sortir  d'une  prison  lugubre 
ces  objets  d(!  la  joie  des  anges  ;  la  Uwvg  sèche 
et  aride  d"nn  c.ieliot  avait  produit  ces  fiuits 
he;neux  de  l'Eglise.  L(!S  épines  de  la  trihula- 
lion  environnaient  ces  i-oses  sacrées.  Kniin, 
dans  un  corps  chargé  (h;  cliaines  ,  leur  âmo 
était  (l(!vemi(!  i>lus  libre  et  plus  forte  pour 
résister  au  tyran.  Ne  vous  attendez  pas,  leur 


84S 


DOR 


DOR 


m 


dit-il,  que  ju  commence  oncore  avec  vous 
par  la  douceur  ;  le  devoir  do  ma  charge  y 
serait  cuitiu  intéressé  ;  et  d'ailleurs  vous  vous 
en  tMes  rendus  indi^^jnes  eu  refusant  de  re- 
comiaitre  la  majesté  des  dieux;  on,  ce  qui 
est  eueon>  i)lus  criminel  ,  en  la  foulant  aux 
pieds,  après  l'avoir  reconnue.  Les  deux  mar- 
tyrs lui  répondirent  :  Votre  sagesse,  qui  est 
au-dessous  de  toute  ignorance  et  de  toute 
stupidité,  égale  celle  de  ces  figures  insensi- 
bles de  pierre  et  de  métal  que  vous  adorez. 
Pour  la  nôtre,  elle  consiste  .^  nous  résoudre 
à  tous  les  tourments  (qu'inventera  la  rage  de 
vos  bourreaux  :  nous  ne  perdons  rien  en 
rendant  notre  vie  à  celui  de  (jui  nous  la  te- 
nons ,  et  recevant  en  éc^hange  le  trésor  et  le 
poids  immense  de  la  gloire  qui  nous  attend. 

Le  préfet,  frémissant  de  courroux,  les  lit 
étendre  sur  le  chevalet ,  voulant  au  moins 
briser  leurs  corps ,  s'il  ne  pouvait  rien  sur 
leurs  âmes  ;  et  satisfaisant  d'autant  plus  sa 
fureur,  (jue  le  bourreau  serait  longtemps  à 
les  tourmenter  sans  leur  ôter  la  vie.  11  or- 
donna néanmoins  qu'après  ces  longues  et 
cruelles  épreuves  on  leur  tranchât  la  tête. 
L'exécuteur  .  par  une  indigne  complaisance 
pour  le  préfet ,  laquelle  augmenta  le  mérite 
de  ces  saints  martyrs,  leur  enfonça  une  lance 
dans  la  gorge,  avant  que  de  les  achever  avec 
l'épée. 

C'est  ainsi  qu'ils  montèrent  tous  deux  au 
ciel  :  Donatien  ,  glorieux  d'avoir  gagné  son 
frère;  etRogatien,  heureux  d'être  parvenu 
comme  lui  à  la  couronne  du  martyre  ;  l'un 
ayant  été  la  cause  du  salut  de  l'autre,  et  la 
conversion  de  celui-ci  faisant  la  récompense 
du  premier.  Soutenus  par  une  abondante 
grâce,  fortifiés  par  l'espoir  du  prix  qui  s'ap- 
proche ,  ils  consommèrent  heureusement 
leur  vie  par  une  mort  salutaire,  qui  les  fait 
régner  éternellement  avec  celui  auquel  soit 
honneur  et  gloire  dans  tous  les  siècles  des 
siècles.  Ainsi  soit-il. 

DONATILLE  (sainte) ,  vierge  et  martyre. 
Voici  ce  qu'à  propos  d'elle  nous  trouvons 
dans  le  Martyrologe  romain  «  A  Tabarbe  en 
Afrique ,  les  saintes  vierges  et  martyres 
Maxime,  Donalille  et  Seconde.  Les  deux 
premières,  durant  la  persécution  de  Valérien 
et  dallien,  furent  abreuvées  de  vinaigre  et 
de  fiel,  puis  déchirées  à  coups  de  fouet, 
étendues  sur  le  chevalet,  rôties  sur  un  gril, 
frottées  avec  de  la  chaux,  entîn  exposées  aux 
botes,  avec  Seconde,  jeune  vierge,  âgée  seu- 
lement de  douze  ans;  mais,  n'en  ayant  leçu 
aucun  mal ,  elles  furent  égorgées.  »  L'Eglise 
fait  la  fête  de  ces  trois  saintes  le  30  juillet. 

DONAÏCS  (JuTsiusi,  préfet  de  Rome  sous 
Valérien,  fit  mourir,  ei\  257,  dans  cette  ville, 
les  saintes  Seconde  et  Rufine,  filles  d'Asté- 
rius,  homme  de  famille  sénatoriale.  Il  les  fit 
tourmenter,  puis  décapiter. 

DORMANTS  (Les  sept)  d'Ephèse,  sont  fê- 
tés par  l'Eglise  le  27  juillet.  Nous  reprodui- 
sons ici  ce  que  nous  en  avons  dit  dans  notre 
Histoire  des  persécutions,  vol.  II,  p.  166. 
Nous  ne  ferons  que  passer  sur  l'histoire  des 
sept  Dormants  d'Ephèse,  que  nous  trouvons 
dans  saint  (Grégoire  de  Tours.  Ce  saint  prélat 


n'a  certes  pas  voulu  tromper;  mais  il  a  pu 
l'être.  Voici  ce  qu'il  raconte  dans  la  traduc-  ^ 
tion  qu'il  a  faite  d(;  celte  histoire,  dans 
Photius  et  dans  les  menées  des  (îrecs  :  Sept 
chrétiens  que  les  Latins  nommrmt  Maximien, 
Malc,  Martinien,  Denis,  Jean,  Séra[)ion, Cons- 
tantin ,  ai)rès  avoir  confessé  Jésus-Christ 
sous  l'empire  de  Dèce,  furent  enf(^rmés  dans 
une  caverne  dont  on  mura  l'entrée.  Ils  s'y 
endormirent,  selon  Manassé,  historien  grec; 
y  moururent  selon  d'autres,  et  environ  deux 
cents  ans  après,  sous  le  règne  de  Théodose 
le  Jeune,  se  réveillèrent  ou  ressuscitèrent, 
parlèrent  â  plusieurs,  notamment  à  l'évèque 
et  à  l'empereur,  qui  vint  de  Constantinople 
pour  les  voir;  puis,  s'étant  prosternés  en 
terre,  ils  rendirent  l'esprit  tous  ensemble. 

Voilii  qui  sent  trop  le  merveilleux  pour 
être  admis  sans  preuves  irréfragables  ;  Ba- 
ronius,  Tillemont,  n'hésitent  pas  à  rejeter 
cette  histoire  de  réveil  ou  de  résurrection. 
La  vérité  est  probablement,  que  ces  saints 
furent  en  effet  renfermés  dans  une  caverne, 
oi\.  on  les  retrouva  deux  cents  ans  après. 
L'Eglise  appelle  ordinairement  sommeil  la 
mort  de  ceux  qui  donnent  leur  vie  pour 
Dieu,  ou  qui  finissent  saintement.  I)  est  à 
croire  que  des  historiens  peu  attentifs  ont 
pris  à  la  lettre  ces  expressions  figurées,  et 
se  sont  basés  sur  cette  interprétation  erronée, 
pour  écrire  le  récit  des  faits  qui  nous  occu- 
pent; peut-être  avait-on  dit  figurément  aussi 
que  la  découverte  des  reliques  des  saints 
dans  cette  caverne  était  un  réveil  ou  une 
résurrection. 

Nous  trouvons  dans  Godescard  un  pas- 
sage qui  doit  trouver  ici  sa  place  :  La  vérité 
est  que  leurs  reliques  furent  découvertes  en 
cette  année  479.  On  les  porta  à  Marseille,  et 
l'on  montre  encore  dans  l'église  Saint-Victor 
un  grand  coffre  de  pierre  qu'on  prétend 
avoir  servi  au  transport.  La  mémoire  de  ces 
saints  martyrs  est  en  grande  vénér-ation  chez 
les  Grecs,  les  Syriens,  et  tous  les  peuples 
de  l'Orient. 

On  voit  à  Rome  dans  le  muséum  Victo- 
rium,  une  pierre  factice  qui  ressemble  assez 
à  une  pierre  précieuse  ;  on  a  gravé  dessus 
un  groupe  de  figures  qui  représentent  les 
sefit  Dormants,  chacun  avec  son  nom.  Jean 
et  Constantin  ont  deux  massues  près  d'eux; 
il  y  en  a  une  pleine  de  nœuds,  près  de 
MaximiHen;  Malchus  et  Martinien  ont  deux 
haches  à  leurs  côtés  ;  Sérapion,  une  torche 
enflammée,  et  Danésius  ou  Denis,  un  grand 
clou.  On  a  peut-être  voulu  représenter  les 
différents  genres  de  supplices  qu'on  leur  fit 
souffrir.  Les  sept  martyrs  paraissent  fort 
jeunes,  ce  qui  s'accorde  avec  plusieurs  an- 
ciens monuments,  où  ils  sont  appelés  en- 
fants. 

La  caverne  où  leurs  corps  furent  trouvés 
devint  célèbre  par  la  dévotion  des  fidèles. 
On  la  montre  encore  aux  voyageurs  qui  vont 
dans  le  Levant. 

DOROTHÉE  (saint),  évêque  de  Tyr  et  mar- 
tyr ,  succéda  à  saint  Métnode,  évêque  de 
cette  ville.  Si  l'on  en  croit  saint  Jérôme,  il 
reçut  la  couronne  du  martyre.  Théophane 


847 


DOR 


DOU 


848 


raconte  qu  après  avoir  souffert  de  granas 
tourments  sous  Dioclétien  et  sous  Liciuius, 
il  fut  mis  à  mort  par  les  olliciers  de  Julien 
l'Apostat,  dans  la  cent  septième  année  de  sa 
vie.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  9  oc- 
tobre. 

DOROTHÉE  DE  TYR  (saint),  était  prêtre  se- 
lon quelques-uns,  et,  selon  d'autres,  évèque. 
On  ne  sait  presque  rien  sur  lui.  Les  anciens 
martyrologes  assurent  qu'il  subit  de  cruelles 
tortures  pour  la  défense  de  la  foi,  sous  le 
•  règne  de  l'empereur  Dioclétien.  On  croit  du 
'  reste  qu'il  ne  succomba  pas  à  ses  souffrances 
et  qu'il  vécut  jusqu'au  commencement  du 
rè^ae  de  l'empereur  Julien  l'Apostat.  Les 
Grecs  modernes  et  d'autres  prétendent  qu'il 
reçut  la  palme  d'un  glorieux  martyre,  dans 
la  'ville  d'Odyssopolis  en  Thrace.  L'Eglise 
célèbre  sa  fètè  le  5  juin. 

DOROTHÉE  (saint) ,  martyr  ,  premier 
chambellan  de  l'empereur  Dioclétien,  avait 
sous  ses  ordres  Gorgone  et  Pierre  comme 
sous-chambellans.  Tous  trois  étaient  eunu- 
ques des  plus  considérables  du  palais.  Très- 
zélés  pour  les  intérêts  du  prince,  ils  occu- 
paient les  premières  charges  de  l'Etat. 
Quand  l'infâme  Galère  accusa  les  chrétiens 
de  l'incendie  de  Nicomédie,  que  lui-même 
avait  allumé,  Dorothée  et  Gorgone  furent 
arrêtés.  On  les  soumit  à  de  cruelles  tortures, 
et  enfin  on  les  condamna  à  périr  par  stran- 
gulation. Quant  t\  Pierre,  sa  mort  fut  terrible 
et  affreuse  par  les  supplices  qui  la  précédè- 
rent. 11  fut  élevé  tout  nu  en  l'air  et  déchiré 
à  coups  de  fouet,  jusqu'à  qu'on  lui  vit  les  os. 
On  versa  dans  ses  plaies  du  sel  et  du  vinaigre, 
puis  enfin  on  l'élendit  sur  un  gril  où  on  le 
lit  brûler  à  petit  feu.  Rien  de  ces  atroces  sup- 
plices ne  put  ébranler  le  courage  du  martyr. 
Il  mourut  en  rendant  gloire  à  Jésus-Christ. 
L'Eglise  fait  la  fête  de  ces  saints  le  9  sep- 
tembre. 

DOROTHÉE-  (saint),  martyr,  cueillit  la 
palme  du  martyre  à  Tarse  en  Cilicie  avec 
saint  Castor.  Le  Martyrologe  romain  ne  nous 
donne  aucun  détail  sur  ces  deux  saints. 
L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  28  mars. 

DOROTHÉE  (sainte),  mourut  martyre  à 
Aquilée,  sous  la  persécution  de  Néron,  avec 
les  saintes  Eu[)hémie  et  Thècle,  et  saint 
Erasme.  (Pas  de  documents  certains.)  Ce  fut 
le  prêtre  Hermagore  qui  les  enterra.  On 
fait  la  fête  de  sainte  Dorothée  le  3  septembre. 

DOROTHÉE  (sainte;  ,  vierge  et  martyre, 
est  honorée  yiar  l'Eglise  le  G  février.  Elle 
souffrit  la  mort  pour  la  foi  chrétienne  dans 
le  commencement  du  iv'  siècle,  durant  la 
persécution  de  l'empereur  Dioclétien.  Ce 
que  nous  savons  d'elle  nous  vient  de  saint 
Adhelme.  IL.  de  Laud.  virgin.,  c.  25).  Pour 
la  (;onlraindi(ï  à  se  mai-ier  ou  à  adorer  les 
idoles,  Kabricius,  gouverneur- de  Ca[)pado(e, 
lui  lit  endurer  les  tourments  l(;s  plus  cruels. 
La  saifite,  au  lieu  (h;  succomber,  résista  cou- 
rageus(Mrient,  et  eut  mênu!  l(i  bonheur  de 
convertir  deux  lemmes  <jni  avaient  aposta- 
sie et  qu'on  avait  ehargéis  de  la  séduire. 
Voyant  que  rien  ne  [)Ouriait  l'arnoner  à  lui 
ob'-ii',  F<il)rif;iiis  In  condaiima  à  être  •J'icapi- 


tée.  On  raconte  que,  comme  elle  marchait 
au  supplice,  un  jeune  honmic,  nommé  Théo- 
phile, qui  lui  avait  entendu  dire  qu'elle 
allait  trouver  son  divin  époux,  lui  demanda 
en  se  moquant  d'elle,  de  lui  envoyer  des 
fruits  et  des  ffcurs  du  jardin  de  cet  époux. 
Dorothée,  par  un  elh't  miraculeux  de  la  puis- 
sance de  Jésus-Christ,  lui  envoya  immédia- 
tement des  fruits  et  des  iïeurs.  Frappé  de  ce 
prodige,  Théophile  se  convertit  immédiate- 
ment. Le  corps  de  sainte  Dorothée  est  ac- 
tuellement dans  l'église  ({ui  est  à  Rome  au 
delà  du  Tibre,  sous  son  invocation. 

DOROTHÉE  (sainte),  était  d'une  des  fa- 
milles les  plus  nobles  et  les  plus  riches 
d'Alexandrie.  N'ayant  pas  voulu  condescen- 
dre à  satisfaire  la  passion  brutale  qu'avait 
conçue  pour  elle  l'empereur  Maximien,  elle 
fut  dépouillée  de  tous  ses  biens  et  condamnée 
à  l'exil,  en  308.  (Rutin,  1.  vni,  c.  17.) 

DORYMÉDON  (saint),  martyr,  était  séna- 
teur de  la  ville  de  Synnade,  oii  se  trouvait 
Dionisius  Perennius,  gouverneur  de  Phry- 
gie,  quand  le  vicaire  de  la  province  lui  en- 
voya saint  Trophime,  qu'il  avait  déjà  fait 
mettre  à  la  question.  Le  gouverneur,  ayant 
fait  souffrir  divers  supplices  au  saint,  le  fit 
jeter  en  prison.  Dorymédon,  qui  déjà  était 
chrétien,  ou  qui,  comme  beaucoup  le  pré- 
tendent, fut  converti  par  saint  Trophime, 
l'allait  voir  dans  sa  prison.  Ce  devoir  de 
charité  qu'il  accomplissait  en  allant  visiter 
le  saint  martyr  fut  cause  qu'on  l'arrêta  lui- 
même.  H  fut  exposé  aux  bêtes  avec  Tio- 
phime,  à  qui  l'affreuse  cruauté  du  gouver- 
neur fit  d'abord  crever  les  yeux.  Les  bêtes 
n'ayant  pas  voulu  leur  faire  de  mal,  le 
gouverneur  les  fit  décapiter  tous  deux,  le 
19  septembre,  jour  auquel  l'Eglise  latine  et 
l'Eglise  grecque,  dans  lesquelles  ils  sont 
fort  célèbres,  font  leur  fête.  Le  saint  souffrit 
sous  l'empire  de  Probus. 

DOUNOUAS  ou  DuNAAN  (Joseph),  roi  juif, 
gouvernait  l'Hemiar,  grand  pays  de  l'Arabie 
Heureuse,  dont  les  Grecs  appelaient  les  habi- 
tants Homérites.  Ce  prince,  grand  ennemi  des 
chrétiens,  et  qui  était  très-cruel,  fut  sur- 
nommé ïauteur  des  fosses,  parce  qu'il  faisait 
précipiter  les  chrétiens- de  sa  province  dans 
des  fosses  pleines  de  feu,  et  les  y  faisait 
cruellement  brûler,  quand  ils  refusaient 
d'embrasser  la  religion  juive.  Dunaan  vint 
mettre  le  siège  devant  la  ville  de  Négra  ou 
Nagéran ,  dont  tous  les  habitants  vivaient 
sous  la  loi  de  l'Evangile,  la  cin(juième 
année  de  Justin  ,  ((ui  est  l'an  522.  Ce 
nrince,  ne  pouvant  s'emparer  de  la  ville  par 
la  force,  ne  craignit  jtoint  de  pai jurer  ses 
serments  et  y  entra  par  une  conqx'silion 
(pi'il  com|)tait  bien  violer;  une  fois  maître 
de  la  ville,  il  essaya,  par  toutes  sortes  do 
moyens,  d'amener  les  habilanls  à  renier 
leur  foi  et  à  embrasser  le  ju  liiisiiie.  Il  osa 
violer  le  lomlxïau  de  révê(pu.>  Paul,  mort 
deux  annéi'S  auparavant,  et  lit  brûler  ses  os; 
les  prêtres,  b'S  moines  et  les  religieuses 
iiircnl  jetés  dans  un  bûcher  ardent,  où  ils 
p(''rirenl  en  riionin'ur  du  nom  de  Jésus- 
(^hrisl.   I^.i  vilk-  avait   pour  gouverneur  un 


849 


DR  A 


J)K() 


850 


vénérable  vieillard  noiiiiné  Aréthas  :  oubliant 
tout  respect  pidir  le  courage  iiiallieuroux  et 
pour  le  grand  A'^o  de  ce  vieux  capitaine,  il 
fui  fit  trancher  la  tôte  ainsi  qnh  un  j^raiid 
nombre  d'Iiahitants.  Beaucoup  de  feuiuies 
subirent  aussi  le  UK^me  sort;  il  emmena 
enfin  toute  la  jeunesse  de  la  ville  en  ca(,)li- 
vité.  L'Eglise  célèbre  coUectivenuMit  la  itUo 
de  tous  les  saints  martyrs,  (jui  furent  brûlés 
par  ce  prince  impie,  le  vingt-septième  de 
juillet;  saint  Aréthas  est  insci'it  en  parli(;u- 
lier  au  Martyrologe  romain,  le  vingt-qua- 
trième d'octobre,  avec  trois  cent  quarante 
autres  de  Négran  et  une  sainte  femme  dont 
le  fils,  âgé  seulement  de  cin([  ans,  se  jeta 
dans  le  feu  où  était  déjà  sa  mère,  en  confes- 
sant Jésus-Christ. 

Bientôt  Dieu  infligea  à  Dunaan  le  cliûti- 
ment  que  méritait  ,sa  barbarie  sacrilège. 
En  effet ,  l'année  suivante,  Elesbaan,  roi 
d'Auxume,  ville  située  en  Ethiopie,  qui 
était  chrétien  et  ennemi  du  roi  de  la  pro-^ 
vince  d'Hémiar,  se  résolut  à  punir  ses  for- 
faits. Soutenu  par  l'empereur  Justin  et  par 
toutes  les  forces  d'Egypte  et  d'Orient,  il  at- 
taqua Dunaan  par  terre  et  par  mer,  le  prit 
avec  les  principaux  de  sa  fciraille,  le  fit 
mourir  et  soumit  l'Hémiar  à  sa  puissance. 
Après  avoir  été  ainsi  l'instrument  de  la 
vengeance  divine,  il  prit  l'habit  monastique 
et  consacra   le  reste  de  ses  jours  au  service 

du  Seigneur Des  Arabes  prétendent  que 

ce  Dunaan  ne  fut  pas  pris  par  Elesbaan,  mais 
que,  pressé  par  les  Ethiopiens,  il  s'élança 
dans  la  mer  avec  son  coursier  et  y  trouva  la 
mort.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  ciel  sut  venger 
la  mort  des  saints  martyrs  qu'il  avait  tour- 
mentés avec  tant  de  barbarie. 

DOUZELI  (François),  de  Grenade,  frère 
mineur,  fut  tué  par  les  tlèches  des  Chichimè- 
ques  en  se  rendant  à  Saint-Michel.  Il  eut 
pour  compagnon  de  son  martyre  le  frère 
Pierre  de  Burgos.  {Chronique  des  Frères  Mi- 
neurs, t.  IV,  p.  7G8.) 

DOWNAR  (Baptiste),  l'une  des  religieuses 
de  Saint-Basile,  établies  à  Minsk  enLiihuanie, 
et  connues  sous  le  nom  de  filles  de  la  Sainte- 
Trinité,  qui  furent  expulsées  de  leur  cou- 
vent et  livrées  aux  persécutions  les  plus  vio- 
lentes dans  le  courant  de  l'année  1837,  par 
le  czar  Nicolas  et  Siemaszko,  évêqne  apos- 
tat. On  les  avait  renfermées  dans  un  cou- 
vent, enlevé  à  d'autres  religieuses  pour  pas- 
ser entre  les  mains  d'une  communauté  de 
Czernice  ou  Filles-Noires ,  recrutées  parmi 
les  veuves  de  soldats  russes  et  les  filles  de 
mœurs  déréglées.  Ces  filles  passaient  leur 
temps  à  se  dire  des  injures,  à  se  battre  et  à 
s'enivreravec  de  l'eau-de-vie.Unjour  qu'elles 
avaient  peut-être  bu  plus  qu'à  l'ordinaire , 
elles  se  saisirent  de  Baptiste  Downar,  et  l'en- 
fermèrent dans  un  grand  poêle  o\i  elle  fut 
brûlée  vive.  {Vot/.  l'art.  Miecztslawska.) 

DRACONCE ,  gouverneur  de  Campanie 
sous  rem[)ire  de  Dioclétien,  en  l'année  305, 
fit  arrêter,  fouetter  cruellement  et  emprison- 
ner saint  Sosie,  diacre  de  Misène.  Plus  tard, 
ayant  su  que  le  diacre  Procule  et  deux  bour- 
geois de  Pouzzoles,  Acuce  et  Eutice,  venaient 


visiter  le  saint  dans  sa  prison,  il  li'S  iil  em- 
prisoiuiei-  aussi,  api'ès  leur  avoir  fait  subir 
le  même  traitement.  Dio(déti(;n  luidoruia  pour 
successeur  un  nonnné  'rnioTufei;.  (  Voy.  cet 
article.) 

DUISIPAUE,  ville  de  la  Pannonie,  où.  saint 
Alexandre  et  saint  Caius  furent  martyrisés 
pour  la  foi.  {Voy.  les  articles  de  ces  deux 
saints.) 

DROSIS  (sainte),  vierge  et  martyre,  mou- 
rut |)our  la  foi  chrétienne  à  une  époque  qu'il 
nous  (;st  impossible  de  préciser.  Elle  n'est 
pas  au  catalogue  des  saints  :  c'est  par  erreur. 
Voici  ce  que  nous  trouvons  relativement  à 
son  martyre  dans  saint  Jean  Chrysostome. 

«  J'avoue  que  je  me  sens  pour  les  mar- 
tyrs une  dévotion  tendre  et  aftectueuse  ; 
j'aime  à  célébrer  leurs  fêtes,  j'aime  à  publier 
leurs  louanges,  à  décrire  leurs  combats,  sur- 
tout lorsque  des  femmes  en  sont  les  hé- 
roïnes. Car  plus  le  vase  qui  reçoit  la  grAce  est 
fragile,  plus  cette  grâce  est  précieuse,  qui 
le  conserve,  qui  le  fortifie,  qui  fait  qu'il  ré- 
siste. Plus  celui  qui  combat  est  faible  ,  plus 
les  trophées  qu'il  s'élève  après  sa  victoire 
sont  glorieux.  Que  pourront  dire  à  l'avenir 
les  hommes,  qu'allégueront-ils  pour  excuser 
leur  lâcheté  ,  lorsque  des  femmes  montrent 
un  courage  viril',  lorsqu'on  les  voit  se  pré- 
parer à  combattre  pour  la  piété  et  la  religion 
avec  une  ardeur  et  une  assurance  peu  com- 
munes? Il  n'y  a  donc  plus  d'âge,  il  n'y  a 
plus  de  sexe,  il  n'y  a  plus  de  condition  qui 
puisse  servir  d'excuse  à  une  vie  molle,  à  un 
chrétien  lâche.  On  peut  espérer  de  vaincre  , 
on  le  doit,  dès  qu'on  se  sent  un  cœur  animé 
d'un  vrai  zèle,  d'une  foi  ardente.  La  grâce  , 
et  par  conséquent  l'assurance  de  la  victoire, 
ne  saurait  manquer  à  quiconque  ressent  en 
lui-même  ces  dispositions,  comme  elle  ne 
manqua  pas  à  la  bienheureuse  Drosis,  qui 
en  était  toute  remplie. 

«  Cette  illustre  vierge  avait  un  corps  faible, 
elle  était  d'un  sexe  qu'on  croit  pouvoir  atta- 
quer impunément  ;  son  âge  enfin  tendre  et 
peu  avancé  ne  lui  donnait  ni  autorité  ni 
force  ;  cependant  la  grâce  entrant  dans  son 
âme,  en  chasse  la  timidité  et  la  faiblesse,  lui 
donne  comme  une  teinture  de  valeur  et  de 
fermeté,  et  la  dispose  à  se  jeter  dans  les  pé- 
rils sans  les  craindre.  Certes,  il  n'est  point 
d'homme  sur  la  terre  moins  capable  d'être 
ébranlé  par  la  crainte  que  celui  qui  craint 
Dieu  ;  que  ses  ennemis  emploient  pour  le 
combattre  et  le  fer,  et  le  feu,  et  les  bêtes  fa- 
rouches ;  percé,  brûlé,  déchiré,  il  se  rira  de 
ses  ennemis,  il  les  regardera  avec  une  fierté 
méprisante.  Telle  fut  notre  jeune  martyre. 
Car,  après  que  le  tyran  eut  fait  allumer  en  sa 
présence  un  grand  feu,  il  ne  voulut  pas  d'a- 
bord l'y  faire  jeter,  ni  même  lui  faire  couper 
la  tête,  de  peur  qu'une  mort  trop  prompte 
ne  finît  trop  tôt  le  combat;  mais  voulant  l'in- 
timider pour  la  vaincre  après  avec  plus  de 
facilité,  il  lui  met  devant  les  yeux  un  bûcher 
ardent  préparé  pour  elle.  La  flamme  s'élève 
avec  impétuosité  ;  mais  loinde  jeter  la  frayeur 
dans  l'âme  de  Drosis,  elle  ne  fait  que  l'en- 
flammer du  désir  d'en  être  consumée,  et 


9SI 


DKO 


DIB 


8S2 


qu'augmenter  l'ardeur  de  ce  feu  sacré  que 
son  chaste  cœur  a  conçu  pour  Jésus-Chrisl. 
ElJe  se  ressouvint  des  trois  enfants  de  la  four- 
naise, elle  s'imagina  être  avec  eux  au  rai- 
lieu  des  flammes,  les  combattre,  les  fouler 
aux  pieds,  et  recevoir  avec  ces  trois  jeunes 
combattants  une  quatrième  couronne.  Ainsi 
que  les  objets  paraissent  à  un  fr(^néti(jue  tout 
autres  qu'ils  no  sont  en  olïet,  qu'il  se  jette 
sans  rien  craindre  sur  la  pointe  des  épées  , 

au'il  se  lance  hardiment  au  milieu  d'un  feu, 
ans  un  précipice,  et  que  son  es})rit  offusqué 
des  noires  va|)eurs  de  sa  maladie  ne  voit  pas 
des  périls  (|ui  font  frémr  les  autres;  de  môme 
notre  héroïne,  possédée  d'une  divine  fureur, 
et  poussée,  si  j'ose  m'ex|)rimer  ainsi,  d'une 
sainte  frénésie  que  lui  cause  l'ardent  amour 
qu'elle  a  pour  Dieu ,  n'aperçoit  rien  de  tout 
ce  qui  est  devant  ses  yeux  ;  mais  comme  ra- 
vie en  extase,  et  tout  occupée  de  la  gloire  et 
des  plaisirs  qui  l'attendent  dans  le  ciel,  elle 
ne  voit  rien  sur  la  terre  qui  lui  paraisse  di- 
gne de  son  attention  ou  de  sa  crainte.  Elle 
croit  que  la  flamme  qui  s'élève  au-dessus  du 
bûcher  (où  entin  elle  vient  de  monter)  n'est 
tout  au  plus  qu'une  exh.daison  qui  va  se  ré- 
soudre en  une  pluie  doi/ce  et  agréable.  Je 
regarde  donc  ce  brasier  comme  une  eau 
claire,  où  un  excellent  ouvrier  vient  tremper 
un  acier  fin  dont  il  veut  faire  un  ouvrage 
curieux  ;  ou,  plus  naturellement,  comme  un' 
fourneau  où  la  belle  Ame  de  Drosis  est  mise, 
ainsi  qu'un  or  très-pur,  pour  en  sortir  en- 
core [)lus  épurée.  Sa  chair  se  fondait,  ses 
nerfs  se  réduisaient  en  cendres,  ses  os  se 
calcinaient,  son  sang  et  sa  graisse  coulaient 
de  toutes  parts,  et  son  âme  en  devenait  plus 
éclatante.  Quelques-uns  de  ceux  qui  étaient 
témoins  de  son  supplice,  voyant  qu'elle  se 
consumait ,  s'imaginaient  que  dans  peu  elle 
ne  serait  plus,  et  elle  ne  faisait  au  contraire 
que  s'embellir.  Qu'un  homme  peu  expéri- 
menté dans  la  fonte  des  métaux  voie  de  l'or 
dans  un  fourneau  se  fondre,  couler  et  se  mê- 
ler parmi  des  cendres,  il  pense  en  lui-même 
?[ue  cet  or  est  entièrement  perdu  ;  mais  l'or- 
èvre  a  bien  une  autre  pensée  :  il  sait  que  ce 
précieux  métal  n'en  sera  que  plus  beau,  plus 
pur,  plus  fin  ;  il  s'en  sert  pour  encliAsser  des 
diamants  et  des  perles.  C'est  ainsi  cpie  les 
païens,  apercevant  que  le  feu  faisait  insensi- 
blement perdre  au  corps  de  notre  martyre 
sa  figure,  que  ce  corps  ne  se  distinguait  plus 
d'un  monceau  de  cendres,  croyaient  (pi'ello 
n'était  ()lus  elle-même  qu'un  |)eu  de  pous- 
sière; mais  les  fidèles  (;n  jugeaient  bien  au- 
trement ,  ils  n'ignoraient  pas  ([u'elle  sub- 
sistait plus  (pie  jamais,  el  ils  regardai(;nl  avec, 
plaisirsf)!!  Ame  s'élever  au  ciel  toiii(!l)iill.uite. 
«  Disijns  |)lus  :  h;  bûcher  sur  le(piel  elle 
monta  devint  |)Our  elle  un  tbéAtre  (riioiineui-, 
où,  avant  même  la  résurr(iclio  i  ,  elle  parut 
vi(;lori(iuse  de  ses  ennemis;  car  à  mesure  que 
le  feu  agissait  sur  sa  chair,  il  la  faisait  pi'- 
liller,  et  ce  bruit  mettait  on  fuite  les  puis- 
sances de  l'enfer.  Voy(!Z  ce  soldat  couvert 
de  ses  armes;  écoulez  le  cliquetis  (ju'elles 
font  lorsqu'il  iruir'(;hi!  au  cmiibal  ;  ce  son 
i'jierrier  qu'elles  produisent  a  je  ne  sais  quoi 


qui  inspire  de  la  frayeur,  du  moins  aux  âmes 
timides.  Il  en  est  de  môme  de  la  peau  de  Dro- 
sis, elle  fait  fuir  les  démons  par  le  bruit 
qu'elle  rend  dans  le  feu.  Mais  ce  n'est  pas  le 
seul  moyen  dont  elle  se  sert  pour  les  chasser  ; 
car  après  ([iie  la  llamme  a  eu  pénétré  ses 
membres,  la  fumée  cpii  s'élève  de  tout  son 
corps  embrasé,  rencontrant  en  l'air  ces  mal- 
heureux esprits  ,  leur  donne  la  chasse  ,  ils 
n'en  peuvent  soullrir  l'odeur  ;  et  si  la  fumée 
im[)ure  des  sacritices  a  pu  corrompre  et  in- 
fecter l'air  même ,  cette  autre  fumée  qui 
monte  du  bAclicr  de  Drosis  lui  rend  sa  pre- 
mière pureté.  Oserais-je  faire  une  compa- 
raison entre  deux  choses  entièrement  op()0- 
sées,  entre  un  -J)ùcher  et  une  fontaine  ?  Car 
de  même  que  l'admirable  Drosis  ,  pour  se 
laver  dans  une  fontaine,  se  serait  au[)aravant 
dépouillée  de  ses  habits  ;  ainsi  voulant  net- 
toyer son  âme  de  toutes  ses  taches,  et  la  ren- 
dre plus  belle  aux  yeux  de  son  époux  ,  elle 
l'a  purifiée  dans  les  flammes ,  après  avoir 
f{uitté  sa  robe,  je  veux  dire  son  corps.  La 
voilh  que  les  anges  accompagnent ,  avec  en- 
core plus  de  joie  qu'ils  n'accompagnaient 
l'âme  de  Lazare  lorsqu'elle  prit  son  vol  dans 
le  sein  d'Abraham.  Ne  pourrions-nous  pas 
encore  appeler  ce  bûclier  un  vaisseau  rem- 
pli d'une  teinture  de  pourpre,  où  Drosis  se- 
rait venue  teindre  sa  robe  pour  être  reçue 
dans  la  salle  des  noces. 

«  0  merveilleux  bûcher  !  quel  trésor  ne 
renfermes-tu  pas  en  toi?  une  cendre  plus 
précieuse  que  l'or,  d'une  odeur  plus  agréable 
que  les  parfums  les  plus  exquis,  plus  bril- 
lante que  les  rubis  et  les  diamants.  Et  certai- 
nement les  relicjues  des  martyrs  ont  un  pou- 
voir que  ni  l'or  ni  les  perles  n'auront  jamais. 
L'or  ne  saurait  chasser  les  maladies.  A-t-on 
vu  la  mort  obéir  à  l'or,  et,  à  son  seul  attou- 
chement, abandonner  un  corps  dont  elle  se 
serait  dôjh  em[)arée?Non,  sans  doute;  et  c'est 
ce  que  font  tous  les  jours  les  reliques  des 
saints  martyrs.  » 

DKUSE  (saint),  souffrit  le  martyre  pour  la 
foi ,  à  Antioche,  avec  les  saints  Zozime  et 
Théodore.  Les  Actes  des  martyrs  ne  nous 
ont  conservé  aucun  document  relativement 
à  eux.  L'Eglise  célèbre  leur  sainte  mémoire 
le  IV  décembre. 

DilUSUS  (saint),  martyr,  versa  son  sang  en 
l'honneur  de  Jésus-Christ  avec  les  saints 
Lucien,  Métrope,  Paul,  Zénobe  et  Tliéotime. 
Ce  fut  à  Tripoli  que  ces  coui-ageux  combat- 
tants soullVireiit  le  maityr(\  Nous  n'avons 
pas  d'autres  détails  sur  leur  conipl(>.  L'Eglise 
nonore  leur  sainte  mémoir(î  le  !2'i  décemhre. 

D11I5AC  (Clahik),  ursuliiie,  fut  guillo- 
tinée le^O Juillet  I7i)'i-,  à  Orange,  avec  Tlié- 
rèst!  Cousoioii ,  sui)érieure  des  Ursulines  de 
Sisleron  ;  Anne  Cartier,  ursiiline  au  Pont- 
Sainl-Esprit  ;  Marguerite  Br)niu>l,  religieuse 
du  Saint-Sacrement,  el  Madeleine-Caiho- 
riiie  de  Justamon  ,  (pialrièiue  martyre  du 
même  nom  el  de  la  même  famille.  Quand  le 
juge  (lenianda  .^i  la  so'ui- Claire  Diibac  ,  qui 
elle  était  :  «  Je  suis  religieuse,  répondit-ello, 
(H  je  h;  serai  jusqu'à  la  mort,  de  cœur  et 
d'Auio.  » 


955  W 

DURFUUON  (  le  bienheureux )  ,  iunil>i  , 
missionnaire  do  la  compajUnio  de  J(''.siis,  par- 
tit le  IV  novembre  1710,  d.' ran'lii|)el  des 
PhiiipiiiiU'S,  acAOïupagné  du  I'.  Cortil  el  du 
F.  Ktioniio  I^aiidin,  atin  d'aller  pnVIiei'  rii<;- 
vaii^ile  dans  les  Carolincs  ocfideiilales. 
Apiès  qnin/.e  jours  de  navi^^ialiori,  le  ^0  rio- 
V(Mul)re  1710,  ou  aperçut  la  terre.  Des  iu- 
digùues,  étant  venus  h  boni,  dirent  (jue  ces 
îles  s'apjxdaient  Sonsorol  ouSoiol,  et  (pi'clhis 
faisaient  ()artie  des  îles  Palaos.  Malgré  les  re- 
présentations des  ofliciers  du  navire,  les 
dvu\  Pères  voulurent  divscendre  à  tei-re  et  y 
})lanter  une  croix,  tandis  que  le  vaisseau 
continuerait  sa  niarelie  pour  découvrir  l'île 
Panlog,  éloignéed'environ  50  lieues  de  celles 
où  les  missionnaires  allaient  d('scendr(!. 

Quelque  temps  après,  la  Suinte-Trinité 
étant  revenue  aux  iles  Sonsorol  pour  avoir 
des  nouvelles  des  deux  nùssionnaires,  un 
vent  violent  la  força  de  prendre  le  large,  et 
ce  ne  fut  qu'un  an  après  que  l'on  sut  que  les 
Pères  Duberron  et  Cortil  avaient  été  tués  et 
mangés. 

DUBRAY,  prêtre  de  Saint-Sulpice,  fut  une 
des  victimes  immolées  aux  Carmes  durant 
la  révolution  française.  Poursuivi  par  les 
brigands,  il  était  parvenu  à  leur  échapper, 
et  s'était  blotti  entre  deux  matelas  dans  l'é- 
glise du  couvent.  A  la  tin  du  massacre,  les 
meurtriers  qui  buvaient  et  chantaient  dans 
i'église  l'ayant  aperçu,  le  bourreau  se  saisit 
de  lui,  le  traîna  au  pied  de  l'autel,  lui  fendit 
la  tè(e  avec  son  sabre  et  l'acheva  à  coups  de 
pique. 

DUEGNAS  (Pierbede),  avait  été  élevé  à  la 
cour  de  Castille.  Il  était  frère-lai  dans  l'ordre 
des  Franciscains,  et  n'avait  que  dix-huit  ans 
quand  il  partit  avec  Jean  de  Cetina(Fo?/.  son 
titre),  pour  aller  prêcher  l'Evangile  à  Grenade 
et  dans  l'Andalousie.  Ils  arrivèrent  à  Gre- 
nade le  8  janvier  1397.  Le  peuple  s'émut  de 
leur  arrivée.  Le  cadi,  dépositaire  de  l'auto- 
rité pendant  l'absence  momentanée  du  chef 
Mahomet-Aben-Balva ,  les  fit  amener  à  son 
tribunal,  et  ils  ne  se  cachèrent  point  du  mo- 
tif qui  les  amenait.  Le  juge,  n'osant  prendre 
sur  lui  de  les  maltraiter,  leur  enjoignit,  sous 
peine  de  la  vie,  de  quitter  le  territoire  de 
Grenade.  Le  lendemain  ,  malgré  l'ordre  du 
cadi,  nos  bienheureux  se  mirent  à  prêcher 
dans  la  ville  et  furent  aussitôt  jetés  en  pri- 
son. Quelque  temps  après  on  les  envoya 
travailler  aux  vignes  avec  des  esclaves.  Le 
rude  travail  auquel  ils  se  livraient  et  les 
exercices  de  leur  zèle  les  firent  tomber  ma- 
lades ,  mais  Dieu  exauça  leurs  ferventes 
prières  et  leur  rendit  la  santé.  Après  deux 
mois  de  séjour  aux  vignes ,  ils  revinrent  à 
Grenade.  Un  jour,  Jean  ayant  rencontré  par 
la  ville  une  troupe  de  mahomélans,  il  se  mit 
à  leur  expliquer  la  parole  de  Dieu  et  à  ana- 
thématiser  Mahomet.  Ceux  qui  l'entouraient 
le  conduisirent  aussitôt  à  Mahomet-Aben- 
Balva  ,  qui  était  de  retour  de  son  voyage  à 
Malaga.  Il  appliqua  lui-même  plusieurs 
coups  de  bâton  à  Jean,  dont  un  lui  arracha 
l'œil  ;  ensuite,  l'ayant  fait  dépouiller  de  ses 
vêtements,  il  commanda  de  l'achever  à  coups 


nuF 


8S4 


do  fouet.  Il  mit  lin  lui-même  aux  tortures 
du  martyr  en  lui  trancliant  la  tête  avec  son 
glaive.  Il  ordonna  ensuite  à  l>iorre  de  lui 
obéir  et  do  rcnifU'  sa  foi.  Promesses,  mena- 
ces, tout  fut  inutile.  Alors  il  lo  fit  fustiger 
cruellement,  après  quoi  il  lui  coupa  lui- 
même  la  tête  comme  à  son  compagnon.  Leur 
martyre  arriva  le  19  mai  L'Î97.  La  populace 
traîna  leurs  r^)v\^s  par  la  ville,  mais  les  chré- 
tiens recueillirent  leurs  membres  dispersés, 
et  aujourd'hui  encoi'e  une  grande  partie  de 
huirs  saintes  reliques  se  voit  à  Vie  en  Cata- 
logue. (Uinaldi,  an.  1397,  n"  17.) 

DUFUESSE  (le  bienheureux),  missionnaire 
en  Chine,  évêque  de  Tabraca,  fut  arrêté  dans 
le  Sut-Chuen  en.  1784,  ou  plutôt  se  livra  lui- 
même  sur  l'invitation  que  lui  en  lit  M .  de  Saint- 
Martin,  évêque  de  Caradre.  On  avait  décidé 
qu'à  tout  prix  on  s'emparerait  do  lui.  L'évoque 
do  Caradre  craignit  (|ue  la  rigueur  des  re- 
cherches qu'on  allait  faire  devînt  funeste  à 
d'autres  missionnaires  ;  ce  fut  ce  qui  le  dé- 
cida à  écrire  à  M-  Dufresse,  qui,  douze  jours 
après,  se  présenta  aux  mandarins.  Il  fut  trans- 
féré dans  les  prisons  de  Pékin  avec  l'évêque 
deCaradre,  ainsi  que  MM.  Devant  et  Delpon, 
et,  à  la  suite  de  plusieurs  interrogatoires, 
condamné  par  le  tribunal  des  crimes  à  une 
détention  perpétuelle.  Il  faillit  périr  de  mi- 
sère en  prison ,  ainsi  que  firent  les  deux 
derniers  missionnaires  que  nous  venons  de 
nommer.  Enfin,  après  bien  des  soutï'rances, 
un  édit  de  l'empereur  vint  l'arracher  à  sa 
prison  en  novembre  1785.  Il  revint  à  Macao 
avec  M.  de  Saint-Martin  et  y  attendit  le  mo- 
ment favorable  pour  rentrer  dans  le  pays 
qu'il  évangélisait.  Ce  fut  le  25  juillet  1800 
que  l'évêque  de  Caradre  ,  un  an  avant  sa 
mort,  le  sacra  sous  le  titre  d'évêque  de  Ta- 
braca. Le  15  novembre  suivant,  il  fut  nommé 
vicaire  apostolique  du  Sut-Chuen.  En  sep- 
tembre 1803,  il  réunit  le  premier  synode  qui 
se  soit  assemblé  en  Chine.  Un  édit  de  l'em- 
pereur Kia-King,  portant  peine  de  mort 
contre  les  missionnaires  qu'on  découvrirait 
dans  l'empire,  fit  qu'on  renvoya  de  Pékin 
tous  les  missionnaires,  à  l'exception  de  trois 
que  l'on  garda  pour  le  tribunal  des  mathé- 
matiques. Après  un  moment  de  calme,  la 
tempête  éclata  de  nouveau.  Mgr  Dufresse 
tomba  entre  les  mains  des  persécuteurs  le  18 
mai  1815.  Il  fut  d'abord  traité  avec  infiniment 
d'égards  par  les  mandarins.  M.  Escodeca  de 
la  Boissonnade  voulut  en  vain  racheter  sa 
liberté  en  payant  rançon;  on  n'accepta  pas. 
Le  vice-roi  prononçant  en  dehors  de  toutes 
les  formes  judiciaires  et  légales,  rendit  un 
arrêt  qui  le  condamna,  vers  le  milieu  de 
septembre,  à  être  décapité  immédiatement. 
On  fit  sortir  des  prisons  plus  de  trente  chré- 
tiens qui  accompagnèrent  l'évêque  au  lieu 
du  supplice.  On  pensait  effrayer  le  troupeau 
en  tuant  son  premier  pasteur;  mais  au  lieu 
du  supplice,  ces  chrétiens  montrèrent  -un 
courage  vraiment  sublime.  Le  mandarin 
leur  ordonnant  d'apostasier  sous  peine  d'être 
étranglés,  ils  se  jetèiontaux  pieds  de  l'évê- 
que et  lui  deman.ièrent  l'absolution  pour 
se  préparer  à  mourir.  Un  seul  resta  debout. 


855 


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DUL 


856 


Alors  l'évoque,  élevant  la  voix,  exhorta  ceux 
qui  restaient  tidèles  .\  suivre  l'exemple  qu"il 
allait  bientôt  leurdonner.  Puis,  présentant  sa 
tète  au  bourreau,  il  reçut  immédiatement  le 
coup  mortel.  Les  autres  chrétiens,  qui  ambi- 
tionnaient un  sort  pareil,  ne  virent  pas  leurs 
vœux  satisfaits  ;  ils  furent  reconduits  en 
prison. 

DULAS  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la  foi 
h  Zéphyre  en  Cilicie,  sous  le  président  Maxi- 
me. Ayant  été  fouetté,  mis  sur  un  gril  ardent, 
arrctsé  d'huile  bouillante  et  tourmenté  en 
]  lusieurs  autres  manières  pour  le  nom  de 
Jésus-Christ,  il  remporta  la  palme  du  mar- 
tyre. 

"  DULAU  (Jean-Marie),  archevêque  d'Arles, 
était  originaire  du  Périgord.  Sa  naissance  eut 
lieu  le  30  octobre  1738  :  son  père  et  sa  mère 
appartenaient  aux  plus  ancennes  et  aux  plus 
noblesfamillesdu  pays.  S'il  faut  en  croire  les 
récits  de  ceux  qui  ont  écrit  sa  Vie,  la  Provi- 
de ce  prit  soin  d'entourer  son  enfance  de 
grûces  toutes  particulières.  Sa  mère,  qui  était 
une  femme  extrêmement  pieuse,  ne  parlait  ja- 
mais à  son  cher  tils  sans  l'appeler  le  trésor  et 
la  bénédiction  de  sa  maison.  Sa  tendresse  sa- 
vait instinctivement  trouver  les  noms  de  ce 
que  devait  être  en  etfet  cet  enfant.  Ainsi  les 
mères,  bien  souvent,  ont  comme   des   en- 
trevisions d'avenir  en  ce  qui  concerne  leurs 
enfants.  Le  jeune  Dulau  fut  envoyé  à  Paris 
pour  y  terminer  ses  études.  11  les  fit  si  fortes 
et  avec  tant  de  distinction,   que  ses  maîtres 
lui  prédirent  qu'un  jour  il  serait  la  gloire  de 
la  France  et  de  l'Eglise.  Il  avait  un  oncle, 
curé  de  Saint-Sulpice.    Cet  estimable  ecclé- 
siastique sut  diriger  les  goûts  et  les  tendances 
de  son  neveu,   de  telle  fanon   qu'il   préféra 
entrer  dans  l'état  ecclésiastique,  aux  jouis- 
sances que  sa  position  de  fortune  et  sa  nais- 
sance lui  donnaient  droit  d'espérer  dans  le 
mondo.  Il  montra  dans  l'étude  de  la  théolo- 
gie les  mômes  dispositions  et  la  même  supé- 
riorité que  pour  les   études  littéraires.   En 
sortant  du  collège  de  Navarre,   il  fut  le  pre- 
mier de  sa  licence  admis  en  Sorbonne.  11  fut 
ensuite  élevé  au  canonicat  de  Pamiers  ;  peu 
de  temps  après,   nommé   grand  vicaire  de 
Bordeaux,  puis  enfin  prieur  commandatairo 
dans  le  diocèse  de  Périgueux.  M.  Dulaujouis- 
sait  dès  lors  d'une   immense   fortune  qu'il 
dépensait  tout  entière   en  aumônes  et   en 
jjieuses  libéralités.  La  charité  lui  parut  tou- 
jours la  vertu  suprême,  celle  qui  est  la  source 
de  toutes  les  autres.  Déjà  sa  réputation  était 
grande  ;  aussi  ne  fut-on  pas  étonné,  lors(pril 
fut  choisi ,    n'ayant  jjas  encore  trente-deux 
ans,  pour  remplir  les  fonctions  d'agent  géné- 
ral du  clergé  dans  la  province  ('cclésias(i([ne 
de  Vienne.  En  1775,    c'est-à-dire   à  l'Age  do 
37  ans,   il  fut  nommé  archevê(iue   d'Arles. 
Convaincu  que  l'ordieest  nécessaire  à  l'hom- 
me [)Our  faire  un  bon    emploi  de  sa    vie  et 
pour  arriver  j)ar  \h  au   ciel,    il  en  mit  dans 
toute  .sa  conduite  et  dans  les  actions  les  plus 
ordinaires  di;  sa  vie.  (^.hafjiie  jour,    cha(jue 
heure,  avaient  son  emploi.  Dans  sa    maivon 
tout  était    ré^ié  coinnui  dans  un  séminaire: 
l'étudf;,  1,1  [irif'TCî,  les  soins  qu'il  devait  à  son 


troupeau,  se  partageaient  presque  tout  son 
temps  ;  le  seul  délassement  qu'il  se  permît 
était  la  promenade;  chaque  jour  il  faisait 
une  longue  course  ;  il  choisissait  toujours 
pour  but  de  ses  excursions  les  lieux  les 
plus  solitaires.  Il  y  discutait  avec  ceux  de 
son  clergé  qui  l'accompagnaient  quelque 
point  de  morale  ou  de  théologie. 

Il  arriva  qu'un  jour  un  de  ses  secrétaires 
blAma  l'austérité  de  sa  vie  et  lui  donna  le 
conseil  de  ne  point  s'astreindre  plus  long- 
temps à  une  existence  si  rigoureuse  et  si  sé- 
vère. 11  lui  conseillait  de  voir,  de  fréquenter 
la  société.  «  Je  sais,  lui  répondit  le  pieux 
archevêque,  que  si  je  suivais  vos  conseils 
j'aurais  une  vie  plus  agréable  :  croyez-vous 
qu'autant  qu'un  autre  je  n'aimerais  pas  la 
société  et  ses  agréments  que  vous  me  van- 
tez ?  mais  je  ne  crois  pas  que  ce  soit  pour 
jouir  de  tout  cela  que  la  Providence  m'a 
confié  la  haute  position  que  j'occupe.  C'est 
pour  veiller  au  salut,  aux  besoins  de  ce  trou- 
peau dont  je  suis  le  pasteur.  Un  ministre  du 
Seigneur,  qui  a  charge  d'âmes,  doit  préférer 
son  devoir  aux  satisfactions  de  la  vie.  » 

La  plus  grande  préoccupation  du  saint  ar- 
chevêque fut  de  rendre  les  éludes  plus 
fortes  tians  le  collège  et  dans  le  séminaire 
d'Arles,  et  d'y  mettre  la  piété  au  niveau  des 
études.  Après  avoir  fait  sous  ce  rapport  ce 
que  sa  piété  et  sa  sollicitude  lui  comman- 
daient, il  voulut  lui-même  évangéliser  son 
diocèse.  Comme  il  ne  pouvait  pas  de  sa 
personne  faire  autant  qu'il  était  besoin,  il 
y  suppléa  par  de  nombreuses  missions  qu'il 
établit.  Deux  ans  après  son  installation,  c'est- 
à-dire  en  1777,  il  commença  la  visite  de 
toutes  les  paroisses  de  son  diocèse.  Il  était 
affable  avec  tout  le  monde  ,  mais  surtout 
avec  ses  prêtres.  Le  moins  élevé  en  dignité 
était  aussi  bien  accueilli  par  lui  que  ceux 
qui  remplissaient  les  fonctions  les  plus  émi- 
ncntes.  Le  plus  humble  vicaire  ne  venait 
jamais  le  voir  qu'il  ne  l'invitAt  h  s'asseoir  à 
sa  table  dont  il  faisait  les  honneurs  avec 
infiniment  de  cordialité.  Il  avait  le  talent  d'a- 
dresser à  tous  de  ces  paroles  obligeantes 
qui  encouragent  le  mérite  et  en  sont  comme 
la  première  récompense.  Quand  il  visitait 
une  paroisse,  il  consacrait  toujours  une  jour- 
née |)Our  examiner  les  écoles  et  pour  voir  quel 
était  le  genre  d'éducation  qu'on  y  donnait  a  la 
jeunesse.  Il  interrogeait  les  petits  enfants 
avec  cette  douceur,  cette  tendresse  que  doi- 
vent toujours  avoir  pour  l'enfance  les  mi- 
nistres de  celui  (pii  disait  :  Sinilc  parvulos 
ventre  ad  me.  Son  bonheur  était  de  donner 
des  prix  et  de  renvoyer  satisfaits  et  heureux 
ceux  qui  l'avaient  contenté  par  leurs  ré- 
ponses. On  peut  trouver  ces  détails  peu  in- 
téressants; cependant,  il  faut  le  dire,  un 
évêque  est  le  père  du  troupeau  qui  lui  est 
conlié,  et  nous  concevons  parl'ailement  sa 
tendresse  pour  les  petits  enfants.  Ne  sont-ils 
pas  l'espérance  de  l'avenir?  Pour  tous  tant 
(pie  nous  sommes,  l'espérance  et  l'avenir, 
Dieu  l(;s  fait  si  beaiiv  et  si  dorés  sur  la  tête 
de  l'eiifance  !  Puis,  les  jjonlieurs  des  enfants 
sont  quel(iuft  chose  de  si  pur  et-  de  si  parfait, 


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qu'on  épronvo  toujours  une  immense  satis- 
faction ?i  livs  t'airo  naître. 

L'archovc^que  d'Arles,  an  milieu  des  assem- 
blées du  cler^'é  do  Fra'ic<',  6li\'d  regardé 
comme  un  oracle.  Il  était  doué  d'un  juge- 
ment et  d'une  pers[)icacité  (pii  (IcvançaiiuU 
lesévéneintMits.  Aussi  voyait-il  pai  t'aittMnent 
à  cAté  des  tendances  [)liilosop!ii((ues  et  ré- 
volnlionnaires  de  l'époque,  les  abus  de  toute 
sorte  existant  dans  la  société.  Il  avait  prédit 
la  révolution  tVançaiso  et  ses  horreurs,  en 
disant  qu'elle  arriverait  nécessairement,  si 
les  membres  du  sanctuaire  ne  savaient  j)as 
couper  au  vif  dans  les  vices  qui  y  existaient 
et  dont  hî  réforme  lui  paraissait  absolument 
nécessaire.  Un  an  avant  que  la  révolution 
éclatAt,  en  1788,  il  sut,  de  concert  avec  les 
magistrats  d'Arles,  faire  au  peuple  des  au- 
mônes abondantes  qui  l'emiJÔchôrent  de 
se  révolter  dans  la  disette  qu'il  eut  à  souf- 
frir. Nommé  d'abord  député  à  l'assemblée 
des  Notables,  puis  aux  Etats  généraux,  il  s'ef- 
faça complètement  ;  sa  modestie  était  si 
grande  qu'il  n'aborda  jamais  la  tribune.  Ce- 
pendant sa  science  et  sa  haute  raison  ne 
demeurèrent  pas  stériles.  Il  fut  la  lumière 
des  comités  et  des  commissions  dont  il  fut 
membre.  On  peut  le  regarder  comme  le 
principal  rédacteur  et  comme  l'inspirateur 
de  Vcxposition  de  principes  que  rédigea  le 
comité  des  évoques.  Mgr  Dulau  publia  plu- 
sieurs excellents  ouvrages  à  l'usage  de  son 
diocèse;  ce  fut  à  ces  écrits  remarquables 
que  le  troupeau  confié  h  sa  garde  dut  de  ne 
pas  tomber  dans  le  schisme.  Quand  parut  le 
décret  qui  ordonnait  la  déjiortation  des  prê- 
tres fidèles,  il  fit  en  réponse  une  adresse  au 
roi  si  pleine  de  raison  et  de  sensibilité  que 
l'infortuné  Louis  XVI  en  fut  ému  jusqu'à  en 
pleurer,  et  qu'il  refusa  de  le  signer. 

Le  11  août  1792,  Mgr  Dulau  fut  arrêté. 
Quand  il  entra  dans  l'enceinte  de  la  prison, 
il  y  trouva  ses  deux  grands  vicaires,  MM.  de 
Thorame  et  de  Foucault.  Quand  il  fut  trans- 
féré dans  l'église  des  Carmes,  un  horloger 
nommé  Carcel  vint  immédiatement  l'y  vi- 
siter. Cet  homme  avait  déjà  sauvé  quatre 
ecclésiastiques.  Il  venait  olfrir  à  l'archevêque 
des  moyens  de  sortir  facilement  de  prison. 
«  Mon  bon  ami,  lui  dit  l'homme  de  Dieu,  je 
vous  suis  bien  obligé  de  votre  bon  vouloir; 
mais  étant  innocent,  je  dois  rester  ici  ;  si  je 
fuyais  on  me  croirait  coupable.  Que  la  sainte 
volonté  de  Dieu  soit  faite  l  »  Deux  jours  et 
deux  nuits  les  prisonniers  restèrent  sans 
autre  lit  qu'une  simple  chaise.  Parmi  ces 
prisonniers,  il  y  en  avait  plusieurs  qui  étaient 
cassés  de  vieillesse,  accablés  d'infirmités; 
d'autres  étaient  si  indigents  qu'ils  n'avaient 
pas  même  de  quoi  subvenir  aux  besoins  de 
leur  nourriture.  Leur  misère  était  si  grande, 
qu'elle  parvint  à  toucher  même  un  de  leurs 
persécuteurs,  un  de  ceux  d'entre  les  révo- 
lutionnaires qui  avaient  montré  le  plus  d'a- 
charnement pour  les  faire  incarcérer,  en  fut 
profondémenfému.Il  accorda  aux  gardeslaper- 
mission  de  laisser  entrer  ce  qu'on  apporterait 
pour  leur  subsistance,  de  faire  seulement  at- 
tention qu'on  n'introduisît  pas  d'armes.  Il  alla 


jusqu'à  inviter  lui-même  les  |)ersonnes  cha- 
ritables des  environs  h  subvenir  aux  besoins 
des  pauvres  prisonniers.  Dans  leur  prison, 
ils  n'avaient  pas  la  permis-ion  d(!  célébrer 
les  saints  mystères.  Ils  récitaient  en  com- 
mun les  prières  do  la  incisse.  Le  médecin 
obtint  |)Oin'  eux  la  permission  d'une  \>v(-)- 
menade  chaque  jour  dans  h;  jardin,  au  lond 
duipiel  il  y  avait  un  petit  oratoire  d(!  la 
Vierge,  de  sorte  que  ces  disciples  du  Sei- 
gneur li'Oiivaient  partout  des  occasior)s  d'é- 
lever leur  Aine  à  Dieu.  Le  but  de  leurs  jiro- 
menades  était  cet  oratoire,  où  ils  allaient 
comme  en  pèlerinage  invoquer  la  mère  des 
miséricordes.  Rentraient-ils  dans  leur  pri- 
son, qui  était  l'église  elle-même,  ils  y  étaient 
sans  cesse  face  à  face  avec  le  Dieu  qui  ha- 
bite dans  le  temple  des  chrétiens.  Tous  les 
jours  les  infirmilés  de  l'archevêque  d'Arles 
augmentaient  :  bien  des  fois  on  l'engagea  à 
demander  la  permission  d'être  trans|)orté 
chez  lui,  mais  il  réi)ondait  invariablement  : 
«  Je  suis  trop  bien  ici,  et  en  trop  bonne 
compagnie.  »  Il  y  avait  trois  jours  déjà  qu'il 
était  en  prison,  et  qu'il  n'avait  pas  encore 
de  lit;  on  ne  put  lui  en  faire  accepter  un, 
parce  qu'ayant  compté  les  matelas,  il  s'était 
aperçu  qu'il  en  manquait  pour  un  prison- 
nier qui  venait  d'arriver.  Sans  cesse,  par 
ses  discours,  il  encourageait  les  autres  pri- 
sonniers que  son  éminente  piété,  que  sa  pa- 
tience admirable,  remplissaient  d'admiration 
pour  lui.  Les  gardiens  féroces  qui  veillaient 
sur  les  serviteurs  de  Dieu,  s'étant  aperçus 
que  Mgr  Dulau  était  de  tous  le  plus  élevé'on 
dignité,  le  torturaient,  l'outrageaient  de 
toutes  les  façons.  Mais  il  savait  placer  son 
âme  si  haut,  que  les  injures  n'arrivaient  pas 
jusqu'à  elle.  Uni  à  Jésus-Christ,  identifiant 
en  quelque  sorte  ses  souffrances  avec  celles 
qu'il  avait  endurées,  il  demeurait  impassible 
devant  les  outrages ,  acceptait  en  silence 
tous  ceux  qu'on  lui  prodiguait,  s'estimant 
heureux  d'avoir  à  souffrir  plus  que  les  au- 
tres pour  Jésus-Christ.  Un  jour  qu'il  était 
dans  le  jardin  pour  y  prendre  l'air,  escorté 
de  deux  fusiliers,  un  militaire  qui  se  trou- 
vait là  et  qui,  par  sa  mise  décente,  son  air 
convenable  ,  semblait  ne  pas  appartenir  à 
cette  classe  d'hommes  qu'on  voit  dans  toutes 
les  révolutions  pour  les  déshonorer,  fit  der- 
rière Mgr  Dulau  un  de  ces  gestes  indécents 
à  l'usage  des  hommes  du  peuple  les  plus 
dégradés,  et  passant  devant  le  prélat,  s'age- 
nouilla, et  prenant  son  épée,  la  posa  en 
forme  de  croix  sur  sa  poitrine  :  «  C'est  ainsi, 
lui  dit-il,  que  demain  je  te  sacrerai  moi- 
même.  »  Le  prélat  se  détourna  sans  proférer 
une  parole.  Un  gendarme,  homme  brutal  au 
plus  haut  point,  le  prit  aussi  pour  point  de 
mire  des  plus  atroces  plaisanteries.  S'as- 
seyant  auprès  de  lui,  il  lui  faisait  entendre 
toutes  les  insultes  ,  toutes  les  grossièretés 
que  la  populace  la  plus  immonde  sait  trou- 
ver pour  insulter  ce  qui  mérite  le  respect. 
«  Tu  auras  bon  air  sous  la  guillotine,  lui 
disait-il  ;  tu  cracheras  joliment  dans  le  pa- 
nier. »  Puis,  se  levant,  il  s'inclinait  devant 
lui,  lui  prodiguant  ironiquement  tous  les 


859  DUT. 

titres  dont  l'AsserabU^e  venait  de  voter  la 
suppression.  Le  saint  homme  songeait  à  son 
Dieu,  couronné  d'épines  et  conspué  par  les 
Juifs;  il  no  répondait  rien.  Le  digne  lépu- 
blicain  venait  ensuite  s'asseoir  auprès  de 
hii,  allumait  sa  pipe  ot  poussiit  au  visage  de 
rarehovèipie  des  boutlees  de  l'innée,  jusqu'à 
ce  qu'incommo  lé  et  près  de  se  trouver  mal, 
il  fût  obligé  de  se  lever  et  de  changer  de 
place.  L'atroce  persécuteur  le  suivait  jus- 
qu'à ce  qu'il  vît  sa  cruauté  vaincue  par  î'ad- 
mirahle  patience  du  serviteur  de  Dieu. 

Une  nuit,  réveillé  en  sursaut  par  un  de 
ses  voisins  qui  lui  dit  :  «  Monseigneur,  voici 
les  assassins!  »  L'archevô(]ue  ré|)ondit  sim- 
f)lement  :  «  Eh  bien!  si  le  bon  Dieu  demande 
notre  vie,  le  sacrifice  doit  en  être  fait.  » 
Après  avoir  ainsi  répondu,  il  se  rendormit. 
Le  vendredi,  trente-unième  d'août,  les  pri- 
sonniers soupçonnèrent  que  quelque  chose 
de  grave  allait  se  passer  pour  eux.  On  vint 
enlever  de  l'église  tous  les  objets  consacrés 
au  culte.  On  brisa  uiême  une  croix  qu'on  ne 
put  ôter  autrement  de  la  muraille.  Mais  les 
prêtres  ayant  trouvé  une  croix  de  bois,  la 
placèrent  sur  le  maître-autel.  A  onze  heures 
du  soir,  Manuel,  procureur  de  la  rf'publique 
et  Pélhion,  maire  de  Paris,  leur  envoyèrent 
signifier  le  di'cret  d'exportation  rendu  par 
l'Assemblée;  mais  déjà  on  creusait  leur  fosse 
d<ms  le  cimetière.  Le  lendemain,  ils  consa- 
crèrent toute  la  journée  aux  exercices  de 
piété,  auxquels  ils  se  livraient  or  iinaire- 
nient,  attendant  que  Péthion  donnât  des  or- 
dres pour  les  délivrer.  Ils  passèrent  la  jour- 
née du  dimanc  le  dans  la  môme  attente.  Mais 
la  jiromenade  du  matin  ayant  été  retardée, 
plusieurs  d'entre  eux  remarquèrent  qu'on 
les  surveillait  avec  plus  de  soin  que  de  cou- 
tume. Kn  rentrant  dans  l'église,  ils  trouvè- 
rent qu'on  avait  relevé  leurs  gardes  avant 
l'heure  ordinaire.  L'un  d'entre  eux  leur  dit  : 
«  Ne  craigruiz  rien.  Messieurs,  si  on  vient 
vous  attaquer,  nous  sommes  en  force  pour 
nous  défendre.  »  Les  malheureux  prison- 
niers ignoraient  la  terreur  dans  laquelle  Paris 
était  plongé  depuis  la  prise  de  Longwi  par 
l'armée  prussienne  qui  assiégeait  actuelle- 
ment Verdun.  Les  chefs  de  la  révolution 
avaient  délibéré  s'il  ne  convenait  pas  de  fuir 
de  Paris.  Mais  le  ministre  de  la  justice,  Dan- 
ton, avait  imaginé  d'autres  moyens  pour 
l'epousser  les  alliés.  Il  voulait  une  levée  en 
masse  de  la  France,  mais  qu'avant  de  mar- 
cher, on  se  débarrassât  de  tous  ceux  qui 
étaient  entassés  dans  les  [irisons,  prêtres, 
royalistes  ou  suspects.  On  (ixa  le  jour  de 
cette  atroce  exécution  au  dimanche  2  sep- 
tembre, (^e  jour-là  on  (il  courir  le  bruit  (pio 
Verdun  s'étanl  rendu,  les  Prussiens  arri- 
vaient sur  l*aris.  Les  membres  de  la  nnnii- 
cipalité  allèrent  dire  à  l'Assemblée  ([ii'ils 
allaient  invitcn'  les  Parisi(;ns  à  formiT  une 
armée  de  ()(),00()  homnniS.'A  midi,  on  tira 
Je  canon  d'alarme,  ou  so  ina  le  locsiii;  tout 
ce  qu'il  y  avait  d'honnètt!  dans  Paris  tr(;in- 
blait.  La  populace  l'évohjlionnaire  était  <n 
proie  comme  à  d<;s  accès  de  rage  :  elh;  se 
divisait  en  escouades  do  bourreaux,  prêts  h 


DllL 


S60 


agir  partout.  Durant  ce  temps-là  on  servait 
un   dîner  aux   jirisonniers   de   l'église   des 
Carmes.  Un  oOicier  leur  dit  :  «  Vous  allez 
sortir,  et  on  va  rendre  à  chacun  ce  qui  lui 
appartient.  Le  dîner  fut  tranquille,  chacun 
avait  dans  l'Ame  plus  de  gaieté  qu'à  l'ordi- 
naire.   Les    bourreaux    étaient    embusqués 
dans  tous  les  coriidors  de  la  maison.  La  pro- 
menade qui  n'avait  pas  eu  lieu  le  m"tin  fut 
non-seulemeiît  |)ermise,  mais  commandée  à 
quatre  heures.  Les  vieillards,  les  infirmes, 
furent  forcés  d'aller  au  jardin.  Les  prêtres  y 
étaient   au  nombre  d'environ  deux   cents; 
quand   tout  à  coup  on   entendit  un   grand 
bruit  dans  une  rue  voisine.  C'était  gne  i)ande 
de  bourreaux  qui  allaient  à  l'abbaye  Saint- 
Germain   })our  y   commencer  le  massacre. 
Al^rs  ceux   qui  étaient  cachés  dans  les  cor- 
ridors ,  passant  à   travers  les  barreaux  des 
fenêtres  leurs  baïonnettes  et  leurs  sabres, 
crièrent  aux  prisonniers  :  «  Scélérats!  voici 
donc  enfin  venu  le  moment  de  vous  punir!  » 
Les  prêtres  se  réfugièrent  tous  au  fond  du 
jardin, -se  mirent  à  genoux,  offrirent  leur 
existence  à  Dieu  et  se  donnèrent  mutuelle- 
ment l'absolution.  L'abbé  de  Pannonie,  cha- 
noine de  Cahors,  se  trouvait  en  ce  moment 
1  rès  du  petit  oratoire  de  la  Vierge,  avec 
l'archevêque  d'Arles.   «  Cette  fois.  Monsei- 
gneur, lui  dit-il,  je  crois  qu'ils  vont  venir 
nous  assassiner!  »  —  «  Eh  bien!  mon  cher, 
lui  répondit  l'archevêque,  si  c'est  aujour- 
d'hui  notre  martyre,   soumettons-nous,   et 
remercions  Dieu  (]ui  nous  fait  mourir  pour 
une  si  noble  cause.  »  Comme  il  parlait  ainsi, 
les  brigands  enfonçaient  la  porte  du  jardin. 
Ils  entrèrent  au  nombre  de  trente  environ. 
Ceux  qui  s'avançaient  vers  le  petit  oratoire 
criaient  :  «  Où  est  l'archevêque  d'Arles?  »  11 
les  attendit  sans  changer  de  place  et  sans 
paraître  ému.  L'abbé  de  la  Pannonie  était  en 
avant  du  groupe.  Us  s'adressèrent  à  lui  et 
lui  dirent  :  «  Est-ce  toi  qui  es  l'archevêque 
d'Arles?»  L'abbé,  baissant  les  yeux  et  joi- 
gnant les  mains,  ne  répondit  pas.  «  C'est  donc 
toi,    scélérat?  »  dirent-ils  à  l'archevêque.  — 
«  Oui,  c'est  moi.  —  Ah!  scélérat,  c'est  toi 
qui  as  fait  verser  tant  de  sang  patriote  dans 
la    ville  d'Arles!  — Messieurs,   je  n'ai  ja- 
mais fait  de  mal  à  personne ,  »  dit  l'arche- 
vê([ue.   —  «  Je  vas  t'en  faire,  moi,  »  dit  un 
d(;s  bourreaux,  en  lui  déchargeant  un  coup 
de  sabre  sur  la  tête.  Ce  coup  porta  sur  le 
front,  l'archevêque  resta  debout  et  ne  dit  pas 
un  mot;  un  autre  lui  fendit  pies(pui  tout  le 
visag<î  d'un  second  ('oup  tle  sabre.  Toujours 
même  silence  de  la  jjart  de  la  victime,  qui 
poi'le  S(vs  deux  mains  à  sa  blessure.  Frappé 
d'un  troisième  coup  sur  la  tête,  Mgr  Dulau 
tomba.   Un    des   bourreaux   lui   (Milbnça   sa 
pique  si  viohnnment  dans  la  poitrine,  (pi'il 
ne  put  en  arracher  le  fer  qu'en  appuyant  du 
pied  sur  son  corps.  Après  cet  exploit,  il  vola 
la  montre  de  sa  victime,  et  la  monira  triom- 
plialement  à  ses  complices. 

Ainsi  mourut  M:^r  Dulau.  Il  fu»  une  di-s 
premières  victimes  tombées  sous  la  liacln» 
révolnlionnain!  pour  le  soutien  de  la  foi  el 
du  l'unité  de  l'EgJiso. 


861  tm 

DULCÈCE,  étaitprésident  à  Thessaloniquo, 
sous  le  règne  de  Dioclélien.  11  lit  soutlVir  lo 
martyre  A  sainte  Irùne,  ainsi  «lu'à  ses  deux 
sœurs  Agape  et  Cliiunic. 

DUliVKTirS,  gouverneur  de.  Macédoine 
sons  DioclQtien  et  Max! mien,  condamna  à 
mourir  pour  la  foi  les  sainles  Agape,  Irène 
et  (Juionie,  dans  la  ville  do  Thessaloniquo. 
[Voy.  A(;ape.) 

Dl'LCIDIUS,  gouverneur  d'Aquilèe  en  304, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Dioclétien,  l'ut 
l'un  des  plusarilents  exécuteui'S  des  èdits  do 
])t'rséL'uliou  qu'avait  lancés  ce  |)rince.  Con- 
jiiinlemeit  avec  Sisinnius,  général  (jui  com- 
mandait les  troupes  dans  la  [trovince,  il  s'oc- 
cu|)ail  nuit  et  jour  Ji  la  recherche  des  chré- 
tiens. Les  i)i-isons  en  étaient  rem])lies.  {Vou. 
1  ariicle  de  saint  Cantiiîn.) 

DIILK  (sainte),  martyre,  était  servanted'un 
soldat.  Ayant  été  tuée  en  dét'entiant  sa  chas- 
teté, elle  mérita  ainsi  la  couioinie  chi  mar- 
tyre. On  n'a  pas  d'autres  détails  sur  elle. 
L'Eglise  fait  sa  sainte  mémoire  le  25  mai's. 

DUMOULIN-BOKIE  (  Pieruk)  ,  cueillit  la 
aime  glorieuse  du  martyre  en  l'honneur  do 
a  religion  chrétienne,  le  24  novembre  1838. 
A  la  mort  de  M.  Havard,  vicaire  apostolique 
du  Tonquin  occidental,  il  avait  été  promu  au 
siège  d'Acanthe,  qu'il  ne  devait  pas  occuper 
longtemps.  Bientôt  en  etfet  les  deux  prêtres 
annamit>'S  qui  lui  étaient  associés  périrent 
par  le  supplice  de  la  coj'de  :  le  sien  fut  af- 
freux. Le  bourreau  chargé  de  lui  trancher  la 
tète  était  ivre  au  moment  du  supplice  ;  son 
premier  coup  de  sabre  porta  sur  l'oreille  du 
saint  missionnaire  et  l'arme  descendit  jus- 
qu'à la  mâchoire  ;  le  second  ayant  enlevé  la 
partie  supérieure  des  épaules,  la  replie  sur 
le  cou  ;  le  troisième,  qui  avait  été  plus  assu- 
ré, ne  trancha  pourtant  pas  la  tète.  Le  man- 
darin chargé  de  présider  au  supplice,  fut  saisi 


EDE 


862 


l 


d'horreur.  Ce  ne  fut  qu'au  sopticme  coup  que 
l'ignol)le  bourreau  réussit,  s.uis  (pie  M.  Du- 
moulin -  Boric  ait  fait  enlendrf!  aucune 
{)lainte. 

DlIKANfiOde  bienheureux  Nicolas),  mis- 
sionnaii-e  d(i  la  compagnie  (h;  Jésus,  fut  rrias- 
sacj'é  en  1707  par  les  inUdôles,  dans  h;  pays 
de  (layes. 

DUÙAZZO,  ville  d'Albanie  (aujounriiui 
Roumélie),  vit  le  martyre  des  saints  Péré- 
grin,  Lucien,  Pa|)ias,  Hésychius,  Saturnins, 
Pompée  et  Germain.  L'bistoire  ne  nous  a 
laissé  aucun  documi^nt  positif  et  détaillé  sur 
la  mort  de  cette  |)léia(le  de  saints.  Ils  appar- 
tiennent h  la  persécutio!!  de  Trajan. 

DUKOSrOUO ,  Durostoruin ,  plus  tard 
Dristrn,  ville  de  la  seconde  Mésie,  aujour- 
d'hui Silislri.  Ce  fut  dans  cette  ville,  au  com- 
mencement du  iV  siècle,  durant  la  persécu- 
tion de  Dioclétien,  que  saint  Jules,  vétéran, 
soulliit  la  mort  pour  la  foi  chrétienne. 

DYMPNE  (sainte),  vierge  et  martyre,  était 
fdle  d'un  prince  anglo-saxon.  Dans  son  i)ays, 
sa  virginité  n'était  pas  en  sûreté,  elle  fut 
obligée  d'en  partir  pour  éviter  qu'on  y  portât 
atteinte.  Elle  émigra  avec  le  saint  prêtre 
Gerbern  et  quelques-unes  de  ses  compa- 
gnes. Premièrement  elle  fixa  son  séjour  à 
Anvers ,  puis  elle  vint  demeurer  au  vil- 
lage de  Gneel  dans  le  Brabant.  Elle  y  ser- 
vit Dieu  ,  passant  son  temps  dans  la  prière 
et  la  méditation.  Elle  vivait  en  paix  dans 
cette  demeure,  lorsque  ceux  qui  l'avaient 
poursuivie,  pour  attenter  à  sa  chasteté,  par- 
vinrent à  la  découvrir.  Comme  elle  résistait 
et  ne  voulait  pas  satisfaire  leur  passion  bru- 
tale, ils  la  massacrèrent  impitoyablement. 
Ses  reliques  sont  encore  àGheeldans  une  fort 
belle  châsse.  L'Eglise  célèbre  la  fête  de  cette 
sainte  le  15  mai.  Le  martyr-e  de  sainte 
Dympne  eut  lieu  dans  le  vii°  siècle. 


E 


EBBE  (sainte),  et  ses  compagnes,  vierges 
et  martyres  en  Ecosse,  vivaient  au  ix'  siècle, 
dans  le  grand  monastère  de  Coldingham,  si- 
tué dans  la  province  de  Mers  ;  la  bienheu- 
reuse Ebbe  en  était  abbesse.  Les  Danois  con- 
duits par  Hinguar  et  Hubba,  s'étant  jetés  à 
l'improviste  sur  le  pays,  notre  sainte  abbess ', 
voulant  sauvegarder  sa  chasteté  ainsi  que 
celle  de  ses  religieuses,  assembla  toutes  ses 
saintbs  filles,  et  après  leur  avoir  fait  un  dis- 
cours touchant,  se  coupa  le  nez  et  la  lèvre 
supérieure.  Toutes  les  religieuses  l'imitè- 
rent. Les  barbares  furent  remplis  d'horreur 
à  la  vue  de  cette  mutilation,  et  ayant  mis  le 
feu  au  monastère,  firent  ainsi  mourir  toutes 
ces  vierges.  Leur  martyre  arriva  à  la  fin  du 
ix''  siècle.  Elîes  sont  inscrites  le  2  avril  aux 
martyrologes  d'Ecosse,  et  le  5  octobre  à  ceux 
d'Angleterre. 

EBROIN,  maire  du   palais  sous  Thierri, 


meurtrier  de  saint  Léger,  evêque  d'Autun  et 
martyr.  [Voy.  Léger).  Ebroïn  persécuta  aussi 
violemment  saint  Lambert  de  Maestricht  , 
assassina  Dagobert  que  l'Eglise  honore  comme 
martyr.  Entin  la  justice  divine  s'appesantit 
sur  sa  tête  ;  il  fut  lui-même  assassiné  par 
un  seigneur  nommé  Hermenfrède,  qu'il  avait 
dépouillé  de  ses  biens  et  menacé  de  mort. 
{Voy.  Dagoberï  et  Lambert.) 

ECIJA,  ville  d'Espagne  sur  leXénil,  illus 
trée   par  le  martyre  de  son  évêque,   saint 
Crispin. 

ECOMÈNE,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé 
les  Actes  authentiques.  Voy.  Martyrs  (es 
trente-sept)  égyptiens. 

EDÈSE  (saint),  martyr,  naquit  dans  l'Asie 
Mineure,  en  Lycie  ;  il  était  frère  de  saint 
Appien  qui  fut  martyrisé  à  Césarée.  Sa  pro- 


885 


EDM 


EDO 


864 


fession  était  la  philosophie,  môme  après  sa 
conversion,  il  portait  Thabit  dos  philosophes. 
Longtemps  il  suivit  les  leçons  de  saint  Pam- 
philede  Césarée.  Durant  la  persécution  de  Ga- 
lère Maximien,  il  confessa  Jésus-Christ  de- 
vant les  magistrats,  fut  mis  plusieurs  fois  en 
prison,  et  condamné  en  dernier  lieu  à  travailler 
aux  mines  en  Palestine.  Remis  ci  liberté,  il 
vint  en  Egypte,  où  l'attendait  le  martyre.  Hié- 
roclès  était  préfet  d'Egypte,  l'un  des  persécu- 
teurs les  plus  féroces  cpii  aient  jamais  persé- 
cuté les  chrétiens.  Edèse  étant  à  Alexandrie 
ne  put  supporter  de  vuir  traiter  avec  tant  de 
barbarie  des  hommes  graves,  des  vierges  et 
des  femmes.  11  alla  vers  le  préfet  pour  lui 
reprocher  ces  cruautés  et  pour  lui  en  faire 
sentir  l'odieux;  mais  pour  prix  de  ses  repré- 
sentations, il  fut  lui-même  soumis  à  divers 
supplices  qu'il  souflrit  héroïquement.  Enfin 
on  le  jeta  dans  la  mer  où  il  consomma  son 
martyre.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  6 
avril. 

EDESSE,  ville  de  la  Mésopotamie,  aujour- 
d'hui Orfa,  fut  une  des  premières  cités  de  ce 
pays  où  le  christianisme  ait  fait  de  grands 
progrès.  En  IIG,  elle  fut  prise  et  brûlée  sous 
ïrajan.  A  cette  époque,  saint  Barsimée,  son 
évêque,  y  fut  mis  à  mort  avec  saint  Sarbèle, 
sainte  Barbée  et  un  très-grand  nombre  de  chré- 
tiens dont  l'histoire  n'a  pas  gardé  les  noms. 

Sous  l'empereur  Numérien,  un  juge  nommé 
Théodore  lit  mettre  à  mort  à  Edcsse  les 
saints  Thalalée,  Astère  et  Alexandre,  avec 
plusieurs  autres.  {Voij.  Thalalée,  Thfodore, 
et  Astère.)  En  l'an  371  de  l'ère  chrétienne, 
l'empereur  arien  Valens  relégua,  dans  l'ile 
d'Arade  en  Phénicie,  saint  Barses,  évêque  de 
cette  ville,  puis  il  mit  à  sa  place  un  évoque 
arien  ;  mais  tout  le  peuple  d'Edesse,  pour  ne 
pas  communiquer  avec  ce  faux  pasteur,  sor- 
tait de  la  ville  et  s'assemblait  hors  des  murs 
sous  la  conduite  de  ses  prêtres.  Valens  en 
ayant  été  instruit,  alla  jusqu'à  frapper  de  la 
main  Modeste,  préfet  du  prétoire,  pnrce  qu'il 
n'avait  pas  em[ièché  ces  assemblées,  et  lui 
donna  l'ordre  de  prendre  des  soldats  et 
de  punir  sévèrement  tous  ceux  qu'il  trouve- 
rait à  ces  réunions.  Modeste,  quoique  arien, 
fit  [)révenir  les  catholiques,  afin  qu'ils  s'abs- 
tinssent de  se  trouver  le  lendemain  au  lieu 
ordinaire  de  leurs  assemblées,  mais  ils  n'en 
tinrent  pas  compte.  Après  divers  événements 
dont  il  faut  voir  le  récit  à  l'article  Valens, 
cet  empereur  ordonna  ,\  Modeste  de  ne  pren- 
dre (|ue  les  prêtres  et  les  diacres  et  de  les 
bannii-  aux  extrénntés  de  remf)ire.  Modeste 
exécuta  fidèlement  les  ordres  de  son  maître  : 
Euloge  et  soixanle-dix-neuf  autres  furent  en- 
voyés en  exil.  (Voij.  Valens,  Euloge.) 

EDISTIi)  (saintj,  martyr,  reçut  l.i  panne  du 
martyr  ;i  llavenne,  sur  la  voie  Laurcîiitine  ; 
n(jus  n'avons  point  d'autres  détails  sur  lui. 
L'Eglise  l'ait  sa  mémr)ire  le  12octob!e. 

ED.MOND  (saint),  roi  et  martyr  en  An^Ie- 
leire,  reçut  la  couronne  de  son  parcsiit  Olfa, 
qui  régnait  sur  les  Est-Angh.vs  (!t  qui  voulait 
unir  s(;s  jours  à  Home'  dans  les  |)raliques  de 
la  i)iélé.  (Ui  jeun(i  prince,  qui  n'avait  alors 
qiif  quinze  ans,  descendait  des  anciens  rois 


Anglo-Saxons  de  la  Grande-Bretagne.  A  cet 
âge  si  tendre,  il  se  faisait  déjà  remarquer  par 
son  aversion  pour  les  ilatteurs;  sa  seule  am- 
bition était  de  faire  le  bonheur  de  son  peu- 
ple. Aussi  la  justice  était  administrée  avec 
intégrité,  les  bonnes  mœurs  llorissaient ,  en 
un  mol  il  était  le  père  des  sujets. 

Il  y  avait  déjà  qu  nze  ans  que  notre  saint 
régnait,  lorsque  Hinguar  et  Hiibba,  deux  des 
tils  de  Régner  Lodbrog,  ancien  roi  de  Dane- 
mark, soumirent  la  Noiwége  et  ravagèrent 
TAn^letorre.  Us  vinrent  passer  l'hiver  dans 
les  Etats  des  Est-Angles.  Après  avoir  conclu 
une  trêve  avec  eux,  ils  se  dirigèrent  vers  le 
nord  quand  l'été  fut  venu.  Mais  bienlot  ces 
barbares,  mettant  à  feu  et  à  sang  le  Northum- 
barland  et  la  Mv'rcie,  commirent  de  grandes 
cruautés  contre  tout  ce  qui  portait  le  nom 
de  chrétiens.  L'histoire  rapporte  que  les  re- 
ligieuses de  Coldingham  craignant  pour  leur 
chasteté,  se  coupèrent  le  nez  et  la  lèvre  supé- 
rieure afin  d'éloigner  le  danger  par  l'horreur 
qu'elles  inspireraient.  Elles  furent  toutes 
l)assées  au  fil  de  l'épée. 

Edmond,  qui  comptait  sur  la  foi  des  trai- 
tés, n'avait  pris  aucune  mesure  pour  résister 
à  ces  ravages  ;  néanmoins  il  rassembla  au- 
tant de  troupes  quil  put  en  trouver  et  battit 
d'abord  l'armée  ennemie  près  de  Thet-Fort. 
Puis  se  jugeant  trop  faible  pour  tenir  la  cam- 
pagne, il  se  retira  vers  son  château  de  Fram- 
Imgham,  dans  la  province  de  Suffolk.  Mais 
bientôtil  fut  assailli  à  Hoxonsur  la  Wawency, 
pris  et  conduit  au  général  ennemi.  On  lui  fit 
des  propositions  opposées  à  la  religion  et  à 
la  justice  qu'il  devait  à  son  peuple;  il  refusa. 
Hinguar  furieux  le  fit  battre  cruellement,  puis 
déchirer  à  coups  de  fouet  sur  un  arbre  où  on 
l'avait  attaché.  Les  barbares,  irrités  de  le  voir 
invoquer  le  nom  de  Jésus-Christ  au  milieu 
de  ses  tourments,  s'amusèrent  à  lui  déco- 
cher une  grêle  de  flèches  dont  tout  son  corps 
fut  hérissé.  Hinguar  le  condamna  enfin  à 
avoir  la  tête  tranchée,  le  20  novembre  870. 
Peu  de  temps  après  ,  ses  reliques  furent 
transférées  à  Bedriksworth  ou  Kingston  ;  on 
bâtit  une  église  en  son  honneur,  où  sa  sain- 
teté fut  attestée  par  un  grand  nombre  de 
miracles.  En  1020,  le  roi  Canut,  voulant  ré- 
parer les  outrages  faits  par  Swenon,  son  père, 
à  ce  lieu  et  aux  reliques  de  notre  saint,  fit 
Mtir  une  magnifique  église  et  une  abbaye 
à  la  place  de  la  première  qui  était  en  bois. 
L'Eglise  l'ait  la  fête  de  saint  Edmond  le  20 
novembre. 

EDOUARD  (saint),  martyr,  était  filsd'Edgar, 
roi  d'Angleterre.  Il  succéda  à  sou  père  eu  975, 
et  n'avait  alors  ([ue  ti-eize  ans.  Il  se  fit  chérir 
de  ses  sujets  par  sa  piété,  sa  justice  et  })ar 
toutes  les  vertus  qui  font  le  bonheur  des 
peu|)les  :  ils  eurent  bientAt  à  déplorer  sa 
mort  piémalurée.  Sa  l)ell(!-mère,Eirride, avait 
eu  un  fils  d'Edgar,  nonuué  Kthelred.  N'ayant 
j)u  léussir  dans  ses  intrigues  (jui  tendaient  à 
faire  élin.'  ce  prince  au  délrinuml  de  notre 
saint,  elle  lui  voua  uiu;  liaitie  implacable. 
J"'douard  était  instruit  de  louti's  les  manu'U- 
vres  d(î  sa  belle-mère,  «pii  cherchait  à  lo 
perdn;.  Néanmoins  sa   vertu  lui  faisait  un 


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EDW 


ËGI 


866 


devoir  d'Iionoror  et  de  respecter  cette  femruo 
indigne,  et  on  tonte  occasion  il  Ini  donnait 
les  marques  de  la  |)lus  vive  airection  ainsi 
qn'à  son  ïvh'o  Kthelred.  Un  jonr,  se  Ironvaiit 
<l  la  chasse  dans  une  forôt  voisine  d(i  Warc- 
hani,  dans  le  comté  de  Dorset,  il  alla  rendre 
visite  <i  KUVide,  ([ui,  saisissant  cette  occa- 
sion, le  lit  poignarder  par  un  de  ses  domes- 
ticiues  ;  ejisuito  son  coi-ps  fui  jeté  dans  un. 
marais,  oi^i  |)lusieurs  mirachïs  (jui  s'y  o[)érè- 
rent  le  tirent  découvrir.  Son  nom  est  inscrit 
au  Martyrologe  romain  le  18  mars.  EliVide, 
troublée  [)ar  de  vifs  remords  ,  se  retira  du 
monde,  et  fonda  les  monastères  de  Wlier- 
wel  et  d'Ambresbury,  et  passa  saintement  le 
rest(3  de  sa  vie  dans  le  premier.  Ethclred, 
qui  gouverna  après  l'assassinat  de  son  mal- 
heureux frère,  fut  un  prince  plein  de  lAcheté 
et  eut  continuellement  à  soulfrir  des  incur- 
sions des  Danois. 

EDWIN  (^saint),  martyr,  donna  sa  vie  en 
défendant  la  religion  chrétienne  en  l'an  de 
Jésus-Christ  G33.  Fils  d'Alla,  roi  de  Déire,  il 
fut  détrôné  par  Ethelfred,  roi  des  Borniciens, 
qui  devint   ainsi  souverain  de  tout  le  Nor- 
thuniberland.  Edwin   alla  chercher  un  asile 
chez;  Kedwald,  roi  des  Est-Angles.  Ce  prince 
sans  foi,  gagné  par  les  ennemis  de    son  pri- 
sonnier,   résolut  de  le  leur  livrer.  Un  ami 
qu'avait  Edwin  dans  le    conseil  du  prince 
l'avertit  de  ce  qui  se  passait.  Un  jou'',  il  était 
h  la  porte  du  palais.  Son  esprit  se  laissait 
aller   à   de    tristes    pensées.    Un    étranger 
l'aborda;    il  lui   dit  qu'il   recouvrerait   son 
royaume  et  deviendrait  le  roi  le  plus  puis- 
sant d'Angleterre,  s'il  voulait  prendre,  pour 
se  conserver   la  vie,   les  précautions  qu'on 
lui  indiquerait.  Edwin   le  promit.  Alors,  dit 
l'étranger,  en  lui  mettant  la  main  sur  la  tête, 
ressouvenez-vous  de  ce  signe.  Bientôt  Red- 
wald  changea  de  projets  et  de  sentiments.  Il 
tua  Ethelfred  qui  lui  avait  déclaré  la  guerre. 
Cette  victoire  rendit  Edwin  maître  de  tout  le 
nord  de  l'Angleterre.  Bientôt  d  devint  si  puis- 
sant par  le  succès  de  ses  armes,  que  tous 
les  rois  anglais    et  bretons  le  reconnurent 
comme  suzerain.  Il  se  maria  avec  Edilburge, 
fille  de  saint  Ethelbert,  premier  roi  chrétien 
d'Angleterre.  Ce  mariage  n'eut  lieu  qu'à  con- 
dition que  la  princesse  pourrait  suivre  la  re- 
*       ligion  chrétienne ,  et  qu'elle  garderait  près 
d'elle  saint  Paulin,  qui  venait   d'être  sacré 
évèque.    Bientôt  après,    le  roi   des  "West- 
Saxons  paya    un    homme   pour    assassiner 
Edwin.  Il  voulut  le  frapper  avec  un  poignard 
empoisonné  ;  c'en  étaitfait  de  sa  vie,  si  Lilla, 
son  ministre,   ne  se  fût  jeté  entre   lui  et  le 
meurtrier.  Le  dévouement  de  ce  ministre  lui 
coûta  la  vie.  Le  roi  fut  aussi  blessé,  mais  sa 
blessure  était  légère,  elle  guérit.  Le  meurtrier 
fut  immédiatement  mis  en  pièces  ,   mais  il 
vendit  chèrement  sa  vie  ;   avant  de  tomber, 
il  tua  un  officier  du  roi.  Comme  Edwin  ren- 
dait grâces  à  sps  idoles  de  lui  avoir  conservé 
la  vie,  saint  Paulin  lui  dit   que  ses  idoles 
étaient  impuissantes  à  rien  faire  pour  lui  ; 
que  sa  conservation  était  due  aux  prières  de 
la  reine.  Il  l'engagea  même  à  cherchera  con- 
naître le  vrai  Dieu  et  à  lui  rendre  hommage. 


Edwin  goi^ta  ce  discours,  et  permit   même 
(|u'uiie  fille  que   venait  d'avoir  la  reine  fût 
baptisée.  Elle  reçut   le  nom  d'Eanfiède.  Ed- 
win dit  .^  saint    Paulin  (ju'il    embrasserait 
la  religion   chrétienne  s'il   guérissait  de   la 
blessure  qu'il  avait  reçue,  et  s'il  remportait 
la  victoire  sur  le  lAche  ennemi    (jui   avait 
voulu  le  faire  assassiner.  Guéri  et  vainqueur, 
il  embrassa  le  christianisme.  Saint  Paulin, 
ayant  su  par  révélation  ce  qu'on  avait  dit  au 
roi,  lui  mit  la  mainsur  la  tête,  en  lui  deman- 
dants'il  se  ressouvenait  de  ce  signe.  Le  roi, 
suri)ris,  stupéfait,  déclara  qu'il  se  convertis- 
sait avec  les  principaux  de  son  royaume.  Le 
roi  assembla  donc  les  grands  de  son  entou- 
rage, et  notamment  le  grand  prêtre  des  idoles, 
nommé  Coifi.  Ce  prêtre  se  rendit  à  un  excel- 
lent discours  que  saint  Paulin  prononça  au 
milieu  de  l'assemblée,  et  déclara  qu'il  était 
prouvé  par   l'expérience  (jue  les  idoles  n'a- 
vaient aucun  |)Ouvoir,  et  demanda  qu'on  les 
réduisît  en  cendres.  Coifi  voulut  lui-même 
donner  l'exemple.  Il   se  rendit  au  principal 
temple  des  idoles,  y  jeta  sa  lance  en  signe  de 
profanation,  et  commanda  à  ceux  qui  étaient 
avec  lui  de  le  détruire.  Edwin  fut  baptisé  à 
York  le  saint  jour  de  Pâques  627,  avec  ses 
enfants  et  un  très-grand  nombre  de  personnes 
de  distinction.  Il  fit  depuis  tout  ce  qui  était 
en    son  pouvoir  pour  engager  ses  sujets  à 
faire  comme  lui.  Son  exemple  porta  ses  fruits. 
De  toutes  parts  on  accourait  en  foule  rece- 
voir les  instructions  de  saint  Paulin  et  de  ses 
collaborateurs.  Depuis  dix-sept  années,  Ed- 
win gouvernait  avec  bonheur  son  royaume, 
quand  Penda  ,  prince  de    la  race  royale  de 
Mercie,  se  révolta  contre  lui  dans  le  bat  de 
relever  l'idolâtrie.  Il  assembla  une    armée 
composée  de  vieux  vétérans,  tous  attachés  à 
l'ancien  culte  ,  et  ayant  été  reconnu  roi  par 
les  Merciens,  fit  alliance  avec  Cadwallon,  roi 
des  Bretons  et  du  pays  de  Galles.  Il  attaqua 
Edwin  avec  une  rage  in(Jicil)le.  La  bataille  se 
livra  à  Heavenfield,  aujourd'hui  Hatfield,  pro- 
vince d'York.  Le  saint  roi  y  fut  tué  pour  la 
défense  de  la  religion.  On  enterra  son  corps 
à  Whilby,  son  chef  dans   le  porche  de  l'é- 
glise qu'il  avait  éditiée  à  York.  L'Eglise  l'ho- 
nore comme  martyr  le  k  octobre. 

EGÉE,  proconsul  d'Achaïe,  ou  simplement 
magistrat  de  Patras,  fit  mourir  en  croix  saint 
André,  apôtre. 

EGÉE  ou  Eges,  ville  de  Cilicie,  fut,  en 
285,  sous  le  règne  de  Dioclétien,  témoin  du 
glorieux  martyre  des  sainis  Claude,  Astère 
et  Néon,  et  des  saintes  Domnine  et  Théonille. 
Le  proconsul  Lysias  les  y  fit  tourmenter  de 
la  manière  la  plus  féroce  avant  de  les  faire 
mourir.  {Voy.,  pour  les  détails  de  ce  mémo- 
rable triomphe ,  les  Actes  de  ces  saints,  à 
l'article  Claude.)  Cette  ville  vit,  en  303,  sous 
le  même  prince,  le  martyre  des  saints  Gosme 
et  Damien,  tous  deux  médecins,  et  de  leurs 
trois  frèi  es,  Anthime,  Léonce  et  Euprepe. 
{Voy.  le  Martyrologe  romain.) 

EGIDIUS  (le  bienheureux  François),  frère 
mineur,  fut  martyrisé,  en  158o,  dans  la  Nou- 
velle-Galice ,   contrée  couverte  de    hautes  « 


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ELE 


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montagnes  que  couronnent  dos  pins  el  des 
chênes  fort  élevés.  Les  habitants,  hommes 
farouches,  demeuraient  dans  des  cavernes 
profondes.  Notre  bienheureux  et  son  com- 
pagnon ,  André  d'Ayala  ,  acquirent  une  si 
grande  influence  sur  eux,  qu'ils  les  détermi- 
nèrent à  quitter  leurs  cavernes  pour  venir 
élever  des  maisons  dans  Ja  plaine  et  y  tracer 
des  sillons.  Pendant  six  années  tout  alla  bien; 
mais  alors  la  récolte  ayant  manqué  ,  les  in- 
digènes regrettèrent  leurs  idoles  et  résolu- 
rent de  massacrer  leurs  bienfaiteurs»  Ils 
mirent  le  feu  au  couvent  et  à  l'église,  et  An- 
dré s'ét.int  avancé  vers  eux  le  crucilix  à  la 
main,  ils  l'assommèient  et  lui  coupèrent  la 
tète.  Fra'igois  et  d'autres  chrétiens  qui  s'é- 
taient réfugiés  dans  le  jardin  subirent  le 
même  sort.  (Chroniques  des  Frères  Mineurs, 
t.  IV,  pag.  765.) 

ELEAZARUM  (saint),  soutfrit  le  martyre  à 
Lyon.  [Voy.  l'article  saint  Mineuf  pour  plus 
de  détails.) 

ELEUCADE  (saint),  évoque  et  confesseur, 
soutint  à  llavenne  [«our  la  défense  de  la  re- 
ligion. Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  ont 
point  laissé  de  détails  sur  lui.  L'Eglise  fait  sa 
mémoire  le  li  février. 

ELEUSE,  juge  qui,  en  Mésopotamie,  con- 
damna saint  Alhénodoreà  être  décapité,  api  es 
lui  avoir  fait  subir  diverses  tortures.  Lebour- 
raau  qui  fut  commis  à  l'exécution  de  la  sen- 
tence s'étant  évanoui,  personne  n'osa  prendre 
son  glaive  pour  en  frapper  le  saint  martyr. 
11  mourut  en  priant  Dieu  des  blessures  qu'il 
avait  reçues. 

ELEUSIPPE  (saint),  fut  martyrisé  à  Lan- 
gres  avec  ses  frères  saint  Speusippe  et  saint 
Aléleusipp<s  environ  l'an  180,  suus  l'empire 
de  Marc-Aurèle.  [Voy.,  pour  les  détails  do 
son  martyre,  saint  Speusippe.) 

ELEUTHÈllE  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre,  avec  sainte  Antie,  sa  mèie,  dans  la 
ville  de  Rome,  sous  la  i)ersécution  de  l'em- 
pereur Adrien.  Tout  ce  que  les  écrivains 
(Florus,  Usuard,  Adon,  etc.)  disent  de  lui.  ne 
nous  permet  pas  de  rien  dire  (jui  puisse 
airêter  l'attention.  L'Eglise  fait  sa  fùte  le  18 
avril. 

ELEUTH/aUi  (saint),  diacre  et  martyr,  vint 
dans  les  Gaules  avec  saint  Denis,  évèque  de 
Paris.  Il  partagea  la  gloire  el  les  faligues  de 
ses  travaux  aposloliipies.  il  souHVil  la  mort 
pour  Jésus-Christ  avec  lui  el  saint  UustKjue, 
firèlri;,  sous  un  juge  nouniié  ^(isccnninus. 
(J'our  tous  les  détails  voy.  samt  Denis.)  L'E- 
glis(;  honoie  sa  mémoire  h;  '•>  octobre.  Ses 
reliques  sont  encore  aujourd'hui  dans  l'église 
de  l'abbavc  de  Saint-Den.s. 

l'ILEUlHÈKK  isaiiil),  soulfrit  le  inaityre  à 
Constantinople.  (]e  saint  était  du  lang  des 
sénaleuis,  et  fut  déca|)ité  pour  Jésus-t^lu'ist 
durant  la  pciséculioii  de  Maximien. On  ignore 
en  rpjelle  année.  L'Eglise  fait  sa  sainte  nié- 
m  (ire  le  k  .lOÛl. 

MAilllikWE  (saint),  était  soldat.  Il  fut 
lu-'jrlyrisé  iiNu;oinédie  avec  une  inlinité  d'au- 
t'cs  chrt'lic'iis  (ju'on  accusa  fausscMuent  d'a- 
voir mis  le  i\'n  au  p.ilais  de  DiochUien,  (jui 
venait   d'être   inreidié.   (^ij  cruel  emitcreur,  « 


les  croyant  coupables,  ordonna  de  les  mettre 
à  mort  par  troupes  ;  ainsi  les  uns  furent  dé- 
ca[)ités,  les  autres  brûlés,  d'autres  précipités 
dans  la  mer.  Pour  Eleuthère,  qui  était  le  plus 
considérable  de  tous,  ayant  été  mis  à  de  ri- 
goureuses tortures,  et  paraissant  prendre  à 
ciiaijue  tourment  une  nouvelle  vigueur,  on 
lui  infligea  de  nouvelles  tortures  et  il  rem- 
porta ainsi  la  palme  du  martyre.  L'Eglise  fait 
sa  mémoire  le  2  octobre. 

ELEUTHÈRE  (saint),  évêque  de  Tournay 
et  martyr,  leçut  le  jour  dans  la  ville  môme 
qui  devait  plus  tard  avoir  l'honneur  de  le 
voir  son  évèque.  Sa  famille  était  chrétienne: 
un  siècle  et  demi  auparavant,  elle  avait  été 
convertie  par  saint  Piat.  Quand  saint  Eleu- 
thère fut  fait  évêque  de  sa  ville  nalale,  il  y 
trouva  la  foi  antique  bien  compromise.  Les 
chrétiens  de  cette  ville  se  sentaient  du  com- 
merce fréquent  qu'ils  étaient  forcés  d'avoir 
avec  les  païens,  el  des  mauvais  exemples 
que  leur  do'uiaient  les  rois  fiançais  qui 
avaient  le  malheur  d'être  encore  idolâ- 
tres, et  qui  résidaient  à  Tournay.  Eleuthère 
monta  sur  le  trôup,  épiscopal  eu  486,  dix  ans 
avant  le  bai)tênie  du  roi  Clovis.  Ses  prédica- 
tions convertirent  un  grand  nombre  de  Fran- 
çais au  christianisme.  Les  hérétiques  oui 
habitaient  son  diocèse  attaquaient  très-vio- 
lemment le  mystère  de  l'incarnation.  Saint 
Eleuthère  lutta  avec  énergie  pour  défendre 
ce  point  si  important  de  la  foi  catholique. 
Ce  fut  ce  zèle  qui  lui  coûta  la  vie  :  les  héré- 
tiques le  frappèrent  à  la  tête  d'un  coup  si 
violent  qu'il  en  mourut  le  1"  juillet  532. 
L  Eglise  honore  sa  mémoire  le  20  février. 

ELEUTHÈRE  (saint) ,  confesseur,  soufi'rit 
de  cruelles  tortures  à  Arque,  près  de  Rome,  en 
l'honneur  de  Jésus-Chrisl.  Les  détails  nous 
manquent  sur  son  compte.  L'Eglise  honore 
sa  ménK)ire  le  29  mai. 

ELEUTHÈRE  (saint) ,  soutfrit  le  martyre 
avec  saint  Léonide.  On  ignore  le  lieu,  la  date 
etlesciiconstanct.sdeleurs  combats.  L'Eglise 
lait  leur  méuudre  le  8  août. 

ELEUTHÈRE  (saint),  évoque  et  nîartjr, 
mourut  pour  Ja  foi  à  Constantino])le.  Les 
Actes  des  martyrs  ne  nous  ont  laissé  aucun 
document  relativement  à  ce  saint  évê(]U('. 
L'Eglise  honore  sa  sainte  mémoiie  le  20  fé- 
vrier. 

ELEUTHÈROPOLIS,  ville  de  Palestine,  a 
été  illustrée  par  le  martyre  îles  saints  Cala- 
iii(iue,  Floricn  el  cinquante-huit  autres  dont 
les  noms  sont  inconnus. 

ELIE  (sainl),  j)rèlre  et  marlyr,  eut  la  gloire 
de  donner  sa  vie  pour  .lésus-Chiist.(lurant  la 
perséculion  de  Dioclétien.  On  ignorcàcpiclîo 
date  précise:  ce  fut  dans  le  commencement  du 
IV'  siècle.  Une  foule  de  confesseuis  avaient 
élé  condamnés  aux  mines  th;  Palesiine.  Au 
milieu  des  fatigues  de  leurs  pénibles  tra- 
vaux, ces  saints  n'oubliaient  pas  le  Dieu 
(jui  sait  consoler  le  malheur  et  qui  visite  ses 
serviteurs  quelipic  i)art  (pie  la  j)ersécution 
les  jette,  ils  se  construisirent  di'  petites  cha- 
pelles où  ils  se  réuiiissaienl  souvent  pour 
célébrer  les  louanges  lu  Seigneur,  [tour  lui 
adresser  leurs   i)riôres.  C'était  un  layoïi  de 


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bonlioiir  (|U(>  le  oiol  faisait  liiiio  sur  l(siir  iii- 
tbiliuie.  Ils  vcMiaient  dans  cvs  liou.v  (kMiian- 
niaiulor  h  celui  qui  soulieiit  les  faibles,  le 
courage  pour  supporter  leurs  maux;  ils  vi;- 
iiaieul  lui  direleiu-s  soullVaiu;es.  Le  uiallieur 
est  toujours- supportable  quaud  il  se  Iraiis- 
foriuc  eu  sacrillce.  Pour  les  chrétiens  il  de- 
venait uu  bouJieur,  ils  soulVrai(!Ut  pour  Dieu, 
ils  avaient  le  ciel  pour  but.  (lalère  a>ant  su 
ce  qui  se  passait,  lit  transporter  (pndques- 
nns  des  saints  confesseurs  dans  les  mines  de 
C!iy|>re,  et  les  autres  dans  celles  du  mont 
Liban.  Lh  conuuandait  uu  oflicior  qui  con- 
dauuia  quatre  des  confesseurs  à  être  brûlés 
vifs.  Les  vicliuies  clioisies  furent  notre  saint, 
puis  Pelée  et  Nil,  tous  deux  prêtres  égyptiens, 
et  Palermutbe,  laïque  égy|ilien,  lionuue  d'un 
rare  savoir  et  d'une  grande  piété.  Tous  quatre 
suiiirent  avec  courage  cet  alfreux  sup])lice. 
Tous  quatre  montèrent  au  ciel  pour  y  l'ece- 
voir  la  récompense  due  à  leurs  comL)ats  glo- 
rieux. L'Eglise  lionorc  leur  mémoire  le 
19  septembre.  {Voy.  Pelée.) 
ELIE  (saint),  martyr  en  Palestine,  souffrit 

gour  la  foi  cbrétienne,  eu  l'an  de  Jésus- 
lirist  309,  à  Césarée  de  Palestine,  avec  les 
saints  Jérémie,  Isaie,  Samuel  et  Daniel.  Ils 
étaient  Egyptiens  ,  et  revenaient  de  Cilicie 
voir  les  chrétiens  condamnés  aux  mines; 
ils  passaient  près  de  Césarée  ,  quand  on  les 
arrêta.  Aux  questions  qui  leur  fuient  faites, 
ils  répondirent  la  vérité,  vérité  qui  devait 
les  faire  mourir;  car,  dans  ces  temps  d'atroce 

f)ersécution,  c'était  un  crime  d'aller  visiter 
es  saints ,  les  martyrs.  Cela  prouvait  du 
reste  que  ceux  qui  faisaient  de  semblables 
pèlerinages  étaient  chrétiens  eux-mêmes. 
Conduits  deva^nt  Firmilien,  gouverneur  de 
Palestine,  avec  saint  Pamphyle  et  ses  com- 
pagnons qui  étaient  depuis  deux  ans  déte- 
nus dans  les  prisons,  ils  furent  tous  les  cinq 
étendus  sur  le  chevalet,  avant  qu'on  com- 
mençât l'interrogatoire.  Après  qu'ils  eurent 
été  violemment  tourmentés,  Firmilien  adres- 
salaparole  àElie,quilui  paraissait  ie  i)remier 
d'entri?  eux.  «  Voti  e  nom  ?  »  lui  dit-il.  Elie  : 
Mes  compagnons  se  nomment  Jérémie,  Isaïe, 
Samuel  et  Daniel.  —  Votre  pays? — Nous 
sommes  de  Jérusalem.  »  Le  saiiit  eiitendait 
la  céleste  Jérusalem  ,  celle  oii  tous  les  chré- 
tiens ont  l'espoir  d'être  un  jour  réunis  à 
Dieu.  Le  juge,  que  cette  réponse  courrouça, 
lit  de  nouveau  tourmenter  le  saint.  Les 
bourreaux  l'ayant  garrotté ,  lui  mirent  les 
pieds  dans  les  ceps,  et  tirent  à  coups  de 
fouet  voler  sa  chair  en  lambeaux.  La  cons- 
tance et  le  courage  du  saint  martyr  triom- 
phèrent de  toutes  ces  tortures.  Firmilien 
alors  condamna  Elie  et  ses  quatre  compa- 
triotes à  avoir  la  tète  tranchée  :  cette  sen- 
tence reçut  immédiatement  son  exécution. 
L'Eglise  honore  la  mémoire  de  tous  ces 
saints  martyrs  le  IG  février.  [Voy.  Eusèbe, 
Des  martyrs  de  Palestine.) 

ELIE  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  en  Perse,  sous 
Sapor,  vers  l'année  327.  {Voy.,  pour  plus  de 
détails,  les  Actes  de  saint  Jonas  et  de  saint 
Bakachise,  à  leurs  articles  respectifs.) 


ELIE  (saint) ,  martyr,  l'un  des  quarante 
martyrs  de  Sébaste ,  sous  Licinius.  (Voy. 
Mahivus  de  Sébaste,.) 

ELIE  (saint),  était  un  vieux  prêtre  de  la 
Lusitanie.  Il  fut  martyrisé  l'an  S.'iG,  durant 
la  peiséculion  d'Abdérame  II, avec, deux  j(!u- 
nes  moines  nommés  Paul  et  Isidcu-e.  L'Eglise 
fait  collectivement  leur  fêle  le  17  avril. 

ELIEN  (Saint),  martyr,  l'un  des  quarante 
martyrs  de  Sébaste ,  sous  Licinius.  (Voy. 
Mautyks  de  Sébaste.) 

ELIPHE  (saint),  vulgairement  saint  Aloph 
ou  Elof,  naquit  en  Lorraine.  Ce  saint  s'étant 
attiré  la  haine  des  Juifs  par  son  zèli!  pour  la 
religion  chrétienne,  ceux-ci  le  tirent  em[)ri- 
sonner  à  Toul,  sous  le  rè,-',ne  de  Julien  l'A- 
postat. Peu  de  temps  après,  on  le  laissa  al- 
ler pour  l'arrêter  bientôt  un(^  seconde  fois. 
Il  soutfrit  alois  de  cruelles  tortures.  Vers 
l'an  362,  il  fut  enfin  condaniné  à  perdre  la 
tête,  après  avoir  converti  plusieurs  idolâtres 
par  son  courage  et  ses  discours,  ^on  corps 
liit  transporté  à  Cologne,  vers  l'an  900,  et 
déposé  dans  l'abbaye  de  Saint-Martin  ,  où  il 
est  encore.  L'Eglise  célèbre  sa  mémoire  le 
16  octobi'e. 

ELISABETH,  rein(;  d'Angleterre,  fille  de 
Henri  Vill  et  d'Anne  de  Boulen,  naquit  en 
1533,  huit  mois  après  le  mariage  de  sa  mère 
déjà  enceinte  quand  elle  vint  à  l'autel.  Henri, 
en  faisant  mourir  Anne  de  Boulen,  avait  dé- 
claré Elisabeth  illégitime  et  inhabile  à  lui 
succéder.  Par  sou  testament  il  revint  sur 
cette  décision  que  le  parlement  avait  con- 
firmée par  un  arrêt.  Elisabeth  monta  sur 
le  trône  en  1558,  après  la  mort  de  sa  sœur 
Marie.  On  sait  que  cette  dernière  princesse, 
fervente  catholique,  avait  momentanément 
fait  sortir  l'Angleteri-e  du  schisme  où  les 
deux  règnes  précédents  l'avaient  jetée.  Sous 
son  règne  on  commençait  à  respii'er  à  l'aise 
après  les  abominations,  les  cruautés,  les  per- 
sécutions atroces  de  Henri  Vlil ,  après  le 
gouvernement  d'un  roi  enfant ,  dominé  par 
les  régents  infectés  d'hérésie,  qui  régnaient 
à  sa  place.  Sous  Henri  VIII ,  l'Angleterre 
avait  secoué  l'autorité  papale,  mais  le  culte 
était  resté  catliohque  dans  la  forme.  Sous 
Edouard  ,  on  singea  les  réformes  allemandes 
pour  voler  les  calices,  les  vases  saci-és,  les 
ornements  des  églises.  Mar-ie  avait  rendu  au 
culte  sa  splendeur  et  sa  sainteté;  elle  avait 
rétabli  des  catholiques  dans  les  sièges  de 
son  royaume.  A  son  lit  de  mort,  elle  fit  venir. 
Elisabeth,  et  lui  manda  de  lui  faire  l'aveu 
spuniané  et  sincère  de  ses  croyances  reli- 
gieuses. «  Plaise  au  Dieu  tout-puissant,  ré- 
pondit Elisabeth  ,  d'entr'ouvrir  la  terre  pour 
m'euoloutir  vivante,  si  je  ne  suis  pas  invin- 
ciblement attachée  à  la  religion  catholique, 
apostolique  et  romaine!  »  Celte  pr^otestaiion 
fut  faite  de  nouveau  en  présence  du  duc  de 
Feiia,  ambassadeur  d'Espagne.  Ce  person- 
nage y  crut  si  bic  n,  qu'il  écrivit  à  sa  souve- 
raine que  la  nouvelle  reine  d'Angleterre 
n'apporterait  dans  son  royaume  aucun  chan- 
gcm.iit  à  la  religion.  Marie  aussi  «fut 
eomplétemenl  dupe  des  protestations  de  sa 
sœur.  Peut-être  cioyait-eile  à  sa  conversion 


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sincère.  Car,  à  son  avènement  au  trône,  elle 
avait  vu  Elisabeth,  de  fervente  protestante 
qu'elle  était  sous  Edouard,  se  faire  catiiolique 
non  moins  fervente.  Elle  allait  à  la  messe, 
elle  avait  une  chapelle  dans  l'intérieur  de 
ses  appartements.  Tout  le  monde  était  dans 
l'édification  de  sa  piété.  Un  confesseur,  prêtre 
catholique  romain,  étailattaché  à  sa  personne. 
Au  fond  Elisabeth  n'était  qu'une  hypocrite  : 
elle  le  tit  bien  voir.  Tant  qu'elle  crut  qu'il 
était  dans  ses  intérêts  de  cacher  ses  opinions 
religieuses,  elle  le  tit.  Quelques-uns  nom- 
ment cela  de  la  politique  et  du  savoir  faire. 
L'honneur  nomme  cela  de  l'hypocrisie  servie 
par  la  lâcheté.  A  peine  maîtresse  de  ses  ac- 
tions, à  peine  sur  le  trône,  Elisabeth  lit' pen- 
dre, rouer,  écarteler  ceux  de  ses  sujets  qui 
n'avaient  pas  la  même  souplesse  religieuse 
qu'elle,  et  qui  refusaient  de  tourner  leurs 
croyances  au  vent  de  la  puissance.  Elisabeth 
n'eut  qu'un  courage,  celui  de  se  montrer 
vraiment  lille  digne  de  son  père  :  l'hyène 
n'avait  pas  dégénéré.  Quand  elle  monta  au 
trô'ie,  elle  écrivit  aux  cours  étrangères  pour 
leur  apprendre  son  avènement  par  droit  de 
naissance  et  p.ir  consentement  de  son  peu- 
ple. Aux  rois  et  princes  do  la  religion  réfor- 
mée, elle  disait  en  secret  qu'elle  était  à  eux 
et  ramènerait,  la  réforme  dans  son  royaume. 
Aux  princes  c.ithoiiques,  elle  parlait  d'autre 
façon.  Elle  sentait  qu'on  pouvait  discuter  sa 
légitimité  :  elle  quêtait  une  acce|)tation  de 
fait  de  la  part  des  puissances.  En  réalité, 
malgré  le  testament  du  roi,  Elisabeth  n'avait 
pas  de  droits  au  trône.  Le  mariage  de  sa 
mère  avait  été  déclaré  nul  par  le  roi  lui- 
même,  par  le  parlement,  par  le  pape.  Ainsi 
nul  aux  yeux  de  la  famille,  de  l'Etat,  de  la 
religion,  où  poavail-il  reprendre  un  caractère 
légal  ?  D.uis  le  testament  d'un  roi  mourant, 
qui  à  cette  heure  suprême  se  rai)pelait  (ju'il 
était  père,  et  ne  voulait  laisser  aucune  tiace 
de  ven,i,cance  contre  aucun  de  ses  enfants? 
Evidemment  non.  Cette  dernière  volonté  du 
roi  ne  pouvait  pas  abroger  une  loi  de  l'Etat 
et  une  décision  de  la  cour  de  Rome.  Aussi, 
quand  l'ambassadeur  d'Angleterre  notitia  au 
pa|je  Paul  IV  l'avènement  d'Elisabeth,  il  lui 
fut  jépondu  ({ue  le  pa[)e  ne  pouvait  pas  ad- 
mettre le  droit  héréditiire  d'Elisabeth;  que 
ce  serait  détruire  les  décisions  de  ses  deux 
prédécesseurs  Clément  VII  et  Paul  III;  que, 
du  reste,  Marie  Sluart,  légitime  héritière,  ré- 
clamait son  droit,  et  qu'elle  était  a[);)uyée 
dans  sfjs  prétentions  par  le  roi  de  Finance. 
Le  ]ja[)e  ajouta  (iu(!  si  Elisabeth  voulait  s'im 
rapporter  à  .sa  décision,  il  la  traiterait  avec 
toute  l'indulgence  ([ue  corn|)(jrterait  l'écpiité. 
ElisabL'thn'eulgarded'acc(;pter.  Apo.stal(!(lans 
le  cœur,  elle  ne  voulait  pas  rccoiniaître  le  droit 
du  clief  de  la  /eligion.  Elle'  préluda  h  son 
apostasie  ostensible  en  défendant  au  clergé 
de  prêch(;r.  Elle  craignait  (pi'on  <;ngag(!At  le 
peuple  à  la  résistance.  Elle  intinnda  le  clergé 
|»ar  des  procès,  en  vertu  du  ixœinaiiirv..  A  la 
place  des  magistrats  (|ui  étaient  en  charge, 
elle  en  mit  d  autns  attachés  aux  d()(  trines 
proteslante'S.  Ce[)endant  elle  continua  d'aller 
a  la  luesio.  Elle  lit  enluiTer  sa  sœur  suivant 


le  rite  catholique.  Elle  commanda  un  service 
et  une  messe  de  Requiem  pour  l'empereur 
Charles-Quint. 

Elle  ne  tarda  pas  à  faire  voir  vers  quel  but 
elle  allait.  Oglethorpe,  évêque  de  Carlisle, 
devant  un  jour  offrir  le  saint  sacrifice  dans 
la  chapelle  de  la  reine,  regut  l'ordre  de  ne 
pas  élever  l'hostie  en  sa  présence.  Il  refusa 
courageusement  d'obéir.  L'évêque  de  Win- 
chester, White,  fut  mis  en  prison  pour  le 
sermon  qu'il  avait  i)rononcé  à  l'enterrement 
de  la  reine  Marie.  Les  sceaux  furent  ùtés  à 
Heath,  archevêiiue  de  Cantorbéry,  et  donnés 
à  Nicolas  Bacon. 

Ce  qui  dévoila  mieux  que  tout  le  reste 
l'apostasie  de  la  reine,  ce  fut  la  proclamation 
dans  laquelle  elle  défendait  au  clergé  de  prê- 
cher ,  permettant  cependant  d'observer  le 
culte  établi,  jusqu'à  ce  qu'une  consultation 
eût  lieu  dans  le  parlement  entre  la  reine  et 
les  t'Ois  états.  Les  évêques  s'assemblèrent, 
et  décidèrent  qu'ds  ne  pouvaient  pas  officier 
au  couronnement  d'une  reine  qui,  sans  au- 
cun doute,  voulait  porter  atteinte  à  la  i eli- 
gion catholique.  Ce  couronnement  n'eût  pas 
eu  lieu  si  l'évêque  de  Carlisle  ne  se  fût  pas, 
dans  cette  circonstance,  séparé  des  autres 
évêques.  Pourtant  il  ne  consentit  à  ofhcicr 
qu'à  la  condition- que  la  reine  prêterait  le 
serment  accoutumé.  La  cérémonie  se  fil  d'a- 
près tous  les  rites  de  la  religion  catholique. 

Bientôt  le  parlement,  cette  assemblée  que 
Henri  VIII  avait  assouiiiie  ii  tout 'S  les  lâche- 
lés,  à  toutes  les  turpitudes,  enlrant  dans  les 
vues  de  la  reine,  consomma  l'apostasie.  Pro- 
testant sous  le  roi-bourreau  Henri  ^  III,  sous 
l'enfant-roi  Edouard,  catholique  sous  Marie, 
le  parlement  redevint  protestant  sous  Elisa- 
beth. Du  reste,  n'avait-elle  pas  le  droit  de 
tout  demander  à  cette  assemblée?  Que  pou- 
vait refuser  à  sa  reine  le  pailement  d'Angle- 
terre? De  quel  droit  eût-il  fait  de  la  résistance 
noble  et  hère  devant  la  lille  de  Henri  VllI? 
Entre  cette  assemblée  de  lâches,  d'apostats 
et  de  bourreaux,  et  le  sang  de  Henri  VUl , 
n'y  avait- il  pas  comme  une  alliance  in- 
délébile de  crime  et  de  l'ionte?  Ce"  parle- 
ment n'avait-il  [)as  été  le  complice  de  toutes 
les  cruautés  du  père  d  Elisabeth?  N'avail-il 
pas  assassiné  trois  reines  1  N  avait-il  }»as  fait 
mourir  dans  les  supplices  les  plus  atioccs  la 
ileur  de  la  catholicité  d'Angleterre?  N'avail-il 
pas  obéi  lâchement  à  toutes  les  exigences, 
ou  honteuses  ou  cruelles,  du  maître?  Avait- 
il  refusé  une  loi  h  ses  débauches,  une  ordon- 
nance à  ses  insl  nets  sa  iguinaires?  N'avait- 
il  pas  lli'ti'i  Elisabeth  dans  son  bi'rceau, après 
l'avoii'  légitimée?  E.i  héritant  d(!S  vices  d« 
son  père,  il  était  juste  (pi(>  la  lille  héritât 
aussi  des  serviles  inslrumeiilN  de  sa  lyraniio 
abominable.  Si  le  sang  de  Henri  n'était  pas 
déchu,  le  [larlement  n'était  pas  décliu  non 
nlus.  Après  (piehpuvs  années  de  commune 
liyj)Ociisio  sous  uni!  pieuse  reine,  la  lille  et 
les  liiinisties  du  Néron  anglais  se  i-etrouvè- 
j-ent,  ell(î  tligne  dcî  sou  père,  et  eux  dignes 
d'i.'ux-mêmes.  Le  parlmnenl  ri'-voipia  tous 
les  statuts  (ju'il  a\ail  volés  sou.s  U;  dernier 
règne  pour  rétablir  le  culte  qui,  durant  neuf 


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K7.i 


cents  ans,  nvail  été  la  gloiro  et  la  sancli- 
ficotion  (lo  rAnglctcrre.  —  Non  conlciite  do 
rélaltlir  les  lois  do  Honri  WU,  son  [x'^ro,  K\\- 
saholli  les  addilioinia  do  tout  co  (|H"on  avait 
fait  sons  Kdonard.  Ainsi,  non-sonlonioni  on 
se  sôpara  du  papo  ot  do  ri<]yliso  catlioliiiiKi , 
mais  onooro  on  roont  toutes  los  innovations 
hôivli(|uivs  do  (îonove  ot  d'Alloniagno.  Lo 
pai'loinonl  rendit  une  loi  poitant  altrihntion 
<lo  tonte  la  pnissanco  spintucllo,  dévolno  an 
cliof  de  rKu;liso,  do  par  l'âutorito  do  Jésus- 
Clnist,  h  la  couronn(!  :  do  sorte  (pio  quicon- 
que monte  sur  le  ti'ùnc  d'Angleterre,  lionnno 
on  lennno,  est  revêtu  du  (;ar.ietèrc  d'inlailli- 
hililé  nécessaire  pour  décider  toutes  les 
questions  de  dogme  ot  pour  conférer  ou  re- 
tir(n'  tous  les  pouvoii's  occlésiasti(pies. 

Tout  le  clergé  anglais  |)rolosta,  et  j)résenta 
nn(»[)rot"cssion  de  loi  (jui  constatait  sa  croyance 
à  la  présence  l'éello,  à  la  transsubstantiation, 
au  sacrilico  do  la  messe,  »i  la  suj)roniatie  du 
papo.  Jl  tlisait  en  moine  tciujjs  (pu;  ce  n'é- 
tait pas  à  des  lai(jues,  mais  J)ien  à  rassem- 
blée dos  évoques  àdécidordes  choses  ecclé- 
siastiques. Alors  la  reine  ordoiuia  h  cinq 
évo([ues  catholiques  et  îi  trois  docteurs  do 
disputer  j)ubliquoment  contre  huit  théolo- 
giens do  la  prétendue  réforme,  venus  de 
Suisse  et  autres  lieux,  sous  la  i)résidence  du 
garde  des  sceaux.  Les  catholiques  eurent 
ordre  de  commencer  chaque  jour,  et  les 
réformés  de  répondre  :  le  droit  de  répli- 
que était  interdit  aux  premiers.  Les  évoques, 
voyant  qu'on  leur  faisait  une  position  si 
désavantageuse,  rompirent  la  conférence  : 
ceux  de  Winchester  et  de  Lincoln  furent 
emprisonnés,  les  six  autres  furent  obligés 
de  comparaître  tous  les  jours.  Entinlo  garde 
des  sceaux  les  condamna  à  une  forte  amende. 
Elisabeth  tit  ensuite  venir  les  évoques  du 
royaume  et  leur  commanda  de  prêter  ser- 
ment aux  nouveaux  statuts.  Ces  clignes  pré- 
lats ayant  refusé,  elle  les  chassa  de  sa  pré- 
sence, en  les  outrageant  de  paroles  insul- 
tantes. On  los  sépara,  et  on  leur  demanda 
individuellement  de  prêter  le  serment.  Tous 
aimèrent  mieux  sacrilier  leur  dignité  et  leur 
liberio;  l'évêque  deLandatf  fut  le  seul  qui 
se  souilla  du  crime  d'apostasie»  Tous  ces 
évoques  furent  chassés  de  leurs  sièges  ;  pour 
eux  la  persécution  ne  cessa  qu'à  la  mort. 
Les  ministres  de  la  reine  apostate  pronon- 
cèrent excommunication  contre  Healh,  ar- 
chevêque de  Caatorbéry,  Thirlby,  évêqne 
d'Ely,  et  Donner,  de  Londres.  Tunstal  de 
Durham,  Morgan  de  Saint-David,  Ogil- 
thorp  de  Carlisle,  White  de  Winchester, 
Buines  de  Coventry,  moururent  victimes 
d'une  épidémie  régnante  dans  l'exil  où  on 
les  avait  emprisonnés.  Scot  deChester,  Gold- 
Avell  de  Saint-Asaph,  Pâte  de  Worchester, 
jiurent  gagnerlo  continent.  Heath  de  Cantor- 
béry  fut  trois  fois  successivement  empri- 
sonné à  la  Tour  de  Londres  ;  on  lui  permit 
enlin  d'aller  vivre  dans  ses  terres,  lîonner, 
évoque  de  Londres,  languit  dix  ans  en  pri- 
son et  y  mourut.  11  en  fut  de  même  de  Waston 
de  Lincoln,  qui  y  resta  trente-trois  années. 
On  pla(;a  la  plupart  des  autres  évoques  sous 

DiCTIUN.X.    DES    PlUSÉCLTIONS.    L 


la  surveillance  dos  intrus  :  ainsi  'J'hirlby 
d'I'lly,  SOUS  colle  do  1\u1\(m-;  IJonrne  de  Math, 
SOUS  celle  de  (^urow  d'h^xestoi'.  l''(!CJion!iam, 
abbé  d(!  Westminstoi',  fut  d'aboi d  piison- 
nior  à  la  Tour,  puis  il  passa  sous  la  surveil- 
lanc(!  de  révê(|ue  intrus  do  Londres  ;  enfin 
il  fut  enfermé  d.nis  une  forteresse.  l*ros(|uo 
tout  le  haut  chirgé,  ayant  suivi  l'oxf^miilo  des 
évêipies,  eut  le  menu;  sort.  J\L'itlhieu  l'arker, 
chapelain  de  Henri  VTll  ot  d'AniU3  de  Bou- 
lon, fut  nonnné  archevêque  de  Cantorbéry 
et  primat  d'Angletori'o. 

Elisab{!th  conq)rit  ([ue,  pour  courber  l'An- 
gloiorro  sous  ses  violences,  il  fallait  uiu^  lé- 
gislation toute  s[)éciale  :  on  eût  demandé  à 
un  bourreau  delà  faire  ({u'il  no  s'en  fût  pas 
si  bien  acquitté  (]ue  cette  l'oino  ot  son  conseil 
d'assassins.  Elle  lit  coulera  flots  le  sang  des 
catholiques  :  tout  prêtre  calholi({uc  uisant 
la  messe  dans  ses  Etats  était  mis  à  mort 
pour  ce  fait.  Tous  los  catholiques  furent 
tenus  d'assister  aux  cérémonies  de  la  reli- 
gion nouvelle  ;  tous  les  sujets  anglais  du- 
rent prêter  serment  de  su})rématie.  Ce  ser- 
ment de  suprématie,  le  père  l'avait  déjà 
exigé  :  Henri  ^  HI  se  prétendait  infaillible 
aussi.  Or  il  avait  déclaré  sa  fille  Elisabeth 
bâtarde  ot  incapable  de  régner  ;  le  |)arlement 
avait  dit  la  môme  chose.  Qui  fallait-il  cioire 
ou  du  père  ou  de  la  fille  se  proclamant  in- 
faillibles? Elisabeth  mourante  exprimale  dé- 
sirqu'onmîtdansuneinscription.sursontonj- 
beau,  reine  vierge.  En  effet,  dit  Lingard,  s'il 
sufUt  de  n'avoir  pas  eu  de  mari,  Elisabetli  fut 
vierge.  Il  compte  et  nommejusqu'à  huitde  ses 
amants.  Etrange  virginité  que  celle-là,  qui 
ne  consiste  c|u'à  ne  pas  avoir  de  mari,  et 
qui   permet  tant   d'amants   qu'on  voudra  ! 

Elisabeth  était  plus  avancée  qu'on  ne 
pense.  Et  nos  modernes  réformateurs  lui 
doivent,  sans  s'en  douter,  des  autels.  Elle  a 
devancé  leurs  systèmes  et  mis  en  prati(|ue 
ce  qu'ils  nous  donnent  comme  du  neuf. 
Non-seulement  elle  a  protesté  contre  le  ])ape 
et  la  religion  catholique  ;  non-seulement 
elle  a  protesté  contre  le  mariage  comme  sa- 
crement; mais  encore  elle  a  protesté  contre 
le  mariage  légal.  Les  héroïnes  du  socialisme 
que  le  pouvoir  traîne  de  nos  jours  en  cour 
d'assises,  Jeanne  Derouin  (lingore,  institu- 
trice et  journaliste),  la  sage-fenune  Pauline 
et  autres  femmes  émancipées  lui  doivent, 
sans  s'en  douter,  des  autels.  Elisabeth  a  j)ro- 
testé  contre  le  mariage  sous  toutes  ses  for- 
mes, et  contre  la  suprématie  de  l'homme, 
d'abord  en  ayant  huit  amants,  et  ensuite  en 
faisant  déclarer  par  son  parlement  de  valets 
c{ue  «  la  couronne  serait  assurée  à  ses  en- 
fants naturels,  quel  que  fût  leur  père,  et 
que  quiconcpe  dirait  que  ses  bâtards  n'é- 
taient pas  apies  à  succéder  au  trône,  serait  cou- 
l)ablode  haute  trahison.  »  (Livre  des  Statuts 
d'Angleterre,  13,  Elisabeth,  ch.  1,  p.  2.j  Ainsi 
la  reine  vierge  associait  toute  l'Angleterre 
et  son  parlement  à  sa  protestation. 

Les  Anglais  n'ont  pas  ell'acé  de  leursfastes 
celte  page  avilissante  pour  leur  nation  :  ils 
vivent  avec  cette  honte  dans  le  corps  do  leur 
droit  civil  et  politique.  Ainsi  donc  voilà  ui;g 

2b 


873 


EI.l 


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876 


nation  qui. Klmet  q'ic  sa  roiic  n";i  ])as  besoin 
do  mari,  qu'il  sulllt,  pour  qu'elle  lasse  des 
liériliers  au  trùne,  qu'elle  ouvre  son  lit  à  un 
homme  quel  qu'il  soit,  lîieu  malheureuses 
Julie  et  Messaline  de  n'avoir  pas  eu  l'An- 
gleterre pour  patrie  1  Le  parlement  eût  trouvé 
bon  que  Ju  ic  se  prostituât,  n'importe  à  qui, 
en  plein  air,  sur  la  tribune  aux  harangues, 
et  que  Messalinc  sortit  le  soir  du  palais  pour 
iller  au  bouge  voisin  se  donner  à  la  lie  do 
la  populace  romaine.  Nous  avions  l)esoin 
d'inscrire  ieice'tellétrissure,pour  continuer. 
Nous  aimons  à  croire  (pie  rien  désormais 
n'étonnera  le  lecteur,  ni  de  la  part  d'Elisa- 
be  h,  ni  de  la  part  de  ses  ministres. 

Elisabeth  avait  tous  les  vi(.'es  et  toute  la 
violence  de  caractère  de  son  père.  Seule- 
ment elle  avait  railiné.  E-i  fait  de  vice,  elle 
trouvait  trop  incommode  de  prendre  mari  et 
de  lui  faire  couper  la  tète,  comme  Henri  VIII 
avait  fait  à  ses  femmes.  Elle  changeait  d'a- 
raants  quand  bon  lui  semblait.  En  fait  do 
violence,  elle  le  surpassait  peut-être;  elle 
jurait  et  vomissait  dans  sa  colère  les  impré- 
cations et  les  injures.  Elle  frappait  dans  ses 
emportements  ses  femmes,  ses  courtisans, 
Hatton,  garde  des  sceaux,  fut  pris  au  collet 
par  elle;  le  comte  maréchal  reçut  un  soufdet  ; 
Mathéov  reçut  un  crachat  en  i)lein  visage.  Il 
fallait  s'agenouiller  sur  son  passage. 

Revenons  aux  choses  religieuses.  La  reine, 
prétendant  donc  ài  l'infaillibilité,  exigea  de 
tous  ses  sujets  le  serment  de  la  reconnaître 
en  elle;  or,  comme  il  était  difllcile  de  conce- 
voir que  cette  autorité  venue  de  Jésus- 
Christ,  transmise  parles  apôtres,  pût  s'exer- 
cer par  une  femme,  le  parlement  lui  recon- 
nut le  droit  de  se  nommer  des  vicaires  gé- 
néraux cjui  exerçassent  en  son  nom  la  toute- 
puissance  ecclésiastique;  elle  les  investit  du 
droit  de  connaître  et  de  juger  tout  ce  qui 
auparavant  était  du  ressort  du  pape,  des  évo- 
ques ou  des  tribunaux  ecclésiastiques.  Eli- 
sabeth est  digne  de  tiguier  au  nombre  des 
plus  ardents  et  des  plus  violents  persécu- 
teurs de  l'Église.  Nous  prenons  dans  Ilohr- 
bacher  une  citation  de  Cobbet,  auteur  pro- 
lestant,   qui  doit  trouver  ici  sa  place  : 

«  11  serait  iin[)0ssible,  dit-il,  d'énumérer 
ici  toutes  les  soull'rances  (}ue  les  catholi- 
ques eurent  à  endurer  pendant  ce  règne 
(Je  sang.  Avoir  entendu  la  messe,  avoir  doinié 
l'hospitalité  à  un  {)rètre,  leconnaître  la  su- 
prématie du  ]i;i()e,  rejeter  celle  de  lu  reine, 
sudisait  pour  faire  périr  un  de  ces  malheu- 
reux dans  les  plus  horribles  tourments.  Le 
plus  cruel  des  actes  d'Elisabeth,  parce  (ju'il 
produisit  en  résultat  une  masse  de  souf- 
muicC'S  bien  plus  générales,  ce  fut  la  législa- 
lio  1  pénale  qu'elle  établit  pour  imi)Osei'  d'é- 
normes amendes  à  ceux  (pii  négligeaient  de 
fréquenter  avi;c  as<iduilé  les  temples  de 
l'Eglise  (ju'elle  avait  inventée  et  fondée. 
Ainsi  la  loi  déclarait  cou[)able  non-seule- 
ment celui  rpii  ik;  reconnaissait  jtas  solen- 
nelleujerit  la  nouvelhî  religion  connue  la 
seuil!  véritable,  et  fjui  continuait;!  piali(pu;r 
l'i  religion  dans laqu(;lle ses  pères  étaient  nés, 
luai.s  encore   celui   qui  ne  se    rendait    pas 


avec  exactitude  aux  nouvelles   assemblées, 
pour  y  observer  des  pratiques  qu'il  ne  pou- 
vait  considérer  que  comme  un  acte  public 
d'apo'Stasie  et  comme  un  horrible  blasphème. 
A'it-on  jamais,  je  le  demjsnde,  une  tyrannie 
plus   odieuse   et    plus    épouvantable?    Les 
amendes  étaient  si  exorbitantes,  et  le  paie- 
ment en  était  exigé  avec  tant  de  rigueur  qu'il 
devint  évident  qu"  le  ])ioj(  t  des  hommes  du 
])Ouvoir  était  de  i)lacer  désormais  les  catho- 
litpnvs  entre  leur  conscience  et  la  ruine  com- 
plèt(i  de  leurs  familles.  Dans   la  vingtième 
année  du  règne  de  la  6on?fc  Elisabeth,  ceux 
des  prèties  calholicpies   qui  n'avaient  point 
quille  le  royaumeetqui  avaient  été  ordonnés 
sous  le  règne  précédent,  n'étaient  plus  qu'en 
très-petit  nombre, parce  que  la  loi  défendait, 
sous  peine  de  mort,  d'en  ordonner  de  nou- 
veaux,   et  que  d'ailleurs  il  n'y  existait  plus 
de  hiérarchie   ecclésiastique.   Comme   il  y 
avait  en  outre  peine  de  mort  pour  tout  prêtre 
venant  de  l'éti'angeren  Angleterre;  peine  de 
mort  pour  celui  qui  lui  donnait  l'hospitalité, 
peine  de  mort  pour  le  prêtre  catholique  qui 
exerçait  les  fonctions  de  son  ministère    sur 
le  territoire  anglais  ;  peine    de  mort  pour  les 
personnes  qui  allaient  h  confesse,  il  semblait 
que  rien  ne  s'opposerait  désormais  à  ce  que 
la  reine  réussît  dans  son  projet  de  détruire 
complètement  en  Angleterre  celte  antique  et 
vénérable  religion,  qui  pendant  tant  de  siè- 
cles avait  fait  le  bonheur  et  la  gloire  de  la 
nation  ;    cette    religion   d'hospitalité   et   do 
charité  qui,  tant  qu'elle  avait  subsisté  dans 
le  pays,  avait  empêché  qu'on  y  connût  ce 
quec'estqu'un  pauvre;  cette  noble  et  grande 
religion  aux  inspirations  de  laquelle  on  était 
redevable  de  la  construction   de  toutes  ces 
magnitiques  églises,  de  toutes  ces  imposantes 
cathédrales  qui  décoraient  l'Angleterre;  en- 
fin cette  religion  de  véritable  liberté  qui  avait 
consacré  tous  les  actes  glorieux  de  notre  lé- 
gislation. Mais  heureusement,  il  se  rencon- 
tra un  homme  dont  le  zèle  et  les  talents  en- 
travèrent l'exécution  de  cet  infernal  projet. 
Il  se  nommait   Guillaume  Allen  ou  Alan  ; 
né  en  1532,  h  llossal,  dans  le  comté  de  Lan- 
castie,  d'une  famille  respectable,  il  avait  été 
ordonné   prêtre   h  l'université    d'Oxford  et 
élait  venu  ai)rès  la  révolution  fondera  Douai 
en  Elandie  un  séminaire  pour l'éilucalion  et 
l'insti'uction  des  pi-ètres  anglais.  Il  avait  été 
aidé  dans  celte  (cuvre  charitable    par  quel- 
({ues  hommes  de  bien  et  tie  talent;  et  c  était 
(le  cette  écoh;  (pie  sortaient  tous  les  jeunes 
prêtres    anglais  (pii  revenaient    dans    leur 
pays  exposer  leur  vie  |)()ur  remplir  les    de- 
voirs de  leur  sacré  nlini^tèr(^  On  concjoit  fa- 
cilement (jue  la  reine  eût  voulu    ponr  tout 
au  monde    détruii-e  ce  précieux    établisse- 
ment ;  mais  la  mer  se  tiouvail  entre  elle  et 
(luiUaume  Allen,  et  celui-ci   pouvait  délier 
en  sûreté  ses  insirumeids  de    loilures  et  do 
supplices.  (Vvsl  ainsi   (pi'en    (h-pit    de  cette 
foùled'espionsetdelxMirreauxipii  couvraient 
le  sol  d(!rAnglet(M're,  il  s'y  conserv  i  toujouis 
(piehpies  débiis  du  naufrage  (pn>  la  l'eligicri 
(•alholi(pie  y  avait  essiiyc'.  l'Elisabeth  entre- 
cours   il  tout    pour   détruire    le    séminaiiu 


877 


EU 


II.l 


873 


(VAllcn,  qui  fui  plus  tr.vd  pronui  au  cnraina- 
lal  L't  (loiU  ou  uo  saurait   prououccr   i(!  uoui 
sans  altondrisscnicul    et    saus    aduiiralion. 
Kulin  elle  réussit,  on  leminiil  ses  poils  aux 
vaisseaux   des   insurgés    hollandais    et   11a- 
niands  eontre  la  teneur  expresse  des  traités 
qu'elle  avait  signés  avec   eux,  h  engag(M-  le 
gouverneiuent  espagnol  h  l'eriner    le  sémi- 
naire de  Douai.  Ma.is  Allen  vint  se  réfugier 
en  France,  et  trouva  aide  et   [)rolection  au- 
près desCluises  (pii,  malgré  toutes  les  récla- 
mations  d'Klisabetli,    rctabliient   à    Ucims 
avec  sou  sémiuairi^.  Ainsi  lroin|)ée  dans  tous 
ses   projets,  Elisabeth   ne  crut  pou/oir   se 
venger   d'une  manière   digne  d'elle  qu'en 
persécutant  les  callioli(|ues  avec  [)lus  de  fu- 
reur que  jamais.  Célébrer  la  messe,  entendre 
la   messe,  aller  à  confesse,   enseigner  la  reli- 
gion catholicpie  ou  la  pratinner  furent,  jiour 
les  bourreaux  qu'elU;  revêtait  du  titre  de  ju- 
ges, des  crimes  dignes   de  toute  la  sévérité 
des  loiî),et  que  le  gibet,  la  |)Oleuce,  la  roue, 
et  toutes  les  espèces  de  tortures  imaginables 
pouvaient  seuls  expier.  Celui  qui  négligeait 
de  fréquenter  son  église  était  passible  d'une 
amende  de  vingt  livres  slerlings  par  mois  lu- 
naire, ce  qui  en  monnaie  actuelle  fait  plus 
de  trois  mille  six  cents  francs.  Comme   il  y 
avait  (les  milliers  d'individus  qui  refusaient 
de  sacrilier  leur  conscience   à  une  amende 
qui  au  bout  de  l'année   s'élevait  pourtant  à 
près  de  soixante-dix-huit  mille  francs,  le  fisc 
ne  tarda  pas  à  s'emparer  d'une  multitude  de 
pro[)riétés  qui  jusque-là  avaient  échappé  à 
l'avidité  des  pillards.  Au  reste,  il  paraît  que 
tous  ces  édits  atroces  ne  sullisaient  pas  pour 
satisfaire  la  haine  des  persécuteurs  du  catho- 
licisme, et  qu'ils  avaient   encore  recours  à 
toutes  les  insultes,  à  toutes  les  avanies  que 
pouvait  leur  suggérer  leur  infernale  imagi- 
nation. Quiconque  était  connu  pour  catholi- 
que ou  soupçonné  de  l'être,  n'avait  plus  de 
sécurité  ni  un  moment  de  repos.    A  toute 
heure,  mais  particulièrement  la  nuit,  il  était 
exj)Osé  à   voir  tes  émissaires  du  gouverne- 
ment pénétrer  de  vive  force  dans  son  domi- 
cile, en  bîiser  les  portes,  se  répandre  en- 
suite par  bandes    dans  les  divers  apparte- 
ments de  sa  maison,  forcer  les  serrures  de 
ses  meubles,  de  ses  cabinets,  fureter  partout 
jusque  dans  les  lits,  pourvoir  s'ils  n'y  trou- 
veraient  point  cachés  des  prêtres  catholi- 
ques, des  livres,  des  ornements,  des  croix 
et  d'autres  objets  nécessaires  à  la  célébra- 
tion du  culte  Catholique.  On   les  forçait  à 
vendre    leurs    propriétés   pour    payer    les 
amendes   énormes  c[u'on   leur  intlig.  ait,  et 
dans  certains  cas,  la   loi  décernait  contre 
eux  la  contrainte  par  corps  et  la  saisie  préa- 
lable des  deux  tiers  de  leurs  biens.  Quelque- 
fois, il  est  vrai,  on   leur  accordait  comme 
une  grâce  particulière  la  faveur  de  racheter 
par  une  redevance  fixe  l'obligation  d'aposta- 
sie qu'on  leur  imposait  ;  mais  toutes  les  fois 
que,  poursuivie  et  tourmentée  plus  que  de 
coutume  par  les  remords  qui  l'agitaient  in- 
cessamment, la  reine  croyait  avoir  plus  à 
craindre  pour  ses  jours,  ils  amendes  et  les 
accommodements   ne    suliisaient  ])lus   à  ses 


terreurs,  et  elh;  faisait  arrêter  les  catholi- 
(pies,  les  rcmfermant  tant(')i  chez  les  protes- 
tants, tantôt  dans  les  prisons  publirpics,  ou 
bi(!n  elle  les  faisait  déporter.  11  n'était  plus 
de  sécurité  h  es|)érer  pour  ic.  g(Mitilliomme 
catholi([ue;  il  avaità  redouter  l'indiscrétion 
de  ses  enfants,  la  malice  et  la  haine  de  ses 
ennemis,  la  vengeance  de  ses  fermi(>rs  et 
enfin  la  violence  de  ces  hommes  si  nom- 
breux (jui,  [)Our  quel(iu(!  argent,  sont  tou- 
jours prêts  à  commettre  tous  les  parjures  et 
tous  les  crimes. 

«  Quant  aux  catholiques,  incapables  de 
payer  les  amendes  (pi'on  leur  iniligeait  pour 
ne  pas  avoir  fréquenté  les  temples  i)rot('S- 
tants,  on  les  entassait  dans  les  prisons  loca- 
les, à  tel  point  que,  dans  certains  comtés,  les 
autorités  municipales  s'adressaient  par  voie 
de  pétition  au  gouvernement  pour  être  dé- 
chargées du  soin  de  pourvoir  à  leur  entre- 
tien. Force  alors  était  aux  (lersécuteurs  de 
relâcher  ces  malheureux  ;  mais  on  avait  soin, 
au])aravant,  de  les  fustiger  publiquement  et 
de  leur  percer  les  oreilles  awcc  un  fer  rouge! 
Plus  tard  intervint  un  acte  législatif  qui  con- 
damnait tout  catholique  obstiné,  ne  possé- 
dant pas  par-devers  lui  un  revenu  lixedevingt 
marcs  d'argent  par  année,  à  quitter  le  pays 
trois  mois  après  son  jugement,  et  à  la  mort, 
s'il  osait  ensuite  remettre  le  pied  sur  le  ter- 
ritoire anglais.  Mais  la  vieille  Elisabeth  s'é- 
tait trompée  en  faisant  sanctionner  par  son 
parlement  cette  épouvantable  loi  de  pros- 
cription; elle  ne  put  atteindre  le  but  qu'elle 
se  proposait,  parce  que  les  juges  reconnurent 
bientôt  que,  malgré  les  ordres  formels  de  la 
reine,  elle  était  inapplicable.  Ils  se  conten- 
taient donc  de  vexer  et  de  taxer  comme  par 
le  passé  les  malheureux  catholiques,  pour 
leur  faire  expier  le  crime  qu'ils  commettaient 
en  s'abstenant  de  l'apostasie  et  de  la  profa- 
nation. Néanmoins  les  catholiques  conser- 
vèrent encore  pendant  quelque  temps  l'es- 
pérance de  voir  alléger  leurs  maux.  Une  pé- 
tition fut  rédigée  dans  les  termes  les  plus 
respectueux  pour  exposer  leurs  principes, 
leurs  souffrances  et  leurs  prières;  le  difficile 
était  de  trouver  un  homme  assez  courageux 
pour  aller  la  déposer  au  pned  du  trône  :  car 
on  n'ignorait  pas  qu'on  s'adressait  à  un  êlre 
l)0ur  lequel  la  vérité,  la  justice,  la  pitié  et 
l'humanité  n'avaient  jamais  été  que  de  vains 
mots.  Un  certain  Richard  Shelley,  de  Michel- 
Grave  dans  le  comté  de  Sussex,  offrit  de  se 
dévouer  pour  ses  core5igionnaires  et  de  se 
charger  de  présenter  leur  supplique.  Elisa- 
beth qui,  dans  aucune  occasion  de  sa  vie,  ne 
démentit  son  odieux  caractère,  ne  répondit 
aux  plaintes  do  cet  homme  courageux  que 
parles  échos  d'une  infecte  prison,  où  bien- 
tôt après  il  expira  martyr  de  sa  foi  et  victime 
de  la  cruauté  du  monstre  qui  régnait  sur  son 
I)ays.  Philippe  II,  depuis  longtemps  provo- 
qué par  les  outrages  d'Elisabeth,  avait  résolu 
de  faire  une  descente  en  Angleterre.  Il  était 
alors  le  monarque  le  plus  puissant  de  la  chré- 
tienté ,  et  ses  Hottes  ainsi  que  ses  armées 
étaient  de  beaucoup  supérieures  à  celles  de 
la  reine.  Bien  que  le  danger  imminent  au- 


8T9 


ru 


auol  rAu^^letorre  so  trouvait  cxj)os6e  n'oûl 
a'autre  cause  que  la  malice,  la  pciUilie  et  la 
mauvaise  loi  d'Elisabeth,  les  Anglais  n'envi- 
sagèrent que  le  salut  de  la  iiatiie  et  tous 
prirent  la  défense  de  leur  souveraine.  Les 
catholiques,  dans  cette  occasion  comme  dans 
toutes  celles  où  un  appel  fut  fait  ii  leur  |)a- 
triolisme  ,  prouvèrent  qu'il  n'était  jioiiit 
d'oiipressionciui  put  jamais  leur  faireoublier 
leurs  devoirs  de  sujets  et  de  citoyens. 
Aussi  Kume  lui-même  est-il  obligé  d'avouer 
que  les  genlilshonmies  cailioli(iues,  quoicjuc 
déshérités  de  tous  leurs  droits  politiiiues, 
«  prirent  du  service  dans  l'armée  et  dans  la 
flotte  en  qualité  de  simples  volontaires  ;  qu'il 
y  en  eut  même  qui  é(iui])èrent  à  leurs  [iro- 

f)res  frais  des  vaisseaux,  dont  ils  conlièrent 
e  corumaudement  à  des  ofiiciers  protestants  ; 
Î[ue  d'autres  firent  tout  pour  exciter  leurs 
ermiers,  leurs  vassaux,  leurs  voisins,  è  vo- 
k-rausecoursdeleur  patrie  en  danger;  et  ({ue 
tous,  sans  distinction  de  rang,  oubliant  dans 
cette  circonstance  les  injustices  des  ])artis, 
se  préparèrent  avec  autant  d'ordre  (jue  d'é- 
nergie à  re[;ousser  l'invasion.  »  Une  horri- 
ble tempête    qui     dispersa    et  détruisit  la 
moitié  de   la  ilotte  espagnole  célèbre  dans 
riiisto  re  sous  le  nom  û'Jnvincible  Armada 
que  lui  avait  donné  d'avance  le  roi  d'Espa- 
gne, fut  cause   que  la   descente  projetée  ne 
put  avoir  lieu.  Il  est  même  plus  que  proba- 
ble qu'elle  eût  échoué,  quand  bien   même 
elle  n'eût  pas  été  contrariée  par  un  accident 
de  force  majeure.  On  ne  saurait  nier  toute- 
fois qu'une  semblable  expédition  ne  plaçât 
l'Angleterre  dans  une  situation  très-critique 
et  qu'il  n'eût  dépendu  que  des  catholiques 
d'en  augmenter  le  danger,  s'ils  avaient  voulu 
écouter  leur  juste  ressentiment.  Leur  con- 
duite loyale  et  généreuse  dans  cette  occur- 
rence   seudjlait  donc   devoir   leur   mériter 
quelfiue  allégement  au  joug  de  fer  qu'on 
leurfaisait  porter.  Leur  attente  fut  trompée; 
on  redoubla  au  contraire  de  cruauté   et  de 
barbarie  h  leur  égard  et  on  les  soumit  aune 
incjuisition  mille  fois  plus  terrible  que  n'a 
jamais  été  celle  d'Es()agne.  Un  simple  soup- 
çon  suffisait   ()0ur  les  faire   emprisonner  , 
torturer  et  mettre  à  mort.  Les  propriétés  de 
l'Eglise    et    des    ordres    religieux    avaient 
été  confisquées  en  Irlande  de  la  même  ma- 
nière qu'en  Angieteri-e.  Eloigné  du  foyer  du 
pouvoir  ,  de  l'afjostasie    et  du    fanatisme, 
il  avait  été  i)lus  difficile  d'y   emi)orter   des 
conversions   à    cou[)s  d(;  fwsil  et   avec   des 
échafauds  ambulants.  On  y  avait  donc  envoyé 
successivement  des   mir/nons   de    la  reine  , 
pour  y  pousser  le  [leuple   à   la  révolte   par 
leurs   alfreuses  exactions,  et  préparer  ainsi 
des  [trétextes  h  des  confiscations  nouvelles. 
Celui  dans  ce  malheureux  i)ays,   plus  (pie 
partout  ailh.Mirs,  ((u'on  vit  l)ien  (pie  la  pr(^'- 
lendiie  réforme  n'était  (pie  h(  pillage   syslé- 
matiqiiemeiit  (organisé.   l'Elisabeth  le  perfec- 
tionna encoi-e  par  des  massacres  en    niasse; 
c'est  ell(!  (pu  y   envoya   ces  prédicants  dont 
les  successeursprélèvenl  encore  de  nos  jours, 
à  1.1  ()oinle  de  la  baïonnette,  les  dîmes  (^xor- 
L'it.uiles   ((ui   enri(  hissent  aux   déjicns   ik-is 


EI.l  880 

malhcTHTux  un  clergé  sans  ouailles.  C'est 
elle  (pii  préluda  h  toules  les  mesui-es  tyran- 
ni(pies  et  atroces  cpii  ont  fait  de  l'Irlande  un 
pays  à  part.»  (Cobbet,  Lettre  11  sur  iliistoire 
de  la  Réforme  en  Angleterre.) 

Tel  est  le  tableau  que  nous  trace  un  au- 
teur protestant  des  atrocités  commises  sous 
ce  l'ègiie.  Evidemment  s'il  eût  émané  d'un 
catholique,  on  nous  eût  peut-être  accusé 
d'aller  puiser  h.  des  sources  où  l'exagération 
est  un  moyen  de  |)arti.  Maintenant,  veut-on 
entre  mille  un  exemple  de  la  façon  dont  pro- 
cédaient les  bourreaux  de  la  renie,  par  son 
ordre,  un  exen)ple  ([ui  fera  voir  pour  quel- 
les causes  Elisabeth  condamnait  h  mort  et 
conmient  elle  entendait  les  supi>lices  ?  Mar- 
guerite Middlelon,  fenmie  d'un  riche  habi- 
tant de  la  ville  d'York,  avait  choisi  pour 
instituteur  de  ses  enfants,  et  avait  logé  chez 
elle  un  prêtre  catholique.  Sa  foi  n'avait  pas 
cru  pouvoir  leur  donner  un  meilleur  pro- 
fesseur. Elle  fut  pour  ce  crime  déférée  aux 
tribunaux  de  la  reine.  La  sainte  femme  ne 
voulut  ni  s'excuser  ni  se  défendre.  Pour- 
quoi en  effet  donner  par  son  adhésion  une 
apparence  de  légalité  à  une  telle  procédure;? 
Elle  garda  le  silence.  Elle  fut  condauniée  à 
mort  et  exécutée  comme  nous  allons  dire. 
On  la  mena  à  une  petite  distance  de  la  pri- 
son, c'était  le  lieu  du  su])plice.  Un  juge 
commanda  aux  bourreaux  de  la  déshabiller. 
On  lui  avait  accordé  le  temps  de  faire  sa 
nrière.  Marguerite  et  quatre  femmes  qui 
l'accompagnaient,  se  jetèrent  à  genoux  et 
demandèrent  au  juge  (ju'au  moins  on  res- 
pectât la  décence  dans  la  personne  de  la 
victime  et  cju'on  voulût  bien  ne  pas  la 
déshabiller.  Le  juge  refusa.  Seulement,  il 
'  voulut  bien  permettre  que  ce  fussent  ses 
femmes  qui  s'acquittassent  de  cet  oOice.  On 
lui  ôta  donc  ses  vêtements,  et  elle  fut  revê- 
tue d'une  longue  chemise  de  toile.  Alors 
elle  s'étendit  [)ar  terre  avec  un  calme  et  une 
tranquillité  ((ui  surprirent  tous  les  assis- 
tants. Elle  avait  un  mouchoir  sur  les  yeux. 
On  mil  sur  elle  une  })0ite  qu'on  chargea  do 
})oids  énormes  j)Our  écraser  la  sainte  vic- 
time. Obéissant  à  la  douleur  qui  connuen- 
çail  à  se  faire  sentir,  elle  croisa  les  mains 
sur  son  visage.  Le  juge  lui  donna  l'ordre  de 
les  oler.  11  faut,  lui  dit-il,  que  vos  mains 
soient  attachées.  Alors  deux  exécuteurs  s'a- 
vancèrent, et  les  écartant  autant  que  faire 
se  pouvait,  ils  les  lui  lièrent  à  deux  pieux. 
Ils  lui  attachèrent  aussi  les  ])ieds.  On  aug- 
menta alors  la  charge  d'un  poids  énorme. 
E:1I(!  répéta  plusieurs  fois,  en  s'écriant,  ces 
seuls  mots  :  «  Jésus,  Jésus,  ayez  pitié  do 
uioi  l  »  Son  supplice  dura  environ  vingt  nii- 
jnites.  l'ille  avait  sous  le  dos  une  pierre  an- 
guleuse et  pointiu',  (pii  lui  faisait  une  hor- 
lible  blessure,  tandis  (pu'  la  porte  (pie  l'on 
chargeait  successiveiueiil  avec  des  jxtids  pe- 
sant plusieurs  centaines  île  livri's,  l'écrasait 
de  |)lusen  plus.  Enfin  les  cotes  si  brisèrent, 
et  leurs  fragments  traversaient  la  peau.  Kilo 
expira  au  milieu  de  ce  supplice  atroce. 

N(!  semble-t-il  pas  (pi'oii  cnI  li<i:isporté  au 
t(iiij)s  des  Neroii  et   il(  ^  (ialèie?  Hélas!  ces 


851 


LLl 


j;i,i 


%n 


Doms  si  tfistoinonl  célèbres  de  poi'si'cîu- 
teurs  tA  de  Ijoiiircaux  no  suiil  rii'ii  (l(^  plus 
hideux  |)()iii-laiil  cpu!  ceux  (U)  llciiii  Vlll, 
d'Klisabelii  ot  îles  mfAiiies  boiiireaiix  de  *);{. 
Oui,  pour  la  lioiilo  des  temps  modernes, 
dos  cliriMiens  ont  é}j;alé  ces  monstres  de 
ranlicpiitc  païenne.  C'est  (pie  l'Iionnne,  si 
lier  de  sa  civilisation,  est  le  mémo  tonjoui-s, 
si  Dieu  rabandonne,  et  peul-ôlre,  liélas  1 
devient-il  d'autant  plus  perv(>rs  et  plus  lii- 
deux  h  voir,  (pi'il    a  aonsé  do  plus  do  lu- 


ni 


iùres  et  de  plus  de  grAces. 


Les  faits  que  nous  venons  de  raconter  so 
passaient  en  158G;  niainl(>nant,  remontant 
un  pou  on  arrière,  nous  citerons  (piehpies- 
luis  d(^s  martyrs  (jne  lit  Elisabelli.  Nous 
trouvons  parmi  les  plus  célèbres  le  comte 
<lo  Norlliumbeiland  Henri  Perci,  le  comte 
d'Arondel  son  (ils,  puis  une  t'oulti  de  mis- 
sionnaires. Le  |)remier  de  tous  fut  Culhbert 
Maine,  i)rètre  de  Coinouaille.  Trois  cliofs 
d'accusation  fuient  poités  contre  lui.  On  le 
condannia  connue  ayant,  1"  demandé  et  reçu 
une  bulle  du  souverain  pontife  ;  2"  d'avoir 
refusé  de  reconnaître  la  reine,  comme  chef 
suprême  do  l'Eglise  d'Angleterre;  3°  d'avoir 
dit  la  messe  sur  le  territoire  do  Sa  Majesté, 
dans  la  maison  d'un  seigneur  nommé  Tri- 
guian.  Le  saint  missionnaire  fut  condamné 
à  mort,  et  subit,  lo  29  novembre  1577,  le  sup- 
plice des  traîtres.  Triguian  fut  mis  en  pri- 
son après  qu'on  eut  conlisqué  tous  ses  biens. 
11  mourut  dans  sa  captivité.  Dès  lors,  les 
recherches  furent  faites  avec  une  activité 
qu'on  n'avait  pas  déployée  jusque-là.  Les 
prisons  se  remplirent  de  détenus  pour 
cause  de  religion.  Au  château  d'York,  dans 
un  même  jour,  plus  de  vingt  de  ces  i)rison- 
iiiers  périrent  d'une  alfection  épidémique 
du  genre  des  pestes.  Le  jour  de  la  mort  de 
tous  ces  saints  mai^tyrs,  Nelson,  prêtre,  et 
Sherwood,  laïque,  qui  avaient  nié  la  supré- 
matie spirituelle  de  la  reine,  furent  traînés 
sur  la  claie,  pendus  ensuite  et  coupés  en 
cjuatro. 

Do  tout  temps,  dans  l'Eglise  de  Jésus-Christ, 
le  sang  des  martyrs,  semence  féconde,  a  pro- 
duit d'autres  martyrs.  De  tout  temps,  l'exem- 
jjle  de  la  mort  des  saints  a  enfanté  dos  dé- 
vouements semblables  aux  leurs  :  il  en  fut 
de  même  cette  fois,  La  fureur  d'Elisabeth, 
au  lieu  de  faire  reculer  les  serviteurs  de 
Dieu,  leur  donna  une  ardeur  plus  grande 
pour  le  combat  ;  bientôt  d'autres  saints  vin- 
rent remplacer  ceux  qu'elle  faisait  mourir. 
Allen,  docteur  et  fondateur  du  collège  an- 
glais de  Douai,  s'adressa  au  général  des  jé- 
suites pour  obtenir  des  missionnaires  et 
des  martyrs  pour  son  malheureux  pays.  On 
sait  que  les  jésuites  aiment  le  danger,  et 
que  là  où  il  y  a  du  sang  à  verser  pour  la 
cause  du  Seigneur,  on  est  sûr  de  trouver 
qu'ils  n'ont  pas  ménagé  le  leur.  Le  général 
accueillit  avec  empressement  cette  de-, 
mande  :  il  demanda  au  pape  la  permission 
de  fonder  une  mission  pour  l'Angleterre  ; 
le  pape  la  lui  accorda.  Dès  que  la  nouvelle 
en  fut  connue,  une  sainte  éiuulation  pous- 
sant à  l'envi  les  Pères  de  l'ordre,  ils  vinrent 


en  grand  noudji'o  se  jeter  aux  itieds  de  leurs 
su|)érii;urs  pour  demandei-  d'aller  en  Anglc- 
teri'o.  AlhîU  témoigne  d(j  ce  fait,  (jui  honore 
la  (MMUpagnio  d(!  Jésus  sans  surprciulro  île 
sa  part,  tant  on  est  habitué  à  la  voir  se  di'- 
vouer  partout  où  il  y  a  du  bien  h  faire,  du 
danger  à  courir.  A[)rès  mûre  délibération, 
on  décida  de  n'envoyer  en  Angleterre.'  (pj(! 
des  Anglais  :  on  en  choisit  douze  ;  Edmond 
('anq)ian  de  Londres,  Uobert  Pi.'i'sons,  tous 
deux  mend)res  de  l'université  d'Oxford,  fu- 
rent nonnnés  chefs  de  la  mission  ;  Emer- 
son, coadjuteur  tem|)orel,  l^Mlolphc  Sher- 
>vin,  Luc  Kirby,  Edouard  Uislhon,  quatre 
prêtres  et  doux  jeunes  gens  encore  laïtpios 
les  accompagnaient.  Le  i)apo  lit  une  bulle 
dans  laquelle  il  ordonnait  aux  calholiipics 
de  reconnaître  l'autorité  tenqiorelle  irElisa- 
belh.  Le  général  des  jésuit(!S  ordonna  à  ses 
missiomiaires  de  no  s'immiscer  dans  aucune 
question  [)olitique.  La  jjluparl  de  nos  saints 
missionnaires  furent  martyrisés  en  Angle- 
terre ;  Dieu  leur  doima  de  cueillir  la  glo- 
rieuse couronne  à  la  contiuête  d(^  laquelle 
ils  marchaient  si  courageusement.  Les  deux 
chefs  Carapian  et  Persons  furent  des  pre- 
miers martyrisés.  Les  Jésuites  ne  se  las- 
saient pas  ;  tous  ceux  qui  tombaient  élaiei' 
immédiatement  remplacés, 

L'Europe  et  le  monde  étaient  dans  l'admi- 
ration de  tant  d'héroïsme.  Le  récit  des  sup- 
plices de  ces  généreux  soldats  de  Jésus- 
Christ  volait  de  bouche  en  bouche.  Autant 
on  les  admirait,  autant  on  éprouvait  d'hor- 
reur pour  leurs  bourreaux.  Les  premiers 
qui  se  lassèrent,  co  ne  furent  pas  les  victi- 
mes, Elisabeth  et  ses  bourreaux  reculèrent, 
non  pas  par  horreur  du  sang  et  du  meurtre, 
mais  par  lassitude  ;  ils  virent  du  reste  que 
le  sang  qu'ils  versaient  était  une  semence 
qui  fécondait  l'Eglise  catholique  et  l'enri- 
chissait de  martyrs.  Ils  commencèrent  à  ne 
plus  tuer  autant  et  à  déporter  davantage. 
Jusqu'à  la  fin  de  son  règne,  Elisabeth  persé- 
cuta les  catholiques. 

Cette  reine  abominable,  qui  mérite  si 
bien  l'exécration  de  l'histoire  pour  la 
cruauté  avec  laquelle  elle  persécuta  et  fit 
mourir  tant  de  saints  dans  son  royaume,  ne 
voulut  pas  qu'il  manquât  une  infamie  à  cette 
couronne  de  forfaits  dont  elle  ceignit  sa  tête. 
Depuis  que  la  civilisation  chrétienne  avait 
lui  sur  l'Europe  entière,  aucun  peuple,  au- 
cun souverain,  n'avait  osé  porter  la  mai» 
sur  une  tête  royale.  Pllisabeth,  qui,  comme 
nous  l'avons  dit,  devançait  son  siècle  en 
tant  de  choses,  assassina  une  reine,  Marie 
Sluart.  Ce  fait  n'aiipartiont  pas  à  notre  ca- 
dre ;  nous  nous  -contenterons  de  rindi({uer 
sommairement, 

Marie  Stuart  était  tille  de  Jacques  V,  roi 
d'Ecosse,  et  de  Marie  de  Lorraine,  Elle  na- 
quit en  15i2,  et  perdit  son  père  huit  jours 
afirès  sa  naissance.  Elle  fut  aussitôt  recon- 
nue reine,  et  sa  mère,  Marie  de  Lorraine,  la 
fit  élever  avec  soin  dans  les  principes  de  la 
religion  catholique.  En  loSS,  elle  épousa  le 
dauphin  de  France,  (ini  devint  roi  l'aïuice 
suivante,  sous  lo  nom  de  François  IL  Après 


S33 


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dix-huit  mois  do  mariage,  elle  revint  eu 
Ecosse.  Ses  sujets,  qui  avaient  embrassé 
avec  ardeur  la  religion  réformée,  se  soule- 
vèrent contre  elle.  Marie  eut  le  mallicur 
d'épouser  Henri  Darnley,  son  cousin,  qui 
n'avait  pour  lui  <prune  beauté  peu  com- 
mune. Elle  ne  fut  pas  heureuse  :  Darnlev 
eut  une  jalousie  effrénée  contre  David  lliz- 
zio,  secrétaire  et  confident  do  sa  femme  ;  il 
l'assassina  en  sa  présence.  Peu  de  temps 
après,  il  périt  lui-même  d'une  façon  tragi- 
que. Au  bout  de  trois  mois,  Marie  épousa 
le  comte  de  Botln\el.  On  sait  la  suite  de  ses 
malheurs.  Ses  sujets  s'étant  révoltés,  elle 
prit  la  faite  et  vint  en  Angleterre  cherclior 
asile  auprès  d'Eiisnbctli,  sa  cousine.  Marie 
Stuart,  à  la  mort  de  sa  cousine  Marie,  à  la- 
quelle Elisabeth  avait  succédé,  avait  pris  le 
titre  de  reine  d'Angleterre.  Bien  que  depuis 
elle  eût  accej)té  la  puissance  de  fait  d'Elisa- 
beth, cette  dernière  lui  gariait  une  haine 
irréconciliable.  Elle  était  surtout  excessive- 
ment jalouse  d'elle,  parce  que  Marie  la  sur- 
passait en  beauté.  Elle  l'accueillit  cependant 
avec  toutes  les  ai)[)arences  de  l'amitié  ;  mais 
bientôt  elle  la  fit  jeter  en  prison,  où  elle  la 
tint  dix-huit  ans.  Elle  trouva  moyen  ensuile 
de  l'impliquer  dans  une  conspiration  contre 
sa  personne,  et  en  1587,  elle  la  fit  condam- 
ner à  mort.  Mario  Stuart  fut  décapilée  et  re- 
çut avec  un  courage  héroïque  le  coup  mor- 
tel. Elisabeth  fit  semblant  d'ignorer  son 
exécution.  Elle  versa  des  larmes  quand  on 
la  lui  apprit,  disant  qu'elle  n'en  avait  pas 
donné  l'ordre.  Elle  disgracia  tous  ceux  qui 

Î^  avaient  pris  part,  mais  bientôt  après  elle 
es  remit  tous  en  charges.  Elle  avait  commis 
le  crime,  elle  en  redoutait  l'odieux.  L'his- 
toire le  lui  a  infligé. 

Elisabeth  mourut  en  1603.  Les  Anglais 
sont  fiers  de  cette  reine  ;  les  historiens  en 
ont  fait  une  héroïne,  et  ont  dit  qu'elle  fut 
une  des  plus  fortes  tètes  politiques  d'Eu- 
rope. Elle  régna  dans  un  temps  où  l'Europe 
n'était  pas  riche  d'hommes  politiques  ;  elle 
brilla  surtout  par  le  contraste.  Sans  nier 
qu'elle  eût  des  talents  de  gouvernement, 
nous  no  saurioi'S  hù  accorder  la  réputation 
qu'on  lui  a  faite.  Mainienai'ît,  que  fut-elle 
en  dehors  de  cehi?  Bourreau  des  catlioli- 
quos,  cruelle  au  delà  de  tout  ce  qu'on  peut 
imaginer.  Elisabeth  montra  qu'elle  avait 
dans  ses  veines  le  sang  d'Henri  'N'III,  le 
Néron  anglais.  FcniuK!  débauchée  et  por- 
tant le  cynisme  jusqu'à  inscrire,  comme 
nous  l'avons  vu,  ses  hontes  dans  le  corps 
des  lois  de  son  pays,  elle  ne  sut  garder-  ni 
la  pudeur  (pii  fait  l'InjunèUî  femme,  ni  le 
décorum  qui  doit  être  l'auréole  d'une  rei;ie. 
Les  Anglais  peuvent  pei-sisler  à  la  regarder 
comme  une  des  gloires  di;  leur  nation,  c'est 
j)Ossible,  mais  c'est  une  des  hontes  de  l'hu- 
niiifnté. 

l'^LIMlf^iil"'  (saint',  arohevéoue  de  C.aiitoi- 
béry,  mailyr,  naquit  d'une  familhï  illustre 
et  distinguée,  qui  lui  lit  donnci-  nn(^  éduca- 
tion digne  en  tous  jifunts  de  sa  gtaiule  nais- 
sance. Il  se  retira  jeuiu!  encore  et  malgré 
les  lornies  de  sa  mère,  dans  le  monastère  de 


Derherste,  s'tué  dans  le  c(jmté  de  Glocester. 
Après  y  avoir  passé  quelques  années,  il 
vint  chercher  une  i-etraite  plus  solitaire  en- 
core dans  un  désert  de  l'iibbaye  de  Bath.  Il 
y  vivait  retiré  et  dans  la  prati([ue  des  })lus 
grandes  austérités  ;  sa  vertu  jetait  tant  d'é- 
clat (pie  |ilusieurs  personnes,  même  reraar- 
(juables  jjar  leur  grande  distinction,  vinrent 
se  mettre  sous  sa  sainte  direction  ;  bientôt 
après,  il  fut  élu  au  gouvernement  de  l'ab- 
baye de  Bath  et  en  réforma  les  moines  dont 
les  mœurs  étaient  un  peu  relâchées. 

Cependant,  saint  Ethelwold,  évoque  de 
Winchester,  étant  mort  en  98't,  notre  saint 
fut  élu  à  sa  place.  La  dignité  à  laciuelle  on 
venait  de  l'élever  ne  lui  fit  rien  changer 
dans  sa  vie  austère  et  si  sainte  :  tous  les 
jours,  il  se  levait  à  minuit,  priait  longtemps 
nu-pieds ,  même  dans  les  rigueurs  de 
l'hiver.  Il  ne  mangeait  presque  jamais  de 
viande.  Sa  charité  était  si  grande,  et  ses  au- 
mônes si  abondantes  qu'il  n'y  avait  pas  un 
seul  mendiant  dans  tout  son  diocèse.  Après 
avoir. gouverné  l'église  de  Winchester  pen- 
dant vingt-deux  ans,  on  l'enleva  à  l'amour 
de  son  troupeau  pour  l'élever  sur  le  siège 
archiépiscopal  de  Cantorbéry  à  la  place  d'Al- 
fric  qui  venait  de  mourir.  Bientôt  après,  les 
Danois  firent  une  irruption  en  Angleterre. 
Soutenus  par  le  comte  Edric,  un  des  plus 
puissants  du  royaume,  et  qui  oubliait  ce 
qu'il  devait  à  "sa  patrie ,  ils  commirent 
mille  cruautés  et  vinrent  enfin  mettre  le 
siège  devant  Cantorbéry.  On  voulait  faire 
sortir  notre  saint  de  la  ville,  afin  de  le  sous- 
traire à  la  barbarie  des  assiégeants.  Mais 
Elphège,  plein  d'amour  pour  son  troupeau, 
refusa  constamment,  soutint  leur  courage, 
les  anima  à  la  défense  et  leur  donna  l'Eu- 
charistie en  les  recommandant  au  Seigneur. 
La  ville  ayant  été  prise  d'assaut,  tout  fut 
passé  au  fil  de  l'épée.  Notre  saint  s'étant 
jeté  au  milieu  du  carnage,  afin  d'exciter  la 
compassion  des  barbares,  fut  saisi,  chargé 
de  chaînes  et  jeté  tians  un  noir  cachot.  Il 
resta  ainsi  sept  mois  dans  sa  prison.  Mais  à 
cette  éjioque,  une  terrible  épidémie  étant 
venue  décimer  l'armée  danoise,  les  chefs  le 
firent  sortir  de  son  cachot,  le  supphanl  de 
prier  so.'i  Dieu  do  lesdélivror.  Elphège,  n'é- 
coutant (jue  la  voix  de  son  bon  cieur  et  les 
conseils  de  sa  charité  toute  chrétienne,  se 
rendit  à  hnu's  désirs,  pria  Dieu  de  les  déli- 
vrer du  fléau,  et  Inenlèl  il  fut  exaucé  !  Loin 
d'être  r(.'coniiaissants  d'une  telle  faveur,  les 
barbares  lui  demandèrent  trois  mille  marcs 
d'or  pour  raneon.  Celui-ci  ayant  refusé,  no 
voulant  j)oint^  disait-il,  faire  un  tel  usage 
du  i)atiimoino  des  pauvres,  les  Danois, 
transportés  de  fureur,  se  jetèrent  sur  lui,  le 
renversèrent  [)ar  terre  et  le  laj)i(lèi-eiil.  Un 
de  ces  barbares  nouvellement  baptisé,  et 
qui  fut  touché  de  le  voir  languir,  mit  lin  h 
.ses  jours  en  lui  fendant  la  lêtc  avec  sa 
hache  d'armes.  Notre  sain!  fut  martyrisé  lo 
1*)  aviil  lOl'i,  dans  la  ciinpiantc-neuvième 
année  de  son  Age.  Il  fui  enterré  dans  la  ea- 
llK'drale  de  Sainl-Paid  de  Londres,  ci  on/O 
ans  après,  on  transiiorla  ses  relicjui's  à  Cun- 


885  I.LV 

torbéry.  Go  fat  Henri  Vlll  qni  les  fit  disper- 
ser avoc  celles  de  lous  les  antres  saiiils,  (jiu 
so  trouveront  dans  son  royauMKî.  L'Kyliso 
fait  la  mémoire  d'Kli)hègo  le  i\)  avril. 

ELPIDE,  trésorier  du  domaino  sons  .In- 
îion  l'Apostat,  vint  h  Anlioeho  avoc  luîlix, 
suiinlendant  des  linances,  ot  le  comte  Jn- 
lieii,  oncle  maternel  de  l'emiJoreiu-,  |)onr 
piller  lo>  églises.  Ils  y  commirent  tontes 
sortes  do  profanations.  A  Tartich;  des  deux 
antres,  on  pont  voir  quelles  punitions  ils 
sid)irent.  Qua-U  à  Kliiide,  soupçonné  de  con- 
cussion par  l'emprMMHir,  il  fut  mis  en  prison, 
où  il  mom-ut,  (pu'lque  temps  après,  méprisé 
de  tout  le  monde  et  surnonnué  le  Kcnégat. 
l'XPlDE  (saint),  martyr,  était  un  saint 
évèquc  de  la  Chorsonéso.  Il  versa  son  sang 
jiour  la  concession  de  sa  foi,  avec  les  évo- 
ques Basile,  Eugène,  Agalhodore,  Ethèro, 
Capiton,  Ephrom,  Nestor  et  Arcade.  La  da'e 
de  leur  martyre  est  inconnue.  C'est  le  k 
mars  que  l'Eglise  honore  leur  illustre  mé- 
moire. 

ELPIDE  (saint),  évoque  et  confeSseur, 
souffrit  à  Lyon  en  l'honneur  de  la  foi  de 
Jésus-Christ.  Nous  n'avons  aucun  détail  sur 
lui.  L'Eglise  fait  sa  fôte  le  2  septembre. 

ELPIDE  (  saint  ),  martyr,  faisait  partie  do 
l'ordre  des  sénateurs.  Ayant  généreusement 
confessé  la  foi  chrétienne  en  présence  de 
Julien  l'Apostat,  il  fut  attaché  à  la  queue  de 
chevaux  indomptés  avec  les  saints  Marcel, 
Eustache  et  plusieurs  autres  dont  les  noms 
ne  nous  sont  point  parvenus.  Ces  saints 
combattants  furent  tirés  avec  violence,  déchi-; 
rés  et  enfin  jetés  dans  le  feu  où  ils  accompli- 
ront leur  glorieux  martyre.  L'Église  fait  leur 
fête  le  16  novembre. 

ELPIDEPHORE  (saint),  martyr,  reçut  la 
palme  du  martyre  en  Perse,  avec  les  saints 
Acyndine,  Pégase,  Aphtone,  Anempodiste  et 
plusieurs  autres  qu'on  ne  connaît  pas.  On 
Ignore  l'époque  où  eut  lieu  leur  martyre. 
L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  2  noveml)re. 
ELPIS  (  sainte  ),  martyre,  eut  la  gloire  de 
donner  son  sang  pour  la  foi  chrétienne  à 
Lyon,  en  l'an  177,  sous  le  règne  de  l'empe- 
reur Antonin  Marc-Aurèle.  Sa  (jnalito  de 
citoyenne  romaine  fit  qu'on  la  décapita  au 
lieu  de  l'exposer  aux  botes,  connue  le  furent 
plusieurs  de  ses  compagnons.  La  mémoire 
de  tous  ces  saints  martyrs  est  honorée  par 
l'Eglise  le  2  juin. 

ELPIS  (  sainte  ),  ou  Espérance,  fille  de 
sainte  Sophie,  et  sœur  de  sainte  Pislis  ou  Foi, 
et  de  sainte  Agapé  ou  Charité,  donna  sa  vie 
pour  la  religion,  à  Rome,  sous  le  règne- d'A- 
drien. Elle  mourut  avec  ses  deux  sœurs, 
trois  jours  avant  sa  mère.  L'Eglise  fait  sa 
fête  le  1"'  août. 

ELUSE  (Louise),  converse  au  couvent  du 
Saint-Sacrement  à  Rolène,  péi-it  sur  l'éclia- 
faud  le  29  juillet  179i,  avec  Magdeleine  Tail- 
len,  Marie  de  Genès-Chansolle,  religieuses 
du  même  ordre,  et  Eléonore  de  Justamon, 
religieuse  de  Sainte-Catherine  d'Avignon. 

ELVIRE,  en  Espagne,  s'est  illustrée  par 
les  souffrances  qu'y  souffrit  le  saint  évêque 


KMI  883 

Grégoire  <i  une  époque  ol  dans  des  circons- 
tan(;es  (pii  nous  soit  inconnues. 

E.MIMUJN,  ville  de  J-'rance,  (pii  fut  témoin 
du  martyre  des  saints  Victor,  Oronco  et 
\  inceut. 

EMÉUENTIENNE  (sainte),  vierge  et  marty- 
re, est  nonunée  dans  saint  Jérôme,  dans  Bède 
et  dans  plusieurs  autres  martyrologes.  Ses 
Actes  rapportent  qu'elle  fut  assommée  à 
coups  de  [)ierres,  sur  le  loudjoau  de  sainte 
Agnès,  où  elle  s'était  rendue  pour  prier,  n'é- 
tant encore  que  simple  catéchumène. 

EMEUl  (  saint  ),  confesseur,  était  fils  do 
saint  Etienne,  roi  des  Hongrois.  11  soull'rit 
en  l'honneiu"  do  Jésus-Christ  à  Albe-Royalc. 
Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  en  disent  pas 
davantage  sur  lui.  L'Eglise  fait  sa  sainto 
mémoire  le  'i-  novembre. 

EMÉRITE,  sons  le  règn(î  de  l'empereur 
Déco,  en  l'année  250,  eut  la  gloire  et  lo 
bonheur  de  partager  les  tourments  et  la  pri- 
son pour  la  foi,  avoc  saint  Moyse  et  ses  com- 
pagnons. Sa  sœur  Cornélie,  son  frère  Macaire, 
étaient  au  nombre  de  ces  saints  confesseurs. 
Il  est  fait  mention  d'elle  dans  la  lettre  de 
Lucien  aux  confesseurs  de  Rome,  citée  dans 
les  OEuvres  de  saint  Cypricn.  (  Pour  plus  de 
détails,  Voy.  saint  Moysk,  confesseur.) 

EMÉRITE  (  sainte),  reçut  à  Rome  la  cou- 
ronne du  martyre,  avec  sainte  Digne,  sous 
l'empire  de  A^alérien  et  de  Gallien.  On  man- 
que de  détails  authentiques  ot  circonstanciés 
sur  leur  sacrifice.  Leurs  reliques  sont  actuel- 
lement dans  l'église  de  Saint-Marcel.  Elles 
sont  inscrites  dans  le  Martyrologe  romain  à  la 
date  du  22  septembre. 

EMERiTUS  (  saint  ),  fut  l'un  des  quarante- 
huit  martyrs  mis  à  mort  avec  saint  Saturnin 
en  xVfrique,  sous  le  i)roconsul  Anulin,  ou 
l'an  de  Jésus-Christ  305,  sous  le  règne  et 
durant  la  persécution  atroce  que  l'infâme 
Dioclétien  suscita  contre  l'EgliseduSeigneur. 
(  Voy.  Saturnin.  )  L'Eglise  célèbre  la  fûîede 
tous  ces  saints  le  11  février.  • 

EMÈSE,  ville  do  Phénicio,  célèbre  par 
l'illustre  martyre  qu'y  endurèrent,  sous  le 
règne  de  l'empereur  Dèce,  saint  Galalion  et 
sa  femme  sainte  Epistème.  (  Voy.  leurs  ar- 
ticles. ) 

EMÈTRE  (saint),  vulgairement  saint  Ma- 
dir,  servait  avec  distinction  dans  l'armée 
romaine.  Il  avait  pour  compagnon  d'armes 
saint  Chélidoine.  Tous  deux  furent  marty- 
risés à  Calahorra,  mais  on  ignore  en  quel 
temps.  Prudence  dit  que  ces  deux  illustres 
saints  firent  do  nombreux  miracles  en  Espa- 
gne. L'Eglise  fait  leur  fcte  le  3  mars. 

EMILAS  (  saint),  diacre  et  martyr,  souffrit 
pour  la  défense  de  la  religion  à  Cordoue 
avec  saint  Jérémie.  Après  .avoir  langui  long- 
temps en  prison,  dur^mt  la  persécution  des 
Arabes,  ils  achevèrent  leur  martyre  en  don- 
nant leur  tète  pour  Jésus-Christ.  On  ignore 
l'époque  précise.  L'Eglise  honore  leur  sainte 
méinoii'e  le  15  septembre. 

liMiLE  (saint),  fut  martyrisé  en  Afcique, 
avec  saint  Caste,  sous  l'empire  de  Sei)lime- 
Sévèro  :  on  ne  sait  pas  précisément  en  quelle 
année.  Saint  Cyprien,  qui  nous  fournit  le 


8S7 


EMI 


EMM 


888 


seul  document  qui  fasse  meiilinii  de  ces  diux 
s;(iiils,  ne  nous  dil  pas  la  claie  de  leur  nioi't. 
l  Voy.,  pour  lire  ce  passage,  saint  Caste.  ) 
I/Egiise  fait  la  fèlo  de  ces  deux  saints  le 
22  mai. 

EMI!.E  '  saint  ),  martyr,  ré[iandit  son  sang 
pour  la  religion  à  Capoue.  Il  eut  pour  com- 
pagnons de  son  mart\re  les  saints  Marcel, 
Caste  et  Saturnin.  Llv;lise  célèbre  leur  im- 
jHOrtt'lle  mémoire  le  G  octobre. 

EMILE  i^sa.int'.  martyr,  donna  sa  vie  pour 
la  défense  de  la  rdigifjn,  avec  les  saints 
Priam,  Féli\  et  Lucieu.  Leur  martyre  arriva 
en  Sardaigne.  Ou  ignore  le  lieu,  la  date  et 
l(>s  circonstances  de  leurs  combats.  L'Eglise 
fait  leur  fête  le  28  mai. 

EMILIE  (sainte),  martyre,  fut  mise  à  mort 
cl  Lyon,  pour  la  foi,  en  Tan  177,  sous  le  rè- 
gne de  Tempercur  Autonin  Marc-Aurèle. 
Plusieurs  des  compagnons  de  ses  glorieux 
combats  fur»ont  tourmentés  de  dillerentes 
manières,  et  entln  exposés  aux  hôtes.  Sa 
qualité  do  citoyenne  romaine  lit  qu'on  la  dé- 
capita. L'Eglise  fait  la  fête  de  tous  ces  saints 
martyrs  le  2  juin. 

EMILIE  fsainle)  fut  couronnée  })ar  la  per- 
sécution de  Marr-Aiirèle,  en  l'année  177, 
dans  la  ville  de  Lyon.  Comme  saint  Pothin 
et  une  foule  d'autres  généreux  martyrs,  cette 
sainte  ne  jiut  pas  endurer  jusqu'au  bout  les 
tourments  que  lui  préparaient  les  persécu- 
teurs. Dieu,  qui  ménageait  sa  faiblesse,  la 
fil  mourir  dans  sa  prison.  Elle  est  fêtée  par 
l'Eglise  le  2  juin,  avec  tous  les  autres  mar- 
tyrs de  Lyon  couronnés  h  la  même  date. 

Cette  sainte  est  différente  de  la  précédente, 
quoiiju'elle  porte  le  même  nom. 

EMILIEN,  gouverneur  de  l'IIispanie  cifé- 
rieure,  sous  Valérien,  lit  mourir,  en  2o8  ou 
259,  saint  Fructueux,  évê(|ue  de  Tarragonc, 
et  ses  deux  diacres,  saint  Eulogo  et  saint  Au- 
gure. [Voy.,  pour  les  détails,  le  titre  de  saint 
EhiicTi  ni  x.) 

EMILIEN  (saint),  martyr,  souffrit  durant 
la  j)ersécution  de  Valérien,  à  Cirlhc  en  Nu- 
inidie,  avec  les  saints  Agape,  Secomiin,  et  les 
saintes  Terlulle  et  Antoinette.  [Voy.,  pour  les 
détails,  les  Actes  de  saint  Mauikn.) 

EMILIEN  (saint;,  martyr,  était  médecin  do 
profession.  11  soulfrit  le  martyre,  vers  l'an 
48'v,  durant  la  persécution  ([ue  Hunéric,  roi 
des  Vandales,  lit  subir  aux  catholiques.  Il 
était  cousin  des  saintes  Dative  et  Denyse. 
L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  0  (lécend)re. 

EMILIEN  (sainlj,  martyr,  cueillit  la  palme 
du  martyre  (ians  la  basse  Arménie,  avec  ses 
deux  coMq)agnons,  Ir-s  saints  Denis  et  Sébas- 
tien. Nous  ignorons  complélement  I(!S  dille- 
rentes circonstances  se  ratta(;liant  à  leur  mar- 
tyre. L'Eglise  célèbre  leursainli;  mémoire  U\ 
8  février. 

l'IMILIflN  ''saint),  évêque  et  conf(;ss(!ur, 
sonll'iil  pf)ur  la  déiotis(!  de  la  religion,  à  Cy- 
zique  dans  rilellespoiil.  Il  éprouva  toutes 
sortes  de  mauvais  tiaitomeids,  par  l'ordre  do 
l'eiiipenMir  Léon,  h  cause  du  culte  des  ima- 
ges. Il  linit  sa  vie  en  exil.  On  n'a  |)as  d'au- 
tres détails  sin-  lui.  L'Eglise  vénère  '^a  glo- 
"ic'Use  mOmoiro  le  8  août. 


i'MJLIEN  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
pour  Jésus-Christ,  ?i  Doiostore  en  Mysie, 
sous  Julien  rAi)ostal.  Ayant  été  jeté  dans 
une  fournaise  artiente,  sous  le  président  Ca- 
jùtolin,  il  remjiorta  ainsi  la  glorieuse  palnu^ 
du  martyre.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  18 
juillet. 

ÏIMILIEN  (saint),  confesseur,  souffrit  pour 
la  défense  de  la  religion,  dans  le  territoire  de 
lleinies.  On  n'a  aucun  document  sur  son 
compte.  L'Eglise  honore  sa  juémoire  le  11 
octobre, 

EMILIENNE  (sainte),  souffrit  le  martyre  îi 
Rome,  Il  une  éi)0([ue  et  dans  des  circonstan- 
ces qui  ne  sont  point  parvenues  jusqu'à 
nous.  L'Eglise  fait  sa  uiémoire  le  30  juin. 

E.MMANUEL  (saint),  martyr,  cueillit  la 
glorieuse  j)alme  du  martyre  avec  les  saints 
Quadral  et  Théodore.  Nous  mancjuons  de  do- 
cuments établissant  le  lieu,  la  date  et  lescii-- 
constances  de  leur  martyre.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  2G  mars. 

EMMANUEL  DE  LAMBUANO  (le  bien- 
heureux), ayant  quitté  le  Hengale  i)Our  l'île 
Solor^  et  se  rendant  de  celle  dernière  mis- 
sion à  (ioa,  fut  capturé  par  des  mahométans 
du  royaume  d'Achem,  dans  l'île  Sumatra,  et 
masscicré  avec  le  P.  Caspard  de  Sa,  en  l'an- 
née 1603. 

EMMÉRAN  (saint),  martyr,  eut  l'honneur 
de  mourir  j)Our  la  foi  chrétienne,  l'an  de 
Jésus-Chiist  652.  I!  était  né  à  Poitiers,  et, 
s'étant  donné  à  Dieu  dès  son  enfance,  il  fut 
ordonné  évêque  dans  la  même  piovinco 
d'Aquitaine  ;  mais  on  ne  sait  pas  de  quel 
Siège.  Ayant  ajijjris  que  les  peu|)les  de  Pan- 
nonie  étaient  encore  idolûtres,  il  |)rit  la  réso- 
lution d'y  aller.  11  mit  dotic  un  autre  évc<iuo 
à  sa  place,  cpiilta  son  pays,  sa  famille  et  ses 
biens,  (jui  étaient  grands,  passa  la  Loire  cl 
le  Kh  n,  et  entra  dans  la  (iermanie.  Comme 
il  ne  savait  pas  la  langue,  un  prêtre,  nommé 
Vital,  lui  servait  d'inler[)rèle.  Il  alla  jusqu'à 
Uatisbonne,  où  résidait  'J'héodon,  duc  ou 
gouverneur  de  Bavière,  pour  le  roi  Sige- 
hert  III.  Saint  Ernméran  lui  communiqua 
son  dessein  d'aller  prêcher  la  foi  aux  Avares, 
et,  s'il  était  besoin,  soulfrirle  mai  lyre.  Théo- 
don  lui  dit  :  Nous  sommes  en  guerre  conti- 
nuelle avec  C(^s  peuples,  tous  les  environs 
de  la  rivière  d'Ems  sont  ravagés  ;  en  sorte 
qu'il  n'y  a  aucune  sûi'etéd'y  passer,  quelque 
sauv(!garde  que  l'on  puisse  avoii-.  Je  vous 
prie,  demeurez  ici  ;  a|)iès  avoir  ouï  vos 
saintes  instructions,  je  ne  consentirai  point 
(|ue  vous  nous  quilliez.  Soyez  notre  évêque, 
ou,  si  votre  humilité  ne  lo  jjermel  pas,  gou- 
vernez, comme  abbé,  les  moiuislères  de  cette 
province.  Nous  vous  donnerons  îles  terres 
poui'  votre  subsistance.  Saint  Enuuéran , 
voyant  (pi'il  ne  pouvait  exéciiler  son  nre- 
mier  dessein,  se  rendit  aux  prières  de  Théo- 
don,  d'autant  plus  (pie  les  habilanlsdu  pays, 
nouvellement  convertis,  u'avaitMit  pas  en- 
core entièrement  déraciné  lidol.Urie  et  mê- 
laient le  culte  des  démous  avec  le  chi-islia- 
ni.Muc.  11  y  demeura  donc  Irois  ans,  prê- 
chant par  toutes  les  villes,  les  bourgs  et  les 
\illages.  Il  in.struis;iil,  autant  qu'il  était  pos- 


813 


ENG 


ENG 


KDO 


giblo,  cbriqno  personne  en  pnrtioulior  ;  et, 
lie  pnlant  (jue  le  nécessaire  de  ce  (iti'on  lui 
donnait,  il  dislrihnail  h'  reste  aux  pauvres. 
Au  bout  (lt>  trois  ans,  ildeuianda  eoni,^'  |)Our 
aller  en  pèlerinage  »^  Uouie,  et  |)artil  uceoui- 
paf^née  df  (pu'hpuvs  eeclésiasliipics. 

il  avait  fait  trois  journées,  (piand  Lambert, 
lils  du  due  Tlu''od()n  le  poursuivit  et  b;  joi- 
gnit. Sa  sœur,  s'étatit  abandonnée  an  (ils  d'un 
juge  du  pays,  était  dev(>nue  grosse  et,  no 
jxMivant  plus  eaelier  son  crime,  avait  accusé 
le  saint  évé(pie.  I>and)erl  courut  donc  après 
lui  ()0ur  venger  cet  allVonl.  Saint  Kmméran 
dit  ([u'il  allait  à  Home,  et  que  l'on  |)0uvait 
envoyer  (piehpi'un  [tour  l'accuser  devant  le 
pape  et  le  juger  canonicpiement.  Mais  Lam- 
perl  ne  voulut  rien  écoul(>r,  et  lo  lit  prendre 
})ar  ses  soUlats,  ils  rallacbèrenl  à  une  éclielle, 
lui  coupèrent  les  doigts  l'un  après  l'antre, 
lui  arracbèrent  les  yeux,  lui  coupèrent  le 
nez  et  les  oreillers,  \n\'is  les  pieds  et  les  mains; 
et,  après  l'avoir  nuitilé  en  toutes  manières, 
lui  coupèrent  enlin  la  langue  et  le  laissèrent 
ainsi  couvert  de  sang.  Ses  clercs,  que  la  peur 
avait  dispersés,  étant  revenus,  on  le  porta  à 
douze  milles  de  Ih,  en  un  lieu  où  il  mourut, 
et  où  il  fut  d'abord  enterré.  D(^[)uis,  ses  reli- 
ques furent  transférées  à  Uatisbonnc,  et  il 
s'y  lit  quantité  de  miracles.  Si  vie  a  été  écrite 
p.ir  Cirin,  évoque  de  Frisingue,  du  temps 
de  Cliarlemagne,  avec  quelques  autres  cir- 
constances qui  ne  paraissent  pas  vraisembla- 
bles. L'Eglise  l'honore  comme  martyr,  lo 
vingt-deuxième  de  septembre,  et  son  épita- 
l)he  porte  (ju'il  mourut  l'an  C52.  (Fleury, 
vol.  11,  p.  871.) 

EMYDGE  (saint),  évoque  et  martyr,  souf- 
frit pour  la  religion  chrétienne  à  Ascoli,  dans 
la  Marche  d'Ancône.  Le  pape  saint  Marcel 
l'ayant  sacré  évèque,  l'envoya  dans  ce  [)ays 
pour  y  prêcher  l'Evangile.  Il  confessa  Jésus- 
Christ,  et  reçut  la  couronne  du  martyre  sous 
l'empereur  Dioclétien,  L'Eglise  fait  sa  sainte 
mémoire  le  o  août, 

ENGELBERT,  (saint),  archevêque  de  Co- 
logne, martyr,  naquit  d'une  famille  illustre. 
Son  père  était  Engelbert,  comte  de  Berry,  et 
sa  mère,  tille  du  comte  de  Gueldres.  Ses  pa- 
rents voyant,  dès  son  enfance,  ses  heureuses 
dispositions  pour  la  vertu,  résolurent  de  lui 
faire  end)rasser  l'élat  ecclésiastique,  et  lui 
procurèrent  même  de  très-riches  bénéfices 
ayant  qu'il  fût  arrivé  à  un  âge  capable  de  lui 
faire  comprendre  l'usage  qu'il  en  pouvait 
faire.  Bientôt  on  vit  la  grande  humilité  et  le 
détachement  des  richesses  qui  régnaient 
dans  son  cœur,  par  le  refus  quïl  fit  de  l'évê- 
ché  de  Munster,  qu'on  voulait  lui  faire  ac- 
cepter. L'archevêque  de  Cologne  était  alors 
A(iol[)he.  Ce  prélat  ayant  abandonné  le  parti 
d'Othon  de  Saxe  qu'il  avait  précédemment 
élu  lui-même  roi  de  Saxe,  afni  de  suivre  ce- 
lui de  Philippe  de  Souabe  qui  était  mal  vu 
à  Rome,  le  pape  le  déposa  après  l'avoir  ex- 
communié. Brunon  fut  élu  à  sa  place,  et  eut 
pour  successeur  Thierri,  qui  fut  lui-mêmedé- 
posé  pour  s'être  attaché  a  Othon,  que  le  papo 
venait  d'excommunier.  Dans  l'année  1215, 
notre  saint  qui  était  gran  1-prévôt  de  l'Eglise 


do  Cologne,  fut  sacré  j)arlc  pane  archevê(pio 
d(!  cette  église  j)our  s'être  déclaré  corUro 
Othon,  et  avoir  end)ras,s(';  b;  paiti  de  Frédé- 
ric 11,  lils  de  l'emperein-  lli-nri  VI,  et  alors 
roi  de  Sicile.  Il  eut  besoin  de  toute  sa  [)ru- 
dence  i)0ur  dissiper  les  inliigues  malveil- 
lantes d'Adolphe,  de  Thierri  et  des  autres 
partisans  de  l'empereur  Othon,  qui  s'o|)po- 
sèrent  fortement  à  son  élévation  sur  le  siège 
arclnéi)iscopal  de  Cologne.  Il  employa  la 
puissance  que  lui  donnait  sa  nouvelle  di- 
gnité pour  maintenir  intacts  les  droits  de 
son  église,  protéger  les  faibles  et  les  mal- 
heureux, et  inspirer  la  ctainte  salutaire  de 
Dieu  h  son  peuple.  Bientôt  il  dut  passer  par 
le  feu  des  tribulations. 

Un  do  S(!S  parents,  Frédéric,  comte  d'Is- 
send)ourg,  s'était  fait  avoué  ou  défenseur  do 
l'abbaye  d'Essende,  et,  sous  ce  prétexte,  il 
pillait  les  biens  du  monastère  dont  les  reli- 
gieuses étaient  souvent  obligées  de  se  réfu- 
gier à  Coli:)gne  pour  inq)lorer  la  haute  pro- 
tection dos  archevêtpies.  Le  pape  et  l'empe- 
reur ayant  été  inl'oi'uiés  do  tons  ces  événe- 
ments, chargèrent  directement  notre  saint  de 
réprimer  l'audace  de  F'rédéric  et  de  le  desti- 
tuer même  s'il  n'obéissait  pas.  Engelbert, 
qui  désirait  garder  quelques  ménagements 
vis-à-vis  de  son  parent,  lui  oll'riî  de  lui  payer 
une  pension  élevée,  s'il  voulait  cesser  ses 
rapines,  et  no  lui  laissa  |)as  ignorer  en  même 
temps  les  ordres  qu'il  avait  reçus  du  pape  et 
de  ioiupereur.  Le  comte,  plein  de  fureur, 
résolut  de  se  venger  en  ôtant  la  vie  à  En- 
golbert.  Après  avoir  mis  quelques  seigneurs 
dans  ses  intérêts,  il  feignit  d'accepter  le  ren- 
dez-v(tus  que  lui  avait  proposé  l'arche- 
vêque à  Zoest  en  Westj)halie,  atin  d'aviser 
à  un  accommodement.  Engelbei-t  fut  averti 
du  complot,  mais  n'en  l'ut  point  etlVayé.  11 
lit  une  confession  générale,  se  prépara  à  la 
mort,  et  se  rendit  à  l'entrevue  qui  se  passa 
très-bien  à  l'extérieur.  L'archevêque  et  le 
comte  se  quittèrent  en  promettant  de  se  re- 
voir à  la  diète  de  Nuremberg.  Mais  le  lende- 
main ,  Engelbert  devant  aller  dédier  une 
église  à  Swelme,  son  ennemi  posta  des  as- 
sassins sur  la  route,  et  notre  saint  tomba 
dans  l'embuscade.  Il  y  fiit  percé  de  coups  le 
7  novembre  1225.  Plusieurs  miracles  arrivés 
après  sa  mort  attestèrent  sa  siinteté.  Nous 
voyons  dans  le  Martyrologe  romain,  où.  il  est 
inscrit  le  7  novembre,  qu'il  souItVit  le  mar- 
tyre/>oîtr  la  défense  de  la  liberté  ecclésiasti- 
que, et  en  particulier  pour  le  maintien  de  io- 
uéissance  due  à  ["Eglise  romaine. 

ENGliAPHE  (saint),  donna  .vi  vie  en  l'hon- 
neur de  Jésus-Christ.  Ce  fut  à  Alexandrie 
qu'il  souffrit  le  martyre  avec  les  saints 
Menne  et  Hermogène.  Nous  n'avons  aucun 
détail  sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  fêle  le 
10  décendire. 

ENGRATIDE  (sainte),  ouEngratie,  viergo 
et  martyre,  souffrit  la  mort  pour  Jésus-Chrisi, 
en  l'an  30i,  àSaragosse,  sous  le  gouverneur 
Dacien.  Elle  avait  fait  vœu  do  virginité,  et 
avait  quitté  la  maison  paternelle  parce  qu'o  i 
voulait  la  marier,  et  qu'elle  voulait  se  sous  - 
(raire  aux  dangers  du  monde.  Celte  eoura- 


8b' l 


EPA 


EPII 


CD: 


geusf  jtnmc  lillo  osa  roproflier  au  féioce 
gouvoniour  la  baibarie  avoc  KuiucHo  il  trai- 
tait les  cliréliciis.  Uacicn  entrant  ou  fureur, 
résolut  do  so  venger  avec  la  |)liis  insigne 
cruauté  des  reprches  (]ue  lui  faisait  cette 
jeune  tille;  il  lui  lit  endurer  l;'s  plus  cruels 
tourments.  On  lui  déciiira  les  cotés  et  les 
membres,  on  lui  couj)a  le  sein  gauche,  on 
lui  arracha,  dit-on,  une  partie  du  foie.  Da- 
cien,  pour  mettre  le  comble  à  sa  vengeance, 
ne  voulut  pas  que  les  bourreaux  lui  donnas- 
sent le  cou[)  mortel;  il  la  renvoya  en  prison 
où  elle  mourut  (fuelque  tem[)S  après  de  la 
putréf:iction  de  ses  blessures.  L'Eglise  cé- 
lèbre sa  fête  1j  1G  avril,  avec  celle  des  dix- 
huit  martyrs  de  Saragosse. 

ENNATHE  (sainlei,  martyre,  fiit  brûlée 
sous  l'empereur  (Jalère  Maximien,  à  Césa- 
rée,  en  Palestine.  Avant  d'être  brûlée,  on  la 
meurtrit  de  coups.  Elle  eut  pour  compa- 
guoîis  de  son  glorieux  martyre  les  saints 
Antonin,  Zébinas  et  (iermain,  qui  furent  dé- 
capités poui-  avoir  accusé  d'impiété  le  i)rési- 
dent  Firmilien,  et  l'avoir  repris  de  ce  qu'il 
adorait  do  faux  dieux.  L'Eglise  honore  leur 
mémoire  le  Vi  novembre. 

EPAliATHE   (saint),    reçut  la    couronne 
du  martyre  à  Lyon,  sous  le  règne  de  l'em- 
pereur Àlarc-Aurèle.  Una  assez  grande  quan- 
tité de  chrétiens  ayant  été  arrêtés  et  mis  en 
prison  dans  celte  ville,  jusqu'à  l'arrivée  du 
gouverneur  de  la  province,  on  les  amena  sur 
la  place  publicjue;  quand  ce  magistrat  fut 
venu  ])Our  les  juger,  «  il  les  traita  d'abord 
avec  tant  de   duieté,  qu'Ei)agathe,   qui  se 
trouva  présent,  ne  put  s'empêcher  d'en  té- 
moigner de  l'indignation.  11  était  chrétien,  et 
brûlait   d'un   ardent    amour   pour   Dieu,  et 
d'une  charité  toute  sainte  pour  le  prochain. 
Ses  moiurs  au  reste  étaient  si  pures,  et  [sa 
vie  si  austère,   que,    quoique  dans  un  Age 
peu  avancé,  on  le  comj)arait  au  saint  vieil- 
lard Zacharie,  père  de  rincom[)arable  Jean- 
Baptiste;  car  il   marchait  dans    toutes   les 
voies  du    Seigneur,    et    accomplissait    ses 
préceptes,  sans  donner  le  moindre  sujet  de 
plainte  à   personne,  toujours  prêt  à  servir 
Dieu,  l'Eglise  et  le  i)rochain;  toujours  animé 
du  zèle  de  la  gloire  de  son  maître;  toujours 
rempli  de  feiveur  pour  le  salut  de  ses  frères. 
Etant  donc  tel  ({ue  i;ous  venons  do  le  repré- 
senter, il  ne  put  soulfrir  l'injuste  procédure 
du  gouverneur;   mais,  se  laissant  aller  aux 
mouvements  d'une  j'.jste  colère,  il  demanda 
(juil  lui  fût  permis  de  dire  un  mot  pour  dé- 
lendre  rinn(;cence  de  ses  frères,  s'oifrant  de 
rnoiilitjr  (pie  l'accusation  d'impiété  et  d'irré- 
ligion dont   on   les  chargait   n'était  (ju'nne 
piiie    calouniie.    Mais   il   s'éleva  à   l'instant 
contre  lui  niille  voix  confuses  aux  (ïiivirons 
du  tribunal  (car  il   était  fort  connu  dans   la 
villej,  et  le  ji>ge,  piqué  d'ailleurs  d(!  la  de- 
mande toute  raisonnable  qu'il  lui  avait  faite; 
d(!  pouvoii-  p'iil(;r  en  faveur  des  accusés,  lui 
ayant  demandé  à   srjn   tour   s'il  était  clné- 
lien,  il  le  conf(;ssa  hauliMueut,  et  à   rii(!Ur(; 
même  il  fut  njis  avec  l(;s  martyrs,  le  juge  lui 
ayant  donné,  par  raillerie,  I(j  nom  glorieux 
d'avocat    des    chr 'tiens,    et   faisant,  sans  y 


penser,  son  éloge  en  un  seul  mot.  Mais  il 
avait  lui-même  le  Saint-Esprit  pour  avocat, 
qui  le  protégeait  et  le  remnlissait  avec  bien 
plus  d'abondance  cpi'il  ne  le  lit  jauiais  pour 
Zacharie,  puisqu'il  lui  inspira  de  se  présenter 
à  une  mort  certaine  |)Our  la  défense  de  ses 
frères,  et  qu'il  fut  en  cela  le  véritable  pa- 
rent de  Jésus-Clirist,  et  un  parfait  imitateur 
de  l'Agneau  (ju'il  suit  maintenant  partout 
dans  le  ciel.  Cet  exemple  anima  les  autres 
chrétiens,  qui  se  firent  gloire  de  se  faire  con- 
naître et  de  se  distinguer  des  païens,  parmi 
lesquels  ils  étaient  restés  jusqu'alors  con- 
fondus. »  (Uuinart.) 

On  ne  sait  |)as  au  juste  quel  fut  le  genre 
de  mort  de  saint  Epagalhe;  ce  qu'il  y  a  do 
certain,  c'est  qu'il  tei'uiinasa  vie  par  le  mar- 
tyre. C'est  à  t(jrt  que  beaucoup  de  Martyro- 
loges ne  mentionnent  i)as  son  nom. 

EPAPHIIAS  (saint),  disciple  de  saint  Paul, 
apôtre,  fut  martyrisé  à  Colosses,  sous  l'em- 
pire de  Néron.  On  fait^safète  le  19  juillet.  On 
man([ue  de  documents  sur  ce  saint  martyr. 
EPAUQUE  (saint),  martyr,  eut  l'honneur 
de  donner  son  sang  pour' Jésus-Christ  avec 
les  saints  Domice,  A([uilas,  et  les  saintes  Pé- 
lagie et  Théodosie.  L'Eglise,  qui  ignore  l'é- 
poque et  le  lieu  de  leur  martyre,  les  honore 
le  23  mais. 

EPHÈBE  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi  avec  les  saints  Procule  et  Apol- 
lonc.  Le  consulaire  Léonce  les  lit  arrêter 
pendant  une  nuit  qu'ils  |)riaient  auprès  du 
corps  de  saint  Valentin,  et  les  Ut  périr  i)ar  le 
glaive.  L'Eglise  honore  la  mémoire  de  tous 
ces  glorieux  martyrs  le  ik  février. 

EPHÈSE,  aujourd'hui  Aia-Solouh,  ville  de 
l'Asie-Mineure.  Ce  fut  dans  celle  ville  que 
saint  Paul  fut  exposé  aux  bêles  en  l'année  54. 
Quelque  temps  après,  en  57,  eut  lieu  contre 
lui  une  sédition  violente, occasionnée  parles 
plaintes  d'un  nommé  Démétrius,  orfèvre,  qui 
vendait  des  statuettes  de  Diane,  et  qui,  voyant 
son  commerce  diminuer  h  cause  des  conver- 
sions que  faisaient  les  |)rédications  de  saint 
Pa;d,  ameuta  contre  lui  les  ouvriers.  Les  ha- 
bitants s'en  étant  mêlés.  Gains  et  Aiistarque, 
dsciples  de  saint  Paul,  furent  ariêtés,  le 
saint  n'ayant  i)as  été  trouvé  |')ar  ces  furieux. 
Ce  fut  un  grellier  d'Ephèse  (pii  paivint  à 
faire  entendre  raison  au  ])euple. 

Nous  ne  trouvons  pas  d'autre  martyr  dans 
celte  ville  jus({u'à  répoqu(>  il'Adrien.  Durant 
la  persécution  dont  il  aflligea  l'Eglise,  sainte 
llermione,  suivant  les  nouveaux  Crées,  lillo 
d(3  saint  Pliili|)pe,  l'un  des  sept  pi'emiers 
diacriîs,  eut  le  bonheur  d'y  donner  sa  vie 
j)our  la  foi  chrétienne.  Les  documents  font 
d(''laut  pour  que  nous  j)ui.ssions  préciser  et 
la  date  de  son  triompbe  et  le  ge'ire  de  sup- 
plice (pii  1(!  lui  procura. 

Sous  l'empire  de  Dèce,  la  ville  d'Ephèse 
vit  h;  martyre  di'S  saints  Maximilien,  Mal- 
clms ,  Martinien,  Deiiys,  Jean,  Sérapion, 
Constantin, (piisont  appi'lés  les.sc/;/  Donnants 
d'I'lplièse.  INmr  les  di-lails  (pii  coiu'iM-nent 
C(!s  saints,  roi/,  l'arlie  h^  DoiiMwrs  (les  sept). 
EPIIISI-:  (sanil)  <tu  EiMnsi:,  soulVril  le  mar- 
is re  .'i  (>agliari  en  Sardaigiu?,  durant  la  lier- 


803  EPI 

st^cutioii  de  Dioclrlion.  Rov^tii  du  la  force 
(iVii  haut,  il  suiiiioiila  les  touMiicnts  (luc  lui 
i'aisait  subir  lojn^c  Flavicii;  puis  ayant  (mi 
la  t(M('  IrancluM',  il  entra  victorieux  dans  le 
ciol.  L'Kglise  célèbre  sa  sainte  niôinoire  le  15 
janviei 


l-iU.V 


894 


s 

1)0 


KIMIUKM  (saint),  martyr,  occupait  un 
iéj^e  en  Cliersonèse.  11  y  soullVit  le  martyre 
pour  la  délVns(>  de  la  religion  avec  les  évo- 
ques Basile,  lùi^ène,  Af^atliodore  ,  KIpide, 
Ktlière,  Ca|)iton,  Nestor  et  Arcade.  Les  mar- 
tyrologes ne  donnent  jioint  la  date  de  leur 
liiartvre.  C'est  le  V  mars  (jue  l'Kglise  honore 
la  mémoire  de  ces  saints  évèiiues  et  martyrs. 

KPICUAUIS  (sainte^  martyre,  éiait  I\o- 
niaine.  Cette  couragmise  femme,  (luoicpiede 
race  sénatoriale  eut  le  corps  dérhiré  à  coups 
lie  fouets  garnis  de  plomb,  puis  périt  \n\v  le 
glaive.  Ce  l'iit  sous  la  perséeution  de  l'oiheux 
et  cruel  Dioclétieu  (jne  ce  martyre  eut  lieu. 
I/Kglise  honore  la  mémoire  de  cette  sainte 
le  '21  sefilembre. 

KPICTÈTE  (sainl),  placé  par  les  anciens 
martvrologes,  et  par  le  Martyrologe  romain, 
h  la  tète  des  saints  martyrs  d'Afritiue  (lui, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Sévère,  furent 
brûlés  vifs  à  Carthage,  et  dont  il  est  fait 
mention  dans  le  récit  de  la  vision  de  saint 
Sature,  aux  Actes  de  sainte  Perpétue.  L'E- 
glise célèbre  leur  fête  le  9  janvier. 

EPlC  TÈTE  (saint),  eut  la  gloire  de  verser 
son  sang  pour  la  défense  de  la  religion  chré- 
tienne à  Porto.  11  eut  f)0ur  compagnons  de 
son  triomphe  les  saints  Martial,  Saturnin, 
Mapris,  Félix  et  leuis  compagnons  qui  nous 
sont  malheureusement  inconnus.  Nous  n'a- 
vons aucun  détail  sur  l'époque  et  les  difTé- 
rentes  circonstances  de  leur  combat.  L'Eglise 
fait  collectivement  leur  fête  le  22  août. 

ÉPIMAQUE  (  saint),  eut  la  gloire  de  don- 
ner sa  vie  pour  la  foi  chrétienne,  sous  l'em- 
pire de  Dèce,  en  l'an  250,  et  sous  le  gouver- 
nemeiit  de  Sabiuus  ,  dans  la  ville  d'Alexan- 
drie, avec  saint  Alexandre  et  une  foule  d'au- 
tres dont  il  est  question  dans  la  lettre  de 
saint  Deiiys  ,  citée  par  Eusèbe,  sur  le  mar- 
tyre des  saints  d'Alexandrie.  11  supporta  pen- 
dant plusieurs  jours  l'horreur  d'une  prison 
obscure  ;  on  employa  contre  lui  les  ongles 
de  fer,  les  fouets  et  mille  autres  tourments. 
Le  juge ,  ne  pouvant  le  vaincre  ,  le  fit  jeter 
dans  une  fosse  de  chaux  vive  où  il  fut  con- 
sumé. L'Eglise  célèbre  sa  fête  avec  celle  de 
saint  Alexandre,  le  12  décembre. 

ÉPIMAOUE  (sainl),  martyr,  souffrit  pour 
la  foi  chrétienne  à  Alexandrie  ,  en  350,  avec 
un  autre  chrétien  nommé  Alexandre.  Tous 
deux  furent  emprisonnés  et  horriblement 
fustigés  ;  puis  on  leur  déchira  les  côtés  avec 
les  ongles  de  fer,  api  es  cjuoi  on  les  brûla 
tous  deux  dans  de  la  chaux  vive.  Tout  ceci 
est  rappoîté  par  saint  Denis  d'Alexandrie  , 
cité  par  Eusèbe  dans  le  kV  chapitre  du  li- 
vre VI  de  son  Histoire.  L'Eglise  fait  la  fôte 
de  sainl  Epimaque  le  10  mai. 

ÉPIPHANE  (sainl),  évèque  et  martyr,  donna 
sa  vie  pour  Jésus-Christ  en  Afrique.  11  eut 
pour  compagnons  les  saints  Donat  ,  Rufin  et 
treize  autres ,  dont  on  ne  nous  a  pas  con- 


servé les  noms.  L'Eglise  fait  leur  glorieuse 
mémoiie  le  7  août. 

EPIPHANE  (sainte),  soulVrit  le  martyre  h 
Ltnilini  en  Sicile,  pour  la  défense  de  la  reli- 
gion. Elle  rendit  l'esprit  ai)rès  avoir  eu  k;s 
mamelles  coupées,  sous  l'empereur  Diodé- 
ti(Mi  et  le  i)résident  Tcrtyle.  L'Eglise  lait  sa 
fêle  le  12  juillet. 

ïiPlPODE  (saint),  martyr,  reçut  la  couroniiii 
du  martyre  à  Lyon,  dont  il  était  originaire  , 
avec  saiiit  Alexandre,  (Irec  de  naissance.  Ils 
avaient  étudié  sous  les  mêmes  maîtres  et 
s'étaient  liés  d'une  étroite  amitié.  Marc-Au- 
l'èle  ayant  rallumé  la  jx'isécution  contre  les 
chrétiens,  ces  deux  saints,  suivant  le  conseil 
de  l'Evangile  ,  cherchèrejit  à  se  soustraire 
aux  (uitreprises  des  païens  par  la  fuite;  mais 
bientôt  ils  furent  poursuivis,  garrottés  et  con- 
duits devant  le  juge.  Celui-ci,  croyant  avoir 
bon  marché  d'Einpode  ([.ni  était  le  plus 
j(Mine,  sépara  les  deux  amis,  chercha  aie  sé- 
duire; mais  notre  saint  lui  répondit  d'un  ton 
si  rés(jlument  négatif,  que  ce  bourreau  en- 
tra en  une  grande  fureur  et  lit  rudement 
frapper  la  bouche  qui  avait  prononcé  ce 
discours  audacieux.  Il  fut  ensuite  élevé 
sur  le  chevalet,  et  eut  enfin  la  tète  tranchée. 
Ensuite  le  juge  lit  com|)araitre  Alexan- 
dre ,  qui  résista  de  môme  à  toules  ses  ca- 
resses ainsi  (fu'à  ses  ratmaces.  11  ordonna 
(pi'on  lui  tînlles  jambes  écartées  et  que  trois 
bourreaux  le  frap|)assent  l'un  après  laulre. 
Le  juge,  désespérant  enfin  devaincrcce  cou- 
rageux martyr,  le  condamna  à  être  crucifié. 
A  peine  fut-il  attaché  à  la  croix  qu'il  expira: 
son  corps  avait  été  si  cruellement  déchiré 
qu'on  voyait  toutes  ses  entrailles.  Les  chré- 
tiens enlevèrent  leurs  corps  el  les  entcrrè-^ 
rent  sur  un  monticule  proche  de  la  ville,  f{ui 
fut  illustré  [)ar  un  grand  nombre  de  miracles. 
Saint  Grégoire  de  Tours  rapporte  que,  dans 
le  VI'  siècle ,  les  corps  de  nos  saints  furent 
déposés  sous  l'autel  de  l'église  de  Saint-Jean. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  22  avril. 

ÉPISTÈME  (sainte),  martyre  ,  fut  arrêtée 
avec  son  mari,  saint  Gulation,  à  Emèse  er. 
Phénicie,  sous  la  persécution  que  Dèce  sou- 
leva si  violente  contre  l'Eglise  de  Dieu. 
Comme  son  mari,  elle  fut  d'abord  déchirée 
à  coups  de  fouet,  puis  on  lui  coupa  les  mains, 
les  pieds  ,  la  langue  ,  après  quoi  on  la  déca- 
pita. L'Eglise  fait  sa  fête  avec  celle  de  saint 
Gulation  le  5  novendjre. 

ÉPULONE  (saint),  martyr  à  Antioche  en 
250,  sous  l'empire  de  Dèce,  était  un  des  élè- 
ves plutôt  que  des  disciples  de  saint  Babylas, 
évêquc  de  cette  ville  ,  car  il  était  extrême- 
ment jeune.  Il  fut  mis  à  mort  pour  la  foi 
avec  le  saint  évêque.  Ses  Actes  racontent 
cju'il  fut  décapité.  Il  fut  enterré  dans  la  même 
tombe  que  saint  Babylas  :  ses  reliques  ont , 
par  conséquent,  et  comme  le  dit  d'ailleurs 
Théodoret,  suivi  celles  de  ce  saint  dans  leurs 
diverses  translations.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
2i  janvier. 

ERACLIUS  (  saint  ) ,  martyr,  1  un  des  qua- 
rante martyrs  deSébaste  sous  Licinius.  {Voy 
M\RTYRS  de  Sébaste.) 

ÉRASME  (sain  ),  évêque  et  martyr,  mou- 


895 


ERl 


ERM 


896 


riit  pour  la  foi  chrétienne  Tan  de  Jésus- 
Christ  303,  (jurant  \:\  pin-séeiition  de  Dioclé- 
tien.  Ce  fut  à  Furuiies  qu'il  fut  exécuté.  Au 
v.r  siècle,  cette  ville  i)Ossé(lait  encore  les  re- 
liques du  saint  ;  mais  quand  elle  fut  détruite 
par  les  Sarrasins  ,  ces  précieuses  reliques 
furent  transférées  à  daëte.  Cette  translation 
eut  lieu  en  8»2.  Quelquefois  saint  Krasmc 
est nonnné  saint  Khno  ousainl  lùino.Sous  ce 
nom,  les  matelots  de  la  Méditerranée  l'invo- 
quent dans  les  tempêtes.  Un  couvent  de  re- 
ligieuses situé  à  Gournay,  diocèse  de  Paris, 
a  "possédé  lonu;tem|)S  une  partie  de  ses  reli- 
ques ;  il  se  faisait,  à  cette  occasion,  un  con- 
cours considérahie  de  fidèles  en  cet  endroit. 
L'îlglise  célèbre  la  fOte  de  co  saint  martyr 
le  2  juin. 

ÉKAS.ME  (sainl),  souffrit  le  martyre  à  An- 
tioche.  On  ignore  la  date  et  les  circonstances 
de  son  martyre.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  25 
novembre. 

ÉRASME  (sainte),  souffrit  le  martyre  à 
Aquilée  avec  les  saintes  Euphémie ,  Doro- 
thée,  Thèclc.  Ai)rès  plusieurs  tourments, 
elles  furent  décapitées  sous  Néron  et  enter- 
rées par  saint  Hermagoras.  L'Eglise  vénère 
leur  mémoire  le  3  novembre. 

ÉIIASTE  (  saint  ) ,  discii)le  de  saint  Paul, 
apôtre,  fut  martyrisé  sous  la  persécution  de 
Néron,  dans  la  ville  de  Philippes  en  Macé- 
doine. On  n'a  j)as  de  documents  sur  le  mar- 
tyre de  saint  Erastc.  Sa  fête  a  lieu  le  20 
juillet. 

ÉHIC  (saint),  roi  de  Suède  ,  martyr,  des- 
cendait d'une  illustre  famille  suédoise.  Après 
la  mort  de  Siuercher  11,  les  Suédois,  qui  con- 
naissaient le  mérite  et  les  vertus  de  notre 
saint,  lui  donnèrent  la  couronne.  Ce  peuple 
trouva  en  lui  un  père  véritable.  Il  consa- 
crait son  temps  à  rendre  la  justice,  à  proté- 
ger les  malheureux,  à  visiter  les  malades  et 
à  répandre  d'abondantes  aumônes.  Il  lit  la 
guerre  aux  Finlandais,  les  battit  et  envoya 
ensuite  saint  Henri,  éyèque  d'U[)sal,  leur  prê- 
cher l'Evangile.  La  piété  de  notre  saint  ex- 
cita les  railleries  des  jjaïens  :  bientôt  la  haine 
succéda  à  la  mofpierie.  Magnus  ,  iils  du  roi 
de  Danemark,  qui  avait  des  prétentions  à  la 
couronne  de  Suède,  se  joignit  aux  révoltés, 
et  notre  saint  tomba  entre  leurs  mains  comme 
il  sortait  de  la  messe.  Les  conjurés  se  jetè- 
rent sur  lui,  le  renversèrent  de  cheval  et  lui 
coupèrent  enlin  la  iùU)  en  haine  de  la  reli- 
gion ci)réli(!ime.  Il  fut  ainsi  martyrisé  le 
18  mai  lliil.  La  ville  d'IJpsal  possède  sou 
corps  entier.  Saint  ImIc  est  inscrit  au  Marty- 
r(»lo:i(;  romain  le  18  mai, 

ÉidZZO  (  Anmc),  fili(!  d'Eri/./.o  ,  "N'énilien  , 
gouvc-nieur  de  Négre|)ont,  m  uiul  martyre 
en  1V()2,  lors  de  la'prise  df  elle  île  par  .Ma- 
lioniet  II.  On  sait  ipie  h;  commandant  Eii/./o, 
(pii  ^edéfcnd.ulavccuncourage  liér(uque.hil 
cilin  obligé  de  rendre  la  place  qu'il  comman- 
dait, parce  qu'il  maixpiait  de  vivres  et  de  mu- 
nilions;maisavant  descreiidre,  il  exigisupie 
M.ihomel  lui  |iromîl  (pi'il  aurait  la  vicî  sauve. 
M.dioiiict  jura  sur  sa  lÊU;  (pic  celle  d'Eri/./.o 
serait  rcîspeclée,  serment  impie  (jui  se  iiiéua- 
teail  une  Iruliisou  en  jouant   all'reusemenl 


sur  les  mots.  Aussitôt  que  le  brave  comman- 
dant fut  aux  mains  de  son  ennemi ,  celui-ci 
le  lit  scier  |)ar  le  milieu  du  corps,  disant  : 
que  le  serment  (ju'il  avait  fait  garantissait  la 
tête,  mais  n'avait  rien  |)romis  pour  le  buste. 
En  allant  à  la  mort  ,  ce  père  infortuné  son- 
geait à  sa  lille  (pi'il  allait  laisser  seule  aban- 
donnée h  la  brutalité  d'un  vainciueur  dont 
il  savait  les  habitudes.  Il  demandait  aux 
soldats  de  la  tuer  avant  lui  pour  qu'elle  no 
devînt  pas,  après  sa  mort  à  lui,  victime  des 
brutales  convoitises  des  Turcs.  Ce  fut  vaine- 
ment que  le  malheureux  père  implora  cette 
grAce,  sa  fille  lui  survécut.  Elle  était  jeune 
et  belle  à  ravir.  Mahomet  l'ayant  vue  en 
devint  éperdument  amoureux.  11  lui  proi)osa 
de  la  faire  sultane,  si  elle  voulait  abjurer  et 
l'épouser.  Il  lui  envoya  pour  la  séduire  des 
bijoux  ,  des  pierreries  pour  d'énormes  som- 
mes d'argent.  Mais  Anne  Erizzo  ,  fidèle  h  sa 
foi,  refusa  les  olfres  de  Mahomet  :  son  Dieu 
et  la  mémoire  de  son  père  odieusement  as- 
sassiné lui  dictaient  sa  conduite  ;  elle  se 
montra  (idèle  chrétienne  et  tille  digne  de  sou 
père.  Mahomet  ne  pouvant  la  séduire,  entra 
dans  une  grande  colère,  et  lui  lit  trancher 
la  tête.  Il  lui  proposait  les  infamies  de  son 
sérail  ^  il  lui  offrait  le  déshonneur  en  ce 
monde  et  la  damnation  dans  l'autre.  Il  crut 
la  punir  de  ses  refus,  et  ce  fut  lui  qui,  en  la 
faisant  martyre,  lui  donna  la  récompense  par 
laquelle  Dieu  payait  son  courage. 

EUMINOLD  (sainl)  ,  abbé  de  PrLifening, 
près  de  Ratisbonne,  martyr,  naquit  dans  le 
XI' siècle,  de  parents  nobles  (jui,  remplis  de 
[)iété,  confièrent  son  éducation  à  (Guillaume 
abbé  de  Hirschau.  Sous  un  maître  si  ver- 
tueux, notre  saint  no  pouvait  faire  que  de 
grands  progrès,  aussi  bientôt  sa  réputation 
de  sainteté  s'étendit  au  loin.  L'empereur 
Henri  Vlui  confia,  dans  l'année  1110,  le  gou- 
vernement de  la  grande  abbaye  de  Lorsch, 
dans  l'ancien  archevêché  de  Mayeuce.  Ermi- 
nold  avait  un  frère  employé  à  la  cour  et  qui 
était  dans  les  bonnes  grâces  de  l'empereur. 
Ce  dernier  lui  ayant  demandé  un  jour  en 
plaisantant  comment  il  lui  témoignerait  sa 
reconnaissance  de  la  haute  dignité  à  la(]uelle 
il  avait  élevé  son  frère,  le  courtisan  lui  lit 
un  riche  cadeau  qui  fut  accepté.  Notre  saint, 
rjui  avaU  une  grandes  horreur  pour  la  simo- 
nie, ayant  eu  connaissance  de  ce  fait,  re- 
tourna à  Hirschau  J.près  avoir  séjourné  nue 
anné(;  environ  à  Lorsch  ;  il  emmena  égale- 
ment avec  lui  VO  moines  (jui  l'avaient  suivi 
dans  l'abbaye  (|u'il  devait  diriger. 

Peu  de  temps  ajirès  son  retour, sainl  Ottoii, 
évê(pie  de  Ramberg ,  lui  écrivit  ainsi  (pi'à 
(jtnllaunK!  son  abbé,  afin  de  lui  ollrir  la  di- 
rectio!!  du  couvent  de  Priifening  ou  Ihuf- 
ling,  près  de  Ratisbonne,  (luil  venait  de 
fonder.  Notr(!  saint  accepta  roll're  et  |)artit 
aussitôt  accompagné  de  plusieurs  de  ses 
fr('res  en  religion.  Dans  celle  nouvelle  fonc- 
tion, il  continua  de  se  livrer  aux  prati(jues 
d(!  l'austérité  la  plus  i-igoureiise  et  d'édifier 
ceux  (pii  renlouiaienl.  Son  Riographe  rap- 
porte un  Irait  <pii  nuuilre  son  profond  res- 
[lecl  [lour  les  regleuieils  de  l'Eglise  et  la  so- 


897 


ESC 


ETII 


898 


li(lit(^  (le  ses  prlncipos.  L'empereur  Henri  V, 
après  avoir  rt^  excoiiuiminé,  vint  un  jour 
pour  visiter  le  uionaslèri^  que  dirigeait  no- 
tre saint,  accou»paj:;nè  (rottou,  sou  Ibudalem-, 
et  (l'une  suite  brillante  et  pompeuse,  lù'un- 
noUl,  loin  dose  laisser  séduire  |)ar  tout  (;et 
apitareil,  lit  fernu-r  le.s  portes  h  rap|)roelie 
de  l'empereur  ,  et  alla  au-devant  de  lui  jus- 
i]u'h  la  iiremièrfî  eidréeoù  il  lui  dit  :  «  J'au- 
rais été  lieiu'euv  do  vous  recevoii'  truue  ma- 
nière digru!  do  votre  qualité;  mais  le  sainl- 
siége  vous  ayant  exelu  de  la  eonmuniion  de 
l"Kylise,je  n'ai  pu  remplir  mon  propredésir.  » 
HoJH'i,  [)l\'ind'es!inu'  pour  la  fernu'téde  l'abl^é, 
se  retira  res[)eelueusemeut  eu  repoussant 
le  conseil  que  ses  courtisans  lui  donu.ueut 
de  s(î  veni^'er.  Plus  tard  même,  comme  il  re- 
passait un  jour  devatit  le  même  monastère, 
ses  chevaliers  ayant  manifesté  \o  désir  de 
l'atlaquei',  il  le  leur  défendit  Ibruu'llement,  en 
disant  :  «  Je  connais  l'abbé  de  ce  couvent, 
c'est  un  saint!  >■■  Lu  libéralité  d'Kru)inold  et 
sa  compassion  pour  les  pauvres  étaient  ex- 
trêmes. La  famine  ayant  fait  sentir  ses  ri- 
gueurs en  Bavière,  il  se  dépouilla  de  tout  ce 
qu'il  possédait  |)Our  soulager  ceux  qui  souf- 
fraient. Sa  sévérité  intlexible  à  poursuivre 
le  vice  lui  tit  de  nombreux  ennemis;  quel- 
ques-uns se  réconcilièrent  avec  Dieu,  mais 
d'autres  résolurent  sa  mort.  Un  des  conju- 
rés, nommé  Aarou,  ayant  attendu  le  saint 
dans  un  endroit  oii  il  devait  passer,  l'as- 
somma avec  un  morceau  de  bois;  il  souffrit 
quelque  temps  de  sa  blessure  qui  était  mor- 
telle, et  mourut  entin  le  jour  de  rE[)iphanie 
le  6  janvier  1121 ,  après  avoir  gouverné  son 
monastère  pendant  7  années.  Après  sa  mort, 
il  s'opéra  plusieurs  miracles  à  son  interces- 
sion. L'Eglise  fait  sa  fôtc  le  6  janvier. 

EROTIDE  (sainte),  martyre,  soulfrit  pour 
la  défense  delà  religion.  Nous  ignorons  l'é- 
poque, le  lieu  et  les  circonstances  de  son 
martvre.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  G  octobre. 

EKZ-IN(1H1AN  ou  Erzingan,  ville  d'Ar- 
ménie, bâtie  sur  un  plateau  du  même  nom, 
a  été  témoin  du  martyre  des  bienheureux 
franciscains  Monaldo  d'Ancone,  François  Pi- 
triolo  et  Antoine  de  Milan,  vers  l'année 
1288.  Ils  furent  mis  à  mort  par  l'ordre  du 
Cadi  pour  avoir  prêché  l'Evangile,  et  malgré 
la  guérison  d'un  aveugle  qu'ils  guérirent 
sur  le  iléti  des  infidèles.  {Voy.  leurs  articles 
respectifs.) 

ESCKIYAIN  (le  bienheureux  Grégoirk), 
Portugais  de  la  compagnie  de  Jésus,  faisait 
partie  des  soixante-neuf  missionnaires  que 
le  P.  Azevedo  était  venu  recruter  à  Home 
pour  le  Brésil  {Voy.  Azevedo).  Leur  na- 
vire fut  pris  le  15  juillet  1571  ,  par  des 
corsaires  calvinistes  qui  les  massacrèrent 
ou  les  jetèrent  dans  les  tlots.  Quand  ces 
bourreaux  s'emparèieat  du  navire,  Grégoire 
et  Alvarès  Mendez,  un  de  ses  compagnons, 
gisaient  au  lit  malades.  Ils  se  levôieiit  à 
grand'peine,  passèrent  leur  soutane  par-des- 
sus leur  chemise,  et  vêtus  ainsi ,  nu-pieds, 
vinrent  se  mêler  parmi  ceux  que  l'on  massa- 
crant. Ils  reçurent  ainsi  la  [)almedu  martyre. 
(l)u  Jariie,  ilistuire  des  choses  plus  mémora- 


bles, etc.,  t.  II,  p.  278.  Tainier,  Sorietas  Jr.iu 
vs(fue(ul  saufjuinis  et  vilœ  inofusionem  niili- 
t(ni>,  p.  KUi  et  170.) 

LSKILL  (saint),  evê(pie  et  martyr  en  Suède, 
apôtre  des  Sudermaris,na(piit  on  Angleteire. 
L'arclievê(pi(ï  de  Brème;,  saint  Anschaii'o, 
se  vit  obligé  de  retourner  en  Alleiuagno 
après  avoir  allumé  le  llambeau  de  la  foi  et 
avoir  fondé  nue  église  en  Suède.  Les  Sué- 
dois r(!vinrent  aloi-s  à  leurs  superstitions, 
apostasie  qui  remplit  de  douleur  tous  les  ser- 
vitcnns  de  Di(!U  ([ui  habitaient  le  nord  do 
l'Angleterre.  L'aichevêcpie de  la  ville  d'York, 
saint  Sigeiiide,  s(;  résolut  alors  d'entrepren- 
dre um;  mission  dans  ces  contrées,  et  notre 
saint,  qui  était  son  parent,  voulut  l'accompa- 
gner. Il  se  lit  tellement  chérir  de  ces  peuples 
|)ar  sa  prudence  et  par  ses  vertus  que,  quand 
Sigefride  sévit  forcé  de  retourner  en  An- 
gleterre ,  on  voulut  Eskill  pour  évê(pio. 
Pendant  longtemi)s,  ses  soins  portèrent  de 
givinds  fruits,  soutenu  qu'il  était  par  le  zèle 
du  roi  lugoz.  Mais  les  païens  ayant  massa- 
cré cet  excellent  prince  et  rais  à  sa  place 
Sicenon  le  Sanguinaire,  celui-ci  renversa  les 
églises  catholiques  et  rétablit  le  paganisme. 
Un  jour  que  les  infidèles  ollraient  un  sacri- 
fice à  leurs  idoles ,  Eskill  suivi  do  son 
clergé  vint  les  exhorter  à  embrasser  la  reli- 
gion chrétienne.  Voyant  tous  ses  etî'orts  inu- 
tiles, il  pria  Dieu  de  manifester  sa  puissance 
par  un  prodige  afin  d'ouvrir  les  yeux  à  ces 
bai'bares.  Aussitôt  un  orage  violent  éclata, 
et  la  foudre  étant  tombée  sur  l'autel  y  con- 
suma ce  qu'on  devait  offrir  à  l'idole.  Les 
païens,  remplis  de  fureur,  le  lapidèrent  par 
l'ordre  du  roi.  Notre  saint  fut  enterré  dans 
le  lieu  même  où  il  avait  souffert  le  martyre, 
et  plus  tard  on  y  construisit  une  église  en 
son  honneur.  Son  martyre  arriva  dans  le 
XI'  siècle.  L'Eglise  fait  sa  fête  !e  12  juin. 

ESPÉRANCE  (sainte).  Voy.  Elpis. 

ESPÉRANCE  (sainte),  vierge  et  martyre, 
répandit  son  sang  pour  la  foi  dans  la  ville 
de  Troyes.  Nous  n'avons  aucun  détail  au- 
thentique sur  elle.  L'Eglise  célèbre  sa  sainte 
et  glorieuse  mémoire  le  26  avril. 

ESTÈVE  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre en  Espagne,  en  l'honneur  de  la  religion 
chrétienne.  Les  Actes  des  martyrs  ne  nous 
ont  laissé  aucun  détail  sur  l'époque  et  les 
dill'érentes  circonstances  qui  illustrèrent 
leur  martyre.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  21  no- 
vembre. 

ETECUSE,  dame  romaine,  de  laquelle  il 
est  question  dans  la  21"  lettre  de  saint  Cy- 
prien.  Elle  fut  séparée  de  l'Eglise  et  forte- 
ment reprise  par  saint  Célerin,  lecteur  et 
confesseur,  parce  qu'ayant  donné  de  l'ar- 
gent pour  ne  [las  sacritier,  elle  avait  pris  le 
chemin  du  temple  comme  poui-  aller  le  foire. 
Elle  s'était  arrêtée  en  un  lieu  nommé  les 
Trois-Parques,  et  de  là  était  revenue  chez 
elle,  innocente  de  la  matérialité  du  fait  de 
sacrifice  aux  idoles,  mais  coupable  d'avoir 
laissé  penser  à  ceux  qui  l'avaient  vue  par- 
tir qu'elle  était  réellement  allée  sacrifier, 

ET  HÈRE  (saint) ,  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  défense  de  la   loi.  Il  éta't  evêque 


899 


ETl 


F.TI 


900 


dans  la  Ciiersonèso  el  roçut  la  palme  du  mar- 
Ivro  avec  les  évoques  Basile,  Eugène,  Aga- 
inadore,  Elpide,  Cajjitou,  Kphrein,  Nestor  et 
Arcade.  La  date  de  leur  martyre  est  incon- 
nue. L'Eglise  les  honore  le  i  'mars. 

EÏHÈRE  (sainte  êvèquc  et  confesseur, 
souffrit  de  crue!l(^s  tortures  pour  la  défense 
de  la  religion.  Ce  fut  à  Auxerrc  qu'il  con- 
fessa Jésus-Ghrisl.  L'Eglise  fait  sa  mémoire 
le  •>?  juillet. 

ETHÈRE  (sainl),  soutfrit  le  martyre  du- 
rant la  i)ersécution  de  l'impie  Dioclétien. 
11  souffrit  la  i)eine  du  feu  et  plusieurs 
autres  tortures,  après  quoi  il  fut  décapité. 
Nous  n'avons  pas  d'autres  détails  sur  son 
compte.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  18  juin. 

ETHIER  (le  bienheureux  Jf.an\ Espagnol, 
était  confesseur  de  linfant  Ferdinand  d'Ara- 
gon. Pressé  du  désir  de  gagner  des  âmes  à 
Jésus-Christ,  il  partit  pour  Jérusalem  afin 
d'y  prêcher  l'Evangile  parmi  les  infidèles. 
Le  sultan  d'Egypte  ayant  été  informé  du 
succès  de  ses  prédications,  le  fit  mettre  aux. 
fers  avec  le  frère  Gonsalve,  son  compagnon, 
qui  mosuul  en  prison  le  IG  mai  1370.  Resté 
seul  désormais  |)Our  résister  aux  menaces  et 
aux  tourments  de  toutes  sortes,  il  succomba 
bientôt,  renia  sa  foi,  et  resta  trois  années 
dans  cet  état  déi)lorabIe.  Au  bout  de  ce  temi)S, 
pressé  par  ses  remords,  il  écrivit  du  Caire  où 
il  était,  aux  Franciscains  de  l'île  de  Chypre, 
les  priant  de  lui  envoyer  deux  des  leurs, 
afin  de  travailler  à  son  salut.  Bientôt  a[)rès 
il  fit  ime  rétractation  publiipje  et  enta  sup- 
porter la  rage  dos  Musulmans.  On  le  fustigea 
cruellement ,  ensuite  on  ré,  audit  sur  ses 
plaies  du  sel  et  du  vinaigre;  enfin  il  fut  atta- 
ché à  une  croix  avec  G  clous,  deux  aux  mains, 
doux  aux  coudes  et  deux  aux  pieds.  Il  ex- 
pira en  l'année  1373.  (Férot,  Abrégé  histori- 
que de  lu  vie  des  saints  des  trois  ordres  de 
Saint-François,  t.  IL  p.  25G.) 

ETIENNE  (saint),  l'un  des  sept  diacres  or- 
donnés par  les  n[)ôlres  i)our  prendre  soin 
des  veuves  et  des  orphelins,  faire  une  distri- 
bution équitable  des  biens  que  les  fidèles 
avai-mt  luis  en  commim,  et  annoncer  la  ])a- 
role  divine,  eut  l'insigne  honneur  de  donner 
le  jH'omier  son  sang  et  sa  vie  pour  la  foi 
chiétienne.  Les  anciens  {Ircnœi  contra  hœ- 
rescs,  cum  Francisci  Feuardcntii  notis  ;  Lu- 
teliœ,  ainio  lG39j,  lui  donnent  souvent  le  ti- 
tre d'archidiacre.  On  ne  sait  rien  de  son 
Age.  Dans  diverses  visions,  il  ai)|)arut  connue 
un  jeune  homme  (jurenis)  [(linjsost.  Ilonii- 
iiœ  in  Actus  aposlolorum].  Etait-il  l'un  des 
Sfjixante-dix  disciples,  ou,  comme  l'ont  af- 
firmé (pjohpjos  écrivains,  h;  prtîiiuer  fi  uit  de 
la  prédica'.iori  (jue  lit  saint  l'ioiTo  le  jour  de 
la  Pen'ecôte  (Liber  de  Mirarulis  sancti  Sic- 
phani  ad  Fiodium  Usalmsem,  apud  .\ugu.sli- 
num,  l.  X  Lovan.,  Boned.  VII,  in  Appen- 
dice j!  C'csl  C(!  (|u'aucun(;  autorité  s(''iieuse 
ue  (lermel  (h;  dire.  Les  Pères  de  l'I'lglise,  no- 
taiiiiiK'jil  saint  Jérôme,  parhmt  (h;  lui  comme 
d'un  hoiiune  tros-('iudit  el  très-éloquent. 

Il  Irav.iilLiii  aclivoment  aux  OMivrcîs  |)Our 
l'is(pi(,.||cs  il  ,ivait  été  (jrdomié,  fais?nil  ilc 
i.ojubroux  miracles,  ut  ublenunl  de  fréqu(;n- 


tes  conversions.  «  Quelques  hommes  de  la 
synagogue  qui  est  nom  niée  des  affranchis  et 
desCyrénéens  et  (\es  Alexandrins,  et  de  ceux 
qui  étaient  de  Cilicie  et  d'Asie,  se  levèrent, 
disputant  contre  Etienne  ;  et  ils  ne  pou- 
vaient résister  à  la  sagesse  et  à  l'Esprit  qui 
parlait.  Alors  ils  gagnèrent  des  hommes  qui 
disaient  :  Nous  l'avons  entendu  proférer  des 
paroles  de  blasphème  contre  Moïse  et  con- 
tre Dieu.  C'est  pourquoi  ils  soulevèrent  le 
peuple,  et  les  anci(;ns  el  les  scribes,  et  se 
précipitant  sur  Etienne,  ils  l'entraînèrent,  et 
l'amenèrent  au  conseil.  El  ils  présentèrent 
de  faux  témoins,  qui  disaient  :  Cet  homme- 
là  ne  cesse  de  parler  contre  le  sanctuaire  el 
contre  la  loi  ;  car  nous  lui  avons  entendu 
dire  que  ce  Jésus  de  Nazareth  détruira  ce 
lieu,  et  changera  les  traditions  que  .Moïse 
nous  a  données.  Et  comme  tous  ceux  ciui 
étaient  assis  au  conseil  avaient  les  yeux  sur 
lui,  ils  virent  son  visage  comme  le  visage 
d'un  ange.  Or  le  prince  des  prêtres  deman- 
da :  En  est-il  ainsi  ?  Etienne  dit  :  «  Mes  frères 
et  mes  pères,  écoutez  :  Le  Dieu  de  gloire 
apparut  à  notre  père  Abraham  ,  lorsqu'il 
était  dans  la  Mésopotamie,  avant  qu'il  de- 
meurât à  Charan,  et  lui  dit  :  Sortez  de  votre 
pays  et  de  votre  parenté,  et  venez  dans  la 
Icire  que  ie  vous  moîitrerai.  Alors  il  sortit 
du  pays  des  Chaldécns,  et  vint  demeurer  à 
Charan  :  et  après  que  son  père  fut  mort, 
Dieu  le  fit  passer  dans  cette  terre  que  vous 
habitez  aujourd'hui,  où  il  ne  lui  donna  au- 
cun héritage,  non  pas  même  où  asseoir  le 
pied  ;  mais  il  lui  promit  de  lui  en  donner  la 
possession,  à  lui,  et  à  sa  postérité  après 
lui,  lorsqu'il  n'avait  i)Oint  encore  d'enfant. 
Dieu  lui  [)rédit  aussi  que  sa  postérité  de- 
meurerait dans  une  terre  étrangère;  qu'elle 
y  serait  tenue  en  servitude,  et  fort  mal- 
traitée jusqu'au  terme  do  quatre  cents  ans. 
Mais  le  Soigneur  lui  dit  :  J'exercerai  ma 
justice  contre  la  nation  qui  l'aura  tenue  en 
servitude  ;  et  aiirès  cela  ils  sortiront,  cl  me 
serviront  en  ce  li(}u-ci.  El  il  lui  donna  l'al- 
liance de  la  circoncision,  el  ainsi  Abraham 
ayant  engendré  Isaac,  il  le  circoncit  le  hui- 
tième jour.  Isaac  engendra  Jacob,  el  Jacob 
les  douze  patriarches.  Les  palriarclies,  émus 
d'envie,  vendirent  Joso{)Ii,  pour  être  mené 
en  F^gypte  ;  mais  Dieu  était  avec  lui;  et  il 
le  délivra  de  toutes  ses  afilictions  ;  et  l'ayant 
rempli  de  sagesse,  il  le  rendit  agréable  h 
Pharaon,  roi  d'Egypte,  qui  lui  donna  la  con- 
duite d(;  son  royaume  et  de  toute  sa  mai- 
son. Cependant  toute  l'Egyfjle  cl  la  terre  de 
Chanaan  furontaflligées  d'une  grande  fannne ; 
cl  nos  pères  ne  |)0uvaient  trouver  do,  quoi 
vivH!.  Mais  Jacob  ayant  eiilendu  dire  (ju'il  y 
avait  du  blé  en  Jvgyple,  y  envoya  nos  pères 
pour  la  première  IViis.  El  les  ayant  renvoyés 
une  seconde  fois,  Jos(>ph  fut  rruonnu  de  ses 
lïères,  el  Pharaon  sut  de  (pn-lle  famille  il 
était.  Alois  Joseph  envoya  (punir  Jacob  son 
])ère,  el  loul(!  sa  famille,  (pu  consistait  en 
soi\ante-(piin/.e  peis<>nnes.  Jacob  donc  iles- 
cendil  en  Egypte,  où  il  mourut,  lui  et  nos 
pè/es.  El  ils  lurent  Iransportés  en  Sichem, 
uù  on  les  mil  dans  le  séoukre   (pi'.Abiaham 


90t 


FTI 


LTf 


902 


3 


avail  ncliclé  h  piix  d'af^etitdcs  ciif.nnls  d'Hé- 
nior,  lils  de  Sichoin.  Mais  coiiiiiu'  lo  temps 
do  la  [n'omesso  qua  Dion  avail  laitoii  Abra- 
ham s'approchait,  lo  |)oui.-hî  s'accrut ,  ot  so 
nndtiplia  boaiuoup  on  Eyypto,  jiis(|u'à  co 
qu'il  s(ï  lova  un  aulro  roi,  (jui  no  connaissait 
point  Joseph.  Ce  princo,  usant  d'une  malice 
artiliciouso  contri!  noti(>  nation,  accabla  nos 
pèros  do  mau\,. jusqu'il  les  contraindri!  do\- 
posor  leurs  entants  i)our  en  oxtoiininor  la 
raco.  lin  co  tomps-là  tuuiui!  Moiso,  qui  fut 
agr(^abl(^  à  Dieu  :  il  fut  nourri  pondant  trois 
mois  dans  la  maison  do  son  |)oro.  Knsuite 
ayant  été  exposé,  la  tille  de  Pharaon  lo  prit, 
et  releva  pour  être  son  (ils.  Ainsi  Moïse  fut 
instruit  dans  toute  la  sagesse  des  Egyptiens  ; 
et  il  était  puissant  en  paroles  et  ou  couvres. 
Mais,  (pumd  il  ont  atteint  l'Age  de  quarante 
ans,  il  lui  vint  dans  ros[)rit  d'aller  visiter 
ses  frères,  les  enfants  d'Israël  ;  ot  voyant 
u'on  faisait  injure  à  ([uelqu'un  d'eux,  il  le 
efendit  et  le  vengea,  on  tuant  l'Egyptien 
qui  l'outrageait.  11  pensait  que  ses  fi'oros 
comprendraient  que  ce  serait  par  sa  main 
que  Dieu  les  délivrerai-t,  mais  ils  ne  le  com- 
prirent pas.  Car  le  lendemain,  s'otant  trouvé 
avec  quolL|uos-uns  d'eux  qui  se  querellaient, 
et  tâchant  de  les  accommoder,  il  leur  dit  : 
Mes  amis,  vous  êtes  frères  ;  comment  vous 
faites-vous  injure  l'un  à  l'autre  ?  Mais  celui 
qui  faisait  injure  à  l'autre,  le  rebuta,  en  lui 
disant  :  Qui  vous  a  établi  prince  ot  juge  sur 
nous  ?Nevoudriez-vous  point  me  tuer,  comme 
vous  tuâtes  hier  cet  Egyptien  ?  Cotte  parole 
fut  cause  que  Moïse  s'eufuit  ;  et  il  demeura 
comme  étranger  au  pays  de  Madian,  où  il 
eut  deux  fds.  Quarante  ans  après,  un  ange 
lui  apparut  au  désort  de  la  montagne  de  Sina, 
dans  la  tlamme  d'un  buisson  qui  brûlait.  Ce 
que  Moïse  ayant  aperçu,  il  fut  fort  surpris 
de  ce  qu'il  voyait  ;  et  s'approchant  pour  con- 
sidérer ce  que  c'était,  il  entendit  la  voix  du 
Seigneur,  ([ui  lui  dit  :  Je  suis  le  Dieu  de  vos 
pères,  lo  Dieu  d'Abraham,  le  Dieu  d'Isaac, 
et  le  Dieu  de  Jacob.  Et  Moïse  tout  tremblant 
n'osait  regarder.  Alors  le  Seigneur  lui  dit  : 
Otez  vos  souliers  de  vos  pieds  ,  car  le  lieu 
où  vous  êtes  est  une  terre  sainte.  J'ai  vu  et 
considéré  l'aftliction  de  mon  peuple  qui  est 
en  Egypte  ;  j'ai  entendu  leurs  gémissements, 
et  je  suis  descendu  pour  les  délivrer.  Venez 
donc  maintenant,  atin  que  je  vous  envoie  en 
Egypte.  Ce  Moïse  qu'ils  avaient  rebuté,  en 
disant  :  Qui  vous  a  constitué  prince  et  juge  ? 
fut  celui-là  même  que  Dieu  envoya  pour  être 
leur  prince  et  leur  libérateur,  sous  la  con- 
duite de  l'ange  qui  lui  apparut  dans  le  buis- 
son. Ce  fut  lui  qui  les  délivra,  faisant  des 
prodiges  et  des  miracles  en  Egypte,  dans  la 
mer  Rouge,  et  au  désert,  durant  cpiarante 
ans.  C'est  ce  Moïse  qui  a  dit  aux  enfants 
d'Israël  ;  Dieu  vous  suscitera  d'entre  vos 
frères  un  prophète  comme  moi  ;  écoutez-le. 
C'est  lui  qui,  pendant  que  le  peuple  était  as- 
semblé dans  le  désert,  s'entretenait  avec 
l'ange  qui  lui  parlait  sur  le  mont  do  Sina; 
c'est  lui  qui  était  avec  nos  pères,  et  qui  a 
reçu  les  paroles  do  vie, -pour  nous  les  don- 
ner. Nos  pères  ne  voulurent  point  lui  obéir; 


mais  ils  le  rebutèrent,  nilournant  de  cœur 
on  Egypte,  disant  à  Aai'cju  :  Faites-nous  des 
dieux  qui  marchent  devant  nous  ;  car  nous 
no  savons  co  qu'est  dovoiui  c(;  Moïse  fjui 
nous  a  tiiés  du  pays  d'J'lgy|)te.  Et  ils  liront 
on  ces  joui's-Ià  un  veaii  ;  et  ils  s.icrilièronl  à 
cet  ido!o,  et  ils  mettaient  lenrjoiedans  l'ou- 
vrage do  leurs  mains.  Alors  Dieu  so  détourna 
d'eux,  ot  les  abandonna  à  l'aveuglomonl  d'a- 
dorer la  milice  du  (nel,  selon  (pi'il  est  écrit 
dans  le  livre  dos  pro[)hètos  :  Maison  d'Israël, 
m'avez-vous  olfet  t  des  sacrilices  ot  des  hos- 
ties dans  le  désert  durant  quarante  ans  ?  Au 
contraire,  vous  avez  porté  le  tabernacle  de 
Moloch,  ot  l'astre  de  votre  dieu  Reinpham, 
qui  sont  des  ligures  que  vous  avez  faites 
})Our  les  adorer.  C'est  pourquoi  je  vous 
transporterai  au  delà  do  liabylono.  Nos  pè- 
res eurent,  dans  le  désert,  lo  tabernacle  du 
témoignage,  comme  Dieu,  parlant  à  Moïse, 
lui  avait  ordonné  do  lo  faire  selon  lo  modèle 
qu'il  avait  vu.  Et  nos  pères  l'ayant  reçu,  ils 
l'enjportèront  ,  sous  la  conduite  do  Josué, 
au  pays  qui  avait  été  possédé  par  les  nations  ^ 
que  Dieu  chassa  devant  eux.  Et  ce  taberna- 
cle  subsista  jusqu'au  temps  de  David,  qui 
trouva  grâce  devant  Dieu,  et  qui  lui  demanda 
qu'il  pût  bâtir  une  demeure  au  Dieu  de  Ja- 
cob. Ce  fut  néanmoins  Salomon  qui  lui  bâtit 
un  temple.  Mais  le  Ïrès-Haut  n'habite  point 
dans  les  temples  faits  par  la  main  des  hom- 
mes, selon  cette  parole  du  prophète  :  Le  ciel 
est  mon  trône,  et  la  terre  est  mon  marche- 
pied :  quelle  maison  me  bâtirez-vous  ?  dit  le 
Seigneur,  et  quel  pourrait  être  le  lieu  de  mon 
repos  ?  Ma  main  n'a-t-elle  pas  fait  toutes 
ces  choses?  Tètes  dures  et  hommes  incir- 
concis de  cœur  et  d'oreilles,  vous  résistez 
toujours  au  Saint-Esprit ,  et  vous  êtes  tels 
que  vos  pères  ont  été.  Quel  est  le  prophète 
que  vos  pères  n'aient  pas  persécirté  ?  Ils  ont 
tué  ceux  qui  prédisaient  l'avénoment  du 
Juste  que  vous  venez  de  trahir,  et  dont  vous 
avez  été  les  meurtriers  ;  vous  qui  avez  reçu 
la  loi  par  le  ministère  des  anges,  et  qui  ne 
l'avez  point  gardée.» 

A  ces  paroles,  ils  entrèrent  dans  une 
rage  qui  leur  déchirait  le  cœur,  et  ils  grin- 
çaient des  dents  contre  lui.  Mais  Etienne 
étant  rempli  du  Saint-Esprit,  et  levant  les 
yeux  au  ciel,  vit  la  gloire  de  Dieu,  et  Jésus 
qui  était  debout  à  la  drode  de  Dieu,  et  il  dit  : 
Je  vois  les  cioux  ouverts,  et  le  Fils  de 
l'homme  qui  est  debout  à  la  droite  de  Dieu. 
Alors  poussant  de  gr.mds  cris,  ot  se  bou- 
chant les  oreilles,  ils  se  jeièrent  tous  ensem- 
ble sur  lui  ;  et  l'ayant  entraîné  hors  de  la 
ville,  ils  le  lapidèrent  ;  ot  les  témoins  mirent 
leurs  vêtements  aux  pie:is  d'un  jeune  homme 
nommé  Saul.  Ainsi  ils  la{)iJaient  Etienne, 
qui  priait  et  (jui  disait  :  Seigneur  Jésus,  re- 
cevez mon  esprit.  S'étant  mis  ensuite  à  ge- 
noux, il  s'écria  à  haute  voix  :  Seigneur  ne 
leur  imputez  point  ce  péché.  Après  cette  pa- 
role, il  s'endormit  dans  le  Seigneur.  Or 
Saul  avait  consenti  à  la  mort  d'Etienne 
[Act.  VI,  VII.) 

Le  discours  de  saint  Etienne  est  remar- 
([uable  par  plusieurs  points.  On  accusait  le 


903 


HTI 


ETI- 


901 


s.iiiit  diarro  d'avoir  blaspliéiiié  Moïso  et  les 
pro|»liètes  :  il  prouve  qu'il  est  plein  de  res- 
pect pour  eux,  qu'il  a  une  connaissance  et 
une  vénération  [)rofonde  pour  l'ancieinic 
loi  ;  mais  en  même  temps  il  prouve  ([ue  les 
ofrorts  des  juifs  n'empêcheront  pas  la  pré- 
dication et  le  succès  de  l'Evangile.  Voyant 
que  ses  paroles  ne  touchent  pas  ses  audi- 
teurs, illuminé  tout  h  couj)  de  ]"Es])rit  d'en 
haut,  qui  lui  révèle  le  sort  qui  l'attend,  il  ne 
songe  plus  à  toucher,  à  convaincre.  11  s'écrie, 
dans  la  sainte  indignation  de  son  ûme  :  lé- 
tes  (Jures,  hommes  incirconcis  de  cœur  et  (Vo- 
rcilles,  vous  re'sislez  toujours  au  Snint-Jîs- 
prit,  et  vous  êtes  tels  que  vos  pères  ont  été. 
Lequel  des  prophètes,  vos  pères  n'ont-ils,pns 
persécuté  ?  Ils  ont  tué  ceux  qui  ont  prédit 
l'avcnement  du  Juste,  que  maintenant  vous 
avez  trahi  et  inis  à  mort. 

Admirable  colère  du  ministre  de  paix,  qui 
bientôt  va  mourir  en  priant  pour  ses  assas- 
sins !  Le  devoir  lui  dicte  les  sévérités  de  son 
langage,  mais  son  cœur  est  sans  fiel  et  sans 
haine.  Il  n'a,  le  saint  martyr,  que  des  paroles 
d'amour  et  de  pardonàfairc  entendre,  quand, 
ne  [)arlant  plus  au  nom  du  Dieu  qui  l'envoie, 
il  ouvre  la  bouche  pour  parler  de  sa  propre 
mort.  C'est  bien  là  l'héroïsme  de  la  religion 
chrétienne;  ce  sont  bien  là  ces  sublimités 
plus  grandes  que  le  cœur  humain  dont  la 
grâce  de  l)ieu  rem|)]it  durant  tant  de  siècles 
les  confesseurs  et  les  martyrs. 

Parmi  ceux  qui  lapidaient  Etienne,  était 
Saul,  plus  tard  nommé  Paul.  Il  se  distinguait 
entre  tous  par  sa  rage  et  par  sa  fureur.  Une 
goutte  de  ce  sang  innocent  va  jaillir  sur 
vous,  ô  Saul,  et  bientôt  vous  serez,  vous  le 
persécuteur  acharné,  l'un  des  plus  ferveiits 
chrétiens,  vous  serez  le  grand  apôtre  de  la 
gentilité.  Dieu  sait  faire  voir,  i)ar  la  richesso 
de  la  récolte,  par  les  trésors  de  la  moisson, 
combien  est  fertile  la  semence  que  vous  je- 
tez dans  les  sillons.  Semez,  semez  le  sang 
des  martyrs,  Jésus-Christ  moissonnera  les 
âmes  d(!  l'humanité  1 

Saint  Etienne  fut  laj)idé  hors  de  Jérusalem, 
du  côté  de  la  porte  du  se[jtentrion,  sur  le 
chemin  de  la  ville  de  Cédar,  qui  est  dans  la 
])rovince  de  Calaad,  dans  le  lieu  alfecté  au 
sup!)lice  des  blaspht'iiiateurs. 

L  opinion  la  plus  coimuune  et  la  plus  pro- 
bable, est  ({ue  la  mort  de  saint  l'-lienne  ar- 
riva dans  l'année  même  de  la  mort  dt;  Jésus- 
(^hrist;  c'est-à-dire  à  la  lin  de  la  33"  année 
de  l'ère  vulgaire. 

Le  eor[)S  du  saint  martyr,  (rai)rès  l'ordre 
des  princ(;s  des  prêtres,  resta  ex()0sé  :  ils 
voulaient  ((u'il  fût  dévoré  par  les  bêtes 
l'értjces  ;  mais,  au  bout  d'unjour  et  une  nuit, 
(jamaliel  le  lit  enlever  par  dt.-s  chrétiens  li- 
dèles,  et  enseviilii-  avec  autant  de  |)ompe(pie 
possibledans  sa  teire  de  (^aphargnmala.(ro//. 
(iAMAi,ii:r.  )  Saint  Jc-rôme  nous  dit  dans  ses 
é()îtres  (jue  hs  apôlrcs,  pour  ap|)r('ndr<(  à 
tous  le  respect  (pi'on  doit  aux  reli(pi(;s  des 
martyrs,  voulurent  assister  à  cette  céi(';mo- 
inc  funèbre. 

L'an  'iL'i,  Lucien,  prêtre  de  Capharganiala, 
ref^ul  en  bnw^c  de  saint  Camaliel  la  révéla- 


tion du  lieu  où  se  trouvaient  les  reliques  de 
saint  Etienne.  Le  18  ouïe  19  de  décembre, 
sur  ces  indications  de  Lucien  ainsi  que  sur 
celles  qu'avait  aussi  reçues  de  saint  Gama- 
liel,  unmoine  nommé  Mégèce,  on  fit  ouvrir  le 
tombeau  qui  renfermait  le  corps  de  saint 
Etienne.  La  jjIus  grande  partie  des  reliques 
fut  transpoi'lée  dans  l'église  de  Sion  à  Jéru- 
salem. Depuis,  des  portions  de  ces  reliques 
furent  i)ortées  en  divers  pays,  où  elles  opé- 
rèrent de  nombreux  miracles. 

ETIENNE  (saint),  pape  et  martyr,  était  Ro- 
main de  naissance.  Elevé  aux  ordres  sacrés, 
il  fut  archidiacre  de  l'Eglise  de  Rome,  sous 
les  papes  saint  Corneille  et  saint  Luce. 
Comme  ce  dernier,  conduit  par  ses  bour- 
reaux,  marchait  au  sup[ilice,  il  désigna 
Etienne  à  ses  prêtres,  priant  qu'on  le  lui 
donnât  comme  successeur.  Le  13  mai  253,  il 
monta  sur  le  trône  pontifical. 

Le  fond  du  caractère  de  ce  saint  pape  fut 
une  douceur  et  une  patience  à  toute  épreuve. 
Il  en  donna  constamment  les  preuves,  et  ces 
qualités  précieuses  de  son  cœur  ménagèrent 
à  l'Eglise  une  paix  qui,  sans  cela,  eût  été 
troublée  par  les  événements  les  plus  tristes 
et  les  plus  graves.  Cette  douceur  de  saint 
Etienne  se  montrait  même  à  l'égard  de  ceux 
qui  auraient  dû  appeler  toutes  ses  sévérités. 
Marcien  d'Arles,  ayant  embrassé  l'erreur  de 
Novatien,  avait  refusé,  d'après  les  principes 
outrés  de  cet  hérésiarque,  de  donner  l'abso- 
lution à  des  pénitents  à  l'article  de  la  mort. 
Faustin,  évêque  de  Lyon,  et  plusieurs  autres 
prélats,  en  ayant  écrit  à  saint  Etienne  et  à 
saint  Cyprien,  il  fallut  que  ce  dernier,  à  son 
tour,  écrivit  au  saint  pape  pour  qu'il  se  dé- 
cidât à  excommunier  Marcien  :  «  Il  est  né- 
cessaire, lui  dit-il,  que  vous  écriviez  d'am- 
ples lettres  à  nos  confrères  des  Gaules,  afin 
que  l'impie  Marcien,  ne  continue  pas  d'in- 
sulter notre  collège...  Daignez  nous  faire 
connaitre  qui  est  évêque  d'Arles  à  la  place 
de  Marcien,  |)Our  que  nous  sachions  à  qui 
envoyer  des  lettres  de  communion,  et  adres- 
ser les  fidèles.  »  Etienne  excommunia  Mar- 
cien. Quelque  temps  ai)iès,  deux  évoques 
d'Espagne,  Basilide,  évê(pie  de  Mérida,  et 
Martial,  évêque  de  Léon  et  d'Astorga, ayant 
eu  le  malheur  de  commettre  le  crime  des  li- 
l)ellati(iues,  pour  éviter  la  persécution, Mar- 
tial fut  déposé  |)ar  un  concile,  lîasilitle,  qui 
craignait  le  même  sort,  vint  à  Home  et  réus- 
sit à  surj)rendre  tellement  la  bonté  du  pape, 
(pi'il  en  obtint  d'être  admis  à  sa  communion 
comme  évê(|ue,  et  reçut  de  lui  des  letti'es  de 
recommaiiiialion  pour  les  évêipies  d'Espa- 
gne. 11  fallut  (pi'onprotestAt  pour  (jue  le  saint 
j)a|)e  revînt  envers  lui  à  une  juste  sévé- 
liié. 

Dans  ces  deux  circonstances,  nous  voyons 
([iK!  c'est  saint  Cyi)rien  <|ui  ajoué  le  princi- 
jial  rôhî  nour  engager  Elieimeà  se  montrer 
sévèie.  Il  y  a  là  un  grand  enseignement  pour 
tous,  glands  et  petits,  saints  et  doi'teurs, 
connue  simples  lidèles.  Cy|)rien  lui-même, 
ce  grand  docli'ur,  cette  lumière  de  l'Eglise, 
fut  l'itit  heureux  cpie  le  C(eui-  d'iitienne  fût 
un  trésor  d'indulgence  et  de  j)aix  :  sans  cela 


905  ETI 

il  eût  Hé  lui-mômo,  avec  Firmilinn  ot  bion 
d'aulrt's,  retranché  du  soin  do  l'Kgliso.  Sans 
doute  il  ne  liU  pas  devenu  hérétique,  Dieu 
ne  l'eiU  pas  permis  ;  sa  {grande  Ame  et  sa  loi 
se  fussent  inclinées  sous  la  justice  de  la  pu- 
nition, mais  enlin  il  ei\t  été  lVap[)é,  et  l)i(!n 
d'autres  (jui  l'auraient  été  avec  lui,  n'au- 
raient peut-être  pas  montré  une  send)l.ihlo 
docilité.  Nous  voulons  parler  ici  do  la  grande 
disjjute  (jui  s'éleva  dans  l'Eglise,  touchant 
le  baptême  donné  par  les  héréticiues.  La 
croyance  constante  do  l'Eglise  est  cpu;  (juand 
les  sacrements  sont  administrés  par  les  hé- 
rétiques dans  la  forme  et  avec  les  formules 
voulues,  ils  sont  valables.  Saint  Cyprion, 
fiaint  Firmilicn  et  une  foule  d'autres  évo- 
ques d'Orient  et  d'Afrique  soutenaient  qu'on 
devait  rebaptiser  ccu\  ([ui  l'avaient  été  par 
les  liéréti(iues,  s'appuyant  sur  ce  faux  prin- 
cipe, qu'un  homme  ne  i)eut  pas  donner  le 
Saint-Esprit,  s'il  ne  l'a  pas  dans  son  cœur.  Du 
côté  des  évoques  qui  soutenaient  cette  ot»i- 
nion,  et  notamment  de  la  part  de  Firmilion, 
il  y  eut  une  grande  animosité  contre  Etienne. 
Firmilien  écrivit  même  des  choses  injurieu- 
ses. Etienne  garda  sa  douceur,  se  réfugia 
dans  la  patience,  et  ne  voulut  pas  prononcer 
d'excommunication  contre  les  fauteurs  d'une 
erreur  qui  se  montrait  si  agressive  même 
contre  lui.  Saint  Denys  d'Alexandrie  se 
porta  médiateur.  Saint  Etienne,  par  sa  fer- 
meté, sut  garder  le  dépôt  des  saines  croyan- 
ces, tandis  que,  par  sa  douceur,  il  conserva 
dans  le  sein  de  l'Eglise  des  hommes  qui  en 
étaient  l'ornement  et  la  lumière,  bien  qu'ils 
fussent  engagés  momentanément  et  sur  un 
point  dans  l'erreur. 

,  Saint  Etienne  mourut  le  2  août  257.  Son 
corps  futdéposé dans lecimetière deCallixte. 
La  plupart  des  martyrologes  le  donnent 
comme  martyr.  On  voit  dans  les  Actes  de 
saint  Etienne,  donnés  par  Baronius,  qu'il 
fut  décapité  par  les  persécuteurs,  qui  le  trou- 
vèrent, assis  sur  sa  chaire  pontiticale.  Son 
corps  est  àPise,  et  sa  tête  à  Cologne.  La  fête 
de  saint  Etienne  arrive  le  2  août.  (  Voy.  Cy- 
PRiEN,  HippoLYTE,  prêtre,  et  ses  compagnons 
Adrias,  Marcel,  Eusèbe,  Néon,  etc.) 

ETIENNE  (saint),  diacre  et  martyr,  fut  mis 
à  mort,  en  258,  sous  Valérien,  avec  saint 
Sixte,  en  même  temps  que  les  saints  diacres 
Félicissime,  Agapet,  Janvier,  Magne,  Vin- 
cent, Etienne.  Ils  furent  tous  décapités.  L'E- 
glise honore  la  mémoire  de  tous  ces  saints 
le  6  août. 

ETIENNE  (saint),  martyr,  est  inscrit  au 
Martyrologe  romain,  le  3  décembre.  Il  souf- 
frit la  mort  en  Afrique,  pour  la  défense  de 
la  foi,  avec  les  saints  Claude,  Crispin,  Ma- 
gène  et  Jean.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  3  dé- 
cembre. 

ETIENNE  (saint),  martyr,  est  inscrit  au 
Martyrologe  romain  le  27  avril,  avec  saint 
Castor.  Ils  souffrirent  à  Tarse  en  Cilicie, 
dans  des  circonstances  que  nous  ignorons. 

ETIENNE  (saint),  dont  le  nom  est  inscrit 

au  Martyrologe  romain  le  31  décembre,  est 

honoré  comme  martyr  par  l'Eglise,  avec  les 

saints  Pontien,    Attale,    Fabien,   Corneille, 

DiCTiONx.   TES   Pessécutions.    I. 


ETI 


doc 


Sexto,  Florus,  Quintien,  Minervien  et  Sim- 
j)licien,  qui  furent  les  compagnons  de  son 
tr-iomphe.  Les  circonstances  de;  leur  martyre 
ne  sont  malheureusement  pas  connu((S. 

/"^TIENNE  (saint),  soullVit  le  martyre  en 
Angleterre  avec  saint  So(;rate.  Les  Acies  des 
martyrs  ne  nous  donnent  aucun  détail  sur 
l'époque  et  les  ditrérentes  circonstances  de 
leurs  combats.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le 
17  sef)tembre. 

I^TIENNE  (saint),  évêquc  et  martyr,  mou- 
rut à  Antioche  pour  la  défense  de  la  foi. 
Après  avoir  beaucoup  souffert  de  la  part  des 
hérétiques  qui  rejetaient  le  concile  deChalcé- 
doine,  il  fut  précipité  dans  le  fleuve  Oronte, 
du  temps  de  l'empereur  Zenon.  L'Eglise  cé- 
lèbn;  son  immortelle  mémoire  le  25  avril. 

ETIENNE  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre à  Antioche  de  Pisidie.  11  eut  pour  com- 
pagnon de  son  martyre  saint  Marc.  Nous  n'a- 
vons pas  de  détails  sur  les  différentes  cir- 
constances de  leur  combat.  L'Eglise  célèbre 
leur  mémoire  le  22  novembre. 

ETIENNE  (saint),  évêque  et  confesseur, 
souffrit  à  Lyon  pour  la  défense  de  Jésus- 
Christ.  On  ignore  à  quelle  époque  ce  saint 
évêque  confessa  sa  foi.  Nous  n'avons  aucun 
renseignement  sur  son  compte.  L'Eglise  fait 
sa  mémoire  glorieuse  le  13  février. 

ETIENNE  (saint),  le  Jeune,  ou  du  Mont- 
Auxence,  est  un  des  plus  célèbres  parmi  les 
martyrs  que  fit  la  persécution  des  iconoclas- 
tes. Né  à  Constantinople  en  71i,  il  fut  con- 
sacré à  Dieu  par  ses  parents,  avant  même 
qu'il  fût  né.  Ses  parents  soignèrent  excessi- 
vement son  éducation,  lui  cherchant  les  plus 
habiles  parmi  les  maîtres  de  ce  temps-là. 
Tout  jeune  encore,  il  montrait  les  sentiments 
de  la  plus  éminente  piété.  On  s'attacha  sur- 
tout à  lui  inculquer  parfaitement  les  notions 
de  la  foi  catholique,  afin  que  plus  lard  il  ne 
fût  pas  exposé  à  tomber  dans  l'erreur.  Ce  fut 
en  effet  ce  qui  le  sauva  des  erreurs  déplora- 
bles qui,  de  son  temps,  déchirèrent  l'Eglise, 
et  furent  cause  de  tant  de  chutes.  L'empe- 
reur Léon  risaurien  ayant  avancé  sa  détes- 
table hérésie  touchant  le  culte  des  images, 
et  ayant  violemment  persécuté  les  catholi- 
ques, pillé  les  églises,  renversé  les  saintes 
images,  les  parents  du  jeune  Etienne  pri- 
rent la  fuite  pour  éviter  ses  fureurs  ;  mais 
auparavant  ils  voulurent  mettre  leur  fils  en 
sûreté.  Il  avait  alors  quinze  ans.  Ils  le  pla- 
cèrent au  monastère  du  Mont-Auxence,  qui 
n'était  pas  fort  éloigné  de  Chalcédoine.  Dès 
l'année  suivante,  il  fit  profession.  Bientôt  il 
fut  l'exemple  du  monastère,  dans  l'accom- 
plissement de  ses  devoirs.  Ce  fut  lui  qui  fut 
chargé  de  pourvoir  à  l'achat  journalier  des 
provisions  pour  le  couvent.  La  mort  de  son 
père,  qui  arriva  bientôt  après,  le  força  à  faire 
un  voyage  à  Constantinople.  Il  se  défit  de 
tous  ses  biens,  et  en  distribua  le  prix  aux 
pauvres.  Il  avait  deux  sœurs.  L'une  était 
déjà  dans  un  couvent.  Il  emmena  l'autre  avec 
sa  mère,  et  les  mit  toutes  deux  dans  un  mo- 
nastère en  Bithynie.  Lorsque  Jean,  abbé  du 
monastère  de  Saint- Auxence ,  fut  mort, 
Etienne,  d'un  consentement  unanime,  fut 

29 


307 


ETI 


ETI 


908 


nommé  h  sa  piace.  Il  n'avait  que  trente  ans 
quand  il  fut  élevé  à  cette  importante  fonction. 
Le  monastère  duMont-Saint-Auxenee  n'était 
pas,  comme  on  pourrait  le  croire,  composé 
de  vastes  bâtiments.  C'était  tout  simplement 
une  réunion  de  petites  cellules  disséminées 
çli  et  là  sur  la  n^ontagne.  Etienne  en  habitait 
une  fort  étroite,  située  sur  le  sommet  de  la 
montagne ,  l'une  des  plus  élevées  du  pays. 
Il  passait  son  temps  à  la  prière,  ou  bien  à  co- 
pier des  livres  et  à  faire  desiilets.  11  gagnait 
ainsi  de  quoi  vivre,  et  du  surplus  il  fournis- 
sait un  peu  pour  les  besoins  du  couvent,  et 
donnait  le  reste  aux  pauvres.  Une  peau  de 
brebis  faisait  tout  son  vêtement.  11  était  sans 
cesse  porteur  d'une  ceinture  en  fer.  Ses  dis- 
ciples devinrent  excessivement  nombreux. 
Une  s  iintc  femme,  veuve,  qui  voulait  se  re- 
tirer du  monde,  se  plaça  sous  sa  conduite, 
ïl  la  reçut  et  lui  fit  prendre  le  voile,  et  la 
confia  aux  soins  de  la  supérieure  d'un  cou- 
vent de  femmes,  qui  était  au  bas  de  la  mon- 
tagne. Cette  femme,  en  entrant  au  couvent, 
changea  son  nom  en  celui  d'Anne. 

Quelque  temps  après,  saint  Etienne,  dési- 
rant s'isoler  davantage,   mener  une  vie  plus 
astreinte  aux  pratiques  de  la  pénitence,   fit 
nommer,  à  sa  place,  Marin  pour  gouverner 
la  communauté.  Quant  à  lui,  il  se  retira  en- 
core plus  liant  sur  la  montagne,  dans   une 
cellule    excessivement    étroite.    C'était  un 
trou  creusé  dans  le  sommet  de  la  roche.  Il 
avait  une  coudée  et  demie  de  large  et  deux 
de  haut.  A  Tor  ent,  il  avait  creusé  une  pc^tite 
niciie   pour  faire  sa  jn-ière,  mais  si   basse, 
qu'il  n'v  pouvait  tenir  que  courbé.  Quant  à 
la  grotte  qu'il   habitait,  au  trou  dont  nous 
avons  donné  les  (iimensions.  elle  était  com- 
plètement à  découvert,  exposée  par  consé- 
quent h  toutes  les  intempéries  dfts  saisons. 
Les  ardeurs   brûlantes  de  l'été,  les  rigueurs 
des  froids  de   l'hiver,  la  pluie,    les   neiges, 
tous  ces  divers  accidents  des  saisons  le  re- 
trouvaient là,   priant  Dieu  ou    travaillant. 
Cette  demeure  qu'avait  choisie  saint  Etienne 
était  un  véritable  tombeau.  Quant  h  la  cein- 
ture que  nous  avons  mentionnée  plus  haut, 
c'était  une  chaîne  de  fer  en  cioix,  depuis  les 
épaules  jusqu'aux  reins,  où  elle  était  clouée 
à  une  ceinture  de  fer  et  à  une  autre  sous  les 
aisselles.   On  a   peine  d'abord  à  concevoir 
une  pareille  existence  ;  cependant,  quand  on 
réll'chit  que  la  plupart  de  nos  besoins  sont 
factices;   (pie  la  plupart  des  maladies  qui 
nous  accabl'jnt  sont  du(!saux  soins,  aux  pré- 
cautions  dont   nous  entourons  notre  exis- 
tence, on  comprend  que  des  honnnes  soute- 
nus par  l'amour  de  Dieu,  et  voidant  se  mor- 
tifier, se  soient,    par  degrés,  habitués,  assu- 
j'»ltis  à  une  existence  aussi  dure.   Du  reste, 
l'homme  qui  connaît  l'histoire  de  la  race  hu- 
maine s.iit  (pj'il  y  a,  non  pas  seulement  (juel- 
qiies     existenctîs    (îxtrjiordinaires ,    comme 
celles-lh,  p.irnn  les  saints,  mais(jij'il  est  des 
peuples  enti(!rs  (pii  vivent  d;uis  des  condi- 
tions à  |>«-u  près  sfMnblables.  Pour  eux,  c'est 
la  vie  ftormale.  L'h.ibit.'Mil  de  la  Ternt-de-Feu, 
Je  Sarnoyèle,    le  Ynknte,   h;   (îroc-nlandais, 
p'oiil  pas  une  vie  niaif'riellcni'iit  plus  heu- 


reuse que  les  solitaires  ;  quelques-uns,  exis- 
tant dans  des  grottes  taillées  d;ms  la  glace, 
couchant  sur  de  la  mousse  ou  sur  une  peau 
de  bète,  ne  vivant  que  de  chairs  de  poissons 
corrompus  et  d  huile  rance,  sont  de  vérita- 
bles })liénomènes  pour  des  hommes  comme 
nous,  habitués  à  toutes  les  délicatesses  d'une 
vie  heureuse  et  recherchée.  Le  mérite  des 
saints  qui,  comme  saint  Etienne,  adoptent 
une  pareille  vie,  n'est  pas  ])récisément  de  la 
supporter:  l'espèce  humaine  en  est  capable; 
c'est  une  existence  commune  cà  plusieurs  mil- 
lions de  nos  semblables  ;  mais  c'est  de  s'y 
soumeltre  après  avoir  vécu  dans  le  monde  ; 
c'est  d'arriver  à  la  privation  par  le  rei.>once- 
menl.  Avoir  connu  les  besoins  factices  de  la 
vie,  ses  exigences,  ses  délicatesses,  et  y  re- 
noncer pour  adopter  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus 
dur  et  de  plus  âpre,  c'est  là  qu'est  la  gloire, 
c'est  là  qu'est  la  sanctification.  Etienne,  dans 
sa  cellule,  n'ignorait  pas  la  vie  douce  qu'on 
menait  dans  les  palais  à  Constantinople,  ou 
même  dans  les  tJemeures  plus  humbles  des 
particuliers;  tandis  que  le  Groënlandais,  par 
exemple,  ne  conçoit  rien  au-dessus  de  la  vie 
qu'il  mène.  Il  a,  croit-il,  en  bien-être,  en 
jouissances,  tout  ce  que  l'humanité  peut  réa- 
liser. 

Constantin  Copronyme  régnait  alors.  Il 
continuait  contre  les  catholiques  la  persécu- 
tion commencée  par  son  père.  Il  ne  voulait 
pas  souffrir  le  culte  des  saintes  images.  Pas 
de  milieu  près  de  ce  prince  hérétique.  11  fal- 
lait être  persécuté,  martyr  ou  apostat.  Ayant 
entendu  parler  de  l'éminente  sainteté  du  so- 
litaire de  Saint-Auxence,  il  envoya  vers  lui 
un  patrice ,  nommé  Calliste,  un  des  plus 
instruits  dans  son  hérésie,  et  le  chargea  de 
lui  porter  les  décisions  prises  et  I:>  formule 
de  foi  souscrite  par  le  concile  qu'il  avait  as- 
semblé i)aimi  les  héréticiues.  Il  voulut  aussi 
employer  la  séduction.  Il  voulut  que  Calliste 
fût  non-soulement  un  argumentaleur,  mais 
encore  un  tentatem-.  11  le  chargea  d'offrir,  de 
sa  [)art,  au  saint  des  figues,  des  dattes  et 
quelque  autre  nourriture  convenable  h  sa 
j)rof'ession.  S'il  lui  eût  envoyé  de  riches  pré- 
sents, des  objets  d'art  ou  de  luxe,  des  tapis, 
par  exemple,  de  riches  étoffes,  de  Tor,  de 
l'argent;  (ju'eût  fait  de  tout  cela  le  s;iint?  Il 
avait,  depuis  longttnnps,  déshabiiué  son 
corps  de  la  moll  sse  et  du  luxe.  Non,  [;our 
lui  {)lus  de  tentrtions  de  sensualités  luxueu- 
ses, plus  de  désirs  convoitant  les  lichesses 
ou  les  choses  de  prix  !  Que  faut-il  au  saint 
homme?  quehiues  dattes,  quel(|ucs  ligues. 
11  les  gagne  péniblement  au  travail;  pour- 
quoi ne  les  recevrait-il  pas  de  l'empereur? 
c'est  si  peu  de  chose.  N'importe,  s'il  reçoil, 
il  sera  l'obligé  de  cdui  t^ui  donne.  Il  y  avait 
adresse  dans  cette  tacti(pie.  Elieinie  refu.sa 
les  dons  de  l'empereur,  et,  quant  aux  choses 
d(!  foi,  il  dit  à  son  envoyé  :  <(  Je  ne  veux  pas 
souscrire  à  la  délinilioti  du  concile,  elle  est 
liéri'liipie.  Je  n'altirerai  pas  sur  moi  la  malé- 
diction d'en  haut.  Je  suis  prêt  à  mon.rir  pour 
l'adoiation  (les  saintes  iiiia;-;es,  sans  me.  sou- 
ciei-  (le  l'empereur  hérésianpie  qui  a  os  '  hvs 
rejeter.  Vos  cadeaux,  rempurtcis-les  ;  l'huilo 


909 


ETI 


KTl 


910 


du  p«5clieur  \\o.  parfiiniora  pas-  ma  (('^to.  » 
L'cmporcur.instiiiil  decotto  rrpOMso,  oiivova 
des  soldats  avec  ordre  d'arraclior  Kliciiiio  dci 
sa  lotrailo,  et  de  lo  lui  aiiicncr.  Arrivés  à  sa 
colliilv-,  ils  on  lirèreiil  lo  saint  lioiniiio  ;  mais 
ils  luroiit  obligés  ils  lo  j)Ortor.  Ses  jainhcs 
s'étaioHl  pliôes  dans  ce  trou,  il  no  pouvait  ni 
les  dresser,  ni  |)res(pi(î  les  r(nnuer.  l.os  sol- 
dats en  lurent  toneliés  do  eouiitassion.  Ils  lo 
portèrent  avec  inlinimenl  do  précautiiiiis  et 
d'ég'»''^''^' J'i-'^T^'^'i  cimetière  (Ju  monastère, 
où  ds  l'enrermèrent  avec  les  moines,  atten- 
dant les  ordres  do  l'empercnr.  Quoif^ue  lo 
saint  eût  remis  le  gouvernement  du  couvent 
aux  mains  d'un  autre,  il  était  toujours  consi- 
déré comme  abbé.  C'était  un  coadjuteur  (pi'il 
avait  pris,  [)lutùl  tpi'un  véri:al)lc  rempl ',çant. 
Saint  Etieiuie  et  ses  moines  lurent  ainsi,  dit 
riiistoire,  renfermés,  sans  boire  ni  mang(!r, 
durant  six  jours.  Le  septième,  i'emi)Oi'eur 
envoya  nn  oflicier,  qui  lit  remetti-c  le  saint 
dans  sa  cellule.  11  partait  pour  la  guerre  con- 
tre les  Bulgares,  et  remettait  à  plus  tard  à 
s'occuper  de  cette  airairo.  Calliste,  vexé  de 
n'avoir  pu  gagner  le  saint  et  réussir  dans  la 
négociation  qu'il  avait  entreprise,  gagna,  à 
prix  d'argent,  un  des  moines  du  Mont- 
Auxcnce,  nommé  Sergius,  lequel,  de  concert 
avec  Aulicalume,  intendant  des  tributs  du 
golfe  de  Nicomédie,  rédigea  un  libelle  qu'il 
adressa  à  l'empereur  contre  saint  Etienne. 
«  Premièrement,  disait-il,  il  vous  a  anathé- 
matisé  comme  hérétique  ;  secondement,  il  a 
séduit  une  femme  noble,  qu'il  tient  dans  le 
monastère  d'en  bas,  et  cjui  monte,  la  nuit,  à 
sa  cellule  pour  leur  infâme  commerce.  » 
Cette  femme  qu'on  accusait  ainsi,  c'était 
Anne,  de  qui  nous  avons  parlé  au  commen- 
cement de  cet  article.  {Votj.  IcoNOCLàSTES, 
Anne.)  L'empereur  envoya  l'ordre  à  Antès, 
son  lieutenant  à  Constantinople,  de  lui  ame- 
ner Anne.  Il  la  tourmenta  horriblement,  la 
fit  battre  avec  une  cruauté  inouïe,  et  la  jeta 
dans  un  monastère.  Depuis,  on  n'entendit 
plus  parler  d'elle.  Il  fallait  un  prétexte  pour 
perdre  Etienne;  car  Anne  avait,  par  son  cou- 
rage, ses  énergiques  protestations,  déjoué  la 
calomnie.  L'empereur  fit  venir  un  jeune 
homme  nommé  Georges  Synclète,  et  lui  de- 
manda s'il  l'aimait  assez  pour  donner  jusqu'à 
sa  vie  pour  lui.  Georges  lui  en  fit  le  serment. 
L'empereur  l'embrassa  et  lui  dit:  «  Partez 
pour  le  Mont-Saint-Auxence;  tâchez  de  vous 
faire  admettre  par  Etienne  au  nombre  de  ses 
moines;  faites  profession, prenez  l'habit  reli- 
gieux et  revenez  ensuite  me  trouver.»  Geor- 
ges exécuta  ce  qu'on  lui  commandait.  La 
nuit,  il  vint  sur  la  montagne,  se  cacha  dans 
les  broussailles,  et  sur  le  midi  vint  frapper 
à  la  porte  du  monastère.  Il  dit  qu'il  éiait 
égaré,  qu'il  craignait  d'èire  dévoré  par  l:'s 
bétes  féroces  ou  de  tomber  dans  les  préci- 
pices. Etienne  donna  l'ordre  à  Marin  de  le 
faire  entrer.  L'abbé  le  reconnut  pour  être 
de  la  cour,  à  son  habit  et  à  son  visage  com- 
plètement rasé.  Georges  l'avoua,  et,  dit-il, 
l'empereur  nous  a  tous  fait  judaiser.  Enfin, 
j'ai  eu  le  bonheur  de  sortir  de  cette  erreur, 
t-'t  I)ieu  m'a  coiiduit  vers  vous.  Ne  aie  refuse;^ 


pas,  mon  père,  et  daignez  me  donner  le  saint 
îiabit. — Je  ne  le  puis,  dit  l^iienne,  à  cause  de 
ladéi'onsede  l'empereur,  et  parcfujiifje  crains 
qu'il  ne  vous  retire  violemnuMit  d'ici,  au  pé- 
ril de  votre  âm(î.  Georges  lui  dit  :  «  Vous 
ré|)ondre'.  à  Dieu  do  moi,  si  vous  refusez.  » 
11  1<^  pressa  tant,  que  le  vénérable  abbé  céda 
enlin  et  lui  donna  l'habit  de  probation.  Au 
bout  d(!  (|uel([ue  temps,  l'empereur  assem- 
bla tout  le  peuple  dans  l'hippodrome.  So 
tenant  sur  les  degrés  :  «  Je  ne  f)uis  vivre, 
dit-il,  avec  ces  ennemis  do  Dieu  qu'on  n'ose 
pas  nommer.  »  11  voulait  [larler  des  moines, 
qu'il  détestait  souverainement  et  qu'il  per- 
sécutait avec  violence.  Le  |)euplo  s'écria  : 
«  Seigneur,  il  ne  reste  })lus  de  traces  de 
leur  h;ibit  parmi  nous,  —  Leurs  insultes,  dit 
rein|)ereur,  se  renouvellent  sans  cesse.  Ils 
séduisent  tous  ceux  (jui  m'entourent ,  jus- 
qu'à Georges  Synclète,  qu'ils  m'ont  arraché 
pour  lo  faire  moine.  Esi>érons  et  prions, 
Dieu  me  le  rendra  peut-être.  »  Après  que 
Georges  eut  porté  trois  jours  le  petit  habit, 
Etienne  le  fit  raser,  lui  fit  une  grande  exhor- 
tation, et  lui  donna  l'habit  monastique  ; 
mais  au  bout  de  trois  jours,  cet  Imposteur 
quitta  le  couvent  et  revint  à  la  cour. 

Dès  le  lendemain  ,  l'empereur  convoqua 
une  assemblée  de  tout  le  peuple  à  l'hippo- 
drome. La  foule  y  fut  immense.  Georges  y 
parut  en  habit  de  moine.  Le  peuple  criait  : 
Malheur  au  méchant,  qu'il  meure  I  En  criant 
ainsi,  la  populace  entendait  parler  d'Etienne. 
L'empereur  fit  quitter  àGeorgesles  différentes 
parties  de  l'habit  monastique,  et  les  jeta  au 
peuple,  qui  les  traita  avec  dérision  et  leur 
prodigua  toutes  ces  injures  que  toujours  la 
populace  tient  au  service  des  passions  mau- 
vaises, contre  tout  ce  qui  est  saint  et  véné- 
rable. Georges  fut  étendu  tout  nu  par  terre , 
on  lui  fit  jeter  de  l'eau  sur  la  têle  comme 
pour  lui  enlever,  par  ces  ablutions,  les 
souillures  dont  il  s'était  entaché  en  prenant 
l'habit  monastique.  Cette  comédie  finit  par 
une  accolade  que  lui  donna  l'empereur  en 
le  revêtant  de  l'habit  militaire  et  en  le  décla- 
rant son  écuyer.  Aussitôt  l'empereur  envoya 
au  Mont-Saint-Auxence  une  foule  de  gens 
armés,  qui  dispersèrent  les  moines,  brûlèrent 
l'église  et  tout  le  monastère.  Etienne  fut 
amené  au  monastère  de  Philippique,  près  de 
Chrysopolis ,  où  on  l'enferma.  L'empereur 
publia  défense  expresse  d'approcher  du  mont 
Saint-Auxence.  Ces  faits  avaient  lieu  en  761. 
Bientôt  il  fit  venir  cinq  évêques,  les  prin- 
cipaux parmi  les  iconoclastes  :  Théodose 
d'Eplièse,  Constantin  de  Nicomédie,  Constan- 
tin de  Nacolie  ,  Sisinnius  Pastile  et  Basile 
Tricacube,  avec  le  patrice  Calliste,  Combo- 
conon,  premier  secrétaire,  un  ofiicier  nommé 
Masare,  et  les  envoya  à  Constantin,  patriarche 
de  Constantinople,  pour  qu'ils  allassent  tous 
ensemble  au  monastère  de  Chrysopolis.  Le 
patriarche,  qui  connaissait  la  vei  tu  et  le  savoir 
d'Etienne ,  refusa  d'y  aller.  Les  autres  s'y 
reuuirent,  portant  avec  eux  la  définition  de 
leur  concile,  et  mandèrent  saint  Etienne  qui 
vint  soutenu  par  deux  hommes.  Il  avait  les 
fers  aus  pieds.  Théodo^fi  dXphèsa  lui  dit  f 


911 


ET! 


ETI 


01-2 


«  Hoinnii'  (It*  Dieu,  rommenl  pouvez-vous 
nous  traiter  tous  d'hérétiques  et  croire  en 
savoir  plus  que  les  évéques ,  les  arche- 
vêques et  les  empereurs,  plus  que  tous  les 
chrétiens?  »  Etienne  réjiondit  :  «  Souvenez- 
vous  de  ce  que  le  prophète  Elie  dit  h  Achab  : 
Ce  n'est  pas  moi  qui  cause  ce  trouble  ,  tnais 
vous  et  la  iiiaison  de  votre  prre.  C'est  vous 
qui    avez    iniroduit    une    nouveauté    dans 

I  Eglise.  »  Alors  Constantin  de  Nicoaiédie  , 
qui  était  un  jeune  homme  de  trente  ans,  se 
leva  pour  donner  un  coup  de  pied  au  saint 

,  abbé;  un  des  gardes  le  prévint  et  donna  un 
coup  de  ])ied  au  saint  honnne  dans  le  ventre 
comme  pour  le  faire  lever.  Les  sénateurs 
Calliste  et  Coraboconon  arrêtèrent  Cons- 
tantin et  dirent  à  saint  Etienne  :  «  Choisissez, 
ou  de  souscrire  à  la  détinition  du  concile,  ou 
de  mourir  comme  rebelle  à  la  loi  des  Pères 
et  des  empereurs.  —  Ma  vie  est  à  Jésus- 
Christ,  répondit  saint  Etienne,  je  mettrai  ma 
gloire  et  mon  bonheur  à  mourir  pour  sa 
sainte  image.  Cependant  lisez-moi  la  défini- 
tion de  votre  concile,  pour  que  je  voie  ce 
qu'elle  contient  de  raisonnable  contre  les 
images.  »  Constantin  de  Nacolie  ayant  lu  le 
titre  :  Définition  du  saint  concile  septième 
œcuménique,  saint  Etienne  lui  fit  signe  de  la 
main  de  s'arrêter.  «  Comment,  lui  dit-il , 
peut-on  nommer  saint  un  concile  qui  a 
profané  les  choses  saintes?  L'un  des  vôtres, 
un  évêque,  n'a-t-il  pas  été  dans  votre  concile 
accusé  par  des  gens  de  bien,  d'avoir  foulé 
aux  |)ieds  la  patène  destinée  au  saint  sacrifice, 
parce  qu'on  voyait  dessus  les  images  de  Jé- 
sus-Christ et  de  sa  Mère?  \'ous  l'avez  laissé 
en  fonctions,  vous  avez  dit  anathème  à  ses 
accusateurs,  les  traitant  de  défenseurs  des 
idoles.  N'avez-vous  pas  ôté  le  titre  de  saints 
aux  apôtres,  aux  martyrs,  les  traitant  tout 
simplement  d'apôtres  et  de  martyrs.  Et  ce 
concile,  comment  peut-il  être  œcuménique, 
n'étant  pas  approuvé  du  pape  de  Rome , 
quoiqu'il  y  ait  un  canon  qui  défende  de 
régler   sans  lui  les  alfaires  ecclésiastiques? 

II  n'a  été  approuvé  ni  par  le  patriarche 
d'Alexandrie,  ni  par  celui  d'Antioche,  ni  par 
celui  de  Jérusalem.  Puis  vous  le  nommez 
septième  concile,  lui  qui  ne  s'accorde  pas 
avec  les  six  précédents.  »  Basile  lui  dit  : 
«  VA  en  quoi  avons-nous  dilleré  des  six 
précédents  ?  —  Les  six  précédents  ,  dit 
Etienne,  n'ont-ils  pas  été  assemblés  dans  des 
églises,  et  dans  ces  églises  n'y  avait-il  pas 
des  images  reçues  et  adorées  par  les  Pères?  » 
Basile  en  convint.  Alors,  levant  les  yeux  au 
ciel  et  étendant  les  mains,  Eliernie  dit  : 
«  Quiconque  n'adore  pas  Notrfs-Seigneur 
Jésus-(^hrist,  renfermé  dans  son  image  sui- 
vant riiuiiianilé  ,  qu'il  soit  anathème!  »  Il 
eût  continué,  mais  les  commissaires  le  firent 
renfermer  et  revinrent  h  Coiistantinople.  Ils 
voulaient  dissimuler  leur  dé'aite;  mais  Cal- 
list(;  (jiii  voulait  (.'\pliquer  ou  plutôt  faire 
comprendre  coumuMil  lui-même  n'avait  pas 
réussi  dans  sa  pieujiè/'c  mission,  dit  h  l'em- 
f)ereur  :  «  Seigneur,  ikjus  sounnes  vaincus: 
cet  homme  est  fort  en  raisons  (;l  mé[)ris(!  la 
i>jort.  »   L'empereur  rendit  immêuialement 


une  sentence  qui  exilait  saint  Eiienne  dans 
l'île  de  Proconèse  dans  l'Hellespont. 

On  dit  (|ue  durant  dix-sept  jours  passés  à 
Chrysopolis,  saint  Etienne  ne  prit  aucune 
nourriture,  cpioique  l'empereur  lui  en  eût 
envoyé  abondan)ment.  11  ne  voulait  rien  re- 
cevoir d'un  exconnnunié.  Avant  de  quitter 
ce  couvent,  il  guérit  le  supérieur  que  les 
médecins  avaient  abandonné.  A  Proconèse, 
il  se  logea  dans  une  assez  jolie  caverne  qu'il 
trouva  sur  la  côte,  dans  un  lieu  désert,  près 
d'une  église  de  sainte  Anne.  Il  se  nourrissait 
des  heibes  (ju'il  pouvait  trouver.  Presque 
tous  ses  moines  vinrent  le  trouver  à  Proco- 
nèse, où  ils  fondèrent  un  nouveau  monastère. 
Sa  mère  et  sa  sa^ur,  quittant  le  lieu  où  elles 
s'étaient  retirées ,  vinrent  le  trouver  dans 
son  île.  Mais  bientôt  le  saint,  trouvant  sa 
caverne  trop  agréable,  se  fit  faire  une  cage 
en  fer  sous  forme  de  colonne  dans  laquelle 
il  était  fort  à  l'étroit.  Il  était  alors  âgé  de 
quarante-trois  ans.  On  était  en  l'an  de  Jé- 
sus-Christ 703.  Dans  son  île,  saint  Etienne 
faisait  beaucoup  de  miracles.  Il  guérit  un 
aveugle,  un  démoniaque  et  un  soldat  perclus. 
Il  faisait  aussi  des  instructions  au  peuple. 

L'empereur,  ayant  été  instruit  de  tout  cela, 
fit  ramener  saint  Etienne  à  Constantinople , 
disant  que,  même  dans  son  exil,  il  ne  cessait 
de  prêcher  l'idolâtrie.  Il  le  fit  mettre,  avec  les 
fers  aux  pieds  et  aux  mains,  dans  la  prison 
du  palais.  Quelques  jours  après  il  le  fit  venir 
sur  la  terrasse  du  palais,  et  l'interrogea  lui- 
même.  Le  saint,  en  allant  à  cette  conférence, 
prit  une  pièce  de  monnaie  à  l'elfigie  de  l'em- 
pereur. «  A^'oyez  pourtant,  dit  le  prince  en 
l'abordant,  aux  deux  ofiiciers  qui  l'accom- 
pagnaient, quel  homme  me  charge  de  calom- 
nies 1  »  Le  saint  regardait  la  terre  et  ne  ré- 
pondait pas.  «  Tune  réponds  pas,  misérable  I  » 
lui  dit  l'empereur.  Saint  Etienne  lui  dit  : 
«  Seigneur,  si  vous  êtes  résolu  à  me  con- 
damner, envoyez-moi  au  supplice  :  si  vous 
voulez  m'interroger,  modérez  votre  colère, 
afin  d'être  un  juge  équitable.  —  Dis-moi,  lui 
dit  l'empereur,  quels  décrets  ou  quels  pré- 
ceptes des  Pères  avons-nous  méprisés  pour 
que  tu  prennes  le  droit  de  nous  traiter  d'hé- 
rétiques. —  C'est,  dit  saint  Etienne,  parce 
que  vous  avez  ôté  des  églises  les  images  que 
les  Pères  ont  reçues  et  adorées  de  tous  temps. 

—  Impie,  ne  les  nomme  pas,  dit  remf)ereur, 
ce  sont  des  idoles.  —  Seigneur,  reprit  saint 
Etienne,  ce  n'est  pas  la  matière  que  les  chré- 
tiens adorent  dans  les  images;  nous  adorons 
le  nom  de  ce  que  nous  voyons,  remontant 
par  la  iieusée  aux  originaux.  —  Esprit  bouché, 
dit  l'empereur,  est-ce  qu'en  foulant  aux  pieds 
des  images,  nous  foulons  au\  j)ieds  Jésus- 
Christ?»  Alors  Etienne,  prenant  la  pièce  de 
monnaie  qu'il  avait  apportée,  dit  à  l'empereur  : 
«  Seigneur,  de  (pii  est  cette  image,  de  (pii  est 
celte  inscription?  —  C'est  la  mienne,  dit 
l'empereur  et  celle  de  mon  fils  Léon.  — 
Serai-ji;  donc  puni  si  je  la  foiihî  aux  pieds? 

—  Ceilainemenl  ,  puisipi'elh^  porte  l'imago 
des  empereurs  invincibles.  »  Le  saint  repar- 
tit :  «  Quel  sera  donc  le  supplice  de  celui 
qui  fouu'  aux  pieds  le  nom  do  Jésus-Christ 


OiS  ETl 

et  (Je  sa  Mt^io,  dans  leurs  images?  »  Alors  il 
jeta  la  [liùce  de  monnaie  et  marcha  dessus. 
Ceux  qui  a(:ium[)agnaient  l'empereur  se  je- 
tèrent sur  lui  cDinuK;  des  botes  tero(!es,  vou- 
lant le  précipiter  de  la  terrasse  en  bas  ;  ce 
fut  l'empereur  (jui  les  en  empêcha  et  qui 
envoya  le  saint,  lii^  par  le  cou  et  les  mains 
attacliécs  derrière  le  dos,  h  la  prison  nommée 
le  Prétoire,  pour  le  faire  juger  selon  les  lois, 
comme  ayant  foulé  aux  pieds  l'image  de  l'em- 
pereur. Le  saint  n'avait  ()as  voulu  autre 
chose  (lue  le  faire  tomber  dans  celte  contra- 
diction. 

Saint  Etienne,  dans  sa  prison  ,  fut  soigné 
par  la  fennne  d'un  des  guicheliers  ([ui  était 
catholicpie  et  qui  adorait  les  saintes  images. 
Instruit  par  révélation  que  sa  mort  était  [)ro- 
chaine,  il  lit  venir  cette  fennne  qui  le  nour- 
rissait, et  lui  dit  :  «  Je  veux  passer  ((uarante 
jours  dans  l'abstinence,  cessez  de  m'apporter 
du  pain  et  de  l'eau,  car  je  sais  que  ma  vie 
Unira  bient(')t.  »Le  trente-huitième  jour  il  latit 
revenir  et  luidit  devant  Icsautres  prisonniers, 
qui  la  plupart  étaient  des  moines  :  «  Venez, 
femme  bénie,  Dieu  vous  rende  au  centu- 
ple le  bien  que  vous  m'avez  fait.  »  Et  lui 
rendant  des  images  fju'elle  lui  avait  prêtées  : 
«  Reprenez-les,  dit-il,  qu'elles  vous  servent 
de  protection  durant  votre  vie,  et  de  gage  de 
votre  foi.  Demain,  dit-il,  je  partirai  d'ici 
pour  aller  à  un  autre  monde  et  à  un  autre 
juge.  » 

Constantin,  durant  ce  temps-là  ,  célébrait 
la  fête  de  Bacchus  en  jouant  de  la  lyre  et  en 
faisant  des  libations.  Quelqu'un  vint  lui  dire 
que   le   chef  des  abominables,   c'est-à-dire 
Etienne,  avait  transformé  la  prison  du  Pré- 
toire en  monastère,  et  qu'on  ne  cessait  d'y 
chanter  des  cantiques,  et  d'y  adorer  les  ima- 
ges. Outré  de  colère,  l'empereur  appela  un 
officier  de   ses  g.irdes,  et  lui  commanda  de 
mener  le  saint  hors  de  la  ville,  de  l'autre 
c(jté  de  la  mer,  au  lieu  où  avait  été  l'église  de 
sainte  Maure,  qu'il  avait  fait  abattre  et  dont 
il  avait  fait  la  place  des  exécutions  à  mort. 
Un  de  ses  courtisans  lui  disant  :  «  Voilà  que 
je  viens  de  rencontrer  l'ennemi  de  la  vérité, 
Etienne  d'Auxence ,  que   l'on  menait  pour 
être  puni  par  le  glaive.  »  L'empereur  dit  : 
«  Que  peut-il  y  avoir  de  plus  doux   pour 
Etienne  que  de  mourir  ainsi,  que  d'avoir  la 
tête  coupée?  Il  l'a  désiré  dès  qu'il  a  été  ar- 
rêté. »  Alors  il  commanda   qu'on  ramenât 
Etienne  en  prison.  Il  lit  venir  deux  frères 
qui  étaient  parmi  ses  officiers  et  les  envoya 
à  Etienne ,  pour  lui  dire  de  sa  part  :  «  3e 
vous  ai   tiré  des   portes  de  la  mort,   vous 
voyez  combien  j'ai  soin  de  vous,  ayez  quel- 
que complaisance  pour  moi.  Je  sais,  ajouta- 
t-il,  sa  dureté,  il  refusera;  alors  donnez-lui 
tant  de  coups  sur  le  visage  et  sur  le  dos,  qu'il 
expire  quand  vous  sortirez.  »  Ces  deux  en- 
voyés dirent  bien  au  saint  homme  de  quelle 
commission  ils  étaient  chargés;  mais,  voyant 
qu'il  persistait  et  qu'il   n'en  était  que  plus 
ferme  dans  sa  foi,  ils  lui  baisèrent  les  pieds 
et  reçurent  sa  bénédiction.  Quand  ils  revin- 
rent, ils  dirent  à  l'empereur  :  «  Nous  l'avons 
déchiré  de  coups,  et  certes  il  ne  vivra  pas 


ETl 


91A 


jus(|u'à   demain.  »  L'emperenr  (Il  un   grand 
éclat  de  rire  et  continua  son  orgie. 

Le   lendemain,  saint  Etienne  dit  adieu  à 
ses  moines,  et  se  lit  ('')t(M-  h^  srai)ulaire  ,  l'é- 
(îharpe  et  la  ceinture.  Il  voulait  aussi  (initier 
lacuculle;  mais  ils  lui  lirenl  observer  qu'il 
devait  mourir  avec  l'hahit  de  son  ordre  reli- 
gieux. Il  répondit  :  «  D'ordinaire,  ce\ix  qui 
vont  au  combat  se  dépouillent;  d'ailleurs  il 
ne  faut  pas  (lue  ce  saint  vêlement  soit  dés- 
honoré par  les  insolences  de  la  popula(:e.  » 
Il  ne  garda  (lue  sa  tunique  de  peau.    L'em- 
])ereur,  ayant  su  que  ses  deux  envoyés  l'a- 
vaient trompé,  se  leva  et  courut  dans  tout 
le  palais  conmie  un  furieux.  11  criait  que  tout 
le  monde  l'abandonnait,  le  trahissait.  Quan(l 
ses  courtisans  vinrent  pour  manger  avec  lui 
et  pour  continuer  la  fête,  il  leur  dit  :  «  Je  ne 
suis  plus   votre    empereur ,  vous  en   avez 
maintenant  un  autre,  de  qui  vous  baisez  les 
pieds  et  qui  vous  fait  exécuter  ses  volontés. 
Vous  lui  demandez  sa  bénédiction.  Personne 
ne  veut  prendre  mon  parti  pour  le  faire  mou- 
rir et  me  mettre  en  repos.  »  Comme  ils  lui 
demandaient  quel  était  cet  empereur:  «  C'est, 
leur  dit-il,  Etienne  d'Auxence ,  le  chef  des 
abominables.  »  Aussitôt  qu'il  l'eut  nommé, 
cette  troupe  en  fureur  sortit,  faisant  un  ef- 
froyable vacarme  et  se  rendit  à  la  prison 
en  vociférant    :    «    Donnez -nous    Etienne 
d'Auxence,  »  criaient-ils  aux  gardiens.  Alors 
le  saint  s'avançant   :  «  Je  suis,  leur  dit-il, 
celui  que  vous'  cherchez.   »   Aussitôt  ils  le 
terrassèrent,  et  lui  attachant  des  cordes  aux 
fers  qu'il  avait  aux  pieds,  ils  le  traînèrent  par 
la  rue,  lui  frappant  la  tôle  à  coups  de  pieds, 
de  pierres  et  de  bâtons.  En  sortant,  à  la  pre- 
mière porte  du  Prétoire,  dans  l'oratoire  de 
Saint-Théodore,  il  s'appuya  les  mains  contre 
terre,  et  levant  la  tête,  il  tourna  les  yeux  au 
ciel  pour  saluer  le  saint  martyr.  L'un  de  ses 
bourreaux,  nommé  Philomate,  dit  :  «  Voyez 
cet  abominable  qui  veut  mourir  comme  un 
martyr.  »  Il  courut  prendre  un  grand  piston 
de  bois  à  des  pompes  à  incendie  qui  étaient 
là,  et  en  frappant  le  saint  sur  la  tête ,  il  le  tua 
du  coup.  Mais,  disent  les  Actes,  Philomate 
tomba    sur-le-champ ,   grinçant    des    dents 
et  s'agitant  avec  fureur.  C'était  le   démon 
qui  s'emparait  de  lui  et  qui  le  tint  jusqu'à 
sa  mort.  On  traîna  le  corps  par  les  rues,  de 
sorte  qu'au  bout  de  quelque  temps  les  chairs 
s'en  allaient  en  lambeaux.  On  lui  écrasa  le 
ventre  avec  une  grosse  pierre,  de  sorte  que 
les  intestins  sortaient  et  traînaient  partout 
sur  la  voie  publique.  On  le  frappait,  quoi- 
que mort ,  avec  acharnement  et  fureur  :  les 
femmes  surtout  montraient  une  rage  indici- 
ble. On  faisait  sortir  les  enfants  des  écoles  , 
par  ordre  de  l'empereur,  pour  lui  courir  sus 
avec  des  pierres.  Si  sur  son  passage  quel- 
qu'un refusait  de  le  faire,  immédiatement 
il  était  signalé  comme  ennemi  de  l'empereur. 
A  la  place  du  Bœuf,  quand  l'affreux  cortège 
passa,  un  cabarelier  occu;  é  à  faire  frire  du 
poisson,  croyant  le  saint  encore  vivant ,  ou 
bien  voulant  aussi, lui,  mutiler  ce  corps  déjà 
il  pitoyablement  traité ,   lui  déchargea  un 
coup  de  tison  sur  la  tête.  La  boite  <lu  crâne 


915 


ETI 


ETI 


£1^6 


fut  brisée  en  arrière  et  la  cervelle  sortit,  tin 
ralhnlique  qui  suivait  ,  taisant  semblant  de 
tomber,  ramassa  cette  cervelle,  Tenveloppa 
dans  son  mouchoir  et  continua  de  suivre 
pourvoiroùFon  jetterait  le  corps.  Quand  celte 
infAme  populace  fut  ari-ivée  au  monastère 
où  était  la  sœur  du  saint,  elle  voulut  la  faire 
sortir  et  la  forcer  à  le  lapider  aussi.  Mais 
elle  s'était  renfermée  dans  un  tombeau 
obscur,  et  ils  ne  purent  la  trouver.  Enlin  ils 
ietèrenl  le  corps  dans  la  fosse  où  avait  été 
l'église  de  saint  Pelage,  martyr,  et  dont  les 
empereurs  avaient  fait  la  sépulture  des  cri- 
minels et  des  païens.  Quand  ils  eurent  fini, 
ceux;  des  courtisans  de  l'emporeur  qui  s'é- 
taient distingués  dans  cet  exploit  d"atrocité, 
allèrent  le  lui  raconter.  11  se  mit  à  table  avec 
eux,  et  il  éclatait  de  rire  pendant  qu'on  lui 
narrait  les  circonstances  de  cette  mort. 

Saint  Etienne  fut  mis  à  mort  le  28  novem- 
bre 767,  dans  la  cinquai.te-troisième  année 
de  son  ûge.  Théodore  porta  sa  ccrvillc  et  une 
partie  de  son  crAne  au  monastère  de  Dius. 
L'abbé  les  cacha  précieusement  dans  l'église. 
L'Hglise  fait  la  fêle  de  saint  Etienne  le  'ii  no- 
vembre, jour  de  sa  mort. 

ETIENNE  (saini),  soutfrit  la  mort  en  l'hon- 
■neur  de  Jésus-Christ,  à  Burgos,  en  Esj»agne. 
Il  était  abbé  du  monastère  de  Saint-Pierre 
de  Gardegna,  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  et 
fut  massacré  par  les  Sarrasins,  avec  deux 
cents  de  ses  saints  religieux.  Les  chréliens 
les  inhumèrent  dans  le  cloître.  L'Eglise  ho- 
nore leur  mémoire  le  G  août. 

ETIENNE  (saint).  Hongrois,  frère  mineur, 
fut  tué  avec  saiiit  Conrad,  Saxon,  appar- 
tenant au  môme  ordre,  dans  l'année  1287, 
près  des  portes  Caspiennes.  Ils  étaient  par- 
tis, comme  d'habitude,  aiin  de  se  livrer  aux 
travaux  de  hmr  apostolat;  les  schismatiques, 
furieux  de  leurs  succès,  les  maltraitèrent 
avec  une  cruauté  inouïe.  Ces  deux  sainls 
combattants  succombèrent  au  milieu  des 
soutfrances,  en  prononçant  le  nom  de  Jésus. 
{Voy.  les  Clironiqucs  des  Frères  Mineurs,  t. 
II,  [).  1V8  bis.) 

ETIENNE  (saint) ,  franciscain,  na(iuit  au 
Grand-Waradin,  ville  épiscopale  de  la  haute 
Hongrie.  Il  prit  forlj(mne  l'habit  des  fran- 
ciscains, et  fut  élevé  à  la  prêtrise.  A  l'Age 
d(;  vingt-cinq  ans,  il  habit  ut  le  couvent  de 
Saint-Jean,  près  de  Serai,  capitale  d'Ouzbek, 
dans  le  Kaptchak.Peu  à  peu  sa  conduite  de- 
vint chancelante.  Renfermé  par  ses  su|)é- 
ri(;urs  poui-  une  faue,  il  épi-ouva  la  tenta- 
tion de  s'enfuir;  mais  il  se  re.:onnnanda  aux 
prières  des  religieux,  et  suruu)nla  cette 
mauvaise  j)ensée.  Quelque  temj)s  après,  on 
le  (il  parlH'  pour  le  couvent  de  Calla.  lin 
roule;,  il  trompa  la  surveillance  de  son  com- 
jtagnon  de  voyage,  et  prit  la  luile.  Il  entra 
dans  la  ville  de  Seraï,  et  dit  aux  musulmans 
qu'il  voulait  cinbrasseï'  hmr  hji.  L(;  cadi, 
enchanté  de  voir  un  prèlre,  u\\  membre 
dini  ordre  religieux  si  impoilant,  embras- 
S<'i'  l'islamisme, résfjliit  de  donm-r  unegramh; 

I'ompe  à  .s(jn  abjuration.  I.cj  hnidemaiii  était 
ojour  de  la   fête  njuhomcHane  app(dée  mf- 
fC'(A.  Ce  joui-  était  pour  le»  chrétiens  celui 


du  vendredi  saint,  cette  année-l^.  Etienne 
fut  conduit  h  la  mos(|uée.Ily  tit})\djliquemont 
son  abjuration. C(>  fut  le  cadi  ([ui  le  dé{)Ouilla 
de  son  habit  religieux.  L'apostat  le  foula 
avec  mépris  sous  ses  pieds.  A  la  place,  il  re- 
çut un  vêlement  écarlate  brodé  d'or.  Cette 
abomination  se  passait  en  présence  de   dix 
mille  personnes.  Le  cadi  répandit    le  biuit 
qu'un  grand  prêtre  des  chrétiens  venait  d'ab- 
jurer. On  accourut  de  toutes  parts  pour  voir 
Etienne,  qui,  monté  sur  un  cheval  magnifi- 
quement enliarnaché  et  précédé  de  son  habit 
religieux,  (ju'on  portail  au  bout  d'une   lon- 
gue pique,  l'ut  promené  triomphalement  par 
toute  la  ville.  Les  nmsulmans  Uiom|)haient. 
La  douleur  et  la  honte   navraient  les  chré- 
tiens, surtout  les  franciscains,  qu'on  voyait, 
les  .veux  baignés  de  larmes,  fuir  celte  loule 
qui  les  injuriait.  Le  spectacle  de  celte  déso- 
lation des  franciscains  commença  à  toucher 
le  cœur  d'Etienne.  Les  musulmans,  pour  lui 
faire  confesser  l'unité  de  Dieu,   voulaient 
qu'il  élevât  un  doigt  en  l'air.  Etienne,  pour 
niaintemir  que  le  dogme  de  la  Trinité  se  con- 
cilie avec  celui  de  l'unité  divine,  persista  à 
"élever  trois  doigls.  Au  festin  donné  en  son 
honneur,  il  ne  toucha  à  aucun  mets.  Bientôt 
on  le  conduisit  à  sa  maison,  avec  un  imam 
qui   devait  l'instruiie.  Les  religieux  de  son 
ordre  lui  écrivirent  [)lusieurs  letties  de  repro- 
ches, ([u'il  mouilla  de  ses  larmes.  Le  repen- 
tir entrait  dans  son  cœur.  11  répondit  à  l'un 
d'eux,  nonuné  ]\!ichel  :  «J'ai  poché  comme 
Judas;  mais  je  ne  me   livre  pas  comme  lui 
au  déses[)oir.  Par  la  miséricorde  de  Dieu, 
j'ai  reconniî  maf.iute,  et  je  m'en  repens.  Si 
vous  pouvez  me  cacher  sans  vous  compro- 
mettre, ni  vous  ni  les  chrétiens,  je  suis  prêt 
à  subir  une  prison  pcrpéluelle  ;  si  vous  ne 
le  pouvez  pas,  je  désire  du  moins  que  vous 
veniez  me  préparer,  par  l'administration  des 
sacrements,  h   l'épi-euve  du  martyie;    car, 
ainsi  (jue  jai  renié  Jésus-(>!irist  avec  éclat, 
je  veux  le  reconnaître  publiquement  pour 
mon  Dieu  et  mon  Sauveur.  »  Le  lendemain, 
qui  était  le  jour  de  Pâques,  un^  enirevue  eut 
lieu  dans  la  maison  tl'un  chiétien;  Pierre  de 
Bologne,  gardien,  et  plusieurs  aulies  frères, 
s'y  rendirent.  Etienne  demanda  [lardon  de 
son  Cï'ime,  avec  des  larmes  si  touchantes, 
avec  un  si  vif  repentir-, (pie  toute  l'assistance 
en  fut  énme  profondénieiit.   Il  reçut  l'abso- 
lution de  son  crime.  Ec  lendemain,  Éiienne 
se  prés(;nla  à  la  mos(]uée,  où  il  y  avait  bien 
dix  mille  assistants.    H   monta  courageuse- 
ment à  la  tribune,  et  réclama  le  silence    do 
l'audiloire  :  «  J'ai  été  chîéti(ni  durant  vingt- 
cin(|  ans,  dit-il,  j'ai  étudié  le  chiislianisme. 
11  est  la  véritable  religion,  la  seule  dans  la- 
quelle  on   puiisse  se   sauver.  Depuis    trois 
jours  que  j'ai  vécu   chez  vous  connue  apos- 
tat, je  n'ai  vu  dans  la  voire  quo  le  mensonge 
et   la   superstition.  J'ai  ac(piis  la   e(n-titudo 
(puî  Mahomet  est  un  imposteur,  un  faux  pro- 
j»hè!e.    Ma  foi   est  donc  :  cpu'    Jésus-Christ 
csi    le    vrai  Eils  de  Dieu  el    le  Sauveur  du 
monde.  Je  recoiujnis  (pu'  sa  sainte  mère  est 
vierge  ;  j'ai  en  horreur  el  j'abjure  volic  tausso 
religion.  »  Alors,  d'un  cll'oil  soudain,  déchi- 


917  ETI 

ranl  sa  robo  d'écarlate,  il  reparut  avec  l'ha- 
i)il  de  franciscain  (lu'il  avait  mis  en  dessons. 
Les  nuisnlnians  voulaient  le  nu'Itre  en  piè- 
ces. Ils  l'eussent  lait,  si  le  cadi  n'edi  pas  dit 
qu'il  devait,  pour  nn  si  grand  crime,  Hve 
réservé  pour  le  sn[)plice  du  t'eu. 

Ktienne  fut  conduit  enchaîné  chez  le  cadi, 
où  il  fut  tourmenté  jusqu'au  soir.  INu-sis- 
tant  dans  sa  constance,  il  fut  livré  au  liour- 
leau.  Après  une  ahsiinence  de  trois  joins  et 
les  tortures  déjh  endurées,  il  lui  frappé  avec 
des  sacliets  renq)lis  de  plomb  et  dv  sable.  Il 
tond)a  A  demi  mort.  Il  fut  alors  suspendu  par 
un  pied  et  par  une  main.  Aux  deux  autres 
membres  on  attacha  des  poids  forts  pesants. 
Il  resta  dans  cette  atfreuse  posilionjus(iu'au 
lendemain.  Les  Imun-eaux,  l'ayant  détaché, 
lui  permirent  de  |>i'endre  (piclquc  nourri- 
ture, que  la  fenmie  d'Ouzbek-khan  avait  en- 
voyée. Le  soir  il  fut  frappé  avec  les  mômes 
sachets.  On  le  pendit  i)ar  les  pieds,  les  jam- 
bes fortement  écartées,  et  un  poids  considé- 
rable attaché  il  la  tôte.  Le  jour  suivant,  il 
vivait  encore.  On  tenta  vainement  d'ébran- 
ler son  courage,  et  le  soir  venu,  après  l'a- 
voir fustigé  encore,  on  lui  passa  au  cou  une 
corde  avec  laquelle  on  le  suspendit.  Sous  ses 
pieds  on  alluma  un  brasier  qu'on  couvrit  de 
fumier,  aliu  que  le  saint  eûl  h  souffrir  à  la 
fois  la  douleur  produite  par  les  flammes  et 
l'étoulfti'ment  produit  par  la  fumée.  Après 
un  temps  assez  long,  les  bourreaux,  qui  le 
croyaient  mort,  le  détachèrent  et  le  jetèrent, 
comme  on  jette  un  cadavre,  dans  un  coin  de 
la  prison.  Deux  femmes  musulmanes,  ayant 
voulu  le  voir,  l'aperçurent  le  matin,  en 
prières,  environné  d'un  globe  lumineux,  et 
ayant  une  colombe  sur  chaque  épaule.  Le 
cadi,  instruit  du  prodige,  vint  s'en  assurer 
lui-même.  Il  fit  disposer  sur  la  place  pu- 
blique un  grand  bûcher,  annonçant  qu'E- 
tienne allait  y  être  consumé  tout  Vivant.  Ce- 
pendant il  se  ravisa.  Il  fit  chauffer  une  four- 
naise dans  laquelle  on  jeta  le  saint.  On  en 
ferma  l'entrée.  Le  lendemain,  quand  on  vint 
pour  chercher  les  cendres  de  son  corps,  on 
le  trouva  en  prières  et  seulement  couvert 
d'une  sueur  légère.  Le  cadi  voulait  lui  ren- 
dre la  liberté. Les  musulmans  menacèrent  de 
le  brûler  lui-même,  s'il  persistait  dans  cette 
intention.  Etienne  fut  conduit  à  la  prison  des 
condamnés.  La  nuit,  les  musulmans  s'y  ren- 
dirent en  foule  et  en  armes,  ils  brisèrent 
les  portes  et  dirent  au  saint  que  s'il  ne  re- 
nonçait à  Jésus-Christ,  il  mourrait  sur-le- 
champ.  Etienne  répondit  qu'il  était  prêtre  de 
Notre-Seigneur  Jésus -Christ,  dont  la  loi 
donnait  le  salut,  que  celle  de  Mahomet  me- 
nait à  la  perdition.  Un  des  musulm.ans  lui 
déchargea  sur  la  tôte  un  coup  de  hache,  qui 
lui  fit  une  blessure  fort  grave  ;  un  autre  lui 
donna  dans  le  ventre  un  coup  d'épée,  qui 
mit  les  entrailles  à  nu  ;  les  autres  crièrent 
qu'il  fallait  le  garder  pour  le  supplice  du 
feu.  Le  cadi  vint,  sur  ces  entrefaites,  lui  of- 
frir de  le  faire  guérir  de  ses  blessures,  de 
lui  donner  sa  fille  en  mariage  et  de  l'enri- 
chir. «  Faites  de  mon  corps  ce  qu'il  vous 
conviendra,  »  répondit  le  franciscain.  On  le 


EUB 


yi8 


condamna  à  être  brûlé  vif.  Pour  le  conduire 
au  bûcher,  on  l'attacha  à  la  (jueue  d'un  che- 
val. Dieu  montra  sa  puissance  en  permet- 
tant que  cet   honum;  si  torturé,  blessé  h   la 
tôle  et  au  ventre,   fit  voii-  une  force  extraor- 
dinaire, et  devançAl  dans  sa  course  l'animal 
qui  d(;vait  l'entrainer.  On  lui   lit  subir  une 
cruelle    Uagellalion.   L'un    d'entre    eux    lui 
cou|)a  une  oreille  et  la  jeta  dans  le  feu.  Celle 
onnlle  rejaillit  dans  le  sein  d'un  chrétien, 
qui    la  f)oi1a  au  couvent  des  Franciscains. 
Enchaîné  j)rès  du  bûcher,  Etienne  |)ria  Dieu 
de  lui  permettre  do  faire  le  signe  de  la  croix 
avant   son  suj)plice.    Aussitôt  ses   liens  se 
ronq)irent.  11  lit  le  signe  du  salut,  s'élança 
dans  le  feu,  qui  s'éteignit  au  contact  de  son 
corps.  On  apporta  du  bois  sec,  des  matières 
résineuses,  on  enduisit  le  saint  de  matières 
indammables,  et  on  lui  attacha  les  mains, 
puis  on  le  poussa  dans  un  nouveau  brasier. 
Les  liens  se  rompirent   encore,  et  de  nou- 
veau le  feu  fut  éteint,  sans  que  le  saint  en 
reçût  la  moindre  blessure.  Etienne  défia  ses 
boiuTcaux  de   le  faire  brûler  tant  qu'il  se- 
rait vivant.  Les  mahométans,  furieux,  se  je- 
tèrent sur  lui  et  le  mutilèrent,  le  frappant 
avec  des  haches,  des  épées,  des  fouets,  jus- 
qu'à ce  qu'ils  l'eussent  mis  en  lambeaux. 
Son  martyre  dura  ainsi   six  jours  entiers. 
Quand  il  fut  mort,  les  persécuteurs  brûlè- 
rent facilement  son  corps.  Les  chrétiens  re- 
cueillirent, malgré  cela,  quelques-uns  de  ses 
os,  qu'ils  conservèrent  comme  reliques,  et 
qui  devinrent  l'objet  d'une  grande  vénéra- 
tion et  opérèrent  plusieurs  miracles.  Sa  mort 
eut  lieu  le  22  avril  133i. 

ETIENNE  DE  LANICH  (le  bienheureux), 
du  vicariat  de  Corse,  partit  avec  trois  autres 
franciscains  nommés  Nicolas  de  Taulicis, 
Donat  et  Pierre  de  Narbonne,  pour  évangé- 
liser  les  infidèles.  Arrivés  à  Jérusalem,  ils 
résolurent  de  se  rendre,  un  jour  de  grande 
solennité,  dans  la  mosquée  du  temple,  afin 
d'y  prêcher  Jésus-Christ  et  d'anathématiser 
Mahomet.  Les  musulmans,  furieux  de  cette 
hardiesse,  les  battirent  cruellement  et  les  je- 
tèrent à  demi  morts  dans  un  noir  cachot,  oii 
ils  restèrent  trois  jours  sans  manger.  Au 
bout  de  ce  temps,  ayant  refusé  de  rétracter 
publiquement  leurs  paroles  insultantes  con- 
tre le  prophète,  ils  furent  massacrés  à  coups 
de  hache  et  d'épée,  le  11  novembre  1391. 
Deux  fois  les  infidèles  voulurent  brûler  les 
reliques  de  nos  bienheureux,  deux  fois  ils 
furent  obligés  d'y  renoncer.  Ils  les  enterrè- 
rent alors  secrètement,  afin  que  les  chrétiens 
ne  pussent  les  enlever.  {Chroniques  des  Frè- 
res Mineurs,  t.  III ,  pag.  16  ;  Wadding,  an. 
1391,  n"  1.) 

EUBULE  (saint),  martyr  en  Palestine,  en 
l'an  de  J.-C.  309  ,  sous  les  "successeurs  de 
Dioclétien  ,  fut  mis  à  mort  à  Césarée ,  avec 
saint  Adrien.  Tous  deux  venaient  de  Man- 
gane  dans  cette  ville  pour  y  visiter  les  con- 
fesseurs. Aux  portes,  ainsi  que  cela  se  pra- 
tiquait alors ,  on  leur  demanda  ce  qu'ils 
venaient  faire  :  ils  dirent  naïvement  la  vé- 
rité. Ils  furent  immédiatement  arrêtés  et  me- 
nés au  -gouverneur  Firmilien  qui,  d'abord, 


919 


EUD 


EllG 


m 


leur  fil  déchirer  les  côtés  avec  les  ongles  de 
fer,  et,  ensuite,  les  fit  exposer  dans  l'amphi- 
théâtre à  Ja  fureur  d'un  lion.  On  fut  obligé 
d'achever  les  saints  i\  coups  d'épée.  Eubule 
fut  le  dernier  martyr  de  cette  sanglante  per- 
sécution en  Palestine.  Elle  y  avait  duré  sept 
ans,  sous  trois  gouverneurs  :  Flavion,  Urbain 
ft  Firmilien.  La  fête  des  deux  saints  a  lieu 
le  5  mars.  {Voy.  Eusébe,  Des  martyrs  de  Pa- 
lestine.) 

EUCARPE  fsaint) ,  martyr,  souffrit  pour  la 
foi,  et  recueillit  la  glorieuse  j)alme  des  com- 
battants pour  la  foi  avec  saint  Trophime. 
Nous  n'avons  aucun  détail  dans  les  Actes  des 
martyrs  sur  le  lieu,  l'époque  et  les  circons- 
tances de  leur  combat.  L'Eglise  célèbre  leur 
glorieuse  mémoire  le  18  mars. 

EUCARPE  (saint),  martyr,  donna  son  sang 
pour  la  religion  de  Jésus-Christ ,  en  Asie  , 
avec  saint  Bardomien  et  vingt-six  autres. 
Leur  martyre  est  resté  obscur  quant  au 
détail  des  faits.  L'Eglise  fête  ces  deux  saints 
le  25  soiJterobre. 

EUDÉMON,  évéque  deSrayrn£,du  temps 
de  l'empereur  Dèce,  fut  l'une  des  malheu- 
reuses victimes  de  la  persécution  que  ce 
prince  suscita  contre  l'Eglise.  En  250,  dans 
sa  ville  épiscopale,  il  eut  l'affreux  malheur 
de  renier  Jésus-Christ ,  et  de  sacrifier  aux 
idoles.  Pendant  que  tant  de  saints  de  son 
Eglise  confessaient  généreusement  leur  foi 
ot  mouraient  pour  elle,  lui  l'évêque,  qui  de- 
vait à  tous  l'exemple  du  courage,  lui  le  suc- 
cesseur des  apôtres,  qui  devait  conduire  à 
Dieu, par  la  voie  pacifique  ou  par  la  voie  san- 
glante, le  troupeau  contié  à  sa  garde,  déser- 
tait à  la  fois  son  Dieu,  son  troupeau  et  tous 
ses  devoirs.  xVh  !  que  ceux  qui  ont  charge 
d'âmes  sont  à  plaindre  s'ils  tombent  !  La  gra- 
vité de  leur  péché  se  grandit  de  tout  ce  que 
leur  exemple  produit  de  mal  dans  ceux  dont 
ils  sont  les  chefs.  Dieu  leur  impute  non- 
seulement  leur  i)roprc  péché,  mais  encore  ce- 
lui de  ceux  qui  étaient  confiés  à  leurs  soins. 

Plusieurs  auteurs,  Tillemont  en  particu- 
lier, disent  qu(;  peut-être  Eudémon  devint 
persécuteur.  11  nous  sembh;  que  l'aflirmaiive 
est  hors  de  doute.  Quand  Polémon  et  Théo- 
[)hile  dirent  à  saint  Pione  de  se  rendre  au 
temple,  pour  obéir,  connue  avait  fait  leur 
évéque  ,  ils  ajoutèrent ,  après  le  refus  du 
saint  :  «  Rendez-vous  au  tomi)le;  Lépide  et 
Eudemon  vont  vous  interroger.  »  Quoi  !  ce 
n'était  pas  assez  d'avoir  abjuré  sa  foi ,  d'a- 
voir h  rougir  de  sa  faiblesse  devant  tous  les 
fidèles ,  il  fallait  encore  se  mettre  au  rang 
des  persécuteurs,  et  venir  interroger  ceux 
qui  restaient  fidèles  au  drapi-au  qu'on  ve- 
nait de  déserter.  Ah!  Eudémon,  (\m^\  (|ue 
soit  dans  une  Ame  l'amour  de  la  vie,  il  y  a 
de  ces  sentiments  qu'on  n'y  saurait  étoulfer. 
Quand  vous,  révè(pie,  le  supérieur  de  PitHie, 
hier  encore  pour  lui  h;  représentant  de  l'au- 
torité divine,  veniez  bji  demander,  lui  con- 
seiller, lui  oniomier  l'apostasie,  il  devait  s(> 
p.'isser  dans  votic;  cu^'ur  des  choses  étranges; 
coiriiiKîMl  la  honte  ne  bouillonnait-elle  pas  à 
llf)ts  dans  votre  Ame?  Coiiiiiieiit  ne  v(Miail-ell(! 
J).is  \oiii|    vitlrc  vis.ij^e,  éloiillfT  votre  \oi\  ? 


Comment  pouviez-vousle  regarder  en  face.  La 
vieobteiuieau])rixd'une  telle  position,  c'était 
quelque  chose  de  pire  (pie  la  mort.  Ah!  Dieu 
vous  a  fait  jiayer  cher,  convenez-en,  les  jours 
dont  la  lAcheté  et  la  désertion  furent  la  ran- 
çon près  des  persécuteurs.  »  [Voy.  les  Actes 
de  saint  Pione,  à  son  article.) 

EUDOXE  (saint),  fut  immolé  pour  la  sainte 
cause  du  christianisme  ,  à  Edesse  ,  sous  le 
règne  et  durant  la  persécution  de  l'emjiereur 
Licinius.  11  eut  })Our  compagnons  de  ses 
combats  les  saints  Cartère,  Slyriaque,  Tobie, 
Aga])e  et  plusieurs  autres  (jui  ne  sont  pas 
nommés  au  Martyrologe.  La  fête  de  ces  gé- 
néreux soldats  de  Jésus-Christ  a  lieu  le  2 
novembre. 

EUDOXE  (saint),  fut  martyrisé  en  Armé- 
nie, sous  l'empire  de  Trajan,  en  l'année  107. 
Les  Actes  de  ce  saint,  qui  sont  communs  à 
saint  Zenon  et  à  saint  Macaire,  portent  que 
Trajan  fit  martyriser  à  la  fois  onze  mille  sol- 
dats à  Mélitine,  ville  d'Arménie  ,  parce  qu'ils 
n'avaient  pas  voulu  renoncer  au  christia- 
nisme. Ces  Actes  n'ont  point  un  caractère 
assez  sérieux  pour  que,^  sur  leur  autorité,  oa 
adopte  l'opinion  que  Trajan  ait  pu  faire  faire 
un  aussi  grand  massacre.  Les  Menées  des 
Grecs  disent  que  les  onze  mille  soldats  fu- 
rent mis  à  mort  sous  Trajan,  ou  sous  Adrien, 
son  successeur.  Nous  ne  devons  adopter  que 
des  opinions  certaines  ;  celle-ci  est  loin  d'ê- 
tre établie  surdes  preuves.  Baronius se  fonde 
probablement  là-dessus  pour  dire  que  ces 
soldats  sont  les  chrétiens  crucifiés  sur  le 
mont  Ararat,  sous  Adrien,  et  dont  l'Eglise 
fait  la  fête  le  22  juin.  Rien  ne  le  démontre. 
Nous  regrettons  de  n'avoir  pas  de  docu- 
ments plus  précis  sur  le  saint  dont  nous 
parlons. 

EUDOXE  (saint),  soldat  et  martyr,  souffrit 
à  Mélitine,  en  Arménie,  avec  ses  deux  com- 
pagnons ,  Zenon ,  Macaire ,  et  quatre  cent 
quatre  autres,  qui  ,  ayant  quitté  le  baudrier 
durant  la  persécution  de  Dioclétien,  furent 
mis  à  mort  pour  la  foi  de  Jésus-Christ.  Ils 
sont  inscrits  au  Martyrologe  romain  le  5 
septembre. 

EUDOXIE  (sainte),  mourut  martyre  h  Hé- 
liopolis, aujourd'hui  Balbek,  sous  l'empire 
de  Trajan.  On  manque  absolument  de  diMails 
sur  son  martyre;  cependant  on  sait  qu'elle 
mourut  percée  d'un  coup  d'épée.  L'Eglise 
fait  sa  fête  le  1"  mars. 

EUdÈNE  (saint),  l'un  des  sept  fils  de  saint 
Gélule  et  de  sainte  Sym[»horose,Tut  martyrisé 
j)Our  la  ridigion  chrétienne,  sous  l'empire 
d'Adrien.  Ce  prince  le  condannia  h  être  at- 
taché h  un  pieu,  et  ensuite  le  fit  pourlendre 
dans  toute  la  longueur  du  corps.  Sa  l'èle  est 
célébrée  i)ar  l'Eglise  le  17  juillet.  [Yoy.  Sym- 

l'IlOHOSK.) 

EUGÈNE,  fiancé  de  sainte  Victoire,  voyant 
(pi'elhi  ne  voulait  plus  se  marier,  mais  bien 
consacrer  sa  virginité  au  Seigneur ,  obtint 
d(!  l'empereur  Dèce,  d((  concert  avec  son 
ami  Aurélien,  fiancé  d'Analolie,  s(lmu-  de  Vic- 
toire, (pii  avait  aussi  piis  la  mènu'  résolu- 
tion, que  It.'S  deux  sieurs  leur  seraient  li- 
vi('(";.   Us   les   enuueiièreni  <i  leurs  maison:i 


921 


EUG 


EUG 


94^ 


de  campagne ,  et  n'ayant  pu  les  amener  à 
changer  de  résolution,  ni  |)ar  persuasion,  ni 
j)ar  menaces,  ni  par  mauvais  traitcuuenls,  ils 
les  livrèrent  an  ju^<',  (pii  les  lit  mettre  h 
mort  tontes  tleu\  en  ^i.'iO  ,  sous  l'empire  de 
D(>ee.   {Voy.   VnrroniE  ,  Anatolik  ,    Faush- 

MEN.) 

EUCiÈNE  (saint)  ,  fut  martyrise^  à  Rome 
sous  le  commencement  de  (lallien ,  avec 
sainte  Flore,  sainte  Lncille,  et  les  saints  An- 
tonin,  Théodore  et  leurs  com[)agnons  au 
nombre  de  dix-huit.  L'Eglise  lait  louri'ùtcle 
29  juillet. 

EUCiÈNE  (saint) ,  disciple  de  saint  Denys 
de  Paris,  l'ut  martyrisé  peu  de  temps  après 
ce  saint  6vèi|ue,  à  Deuil.  On  l'y  enterra.  De 
Ici  son  eor[)S  fut  transféi'é  h  l'ahbayt!  di;  Saint- 
Douys.  Mariana  dit  cpi'uno  partie  de  S(ïs  re- 
liques enrichissait  l'église  de  Tolède  :  il 
confond  le  saint  duquel  nous  parlons  ici  avec 
saint  Eugène  ,  évè(iue  de  Tolède.  La  fête  de 
saint  lîlugène  est  marquée  au  Martyrologe  le  15 
novembre.  On  voit  par  ce  que  nous  venons 
de  dire,  que  la  mort  de  saint  Eugène  arriva 
vers  la  tin  du  nr  siècle. 

EUCIÈNE  (saint),  évoque  de  Carthage  et 
martyr,  fut  élu  au  milieu  de  la  persécution 
que  (lenséric,  roi  des  Vandales,  alors  maître 
de  l'Afrique,  faisait  endurer  aux  catholiques. 
Il  était  excessivement  estimé  ])our  son  sa- 
voir, ses  vertus,  et  le  zèle  qu'il  montra  pour 
le  bien  de  l'Eglise.  D'abord,  il  se  concilia 
l'affection  de  tout  le  monde  :  les  ariens  eux- 
mêmes,  pleins  d'estime  pour  lui,  la  lui  té- 
moignaient hautement  ;  mais  au  bout  de 
quelque  temps,  ces  sentiments  firent  place  à 
l'envie  et  à  la  jalousie.  Le  roi  lui  fit  dire 
qu'il  eût  k  s'abstenir  de  s'asseoir  sur  le  trône 
épiscopal,  de  prêcher,  et  de  recevoir  dans  son 
église  aucun  des  Vandales.  Eugène  répondit 
que  Dieu  lui  commandait  de  ne  point  fer- 
mer la  porte  de  l'Eglise  à  ceux  qui  désiraient 
y  entrer.  Hunéric,  car  c'était  lui  qui  régnait 
alors,  furieux  d'une  telle  réponse,  fit  mettre 
des  gardes  aux  portes  des  églises.  Quand 
ces  gardes  voyaient  entrer  dans  léglise  quel- 
que Vandale,  homme  ou  femme,  ils  lui  en- 
tortillaient les  cheveux  avec  des  bâtons  den- 
telés, et  tirant  violemment,  arrachaient  sou- 
vent toute  une  large  portion  de  la  peau  du 
crâne.  Quelques-uns  de  ceux  qu'on  mutila 
ainsi  perdirent  la  vue  ,  d'autres  en  mouru- 
rent. 11  y  en  eut  un  grand  nombre  qui  sur- 
vécurent. 

Malgré  l'atrocité  de  cette  persécution,  pas 
un  seul  catholique  ne  trahit  la  foi.  La  per- 
sécution dura  ainsi  fort  longtemps  furieuse, 
acharnée.  Hunéric  mourut  misérablement  en 
48i,  après  un  règne  de  huit  ans,  Gontamond, 
son  neveu,  lui  succéda.  Il  continua  la  per- 
sécution, et  par  son  ordre,  Eugène,  Longin, 
Vindémial  furent  condamnés  à  perdre  la  tête. 
La  sentence  fut  commuée  pour  Eugène,  com- 
me il  était  déjà  rendu  au  lieu  du  supplice.  Il 
fut  ramené  à  Carthage,  d'où  il  fut  exilé  dans 
le  Languedoc, dans  les  Etats  d'Alaric,  roi  vi- 
sigoth,  aussi  arien,  et  allié  des  Vandales.  Il 
mourut  le  13  juillet  oOo,  dans  un  monastère 
qu'il  avait  fait  construire  auprès  d'Albi,  dans 


un  lieu  nommé  Vians.  Voy.  Vandales  {Per- 

sdcut.  des) 

EUCiÈNE,  connuandant  d'une  partie  de 
l'Espagne  sous  Dioclélien,  (il  mourir  en  304 
pour  la  foi  chrétienne,  les  saints  Janvier, 
Martial  et  Eauste.  Il  se  montra  d'une;  cruauté 
inouïe,  ainsi  qu'on  |)eut  s'en  convaincre  en 
lisant  les  Actes  de  saint  Janvier,  au  titre  do 
ce  saint. 

EUCiîïNE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
verser  son  sang  pour  la  loi  en  Afriuue.  Les 
compagnons  de  sou  martyre,  dont  1  époque 
est  inconnue,  sont  nommés  dans  le  Marty- 
rologe romain.  Ce  sont  les  saints  Aquilin, 
démine,  Marcien,  Quinctus ,  Théodote  et 
Triphon.  L'Eglise  honore  leur  illustre  .mé- 
moire le  ^i-janvier. 

EUGÈNE  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  pour  la  foi  avec  saint  Apollone.  Le 
Martyrologe  romain  ne  marque  pas  en  quel 
lieu  arriva  leur  martyre,  et  n'en  donne  au- 
cune circonstance.  L'Eglise  honore  leur  mé- 
moire le  23  juillet. 

EUGÈNE  (saint),  martyr,  fut  martyrisé  en 
Syrie,  avec  les  saints  Paul,  Cyrille  et  quatre 
autres  dont  les  noms  ne  nous  sont  point 
parvenus.  TNous  n'avons  aucun  détail  sur  la 
date  et  les  circonstances  de  leur  martyre. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  20  mars. 

EUGÈNE  (saint),  martyr,  eut  le  glorieux 
privilège  de  donner  sa  vie  pour  la  défense 
de  la  religion,  avec  saint  Cottide  et  d'autres 
encore,  dont  les  noms  ne  nous  sont  point 
parvenus.  Leur  martyre  eut  lieu  en  Cappa- 
doce,  dit  le  Martyrologe  romain,  mais  il  ne 
donne  pas  d'autres  détails.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  6  septembre. 

EUGÈNE  (saint),  fut  martyrisé  durant  la 
persécution  de  Dioclélien,  sous  le  président 
Lysias,  au  pays  des  Arabraques,  en  Armé- 
nie. Avant  de  consommer  son  sacrifice,  il 
endura  de  cruels  tourments.  L'Eglise  ho- 
nore sa  mémoire  le  13  décembre. 

EUGÈNE  (saint),  pape  et  confesseur,  ré- 
pandit son  sang  à  Rome,  pour  la  défense  de 
la  religion.  Les  Actes  des  martyrs  ne  nous 
donnent  aucun  détail  sur  le  compte  de  co 
saint.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  2  juin. 

EUGÈNE  (saint),  souffrit  les  tourments  et 
la  mort  pour  la  défense  de  sa  foi,  avec  Paul 
son  père,  Tatte  sa  mère,  et  ses  trois  frères 
Maxime,  Sabinien  et  Ruf.  Ayant  été  accusés 
de  faire  profession  de  la  religion  chrétienne, 
ils  furent  chargés  de  coups  et  endurèrent 
d'autres  supplices,  dont  les  différentes  cir- 
constances ne  sont  point  parvenues  jusqu'à 
nous,  et  dans  lesquels  ils  rendirent  l'esprit. 
On  ignore  la  date  et  le  lieu  de  leur  martyre. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  25  septembre. 

EUGÈNE  (saint),  prêtre  et  martyr,  souf- 
frit en  Arabie,  pour  la  défense  de  la  reli- 
gion, avec  saint  Macaire,  prêtre  aussi.  Ces 
deux  saints,  ayant  repris  Julien  l'Apostat  de 
son  impiété,  furent  cruellement  meurtris  do 
coups,  puis  relégués  dans  un  vaste  désert 
où  on  les  fit  mourir  pflr  le  glaive.  On  n'a  pas 
d'autres  détails  sur  leur  compte.  L'Eglise 
fait  leur  fête  le  20  décembre. 

EUGÈNE  (saint),  évêque  et  martyr,  mou- 


923 


EUL 


EUL 


924 


rut  pour  la  foi  et'  pour  la  dt^fense  de  la  reli- 
gion. Il  eut  pour  compagnons  do  sa  gloire 
les  autres  saints  évoques  Vindémial  et  Lon- 
gin.  Ils  combattirent  les  aiieus  et  les  con- 
fondirent. Le  roi  Hunéric,  qui  protégeait 
cette  secte,  ordonna  (pi'ils  fussent  décajji- 
tés.  L'Eglise  honore  la  mémoire  de  ces  il- 
lustres combattants  de  la  fui  le  i  mai. 

EUGÈNE  (saint),  martyr,  donna  sa  vie  pour 
Jésus-Christ  à  Néocésarée.  Il  eut  poui-  com- 
pagnons de  sa  gloire  les  saints  .Mardoine, 
Musone  et  Métellus.  Ils  furent  brûlés  vifs  et 
leurs  cendres  jetées  dans  la  rivière.  L'Eglise 
fait  leur  fête  le  2i  janvier. 

EUGÈNE  (saint),  martyr,  était  originaire 
de  la  Cliersonèse.  Il  cutdllit  la  palme  du 
martvre  avec  les  saints  évéques  Agatho  lore, 
Elpide,  Ethère,  Capiton,  E.ohrem,  Nestor  et 
Arcade.  On  ignore  complètement  l'époque 
où  ces  martyres  eurent  lieu.  L'Eglise  ho- 
nore la  mémoire  de  ces  saints  évoques  le  4 
mars. 

EUGÈNE  (saint),  évêque  et  confesseur, 
souffrit  à  Milan,  pour  la  défense  de  la  reli- 
gion. On  ignore  à  quelle  époque  et  dans 
quelles  circonstances.  L'Eglise  fait  leur  fête 
le  30  décembre. 

EUGÉNIE  (  sainte  ) ,  vierge  et  martyre  , 
souffiit  à  Rome  pour  la  foi,  en  258,  sous  l'em- 
pire de  Valérien.  Métaphrastc  et  Surius  ont 
publié  ses  Actes ,  mais  malheureusement 
ils  n'ont  aucun  caractère  d'authenticité.  Elle 
fut  enterrée  dans  le  cimetière  d'Apronien, 
sur  la  voie  Latine.  Il  paraît  qu'elle  était  de 
grande  famille  et  riche,  puisque  saint  Proie 
et  saint  Hyacinthe,  qui  furent  martyrisés 
avant  elle,  étaient  officiers  de  sa  maison.  Sa 
fête  arrive  le  25  décembre. 

EUGÉNIEN  (  saint  ) ,  reçut  la  palme  du 
martyre,  pour  la  défense  de  la  religion.  Les 
Actes  des  martyrs  ne  nous  disent  point  en 
quel  lieu,  à  quelle  époque  et  dans  quelles 
circonstances  il  conibiitlit  pour  la  foi.  L'E- 
glise fait  sa  mémoire  le  8  janvier. 

EULALIE  (sainte),  martyre  à  Mérida  en 
Espagne,  est  célèbre  dans  toute  l'Eglise. 
Elle  n)0urut  \)0\xv  la  foi,  en  Tan  de  Jésus- 
Clnist  304-,  sous  l'empire  et  durant  la  persé- 
cution de  Dioclétien.  Ses  Actes  sincères 
existent  dans  Mabillon ,  dans  lluinart  ;  les 
voici  en  entier  : 

«  Eulalie,  illustre  par  sa  naissance,  plus 
illustre  encore  par  sa  mort,  reconnaît  Mé- 
rida pour  sa  patrie.  Cette  ville  est  située  au 
couchant,  et  elle  reçoit  les  derniers  regards 
du  soleil,  lors(ju'il  se  |)longe  dans  la  mer. 
Elle  est  considéiable  par  la  beauté  de  ses 
édifices  et  par  les  richesses  de  ses  habi- 
tants. Mais  (,'Ile  doit  son  plus  beau  lustre  à 
la  vierge  Eulalie.  Ses  os  saciés,  (jui  y  repo- 
sent, en  sont  l'ornement  ;  la  sainteté  de  sa 
vie  en  a  été  la  gloire,  et  sa  jjrolection  en 
fait  tout  le  bonheur. 

«  De,,uis  le  jour  (pie  cette  excellente  vierge 
avait  ouvert  les  yeux  <i  la  luuiière,  à  peine 
douze  'ii«  ers  av<iient-ils  fait  Itmiber  li's  feuil- 
les des  arbies,  «!l  ,'j  pc-ine  l'astre  (pii  règle 
les  saisons  avait-il  visité  douze  fois  tout  le 
zodiatiue,  lorsque  la  cruauté   d'un  tyran  la 


fit  monter  sur  un  bûcher  ;  mat's  la  grâce  for- 
titiaiit  son  jeune  cœur,  elle  entra  au  milieu 
des  tlammes  comme  en  un  lieu  délicieux,  et 
sans  être  effrayée  de  cet  horril)le  appareil  , 
elle  jeta,  par  celte  généreuse  hardiesse,  dans 
l'ûme  lies  bourreaux  la  terreur  dont  la  sienne 
était  exeuipte. 

«  Cette  grandeur  décourage  était  née  avec 
elle,  et  elle  en  avait  donné  des  marques  dès 
les  premières  années  de  sa  vie.  On  la  vit  dès 
lors  aspirer  au  trône  céleste,  et  mépriser 
tour  à  tour  les  jeux  de  l'enfance  et  les  diver- 
tissements de  ia  jeunesse.  Toutce  qui  a  d'or- 
dinaire tant  de  charmes  pour  les  jeunes  per- 
sonnes n'en  avait  point  j)our  elle,  et  elle  n'a- 
vait que  de  l'indilTérence  pour  tous  ces  or- 
nements que  les  autres  recherchent  avec 
tant  de  passion.  Elle  ne  s'étudiait  point  à 
rehausser  l'éclat  de  sa  beauté  par  celui  des 
fleurs  ou  par  le  brillant  de  l'or  et  des  pier- 
reries, et  Ion  ne  vit  jamais  une  confusion  de 
rubans  de  diverses  couleurs  renouer  ses 
beaux  cheveux  autour  de  sa  tête,  et  en  for- 
mer des  boucles.  Une  démarche  modeste, 
un  silence  sévère ,  une  conduite  réglée , 
étaient  toute  sa  parure,  et  faisaient  admirer 
dans  une  fille  de  douze  ans  toutes  les  vertus 
de  la  vieillesse. 

«  Mais  lorsque  la  persécution  de  l'impie 
Dioclétien,  comme  une  peste  furieuse,  ga- 
gnant de  province  en  province,  et  de  ville  en 
ville,  se  répandit  sur  toute  la  terre,  et  que 
l'on  vit  les  tyrans  armés  contre  Jésus-Christ 
forcer  les  fidèles,  par  la  rigueur  des  suppli- 
ces, à  donner  aux  dieux  des  enfers  un  en- 
cens souillé  par  le  sang  impie  des  victimes, 
le  cœur  d'Eulalie  en  frémit.  Elle  se  sent  brû- 
ler du  désir  de  se  signaler  dans  cette  guerre  ; 
pleine  du  Dieu  des  armées,  elle  ne  respire 
que  le  combat,  et  ne  pouvant  plus  retenir 
cette  noble  ardeur,  elle  veut  aller  elle-même 
chercher  l'ennemi. 

«  Il  faut  toutefois  qu'elle  réprime  cette 
sainte  audace,  une  mère  s'oppose  à  ce  zèle 
impétueux.  Cette  mère,  pleine  de  tendresse 
pour  une  fille  si  aimable,  la  conduisit  à  la 
campagne,  et  fit  en  sorte,  par  cette  sag"  et 
prudente  retraite,  de  la  dérober  aux  périls 
où  son  courage  Fallait  précipiter.  Une  mai- 
son retirée  et  peu  apparente  servit  durant 
quel(pi(!  temps  de  barrière  au  désir  impatient 
qu'elle  avait  de  ré])andre  son  sang  pour  son 
divin  époux.  Mais  ce  re|)OS  lui  devient  in- 
sui)j)orlable,  elle  regarde  comme  une  lûche 
oisiveté  cette  vie  Iranquille  et  exempte  de 
danger  où  on  l'oblige  de  passer  ses  beaux 
iours,  et  elle  se  dérobe  enfin  aux  soins  et  à 
la  vigilance  de  sa  mère.  Elle  ouvre  durant  la 
nuit  la  porte  du  logis  où  on  la  tient  enfer 
niée,  et  comme  un  esclave  (jui  rompt  ses 
fers,  elle  fuit  avec  joie  un  lieu  qui  mettait  sa 
vie  en  sûreté.  Elle  se  jette  dans  la  première 
route  qui  se  présente^  ou  plutôt  elle  ne  suit 
aucune  route  ;  mais  marchant  h  l'aventure, 
tantôt  ell(!  s'engage  dans  un  fond  maréca- 
g(Mix,  tantôt  ell(!  traverse  dt>s  halliers,  (lui, 
déchirant  imiiiloy-dilemeiit  ses  pieds  tendres 
et  délicats,  ((MiMÙencenl  \\  lui  l'aire  verser  les 
premières  goullcs  et  comiuolcs  prémices  do 


i 


d25 


EUL 


EIJL 


926 


son  sans.  Copondant  elle  n'ost  pas  seule, 
une  ti()U|)e  d'aui^iîS  l'acconipayue  :  el  (pu)i- 
qu'une  luiit  sombre  couvre  de  ses  voilt;.;  les 
caïupagiics  d'aleuluur,  l'auleur  de  la  Uuuière, 
qui  eiidji-ase  sou  co'ur,  ('claire  aussi  st-s  pas. 
Ainsi  luurc.liail  aulrel'ois  dans  le  désert,  l'ar- 
luée  des  Israélites,  sous  la  conduite  d'une 
colonne  lumineuse,  (jui,  comme  un  tlamheau, 
écartant  les  ténèbres  à  ilroito  el  à  f;;am:iie, 
lui  moulrait  le  chemin  qu'elle  devait  tenir. 
.De  niéauî  la  jeune  Kidalie  se  sauvant  do  l'K- 
gvple,  et  clu'rchant  le  chemin  du  ciel,  (jui 
est  la  vi-aie  ItM're  de  |)roniission,  mérita  que 
le  jour  éilairAt  pour  elle  parmi  les  ténèbres 
d'une  nuit  obscure.  Elle  marcha  avec  tant  de 
vit'sse  ot  lit  une  si  grande  diligence,  qu'elle 
avait  déjh  lait  [)lusieurs  milles  avant  que  le 
soled  t'ûi  levé  ;  el  lorsqu'elle  entra  dans  Mé- 
rida,  à  })eine  cet  astre  commençait-il  à  dorer 
ses  tours  et  le  sommet  de  ses  temples.  Elle 
court  au  palais,  se  lait  jour  h  travei-s  la  garde 
du  gouvei'iii'ur,  parvient  au  pied  du  tribu- 
nal, et  se  trouve  sans  pâlir  au  milieu  dune 
Ibrét  de  haches  et  de  faisceaux.  Do  grâce, 
seigneur,  dit-elle  à  ce  magistrat  d'un  ton  de 
voix  élevé,  quelle  fureur  vous  pousse  h  per- 
dre ainsi  les  âmes,  et  pourquoi,  abusant  de 
la  faiblesse  de  tant  de  malheureux,  trop  pro- 
di  ;ues,  hélas  1  de  leur  salut,  les  forcez-vous 
à  se  piostcrner  devant  des  dieux  faits  au  ci- 
seau, et  à  renoncer  celui  qui  est  l'auteur  de 
toutes  choses  ?  Eh  bien  !  puisque  vous  cher- 
chez des  chrétiens,  je  suis  chrétienne,  et  de 
plus,  l'ennemie  implacable  de  vos  idoles.  Où 
sont-elles,  que  je  les  foule  aux  pieds  ?  Je 
viens  vous  déclarer  que  je  n'adore  qu'un 
dieu,  Isis  n'est  rien,  Apollon  n'est  rien,  Vé- 
nus n'est  rien  ;  que  dis-je  ?  Maximien,  oui, 
votre  empereur,  il  n'est  rienllii-môme  :  ceux- 
là,  parce  qu'ils  sont  faits  d'une  souche  d'oli- 
vier ou  d'un  morceau  de  marbre  ;  et  celui-ci, 
parce  qu'il  adore  cemarbieou  cette  souche: 
il  a  beau  être  le  maître  du  monde,  il  ne  sera 
pour  moi  (jne  le  dernier  des  hommes,  tant 
que  je  le  verrai  flécliir  le  genou  devant  une 
pierre  ou  du  bois.  Q  l'il  tremble  à  la  vue  de 
tels  dieux,  qu'il  mette  à  leurs  pieds  son  dia- 
dème, mais  qu'il  ne  prétende  pas  assujettir 
des  personnes  libres  et  des  cœurs  généreux 
à  ces  honteuses  bassesses.  Quel  chef,  ô  Dieu  1 
a-t-on  donné  à  l'empire,  quel  empereur,  ou 
plutôt  quel  tyran,  qui  ne  se  désaltère  que  de 
sang  innocent,  qui  ne  se  repaît  que  des  en- 
trailles des  gens  de  bien,  et  qui  ne  met  sa 
gloire  qu'à  persécuter  la  vertu?  Courage 
donc,  digne  ministre  d'un  tel  maître,  em- 
ployez le  fer  et  le  feu,  mettez  en  pièces  les 
tidèles;  vous  ne  ferez  après  tout  que  biis^er 
,  quelques  ouvrages  d'argile;  ni  vous  ni  votre 
prince  ne  remporterez  pas  en  cette  rencontre 
une  victoire  fort  signalée,  et  la  valeur  n'est 
pas  fort  grande,  qui  ne  s'exerce  que  sur  des 
vases  de  terre. 

«  Un  discours  si  peu  attendu,  mais  en 
même  temps  si  vif  et  si  pressant,  n'eut  pas 
de  peine  à  exciter  le  dépit  et  la  rage  dans 
l'àme  du  gouverneur,  déjà  assez  disposé  de 
lui-même  à  recevoir  ces  mouvements.  Qu'on 
la  prenne,  s'écria-t-il,  qu'on  l'accable  de  sup- 


plices ;  qu'elle  apprenne  par  une  sanglante 
evpérience  qu'il  y  a  des  dieux,  et  que  notre 
prince  n'est  pas  un  nionaïquc;  en  peinture. 
Malheureuse  lill(^  à  (pioi  me  contrains-tu? 
Quoi  !  ii(!  puis-je  te  faire  l'ovenii'  de  ton  im- 
jiiété?  Aide-toi  nu  peu,  je  te  sauv(!  la  vie. 
Considère!  de  (juels  biens  tu  le  prives  loi- 
même  par  ta  folie  ;  ipiels  avantages  ne  lo 
jjiomel  point  ton  illuslre  naissance?  Tu  re- 
nonces à  tout  cela  pai-  un  eulèU.'ment  ridi- 
cuh;.  Jette  les  yeux  sur  la  maison  prête  à 
tomber  parla  chute  :  vois  ses  larmes,  écoule 
les  plaintes  que  te  font  tes  ancêlies  ;  ils  gé- 
missent, en  voyant  la  plus  belle  el  la  der- 
nière Heur  de  leur  lige  infortunée  se  llétrir 
au  moment  (ju'elh;  ne  lait  (jue  d'éclore  ;  l'u- 
nique héritière  de  leur  noblesse  et  de  leur 
sang  périr  misérablement  sur  le  point  de 
leur  donner  des  neveux.  Seras-tu  donc  in- 
sensible aux  j)ompcs  cl  aux  douceurs  d'un 
illuslre  hyménée  ;ton  cœur  ne  se  laisscra-t-il 
point  loucher  à  la  Uatteuse  espérance  de  re- 
lever ta  race,  et  ne  crains-tu  point  de  com- 
bler d'un  éternel  ennui  la  déplorable  vieil- 
lesse de  ceux  qui  ont  donné  la  vie  à  la  mère, 
en  leur  ôtant  la  seule  consolation  qui  leur 
reste.  Tu  vois  ces  instruments  propres  à  di- 
vers supplices,  tout  cela  est  préparé  pour 
toi.  Je  n'ai  qu'un  mol  à  dire,  et  tu  es  per- 
due. Ces  bourreaux  n'attendent  que  mes  der- 
niers ordres  pour  t'ôler  la  vie  ;  ou  l'on  te 
coupera  la  tête,  ou  l'on  te  livrera  aux  biles, 
ou  bien  on  mettra  ton  corps  sur  des  brasiers 
ardents,  qui  feront  fondre  ta  chair  jeu  à  peu, 
et  qui  enhn  te  réduiront  en  cendres.  Au  res- 
te, rien  ne  t'est  plus  facile  que  d'éviter  de  si 
affreux  tourments  ;  tu  n'as  qu'à  jeter  un  grain 
d'encens  dans  cet  encensoir,  qu'à  toucher 
seulement  du  bout  du  doigt  ces  gâteaux  sa- 
lés, comme  pour  les  offrir  aux  dieux,  et 
voilà  ta  vie  en  sûreté.  Cela  est-il  si  difficile, 
dis-moi,  ma  chère  enfant? 

«  La  jeune  Eulalie  ne  répondit  à  tout  ce 
discours  que  par  un  frémissement  secret; 
puis  cédant  tout  à  coup  à  l'impression  vio- 
lente de  l'esprit  divin  qui  la  fait  agir,  elle 
crache  au  visage  du  tyran,  abat  l'idole  d'un 
coup  de  pied,  marche  sur  les  gâteaux  d'of- 
frande, renverse  l'autel,  encensoirs,  vais- 
seaux sacrés,  et  jette  le  désordre  et  la  con- 
fusion [)armi  les  dieux  et  leurs  ministres. 
Celle  sainte  audace  eut  bientôt  sa  récom- 
pense ;  deux  bourreaux  la  saisissent,  la  dé- 
pouillent, la  déchirent,  la  mettent  tout  en 
sang.  Cette  taille  fine  et  droite  plie  sous  les 
coups.  Eulalie  les  compte  :  on  vous  éci  il  sur 
moi,  Seigneur,  on  grave  sur  mon  corps  avec 
le  fer  et  l'acier  vos  victoires  :  que  j'aime  à 
les  lire  ainsi  !  votre  nom,  ô  mon  Jésus  !  votre 
augusîe  nom  y  brille  en  caractères  de  pour- 
pre. Un  air  gai  et  content  accompagne  ses 
paroles.  On  ne  voit  point  les  larmes  couler 
de  ses  yeux,  on  n'entend  aucun  soujtir  sor- 
tir de  sa  bouche,  son  âme  est  tranquille,  et 
le  sang  pur  et  vermeil  qui  coule  de  ses  bles- 
sures ne  sert  qu'à  relever  sa  blancheur  na- 
turelle d'un  nouveau  coloris,  c'est  un  fard 
innocent  qui  la  rend  et  plus  vive  et  plus 
belle. 


927  EUL 

«  Mais  la  cruauté  du  tyran  n'en  demeure 
pas  là  ;  c'est  peu  pour  lui  d'avoir  porté  ses 
mains  sanguinaires  sur  le  corps  d'une  vierge 
dont  l'Age  et  la  beauté,  l'esprit  et  la  naissance 
auraient  adouci  un  tigre  ;  sa  barbare  fureur 
lui  fait  trouver  queleferne  le  sert  pas  assez 
tôt  h  son  gré;  il  a  recours  au  feu,  il  espère 
en  tirer  plus  de  secours.  11  ftiit  donc  allumer 
force  flambeaux  autour  d'Eulalie,  la  flamme 
l'environne  de  tous  côtés  ;  elle  s'attache  aux 
flancs,  à  la  poitrine,  elle  court,  elle  vole  par 
tout  le  corps.  La  jeune  martyre,  voyant  qu'on 
lui  ôtait  ses  habits,  avait  dès  le  commence- 
ment dénoué  ses  cheveux  qu'un  nœud  te- 
nait négligemment  relevés  sous  son  voile.  Ils 
venaient  flotter  sur  ses  épaules,  et  les  cou- 
vraient d'une  infmité  de  boucles  que  l'art 
n'avait  point  faites.  Cela  avait  un  peu  rassuré 
sa  pudeur  alarmée.  Mais  déjà  la  flamme  s'é- 
lève, gagne  les  cheveux,  et  faisant  toujours 
de  nouveaux  progrès,  monte  enfin  au-dessus 
de  la  tête.  Alors  la  chaste  vierge,  voyant  que 
la  seule  chose  qui  lui  restait  pour  cacher  son 
corps  aux  yeux  des   hommes  lui  était  ôtée 
par  la  violence  du  feu,  crut  qu'elle  ne  devait 
plus  vivre  ;  elle  ouvrit  donc  la  bouche,  et 
respirant  pour  la  dernière  fois,  elle  attira  dans 
ses   poumons  la  mort  enveloppée  dans  un 
tourbillon  de  flamme.  On  vit  en  même  temps 
sortir  de  sa  bouche  une  colombe  plus  blan- 
che que  la  neige,  qui  prit  son  essor  vers  le 
ciel.  C'était  l'âme  d'Eulalie  qui,   sous  cette 
figure,  s'échappait  de  prison,   marquant  par 
ce  symbole,   que  l'Esprit-Saint  voulut  bien 
prendre  autrefois,  son  agilité,  sa  candeur  et 
son  innocence.  Aussitôt   les  flambeaux  s'é- 
teignent d'eux-mêmes,  la  lête  tombe  douce- 
ment sur  l'épaule,  et  le  corps  sans  mouve- 
ment et  sans  vie   ne  soufl're  plus;  il  jouit 
d'un  parfait  repos,  pendant  que  l'esprit  qui 
l'animait,  traversant  les  airs,  entre  en  triom- 
phe dans  l'empyrée,  et  va  rendre  ses  vœux 
au  temple  de  l'Eternel.  Un  des  soldats  de  la 
garde  du  gouverneur  voit  l'oiseau  miracu- 
leux, la  frayeur  etl'étonnement  le  saisissent, 
et  lui  font  abandonner  son   poste.  Un  des 
bourreaux,  témoin  de  la  môme   merveille, 
doiine  les  mêmes  marques  de  surprise  et  de 
crainte  ;  i)  fuit,  la  pâleur  do  son  visage  et  le 
tremblement  qui  l'agite  confirment  la  vérité 
du  miracle.  Cependant  la  neige  tombe  à  gros 
flocons,  la  place  en  est  remplie;  le  corps  d'Eu- 
lalie en  est  couvert;  le  ciel,  qui  prend  soin 
des  funérailles  d'une  vierge  (jui  lui  est  chère, 
en  ordonne  lui-même  la  pompe,  et  y  fait  ré- 
gner nartout  la  couleur  des  vierges.   Fuyez 
loin  de  ces  lieux,  vous  qui  v(>ndez  vos  lar- 
mes aux  obsèijues  des  morts  ;  «ju'on  ne  voie 
|)oiiit  ici  de  C(!S  pleureuses  qui  iw.  s'idlligent 
que  ()Our  le  compte  de  ceux  (pii  les  payent, 
et  (pii    n'ont   de  douhiiir  (pi'uutant   (pi'elles 
re(;oiveiit  d'.irgent  pour  en  avoir.  Ne  venez 
point  ici  désIioiiDrer  p<u"  une  tristessi;  feinte 
eldiis  regrets  forcés  la  pompe  funèhic  d'une 
jeune  vierge  rpi»;  les  éléments  ont  ordre   de 
célébrer. 

«  Méi-ida,  illustre  colonie  des  anciens  |)eu- 
l'ies  d'ivslramadure  et  de  K('-oii,  assise  sur  la 
lameuse  riviùrcde  la  (juadiana,  qui,  roulant 


EUL 


9*28 


ses  eaux  avec  une  prodigieuse  rapidité  entre 
deux  rives  toujours  fleuries,  lave  en  passant 
les  murs  élevés  de  cette  superbe  ville  ;  Mé- 
rida,  dis-je,  qui  fut  le  berceau  d'Eulalie,  a 
aussi  l'honneur  d'être  son  tombeau.  C'est 
dans  le  sein  de  celte  heureuse  patrie  qu'Eu- 
lalie  repose  sous  le  dôme  pompeux  d'un  édi- 
fice de  marbre.  C'est  là  que  le  dévot  pèlerin 
et  le  curieux  voyageur  viennent  révérer  ses 
cendres  sacrées  ;  là  l'or  éclate  sur  les  lam- 
bris; là  mille  fleurs  artificielles,  faites  de  di- 
verses pierres  précieuses,  composent  un  ri- 
che pavé  à  la  mosaïque  ;  les  couleurs  en  sont 
si  vives,  et  l'art  y  a  si  bien  imité  la  nature, 
que  vous  croiriez  marcher  dans  une  prairie 
semée  de  toutes  les  fleurs  de  la  belle  saison. 
Baissez-vous  et  cueillez  des  violettes,  faites 
des  bouquets  d'amarantes  ;  ici  l'hiver  a  ses 
fleurs  comme  le  printemps.  Recevez  celles 
que  je  vous  offre,  jeune  vierge,  charmante 
épouse  de  Jésus-Christ,  recevez  les  guirlan- 
des et  les  festons  que  je  viens  attacher  à  vo- 
tre tombeau  ;  les  fleurs  qui  y  entrent  n'ont 
rien  que  de  commun,  mais  elles  vous  sont 
consacrées.  Qu'il  me  soit  permis  d'honorer 
ainsi  par  mes  vers  vos  sacrés  ossements,  qui 
reposent  aux  pieds  de  Jésus-Christ  sur  l'or 
et  la  pourpre.  Et  si  la  douce  harmonie  de  nos 
hymnes  et  de  nos  chants  a  de  quoi  toucher, 
jetez  sur  votre  peuple  un  favorable  regard.  » 

EULALIE  (sainte) ,  souffrit  le  martyre  à 
Barcelone,  durant  la  persécution  de  Dioclé- 
tien,  au  commencement  du  iv*  siècle.  Ses 
reliques  sont  encore  dans  cette  ville. 
L'Eglise  fait  sa  fête  le  12  février.  Tillemont, 
p.  112,  vol.  V,  dit  que  peut-être  sainte  Eulalie 
de  Barcelone  et  celle  de  Mérida  ne  sont 
qu'une  même  sainte.  Ruinart  {Acta  JH., 
p.  i96  )  regarde  les  Actes  des  deux  saintes 
comme  également  incertains  (il  n'a  suivi  que 
Prudence).  Bollandus  (12  fév.,  p.  376),  Flo- 
rentinius  (p.  1026)  estiment  que  s'il  y  a  deux 
saintes  Eulalie ,  on  a  attribué  à  chacune 
d'elles  bien  des  choses  qui  n'appartiennent 
qu'à  l'une  des  deux.  Saint  Euloge,  voulant 
montrer  qu'exceptionnellement  on  peut  s'of- 
frir aux  persécuteurs,  cite  sainte  Eulalie  de 
Barcelone  :  s'il  eût  estimé  qu'il  existât  une 
Eulalie  de  Mérida,  il  n'aurait  pas  manqué 
de  la  citer  aussi,  puisqu'il  est  dit  qu'elle  en 
lit  autant.  Faisons  comme  Ruinart  {loco  citX 
qui  ne  décide  rien,  ne  voyant,  dit-il,  rien  de 
certain  de  |)art  ni  d'autre. 

EULAMPE  (saint),  soullVit  le  martyre  à  Ni- 
comédie  avec  la  vierge  Eulampie  sa  sœur. 
Celte  sainte  fille,  ayant  appris  ((ue  son  frère 
était  dans  les  tourments  pour  Jésus-Christ, 
sej(Ma  au  milieu  de  la  foule  du  peuple,  l'em- 
brassa et  se  joignit  à  lui  pour  j)aitager  son 
supplice.  Ils  furent  plongés  tous  deux  dans 
une  chaudièi-e  d'huile  bouillante,  mais  n'en 
ayant  éprouvé  aucini  mal,  ils  eurent  la  têto 
tr-anchée.  Deux  cents  personnes,  qni  s'étaient 
converti(!s  à  la  vue  d'un  si  grand  miracle, 
endur'èrent  h;  même  su|ti>li(e  et  reeurent  la 
palme  du  martyre.  L'I-lglise  l'ail  leur  glo- 
rieuse mémoire!  le  10  octobre. 

la'LAMliK  (Sainte).  V.  l'arlicle  iirécédent. 

Kl'LOGE  (saint),  martyr,  et   ses  compa- 


929 


EUL 


tUN 


!)30 


gnons  sont  honon^s  par  l'Eglisc!  le  3  juillet, 
lis  tombèrent  vicliines  de  la  persécution  (pic 
les  ariens  tirent  endurer  aux  ealliolupies, 
sous  l'empereur  Valeiis  ,  h  Conslcinlino[)le, 
on  l'an  de  Jésus-Christ  370. 

EULOCiE  (saint),  diacre  de  l'église  do  Tar- 
ragone  ,  fut  martyrisé  avec  son  col  lègue 
saint  Augure  et  avec  saint  Fructueux  son 
évoque,  sous  l'empire- de  Valérien,  en  l'an- 
néo  259.  L'Eglise  célèbre  sa  fête  le  21  jan- 
vier. {Voy.,  pour  jilus  de  détails,  les  Actes 
de  saint  Fructdelx.,  à  l'article  de  ce  dernier.) 

EULOGE  (saint)  d'Edesse,  confesseur,  ho- 
noré par  l'Eglise  le  5  mai,  fut  banni  pour 
l'orthodoxie  par  Valens  en  373.  {Voy.  son 
histoire  détaillée  à  l'article  Valkns,  pour  ce 
qui  concerne  son  exil  et  ses  causes.  Ici  nous 
complétons  ce  qui  y  manque).  Valens  étant 
mort,  et  la  paix  rendue  h  l'Eglise  par  Gra- 
tien  son  neveu,  les  confesseurs  furent  rap- 
pelés, Euloge  revint  en  Mésopotamie.  Barsès 
était  mort  en  exil,  Euloge  lui  succéda  sur  le 
siège  d'Edesse.  11  vécut  longtemps,  faisant 
le  bonheur  de  son  diocèse  par  son  savoir  et 
ses  vertus. 

EULOGE,  évêque  et  confesseur,  avait  déjà 
été  banni,  sous  Constance,  pour  l'orthodoxie. 
Il  le  fut  une  seconde  fois  sous  Valens  en 
373,  par  le  comte  Magnus,  qui  l'envoya  à 
Diocésarée  en  Palestine.  Il  ne  faut  pas  con- 
fondre cet  Euloge  avec  celui  d'Edesse,  qui 
n'était  que  prêtre  à  cette  époque,  et  qui  fut 
banni  dans  la  ville  d'Anlinoiis  en  cette  même 
année.  Celui  duquel  nous  parlons  ici  n'est 
pas  inscrit  au  Martyrologe  romain. 

EULOGE  (saint),  prêtre  de  Cordoue  et  mar- 
tyr, était  natif  de  cette  ville  et  descendait 
d'une  des  plus  nobles  familles.  Dès  sa  jeu- 
nesse notre  saint  se  distingua  par  sa  grande 
piété  et  ses  illustres  vertus  :  sa  science  était 
grande,  aussi  fut-il  ordonné  prêtre  et  com- 
mis à  la  direction  de  l'école  ecclésiastique  de 
Cordoue,  très-célèbre  à  cette  époque.  Son 
humilité  et  sa  douceur  le  faisaient  vénérer 
de  tout  le  monde  ;  et  le  temps  qu'il  pouvait 
distraire  de  ses  occupations  ordinaires  était 
employé  à  la  visite  des  monastères,  où  il  allait 
chercher  de  nouveaux  exemples  de  vertu. 

Jusqu'alors ,  les  Sarrasins  avaient  toléré 
l'exercice  de  la  religion  chrétienne  dans  leurs 
possessions  d'Espagne  ,  et  moyennant  un 
tribut  exigé  à  chaque  nouvelle  lune,  tout 
chrétien  restait  libre  de  pratiquer  sa  reli- 
gion. Mais  alors  ,  quelques  disciples  de 
l'Evangile,  poussés  par  un  zèle  indiscret, 
déclamèrent  publiquement  contre  Mahomet, 
et  Abdérame  III  commença  la  persécution 
vers  l'année  850,  qui  était  la  vingt-neuvième 
de  son  règne.  A  l'instigation  de  Reccafrède, 
qui,  au  dire  de  Morales,  était  métropolitain, 
l'évêque  de  Cordoue  et  plusieurs  autres  prê- 
tres furent  jetés  en  prison.  Euloge  faisait 
ftartie  de  ces  derniers,  pour  avoir  encouragé 
es  martyrs  par  ses  instructions.  Bientôt 
après,  néanmoins,  il  fut  mis  en  liberté,  et 
forcé  par  les  persécuteurs  de  rester  auprès 
de  Reccafrède.  Affligé  de  cette  contrainte, 
il  refusa  de  se  livrer  à  aucune  fonction  sa- 
cerdotale, et  employa  tout  son  temps  à  prê- 


cher la  parole  de  Dieu.  Oii;uid  rarchevêque 
(i(!  Tolède  fut  mort  en  858,  notre  saint  fut 
élu  d'une  commune  voix,  mais  son  martyre, 
qui  arriva  bientôt  après,  empêcha  ([u'ii  fût 
sacré.  Il  fut  mené  devant  le  juge  |)Our  avoir 
fourni  à  une  vierge  nommée  Léocrite,  les 
moyens  de  sortir  de  chez  ses  parents,  person- 
nages illustres  de  la  ville,  ({ui  la  maltraitaient 
parci!  (ju'elle  était  chréticuine.  Notr(!  saint, 
après  s'être  disculjié  de  l'accusation ,  en 
prouvant  cpi'il  est  des  cas  où  la  désobéissance 
aux  parents  devient  un  devoir,  confessa 
Jésus-Christ  et  dit  que  Mahomet  était  un 
im[)osteur.  Le  juge,  irrité,  le  lit  comparaître 
di^vant  le  conseil  du  roi.  Lh  on  voulut  le 
séduire  en  lui  disant  do  rétracter  seule- 
ment ce  qu'il  avait  dit  de  Mahomet  ,  et 
qu'ensuite  on  le  laisserait  pratiquer  tran- 
quillement sa  religion.  Mais  tout  fut  inutile, 
et  on  le  condamna  à  avoir  la  tête  tranchée. 
On  raconte  que,  tandis  qu'il  [)arcourait  la 
distance  qui  le  séparait  du  lieu  du  supplice, 
un  eunuque,  irrité  de  ce  qu'il  avait  parlé 
contre  le  prophète,  lui  donna  un  soufflet. 
Noire  saint,  fidèle  au  précepte  de  l'Evangile, 
tendit  l'autre  joue,  et  reçut  un  nouveau 
soufflet  sans  rien  murmurer.  Il  fut  marty- 
risé le  11  mars  859,  et  Léocrite  fut  décapitée 
quatre  jours  après.  L'Eglise  fait  leur  mé- 
moire le  même  jour. 

EUMÈNE  (saint),  évêque  et  confesseur, 
souiîrit  à  Gortyne  en  Crète,  pour  la  défense 
de  la  religion.  Les  Actes  des  martyrs  ne  nous 
donnent  aucun  détail  sur  la  date  et  les  cir- 
constances de  sa  confession.  L'Eglise  honore 
sa  sainte  mémoire  le  18  septembre. 

EUNE,  surnom  de  saint  Chronion,  domes- 
tique de  saint  Julien,  qui  signifie  attaché, 
affectionné.  Ce  n'est  point  le  nom  d'un  saint 
particulier ,  comme  l'ont  faussement  pré- 
tendu les  auteurs  du  Martyrologe  romain. 
{Voy.  à  ce  sujet  Julien  et  Chroniod).  C'est 
donc  à  tort,  qu'après  avoir  écrit  la  fête  de 
saint  Chronion  au  Martyrologe  sous  la  date 
du  27  février  avec  celle  de  saint  Julien,  on 
écrit  celle  de  saint  Eune  au  30  octobre  en- 
core avec  celle  de  saint  Julien.  C'est  une 
double  erreur,  une  double  confusion  ;  on 
fait  ainsi  quatre  saints  au  lieu  de  deiix- 

EUNICIEN  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
souffrir  la  mort  pour  Jésus-Christ,  en  Crète, 
dans  la  ville  de  Gortyne,  sous  le  règne  de 
Dèce,  durant  la  persécution  si  terrible  que 
ce  prince  féroce  alluma  contre  l'Eglise.  Il 
fut  décapité  après  avoir  souffert  d'horribles 
tourments.  Sa  fête  arrive  le  23  décembre. 
Saint  Eunicien  est  l'un  des  dix  martyrs  de 
Crète.  {Voy.  Martyrs  de  Crète.) 

EUNOIC  (saint),  martyr,  l'un  des  quarante 
martyrs  de  Sébaste  sous  Licinius.  {Voy.  Mar- 
tyrs PE  SÉBASTE. 

EUNOMIE  (sainte),  martyre  à  Augsbourg 
en  304,  sous  l'empire  de  Dioclétien,  était 
l'une  des  trois  servantes  qui  étaient  atta- 
chées à  la  maison  de  sainte  Afre,  fdle  publi- 
que dans  cette  ville,  et  qui  mourut  pour  la 
foi  au  commencement  delà  persécution.  Ces 
trois  servantes  faisaient  le  même  métier  que 
leur  niaî.resse.  Elles  la  suivirent  dans  son 


951 


EUP 


EIP 


952 


triomphe.  Comme  on  peut  le  voir  en  lisant 
les  Actes  de  la  sainte,  elles  furent  brûlées 
vives  dans  so'i  tombeau  avec  sainte  Hilaria 
sa  mère.  L'Eglise  célèbre  leur  fêle  le  5  août. 
(Voi/.  Afue.) 

ELTHÉMIE  (sainte) ,  martyre  à  Aquilée 
sous  la  persécution  de  Néron.  Le2septeuil);e 
est  le  jour  de  sa  iète.  Elle  fut  martyrisée  avec 
les  saintes  Dorothée  et  ïhècle,  et  saint 
Erasme.  On  manque  de  documents  certains 
sur  fous  ces  martyrs. 

EUPHÊMllî  (sainte),  vierge  et  martyre, 
soullVit  pour  la  religion  chrétienne,  en  l'an 
de  Jésus-Christ  307.  Elle  s'était  consacrée  à 
Dieu,  aussi  montrait-elle  un  méjjris  profond 
de  tout  ce  qui  ne  se  rapportait  |)as^  à  lui 
et  à  sa  gloire.  Ayant  été  arrêtée  à  Chalcé- 
doine,  sa  patrie,  par  ordre  du  gouverneur 
Priscus  ,  elle  eut  d'horribles  souffrances  à 
endurer.  Les  soldats  la  meurtrirent  de  coups, 
lui  cassèrent  les  dents,  après  quoi  elle  fut 
conduite  en  prison,  d'où  on  la  tira  pour  la 
brûler  vive.  Elle  monta  sur  le  bûcher  avec 
un  courage  inoui.  La  tran(iuillité  de  son  vi- 
sage témoigaait  de  la  joie  qu'elle  éprouvait 
de  mourir  pour  Jésus-Christ.  Longtemps 
ses  reliques  furent  conservées  à  Constanti- 
nople  à  Sainte-Sophie  ;  mais  Constantin  Co- 
pronyme  ayant  voulu  les  faire  jeter  à  la 
mer,  on  trouva  moyen  de  les  sauver.  Elles 
sont  aujourd  hui  à  Syllébrie  ouSyllivri,  ville 
qui  est  un  siège  métropolitain.  L'église  de 
l<i  Sorbonne  à  Paris  en  possède  une  partie. 
La  fête  de  sainte  Eu])hémie  est  inscrite  au 
Martyrologe  le  16  septembre.  [Voy.  pour 
documents  saint  Paulin,  saint  Pierre  Cliry- 
sologue,  et  le  discours  de  saint  Astère,  que 
nous  allons  citer  ici). 

«  Mes  frères,  il  y  a  quelques  jours  que,  Ji-i 
sant  Démosthènes,  je  tombai  sur  un  de  ses 
plus  beaux  plaidoyers.  C'est  celui  où  il  pousse 
Eschine  (1)  d'une' manière  vive  et  pi-essante, 
et  où  il  semble  avoir  accablé  ce  dangereux 
adversaire  sous  un  amas  trenthymèmes.  Je 
m'en  sentis  moi-même  accablé  ;  et  fatigué  de 
la  longueur  de  la  lecture,  je  m'aperçus  que 
j'avais  besoin  d'un  peu  de  i)romeaade  pour 
me  remettre  d'une  si  forte  application.  Je 
sortis  donc  de  chez  moi,  et  m'étanl  promené 
ciuelque  tem|)S  dans  la  grande  place  avec 
tieux  ou  trois  peisonnes  de  ma  connaissance, 
j'entrai  dans  l'église  pour  y  prier  en  repos. 
En  [)assant  sous  un  des  poi'tiques,  je  fus 
£rapf)é  de  la  beauté  d'un  tableau  (pie  j'y  vis, 
et  (pii  est  enchâssé  dans  le  lambris.  On  K; 
prendrait  p  )Ur  un  ouvrage  d'Iiuphi-anor  (2) 
oii  (le  (pielque  aiitre  de  ces  fameux  peuili-es 
de  ranti(}uité,  (]ui  ne  |)eignai(Mit  rien  (pn^ 
d'achevé,  et  (pu  savaient  si  bien  domua'  il 
toutes  liiurs  ligures  de  la  vie  et  du  mouvt!- 
inenl.  Vcjiis  lire;/  ceci,  si  vous  vouiez;  niais 
puis(jue  j(!  me  touv(!  le  lo;sir,  je  vais  tAcher 
do  faire  une;  (ies(Mip(ioi  exa(:l(;  de.  celle  ex- 
cellente jjiece.  .N(jus  avons,  nous  autres  ora- 

(1)  FariU'iix  avocat  (I'Alli(iiics,  cl  l(î  rival  de  D('- 
nios  UhvH  «.'Il  (';i()(jiicnt('. 

j.'i)  (ii'ichrc  j)i!iiiln',  cl  s<:iil|)t(Mir.  I*liii(>  fair  la  dcs- 
cripiwtii  <li!  plusieurs  (!X( cIIimiIc!}  picccs  sorlies  de 
il\  Kiaiii.  (Liv,  xxxiv,  chaji.  8,i 


teurs,  aussi  bien  que  les  peintres,  nos  cou- 
leurs et  nos  pinceaux. 

«  Une  vierge  consacrée  à  Dieu  en  est  le 
principal    personnage,  et  sa  mort  en  fait  le 
sujet.  On  la  nomme  Eui)hémie.  Lorsque  la 
persécuiion  étiiit  le  plus  allumée  contre  Ils 
chrétiens,   cette  illustre  vierge   donna  avec 
joie   sa  vie  pour  Jésus-Christ.  Ceux  d'eritre 
S(  s  concitoyens  qui  faisaient  profession  de  la 
même  religion  qu'elle,  charmés  de  la  sain- 
teté de  sa  vie  et  de  la  générosité  de  sa  mort, 
lui  ont  élevé  un  tombeau  assez  proche  de 
l'église.  C'est  là  que  chaque  année    ils   lui 
rendent  dos  honneurs  publics,  le  concours  y      j 
est  prodigieux,  et  tout  le  i)euj)le  y  célèbre      I 
avec  de  grandes  réjouissances,  comme  une 
fête  où  toute  la  ville  prend  part,  le  jour  do 
la  victoire  d'Euphémie.  11   n'y  manque  pas 
d'excellents  prédicateurs  qui  font  l'éloge  de 
la  sainte,  et  qui  par  de  beaux  et  d'éloquents 
discours  honorent  sa  mémoire.  Ils  prennent 
soin  d'apprendre  à  leurs  auditeurs  les  cir- 
constances du  combat  qu'elle  soutint  avec 
tant  de    gloire  contre  les  tyrans;    mais  il 
s'est  trouvé  aussi  un  peintre  qui,  par  un  mou- 
vement de  piété,  a  tracé  sur  la  toile  cette 
môme  histoire;  l'on  en  voit  le  tableau  atta- 
ché contre  la  muraille,  et  au-dessus  du  tom- 
beau de  la  sainte  martyre.  Voici  ce  que  con- 
tient ce  chef-d'œuvre  de  l'art. 

«  Le  gouverîicur  de  la  province  y  paraît 
sur  un  tribunal  élevé,  ses  regards  rudes  et 
farouches  .'ont  tournés  vers  la  sainte.  La 
colère  éclate  dans  l'un  de  ses  yeux,  et  la 
cruauté  dans  l'autre;  car  l'art,  quand  il  a  at- 
teint la  perfection,  fait  nailre  et  mouvoir, 
comme  il  lui  plaît,  les  passions  dans  une 
matière  inanimée.  On  voit  aux  côtés  du  gou- 
verneur quelques  officiers  de  justice  qu'il  a 
appelés  pour  juger  avec  lui  ;  et  à  si-s  pieds 
des  grelliers,  des  soldats,  des  bourreaux.  Un 
d'entre  eux  à  des  tablettes  à  une  main,  où  il 
semble  écrire  les  l'époiises  de  la  sainte  ;  l'au- 
ti'e  main,  dont  il  tient  le  poinçon,  est  tant 
soit  peu  levée  de  dessus  les  tablettes,  taudis 
qu'il  regarde  la  sainte,  haussant  la  tôle,  et 
la  bouche  cntr'ouverlo,  comme  s'il  lui  vou- 
lait dire  de  parler  i)lus  haut  et  plus  dislinc- 
tement,  de  crainte  que  ne  l'entendant  qu'à 
demi,  il  ne  vienne  à  écrire  les  choses  autre- 
ment ([u'elle  ne  les  dit,  et  qu'il  ne  s'attire 
par  Ih  une  réprimande  des  juges.  La  vierge 
est  debout,  vêtue  d'une  étoile  bi'une  ;  le  pein- 
tre lui  donne  un  manle.m  de  |)hilosophe, 
comme  à  une  persoinie  qui  fait  une  profes- 
sion j)ar[iiulièr(î  de  la  sagesse.  Elle  a  le  vi- 
sage agréabh^;  mais  que  son  âme  paraîtrait 
belle  a  (pii  la  ])ouirait  voir  dans  toute  sa 
beauté  1  Deux  soldats  la  conduisent  vers  le 
gouverneur;  l'un  la  tire  h  lui,  ri  l'autre  la 
pousse  ()ar  derrière.  Ou  af)er(;oit  dans  l'air 
dii.son  visage,  et  dans  toulo  s.i  contenance, 
de  la  pudeur  et  de  la  rerm('t(''  tout  ensemble; 
(îlle  baisse  les  yeux  ù  la  véi'ilé,  comme  n'o- 
.sanl  les  lever  sur  tous  (;('s  honnues  (pii  sont 
autour  d'elle,  et  ci-aignant  aussi  de  rencon- 
trci-  leurs  irgards;  mais  au  travers  de  cette 
piidi(pie  houle,  on  ne  laisse  lias  d'enlrc^voir 
une  assurauco   cl  une   ialro|)idilé  nue  lui 


I 


935 


ECP 


Eir 


954 


donne  la  grandiMu-  de  sa  foi.  J'avouo  qiio  j(« 
nie  suis  si  jili  plus  d'iuiL' fois  cnlovcr  h  la  viio 
d'un  tableau  de  Médé»;,  et  je  ne  f)ouvais 
alors  tarir  sur  les  louanges  du  peintre  qui 
avait  l'ait  une  si  belle  chose;  on  y  voit  la 
j)rincesse  de  Colchos  (Médée),  sur  les  point 
d'égorger  ses  deux  (ils  ;  elle  lève  la  maia,  et 
va,  ce  semble,  leur  plonger  un  poignard  tlans 
le  sein.  La  pitié  et  la  colère  partagent  l'air 
et  la  dis[)osition  de  son  visage;  elles  l'oc- 
cu[)eut  toutes  deux  en  nu';nie  temps;  elles  y 
j)aiaissei)t  ensemble  distinctement;  la  rage 
s'y  moidre  i'urieuse  et  prèle  {i  ié[)andre  du 
sang  ;  et  l'amour  lualernel  y  |)arait  aussi,  qui 
abhorre  un  si  grand  eiime,  et  qui  demande 
grâce  pour  îles  tils  iiniocents.  Mais  dej)uis 
que  j'ai  vu  l'iinmitahle  tableau  irEu|)hémie, 
je  n'ai  plus  (pie  de  i'indill'érence  pour  celui 
de  Médée.  Celui  d'Eui)liémi(!  a  toute  mon 
admiration;  et  c'est  peu  pour  celui  qui  nous 
a  laissé  un  ouvrage  si  achevé.  Il  n'est  pas 
UKuns  admirable  dans  le  mélange  des  pas- 
sions que  dans  celui  des  couleurs  ;  il  tem- 
père de  telle  sorte  la  générosité  par  la  pu- 
deur, et  il  relève  si  bien  la  j)udeur  par  la 
générosité,  qu'il  met  ensemble  deux  mou- 
vements de  l'àme  entièrement  opposés,  sans 
que  de  celte  union  il  naisse  aucun  contraste. 
«  Continuois  nt>tre  description.  Vous 
voyez  un  i)eu  {)lus  loin  deux  bourreaux  à 
demi  nus,  (jui  se  disposent  à  tourmenter  la 
sainte.  L'un  lui  prend  la  tète,  la  renverse  et 
la  tient  entre  ses  mains,  tandis  (jue  l'autre 
lui  enfonce  les  màchoiies,  et  lui  fait  sauter 
les  dents.  11  y  a  là  quelques  instruments  de  ce 
sup[ilice,  un  petit  maillet  et  une  espèce  de 
tarière.  C'est  ici  où  je  ne  puis  plus  retenir 
mes  larmes,  il  faut  qui;  je  leur  donne  la  li- 
berté de  sortir;  aussi  bien  la  compassion  ar- 
rête ma  main,  et  ne  me  jxu'met  pas  de  con- 
tinuer mon  récit.  Le  pinceau  a  représenté 
des  gouttes  de  sang  si  naïvement,  que  vous 
ci'oyez  les  voir  couler  des  lèvres  de  la  vierge, 
et  tout  attendri  vous  en  détournez  aussitôt 
les  yeux  remplis  de  i)leurs.  Dans  un  des 
coins  du  tableau,  on  aperçoit  la  sainte  en 
prison  ;  elle  prie,  les  mains  étendues,  comme 
imploiant  le  secours  de  celui  pour  l'amour 
duquel  elle  souffre.  Ce  signe  que  les  chré- 
tiens ont  coutume  d'adorer  eî  de  représenter 
partout  est  au-dessus  de  sa  tôte,  et  semble 
descendre  du  ciel  ;  je  crois  qu'il  le  lui  envoie 
comme  un  présage  de  son  martyre  ;  car,  à 
c|uelques  pas  de  là,  le  peintre  a  allumé  un 
grand  feu;  lallamme  s'y  élève  par  gros  tour- 
billons, qui  sont  marqués  par  des  traits  ex- 
trêmement vifs  et  d'un  rouge  un  peu  fort.  La 
vier^'c  est  au  milieu,  les  mains  et  les  yeux 
tournés  vers  le  ciel  ;  on  n'y  aperçoit  ni  tris- 
tesse ni  crainîe,  mais  au  contraire  on  y  voit 
éclater  une  joie  tranquille,  qui  lait  juger 
qu'elle  croit  n'être  pas  éloignée  du  moment 
qui  la  doit  mettre  en  possession  du  bonheur 
éternel.  Ma  ^jlume  s'arrête  oii  le  pinceau 
s'est  arrêté.  Cependant  vous  pouvez  vous 
informer  p.w  vos  proj^res  yeux  si  nous  avons 
été  tidèles  à  représenter  toutes  les  grâces  et 
toutes  les  beautés  de  cette  excellente  pein- 
ture. » 


LUPHEMiE  (sainte),  martyre,  répandit  son 
sang  pour  la  foi  à  Ann'de  en  Pa|ihlagrnie,  On 
ignore  à  quelh;  époque.  Le  Marlyruloge  ro- 
main indi(pn;  seuhnienl  les  noms  de  ses 
compagnes  de  sonlfrances,  saintes  Alexandra, 
Claude,  Euphrasie,  Matrone,  .luMitu;,  'I  héo- 
dose,  Derphute  et  sa  sœur.  L'iiglise  honore 
IcHU'  nu''njoire  le  20  mars. 

ElJi'HIlASlE  (sainte),  martyre,  cueillit  la 
palme  du  martyre  à  Annde  en  Paplilagorn(!. 
On  ignore  la  date  de  son  martyre.  Elle  souf- 
frit avec  Alexandra,  Claude,  Matrone,  Jus- 
tine, Eui)liémie,  ïhéodose,  Derj)hute  et  sa 
sœur.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le 
2i)  mars. 

EUIMÏKONE  (saint),  évoque  et  confesseur, 
endura  de  cruels  tourments  pour  la  défense 
de  la  religion.  Nous  n'avons  aucun  détail 
sur  le  lieu,  la  date  et  les  circonstances  dosa 
confession. 

EUPHROSYNE  (sainte), fut  martyrisée  sous 
Domitien  à  Tcrracino.  On  prétend  que  ce  fut 
en  môme  temps  c[ue  les  saints  Nérée  et 
Acliillée.  On  lui  donne  pour  compagne  de 
son  martyre  sainte  Théodore  (fête  7  mai). 
Pas  de  documents  certains. 

EUPLIUS  (saint),  fut  mis  à  mort  pour  Jé- 
sus-Christ à  Catane,  en  Sicile,  sous  le  gou- 
vern.'ur  Calvisien,  durant  le  règne  de  Dio- 
clétien,  en  l'an  de  Jésus-Christ  3y3.  Ses  Actes 
sincères  sont  donnés  par  Kuinart,  d'après 
Cotelier,  Surius  et  Baronius.  Nous  les  repro- 
duisons ici  : 

PREMIER  INTERROGATOIRE. 

Sous  le  neuvième  consulat  de  Dioclétien, 
et  sous  le  huitiènie  de  Maximien,  son  collè- 
gue, le  jour  d'avant  les  ides  d'août,  à  Ca- 
tane, Calvisien,  gouverneur  de  Sicile,  homme 
consulaire,  donnant  une  audience  particu- 
lière dans  son  cabinet,  le  diacre  Euplius, 
étant  dans  l'antichambre,  s'écria  :  Je  suis 
chrétien,  je  souhaite  de  mourir  pour  Jésus- 
Christ.  Le  gouverneur,  l'ayant  entendu,  dit  : 
Qu'on  fasse  entrer  cet  homme.  E]uplius 
étant  entré  ayant  à  la  main  ]e  livre  des 
Evangiles,  un'ami  de  Calvisien  lui  dit  :  11 
n'est  pas  (.'ans  l'ordre  de  paraître,  surtout 
dans  un  lieu  comme  celui-ci,  avec  ces  sortes 
de  livres,  contre  les  défenses  expresses  des 
empereurs  ;  c'est  n'avoir  pas  assez  de  res- 
pect pour  leurs  ordonnances.  Calvisien  , 
prenant  la  parole,  dit  :  OCi  avez-vous  pris  ce 
livre,  l'aviez-vous  à  votre  logis  ?  Euplius  : 
Je  n'ai  point  de  logis.  Calvisien:  D'où  vient 
que  vous  vous  en  êtes  chargé,  et  que  vous 
l'avez  apporté  ici  ?  Euplius  :  vous  le  voyez, 
je  le  lisais  quand  on  m'a  arrêté,  on  peut 
vous  le  dire.  Calvisien  :  Lisez-nous-en  quel- 
que chose.  Euplius  ouvrit  le  livre,  et  y  lut 
ces  paroles  :  Bienheureux  ceux  qui  souf- 
frent perséciilicn  pour  la  justice,  parce  que 
le  royaume  du  ciel  est  à  eux.  il  l'ouvrit  une 
seconde  fois,  et  il  lut  cet  endroit  :  Celui  qui 
teut  venir  ajJrês  moi,  qu'il  se  charge  de  sa 
croix,  et  me  suive.  Calvisien,  l'interrompant, 
lui  dit  :  Qu'est-ce  que  cela  ?  Euplius  ;  C'ea| 


935 


ELT 


EUP 


936 


la  loi  de  mon  Soigneur  ot  de  mon  Dieu, 
laq^uelle  m'a  été  donnée.  Calvisien  :  Et  par 
qui  ?  Euplius  :  Par  Jésus-Clirist  lui-môiue, 
qui  est  le  Fils  du  Dieu  vivant.  Calvisien, 
ayant  été  aux  opinions,  dit  :  Comme  il  nous 
apparaît  par  la  propre  confession  d'Euplius 
qu'il  est  chrétien,  nous  ordonnons  qu'il  soit 
mis  à  la  question  pour  y  subir  un  second 
interrogatoire. 

SECOND  INTERROGATOIRE 

Sous  le  neuvième  consulat  de  Dioclétien 
et  le  huitième  de  Maximien,  son  collègue,  le 
jour  d'avant  les  ides  d'août,  Calvisien,  ayant 
fait  appliquer  Euplius  à  la  question,  lui  dit  : 
Persistez-vous  toujours  dans  les  mêmes  sen- 
timents ?  Euplius,  faisant  le  signe  de  la 
croix  sur  son  front  avec  la  main  qu'il  avait 
libre,  dit  :  Oui,  ce  que  j'ai  d'abord  confessé, 
je  le  confesse  encore  ;  je  suis  chrétien,  et 
je  lis  les  divines  Ecritures.  Calvisien  :  Pour- 
quoi premièrement  en  avez-vous  ?  et  en  se- 
cond lieu,  pourquoi  ne  nous  les  avez-vous 
pas  remises  entre  les  mains,  puisque  vous 
savez  que  les  empereurs  en  avaient  défendu 
la  lecture  ?  Euplius  :  Parce  que  je  suis  chré- 
tien, et  qu'il  n'est  pas  permis  à  un  chrétien 
de  livrer  les  Ecritures  ;  j'aime  mieux  mourir 
que  d'être  tradileur.  Calvisien,  ayant  pris 
les  avis,  dit  :  Euplius,  pour  avoir,  contre  les 
défenses  des  empereurs,  gardé  les  Ecritures, 
et  les  avoir  lues  au  peuple,  subira  la  peine 
portée  par  l'édit.  Pendant  qu'on  redoublait 
la  question,  Euplius  dit  :  Seigneur,  je  vous 
rends  grAces  ;  Jésus,  fortitiez-moi,  puisque 
c'est  pour  vous  que  je  soutfre.  Calvisien: 
Adorez  les  dieux,  et  je  vous  remets  en 
liberté.  Euplius  :  J'adore  Jésus-Christ,  et 
j'abhorre  vos  démons.  Vous  en  userez  comme 
il  vous  plaira,  mais  enfin  je  suis  chrétien  ; 
il  y  a  longtemps  que  je  souhaite  de  me  voir 
oiî  je  suis  ;  faites  ce  que  vous  voudrez,  met- 
tez tourments  sur  tourments,  j'endurerai 
tout  avec  joie,  je  suis  chrétien,  La  torture 
ayant  duré  beaucoup  plus  qu'à  l'ordiîiaire, 
les  bourreaux  eurent  ordre  de  s'arrêter.  Cal- 
visien prit  ce  moment  pour  dire  à  Eu[)lius  : 
Misérable,  adore  les  dieux,  adore  Mars,  Apol- 
lon et  Esculape.  Euplius  :  J'adore  le  Père, 
le  Fils  et  le  Sainl-Esprit  ;  j'adore  la  sainte 
Trinité  ;  il  n'y  a  point  d'autre  Dieu.  Péi'is- 
sent  les  dieux  qui  n'ont  fait  ni  le  ciel  ni  la 
terre  !  Calvisien  :  Sacrilie,  si  tu  veux  éviter 
la  mort.  Euplius  .-Attendez, je  sacrifierai  dans 
peu,  mais  ce  sera  moi-même  que  je  sacrilie- 
rai,  et  à. Jésus-Christ  ;  si  j'avais  quehiue 
chose  qui  me  fût  plus  cher,  je  le  lui  sacri- 
fierais. Au  reste,  tous  vos  elforts  sont  vains, 
je  suis  chrétien.  Calvisien  :  Qu'on  redouble 
les  tourments.  Euplius  :  Je  vous  rends  grA- 
ces,  ô  Jésus  !  Jésus,  venez  à  mon  secours, 
c'est  pour  vous  que  je  soulIVe.  11  répétait 
souvent  les  mêmes  paroles,  et  lorsque  ses 
forces  venaient  à  diminuer,  on  lui  voyait 
encore   rennicr  les   lèvies. 

Alors  Calvisien,  jiassant  derrière  le  ri- 
deau (1),  dicta  la  sentence  ;   puis  rentrant 

(  1  )  Il  y  avait  dt'rriùn;  les  si(''g<'s  des  jniçes  un  ri- 
deau qui  forinail  iiac  Ch|)cce  de  réduit  où  les  juges 


et  ayant  à  la  main  dos  tablettes,  il  y  lut 
ce  qui  suit  :  «  Nous  ordonnons  qu'Euplius, 
ch(étien,  et  rebelle  aux  ordres  des  empe- 
reurs, et  endur(  i  dans  son  impiété  et  sa  dés- 
obéissance ,  aura  la  tète  tranchée.  Qu'on 
l'aille  exécuter.  »  On  lui  attacha  au  cou  le  li- 
vre des  Evangiles  qu'on  avait  trouvé  sur 
lui  lorsqu'il  fut  arrêté  ;  et  un  crieur  public 
marchant  devant  lui  disait  h  haute  voix  : 
Euplius,  chrétien,  l'ennemi  des  dieux  et  des 
empereurs.  Pour  lui,  il  rendait  grâces  sans 
cesse  à  Jésus-Christ.  Etant  arrivé  au  lieu  oi\ 
l'exécution  se  devait  faire,  il  se  mit  à  ge- 
noux, pria  longtemps  et  présenta  sa  lôte 
au  bourreau,  qui  la  lui  abattit  d'un  seul 
coup.  Les  chrétiens  enlevèrent  son  corps, 
qu'ils  ensevelirent  après  l'avoir  embaumé. 
12   août. 

EUPORE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
souffrir  la  mort  pour  Jésus-Christ,  en  Crète, 
dans  la  ville  de  Gortyne,  sous  le  règne  de 
Dèce,  durant  la  persécution  si  terrible  que 
ce  prince  féroce  alluma  contre  l'Eglise.  Il 
fut  décapité  après  avoir  souffert  d'horribles 
tourments.  Sa  fête  arrive  le  23  décembre. 
Saint  Eupore  est  l'un  des  dix  martyrs  de 
Crèle.  {Voy.  Martvrs  de  Crète.) 

EUPRÈPE  (saint),  frère  des  saints  Cosme 
et  Damien,  fut  martyrisé  avec  eux  en  303 
sous  l'empire  de  Dioclétien.  Sa  fête  arrive 
avec  la  leur,  le  27  septembre.  [Voy.  Cosme.) 

EUPRÈPE  (saint),  évêque  et  confesseur, 
confessa  Jésus-Christ  à  Vérone.  Nous  igno- 
rons complètement  à  quelle  époque  et  dans 
quelle  circonstance.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
21  août.     . 

EUPRÉPITE  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  pour  la  foi  à  Rome,  avec  saint  Castule. 
On  n'a  aucun  détail  sur  eux.  L'Eglise  fait 
leur  sainte  mémoire  le  30  novembre. 

EUPSYCHIUS  (saint),  martyr,  était  habi- 
tant de  Césaiée  en  Cappadoce.  Jnlien  l'A- 
postat, étant  nasse  dans  cette  ville,  entra  dans 
une  grande  lureur,  en  voyant  que  presque 
tous  ses  habitants  étaient  chrétiens.  Ils 
avaient  abattu  récemment  le  temple  de  la 
Fortune.  Ce  i)rince  en  fut  très-irrité.  Dans  sa 
colère,  il  ell'aça  Césarée  du  nombre  des  cités 
et  lui  fil  reprendre  son  ancien  nom  de  Mo- 
zaca.  Il  dépouilla  de  leurs  biens  toutes  ses 
églises,  et  enrôla  le  clergé  dans  la  milice  du 
gouverneur  de  la  province.  Plusieurs  chré- 
tiens furent  mis  à  mort ,  et  entre  autres 
Eupsychius,  qui  appartenait  h  une  famille 
considérable,  et  (pii  élait  marié  depuis  peu. 
Julien  donna  aux  habitants  l'ordre  de  re- 
bâtir les  temples  des  idoles  ;  mais  ceux-ci, 
au  lieu  d'obéir,  construisirent  une  église 
sous  l'invocation  de  saint  Eupsychius'.  Il  est 
certain  (jue  Julien  en  aurait  tiré  vengeance, 
si  la  main  de  Dieu  ne  l'avait  arrêté  en. le 
faisant  mourir  dans  ces  temps-là,  dans  l-i 
guerre  (pi'il  faisait  à  Sapor.  L'Eglise  fait  au- 
jourd'hui la  fêle  d(!  re  saint  le  0  avril.  {Voy. 


i 

SozomèiHî,  1.  IV,  c.  0. 
ELPSYQUE  (saint 


fui    du  nombre  dea 


se  relii\iieul  |)(iui- aller  aii\  opinious,  ou  pour  écrire 
leurs  ju^e^ijenls. 


937 


EUS 


EUS 


958 


saints  que  1;\  porsociilion  do  l'empcrour 
Adrien  lit  monter  au  ciel.  Il  donna  sa  vie 
pour  Jésus-Christ  à  Césarde  do  Cappadoco  : 
il  avait  été  pris  i)ar  les  porséculeurs,  puis 
relAchc'!.  Pensant  bien  ([ue  le  répit  (pi'on  lui 
donnait  ne  serait  pas  do  longue  durée,  il 
voulut  se  l'aire  un  trésor  pour  le  ciel.  11 
doinia  tout  son  bien  à  ses  accusateurs  et 
aux  pauvres  :  aux  pauvres,  pour  paver  à 
Dieu  la  rançon  de  i)onnes  œuvres  (pu;  tout 
mortel  doit  ici-bas  suivant  la  mesure  de  ses 
moyens  ;  Ji  ses  accusateurs,  pour  leur  payer 
sa  dette  h  lui,  c\  qui  ils  ouvraient  le  chemin 
du  ciel.  Qu'on  nous  cite  donc  des  sublimités 
comme  celle-là  eu  dehors  des  fastes  de  la 
religion  chrétienne.  Peu  de  temps  après, 
saint  Eupsyque  fut  repris,  et  après  divers 
supplices,  la  mort  qu'il  avait  tant  désirée 
lui  fut  envoyée.  La  couronne  du  uiartyre 
descendit  des  cieux  sur  sou  front. 

Il  y  a  bien  une  difticulté  par  rapport  h 
saint  Eu[)sy(iuc  :  on  le  met  sous  Adrien 
(Bai'onius,  Mort,  rom.),  mais  il  est  certain 
qu'un  saint  Eupsyque  a  été  martyrisé  sous 
le  règne  de  Julien  l'Apostat,  à  Césaréc  de 
Cappadoce.  N'aurait-on  pas  fait  confusion?  La 
fête  de  saint  Eupsyque  à  lieu  le  7  septembre. 

EUPSYQUE  (saint),  martyr,  est  oublié  par 
les  rédacteurs  du  catalogue  des  saints  publié 
par  ordre  des  papes.  Eusèbe,  dans  sa  relation 
de  la  ])ersécution  de  Palestine,  et  les  méno- 
loges  des  Grecs  font  pourtant  mention  de  lui. 
Il  fut  une  des  victimes  de  la  cruauté  atroce 
du  gouverneur  Urbain.  11  était  fort  âgé 
quand  il  fut  condamné,  avec  saint  Cartère, 
à  être  fait  eunuque  et  à  aller  travailler  aux 
mines.  Cette  sentence  fut  prononcée  contre 
lui  le  5  novembre  307,  jour  auquel  les  Grecs 
font  sa  fête.  Cet  abominable  juge  avait  en 
même  temps  condamné  trois  autres  saints, 
Timothée,  Théophile  et  Théotime,  à  appren- 
dre le  métier  de  gladiateurs,  pour  se  battre 
à  coups  de  poings.  Ces  saints  refusèrent  ab- 
solument d'apprendre  ce  vil  métier;  ils  fu- 
rent envoyés  aux  mines.  Quant  à  notre 
saint,  nous  ne  trouvons  pas  de  plus  grands 
détails,  et  ne  pouvons  conséquemment  dire 
ce  qu'il  devint  dans  l'exil  où  on  l'envoya. 
Seulement  il  est  tout  simple  de  croire  qu'il 
fut,  comme  condamné  aux  raines,  soumis  aux 
atroces  cruautés  qu'on  exerçait  envers  ceux 
qui  y  étaient  envoyés.  Cela  est  d'autant  plus 
probable,  qu'on  lit  que  les  trois  saints  que 
nous  venons  de  nommer,  et  qui  furent  con- 
daitinés  le  même  jour  que  lui,  eurent  le  jar- 
ret gauche  brAlé  et  l'œil  droit  arraché.  Ces 
mutilations  étaient  ordonnées  comme  me- 
sure à  peu  près  générale  à  l'égard  des  con- 
damnés aux  mines.  Plusieurs  évêques,  qui 
survécurent  à  ces  tortures,  vivaient  encore 
sous  Constantin,  et  gouvernaient  l'Eglise  avec 
gloire.  Plusieurs  siégèrent  dans  des  conciles 
où  on  leur  témoignait  le  respect  le  plus 
profond.  Les  auteurs  qui  nous  permettent  de 
faire  cet  article  sur  saint  Eupsyque  de  Pales- 
tine ne  nous  donnent  pas  assez  de  détails 
pour  que  nous  puissions  dire  s'il  était  ou 
non  engagé  dans  les  ordres  sacrés  ;  cepen- 
dant cela  est  fort  probable. 

DiCTioNN.   DES   Persécutions.  I. 


EUSËRE  (saint),  reçut  la  palme  des  glo- 
ri(!ux  combattants  de  |,i  foi  h  Rome  avec  les 
saints  Pontien,  Vincent  et  Pérégrin.  Ce  fui 
sous  l'empereuiConunode  (pi'ils  endurèrent 
successivement  les  tourments  du  chevalet, 
des  entraves,  des  cou|)s  de  I.àlon  ;  ensuite 
api'ès  avoir  eu  les  cotés  bi  Aies,  connue  ils 
ne  cessaient  point  de  louer  Jésus-Christ, 
on  les  fiappa  avec  des  fou(  ts  gai-nisde  })li)mb, 
juscpi'à  ce  ([u'ils  rendissent  l'Ame.  L'Eglise 
fait  h'ur  fêle   le  25  août. 

EUSÈBE  (saint).  A'oici  ce  qu'à  son  sujet 
nous  trouvons  (!iu:s  le  Martyrologe  romain  : 
«  A  Alexandrie  les  saints  prêtres  et  diacres 
Caïus,  Kauste,  Eusèbe,  Chérémon,  Lccius  et 
leius  conq)agnons,  dont  les  uns  furent  mar- 
tyrisés durant  la  persécution  de  Valé- 
ricn,  et  les  autres,  en  servant  les  martyrs, 
reçurent  la  récom[)ense  des  martyrs.  »  L'E- 
glise fait  leur  fête  le  4  oclobie. 

EUSÈBE  (saint),  fut  martyrisé  à  Rome,  sous 
l'empire  de  Va!éri(Mi,  avec  les  saints  Hippo- 
lyte,  Marcel,  Adrias,  Maxime  Néon ,  et  les 
saintes  Pauline  et  Marie.  L'Eglise  fait  sa 
fêle  le  2  décembre.  (Pour  plus  amples  détails, 
Voy.  les  Actes  de  saint  Hippolyte  à  son 
article.) 

EUSÈBE  (saint),  l'un  des  gardes  de  la  pri- 
son de  saint  Censorin  ou  Ccnsorinus  ,  sous 
Claude  11  le  Gothique,  fut  converti  à  la  foi 
chrétienne  par  le  prêtre  saint  Maxime,  avec 
les  autres  gardes  de  la  prison ,  lesquels 
étaient  Félix,  Maxime,  Faustin,  Herculan, 
Numère,  StoracinusMène,  Commode,  Herne, 
Maur,  Rustique,  Amandinus  ,  Monacre , 
Olympe,  Cyprien  et  Théodore.  (Pour  voir 
leur  histoire,  recourez  à  l'article  Martyus 
d'Ostie).  Ces  saints  ne  sont  pas  nommés  au 
Martvrologe  romain. 

EUSÈBE  (saint),  souffrit  le  martyre  pour 
la  défense  de  la  religion  avec  les  saints 
Néon,  Léonce,  Longin  et  quatre  autres  dont 
nous  ne  savons  pas  les  noms.  Après  avoir 
été  cruellement  tourmentés,  ils  périrent  par 
le  glaive  durant  la  persécution  de  Dioclélien. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  2k  avril. 

EUSÈBE  (saint),  prêtre  et  martyr.  Ce  saint 
homme,  qui  possédait  à  un  degré  éminent 
toutes  les  vertus  apostoliques  ,  soutint  le 
martyre  sous  le  règne  des  empereurs  Dio- 
clétien  et  Maximien  ;  les  uns  disent  à  Rome, 
les  autres  en  Palestine.  Ce  fut  le  président 
Maxence  qui  informa  contre  Eusèbe,  et  qui 
lui  ordonna  impérieusement  de  sacrifier  aux 
dieux  de  l'empire  ;  mais  notre  saint  lui  ré- 
pondit qu'il  préférait  la  mort,  et  que  l'éclat 
de  sa  couronne  se  mesurerait  sur  la  cruauté 
des  tourments  qu'il  endurerait,  Maxence  le 
fit  étendre  sur  le  chevalet,  où  il  eut  les  côtés 
déchirés  avec  les  ongles  de  fer  :  mais  bientôt,' 
passant  de  l'étonnement  où  la constancede  no- 
tre saint  l'avait  mis,à  une  fureur  plus  grande 
encore,  de  se  voir  vaincu,  il  ordonna  qu'on 
le  conduisît  au  bûclier.  Eusèbe  suivait  déjà 
les  bourreaux,  quand  Maxence  lui-même,  le 
rappelant,  l'engagea  à  éviter  une  mort  aussi 
cruelle,  en  obéissant  aux  li,is.  Celui-ci 
répondit  :  «  S'il  est  vrai  que  l'empereur 
m'ordonne  d'adorer  un  vil  métal,  faites  que 

30 


939  EUS 

je    le  voie.  »  La  raison  qui  le  faisait  ainsi 
parler,  c'est  que  le  juge  le  faisait  souffrir 
injustement,    puisque  les   empereurs  n'a- 
vaient   point    publié    de    nouveaux    édits. 
Maxence  le   fit  alors  remettre  en  prison  et 
alla  voir  l'empereur,   à   qui   il   représenta 
Eusèbe  coaime  un  homme  séditieux  et  se 
refusant  à   Tobéissance   des    lois.    Celui-ci 
ordonna  qu'on  le   lui  amenât,  et  frappé  de 
son  air  divin  et  de  ses  saintes  paroles,  il 
dit  à  Maxence  de  le  juger  avec  équité  et 
conformément   aux  lois  :  Pour  moi ,  dit-il, 
je  ne  veux  pas  être  juge  en  cette  affaire. 
Maxence  ordonna  alors  que  notre  saint  fût 
amené  devant  lui,  et  sur  son  nouveau,  re- 
fus de  sacrifier,  le  condamna  à  ôtre  décapité. 
L'Eglise  célèbre  sa  sainte  mémoire  le  li  août. 
EUSÈBE  (  saint  )  ,  martyr,  habitait  Gaza 
avec  ses  deux  frères  Nestable  et  Zenon,  du 
temps  que  la  cruelle  |)ersécution  de  Julien 
l'Apostat  rappelait  à  l'Eglise  les  maux  qu'elle 
avait  soufferts  sous  Dioclétien  et  sous  ses 
collègues.    Les    païens    les    ayant    arrêtés 
dans  leurs  maisons,  les  jetèrent  en   prison, 
où  ils  furent  fouettés  avec  la  dernière  cruan  té. 
Dans  l'assemblée  qui  se  tenait  à  raraphithéû- 
tre  pour  voir  les  jeux  publics,  ces  forcenés 
se  mirent  h  crier  qu'il  fallait  punir  ces  in- 
dignes sacrilèges.  La  populace  se  précipite, 
brise  les  portes  de  la  prison,  en  arrache  les 
trois  frères,  et  les  emporte  en  les   traînant 
tantôt   sur  le  dos,  tantôt  sur  le  ventre.  On 
les  frappe  avec  des   bâtons,   avec  tout   ce 
qu'on  peut    trouver  dans  les  rues   sur  leur 
passage.  Les  femmes  les  piquentavoc  leurs  fu- 
seaux, leur  jettent  do  l'eau  bouillante  de  leurs 
chaudières.  Les  cuisiniers  les  percent  avec 
leurs  broches.  Quand  les  saints  martyrs  furent 
morts  et  horriblement  mutilés,  cette  horde 
sauvage  les  traîna  jusqu'au  lieu  oii  on  je- 
tait les  botes  mortes  ,  c'est-à-dire  à  la  voi- 
rie. Puis,  [)Our  empêcher   les  chrétiens  de 
I (rendre   leurs    saintes   reliques ,   on  brûla 
eurs  corps  avec  des  ossements  d'animaux. 
L'Eglise  fait  la  fôle  de  ces  glorieux  nrictyrs 
le  8  septembre.  Ainsi  fiiirenl  ces  trois  frè- 
res cbrétiens.  Leur  mort  tragique  au  milieu 
d'une  aussi  ignoble   émeute  ne  prouve  pas 
beaucoup  en  faveur  de  radminislration  de 
Julien,  'juo  ses  [)anégyristes  ont  tant  exallée. 
EUSÈBlî  (sainli,  évô(pie  de  Verceil  et  con- 
fesseur, était  natif  de  Sard  ligne  et  d'une  fa- 
niille  considéra  )le.  Onditqun  son  père,  qui 
était  chrc  ien,  fut  pris  en   Afrique  durant  la 
persécution  de  Dioi;lélien,  et   tpi'il  mourut 
comme  on  le  coiduisait  h.  Home.  Devenue 
veuve,  Kesiitule,  sa  uière,  vint  à  Rome  avec 
lui  et  sa  sœur,  jeune  encore.  11    fut   élevé 
dans  la  pratiipn;  <le  toutes  les  vertus  clué- 
tiyrnieset  devint  lecteur  de  l'église  romaine. 
Ayant  été  appelé  à  Verceil  pour  une  raison 
que    nous  ignorons,    il  se   distingua   tolle- 
mi'iit  que  le  siégo  do  cette  ville  étant  venu 
à  vaijuer,  on  l'y  éleva  unanimeiuent.  il  était 
plein  de  zèle  et  |>lt'in  de  douceur.  Il  mettait 
sa  gloinî  dans  la  uiorliliratiou,  cl  eutiopre- 
ïi'iil  av(H;  joie    los   plus  grands  j(!Ûiies  ;    il 
nt;   se  dcsallérail  (pi'avec  d(;  l'fîau  pure,  et 
ne  se  couvrait  que  des  liabils  lus  plus  vils. 


EUS 


940 


Il  faisait  paraître  en  tout  son  amour  pour  la 
pauvreté,  foulait  le  monde  aux  pieds  ainsi 
que  ses  plaisirs  et  ses  honneurs. 

Le  courage  de  saint  Eusèbe  commença 
particulièrement  à  juiraître  l'an  355  dans  le 
concile  de  Milan,  pour  la  convocation  du- 
quel le  pape  Libère  avait  envoyé  notre  saint 
et  Lucifer  de  Cagliari  demander  la  permis- 
sion de  l'empereur  Constance.  Dans  ce  con- 
cile, les  ariens,  qui  étaient  les  plus  forts  et 
les  plus  puissants,  voulaient  faire  signer  la 
condamnation  d'Athanase.  L'empereur  lui- 
inôme  voulut  forcer  la  main  des  évoques  en 
leur  disant  :  «  Obéissez,  je  suis  l'accusateur 
d'Athanase.  »  Mais  notre  saint  lui  répondit 
courageusement  :  «  11  n'est  point  ici  question 
d'une  affaire  civile,  sur  la  décision  de  la- 
quelle l'opinion  de  l'empereur  doive  in- 
fluer. »  Constince  irrité  exila  saint  Denis  en 
Cappadoce  où  il  mourut,  Lucifer  de  Cagliari 
à  Germanicie,  et  enfin  Eusèbe  à  Scythopolis 
en  Palestine ,  où  l'évoque  Patrophile,  qui 
était  arien,  reçut  la  licence  de  le  traiter  à  sa 
guise.  Eusèbelogea  dans  la  maison  du  comte 
Joseph,  où  des  députés  de  Verceil  vinrent 
lui  apporter  des  secours  :  mais  il  les  parta- 
gea avec  les  pauvres  de  son  diocèse.  Le 
comte  Joseph  étant  venu  à  mourir,  les  ariens 
ne  gardèrent  plus  de  mesures.  Ils  l'injuriè- 
rent ,  le  maltraitèrent  et  le  renfermèrent 
dans  une  chambre  où  on  le  laissa  quatre 
jours  sans  manger.  Il  fut  envoyé  ensuite  en 
Cappadoce,  et  de  là  dans  la  haute  Thébaïde 
en  Egypte. 

Constance  étant  mort  en  361,  Julien  l'A-  j 
postât  donna  aux  évoques  la  permission  de  I 
retourner  dans  leurs  diocèses.  Notre  saint 
se  rendit  à  Alexandrie,  pour  convenir  avec 
Athanase  de  ce  qu'il  y  avait  à  faire  pour 
remédier  aux  maux  qui  désolaient  rEj,lise. 
il  alla  ensuite  à  Antioche  pour  y  travailler 
à  éteindre  le  schisme  qui  troublait  celte 
Eglise.  Il  revint  enfin  dans  son  Eglise  de 
Verceil  et  la  trouva  en  très-bon  état  par  le 
soin  qu'en  avait  pris  saint  Gaudence,  qu'il 
y  avait  envoyé  trois  ans  auparavant;  il  lui 
témoigna  toujours  beaucoup  de  respect  et  ils 
co-îlinuèrent  à  diriger  c;'tte  Eglise ,  l'un 
comme  évôijuc,  l'autre  comme  jirètre.  Saint 
Jérôme  nous  apprend  qu'il  niourut  le  1" 
août  370,  sous  le  règne  de  Valcnlinien. 
Avant  de  mourir  il  con.pua  ses  disciples  de 
mettre  dans  son  tombeau  ses  h.  bits,  son 
linge  et  tout  ce  qui  était  pour  sa  personne, 
el  de  ne  point  soidlrir  (pi'on  lui  coup;U  ni  les 
chevcHix  ,  lù  la  barbe,  d'où  vienl  qu'on 
trouve  très-peu  de  reliques  de  lui.  OrT  as- 
sure; qu'il  se  faisait  beaucoup  de  miracles  au 
tombeau  de  saint  Kusèbe,  j)arlieulièrcmcnl 
le  jour  de  sa  fèt.;.  Saint  Grégoire  de  Tours 
en  iap|K)i'le  un  arrivé  chez  sa  propre  mère, 
qu'il  attribue  aux  mérites  de  ce  saint,  dont 
elle  avait  des  r  liqnes  chez  elle  dans  son  ora- 
toire. I/Kglise  fait  sa  mémoire  le  15décend)re. 
KUSÈI5K  (saint),  pape,  confesseur,  succéda 
à  Marcel  sur  h;  trône  de  saint  Pierre.  Son 
zèle  ard(!ntà  maintenir  avec  rigueur  la  péni- 
l(!nce  (pje  les  canons  infligeaient  à  ceux  qui 
avaient  fléchi  sous  la  persécution,  lui  attira 


041 


EUS 


E!1S 


942 


des  ennemis,  entre  autres  Héraclins,  homme 
U'^or  et  (iiihiilonl,  ([ui  se  mit  h  leur  10U\  11 
oui  5  subir  du  Irur  part  luillo  coiilradiclioiis 
(lu'il  parvint  à  siinnoiiler.  Il  l'ut  exilé  en  Si- 
cile par  le  tvra'i  Maxcnco,  et  y  mourut  (|iicl- 
(jue  tom|)s  "aprC's,  dans  l'annèo  ."UO.  Si  nous 
en  croyons  le  calendrier  de  J.ih^re,  il  n'oc- 
cuj)a  le  saint-siége  (jue  quatre  mois  et  seize 
joins...  Son  nom  est  inscrit  au  Alartyrologc 
j'oniai'i  le  2()  seplomhie,  jour  dans  lc<iuel, 
prol)al)loin('nt,  ses  l'clitjues  furent  déposées 
dans  les  catacombes  de  Home. 

EUSf^BK  (sailli),  prèlre  et  confesseur,  vi- 
vait au  lenipsde  rempercurConstance,i)rinco 
qui,  con\me  on  le  sait,  favorisail  d'une  façon 
toute  parùculirro  riiéiésic  des  ariens.  Ce 
saint  111  être  les  cond)allil  ;»  I\ome  avec  beau- 
coup de  force  et  de  couraj^o.  Quand  la  fa- 
uu'use  confession  de  foi  de  Sirminm  eul  reçu 
la  signature  de  Libère,  Eusèbe  se  déclara 
immédiatement  contre  ce  pape,  et  ne  voulut 
pins  connnuni(|uer  avec  lui.  L'empereur  le 
lit  emprisonner  dans  sa  chambre.  C'est  ce  que, 
de  nos  jours,  on  noinme  mettre  aux  arrêts. 
Qualifié  martyr  dans  que]i{ucs  martyrologes, 
ou  cale'ulriers  modernes,  il  ne  doit  pas  pren- 
dre ce  litre^  11  faut  s'en  tenir  à  celui  de  con- 
fesseur, qui  lui  est  justement  attribué.  L'E- 
glise célèbre  sa  fête  le  ik  août. 

EUSÈBE  DE  SAMOSATE  (saint),  martyr, 
fut  élu  évoque  de  cette  ville  en  361,  c'est-à- 
dire  à  une  époque  où  presque  tous  les  siè- 
ges voisins  étaient  occupés  par  des  ariens. 
La  même  année,  il  assista  au  concile  d'An- 
tioche  provoqué  par  Constance  en  faveur  de 
l'arianisme.  Il  y  montra  son  zèle  pour  le  ca- 
tholicisme. Il  contribua  puissamment  à  l'é- 
lection de  saint  Mélèce,  patriarche  d'Antio- 
che.  Quelques  jours  après,  ce  patriarche 
ayant  prêché  la  doctrine  du  concile  de  Ni- 
cée,  dans  le  premier  discours  qu'il  adressa 
aux  fidèles,  les  ariens  en  furent  consternés. 
Ils  obtinrent  que  l'empereur  envoyât  un  offi- 
cier pour  redemander  l'acte  de  nomination 
qui  se  trouvait  entre  les  mains  d'Eusèbe. 
Celui-ci  refusant  de  le  donner,  l'ollicier  le 
menaça  de  lui  couper  la  main  droite.  Le 
saint  évoque  présenta  les  deux,  en  disant 
qu'il  aimait  mieux  les  perdre  que  de  consen- 
tir à  l'injustice.  L'oiîicier  déconcerté  recula, 
l'empereur  fit  de  même.  Quand  ]'eiu})ereur 
A'alens  persécuta  les  orthodoxes,  Eusèije  fit 
de  constants  efforts  pour  affermir  son  trou- 
peau dans  la  foi.  Il  fit  des  voyages  dans  les 
pavs  environnants,  dans  le  biit  d'affermir  les 
catholiques  contre  les  etforts  de  l'hérésie. 
Les  ai  iens,  furieux,  décidèrent  l'empereur  à 
l'exiler  en  Thrace.  L'oflicier  porteur  de  l'or- 
dre d'exil  étant  arrivé  à  Samosate,  vint  trou- 
ver l'évêque.  «Gardez-vous,  lui  dit  celui-ci, 
de  publier  l'ordre  que  vous  portez  :  vous  y 
êtes  le  plus  intéressé.  Si  le  peuple  savait  ce 
qui  se  passe,  il  prendrait  certainement  les 
ai'mes  contre  vous.  Je  ne  veux  pas  qu'il  vous 
en  coûte  la  vie  à  cause  de  moi.  »  Après  l'of- 
fice de  la  nuit,  Eusèbe  sortit  avec  un  domes- 
tique fidèle,  et  s'embarquant  sur  l'Euphrate. 
|1  se  rendit  à  Zeugna,  à  quatre-vingts  lieues 
de  Samosate.  Le  lendemain,  quand  on  sut 


son  départ,  ce  fut  une  désolation  générale. 
ri'out  le  peuple  s'assembla.  Dans  un  instant 
le  neuve  fut  couvert  (h;  barques,  \]n  grand 
nombre  d'habitants  vinrent  a  Zeugma  trou- 
ver le  saint  évêque  ;  mais  ni  larmes,  ni  j)riè- 
res,  ni  promesses,  rien  ne  put  le  déterminer 
h  revenir.  1!  ne  voulut  non  plus  rien  accepter 
pour  les  ])esoins  de  l'exil,  Eunomius  fut 
placé  sur  son  siège  par  les  ariens.  Cet  homme 
fort  modéré,  voyant  qu'à  Samosate  tout  le 
monde  le  fuyait,  abandonna  la  ville  et  se  dé- 
mit de  ses  fonctions.  Lucius,  liomme  violent 
et  cruel,  fut  mis  h  sa  jilace.  Il  bannit  les 
principaux  d'entre  les  membres  du  clergé. 
Antiochus,  neveu  d'Eusèbe,  fut  exilé  aux 
frontières  de  l'Arménie.  Malgré  tout,  Lucius 
ne  put  amener  personne  dans  son  parti.  En 
379,  les  Goths  ayant  fait  une  invasion  dans 
la  Thrace,  Eusèbe  reçut  la  permission  do  re- 
tourner dans  sa  ville  é[)iscopale.  Ce  fut  pour 
y  trouver  la  mort.  L'exil  avait  redoublé  son 
zèle.  Presque  aussitôt  après  son  retour,  il 
recommença  ses  courses  apostoliques.  11  re- 
plaça des  évoques  orthodoxes  à  Bérée,  h  Hié- 
rapïe  et  à  Cyr.  II  voulut  faire  la  même  ehos.e 
pour  la  ville  de  Dolique,  dans  la  Comagine. 
Il  accompagnait  Alaris,  qui  venait  ])rendre 
possession  de  ce  siège.  Une  femme  héréti- 
que, du  haut  de  sa  maison,  l'ayant  vu  pas- 
ser dans  la  rue,  lui  lança  une  tuile  qui  lui 
fractura  le  crâne.  Il  mourut  de  cette  bles- 
sure quelques  jours  après  l'avoir  reçue.  Sur 
le  point  d'expirer,  il  conjura  ceux  qui  l'en- 
toeraient  de  ne  point  rechercher  les  auteurs 
de  sa  mort,  voulant  ainsi  imiter  Jésns-Christj 
qui,  du  haut  de  sa  croix,  priait  pour  ses  bour- 
reaux. L'E^^lise  latine  fait  la  fête  de  saint  Eu- 
sèbe le  21  juin. 

EUSÈBE  (saint),  était  moine  à  Terracine 
en  Campanie.  Ce  fut  là  qu'il  souffrit  le  mar- 
tyre ,  avec  le  prêtre  saint  Félix.  Ce  saint 
moine,  qui  avait  enseveli  les  corps  de  saint 
Julien  et  de  saint  Césaire,  et  qui  convertis- 
sait plusieurs  infidèles  que  le  saint  prêtre 
Félix  baptisait,  fut  arrêté  avec  lui.  On  les 
mena  tous  deux  devant  le  juge,  qui,  n'ayant 
pu  les  vaincre,  les  fit  mettre  en  prison.  Etant 
demeurés  fermes  dans  la  résolution  de  ne 
point  sacrifier,  dès  la  môme  nuit  ils  furent 
décapités.  L'Eglise  fait  collectivement  leur 
fête  le  5  novembre. 

EUSÈBE(saini),  évoque  et  confesseur,  souf- 
frit à  Bologne  en  l'honneur  de  la  religion 
chrétienne.  Nous  n'avons  aucun  détail  sur 
la  date  et  les  circonstances  (!eses  tourments. 
L'Eglise  honore  son  immorlelle  mémoire  le 
20  septembre. 

EUSÈBE  (saint),  fut  martyrisé  en  Phénicie 
pour  la  défense  de  la  religion  chrétienne.  Ce 
saint  martyr,  étant  allé  se  présenter  au  pré- 
fet ,  et  lui  ayant  courageusement  déclaré 
qu'il  était  chrétien,  eut  la  tête  tranchée  après 
avoir  enduré  divers  tourments  dont  nous  ne 
connaissons  pas  les  différentes  circonstan- 
ces. L'Eghse  honore  la  mémoire  de  saint 
Eusèbe  le  21  septembre. 

EUSÈBE  (saint),  était  officier  du  palais.  L 
souffrit  le  martyre  pour  la  défense  de  la  reli- 
gion avec  neuf  autres  de  ses  compagnons 


943 


EUS 


dont  les  noms  ne  sont  point  parvenus  jusqu'à 
nous.  Nous  n'avons  point  de  détails  sur  le 
lieu,  l'époque  et  les  circonstances  de  leur 
martyre.  L"E^,'lise  fait  leur  sainte  et  immor- 
telle mémoire  le  5  mars. 

EUSÈBE  (.'■aint],  évêque  et  confesseur, 
soutfrit  pour  la  loi  à  Milan.  Les  Actes  des 
martyrs  ne  nous  donnent  aucun  détail  sur 
l'époque  et  les  circonstances  de  son  glorieux 
comUit.  L'Eglise  honore  sa  sainte  mémoire 
le  12  août 

EUSÈIÎE  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  fui.  On  ignore  le  lieu  et  la  date  de 
son  martyre.  Néanmoins  le  Martyrologe  ro- 
main nomme  trois  compagnons  de  soutlran- 
ces  qu'il  eut,  saint  Aphrodise,  saint  Agape 
et  saint  Caralippe.  C'est  le  28  avril  que  l'E- 
glise honore  la  mémoire  de  ces  quatre  saints 
martyrs. 

EUSÉBIE  (sainte),  vierge  et  martyre,  souf- 
frit pour  la  défense  de  la  religion  dans  la 
ville  de  Bergame.  Nous  n'avons  aucun  détail 
authentique  et  précis  sur  son  compte.  L'E- 
glise célèbre  son  immortelle  tt  sainte  mé- 
moire le  29  octobre. 

EUSIGNE  (saint),  versa  son  sang  pour  la 
foi  à  Antioche.  Ce  soldat,  âgé  déjà  de  cent 
dix  ans,  rappelait  à  Julien  l'Apostat  la  foi  du 
grand  Constanlin,  sous  lequel  il  avait  porté 
les  armes,  il  lui  reprochait  d'être  un  déser- 
teur de  la  piété  de  s»  s  pères.  Ce  prince,  ir- 
rité, le  condamna  à  perdre  la  tête.  L'Eglise 
fait  sa  fête  le  5  août. 

EUSTACHE  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  pour  la  loi  à  Nicée  en  Bitliynie,  avec 
les  saints  Thespèse  et  Anatole,  durant  la 
persécution  de  Maximien.  On  ignore  l'époque 
oij  eut  lieu  ce  martyre.  L'Eglise  honore  la 
mémoire  de  ces  saints  martyrs  le  20  novem- 
bre. 

EUSTACHE  (saint),  martyr,  mourut  pour 
l'honneur  de  la  foi  avec  les  autres  évoques 
saints  Urbain,  Valérien,  Crescent,  Crescone, 
Cresceniien,  Félix,  Hortulou  et  Fiorenlien. 
Us  turent  condanuiés  à  l'exil  et  y  terminè- 
rent leur  vie.  L'Eglise  célèbre  la  mémoire 
de  ces  saints  et  courageux  martyrs  le  28  no- 
vembr(î. 

EUSTACHE  (saint),  prêtre  et  confesseur, 
endura  de  cruelles  tortures  en  Syri.e  pour  la 
défense  de  la  reli.^ion  chrétienne.  Nous  n'a- 
vons pas  de  d(''tails  plus  am|)les  sur  son 
com|)tc.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  12  oc- 
tobre. 

EUSTACHE  (saint),  martyr,  vulgairement 
a|ii)f;lé  saint  Ni/ilon,  soullrit  le  niartyn;  h. 
Niina,  vers  i'ik2,  avec  saint  Antoine  et  saint 
Jean.  (Voij.  l'arlicle  Antoine,  j)0ur  i)lus  do 
détail-.) 

EUSTACHE  fsaint).  Voif.  Eustatiie. 

EUSTATHE  (sainlj,  ou  EusTACUii .  On  croit, 
d'après  les  Acles  de  sainte  Sabine,  que  co 
saint  versa  son  sang  à  Home  pour  Jésus- 
Christ,  au  commencement  du  règne  d'Adrien, 
avec  sainte  Théopisti;,  sa  feMune,  et  ses  deux 
enfants,  Agape  et  Théopiste.  Il  existe  une 
h  -.iDire  de  c<  s  saints  martyis;  mais  tous  les 
IvHis  auKîurs,  e.ntie  autres  Bar(jnius,  Tille- 
p)i;i.t,  la  jugent  tellomeni  mauvaise,  que  nous 


E13  944 

n'en  rapporterons  rien  ici.  L'Eglise  latine  et 
l'Eglise  grecque  font  la  fête  de  saint  Eusta- 
the  le  20  septembre.  Le  P.  Fronto  a  commis 
une  erreur  en  la  mettant  le  11  dans  son  Ca- 
lendrier. 

EUSTATHE,  nom  de  l'évêque  catholique 
qui,  après  la  mort  de  l'évêque  arien  Endoxe, 
en  370,  ordotma  à  sa  place,  pour  le  siège  de 
Constantinople,  saint  Evagre,  et  qui,  pour 
ce  fait,  fut  exilé  par  l'empereur  arien  N'alens. 

EUSTATHE  (saint),  patriarche  d' Antioche, 
naquit  à  Side  en  Pamphilie.  Saint  Alhanase 
nous  apprend  qu'il  confessa  généreusement 
la  foi  sous  les  persécuteurs ,  sans  qu'on 
puisse  déterminer  si  ce  fut  sous  Dioclétien 
ou  sous  Licinius.  11  était  recommandable, 
plus  encore  par  son  éminente  sainteté  que 
par  son  profond  savoir.  En  l'an  de  Jésus- 
Christ,  323,  nous  le  voyons  évêque  de  Bérée, 
où  saint  Alexandre  d'Alexandrie  lui  écrivit 
une  lettre  particulière  à  pro|)os  d'Arius  et 
de  sa  doctrine.  La  même  année,  Philogone, 
évêque  d'Antioche  ,  étant  mort,  ce  fut  un 
nommé  Paulin  qui  le  remplaça.  Le  désordre 
qu'il  laissa  venir  en  son  église  dans  l'espace 
de  quelques  mois  exigeant,  pour  être  ré- 
paré, une  main  ferme  et  habile,  on  choisit 
Eustalhe.  Antioche  était  alors  le  troisième 
siège  du  monde. 

Nicéphore  ,  Théophane  et  Eutyque  don- 
nent cinq  ans  à  l'épiscopat  de  Paulin.  Mais 
il  est  indubitable  que  saint  Eustathe  était 
évêque  d'Antioche,  dès  l'an  325,  au  concile 
de  Nicée.  Ce  saint  fut  donc  transféré  de  Bé- 
rée à  ce  premier  siège  de  l'Orient,  non  avec 
les  troubles  que  prétend  Baronius,  mais  mal- 
gré lui  et  forcé  par  un  consentement  univer- 
sel des  évêques,  du  clergé  et  de  tout  le  peu- 
ple lidèle.  Ainsi,  s'il  y  a  eu  quelques  fautes 
dans  ce  changement  de  siège ,  ce  ne  peut 
être  que  dans  ceux  qui  lui  ont  fait  violence, 
et  non  dans  lui  qui  l'a  soutferte.  Mais  on 
])eut  dire  que  ce  consentement  unanime  est 
une  voix  de  Dieu,  qui  est  le  maître  de  ses 
lois  et  de  celles  de  l'Eglise. 

11  y  a  bien  des  preuves  que  non-seule- 
ment saint  Eustathe  assista,  mais  qu'il  pré- 
sida mènie  au  concile  de  Nicée  ,  et  que  ce 
fut  lui  (pii,  étant  assis  le  premier  au  côté 
droit,  harangua  Constantin  au  nom  de  celte 
illustre  et  sainte  assemblée.  Nous  n'en  par- 
lons j)oint  ici,  ])arce  qu'on  peut  le  voir  sur 
le  titre  de  ce  concile.  Ce  fut  sans  doute  dans 
cette  occasion,  que  son  zèle  l'unit  Irès-élroi- 
tement  avec  le  grand  Osius. 

Il  tint  apparemment  (pu'lipie  temps  après 
un  autre  concile  de  toutes  les  provinces  d'O- 
rient soumises  à  celle  d'Antioche  :  saint  Jac- 
ques de  Nisibe,  saint  Paul  de  Néocésarée, 
confesseurs  ,  et  environ  vingt-huit  autres 
évê(pies,  s'y  trouvèrent?  Nous  avons  encore 
l'épitro  synodale  qu'ils  écrivirent  à  leurs 
confrères  demeurés  dans  leurs  provinces,  et 
quelques  canons  mêlés  avec  ceux  d'un  autre 
concile  d'Antioch(s  tenu  en  l'an  3V1  ;  par- 
ticulièrement, le  premier  qui  conlirme  l'or- 
doiinance  de  celui  de  Nicée,  sur  la  fêt<>  de 
PA(lues  ;  et  le  vingt-et-uuième  (pii  défend 
aux  év(Viuo5  do  chang(>r  de  siège,  comme  cela 


D45 


EUS 


EUS 


94tt 


avait  été  cU^jh  cU^fondu  par  le  (iiiiiizième  de 
Nicée.  Ce  conoilo  [""t"""  ^^  l''''^'  ^'^'  |)aciti(iue 
et  de  saint,  et  aiiiioiieo  aux  autres  év(\]iies 

3 lie  1(1  };rA(;e  de  JcVsiis-Clirist  a  uni  l'Eglise 
'Autioche,  par  le  lieu  de  la  concorde,  do 
l'unaniuiilé  et  do  l'esprit  de  paix,  ce  qui  don- 
nerait il  croire  (pjo  ce  concile  éloud'a  euliè- 
reiucnt  les  semences  dt^  division  qu'y  avait 
laissées  la  déposilion  de  Paidiu. 

Saint  EustTtlie,  qui  s'était  déclaré  un  dos 
premiers  contre  l'iiérésie  arienne,  la  com- 
battit avec  beaucoup  de  force  par  un  grand 
nombre  d  écrits,  et  [)arun  entre  autres,  dont 
Théodoret  nous  a  conservé  un  passage.  11  y 
expliquait  l'endroit  des  Proverbes,  où  les 
Septante  lisaient  :  «  I.e  Seigneur  m'a  créé  le 
commencement  de  ses  voies  pour  former  ses 
œuvres.  »  Il  y  rapportait  une  ])aitie  de  ce 
qui  s'était  passé  dans  le  concile  de  Nicée  sur 
les  ariens  et  y  réfulaitaussi  leurs  blasphèmes, 
quoique  leur  hérésie  reprît  alors  de  nou- 
velles forces,  d'où  nous  pouvons  tirer  que 
c'était  vers  l'an  329,  lorsque  Eusèbe  de  Ni- 
comédie  et  Théognis  de  Nicée ,  chefs  des 
défenseurs  d'Arius,  avaient  déjà  été  rappe- 
lés d'exil. 

Il  y  marque  que  ces  ennemis  de  la  divi- 
nité du  A'erbe  déclaraient  déjà  la  guerre 
aux  prédicateurs  de  la  vérité,  et  sa  piété  fit 

Su'ils  l'attaquèrent,  ou  le  premier  ou  l'un 
es  premiers,  en  l'an  330,  ou  plutôt  en  331; 
car  comme  ce  saint  confesseur  était  très-pur 
dans  sa  foi  et  qu'il  avait  beaucoup  de  zèle 
pour  la  vérité,  il  avait  aussi  une  grande 
aversion  pour  l'hérésie  arienne,  et  ne  vou- 
lait pas  recevoir  ceux  qui  en  étaient  infec- 
tés. 11  refusa  pour  ce  sujet  de  recevoir  dans 
son  clergé  Etienne,  Léonce  l'eunuque,  Eu- 
doxe,  qu'on  fit  depuis  tous  trois  évoques 
d'Antioche  même  ,  George  de  Laodicée  , 
Théodose  de  Tripoli,  et  Eustalhe  deSébasle. 
Il  en  agissait  ainsi  par  prudence  ,  afin  d'é- 
loigner du  troupeau  qui  lui  était  confié,  tout 
ce  qui  aurait  pu  lui  devenir  funeste.  Il  ne  se 
contentait  pas  de  sauvegarder  son  Eglise; 
il  envoyait  dans  les  autres  afin  d'encourager 
les  fidèles  et  de  les  garantir  de  l'hérésie.  Il 
fit  aussi  plusieurs  livres  contre  ces  pirates, 
comme  les  appelle  saint  Chrysostome,  qui 
voulaient  ravir  aux  fidèles  le  trésor  de  la  foi. 
Il  attaqua  expressément  le  plus  illustre  d'en- 
tre les  ariens,  savoir,  Eusèbe  de  Gésarée,  et 
l'accusa  ouvertement  de  violer  la  foi  de  Ni- 
cée. Eusèbe  n'avait  garde  de  manquer  à 
accuser  le  saint  de  sabellianisme,  qui  était 
alors  le  crime  ordinaire  de  ceux  qui  n'en 
avaient  point  d'autre  que  de  haïr  l'arianisme. 
Mais  saint  Eustathe  en  pouvait  moins  être 
suspect  qu'aucun  autre,  puisque  Socrate,  qui 
témoigne  avoir  lu  les  écrits  qui  s'étaient  faits 
sur  ce  sujet,  assure  qu'il  reconnaissait  que 
le  Fils  subsistait  distinctement  du  Père  et 
que  Dieu  était  un  en  trois  hypostases,  ce 
qui  était  une  expression  encore  plus  éloignée 
du  sabellianisme  que  de  l'arianisme.  Le 
saint  n'attaquait  pas  seulement  Eusèbe, 
mais  il  témoignait  encore  tout  publiquement 
l'horreur  qu'il  avait  dePatrophile  de  Scythe^ 


pie  et  de  Paulin  do  Tyr ,  à  cause  d«  l'horé- 
sio  (pi'ils  suivaient. 

Les  ariens  voyant  donc  qu'ils  ne  pouvaient 
résister  à  la  sagesse  de  ce  saint  ;  (lue  ses 
soins  et  ses  précautions  avaient  tellement 
muni  son  Eglise,  qu'elle  était  hois  de  prise 
à  leurs  elforts,  et  que  hmr  ac,(;iisatiou  de  sa- 
bellianisiiH!  s(;  détruisait  d'clhî-mème,  ils  se 
résolurent  do  cliasser  d'Antioche  ce  prédica- 
teur ti'op  généreux  de  la  vérité.  Eusèbe  à3 
Nicomédie,  qui,  par  la  commodité  qu(;  son 
siég(>  lui  donnait  de  parler  souvent  à  (^«)us- 
tantin,  s'était  acquis  une  grande  autorité  sur 
sones|)r'it,  lut  le  conducteur  de  celte  entre- 
prise. Il  pi'it  le  prétexte  de  venir  voir  le  bû- 
timenl  célèbre  de  l'église  de  Jérusaleiu,  cô 
qui  lit  (|ue  Gonstantin  lui  donna  toutes  sor- 
tes de  (;(jmmodilés  pour  son  voyage,  et  le 
laissa  aller  avec  de  grandes  inarf[ues  d'hon- 
neur. Il  emmena  avec  lui  Théognis, le  compa- 
gnon dotons  SOS  mallieiu-eux  desseins. 

Ils  passèrent  par  Aniioclio  où  ils  ne  don- 
nèrent au  saint  que  des  marques  d'amitié,  et 
ils  reçurent  aussi  de  lui  tout  l'hoineur  et  le 
bon  ti-aitement  possible,  parce  qu'il  respec- 
tait en  eux  la  dignité  dont  l'Eglise  tolérait 
qu'ils  fussent  revêtus.  Mais  étant  arrivés  à 
Jérusalem,  et  ayant  vu  dans  la  Palestine  ou 
en  chemin,  Eusèbe  de  Gésarée,  Patrophilo  de 
Scythople,  AècedeLydde,  Théodote  de  Lao- 
dicée et  les  auti^es  qui  avaient  embrassé  leur 
hérésie,  ils  leur  découvrirent  leur  des-sein  et 
les  emmenèrent  jusqu'à  Antiocho  sous  pré- 
texte de  les  accompagner  par  honneur.  11  se 
trouva  en  môme  temps  à  Antioche  divers 
autres  prélats  catholiques  et  qui  n'étaient 
point  de  leur  faction. 

Lorsque  les  eusébiens  y  furent  venus  ,  ils 
gagnèrent  par  argent  uiie  femme  publique 
pour  lui  faire  dire  que  le  saint  évêque  l'ar- 
vait  violée.  S'étanl  donc  assemblés,  et  ayant 
fait  sortir  tout  le  monde  ,  c'est-à-dire  tous 
les  laïques,  ils  firent  venir  cette  malheu- 
reuse, qui,  portant  un  enfant  entre  ses  bras, 
cria  tout  haut  qu'elle  1  avait  eu  d'Eustathe. 
Le  saint  lui  demanda  si  elle  avait  quelque 
témoin  de  ce  ^qu'elle  disait,  et  elle,  ayant 
avoué  qu'elle  n'en  avait  point,  les  eusébiens» 
au  lieu  d'observer  les  règles  de  la  loi  e(  de  saint 
Paul,  qui  défendent  de  ne  juger  un  homme, 
mais  surtout  un  prêtre,  que  sur  la  déposi- 
tion de  deux  ou  trois  témoins,  prirent  le 
serment  de  cette  femme,  qui  ne  fit  aucune 
difficulté  de  jurer  que  cet  enfant  était  d'Eus- 
titho.  Alors  ces  juges  si  équitabhs  le  con- 
damnèrent aussitôt  comme  adultère.  C'est 
ainsi,  dit  saint  Jérôme,  que  saint  Elustathe 
se  trouva  avoir  des  enfants  sans  y  avoir 
pensé. 

Mais  Dieu  voulut  depuis  justifier  l'inno- 
cence de  son  serviteur.  Car  cette  malheu- 
reuse femme  étant  tombée  dans  une  très- 
longue  et  très-fàcheuse  maladie,  découvrit 
son  crime  et  la  malice  des  ariens  ;  elle 
avoua  qu'ils  l'avaient  obligée  à  force  d'ar- 
gent d'accuser  le  saint  de  ce  crime,  et  que 
son  serment  n'était  pas  entièrement  fa.ix, 
ayant  eu  cet  enfant  d'un  Eustalhe,  ouvrier 
en  cuivre.  Elle  Ul  cette  déclaration  non  pas 


947 


EUS 


EUS 


94g 


devant  deux  ou  (rois  personnes,  mais  ea 
présence  d'un  grand  noinbi-c  d'ecclésiasti- 
qaes,  de  sorte  qu'il  fut  visible  à  tout  le 
inonde  que  ce  grand  saint  n'avait  été  con- 
damné que  parce  qu'il  soutenait  la  véritable 
foi,  comme  saint  Athanase,  saint  Jérôme, 
snint  Chrysostome,  Théodoret,  Socrale,  So- 
zomèuG  et  généralement  tous  les  catholiques 
l'ont  reconnu.  Cela  n'empèclia  pas  les  eusé- 
biens  de  le  représenter  à  toute  la  terre 
conmie  un  homme  dont  la  vie  avait  été  in- 
fâme et  scandaleuse,  comme  on  l'a  vu,  di- 
sent-ils, jiarla  suite,  c'est-à-dire  parce  qu'un 
innocent  avait  été  opprimé  par  des  tyrans. 
Néanmoins,  ceux  d'entre  eux  qui  ont  eu  un 
peu  de  bonne  foi,  semblent  avoir  reconnu  la 
fausseté  de  cette  calomnie,  puisque  George 
de  Laodicée  a  écrit  qu'il  avait  été  déposé 
comme  sabellien,  h  la  poursuite,  dit-il,  de 
Cyrus,  évêque  de  Bérée  ;  ce  qui  vraisembla- 
blement est  faux,  Cyrus  ayant  été  lui-môme 
persécuté  par  les  ariens  pour  la  divinité  de 
Jésus-Christ. 

Comme  il  y  avait  dans  le  concile  plusieurs 
évoques  très-catholiques  et  qui  n'étaient 
point  du  tout  de  la  faction  des  ariens,  ils 
s'opposèrent  ouvertem.^nt  h  leur  procédé  et 
exhortèrent  fort  saint  Eustathe  à  ne  point 
céder  k  une  sentence  si  injuste.  Le  peuple 
même  s'émut  extrêmement  pour  la  déposi- 
tion de  son  éveque.  Les  magistrats  et  les 
principaux  officiers  prirent  part  à  cette  divi- 
sion, et  la  sédition  s'échautfa  si  fort  qu'on 
était  près  d'en  venir  aux  armes  et  de  voir  un 
renversement  général  dans  toute  la  ville,  si 
les  mouvements  du  peuple  n'eussent  été  re- 
tenus par  la  crainte  de  l'empereur. 

Les  ariens,  voyant  donc  l'opposition  qu'on 
leur  faisait  à  Anlioche,  s'en  allèrent  trouver 
Constantin,  à  qui  ils  persuadèrent  qu'ils 
avaient  eu  raison  de  condamner  saint  Eusta- 
the et  qu'il  était  véritablement  coupable  du 
crime  dont  il  était  accusé.  Ils  y  en  ajoutèrent 
néanmoins  un  nouveau,  savoir  qu'il  avait 
fait  quelque  injure  h  la  mère  de  l'empereur. 
Constantin  fut  d'autant  plus  susceptible  de 
ces  calomnies,  que  la  sédition  arrivée  dans 
Antioche  h  cause  du  saint,  et  dont  il  le  soup- 
çonnait aisément  d'avoir  été  l'auteur,  le  lui 
rendait  odimix.  Ce  fut  donc  par  ces  calomnies 
que  les  ariens  trouvèrent  un  moyen  de  faire 
chasser  d'Antioche  comme  un  adfultère  et  un 
tyran,  ce  généreux  défenseur  de  la  chasteté 
aussi  bien  (jue  de  la  foi. 

Constantin  envoya  aussi  h  Antioche,  tant 
pour  exécuter  cet  ordre  que  pour  rétablir  la 
paix  dans  la  ville,  le  plus  lidèle  de  ses  mi- 
nistres et  des  comtes  de  sa  cour,  et  en  même 
temps  écrivit  diverses  lettres  au  peiq)Ie  avec 
beaucoup  de  douceur,  pour  l'exhorter  à  l'u- 
nion qui  convenait  à  des  chrétiens.  On  croit 
que  Stratège,  à  qui  il  avait  donné  le  nom 
de  Musonien,  est  le  comte  qu'il  envoya  à 
Antioche,  j)cM-ce  (ju'il  y  était  p(!U  de  temps 
après.  i)(i  Stratège  était  chn'lien,  et  avait 
be;ujcouf)  d'excellentes  (pialités,  mais  obs- 
curcies [)!\v  son  avarice.  Dieu  .lyartt  df)nc  li- 
vré s.iiiii  Eust.'dlie  entre  les  mains  dcsari(;ns 
pour  fairo    éclater  davantage  la  force  de  la 


vérité  dans  l'oppression  de  ceux  qui  la  défen- 
daient, ce  saint  su[)norta  avec  beaucoup  de 
douceur  l'injustir-e  de  ses  ennemis,  comme 
une  chose  (jui  lui  était  avantagmise  pour  son 
repos.  Il  se  crut  ni'anmoins  obligé  de  pren- 
dre plus  que  jamais  .^oiii  de  ses  brebis,  et  les 
ayant  fait  asseuibler  aviuit  que  de  partir  de 
la  ville,  il  les  exhorlii,  dit  saint  Chrysostome, 
à  ne  point  céder  aux  loups  et  de  ne  leur  point 
abandonner  la  bergerie,  mais  d'y  demeurer 
toujours  pour  leur  résister  et  leur  fermer  la 
bouche  et  pour  affermir  la  foi  des  simples,  en 
empêchant  (pic  |)ar  leur  absence  les  brebis 
ne  fussent  exposées  à  la  rage  de  ces  loups. 
Saint  Chrysostome  ajoute  que  l'avenir  mon- 
tra combien  ce  conseil  était  sage,  en  empê- 
chant la  ville  de  devenir  arienne.  On  peut 
de  là  conclure  que  saint  Eustathe  exhorta 
les  plus  fermes  d'entre  les  catholiques  à  ne 
pas  abandonner  les  plus  faibles  qui,  n'ayant 
pas  assez  de  force  pour  résister  aux  [lersécu- 
tions  que  l'évèquo  illégitime  infligerait  à 
ceux  qui  ne  le  voudraient  pas  reconnaître, 
pourraient  Unir  par  tomber  dans  l'hérésie. 

Constantin  s'élnnt  malheureusement  en- 
gagé à  appuyer  la  dé|)Osilion  d'Eustathe,  cet 
illustre  prélat  fut  enliu  arraché  à  la  ville  d'An- 
tioche avec  un  grand  nombre  de  diacres  et 
de  prêtres,  qui  furent  bannis  avec  lui,  soit 
sous  le  titre  spécieux  du  bien  de  la  paix,  soit 
sous  quelque  autre  prétexte  que  nous  igno- 
rons. 11  fut  mené  dans  la  Thrace,  et  Cons- 
tantin écrivant  au  peuple  d'Antioche  témoi- 
gna l'avoir  écouté.  Les  ariens  tinrent  même 
alors  un  nouveau  conciliabule  contre  lui  à 
Nicomédie,  si  nous  voulons  accorder  cela  à 
Philostorge,  qui  dit  qu'il  fut  condamné  en 
cette  ville  par  deux  cent  cinquante  évêques. 
Il  peut  avoir  passé  quelque  temps  à  Tnijano- 
ple  dans  la  Thrace,  mais  il  fiaraît  que  le  der- 
nier lieu  de  son  exil  et  celui  do  sa  mort  fut 
la  ville  de  Philippes  en  ÎMacédoine. 

Nous  ne  trouvons  point  dans  l'antiquité 
quand  il  mourut,  sinon  que  ce  fut  avant  que 
saint  Mélèce  fut  établi  sur  son  siège,  au 
commencement  de  l'an  301.  Mais  il  y  a  di- 
verses raisons  qui  font  juger  que,  dès  l'an 
338,  il  jouissait  dans  le  ciel  des  récompen- 
ses (pie  son  zèle  et  sa  patience  lui  avaient 
acquises.  Les  Crées  marquent  sa  fête  le  21 
février  et  le  5  juin.  Usuard,  Odon,  Nolker, 
et  les  autres  Latins  la  mettent  le  10  de  juillet, 
et  l'on  trouve  ce  jour-là  un  saint  du  même 
nom  à  Antioche  tians  les  anciens  martyrolo- 
ges (pii  partent  le  nom  do  saint  Jérijuie,  mais 
il  semble  (juo  ce  soit  un  m.irtyr.  \A  (juoi- 
que  saint  CÎirysostome,  suivi  par  saint  Anas- 
tase  Sinaïte,  et  quehjues  autres  Crocs, donne 
ce  titre  à  notre  saint,  selon  w  (pie  dit  saint 
Andjr(nso  en  parlant  de  saint  Denys,  son  |.»ré- 
décesseur ,  que  «  ceux  qui  sont  niurts  dans 
l'exil  approchent  plus  près  du  martyre  que 
ceux  qui  en  ont  été  rapjjelés,  »  lu-anuKuns 
on  ne  h;  (pialilie  d'ordinaire  cpu'  confesseur. 
Il  semble  (puMJu  temps  de  saint  Chrysostome 
l'E,  lise  d'Antioche  l'honorait  vers  le  milieu 
de  novembre. 

Ouoi(iuo  ses  reli(jues  sacrées  fussent  de- 
iiiCurées  dans  la  Macédoine,  néanmoins  tous 


949 


EUS 


E13T 


950 


les  catholiques  d'Antioche  ne  laissèrent  pas 
d'avoir  pour  lui  une  vénération  exlrôuio  tpii 
s'aumncnlail  au  lieu  do  diminuer  par  la  suilo 
des  fumées;  non-seulement  sa  dcposiliuu 
n'empèi  hail  pas  tpie  son  nom  ne  liU  récité 
solennellement  dans  le  sacrilioe  i)armi  ceux 
des  autres  évéciues  de  la  ville,  mais  le  jour 
de  sa  l'été  y  éiait  célébré  par  les  assemblées 
du  peuple  et  par  les  louanges  que  lui  don- 
naient les  i)lus  grands  liomnies.  Nous  avons 
encore  l'éloge  que  saint  Chrysoslome  y  pro- 
nouça,  où  il  lui  donne  lu  titre  de  martyr,  et 
il  lémoigiie  lui-méinc  que  ce  discours  l'ut 
écouté  par  une  grande  multitude  de  per- 
sonnes, et  reçu  avec  joie  et  beaucoup  d'ap- 
plaudisseinents. 

Environ  cent  ans  depuis,  Calandion,  étant 
évéque  d'Antioche,  demanda  à  l'empereur 
Zenon  de  Taire  rapporter  les  relitfues  de  saint 
Euslatlic  h  Antioilie,  et  les  ayant  l'ait  tirer, 
comme  nous  avons  dit,  de  lMiilipi)es  en  Ma- 
cédoine, presque  toute  la  ville  d'Antioche 
alla  sept  lieues  au  devant  et  les  rcgut  avec 
beaucoup  de  respect.  Cela  arriva  apparem- 
ment en  l'an  kS'2.  (  Fleary  et  ïillemont, 
passim.) 

EUSTAïHE  (saint),  reçut  la  mort  à  An- 
cyre  en  (ialatie,  pour  l'honneur  de  la  foi. 
Il  fut  d'abord  éprouvé  par  de  rigoureuses 
tortures,  puis  jeté  dans  la  rivière,  d'où  un 
ange  le  retira;  enlin,  une  colombe  étant 
venue  du  ciel,  il  fut  appelé  à  la  récompense 
éternelle.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  28 
juillet. 

EUSTOCHE  (saint),  souffrit  le  martyre  sous 
Julien  l'Apostat,  avec  les  saints  Elpide  et 
Marcel.  Ayant  généreusement  confes  é  leur 
foi,  ils  furent  attachés  à  la  queue  de  chevaux 
indomptés,  tirés  avec  violence,  déchirés  et 
entin  jetés  dans  le  feu  où  ils  accomplirent 
leur  glorieux  martyre.  L'Eglise  honore  leur 
Diémoire  le  16  novembre. 

EUSTOCHIUM  (sainte),  vierge  et  martyre, 
soutl'rit  le  martyre  à  Tarse  en  Cilicie.  Après 
avoir  enduré  de  cruels  tourments  sous  Julien 
l'Apostat,  elle  rendit  l'esprit  en  priant  Dieu, 
L'Eglise  fait  son  immortelle  mémoire  le  2 
novembre. 

EUSTORGE  (saint),  évoque  et  confesseur, 
soutVrit  h  Milan  en  l'honneur  de  Jésus- 
Christ  et  pour  la  défense  de  la  religion  chré- 
tienne. Nous  n'avons  aucun  détail  sur  l'épo- 
que et  les  circonstances  de  son  combat.  L'E- 
glise l'honore  comme  confesseur  le  G  juin. 

EUSTOSE  (  saint  )  ,  martyre  ,  cueillit  la 
palme  du  martyre  à  Antioche  avec  saint  Dc- 
mètre,  évoque  de  cette  ville,  saint  Agnan, 
diacre,  et  vingt  autres  saints.  On  ignore  la 
date  de  ces  martyrs.  L'Eglise  fait  leur  fête  le 
10  novembre. 

EUSTRATE  (saint),  martyr,  mourut  pour 
la  foi  chrétienne  en  Arménie.  Il  souffrit  d'a- 
bord seul  sous  le  président  Lysias,  puis  ayant 
été  conduit  à  Sébaste,  il  y  fut  cruellement 
tourmenté  avec  Oreste,  sous  le  président 
Agricolaùs,  qui  finit  par  le  faire  jeter  dans 
une  fournr.ise  ardente,  où  s'accom[)lit  son 
sacrifice.  L'Egiise  honore  sa  mémoire  le  13 
décembre  (sous  Dioclétien^. 


EUSTRATIUS  {Procnlus),  pràUd  augustal 
d'Alexandrie,  au  temi)s  de  l'empereur  Dioclé- 
tien,  (it  arrêter  dans  celle  ville,  entre  autres 
chrétiens,  la  vierge  Théodore,  appartenant  à 
une  des  premières  familles  du  pays.  N'ayant 
pu  la  contraindre  h  abjurer  la  religion  cliré- 
tienne,  il  la  condamna  à  perdre  sa  virginité 
dans  une  des  maisons  de  prostitution  de  la 
ville.  Elle  fut  sauvée  de  celle  infamie  par  le 
dévoutnuent  d'un  jeune  homme  nommé  Di- 
dyme,  qui  se  déguisa  pour  parvenir  près 
d'elle,  prit  ses  vêtements  et  lui  donna  les 
siens,  de  sorte  qu'à  l'aide  do  cette  transfor- 
mation elle  put  s'évader.  Le  préfet  furieux 
condamna  Didyme  à  être  décapité.  Comme 
on  était  sur  le  [loint  de  l'exécuter,  sainte 
Théodore  se  présenta,  demandant  qu'on  la 
fit  mourir  à  sa  place,  mais  les  bouneaux  les 
décai)ilèrent  tous  les  deux.  {Voy.  les  articles 
Tui^:oDouE  et  Didyme). 

EUTHALIE  (sainte),  vierge  et  martyre, 
donna  son  sang  en  l'honneur  de  Jésus-Christ 
dans  la  ville  de  Lenlini  en  Sicile,  qu'elle  ha- 
bitait. Ce  fut  son  propre  frère,  nommé  Sermi- 
lien,  qui  l'égorgea  parce  qu'elle  était  chré- 
tienne. L'Egiise  fait  sa  fête  le  27  août. 

EUTHALICS,  garde  général  des  prisons 
^  Egée  en  Cilicie,  en  285,  sous  le  règne  de 
l'empereur  Diocléticn.  Ce  fut  lui  qui  amena 


„    par  Lj: 

de   la   sentence  qui    condamnait    les    trois 
saints  frères  à  être  crucifiés  Voy.  Claude. 

EUTHOLOxMlE,  juge  à  Nicomédie  ,  con- 
damna et  lit  exécuter  à  mort  pour  la  foi , 
les  saints  Agathonique  et  Zotique,  durant  la 
persécution  de  Maximien,  ainsi  que  plusieurs 
autres  saints  martyrs,  que  le  Martyrologe  ne 
nomme  pas. 

EUTi-lYME  (saint),  fut  martyrisé  à  Nico- 
médie pour  la  défense  de  la  religion  de  Jésus- 
Christ,  sous  le  règne  de  Dioclétien.  Après 
avoir  disposé  plusieurs  fidèles  à  souffrir  le 
martyre,  il  alla  bientôt  partager  leur  cou- 
ronne, ayant  été  percé  d'un  coup  d'épée. 
L'Egiise  vénère  sa  mémoire  le  2-'i.  décembre. 

EUTHYME  (saint),  évêque  de  Sardes,  avait 
d'abord  mené  la  vie  monastique.  !1  fut  depuis 
persécuté  pour  la  cause  des  images,  et  est 
honoré  entre  les  saints  le  11  mars.  Nous  le 
voyons  au  second  concile  de  Nicée  en  qua- 
lité d'évêque.  L'empereur  Nicéphore,  le  re-i 
légua  dans  l'île  de  Patarée,  parce  qu'il  avait' 
donné  le  voile  à  une  tille.  A  son  retour  de 
l'exil,  il  fut  un  des  plus  vigoureux  adversai 
rcs  de  Léon  l'Arménien  touchant  les  images, 
et  cet  empereur  l'envoya  en  exil  à  Ason  où 
il  resta  jusqu'en  813.  Son  zè!e  pour  la  défense 
de  la  foi  catholique  le  fit  exiler  une  3^-  fois 
au  cap  Acrite  en  Bilhynie.  On  l'y  enferma 
dans  une  dure  prison,  et  il  y  fut  frappé  si  du- 
rement à  coups  de  nerfs  de  bœuf  que  huit 
jours  après  il  en  mourut  (820).  Le  Martyro- 
loge romain  honore  son  illustre  mémoire  le 
11  mars,  mais  les  menées  des  Grecs  le  mar- 
quent le  26  décembre. 

EUTICE  (saint),  martyr,  était  bourgeois  do 
Pouzzoles  en  l'an  de  Jésus  Christ  304,  pendant 


951 


EUT 


EUT 


952 


que  1-1  persécution  de  Dioclétien  décimait 
r£j;lise  catholique.  Etant  venu  visiter  dans 
sa  [îi'ison  saint  Sosie,  diacre  de  Mysène,  (|ui 
avait  été  arrêté  par  l'ordre  du  gouverneur  Dra- 
conce,  il  le  fut  lui-nunue,et  emprisonné  aussi 
après  avoir  été  f)uetlé  cruellement.  Il  resta 
en  prison  jusqu'à  la  venue  de  Timothée,  que 
Dioclétien  nomma  gouverneur,  en  place  de 
Braconce.  Ce  nouveau  gouverneur  le  fit  con- 
duire avec  ses  compagnons  h  l'amphithéAtre, 
où  il  les  fil  tous  jeter  aux  botes.  Celles-ci 
n'ayant  pas  voulu  faire  do  mal  aux  saints, 
ïimothée  les  fit  tous  décapiter.  Le  forj)s  du 
saint  resta  à  Pouzzoles.  L'Eglise  célèbre  sa 
fête  le  19  janvier. 

EUTIQUE  (saint),  souffrit  le  martyre  à 
Alexandrie  avec  plusieurs  autres  encore  dont 
les  noms  ne  nous  sont  point  connus.  Ce  fut 
du  temps  de  l'empereur  Constance,  sous 
Georges,  évèque  arien,  qu'ils  furent  passés 
an  til  de  l'épée  pour  la  foi  catholique.  L'E- 
gli?>e  fait  collectivement  leur  mémoire  le  26 
mars. 

EUTIQUES,  (saint),  martyr,  l'un  des  qua- 
rante martyrs  de  Sébaste,  sous  Licinius. 
Voy.  Mahtïrs  de  SÉiîASrrî. 

ELjTROPE  (saint),  eut  la  gloire  de  donner 
sa  vie  pour  la  religion  chrétienne  en  273  ou 
'21%,  à  Porto,  sous  l'empire  d'Aurélien  et  du- 
rant la  persécution  que  ce  prince  suscita 
contre  les  chrétiens.  On  dit  qu'il  souffrit 
avec  sainte  Bonose  et  sainte  Zosime,  toutes 
deux  sœurs.  On  ne  possède  sur  le  martyre 
de  saint  Eutrope  que  des  Actes  (jui  sont  fort 
loin  d'être  sufiisamment  authenli(}ues.  L'E- 
glise fait  la  fête  de  saint  Eutrope  le  15  du 
mois  de  juillet ,  avec  celle  des  deux  saintes 
que  nous  venons  de  nommer. 

I":UTU0PE  (  saint  ) ,  premier  évèque  de 
Saintes  et  martyr,  mourut  pour  Jésus-Christ, 
à  la  fin  du  m'  siècle ,  dans  la  ville  où  était 
son  siège  épi'-.coj)a'.  Il  cul  la  tête  fendue  d'un 
coup  de  iiache  par  les  infidèles.  La  fureur  de 
la  persécution  était  si  grande  ,  qu'on  ne  put 
pas  l'enterrer  d'une  manière  convenable  :  on 
ne  pul  pis  même  écrire  l'histoire  de  son 
martyr*;  les  circonstances  en  étaient  com- 
plètement ignorées,  quand  Dieu  révéla  ce 
que  no;is  en  savons.  Voici  comment  les  cho- 
ses se  passèrent.  C'est  Grégoire  de  Tours 
qui  raconte  : 

«  Pallade,  évèque  de  Saintes,  qui  assista  au 
quatrièrrie  concile  de  Paris  et  au  second  de 
MAcon  ,  ayant  fait  bAlir  une  église  en  l'hon- 
neur de  saint  Eutrope,  voulut  y  trans[)orter 
ses  reliques.  Il  invita  plusieurs  abbés  à  la 
cérémonie  de  cette  translation.  Lorsque  le 
cercueil  eut  été  ouv(!rt,  deux  des  abbés  aper- 
çurent un  coup  de  hache  à  la  tête  du  saint. 
La  nuit  suivante  ,  saint  Eutrope  lui-mêmo 
leur  apfiarut  et  leur  dit  (pie  c'était  i)ar  ce 
coup  (ju'il  avait  terminé  sa  vie.  Ce  fut  ainsi 
(pi'on  reconnut  (pi'il  était  martyr,  parce 
qu'on  n'avait  ()lus  alors  l'histoire  de  ses  souf- 
fla nces.  « 

Les  huguenots,  qui  < onimiicnl  tant(l(;(l('- 
V'islalions  en  France,  dispersèient  les  reli- 
ques de  saint  Eulrop(!.  L'Eglise  latine  célè- 
bre sa  f  le  le  :ji)  .ivril. 


EUTROPE  (saint),  martjT,  cueillit  la  palme 
du  maityre  parce  qu'il  avait  pris  la  défense 
de  saint'Jean  Chrysostome.  11  avait  toujours 
vécu  dans  une  |)ureté  parfaite,  et  servait 
l'Eglise  en  qualité  de  chantre  et  de  simple 
lecteur,  étant  encore  fort  jeune.  Ayant  été 
amené  devant  le  j)réfel  Optai ,  celui-ci  or- 
donna qu'on  le  battit  avec  des  nerfs  de  bœuf 
et  à  coups  de  bAton.  On  iui  déchira  cruel- 
lement avec  des  ongles  de  fer  les  côtés  et  le 
visage  même,  en  sorte  qu'on  lui  arracha  les 
sourcils.  On  lui  a|)pliqua  enfin  des  torches 
ardentes  sur  les  deux  côtés,  où  il  ne  restait 
plus  que  les  os,  sans  pouvoir  vaincre  sa  fer- 
meté. Il  mourut  dans  sa  prison  par  la  gan- 
grène qui  se  mit  dans  ses  membres.  L'Eglise 
honore  sa  mémoire  le  12  janvier. 

EUTROPIE  (sainte),  souffrit  le  martyre  à 
Alexandrie.  Cette  sainte  femme,  visitant  les 
martyrs  pour  les  consoler  et  s'encourager 
elle-même,  fut  tourmentée  avec  eux  si  cruel- 
lement ,  qu'elle  rendit  l'esprit.  L'Eglise  fait 
sa  sainte  mémoire  le  30  octobre. 

EUTROPIE  (  saillie  ) ,  vierge  et  martyre  , 
soulfrit  à  Palmyre  en  Syrie,  pour  l'honneur 
de  sa  foi  et  pour  la  défense  de  la  religion. 
Cette  jeune  fille  ,  âgée  seulement  de  douze 
ans  ,  confessa  courageusement  Jésus-Christ 
avec  les  deux  sœurs  Libye  et  Léonide.  L'E- 
glise fait  leur  fête  le  15  juin. 

EUTROPIE  (sainte),  martyre  à  Augsbourg 
en  304  ,  sous  l'empire  de  Dioclétien  ,  était 
l'une  des  trois  servantes  qui  étaient  atta- 
chées à  la  maison  de  sainte  Afre,  fille  publi- 
que dans  cette  ville  ,  et  qui  mourut  pour  la 
foi  au  commencement  de  la  persécution:  ces 
trois  servantes  faisaient  le  même  métier  que 
leur  maîtresse.  Elles  la  suivirent  dans  son 
triomphe.  Comme  on  peut  le  voir  en  lisant 
les  Actes  de  la  sainte ,  elles  furent  brûlées 
vives  dans  un  tombeau  avec  sainte  Hilaric  , 
sa  mère.  L'Eglise  célèbre  leur  fôte  le  5  août. 
[Voy.  Afre.) 

EUTROPIE  (  sainte  ) ,  vierge  et  martyre  , 
mourut  pour  la  foi  chrétienne  en  l'an  de  Jé- 
sus-Christ 407.  Elle  était  sœur  de  saint  Ni- 
caise  ,  évô(jue  de  Reims.  Vers  l'an  4-07  ,  les 
barbares  ayant  fait  irruption  dans  les  Gau- 
les, firent  mourir  ce  saint  évèque,  (lui  parcou- 
rait son  troupeau  spirituel  pour  lui  donner 
des  consolations  et  du  courage.  Notre  sainte 
fut  également  saisie  [)ar  ces  baibares  ;  mais 
celle-ci ,  com|)renant  |)Our  quel  usage  on  la 
réservait,  s'écria  (pi'elle  aimait  mieux  mou- 
rir que  de  j)erdre  l'honneur.  Elle  fut  aussitôt 
massaci-ée.  I^lhî  et  son  frère  furent  enterrés 
dans  le  cimetière  (]ui  touchait  l'église  do 
Saint- Agricole.  L'Eglise  célèbre  leur  mé- 
moire le.  14  décembre. 

EUTVCHE  (saint),  était  disciple  do  saint 
Jean  l'Evangélisle.  Après  avoir  souffert  la 
pi'ison,  l(;s  fouets  et  le  feu  en  plusieurs  pro- 
vinces pour  la  prédication  de  l'I'^angile  ,  il 
mourut  en  paix.  L'Iv^Iisf'  honore  sa  mémoire 
le  -24  août. 

l'IlI'l'YClIl'l  (saint),  l'cçut  la  p.dine  dn  niar- 
tyi'  en  lvs|)agne.  Nous  ne  possi-ilons  inalluni- 
reusemenl  pas  de  délails  authenti(]ues  sur  le 
lieu  ,    réjio(pie  et    I(îs  circonstances  do  s<»u 


985  EUT 

inartyro.  L'Fgliso  honore  sa  sainte  mémoire 
le  II  (léc(Miil)re. 

EIITVCHK  (saint),  ont  la  gloire  de  mourir 
nonr  la  loi  île  Jésus-Christ  à  Aucyrc  on  (la- 
lalie.  11  eut  pour  couipa^moii  de  son  com- 
bat le  diacre  Douiitieti.  Nous  ne^  possédons 
nuls  détails  sur  leur  coin|)!e.  L'Eglise  fait 
leur  mémoire  le  28  décembre. 

KirrVCHE  (saint),  finit  sa  vie  h  Rome  par 
un  {glorieux  martyre ,  et  fut  enterré  dans  le 
cimetière  de  Calliste.  Saint  Damase,  pape,  a 
fait  son  épitai)he  en  vers.  L'Eglise  honore  sa 
mémoire  le  'i-  février. 

EUTYCHE.(  saint),  souffrit  le  martyre  à 
Ferentino,  dans  la  Campagne  de  Uome.  Les 
Actes  des  martyrs  ne  donnent  aucun  détail 
sur  répoqu(>  et  les  circonslances  de  son  com- 
bat. L'Eglise  célèbre  son  immortelle  mé- 
moire le  15  avril. 

EUTYCHE  (saint),  souffrit  le  martyre  en 
Espagne  pour  l'honneur  de  la  foi ,  avec  les 
saints  Honorius  et  Estève.  Nous  n'avons  pas 
d'autres  détails  sur  son  compte.  L'Eglise  ho- 
nore sa  sainte  mémoire  le  21  novembre. 

EUTYCHE  (saint),  reçut  la  couronne  des 
glorieux  combattants  de  la  foi  en  Thrace  , 
avec  les  saints  Plaute  et  Héraclée.  Nous  n'a- 
vons pas  de  détails  plus  amples  sur  leur 
compte.  L'Eglise  honore  leur  sainte  et  im- 
mortelle mémoire  le  29  septembre. 

EUTYCHE  (saint),  souffrit  pour  la  défense 
de  la  religion  chrétienne  à  Carres  en  Méso- 
potamie. Ce  saint,  qui  était  patrice,  fut  mas- 
sacré avec  ses  compagnons  dont  les  noms 
sont  ignorés  ,  par  Evelides  ,  roi  des  Arabes. 
L'Eglise  fait  collectivement  leur  fête  le  14 
mars. 

EUTYTHÈS  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre avec  les  saints  Maron  et  Victorin  ,  qui 
d'abord  avaient  été  exilés  pour  la  foi  dans 
l'île  de  Ponce ,  avec  la  bienheureuse  Flavie 
Domitille  ,  et  ensuite  rappelés  sous  l'empe- 
reur Nerva.  Cependant,  depuis  leur  retour, 
ayant  fait  plusieurs  conversions  ,  ils  furent , 
durant  la  persécution  de  Trajan,  mis  à  mort 
par  divers  supplices  ,  suivant  la  sentence  du 
juge  A^alérien.  L'Eglise  fait  leur  fête  le 
15  avril. 

EUTYCHIEN  (saint) ,  martyr,  s'était  con- 
verti à  la  foi  chrétienne  en  même  temps  que 
les  saints  Ariston,Crescentien, Urbain, Vital  et 
Juste.  Ils  y  avaient  été  déterminés  par  saint 
Traiiquil!in,leur  ami  commun.  Ce  fut  5  saint 
Sébastien  qu'ils  durent  surtout  leur  conver- 
sion ,  puisque  ce  saint  otricier  du  palais  de 
l'empereur  Dioclélien  fut  l'instrument  prin- 
cipal de  la  conversion  de  Tranquillin.  Ils  fu- 
rent baptisés  pai  le  prêtre  saint  Polycarpe. 
S'étant  retirés  en  Campanie  dans  les  terres  de 
saint  Chromace,  qui,  pour  s'adonner  à  la  pra- 
tique des  vertus  chrétiennes  avait  quitté  sa 
charge  de  préfet  de  Rome,  ils  furent  marty- 
risés avec  saint  Félix,  saint  Félicissime,  la 
mère  de  ces  deux  saints  et  sainte  Sympho- 
rosc.  L'Eglise  fait  la  fête  de  saint  Eutychien, 
avec  celle  de  ses  compagnons,  le  2 juillet. 
(Voy.  Sébastien.) 

EUTYCHIEN  (saint),  pape  et  martyr,  souf- 
frit la  mort  à  Rome  pour  Jésus-Christ.  Ce 


CVA 


954 


saint  pape  donna  la  sépulture  de  ses  propres 
mains,  et  en  divers  endroits,  h  trois  cert 
(puuante-deux  martyrs.  Il  lem-  fut  lui-même 
associé  sous  l'empereur  Numérieii,  et  reçut 
la  palme  des  défenseurs  de  la  foi.  il  fut  en- 
terré dans  le  cimetière  de  Calliste.  L'Eglise 
célèbre  sa  mémoire  le  8  décembre. 

EUTYCHIEN  (saint),  souffrit  h;  martyre  à 
Nicomédie,  avec  les  saints  Stratou  et  Phi- 
lip[)e.  Ayant  été  exposés  aux  bêles  et  n'en 
ayant  reçu  aucun  mal  ,  ils  accomplirtint  leur 
martyre  par  le  feu.  L'Eglise  célèbre  leur  mé- 
moire le  17  août 

EUTYCHIEN  (saint),  martyr,  versa  son 
sang  i)onr  la  foi  avec  les  saints  Diomède  , 
Julien,  Philippe  ,  Hésique,  Léonide  ,  Phila- 
d(!l|)he,  Ménalippe  et  Panlagajjpe.  Us  accom- 
plirent leur  martyre  les  uns  \)av  le  feu  ,  les 
autres  par  le  glaive  qu  sur  la  croix.  L'Eglise 
célèbre  leur  mémoire  le  10  septembre. 

EUTYCHIEN  (saint),  martyr,  mourut  pour 
la  foi  du  Christ,  en  Afrique  ,  avec  les  saints 
Arcade,  Pascase  et  Probe.  [Voy.  l'article  Ak- 
CADE  pour  plus  de  détails.) 

EUTYCHIUS  était  l'un  des  deux  préfets 
qui ,  à  Marseille,  en  290,  et  en  présence  de 
l'empereur  Maximien,  tourmentèrent  saint 
Victor,  officier  détaché  de  la  légion  Thé- 
béenne.  N'ayant  pu  se  mettre  d'accord  avec 
son  collègue  Astérius  sur  le  choix  des  tor- 
tures qu'il  fallait  faire  subir  au  saint ,  il  se 
relira.  Ce  fut  Astérius  qui  fit  étendre  Victor 
sur  le  chevalet,  où  les  bourreaux  le  tour- 
mentèrent jusqu'à  ce  qu'ils-fussent  forcés  de 
cesser,  à  cause  delà  fatigue. 

EUTYQUE  (saint),  fils  de  Polyeucte,  cueil- 
lit la  palme  du  martyre  en  Orient,  sous  l'em- 
pire de  Dioctétien,  en  l'année  296  ou  297.  U 
futmartjrisé  par  l'ordre  d'un  général  nommé 
Antiochus.  S'il  faut  en  croire  les  Grecs ,  il 
aurait  été  crucifié  le  2  septembre  297. 

EUTYQUIE  (sainte),  qualifiée  martyre  dans 
la  plupart  des  Martyrologes  et  des  Actes , 
confessa  généreusement  la  foi  chrétienne  à 
Thessalonique  ,  en  l'année  304  ,  devant  le 
juge  Dulcétius,  avec  les  saintes  Agape,  Irène 
et  Quionie.  On  verra  les  détails  de  cette  con- 
fession dans  les  Actes  de  sainte  Agape  de 
Thessalonique.  Toutes  ces  saintes  sont  fê- 
tées par  l'Eglise  le  3  avril. 

EUZOIUS ,  évêque  arien ,  qui ,  sous  l'em- 
pereur Valons,  se  montra  l'un  des  plus  achar- 
nés persécuteurs  des  catholiques.  Ce  fut  lui 
quifiitenvoyéaveclecomteMagnusàAlexan- 
drie  pour  y  établir  l'autorité  de  Lucius,  évê- 
que arien,  contre  celle  de  Pierre,  évêque  dé- 
signé par  saint  Athanase  et  déjà  installé  par 
les  catholiques.  Il  commit  ou  fit  commettie 
toutes  sortes  de  profanations  et  de  cruautés. 
{Voy.  Valens.) 

ÉVAGRE  (saint),  martyr,  eut  le  glorieux 
avantage  de  donner  sa  vie  pour  la  défense 
de  la  religion.  Ce  fut  à  Tomes,  dans  la  pro- 
vince du  Pont,  qu'il  souffrit  le  martyre  avec 
les  saints  Prisque  et  Crescent.  Le  Martyro- 
loge romain  ne  donne  point  de  détails  tou- 
chant l'époque  et  les  circonstances  de  leur 


955  EVE 

martyre.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  la 
1"  prtobre. 

KVAliRE  (saint),  soulTrit  la  mort  pour  la 
défense  de  la  religion  avec  saint  Priscien  ot 
leurs  compagnons  dont  les  noms  sont  igno- 
rés. Ce  fut  à  ll(Mue  que  leur  nuirlyre  eut 
lieu  ;  nous  n'avons  pas  d'autres  détails.  L'E- 
glise fait  leur  fête  le  12  octobre. 

ÉVAGRE  (saint) ,  l'oçut  la  palme  du  mar- 
tyre à  Tomes  en  Scytbie,  avec  saint  Bénigne. 
Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  ont  laissé  au- 
cun détail  i)récis  sur  la  date  et  les  circons- 
tances de  ses  combats.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
3  avril. 

ÉVAGRE  saint"»,  confesseur,  fut  élu  évo- 
que de  Constanliiiople  par  les  catholiques,  à 
la  place  d'Eudoxe,  évoque  arien,  qui  venait 
de  mourir,  en  l'an  de  .Tésus-Christ  370.  L'em- 
pereur Yalens ,  qui  se  rendait  à  Anlioche 
pour  veiller  à  la  guerre  contre  les  Perses , 
et  qui  n'était  encore  qu'à  Nicomédie,  envoya 
de  cette  ville  des  troupes  avec  ordre  de  pren- 
dre Evagre  et  de  l'envoyer  en  exil.  Eva- 
gre  mourut  dans  son  exil.  Il  est  inscrit  au 
Martyrologe  romain  le  G  mars.  L'évéque 
Eustàthe  ,  qui  l'avait  ordonné  ,  partagea  son 
sort. 

EVARESTE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire 
de  soulfrir  la  mort  pour  Jésus-Christ,  en 
Crète,  dans  la  ville  de  Gorlyne,  sous  le  règne 
de  Dèce,  durant  la  persécution  si  terrible 
que  ce  prince  féroce  alluma  contre  l'Eglise. 
Il  fut  décapité,  après  avoir  soutt\nt  d'borri- 
bles  tourments.  Sa  fête  arrive  le  23  décembre. 
Saint  Evareste  est  l'un  des  dix  martyrs  de 
Crète.  {Voy.  .Maktyrs  de  Crkti:.) 

EVARISTE  (saint),  pape  et  martyr,  fut  le 
successeur  du  pape  saint  Anaclet,  sous  le 
règne  de  Trajan.  Il  gouverna  l'Eglise  pendant 
neuf  ans  et  mourut  dans  l'année  312.  Saint 
Ignace  d'Antioihe  nous  apprend  que  tant  que 
ce  saint  i^ape  fut  sur  la  chaire  de  saint  Pierre, 
les  fidèles  de  Rome  fui'ent  les  mo;lèles  de 
toutes  les  vertus,  et  se  firent  remar  juer  par 
la  pureté  de  leur  doctrine.  Ce  fut  lui  qui  le 
premiei- divisa  Rouu;  en  |)aruisses,  et  assigna 
un  prêtre  h  cbacune  d'elles.  On  ignore  com- 
plètement les  circonstances  de  son  martyre. 
L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  26  octobre. 

EVARISTE  (saint),  mourut  pour  la  foi  du 
Christ  avec  ses  deux  frères  Car[)on  et  Pris- 
cien.  On  n'a  aucuii  détail  sur  leur  martyre. 
L'Eglise  honore  la  mémoire  de  ces  saints 
martyrs  le  i\  octobre. 

EVE  (sainte),  fut  au  nombre  des  quarante- 
huit  martyrs  misa  moit  avec  saint  Saturnin, 
en  At'ri  (ue,  sous  le  proconsul  Anulin,  en  l'an 
de  Jésus-t^hrisl  30;),  sous  li;  règne;  et  durant 
la  persécution  atroce  que  l'inf hue  Dioctétien 
suscita  contre  l'Eglisi;  du  Seigneur.  {Voy. 
Satckmn.)  L'Eglisf.'  fiil  la  fête  de  tous  ces 
sainli  le  11  février. 

EVELLE  ('saint),  officier  du  p.dais  de  Né- 
ron, martyrisé  à  Rome,  sous  le  règne  de  cet 
em()ereur.  ^Pas  de  documents.)  Eête  h;  11 
m  .11. 

EVKLPISTErsaiiil),  fut  martyrisé  h  Rome 
.<5ous  i'eiDpiie  de  Mare-Aïuèh',  tivec  saint 
Jubtin  et  les  autres  chrétiens  ari-êlé,.;  avec 


EVO 


956 


lui.  Il  était  esclave  de  l'empereur,  et  origi- 
naire de  Cappadoce.  Le  préfet  Rusticus  le 
condanma,  ainsi  que  ses  coinpagno'.is,  h  être 
fouetté,  puis  ensuite  décapiti'.  [Voy.  Justin.) 
L'Eglise  fait  la  fête  de  ce  saint  martyr  le  13 
juillet. 

EVENCE  (saint),  remporta  la  couronne  du 
martvre  à  Saragosse  en  Es[)agne,  avec  les 
saints  Optât,  Lui)cr(pi(\  Sucecsse,  Martial, 
Jules,  Quintilien  ,  Publius  ,  Fronton,  Félix, 
Urbain,  Cécilien,  Primitif,  Apodèrae  et  qua- 
tre aulres  appelés  Saturnin.  Ces  saints  furent 
cruellement  tourmentés  tous  ensemble  et 
mis  à  u)ort  sous  Dacien,  gouverneur  d'Es- 
pagne. Le  poëte  Prudence  a  décrit  en  vers 
leur  martyre.  L'Eglise  honore  leur  glorieuse 
et  sainte  mémoire  le  10  avril. 

EVENCE  (saint),  reçut  la  couronne  du  mar- 
tyre durant  la  persécution  d'Adrien,  avec  saint 
Théodule  et  un  saint  Alexandre,  à  propos 
duquel  nous  avons  été  obligés  d'émettre  plu- 
sieurs doutes.  {Voy.  son  article.)  L'Eglise  fête 
saint  Evence  le  3  mai. 

EVERGiLLE  (saint),  évêque  et  martyr, 
versa  son  sang  pour  la  défense  de  la  religion 
à  Cologne.  On  ignore  à  quelle  époque  et  dans 
cpielles  circonstances.  L'Eglise  célèbre  son 
immortelle  mémoire  le  2'i-  octobre. 

EVILASE  (saint),  était  prêtre  d'idoles  à 
Cyzique  sur  laPropontide.  Il  souffrit  le  mar- 
tyre sous  l'empereur  Maximien,  avec  la 
vierge  sainte  Fauste.  Voici  en  quelle  occa- 
sion :  Evilase,  après  avoir  fait  raser  la  tête 
de  la  sainte  pour  la  couvrir  de  honte,  or- 
donna de  la  sus{)endre  et  de  la  torturer; 
puis  voulant  la  faire  scier  par  le  milieu  da 
corps,  il  fut  imi)0ssible  aux  bourreaux  d'y 
réussir,  ce  qui  remplit  Evilase  d'un  tel  éton- 
nement,  qu'étant  tout  à  coup  changé,  il 
crut  en  Jésus-Christ  et  fut  lui-même  mis  à 
la  toiture  par  l'ordre  do  l'empereur;  tandis 
que  Fauste  ayant  eu  la  tête  tranchée  et  tout 
le  corps  percé  de  clous,  fut  jetée  dans  une 
poêle  ardente.  Alors  on  entendit  une  voix 
céleste  qui  l'appelait;  et  à  l'instant  môme 
elle  passa  avec  Evilase  au  séjour  du  repos 
éternel.  L'Eglise  honore  leur  sainte  mémoire 
le  20  septembre. 

EVlLASli<:,élaitjuge  à  Constance  en  Suisse, 
sous  le  règne  de  liomitien.  11  fil  martyriser 
saint  Pelay. 

EVODE  (saint),  évèque  d'Uxale  en  Afrique, 
et  confesseur,  naquit  à  Tagaste  comme  saint 
Au'gusiin.  Ce  dernier  nous  i'e|)résente  notre 
saint  connue  un  esprit  (îxtraordinaire,  très- 
])énétrant,  et  ([ui  sur  une  petite  ouvertiu'C 
était  cap;il»I(;  de  trouver  beaucouj)  de  vérités 
et  de  lumières.  En  effet,  les  lettres  et  les 
écrits  (\\w.  nous  |)Ossé(lons  de  lui  font  voir 
cette  sublimité  dt;  génie  qui  tâchait  de  péné- 
ti'cr  dans  les  choses  les  plus  relevées  et  les 
plus  diflieiles  de  la  i-aison  et  de  la  foi. 

Il  avait  été  du  noudjre  (U\  ceux  cpi'on  ap- 
pelle aijcnls  dans  1rs  aff (lires  de  l'empereur 
Ayant  été  converti  et  baptisé,  il  renonça 
jeuiK!  encore  h  sa  dignité,  et  se  livra  à  la  pra- 
tique delà  pi(''t('';  saint  Augiislin,  uouv(.'ll(!« 
ment  baptisé  à  Milan  en  .'iH7,  avait  résolu  de 
su   retirer  dan.i   une   solitude    eu  Afrique. 


957 


feiVA 


EXU 


9S8 


Notre  snint  se  joignit  à  lui.  Ils  y  passtVent 
tiv)is  ann(^os  onsi'mWo.  Saint  Kvodc)  fut  fait 
(^v(\|iio  (1  llzaln  (Ml  Affi(iuo,  dans  la  provinoo 
de  Cai'thasi'  on  Pioconsnlairo.  V(rs  la  in  do 
1  aMiK'-o  W8,  les  li('Mi'li(iuos  (iront  conrii-  lo 
brnit  qne  los  lois  faites  con'rc  c\\\  pai-  Ho- 
norins  (étaient  abolies  parce  quo  Stilicon 
avait  6U'  dis;i;rAci6  et  tn(^.  Armés  ik'  rolto 
raison,  ils  coiuniireiit  d;*  grandes  violences 
contre  l'Eglise.  Les  évc'^ipies  Kvodc,  Tliéase, 
évcVfue  do  Meinhi'ose  dans  la  Proitonsulairo 
et  Victor,  furent  battus  et  maltraités.  Ce  fut 
ainsi  (pTil  mi^rita  le  glorieux  titre  de  coafes- 
seui'.  K'i  V19,  il  fut  mandé  an  concile  de 
Spolète  touchant  le  schisme  d'!ù\lalius  con- 
tre Boniiace.  Ce  saint,  h  cause  de  plusieni-s 
écrits  qu'il  nous  a  laissés,  mérite  de  tenir 
ranfj;  non-seulenuMit  jjarmi  les  confesseurs 
et  les  saints  pontifes,  mais  aussi  paimi  les 
docteurs  de  rk^iise. 

EVODK  (s, dut),  fut  martyrisé  h  Nicée  en 
Bithynie,  ave;;  dmix  de  ses  Irères  et  sa 
mère  Théodole.  Ce  courageux  martyr  ayant 
confessé  valeureusement  Jésus-Christ ,  fut 
d'abord  meurtri  de  coups  de  bâton,  par  l'or- 
dre du  consulaire  Nicet.  qui  les  fit  ensuite 
brOler  avec  h'ur  mère.  L'Eglise  fait  leur  très- 
sainte  mémoire  le  '2  août. 

EVODK  (saint),  martyr,  recueillit  la  palme 
du  mai  tyre  à  Syracuse,  avec  les  saints  Her- 
mogène  etCalliste.  On  ignore  à  quelle  épo- 
que ^t  dans  quelles  circonstances.  L'Eglise 
fait  leur  fête  le  25  avril. 

EVODE  (saint),  martyr,  souffrit  pour  sa 
foi  avec  ses  deux  frères  Hermogène  et  Cal- 
liste.  On  ignore  à  quelle  époque  et  dans 
quelles  circonstances.  L'Eglise  célèbre  leur 
mémoire  le  2  septembre. 

EVOKA,  ville  située  en  Portugal,  a  été 
témoin  du  martyre  de  saint  Manços. 

EVOTIUS  (saint),  fut  martyrisé  a  Saragosse 
en  Espagne,  p.ir  les  ordres  de  Dacien,  qui  en 
était  gouverneur,  en  l'an  de  Jésus-Christ  304, 
durant  la  jjersécution  de  Dioclétien.  Dix-sept 
autres  furent  martyrisés  avec  lui.  On  trou- 
vera leurs  noms  h  l'article  Dacien.  Les  dix- 
huit  martyrs  de  Saragosse  sont  très-honorés 
en  Espagne;  c'e.^t  Prudence  qui  rapporte  ce 
qu'on  sait  d'eux.  Ils  sont  inscrits  au  Marty- 
rologe romain  sous  la  date  du  IG  avril.  {Voi/. 
Prudence,  de  Cor.,  hvm.  k.  Tilleraont,  vol.  V, 
p.  229,  etc.) 

EVRARD,  un  des  meurtriers  de  l'illustre 
Foulques,  archevêque  de  Reims,  et  qui  fut 
excommunié  avec  ses  deux  autres  princi- 
paux compa.nons,  nommés  VinemaretRatfel^ 
{Voy.  l'article  Vinemaîv.) 

EWALD  (saint),  martyr,  dit  saint  Ewakl 
le  Noir  pour  le  distinguer  do  son  frère 
nommé  saint  Ewald  le  Blanc,  fut  mis  à  mort 
en  l'an  690  de  l'ère  chréiienne,  avec  ce 
môme  frère.  Tous  deux,  Anglais  (i'origine  et 
prêtres,  étaient  venus  dans  la  Westphalie 
pour  y  prêcher  l'Evangile  aux  inti  lèles.  Les 
Saxons  étaient  alors  sous  la  domination  dé 
divers  petits  princes  qui,  quand  une  guerre 
avait  lieu,  réunissaient  leurs  armées  et  nom- 
maient au  sort  un  commandant  auquel  tous 
devaient  obéissance.  Quand  nos  deux  saints 


entrèrent  dans  lo  pays,  ils  firent  rencontre 
d'un  fermier,  qu'ils  prièrent  de  les  mener 
diivant  celui  (|ue  le  pays  reconnaissait 
comme  souverain.  Pendant  le  (heniin,  ils 
jiriaient,  récitaient  des  psaumes,  chantaient 
des  hymnes.  CliaqiK!  jour,  ils  olfraionl  lo 
saint  sacriiice,  car  ils  portaient  avec  eux  une 
table  (]iii  leur  servait  d'autel,  et  des  vases 
sacrés.  Les  barbares,  craignant  que  les  deux 
saints  diHouriia^sent  leur  roi  du  culte  des 
idoles,  tuèrent  d'abord  Ewald  le  Blanc,  puis 
ensuit(i  Ewald  le  Noir,  son  frère,  après  lui 
avoir  fait  soullVir  de  cruels  tourments.  Le 
jirince  de  la  contrée,  informé  de  ce  qui  s'é- 
tait passé,  fit  mourir  les  cou|)ables  et  brûler 
leur  village.  On  avait  jeté  les  corps  des 
saillis  martyrs  dans  le  Rhin,  ils  y  furent  mi- 
raculeusement découverts.  Tilman,  moine, 
d'origine  anglaise,  et  qui  était  venu  en  Alle- 
magne comme  missionnaire,  fut  averti  dans 
une  vision  de  les  retirer  de  l'eau.  Il  les  fit 
enterrer  honorablement.  Aujourd'hui  leurs 
reliques  sont  encore  à  Cologne  dans  l'église 
de  saint  Cunibert,  où  on  les  garde  religieu- 
sement. L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  3 
octobre. 

EWALD  (saint)  le  Blanc.  {Voy.  le  précé- 
dent.) 

EXANTE  (saint),  fut  martyrisé  pour  la  foi 
à  Cùme  avec  les  saints  Carpôpliore,  Cassius, 
Séverin,  Second  et  Licinius.  Ils  furent  dé- 
ca[)ités  pour  avoir  confessé  Jésus-Christ.  On 
ignore  l'époque  o(i  leur  martyre  arriva.  L'E- 
glise célèbre  leur  immortelle  mémoire  le  7 
août. 

EXPEDÏT  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi  à  Mélitine  en  Arménie,  avec  les 
saints  Hermogène,  Caius,  Arislonique,  Ru- 
fus  et  Calatas.  On  ignore  la  date  et  les  cir- 
constances de  leurs  combats.  L'Eglise  célè- 
bre leur  mémoire  le  19  avril. 

EXUPÉRANCE  (saint),  martyr,  était  diacre 
de  l'Eglise  d'Assise,  dès  l'année  303.  Après 
la  publication  des  édits  des  empereurs 
Dioclétien  et  Maximien,  il  fut  arrêté  avec 
son  évêque  saint  Sabin  et  mis  en  prison  jus- 
qu'à la  venue  de  Vénustien,  gouverneur  de 
rOrabrie  et  de  l'Etrurie.  Aussitôt  son  arri- 
vée, Vénustien  fit  comparaître  les  prison- 
niers devant  lui;  sur  leur  refus  de  sacrifier, 
il  les  lit  tourmenter  si  horriblement  que 
Marcel  et  Exupérance  moururent  au  milieu 
des  supi)lices.  Ce  fut  dans  la  ville  d'Assise 
qu'ils  reçurent  la  couronne,  au  commence- 
ment de  l'année  30i.  Leur  fête  a  lieu  le  30 
décembre 

EXUPÉRANCE  (saint),  évêque  et  confes- 
seur, souffrit  à  Ravenne  en  l'honneur  de  la 
religion  chrétienne.  Les  Actes  des  martyrs 
ne  nous  disent  rien  sur  l'époque  et  les  diffé- 
rentes circonstances  de  son  combat.  L'Eglise 
honore  sa  mémoire  le  30  mai. 

EXUPÈRE  (saint),  mourut  pour  la  défense 
de  la  religion  à  Rome  sur  la  voie  Latine.  Il 
fut  consumé  par  les  flammes,  ainsi  que  lé 
rapportent  les  Actes  du  pape  saint  Etienne, 
avec  les  saints  Symphrone,  Olympe  et  Théo- 
dule.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  26  juillet. 

EXUPÈIŒ  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 


959 


FAB 


FAB 


9C0 


tyre  avec  sainte  Zoe ,  son  épouse ,  et  les 
saints  Cyriaque  et  Théodulc,  leurs  enfants. 
Ils  furent  couronnés  sous  l'empereur  Adrien. 
Nous  n'avons  pas  de  détails  plus  étendus  sur 
leur  compte.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le 
2  mai. 

EXUPÈRE  (saint),  martyrisé  à  Vienne  en 
Gaules,  avec  saint  Félicien  et  saint  Séverin, 
est  honoré  par  l'Eglise  le  19  novembre.  On 
manque  absolument  de  détails  sur  sa  mort  : 
tout  ce  qu'on  sait,  c'est  qu'elle  eut  lieu  sous 
le  i-ègne  de  l'empereur  Marc-Aurèle.  Vers  le 
milieu  du  i\'  siècle,  ces  Irnis  saints  révélè- 
rent à  l'évèque  Pascase,  le  lieu  oii  ils  étaient 
enterrés.  Cet  évoque  les  fit  transférer  dans 
l'église  de  Saint-Romain.  [Voy.  Séverin.) 

EXUPÈRE  (saint),  martyr,  compagnon  de 
saint  Maurice,  était  Campiducior  dans  la  lé- 
gion que  ce  saint  commandait.  Ce  grade 
équivalait  à  peu  près  à  celui  de  major  dans 
nos  régiments.  En  l'année  286,  Dioclétien, 
ayant  donné  l'ordre  à  la  légion  Thébéenne 
qui  était  en  Asie,  de  passer  dans  les  Gaules, 
pour  y  faire  la  guerre  sous  les  ordres  do 
Maximien,  son  collègue,  cette  légion  se  mit 
Immédiatement  en  chemin.  Durant  le  voyage, 


comme  on  se  trouvait  aux  environs  d'Agaune 
(en  Suisse,  aujourd'hui  Saint-Maurice),  Maxi- 
mien  donna  l'ordre  (jue  toute  l'armée  ofTrît 
un  sacrilice  aux  dieux  de  l'empire.  La  légion 
Thébéenne,  entièrement  composée  de  chré- 
tiens, se  retira  h  Agaune,  pour  ne  pas  par- 
ticiper à  cette  cérémonie  païenne,  et  pro- 
testa parunelettre  respectueuse,  mais  ferme, 
contre  la  violence  qu'on  voulait  faire  K  sa 
foi.  Maximien,  violemment  irrité,  fit  d'abord 
décimer  cette  légion,  et  ensuite  fit  mettre  à 
mort  tout  ce  qui  restait,  voyant  que  le  sup- 
plice qu'il  avait  fait  subir  aux  premiers  que 
le  sort  avait  désignés  n'avait  pas  ébranlé  les 
autres.  Evupère  fut  du  nombre  de  ces  géné- 
reux martyrs.  L'Eglise  fait  sa  fête  ,  avec 
celle  de  saint  Maurice,  le  22  septembre.  {Voy. 
Malrice.) 

LXUPERIE  (sainte),  appartient  à  cette 
glorieuse  cohorte  de  martyrs  que  la  persé- 
cution de  Trajan  fit  monter  au  ciel.  Ce  fut  à 
Rome  qu'elle  eut  ce  bonheur,  avec  les  saints 
Symphronius  et  Théodule,et  sainteOlympe. 
La  tradition  ne  nous  en  a  pas  dit  davantage 
sur  sa  mort  et  sur  les  circonstances  dans  les- 
quelles elle  eut  lieu.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
26  juillet. 


F 


FABIEN  (saint),  pape  et  martyr,  succéda 
au  pape  saint  Antère,  l'an  236.  il  était  natif 
de  Rome,  et  appartenait  à  l'antique  et  illustre 
famille  des  Fabiens.  Son  père  se  nommait 
Fabius,  et  lui-même  est  ainsi  appelé  par  les 
Giecs  dans  leur  office.  Quelques  auteurs 
disent  qu'il  était  prêtre  de  saint  Pontien  :  les 
circonstances  de  son  élection  ne  sont  guère 
favorables  à  ceux  qui  soutiennent  cette  opi- 
nion ;  il  était  très-probablement  laïque. 
Après  la  mort  du  pape  Antère,  étant  venu 
de  la  campagne  à  Rome  avec  beaucoup  d'au- 
tres, pour  y  assister  à  l'élection  d'un  nouvel 
évêque,  il  fut  désigné  au  choix  des  fidèles  et 
du  clergé  d'une  façon  tout  h  fait  miraculeuse. 
Personne  ne  songeait  à  lui,  on  jetait  les 
3'eux  sur  plusieurs  {)ersoniiages  importants 
qui  étaient  nrésents,  et  sur  lesquels  allaient 
se  partager  les  suffrages,  ([uaiid  tout  à  coup 
une  colombe  vint  se  reposer  sur  la  tête  de 
Fabien.  Aussitôt  le  peuple  et  les  prêtres, 
croyant  voir  dans  ce  fait  une  indication  di- 
vine, s'écrièrent  d'un  commun  accord  :  Il  est 
digne  d'être  évê(}ue.  Alors  on  le  jirit  et  on 
le  fil  asseoir  sur  1(î  tron*;  épiscopal,  après 
l'avoir  consacré  j)ar  les  (cérémonies  d'usage 
dans  l'église.  On  raconte  de  lui  considéra- 
blement de  merveilles,  mais  il  faut  avouer 
•  prcllcs  sont  loin  d'être  fondées.  Il  gouverna 
i'J'iglisc;  dui-ant  seize  années.  Les  faits  les 
plus  remarcpiables  de  son  |)onlifi(at,  sont, 
l'envoi  d(î  iinssioiniair(;s,  notamment  de  saint 
Denis  diins  les  (iaul(;s  ,  et  la  condamnation 
de  Privât,  évêque  de  Lambèse,  (pii  rc'pandait 
•Jiie  nouvelle  néiésif!  en  Alïi(pie.  Saint  Cy- 
IM-ien  (!t  saint  Jérôme  nous  disent  (pi'il  ter- 
mina glorieuseiuenl  sa  vie  pai'  le   martyre, 


en  250,  sous  la  persécution  de  Dèce.  Nous 
manquons  absolument  de  détails.  Ce  saint 
martyr  fut  enterré  dans  le  cimetière  de  Cal- 
liste.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  20  janvier. 

FABIEN  (saint),  martyr,  est  inscrit  au  Mar- 
tyrologe romain  le  31  décembre,  et  honoré 
comme  martyr  par  l'Eglise  avec  les  saints 
Etienne,  Pontien,  Attale,  Corneille,  Sexte, 
Florus,  Quintien,  Minervien  et  Simplicien, 
qui  furent  les  compagnons  de  son  triomphe. 
Les  circonstances  de  leur  martyre  ne  sont 
malheureusement  pas  connues  ,  non  plus 
que  sa  date  et  le  lieu  où  il  arriva. 

FABIEN,  préfet  de  Rome  dans  les  premiers 
tem[)s  de  l'empereur  Dioclétien,  fut  nommé 
quand  Chromace ,  qui  s'était  converti  au 
christianisme,  se  fut  retiré.  Il  se  montra  ex- 
cessivement cruel  à  l'égard  des  chrétiens. 
Ayant  fait  arrêter  les  saints  Nicostrate,  Clau- 
de;, Castore  ,  Victorin  et  Sym{)horien,  parce 
qu'ils  cherchaient,  pour  leur  rendre  les  der- 
niers devoii's,  les  corfjs  de  sainte  Zoé  et  do 
saint  Tran(iuillin  qui  venaient  d'être  martyri- 
sés, il  les  fil  venir  devant  lui.  Il  usa  pour  les 
vaincre,  de  tous  les  moyens  possibles  :  me- 
naces, promesses,  feinte  douceur,  tout  fut 
inutile.  Voyant  cela,  il  prit  les  ordres  do^ 
empereurs' Dioclétien  et  Maximien,  et  lit 
appli(juer  trois  fois  de  suite  les  saints  à  la 
tortuie.  Ces  tourments  n'ayant  pu  abattre 
leur  constance,  il  les  lit  jeter  h  la  mer.  11  lit 
mourir  aussi  saint  Castule,  les  saints  Marc  et 
Marc.ellien,  et  la  |)lupart  de  ceux  dont  il  est 
j)arlédans  les  Actes  de  saint  Sébastien.  {Voy. 
SÉitAsriK-s.) 

l'AlUI  S  (saini),  l'un  d(>s  saints  confesseurs 
(pie  J'inien,  pi'ocousul  de  l'Asie,  délenail  en 


961 


FAI 


prison  et  qu'il  mit  en  liborlc^  après  sa  con- 
version, vint  avec  lui  en  Italie  et  habita  sa 
maison,  h  Uoine,  avec  les  autres  confesseurs. 
Le  retour  de  IMnien  eut  heu  eu  1  année  287. 
La  présence  de  Fabius  et  des  autres  ayant 
fait  (lu  bruit,  tous  huent  obligés  de  se  dissé- 
miner dans  les  terres  (pie  Pinien  possédait  en 
Italie,  lui  290  ,  les  tyrans  et  le  i)euplo  ayant 
fait  mourir  saint  Anthiine,  saint  Ma\uue 
et  saint  Bassus,  Pros(iue,  consulaire,  lit  tran- 
cher la  léle  h  saint  Fabius,  après  l'avoir  très- 
h)n|;tenips  retenu  en  [)rison  et  lui  avoir  fait 
soullVir  divers  tournieiits.  L'Fgiise  célèbre 
la  tète  de  saint  Fabius  le  11  mai.  (Ko*/.  Lucink, 
femme  d(>  Pinien,  et  Pinien.) 

FABIUS  (saint),  fut  martyrisé  à  Césarée. 
Ayant  refusé  de  porter  les  enseignes  de  la 
garnison,  il  hit  enfermé  pendant  quelques 
jours  dans  un  cachot  ;  ensuite,  ayant  subi 
deux  interrogatoires,  et  persévérant  h  con- 
fesser Jésus-Christ,  il  fut  condamné  par  le 
juge  à  perdre  la  tôle.  L'Eglise  fait  son  im- 
mortelle mémoire  le  31  juillet. 

FABUIGIEN,  eut  la  gloire  de  verser  son 
sang  pour  la  foi  chrétienne  avec  saint  Phil- 
bert.  Leur  martyre  arriva  en  Espagne.  On  en 
ignore  la  date  et  les  circonstances.  L'Eglise 
fait  leur  sainte  mémoire  le  22  août. 

FABUICIUS  ,  gouverneur  de  Césarée  de 
Cappadoce,  au  commencement  du  iv'  siècle, 
sous  le  règne  de  Dioclélien,  lit  souU'rir  de 
cruels  supplices  à  sainte  Dorothée,  pour  la 
contraindre  ou  à  se  marier,  ou  à  sacriher 
aux  idoles.  N'ayant  pu  y  parvenir  il  la  con- 
damna à  être  décapitée. 

FACOND  (saint),  souffrit  le  martyre  en 
Galice,  sur  la  rivière  de  Cée,  avec  saint  Primi- 
tif. Leur  combat  eut  lieu  sous  le  président 
Alti(|ue.  Nous  n'avons  pas  d'autres  détails 
sur  leur  compte.  L'Eglise  fait  leur  glorieuse 
mémoire  le  27  novembre. 

FAINE  (sainte),  vierge  en  Irlande,  souffrit 
le  martyre  à  une  époque  qui  nous  est  com- 
plètement inconnue.  On  croit  généralement 
qu'elle  était  abbesse  dans  le  vi'  siècle.  Nous 
n'avons  point  de  détails  authentiques  sur 
elle.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  1"  janvier. 

FAIUXIDA-LUGUYEiVION  (le  bienheureux 
LÉo>),  fut  martyrisé  au  Japon  en  1613,  dans 
le  royaume  d'Arima,  avec  sa  femme  nommée 
Marthe,  Adrien  Tacafatimundo,  Jeanne  sa 
femme,  sa  ûUe  Marie-Madeleine,  vierge  vouée 
au  Seigneur,  et  Jacques,  son  hls,  âgé  de  12 
ans  ;  enfin  Léon  Tacuendomi  Cuniémon,  et 
son  tils  Paul,  âgé  de  27  ans.  Le  roi  les  con- 
damna au  supplice  du  feu.  Aussitôt  que  cette 
nouvelle  fut  répandue  dans  le  pays,  il  se  fit 
une  immense  rumeur.  Tous  les  chrétiens 
s'assemblèrent  et  vinrent  au  nombre  d'envi- 
ron vingt  mille  s'oiïrir  spontanément  au 
martyre.  L'etfet  de  cette  manifestation  su- 
blime fut  tel  ,  que  plusieurs  seigneurs  apo- 
stats revinrent  à  la  loi  et  demandèrent  à  par- 
tager le  sort  de  ceux  (ju'on  allait  brûler  pour 
Jésus-Christ.  Ce  fut  le  7  octobre  au  matin, 
qu'on  notifia  aux  saints  confesseurs  que  l'ar- 
rêt qui  les  condamnait  allait  recevoir  son 
exécution.  Leur  joie  fut  grande:  ils  obtinrent 
de  communieravant  demarcherau  supplice; 


FAI  962 

c'est-h-dire  au  triomphe,  car  jamais  on  ne 
vit  rien  de  pareil  h  ce  qui  se  passa  alors. 
Les  fastes  (le  l'Eglise  n'ont  pas  gardé  mé- 
moire d'une  aussi  splendidc;  ovation.  Vingt 
mille  chrétiens  des  campagnes  cntièrent 
dans  la  ville,  dans  un  ordre  jjareil  à  celui 
qu'eussent  gardé  des  troupes  parfailement 
disciplinées.  lisse  réunirent  à  environ  vingt 
mille  autres  chrétiens,  habitants  de  la  ville, 
pour  faire  cortège  aux  saints  martyrs.  Ils 
étaient  en  rang,  portaient  chacun  un  cierge 
à  la  main.  Les  martyrs  marchaient  au  mi- 
lieu d'eux,  libres,  mais  suivis  de  leurs  bour- 
reaux et  d'une  compagnie  de  soldats.  Certes, 
cette  force  armée  eût  été  bien  insuffisante, 
si  ces  40,000  hommes  n'eussent  pas  été  chré- 
tiens ;  s'ils  n'eussent  {)assuque  Dieu  oéfend 
à  ceux  qui  sont  persécutés  pour  lui  de  se 
révolter  contre  la  [)uissance  établie.  Us  avaient 
l'exemple  de  la  légion  Thébéenne,  massacrée 
sans  tirer  ré[)éedans  les  Alpes  ;  des  cohortes 
égorgées  sur  le  mont  Ararat  en  Arménie. 
Cet  exenqile,  ils  le  suivirent,  en  respectant 
la  puissance  où  Dieu  l'avait  mise.  Aussitôt 
que  le  cortège  fut  arrivé  au  lieu  du  supplice, 
il  s'y  rangea  dans  un  ordre  parfait.  Les  mar- 
tyrs, apercevant  les  poteaux  auxquels  ils  de- 
vaient être  attachés,  coururent  les  embrasser. 
C'étaient  huit  colonnes  qui  soutenaient  un 
toit  de  charpente  ;  cette  espèce  d'échafaud 
était  dressé  sur  la  place  du  palais.  Pendant 
qu'on  faisait  les  derniers  préparatifs,  Léon 
Luguyemon  monta  sur  l'échafaud,  et  s'adres- 
sant  à  la  foule,  après  avoir  obtenu  silence 
de  la  main,  il  parla  en  ces  termes  :  «  Mes  frè- 
res, admirez  quel  courage  la  foi  peut  donner 
à  de  faibles  créatures  1  Ces  apprêts  terribles 
d'un  supplice  effroyable,  vous  le  voyez  bien, 
loin  de  nous  terrifier,  nous  remplissent  de 
joie.  Au  milieu  des  flammes  ,  je  l'espère, 
Dieu  aidant,  cette  joie  augmentera  encore. 
C'est  aux  infidèles  maintenant  à  voir  quelle 
est  la  grandeur,  quelle  est  l'excellence  d'une 
religion  qui  peut  produire  de  si  grandes 
choses,  élever  si  puissamment  la  nature  au- 
dessus  d'elle-même.  Quant  à  vous ,  mes 
chers  frères  en  Dieu,  ne  soyez  point  effrayés 
en  voyant  ces  brasiers  ;  plus  ils  seront  ar- 
dents, plus  notre  victoire  sera  grande  et 
prompte.  Quelques  souffrances  à  subir  vont 
nous  procurer  une  couronne  de  gloire  et  des 
trésors  de  bonheur  qui  dureront  l'éternité.  » 
La  foule  fit  entendre  un  immense  applaudis- 
sement. Le  frémissement  qui  l'agitait  em- 
pêcha le  saint  martyr  de  pouvoir  continuer, 
il  descendit,  et  alla  se  placer  au  poteau  au- 
quel il  devait  être  attaché.  Il  y  fut  lié  ;  les 
autres  l'étaient  déjà.  Bientôt  on  mit  le  feu 
au  bûcher  qui  était  éloigné  des  martyrs  d'en- 
viron trois  i»ieds.  La  flamme  et  les  tourbil- 
lons de  fumée  s'élevèrent  alors  si  haut,  que 
pendant  quelques  instants  on  ne  put  rien 
distinguer.  Quand  l'humidité  du  bûcher  se 
fut  dissipée,  la  flamme  resta  claire  et  on  put 
voir  les  saints  martyrs,  dont  le  calme  et  la 
résignation  a-ttiraient  l'admiration  générale. 
Jacques,  fils  dAdrien  Mun«lo,  apparut  déta- 
ché aux  yeux  des  spectateurs  :  sans  lui  faire 
beaucoup  de  mal ,  le  feu  avait  consumé  ses 


96S 


FAN 


FAN 


96-4 


liens  ;  il  courait  au  travers  des  flammes  et 
de>  brasiers  :  cr^iignant  que  ct^  l'ût  pour  s'é~ 
chniiper,  la  foule  lui  cria  d'avoir  courage; 
maison  cessa  d'avoir  cette  crainte,  lorsqu'on 
yit  Tenfant  se  retourner  avec  calme  et  aller 
vers  sa  mère  qu'il  entoura  de  ses  l)ras,  vou- 
lant mourir  avec  elle.  La  sainte  femme,  qui 
paraissait  morte,  se  réveilla  à  cette  étreinte, 
et  comme  si  elle  eAt  oublié  ses  soutfrances, 
elle  ne  cessa  plus  d'encourager  son  lils  à 
accomplir  jusqu'au  bout  le  sacrifice  de  sa  vie 
pour  Dieu.  Peu  après,  ses  liens  étant  brAlés, 
elle  tomba  sur  son  lils,  le  couvrant  de  son 
corps.  Ils  expirèrent  ainsi.  La  sœur  de  ce 
jeune  enfant,  Marie-Madeleine,  âgée  de  dix- 
neuf  ans,  restait  debout  et  semblait  pleine  de 
force  et  de  vie  quoiqu'elle  parût  toute  con- 
sumée. On  croyait  qu'elle  allait  s'affaisser 
quand  on  la  vit  ))rendre  des  charbons  ar- 
dents, les  mettre  sur  sa  tète  et  s'en  faire  une 
couronne.  Peu  après,  elle  glissa  le  long  de 
son  poteau,  se  coucha  dans  le  brasier  et  y 
ex[)ira  paisiblemeit.  La  foule  força  les  bar- 
rières qui  entouraient  le  bûcher.  Les  chré- 
tiens emportèrent  les  corps  de  leurs  glorieux 
martyrs.  Tout  fut  pris  par  eux,  jusqu'aux 
charbons  qui  avait  procui'é  la  mort  à  ces  il- 
lustres victimes.  Ce  furent  les  habilants  de 
Conz  :raqui  emj)ortèrent  dans  leur  bourgade 
le  corps  de  Marie-Madeleine.  Mais  bientôt, 
sur  l'ordre  del'évèque,  toutes  les  saintes  re- 
liques furent  restitutées  et  mises  dans  des 
caisses  précieuses.  On  les  trans[)orta  h  Nan- 
gazaki.  Les  actes  et  les  pièces  du  procès  fu- 
rent envoyés  à  Rome. 

FALÈKE,  ville  de  Toscane,  où  saint  Gra- 
cilien  et  sainte  Félicissime  furent  martyrisés 
pour  la  foi,  sous  le  règne  de  Claude  Il^dit  le 
Gothique. 

FAN,  officier  chinois,  qui  fut  chargé,  eu 
17.V6,  par  le  vice-roi  de  Fo-Kicn,  de  recher- 
cher, avec  ses  soldais,  les  missionnaires  qui 
pouvaient  être  cachés  dans  les  environs  de 
Fou-ngan.  Il  s'en  acquitta  avec  une  sévérité 
extièm  ;;  la  haine  qu'il  avait  pour  les  chré- 
tiens peut  seule  expliquerracharnernenlqu'il 
y  mit,  comme  la  conduite  qu'il  tint  après  la 
capture  des  missionnaires.il  fit  comparaître 
devant  le  tribunal  du  gouverneur  de  Fou- 
ngan,  en  vertu  des  pouvoirs  (pi'il  avait  reçus 
du  vice-roi,  [)lusieurs  chi-étiens  et  chrétien- 
nes de  la  localité.  Plusieurs  ayant  refusé  de 
dire  la  demeure  de  l'évéque  et  des  mission- 
naires, un  chrétien  coucubinaire,  interrogé 
à  son  tour,  déclara  qu'il  demeurait  chez  la 
v(,'uve  Miao,  une  des  prisonnières.  11  la  lit 
immédiatement  mettre  à  la  torture  ainsi  que 
neuf  autres  chrétiennes,  mais  ce  fut  inutile- 
ment; rien  ne  put  leur  arracher  leur  scciet. 
Une  onzième,  épouvantée  de  l'aiipareil  des 
Imtures,  déclara  ce  ([u'elle  savait  et  dit  (pi'on 
l'avait  faite  chréti(!nne  malgré  elle  en  rini- 
j)orlunant.  Cette  trahison  était  un  acte  ({uo 
l''(ui  ne  pouvait  pas  hiissersans  récompense; 
il  (il  poiter  celle  femme  en  chaise  chez  elle, 
et  lui  lit  cadeau  de  plusieurs  pièces  de  soie. 
Il  eniploy.i  tout  le  joui?»  dojuier  la  tortun;,  et 
60  montra  si  cruel  que  le  gouverneur,  (p.ii  ne 
pouvait  ret(;nir  ses  larmes,  lui    en  lll  l'cpio- 


che.  Ce  gouverneur  était  au  fond  un  homme 
hinnain,  qui  trouvait  (pi'on  lourmentait  des 
innocenls,  cît  ({ui  avait  logé  chez  lui  l'un  des 
prisonniei-s,  le  P.  Alcober,  le  l'aisant  même 
servir  pav  ses  dom.'Stiques.  L'ofticier  Fan^ 
fort  de  l'appui  du  vice-roi,  s'euqiorta  jusqu'à 
reprocher  au  gouverneur,  dont  cependant  il 
était  l'inférieur  en  grade,  de  manquer  de 
courage  dans  l'accomplissement  de  ses  de- 
voirs. La  nuit  ne  put  mettre  lin  à  la  rage  de 
cet  homme.  11  lit  donner  la  'piestion  à  six 
chrétiennes  à  qui  il  ne  put  rien  arracher; 
mais  une  servante,  vaincue  ))ar  la  violence 
du  mal,  le  conduisit  où  étaient  les  PP.  Ser- 
rano  et  Diaz,  cachés  entre  deux  planchers.  11 
éprouva  une  joie  très-grande  de  la  prise  de 
ces  deux  missionnaires.  N'ayant  pu  les  for- 
cer cl  lui  dire  où  était  révô(|ue,  il  lit  donner 
des  soufflets  au  P.  Serrano  et  appliquer  le 
P.  Diaz  à  la  torture  appelée  Kia-kouen:  sa  fu- 
reur était  sans  bornes;  il  voulait  que  ceux 
qui  lui  obéissaient  se  montrassent  aussi 
cruels  que  lui.  Il  fit  donner  des  coups  de  bâ- 
tons i^  (leux  païens,  pour  les  IVircer  à  décla- 
rer où  étaient  les  auties  missionnaires. 
Comme  ils  ne  pouvaient  dire  ce  qu'ils  igno- 
raient, ils  furent  retenus  plusieurs  jours  en 
])rison.  Le  30  juin,  le  P.  Royo  et  l'évoque  de 
Mauricaste  ayant  été  obligés  de  se  livrer 
eux-mêmes,  tous  les  prisonniers  subirent 
un  interrogatoire.  Une  chrétienne,  nommée 
Thérèse,  fut  interrogée  par  lui,  et  comme  ses 
réjionses  flétrissaient  les  questions  odieuses 
et  im[)udiques  qu'il  lui  adressait,  il  la  fit 
mettre  à  la  torture.  Quehpie  temps  après, 
plusieurs  chrétiens  furent  pris,  neuf  hom- 
mes et  cinq  femmes.  Ils  comparurent  devant 
le  gouverneur  d'une  ville  de  troisième  ordre. 
La  [)lus  jeune  des  femmes  se  présente  avec 
les  mains  horriblement  meurtries  par  les  tor- 
tures :  «  Qui  vous  a  donc  si  horriblement 
maltraitée,  lui  demanda  le  magistrat?  — 
C'est  par  ordre  de  l'ollicier  Fan,  répondit- 
elle,  que  moi  et  mes  compagnes  avons  été 
traitées  de  la  sorte.  »  Ces  femmes  étaient  du 
nombre  des  personnes  ([ue  ce  barbare  per- 
sécuteur avait  fait  torturer  h  domicile,  pour 
les  contraindre  à  dire  où  étaient  les  mission- 
naires. Dans  tout  le  cours  de  cetle  procédure, 
Fan  se  lit  remarquer  non-seulement  par  la  J 
cruauté  qu'il  déploya  envers  les  accusés,  " 
mais  encore  par  la  calo.nnieusc  industrie 
qu'il  employait  h  leui-  imaginer  des  crimes: 
dans  les  inslruclions  qu'il  donna,  il  aci'usait 
les  missionnaires  de  magie ,  d'inqiudicité. 
Ayant  trouvé  une  caisse  d'ossements  (]ui  ap- 
parlenait  au  I*.  Alcober,  il  prétendit  (jue  ces 
nommes  (h;  Dieu  tuaient  d(^  petits  cid'anls| 
(pi'ds  liraient  do  leurs  tèles  des  lillres  qui 
leur  servaient  à  séduire  de  jeunes  (illes, 
qu'ils  faisaient  avorter  ensuite,  h  l'aide  des 
l'emèdes  qu'ils  avaient  apportés  d'lùirOj[.)e. 
Cotte  caisse  conlenait  les  ossements  d  uu 
Hiissionnairc  mort  depuis  longtemps,  pré- 
cieuses reliques  (lue  ses  successeurs  vou- 
laient tnivoyer  on  I-'urope.  Les  juges  vou- 
lurent en  faire  la  visite;  ils  noimuèrent  ])0ur 
eel.i  d(.'S  experts  pi'éposés  h  l'examen  dus 
cadavres.     La    caisse    ouverte,   les  ossc- 


965 


FAN 


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m 


ments  furoiit  trouvt5s  prosqu'on  poussiùre. 
Vu  la  U"^!!!!!!!''  (les  fragments  ,  Fan  soiilciiait 
■que     c'L'laicnt    di'S    os    do   petits   eiilaiils. 
Les  experts  aflirmaient  qu'ils  aj)|)ai't(Miai(!iit 
à  une  personne   morte  depuis  au  moins  un 
^iè''l(>.  Les  juges   restaient  dans   un   grand 
embarras.  Ou  trouva  le  corps  d'une  vertèbre 
assez  entier  pour  tMre  uu'suré  :  ou  fonslata 
positivement,  d'après  ses  dimensions,  qu'il 
appartenait  à  une  grande  personne,  l/ollicicr 
Fau  soutenant  toujours  son  premier  diie  : 
Les  juges  indignés  lui  dirent  qu'il  n'y  avait 
pas  de  milieu  [)0ur  lui  entre  l'ignorance  et  la 
mauvaise  foi  :  «  Nos  livres  sont  j)récis,  di- 
rent-ils, il  cet  égartl;  le  mode  de  vérillcation 
est  tout  tracé.  Si  nous  agissons  en  dehors 
des  prescriptions  qu'ils   contiennent,  nous 
agissons  contre  ré([uité  et  contre  la  loi.  Fai- 
tes un  rapjiorl  à  votre  gré,  cela  vous  regarde. 
Quant  h  nous,  nous  jugerons  d'après  l'évi- 
dence et  la  justice.  »  L'acte  de  véiilicalion 
fait,  ou  dut  refermer  la  caisse;  chacun  de- 
vait y  apporter  son  sceau,  afin  (ju'il  fiU  bien 
constaté  qu'il    n'y  avait  pas  de  fiaude  pos- 
sible. Fan  refusa  de  signer  l'acte  et  de  scel- 
ler la  caisse.  Ceiiendaut,  les  juges  l'y  con- 
traignirent. Le  juge  criminel  de  la  province 
approuva  leur  façon  d'agir  et  confirma  la 
sentence  par  laquelle  il  déclarait  les  mis- 
sionnaires innocents.  Fan  se  rendit  près  du 
vice-roi  et  les  accusa  d'avoir  été  corrompus 
par  argent.  Il  dit  que  des  cin-étiens  venus  de 
Fou-ngan  avaient  acheté,  à    l'aide  de  som- 
mes considérables,  tout  le  personnel  des  tri- 
bunaux, et  même  les  officiers  et  les  soldats. 
t,e  vice-roi  cassa  les  procédures,  commit  de 
nouveaux  juges,  et  fit  venir  de  nouveaux  té- 
moins, entre   autres  la  chrétienne  que  Fan 
avait  récompensée  de  son  apostasie.  11  fallait 
que  la  scélératesse  de  cet  homme   se  mani- 
festAt  de  tous  points  :  cette  femme  repentante 
rétracta  son   apostasie    et  raconta  comment 
l'oftlcier  la  lui  avait,  en  secret,  conseillée,  et 
les  moyens  h  l'aide  desquels  il  l'y  avait   dé- 
terminée. Plusieurs  soldats  furent  cassés  de 
leurs  charges  et  condamnés  à  deux  mois  de 
cangue.  Alors   tout  alla  au  gré  de  Fan.  11 

fiut  maltraiter  à  sa  guise  chrétiens  et  païens  : 
es  uns  furent  mis  à  la  cangue,  les  autres 
bàtonnés.  Plusieurs  furent  reconduits  chez 
eux  chargés  de  chaînes.  Il  fit  donner  qua- 
rante coups  de  bâton  à  chacun  des  cinq  chré- 
tiens qui  refusèrent  d'adorer  une  idole  sur 
l'ordre  quil  leur  en  avait  donné.  Ce  fut  ainsi 
qu'un  seul  homme,  par  sa  scélératesse,  ût 
prévaloir  l'iniquité  et  fut  cause  que  cinq 
missionnaires  furent  condamnés  à  mort  et 
exécutés.  Il  est  fâcheux  qu'on  ignore  com- 
ment finit  un  homme  coupable  d'un  tel  crime 
et  de  tant  de  révoltantes  cruautés  commises 
pour  en  procurer  la  perpétration.  11  est  trcs- 
pi'obabie  qu'il  périt  frappé  de  la  malédiction 
céleste.  Ce  qui  nous  porte  à  le  croire,  c'est 
que  le  vice-roi  de  Fo-kien,  dont  il  était  l'ins- 
trument, fut  puni  d'une  façon  éclatante.  Or, 
par  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  de- 
meure bien  constant  que  l'instrument  s'é- 
tait rendu  assez  intelligent  de  ses  actes  et 
les  avait  commis  avec  assez  de  volonté  per- 


verse pour  ôtre  aussi  coupable  que  la  main 
(jui  l'avait  mis  en  jeu.  L(!  vice-roi  de  Fo- 
Ivien  fut  élevé  quehjue  teuq)s  après  à  la 
charge  (hi  mandarin  supérieur  des  lleuvcs 
dans  la  province  de  Nankin.  Il  jouissait  en 
pai\  de  cette  augmentation  de  fortune  quand 
i'impérati'ic(unoui'ut.  Lorsque  les  vengeances 
de  Dieu  sont  prèles  ,  les  plus  petits  événe- 
ments leur  servent  de  conducteurs.  L'ancien 
vice-roi  eut  la  malheureuse  idée  de  se  fairo 
raser  la  tète  piîudant  que  tout  le  mond(î  était 
en  deuil,  c'est  cette  faute  (|ui  va  lui  faire  payer 
tous  ses  altentats  contre  la  religion  et  ses 
ministres.il  fut  dégradé,  exilé  ;  on  le  força  de 
rebâtir  A  ses  frais  une  forteresse  en  ruines, 
enfin  il  fut  condamné  à  être  décapité.  L'Iim- 
l)ereur  lui  devait  une  grâce  pour  la  façon 
dont  il  l'avait  toujours  servi,  il  la  lui  accorda; 
il  revint  sur  la  sentence  et  lui  permit  de  s'é- 
trangler lui-mèn)e. 

FANATISME.  Nous  définissons  ce  mot 
dans  la  citation  d'un  de  nos  ouvrages  {Les 
Passions)  que  nous  faisons  plus  loin.  Nous 
l'inscrivons  ici,  parce  qu'il  est  en  quelque 
sorte  un  instrument  de  persécution  morale. 
Tous  les  arrière-petits-fils  de  Voltaire  et  de 
Diderot,  tous  ces  niais  qui  se  prétendent  phi- 
losophes et  qui  outragent  la  religion,  ont  ce 
mot  dans  leur  vocabulaire ,  pour  le  jeter 
comme  une  insulte  â  tout  ce  qui  est  reli- 
gieux en  ce  monde.  Quand  ces  gens -là,  dans 
la  discussion,  ont  nommé  leurs  adversaires 
jésuites,  fanatiques,  quand  ils  ont  parlé  de 
progrès  humanitaire,  d'émancipation  sociale, 
ils  ont  lancé  tous  leurs  foudres  et  se  repo- 
sent dans  la  majesté  du  triomphe.  C'est  à 
l'adresse  de  ces  voltairiens  de  bas  étage 
que  nous  envoyons  la  citation  suivante  : 
^  Les  passions  humaines  abusent  de  lout,  et 
l'abus  des  meilleures  choses  produit  les 
plus  grands  désordres.  Le  sentiment  reli- 
gieux exploité  par  les  passions  produit  le 
lanatisme,  que  nous  définirons  le  zèle  aveugle 
pour  la  religion  ou  l'eifet  d'une  fausse  cons- 
cience qui  abuse  de  la  religion  et  l'asser- 
vit au  dérèglement  des  passions 

Autant  le  sentiment  religieux  est  aimé  de 
Dieu  et  digne  des  respects  du  genre  hu- 
main, autant  le  fanatisme  mérite  la  haine 
des  cieux  et  de  la  terre.  Ce  vice  en- 
chaîne les  peuples,  les  abrutit  et  les  tue. 
Nous  ne  sommes  point  de  ceux  qui  veu- 
lent nier  les  eifots  déplorables  de  ce 
vice;  la  vraie  religion  n'a  point  peur  de  ces 
aveux,  ils  sont  une  accusation  qu'elle  ful- 
mine la  première  contre  ceux  qui  se  sont 
seivis  de  son  nom  pour  commettre  leurs 
atrocités.  Sa  morale  tout  entière,  les  pré- 
ceptes de  son  divin  fondateur,  flétrissent  ce 
vice  destructeur  de  toute  civilisation  ,  de 
toute  justice,  de  toute  humanité.  De  tout 
temps  le  fanatisme  a  régné  dans  le  monde; 
il  présidait  aux  monstruosités  religieuses  de 
l'antiquité  qui  nous  glacent  encore  d'épou- 
vante, il  immolait  partout  des  victimes  humai- 
nes et  notre  sol  est  encore  couvert  des  au- 
tels sanguinaires  où  les  druides  faisaient  cou- 
ler le  sang  de  nos  pères.  A  Carthage,  il  y  avait 
une  statue  de  Saturne  toujours  embrasée  j 


967 


FAN 


FAN 


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on  V  atfacliait  de  jeunes  enfants  pour  plaire 
à  ce  dieu  qui  avait,  dit-on,  dévoré  les  siens. 
A  Mexico,  sur  les  autels  de  Witziliputzili, 
le  paganisme  ordonnait  encore,  sous  Monté- 
zunia ,  tel  sacrilice  oii  trente  mille  victimes 
perdaient  la  vie. 

En  tous  lieux  le  fanatisme  immola  ceux 
dont  il  réprouvait  les  croyances  :  Socrate 
fut  mis  à  mort  par  celui  de  ses  concitoyens  ; 
celui  des  Juifs  arrosa  d'un  sang  divin  la 
montagne  du  Calvaire  ;  celui  des  persécu- 
teurs des  chrétiens  lit  périr  [tins  de  quinze 
millions  de  martyrs.  Toutes  les  sectes,  tou- 
tes les  hérésies,  toutes  les  religions  ont  eu 
leurs  fanatiques.  Le  mahométisme  a  coûté  la 
vie  à  trois  millions  d'hommes,  égorgés  en 
vue  du  prosélytisme,  Mahomet  avait  dit  : 
«  Je  laisse  mon  évangile  aux  croyants  pour 
convertir  les  inlidèles,  et  mon  épée  pour  les 
exterminei'.  »  On  voit  par  là  que  le  fana- 
tisme est  dans  cette  religion  môme,  il  en  est 
un  conniiandement.  Le  catholicisme  a  eu 
ses  fanatiques  aussi,  qui,  oubliant  les  pré- 
ceptes de  leur  divin  Maître,  inondèrent  à 
bien  des  reprises  les  provinces  du  monde 
chrétien  d'un  sang  que  la  morale  évangé- 
lique  leur  défendait  de  répandre. 

Certes,  nous  sommes  les  premiers  à  le 
dire,  le  fanatisme,  chez  nous  comme  partout, 
a  commis  bien  des  crimes,  bien  des  atten- 
tats ;  mais  nous  prétendons  aussi  que  les 
re[)roches  qu'on  lui  adresse  à  cet  égard  sont 
exagérés  de  beaucoup.  Bien  souvent  les 
massacres,  les  persécutions,  les  assassinats 
jwdiciaires  qu'on  lui  impute,  ont  été  commis 
dans  un  but  politique  ou  de  vengeances  par- 
ticulières, par  des  hommes  qui  se  servaient 
du  prétexte  de  la  religion.  Il  est  un  grand 
nombre  de  ces  forfaits  qui  salissent  les  pa- 
ges de  l'histoire,  auxquels  ,  quoi  qu'on  ait 
dit,  le  vice  dont  nous  jiarlons  a  été  complè- 
tement étranger.  Il  est  hors  de  doute,  et  les 
auteurs  protestants  eux-mêmes  ont  été  les 
premiers  à  le  reconnaître ,  que  l'horrible 
assassinat  du  Nouveau  Monde  n'a  eu  pour 
cause  que  l'insatiable  cupidité  des  conqué- 
rants. Certainement  il  y  avait  des  prêtres 
parmi  ces  dévastateurs,  parmi  ces  tigres  al- 
térés de  sang,  mais  parlaient-ils  le  langage 
de  la  religion,  ceux-là?  N'avait  elle  pas,  au 
contraire,  dans  Las  Casas ,  ce  sublime  et 
saint  apôtre,  la  personnification  vivante  de 
sa  morale  et  de  ses  enseignements?  N'allait- 
elle  pas,  i)ar  sa  bouche,  faire  entendre  les 
plus  énergiques  protestations  aux  j)uissances 
d'alors?  Nallait-elle  f)as  ellVay(!r  de  ses  me- 
naces les  égorgeurs  et  s'inter[)Oser  entre  la 
victime  et  l'assassin? 

La  Providence,  du  reste,  a  donné  à  cette 
question  une  éclatante  solution;  elle  a  ])uni 
'  qui  méritait  l'êlie  ;  Dieu  se  retirecles  peu- 
ples qui  assassinent  les  peu[)les.  L'Kspagne, 
autrefois  si  llorissante,  aujoiuMrinii  si  abais- 
sée, si  dégradi'e,  subit  sa  i>ein(3  pour  tant  de 
sang  ré|)aridu  :  ses  guerres  civiles  iiu;essan- 
tes,  ses  assassinats  (iutre  citoyens,  son  faua- 
lisme  inintelligent  et  dégradé  ;  au-d(;s'^us  de 
tout  cela,  sa  race  abûlardio  do  souverains , 


qui  a  tout  pollué,  ne  sont-ce  pas  là  des  châ- 
timents d'en  haut? 

La  Saint  -  Baitliélemy  elle-même  est- 
elle  bien  imputable  au  fanatisme  religieux? 
N'est -elle  point  iilutùt  le  résultat  d'une 
combinaison  politique  et  de  passions  per- 
sonnelles ?  Beaucoup  d'auteurs  le  soutien- 
nent, et  dernièrement  nous  avons  entendu 
un  jeune  orateur  de  grand  talent  et  de  haute 
espérance,  M.  de  Falloux,  se  faire,  au  sein 
du  congrès  scientili]uè  de  France,  le  brillant 
défenseur  de  cette  opinion. 

Bien  des  honnnes  qui  se  préfendent  phi- 
losophes ont  pris  à  tâche  d'attaquer  la  reli- 
gion par  les  reproches  de  fanatisme  qu'ils  lui 
adressent  ;  ils  se  servent  de  ce  mot  pour  ef- 
frayer tous  ceux  qui  croient  à  Dieu  et  prin- 
cipalement ceux  qui  se  soumettent  aux  dog- 
mes et  aux  pratiques  du  catholicisme.  Celui 
qui  va  prier  dans  un  temple,  qui  suit  une 
procession  ,  qui  accomplit  le  plus  simple 
des  devoirs  du  chrétien,  ils  le  nomment  fa- 
natique. Quand  ils  écrivent  sur  ce  vice,  où 
vont-ils  en  chercher  des  exemples?  Toujours 
dans  le  catholicisme.  Il  est  le  point  de  mire 
de  toutes  leurs  attaques,  le  but  de  toutes 
leurs  déclamations  furibondes.  D'où  vient 
cela? C'est  qu'ils  savent  bien  que  là  est  la 
plus  puissante  des  croyances,  celle  qui  plonge 
ses  racines  dans  la  ciivinité  même,  celle  eu 
un  mot  qui  est  le  mieux  faite  pour  gouver- 
ner les  hommes.  Jamais  on  ne  les  voit  s'at- 
taquer aux  sectes  dissidentes  ;  ils  compren- 
nent c[u'elles  tomberont  d'elles-mêmes, 
qu'elles  se  détruiront  de  leurs  propres  mains. 
Ils  laissent  tramiuilles  le  protestantisme  et 
ses  sectes  innombrables;  ils  ne  disent  rien 
des  chrétiens  grecs,  des  mahométans,  ils 
ne  décochent  point  leurs  flèches  acérées  con- 
tre les  rêveurs  qui  se  posent  en  messies 
parmi  nous,  et  qui  tour  à  tour  viennent  don- 
ner au  monde  le  spectacle  de  leur  folie  et  de 
l'inanilé  de  leurs  doctrines.  Ils  sont  au  con- 
traire frères  de  tous  ces  nouveaux  prophètes  ; 
ils  tendent  la  main  aux  saint-simoniens,  aux 
plialanstériens;  ils  sont  les  prôneurs  de 
l'abbé  Châtel;  ils  appellent  sous  leurs  dra- 
peaux quiconque  a  une  pierre  ou  de  la  boue 
à  jeter  dans  le  champ  de  la  vraie  religion. 

Ils  l'attaquent  sans  cesse  par  tous  Jes 
moyens,  mèmeles  plus  honteux,  le  mensonge 
et  le  scandale.  Connue  ces  requins  voraces 
qui  suivent  les  navires  [)Our  dévorer  les 
innnondices  (|u'on  jelle  à  la  mer,  ils  suivent 
le  vaiss(  au  de  l'Kglise;  et  s'il  rejette  de  son 
sein  (piehpie  impureté,  s'il  livre  aux  Ilots 
qmhpio  pestiféré,  ils  s'en  emparent,  car  ils 
sont  là  pom-  rama:sser  tout  ce  ([ui  tombe,  et 
tant  (pi'il  reste  un  lamb(!au  de  cette  proie 
infecte,  ils  le  lancent  et  le  reprennent  pour 
le  lancer  encore  conire  le  vaisseau  glorieux 
([ui  poursuit  sa  course;  vers  l'élernilé,  sans 
s'inquiéter  des  ordures  (lui  llollent  dans  son 
sillage 

Fanatisme  1  c'est  le  mot  de  lallienu'ut  des 
ennenus  di»  la  religion,  c'est  \v  thème  éler- 
nel,  le  rîincîvas  de  loiiles  Icui's  déclamations, 
l'épiUièh!  ridicule  (pi'ils  prodiginiit  à  tort  et 
à  lraver.<>  à  tous  ccu.\  (lui  ne  pensent  pas 


I 


9é9 


FAN 


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comme  eux;  avec  la  plus  insigne  mauvaise 
foi,  ilscontoiultMii  sans  cesse  la  religion  avec 
l'abus,  ils  lui  attribuent  ce  (lui  ne  provient 
tpu;  des  passions,  et  lui  font  un  crime  du 
ciime  de  ses  entants  coupables,  qu'elb;  est 
la  |ireiuiùre  h  condaunier.  iMais  cette  rage 
aveugle  qui  les  cm,  oiie,  (pii  les  rend  injus- 
tes, i-U(»k^iants  et  absurdes,  (ju'est-ce  donc, 
si  ce  n'est  un  fanatisme  d'un  autre  genre? 
C'est  lui  (pii  faisait  h  Nantes  les  noyades  do 
prêtres,  (pn  les  assassinait  à  Paris  dans  les 
prisons;  (pii  les  chassait  partout  de  leurs 
t^glises  po  r  les  envoyer  à  l'êchafaud  ou  en 
exil,  et  vKilentail  les  consciences  de  tout  un 
peu|>le.  Oui,  toutes  les  croyances  ont  eu  des 
fanati(pies,  vous  en  ùtes  la  déplorable  preuve, 
et  nous  avions  besoin,  tout  en  stigmatisant 
les  abus  coupabl'S  de  res[)rit  religieux  ex- 
ploité par  les  rassioiis  huuuunes,  do  slygma- 
tiser  aussi  le  fanatisme  de  l'irréligion.  Quant 
à  choisii-  entre  les  dmjx,  pour  l'honneur  et 
pour  le  bien  de  l'humanité,  nous  [.référerions 
le  premier,  et  les  motifs  de  noire  préférence, 
nous  les  copions  dans  Rousseau.  Nous  vou- 
lus laisser  cet  écrivain  les  dire  lui-même, 
malgié  sa  tendance  à  ne  vous  faire  enteiidre 
la  vérité  qu'a  demi,  en  raison  de  ses  sympa- 
tiiies  phi  oso  hujues. 

«  Le  fanatisme ,  quoique  sanguinaire  et 
cruel,  est  [)Our[ant  une  passion  giande  et 
for  e,  qui  élève  le  cœur  de  lliomme,  qui  lui 
fc\it  mé[)riser  la  mort,  qui  lui  donne  un  res- 
sort prodigieux,  et  qu'il  ne  faut  que  mieux 
diriger,  pour  en  tirer  les  plus  sublimes  ver- 
tus, au  feu,  que  l'irréligion,  et,  en  gé''éial, 
l'esprit  raisonneur  et  philosophique,  attache 
à  la  vie,  etlVinine,  concentre  toutes  les  pas- 
sions dans  la  bassesse  de  l'inlérôt  particulier, 
dans  l'objeclion  du  moi  humain,  et  sape  ainsi 
à  [)etit  bruit  les  vrais  fondements  de  toute 
société.  >>  Plus  loin  :  «  L'inditférence  philo- 
sophique ressemble  à  la  tranquillité  de  l'Etat 
sous  le  d(;spotisme  :  c'est  la  tranquillité  de 
la  mort,  elle  est  plus  destructive  que  la  guerre 
même.  » 

Quant  à  nous,  nous  maudissons  tous  les 
fanatismes;  les  paioles  que  prononçait  saint 
Bernard  :  «  Fides  suadenda,  non  impermida  : 
La  foi  doit  être  persuadée  et  non  pas  com- 
mandée, »  doivent  être  la  devise  de  toute  li- 
berté, de  tout  pouvoir. 

Le  fanatisme  est  l'arme  la  plus  redoutable 
du  despotisme,  à  qui  il  inspire  de  violenter 
les  consciences,  de  tuer  pour  convertir  et 
souvent  sous  prétexte  de  convertir.  Il  est 
maudit  par  la  vraie  religion,  qu'il  tend  à 
déshonorer,  en  la  faisant  servir  de  prétexte 
aux  inquisiteurs  et  aux  bourreaux.  Klle  ana- 
tiiématise  ceux  qui  se  servent  d'elle  pour 
commettre  ainsi  des  crimes,  se  voile  la  face 
de  douleur  en  ces  jours  de  deuil  et  de  malé- 
diciion,  et  Dieu  garde  ses  vengeances  contre 
les  audacieux  qui  mépiisent  ses  comraande- 
ir.ents  et  qui  f  nt  de  la  loi  d'amour  et  de  fra- 
ternité qu'il  a  donnée  aux  hommes  une  loi 
de  haine  et  de  sang. 

FAND1LAS(  saint),  était  prêtre  et  moine. 
11  fut  décapité  à  Cordoue,  durant  la  persécu- 
tion des  Arabes,  pour  avoir  cunfessé  Jésus- 

DlGTIOKN.   DES    PERSÉCUTION».    I, 


Christ.  Ce  jeune  moine  remarcpiable,  par  sa 
vertu  et  sa  bonne  mine,  fut  h;  |»remier  h  se 
l)ré,setiter  au  martyre  durant  la  pcirséculion 
d'Abdéranu!  IL  II  était  de  la  ville  d'Acci, 
aujourd'hui  Cuadix;  étant  vcniu  à  Cordoue 
{)our  étudier,  il  embrassa  la  vie  mona.sti(jUG 
et  se  retira  «i  Tabane  sous  la  conduite;  de 
l'abbé  Martin.  Après  tju'il  y  eut  vécu  (iu(;lquG 
temps,  les  moines  de  Pcgna-Mellar  le  (hnn.ji- 
dèrent  à  son  abbé,  et  malgré  lui  le  tirent  or- 
donner prêtres,  pour  gouverner  la  double 
communauté  d'hommes  et  de  femmes  de  ce 
lieu-là.  Etant  abbé,  il  redoubla  ses  jeûnes, 
ses  veilles  et  ses  [)rières.  Un  jour,  il  vint  à 
Cordoue  se  présenter  hardimcint  au  cadi,  lui 
prêcher  l'Evangile,  et  lui  ref)rocher  les  im- 
puretés tle  sa  secte.  Le  cadi  l'ayant  mis  en 
j)rison  et  chargé  de  chaînes  en  rendit  aussi- 
tôt comjjte  au  roi,  qui  entra  en  grande  colère, 
admirant  celte  hardiesse  et  ce  mé|)ris  de  sa 
|)uis>ance.  Il  ordonna  aussi  d'arrêter  l'évêque 
de  Cordoue,  mais  il  s'était  ."-auvé.  Le  roi  avait 
donné  .iussi  un  ordre  général  de  faire  p('rir 
tous  les  chrétiens  et  de  verdie  leurs  femmes 
P'our  les  disperser  ;  mais  les  grands  lui  firent 
révoquer  cet  ordre,  lui  représentant  qu'il 
n'était  pas  juste  de  perdre  tant  de  peuple 
pour  la  témérité  d'un  seul,  à  laquelle  aucun 
des  plus  sages  et  des  plus  considérables  n'a- 
vait pris  part.  Il  se  contenta  donc  de  faire 
couper  la  tête  à  Fandilas  et  exposer  son 
corps  au  delà  du  fleuve,  le  13  juin  853.  L'E- 
glise fait  sa  mémoire  le  même  jour.  (  Voy. 
Persécution  des  Musulmans.  ) 

FAN-TCHAO-TSO,  mandarin  et  censeur 
de  l'empire  chinois,  forma,  en  1711,  le  23 
décembre,  le  projet  de  faire  proscrire  le  chris- 
tianisme et  l'attaqua  ouvertement.  Le  devoir 
de  sa  charge  l'obligeait  à  avertir  l'autorité 
supérieure  des  désordres,  des  fautes  qui 
pouvaient  exister  ou  se  commettre  dans 
l'empire.  Fan-Tchao-Tso  détestait  le  chris- 
tianisme. Ce  fut  pour  cela  qu'il  le  dénonça 
à  l'animadversion  de  l'empereur.  Ce  qui  dé- 
termina sa  conduite  fut  le  fait  suivant  :  les 
jésuites  français  avaient  un  établissement  à 
Ouen-Gnan,  pairie  de  ce  magistrat.  Un  petit- 
fds  qu'il  affectionnait  se  maria  à  une  néo- 
phyte. Il  fut  convenu  qu'elle  serait  libre  de 
pratiquer  sa  religion.  Malgré  cette  promesse, 
le  jour  du  mariage  on  voulut  lui  faire  ado- 
rer les  idoles  domestiques,  selon  l'usage  chi- 
nois. Malgré  sa  belle-mère  et  d'autres  pa- 
rentes, la  mariée  demeura  inébranlable.  Le 
vieil  aïeul  du  marié  se  trouva  fort  offensé  de 
cette  résistance  et  voulut  en  faire  porter  la 
peine  à  la  religion  qui  l'avait  dictée.  Il  dressa 
donc  un  mémoire  contre  elle  et  le  remit  à 
l'empereur.  Ce  prince  le  reçut  et  écrivit  en 
bas  :  Renvoyé  au  tribunal  des  Rites.  Le  rap- 
port fut  favorable  à  la  religion  et  le  censeui 
manqua  son  but.  (  Voy.  l'article  Chine.  ) 

FARGEAU  (  saint  ),  prêtre  et  martyr,  fu. 
martyrisé  à  Besançon,  avec  le  diacre  sain' 
Fargeon.  Tous  deux,  ayant  été  envoyés  par 
saint  Irénée  pour  prêcher  la  parole  de  Dieu, 
ils  souffrirent  sous  le  juge  Claude  divers 
tourments  et  furent  enfin  décapités.  L'Eglise 
célèbre  leur  mémoire  le  16  jvdn. 

31 


9TI 


/AU 


FAlî 


972 


FARTiEON  (  snint  ),  diacre  o.  martyr,  fut 
miïtyiisé  pour  la  foi,  à  Besançon,  avec  le 
prèlre  saint  Fargeaii.  Ayant  été  envoyés  par 
snint  li-éié;>  pour  prêclier  TEv.ingilo,  ils  souf- 
frirent divers  to;irm(;nts  avant  d'avoir  \\  tète 
tranr'hée.  L'Eglise  honore  leur  raéiiioirc  le 
IGjuin. 

FAUSTE  (saint),  était  soldat.  Il  obtint  la 
palme  du  martyre  sous  Tempereur  (lom- 
mode,  après  avoir  confessé  Jésus-Christ  au 
milieu  des  plus  grands  tourments.  Les  dé- 
tails nous  manquent  sur  son  compte.  L'E- 
glise vénère  sa  sainte  mémoire  le  7  août. 

FAUS  TE  (saint),  martyr,  ayant  ('té  ins  en 
croix  sous  remf)ereur  Dècè,  y  vécut  cinq 
jours  ;  entin  il  fut  percé  de  Ilèches  et  reçut 
ainsi  la  palme  des  glorieux  combatlanls  de  la 
foi.  L'Eglise  fait  sa  glorieuse  mémoire  le 
16  juillet. 

FAl'STE  (saint),  prêtre  et  martyr,  fut  cou- 
ronné h  Alexandrie  sous  le  règne  de  l'empe- 
reur Dèce,  et  s'il  faut  en  croire  les  menées 
des  Grecs,  sous  un  gouverneur  nommé  Va- 
lère.  Probabiemerd  que  le  gouverneur  Sabi- 
nus  s'a  pelait  aussi  Valérius.  Saint  Fauste, 
avec  saint  Macaire,  saint  Abibe  ou  Bibe,  et 
plusieurs  autres,  eut  la  têle  tranchée.  L'E- 
glise fait  leur  fête  h  tous  le  5  septembre. 

FAUSTE  (siîint  ),  fut  décapité  à  Pérouse  , 
pendant  la  persécution  de  Dèce,  probible- 
meut  en  251,  avec  les  saints  Florence,  Julien 
Cyriaque,  Marcellin.  L'Eglise  honore  la  mé- 
moire de  tous  ces  saints  martyrs  le  5  juin  : 
C'est  à  tort  que  le  Martyrologe  imprimé  à 
Lille  (Catalogue)  pour  l'usage  des  baptêmes, 
dit  le  4-  de  ce  mois. 

FAUSTE  (  saint  ).  Voici  ce  qu'à  son  sujet 
nous  trouvons  dans  le  Mart  reloge  romain  : 
«  A  Alexandrie,  les  saints  prêlr.  s  et  diacres 
Gains,  Fauste,  Eusèbe,  Chérémon,  Licius  et 
leurs  compagnons,  dont  les  uns  iurent  mar- 
tyrisés duiant  la  persécution  de  Vaiérien,  et 
les  autres,  en  servant  les  martyrs,  reçurent 
la  récouipense  des  martyrs.  »  L'Egliso  fait 
leur  fête  le  4  octobre. 

FAUSTE  (saint),  martyr,  souffrit  avec  les 
saints  Denis,  Caius,  Pi  rre,  Paul  et  quatre 
aulriîs,  sous  l'empereur  Dèce.  De|)uis,  sous 
Vaiérien,  ayant  enduré  de  lo.igs  tourments 
par  ordre  du  président  Emilien,  ils  rempor- 
tèrent la  palme  du  martyre. {Entrait  du  Mar- 
tyrologe romain.)  L'Eglise  fait  la  fôtedetous 
ces  sauits  le  3  octobre. 

FAUSTE  saint],  martyr,  prêtre  de  l'Eglise 
d'Alexandrie,  fui  mis  <i  mort  [)our  la  foi,  en 
l'an  3il,  avec  saint  Pi(;rre,  évê(|ue  de  cette 
villf;,  i>Mr  ordre  de  Maxiiinn  D.iï  i,  avec  les 
saints  Dion  (t  Ammonius.  L'Fglise  cé.èbre 
leur  fête  h  tous  le  '2(3  novendjre. 

FALSTK  (sa  [)t),  martyr,  reçut  la  couronne 
en  Esp'igne  pour  Jésus-Cfuist,  en  l'an  30i. 
La  p(;rsé.:ulion  du  tyran  Dio .lélien  déciuiail 
alors  ri'.glisc.  Ce  fut  un  noiumé  Eugène,  ipii 
commandait  une  partie  de  l'Espagne  jMiur 
les  Komains,  (pji  le  lit  mourir  avec  les  saints 
Jai.vier  et  .Martial.  La  fê c  de  ces  saints  ar- 
rive le  13  octobre.  (Pour  j)ius  de  déiails,  vuij. 
les  Actes  de  saint  Janvm.h  h  son  article.  ) 
FAUSTE  (  s.-.inl  j.iliaci'C;  (  L   m. ni    r.  iMsait 


partie  de  l'Eglise  d'Alexandrie.  Ayanv  été 
d'ab  ird  exiU;  avec  saint  Denis,  durant  la 
persécution  de  l'empereur  VcJérien,  il  fut 
ensu  te  d'capité  dans  sa  vieill  sse,  sous 
remj)ire  de  l'impe  Dioclétien,  et  termiria 
ainsi  son  martyre.  C'est  le  19  novembre  que 
l'Eglise  fait  sa  sainte  fête. 

FAUSTE  (  saint  ),  fut  l'un  des  qua  ante- 
huit  martyrs  \uish  mort  avec  saint  Saturnin, 
en  Afrique  sous  le  proconsul  A  mu  lin  ,  en 
Tan  de  Jésus-Christ  305,  sous  le  règne  et  du- 
rant la  persécution  atroce  que  l'inlàme  Dio- 
clétien suscita  contre  IFglise  du  Seigneur. 
{Voy.  Saturnin.)  L'EaUsc  célèbre  la  fête  de 
tous  ces  saints  le  11  îevrier. 

FAUSTE  (  saint  ),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre h  Antioche  avec  saint  Timolhée.  Nous 
ne  po-sédons  aucun  détail  sur  leur  compte. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  8  sej)tembre. 

FAUSTE  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre à  Home  sur  la  voie  Latine,  avec  le  prê- 
tre Bon,  Maur  et  neuf  autres  dont  les  nous 
sont  inconnus.  Leur  martyie  est  rauporlé 
dans  les  Actes  du  pa|)e  saint  Etienne.  Ils  sont 
inscrits  au  Martyrologe  romain  le  1"  août. 

FAUSTE  (saintej,  vierge  et  martyre,  souf- 
frit la  mort  à  Cyzique  sur  la  Propontide, 
pour  la  défense  de  la  religion.  Elle  eut  [tour 
compagnon  de  son  inattyre  saint  Evilase. 
Leur  martyre  arriva  sous  l'empereur  Maxi- 
mien. Evilase,  qui  était  prêtre  des  idoles, 
après  avoir  fait  raser  la  IHe  de  la  sai'ite  pour 
1.1  couvrir  de  honte,  ordonna  de  la  suspen- 
dre Lt  de  la  t  -rturer  ;  puis,  voulant  la  fau-e 
scier  par  le  mil. eu  du  cor})S,  il  fut  impossi- 
ble aux  bouir  aux  d"y  réussir,  ce  qui  le  rem- 
plit d'un  tel  étonncment,  quéiant  tout  à  coup 
changé,  il  crut  en  Jésus-Chinst  et  fut  lui- 
même  mis  à  la  torture  par  l'ordre  de  l'enqie- 
reur;  tandis  ({ue  Fauste  a^^ant  eu  la  têle 
tranchée  et  tout  le  corps  percé  de  clous,  fut 
jetée  dans  une  jioêle  ardente.  Alors  on  en- 
tendit une  voixcélste  qui  l'appelait,  et  à 
l'instant  même,  elle  p.issa  avec  Evilase  au 
séjour  du  repos  éternel.  L'E-,lise  fait  leur 
fêle  collecliv,  ment  le  iO  septembie. 

FAUSTIN  (saint;,  eut  la  gloire  de  doniier 
son  sang  avec  sarnl  Jovite  à  Bresse,  sous  le 
règne  et  durant  la  pei'sécution  d'Ailrien,  en- 
viron l'an  120.  L'histoire  que  Boliandus  en 
donne  ne  nous  parait  pas  de  nalui  e  à  méri- 
ter créance.  L'Eglise  fait  sa  fêle  le  15  fé- 
vrier. 

FAUSTIN  (saint),  l'un  des  gardes  de  la  pri- 
son de  saint  Ceiisorin  ou  Censorinus,  sous 
Claud  11  le  Ciothi([ue,  fut  converti  h  la  foi 
chrétienne  pai-  le  |)rêlre  s  int  Maxime,  avec 
les  sanus autres  girdesdela  .t'ison,  lesquiîls 
étaient  Félix,  Maxime,  llurculan,  Numè.e, 
Sloracinus,  Mené,  Commode,  lierne,  .Maur, 
Eusèbe,  lUiSliiine,  Amandi'  u>,  Monai  re,  O- 
lyinp  ,  Cyprieii  et  Tnéodi.re.  (Poui-  voir  leur 
hist(jire,  i-ecoure>c  à  l'ai'ticlo  M  uuyks  d'Os- 
TiE  j  Ces  saints  no  sont  i»as  nommés  au  .Mar- 
t^ti'olo^e  romain. 

"  FAÙST.N,  prêtre  de  l'Eudise  d'Alexandrie. 
Duiiiiit  la  perbécuiiou  de  ï)è.:e,  saint  Dcnys, 
évècjiie  di;  i  uile  \  ille,  envu^ail  ses  prêiies 
M'Xime,  Diobcorc.   Demôje  cl  Luce,  parler 


973  FAU 

aux  (idMcs  des  secours  cl  des  consolations. 
F.Mislin,  qui,  dit  le  saint,  (^lail  plus  célchio 
dus  lo  inond(>,  allait  de  rôle  et  (Vnulrc  dans 
rK;v|)te  pour  so  caclicr.  Nous  devons  -^ous 
al)s;cnir  do  comnieulaircs;  car  à  Cftlc  6[)o- 
(jut^  nous  voyons  de  grands  saints  prendre 
la  fuite  pour  éviter  la  pers^culoi.  Cepen- 
dant il  y  a  comme  un  rej)roche  dans  les  pa- 
roles de  saint  Dcnys,  cl  d'a()rès  les  règles 
ordinaires,  le  prôtre  dod  rester  nrôs  de  son 
truu  leau  eu  temps  do  persécution,  comme 
le  soldat  j)rùs  du  drapeau  le  jour  du  combat, 
comme  le  médecin  dans  le  lieu  où  sévit  l'é- 
pidémie. 

FAUSTIN  (saint),  l'un  des  compagnons  du 
saint  martyr  Cyiiaciue,  diacre  de  l'Eglise 
romaine,  mourut  en  303,  h  Home,  sur  la  voie 
S  laria,  où  il  fut  enterré.  Ils  furent  vingl- 
si\  dans  le  même  jour  mis  h  mnrt  au  niéme 
Ciidj'oit,  L'Eglise  célèbre  leur  fête  collective 
le  jour  de  leur  translation,  ((ui  eut  lieu  le  8 
aOiH.  (  Voy,  Cyhi.vqjje.  Voy.  aussi  l'abl)!^ 
(jranditîiei',  llist.  de  VEglise  de  Strasbourg.  ) 
FAUSÏIN  (saii  t),  et  saint  Sim:  lice,  son 
frèr'  ,  habitaient  Kome  au  temps  delà  i)ersé- 
culioii  de  D  oclélien.  En  303,  ils  furent  arrê- 
tés pour  la  foi,  cruellement  tourmentés  et 
Ciiiin  décapités.  On  jeta  leurs  corps  dans  le 
Tiore.  Béatrix,  leur  sœur,  les  en  ayani  reti- 
rés, les  enterra,  puis  elle  passa  le  fleuve  et 
resta  sept  mois  cachée  cnez  une  l'erame, 
iioujmée  Lucine,  avec  laquelle  elle  était  jour 
et  nuit  en  prières.  Au  bout  de  ce  temps,  un 
de  Si  s  parents,  qui  désirait  s'apfiroprier  ses 
biens,  la  dénonça.  Ayant  protesté  devant  le 
juge  que  jamais  elle  n'adorerait  des  idoles  de 
b  )is  et  de  pierre,  elle  fut  étranglée  dans  sa 
prison.  L'Eglise  honore  tous  ces  martyrs  le 
29 juillet.  [Voy.  les  Bollandistes.  ) 

FAUSTIN  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  en  Afrique,  avec  les  sa  nts  Lucius,  Can- 
dide. Célien,  Marc,  Janvi(  r et  Foitunar.  Le 
Martyrologe  n  a  laissé  aucun  renseignement 
aulhentique  sur  eux.  On  ignuie  ju&(|u'ti  l'é- 
poque où  eurent  lieu  leurs  cojobïus.  L'E- 
glise hono.e  la  mémoire  immortelle  de  ces 
saints  combatlanls  de  la  foi  le  15  décem- 
bre. 

FAUSTIN  (saint),  est  inscrit  au  Martyro- 
loge romain  le  22  mai,  avec  les  saints  Timo- 
thée  et  Vénuste.  Ils  souliViient  le  martyre 
ensemble  à  Kome,  à  une  époque  et  dans  des 
circonstances  qui  ne  sont  point  parvenues 
jusqu'à  nous.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  22 
mai. 

FAUSTIN  (saint),  fut  martyrisé  à  Rome 
poui-  la  défense  de  Ja  relig  on  chrétienne. 
Quarante-quatre  autres  dont  nous  ne  possé- 
dons malheureusenjent  pas  les  noms,  le  sui- 
virent dans  sa  gloire.  L'Eglise  fait  collecli- 
vemeiit  leur  mémoire  le  17  février. 

ï  AUSTIN  (saint),  évèque  et  confesseur, 
Sûuifrit  de  grands  tourments  en  Thonneur  de 
Jésus-Christ.  Nous  n'avons  point  de  déiails 
authentiques  sur  lui.  L'EJise  fait  sa  fête  le 
IG  février. 

FAUSTINIEN,  juge  commis  par  l'empereur 
Dèce  pour  juger  les  deux  sœurs  Victoire  et 
Auatolie,  que  leurs  deux  liancés  Eui^ène  et 


fEL  9:4 

Aurélien  n'avaient  [)u  faire  changer  ae  réso- 
liJlio  1,  après  ({u'el  es  eurent  déclaré  (jue,  ne 
voulant  être  (juo  les  épouses  du  Seigneur, 
elles  r(;no-'çaient  à  l'é  al  <io  mariage.  Fau.s- 
tinien  les  ht  toutes  deux  p<'rcer  avec  une 
épée.  L(!s  Actes  des  saintes  disent  |u'ii  fitje- 
ter  suc  sainte  Analolie  un  serin  i:l  ({ui  no 
1  i  (il  aucun  mal.  Durant  les  lourmeiiis  qu  il 
n  endurer  aux  deux  saietes  avant  de  I.  ur 
f  ire  donner  le  coup  mort'd,  un  nommé  Au- 
dax,  témoin  de  leur  inébranlable  courage, 
S(>  déclara  chrélien.  Fauslinien  le  fil  immé- 
diatement arrêter  et  conduire  en  prison, 
puis  décaftiter  sans  aiu;un  délai.  {Voy.  Vic- 
ToniE,    Anatolie,   Audax,   Eugène,   Alké- 

LIEN     ) 

FÉHHONIE  (sainte) ,  vierge  et  martyre, 
reçut  la  palme  des  glorieux  combattants  de 
la  foi  à  Sibapolis  en  Syrie,  pour  la  conser- 
vation d"  sa  foi  et  de  >a  chasteté.  Durant  la 
persécution  de  Dioclétien,  sous  le  juge  Ly- 
siiiiaque,  elle  fut  d'abord  fouettée  et  tour- 
mentée sur  le  chevalet,  ensuite  déehiiée 
avec  des  peignes  de  fer  et  jetée  dans  le  feu. 
Enfin,  ayant  eu  les  dents  cassées,  les  ma- 
melles couj)ées  et  la  tête  tranchée,  parée  de 
ses  soulfrances  comme  d'autant  de  précieux 
ornements,  elle  alla  dans  le  ciel  rejoindre 
son  divin  époux.  L'Eglise  honore  sa  mé- 
moire le  25  juin. 

FÉLICIJ'.N  (saint),  cueillit  la  palme  du 
mariyie  h  Vienne,  en  Caules,  sous  le  règne 
de  l'empereur  Marc-Aurèle.  11  fut  mis  à  morl 
avec  saint  Séverin  et  saint  Exupère.  On 
manque  de  détails  sur  leur  martyre.  Ces 
saints ,  vers  le  milieu  du  iv'  siècle,  ré- 
vélèi-ent  eux-mêmes ,  à  l'évêque  Pascase 
le  lieu  où  leurs  corps  avaient  été  en 
terrés.  Le  saint  évêque  les  fit  transporter 
dans  l'église  de  Saint-Homain.  La  léte  de 
ces  trois  saints  a  lieu  le  13  novembre.  {Voy. 
Sévekix.) 

lÉLICIEN  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre  sous  l'empire  t.e  Dèr.p,  en  l'année 
250.  il  avait  éié  nomm  >  é'  êquo  de  Foli^^ni, 
par  le  pape  saint  Mitor.  Quand  il  a^  comî  lit 
son  sacrifice,  il  était  prveMi  à  un  âge  fort 
avancé.  Malheuieusenieni  h  s  déic.  Is  man- 
quent sur  te  ganc  ce  uio  t  de  ce  Soint  évê- 
que; caries  trois  Vies  qee  donne  Bt/l'aii'.us. 
sont  toutes  t. ois  coniiadictures,  et  toutes 
trois  isolément  insoutenables.  L'Eglise  fai. 
sa  fête  le  Si  janvier. 

FÉLICIEN  (sanit),  souffrit  le  martyre  à 
Nomente,  vers  l'an  286,  avec  saint  Priuie. 
Ces  (leux  citoyens,  c"est-à-d\re  h;  bitants  ùe 
Rome,  furent,  dit-on,  déférés  à  Dioclétien  et 
à  Maximien  Hercule,  parce  que  leurs  dieux 
ne  voulaient  pas  rendre  d'oracles  que  ces 
deux  chrétiens  n'eussent  été  punis  ou  con- 
trauils  de  sacriiier.  Ils  furent  pris  et  amenés 
aux  deux  empereurs,  devant  qui,  ayant  eon- 
fessé  la  foi  et  refusé  de  sacrifier,  ils  fm-ent 
décliirés  h  coups  «le  fouets,  el  puis  remis, 
dit-on,  entre  l.'S  mains  de  Promote,  juge  de 
Nomente,  po  r  leur  faire  souffrir  toutes  sor- 
tes de  i.upj)liccs,  s'ils  ne  voulaient  sacrifier. 
PiOUiote  s'acquitta  trop  fidèleaieot  de  sa 
commission,  et  ai)rès  avoir  tenu  longteiii|.s 


975 


EEL 


FEL 


976 


les  saints  en  prison,  il  leur  fit  souffrir  bien 
des  tourmonts  et  leur  fit  entin  trancher  la 
tète,  le  9  )iii'i,  jour  auquel  leur  fôte  est  mar- 
qué partout.  Leurs  Actes  portent  que  saint 
Félici''n  avait  alors  quatre-vingts  ans:  dont 
il  y  en  avait  trente  qu'il  avait  connu  la  vé- 
rité, et  qu'il  s'était  résolu  à  ne  plus  peiser 
à  tous  les  plaisirs  du  monde  pour  servir 
uniquement  son  créateur. 

Nous  passons  plusieurs  autres  choses, 
qu'on  pourrait  tirer  de  ces  Actes;  car,  quoi- 
qu'ds  ne  soient  p:is  des  plus  mauvais,  il  y 
a  néanmoins  diverses  choses  qui  font  de  la 
peine  et  qui  auraient  besoin  d'être  corrigées, 
comme  dit  Baronius.  Pour  la  v  nération  des 
saints,  elle  est  attestée  par  les  Martyrologes 
de  saint  Jérôme,  par  Bède,  Adoi  (jui  copie 
presque  leurs  Actes,  et  j.lusieurs autres.  Leur 
fête  est  marquée  partout  au  9  juin,  mèuie 
dans  le  Sacramentaire  dj  saint  Grégoire  et 
dans  le  Calendrier  du  P.  Fro'ito.  Leurs  Ac- 
tes portent  qu  après  que  la  persécution  eut 
cessé,  les  chrét  eus  bâtirent  u  e  ég  ise  sur 
leur  lumbeau,  près  de  Nume-ite,  ou  Lamen- 
tana,  comme  on  l'appelle  aujourd'hui,  à  cinq 
ou  sii  lieues  de  Uoine,  et  il  y  avait  en  cet 
endroit  un  cimetière  de  leur  nom.  Le  pape 
Théodore  transporta  de  là  leurs  corps  à 
Rou)e,  vers  l'an  6V5,  et  les  mit  dans  l'église 
de  Saint-Etienne,  sur  h;  mont  Cœlius,  d'où 
vient  qu'Usuard  en  f)arle  comme  si  c'était 
le  lieu  de  leur  martyre.  On  met  aussi  un 
saint  Prime  et  saint  Félicien,  ujartyrs.  à 
Agen.  {Voy.  Tillemont,  tome  IV^  [)age  571.) 

FÉi.lCliiN  (saint  ,  martyr,  l'un  des  >ulJats 
qui  gardaient  sa  ni  N'ictor  dans  sa  prison,  à 
Marsei  le,  se  convertit  en  vo  anl  la  lumière 
miraculeuse  qui  éclaira  durant  la  nu;t  celte 
prison.  Maximien  l'ayant  su,  lit  venir  saint 
Victor  avec  les  trois  soIJats  convertis , 
Alexandre,  Loigin  et  Féli^àen,  et  les  ht  dé- 
capiter tous  les  trois.  L"Fgli>e  célèbre  la 
mémoire  de  ces  saints  martyrs,  avec  celle 
de  saint  Victor,  le  21  juillet.  [Voy.  Victor 
DE  Mauskille.) 

FÉLICIKN  (saint),  martyr,  souffrit  à  Uome, 
pour  la  foi  de  Jésus-Christ.  Il  eut  jjour  com{)a- 
gnons  de  son  martyre  les  saints  Forlunat, 
Firme  et  Candide.  On  ignore  à  quelle  éj>o- 
que  et  dans  (Quelles  circonstances  leur  mar- 
tyre eut  lieu.  L'Église  célèlj.e  leur  mémoire 
le  2  février. 

F'ÉLICIKN  (saint),  reçut  la  fialme  du  mar- 
tyre à  Kavenne,  avec  l-s  saints  Valentin  et 
Victorin.Oa  ignore  la  d  de  et  les  Circonstan- 
ces de  leur  combat.  L'Flglise  honore  leiu- 
saillie  mémoire  le  H  novembre. 

FÉLK^il-lN  (saint),  eut  le  glorieux  privi- 
lège de  verser  son  sang  pour  la  défense  de 
la  religion  chrétienne, avec  les  saints  llyaciu- 
lh(;,  Ouiiit  et  Lucius.  Leur  martyre  eut  lieu 
en  Luoanie.  L'iiglibe  fait  leur  fêle  le  29  oc- 
tobr.-. 

FÉLlCIIiN  (saint),  évèipm  et  martyr,  reçut 
la  palme  du  marlyrt;  à  Mindei,  en  Allciiia- 
^iie.  No'is  ne  possédons  aucun  détail  sur 
1  épo  pie  et  les  cin  oiistaiic(iS  de  son  mar- 
tyie.  L'l'',gli.s(î  honore  sa  glorieuse  méiuoiro 
le  2U  octobre. 


FÉLICIEN  (saint),  souffrit  le  martyre  en 
Afrique,  avec  saint  Philappien  et  cent  vingt- 
quatre  autres  dont  les  noms  ne  sont  [ioint 
parvenus  jusqu'à  ions.  L'Eglise  honore  hmr 
mémoire  le  .30  janvier. 

F'ÉLICISSIMÈ  (saint),  confesseur;  le  Mar- 
tyrologe nnuain  le  nomme  martyr.  [Voy.  h 
cet  égard  les  (jb^ei  valions  (|ue  nous  fai-ons 
à  l'article  de  saint  Rouatien.)  Saint  F'éli- 
cissime  eut  la  gloire  d'ôt.e  l'un  des  pre- 
miers à  soutenir  i  n  Afrique  l'effort  de  la 
persécution,  sous  l'ein;)ire  de  Dèce,  en  l'an 
de  Jésus-(^hrist  250.  D'après  ce  qu'en  dit 
saint  Cyprien,  il  demeure  fort  probable  que 
saint  Félicissime  était  un  sinifile  laïque.  Il 
montra  un  courage  inébranlable,  une  vertu 
à  toute  épreuve,  et  tous  les  historiens,  à 
commencer  par  saint  Cyprien,  qui  avait  été 
le  témoin  de  ses  vertus,  le  donnent  comme 
le  très-digne  compagnon  du  prêtre  saint 
Rogatien.  L'Eglise  ce  èbre  sa  fête,  avec  celle 
de  ce  dernier  saint,  le  20  octobre. 

FÉLICISSIME  (saint),  diacre  et  martyr,  fut 
mis  à  mort  pu  253,  sous  V.lérien,  avec  saint 
S.xie,  en  mène  te  nj)sque  les  saints  diacres 
Aga|)et,  Janvier,  Magne,  Vincent  et  Flienne. 
Ils  furent  tous  ilécapdés.  L'Eglise  honore  la 
mémoire  de  tous  ces  saints  le  6  août. 

FÉLICISSIME  (saint),  1  un  d"S  deux  fils  de 
Claude,  le  geôlier,  à  la  gai'de  duquel  avaient 
été  remis  les  saints  Marc  et  Marcellien,  du 
temps  de  rem;)ereur  Ca  in,  en  ûSï,  souliVit 
le  martyre  en  Cam;;anie,  où  il  s'était  retiré 
avec  saint  Chromaie  et  beaucoup  d'autres 
chrétiens.  Il  esi  probable  que  cela  n'arriva 
qu'en  2  6.  Ce  sai  it  avait  été  converti  par 
saint  S  bastien,  et  baptisé  par  le  prêtre 
saint  Polyca^ie.  Il  avait  été  fait  probable- 
ment sous-diacre,  ainsi  que  son  frè  e  saint 
Félix.  L'un  d'eux  se  nommait  au>si  Syin- 
phorien,  on  ne  sait  lequel.  Or,  on  trouve 
que  celui  qui  se  nommait  Sébastien  fut 
martyrisé  à  Uome  avec  son  père  :  c'est  ce 
qui  fait  que  l'un  des  deux  saints  ne  fut  pas 
martyrisé  en  Campanie,  quoi  qu'en  dise  le 
Martyrologe  romain,  et  par  do  ibic  emploi 
les  Actes  de  saint  Sébastien.  La  fêle  de  saint 
F'élicissime  est  inscrite  au  Martyiologe  ro- 
main à  l:i  date  du  2  juillet.  (Foy.  Séuastiex 
et  Claude.) 

tÉLICiSSIMIî;  (saint),  reçut  la  couronne 
du  martyre  ;i  Todi,  avec  les  ;-aints  Héraclius 
et  Paulni.  Nous  ma  upio  is  de  déta.ls  authen- 
tiques. L'Eglise  fait  la  fête  de  ces  glorieux 
mariyrs  de  la   foi  le  20  mai. 

FÉLICISSi.VlF  (saint),  versa  son  sang  pour 
la  foi  à  Pérouse.  Les  Actes  des  martyrs  ne 
nous  donnent  aucun  détail  aulheiilitpu!  sur 
lui.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  2V  novem- 
bre. 

FÉLICISSIME  (sainte),  vierge  et  martyre, 
fut  mise  à  mort  |'Our  la  foi  durant  la  persé- 
ciilion  de  Claude  II  le  (îollinpie,  avec  saint 
(iiacilien,  dans  la  vilh;  de  Falère  en  Tos- 
cane. On  la  frappa  rudeimnit  sur  la  bouche 
avi!C  des  cailloux,  parce  qu'elle  avait  con- 
fes  é  la  loi,  puis  eiilin  on  la  lit  périr  par 
le  glaive.  Sa  fêl(!  arrive  le  12  août. 

FÉLICITÉ  (sainte),  était  Uoinaine  ;  elle  vi- 


977 


FEL 


TEL 


078 


vait  sous  l'empire  (rAntonin,  et  elle  ne  s'é- 
tait pas  HMidiie  moins  illiislro  par  sa  vertu 
(prcllo  l'c'tail  par  sa  uaissaïKîo.  Scfit  (ils  (|uo 
le  ciel  lui  avait  (ionurs  vivaient  avec  elle  da-is 
une  coutinu(>lle  inaliciue  dos  vertus  chré- 
tiennes, et  dans  une  parfa  te  union  entre 
eux.  Pour  ell(N  étant  demeurée  libre  par  la 
mort  de  sou  mari,  elle  consacra  h.  Dieu  sa 
chasteté,  et  vaquant  jour  et  nuit  h  la  prière, 
elle  était  rc\enr[)le  des  veuves  et  l'édilicalion 
de  l'E.^lise.  Mais  les  f)rètres  des  fau\  dieux, 
s'apenevant  ([ue  les  vertus  de  cette  excellente 
veuve  attii aient  plusieur's  |)ersorrnes  au  clu'is- 
tianisme,  |)ar  Todeur  qu'elle  répandait  dans 
toute  la  ville,  allèrent  Ir'Ouver  l'empereur  et 
lui  parlèrent  ainsi  :  «  Nous  croyons,  si-ignenr, 
vous  devoir  aver-tii'  (ju  il  y  a  dans  Rome  une 
veuve  de  cette  secte  ennemie  de  nos  dierrx, 
qui  ne  cesse  do  leur  faire  outr-ago,  et  de  les 
irriter  contre  vous  et  votre  empire.  Elle  est 
secondée  dans  cette  impiété  [>ar  ses  enfants; 
elle  a  sept  tils,  qiii,  chnUicns  comme  leur 
mère,  font  comme  elle  des  vœux  sa. t  ïéges, 
et  qui  rendront  nos  dieux  implacables,  si 
v  tre  piété  no  jn-end  soin  de  les  apaiser,  en 
obligeant  celte  famille  impie  à  leur  rendre  le 
culte  qui  leur  est  dû.  »  Celle  harangue  sédi- 
tieuse lit  impression  sur  l'espr  t  d'Antonin. 
Jl  manda  Publius,  préfet  de  la  ville,  el  lui 
enjoignit  de  conlr-aindre  par  toutes  sortes  de 
voies  Félicité  et  ses  enfants  de  sacritier  aux 
dieux,  et  d'apaiser  par  des  victimes  ceux 
dont  ils  s'étaient  par  leurs  méjjris  attiré  la 
juste  indignation.  I  e  préfet  obéit  aux  ordres 
de  l'empereur.  H  mit  d'abord  la  douceur  en 
usage;  il  i)ria  civilement  cette  dame  de  se 
rendre  chez  lui  ;  elle  y  alla  accompagnée  de 
ses  sept  tils.  Publius  la  prit  en  particulier,  et, 
mêlant  adroitement  quelques  menaces  à  des 
m'inièies  engageantes,  il  lu'  fit  entrevoir  les 
peines  qui  l'attendaient  si  elle  ne  se  rendait 
à  toutes  les  niarques  de  bonté  et  de  confiance 
qu'il  lui  donnait,  et  ne  profitait  des  moments 
que  l'empereur  lui  accordait  pour  mériter  sa 
clémence  par  un  proiu|)t  repentir.  Maisl'in- 
Irépide  veuve  lui  répondit  avec  une  assu- 
rance noble  et  une  modeste  fierté  :  «  N'es- 
pérez pas,  Publius,  qu'une  molle  complai- 
sance ou  une  lâche  cr-airite  fassent  oublier  à 
Félic  té  ce  qu'elle  doit  à  son  Dieu;  vos  me- 
naces ne  sairraient  ra'ébranler,  ni  vos  pro- 
messes me  séduir(;.  Je  le  porte  dans  mon 
sein,  ce  Dieu  tout-puissant  ;  je  sens  qu'il  me 
fortifie,  et  il  ne  permettra  jamais  qu»  sa  ser- 
vane  soit  vaincue,  [»uisqu'elle  ne  combat  que 
pour  sa  gloire.  Ainsi,  Publius,  vous  avez  le 
choix  de  me  laisser  vivre,  or  de  me  faire 
mourir;  mais,  quelque  parti  que  vous  pre- 
niez, vous  pouvez  vous  attendre  à  la  honte 
d'être  vaincu  rar  une  femme.  —  Misérable  1 
ré  .liqua  le  préfet,  si  la  mort  a  pour  toi  de  si 
grands  charmes,  va,mein-s,je  ne  m'y  op[)Ose 
pas;  mais  quelle  fureur  te  pousse  à  vouloir 
ô  er  la  vie  à  tes  enf  uits,  après  la  leur  avoir 
donuî'e?  —  Mes  enfants  vivront,  repaitit  Fé- 
licité, s'ils  refusent  de  sacrifier  à  vos  id  les; 
mais  si  leurs  m  ins  devenues  sacrilèges  leur 
otl'r  nt  un  criminel  encens,  une -mort  éter- 
nelle sera  la  punition  de  cette  impiété.  » 


Le  lendemain  de  cet  entrelien,  le  préfe- 
séant  sur  son  tribunal,  dans  le  Cham[)-de- 
Mars,  cnirrmanda  qu'on  lu:  ameirAt  Félicité 
el  ses  fils.  Lorsqu'elle  fut  «Icvairt  lui,  il  liri 
dit  :  «  Ayez  pitié  do  vos  enfants,  et  ne  soyez 
pas  cause,  par  rrne  résistance  pcni  sensée, 
que  dos  jeunes  gens  d'une  si  belle  espé- 
rance soient  enlevés  du  mondri  h  la  ileur  de 
leur  Age.  —  (îai'dez  pour- d'autres  celle  fausse 
compassion,  ré()ondit  Félicité,  nous  n'en 
voulons  point,  et  nr)us  avons  horreur  d'une 
clémence  ap[)ar(mte,  (\u\  n'est  en  effet  cpi'une 
cruelle  im|)iélé.  »  Puis  se  retournant  versses 
fils  :  «  Voyez-vous,  mes  cnfarrts,  leur  dit- 
ello,  ce  ciel  si  beau  et  si  élevé?  c'est  là  que 
Jésus-Chr-ist  vous  attend  pour  vous  couron- 
ner. Combattez  génér'ousenrent  pour  sa  gloire 
et  pour  la  vôtre,  el  montrez-vous  fidèles  ser- 
viterrr-s  d'un  roi  si  grand  et  si  digne  de  tout 
votreattach  -menl.MCes  parties,  pleirr es  d'une 
vérit  tbio  grairdeir  d'Ame,  ne  firent  ((u'irriter 
le  préfet  ;  il  commanda  qu'on  lui  donnAl  un 
soufllet,  b  i  disant  d'un  Ion  de  voix  furieux: 
«  Oses-lu  bien,  en  ma  [»résence,  leur  inspirer 
do  pareils  sentiments,  et  les  porter  h  mépri- 
ser ainsi  les  or'dres  de  nos  empereurs  ?  »  Et, 
faisant  ensuite  approcher  de  son  siège  l'aîné 
des  sept  frères,  nommé  Janvier,  il  fit  tousses 
ell'oits  pour  l'engagera  sacrifier,  tantôt  en  lui 
jrromettant  des  biens  immenses,  el  tantôt  en 
lo  menaçant  des  plus  rigoureux  supplices. 
Mais  ce  vaillant  soldat  de  Jésirs-Chiist  lui 
répondit  :  «  Vous  ne  me  donnez  pas  là  un 
conseil  digne  d'un  sage  magistr^at  ;  il  vaut 
mieux  p  ur  moi  que  je  suive  celui  de  la  sa- 
gesse même,  c'est  de  mettre  toute  mon  csi)é- 
ranee  au  Dieu  que  je  sers;  il  saura  me  ga  an- 
lir  de  tous  vos  ar-titices,  et  il  me  fera  surmon- 
ter les  maux  dont  vous  me  menacez.  »  Le 
préfet  l'envoya  en  |)rison,  après  lavoir  fait 
cruellement  fouetter.  Félix  se  présenta  en- 
suite; Publius  le  pressant  dcsaeritier,  il  luidit 
avec  beaucoup  de  fermeté  :  «  Nous  ne  sacri- 
fions cju'à  un  seul  Die  ir  que  nous  adorons, et  les 
s  ".orifices  que  notrs  lui  offrons  sont  des  vœux, 
des  [irières  et  les  sentiments  affectueux  d'une 
dévotion  sincère.  Croyez-rrjoi,  c'est  en  vain 
que  vous  vous  efforcez  de  nous  faire  ri  noncer 
à  l'amour  que  nous  avons  pour  Jésus-Christ. 
Prerioz  contre  r.ous  los  résolulioi.s  les  p. us 
saiiglantes;  épuisez  sur  nos  corps  h  s  forces 
de  vos  bourreaux ,  les  tourments  que  la 
cruauté  la  plus  ingénieuse  vous  suggérera  : 
rien  n'ébranlera  notre  foi,  ne  diminuera 
notre  espér-ance.  » 

Le  préfet  fit  retirer  celui-ci,  et  Philippe  pa- 
rut aussitôt  sur  les  rangs.  Publius  luidit: 
«  Notre  invinc  ble  empereiu'Antonin  Auguste 
vous  ordonne  de  sacrifier  aux  dieux  tout- 
puissants.  »  Philippe  répondit:  «  Ceux  à  qui 
l'on  veut  que  je  sacrifie  ne  sont  ni  d  eux  ni 
tout-puissants  ;  ce  ne  sont  que  de  vaines 
r9|)résentations,  des  statues  privées  de  sen- 
timent, et  qui  servent  de  retraites  aux  mau- 
vais démons  ;  si  je  sacrifiais  à  ces  misérables 
divinités,  je  mériterais  d'être  comme  elles 
précipité  dans  un  éternel  malheur.  »  On  ôta 
Philippe  de  devant  le  préfet,  qui  frémissait 
de  rage,  et  Silvain  prit  la  place  de  son  frère. 


979 


rtL 


FEL 


980 


Publias  lui  parla  ainsi  :  «  A  ce  que  je  vois, 
vo  is  agissez  tous  de  concert  avec  la  plusnié- 
chanle  de  toutes  'es  femmes,  dans  !a  résolu- 
lion  que  vous  avez  prise  ensemldf  de  déso- 
bi'ii  à  nos  princes.  Une  mèi-e  dénaturée  vous 
emi'Oisonne  de  ses  conseils  pernicieux  ;  f^lle 
vous  inspire  la  révolte  et  rim;)iété  ;  mais 
craignez  de  tomber  avec  elle  dans  le  même 
précipice.  »  Silvain  répondit  au  préfet  :  «  Si 
nous  étions  assez  faib'es  ou  assez  im|iru- 
dents  pour  nous  lai-^ser  ébranler  |  ar  la  crainte 
d'une  mort  qui  ne  dure  qu'un  moment,  nous 
devien  Irions  la  p  oie  d'une  mort  qui  ne  doit 
j^nnais  finir.  Mais  la  religon  que  nous  pro- 
fessons nous  apprenant  qu'il  y  a  dans  le  ciel 
des  récompenses  pour  les  gens  de  bien,  et 
dans  l'enfer  des  supplices  pour  les  méchants, 
nous  n'avons  garde  d'obéir  à  des  ordres  qui 
nous  proposent  un  crime  à  commettre  ;  mais 
nous  obéissons  aux  lois  de  notre  Dieu,  qui 
ne  nous  inspirent  que  l'amour  de  la  vertu. 
Quic  nque  méprise  vos  idoles  pour  ne  servir 
que  le  vrai  Uieu,  vivra  éternellement  avec 
lai;  mais  le  culte  abominable  des  démons 
vous  piécipilera  dans  des  feux  éternels  avec 
vos  dieux.  » 

Le  pr  éfet  écouta  impatiemment  cete  sage 
remontrmce:  il  fit  signe  à  celui  qui  la  lui 
fdisait  de  se  retirer  et  de  se  taire.  11  fit  en- 
suite aj)i)roctier  Alexandre:  «J  une  homme, 
lu  dit-il,  ta  desti 'ée  est  entre  tes  mains; 
jH-'-nds  f)itié  de  toi-môiini,  sauve  une  vit;  qui 
ne  fait  encore  (^ue  (commencer,  et  dont  je  ne 
pounais  m'empôcher  de  regretter  la  perte. 
Obéis  aux  ordres  de  l'ernoereur  ;  sacritie,  et 
tâche  de  mériter  |)ar  cette  corn  )lais'nce  reli- 
g  euse  la  p  otection  des  dieux  ei  la  faveur 
dos  Césars.  »  Alexandre  se  pressa  de  ré- 
pondre au  magistrat  :  «  Je  seis  im  niattce 
plus  puissant  que  César  ,  c'est  Je  us- 
Clirist.  Je  le  confesse  de  bouche,  je  le  porte 
dans  le  cœur,  et  je  l'adore  sans  cesse.  Cet 
âi^e,  au  reste,  qui  ^'ous  paraît  si  tendre,  qui 
l""est  en  elfef,  aura  toutes  les  vertus  de  l'âge 
le  plus  avancé,  et  surtout  la  prudence,  si  je 
demeure  fidèle  à  mon  Dieu.  Mais,  pour  vos 
dieux,  puissent-ils  périr  avec  ceux  qui  les 
adO'-ent  !  » 

Vital  ayant  été  ensuite  amené  devant  le 
pr.'fet,  Filbl  us  lui  dit  :  «  Pour  vous,  mon  fils, 
v  us  ne  venez  pas,  comme  vos  frères,  cher- 
cher follement  à  mourir;  je  connais  que  vous 
avez  l'esprit  trop  bien  fait  pour  ne  pas  pré- 
féier  un"  vie  iieureuse  et  comblée  de  toutes 
sortes  d  •  biens,  à  une  mort  triste  et  h-m- 
te  ise.  »  Vi!al  lui  répondit  :  «  Il  est  vrai,  Pu- 
lilius,  j'aime  la  vi  • ,  cl  c'est  f)0ur  en  jouir 
lo  gteiûps  que  j'adore  un  seul  Dieu,  et  que 
j  ai  en  horreur  i'S  démous.  —  Et  qui  soni-ils, 
ces  démons?  répliqua  le  préfet.— Ce  sont  les 
dieux  des  naiions,  reprit  Vital,  et  ce  ix  (pii 
les  reconnaissent  pour  d(!S  dieux.  »  Enfin, 
Publius  ayant  tait  entrer  le  dernier  des  s(!pt 
frères,  a[)()elé  .Martial  :  «  Je  plains  vos  infor- 
tunés frères,  lui  dit-il  ;  ils  se  sont  attirée  ix- 
méfues  les  malheurs  dont  ils  voi.l  être  acca- 
bl<''«i.  Voule/.-vf>u.s  suivre  lour  e\orn;)le,  et 
inépriserez-vous  comme  eux  les  oidoinianres 
de    nos    princes?  —  Alil    l'ubUus,  répondit 


Martial,  si  vous  saviez  quels  tourments  ef- 
froyables sont  préparés  dans  les  enfers  h 
ceux  qui  adoi-ent  les  démo-rs...  Mais  D  eu 
lient  encore  la  foudre  suspendue,  n'attondez- 
pas  qu'il  la  lance  sur  vous  et  sur  ces  mêmes 
dieux,  en  qui  vous  mettez  votre  confian'-e. 
Ou  ri'connaissez(|U''  Jésus-Christ  est  l'unique 
Dieu  que  tout  l'univers  doit  reconnaître,  ou 
tren:blez  à  la  vue  des  flammes  qui  sont  prêtes 
à  vous  dévorer.  » 

I.e  préfet  envoya  h  l'empereur  le  procès- 
verbal  de  tout  ce  qui  s'était  passé  dans  les 
divers  interrogatoires  qu'on  vient  de  rappor- 
ter. Cependant  Antonin  commit  à  ditférents 
juges  le  soin  défaire  exécuter  la  sentence  de 
mort  qu  il  avait  portée  contre  Félicité  et 
contre  ses  sept  fils.  Il  y  eut  un  de  ces  juges 
qui  lit  assommer  à  couj)s  de  plombeau  le  pre- 
mier de  ces  saints  martyrs  ;  un  autre  fit  mou- 
rir le  second  et  le  troisième  à  coups  de  bâ- 
ton; un  autrefit  pr;'ci[)iter  le  quatrième  dans 
le  Tibre;  un  fit  trancher  la  tête  aux  trois 
derniers  ;  un  autre  enfin  fit  'endurer  la  même 
peine  à  la  mère  de  ces  a  Imiiables  confesseurs 
de  Jésus-Christ,  qui,  par  des,  routes  différen- 
tes, arrivèrent  tous  au  iieu  où  ce  juste  juge 
les  attendait  pour  leur  donner  à  chacun  le 
prix  que  méritait  leur  invincible  constance. 
(Ruinart.) 

FÉLICITÉ  (sainte) ,  martyre  à  Carthage, 
reçut  la  couronne  immoi  telle  dans  cette  ville 
avec  sainte  Perpétue,  sou*^  l'empire  de  Sé- 
vère ,  en  202  ou  203.  (Pour  plus  de  détails, 
il  est  impo.  tant  de  hre  les  Actes  de  sainte 
Peupétl'k  a  sou  article.)  La  fête  de  sainte  Féi 
licite  a  lieu  le  7  mars,  avec  celle  de  tousses 
compagnons. 

FELÎCULK  (sainte),  vierge  et  martyre,  souf- 
frit à  Rome  sur  la  vo.e  d'Ardée.  Ne  voulant 
ni  épouser  Flaccus  ni  sacrifier  aux  idoles, 
elle  fut  mise  entr^  les  mains  d'un  juge  par- 
ticulier qui,  la  trouvant  toi  jours  ferme  et 
constante  à  confesser  Jésus-Christ ,  la  fit 
tourmenter  sur  le  chevalet  jusqu'à  la  mort, 
après  l'avoir  tenue  longtemps  dans  une  té- 
nébreuse prison  sans  lui  donner  à  manger. 
Après  sa  mort ,  on  jeta  son  corps  dans  un 
égoût,  mais  saint  Nicomède  l'enterra  sur  la 
voie  d'Ard 'e,  la  même  où  elle  avait  souffert 
le  mar.yre.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  13 
juin. 

FÉLICULE  (sainte) ,  reçut  la  couronne  du 
martyre  à  Rome  ]»our  la  défense  de  la  reli- 
gion chrétienne.  Elle  eut  pour  compagnons 
de  son  martyre  les  saints  Vital  et  Zenon. 
Nous  n'avons  pas  d'autres  détails  sur  leur 
compte.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  li 
février. 

FKLIHAUZER  (ELiSAnrxn),  l'une  des  reli- 
gi(Mises  de  Saint-Basile,  établies  à  Min-k  eu 
L  thuanie,  et  connues  sous  le  nom  de  rHIrs 
de  la  Snintr-Tiinife',  ipii  furent  expulsées  île 
leur  couvent  et  livrées  aux  perséeiilions  les 
plus  violentes  d  uis  le  conraîit  de  l'annéo 
1837,  par  le  czar  Nicolas  et  S  emasizko  ,  évê- 
que  apostat.  On  les  avait  renfermées  dans 
un  couvent  enh;vé  à  d'autres  religieuses 
pour  jiasser  entrt>  les  mains  d'une  commu- 
nauté de  Czernice    ou  Filles-Noires,  recru 


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t(^os  parmi  los  veuves  de  soldats  «russes  et  .es 
lilles  de  imeiirs  di^vj^lées.  Ces  lillcs  passaient 
leur  temps  à  s'injurier,  à  se  battre  (ît  à  s  eni- 
vrer avec  de  l'eau-de-vie.  Elles  tenaient  U'S 
Basiliennes  sous  une  si  rude  disripline,  (pie 
la  malheureuse  Klisabtlli  Feliliauzer  devint 
follr.  {Voy.  l'arliLieiMiKezvLAWSKA.) 

FfXIN  (saint),  soldai,  i'ut  m;\rt\  risé  à  Pé- 
rouse,  sous  le  rA-ne  et  durant  li  p(  rséc  iition 
de  rem{)ereur  Dôee  ,  avec  saii.t  (Iratniien, 
soldat  eonune  lui.  Nous  manquons  de  dc'Mails 
fltitht'nli'iues  sur  la  nioit  de  ('(.'S  deux  s  inis. 
L'Ki^lisc  fait  leur  l'cMe  le  l'^juin.  Diie  qu"  Is 
ont  soutlVrt  sous  Dè'ce  ,  c'est  al'lirmcr 'jU'ils 
ont  soulVert  de  cruels  tourments.  On  sait 
quel  H'Ml  le  earacU^^re  de  l.i  persécution  de 
ce  j)rince,  qui,  par  la  violence  des  tourments, 
avait  pour  but  [)lutôt  d'amener  les  chrétiens 
à  abjurer  que  de  les  faire  mourir. 

FELIX,  gouverneur  de  Judée  ,  résidait  à 
Césarée.  Il  était  frète  de  Palla-,  affranchi  de 
Claude.  Il  passa  en  Judée  vers  l'an  53  et 
é^  ousa  Drusilîe  ,  lille  du  vieil  Agrippa.  Ce 
fut  à  lui  que  saint  Paul,  arrêté  [)ar  les  Juifs, 
fut  envoyé  par  Claude  Lysias,  tribun,  qui  le 
leur  avait  enlevé.  11  garda  le  saint  apôlre  en 
prison.  Rappelé  par  Néron  pour  les  pillages 
et  les  exactions  qu'il  se  permettait  en  Juiiée, 
il  fut  accusé  à  Rome  par  des  Juifs  qui  s'y 
rendirent  exprès  i)Our  le  faire  punir.  Il  fal- 
lut, pour  le  sauver,  la  fortune  et  le  crédit  de 
son  frère  Pallas. 

FÉLIX  (saint),  fut  martyrisé  à  Nocéra  avec 
sainte  Constance ,  durant  la  persécution  de 
Néron.  On  célèbre  sa  fête  le  J9  septembre. 
On  manque  de  documents  certains  à  propos 
de  ce  saint  martyr. 

FÉLIX  (saint),  l'un  des  sept  fils  de  sainte 
Félicité,  mourut  martyr  avec  ses  frères  et  sa 
mère  h  Rome,  sous  le  règne  de  Marc-Aui  èle. 
Le  préfet  Publius  le  pressant  de  sacritier,  il 
répondit  avec  beaucoup  de  fermeté  :  «  Nous 
re  sacrilions  qu'à  un  seul  D  eu  qne  no  s 
adorons,  et  les  sacrilices  que  nous  lui  of- 
fro  s  sont  des  vœux,  des  prières  et  les  sen- 
timents affec'ueux  dune  dévotion  sincère. 
Croyez-moi,  c'est  en  vain  que  vous  vous  ef- 
forcez de  nous  faire  renoncer  à  l'amour  que 
nous  avons  pour  Jésus-Chiist.  Prenez  contre 
nous  les  résolutions  les  plus  sanglantes, 
épuisez  sur  nos  corps  les  forces  de  vos  bour- 
reaux ,  et  tous  les  tourments  que  la  cruauté 
la  plus  ingénieuse  pourra  vous  suggérer, 
tout  cela  ne  sera  capable  ni  d'ébranler  notre 
foi ,  ni  de  diminuer  notre  espérance.  »  Le 
préfet  fit  !  étirer  Félix  et  adressa  son  rapport 
a  l'empereur.  Celui-ci  fit  paraître  les  sept 
frères  devant  des  juges  spéciaux ,  qui  firo- 
noncèreiit  et  tirent  exécuter  leur  sentence. 
Saint  Félix  fut  tué  h  coups  de  bUon.  L'Eglise 
fait  sa  fête  le  10  juillet.  [Voy.  Félicité.) 

FÉLIX  (saint),  souffrit  le  martyre  k  Va- 
lence, vers  le  23  avril  de  l'année  211  ou  212, 
sous  un  général  d'armée  i.ommé  Conseille, 
vers  le  commencement  du  règne  d'Aurèle 
Antonin  Caracalla.  Il  eut  pour  compagnon 
de  son  martyre  saint  Fortunat.  Le  Martyro- 
loge d'Adon  et  tous  les  monuments  que  nous 


avons  de  ces  saints  disent  qu'ils  étaient  dis- 
ciples de  saint  Irénée  ,  et  que  ce  fut  lui  qui 
les  envoya  prêcher  la  parole  de  Dieu  h  ^'a- 
lence  en  Dauphiiié.  Nous  avons  des  Actes  de 
tons  ces  saints  ,  mais  qui  ne  [laraisst  ni  pas 
capables  de  faire  une  grande  autnrilé.  Aussi 
nous  nous  c  iitentons  de  dire  (|u'après  avoir 
prêc  é  quelque  temps  et  converti,  dit-on,  le 
ti(Ms  au  moins  de  cette  v  lie  ,  ils  soullVirent 
de  fort  grands  tourments.  Saint  Félix  et  saint 
Foilunat  siint  marqués,  dans  les  Martyrolo- 
ges <pii  poitent  le  nom  de  saint  Jérôme,  le 
23  avril,  il  Valence  dans  les  Gaules;  ce  qui 
a  été  suivi  par  Usuard,  Adun,  Noiker  (t  tous 
les  autres,  hors  Pieir-i;  de  Nutalihus  et  quel- 
ques Ksf)agnols  encore  plus  nouveaux,  (pii 
les  ont  mis  <i  V;  lence  en  Espagne.  On  mar- 
que qu'il  y  a  un  i)rieuré  de  Saint-Félix  au 
lu'u  où  ils  ont  souffert,  ma  s  que  leurs  corps 
ont  été  transférés  (ians  l'église  de  Saint- 
Corneille  et  S;.inl-Cypri(  n  ,  qui  est  la  cathé- 
drale de  Valei;c(;  en  Dauphiné.  On  en  a  tratis- 
po.té  à  Ai-les  une  partie  considérable.  On 
prétend  les  avoir  dans  un  monastère  de  Na- 
v;.rre,  u.ais  on  n'en  donne  pas  de  preuves. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  23  avril. 

FÉLIX  (saint) ,  éîait  muichand  à  S;uili."u  , 
dans  les  environs  d'Autun.  Chiélien  feive.  t 
et  cliai'itable  ,  il  donnait  aux  [lauvres  le>  l;é- 
néfices  qu'il  faisait  dans  son  négoce.  S.  int 
AndOvhe  et  saint  Thyrse,  (pii  veiiaiait  d'Au- 
tun ,  étai  t  vmus  à  Saulieu  pour  }  i)ièeh(  r 
l'Evangile,  Félix  les  reçut  dans  s  maison, 
qui  devint  le  siège  de  leurs  prédicat  ons  (Ij. 
Ln  des  oiliciers  di,  gouverneur  vint  (  liez  Félix 
])oury  lo^er,  et  ayant  vu  les  saints  qui  y  don- 
naient kuiS  insti'Uv'tions  ,  il  alla  les  dénon- 
cer. Le  gouverneur  les  ht  ;;rrêter.  Saint  Félix 
voulut  [:aitager  leiîrs  périls  t  leurs  triom- 
plies.  11  l'ut  arrêté  avec  eux.  D'abord  on  les 
fouitta;  ensuite  on  les  laissa  pendus  tout  un 
jour  à  des  arbres  par  les  m  ins ,  Its  pieds 
cliarg-^s  de  grosses  pierres.  Ce  sup[)lice 
na.vant  pas  mis  tin  à  leurs  jours,  on  les  jeta 
da  s  le  feu,  qui  ne  les  brûla  point.  Les  pet- 
sécuteurs,  pour  en  finir,  les  assommèrent  à 
coups  de  bâtons.  On  fait  sa  fête  le  2i  sep- 
tembre. 

FÉi.IX  (saint) ,  martyr,  fut  mis  à  mort  à 
Rome,  sous  1  empire  de  Maximin  1",  avec  sa 
femme  Blaude,  et  en  même  temfis  que  le  sé- 
nateur Simplice,  sa  femme  ,  ses  enfants  et 
soix.nte-huit  personnes  d  '  sa  famille.  {Voy. 
SiMPLicE.)  Les  têtes  de  tous  ces  saints  mar- 
tyrs fur  nt  exposées  sur  ]e~  partes  de  la  ville 
pour  etirayer  les  auaes  chrétiens.  C'est  le 

(1)  La  rédaction  suivante  du  Martyrologe  romain 
Birt  uiiC  faute  :  «  A  Autun  ,  la  fête  dos  saiuis  inarlyrs 
Aiidoctie  ,  Tliyise  ,  diacre,  et  Feli.\,  (iiii,  ayant  clé 
envoyés  d'Onert  par  saint  Po'ycaipe  ,  évoque  de 
Siiiyrne,  ponr  prêcher  dans  los  Gaules,  ...  etc.  » 
Salut  Folix  ne  lut  point  envoyé  d'Oiiont  avec  les 
autres  par  saint  Polycarpe  :  il  ne  lut  qu'associé  à 
leurs  soiilliiuices.  Ayant  eu  le  bonheur  de  loger  les 
saints  missionnaires  dans  sa  maison,  il  lut,  comme 
notre  article  le  dit,  mis  à  mort  avec  eux  pour  ce  mo- 
tif. Du  reste  ,  pour  plus  de  détails  et  pour  s'éditier 
davi.n  âge  sur  ce -fait,  on  peut  consulter  Bédé,  Adoa 
el  le  nouveau  Bréviaire  de  Paris. 


983  FEL 

Martyrologe  romain  qui  raconte  ainsi  les 
faits.'  L'Eglise  honore  la  mémoire  de  tous  ces 
saints  le  10  mai. 

FÉLIX  (saint),  est  mis  parles'anciens  mar- 
tyrologes ,  et  notamment  par  le  Martyrologe 
romain,  au  nombre  des  saints  martyrs  qui, 
sous  l'empire. de  SiWèrc  ,  furent  brûlés  vifs 
pour  la  foi  dans  la  ville  de  Carthag",  et  dont 
il  est  question  aux  Actes  de  sai  ite  Perpétue, 
dans  le  récit  qui  s'y  trouve  de  la  vision  de 
saint  Sature. 

FÉLIX  (saint)  ,  confesseur,  naquit  à  Noie 
en  Campanie.  Son  père  ,  ancien  soldat ,  ori- 
ginaire de  Syrie,  était  venu  s'y  étdjlir.  Il  se 
nommait  Hermias.  Saint  Félix,  avait  un  frère 
qui  prit  le  métier  des  armes;  mais  lui,  après 
la  mort  de  son  père,  distribua  la  plus  grande 
partie  de  son  bien  aux  pauvres  et  se  voua 
au  service  des  autels.  Il  fut  ordonné  ;i'abord 
lecteur,  puis  exorciste,  et,  bientôt  après, 
prêtre  par  saint  Maxime,  évêque  de  Noie.  Sa 
vertu,  ses  connaissances  le  rendirent  extrê- 
mement cher  à  son  évêque,  dont  il  devint  en 
quelque  sorte  le  soutien  durant  les  temps  de 
persécution  qui  arrivèrent  bientôt 

Durant  la  persécution  de  Dèce  ,•  en  250, 
Maxime  ,  comme  beaucoup  d'autres  ,  ayant 
pris  la  fuite  pour  se  soustraire  au  supplice, 
ce  fut  du  prêtre  Félix,  qui  gouvernait  l'E- 
glise de  Noie,  que  les  persécuteurs  se  saisi- 
rent. Le  juge  auquel  on  le  déféra  le  fit  fouet- 
ter et  ensuite  jeter,  pieds  et  mains  attachés, 
dans  un  cachot  obscur.  Le  fond  de  ce  cachot 
était  rempli  de  morceaux  de  verre  et  de  pots 
cassés.  Que  le  saint  fût  assis  ,  debout  ou 
couché,  il  ne  pouvait  éviter  de  se  tiouvcr 
dessus.  Ce  fut  là  qu'un  ange"  tout  rayonnant 
de  gloire  vint  le  visiter  et  lui  ordonna  d'aller 
au  secours  de  son  évêque.  Aussitùt  ses  chaî- 
nes se  brisèrent ,  et  il  s  dvil  l'auge  jusqu'au 
lieu  où  était  Maxime.  Il  le  trouva  s  ais  con- 
naissance et  presque  sans  vie.  Félix  man- 
quait de  tout ,  car  le  lieu  où  il  se  trouvait 
était  désert  et  inculte.  Il  se  mit  à  prier  et 
aussitôt  il  aperçut  une  grappe  de  raisin  siu' 
des  ronces  à  côté  de  lui.  il  en  ex|)rima  lejus 
dans  la  bouche  du  saint  évoque  ,  qui  sur-le- 
champ  revint  h  lui  et  reconnut  son  libiîra- 
teur.  Sur  la  prière  ciu'il  lui  lit  de  le  ramener 
à  son  Eglise,  Félix  le  prit  sur  ses  épaules  et 
}q  porta,  avant  le  jour,  à  la  maison  épisco- 
pale  ,  où  il  le  conlia  aux  soins  d'une  femme 
vertueuse.  Après  avoir  été  caché  quehjue 
temps,  le  saint  prêtre,  voyant  que  le  feu  de 
la  persécution  se  calmait,  reprit  eomine  d'ha- 
bitude ses  prédications.  Les  idolAtres  irrités 
le  cherchèrent;  ils  étaient  armés,  lis  ren- 
contrèrent Félix  et  lui  demandèrent  <i  lui- 
même  où  était  Félix;  il  les  trompa  par  uiu; 
réjjon.se  é(pjivo(}ue  et  se  sauva  j)ar  le  trou 
d'un  mur  qui  était  proche.  Aussitôt  une  toile 
d'araignée  couvrit  ce  trou,  et  ceux  (pii  cher- 
chaient le  saint  ne  purent  s'imagiiiir  cpi'il 
eût  passé  là.  Il  resta  durant  six  mois  (;a- 
ché  dans  utio  citerne,  où  une  fe-iinne  chré- 
lieiine  lui  ajtportail  de  (juoi  subsister.  Il  en 
sortit, 'i  1h  itj(,rl  de  Dèce,  quand  la  paix  eut 
été  renduf!  à  rK^IJse. 


FEL 


SS4 


A  la  mort  de  saint  Maxime,  il  réussit  à 
persuader  au  peuple ,  qui  le  voulait  j)0ur 
évêque,  d'élire  Quintus ,  comme  étant  [dus 
ancien  dans  le  sacerdoce.  Ce  nouvel  évê(]ue 
eut  toujours  la  plus  grande  vénération  pour 
Félix  ,  le  regardant  comme  son  i)ère  et  no 
faisant  jamais  rien  sans  prendre  auparavant 
ses  conseils.  Au  commencement  de  cet  arti- 
cle ,  nous  avons  vu  (pie  notre  saint  avait 
donné  aux  pauvi'es  la  i)lus  grande  partie  de 
son  bien.  Le  peu  qu'il  s'etaii  réservé  avait 
été  confis(}ué  durant  la  persécution.  Quand 
la  [laix  fut  rendue  à  l'Eglise,  il  aurait  i)u  de- 
mander qu'on  le  lui  restituât,  et  on  l'aurait 
fait,  puiscpi'on  l'accordait  à  d'autres.  Il  aima 
mieux  sa  [lauvreté,  et  loua  un  terrain  qu'il  so 
mit  à  cultiver,  pour  avoir  de  quoi  vivre  et 
de  quoi  faire  des  aumônes.  Il  était  si  chari- 
table tjue,  quand  il  avait  deux  habits,  il  d  n- 
nait  le  meilleur  aux  pauvres;  mais  cela  ne 
suftisait  pas,  bientôt  il  échangeait  le  dernier 
contre  leurs  haillons.  Il  mourut  le  14  janvier 
256 ,  dans  un  âge  fo.t  avancé.  Ses  reliques 
sont ,  la  plus  grande  partie  à  Noie  ,  dans  la 
cathédrale,  le  reste  à  Rome ,  à  Bénévent. 
Saint  Paulin  rap[)orte  qu'il  se  faisait  beau- 
coup de  miracles  parla  vertu  de  ses  reliques. 
Sa  lête  a  lieu  le  14  janvier. 

FÉLIX,  prêtre  d'Afrique,  avait  renié  la  foi 
sous  l'empire  de  Dèce  ,  en  250,  en  présence 
des  magistrats.  Sa  femme  Victorie  avait  suivi 
son  exemple;  mais  bientôt  le  repentir  vint 
parler  à  leurs  cœurs;  ils  obtinrent  de  Dieu 
le  courage  pour  triompher  de  l'ennemi  qui, 
une  première  fois,  les  avait  vaincus.  Peu  de 
temps  s'étant  écoulé  après  (pi'ils  eurent 
donné  des  marques  publiques  de  leur  re- 
pentir, ils  furent  de  nouveau  amenés  devant 
les  magistra  s.  Cette  fois  leur  courage  ne  se 
laissa  pas  ébranler.  Ils  furent  bannis  et  leurs 
biens  furent  conlis(piés. 

FÉLIX  (saint),  pape  et  martyr,  premier  de 
ce  nom,  succéda  à  saint  De  iis  dès  dev.mt 
l'année  209,  ayant  été  ordonné  le  31  dé- 
cenibri»,  cinq  jours  après  la  mort  de  saint 
Denis,  selon  les  Pontillcaux,  ou  plutôt  dès 
le  28  ou  29  du  même  mois;  et  il  semble  (pie 
les  I  lus  anciens  martyrologes  aient  voulu 
marquer  la  fête  de  son  o.dinalion  le  29.  On 
le  fait  Romain,  tils  d'un  Constance 

Ce  fut  sans  doute  lui  (|ui  re(;ut  la  lettre  du 
concile  d'Antioche  contre  Paul  de  Sauiosate, 
adressée  à  son  prédécesseur,  et  il  y  a  tout 
sujet  de  i)résum(r  (\iu'  ce  fut  à  l'occas  on  de 
celte  lettre  ([u'il  en  écrivit  un(>  autre  adressée 
à  Maxime,  évêque  d'.Mex-indrie  et  à  son 
clergé.  Elle  est  (ntée  par  saint  (Cyrille  et  par 
le  concile  d'Kphèse  (jui  nous  en  ont  cons(M'vé 
un  endroit.  Il  y  condamne  nett(nneiit  Nes- 
toriiis  en  j)arlanl  contre  Paul  de  Samos.ite. 
Plusieurs  ont  attribué  cette  lettre  à  l-'élix 
(pii  fut  mis  j)ar  les  aric.nis  en  la  place  de  Li- 
i)ère,  en  l'an  .'}5'i- ;  mais  llaronius  monlro 
l'ort  bien  la  fausseté  de  ce  senlimcvit.  On  at- 
tribue à  saint  Fidix  trois  autres  lettres, 
mais  elles  sont  du  nomhie  des  décrétales. 

Paul  de  Samosate  se  maintenant  |)ar  force 
sur  le  fciége  d'Antioclie,  Aurélien  ordonna 


988  FEL 

011  272  ou  273  que  ce  sié^e  resterait  à  celui 
h  (|iii  rrviMjuo  tlo  Rome  (Félix,)  et  les  aiilres 
évù(|nes  d'Italie  avaient  couliiiiie  d'éciire, 
c'est-h-ilire  h  Domnu^  mis  h  la  place  de  Paul 
par  le  concile.  1)  ra'it  le  poiitilicat  de  saint 
FiMix.  rivalise  fut  persécutée  par  Aurélieu  , 
en  "i7;{  oii  2'V.  On  honore  e-ilre  autres,  le 
15  juillet,  saint  lMitro|)e  martyrisé  à  Porto 
avec  saiiit(>  Honose  (U  sainte  Zosiinesa  sœuv, 
dont  d'autres  font  un  saint,  liaionius  d  t 
(jue  ce  fut  saint  l'élix  qui  les  aiiima  à  souf- 
fiir  pour  Jésus-Cht ist,  et  il  l'a  sans  doute 
tiré  des  actes  de  leur  martyre  qu'il  cite  en 
un  antre  endroit.  Il  en  a  eu  de  d(>ux  sortes 
dont  les  [)lus  courts  comptinU  de|mis  la  nais- 
sance do  Jésus-Christ,  ce  qui  mar(|ue  ffuMls 
ne  sont  pas  fort  anciens,  et  l'abrégé  qu'en 
donne  Ferrarius  le  conlirmo  assez.  11  fait 
saint  Eutrope  frère  des  deux  saintes,  ce 
que  Florentinius  croit  aussi.  Le  martyre  do 
ces  saints  est  ap,  uyé  par  les  martyrolOj^es 
de  saint  Jérôme,  et  plusieurs  antres.  On  as- 
sure (]ne  le  corps  de  sainte  Bonosc  est  à 
R'tme  dans  une  église  de  son  nom,  au  dek^ 
du  Tibre.  Les  actes  de  ces  saints  portent 
qu'ils  furent  précédés  dans  le  martyre  par 
cinquante  soldats  que  sainte  Bonose  avait 
convertis  par  ses  exhortations  et  qui  furent 
ba|)tisés  par  saint  Félix.  Le  Martyrologe 
romain  en  marque  la  fête  au  8  juillet  à 
Porto.  On  ignore  aujourd'hui  où  sont  leurs 

CO''pS. 

Les  martyrologes  d'Usuard  et  d'A.don  mar- 
quent le  10  de  juin  saint  Ba>ilide,  saint  Tri- 
pode  et  saint  Mandate,  qui  soulfrirent  à 
Rome  sous  Aurélien  avec  v^ngt  autres.  Ba- 
rouius  nous  renvoie  pour  leur  histoire  à 
leurs  A'Ies  qui  sont  dans  Mombritius,  et  à 
Pierre  de  Nitalihus.  M;iis  C(U]u"en  dit  le  der- 
nier est  tout  à  fait  fabuleux,  comme  d'autres 
l'ont  déjà  remarqué.  Aussi  Ferrari  us  en  fait 
une  hisloire  toute  ditl'érenle,  tirée  d'un  ma- 
nns  rit  de  sainte  Marie  Mnjeur.  Je  n'y  vois 
rien  de  mauvais,  mais  PI. ton,  qui  y  est 
qualifié  préfet  de  Rome  aussi  bien  que  dans 
les  martyrologes,  n'est  point  marqué  dans  la 
liste  de  Buchérius.  11  y  a  des  Actes  de  ces 
saints  qui  les  mettent  sous  Valérien.  Les 
Martyr'ologes  de  saint  Jérôm"  marquent,  le 
10  juin,  un  saint  Basilide,  mais  on  doute  que 
ce  soit  celui-ci. 

Hermanus  Contractas  dit  qu'en  l'an  830 
on  apporta  à  l'île  d'Auge  (vers  Constance)  les 
reliques  de  saint  Synèse.  Baronius  entend 
cela  de  saint  Synèse  ou  plutôt  Synète  ho- 
noré par  les  Grecs  le  12  décembre.  Ils  le 
font  lecteur  do  Rome,  ordonné  par  saint 
Sxie  et  martyr  sous  Aurélien.  Ce  qu'en  dit 
\p  Ménologe  d'Ughellus  n'a  rien  de  mauvais. 
Mais  cela  paraît  venir  de  la  même  source 
que  ce  qu'on  en  lit  dans  les  menées,  et  il 
n'y  a  rien  de  plus  pitoyable.  Baronius  a 
mis  ce  sanit  dans  le  Martyrologe  romain. 
(On  croit  qu'il  y  a  eu  un  saint  Sabbas,  ca- 
piîaine  Goth,  qui  mourut  à  Rome  sous  Au- 
rélien). Saint  Félix ,  qui  avait  animé  les 
autres  au  coml)at ,  fut  bientôt  lui-même 
martyrisé.  En  effet,  il  est  qualifié  martyr 
par  le  concile  d'Ephèse,  par  saint  Cyrille  et 


FEL  986 

I)ar  Vincent  de  Lérins.  Il  y  a  néanmoins  lieu 
de  croire  (pi'après  avoir  mérité  le  litre  de 
martyr  selon  le  langage  (hî  ce  tmnps  là,  eu 
soulfrant  beaucoup  |)Our  Jésus-Chr'ist,  il  est 
mort  ensuite  ou  dans  la  prison  on  (h;  ([uelque 
mort  naturelle  plutôt  (jUC  |)ar  la  violence  des 
tourmonls.  La  chroni({U(!  de  Nicéphon;  lui 
donne  le  titre  de  confesseur.  Los  Ponliticanx. 
(•onvi(!nnent  assez  qu'il  mourut  en  27V,  et  il 
y  a  appar(!nce  (pièce  fut  le  22  décembre,  an- 
([uel  les  plus  anciens  Martyrologes  mar(juent 
saint  Félix,  évêque  à  Rome.  Ainsi,  il  aura 
gouverné  cinq  ans,  coinnu^  on  le  lit  dans 
Eusèbe,  dans  la  Chronique  de  saint  Jérôme, 
dans  les  Martyrologes  d'Usuard  et  d'Adon, 
dans  le  Syncelle,  dans  la  Chroni(jue  de  Nicé- 
phore,  dans  Euty(jue  (\m  rap|)elle  Pbilet.  Le 
catalogue  do  Buclunnus  ajoute  h  ces  cinq  ans 
onze  mois  et  25  jours.  Mais  il  y  faut  appa- 
remment lire  quatre  ans  au  lieu  de  cinq,  et 
c'est  ce  qui  nous  a  porté  h  mettre  son  ordi- 
nation le  28  ou  le  2Î)  décembre,  en  l'an  269. 

Il  fut  inhumé  d"al)ord  au  cimetière  de  Cal- 
liste,  d'où  il  semble  qu'il  ait  été  transféré 
après  l'an  35'i',  en  un  cimetière  accompagné 
d'une  église  qui  ont  porté  son  nom  l'un  et 
l'autre,  entre  le  chemin  do  Valère  et  celui 
de  Porto.  Anathasc  lui  attribue  même  la 
fondation  de  cette  église.  La  porte  de  Rome 
qui  y  conduisait  a  porté  autrefois  le  nom  de 
Saint-Félix  qu'elle  a  depuis  changé  avec  l'é- 
glise même,  en  celui  de  Saint-Pancrace.  Le 
chemin  de  Porto  a  été  aussi  connu  du- 
rant quelque  temps  sous  le  nom  de  Saint- 
Félix.  C'est  peut-être  à  cause  de  cette  trans- 
lation qu'Usuard ,  Adon  et  le  Martyrologe 
romain  marquent  sa  fête  le  30  mai.  Bol- 
la  ^dus  doute  si  ce  n'est  pas  lui  dont  on 
prétend  que  le  corps  a  été  porté  de  cette 
église  à  celle  de  Saint-Casure  dans  la  ville, 
et  y  a  été  trouvé  sons  Grégoire  XIII,  ve.s 
l'an  1580.  H  aime  mieux  croire  néanmoins 
que  c'est  lui  qu'on  dit  avoir  été  mis  dans 
ré,4'se  de  Sainte-Pudentienne  du  temps  de 
Grégoire  VIL  Quelques-uns  croient  que  c'est 
lui  encore  que  le  calendrier  du  P.  Fronto,  le 
Sacramenlaire  de  saint  Grégoire  et  divers 
Martyrologes  marquent  le  29  juillet. 

On  attribue  à  ce  pape  d'avoir  ordonné 
qu'on  célébrerait  les  messes  sur  les  tom- 
beaux des  martyrs;  mais  je  pense  que  celt} 
est  encore  plus  ancien.  L'Eglise  fait  sa  fête 
le  30  mai.  (Tillemont,  t.  IV.) 

FÉLIX  (saint),  habitait  à  Sutri  dans  la 
Toscane,  du  temps  de  l'empereur  Aurélien. 
Ce  prince,  qui,  dans  les  derniers  temps  de 
son  règne,  lança  des  édits  cruels  contre  les 
chrétiens,  ayant  appris  qu'à  Sutri  il  y  avait 
un  certain  nombre  de  disciples  de  Jésus- 
Christ,  y  envoya  Turciuspour  les  faire  punir 
de  mort.  Saint  Félix  était  au  nombre  de 
ceux  dont  la  foi  jetait  le  plus  d'éclat  en  ce 
pays.  Il  était  prêtre  et  possédait  de  très- 
grands  biens.  Il  montrait  un  zèle  incompa- 
rable pour  l'instruction  et  pour  la  conver 
sion  des  habitants  de  la  campagne,  auxquels 
il  s'était  pour  ainsi  dire  entièrement  dévoué. 
Quand  il  sut  l'arrivée  de  Turcius,  il  réunit 
les  chrétiens,  pour  les  exhorter  à  combattre 


987  FEL 

courageusement  pour  la  foi,  leur  annonçant 
que,  tiu  reste,  celte  cruelle  tempête  ne  se- 
r.-iit  [VIS  de  longue  dun^e.  Ayant  été  arrêté, 
il  fut  jeté  en  priso'i,  et  présenté  h  Tiircius, 
qui  lui  demanda  poiirqu  i  il  avait  la  har- 
d  esse  de  porter  les  peuples  h  mépriser  la 
reh\a;ion  romaine  elles  commandements  des 
princes.  Le  >~aint  répondit  qu'il  le  faisait 
jiarce  que  c'était  c'i  la  fois  son  honlv^ur  et 
son  devoir  d'csei^ner  h  fous  la  religion  de 
Jésus-Christ.  Turcius,  vo»-ant  qu'il  np  pou- 
vait 11'  va  ncre,  lai  fit  frapper  la  bouc'ie  à 
con|)s  do  pierre,  pour  le  punir,  disait-il, 
d;u)s  l'organe  qui  avait  semé  le  ra^nisonge. 
].e  saint  rendit  l'âme  d^ns  cet  alfreux  sup- 
plice. Le  saint  diacre  Irénée  l'enterra  près 
de  Sutri,  le  23  juin. 

FÉLIX,  fsainti,  frère  de  saint  Félieissime, 
se  convertit  h  Rome  avec  lui  en  mCnne  tfmps 
que  son  père  Claude.  géMi;^r  d  '  la  prison  où. 
le  pr  fel  Chromace  f'.isait  d^tonii-  les  fidèU'S 
en  l'an  28i-.  Saint  Séb  .slion  fut  I  in.-trument 
princii)al  de  sa  conver-ion.  Le  prè  re  saint 
Polycarpe  le  ba])lisa  et  l'éleva  au  sons-dia- 
con.tt.  Il  fut  martvrisé  en  280,  en  Campanie, 
si  toutefois  ce  n'était  pas  lui  qui  se  nommait 
Svmpliorien;  cir  l'un  d  s  deux  fils  de  saint 
Claude  avait  ce  second  nom,  el  celin'-là  fut 
martyrisé  à  Rome  avoc  son^4>è;e.  L'Eglise 
fait  la  fête  de  saint  Félix  le  20  juillet. 

FÉLIX  (saint),  l'un  des  gard  's  de  la  prison 
de  saint  Censorin  ou  Censorinus  ,  sous 
Claude  II  le  Gothique,  fut  converti  à  la  foi 
chrétienne  par  le  prêtre  saint  Maxime,  avec 
les  autres  gardes  de  la  prison ,  lesquels 
étaient  Maxime,  Faustin,  Hcrculan,  Numère, 
Storacinus,  Mène,  Commode,  Herno,  Maur 
ou  Maure,  Eusèbe,  Rustipie,  Aiiiandinus, 
]\Iona!re ,  Olymne,  Cyprien  et  Théodore. 
(Pour  voir  1  ur  histoire,  recourez  à  l'article 
RlARsyns  d'OiTje.)  Ces  saints  ne  sont  pas 
nommés  au  ilartyrologe  roma  n. 

FÉL!X  (saint),  évêqne  et  (lualifié  martyr 
au  Martyrologe  romain,  h  la  date  du  10  sep- 
tembre, jour  auquel  l'Eglise  célèbre  sa  fête, 
était  l'un  des  neuf  évêques  enfermés  diuis 
les  mines,  et  h  qui  saint  Cyprien  écrivit  sa 
soixante-seizièm:'  letti-e.  Il  avait  été  déporté 
immédi;ilinnent  après  sa  première  confession, 
aussitôt  a[)iès  avoir  été  cruellement  frappé  à 
coups  de  bMo-Ts.  Cet  évêque  avait  assisté 
au   grand  concile  de   Carlhage.  (  Voy.  Né- 

M^SIKN.) 

FELIX  (saint),  était,  comme  le  précédent, 
l'un  des  neuf  évêques  enfermés  dans  les  mi- 
nes, et  à  qui  écrivit  saint  Cyprien.  L'article 
précédent  lui  convenant  parf.iitemfîut,  puis- 
que les  deux  homonymes  ont  eu  exacte- 
ment h-  môme  sort,  el  ont  souffert  les  mêmes 
persé';utions,  nous  y   r<!nvoyons  U;  lectcui'. 

FÉLIX  (saint),  souffrit  le  inartyro  à  A(pii- 
léi!  avec  saint  ïlilain;,  évê(|u<',  cl  les  saints 
Talic-n,  diacre,  Félix,  Large  et  Denis.  Leur 
.sacrifice  eut  lieu  sous  l'empire  de  Nuinérien, 
el  sons  le  présid(!nt  Héroin(!.  On  ne  dit  pas 
qu;I  fui  au  juste  leur  genre  de  mort.  Il  est 
eeilMin  rprils  subirent  l.i  |)eine  du  chevalet 
el  divers  autres  lourmciils.  L'Eglise  fait  leur 
fêle  lu  10  mars. 


FEL  m 

FÉLIX  (saint),  martyr,  reçut  la  couronne 
du  martyre  avec  les  saints  Luciole,  Fortunat, 
Marcie  et  leurs  compagnons,  aussi  bien  que 
les  saints  Cléonice,  Eutrope  et  Basilisque, 
soldais.  Ils  triomphèrent  heureusement  par 
le  supiilicedo  la  croix,  durant  la  persécut  on 
de  Maximien,  sons  le  président  Asclépiade. 
On  ign  re  le  lieu  de  leur  glorieux  et  in"i- 
mortel  martyre.  L'Eglise  célèbre  leur  mé- 
moire le  3  mars. 

FÉLIX  (s'ii't),  souffrit  1  >  martyre  à  Aqui- 
lée  avec  son  frère  Fortunat,  durant  la  persé- 
cution de  Diocl'tien  et  de  M:\ximien.  Ils 
firent  étendus  sur  le  chevalet,  eurent  les 
côtés  brûlés  avec  des  torches  ardentes  qui 
s'étei  ;nirent  au  même  instant  par  un  effet  de 
la  puissance  de  Dieu,  puis  furent  arrosés  sur 
le  venire  avec  de  l'huile  bouillante.  Enfin, 
ne  cessant  point  de  confesser  Jésus-Christ, 
i's  eurent  la  tète  tranchée.  L'Eglise  fait  leur 
mémoire  Ij  11  juin. 

FELIX  (saint),  évêque  et  martyr,  remporl/i 
la  paluL;  des  gl.»;ioux  comb  itianls  de  la  foi 
à  Spel  0,  sous  l'empereur  Maximien.  L'E- 
glise fait  sa  fête  le  18  mai. 

FÉLIX  (saint),  était  prêtre  à  Rome  au 
commencement  de  la  persécution  que  Dio- 
cl'tien souleva  contre  l'Eglise.  En  l'auiiée 
303,  ayant  été  arrêté,  il  fut  soumis  à  de 
cruelles  tortures  sans  que  son  cotrage  en 
fût  le  moins  du  mon  Je  ébranlé.  On  le  con- 
damna à  1)  [)eine  capitale,  voyant  cpi'on  ne 
pouvait  rien  obtenir  de  lui.  Counne  on  le 
conduisait  au  supplice,  un  étranger  qui  le 
vit  passer  s'écria  :  «  Je  suis  la  même  religion 
que  cet  homme,  comme  lui  j'adore  Jésus- 
Christ,  et  comme  lui,  je  veux  mourir  .  our 
le  même  Dieu.  »  Le  migistrat  le  fit  décapi- 
ter avec  Félix.  Comme  on  ignoi'ail  le  nom  de 
cet  homme,  les  chrétiens  le  nommèrent 
Adaucte  (pii  veut  dire  adjoint,  ajouté.  La 
fête  de  ces  deux  saints  arrive  le  30  ao>U. 
Leurs  reliques,  apiôs  plusieurs  Iranslations, 
ont  été  déposées  dans  l'église  Sninl-EUcnue 
de  Vienne,  oij  elles  sont  encore. 

FÉLIX  (saint),  évê(|ue  de  Thibare,  fut 
martyrisé  pour  la  foi  en  l'année  303,  sous  le 
règne  et  durant  la  persécutinn  de  Dioclélien. 
Sa  fêle  a  lieu  le  îh  octobre  ;  ses  Actes  sont 
fort  b.'aux.  Nous  les  prenons  cntièremeut 
dans  lUiiiiart. 

«  Sous  le  huitième  consulat  de  Dioclélien 
el  le  seplième  de  Maximien,  on  |)ublia  dans 
tout  rem()ire  lui  édit  adressé  aux  gouver- 
neurs des  pi'ovinces  et  aux  magistrats  des 
villes,  par  leipiel  il  leur  était  e  joint  de  se 
saisir  de  tous  les  livres  qui  concernaient  la 
religion  des  chrétiens;  de  les  retirer  des 
mains  des  évê(|ues,  cl  de  contraindre  par 
tout(>s  sortes  de  voies  ceux  (pii  en  étaient  ou 
gardiens,  ou  simples  dépositaires,  de  les  re- 
mettre incessammenl  aux  ollii  iers  connuis  à 
celte  reclieiche  par  les  (nupennirs.  L'édit  tut 
allich'dans  la  ville  de  Thibare,  en  Africpu', 
le  I)  juin.  Le  même  jour,  Magnilien,  procu- 
re.ir  du  fisc,  imj)éiial  et  inteiid.uit  de  la  |)ro- 
viiuie,  mand.i  les  prêtres  chrétiens;  Feiix, 
ipi'  était  évê(pie  de  celle  ville,  en  était  parti 
nom- Cartilage.  (ïe  l'urenldonc  le|)rêlrc  X[)iiv 


989  FEL 

cl  les  lorteurs  Girns  oi  Vilal,  qui  comparii- 
rciil  pour  le  v  prélat  abs.Mil.  Ma^inlicn  leur 
dil  :  Navez-vous  pas  des  livres  de  voire  re- 
h^iou  ?  Apor  réj^oiidit  :  Oui,  nous  en  avons. 
Ma^^nilien  dit  :  11  faut  me  les  donner,  alin 
qu'on  les  brûle.  Aper  dil  :  Notre  évôciue  les 
a.  Mat;ni:ien  dit  :  Où  est-il,  votre  évèque? 
Aper  répondit:  Jo  n'en  sais  rien.  Magnilien 
dit  :  Eh  bien,  vous  demeurerez  à  la  garde 
d'un  licteur  (huissier),  jusqu'à  l'arrivée  du 
proconsul  Anulin,  qui  doit  prendre  connais- 
sance de  votre  atl'aire. 

«  Le  jour  suivant,  l'évoque  Félix  retourna 
de  Cartilage  à  Thibare  :  iMagi.ilicn  en  ayant 
eu  avis,  lui  manda  de  venir  le  trouver.  L'é- 
vèque  obéit,  et  se  rendit  chez  l'intendant. 
Magnilirn  dit:Evêque  Félix,  remettez-moi 
entre  les  mains  tous  les  livres  de  votre  reli- 
gion que  vous  avez,  et  même  les  IVuilles  vo- 
lantes, s'il  y  en  a.  L'évèque  Félix  répondit  : 
Je  les  ai,  à  la  véi'ité,  mais  je  ne  vous  les  don- 
nerai pas.  Magnilien  dit  :  J'ai  un  ordre  ex- 
près des  em[)ereurs  de  vous  les  uemandor, 
et  vous  trouverez  bon  que  j'y  défère,  plutôt 
qu'à  vos  paroles  ;  donnez-moi  donc  ces  livres, 
que  je  les  fasse  brûler.  L'évèque  Félix  ré- 
p)ndit:Je  consentirai  plutôt  à  être  brûlé 
mui-inème;  Dieu  me  défend  de  livrer  ses 
E.riiures,  et  vous  trouverez  bon  que  je  dé- 
fère plutôt  à  ses  ordres  qu'aux  vôtres.  Ma- 
gn  lien  dil  :  Je  vous  dis,  eicore  une  fois, 
que  je  dois  avoir  |-lus  de  déférence  pour  ce 
que  les  emfiereurs  m'ordonnent  que  pour 
ce  que  vous  me  dites.  L'évèque  Félix  répon- 
dit :  Et  moi,  je  vous  répète  que  les  o.d.es 
de  Dieu  sont  préférables  à  ceux  dos  hommes. 
Magnilien  dit  :  Vous  y  penserez. 

«  Au  bout  de  trois  jours,  Tnitendant  se  fit 
amener  l'évèque  Féhx,  et  lui  dit  :  Eh  bien, 
avez-vous  pei;sé  à  ce  que  je  vous  dis  lautre 
jour?  L'évèque  Félix  répondit  :  Quand  j'y 
penserais  toute  ma  vie,  je  ne  vous  d.rais  jjas 
autre  chose  ciue  ce  que  je  vous  ai  déjà  dit, 
ce  que  je  vous  dis  encore,  et  que  je  suis 
prêt  de  dire  en  pi  ésence  du  proconsul  lui- 
même.  Magnilien  dit  :  Vous  le  direz  uoiic  au 
proconsul  à  qui  je  vais  vous  renvoyer.  Il  le 
consigna  en  môme  temps  à  Vincent  Celsin, 
décurion  de  Thibare. 

«  11  partit  de  cette  ville  le  S'*  de  juin,  pour 
Carthage,  oij  était  le  proconsul.  Il  fut  d'a- 
bord présenté  à  son  lieutenant,  qui  le  tit 
mettre  en  prison,  après  lui  avoir  fait  subir 
l'uiterrogatoire.  Le  lendemain  il  comparut 
devant  le  proconsul  (Anulin),  qu'il  n'était 
pas  encore  jour.  Pourquoi,  lui  dit  ce  juge, 
ne  voulez-vous  pas  donner  des  livres  qui 
vous  sont  inutiles,  et  qui  sont  de  si  peu  de 
valeur?  Je  ne  puis  les  donner,  répondit  lé- 
vêque.  Le  proc  nsul  ordo  ina  qu'il  serait 
mis  dans  un  cachot,  les  fers  aux  pieds  et 
aux  mains;  il  y  p^ssa  seize  jours  entiers.  Le 
seizième  au  soir,  Anulin  se  le  fil  amener 
tout  enchaîné,  et  lui  dit  encore  :  Pourquoi 
ne  rendez-vous  pas  ces  livres  qu'on  vous 
demande?  L'évèque  répondit  :  Je  ne  les  ren- 
drai point.  A.nulin  l'envoya,  le  7  de  juillet, 
au  préfet  du  prétoire,  qui  était  alors  en  Afri- 
que. Le  préfet  le  fit  charger  de  chaînes  en- 


FEL 


990 


corn  p.ns  pesantes,  et  après  l'avoir  retenu 
neuf  jours  dans  ses  [irisons,  il  l'envoya  à 
Rome,  aux  empereurs.  On  embanpia  Jonc 
l'évèque,  attaché  à  une  grosse»  chaîne.  Le 
trajet  fut  do  quatre  jours,  durant  lesquels  il 
demeura  sans  boire  et  sans  mang  r,  couché 
dans  le  fond  de  cale,  entre  les  pieds  des  che- 
vaux, n'ayant  pour  lit  que  la  litière  (pi'on 
leur  fiisait.  Le  vaisseau  prit  terre  en  Sicile, 
au  i)ort  d'Agrigenle  (Gergente  ou  Gcrgenii), 
où  les  frères  le  reçurent  avec  tout  l'honneur 
dû  à  sa  vertu  et  à  son  caractère  :  d  Agi  igente 
il  fut  transféi-é  à  Caane,  de  Catane  à  Mes- 
sine, et  de  Messine  à  Tormina,  où  on  le 
rembar(|ua;  et  le  navire,  après  avoir  tra- 
versé le  détroit  de  Sicile  et  rasé  les  côtes  de 
la  Lucaiiie,  le  laissa  à  Ruio,  d'où  il  fut  con- 
duit à  Vénnze  (ville  de  la  Pouille).  Là,  un 
commissaire  envoyé  par  les  empereurs  lui 
fit  ôter  ses  chaînes,  et  sur  le  refus  qu'il  lit 
toujours  de  rendre  les  livres  sacrés,  il  fut 
condamné  à  m(jrt,  et  exécuté  le  30  août. 

■«■  Comme  on  le  menait  an  sufiplice,  la  lune 
■parut  comme  toute  sanglante;  le  saint,  levant 
les  yeux  au  ciel,  dit  :  Seigneur  Jésus,  je 
vous  rends  grâces  de  ce  que  vous  remettez 
mon  âme  en  liberté.  J'ai  demeuré  sur  la  terre 
cinqu  nte-six  ans,  mais  j'en  sors  avec  ma 
première  innocence  :  j'ai  vécu  vierge,  et  je 
meurs  vierge;  j'ai  gardé  les  préceptes  de 
votre  Evangile,  et  j'ai  appris  aux  autres  à  les 
girder.  Comme  une  victime  choisie  dans  le 
lrou[»eau,  je  baisse  la  tète  sous  le  couteau 
qui  va  m'ôter  la  vie.  » 

FÉLIX  (saint),  l'un  des  compagnons  du 
saint  martyr  Cyriaque,  diacre  de  l'Eglise  ro- 
maine, mourut  en  303,  à  Rome,  sur  la  voie 
Sa  aria,  cù  il  lut  enterré.  Ils  furent  vingt- 
six  dans  le  même  jour  mis  à  mort  au  môme 
endroit.  L'Eglise  célèbre  leur  fête  collective 
le  jour  de  leur  translation,  qui  eut  lieu  le  8 
août.  {Voy.  Cyriaque.  Voy.  aussi  l'abbé 
Grandidier,  Histoire  de  VEglise  de  Stras- 
bourg.) 

FELIX  (saint),  souffrit  à  Milan  pour  Jé- 
sus-Christ, avec  saint  Nabor,  en  l'an  30i  de 
l'ère  chrétienne.  Leurs  relic[ues,  déposées 
d'abord  hors  de  la  ville,  y  furent  depuis  rap- 
portf^es.  La  piété  des  fidèles  éleva  une  église 
sur  le  lieu  où  elles  furent  déposées.  Les 
restes  de  saint  Nabor  et  de  saint  Félix  soit 
encore  dans  la  même  église,  qui  a  aujour- 
d'hui le  nom  d'église  Saint-Franço  s. 

FÉLIX  (saint),  fut  martyrisé  à  Saragosse, 
en  Espagne,  parles  ordres  de  Dacien,  qui 
en  était  gouverneur,  en  l'an  de  Jésus-Christ 
30i,  durant  la  persécution  de  Dioclétien. 
Dix-sept  autres  furent  martyrisés  avec  lui. 
On  trouveia  leurs  noms  à  l'article  Dacien. 
Les  dix-huit  martyrs  de  Saragosse  sont  très- 
honcrés  en  Espagne.  C'est  Prudence  qui 
rapporte  ce  qu'on  sait  d'eux.  Ils  sont  ins- 
crits au  Martyrologe  romain  sous  la  date  uu 
16  avril.  [Voy.  PruJence,  de  Cor.,  hymn.  k. 
Tillemont,  vol.  V,  p.  229.  Vasseus,  Belga.) 

FÉLIX  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
donner  son  sang  pour  la  défense  de  la  reli- 
gion. Ce  fut  à  Girone  qu'il  perdit  la  vie  pour 
Ihop.nuur  de  sa  foi.  Après  diverses  sortes 


991 


FEL 


FEL 


992 


de  tourments,  il  fut  bnttu  et  d(5chiré,  par 
l'onire  du  président  Daoien,  iusiprà  ce  qu'il 
eût  rendu  son  Ame  à  Jésus-Christ.  L'Eglise 
fait  sa  l'ète  le  1"  aoilt. 

FÉLIX,  lils  de  saint  Siturnin,  prêtre,  fut 
l'iiu  des  ({uarante-huit  martyrs  mis  h  mort 
avec  saint  Saturnin,  en  Afri  lue,  sous  le  i)ro- 
consul  Anulin,  en  l'an  de  Jésus-Clirist  305, 
sous  le  règne  et  dnrantla  persécution  atroce 
que  l'infâme  Diocl  Hien  suscita  contre  TE- 
glise  du  Seigneur.  {Voy.  Saturnin.)  L'Eglise 
célèbre  la  fcte  de  tous  ces  saints  le  11  fé- 
vrier. 

FÉLIX  (saint),  nom  de  trois  des  quaran'e- 
huit  martyrs  qui  furent  mis  à  mort  en  Afri- 
que, en  l'an  de  Jésus- Christ  303,  avec  saint 
Saturnin,  prêtre,  sous  le  proconsul  Anulin, 
et  durant  la  persécution  de  l'emoereur  Dio- 
ch'-tien.  (Fo//.  Saturmx.) 

FÉLIX  II  (saint),  pape  pt  martyr,  fut  ma-^- 
tyrisé  à  Cervetio,  en  Toscane.  Ayant  été 
chassé  de  son  siège  pour  la  foi  catholique, 
par  Constance,  empereur  arien,  il  périt  se- 
crètement, mais  avec  gloire,  par  le  glaive, 
dans  la  ville  de  Cervetro,  en  Toscane.  Des 
clercs  emportèrent  son  corps  et  le  mirent 
dans  un  tombeau  sur  la  voie  Aurélienne. 
Transporté  depuis  dans  l'église  de  Saint- 
Côme  et  Damien,  et  placé  sous  le  grand  au- 
tel, il  y  fut  trouvé  durant  le  pontificat  de 
Grégoire  XIII,  avec  les  reliques  des  saints 
Marc,  Marcellien  et  Tranquillin,  avec  les- 
queles  on  le  remit  dans  le  môme  lieu,  le 
derr.ier  jour  de  juillet.  On  trouva  aussi  sous 
le  même  autel  les  corps  des  saints  martyrs 
Abonde,  prêtre,  et  Abondance,  diacre,  qui 
fnre.it  ((uclqnc  temps  a|)rè-i,  la  veilie  du 
jour  même  de  leur  fcte,  transportés  solen- 
nellement dans  l'église  de  la  Com])agnie  de 
Jésus.  L'Eglise  fait  la  mémoire  de  notre 
saint  le  '29  juillet. 

FÉLIX,  surintendant  des  finances  sous 
Julien  l'Apostat,  pilla  les  églises  d'Antioche, 
avec  El|)ide,  trésorier  du  domaine,  et  le 
comte  Jidien,  oncle  mat(îrnel  de  l'empereur. 
Ce  fut  lui  qui,  en  voyant  les  vases  sacrés  en 
métal  [)récieux,  tint  ce  propos  abominable: 
«  Voyez  dans  quelle  vaisselle  on  swt  le  tils 
de  Marie.  »  Le  jour  même,  il  fui  |>r1s  d'une 
hémoiitysie  (rupture  d'un  vaisseau  sanguin 
dans  le  poumon),  et  mourut  en  perdant  tout 
son  sang  par  la  boin  lie.  Saint  Chr  sostome 
a  jtoussé  un  peu  loin  la  licence  du  langage, 
en  dis.Mit  (pie  Féliv  creva  [)ar  le  milieu  du 
corps.  D'après  Théodoret,  ainsi  (pie  nous 
venons  de  le  dire,  ce  fut  un  vaisseau  qui 
creva,  (|ui  se  rompit  dans  les  poumons,  à 
peu  près  au  milieu  du  coi'ps  si  l'on  veut. 

FEUX  saii'tj,  martyr,  ('ilait  évê(|ue.  Il  fut 
un  des  principaux,  avec  l'évêriue  (^ypri(Mi, 
(pii  soullrirent  le  martyre,  au  nombre  d(î 
qualr(!  mille  innif  cent  soixante-six,  durant 
la  [)(!rsécution  des  Vand.iles,  sous  llunéiic. 
Il  y  avait  parmi  ce  nombre  immense  des 
('•vêques,  des  pi'êlrcs  et  des  diacres  aux(picls 
•s'étaient  réunis  un  grand  nombi-e  (h;  chré- 
tiens de  louti's  les  conditions  Ils  furent  (;lias- 
s<'s  d(;  leur  pays  \)()\iv  la  dél'ense  de  la  vérité 
catholique,  et  menés  en  (!xil  dans  un  hoiri- 


ble  et  affreux  désert.  Pendant  qu'ils  y  al- 
laient, les  Maures  qui  les  conduisaient  pi- 
quaient les  uns  avec  leurs  javelines  pour 
leur  faire  hAter  le  pas,  meurtrissaient  les 
autres  à  coups  de  pierres  ;  ils  en  lièrent  plu- 
sieurs par  les  pieds,  et  les  traînant  comme 
des  cadavres  par  des  chemins  rudes  et  ra- 
boteux, ils  leur  déchiraient  tous  les  mem- 
bres. Enfin,  après  une  si  grande  variété  de 
tourments,  tous  reçurent  l'honneur  du  mar- 
tyi'(!.  L'Eglise  célèbre  la  mémoire  des  saints 
Félix  et  Cyi.rien,  évêques,  le  12  octobre. 

FÉL!X  (saini),  martvr,  honoré  pir  l'Eglise 
avec  saint  Ach.llée,  le  1"  mai.  Sans  autre 
indication. 

FÉLIX  (saint),  souffrit  le  martyre  pour  la 
foi,  h  une  époque,  dans  un  lieu  et  des  cir- 
constances qui  nous  sont  complètement  in- 
connus. L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  23 
mar<. 

FÉLIX  (saint),  versa  son  sang  pour  la  foi 
à  Uzale,  en  Afrique.  Il  eut  pour  compagnon 
saint  Gennade.  Nous  n'avons  pas  de  détails 
sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  16  mai. 

FÉLIX  (saint),  reçut  la  palme  du  martyre 
à  Apollinie,  en  Macédoine.  Il  eut  pour  com- 
pagnons de  son  triomphe  les  saints  Isaure, 
Innocent,  Jérémie et  Pérégrin,  Athéniens.  Ces 
courageux  combattants  de  la  foi  furent  livrés 
à  diverses  tortures,  puis  décapités.  On  ignore 
la  date  et  les  différentes  circonstances  de 
leur  martyre.  L'Eglise  fait  collectivement 
leur  fête  le  17  mai. 

FÉLIX  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  confession  de  sa  foi  h  Alexandrie, 
oij  il  mourut  en  prison,  avec  le  prêtre  Ara- 
tor,  et  les  saints  Fortunat,  Silvm  et  YitaL 
On  ignore  h  quelle  é|;oque  leur  martyre  eut 
lieu.  L'Fglise  célèbre  la  mémoire  de  tous 
CCS  sM'Tt^  le  21  avril. 

FÉLIX  (saint),  reçut  la  palme  glorieuse  du 
martyre  à  Hér-adée,  avec  saint  Janvier.  Le 
môme  jour  fut  martyrisé  aussi  sain.t  Julien. 
Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  donnent  au- 
cun di'lail  sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  fête  le 
7  janvier. 

FÉLIX  (saint),  martyr,  reçut  la  couronne 
du  martyre  en  Afrique,  avec  les  saints  Théo- 
dule,  Aiièse,  Corriélie  et  leurs  compagnons, 
dont  les  noms  sont  ignorés.  On  ignore  éga- 
lement l'époque  de  leur  martyre.  L'Eglise 
hono  e  leur  mémoire  le  31  mais. 

FÉLIX  (saint),  était  natif  de  Siponte.  Il  re 
çut  lacouroniedu  martyr(î  à  Forconio,  dans 
l'Abbruze  ultérieure.  Il  eut  pour  compagnons 
de  son  martyre,  saint  Florent,  son  com|)a- 
triote  Les  ciélails  nous  man(pi(mt  sur  eux. 
L'Eglise  fait  leur  fêle  le  25  juillet. 

FELIX  (saint),  évê(pie  et  martyr,  eut  le 
bonheiir  de  verser  son  sang  [lour  la  foi  à 
Pavie.  Nous  ne  possédons  aucun  détail  sur 
hii.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  15  juillet. 
FÉLIX  (saint),  prêtre  et  confisseur,  en- 
dura d(!  grands  tourments  à  Pistoie.  en 
riioimeur  de  Notr-e-Scigneur  J;'sus-Christ. 
Nous  n'avons  f)oiiit  de  délai  s  sur  lui.  L'I"!- 
glise  honore  sa  sainte  mémoire  h^  20  aoi1t. 
FÉLIX  (saint),  était  prêtre  .^  Ter-r-acine  en 
Campanie.  Il  y  soull'ril  le  martyre  aveu  lo 


903 


FLl 


FEL 


904 


moine  Eusèbe,  qui,  ayant  enseveli  le  corps 
lie  saint  Julien  et  de  saint  Césaire,  et  con- 
vcitissanl  plusieurs  inliilèles,  que  notre  saint 
piiMro  Féiiv  t)aptisait,  fut  arrêté  avec  lui.  On 
\v<  mena  tous  deux  devant  le  jujj;e,  (jui, 
n'aNaiit  pu  les  vaincre,  les  lit  mettre  en  |)ri- 
soi.  Etar.t  demeurés  fermes  dans  la  résolu- 
tion de  ne  point  sacrilier,  dès  la  ménu!  nuit 
ils  furent  décai)ités.  L'Eglise  fait  leur  fête  le 
5  novembre. 

FÉLIX  (saint),  martyr,  mourut  h  Rome, 
en  confessant  sa  foi,  avec  les  saints  Calliste 
et  BoTiiface.  On  n'a  aucun  détail  sur  eux. 
L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  29  décembre. 

FÉLIX,  (saint),  martyr,  souilrit  la  mort  en 
riiouneur  de  Jésus-(]brist ,  avec  les  saints 
Zoél,  Servile,  Silvain  et  Dioclès.  Leur  mar- 
tyre eut  lieu  dans  l'istrie.  L'Eglise  honore 
k'urinémo  re  le  2V  juin. 

FÉLIX  (saint),  marlyr,  mourut  en  confes- 
sant sa  foi  poiu"  l'honneur  do  Jé>us-Christ. 
11  eut  pour  conq)agnons  de  son  martyre  les 
autres  évèques ,  saints  Valérien  ,  Urbain, 
Crescent,  Eustache,  Crescone,  Crescentien, 
Hortulan  et  Florentien.  Ils  fureU  tous  coi- 
.iaiiuiés  à  l'exil,  et  y  niouiurent.  L'Eglise  fait 
leui-  fête  le  28  novembre. 

FÉLIX  (saint),  marlyr,  cueillit  la  palme  du 
martyre  à  Thagore,  en  Afrique,  a- ec  les 
saints  Jules,  Polauiie,  Crispin,  Grat  et  sept 
autres  inconnus.  Les  circonstances  et  la  date 
de  leur  martyi'C  sont  ignoiées.  L'Eglise  fait 
leur  fête  le  5  décembre. 

F'ÉLIX  (saint),  était  moine.  Il  mourut  pour 
la  défense  de  la  religion  dans  la  ville  de 
Fondi  dans  la  Campagne  de  Home.  Nous 
n'avons  aucun  détail  sur  lui.  L'Eglise  ho- 
nore son  illustre  mémoire  le  6  novembre. 

FÉLIX  (saint),  eut  le  glorieux  avantage  de 
répandre  son  sang  pour  la  foi  de  Jésus- 
Christ,  à  Adrumète  en  Afr  que.  Il  eut  pour 
compagnons  de  sa  gloire  les  saints  Vérule, 
Secondin,  Sérice,  Servule,  Saturnin,  Fortu- 
nat  et  seize  autres  dont  les  noms  malheu- 
reusement ne  sont  point  parvenus  jusqu'à 
nous.  Leur  martyre  eut  lieu  durant  la  persé- 
cution que  les  Vandales  tirent  soutl'rir  aux 
catlioliques.  On  ignore  la  date  et  les  ditfé- 
rentes  circonstances  de  leur  martyre.  LEglise 
fait  leur  fête  le  21  février. 

FÉLIX  (saint),  eut  le  glorieux  avantage 
de  répandre  son  sang  en  Afrique  pour  la 
défense  de  la  religion  chrétienne.  Il  eut  pour 
partager  ses  soutfrances,  les  saints  Sym- 
phrone,  Hippolyle  et  leurs  compagnons  dont 
malheureusement  les  noms  ne  sont  point 
parvenus  jusqu'à  nous.  Nous  n'avons  pas 
d'autres  détails  précis.  L'Eglise  fait  collec- 
tivement leur  mémoire  le  3  février. 

FÉLIX  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi,  en  Sardaigne,  avec  les  saints 
Emile,  Priam  et  Lucien.  Nous  n'avons  aucun 
détail  concernant  le  lieu  piécis,  la  date  et 
les  circonstances  de  leurs  soutfrances.  L'E- 
glise fait  leur  fête  le  28  mai. 

F'ÉLIX  (saint),  moine,  martyr,  était  natif 
de  Complut,  mais  Africain  d'origine.  Il  fut 
martyrisé  à  Cordoue  sous  le  règne  d'Abdé- 
rame  II,  avec  saint  Anastase,  prêtre  et  moine. 


Ce  dernier  avait  été  instruit  dès  l'enfance  h 
Saint-Aciscle  do  Cordoue.  Fêtant  diacre,  il 
en  quitta  les  fonctions  [lour  embrasser  la 
vie  monastique  et  fut  enlin  ordoiuié  piètre. 
S'étant  présenté  aux  juges  et  ayant  [larlé 
conlieleur  prophète,  il  fut  aussitôt  exécuté; 
tous  (l(  ux  euient  la  tête  tranchée.  L'Egliso 
fait  leur  fêle  le  l^i-  juin. 

FÉLIX  (saint),  martyr,  reçut  la  couronne 
du  martyre  à  Cordoue  en  Espagne,  du  temps 
de  la  (  ersécution  qiui  les  Arabes  liient  souf- 
frir aux  chi'étieiis.  Il  eut  pour  conq)agnons 
de  ses  gloineux  combats  les  saints  (ieorges, 
Aurèle  et  les  saintes  Nalalie  et  Liliose. 
L'iilglise  fait  leur  fête  collective  le  27  juillet. 

FÉLIX  (saint),  diacre  et  martyr,  fut  cou- 
ronné pour  la  défnise  de  la  religion  chré- 
tienne dans  la  ville  de  Séville.  Les  Actes  des 
martyrs  ne  nous  ont  transmis  aucun  détail 
sur  les  ditférentcs  circonstances  de  ses  com- 
bats. L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  2  nuii. 

FÉLIX  (saint),  eut  l'avantage  de  mourir  pour 
sa  foi  avec  sa  nt  Fortunat  et  vingt-sept  autres 
dont  les  noms  sont  inconnus.  L'Eglise  fait 
Lur  mémoire  le  26  février, 

FÉLIX  {Marcua  Minutius),  célèbre  par  le 
dialogue  intitulé  Octave,  où  il  défend  avec 
beau(;oiip  d'esprit  et  d'éloquence  la  religion 
chrétienne,  demeurait  à  Rome,  et  exerçait 
avec  ['éputation,  vers  le  temps  de  l'empereur 
Sévère,  la  profession  d'avocat.  Son  style 
donne  quelque  lieu  de  croire  qu'il  était  d'A- 
frique. Il  avait  été  engagé  d'abord  dans  le 
paganisme,  jusqu'à  un  c1ge  avancé.  Dieu  dis- 
sipa entin  ses  ténèbres,  l  tira  de  ce  profond 
abîme,  et  l'appela  à  la  lumière  de  sa  vérité 
et  de  sa  sagesse.  Saint  Eucher  le  met  entre 
ceux  qui,  étant  grands  dans  le  siècle  par 
leur  éloquence,  n'avaient  pas  voulu  soutlrir 
que  les  ignorants  seuls  ravissent  le  ciel,  et 
avaient  fait  une  heureuse  violence  pour  y  en- 
trer avec  eux. 

Il  avait  un  ami  intime,  nommé  Januarius 
Octavius,  qui  entiait  dans  toutes  ses  incli- 
nations, et  partageait  avec  lui  toutes  ses  joies 
et  toutes  ses  peines.  Cet  Octave  avait  une 
femme  et  des  enfants,  il  avait  aussi  été  païen 
et  avocat  ;  et  il  avoue  lui-même  que,  ne  re- 
fusant point  d'employer  son  esprit  et  son 
éloquence  pour  défendre  des  gens  coupables 
de  sacrilèges,  d'incestes  et  de  parricides,  il 
n'y  avait  que  les  chrétiens  qu'il  ne  croyait 
pas  même  qu'on  pût  écouter,  tant  il  était 
prévenu,  par  aveuglement  et  une  stupidité 
étrange,  des  calomnies  qu'on  répandait  con- 
tre eux  ;  sans  considérer  que,  tout  le  monde 
publiant  d'eux  des  crimes  atroces,  personne 
néanmoins  n'en  donnait  de  preuves  et  ne 
s'en  disait  témoin.  Quelquefois  même,  étant 
juge  ou  conseiller  et  assesseur  des  juges,  il 
avait  exercé  contre  les  chrétiens  une  misé- 
ricorde aussi  cruelle  qu'injuste,  en  leur  fai- 
sant donner  la  question,  non  pour  leur  faire 
avouer  la  vérité,  mais,  par  un  entier  renver- 
sement de  l'ordre,  pour  les  contrauidre  de  la 
désavouir  a[)rès  qu'ils  l'avaient  confessée. 
S'il  eût  été  conduit  par  la  raison  plutôt  qu^' 
poussé  par  les  démons  qui  le  possédaient,  il 
les  eût  fait  tourmenter  pour  savoir  la  vérité 


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FEL 


FEL 


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des  incestes,  et  les  autrrs  crimes  qu'on  leur 
im')utail,   unis   c'est  à  (juoi  il  soi.^eait    le 
moi  "S.  Quu  si  quehiue  chrétien    plus   faible 
succombait  à  la   iloulcur  el  renonçait  à  sa 
religion,  nous   lui   applaudissio'is,  dit-il,  et 
nous  lui  (It'venions  favorables,  comme  si,  en 
disant  <iu  il   ri'é.ait   plus   chré  ien,  il  se  fût 
purgé  de  tous  les  crimes  qu'il  avait  dûcom- 
mcUre  durant  qu'il  l'avait  été.  Dieu  eut  en- 
fin piliédelui  aussi  bien  que  de  son  ami  ;  et 
lorsque  Minutms  Félix,  se  convertit,  Octave 
ne  refusa  i)as  de  prendre  [»art  à  un  si  heu- 
reux chaujiiemcnt,  ou  plutôt  i'  le  j)révint  lui- 
niéiue.  Quoiqu'il  fût  si  uni  à  Minuiius,  il  jia- 
rait  qu'il  ne  uemeurait  pas  ordinairement  à 
Rome  comme  lui  ;  mais  le  désir  de  voir  cet 
ami,  et  quelques   affaires   l'ayant  obligé  de 
laisser  sa  maison,  sa  femme  et    ses   enfants 
enco.e   tous  petits,  pour  y  venir   par   mer 
lorsqu'on  ne  l'y  atsendait    pas,   Minuiius  le 
reçut  chez  lui  avec  une  joie  cjui  ne  se  |)eut 
exj)rimer.  Coumie  c'était  <ilors  le  teuips  des 
vendanges,  où  les  avocats  étaient  plus  libres 
à  cause   des    vacations,  ils   s'en   allèrent  se 
promènera  Osiie,  oii  Félix  voulait  se  bai- 
gner poui'  sécher  quelques  (mauvaises)  hu- 
meurs par  l'eau  de  la  mer.Minutiusy  mena 
aussi   Cœcilius  Natalis,  qu'il  avait  presque 
toujours   auprès  de  lui.   Il   pouvait  être  de 
Cirthe,  ou   au   moins   Africain.   C'était  un 
homûic  franc  et  sincère,    mais   zélé  pour  le 
paganisme;  de  sorte  qu'étant  sorti  le  matin 
avec  les  deux  autres  pour  s'aller   promener 
sur  le  bo.dde  la  mer,  et  ayant  rencontré  une 
statu»'  Ue  Sérapis,  il  porta  sa  main  à  sa  bou- 
che pour  la  baiser,  ce  qui  était  une  manière 
d'adoration  parmi  les  païens.  Octave  l'aper- 
çut, et  dit  à  Minutius  :  Eu  vérité,  mon  frère, 
ce  n'est  pas  être  bon  ami  de  soutlrir  qu'une 
personne  si  unie  à  vous  demeure  dans  un  tel 
aveuglement,  et  qu'il  se  heurte  en  p'ein  jour 
contre  des  [àerres,   car  vous  savez  (jue  cela 
n  est  pas  moins  honteux  pour  vous,   qui  le 
laissez  dais  celte  erreur,  que  pour  lui-même. 
Ceecihus  fut   fort   i)iqué  de  ce  discours,  de 
sorte  que,  flurant  que   les  deu\  autres  s'en- 
tretenaient avec  gaieté,  lui  demeurait  triste 
et  peu  if  sans  rien  dire.  Minutius    s'aperçut 
du  trouble  de  son  esprit  ;  il  lui  en  demanda 
la  cause,  et  Ccccilius  la  lui  avoua,   ajoutant 
que    puiscjne  Octave   l'avait  accusé  d'igno- 
lance,  il  v(julail   entrer  en  conférence   avec 
lui,  el  souteiiii'  la  religion  de  ses  dieux  ;  les 
autns  y  consentirent,    et  s'allèrent   asseoir 
sur  des  pierres  posées  pour  arrêter-  les  Ilots 
de  la  mer  ;  ils  mirent   Minutius  au    milieu 
d'eux,   moins  parce  qu'il  était  le  plus  consi- 
dérable, comme  cela  i)arait  par  cet  endroit, 
(juc  parce  (pie  Cœcilius  même  consentait  de 
le  prendre  pour  arbitre,  en  le  priant  de  ju- 
ger de  ce  qu'on  dirait,  non  par   l'amour   qui 
le  tenait   attaché  5  la  rel  gion  des  cliréilens, 
mais  par  la  force-  dt.'S  raisons  «lue  l'on  allè- 
gu(;r.iit  de  |)..rt  et  u'autre.  Dieu  |)eriuil  ainsi 
<jue  la  vanné  de  (^c'ecilius  1.;  por.Atà  s'euga- 
g(!r  de  lui-même  dans   cette  (li>j»ute,  qui  <Je- 
Mul  être  aussi  utile  pour  son  saïul   (juc  glo- 
rieuse à  la  vérité. 

Ou  ijeul  voir  dons  1  histoire  de  'l'i  rtuUien 


et  d'Origcne  l'abrégé  des  discours  de  Cff?ci- 
lius  el  u'Octave  :  il  suliil  pour  notre  des-ein 
de  dire  que  Cœcilius  parla  avec  éloquence  et 
avec  véhémence,  mais  mo  ns  pour  sa  reli- 
gion que  cont'e  les  c  réti  ns.  H  fn.il  par 
une  raillerie  pi(]u.:nte  contre  Octave,  lui  in- 
sultant avec  mépris,  comme  à  un  homme 
qu'il  se  ilatta.t  déjà  d'avoir  vaincu,  el  dont 
il  croyait  s'être  bien  vengé  en  doim  nt  toute 
la  liberté  à  son  ressentiment.  Minutius, 
comme  arbitre  de  la  dispute,  lui  dit  ciu'il  fal- 
lait éloigner  toute  insulte  d'une  coniérence 
où  ilsavaient  pour  but  de  cennaitrela  vérité, 
et  non  d'acquérir  une  vaine  i  épul;.tion  ;  que 
la  subtilité  et  la  variété  des  pensé(  s  par  les- 
quelles il  avait  soutenu  son  sentiuu  ni  lui 
avaient  fort  plu  ;  mais  qu'il  n'était  pas  tem  s 
de  triompher  jusqu'à  ce  que  tous  les  deux 
eussent  été  entendus. 

Octave  parla  donc  ensuite,  et,  se  souve- 
nant qu'il  défendait  non  sa  propre  cause, 
mais  une  religion  qui  n'enseigne  que  la  cha- 
rité et  1  humilité,  au  lieu  de  répondre  aux  in- 
jures de  Cœcilius  par  d'autres  injures,  il  le 
traita  civilement,  l'appelant  même  son  frère; 
mais  il  réfuta  son  discours  avec  toute  la 
force  de  la  vérité.  Il  expliqua  d'une  manièie 
admirable  les  principes  el  les  maximes  de 
notre  religion,  quoiqu'il  soit  plus  faci.e  de 
les  sentir  et  de  les  goûter  que  de  les  expri- 
mer. Il  les  mit  dans  leur  jour  par  les  preu- 
ves, les  exemples  et  les  autorités  dont  il  les 
apfiuya.  Il  tourna  contre  les  païens  les  ar- 
mes mêmes  de  leurs  philosophes,  et  repré- 
senta notre  religion  non-seulement  comme 
sainte,  mais  même  comme  favorable  et  utile 
aux  hommes  ici-bas. 

L'etfet  de  son  discours  montra  bien  qu'il 
ava.t  parlé  par  l'inspiration  (Je  Dieu,  et  qu'il 
avait  obtenu  le  secours  qu'il  lui  a\ait  de- 
mandé ;  car,  après  qu'il  eut  cessé  de  parler, 
Minutius,  n't  sanl  témoigner  combien  il  ad- 
mirait son  discours,  el  Cœcilius  (tant  de- 
meuré quel  |ue  temps  dans  le  silence, commo 
à  demi  interdit,  Cœcilius  s'écria  tout  d'un 
coup  :  Je  n'attends  point  la  sentence  de  no- 
tre arbitre;  nous  sommes  tous  deux  victo- 
rieux :  Octave  triomphe  de  moi,  et  je  triom- 
phe de  mon  erreur.  Je  me  soumets  à  Dieu, et 
je  confesse  que  la  religion  de  Jésus  Christ, 
dont  je  suis  dès  à  présent,  est  la  véritable. — 
Et  moi,  dit  Minutius,  (jui  me  vois  déchargé 
de  la  peine  de  prononcer  comme  juge  en  la- 
veur (Je  ma  religion,  je  me  réjouis  i)our  vous 
deux,  aussi  bien  que  [lour  moi,  de  la  victoire 
d'Octave.  Je  n'entreprends  ^las  de  relever 
son  mérite;  le  témoignage  d  un  homme,  et 
d'un  seul  homme,  est  troj)  peu  de  chose,  et 
c'est  moins  lui  qu'il  faut  louer  (pie  Dieu  mê- 
me, ([ui  l'a  fait  vaincre. 

Ils  se  retirèrent  ensuite  avec  une  joio 
commune  de  la  conversion  de  Ca^cilius,  re- 
mettant les  instructions  (pi'il  d(nnan(ia  sur 
quelques  points  particuliers  dont  il  n'/'lail 
pas  ass(!/.  éclairci,  (pioiipi'il  ne  lui  iesl,.t  au- 
cun d(jule  si.r  le  fond  de  vérité,  .^liimlius  n'a 
rien  écrit  de  ce  (pii  se  dit  sur  ((  l.i ,  mais  il 
nous  i'.ssui'e  Irè.—cl.uieuunit  que  Cœiilius  cui- 
b.nssd  tout  à  fait  le  chnstianismej  ol  uuus 


097 


FKL 


FEU 


m 


no  pouvons  douter  quo  s.\  vio  ii'ail  n^pondii 
naiirtouKMil  à  telle  piTinièro  i^i'Ai;»',  si  c'est 
1(3  più.i-e  CaHîilius  ([ue  .saiiil  Fonce  nous  .![)- 
p;vii(l  avoir  converti  sainl  Cypnen  (vers  l'an 
2i;i).  Celait,  dit-il,  un  lioniine  juste,  estimé 
de  tout  lu  monde,  vénérable  par  sa  dij^julé 
aussi  l)ien  (jue  par  soi  A^^e.  Saint  Cpiirn, 
<pii  demeurait  avec  lui,  rcslimail,  l'Iio.  orait, 
le  respertail,  liî  lèverait,  le  considérant  non 
comme  un  ami  et  un  égal  (car  il  [laiait  cfu  il 
était  déjA  prêtre  aussi  bien  que  lui),  mais 
comme  Je  père  d^'  sa  nouvelle  et  de  sa  véri- 
table vie.  1!  prit  même,  ù  cause  de  lui,  Je 
nom  de  Caecilius,  et  CiBcilius,  de  sa  part, 
pour  reconnaître  cette  extrême  ailect-on,  lui 
reedmmanda  eu  mourant  sa  femme  et  ses 
enl'auts  ,  le  1  iissant  ( omme  h 'l'ilier  de  sa 
[li'té  et  de  sa  tendresse  envers  eux.  L'iig  ise 
J  ho'iore  (xibluiuement  le  3  jui  i.  liaiv/uias 
croit  (|ue  c'est  le  même  Cœcilius  qui  l'ut  coa- 
Vi'rli  par  le  discouis  d'Octave  (et  nous  avons 
v,i  (|ue  celui-ci  était  Afiic.iin;  ;  ^  quoi  il  faut 
a  ouiei"  que  saint  Ctprie'i,  uaiis  un  dt.s  ])re- 
ii.icrs  ouvrages  qu'il  a  faits,  (0[)ie  diverses 
choses  du  discours  (FOclave.  Ce  iiui  est  cer- 
tain, c'est  que  rien  ne  répugne  à  cetie  con- 
jecture. 

Pour  ce  que  quelques-uns  veulent  que  ce 
soit  encore  le  même  que  Célien  ou  céc.lien, 
précepteur  de  Diadumène,  (ils  de  Macrin,  on 
Vcria  autre  part  que  c'est  une  chose  sans 
vraisemblance  :  il  serait  plus  aisé  de  croire 
que  c'est  le  même  i|ue  INalalis,  q  .i,  ayant 
confessé  Jésus-Christ,  et  appaierameut  sous 
Sévère, se  laissa  depuis  tromper  par  les  théo- 
dotiens.  Mais  c'est  une  simple  conjecture, 
qui  n'a  point  d'autre  fondement  que  la  res- 
semblant e  du  nom.  Ceux  qui  la  voudront 
suivre  seront  obligés  de  dire  que  Miuutius 
Félix  a  écrit  avant  la  tin  de  Sévère  :  car  il 
n  eut  pas  oublié  la  confession  de  son  ami. 
La  faute  du  confesseur  Natalis  ne  i  ermettrait 
guè.e  non  plus  (ju'on  crût  que  c'est  le  doc- 
teur et  le  Père  de  saint  Cyprien. 

Octave  mourut  quelque  teaips  après  avoir 
acquis  Cœcilius  à  l'Kglise,  et  lit  par  sa  mort 
uie  plaie  profonde  dans  l'ame  de  Miuutius 
FéliX.  11  se  con--olait  néanmoins  de  la  |)erle 
que  ses  yeux  avaient  f  ,ite  de  son  ami,  par  le 
souvenir  de  ses  actions,  qui  le  lui  rendait 
comme  présent  ;  et  il  s'apjiliquait  surtout  au 
discours  par  lequel  il  avait  retiré  Cœcilius 
de  sa  vaine  superstition  :  il  le  mit  même  par 
écrit,  et  en  forma  ce  dialogue  célèbre  que  la 
Providence  divine  a  conservé  jusqu'à  nous, 
et  qu'on  appelle  ordinairement  lOctave. C'est 
le  titre  qu  il  portait  déjà  du  temps  de  Lac- 
tance.  Miuutius  Félix  le  lui  avait  sans  doute 
donné  pour  honorer  la  mémoire  de  son  ami, 
quoique,  assurément,  ce  (|ui  y  est  lui  appar- 
tie  nie  encore  plus  qu'à  0  tave. 

11  a  fait  voir  par  cet  écrit,  dit  Lactance, 
combien  il  était  capable  de  soutenir  la  vérité 
par  sa  p  urne,  s'il  se  fût  donné  tout  entier  à 
Cet  eiiqiloi.  S  dnt  Jérôme,  qui  le  met  au  rang 
des  auteurs  eoelésiastiques,  dit  qu  il  y  a  fait 
connaître  qu'il  pussédaii  toute  la  science  des 
lettres  et  de  la  lliéologie  des  païens.  Il  le  met 
avec  saint  Cypnen,  saint  Hilaire,  et  d'autres 


qui    ont  défendu   la   vérité   non-seulement 
avec  force,  m  .is  encore  avec  beaucoup  d'.  rt. 

Son  ouvia^c  avait  «l'abord  éé  iinpiimé 
comme  un  huitième  livre  d'Arnobe;  mais 
liaudou  M,  fondé  sur  l.aclaïuu;  et  sur  saint 
J  ruine,  l'a  rendu  à  son  véritable  auteur  i-ôs 
l'an  I5i;0,  et  personne  n'en  a  plus  do  té  de- 
puis. Baudouin, dans  sa  fil  éface,  fait  un  grand 
éloge  de  cet  ouvrage;  il  appelle  Arm  be  son 
imitateur  et  son  discifiie,  et  il  croit  (pj'Ar- 
nobe  l'avait  particulièieiiient  en  vue  lorxpj';] 
dit  qui;  des  jurisconsultes  et  des  orateurs 
avaient  embrassé  la  foi  chrét  enne. 

Minutius  Félix  promet,  sous  le  nom  d'Oc- 
tave, dans  son  dialogue,  de  traiter  complète- 
ment en  un  autre  livic  la  matière  du  destin, 
ou  ni;-r(jue  qn'd  l'avait  dgà  fait;  et  on  lui  a 
en  (  tlVl  attribué  un  livre  intitulé  du  Destin, 
ou  contre  tes  vieitliéDuiticims,  qui  s.;  trouve 
imprimé  dans  une  édition  d'Arnobe;  mais, 
quoapi'il  soit  o'unc  |)ersonne  él(,quente  et 
tiès-hab.le,  néanmoins  saint  Jérôiucî  doute 
qu'il  fût  de  lui,  pane  qu'il  le  trouvait  d'un 
autre  style  que  le  dialogue  d'Octave;  et  peut- 
être  qu'on  t.  attribuait  cet  ouvrage  à  .Minu- 
tius Félix  que  j  arce  qu'il  avait  [)iomis  de 
traiier  la  même  matière.  (ïi  lemont.) 
^  FEUDLNAND  (le  bienheureux),  naquit  à 
Cuhacan,  dans  la  Nouveile-Espagne,  et  était 
allié,  par  sa  mère,  au  cardinal  duc  de  Lerme. 
A  (iix-sept  ans  il  entra  dans  la  compagnie  ne 
Jésus  :  c'était  en  1598.  M,  prisant  les  digni- 
tés qu'il  aurait  pu  obtmir  dans  l'Eglise,  il 
vtiuhit  travailler  à  la  conversiin  des  indigè- 
nes idolâtres.  Il  fut  envoyé  au  Granii-...aiais, 
«u  delà  de  la  Nouvelle-B  scaye.  Plusieurs 
ni.ssionnaires  travaillaient  déjà  avec  succès 
dans  ce  pays,  et  plus  lie  cinquante  mille  in- 
uipène^  ava.ent  été  baptisés.  Parmi  les  loca- 
lités que  prêchaient  tes  missionnaires  ,  on 
disti'^guaii  ïenerapa  et  Sainte-Catherine,  oià 
la  relig.on  faisait  de  ,-,rands  progrès.  U,.  im- 
posteur, s'annonçant  comme  un  bis  du  Soleil, 
le  dieu  du  Ciel,  et  se  disant  le  dieu  de  la 
Terre,  amena  les  indigènes  à  secouer  le  loug 
de  l'Evangile;  et  il  fut  résolu  que  les  Jésuites 
seraient  massacrés  le  21  novembre  161G.  Sur 
ces  e.  trefailes,  Isabelle,  mère  de  notre  bien- 
heureux, étant  devenue  veuve,  s  était  retirée 
dans  un  couvent  de  Mexico. Comme  elle  crai- 
gnait de  ne  pouvoir  revoir  son  tils ,  à  cause 
des  dangers  journaliers  qu'il  courait ,  elle 
pria  le  provincial  de  faire  venir  Ferdinand 
dans  la  capitale  du  Mexique,  atin  de  lui  dire 
adieu;  el  e  ne  se  doutait  point  qu'elle  hâtait 
a'mA  la  mort  de  son  tils.  Celui-ci  se  rendit  au 
dés.r  de  sa  mère;  et,  après  lui  avoir  lait  ses 
adieux,  il  reprit  le  cliemin  du  Grand-Marais, 
et  lUi  forcé  de  traverser  le  territoire  de  ïepe- 
guai.s,  dans  la  Nouvelle-Biscaye.  Il  venait  de 
sortir  de  Sainte-Caiherine,  quand  une  troupe 
d'indigènes  se  ruant  su,- lui,  un  d'eux  Je  ren- 
versa de  sa  mule  et  lui  perça  la  |  o.tiine  d  un 
furieux  cou.)  ue  lanee.  Le  martyre  de  n  tre 
bien;:eureux  arriva  le  IG  novembre  1616. 
(Tanner,  Societan  Jesu  usque  ad  sanguinis  et 
vitœ  profasionem  mililans.  p.  i67.) 

FEKiiiNTiNO,  ville  des  Etats   ecclésiasti- 
ques, à  65  kil.  S.-E.  de  Rome.  Cette   ville 


999 


FER 


FER 


iooo 


est  célèbre  par  le  martyre  de  saint  Eatyche, 
qui  arriva  à  une  époque  complètement  igno- 
rée. 

FERFAY, vallée  dans  le  terriloiredela  ville 
Lillers,  en  Artois.  Ce  l'ut  là  que  saint  Luglius 
et  saint  Luglien,  son  frère,  furent  mis  à 
mort  j)ar  des  brigands,  pendant  qu'ils  an- 
no'içauint  l'Evangile  en  se  rendant  à  la  terre 
sainle.  Tout  ce  pays  fut  pendant  longues 
années  désolé  par  des  voleur:?,  des  détrous- 
seurs, connue  on  en  voyait  si  fréquemuient 
dans  ces  siècles,  où  le  morcellement  de 
laulorité  souveraine  en  France  empêchait 
d'établir  une  police  qui  mît  en  sûreté  les 
personnes  et  les  biens.  Alors  ce  n'étaient 
pas  seulement  les  forêts  et  les  cavernes  qui 
servaient  de  repaires  à  ces  brigands,  ils 
avaient  des  demeures  quasi-royales;  souvent 
eux-mêmes  étaient  des  seigneurs,  comme  le 
fameux  baron  des  Adrets  et  tant  d'autres. 
Ainsi,  pour  parler  de  ce  qu'on  trouvait  en 
Artois,  nous  citerons  Bapaume,  qui,  dans  le 
XI'  siècle,  était  un  château  fort  redouté  de 
toute  la  contrée.  Les  voleurs,  les  malandrins 
s'y  retiraient,  et  de  là  désolaient  les  campa- 
g'ies,  attaquaient  les  voyageurs,  imposaient 
les  paysans.  On  ne  sait  pas  d'oii  datait  cette 
république  de  malfaiteurs.  Toujours  est-il 
qu'on  ne  put  les  débusquer  de  leur  position 
qu'en  1335.  Plus  tard,  un  bourg  se  forma  au- 
tour de  ce  repaire  abandonné;  puis  ce  bourg 
devint  une  ville.  Triste  origine  :  de  nos  jours 
encore  on  la  reproche  parfois  aux  habitants 
de  Bapaume.  Beaucoup  de  bourgs  et  de  pe- 
tites villes  des  environs  durent  leur  origine 
à  ces  brigands ,  d'une  manière  indirecte. 
Dans  la  crainte  de  leurs  attaques,  les  habi- 
tants se  reliréiienl,  se  ^Toupaicut  sous  la  pro- 
tection des  châteaux  :  voilà  comment  les 
agglomérations  se  formaient.  11  n'en  était  pas 
toujours  ainsi,  et  les  victimes  avaient  parfois 
aussi  l'honneur  de  devenir  fondateurs. 
Quand  les  brigands  qui  dévastaient  l'Artois 
eurent  tué,  vers  la  fin  du  vu""  siècle  ou  vers 
le  commencement  du  viir,  saint  Luglien  et 
saint  Luglius  dans  le  val  de  Ferfay,  la  piété 
des  habitants  s'émut.  Les  deux  voyageurs 
étaient  des  hommes  de  Dieu,  des  prédica- 
teurs; ils  allaient  en  terre  sainte  et  en  j)as- 
sant  ils  jetaient  sur  leur  chemin  la  semence 
évangélique.  Vivants,  c'étaient  des  saints  ; 
assassinés,  c'étaient  des  martyrs.  On  |)orla 
leurs  reliques  dans  un  lieu  voisin,  où  la 
piété  publi(iue  vint  les  honorer  en  grande 
afllu(,'nce.  On  donna  à  cet  endroit  le  nom  des 
saillis,  non)  qui,  par  cnrruj)lion,  a  fait  Lil- 
lers. Ainsi  fui  Ibrnjée  celte  j)efil(.'  ville,  au- 
jouid'hui  chel'-Jieu  de  canton  dans  le  J'as-dc- 
Calais.  11  est  un  grand  nombre  de  nos  villes 
(jui  doivent  ainsi  leur  origiije  à  quchiue 
pif.'usi!  vénération. 

FERMO,  dans  la  Maiche  d'AncAne,  a  vu 
le  marlyie  de  la  vierge  sainte  Sophie.  On 
iuMiruf;  à  quelle  épotpie. 

FLHNAiND  (h;  bicidieureux  Pieriie),  de  la 
Comp.igtiie  de  Jésus,  Portugais,  faisait  partie 
<h-'  la  li(MJ|io  de  missi(jnnancs  que  le  P.  Diaz 
condms/iil.au  Ilit'sd,  à  la  siiilc;  du  P.  A/a- 
vedo.  L'n  mois  apnjb  le  départ  du  SainC-J"c~ 


ques,  qui  portait  ce  dernier,  Diaz  et  ses  com- 
pagnons quitlèrent  Madère,  afin  de  poursui- 
vre la  roule  vers  le  Biésil,  avec  le  reste  de 
laflotle.  La  tempête  ayant  dispersé  les  na- 
vires, celui  que  montait  notie  bienheureux 
et  SCS  compagnons  dévia  vers  l'île  de  Cuba, 
et  à  San-lago  on  dut  abandonner  le 
vaisseau  (jui  faisait  eau  de  touie^  paris. 
Les  voyageurs  trouvèrent  une  barque,  (,ui 
les  conduisit  au  port  d'Abana,  d  où  un  na- 
vire, qu'ils  y  frétèrent,  les  transjiorta  aux 
Açores  le  mois  d'août  1571.  Ils  y  trouvèrent 
le  commandant  de  la  flotte,  Louis  de  N'as- 
concellos  avec  le  P.  Diaz  et  c  n(|  auties jé- 
suites, qui  les  y  avaient  devancés.  L'amiial, 
voyant  son  monde  si  réduit,  ne  conserva 
qu'un  navire  et  ils  se  rembarquèrent  le  6 
septembre  1571.  Bientôt  ils  rencontrèrent 
cincj  vaisseaux  de  haut-bord,  commai  dés 
par  ,ie  Béarnais  Capdeville,  calvmiste,  qui 
avait  assisté  à  l'abordage  du  Saint-Jacques. 
Le  combat  ne  fut  pas  long,  et  les  calvinistes 
s'emparèient  du  navire  catholique  ;  le  bien- 
heureux Diaz  fut  massacré,  puis  jeté  à  la 
mer  le  13  septembre.  François  de  Castro, 
confessait  le  [lilote  au  moment  où  les  calvi- 
nistes montaient  à  l'aboidage,  il  fut  massa- 
cré ;  Gaspard  Goez  subit  le  même  sort  ;  lo 
P.  Michel,  qui  avait  été  renfermé  avec  d'au- 
tres durant  la  nuit,  dans  la  cabine  de  Vascon- 
cellos,  ayant  jeté  un  soupir  que  lui  arra- 
chait la  blessure  de  soi  bras,  au  moment 
où  on  les  lui  liait  derrière  le  dos,  les  calvi- 
nistes se  saisirent  de  lui  et  le  jetèrent  à  la 
mer  avec  le  bienheureux  François-Paule. 
Pierre  Fernand  fut  [)récipité  également 
dans  les  Ilots,  et  fut  noyé  |)resquc  aussitôt 
avec  Jean  Alvare,  ne  sachant  nager  ni  l'un 
ni  l'autre.  Les  autres  compagions  de  leur 
martyre  furent  Alfonse  Fcrnandcz,  Portu- 
gais ;  Alfonse-André  Pais  ,  Portugais  ;  un 
autre  Piene  Diaz,  Portugais  ;  Jacques  Car- 
valho,  Porlugais;  Fernand  Alvare,  Portu- 
gais. (Du  Jarrie,  Histoire  des  choses  plus  mé- 
morables,  etc.,  tome  II,  page  295.  Tamier, 
Societas  Jesu  usque  ad  sanguinis  et  vitœ  pro^ 
fusionem  militans,  p.  17i  et  177.) 

FERNANDEZ  (le  bienheureux  Alphonse). 
Vo\j.  l'article  j)i'écédent. 

FERNANDEZ  (le  bienheureux  François), 
de  la  compag  lie  de  Jésus,  faisait  |)aitie  du 
couvent  des  Jésuites  à  Chaltigang.  L'église 
et  la  maison  de  ces  religieux  ayant  été  sac- 
cagées, notre  bicnlitmi-euv  fut"  jeté  en  pri- 
son où   il  expira  le  l'i  noveiid)re  1602. 

FFUNANDKZ  (le  bienheureux  (iicoiicKs), 
de  la  compagnie  de  Jé>iis,  soulli'it  le  mai- 
tyre  en  i580,  avec;  le  P.  tlomez  d'Amaral. 
Tous  deu\  s(î  rendaient  dans  l'île  tlAnihoine, 
sur  un  navii'C  commandé  |)ar  le  Porlugais 
Augnslin  Nugnès,  lorsipu-,  le  2'i  septembre, 
non  l(jin  de  Java,  des  viiisseauv  diî  ce  pays 
les  enveloppèienl  et  les  massacrèrent  tous. 
(i)u  Jarrie,  Histoire  des  clioi^es  plus  mémora- 
bles, l.  1,  p.  ()V1)  ;  Taïuier,  Sucivtas  Jesu  usque 
<i(t  sduyuiitis  et  vita-  jnafusionnn  militans,  p. 
2:52.) 

FERRARE  [Ji;an  di:),  frère  lai,  fui  percé 


1001 


FER 


FER 


lOOÎ 


à  coups  oe  flèches  par  les  habilJints  do  la 
province  de  Culiacan,  sur  le  bord  ori<Mil;d 
de  la  mer  Vermeille,  avec  le  frère  mineur 
Paul  Azcvedo  do  Ferrare,  son  compaj^^rion. 
{(^ironiques  des  Frères  Mineurs,  t.  IV,  p. 
171)8.) 

FKKUÉOL  (saint),   martyr,   était   ofTicier 
dans  les  troupes  impériales  quand  éclata  la 
persécution  de  Dioclélien.   Ce  fut  en  l'an- 
née  30V  de  l'ère  chrétietuie   (ju'il  regut  la 
couronne  du  martyre,  ainsi  (pie  le  disent 
ses  Actes  que  voici.  «  L'Eglise,  l'objet  de  la 
tendresse  du  Fils  de  Dion,  et  de  la  iiaine  du 
démon,  f:i;émissait  sous  la  cruelle  ])ersécu- 
tion  de  Dioclétien  et  de  ses  collègues,  lorsque 
Crispin,    gouverneur  d'une  partie  des  (iau- 
les,   voulant   pousser   encore  plus    loin   sa 
fortune,  et  l'aire  sa  cour  aux  enqiercurs  aux 
dépens  même  de  l'innocence  et  de  la  vertu, 
s'a|)pliqua  avec  un  soin  extinMne  à  faire  exé- 
cuter dans  son  gouvernement  cet  article  des 
derniers   édits,   qui   [)ortait  que  dans  toutes 
les  provinces  de  l'eaqiire  on  contraindrait 
les  chrétiens  à  sacritier  aux  idoles.  11  f.iisait 
sa  résidence  ordinaire  à  Vienne.  On  le  voyait 
chaque  jour  assis  sur  son  tribunal,  et  envi- 
ronné d'une  troupe  de  conseillers  qui  ne  res- 
piraient qu'impiété  et  que  fureur,  combler 
d'honneurs  et  de  bienfaits  ceux  d'entre  les 
chrétiens    qui    trahissaient  lâchement  leur 
Dieu  et  leur  religion,  et  accabler  au  contraire 
d'atl'ronts,  d'ignominie  et  de  tourments  ceux 
qui  demeuraient  fidèles  (i  l'un  et  à  l'autre.  Il 
apprit  par  ses  émissaires  que  le  tribun  Fer- 
réol  était  chrétien  ;  il  entreprit  de  le  gagper 
à  quelque  prix  que  ce  fût.  Ferréol,  lui  dit-il 
un  jour,  vous  n'ignorez  pas  les  nouvelles 
ordonnances  de    nos   invincibles    princes  ; 
votre  charge,   votre  honneur,  les  gratifica- 
tions que  vous  retirez  de  la  cour  sont  de 
forts  engagements  pour  vous,  et  de  puis- 
sants motifs  d'une  soumission  aveugle;  mais 
surtout   le  respect  religieux  qui  est  dû  aux 
ordres  des  souverains  vous   doit  plus  que 
toute    autre   chose  inspirer  cette  prompte 
obéissance.    Hâtez-vous   donc  d'en  donner 
des  marijues  publiques,  de  peur  qu'en  diffé- 
rant |)lus  longtemps  vous  ne  me   donniez 
litru  de  croire  de  vous  des  choses  que  je  veux 
bien  ignorer.  11  est  ordonné  par  ces  édils  de 
sacrifier  aux  dieux  :  qu'attendez-vous  pour 
vous  acquitter  de  ce  devoir  de  religion  ?  Je 
suis  chrétien,  répondit  Ferréol,  je  ne  puis 
sacrifier  à  vos  dieux;  au  reste,  j'ai  servi  l'em- 
pereur tant  que  ma  religion  me  l'a  permis; 
j'ai  obéi,   vous  le  savez,  avec  une  exacte 
fidélité ,   tandis  qu'on  ne   m'a  ordonné  que 
des    choses  justes  ;    maintenant   que   vous 
m'en  proposez  d'injustes   et  pleines  d'im- 
piété,   je    n'obéis   plus.  J'ai    peu    d'ambi- 
tion;  on  ne  me  verra  point  courir  après  les 
bienfaits  de   la  cour,    et  je  renonce  à  ses 
gratifications  ;  je  consens  môme  à  ne  plus 
toucher  mes  appointements  ;  que  des  soldats 
sans  religion  s'engagent,  s'ils  veulent,  au  ser- 
vice d'un  maître  qui  n'en  a  qu'une  fausse. 
Je  ne  demande  à  l'empereur  ni  richesses  ni 
postes  élevés;  la  seule  récompense  que  j'at- 
teuds  de  mes  services,  c'est  la  peimission 

DiCTIONN.   DES    PKaSlîCLTlONS.     I. 


d'être  chrétien;  si  l'on  me  refuse,  me  voilà 
prêt  h  mourir. 

J.e  gouverneur  reprenant  la  parole  :  D'oii 
vous  vient,  Ferréol,  lui  dit-il,  cette  grande 
indifférence  pour  la  vie?  Peuf-rtre  que  vous 
sentant  coupable  envers  l(!s  lois  et  les  em- 
pereurs, que  vous  avez  également  méprisés, 
vous  vous  jugez  vous-même  digne  de  n^orl? 
Mais  non,  cher  Ferréol,  vous  n'avez  rien  à 
craindre;  votre  crime  est  déjh  effacé  dans 
mon  esprit,  je  ne  m'en  souviens  plus.  Je 
vous  réponds  même,  de  la  part  des  dieux  et 
des  Césars  (1) ,  qu'ils  l'oublieront  aussi  , 
pourvu  (pi'un  prompt  repentir  donne  lieu  à 
leur  clémence,  et  que  rcnr)n(;ant  à  la  secte 
des  chrétiens,  vous  vous  mettiez  en  devoir 
de  satisfa  r(>  les  lois  en  sacrifiant  aux  dieux. 
Je  vous  suis  fort  obligé,  seigneur,  de  cette 
boiUé  que  vous  me  témoignez,  répliqua  Fer- 
réol, je  suis  seuh^ment  ïàdv'  de  n'être  pas 
en  état  d'en  profiter.  Réservez-la  pour  ceux 
qui  ont  dessein  de  s'engager  au  service  des 
em|iereuis,  et  qui  veulent  avoir  l'honneur 
de  servir  sous  vous  :  pour  moi  qui  suis  per- 
suadé que  je  n'ai  point  violé  les  lois  de 
l'empire  en  leur  préférant  celles  de  Dieu, 
ie  n'ai  pas  besoin  de  pardon  ;  il  faut  se 
croire  criminel  pour  recourir  à  la  grAce  du 
prince.  Je  le  serais  en  effet,  si  en  abandonnant 
le  culte  du  vrai  Dieu  j'embrassais  celui  des 
idoles.  J'adore  le  Créateur,  et  je  n'ai  point 
d'encens  à  donner  h  la  créature.  Ce  n'est  pas 
dans  des  ouvrages  faits  de  la  main  des  hom- 
mes qu'on  doit  chercher  la  divinité.  Cet  Etre 
souverain  qui  a  formé  l'univers  est  le  Dieu 
qu'on  doit  adorer;  tout  l'annonce,  tout  le 
reconnaît  dans  la  nature;  le  ciel,  la  terre, 
les  astres  qui  brillent  sur  nos  têtes,  les  abî- 
mes qui  sont  creusés  sous  nos  pieds.  Ces 
êtres  inférieurs  et  créés  publient,  chacun  en 
sa  manière,  qu'il  est  leur  auteur.  Lui-même 
les  a  formés  pour  l'homme,  et  non  l'homme 
pour  eux.  Vous  renversez  cet  ordre  en  pré- 
férant les  choses  inanimées  à  celles  qui  ont 
la  vie  ;  les  êtres  qui  n'ont  que  le  sentiment 
à  ceux  qui  sont  pourvus  d'intelligence ,  et 
les  substances  corporelles  et  périssables  aux 
S{)irituelles  et  immortelh  s  ;  en  un  mot,  le 
mensonge  à  la  vérité,  et  la  créature  au  Créa- 
teur. C'est  pour  cette  injuste  et  criminelle 
préférence  que  Dieu  vous  a  livré  à  un  esprit 
d'orgueil  et  de  cruauté,  et  vous  abandonnera 
après  votre  mort  à  toute  la  rage  des  esprits 
iujpurs,  de  ceux-là  mêmes  devant  lesquels 
vous  fléchissez  maintenant  le  genou,  et  qui, 
après  avoir  été  vos  dieux,  deviendront  vos 
bourreaux.  11  n'en  est  pas  de  même  des 
serviteurs  du  vrai  Dieu;  l'espérance  qu'ils 
"ont  de  ressusciter  un  jour  leur  fait  regarder 
la  mort  comme  un  passage  à  une  vie  éter- 
nelle et  infiniment  heureuse. 

A  ce  que  je  vois,  interrompit  le  gouver- 
neur, votre  parti  est  pris,  vous  semblez  ne 


(1)  Ce  lerme  n'esl  pas  ici  pris  à  la  leure  pour  la 
secodde  dignité  de  l'empire;  mais  dans  un  sens  plus 
étendu  pour  les  (jualit*  princes  qui  régnaient  alors, 
ddiit  les  deux  preiniess  étaient  Angusies  ou  empe- 
reurs, et  les  deux  autres  étaient  Césars. 


5^ 


1003  FEU 

tenir  a  la  vie  qu'à  legret,  et  vous  complez  k 
vu  Ire  pour  rien.  Vous  loganloz  sans  doûle 
aveola  mèiuo  ^idifférence  les  tourments  que 
je  puis  vous  faire  endurer;  il  y  a  de  l'appa- 
rence ,  puisque  toute  ma  douceur  n'a  rien 
jm  obtenir  de  votre  inllexibie  dureté.  Tou- 
tefois, consultez-vous  encore.  Vous  sentez- 
vous,  dites-moi,  assez  do  constance,  ou  plu- 
tôt assez  d'insensibilité  pour  résister  à  toute 
leur  violence  ?  Mais  enlin  le  gouverneur 
vovant  que  ni  prières  ni  menaces  ne  fai- 
sai'ent  aucun  efTet  sur  cet  homme  intrépide, 
que  la  grâce  rendait  impénétrable  à  tous  ses 
traits,  il  le  fit  battre  fort  longtemps  à  coups 
de  nerf  de  bœuf.  Quoique  les  bourreaux  se 
succédassent  les  uns  aux  autres,  la  i)atience 
inébranlable  du  martyr  les  lassa  tous,  et  les 
mit  plus  d'une  fois  hors  d'haleine.  Ce  qui 
obligea  le  gouverneur  de  l'envoyer  en  pri- 
son, après  l'avoir  fait  charger  de  chaînes.  Il 
s'écriait,  dans  la  fureur  dont  il  était  pos- 
sédé, et  que  cette  longue  résistance  enflam- 
mait encore  davantage  :  Que  ce  cachot  infect 
5oit  la  demeure  d'un  rebelle  ;  qu'il  anprenne, 
le  misérable  qu'il  est,  à  respecter  les  lois  ; 
qu'il  sente  tout  le  poids  de  son  crime;  il  est 
indigne  de  voir  le  jour  qu'il  tient  de  la  bonté 
de  ces  dieux  qu'il  a  méprisés  :  que  la  pesan- 
teur de  ces  fers  ne  lui  permette  qu'à  peine 
de  respirer  ;  qu'il  ne  puisse  ni  s'asseoir,  ni 
se  coucher,  ni  se  tenir  debout,  sans  trouver 
dans  quelqu'une  de  ces  situations  quelque 
nouveau  tourment;  et  que  tout  cela  ne  soit 
que  de  légers  préludes  de  ceux  que  je  lui 
prépare.  Ces  ordres  barbares  furent  exécutés 
de  point  en  point. 

Ferréol  passa  deux  jours  dans  cet  horrible 
cachot.  Sur  le  malin  du  troisième,  comme 
ses  gardes  étaient,  selon  qu'il  arrive  d'ordi- 
naire, profondément  endormis,  il  sentit  qu'il 
n'avait  plus  de  chaînes;  et  s'approchant  dou- 
cement de  la  porte,  il  la  trouva  tout  ou- 
verte. Se  souvenant  alors  du  conseil  de  l'E- 
vangile, qui  veut  qu'on  fuie  quelquefois  la 
persécution,  il  résolut  de  se  dérober  à  la  re- 
cherche de  ses  persécuteurs,  et  de  mettre  sa 
vie  en  sûreté  dans  quelque  pays  éloign;'. 
Dans  cette  pensée,  il  sort  de  la  ville  par  la 
porte  de  Lyon,  il  s'y  arrête  un  moment  pour 
se  déterminer  touchant  le  lieu  de  sa  retraite, 
et  pour  cacher  si  bien  sa  fuite  à  ses  enne- 
mis, qu'ils  n'en  puissent  découvrir  aucune 
trace.  Il  se  met  en  oraison  aiin  d'obtenir  les 
lumières  du  ciel  et  sa  protection.  Puis  plein 
de  conliance,  et  s'apf)uyant  sur  la  |)roruesse 
du  Seigneur,  il  se  lance  dans  le  Rhône  pour 
le  (jnsser  à  la  nag(;.  Mii\s  quel  est  l'élémeut 
qui  ne  se  fasse  gloire  de  nmdre  service;  à 
ceux  qui  servent  leur  Créateur;  ou  quel  obs- 
tacle peut  rencontrer  un  saint,  (pi'il  n»;  sur- 
monte fiar  la  grandeur  de  sa  foi  et  la  ferveur 
de  sa  prière?  Ce  lleiive  iu)pétui'ux,  s(;nl;uiL 
ce  dépôt  que  la  Providence  lui  avait  conlié, 
retient  sa  violence,  et,  allcrmissanl  ses  eaux 
sous  le  saint  mailyr,  lui  sert  d-;  |)ont  pour  h; 
faire  passer  à  l'autre  bord.  Y  étant  arrivé 
s'ins  be-jucouj)  d'cnbi'l,  il  doul)le  le  pas,  et 
KHgue  la  petite  rivière  de  (îerre.  Mais  J)ieu, 
«'étant  contenté  do  cet  essai  de  sa  toute-[)uis- 


FES  *004 

sance,  permit  qu'il  fût  repris  en  cet  endroit. 
On  lui  lia  les  mains  derrière  le  dos,  et  on  lui 
fit  reprendre  le  (hemin  de  Vienne.  Ce  fut 
assez  proche  de  la  ville,  et  au  môme  lieu  où 
l'on  voit  aujourd'hui  son  tombeau,  que,  par 
\ni  mouvement  soudain  de  fureur,  ses  enne- 
mis le  tuèrent.  Les  lidèles  prirent  son  corps 
et  l'enterrèrent  sur  le  bord  du  Rhône,  où  le 
saint  tribun  est  révéré  par  le  peuple  de 
A"ienne,  et  reconnu  comme  le  protecteur  de 
cette  ancienne  ville.  —  18  septembre. 

FERRER  [\q  bienheureux  Rapuael),  de  la 
compagnie  de  Jésus,  naquit  en  Catalogne.  Il 
entra  chez  les  Jésuites  en  1587,  et  avait  alors 
vingt  ans.  Il  passa  au  Pérou  et  y  lit  de  nom- 
breuses conversions.  A  Cali,  dans  la  province 
de  Popayan,  il  réussit  à  faire  abolir  un  an- 
cien usage,  qui  consistait  à  dresser  le  théâ- 
tre dans  l'église.  Il  partit  ensuite  chez  les 
Cofancs,  peuplade  féroce  h  soixante  lieues  de 
Quito,  il  y  évangilisa  avec  succès  et  réunit 
ses  néophytes  dans  trois  bourgades.  Mais 
bientôt  plusieurs  indigènes,  qui  regrettaient  J 
leurs  anciens  usages,  l'attendirent  auprès  f 
d'un  pont  où  il  passait  en  se  rendant  d'une 
bourgade  à  l'autre,  et  le  précipitèrent  dans 
le  torrent,  au  mois  de  mars  1611.  (Tanner, 
Societas  Jesu,  iisque  ad  sanguinis  et  vitœ  pro- 
fasionem  miUtans,  p.  4G2j. 

FERRUCE  (saint),  martyr,  servait  dans  les 
troupes  hivernées  à  Mayence,  dans  le  iv  ou 
le  V  siècle.  Il  quitta  les  armes  pour  se  con- 
sacrer entièrement  au  service  de  Jésus- 
Christ.  Le  commandant  de  Mayence,  irrité 
de  cela,  le  fit  enchaîner  et  enfermer  dans  une 
forteresse  située  au  delà  du  Rhin,  probable- 
ment dans  le  lieu  nommé  aujourdhui  Cas- 
sel.  Après  quelques  mois,  le  saint  y  mourut 
des  mauvais  traitements  dont  on  l'accablait. 
Le  prêtre  Eugène  l'enterra  au  lieu  môme  où 
il  était  mort.  Il  inscrivit  sur  son  tombeau 
l'abrégé  de  son  histoire.  L'Eglise  fait  la  fête 
de  saint  Ferruce  le  28  octobre.  {Voy.  Sermon 
de  Méginhart  sur  saint  Ferruce.) 

FESCENlNlNLiS,juge  ([ui  lit,  suivant  Adon, 
mourir  pour  la  foi,  à  Paris  ou  auprès,  saint 
Denys,  évoque  de  cette  ville,  saint  Rust  que, 
prêtre,  et  saint  Eleuthère,  diacre.  Ce  dut  être 
en  273,  durant  la  persécution  d'Aurélien , 
ou  même  en  275,  quand  les  édits  qu'il  avait 
lancés  faisaient  encore  des  victimes,  bien  que 
lui-même  fût  mort. 

FESCENNINUS,  autre  juge,  qualifié  prési- 
dent dans  le  Martyrologe  romain,  lit  mou- 
rir, dans  le  N'exin  français,  sous  fem[)ire  do 
Dioclétien,  vers  l'année  286,  les  saints  Ni- 
caise,  Quirin,  Scubiculo  et  sainte  Piancic. 
Il  est  probable  (jue  ce  juge  agissait  d'après 
i'instig  ition  partu'ulière  de  Maximien,  puis- 
(pie  Dioclétien  n'avait  pas  encore  lancé  les 
édits  de  pei'séi'ulions  générales.  On  sait 
qu'à  l'époijue  dont  nous  parlons.  Maximien 
commandait  dans  les  (Jaules.  Quand  bien 
mêuie  aucun  prince  n'eût  donné  d't)rdres 
positifs  (le  persécution,  les  magi'îlrats  ])0u- 
vaient  sévir  en  v(n'lu  d(;s  ancie  is  édiis  et  des 
anciennes  lois  (pii  n'avaimit  jioMil  été  abro- 
gées. Pies(iue  toujours,  comme  nous  l'avons 
dit  souvent  ailleurs,  les  gouverneurs  ou  ma- 


é 


1005 


FID 


FIG 


1006 


g-istrats  étniont  libres  do  siiivro  los  inspira- 
liDiis  (lu  bo'i  plaisir  à  l'étijard  des  chrélicMis. 

l"'l':S'l'E  (sailli),  diacre  el  nuirtyr,  t'Iait 
altaelK^  à  l'église  do  liénéveiit.  Ayant  appris 
rtMiiprisoniiemenl  de  son  évO(pie,  saint  Jan- 
vier, il  vint  il  Noie  pour  le  von.  Il  t'utarrcMé 
ol  présenté  au  gouverneur  Tiuiothée  :  saint 
Janvier  l'ayant  reconnu  pour  appartenir  h 
son  église,  il  fut  conduit  h  l*ouz/oles,  el  jeté 
aux  bêles  dans  rani[)lntlié<\tre,avec  son  évù- 
([ue  et  ses  compagnons  de  captivité.  Les 
animaux  féroces  n'ayant  f)as  voulu  faire  di) 
mal  à  ceux  qu'on  leur  doiuiait  pour  victi- 
mes ,  Tinu)ll.''ée  fit  décapiter  tous  les  saints. 
Le  corps  de  saint  K(\ste  tut  porté  h  Bénévent. 
(  Voy.  JvNviEii).  L'Eglise  fait  la  ftMe  de  saint 
Fesie,  avec  celle  de  saint  Janvier,  le  10  sei»- 
tenibie. 

FliSTUS  (  saint  ) ,  fut  martyrisé  en  Tos- 
cane pour  la  déf(>nso  de  la  roligioîi  chré- 
tifMUie.  Il  (Mit  pour  compagnon  de  son  com- 
[lat  saint  Jean.  Nous  ignorons  coinpléleiucnt 
l'é;)0(jue  et  les  dillerentcs  cireonslancos  do 
leur  martyre.  L'LgIise  lionoro  leur  sainte 
mémoire  le  "21  décembre. 

FESTrS  {Porcius)  ,  proconsul  et  gouver- 
neur de  Judée,  après  Félix.  Il  tiOuva,eii 
arrivant  à  Césarée,  saint  Paul  dans  les  pri- 
sons de  celle  ville  :  il  le  lit  citer  à  son  tri- 
bunal. Saint  Paul  en  ayant  appelé  à  César, 
Feslus  n'osa  pas  le  refuser  et  le  renvoya  de- 
vant rem|)ereur ,  quoiqu'il  eût  reçu  une 
somme  d'argent  pour  ne  lui  ôtre  pas  favo- 
rable. Il  fit  paraître  auparavant  le  saint 
apôtre  devant  Agrip|\i  et  sa  sœur  Bérénice. 

FIDÈLE  (  saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
verser  son  sang  pour  la  foi  à  Edesse  en  Sy- 
rie, durant  la  persécution  de  Maximien.  Il 
souffrit  le  martyre  avec  saint  Tbéogone  et 
Siiint  Agape,ses  frères.  Ce  fut  leur  mère, 
sainte  Basse,  qui  plus  tard  soutint  elle- 
même  le  martyre  dans  la  môme  persécutiin, 
qui  les  exhorta  à  donner  leur  vie  pour  Jé- 
sus-Christ. Ils  sont  inscrits  au  Martyrologe 
romain  au  21  août,  et  c'est  ce  jour  que  l'E- 
glise honore  leur  mémoire. 

FIDÈLE  (saint  ),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre en  Al'rique,  dans  des  circonstances  et  à 
une  époque  que  nous  ignorons  compléte- 
mi'nt.  Nous  n'avons  pas  d'autres  détails  sur 
lui.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  23  mars. 

FIDÈLE  (  saint  ) ,  fut  martyrisé  à  Corne, 
sous  l'euîpereur  Maximien.  Nous  ignorons 
à  quelle  date  et  dans  quelles  circonstances. 
L'Eglise  fait  sa  glorieuse  mémoire  le  2S 
ôctobi'e. 

FI.DÈLK  DE  SIGMABINr.EN  (saint),  capu- 
cin, marlyr,  naquit  à  Sigmaringen,  ville  si- 
tuée sur  le  Danube.  Il  iit  ses  études  à  Fri- 
bourg  d'une  manière  très-brillante.  Aussi 
plusieurs  jeunes  gentilshommes  qui  vou- 
laient parcourir  les  diverses  contrées  de 
l'Europe,  le  prirent  pour  leur  guide.  Pendant 
tout  le  voyage  qui  dura  six  ans,  notre  saint 
fut  un  modèle  de  vertus  pour  ses  compa- 
gnons. A  son  retour,  ii  se  fii,  recevoir  doc- 
teur en  droit,  fut  nommé  procureur,  et 
s'appliqua  si  bien  dès  lors  à  défendre  les 
opprimés,  qu'il  reçut  le  surnom  iVAvocul  des 


î 


pauvres.  Les  injusticiîs  que  sa  probité  ne 
j)0uvaient  voir  sans  douk-iu-,  l'engagèrent  ii 
se  retin.'r  du  barreau.  11  se  décida  à  enli«p 
dans  l'ordre  des  cajmcins,  et  l'ut  reru  en  1011 
)ar  le  Père  Alexandre,  fj^vincialde  l'ordre^ 
i  Aldorf,  et  re(;ut  ensuite  les  saints  ordies 
de  révè((uo  sulfragant  de  Constance.  Ce  fut 
alors  (ju'il  reçut  le  nom  de  Fidèle.  Ses  pr6-. 
dicalions  eur(nit  un  si  grand  succès  que  la 
congrégation  de  la  Propagande  de  Rome  le' 
chargea  d'aller  annonc(!r  l'Evangile  aux 
Gi-isons,  où  les  erreurs  de  Calvin  avaient  fait 
de  grands  ravages.  11  convertit  Coinvid  et 
Anne  de  Plata,  Kodolplie  de  Sales  et  Bodol- 
plie  Gugelbergez,  gentilshommes  calvinistes. 
Les  partisans  de  cette  secte,  furieux  du  suc- 
cès des  prédications  de  notre  saint,  résolu- 
rent de  s'(;n  venger.  Les  habitants  de  Sévis 
l'engagèrent  à  celle  intention  à  venir  prê- 
cher chez  eux.  Fidèle  qui  n'ignorait  pas  le 
sort  qu'on  lui  réservait,  y  partit  aussitrôt.  Il 
ne  put  empêcher  néanmoins  que  le  capitaine 
Jacques  Kolonna  lui  donnât  une  escorte, 
alin  do  ])révenir  toute  violence.  A  peine  son 
sermon  était-il  commencé  qu'un  coup  de 
mousquet  lui  fut  tiré.  On  le  manqua,  mais 
toute  l'escorte  fut  massacrée Il  s'en  re- 
tournait à  Grùsch,  quand  il  fut  assailli  par 
une  troupe  de  calvinistes  qui  l'accablèrent 
d'injures  et  d'outrages.  Un  d'eux  le  renversa 
par  terre  d'un  coup  d'estramaçon,  tandis  qu'il 
suppliait  le  Seigneur  de  leur  pardonner,  parce 
qu'ils  ne  savaient  pas  ce  qu'ils  faisaient.  Un 
autre  lui  fracassa  la  tête  d'un  coup  de  mas- 
sue ;  d'autres  lui  couvrirent  le  corps  de  coups 
de  poignards.  Un  des  assistants,  touché  de 
cette  mort,  abjura  l'hérésie  et  revint  à  la 
vraie  religion.  Notre  saint  fut  ainsi  martyrisé 
le  24  avril  1622.  Quelque  temps  après,  son 
corps  fut  transféré  dans  l'Eglise  des  capucins 
doFeldkirch,  où  on  le  voit  encore.  11  s'y  opéra 
un  grand  nombre  de  miracles,  L'Egiise  célè- 
bre sa  niéuioire  le  2ï  avril. 

FIDENCE  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre à  Todi,  sous  l'empereur  Dioclétien.  Il 
eut  pour  compagnon  de  son  martyre  saint 
ïérence.  Nous  ignorons  les  détails  de  leurs 
combats.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  27  sep- 
tembre. 

FiDENTIEN  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre  en  Afrique,  avec  les  saints  Second 
et  un  autre.  Nous  n'avons  aucun  détail  sur 
eux.  L'Eglise  lait  leur  fête  le  15  novembre. 

FIÉSOLE,  ville  de  Toscane.  C'est  dans 
cette  v.lle  que  saint  Romule,  évèque,  et  ses 
compagnons  furent  martyrisés  sous  le  règne 
de  l'empereur  Domitien.  11  n'existe  aucun 
monument  historique  donnant  des  détails 
sur  ces  saints  personnages. 

FIGUEKOA  (le  bienheureux  Fraisçois  de), 
missionnaire  do  la  compagnie  de  Jésus,  fut 
massacré  en  16GG,  près  de  Guallaga,  sur  le 
fleuve  des  Amazones,  par  les  infidèles  à  qui 
il  prêchait  la  foi. 

FIGUEROA  (Nicolas  de),  catéchiste  du 
Père  Sanvilores,  apùlre  des  iles  Mariannes, 
fut  tué  avec  un  autre  catéchiste,  nommé  Da- 
mien  Bernai,  par  les  indigènes.  Leur  martyre 
arriva  vers  1  an  1672, 


1007 


FIN 


FIR 


1008 


FILOCTIMON  (saint),  martyr,  l'un  des 
miarante  martyrs  de  Sébaste  sous  Licinius. 
\Voy.  Martyrs  de  Sébaste.) 
.  FINGAR  (saint),  martyr,  est  vulgairement 
nommé  par  les  Bretons  s  tint  Guigner.  Il  était 
fils  d'un  roi  dirlande,  qui  le  chassa,  parce  qn'U 
avait  accueilli  saint  Patrice,  quand  il  vint 
prêcher  la  foi  dans  ce  pays;  et  parce  qu'a- 
près avoir  reçu  le  prédicateur,  il  avait  em- 
brassé sa  doctrine.  Chassé  des  Etats  de  son 
père,  Fingar  s'embarqua  pour  l'Armorique  ; 
celui   qui  commandait  dans    ces  contrées , 

E rince  ou  gouverneur,  l'accueillit  honora- 
lement  :  l'exil  est  un  passeport  pour  lus 
malheureux  partout  où  il  y  a  des  sentiments 
humains.  Au  bout  de  quelque  temps  il  apprit 
la  mort  de  son  père,  il  retourna  en  Irlande, 
m'tis  n'y  resta  que  très-peu  de  temps.  Il  en 
repartit,  emmenant  avec  lui  quelques  chré- 
tiens. Ils  abordèrent  tons  ensemble  dans  la 
Cornouaille  armoricaine.  Ils  se  destinaient 
à  la  vie  solitaire  ;  ce  pays  leur  convenait. 
C'est  encore  aujourd'hui  l'un  des  derniers 
pays  que  leurs  remparts  naturels  aient  pro- 
tégés contre  les  envahissements  de  la  civili- 
sation, qui  met  ses  alignements  froids,  ses 
plantations  compa-sées  <»  la  place  des  beau- 
tés agrestes  et  si  grandioses  de  la  nature. 
La  vied.e  Bretagne,  avec  ses  haies  vives,  ses 
vallons  et  ses  forêts  au  bord  des  landes, 
ses  bruyères,  est  encore  un  pays  poétique. 
A  cliaque  pas,  dans  ses  sites  pittoresques 
on  s'attend  à  voir  paraître  le  vieux  Celte  ou 
Fingar  le  soli  aire.  On  sent  que  c'est  encore 
la  patrie  de  l'histoire  nationale.  Dans  nos 
contrées,  où  la  charrue  a  tout  nivelé,  où,  à  la 
place  des  hêtres  sé;;ulaires,  le  propriétaire 
aligne  des  peupliers  dontl'accroissement  cha- 
que année  lui  vaut  vingt  sous,  et  qu'il  abattra 
dais  vingt  ans,onsesentrAmefroide,  on  sent 
une  nature  factice  qui  résume  l'industrie 
actuelle,  mais  qui  ne  dit  rien  des  choses  du 
passé.  J'ai  vu  dans  la  Bretagne,  j'ai  vu  dans 
l'Anjou,  les  grottes  des  solitaires  encore 
conservées  par  la  piété  des  habitants.  J'al- 
lais souvent  visiter,  à  mi-chemin  des  Ponts- 
de-Cé,  à  houleine,  un  lieu  dit  l'Ermitage. 
Les  propriétaiies  n'ont  rien  détruit.  Un 
petit  si'utier  mène  au  désert.  Tout  au- 
tour sont  d  s  champs  labourés,  où  jaunit 
l'épi,  où  mûrit  le  raisin.  Mais  (juand  y  est 
entré,  on  est  en  pleine  solitude.  C'est  un 
espace  inculte,  situé  en  amphilhétltre  sur  le 
jjenchant  d'un  coteau.  Des  chênes  puissants 
et  vénérables  poussent  à  sa  base  et  l'ombra- 
gent j)rcs(|ue  entièrement.  Des  buissons 
d'arbustes  sauvages  le  tapissent.  Une  chau- 
mière rustique  de  six  pieds  carrés  est  ados- 
sée à  une  anfractuosile  rocheuse  ;  un  sentier 
étro  t  descend  jusqu'au  ruisseau  (jui  coule 
au  bas  :  c'était  par  lii  que  le  saint  allait 
puiser  de  l'eau.  Quand  on  y  est  quehiues 
jnstanlSjOn  oublie  Iw  monde,  on  se  recueille 
malgré  soi  :  il  semble  ([uon  se  r(![)0se  des 
ftgitaliunsdc  l;i  vie  dans  la  paix  de  la  solitude; 
puis  on  attend,  on  icgaidi;  invoionlairrniient 
a  ch.'Kpic  iJélour  :  on  attend  l'Iiùte  de  ces 
iii-.ux.  P.iuvre  cher  ermiiagc,  puisses-tu  r'es- 
4or  longleiijps  histoiri.i  é-  riit;du  leuJps  jjassé, 


souvenir  d'autrefois  que  les  pères  appren- 
nent aux  enfants!  Hélas!  peut-être  quelque 
froid  géomètre  tr-acera  demain  dans  tes 
buissons  la  route  d'un  cheiuin  de  fer.  Peut- 
être  un  commerçant  retiré  y  bâtira  son  logis 
peint  en  vert,  et  fera  de  la  chaumière  le  pi- 
geonnier de  la  basse-cour  1  Gardons,  gardons 
le  culte  des  souvenirs;  respectons  ces  héri- 
tages des  temps  passés;  assez  de  réalités 
mesquines  envahissent  le  sol;  un  coin  pour 
la  poésie,  un  coin  pour  le  cœur  et  l'idéal  ! 

A  l'époque  où  Fingar  et  ses  compagnons 
vinrent  habiter  l'Armorique,  l'empire  romain 
était  en  pleine  décadence.  Chaque  peuple 
barbare  arrachait  un  lambeau  de  la  pourpre 
impériale.  Les  invasions  arrivaient  toutes 
par  les  Gaules  ;  chaque  prince  avait  fait  sa 
part.  La  Bretagne  avait  ses  petits  rois.  L'un 
d'eux,  nommé  Thewdric,  vint  dans  les  soli- 
tudes de  Cornouailles  :  il  massacra  les  soli- 
taires, en  l'an  455.  Une  portion  des  reliques 
de  saint  Fingar  est  dans  l'éghse  du  bourg 
de  Puivigné,  au  diocèse  de  Vannes.  Avec 
lui  finent  martyrisés  tous  ceux  qui  l'avaient 
suivi,  et  entre  autres  sainte  Piale,  sa  sœur, 
et  sainte  Jia,  jeune  vierge  irlandaise.  Cette 
dernière,  qu'on  nomme  en  Bretagne  sainte 
Jies,  a  donné  son  nom  à  un  bourg  du  canton 
de  Cornouailles.  La  fête  de  ces  saints  a  lieu 
le  14  décembre. 

FIRME  (saint),  prêtre ,  fut  martyrisé  à 
Trieste,  avec  saint  Marc  diacre,  du  temps  de 
l'empereur  Adrien,  le  10  mai,  jour  que  l'E- 
gli.ve  a  adopté  pour  leur  fête. 

FIRME  (saint),  martyi  à  Carthage,  en  250, 
sous  le  règne  et  durant  la  persécution  de 
l'empereur  Dèce.  Il  fut  enfermé  avec  une 
gi-ande  quantité  d'autres  martyrs,  dans  un 
cachot  ou,  par  ordr-e  de  l'empereur,  on  les 
laissa  tous  mourir  de  faim.  [Voy.  Victorin.) 
L'Eglise  fait  la  fête  de  tous  ces  martyrs  le 
17  avril. 

FIRME  (saint),  fut  martyrisé,  durant  la 
persécution  de  Maximien.  Il  eut  le  corps 
déchiré,  fut  lapidé  et  enhu  décapité.  L'Eglise 
fait  sa  mémoire  le  1"  juin. 

FIRME  (saint),  martyr,  était  soldat.  Il 
souffrit  le  martyre  à  Satales,  en  Ai-ménie, 
avec  ses  six  frères,  soldats  comme  lui,Orencc, 
Héros, Pharnace,  Firmin,Cyriaque  et  Longin. 
Us  moururent  séparés  les  uns  des  autres, 
accablés  de  douleurs  et  de  misères.  L'Eglise 
vénèi'e  leur  sainte  mémoire  le  24  juin. 

FIRME  (saint),  fut  martyrisé  à  Vérone 
avec  saint  Rusticpie.  Leur  martyre  arriva 
du  tem[)s  de  l'empereur  Maximien.  Les  Ac- 
tes des  martyrs  ne  nous  ont  laissé  aucun 
détail  sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  1) 
août. 

FIKME  (saint),  martyr,  reçut  la  palme  du 
martyre  h  Rome  avec  les  saints  Kortiinat, 
Félicien  et  Candide.  Les  circonstances  et  l'é- 
p0(pie  de  leur  martyre  sont  inconnues.  L'E 
glise  fait  leur  fête  lu  2  février. 

FIRME  (saint),  évêqiie  et  martyr,  souffrit 
la  mort  .^  'lagastc  en  l'homieur  de  Jésus- 
Christ.  Nous  m  tnquons  de  détails  sur  son 
co.iiple.  L'Eglise  lioiiort>  sa  mémoire  le  31 
juillet. 


1009 


FIR 


FIS 


iOlO 


FIRMILIEN,  gouverneur  de  Palestine  sous 
DiotUHien,  succt'da  à  Urbain,  qui  avait  mon- 
tré tant  d'acharncnicnt  à  pcrst'ciitiT  les 
clu-élit'us.  (!(!  j,'()uv(MiR'ur  venait  d'cMie  di^- 
capilf''  |»ar  ordii'  de  Dioclélien,(|ui  lui  irpro- 
chail  divers  crimes.  Du  premier  coup,  Fir- 
nnlien  se  montra  aussi  ft^roce  (pie  lui  :  il  lit 
mourir  un  grand  nombre  d(^  chrétiens  au 
milieu  des  f)lus  airoces  supplices.  Il  lit  atta- 
cher ensemble  et  brûler  vives,  sainte  Thio 
et  sainte  Valentine,  aprùs  les  avoir  l'ait  lior- 
ribloment  dùchirer  par  le  bouireau.  Les 
dernières  victimes  de  sa  rage  furent  saint 
Adrien  et  saint  Cabule.  {Voy.  les  articles  de 
ces  deux  saints.)  Il  eut  le  môme  sort  que  son 
prédécesseur;  s'étant  rendu  coup<)ble  de  di- 
vers crimes  et  concussions,  rem[)ereur  le  fit 
décapiter  deux  ans  après  Urbain. 

FIHMIN  (saint) ,  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi  h  Satales,  en  Arménie,  sous 
l'empereur  Maximien.  Il  eut  pour  compa- 
gnons de  son  martyre  ses  six  frères,  soldats 
comme  lui ,  et  nommés  Orence ,  Héros , 
Pharnace,  Firme,  Cyriaque  et  Longin.  Ils 
moururent  séparés  les  uns  des  antres,  acca- 
blés de  misères  et  de  douleurs.  L'Eglise  fait 
leur  mémoire  le  2i  juin. 

FIRMIN  (saint),  martyr  et  premier  évAt^ue 
d'Amiens,  lut  instruit  et  baptisé  [)dr  saint 
Honest,  disciple  de  saint  Saturnin,  et  prêtre. 
Saint  Firmin  fut  ordonné  évoque  pai  saint 
Honorât.  Aussitôt  après  son  ordination  ,  il 
alla  prêcher  la  foi  à  Albi ,  à  Agen ,  en 
Auvergne,  en  Anjou,  à  Beauvais,  et  enfin  à 
Amiens,  où  il  fixa  son  siège.  Pendant  qu'il 
était  à  Beauvais,  un  nommé  Valère,  qui  per- 
sécutait violemment  les  chi  étiens,  le  fit  souf- 
frir pour  la  foi.  11  le  fit  cruellement  fouetter. 
C'est  après  cela  que  le  saint  arriva  à  Amiens, 
le  10  octobre.  Il  y  convertit  un  grand  nom- 
bre de  païens  :  c'est  à  cause  de  cela  qu'il  est 
considéré  comme  l'apôtre  de  cette  ville.  On 
dit  qu'il  y  opéra  un  grand  nombre  de  mira- 
cles. Arrêté  comme  chrétien,  il  fut  mis  en 
prison,  où  un  juge,  nommé  Valère  Sébastien, 
probablement  le  même  qui  l'avait  déjà  per- 
sécuté à  Beauvais,  le  fit  décapiter.  Son  mar- 
tyre arriva  le  25  septembre,  en  l'année  287, 
sous  l'empire  de  Dioclétien.  Ce  saint  était 
natif  de  Pampelune  ;  cette  ville  l'honore 
comme  son  patron,  tandis  qu'Amiens  l'ho- 
nore comme  son  premier  évêque.  Son  corps 
fut  enterré  par  un  chrétien  nommé  Fausti- 
nien.  Sur  l'endroit  où  il  reposait,  un  autre 
saint  Firmin,  dit  le  Confès,  fit  bAtir  urfe  église 
sous  l'invocation  de  la  sainte  Vierge.  La  ca- 
thédrale d'Amiens  conserve  les  reliques  du 
saint,  à  l'exception  d'une  faible  partie  que  le 
roi  Dagobert  I"  donna  aux  moines  de  Saint- 
Denis. 

FIRMIN  (saint),  dit  le  Confês,  où  le  Con- 
fesseur, naquit  de  Faustinien,  un  des  pre- 
miers magistrats  des  Gaules.  Son  père  le  fit 
baptiser  par  saint  Firmin ,  qui  plus  tard 
donna  sa  vie  pour  Jésus-Christ,  et  lui  donna 
le  même  nom.  On  ne  sait  rien  sur  notre 
saint,  sinosj  qu'il  succéda  à  Euloge,  second 
évêque  d'Amiens,vers  le  milieu  du  iv*  siècle. 
Il  resta  quarante  ans  à  la  tête  de  son  Eglise, 


et  fut  enterré  dans  l'église  de  la  Sainte- 
Vierge,  appelée  aujourd'hui  de  Saint-Acfieul, 
église  que  lui-môme  avait  fait  bAtir.  Sur  la 
fin  du  dernier  siècle,  pliisieuts  (•iili(pies,  (}ui 
voulaient  disputer  ù  la  cathédrale  d'Amiens 
l'avantagi!  de  posséder  les  reliipies  de  ce 
saint  confesseur,  furent  complètement  réfu- 
tés. L'Eglise  fait  sa  sainte  mémoire  le  1" 
sept(;nd)re. 

FIKMINE  (sainte),  vierge  et  martyre,  souf- 
frit pour  la  défense  de  la  foi,  à  Amélia  en 
Ombrie,  durant  la  persécution  de  Dioclétietr. 
Ayant  été,  après  diverses  tortures,  sus()en- 
due  en  l'air  et  brûlée  avec  des  fiambeaux 
allumés,  elle  rendit  l'esprit.  L'Eglise  fait  sa 
sainte  mémoire  le  24  novembre. 

FIKMUS,  tribun  à  Pérynihe  ,  accusa  un 
centurion,  nommé  Acathe,  d(!  faire  i)rofes- 
sion  de  christianisme.  C'était  au  temi)s  de  la 
persécution  de  Dioclétien  et  de  Maximien. 
Cette  dénonciation  eut  pour  ctfet  d,r  procu- 
rer le  martyre  au  saint  disciple  de  Jésus- 
Christ. 

FISHER  (Jean),  évoque  de  Roch ester,  car- 
dinal et  martvr,  naquit  à  Beverlev,  comté 
d'York,  vers  1455.  Il  était  très-habile  théolo- 
gien, et  fut  un  des  plus  ardents  comme  des 
plus  fermes  soutiens  du  catholicisme.  Lui  et 
son  ami  Thomas  Morus  acquirent  une  répu- 
tation qui  s'étendit  dans  toute  l'Europe.  On 
y  disait  généralement,  tant  était  grande  l'es- 
time qu'on  faisait  d'eux,  qu'on  s'en  rappor- 
tait à  leur  opinion,  dans  la  question  du  di- 
vorce de  Henri  VIII.  Tous  deux  résistèrent 
au  roi  avec  un  courage  que  rien  ne  put  vain- 
cre, et  tous  deux  couronnèrent  par  le  mar- 
tyre leur  glorieuse  carrière.  L'évêque  d& 
RochGster  fut  arrêté  en  1534 ,  et  emprisonné 
à  la  Tour  de  Londres.  Le  roi,  qui  ancienne- 
ment avait  eu  pour  lui  beaucoup  d'amitié  et 
de  vénération,  l'y  fit  traiter  avec  une  dureté 
inouïe.  11  n'eut  pas  de  honte  de  faire  ôter  à 
ce  saint  vieillard,  qui  était  octogénaire,  les 
habits  dont  il  était  revêtu,  pour  lui  donner 
des  haillons  qui  le  couvraient  à  peine,  afin 
(^ue  dans  sa  prison,  et  durant  les  rigueurs  de 
l  hiver,  il  eût  à  endurer  les  souffrances  phy- 
siques en  même  temps  que  la  torture  morale 
de  la  prison.  Rien  ne  put  ébranler  sa  foi; 
rien  ne  put  modifier  la  résolution  qu'il  avait 
prise  de  ne  pas  prêter  le  serment  qu'on  exi- 
geait de  lui.  11  resta  un  an  entier  dans  cette 
dure  captivité.  Le  pape  Paul  III,  successeur 
de  Clément  VII,  voulant  montrer  combien  il 
appréciait  les  vertus  du  saint  évêque  et  les 
rigueurs  qu'on  exerçait  envers  lui,  lui  donna 
une  marque  de  sa  paternelle  admiration  :  il 
le  nomma  cardinal,  le  12  mai  1435.  Cette  no- 
mination ne  fit  que  contribuer  à  la  perte  de 
celui  qui  en  fut  l'objet.  Le  roi  d'Angleterre 
s'en  montra  fort  irrité,  et  s'écria  :  «  Le  pape 
peut  à  son  gré  lui  envoyer  le  chapeau  ;  je 
me  charge  de  faire  en  sorte  qu'il  n'ait  pas  de 
tête  pour  le  porter.  »  Le  17  juin,  le  vénérable 
cardinal  fut  condamné  à  mort  par  l'ignoble 
parlement  d'Angleterre,  comme  coupable  de 
haute  trahison.  Il  avait  soutenu  que  le  roi 
n'ét.iit  pas  chef  spirituel  de  l'Eglise.  Cinq 
jours  après,  la  s^ntçnce  fut  exécutée;  il  fu\ 


4  OH 


FLA 


FLA 


1012 


df^capité.  La  fureur  du  monstre  couronné  ne 
fut  \K\s  éteinte  dans  ce  sang  d'un  saint  et  au- 
guste viei]l;H'd  :  il  or.îonna  (jue  le  corps  de 
sa  victime  f  H  dépouillé  et  ex[)osé  duinnt  un 
certain  nombre  d'iseures  aux  outrages  de  la 
populace  de  Londres,  puis  il  le  lit  enterrer 
sans  [lermettre  qu'on  le  mit  dans  un  cer- 
cueil, ni  même  dans  un  Jincenj.  No  semhle- 
t-on  })as  vraiment,  quand  on  lit  ces  infamies, 
être  transporté  à  l'époque  des  combats  anti- 
ques des  premiers  chrétiens  ,  ayant  h  lutter 
contre  les  monstres  qui  désbonoraieut  à 
Rome  le  trône  des  Césars?  Et  quand  on 
songe  que  Henri  vm  était  chrétien,  qu'il 
avait  été  quelques  années  auj)aravant  l'apo- 
logiste de  la  religion  catholique,  on  est  forcé 
de  s'incliner  devant  les  incompréhensibles 
jugements  de  Dieu.  Mais  ce  qui  dépasse  toute 
raison  humaine,  c'est  de  voir  un  peuple 
entier  assez  dégradé,  assez  hlche,  pour  obéir 
à  un  pareil  scélérat,  et  jwur  se  faire  gloire 
aujourd'hui  de  suivre  encore  la  prétendae 
réforme  qu'il  a  introduite  dans  un  seul  but, 
celui  d'assouvir  ses  passions  brutales  et  son 
avarice.  Comment  se  ftit-il  que  l'obéissance 
d'alors,  qui  était  une  làch  té,  soit  devenue, 
en  persistant  chez  les  descendants ,  une 
chose  i-ainte ,  une  affaire  de  conscience? 
Nous  avouons  que  ,  dans  l'histoire  entière , 
rien  ne  nous  étonne  davantage.  Si  nous 
sommes  surpris  de  l'avilissement  du  peuple 
et  du  parlement  anglais  sous  Henri  YIII , 
nous  xc  sommes  davantage  de  voir  que,  jetée 
dans  cette  abjection,  l'intelligente  Angleterre 
n'ait  pas  senti  que  l'honneur  comme  le  sens 
commun  lui  commandaient  d'en  sortir. 

FLACCUS,  proconsul  à  Byzance,  prononça 
la  peine  de  mort  contre  le  centurion  Acalhe, 
qui  avait  été  accusé  de  pratiquer  la  religion 
chrétienne.  On  était  en  pleine  ])ersécution 
sous  Dioclétien,  et  c'était,  à  cette  époque,  un 
crime  qu'on  ne  pardonnait  pas. 

FLACCUS,  général,  envoyé  à  Spolète  par 
Dioclétien,  pour  y  recherclier  et  mettre  à 
mort  les  chrétiens,  fit  arrêter,  en  30V,  saint 
<jrégoire,  prêtre  de  l'église  de  celte  ville,  et, 
l'ayant  inutilement  sommé  d'abjurer,  le  con- 
danma  à  mort.  {Voy.  Baronius  et  Tillemont, 
t.  V,  p.  1.33.) 

FLAGRA,]wi'^néo  de  branches  plus  épaisse 
que  les  verges.  On  se  servait  de  cet  instru- 
ment pour  frapper  les  martyrs.  Ces  branches 
étai(;nt  liées  ensemble  par  le  bout  qui  cons- 
tituait la  poignée.  Les  blessures  que  faisait 
cet  instrument  de  supplice  devaient  être 
douIoureus"s,  mais  peu  dangereuses  :  à  cha- 
que fois  qu'on  fiappe  avec  un  f;dsceau  peu 
serré,  la  violence  des  cou]js  se  trouve  dé- 
composée. 

FLAMBEAUX, /"ana/m,  faits  de  chanvr(>, 
enduits  de  poix  ou  de  cire,  serv.iicnt  à  i)rû- 
h'r  les  chairs  des  inartyrs ,  durant  qu'ils 
étai<'nt  sur  les  chevalets!  Les  cùlés  ét;u(ïnt 
)rdinaireuient  l'endroit  oiî  on  les  brûlait 
iinsi. 

^  FLATIEN  (saint),  martyr,  fut  mis  à  mort  à 
.>arlh?ig(;  avec  les  saints  Moiitan,  Leuce,  Ju- 
lien, Victoiic,  Piimoh;,  Benus,  Donatien;  ce 
lut  en  25'J,  sous  l'empire  de  'Valérien  et  sous 


le  gouvernement  intérimaire  de  Selon.  Pour 
plus  de  détails,  il  f.ait  lire  les  Actes  de  saint 
Montan.  L'Fglise  fait  la  fête  de  tous  ces 
saints  le  2'i-  féviier. 

FLAVIFN  (.^aint),  souffrit  la  mort  à  Rome, 
sous  l'empei-eur  Dioclétien.  Nous  n'avons 
aucun  détail  sur  lui.  L'Eglise  fait  sa  mémoire 
le  28  janvier. 

FLAVIEN  (saint),  martyr,  était  chevalier 
roinain,  père  de  sainto  Bibiane,  et  mari  de 
sainte  Dafrose.  Ai)ronien ,  préfet  de  Rome 
sous  Julien  l'Apostat,  en  Tan  de  Jésus-Chr  st 
3()3,  attiibuant  aux  chiétiens  la  perie  d'un 
œil  qu'il  venait  de  faire,  en  fit  movu'ir  un 
grand  nombre.  Il  fit  arrêter  saint  Flavien, 
qui  remplissait  un  emploi  considérable,  le  fit 
marquer  au  fro-n  avec  un  fer  rouge,  et  en- 
suite l'exila  à  Aqua-Pendente.  Peu  de  jours 
après,  le  saint  y  mourut  de  ses  blessures. 
L'Egl  se  fait  sa  fête  au  2i  décembre. 

FLAVIEN  (saint),  martyr,  prêtre  et  tréso- 
rier de  l'Eglise  de  Constaiitinople,  succéda  à 
Procius,  évêque  de  cette  ville,  qui  était  niort 
le  2i  octobre  kk-1,  après  avoir  tenu  ce  siège 
pendant  treize  ans  et  trois  mois.  Celte  nou- 
velle ordination  fut  désagréable  à  l'eunuque 
Chrysapius  ,  préfet  de  la  chambre ,  prévenu 
contre  Flavien.  Il  excita  l'empereur  à  de- 
mander à  Flavien  des  eulogies  pour  son  or- 
dination ;  Flavien  lui  envoya  des  pains  blancs 
comme  un  signe  de  bénédiction.  Chrysapius, 
qui  prétendait  autre  chose  ,  lui  fit  dire  qu'il 
devait  envoyer  de  l'or.  L'évêquc  réponcht 
qu'il  n'en  avait  jjoint,  si  ce  n'étaent  les  vases 
sacrés,  mais  que  h's  biens  de  l'Eglise  étaient 
à  Dieu  et  destinés  aux  pauvres.  Dès  lors 
Chrysapius  résolut  de  mettre  tout  en  œuvre 
pour  faire  déposer  Flavien;  mais  comme  il 
était  soutenu  par  Pulchérie,  sœur  de  l'empe- 
reur, qui  avait  toute  l'autorité ,  il  voulut 
commencer  par  l'éloigner  elle-même  des  af- 
faires. Chrysapius  i)ersuada  donc  à  rem[)e- 
reur,  [;ar  le  moyen  de  safemmeEudoxie,  de 
deniander  à  Flavi.  n  qu'il  ordonnât  Pulché- 
rie diaconesse.  L'empereur  l'envoya  quérir 
et  lui  fit  celte  proposition  en  secret.  Flavien 
en  fut  affligé,  mais  sans  le  témoigner  à  l'em- 
pereur; il  écrivit  secrètement  à  Pulchérie 
qu'elle  ne  se  trouvât  point  en  sa  présence, 
de  peur  qu'il  ne  fût  obligé  de  faire  (juelque 
chose  qui  ne  fût  agréable  ni  à  elle  ni  à  lui. 
Elle  comprit  de  quoi  il  s'agissait  et  se  retira 
à  rSicbdonion.  L'empereur Théodosc  etlini- 
pératrice  lùuloxie  l'uieiit  fort  irrités  contre 
Flavien  de  ce  (ju'il  avait  découvert  leur  se- 
cret, et  tel  fut  le  commencement  de  sa  dis- 
grâce. 

Bientôt  la  haino  de  ce  Chrysapius. contre 
notr.^  saint  devint  plus  implacabh».  Voici  à 
quelb^  occasion  :  Cluysaj)ius  ava:t  un  i)arent 
nonnné  Iilutychès  ,  prêtre  et  abbé  d'un  mo- 
nastèi'e  de  liois  cols  nujincs,  |)rèsdeCons- 
tanlino,il('.  Il  avait  été  un  des  plus  zélés  ad- 
veisaircs  (U)  Nestorius,  et  les  amis  d(!  saint 
Cyrille  le  conmlaienl  entre  ceux  qui  pou- 
vaient agir  utdi'iueul  pour  la  déleute  de  la 
foi.  Celte  année  même  ,  le  pape  sai  il  Léon, 
ayant  reçu  de  lui  u  le  lellre  par  luquelle  il 
lui  mandait  que  le  neslurianismo  repreuait 


1013  FLA 

de  nouvellos  forces,  Kn  dcrivit  pour  approu- 
ver son  zèle  et  l'onnou rager.  La  leltro  do 
sj.inl  Lc''on  est  du  l'^juin,  sous  le  consulat 
^.e  Poslliumieu  el  de  Zenon,  c'osl-îi-dire  Tiui 
U8.  Son  zè'c  (n\[v6  le  lit  tomber  dan.s  l'er- 
reur opi)OS(''e  h  celle  de  Nestorius,  et  Kusèbc, 
éviHlue  de  Porylée  en  Plirygie,  son  ancien 
and  ,  (levijit  son  accus.iteur.  11  prit  oe(;asion 
(i'u'i  eoneilo  de  trente  évoques  qui,  se  ti'ou- 
vanl  h  Constantin  >p!e,  s'y  étaieid  assemblés 
Je  8  novembre  h\S,  pour  terminer  un  dilîé- 
rcn.l  entre  Florentins,  évoque  de  Sardes, 
métropolitain  de  Lydie  ,  et  deux  évè(iues  do 
la  niénie  province.  Eutycliès  i)rétend;  il  que 
la  divinité  du  Fils  de  Dieu  et  son  liumanité 
n'ét  dent  qu'une  nature ,  et  attribuait  les 
souffrances  h  la  divinité.  Les  Pères  du  con- 
cile tirent  plusieurs  citations  à  cet  héi  ésiar- 
que ,  qui  n'y  répondit  point.  Il  comparut 
cnlin  ,  accompagné  d'une  grosse  troupe  de 
soldats,  de  moines  et  d'ofnciers  du  préfet  du 
pj-é;oirc.  Il  ne  voulut  point  réti-acter  ses  er- 
reurs et  fut  condanuié  et  déposé.  Flavieii 
prononça  la  sentence  en  ces  termes  :  «  Euty- 
chôs  ,  jadis  prêtre  ,  archimandrite  ,  est  plei- 
nement convaincu,  et  par  ses  actions  passées 
et  par  ses  déclarations  présentes,  d'être  dans 
l'erreur  de  Yalentin  et  d'Apollinaire,  et  de 
suivre  opiniâtrement  leurs  blasphèmes,  d'au- 
tant plus  qu'il  n'a  pas  môme  eu  d'égard  à 
nos  avis  et  à  iios  instructions  pour  recevoir 
la  saine  doctrine.  C'est  pourquoi ,  pleurant 
et  gémissant  sur  sa  perte  totale,  nous  décla- 
rons de  la  part  de  Jésus-Christ  qu'il  a  blas- 
phémé, qu'il  est  privé  de  tout  rang  sacerdo- 
tal,  de  notre  communion  et  du  gouverne- 
ment de  son  monastère  ;  faisant  savoir  à  tous 
ceux  qui  lui  parleront  ou  le  fréquenteront 
ci-après  ,  qu'ils  seront  eux-mêmes  soumis  à 
l'excommunication.  »  Cette  sentence  fut  sous- 
crite par  trente-deux  évoques  et  vingt-trois 
abbés,  dont  dix-huit  étaient  prêtres  ,  un  dia- 
cre et  quatre  laïques.  Les  plus  connus  sont  : 
André,  Fauste,  qui  semble  être  le  tils  de  saint 
Dalmace  ,  Martin  ,  Job  ,  Manuel ,  Abraham, 
Marcel,  abbé  des  Acémètes.  Les  évêques  les 
plus  considérables  étaient  :  notre  saint ,  évo- 
que de  Constantinople,  Saturnin  do  Marcia- 
nople,  Basile  de  Séleucie,  Séleucus  d'Ama^-ée, 
Ethéricus  de  Smvrne  ,  Julien  de  Co  ,  député 
de  saint  Léon. 

Le  concile  était  fini.  Eutychôs  dit  tout  bas 
au  patrice  Florentins  qu'il  en  apneL-.it  au 
concile  de  Rome,  d'Egypte  et  de  Jérusalem, 
et  Florentins  le  dit  aussitôt  à  Flavien  comme 
il  montait  à  son  appartement.  Ce  mot ,  dit  à 
la  dérobée  ,  ne  laissa  pas  de  servir  à  Euty- 
chès  de  prétexte  pour  se  vanter  d'avoir  ap- 
pelé au  pape  ,  à  qui  en  effet  il  écrivit  :  «  Je 
n'ai  pas  laissé  ,  dit-il ,  de  me  présenter  au 
coucile ,  quoique  accablé  de  maladie  et  de 
vieillesse,  et  quoic|ue  je  n'ignorasse  pas  la 
conjuration Xormé 3  contre  moi.  J'ai  présenté 
une  requête  qui  contenait  ma  profession  de 
foi ,  mais  l'évèque  Flavien  n'a  voulu  ni  la 
recevoir  ni  la  faire  lire.  J'ai  déclaré  en  pro- 
pres termes  que  je  suivais  la  foi  du  concile 
de  Nicée ,  confirmée  à  Ephèse.  On  voulait 
me  faire  confesser  deux  natures  et  analhé- 


Wlk 


im 


maliser  ceux  qui  les  nient;  pour  moi,  je  crai- 
gnais la  défense  du  concile  d(i  rien  ajouter  à 
la  foi  de  Nicée,  sachant  (pie  nos  saints  Pèr(;s 
Jules,  Félix,  Athanase  el  (irégoireont  rejeté 
le  mol  de  doux  natures,  el  jo  n'osais  raison- 
ner sur  )a  nature  du  Verbe  divin,  ni  anatlié- 
inati.'ser  ces  Pères.  C'est  pourcpioi  je  priais 
que  l'on  en  fît  rapport  à  Votre  Sainteté,  pro- 
lestant do  suivre  en  tout  votre  jugement. 
Mais,  sans  m'écouter,  le  concile  étant  rompu, 
on  a  [)ublié  contre  moi  une  sentence  de  dé- 
position, et  ma  vie  même  était  en  danger,  si 
on  ne  m'eût  délivré  à  main  armée.  Alors  ils 
ont  contraint  les  su|)érieurs  des  autres  mo- 
nastères (Je  souscrire  à  ma  déposition  ,  ce 
qui  ne  s'est  jamais  fait  contre  les  héréli(iue3 
déclarés  ni  conîrc  Nestorius  même;  jusque- 
là  (juc,  comme  je  proposais  en  public  ma 
confession  de  foi,  pour  me  justifier  devant  le 
peuple ,  ils  empêchaient  qu'on  ne  l'écoutât 
et  en  arrachaient  les  atTicJies.  J'ai  donc  re- 
cours à  vous,  qui  êtes  Je  défenseur  do  la  re- 
ligion ,  puisque  je  n'innove  rien  contre  Ja 
foi.  Mais  j'anathématise  Apollinaire  ,  Valen- 
tin,  Manès,  Nestorius  et  ceux  qui  disent  que 
la  chair  de  Notre-Seigneur  est  descendue  du 
ciel,  et  toutes  Jes  hérésies,  jusqu'à  Simon  le 
Magicien.  Je  vous  prie  que,  sans  avoir  égard 
à  ce  qui  a  été  fait  contre  moi  par  cabale, 
vous  prononciez  sur  la  foi  ce  que  vous  juge- 
rez à  propos ,  et  ne  souffriez  pas  que  l'on 
chasse  d'entre  les  catholiques  celui  qui  a 
vécu  soixante-dix  ans  dans  la  continence  et 
les  exercices  de  la  piété.  J'ai  joint  à  cette 
lettre  l'une  et  l'autre  requête,  celle  que  mon 
accusateur  a  présentée  au  concile  et  celle 
que  j'y  ai  portée  et  qu'on  n'a  pas  voulu  re- 
cevoir ,  et  ce  que  nos  Pères  ont  décidé  tou- 
chant les  deux  natures.  » 

L'empereur  Théodose  écrivit  aussi  à  saint 
Léon  sur  le  trouble  qui  était  arrivé  dans  l'E- 
glise de  Constantinople,  sans  expliquer  l'af- 
faire ,  l'exhortant  seulement  à  y  remettre  la 
paix.  On  ne  peut  douter  qu'Eutychès  n'ait 
obtenu  cette  lettre  par  le  crédit  do  l'eunuque 
Chrysapius  ,  son  parent.  Saint  Léon  ,  ayant 
reçu  ces  lettres,  écrivit  ainsi  à  Flavien  :  «  Je 
m'étonne  que  vous  ne  m'ayez  rien  écrit  de 
ce  scandale  ,  et  que  vous  n'ayez  pas  été  le 
premier  à  m'en  instruire.  Sur  l'exposé  d'Eu- 
tychôs,  nous  ne  voyons  pas  avec  quelle  jus- 
tice il  a  été  séparé  de  la  communion  de  l'E- 
glise. Mais  comme  nous  désirons  de  la  matu- 
rité dans  les  jugements  des  évêques  ,  nous 
ne  pouvons  rien  décider  sans  connaissance 
de  cause.  E^i voyez-nous  donc,  par  quelque 
personne  convenable ,  une  ample  relation  de 
tout  ce  qui  s'est  passé  ,  et  nous  apprenez 
quelle  nouvelle  erreur  s'est  élevée  contre  la 
foi,  afin  que  nous  puissions,  suivant  l'inten- 
tion de  l'empereur,  éteindre  la  division.  lî 
ne  sera  pas  (difficile,  puisaue  le  prêtre  Euty- 
chès  a  déclaré  dans  son  libelle  que  ,  s'il  se 
trouve  en  lui  quelque  chose  de  répréhensi- 
ble,  il  est  prêt  à  le  corriger.  »  Celte  lettre  est 
datée  du  douzième  des  calendes  de  mars, 
sous  le  consulat  d'Aslérius  et  de  Protogène, 
c'est-à-dire  le  18  février  4i9.  La  lettre  du  pape 
à  Flavien  lui  ayant  été  rendue  par  le  comte 


14)15 


FLA 


FLA 


1016 


Pansophius  ,  il  lui  fit  réponse  par  une  lettre 
en  date  du  1"  mars,  qui  porto  on  substance  : 
«  Eutvchès  veut  renouveler  les  hérésies 
d'Apollinaire  et  de  Valentin  ,  soutenant 
qu'avant  rincarnalion  de  Jésus-Christ  il  y  a 
deux  natures  ,  la  divine  et  l'humaino  ,  mais 
qu'après  l'union  il  n'y  a  qu'une  nature ,  et 
que  soi  corps  ,  pris  de  Marie ,  n'est  pas  de 
notre  substance  ni  consubstantiel  à  sa  mère, 
quoiqu'il  rai)pelle  un  corps  hamain.  Nous 
l'avons  condamné  sur  raccusalion  de  l'évê- 
que  Eusèbo  et  sur  les  réponse  s  qu'il  a  faites 
dans  le  concile,  découvrant  son  hérésie  de  sa 
propre  bouche,  comme  vous  apprendrez  par 
les  actes  que  nous  envoyons  avec  ces  lettres. 
Il  est  ju>te  que  vous  en  soyez  instruit ,  car 
Eutvchès  ,  au  lieu  de  faire"^  pénitence  pour 
apaiser  Dieu  et  nous  consol-r  dans  la  dou- 
leur que  nous  sentons  de  sa  perte,  s'empresse 
de  troubler  notre  Eglise  en  affichant  publi- 
quement des  iiboUi'S  remplis  d'injures,  et 
présentant  à  l'empereur  des  requêtes  inso- 
lentes. Nous  voyons  aussi ,  par  vos  lettres, 
qu'il  vous  a  envoyé  des  libelles  pleins  d'im- 
postures, en  disant  qu'au  temps  du  jugement 
il  nous  a  donné  des  1  belles  d'appidlation  à 
Votre  Sainteté,  ce  qui  n'est  pas  vrai  ;  mais  il 
a  prétendu  vous  suriirendre  par  ce  mensonge. 
Tout  cela  doit  vous  exciter  ,  très-saint-père, 
à  employer  ici  votre  vigueur  ordinaire.  Fai- 
tes votre  propre  cause  de  la  cause  commune; 
autorisez  par  vos  écrits  la  condamnation  pro- 
noncée régulièrement,  et  fortifiez  la  foi  de 
l'empereur.  Cette  alfaire  n'a  besoin  que  de 
voire  secours,  c'est-à-dire  de  votre  consente- 
ment ,  pour  procurer  la  paix  et  empocher  le 
concile  dont  on  a  fait  courir  le  bruit,  et  qui 
troublerait  toutes  les  Eglises  du  inonde.  »  Ce 
concile,  dont  le  bruit  courait  en  Orient,  était 
un  concile  œcuménique  qui  fut  en  elfet  con- 
voqué à  Ephèse. 

Cependant  l'eunuque  Chrysapius,  prolec- 
teur et  parent  d'Eutychès,  écrivit  à  Dioscore, 
évèque  d'Alexandrie  ,  lui  promettant  de  fi- 
voriser  tous  ses  desseins  s'il  voulait  prendre 
la  défense  d'Eutychès  et  attaquer  Flavien  et' 
Eusèbe  de  Dorylée.  11  excila  aussi  l'impéra- 
trice Eudoxie  à  einbrassor  le  môme  parti, 
principalement  pour  chagriner  Pulchérie. 
Eutycnès,  de  son  côté,  pria  Bioscore  de  pren- 
dre connaissance  de  fatlaire  et  d'examiner  ce 
qui  avait  été  fait  contre  lui.  Dioscore  écrivit 
cl  l'empereur  qu'il  fallait  assembler  un  con- 
cile universel ,  et  il  l'obtint  facilement  par 
les  sollicitations  d'Eudoxie  et  do  Chrysa- 
pius. Nous  avons  la  lettre  de  convocation 
adressée  à  Dioscore,  (humée  h  Constantino- 
ple  le  troisième  des  calendes  d'avril,  apiès  le 
consulat  de  Posthumieii  et  do  Zenon  ,  c'est- 
à-dire  le  30  mars  W.).  Elle  porto  que,  s'élant 
élevé  quehpies  doutes  sur  la  foi ,  qui  trou- 
blent les  Ames  ,  l'em|)eieur  a  onionné  aux 
évôrjues  do  s'assembler.  «  Vous  donc  aussi, 
dit-il  à  Dioscore;,  vous  priMidro/.  avec  vous 
dix  méliopolilaiiis  de  votî't;  dépendance!,  et 
dix  aijLi(;s  évèques  pour  vous  trouver  à 
Rphos(;  le  premier  jour  d'aoùl  prochain.  11 
ne  s'y  Irouvoia  f)oinl  d'autres  évé(pi('s ,  de 
peur  (.i'iinb.o  Tasser  le  concihj.  Si  cpiclqu'uti 


y  manque ,   sa   conscience   en  sera  char- 
gée ,  etc.  »   L'empereur  écrivit  en  la  même 
forme  aux  autres  évoques  ,  c'est-à-dire  que 
chaque  patriarche  ou  exarque  devait  amener 
pareil  nombre  d'évèques  de  sa  province.  Le 
15  mai  suivant  fut  donnée  une  autre  lettre 
de  l'empereur,  adressée  h  Dioscore,  portant  : 
«  Nous  avons  a[)pris  ({ue  i)lusieurs  archiman- 
drites d'Orient    et  les    peuples  catholiques 
disputent  avec  chaleur  contre  quelques  évo- 
ques qui  j)assont  i)our  nestoriens  ;  c'est  pour- 
quoi nous  ordoiuions  que  le  très-pieux  prê- 
tre et  archimandritie  Barsumas  se  trouvera  à 
Ephèse  pour  tenir  la  [)lace  de  tous  les  archi- 
mandrites d'Orient,  y  prendre  séance  avec 
votre  sainteté  et  avec  tous  les  Pères.  »  L'em- 
pereur écrivit  aussi  à  Barsumas  ,   lui  attri- 
buant d'avoir   soulfert   de    grands   travaux 
pour  la  foi  et  lui  donnant  séance  et  voix  dans 
le  concile.  C'étaient  Eutychès  et  Dioscore  qui 
lui  procuraient  cet  honneur,  pour  exclure  du 
concile  les  autres  abbés  qui  ne  leur  étaient 
pas  favorables.  Il   y  eut  aussi  deux  laïques 
destinés    pour  assister   au   concile  comme 
commissaires  de  l'empereur,  savoir:  Elpide, 
comte  du  consistoire ,  c'est-à-dire  conseiller 
d'Etat ,  et  Euloge,  tribun  et  notaire.  Leur 
commission  les  charge  d'empêcher  qu'il  n'ar- 
rive du  tumulte  dans  le  concile,  et,  si  quel- 
qu'un y  en  excitait,  de  le  mettre  en  lieu  de 
sûreté   et  en  avertir  l'empereur.   Ceux  qui 
ont  condaniîié  Eutychès  doivent  assister  au 
concile,   non  en  qualité  de  juges  ,  mais  de 
parties.   Il  ne  sera  permis  d'agiter  aucune 
autre  affaire  avant  celle  de  la  foi.  Proclus, 
proconsul  d'Asie,  eut  un  ordre  particulier  de 
prêter  main-forte   aux   deux   commissaires 
pour  empêcher  le  désordre  dans  le  concile. 
11  y  eut  encore  une  lettre  générale  de  l'era- 
})ereur  au  concile  pour  en  marquer  le  sujet, 
qui  est  de  terminer  la  question  de  foi  émise 
entre  Flavien  et  Eutychès,  et  de  chasser  des 
églises  tous  ceux  qui  tiennent   ou   favori- 
sent  l'erreur  de  Nestorius.   Enfin  il  y  eut 
une  dernière  lettre  à  Dioscore,  par  laquelle 
l'empereur  lui  donne  la  présidence  du  con- 
cile. 

Le  pape  saint  Léon  fut  aussi  invité  au 
concile  avec  les  évêques  d'Occident;  mais  il 
ne  reçut  la  lettre  de  l'empereur  que  le  troi- 
sième des  ides  de  mai,  c'est-à-dire  le  trei- 
zième. Il  ne  restait  plus  que  deux  mois  et 
demi  jusqu'au  1"  d'août ,  oij  devait  com- 
mencer le  concile  ;  et  la  plus  grande  partie 
de  ce  temi)S  se  serait  passée  à  [)réparer  le 
voyage  des  évoques,  [»uis(pi'il  fallait  tenir  ua 
concile  à  Uome,  y  nommer  des  députés  et 
leur  donner  leurs  instructions.  Saint  Léon 
se  contenta  donc;  d'écrire  diverses  lettres 
pour  emi)êcher,  s'il  pouvait,  ce  concile,  ou 
du  moins  faire  en  sorte  (jne  la  ft)i  y  fût  con-, 
servée.  Voyant  qu'il  no  pouvait  emnôcher 
(jue  l(ï  colu-ile  se  tînt  à  Ephèse,  malgré  la 
jjrièrc  (pi'il  avait  adressée  à  l'empereur  pour 
(pi'il  fût  tenu  en  Italie,  il  destina  pour  y  être 
envoyés,  Jules,  évècpu;  de  Pou/.znles  ;  René, 
l)rêtre  du  titre  do  Saint-Cléuunit  ;  Hilarius, 
diacre,  et  Dulcitius,  notaire,  et  les  charj^ea 
de  plusicms  lettres. 


ion  FLA 

Le  concile  d'Ephèse,  convoqué  par  l'ompo- 
rcui-  pour  h^  pnMiiierjour  d'août,  s'assembla 
le  Imilit^nu'  du  iiuMue  mois,  do  l'annéu  kïd. 
La  st^anco  se  tint  an  iiuMncliou  où  s'était  te- 
nu le  premier  concile  d'Kphèse,  dans  l'église 
nommée  Marie.  !l  y  eut  cent  Ironie  évé(iuos 
des  |)rovinccs  d'Kg.vpte,  d'Orient,  d'Asie,  du 
Pont  et  de  Thrace.  bioscore  d'Alexandrie  te- 
nait la  première  place  suivant  l'ordre  de 
l'empereur;  ensuite  est  nommé  Jules,  te- 
nant la  plaee  du  pape  saint  Léon.  Après  lui, 
sont  nommés  Juvénal  de  Jérusalem,  Domnns 
d'Aiitioche,  Flavien  do  Constantinople,  qui 
n'avait  ainsi  cpie  la  cinciuiùmo  [)laco  comme 
le  plus  nouveau  de  1<jus  les  patriarches. 
Après  les  cinq  patriarches,  sont  nommés  les 
exanjues  cl  les  métroi)olitains  ou  leurs  vi- 
caires, savoir  :  Ltienne  (rK})lièse,  Thalassius 
de  Césarée  en  Cappadoce,  Lusèh(>  d'Ancyre 
en  Galatie,  Jean  deSéhaste  en  Arménie,  Cy- 
rus  d'.\|)lnodisiade  en  Carie,  Erasistrate  de 
Corinthe,  Uuinlilius  d'Héraclée,  etlesautres 
que  l'on  peut  voir  dans  les  actes.  Après  tous 
les  évoques,  sont  nommés  les  prêtres,  pre- 
mièrement l'abbé  Barsumas,  puis  quatre  dé- 
putés d'évèt|ues  absents,  et  enfin  les  derniers 
de  tous,  le  diacre  Hilarius  et  le  notaire  Dul- 
citius,  légat  du  pape.  11  n'est  point  parlé  du 
prêtre  Hené,  parce  qu'il  était  mort  en  chemin 
dans  Tile  de  Délos.  Eutychôs  était  aussi  à 
E{)lièsc  ;  ni  le  vœu  de  ne  point  sortir  de  son 
monastère,  ni  son  grand  âge,  ni  ses  infirmi- 
tés ne  l'avaient  point  empêché  de  la4re  ce 
voyage.  Jean,  prêtre  et  primicier  des  notai- 
res, apparemment  de  l'église  d'Alexandrie, 
fit  les  fonctions  de  promoteur,  comme  avait 
fait  le  prêtre  Pierre  dans  le  premier  con- 
cile d'Ephèse,  et  aprèsavoirdille  sujet ducon- 
cileen  termes  généraux,  illut,  par  ordre  de 
Dioscore,lalettrederempereur  pour  la  con- 
vocation du  concde.  Ensuite,  l'évéque  Jules, 
légat  du  pape,  dit  :  «  Notre  saint  pape  Léon 
a  été  a|ipelé  en  la  même  forme.  »  Comme 
il  parlait  latin,  Florentins,  évêque  de  Lydes, 
lui  servait  d'interprète.  Le  diacre  Hilarius, 
par  le  même  interprète,  ajouta  :  «  Notre  em- 
pereur très-chrétien  a  appelé  par  ses  lettres 
notre  bienheureux  évêque  Léon  pour  assis- 
ter au  saint  concile,  et  Sa  Sainteté  l'aurait  lait, 
s'il  y  en  avait  quelque  exemple.  Mais  vous  sa- 
vez que  lepapen'aassisténi  au  concile  de  Ni- 
cée,  ni  à  celui  d'Ephèse,  ni  à  aucun  autre 
semblable  ;  c'est  pourquoi  il  nous  a  envoyés 
ici  pour  le  représenter,  et  nous  a  chargés  de 
lettres  pour  vous,  que  nous  vous  prions  de 
faire  lire.  »  Dioscore  dit  :  «  Que  l'on  reçoive 
les  lettres  écrites  au  saint  concile  œcuméni- 
que par  notre  très-saint  frère  Léon.  »  Mais 
au  lieu  de  les  lire,  le  prêtre  Jean  proposa  de 
lire  une  autre  lettre  de  l'empereur  à  Dioscore, 
et  Juvénal  de  Jérusalem  en  ordonna  la  lec- 
ture. C'était  la  lettre  qui  ordonnait  que  Bar- 
sumas assisterait  au  concile.  Juvénal  dit: 
«  J'ai  reçu  un  pareil  ordre  touchant  Barsu- 
mas; c'est  pourquoi  il  est  raisonnable  qu'il 
assiste  au  concile  :  »  Ensuite  le  comte  Li- 
pide lut  la  commission  de  l'empereur  pour 
lui  et  pour  le  tribun  Euloge,  et  fit  faire  la 
lecture  de  la  lettre  de  l'empereur  au  concile, 


FL4 


tOll 


nui  accusait  Flavien,  notre  saint  martyr, 
(l'avoir  suscité  des  disputes  sur  la  foi  contre 
Eutychès.  Alors  Thalassius,  évêque  (h;  Cé- 
sarée, dit  que,  suivant  rintention  de  l'empe- 
reur, maniuée  dans  cette  lettre,  il  fallait 
comincneer  parla  question  de  la  foi,  toute 
autre  affaire  cessante.  L'évéque  Jules,  légat 
du  pape,  on  convint.  Dioscore  dit  :  «  Nous 
no  sommes  pas  assemblés  pour  ex[)Os<'r  la 
foi  {{ue  nos  Pères  ont  déjà  exposée,  mais 
pour  examiner  si  les  nouvelles  opinions 
conviennent  aux  décisions  des  Pères.  11 
faut  donc  commencer  par  cet  examen.  Vou- 
driez-vous  changer  la  foi  dos  Pères  ?  »  Le 
concile  dit  :  «  Si  quelqu'un  la  change,  qu'il 
soit  anathème  ;  si  quoiqu'un  y  ajoute,  qu'il 
soit  anathème  I  Gardons  la  foi  de  nos  f)ères. 
Alors  le  comte  Elpide  dit  :  «  Puisque  vous 
êtes  d'accord  sur  la  foi,  ordonnez  que  l'on 
fasse  onlror  l'archimandrite  Eutychès  qui  est 
le  sujet  de  cette  action,  et  qu'il  vous  expli- 
que ses  sentiments.  Le  concile  y  consentit, 
et  quand  il  fut  entré,  Thalassius  de  Césarée 
l'invita    à   expliquer  ses  défenses. 

Eutychès  dit  :  «  Je  me  recommande  au 
Père,  au  Fils  et  au  Saint-Esprit  et  à  votre 
justice.  Vous  êtes  témoins  de  ma  foi,  pour 
laquelle  j'ai  combattu  avec  vous  dans  le  pre- 
mier concile  assemblé  ici.  J'ai  entre  les 
mains  un  libelle  de  ma  foi,  faites-le  lire.  »  On 
le  lut  :  il  contenait  le  symbole  de  Nicée,  avec 
une  protostation  de  vivre  et  de  mourir  sui- 
vant cotte  foi,  et  d'anathématiserManès,  Va- 
lentin,  Apollinaire,  Nestorius  et  tous  les  hé- 
rétiques jusqu'à  Simon  le  Magicien  et  ceux 
qui  disent  que  la  chair  de  Jésus-Christ  est 
descendue  du  ciel.  Ensuite  il  ajoutait  :  \i- 
vant  suivant  celte  foi,  j'ai  été  accusé  par  Eu- 
sèbe,  évêque  de  Dorylée,  qui  a  donné  con- 
tre moi  des  libelles  où  il  m'appelait  héréti- 
que, sans  spécifier  aucune  hérésie,  afin 
qu'étant  surpris  et  troublé  dans  l'examen  de 
ma  cause,  il  m'échappât  de  dire  quelque 
nouveauté.  L'évéque  Flavien  m'ordonna  de 
comparaître,  lui  qui  était  presque  toujours 
avec  mon  accusateur,  croyant,  parce  quô 
j'avais  accoutumé  de  ne  point  sortir  du  mo- 
nastère, que  je  ne  me  présenterais  pas  et 
qu'il  me  déposerait  comme  défaillant.  En  ef- 
fet, lorsque  je  venais  du  monastère  à  Cons- 
tantinople,  le  silentiaire  Magnus,  que  l'em- 
pereur m'avait  doimé  pour  ma  sûreté,  me 
dit  que  ma  présence  était  désormais  inutile 
et  que  j'étais  condamné  avant  que  d'être  ouï. 
Sa  déposition  le  fait  voir.  Quand  je  me  fus 
présenté  à  l'assemblée,  on  refusa  de  rece- 
voir ni  défaire  lire  ma  confession  de  foi,  et 
quand  j'eus  déclaré  de  vive  voix  que  ma 
créance  était  conforme  à  la  décision  de  Ni- 
cée confirmée  àEphèse,  on  voulut  m'y  faire 
ajouter  quelques  paroles  ;  moi,  craignant  de 
contrevenir  à  l'ordonnance  du  premier  con- 
cile d'Ephèse,  je  demandai  que  votre  saint 
concile  en  fûtinformé,  étant  prêt  de  me  sou- 
mettre à  ce  que  vous  approuveriez.  Comme 
je  parlais  ainsi,  on  fit  lire  la  sentence  de  dé- 
position que  Flavien  avait  dressée  contre 
moi  longtemps  auparavant,  comme  il  avait 
voulu  ;  et  l'on  changea  plusieurs  choses  aux 


1019 


FLA 


FLÂ 


ma 


actes  comme  il  a  été  vérifié  depuis,  à  ma  re- 
quête, par  ordre  de  l'empereur  ;  car  i'évô- 
quo  Flavieu  n'a  eu  aucu  i  égard  à  mon  appel 
interjeté  vers  vous,  ni  aucun  resi)cct  i)Our 
mescheveuxblancs  et  les  combats  que  j'ai  sou- 
tenus contre  les  hérétiques;  mais  il  m'a  con- 
damné d'autorité  absolue.  Il  m'a  livré  pour 
être  mis  en  pièces  comiiio  liéiétii{ue  par  la 
multitude  amassée  exprès  d;ins  la  cathédrale 
et  dans  la  place,  si  la  Pi'ovidenee  ne  m'avait 
conservé.  11  a  fait  lire  en  diverses  églises  la 
sentenci'  prononcée  eontre  moi  et  a  fait  sous- 
crire les  monastères,  ce  qui  ne  s'est  jamds 
fait, .comme  vous  savez,  même  contre  les  hé- 
rétiques. Il  l'a  envoyée  en  Orient  et  Fa  lait 
sousc/'ire  en  |)lusieurs  endroits  par  les  évè- 
quesetles  moines(]uin'avaienl  point  été  ju- 
ges, quoiqu'il  eût  dû  coiumencer  ]jar  l'en- 
voyer aux  évoques  à  (jui  j'avais  appelé.  C'est 
ce  qui  m'a  obligé  d'avoir  recours  à  vous  et  à 
l'e.npereur,  alin  que  vous  soyez  juges  du  ju- 
gement rendu  coutre  moi.  » 

A[)rès  cette  lecture,  Fiavicn  de  Conslanti- 
nople  dit  :  «   Son  accusateur    était  Eusèbe, 
oi'donnez  qu'il  entre.  »  Le  coraie  Elpide  dit  : 
«  L'empereur  a  ordonné   que  ceux  qui   ont 
été  juges  soient  manilenant  parties.   Je  ré- 
ponds donc  à  l'arehevô que  Flavien  que  î'ac- 
cusaleur  a  rempli    sa  fonction,   il   prétend 
avoir  gagné  sa  cause  ;  ainsi   le  juge  a  fait 
passeren  sa  personne  laqualité  d'accasaceur, 
comme  il  s'observe  dans  les  tribunaux  sécu- 
liers. Vous  ôles  maintenant  assendjiés})Our  ju- 
ger les  juges,  non  pour  recevoir  encore  l'accu- 
sateur et  recommencer  un  nouveau  procès. 
Ordonnez  donc,  s'il  vous    plait,  qu'on   lise 
tout  le  reste  des  actes  d.^   la  cause.  »  Dios- 
core  ne  manqua  pas  dètre  de  cet  avis  et  les 
auties  évoques  le  suivirent.   Aussi  Lusèbe 
de   Dorylée    n'entra  point  dans  le   concile, 
quoique  Entychès   y   lut  admis.  Aorès  que 
tous  les    évèques   eurent  oi)iné  pour  la  lec- 
ture des  actes,  Dioscoredemanda  aussi  l'avis 
à  Jules,  légat  du  pape,  qui  dit  :  «  Nous  vou- 
lons qu'on  lise  les  actes,  à  condition  qu'on 
lise  auparavant  les  lettres  du  pape.  «  Le  dia- 
creHdariusajoata  :  «  D'autant  plusqucle  très- 
saint  évèque  de   Rome  n'a  écrit  ses  lettres 
qu'après  s'être  fait  lire  les   actes  dont   vous 
'lemandez   la  lecture.    »    Eulychès  dit  :  Les 
envoyés  du  très-saint  archevêque  de  Uome, 
LéoiT,  me  sont  devenus  suspects,  car  ils  lo- 
gent  chez    l'évêque  Flavien  ;  ils  ont    diné 
chez  lui,  et  il  leur  a  rendu  toutes  sortes  de 
services  ;  je    vous   prie  dont;  que  ce  qu'ils 
pounaient  faire  conlre  moi  ne  me:  porte  au- 
cun préjudice.  »  Dioscoie  dit  :  «  11  est  dans 
lordie  de  lire  ))reinièrement   les  actes  de  la 
cause,  puis  les  leitres  du  tiès-pieux  évê(pie 
de  Uome.  «  On  éluda  ainsi  pour    la  seconde 
fois  la  lecture  de  la  leltre  du  |)ape,  et  on  lut 
les  actes  du  concile  tenu   à  Lonslaiitiiiople 
Je  hiiilième  de  novembre  quatre  cent  (pia- 
rantc-liuit  et  les  jouis   suivants,  dont  Fla- 
vien et    Jiutychès  avaient  fourni  chacun  un 
<jxi'ii)|)l;iire. 

Ouaiid  ce  vint  îi  la  dernièi-e  session,  à 
r<MMboil  où  Eusèbe  d(;  l)(jiyl('!i;  pressait  lùi- 
tychcH  (le  (jcjulussci-  deux  natures  après  l'in- 


carnation, et  que  Jésus-Christ  nous  est  con- 
substantiel  selon  la  chair,  le  concile  d'E- 
phèse  s'écria  :  «  Oiez  ,  brûlez  Eusèbe  ;  qu'il 
soit  brûlé  vif,  qu'il  soit  mis  en  deux;  comme 
il  a  divisé,  qu'on  le  divise.  »  Dioscore  dit  : 
«Pouvez- vous  souffrir  ce  discours,  qu'on 
dise  deux  natures  après  l'Incarnation?  «  Le 
concde  dit  :  «  Anathème  à  qui  le  soutient  » 
Dioscore  dit  :  «  J'ai  besoin  de  vos  voix  et  de 
vos  mains  :  si  quelqu'un  ne  peut  crier  cpi'il 
étende  la  main.  »  Le  concile  dit  :  «  Si  quel- 
qu'un dit  deux  natur/s,  anathème  !  »  Ei  après 
qu'on  eut  lu  la  déclaration  d'Euîycliès,  Dios- 
core dit  :  «  Quelle  profession  de  foi  approu- 
vez-vous? «  Celle  d'IùUychès,  dit  le  concile, 
Eusèbe  est  un  impie  (faisant  allusion  à  son 
nom,  qui  veut  dire  pieux). »  Après  les  actes 
du  concile  de  Gonst^intinople  ,  on  lut  aussi 
ceux  de  l'assemblée  tenue  le  huitième  d'a- 
vril 'si9  pour  la  iévision  de  ces  actes  et  l'in- 
formation du  ving!-sei)tièra8  d'avril.  Tou- 
tes ces   lectures  étant  faites,    les  évêques 
dirent  leur  avis,  y  étant  invités  par  Dios- 
core. Juvénal  de  Jérusalem    commença  et 
dit:  «  Eutychès  ayant  .toujours  déclaré  qu'il 
suit  l'exposition  de  foi  de  Nicée  et  ce  qui  a 
été  fait  au  premier  concile  d'Ephèse,  je  l'ai 
trouvé  très-orihodoxe  et  j'ordonne  qu'il  de- 
meure dans  son   monastère    et    dans    sou 
rang.  »  Le  concile  dit  :  «  Ce  jugement  est 
juste.  »  Domnus  d'Antioche  dit  :  «  Sur  la 
lettre  (|ui  m'avait  été  écrite  par  le  concile  de 
Constantinople  ,  au  sujet    d'Eutychès,  j'ai 
souscrit  à  sa  condamnation;  mais  sur  le  li^ 
belle  qu'il  vient  de  doiiner  au  concile  où  il 
confesse  la  foi  de  Nicée  et  du  premier  con- 
cile d'Ephèse,  je  suis  d'avis  comme  vous 
qu'il  reprenne  la  dignité  de  prêtre  et  la  con- 
duite de  sa  communauté.  »    Etienne  d'E- 
phèse, Thalassius  de  Césarée,  Eusèbe  d'An- 
cyre  et  tous  les  autres  évêques  oi)inèrent  de 
môme,  exce[tté  les  légats  du  pape  dont  il  n'est 
pointfail  mention. Barsumasoi)ina après  tous 
les  évêijues.  Enlin  Dioscore,  comme  prési- 
dent, donna  son  suffrage  le  dernier  en  fa- 
veur d'Eutychès. 

Ensuite  le  prêtre  Jean  fit  la  lecture  d'une 
requête  pi'ésentée  par  les  moines  de  la  com- 
munauté d'Euly(;hès,  en  ces  termes  :  «  Tou- 
chés des  promesses  du  Dieu,  nous  avons 
quitté  nos  biens,  nos  dignités  ,  nos  charges 
et  nos  esi^érances,  poui-  fiormei-  une  commu- 
nauté de  moines,  jus(iu'au  nombi'e  de  ti'ois 
cents, sous  la  conduite  du  très- pieux  archi- 
mandrite l'mlyciiès,  et  nous  y  vivons  la  plu- 
plart  de|»uis  plus  d(!  trente  ans.  Mais  le  ré- 
véi'endissime  évêque  Flavien  ,  au  lieu  de 
nous  (Micourager  et  nous  protéger ,  a  oj)- 
|)rimé  notre  pasteur  i)ar  dtîs  calomnies,  et 
l'ayant  déposé,  nous  a  fait  dire  pai-  le  prêtre. 
Théodose  ,  accom})agné  (h;  (|uekiues  autres 
clercs,  de  nous  sépartu'  de  lui  et  de  ne  pas 
même  lui  parler  v.l  de  conservtu-  .^  Flavien 
li.'s  bicnis  du  monaslèi-eau  nom  i\{}s  pauvres, 
car  c'était  là  h  cjuoi  il  tendait  ;  autrement  que 
nous  serions  privés  des  divins  mystères  avec 
notre  abbé.  En  ellel  le  saint  autel  que  Fla- 
vuMi  lui-mêmiî  avait  dressé  six  mois  avant 
cette  entreprise  ,  est   sans  sacritice  ;   nous 


4621 


FLA 


FLA 


im 


sommes  (1i>m('ur(^s  liés  de  celte  injuste  cen- 
sure ius'iii'à  votre  saint  coiitilc,  et  quelques- 
uns  (le  nos  fW'i-i'S  sont  uiorls  en  cet  Hixt. 
Nous  av.'iis  passé  dans  cette  al'ilicliou  la 
fOte  de  kl  Nativité  de  Notce-Sei^'unu-,  celle 
de  rK|)i|)liaine  et  Ct  Ile  de  la  Uôsunection, 
0f\  livs  ('•vi>(iues  (I  )nue!it  l'absoliilioi  à  la 
;|>lui)art  de^^  péeheuis  et  où  les  pi-iiiecs  fout 
graeenuxcriuiinels.  Il  va  neuf  mois  (jui!  nous 

■  soud'i-O'is  cette  riL!;u('Ui-,  observant  e-i  tout 
le  reste,  les  exercices  ordinaires  de  la  rè^^ile 
nion.isliiîue.  C'est  |)our(]uoi  nous  vous  sup- 
plions d'avoir  eouipassio'i  tie  nous,  de  nous 
rendre  rus;ij;e  des  sarrenien  s  et  d'imposer  à 
celai  (]ui  nous  a  ainsi  tiaités  la  peine  de 
son  injustice.  «  Cette  recpièle  était  souscrite 
j)ar  le  prêtre  Narsès,  dix  diacres,  trois  sous- 
diacres  et  s^Mze  aiitrt's  moines;  (rente-ci'iq 
en  tout.  Dioscore  leur  demaiidaleur  conCes- 
sion  de  foi,  et  ils  dé>  lavèrent  (lu'elle  était 
conforme  à  eel-e  d'Kulyi dès  ;  sur  ((îioi,  de 
l'avi-  de  Juvéïud  de  Jérusalem  et  de  tout  lo 
concile,  ils  fare-U  déclarés  absous  et  rétablis 
dans  la  communion  do  l'Eglise  et  les  fonc- 
tions de  leurs  ordres. 

Ensuite  Dioscore  proposa  de  faire  lire  ce 
qui  avait  été  décidé  sur  la  foi  dans  le  pre- 
mier concile  d'Ephèse,  etc.  Après  cette  lec- 
tni-e,  Dioscore  dit  :  «  Je  crois  ({ue  vous  ap- 
prouvez tous  rex[)Osition  des  Pères  de  Nicée, 
conlirméepar  le  concile  précédent,  tenu  ici, 
et  nous  avons  oui  qu'il  ordonne  que  si  quel- 
qu'un dit  ou  pense  quelque  autre  chose  ou 
fait  quelque  autre  question,  il  doit  être  con- 
damné :  que  vous  en  semble?  Que  ctiacun 
dise  son  avis  par  écrit.  »  Thalassius  de  C6- 
sarée  déclara  qu'il  s'en  tenait  aux  conciles 
•de  Nicée  et  d'Ephèse,  et  qu'il  détestait  tous 
ceux  qui  pensaient  quelque  chose  de  con- 
traire. Les  autres  évêqr.es  0[)inèrent  de 
même.  Jules,  légat  du  pape,  décl.-ira  cj;ue  c'é- 
tait le  sentiment  du  siège  apostolique.  Mais 
le  diacre  Hilarius  ajouta  :  «  Cela  est  con- 
forme aux  lettres  que  le  siège  apostolique 
vous  a  écrites  ;  si  vous  les  faites  lire,  vous 
verrez  qu'elles  sont  conformes  à  la  vérité!  » 
Toutefois  on  n'eut  point  d'égard  à  sa  remon- 
trance. Au  contraire,  Dioscore  ayant  posé  son 
principe,  en  tira  la  consé  {uence  qu'il  pré- 
tendait, et  dit  :  «  Le  saint  concile  de  Nicée 
et  le  saint  concile  d'Ephèse  ont  exposé  la 

.  foi,  et  ordonné  que  quiconque  dirait  autre 
chose  serait  condamné.  \'ous  voyez  d'ail- 
leurs que  Flavien,  ci-devant  évêque  de  Cons- 
tantino[)le,  et  Eusèbe  de  Dorylée,  oui:  tout 
renversé  et  causé  du  scandale  dans  toutes 
les  églises,  il  est  donc  clair  qu'ils  se  sont 
eux-mêmes  soumis   aux  peines  ordonnées 

,^  par  nos  Pères.  C'est  pourquoi ,  en   contir- 

['  mant  leiirs  décisions,  nous  avons  jugé  que 
les  susdits  Flavien  et  Eusèbe  seront  privés 
de  toute  dignité  sacerdotale  et  épiscopale. 
Dites  tous  votre  avis  pour  être  inséré  aux 
actes,  et  sachez  que  les  empereurs  seront 
informés  de  tout  ce  quisefait  aujourd'hui.  » 
Flavien  dit  :  «  Je  vous  récuse.  »  Hilarius, 
diacre  de  l'Eglise  romaine,  dit  :  «  Contradi- 
citur)^  (on  s'y  oppose);  et  ce  mot  latin  fut 
inséré  dans  les  Actes  grecs.  Toutefois  Juvé- 


nal  de  Jérusalem  prononça,  ainsi  que  Dios- 
core, la  déposition  de  Flavien  et  d'Eusèbe, 
coiiune  ayant  altéré  la  foi  d(!  Nicée  et  d'E- 
p!u''se,  cl.  ils  fui(nit  suivis  deDomniis  d'An- 
(loche,  de  Thalassius  de  Césaréc  ,  d'Fusèbe 
d'An(!yre,d'I<;tienne  d'E;>hès(;,  cl  de  tous  les 
autres  ;  Harsumas  même  |)rononça  comino 
juge  a|)rès  tous  les  évêqucs.  Ensiule  ilssous- 
crivireit  tous  ,  excepté  les  léga'.s  du  ()ape. 
C'est  ce  (\\ut  norient  les  actes  du  conciled'E- 
pliès<';  mais  les  choses  ne  s'y  [)assèrent  pas 
si  doucement. 

Quand  Dioscore  commença  à  prononcer 
sa  sentence  contre  n')tre  sai.it  évêque,  Oné- 
si[)h)re,  évoque  d'Hcone ,  se  leva  avec  i;lu- 
sieiu's  autres,  prit  les  genoux  de  Dioscore, 
en  le  suppliant  de  n'en  rien  faire.  Dioscore 
se  levadesoii  siège  et,  debout  sur  son  mar- 
che-|)ied,  il  dit  :  «  Quand  on  me  cou{)erait 
la  langue,  je  n;î  dii-ai  pas  autre  chose.»  Et 
comme  les  évêques  continuaient  de  le  prier 
et  lui  tenaient  les  genoux  ,  il  s'écria  :  «  Oiî 
sont  les  comtes?  »  On  ht  entrer  le  [irocon- 
sul  avec  une  grande  multilude  de  soldats 
armés  d'épées  et  de  bâtons  et  munis  de  chaî- 
nes. Aif.si  la  [dupart  des  évoques  souscri- 
virent j)ar  forci;  sur  un  [)apier  blanc,  ayant 
été  retenus  jusqu'au  soir  dans  l'église,  sans 
qu'on  leur  donnU  da  repos.  Ceux  qui  de- 
meurèrent unis  à  Flavien  ei  qui  ne  voulu- 
rent |)as  souscrire  >  furent  envoyés  en  exil. 
Le  diacre  Hilarius  s'échappa  à  grand'peine 
ct  vint  à  Iloine  par  des  chemins  détournés. 
Il  y  eut  quelques  autres  évoques  déposés 
dans  ce  concile,  dont  les  actes  que  nous 
avons  ne  font  pas  mention,  savoir  :  Ibas  d'E- 
desso  G'  Daniel  ue  Carres,  son  neveu;  Aqui- 
lin  de  Byblus  et  Savinien  de  Perrha.  TUéo- 
doret  y  ifut  aussi  déposé,  quoiL[ue  absent,  et 
même  Domnus  d'Antioche,  pour  avoir  ré- 
tracté sa  souscription  forcée  à  la  condamna- 
tion de  Flavien  :  ce  qui  se  passa  ainsi  par 
l'arlifice  de  Dioscore.  Trois  jours  après  la 
séance  oij  Flavien  avait  été  déposé,  Dios- 
core produisit  dans  le  concile  des  lettres  que 
Doinnus  lui  avait  écrites  contre  les  douze 
articles  de  saint  Cyrille,  les  accusant  d'obs- 
curité ,  et  le  fit  déposer  comme  suspect 
de  nestorianisme ,  quoiqu'il  fût  absent  et 
malade. 

Ainsi  finit  ce  concile,  plus  connu  sous  le 
nom  de  brigandage  d'Ephèse.  Flavien  et  Eu- 
sèi)e  furent  mis  en  prison;  mais  Flavien,  ou- 
tre sa  protestation  dans  le  concile,  donna  aux 
légats  du  pape  un  libelle  par  lequel  il  api^elait 
au  siège  apostolique.  Sitôt  après  le  concile, 
Dioscore  se  retira  et  prononça  une  excommu- 
nication contre  le  pape  saint  Léon,  qu'il  fit 
souscrire  par  environ  dix  évêques  qui  étaient 
sortis  d'Egypte  avec  lui.  On  envoya  Flavien 
en  exil.  Au  bout  de  quelques  jours,  il  mourut 
à  Hypèpe  en  Lydie,  des  coups  de  pied  et  des 
autres  niiuvais  traitements  qu'il  avait  re- 
çus, principalement  de  Barsumas  et  de  ses 
moines.  L'Eglise  honore  sa  mémoire  le  18 
février.  (Fleary,  t.  Il,  livre  xxvii, passjm.) 

FLAVIUS  (saint),  martyr,  l'un  des  qua-^ 
rante  martyrs  de  Sébaste ,  sous  Licinius. 
{Voy.  Martyrs  de  Sébaste.) 


i09S 


FLO 


FLO 


1024 


FLAVIUS  (  saint  ) ,  honoré  par  l'Eglise 
comme  martyr  le  7  mai,  donna  sa  vie  pour 
la  foi  à  Nioomédie,avec  ses  deux  frères  Au- 
guste et  Augustin.  Nous  manquons  de  ren- 
seignements authentiques  à  leur  sujet. 

FLOCELLE  (saint),  jeune  enfant  qui  avait 
déjà  été  fortement  éprouvé  en  souffrant  pour 
Jésus-Christ  sous  l'empereur  Marc-Aurèle  , 
fut  condamné  à  Autun,  sous  l'empire  du 
môme  prince,  h  être  déchiré  par  les  botes.  Il 
termina  ses  jours  par  un  glorieux  martyre. 
L'Eglise  fait  sa  fêle  le  17  septembre. 

FLORE  (saint),  était  tailleur  de  pierres  en 
Illyrie.  Il  eut  pour  compagnon  de  son  mar- 
tyre saint  Laur,  également  tailleur  de  pierres. 
Ces  deux  saints  combattants  de  la  foi,  après 
le  martyre  de  leurs  maîtres  saint  Procul  et 
saint  Maxime,  ayant  enduré  divers  tour- 
ments ,  furent  jetés  dans  mi  puits  profond 
sous  le  président  Licion.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  18  août, 

FLORE  (saint) ,  eut  la  gloire  et  le  bon- 
heur de  donner  sa  vie  pour  la  foi  chrétienne 
durant  la  persécution  que  le  cruel  empereur 
Dèce  souleva  contre  l'Eglise  du  Seigneur.  Il 
fut  un  des  compagnons  des  saints  Lucien  et 
Marcien  :  ce  fut  à  Nicomédie  qu'eut  lieu  son 
martyre.  Le  proconsul  Sabinus  le  condamna 
à  être  brûlé  vif,  ainsi  que  tous  ses  compa- 
gnons. L'Eglise  célèbre  la  fête  de  tous  ces 
saints  martyrs  le  26  octobre. 

FLORE  (saint),  homonyme  du  précédent, 
souffrit  comme  lui àNicomédie,  dans  le  même 
jour  et  dans  les  mêmes  circonstances.  Sa 
fête  a  lieu  le  même  jour  que  la  sienne  et 
que  celle  des  autres  saints  que  nous  indi- 
quons, et  qui  sont,  outre  Lucien  et  Marcien, 
les  saints  Tite  et  Héracle. 

FLORE  (  sainte  ) ,  fut  martyrisée  à  Rome 
sous  le  commencement  de  Gallien  avec  sainte 
Lucille  et  les  saints  Eugène,  Antonin,  Théo- 
dore et  leurs  compagnons,  au  nombre  de  dix- 
huit.  L'E-çlise  latine  fait  leur  fête  le  29  juillet. 

FLORENCE  (saint),  fut  décapité  à  Pérouse 
pendant  la  persécution  de  Dèce ,  probable- 
ment en  251  ,  avec  les  saints  Julien  ,  Cyria- 
que,  Marcellin  et  Fauste.  L'Eglise  honore  la 
mémoire  de  tous  ces  martyrs  le  5  juin.  C'est 
à  tort  que  le  Martyrologe  ,  imprimé  à  Lille 
(Catalogue)  pour  l'usage  des  baptêmes,  dit  le 
4  de  ce  mois. 

FLORENCE  (saint),  martyr,  répandit  son 
sang  nour  la  foi  de  Jésus-Christ  à  Carthage  , 
avec  les  saints  Catulin,  dont  saint  Augustin 
prononça  le  panégyrique  ,  Janvier,  et  les 
saintes  Julie  et  Juste.  L'Eglise  fait  leur  fête 
le  15  juillet. 

FF.ORENCE  (sainte),  était  une  femme 
païenne  ,  qui  habitait  Cesseron  ou  Cessa- 
non,  dans  le  ttriiloire  d'Agde,  non  loin  de 
Pezénas,  h  12  kilomètres  de  Réziers,  Durant 
la  ciuelle  peisécution  (pie  l'empereur  Dio- 
clétien  Souleva  conire  l'Eglise,  au  conunen- 
cemcnt  du  iv'  siècle,  saint  Tibère  et  saint 
Modeste  ayant  été  arrêtés,  mis  on  prison,  et 
ayant  eu  <i  souH'rii'  hîs  [)lus  cru(,'ls  supplices, 
fur(-tit  décapités  dans  le  lieu  (]ue  nous  ve- 
nons de  nommer.  Florence  ayant  été  l('moin 
de  leur  courage  h  su[)])orter  les  supplices, 


de  leur  intrépidité,  se  convertit  et  partagea 
leur  triomphe.  L'Eglise  célèbre  sa  fête  avec 
la  leur  h;  10  du  mois  de  novembre.  {Voy. 
Usuard  ,  Adnn  ,  Catel,  Hist.  au  Languedoc  , 
p.  279  ;  Raillet,  10  nov.  ;  Romamoderna^ 
p.  62;  Raron.,  Not.  in  Mart.  rom.) 

FLORENCE ,  ville  d'Italie  ,  capitale  de  la 
Toscane.  Nous  trouvons  pour  premier  mar- 
tyr dans  cette  grande  cité,  saint  Miniat,  sol- 
dat, durant  la  persécution  de  l'empereur 
Dèce,  et  probablement  en  l'année  251.  Cette 
ville  est  célèbre  aussi  par  les  souffrances 
qu'y  endura  pour  la  foi  chrétienne  saintCres- 
cent,  disciple  de  l'évêque  saint  Zenobe.  Ce 
saint  a  été  mis  au  rang  des  confesseurs  de  la 
foi  ;  il  est  honoré  en  cette  qualité  par  l'E- 
glise. {Voy.  son  article.) 

FLORENT  (saint),  l'un  des  confesseurs  que 
Pinien,  gouverneur  d'Asie,  avait  ramenés 
avec  lui  en  Italie,  en  l'an  287,  sous  l'empire 
de  Dioclétien,  fut  obligé  de  quitter  la  mai- 
son de  ce  personnage  à  Rome,  pour  éviter 
la  persécution.  Il  se  retira  avec  saint  Si- 
sinne  et  saint  Dioclétien,  dans  une  terre 
qu'avait  Pinien,  près  d'Osme,  dans  la  Mar- 
che d'Ancône.  Ce  fut  là,  qu'en  l'an  290,  avec 
les  deux  saints  que  nous  venons  de  nom- 
mer, il  donna  sa  vie  pour  Jésus-Christ.  Les 
habitants  du  pays  sacrifiaient,  tous  les  trois 
ans,  à  un  démon  qui  déclara  que  dorénavant 
il  ne  rendrait  plus  d'oracles,  si  Sisinne,  Dio- 
clétien et  Florent  ne  consentaient  pas  à  sacri- 
fier. Les  trois  saints  furent  arrêtés,  et  n'ayant 
pas  voulu  consentir  à  abjurer  leur  foi  et  k 
offrir  des  sacrifices  aux  faux  dieux,  tous  trois 
furent  lapidés  par  la  populace.  Les  chrétiens, 
ayant  retiré  leurs  corps  de  dessous  les  pier- 
res, les  ensevelirent  convenablement  près  du 
lieu  où  ils  avaient  accompli  leur  glorieux 
sacrifice.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  11  mai. 

[Voy.  LUCI\E,   PiMEN.) 

FLORENT  (saint),  fut  martyrisé  à  Forco-r 
nio,  dans  l'Abruzze  ultérieure,  en  l'honneur 
de  la  foi  et  pour  la  défense  de  la  religion 
chrétienne.  Il  était  natif  de  Siponte,  et  souf- 
frit la  mort  avec  un  compatriote  nommé  Fé- 
lix. Nous  n'avons  aucun  détail  sur  l'époque 
et  les  différentes  circonstances  de  leur  mar- 
tyre. L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  25 
juillet. 

FLORENT  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la 
foi  à  Bonn,  en  Allemagne.  11  eut  pour  com- 
pagnons de  son  martyre  saint  Cassius  et 
plusieurs  autres  dont  on  ignore  les  noms. 
L'Iiglise  fait  leur  fête  le  10  octobre. 

FLORENT  (saint),  confesseur,  soull'ril  à 
Séville  pour  la  défense  de  la  religion  chré- 
tienne. Nous  matupions  complètement  de 
détails  sur  lui.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  23  fé- 
vrier. 

FLORENT  (saint),  martyr,  souffrit  à  Thes- 
saloni(pie  pour  la  défense  de  la  religion 
chrétienne.  Après  divt'rs  tourments,  il  fut 
consumé  par  le  feu.  On  ignore  à  ({uelie 
épo(pie  et  dans  (pirllcs  circonstances.  L'E- 
glise fait  sa  fête  le  \'-\  octobre. 

FLORENT  (saint),  fut  martyrisé  à  Trois- 
(]liûteaux.Lcs  Actes  des  martyrs  ne  nous  di- 


1025  FLO 

sent  rion  sur  son  compte.  L'Eglise  fait  sa 
fôte  lo  27  ootobro. 

FLORKNTIEN  (saint),  martyr,  rccuoillit  la 
glorieuse  [)ahne  du  martyre  en  versant  son 
sang  |)Our  l'Iionneur  de  sa  foi.  11  eut  pour 
compagnons  de  son  martyre  les  antres  saints 
év(\iues  Valérien,  Urbain,  Creseent,  Kusta- 
che,  Crescone,  Cresrentien,  Félix  et  Hortu- 
lon.  Le  persécuteur  des  enfants  de  la  foi  les 
condamna  h  l'exil  où  ils  finirent  leurs  jours. 
L'Eglise  honore  la  mémoire  do  ces  glorieux 
combattants  le  28  novembre. 

FLORENTIN  (saint)  versa  son  sang  pour 
Jésus-Christ  en  l'an  406  de  l'ùre  chrétienne, 
sous  l'empire  d'Arcadius,  avec  saint  Hilaire, 
vulgairement  nommé  saint  Hilier.  Les  bar- 
bares, h  cette  époque,  faisaient  de  fréquentes 
invasions  dans  l'empire  romain,  qui  bientôt 
était  destiné  à  devenir  entièrement  leur 
proie.  Ce  fut  dans  une  de  ces  invasions  que 
plusieurs  chrétiens,  parmi  lesquels  se  trou- 
vaient saint  Florentin  et  saint  Hilaire,  furent 
martyrisés.  Ils  demeuraient  dans  la  ville  de 
Pseudon,  dépendante  du  diocèse  d'Autun. 
Aujourd'hui,  il  ne  reste  de  cette  ville  qu'un 
petit  village  nommé  Sémont,  inclus  dans  la 
paroisse  de  Saint-Marc-sur-Seine.  Nos  ueux 
saints  vivaient  dans  la  pratique  des  vertus 
les  plus  austères  du  christianisme,  jeûnant 
et  priant  à  l'envi.  Les  barbares  commencè- 
rent par  les  déposséder  des  biens  considéra- 
bles qu'ils  avaient  reçus  d'héritage,  et  en- 
suite les  mirent  à  mort,  parce  qu'ils  n'a- 
vaient pas  voulu  renoncer  à  leur  foi.  Ce  fut 
le  27  septembre  406  qu'eut  lieu  leur  martyre. 
Au  milieu  du  ix'  siècle,  leurs  corps  furent 
transportés  de  Pseudon  à  Lyon.  On  les  dé- 
posa dans  le  monastère  d'Ainay.  La  fête  de 
ces  saints  est  célébrée  le  jour  anniversaire  de 
leur  martyre,  27  septembre. 

FLORIEN  (saint),  souffrit  le  martyre  à 
Eleuthéropolis,  en  Palestine,  avec  saint  Ca- 
lanique,  et  cinquante-huit  de  leurs  compa- 
gnons, dont  le  Martyrologe  romain  n'a  pas 
conservé  les  noms.  Ils  furent  massacrés  par 
les  Sarrasins,  en  haine  de  la  foi  de  Jésus- 
Christ,  du  temps  de  l'empereur  Héraclius. 
On  n'a  pas  de  détails  authentiques  sur  leur 
martyre.  L'Eglise  honore  la  mémoire  de 
ces  saints  martyrs  le  17  décembre. 

FLORIEN  (saint),  souifrit  pour  la  foi  de 
Jésus-Christ,  vers  l'année  304.  Son  martyre 
eut  lieu  à  Lauriac,  qui  était  alors  la  capitale 
de  la  Basse-Norique,  et  qui  est  aujourd'hui 
réduite  au  bourg  de  Lorch,  dans  la  Haute- 
Autriche,  et  dont  le  siège  épiscopal  a  été 
transféré  à  la  ville  de  Passau.  Les  actes  de 
ce  saint  portent  que  la  persécution  était  si 
rude  qu'une  foule  de  chrétiens  s'enfuyaient 
dans  les  montagnes,  dans  les  rochers  et  dans 
les  cavernes.  Aquilin,  alors  gouverneur  de 
la  Norique,  vint  à  Lauriac,  et  y  fit  faire  de 
grandes  perquisitions  contre  les  disciples  du 
Christ.  Quarante  d'entre  eux  furent  pris  et 
renfermés  dans  de  durs  cachots,  après  avoir 
souffert  les  plus  cruels  tourments.  On  ignore  ce 
que  ces  quarante  confesseurs  devinrent.  Notre 
saint  avait  été  anciennement  capitaine  des 
gardes  du  gouverneur.  Dès  ce  temps-là,  il 


FOI 


1026 


était  chrétien,  mais  ne  s'était  point  décou- 
vert pour  tel.  Il  s'était  retiré  dans  le  bourg 
de  Zeisselmaur,  près  de  Tu  In  sur  le  Danube. 
Ce  fut  là  qu'ayant  ap|)ris  les  souffrances  des 
([uarante  martyrs  dont  nous  avons  parlé  plus 
huut,  il  s'en  vint  exprès  à  Lauriac,  afin  de 
combattre  lui-même  pour  la  défense  de  la 
religion.  Les  soldats  le  menèrent  à  Aquilin, 
qui,  après  l'avoir  fait  fouetter  deux  fois,  le 
fit  précipiter  dans  la  rivière  d'Eus,  dont  la 
ville  de  Lauriac  n'était  pas  loin.  11  fut  misa 
mort  le  4  mai.  La  fôte  de  ce  saint  est  célébrée 
ce  jour-là  dans  les  diocèses  de  Vienne  et  de 
Passau.  On  le  regarde  connue  l'un  des  pa- 
trons de  l'Autriche.  Aujourd'hui  encore  il  y 
a  une  abbaye  de  chanoines  réguliers  qui 
porte  son  nom,  près  de  la  ville  d'Ens,  dans 
la  Haute-Autricne.  L'année  1183,  Casimir, 
roi  de  Pologne,  reçut  du  pape  Luce  111  le 
corps  d'un  saint  Florien  qui  est  très-honoré 
à  Cracovie.  On  prétend  que  c'est  celui  de 
Lauriac.  L'Eglise  fait  sa  fôte  le  4  mai. 

FLORUS  (saint),  fut  martyrisé  à  Ostie  avec 
les  saints  Honorât  et  Démètre.  Les  circons- 
tances de  leur  martyre  nous  sont  inconnues. 
L'Eglise  fait  leur  sainte  mémoire  le  22  dé- 
cembre. 

FLORUS  (saint) ,  martyr ,  répandit  son 
sang  pour  la  foi  avec  les  saints  Etienne,  Pon- 
tien,  Attale,  Fabien,  Corneille,  Sexte,  Quin- 
tien,  Menervien  et  Simplicien,  qui  furent  les 
compagnons  de  son  triomphe.  Le  lieu,  la 
date  et  les  circonstances  de  leur  martyre 
sont  inconnus.  Le  martyrologe  romain  n'en 
dit  rien.  L'Eglise  célèbre  la  mémoire  immor- 
telle de  ces  saints  le  31  décembre. 

FOI  (sainte),  appartenait  à  une  illustre  fa- 
mille, dans  le  sein  de  laquelle  elle  naquit  à 
Agen,  ville  qui  était,  après  Bordeaux,  la  plus 
considérable  de  la  seconde  Aquitaine.  Dès 
sa  plus  tendre  enfance  elle  connut  la  reli- 
gion chrétienne.  Il  est  même  probable,  d'a- 
près ses  Actes,  qu'elle  fut  instruite  des  véri- 
tés évangéliques  par  ses  parents  chrétiens 
eux-mêmes.  Douée  d'une  grande  beauté,  elle 
eût  pu  prétendre  aux  avantages  que  procure 
cette  qualité  dans  le  monde.  Elle  y  renonça 
pour  pratiquer  entièrement  les  vertus  les 
plus  éminentes  du  christianisme.  L'amour 
de  Dieu,  l'amour  du  prochain,  partagèrent 
son  cœur  et  ses  instants.  Prier  et  faire  des 
bonnes  œuvres,  c'est  le  résumé  de  sa  vie. 
L'empire  romain  avait  alors  pour  maîtres 
Dioclétien  et  Maximien.  Dacien  était  procon- 
sul des  Gaules.  Suivant  l'ordre  barbare  de 
ses  maîtres,  il  alluma  une  persécution  furi- 
bonde contre  les  disciples  de  Jésus-Christ. 
Après  qu'il  eut  promené  sa  fureur  dans  une 
multitude  d'autres  lieux,  il  vint  dans  la 
ville  d'Agen.  Au  nombre  des  chrétiens  qu'il 
fit  comparaître  à  son  tribunal  fut  sainte  Foi. 
«  Seigneur  Jésus,  dit-elle,  quand  on  :vint 
l'arrêter,  vous  qui  assistez  toujours  vos  ser- 
viteurs, secourez-moi,  fortifiez-moi,  et  accor- 
dez-moi la  grâce  de  répondre  d'une  manière 
digue  de  vous.  »  Quand  elle  fut  devant  le 
juge,  celui-ci,  prenant  une  apparence  de  dou- 
ceur très-grande,  lui  parla  ainsi  :  «  Comment 
vous  nommez-vous?  —  Foi,  et  je  m'efforcQ 


4027 


FOI 


FON 


1028 


d'ôlre  ce  que  mon  nom  signifie.  — A  quelle 
religion  appartenez-vous?  — Depuis  ma  i)his 
teiuli  c  enfance,  a  la  relif^ion  de  Jésus-Christ, 
que  je  sers  de  toute  mon  Ame  et  de  tout  mon 
cœur.  —Ecoulez  mon  conseil,  ma  tille,  pre- 
nez pitié  de  votre  jeunesse  et  de  votre 
beauté.  Quittez  les  doctrines  qui  vous  ont 
séduite,  et  otfrez  ici  un  sacritice  à  Diane, 
déesse  qui)  vous  convient  d'adorer.  Elle 
vous  prodiguera  ses  faveurs.-^  Vos  dieux 
soiit  des  démo'^s,  et  vous  osez  me  conseiller 
de  leur  sacritier?  —  Quoi  !  vous  osez  aiipeier 
nos  dieux,  des  démons  !  eh  bien  !  ou  vous  sa- 
critierez,  ou  vous  périrez  dans  les  tourments 
les  plus  horribles.  »  Loin  d'être  intimidée  de 
ce  langage,  sainte  Foi  ne  brfda  que  davau- 
tas-ie  de  mourir  pour  Jésus-Chri.>t.  '<  Non- 
seulement,  dit-elle,  je  subirai  avec  joie  vos 
tourments,  mais  encore  je  serai  heureuse 
de  mourir  pour  Jésus-Christ.  »  Dacien  lit 
étendre  la  jeime  vierge  sur  un  Ut  d"airain, 
où  on  l'attacha  avec  des  chaînes  de  fer,  puis 
il  fit  allumer  dessous  un  brasier  qu'on  en- 
tretenait sans  cesse  en  y  jetant  de  Ihuile  et 
d'autres  matières  intlammablcs.  Outrés  d'hor- 
reur et  saisis  de  compassion,  les  specta- 
teurs, ou  du  moins  quelques-uns,  s'écri;.ient  : 
«  Comment  peut-on  traiter  de  la  sorte  une 
jeune  vierge  innocente,  qu'on  dit  coupable 
parce  qu'elle  adore  Dieu?  »  Quelques-uns 
furent  saisis  par  ordre  de  Dacien  ;  on  les 
mena  dai;s  le  temple,  et  comme  ils  refusèrent 
opiniâtrement  de  sacrifier,  ils  furent  déca- 
pités avec  sainte  Foi.  L'Eglise  fait  la  fête  do 
sainte  Foi  et  des  autres  compagnons  de  son 
martyre  le  6  octobre.  Les  reliques  de  sainte 
Foi  furent  transférées,  à  la  fin  du  iV  siè- 
cle ,  dans  une  église  que  saint  Dulcidius 
fit  bAtir  à  Agen.  En  886,  on  les  mit  h  l'abbaye 
de  Conques,  dans  le  Rouergue.  En  13()o,  le 
pape  Urbain  V  en  fit  donner  une  partie  aux 
moines  de  Gucufat,  en  Catalogne, 

FOI  (sainte).  Fo?/.  Pistis. 

FOiLLAN  (saint),  martyr,  honore  par 
l'Eglise  le  31  octobre,  était  fils  de  Fyltan,  roi 
de  Munster,  en  L'iande.  11  avait  deux  frères, 
Ultan  et  Fursy.  Ce  dernier  se  fit  moine  dans 
les  îles.  Revenu  dans  son  pays,  il  engagea 
Ses  deux  frères  ^  renoncer  aux  vanités  nion- 
daiiies.  Etant  depuis  passé  en  Angleterre,  il 
y  bâtit  le  monastère  des  Kiiobbersburg,  dans 
le  royaume  des  Est-Angles.  Il  fit  venir  d'Ir- 
lande le  saint  duquel  nous  éci-ivons  la  vie, 
et  lui  en  donna  la  conduite.  A[)rès  la  mort 
de  Fursy,  qui  eut  lieu  h  Péroi.ne,  en  (i.'iO, 
Ultan  et  Foillan  vinrent  on  France.  Ils  rcs- 
tèr<Mit  quelque  tem[)S  à  Nivelles, dans  le  Rra- 
b;uit,  (m  sainte  (icrtiude  était  abesse  à  la 
fois  d'un  monastère  d(!  fennnes  et  d'un  mo- 
nastère d'hommes,  (jui  en  était  dépendant. 
Aultout  de  (pielque  l('mj)S  sainte  (ierirndo 
donna  à  Ultan  un  terrain  où  il  b;ltit  un  hô- 
pital f'I  un  monastère.  C*;  fut  dcîpuis  l'abbayo 
d(!  Fos.-^e.  Elh!  retint  Foill.in  h  Mvelles  pour 
qu'il  ijislruisil  ses  i('ligi(Miscs.  Il  se  chargea 
(le  l'instruction  des  fidèles  des  alentouis. 
S'éiîint  mis  en  route  en  ().").'4,  pour  alfin-  voir 
ion  frère  dans  l'abbaye  de  Fosse,  il  fui  tué 
ynr  des  voleurs  dans  la  forêt  (/harbonnière, 


en  TTainaut.  On  garde  ses  reliques  avec 
grande  dévotion  dans  l'abbaye  de  Fosse, 
qui,  à  la  fin  du  dernier  siècle,  était  desser- 
vie par  des  chnioines  réguliers. 

FOLICM  ^aujourd'hui  Foligno),  ville  de 
l'Etat  ecclésiastique.  Sous  l'empire  de  Dèce, 
le  saint  honune  Féicien  en  était  évoque.  Il 
avait  été  éleyé  à  l'épiscoiiat  par  le  pape  saint 
Victor.  Arrivé  à  une  extrême  vieillesse,  il 
fut  pris  par  les  persécuteurs,  et  eut  le  bon- 
heur (le  donner  sa  vie  pour  Jésus-Christ. 

FONDI  ,    ville  de    la    Terre    de  Labour, 
royaume  de  Najiles.  C'est  dans  ses  murs  que 
fut  martyrisé  saint  Paterne,  durant  la  persé- 
cution de  Néron.  Le  Martyrologe  romain,  et,      _ 
d'après   lui,  MM.  de  Saint-Victor  se  Irom-     ■ 
pent  en  écrivant  Frondi.  1 

FONSECA  (le  bienlieurcux  Louis  de),  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique,  fut  égorgé  à 
l'autel,  l'an  IGOO,  ))ar  les  idolâtres  de  Siam. 
(Fontana,  Monumenta  Dominicana,  an.  1600.) 

FONSECA  (le  bienheureux  Pierre),  Portu- 
gais, de  la  compagnie  de  Jésus ,  faisait 
partie  des  soixante-neuf  missionnaires  que 
le  P.  Azevedo  était  venu  recruter  à  Rcme 
pour  le  Brésil.  {Voy.  Azkveuo.)  Leur  na- 
vire fut  pris,  le  15  juillet  1571,  par  des 
corsaires  calvinistes,  qui  les  massacrèrent 
ou  les  jetèrent  au  milieu  des  Ilots.  No- 
tre bienheureux  fut  saisi  par  les  bour 
reaux  au  moment  où  il  priait,  prosterné  de- 
vant de  saintes  images  :  il  reçut  dans  la 
bouche  un  violent  coup  de  poignard  qui  lui  A 
brisa  la  mAchoire  et  lui  cou[»a  la  langue.  (Du  * 
Jarrie,  IJistoire  des  choses  plus  mémora- 
bles, etc.,  t.  II,  p.  278;  Tanner,  Socielas  Je- 
su  usque  ad  satiguinis  et  vitœ  profasionem 
militans,  p.  166  et  170.) 

FONTAURA  (le  bienheureux  Pibt\re),  Por- 
tugais, delà  Compagnie  de  Jésus, faisait  par- 
tie des  soixante-neuf  missionnaires  que  le 
le  P.  Azevedo  était  allé  recruter  à  Rome 
])Our  le  Rrésil.  {Vo7j.  Azkvedo.)  Leur  navire 
fut  pris,  le  15  juillet  1571,  pr.r  des  corsaires 
calvinistes,  (jui  les  massacrèrent  ou  lesjetè- 
rentà  l.\  mer  (Du  Jarrie,  IJistoire  des  choses 
plus  mémorables,  etc.,  t.  II,  p.  278;  Tanner, 
Socirtas  Jcsîi  usque  ad  sanguinis  et  rilœ 
jirofusionem  milituns,  p.  166   et  i'/O.) 

i"'(^NTE  (Jean  dic),  na(juit  en  lispagnc.  11 
eniradans  la  société  de  Jésus,  et,  aerès  (ju'il 
eut  été  élevé  au  sacerdoce,  on  l'envoya  au 
Mexique,  chez  les  Tcpégnans.  il  s'y  appli- 
qua aux  plus  rudes  travaux  pour  gagner  les 
iiidigènesà  la  foi  chrétienne,  et,  (|uand  il  en 
avait  convaincu  quehpies-uns,  ils  les  aidait 
à  élever  des  cabanes,  à  cuire  du  |iain,  faire 
des  charrues,  ouviir  des  sillons,  etc.  ;  si  l'un 
d'eux  tombait  malade,  il  se  constituait  mé- 
decin et  veillait  auprès  de  lui.  11  s'occupa 
tt'nne  tribu  plus  féroce  encore  que  celle 
(pi'il  évangélisait,  où  deux  fois  les  naturels 
i Cnfernunent  afin  de  le  laisser  mourir  de 
faim.  Notre  bienheureux  semait  l'Evangile 
dans  ces  conlréesdepuis  seize  .-irniées,  (pn.nd 
on  lui(Mivoya  pour  collaboralcMu- 1(>  bienheu- 
leux  Jérôme  (h;  Moranla.  Dès  lors,  ayant 
réuni  leurs  généreux  elVorts,  ils  firent  une 
ré(,olte  encore  plus  abondante  et  gagnèrent 


1029  FOR 

boaucoiipdo  naturels  h  la  loi  do  Jésus-Clirist. 
Nous  avons  vu  aux  articles  Didack  de 
Okosco,  Hkujoaui)  de  Cisnkros,  Fkhdinand 
i)K  Clhiac.vn,  elc,  (luo  les  Tepc^^uaiis  avaient 
nVsolu  If  massacre  de  leurs  inissionn.iiios. 
Ils  cotniitair'il  protiter  d'une  procession  so- 
'eniielle  que  les  Pèies  pré()arnient  pour  le 
'21  novembre  lOH»,  au  bour^  de  Saint-I-nace. 
Nos  deux  relii^ieux  s'uvani^aieiil  donc  vers 
ce  bour|j;,  atin  d'assister  à  cette  procession, 
quand  les  indij^ènes  les  percèi'onl  h  coups 
de  (lèches,  à  une  lieue  environ  de  la  colo- 
nie. (Tanner,  Societas  Jcsu  uaquc  ad  sanr/ni- 
nis  et  ritœ  profusionein  militant,  page  ki:i.) 

FORMIKS,  ville  de  Campanie,  oùiul  mar- 
tyrisée sainte  Albine,  vier;i;e,  sous  le  règne 
de  rompereur  J)èce.  Kn  303,  lors  delà  [)er- 
S(^(;ution  de  Diocléticn, saint  Erasme,  èvèque 
de  celte  ville,  y  lut  aussi  martyrisé.  KUe  pos- 
s»Hla  ses  reliques  jusqu'en  8i2,  époque  h  la- 
quelle, ayant  été  détruite  par  les  Sarrasins, 
on  les  Irànsporla  h  Gaëte. 

FORNOVÊ  ou  FoRNOUL',  Fornovo,  ville  du 
pays  des  Sabins,  vil,  en  290,  le  martyre  de 
saint  Bassus,  compagnon  de  saint  Anthime, 
de  saint  Maxiiue  et  de  saint  Fabius. 

FORTUNAÏ  (saint),  archidiacre  d'Aqui- 
lée  sous  Hermagore,  premier  évêque  de 
cette  ville,  fut  martyrisé  avec  lui  sous  Né- 
ron. Monbritius  manjue  que  ce  fut  peu  de 
teiïips  après  saint  Pierre,  c'est-à-dire  en  6G 
ou  07.  Les  corps  des  deux  saints  furent  en- 
terrés à  Aquilée,  et  plus  tard  transiiiortés  à 
Grado.  Les  plus  anciens  martyrologes  mar- 
quent sa  fôte  le  12  juillet. 

FOllTUNAT  (saint),  martyr,  cueillit  la  glo- 
rieuse palme  du  martyre  avec  les  saints  Fé- 
lix, Luciole,  Marcie  et  leurs  compagnons, 
dont  on  ignore  le  nom,  aussi  bien  que  les 
saints  Cléonice,  Eutropo  et  Basilisque,  sol- 
dats. Ils  expirèrent  sur  la  croix  durant  la 
pcrsécuiiou  de  Maximien,  sous  le  président 
Asclépiade.  Le  lieu  d;^  leur  martyre  est  com- 
plètement inconnu.  C'est  le  3  mars  que  l'E- 
glise célèbre  leur  mémoire. 

FORTUNAT  (saint),  martyr,  fut  décapité 
â  Salerne,  sous  l'empereur  Dioclétien  et  le 
proconsul  Léonce,  avec  ses  saints  compa- 
gnons Gains  et  Anthès.  L'Eglise  honore  leur 
glorieuse  mémoire  le  28  août. 

FORTUNAT  (saint),  eut  la  gloire  de  mou- 
rir pour  la  foi  à  Aquilée,  avec  so;i  frère  saint 
Félix,  durant  la  persécution  de  Dioclétien  et 
de  Maximien.  Ayant  été  étendus  sur  le  che- 
valet, on  leur  brûla  les  cotés  avec  des  tor- 
ches ardentes  qui  s'éteignirent  au  même 
instant,  par  un  etïet  de  la  puissance  de  Dieu. 
Ou  les  arrosa  ensuite  sur  le  ventre  avec  de 
l'huile  bouillante,  après  quoi,  ne  cessant 
point  de  louer  Jésus-Christ,  ils  eurent  la  tête 
tranchée.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  11 
juin. 

F0RÎU5îAT  (saint),  eut  le  glorieux  avan- 
tage de  répandre  son  sang  pour  la  foi  de  Jé- 
sus-Christ à  Adrumète  en  Afrique.  Il  eut 
pour  compagnons  de  sa  gloire  les  saints  Vé- 
rule,  Secondin,  Sirice,  Scrvule,  Saturnin  et 
seize  autres  dont  les  noms  ne  sont  malheu- 
reusement pas  parvenus  jusqu'à  la  postérité. 


FOR  1050 

Leur  martyre  eut  lieu  durant  la  persécution 
que  les  Vandales  (iicm  soulliir  aux  catholi- 
ques. On  ignore  la  daU-  («i  his  didéreiiUîS 
circonstanc(.'S  de;  hiurs  combats.  L'Eglise  iio- 
nore  leur  mémoire  le  21  ftWrier. 

FORTUNAT  (saint),  martyr,  n^m'illit  la 
palme  du  niartyre  en  AJri(]U('  avec  les  saints 
Faustin,  Lu(;ius,  Candid(;,  Célicn,  Marc  et 
Janvier.  ()'o//.,  pour  plus  de  renseignenients, 

FaI  STIN.) 

FOliTUNAT  (saint),  recueillit  la  palme  du 
marlyn;  avec  les  saints  Félix  et  vingt-sept 
autres  dont  les  noms  sont  inconnus.  On 
ignore  le  lieu,  la  date  et  les  circonstances  de 
leur  martyre.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  20  l'é- 
Trier. 

FORTUNAT  (saint),  soulfrit  le  martyre  à 
Valence  avec  saint  Félix.  {Yoy.  l'article  Fe- 
ux pour  plus  de  détails.) 

FORTUNAT  (saint),  martyr,  soulfrit  pour 
la  foi  à  Alexandrie.  Il  mourut  en  prison 
avec  le  j)rêtre  Aiator  et  les  saints  Félix , 
SUvin  et  Vital.  Le  Martyrologe  romain  ne 
dit  point  à  (|uell(;  époque.  L'Eglise  honore 
leur  mémoire  le  21  avril. 

FORTUNAT  (saint),  martyr,  cueillit  la 
palme  du  martyre  à  Rome,  aVec  les  saints 
Abonde,  Alexandre  et  Antigone.  C'est  le 
27  février  que  l'Eglise  célèbre  la  fête  de 
ces  quaire  glorieux  martyrs. 

FORTUNAT  (saint),  niartyr,  soulfrit  à 
Rome  avec  les  saints  Félicien,  Firme  et 
Candide.  Leur  martyre  eut  lieu  ù  une  épo- 
que et  dans  des  circonstances  qui  nous  sont 
entièrement  inconnues.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  2  février. 

FORTUNAT  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre  en  Afrique  avec  saint  Marcien. 
Nous  manquons  complètement  de  détails  sur 
eux;   l'Eglise  fait  leur  mémoire  le  17  avril. 

FORTUNAT  (saint),  fnt  martyrisé  en  Afri- 
ciuo  pour  la  défense  de  la  religion  chrétienne. 
Il  eut  pour  compagnon  de  sa  gloire  saint  Lu- 
cien ;  nous  n'avons  pas  d'auti'cs  détails  sui* 
eux.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  13  juin. 

FORTUNxVT  (saint),  fut  martyrisé  à  Rome 
sur  la  voie  Aurélienne.  Nous  manquons  de 
détails  sur  son  compte.  L'Eglise  fait  sa  mé- 
moire le  15  octobre. 

FORTUNAT  (  saint  ),  reçut  la  couronne 
du  martyre  à  Valence  en  Dauphiné.  il  eut 
pour  compagnons  de  ses  glorieux  combats 
le  prêtre  Félix  et  Achillée,  diacre.  [Voy.  l'ar- 
ticle FÉLIX  pour  plus  de  détails.) 

FORTUNAT(sainf),  fut  martyrisé  à  Smyrne 
avec  les  saints  Vital  et  Revocat.  Nous  n'a- 
vons point  de  détails  sur  l'époque  et  les 
différentes  circonstances  de  leur  martyre. 
L'Eglise  célèbre  leur  sainte  mémoire  le  9 
janvie. 

FORTU^JATIEN,  évêque  d'Assur  en  Afri- 
que, fut  un  de  ceux  qui,  durant  la  persécu- 
tion que  Dèce  alluma  contre  l'Eglise,  eurent 
le  malh.eur  de  renoncer  Jésus-Christ  pour 
sacrifier  aux  idoles.  L'histoire  ne  parle  pas 
de  lui  postérieurement  à  son  apostasie. 

FORTUNE  (sainte),  martyre  à  Carthage 
en  l'année  de  Jésus-Christ  250,  durant  la 
terrible  persécution  que  l'empereur  Dèce 


1031 


FOU 


FOU 


1032 


alluma  conlre  l'Eglise.  Elle  fut,  avec  d'au- 
tres chrétiens,  placée  dans  un  cachot  étroit 
et  infect,  où,  par  l'ordre  de  l'empereur,  on 
les  laissa  mourir  de  faim  et  de  soif.  La  {)uan- 
teur  et  la  chaleur  de  ce  cachot  furent  un 
supplice  affreux  ajouté  à  celui  que  la  priva- 
tion d'aliments  fit  souffrir  aux  saints  mar- 
tyrs. [Voy.  VicTORiN.)  L'Eglise  fait  la  fêle  de 
de  tous  ces  saints  martyrs  le  17  avril. 

FORTUNION  (saint),  martyr,  mouru»  pour 
la  foi  à  Carthage,  en  l'année  250  ou  sous 
l'empire  de  Dèee.  11  mourut  dans  la  pri- 
son oii  il  avait  été  porté  après  avoir  subi  la 
question  avec  saint  Paul  et  saint  Basse.  L'E- 
glise célèbre  la  fête  de  ces  trois  saints  le  17 
avril,  avec  celle  de  saint  Mappalique. 

FOUETS      GARNIS     DE     BALLES      DE     PLOMB  , 

phtmbalœ.  On  nommait  ainsi  des  fouets  tres- 
sés dételle  sorte  que,  de  distance  en  distance, 
sortaient  de  la  tresse  principale  de  petites 
cordes  au  bout  desquelles  on  attachait  des 
balles  de  plomb.  Ces  fouets  faisaient  d'épou- 
vantables blessures.  On  s'en  servait  pour 
frapper  les  martyrs  et  les  déchirer  ;  chaaue 
coup  faisait  voler  le  sans  et  la  chair;  cha- 
que balle  faisait  trou,  entrait  dans  la  chair 
d'où  iumiédiatement  la  traction  du  fouet  la 
faisait  sortir.  Bien  des  fois  les  juges  com- 
mandaient qu'on  fit  expirer  les  saints  sous 
le  fouet. 

FOULQUES  (saint),  confessa  la  foi  de  Jé- 
sus-Christ à  Aquin.  Nous  manquons  de  dé- 
tails s'îir  lui.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  22  mai. 

FOULQUES  (le  bienheureux),  archevêque 
de  Reims,  martyr,  succéda  à  Hincmar.  Le 
siège  de  Reims  ayant  vaqué  quelque  temps 
après  la  mort  d'Hincmar,  on  fit  courir  le 
bruit  que  le  clergé  et  le  peuple  avaient  élu 
un  archevêque,  sans  attendre  qu'on  leur  eût 
envoyé  un  évêque  visiteur,  suivant  les  ca- 
nons, et  celte  calomnie  était  venue  jusqu'aux 
oreilles  du  roi.  Pour  s'en  justifier,  le  clergé 
de  Reims  écrivit  à  Hildebolde,  évêque  de 
Soissons,  et  aux  autrus  suffragants,  une  let- 
tre où  ils  déclarent  qu'ils  n'ont  point  fait 
d'élection  et  n'en  feront  point  cme  le  roi  ne 
leur  ait  envoyé  un  visiteur.  La  lettre  est  da- 
tée du  cinquième  de  février,  et  souscrite  par 
les  chanoines  de  Notre-Dame,  qui  esc  la  ca- 
thédrale, les  moines  de  Saint-Remy,  les  cha- 
noines de  Saint-Bile  et  de  Saint-Thierry,  les 
moines  d'Orbais  et  {)lusieurs  vassaux  laï- 
ques. On  élut  enfin  et  on  ordonna,  archevê- 
que de  Reims,  Foulques,  homme  très-noble, 
qui,  ayant  été  dès  l'enfance  élevé  parmi  les 
chanoines,  en  fut  tiré  par  le  roi  Charles  le 
Chauve,  et  de|)ui.s  était  dem(;uré  au  service 
des  rois.  Etant  archevêcjue,  il  envoya  sa  pro- 
fession de  foi  au  pape  Marin,  et  en  re(;iil  le 
pullium.  H  lui  écrivit  aussi  pDUi-  obtenir  la 
confirmation  des  privilèges  de  l'Eglise  de 
Reims. 

Notre  bienheureux  trouva  ri-'glise  de 
Reims  dans  un  triste  état,  par  suite  des  ra- 
vages des  Normands.  Il  s'appli(pia  h  la  réta- 
blir dans  son  pnîinier-  lustr»;  et  à  la  consoltM' 
(l.Mis  S(;s  malheurs.  L(î  |».ipe  l^litiuK;  lui  écri- 
vit coiiuiie  avaient  fait  Mari;i  cl  Adrien,  ses 
prédècebscuri),  lu  cousolaul  uu  milieu  de  sus 


alllictions  et  le  traitant  de  frère  et  d'ami. 
Foulques,  de  son  côté,  écrivit  au  pape  une 
lettre  pleine  de  remercîments,  témoignant 
qu'il  serait  allé  lui-même  le  voir  s'il  n'eût 
été  environné  de  i)aïens;  mais  qu'ils  n'é- 
taient qu'à  dix  milles  de  Reims  et  assié- 
geaient Paris.  Foulques  ajoutait  que  cette 
désolation  du  royaume  durait  depuis  huit 
ans,  en  sorte  qu'on  n'osait  s'écarter  tant  soit 
peu  hors  des  cliAteaux.  Il  disait  avoir  appris 
que  des  méchants  formaient  des  entreprises 
contre  le  pape,  et  qu'il  eût  été  à  son  se- 
cours s'il  eût  été  possible,  assurant  que  lui 
et  toute  sa  famille  étaient  fort  attachés  au 
pape,  entre  autres,  Guy,  duc  de  Spolète,  son 
allié,  que  le  pape  avait  adopté  pour  son  fils; 
que  l'offre  faite  par  le  pape,  de  confirmer  les 
droits  de  son  Eg  ise,  l'attachait  encore  plus 
à  lui  être  fidèle  avec  ses  suffragants,  etc.,  etc. 
Sur  ces  enlrefaites,  notre  saint  fut  chargé 
d'une  mission  par  le  pape  Etienne.  L'Eglise 
de  Langres  était  en  trouble  depuis  près  de 
dix  ans.  Après  la  mort  de  l'évèque  Isaac, 
les  uns  élurent  Teutbolde,  diacre  de  la  même 
Eglise,  les  autres  Egilon  ou  Geilon,  abbé  de 
Noirmoutier,  qui,  chassé  de  cette  île  par  les 
Normands,  s'était  enfin  fixé  avec  sa  commu- 
nauté au  monastère  de  Tournus.  Aurélien, 
archevêque  de  Lyon  ,  le  sacra  évêque  de 
Langres  en  880  ;  iJ  se  maintint  dans  ce  siège 
le  reste  de  sa  vie,  et  mourut  à  la  fin  de 
l'an  888.  Alors  le  parti  de  Teutbolde  se  re- 
leva ;  mais  d'autres  élurent  Argrim,  dont  l'é- 
lection fut  api)rouvée  par  l'archevêque  Au- 
rélien. Ceux  du  parti  de  Teulbolde  portèrent 
leurs  plaintes  au  pape  Eiienne  V,  et  le  lui 
envoyèrent,  le  priant  de  l'ordonner  lui-même 
pour  leur  évêque;  mais  le  |)ape,  voulant  con- 
server à  chaque  Eglise  ses  droits,  renvoya 
Teutbolde  à  son  métropolitain,  afin  que  si 
l'élection  était  canonique,  il  l'ordonnât  sans 
délai;  si  elle  ne  l'était  pas,  qu'il  l'écrivît  au 
pape,  mais  qu'il  se  gardAt  bien  d'ordonner 
un  autre  évêque  de  Langres  sans  sa  permis- 
sion. Le  pape  envoya,  pour  exécuter  cet  or- 
dre, Oiran,  évêque  de  Sinigaglia,  son  légat. 
Aurélien  l'envoya  h  Langres,  promettant  de 
le  suivre  promptement  ;  mais  après  s'être 
fait  attendre  longtemps,  il  n'y  vint  pas,  et  ne 
fit  point  non  plus  savoir  au  pape  la  cause  de 
son  retardement.  Le  parti  de  Teutbolde  le 
renvoya  à  Rome  avec  le  déci-el  de  son  élec- 
tion, j)riant  instamment  le  jiape  de  l'ordon- 
ner; mais  il  ne  voulut  point  même  alors  en- 
treprendre sur  les  droits  de  l'Eglise  de  Lyon. 
C'est  pounpioi  il  écrivit  encore  h  Auiélien 
de  consacrer  Teutbolde,  ou  de  déclarer  les 
cau.ses  de  son  refus.  Aurélien,  sans  faire  ré- 
ponse, ordonna  Argrim  évê(pie  de  Langres, 
et  1(!  mit  en  possession.  Le  parti  contraire 
rcitourna  encore  à  Rome  ;  le  pape  leur  accorda 
enfin  ce  (ju'ils  désira icnU,  et  écrivit  <à  l'arche- 
vêque (le  Reims,  notre  saint,  en  ces  ternies  : 
«  Ayant  reçu,  en  la  j»(>rsonne  de  saint  Pierre, 
le  soin  de  toutes  les  églises,  e(  sachant  (pi'on 
111!  compte!  pas  pour  évcipie  celui  (jui  n'a  été 
élu  ni  par  le  clrr^i',  ni  désiin''  pai"  le  |ieuple; 
îoucIh'  lies  inslaulcs  jirirres  du  clergé  et  du 
j)euplc  de  Langres,  nous  leur  avo:is  consa- 


1033 


FOU 


FOU 


1035 


crc^  pour  évoque  le  diacre  Tcutboldo.  C'est 
pourquoi  uous  vous  enjoignons,  qu'aussitôt 
ces  lolt.res  reeues,  vous  vous  transportiez  h 
l'Kglise  de  Langres,  que  vous  en  mettiez 
Teutboldo  en  possession,  et  que  vous  décla- 
riez h  tous  les  archevêques  et  les  évôcpies 
que  nous  avons  pris  un  soin  particulier  de 
celte  église,  i)Our  punii'une  telle  contumace 
et  réparer  une  telle  ()[>pression.  »  Foukpies, 
ayant  reçu  cette  couunission  du  pape,  lui 
écrivit,  q'uelque  teni[)s  après,  qu'il  l'aurait 
exécutée  aussitôt,  si  le  roi  Eudes,  dont  il 
était  sujet,  ne  lui  côt  conseillé  de  dillerer 
(usqu'i\  ce  qu'Eudes  lui-même  envovAt  des 
ambassadeurs  au  pape  pour  a[)prendre  cer- 
tainement sa  volonté.  Qn'au  reste,  tous  les 
évoques,  en  présence  desquels  les  lettres  du 
pape  avaient  été  lues,  s'étaient  extrêmement 
réjouis  de  ce  qu'il  disait  vouloir  inviolablc- 
nient  conserver  à  toutes  les  Eglises  leurs 
droits  et  leurs  privilèges.  Enfin,  il  [)riait  le 
pape  de  lui  envoyer  sa  décision  par  écrit  sur 
cette  question,  si  les  évèques,  ses  sufl'ra- 
gants,  |)Ouvaienl  sacrer  un  roi  ou  faire  quel- 
que autre  fonction  semblable  sans  sa  per- 
mission. Cette  question  semble  regardei  le 
roi  Eudes,  élu  malgré  la  résistance  de  Foul- 
ques, qui  voulait  donner  Guy,  son  allié,  pour 
roi  à  la  France  romaine,  car  on  nommait 
ainsi  les  pays  en  deçà  du  Kliin,  et  c'est  peut- 
être  pour(]uoi  Eudes  ne  fut  sacré  ni  par  l'ar- 
chevêque de  Reims,  ni  par  aucun  évêque  de 
la  province,  mais  par  Vaullier,  archevêque 
de  Sens. 

Le  pape  écrivit  encore  à  l'archevêque  de 
Reiras  sur  les  différends  survenus  entre  Her- 
man,  archevêque  do  Cologne,  et  Adalgaire, 
évêque  de  Hambourg  et  de  Brème.  L'un  et 
l'autre  étaient  nouveaux  dans  leurs  sièges, 
puisque  Guillebei  t,  archevêque  de  Cologne, 
avait  assisté  au  concile  de  Mayence  en  888, 
et  Adalgaire  avait  succédé  à  saint  Rembert, 
mort  la  même  année.  Adalgaire  était  moine 
de  la  nouvelle  Corbie,  d'où  saint  Rembert  le 
tiia  pour  le  soulager  dans  ses  fonctions.  Il 
le  choisit  pour  son  successeur  et  fit  approu- 
ver ce  choix  par  le  roi  Louis  le  Germanique 
et  ses  fils  Louis  et  Charles,  par  le  concde , 
l'abbé  et  les  frères  de  la  communauté.  Saint 
Rembert,  la  dernière  semaine  avant  sa  mort, 
reçut  tous  les  jours  l'extrême-onction  et  le 
viatique ,  selon  l'usage  de  ce  temps-là.  Il 
mourut  le  11  juin  888.  Herraan,  donc,  avait 
envoyé  des  plaintes  au  pape;  et  Adalgaire, 
après  en  avoir  envoyé  de  son  côté-,  alla  lui- 
même  à  Rome  se  plaindre  des  entreprises 
d'Herman  sur  les  droits  de  son  Eglise.  Le 
pape  cita  Herraan  pour  comparaître  aussi 
devant  lui  ;  et,  comme  il  ne  vint  point,  il  dif- 
féra le  jugement,  de  peur  que  s'il  se  pressait 
de  le  prononcer,  la  contestation  ne  se  renou- 
velât dans  la  suite.  Mais  il  écrivit  à  Foul- 
c^ues ,  archevêque  de  Reims ,  lui  donnant 
commission  de  tenir  en  son  nom  un  concile 
à  Worms  avec  les  évoques  voisins,  où  il 
avait  ordonné  à  Herraan  de  Cologne,  et  à 
Sundéralde  de  Mayence,  de  s'y  trouver  avec 
leurs  suif ragants;  car  Adalgaire  devait  s'y 
rendre  aussi,  afin  que  les  droiis  de  chacun 

DiCTioNN.  DES  Persécutions.  I. 


lussent  soigneusement  examinés.  Le  pape 
priait  ensuite  l'archevêquci  de  Reims  de  ve- 
nir le  voir,  désirant  conférer  avec  lui  de  cette 
affaire  et  de  plusieurs  autres.  Cette  lettre  du 
pap(!  Etienne  devait  être  de  l'année  85)0  et 
de  la  fin  de  son  pont'licat,  car  la  réponse  do 
Fouhpies  fut  adressée  au  i)ape  Forraosc,  son 
successeur. 

Vax  891,  notre  saint  archevêque  tint  un 
concile  à  Reims,  où,  de  l'avis  des  évè(|ues 
et  des  seigneurs  qui  s'y  trouvèrent,  il  fit  re- 
connaître l'oi  le  jeune  Chai-les,  fils  de  Louis 
le  Bègue,  et  Adélaïde,  âgé  d'environ  ik  ans. 
Il  est  connu  sous  le  nom  de  Charles  le  Sim- 
ple, et  fut  couronné  le  28  janvier  803.  Eudes 
ne  laissait  pas  de  régner  dans  la  plus  grande 
partie  de  la  France,  et  Charles  ne  fut  d'abord 
l'econnu  que  par  les  seigneurs  mécontents 
de  son  gouvernement.  En  ce  même  concile 
de  Reims,  on  menaça  d'excommunication 
Baudouin  ,  comte  de  Flandre,  pour  divers 
crimes.  Il  avait  fait  fouetter  un  prêtre;  iP 
avait  ôté  aux  églises  des  jirêtres  qui  y  étaient 
ordonnés,  et  y  en  avait  mis  d'autres  sans  la 
participation  de  leur  évêque.  Il  avait  uswrpé 
une  terre  donnée  par  le  roi  h  l'église  de 
Noyon,  et  le  monastère  de  Saint- Waast  d'Ar- 
ras.  Enfin,  il  s'était  révolté  contre  le  roi  au 
mépris  de  son  serment.  Sur  tout  cela  il  avait 
été  depuis  longtemps  admonesté  par  les  évo- 
ques sans  en  avoir  profité.  Ceux  du  concile 
de  Reims  jugèrent  donc  qu'il  méritait  d'être 
excommunié  ;  mais,  attendu  qu'il  pouvait 
servir  utilement  l'Eglise  et  l'Etat,  ils  suspen- 
dirent la  censure  et  lui  donnèrent  encore  du 
temps  pour  se  corriger.  Il  déclarèrent  à  Bau- 
douin ce  jugement  par  leur  lettre  synodale, 
et  en  écrivirent  une  autre  à  son  évêque  dio- 
césain, qui  était  Dodilon  de  Cambrai.  Il  avait 
été  appelé  au  concile,  mais  il  s'en  était  excusé 
sur  les  Normands,  qui  ôlaient  la  sûreté  des 
chemins,  et  les  évêques  le  priaient  d'exhor- 
ter fortement  le  comte  Baudouin  à  se  recon- 
naître, de  lui  lire  leur  lettre  s'il  était  pré- 
sent, et,  s'il  ^ait  absent,  la  lui  envoyer  par 
son  archidiacre,  qui  la  lui  fît  bien  entendre. 
Que  s'il  ne  pouvait  approcher  de  Baudouin, 
il  fit  lire  en  sa  préence  les  lettres  dans  un 
lieu  où  il  eût  insulté  à  la  rehgion,  et  qu'en- 
suite, s'il  ne  se  corrigeait,  personne,  ni 
moine,  ni  chanoine,  ni  aucun  chrétien  n'eût 
plus  de  commerce  avec  lui,  sous  peine  d'a- 
nathèrae.  Si  Hétilon,  évêque  de  Noyon,  ve- 
nait à  Arras,  Dadilon  devait  l'oller  trouver, 
pour  faire  sur  ce  sujet  ce  qui  serait  à  pro- 
pos suivant  les  canons,  et  en  donner  avis 
par  lettres  à  leurs  archevêques. 

Ce  que  nous  venons  de  voir  avait  attiré 
sur  Foulques  la  haine  de  Baudouin.  Ce 
prince,  étant  maître  d'Arras,  s'était  aussi  mis 
en  possession,  comme  nous  l'avons  dit  plus 
haut,  de  l'abbaye  de  Saint- Waast,  que  le  roi 
Charles  lui  ôta  [)Our  son  infidélité,  et  la 
donna  à  l'archevêque.  Mas  Foulques,  ti'ou- 
vant  plus  à  sa  bienséance  l'abbaye  de  Saint- 
MéJard,  que  possédait  un  autre  comte  nom- 
mé Altraar,  échangea  avec  lui  celle  de  Saint- 
Waast,  après  avoir  assiégé  et  pris  Arras  sur 
le  comte  Baudouin.  Le  dépit  qu'il  en  eut 


1055 


FOt 


FRA 


1056 


passa  à  toute  sa  cour;  et  ses  vassaux  cher- 
chant à  le  venger,  ils  feignirent  de  vouloir 
se  réconcilier  avec  le  prélat.  Ayant  épié  l'oc- 
casion, un  jour  qu'il  allait  trouver  le  roi  avec 
une  très-petite  escorte,  ils  l'abordèrent  dans 
le  chemin,  ayant  à  leur  tète  un  nommé  Vine- 
mar.  Ils  lui  parlèrent  d'abord  de  la  réconci- 
liation avec  le  comte  Baudouin;  puis,  lors- 
qu'il s'y  attendait  le  moins,  ils  le  chargèrent 
à  coups  de  lance,  le  tirent  tomber  et  le  tuè- 
rent. Quelques-uns  des  siens,  les  plus  affec- 
tionnés, se  firent  tuer  sur  son  corps  ;  les  au- 
tres retournèrent  à  son  logis,  porter  cette 
triste  nouvelle,  et  ceux  qui  y  étaient  restés 
sortirent  en  armes  pour  chercher  les  meur- 
triers. Mciis ,  ne  les  ayant  point  trouvés ,  i-ls 
jetèrent  de  grands  cris,  levèrent  le  corps,  le 
rapportèrent  à  Reims,  où  il  fut  enterré  avec 
l'honneur  convenable. 

Ainsi  mourut  l'archevôquo  Foulques,  le 
17  juin  900,  après  avoir  tenu  le  siège  de 
Reims  dix-sept  ans,  trois  mois  et  dix  jours, 
comme  porte  son  épitaphe.  Il  augmenta  con- 
sidérablement les  biens  temporels  de  son 
Eglise  par  les  libéralités  des  rois  et  de  plu- 
sieurs autres  personnes.  Il  rebâtit  les  mu- 
railles de  la  ville  de  Reims,  et  quelques  nou- 
veaux châteaux,  comme  Amont  et  Epernay. 
Il  fit  rapporter  le  corps  de  saint  Remy  à 
Reims,  du  monastère  d'Orbais,  et  donna  re- 
traite à  quantité  de  prêtres  et  de  moines 
que  les  ravages  des  Normands  obligeaient  à 
fuir;  il  les  traitait  comme  ses  enfants.  Il  re- 
çut ainsi  les  moines  de  Saint-Denis  en 
France,  avec  son  corps  et  plusieurs  autres 
reliques.  Il  rétablit  les  deux  écoles  de  Reims, 
presque  tombées  en  ruines,  l'une  pour  les 
chanoines,  l'autre  pour  les  clercs  de  la  cam- 
pagne; il  fit  venir  deux  maîtres  célèbres  : 
Rémy,  moine  de  Saint-Germain  d'Auxerre,  et 
Hucbald,  moine  de  Sainl-Amand,  et  il  ne 
dédaignait  pas  d'étudier  lui-môme  avec  les 
jeunes  clercs.  L'Eglise  célèbre  sa  sainte  mé- 
moire le  dixième  de  juin. 

Le  siège  de  Reims  ne  vaquf  que  dix-huit 
jours,  et  le  6  juillet  900  on  y  ordonna  arche- 
vêque Hervé,  tiré  de  la  cour  comme  son  pré- 
décesseur, et  noble  comme  lui,  mais  encore 
jeune.  A  son  ordination  se  trouvèrent  :  Viton 
ou  (iuy  ,  archevêque  de  Rouen  ;  Riculfe  , 
évoqué  de  Soissons;  Hétilon  de  Noyon,  Do- 
dilon  de  Cambrai,  Hérmand  de  Thérouane, 
Ogor  d'Amiens,  Honoré  de  Reauvais,  Man- 
cion  de  ChAlo'is,  Raould  de  Laon,  Olffid  de 
Senlis,  Angeran  d  Meaux.  Ce  môme  jour,  et 
en  présence  de  ces  douze  {)rôlats,  on  lut 
dans  l'église  de  Notre-Dame  de  Reims  tin 
acte  d'excommuiiic.ilion  contre  les  meur- 
triers de  l'archevèipio  Fouhiues.  On  y  en 
nomme  trois  :  ViiuMuar,  Evrard  et  Rolfeld, 
vassaux  du  comte  Raudouin,  et  leurs  com- 
plices en  général  ;  on  les  déclare  séparés 
de  l'Eglise  et  cliargés  d'un  perpétuel  ana- 
thèmei  avec  Inutes  les  uralédictions  exi)ri- 
mées  dans  l'Kcriture  et  les  canons;  défense 
^1  aucun  chrétien  do  les  saluer,  h  aucun 
prMro  de  dire  l,i  messe  en  leur  présenct;,  et, 
s'ils  lorub(;ril  nialadf'S,  de  recevoir  leur  con- 
Itîssion  ni  leur  donner  la  communion,  môme 


à  la  fin,  s'ils  ne  viennent  à  résipiscence  ;  dé- 
fense de  leur  donner  s^'-pulture.  En  pronon- 
çant ces  malédictions,  les  évoques  jetèrent 
des  lampes  de  leurs  mains  et  les  éteignirent. 
C'est  le  premier  exemple,  que  je  sache,  d'une 
telle  excommunication.  (Tiré  de  Fleury,  t.  III, 
livre  Liv,  passim.) 

FRANCESCHI  (Hyacinthe),  le  bienheu- 
reux, jésuite,  fut  martyrisé  en  1638,  au 
mois  de  juin,  dans  une  île  du  lac  Dembéa, 
en  Abyssinie,  par  les  moines  hérétiques  de 
ce  pays.  Il  eut  pour  compagnons  de  son  glo- 
rieux martyre  François  Rodriguez,  et  le  P. 
Apollinaire  Alméida,  évoque  de  Nicée,  coad- 
juteur  de  Mendez,  patriarche  d'Abyssinie.  Il 
était  un  des  six  jésuites  qui  restèrent  en 
Abyssinie,  sous  la  direction  de  l'évoque  de 
Nicée,  après  qu"Alphonse  Mendez  et  les  au- 
tres missionnaires  eurent  été  contraints  à 
partir.  Pour  avoir  plus  de  détails  sur  sa  mort 
bienheureuse,  on  peut  consulter  les  articles 
Abyssinie,  Mendez,  Basilides,  Alméida. 

FRANCILLON  (  le  bienlieuroux  François  ), 
frère  de  la  mission  de  Madagascar,  souffrit  le 
martyre  à  Alger  le  5  juillet  1G88,  avec  le 
vicaire  apostolique  Michel  Montmasson. 
Tous  deux  furent  attacliés  à  la  bouche  d'un 
canon. 

FRANÇOIS  (  le  bienheureux  ),  capucin,  fut 
massacré  à  Magadoxo,  vers  l'année  1640, 
sous  le  règne  du  Négous  Basilides,  fils  de 
Mélec-Segued.  Il  eut  pour  compagnon  de 
son  glorieux  martyre  le  P.  Chérubin,  capu- 
cin, longtemps  employé  aux  missions  de 
Bassorah. 

FRANÇOIS  (  le  bienheureux  ),  franciscain, 
ayant  confondu  les  Musulmans  dans  une 
controverse  publique  à  Damiette,  fut  coupé 
en  deux  par  le  glaive  musulman.  (  Chroni- 
ques des  Frères  Mineurs,  t.  H,  p.  282.  ) 

FRANÇOIS  (le  bienheureux),  était  frère 
dans  un  couvent  de  franciscains  en  Pales- 
tine. Il  soulfrit  le  martyre  à  l'occasion  de  ce 
que  nous  allons  raconter  :  un  chevalier  hon- 
grois, nommé  Thomas,  qui  avait  embrassé 
l'islamisme  afin  de  se  concilier  la  faveur  du 
sultan  d'Egypte,  vint,  poussé  par  un  secret 
mouvement  de  la  grâce,  visiter  les  sanctuai- 
res de  Jérusalem  pendant  la  semaine  sainte. 
Etant  entrô  par  hasard  dans  un  couvent  de 
franciscains,  un  iVère  appelé  Nicolas  de 
Montecarvino  lui  reprocha  si  fortement  son 
apostasie,  qu'il  le  ramena  à  Dieu  et  le  déter- 
mina à  se  rétracter  |)ubli(|uement  au  Caire. 
Craignant  néainnoins  que  le  nouveau  con- 
verti ne  fût  pas  a'^sez  courageux,  il  se  réso- 
lut à  l'accompagner.  Notre  saint  l'ayant  ap- 
pris les  suivit  plein  de  joie  avec  un  autre 
frère  appelé  Pierre.  Ce  fut  le  dimanche  de 
Pâques  1358,  qu'ils  furent  admis  en  présence 
du  sultan.  Ils  lui  parlèrent  avec  une  si  gé- 
néreuse libi'ité,  que  ce  prince,  plein  de  lu- 
reur,  les  livra  au  cadi.  Celui-ci  les  condamna 
à  être  coupés  [)ar  morceaux,  puis  consumés 
par  le  feu,  le  4.  avril  1358.  (Wadding,  an. 
135V,  n  9.  ) 

FRANÇOIS  (le  prince),  onzième  fils  de 
Sounou,  régulo  du  troisième  ordi-e  à  la  cour 
de  Chine,  embrassa  le  christianisme  et  sq 


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FIlA 


FR4 


1038 


lit  baptiser  (iu('l(|iio  temps  upr(^s  son  frèr^ 
Jean,  et  inal^:;ié  ropposilioii  tbiincllc  (ie  son 
père,  (jui,  poiircollo  cause,  lui  dércndil  l'en- 
trée (le  son  palais,  ainsi  qu'il  ses  IVèrcs  Jean 
et  Paul.  11  éleva  une  chapelle  dans  son  pa- 
lais, instruisit  sa  femme,  sa  lille,  leurs  sui- 
vantes et  les  domesticpies  de  sa  maison,  qui 
tous  furent  baptisés  (piehpie  temps  a|)r(\s 
lui.  Ce  prince  lut,  dans  les  mois  (pii  suivi- 
rent, fnqjpé  d'une  inlirmité  qui  aurait  désolé 
beaucoujjd'aulres.»  sa  place.  11  devint  sourd  : 
il  disait  (ju'il  ne  regrettait  pas  de  ne  [)lus 
entendre  clair,  n'ayant  plus  à  recevoir  les 
ordres  de  la  cour,  mais  que  (;onnne  il  parlait 
toujours,  il  aurait  ce  qu'il  faudrait  pour  le 
service  de  Jésus-Cluist.  L()i'S(]ue  l'empereur 
Young-Tcbing  bannit  sa  famille  en  Tailarie 
j)0ur  la  foi,  avant  de  partir,  il  demanda  aux 
missioiniaires  la  permission  de  catéchiser  et 
de  baptiser  dans  le  lieu  de  son  exil,  et  les 
pria  de  lui  envoyer  le  plus  qu'ils  pourraient 
de  petites  images,  de  croix  et  de  chapelets. 
Le  prince  François  partagea  l'exil  de  sa 
famille.  (  Voy.  les  articles  Sol'nou,  Chine.  ) 
FRANÇOIS  PAUL  (le  bienheureux),  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  Portugais,  faisait  partie 
de  la  troupe  de  missionnaires  que  le  P.  Diaz 
conduisait  au  Brésil,  à  la  suite  du  P.  Azavedo. 
Un  mois  a[)rès  le  départ  du  Saint-Jacques 
qui  portait  ce  dernier,  Diaz  et  ses  compa- 
gnons quittèrent  Madère,  afin  de  poursuivre 
la  route  vers  le  Brésil  avec  le  reste  de  la 
flotte.  La  tempête  ayant  dispersé  les  navires, 
celui  que  montaient  notre  bienheureux  et 
ses  compagnons  dévia  vers  l'île  de  Cuba,  et 
à  San-lago  on  dut  abandonner  le  vaisseau 
qui  faisait  eau  de  toutes  parts.  Les  voyageurs 
trouvèrent  une  barque  qui  les  conduisit  au 
port  d'Abana,  d'où  un  navire  qu'ils  y  frétè- 
rent ,  les  transporta  aux  Açores  le  mois 
d'août  1571,  Us  y  trouvèrent  le  comman- 
dant de  la  flotte,  Louis  do  Vasconcellas,  avec 
le  P.  Diaz  et  cinq  autres  jésuites  qui  les  y 
avaient  devancés.  L'amiral  voyant  son  monde 
si  ré. luit  ne  conserva  qu'un  navire,  et  ils  se 
rembarquèrent  le  6  septembre  1571.  Bientôt 
ils  rencontrèrent  cinq  vaisseaux  de  haut- 
bord,  commandés  par  le  Béarnais  Capdeville, 
calviniste,  qui  s'était  trouvé  à  l'abordage  du 
Saint-Jacques.  Le  combat  ne  fut  pas  long  et 
les  calvinistes  s'emparèrent  du  navire  catho- 
lique. Le  bienheureux  Diaz  fut  massacré, 
puis  jeté  à  la  mer  le  13  septembre;  François 
de  Castro  confessait  le  pilote  au  moment  oiî 
les  calvinistes  montaient  à  l'abordage,  et  fut 
massacré;  Gaspard  Goes  subit  le  même  sort; 
le  P.  Michel,  qui  avait  été  renfermé  avec 
d'autres  durant  la  nuit  dans  la  cabine  de 
Vasconctllas,  ayant  jeté  un  soupir  que  lui 
arrachait  la  blessure  de  son  bras,  les  calvi- 
nistes se  saisirent  de  lui  et  le  j  tèrent  à  la 
mer  avec  le  bienheureux  François  Paul.  Les 
autres  compagnons  de  leur  martyre  furent 
le  P.  Jean  Alvare,  Portugais;  Pierre  Fer- 
nand ,  Portugais  ;  Alfonse  Fernandez,  Por- 
tugais ;  Alfonse  André  Pais,  Portugais,  un 
autre  Pierre  Diaz,  Portugais  ;  Jacques  Car- 
valho,  Portugais;  Fernand  Alvare,  Portu- 
gais.   (Du   Jarrio,   Histoire   des  choses  plus 


mémorables,  etc.,  t.  Il,  p.  295;  Tanner, 
Sorictas  Jesu  usquc  ad  sanquinis  et  vitœ  pro- 
fusionem  militans,  p.  17'i-  et  177.) 

FRANÇOIS  PÉÏRIOLO  (le  bienheureux) 
avec  ses  deux  comiagnons  Monaido  d'An- 
cône  et  Antoine  de  Milan  ,  fut  martyrisé 
pour  la  foi  chrétienne  en  l'an  de  Jésus- 
Christ  1288.  Ces  saints  missionnaires  choi- 
sissaient de  préférence  le  vendredi»  jour 
consacré  h  Dieu  chez  les  musumians,  pour 
leur  annoncer  l'Fvangile.  Ils  se  livraient  à 
la  prédication  même  en  présence  du  cadi 
d'Erzingan.  Cet  oflicier,  voyant  que  le  [)euple 
était  ébranlé  par  les  discours  des  sain  s  pré- 
dicateurs, crut  ne  pouvoir  mieux  faire  que 
de  les  mettre  en  présence  d'un  des  |)r  nci- 
paux  docteurs  de  la  loi,  pour  qu'ils  y  fussent 
vaincus  publiquement  d;ms  la  discussion, 
mais  son  espoir  fut  singulièrement  trompé. 
Ce  fut  au  contraire  le  docteur  mahoiiK-tan 
qui  fut  vaincu  par  les  (lisci[)les  de  Jésus- 
Christ.  Les  musulmans  en  éprouvèrent  une 
grande  fureur;  néanmoins  le  cadi  laissa  nos 
bienheureux  se  retirer.  Mais  le  conseil  des 
principaux  d'entre  les  musulmans  s'élant 
assemblé,  il  y  fut  décidé  qu'on  contraindrait 
les  prédicateurs  chrétiens,  à  désavouer  pu- 
bliquement leur  doctrine.  Us  furent  donc 
tous  les  trois  pris  et  conduits  devant  le  con- 
seil. Au  lieu  d'y  désavouer  Jésus-Christ,  ils 
exaltèrent  son  divin  nom  et  montrèrent  que 
Mahomet  n'était  qu'un  imposteur.  Il  y  avait 
un  aveugle  dans  l'assemblée.  Le  cadi  dit  aux 
saints  confesseurs  :  «  Vous  affirmez  que  la 
foi  que  vous  prêchez  a  été  prouvée  par  des 
miracles  :  eh  bien  1  ordonnez  que  cet  aveu^ 
gle  voie  ;  s'il  recouvre  la  lumière,  nous  croi- 
rons à  vos  enseignements.»  «Dieu  a  la 
toute-puissance,  dirent  les  confesseurs;  s'il 
lui  plaît  que  ce  miracle  s'accomplisse,  il 
s'accomplira.  »  Us  firent  le  signe  de  la  croix 
sur  les  yeux  de  l'aveugle,  il  en  sortit  de  l'eau 
et  du  sang,  et  ils  s'ouvrirent  à  la  lumière.  Ce 
miracle  ne  réussit  point  à  vaincre  l'aveugle- 
ment des  mahométans.  On  fit  sortir  l'aveugle 
guéri,  et  le"^  franciscains  furent  unanime- 
ment condamnés  à  mort.  Les  trois  religieux 
marchèrent  gaiement  au  supplice,  se  fidici- 
lant  mutuellement  de  voir  la  réalisation  de 
ce  qu'ils  avaient  tant  désiré.  Arrivés  au  lieu 
de  l'exécution,  ils  levèrent  les  yeux  au  ciel, 
étendirent  les  bras  en  forme  de  croix,  quand 
ils  virent  les  mahométans  armés  d'épées  se 
ruer  sur  eux.  Un  mahométan,  pris  de  pitié 
pour  les  saints  martyrs,  ayant  adressé  quel- 
ques reproches  aux  bourreaux,  fut  immé- 
diatement mis  à  mort  par  ses  coreligionnai- 
res. Effrayés  de  la  rage  des  mahomét'uis,  les 
chrétiens  de  la  vill.^  s'étaient  enfuis  dans  la 
campagne.  Ce  fut  un  vendredi  à  midi  que 
les  trois  franciscains  moururent.  On  coupa 
leurs  corps  en  quatre  et  on  al  tacha  les  mw- 
ceaux  aux  portes  de  la  ville.  Des  gardes 
furent  placés  auprès  pour  empêcher  les 
chi  étiens  de  les  enlever.  Un  prêtre  arménien, 
qui  avait  donné  ostensiblement  son  appro- 
bation aux  franciscains  dans  la  discussion 
qu'ils  avaient  soutenue,  fut  saisi  pai  les 
mahométans.   On   lui  attacha  nu  cou  la  tête 


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d'un  des  martyrs,  avec  une  de  ces  cordes  qui 
servent  de  ceinture  aux  frères  mineurs,  et 
on  le  promena,  en  le  fustigeant,  par  toute  la 
ville.  Dès  qu'il  eut  recouvré  sa  liberté,  il  en 
profita  pour  recueillir  religieusement  les 
restes  des  saints  martyrs.  [Voy.  les  Chroni- 
ques des  Frères  Mineurs,  t.  II,  p.  l'iG.) 

r.RANÇOIS  DE  SPOLÈTE  (le  bienheureux) 
prôcliait  'l'Evangile  aux  habitants  de  Da- 
miette.  Leur  es[)rit  commençait  à  s'ouvrir 
aux  splendides  clartés  du  christianisme  ; 
mais  leur  cœur  restait  altaclié  h  la  loi  de 
Mahomet.  Ils  demandèrent  un  jour  au  saint 
missionnaire  ce  qu'il  pensait  de  leur  pro- 
phète. Celui-ci  ne  crut  pas  pouvoir  leur  ca- 
cher sa  manière  de  penser  à  cet  égard.  Il  leur 
dit  que  le  mahométisme  était  une  religion 
qui  devait  entraîner  la  perdition  éternelle  de 
ses  sectateurs.  Dénoncé  pour  cette  réponse, 
il  fut  emprisonné  et  condamné  à  la  peine  de 
mort.  Les  musulmans  vinrent  le  •  trouver 
dans  la  prison.  «  Rétléchis  bien,  lui  dirent- 
ils;  il  te  faut  opter  entre  l'abj  in^a lion  de  ta  foi, 
l'adhésion  à  l'islamisme  ou  la  mort.  —  Je 
choisis  la  mort,  oit  François,  qui  doit  me 
délivrer  des  misères  de  cette  vie,  p.our  me 
faire  monter  au  ciel,  où  on  vit  toujours 
heureux.  Je  n'ai  qu'un  regret,  c'est  de  vous 
laisser  dans  l'ignorance  où  vous  êtes,  dans 
les  turpitudes  qu'autorise  votre  loi,  toutes 
choses  qui  vous  précipiteront  dans  les  feux 
éternels,  où  déjà  brûle  votre  proi)hète  Ma- 
homet. »  Les  musulmans  à  ce  langage  pous- 
sèrent des  cris  de  fureur  et  se  précipilèreut 
sur  le  saint.  L'un  d'entr(ï  eux  lui  asséna,  dit 
la  Clironiquc  des  Frères  Mineurs  (t.  II,  \).  H8), 
un  tel  coup  de  cimeterre,  qu'il  le  fendit  en 
deux.  Quoi  qu'il  en  soit  d'un  fait  si  cxtraor- 
dinair<s  le  martyre  du  saint  est  constant.  Il 
monta  au  ciel  recevoir  la  palme  éternelle, 
que  Jésus-Christ  accorde  aux  saints  qui 
meurent  pour  lui.  Le  martyre  de  notre  saint 
eut  lieu  en  1"288. 

FRANÇOISE  (la  princesse),  femme  de  Jo- 
se[)h,  douzi«'me  tils  du  régulo  Sounou,  parta- 
gea les  malheurs  et  l'exil  de  sa  famille  en- 
tière, bannie  four  la  foi  à  Yeou-Oué  en 
Tartarie,  par  l'empereur  Young-Tching,  en 
l'année  IT^i.  Le  prince  Joseph,  ayant  été 
disgracié  l'année  j)récédente  et  envoyé  à 
l'armée,  à  la  suite  du  neuvième  (ils  do  l'em- 
pereur, s'était  fait  bajjtiser  la  veille  de  son 
départ.  Peu  de  temps  après,  la  princesse  sa 
feininc  et  tous  ses  enfants  av.dent  imité  son 
exemple.  Il  était  parti  pour  l'armée,  laissant 
sa  f'im.lle  \\  Pékin.  La  |)iiiicesse  fut  person- 
iiellcnient  viciime  de  la  persécuti(jn  que  son 
b''aii-[)ère,  |)Our  désaiiner  rempereiir,  lit 
subir  à  ses  enfants  chrétiens.  Lu  des  olli- 
ciers  de  Sounou  eut  ordie  de  visiter  sa  mai- 
son, sans  même  l'ii  (!Xf'mpt(;r  sa  chambi-e, 
d'y  premJre  tout  ce  (ju'il  trouverait  d(;  croix, 
de  chapelets  et  d'images,  et  de  les  brùlcM- au 
milieu  de  la  ccjiu'.  La  prineesse  éla.l  alJS(;nte 
(juand  cet  ordie  sacrilège  reçut  son  exécu- 
tion. Erj  voyant  ce  monceau  de  cendres,  elle 
faillit  se  trouver  mal,  poussa  des  cris  la- 
nif-ntaldes;  les  voisins  crurent  (jue  ces  ina- 
uileslations    de  douleur  provenaient  do   la 


nouvelle  de  son  exil:  ses  beaux-frères  ne 
purent  la  consoler  qu'en  lui  promettant  de 
partager  avec  elle  ce  qui  leur  restait  de 
croix,  d'images  et  de  chapelets.  Le  1.'  juillet 
172i,  elle  suivit  toute  sa  fani-lle  au  l.eu  d'exil 
désigné  par  l'empereur.  So:i  mari  vint  l'y 
joindre  plus  tard.  (  Voy.  Sounou  ,  Joseph  , 
Chine.) 

FRANÇOIS  XAVIER  (le  prince),  fils  aîné 
du  régulo  chinois  Sounou,  n'était  pas  encore 
chrétien  que  déjà  plusieurs  de  ses  frères 
avaient  embrassé  le  christianisme.  Cepen- 
dant il  parlait  partout  avec  éloge  de  cette 
sainte  religion.  Dans  le  palais  impérial,  assis 
à  la  porte  de  l'empereur  avec  les  grands,  il 
ne  soutfrait  point  qu'on  l'attaquât  ;  c'était 
son  frère  Jean  qui  la  lui  avait  enseignée. 
Plusieurs  s'offensèrent deson  zèle.  Un piince 
de  ses  amis,  ou  du  moins  qui  se  prétendait 
tel,  sous  prétexte  de  le  servir,  en  parla  à 
l'empereur.  Mais  celui-ci  n'y  fit  pas  atten- 
tion et  répondit  en  termes  généraux ,  de 
manière  à  esquiver  cette  conversation.  Sou- 
nou avait  chassé  de  sa  présence  ses  fils 
chrétiens  Paul,  Jean  et  François;  ils  crurent 
que  pour  le  faire  sortir  de  "son  infidélité  et 
pour  calmer  sa  colère,  personne  n'était  plus 
cai)able  de  réussir  que  leur  frère  aine. 
Le  vieillard  l'aimait  beaucoup.  Il  le  savait  de 
bon  conseil  et  le  consultent  volontiers.  Il  ;!C- 
cepta  avec  empressement  la  commission  dont 
ses  frères  le  chargeaient,  et  s'en  acquitta  avec 
un  zèle  sage  et  discret,  saisissant  peu  à  peu 
et  habilement  les  occasions  qui  se  piésen- 
taient,  de  parler  à  son  i)ère  de  la  religion 
chrétienne.  Mais  tous  ses  efforts,  joints  aux 
prières  de  ses  frères,  n'obtinrent  pas  le  suc- 
cès qu'on  espèrent.  Le  vieillard  ne  voulut  pas 
rouvrir  sa  maison  à  ses  enfants,  à  ceux  du 
moins  qu'il  en  avait  chassés;  quant  à  ceux 
de  la  famille  qui  depuis  se  faisaient  chré- 
tiens, il  dissimulait,  feignant  de  ne  rien  sa- 
voir. Il  se  contentait  de  dire  qu'on  devait  se 
montrer  très-réservé,  de  peur  de  compro- 
mettre la  famille  entière.  Bientôt  un  autre 
prince  baptisé  secrètement  à  Pékin  et  nommé 
Joseph,  ami  intime  de  la  famille,  joignit  ses 
efforts  à  ceux  du  prince  Xavier.  Peut-être 
allait-on  réussir  à  quelque  chose,  quand  la 
nouvelle  d'une  persécution  qui  s'était  éle- 
vée dans  le  Fou-Kien,  et  une  sentence  pro- 
noncée, le  12  janvier  n-i'»,  cnntre  les  mis- 
sionnaires, vinrent  arrêtci'  tout  à  coup  les 
bonnes  dispositions  du  vieux  régulo.  On 
j)eut  voir  au  litre  de  ce  dernier  connnent  il 
fut  mandé  par  l'empeieur,  (pii  avait  a[)pris 
les  conversions  opérées  dans  sa  famille,  et 
comment  il  fut  condanuié  à  l'exil  ainsi  que 
tous  les  siens.  Cv.  fut  dans  ces  circonstances 
que  le  prince  de  (pii  nous  écrivons  Ihisloire 
et  (|ui  n'était  encore  (jue  catéchumène,  fut 
baptisé  avec  soi  neveu,  fils  <le  son  iniilième 
frère,  mort  sans  avoir  eu  le  même  bonheur. 
On  sait  la  démarche  (pu;  lit  le  vu'ux  régulo 
j)Our  oblenii'  sa  gr;\ce.  Il  avait  fait  enchaî- 
ner ses  trois  fils  l'aul,  Krançoisel  Jean,  pour 
les  livrer  lui-mêuu!  a  l'empereur;  mais  cela 
n'avail  seivi  à  rien  et  il  élnil  revenu  déses- 
péi'é  dans  son  palais.  Ce  fut  alors  que  son 


104t 


FRE 


FIU«: 


i04i 


lils  aîné  lui  représenta  les  grâces  singulières 
dont  sa  famille  avail  ét(^  l'objel  de  la  part  do 
Dieu.  «  Le  traitement  (|u'on  vous  fait  éprou- 
ver, lui  dit-il,  vous  devez  le  regarder 
connue  un  elfet  de  l'intinie  miséricorde  du 
'lout-Puissaiit  (pii  veut  vous  sauver  eu  vous 
l'ia|)panl.  licoutez  l'avertisseineiU  (pi'il  vous 
doune  :  seive/-le  coiiuue  il  veut  être  servi, 
et  vous  verrez  que  bientôt  vous  serez  su|»é- 
rieur  j)  tous  ces  événements  (jui  vous  parais- 
sent si  uialheureux.  »  Ni  ce  langage  ni  celui 
des  autr(>s  frères  ne  purent  rien  sur  h;  vi(Ml- 
Jard  qui  den)eiira  dans  son  (^ndureissemeut. 
Toute  la  familh*  prit  la  route  d(>  Yeou-Oué, 
poste  militaii-e  dans  la  Tailarie,  au  delà  de  la 
grande  muraille  à  i)0  lieues  de  Pékin.  C'était 
là  <|ue  l'empereur  You'ig-Tcliitig  exilait  pour 
la  foi  toute  celt(>  sainte  famille,  composée  de 
9'i.  personnes  et  suivie  d'environ  ."JOO  domes- 
tiques. Le  prince  François  Xavier  était 
accompagné  dans  son  exil  de  sa  fennne 
Thérèse  ,  qui  avait  été  ba{)liséo  quehfue 
temps  après  lui,  ainsi  que  Pierre  son  second 
fils.  Sa  belle-tille  Agnès  avait  eu  le  même 
bonheur.  On  peut  voir  pour  tout  ce  qui 
touche  ce  glorieux  exil  les  articles  Chine  et 
Sol N ou. 

FRANÇOISE  (la  sœur  Sainte-),  converse 
chez  lesUrsuli'iesàCarpenlras,fut  guillotinée 
le  13 juillet  179i,àOrange,avec  Anastasie  de 
Rociird,  supérieure  des  Ursuiines  de  Bolène, 
Elisabeth  Verchière,  Alexis  Mincette  et  Hen- 
riette Laforge,  religieuses  du  Saint-Sacre- 
ment à  Bolène.  La  sœur  sainte  Françoise 
disait  aux  autres  sœurs,  la  veille  de  leur 
condamnation  :  «Ah  I  nies  chères  sœurs, 
quel  jour  que  celui  qui  se  prépare! De- 
main les  portes  du  ciel  s'ouvrent  pour  nous; 
nous  allons  jouir  de  la  félicité  des  saints.» 

FRATERNE  (saint) ,  évêque  et  martyr , 
versa  son  sang  pour  la  foi  à  Auxcrre.  Nous 
n'avons  aucun  détail  sur  l'époque  et  les  cir- 
constances de  son  mai'tyre.  L'Eglise  fait  sa 
sainte  mémoire  le  29  septembre. 

FRÉDÉRIC  (saint),  évoque  d'Utrecht,  fut 
martyrisé  en  828.  11  descendait  d'une  famille 
très- illustre  chez  les  Frisons.  Il  fut  élevé 
dans  la  pratique  de  la  piété  avec  les  clercs 
de  l'Eglise  dont  il  devint  plus  tard  évêque. 
De  bonne  heure  il  se  livrait  au  jeûne  et  aux 
exercices  de  la  plus  rigoureuse  pénitence. 
Quand  il  eut  été  ordonné  prêtre,  son  évêque 
Ricfrid,  à  qui  ii  succéda  en  820,  le  chargea 
d'instruire  les  catéchumènes.  Quand  ii  apprit 
qu'il  avait  été  promu  à  l'épiscopat,  il  mit  tout 
en  œuvre  pour  qu'on  voulût  bien  le  déchar- 
ger de  ce  lourd  larJeau  dont  il  se  croyait  in- 
digne, mais  1  einpcr  ur  Louis  le  Débonnaire 
le  força  de  se  soumettre;  il  accepta  donc.  Il 
fut  sacré  à  Aix-la-Chapelle,  devant  l'empe- 
reur, qui  lui  lit  rex[)resse  recommandation 
de  détruire  ce  qui  (estait  de  l'idolûtrie  dans 
le  royaume  de  Frise.  Le  peuple,  qu'il  était 
désormais  chargé  de  conduire  dans  les  voies 
du  salut,  le  reçut  avec  joie;  notre  saint  s'ad- 
joignit plusieurs  prêtres  pleins  de  zèle,  et  les 
dissémina  daus  le  nord  de  la  Frise,  afin  de 
répandre  partout  la  lumière  de  l'Evangile.  Il 
trouva  ces  peuples  assez  disposés  à  l'écou- 


ler. Louis,  fils  et  successeur  de  Charlemagne, 
avait  déchargé  les  Saxons  des  énormes  tri- 
l)uts  (jue  son  père  les  forçait  de  payer;  il  les 
traitait  avec  bonté,  et  ces  peup\es,  [ileins  de 
l'econnaissance,  s'attachèrent  pour  toujours 
à  sou  empire;.  Ses  actes  de  ch'-mence  lui  mé- 
ritèi'cnt  de  plus  le  titre  de  Débonnaire.  Notre 
saint  fut  ensuite  persécuté  par-  l'impératrice 
Judith,  lille  de  Welf,  comte  de  Wcùngarten, 
un  des  principaux  seigneurs  de  la  Raviôre, 
avec  ([ni  Louis  s'était  remarié  en  819.  Les 
causes  de  cette  persécution  furent  les  dérè- 
glements de  cette  |)rincesse,  dont  Fiédéric 
l'avait  re[)rise  avec  un  zèle  tout  apostoli  |ue. 
Notre  saint  tourna  surtout  les  elforts  de  son 
zèle  sur  les  habitants  de  la  Walacrie  ou 
AValcheren,  une  des  principales  îles  de  la 
Zélande,  qui  étaient  très-bai  bai-es  et  ermemis 
du  nom  de  Jiîsus-Christ.  Frédéric  travailla 
lui-même  à  répandre  parmi  eux  la  semence 
de  l'Evangile,  et  parvint,  après  bien  des 
exhortalions,  des  larmes  et  des  prières,  à 
extirper  l'habitude  des  mariages  incestueux, 
très-répandue  parmi  ces  peuples.  Néanmoins 
ce  saint  évêque  paya  de  la  vie  son  zèle  cou- 
rageux. Un  jour,  qu'après  avoir  dit  la  messe 
il  faisait  son  action  de  grâces,  deux  assas- 
sins, payés  par  ses  ennemis,  1  >  poignardè- 
rent, et  il  expira  presqu'aussitôt,  en  disant  : 
Je  louerai  le  Seigneur  dans  la  terre  des  vi- 
vants. Plusieurs  auteurs  ont  prétendu  que 
ces  deux  assassins  avaient  été  postés  par 
l'impératrice  Judith,  qui  voulait  se  venger  de 
la  liberté  avec  laquelle  Frédéric  l'avait  re- 
prise de  ses  débordements.  L'Eglise  fait  sa 
fête  le  18  juillet. 

FRÉDÉRIC  II,  roi  de  Prusse,  surnommé 
le  Grand,  naquit  à  Berlin  en  1712.  Ne  pou- 
vant s'accoutumer  aux  bizarreries  de  carac- 
tère et  aux  mauvais  traitements  qu'il  avait 
à  subir  de  la  part  de  Frédéric-Guillaume  I, 
son  père,  il  résolut  de  s'enfuir  de  la  cour, 
après  avoir  mis  dans  ses  intérêts  un  jeune 
officier  nommé  Kalt.  Ce  projet  vint  aux 
oreilles  du  roi  qui,  n'écoutant  que  sa  colère, 
condamna  Ips  deux  jeunes  gens  à  mort.  Kalt 
fut  exécuté  sous  les  yeux  même  de  Fré- 
déric II,  à  qui  son  père  accorda  la  vie,  mais 
à  de  dures  conditions.  Le  roi  lui  permit  plus 
tard  d'habiter  le  château  de  Rhinsberg,  et  de 
s'y  livrer  à  son  goût  prononcé  pour  les  let- 
tres. Dès  lors  il  rechercha  les  philosophes 
français,  et  se  lia  étroitement  avec  eux,  d'a- 
bord avec  Maupertuis,  ensuite  avec  d'Alem- 
bert,  particulièrement  avec  Voltaire  et  quel- 
ques autres.  Il  entretenait  avec  eux  une 
correspondance  active,  les  appelait  auprès  de 
sa  personne,  et  les  traitait  avec  honneur.  Sur 
ces  entrefaites,  son  père  étant  venu  à  mourir 
en  17i0,  il  monta  sur  le  trône,  et  sa  cour  de- 
vint le  rendez-vous  des  incrédules  français 
les  plus  célèbres.  Frédéric  les  accueillit,  leur 
donna  des  emplois,  et  les  favorisa  en  toutes 
manières.  Il  causait  familièrement  avec  eux, 
et  les  aidait  dans  leurs  écrits  anti-religieux. 
On  voit  dans  sa  correspondance  avec  Voltaire 
qu'il  ne  lui  cédait  point  en  impiété  ;  on  trouve 
souvent  sous  sa  plume  le  mot  à: infâme  qu'il 
appliquait  à  la  religion  catholique.  Néan- 


ms 


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1044 


moins,  s'étant  aperçu  que  les  philosophes, 
ne  se  bornant  pas  à  détruire  la  religion,  vou- 
laient aussi  biisor  les  trônes  des  rois,  il  se 
brouilla  avec  eux ,  surtout  avec  Voltaire 
qu'il  traita  parfois  très-rudement. 

L'édition  la  [)lus  comi'lète  do  ses  œuvres 
est  celle  qui  parut  en  1790,  en  23  vol.  in-8°. 
Le  premier  ouvrage  qu'il  îit  paraître  est 
V Anti-Machiavel,  composé  lorsqu'il  n'éiait 
encore  que  prince  royal.  Devenu  rci  à  son 
tour,  il  voulut  le  retirer  de  la  circulation, 
dans  la  crainte  qu'on  ne  lui  apili(iuAt,  lou- 
chant la  Silésie,  les  principes  hasardés  qu'il 
avait  émis. 

Il  mourut  en  l'année  178G ,  après  avoir 
mérité  par  ses  exploits  mi  itaires  ([ue  la  pos- 
térité lui  donnât  le  surnom  de  Grand. 

FKIEU  (Pierre),  néophyte  tontjuinois,  fut 
mis  à  mort  pour  la  foi  en  l'an  1722,  au  To'i- 
quin,  avec  Dao  Amhroise,  le  P.  Bucharelli, 
jésuite,  Emmanutl  Dieu,  Philippe  iMi,  Luc 
Thu,  Luc  Mai,  Thad^ie  Tho,  Paul  Noi,  et 
François  Ram,  néophites  qui  môlèrent  leur 
sang  à  celui  du  saint  missionnaire. 

FKONDL  Yoij.  Fondi. 

FRONTON,  était  président  en  Bilhynie, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Maximilièn.  11 
fit  souffrir  le  martyre  aux  trois  sœurs  Méno- 
dore,  Méirodore  et  Nvmphodore. 

FRONTON  (saint) ,'  fut  martyrisé  à  Sara- 
gosse,  en  Espagne,  par  les  ordres  de  Dacien, 

2ui  en  était  gouverneur,  en  l'an  de  Jésus- 
hrist  30i,  durant  la  persécution  (le  Dioclé- 
tien.  Dix-sept  autres  furent  maityrisés  avec 
lui  :  on  trouvera  Iclu'S  noms  à  l'article  Dacieiv. 
Les  dix-huit  martyrs  do  Saragosse  sont 
très-honoiés  en  Espag'ie;  c'est  Prudence  qui 
rapporte  ce  qu'on  sait  d'eux.  Ils  sont  inscrits 
au  Martyrologe  romain  sous  la  date  du  16 
avril.  {Yoy.  Prudence,  de  Cor.,  hym.  k;  Til- 
lemont,  vol.  V,  p.  229;  Vasseus,  Belga.) 

FRUCTE  (saint),  martyr  à  Carthage,  sous 
le  règne  et  durant  la  persécution  de  rem[)e- 
reur  Dè(;e,  en  l'an  250.  11  fut  enî'erraé  dans 
un  cachot  avec  saint  Victorin  et  une  grande 
quantité  d'autres  saints  martyrs.  On  les 
laissa  mourir  d(;  faim  par  ordre  de  l'empe- 
reur. {Voy.  VicTOKiN.)  L'Eglise  fait  la  fête  de 
toiiS  ces  ^aints  le  17  avril. 

FRUCTUEUX  (saint),  évoque  de  Tarragone 
et  martyr,  soulfrit  pour  la  foi  avec  les  diacres 
Augure  el  Euloge,  sous  l'empire  de  Valérien. 
Nous  coj)ions  ici  ses  Actes.  (An  259,  sous 
Valéiien.) 

Sous  l'empire  de  Valérien  et  de  Gallien  et 
le  consulal  d'Emilien  et  de  Bossus,  un  di- 
manche, 17  des  cahmdcs  de  février,  on  ar- 
rêta à  Tarragone  l'évoque  Fructueux  ot  les 
diacres  Augure  et  liulogc.  Fructueux  s'était 
jeté  sur  son  lit,  et  il  y  prenait  un  peu  de  re- 
pos, lorsfpie  six  soMals,  de  ceux  (ju'on  nom- 
mait héneliciers,  arrivèrent  ii  la  porte  de  i-on 
logis.  Le  saint  évèque  ay.iiitouï  le  bruit  (pio 
faisaient  ces  soldats,  se  leva  |)romplement  et 
s'avança  Vf.'rs  eux  jusipu;  sur  l(!  perro!).  Ils 
lui  dirent  :  Suivez-nous,  le  gouverneur  vous 
detnande  avec  vos  diacres.  L'évètpie  l'ruc- 
tur;iix  leur  répondit  :  J.-  vous  suis;  soulfrcz 
soulemenlqucje  pi-eunt-  mes  souliers.  Ils  lui 


dirent  :  Vous  le  pouvez,  prenez-les.  Ils  le 
menèrent  en  prison,  lui  et  ses  deux  diacres. 
Fructueux,  ravi  de  joie  à  la  vue  de  la  ré- 
compense ([ue  Dieu  lui  préparait,  ])riait  sans 
interruption.  Les  frères,  qui  ne  rabandi)n- 
naient  plus,  le  conjuraient  de  se  souvenir 
d'eux  lorsqu'il  offrait  ses  prières  à  Dieu.  Le 
lendemain,  il  ba[)lisa  dans  la  |)rison  notre 
frère  Rogatien.  Le  saint  évoque  et  les  deux 
diacres  y  demeurèrent  six  jours  entiers,  et 
ils  n'en  furent  tirés  que  pour  être  entendus. 

Interrogatoire  de  Fructueux,  évéque,  d'Au- 
gure et  d'Euloge,  diacres. 

Le  gouverneur  Emilien  dit  :  Qu'on  fasse 
entrer  l'évèque  Fructueux  et  les  diacres  Au- 
gure et  Euloge.  Un  huissier  dit  :  Les  voiU- 
Le  gouverneur  Emilien  dit  à  l'évoque  Fruc- 
tueux :  Vous  n'ignorez  pas,  sans  doute,  la 
nouvelle  ordonnance  des  emi)ercurs?  L'évè- 
que Fructueux  répondit  :  Je  n'ai  aucune  con- 
naissance de  cela,  mais  en  tout  cas  je  vous 
déclare  que  je  suis  chrétien.  Le  gouverneur 
Emilien  dit  :  Vous  savez  donc  que  cette  or- 
donnance regarde  le  culte  des  dieux,  et 
qu'elle  veut  que  tous  les  sujets  de  l'euipTe, 
sans  aucune  exception,  embrassent  ce  culte? 
L'évè(|ue  Fructueux  répondit  :  J'adore  un 
seul  Dieu,  qui  a  fait  le  ciel,  la  terre  et  la  mer, 
et  tout  ce  qu'ils  renferment.  Le  gouverneur 
Emilien  :  Savez-vous  qu'il  y  a  des  dieux? 
L'évoque  Fructueux  :  Je  n'en  sais  rien.  Le 
gouverneur  :  Eh  bien!  on  vous  l'apprendra. 
L'évô(jue,  dans  ce  moment  éleva  son  cœur  à 
Dieu,  et  priait  en  lui-même.  Le  gouverneur 
reprit  :  Qui  craindra-t-on  donc,  qui  adorera- 
t-on  sur  la  terre,  si  l'on  méprise  le  culte  des 
dieux  immortels  et  celui  des  empereurs? 
Ensuite,  adressant  la  parole  au  diacre  Au- 
gure, il  lui  dit  :  Ne  vous  arrêtez  pas  à  ce  que 
vient  de  dire  Fructueux.  Le  diacre  Augure 
dit  :  J'adore  le  Dieu  tout-puissant.  Le  gou- 
verneur dit  au  diacre  Augure  :  N'adorez-vous 
point  aus^i  Fructueux?  Le  diacre  Augure 
répondit  :  Je  n'adore  point  mon  évoque,  mais 
le  même  Dieu  que  mon  éveque  adore.  Le 
gouvî^rneur  dit  à  Fructueux  :  Vous  êtes  donc 
évêque?  L'évèque  Fructueux  répondit  :  Oui, 
je  le  suis.  Le  gouverneur  :  Dites  que  vous 
l'avez  été;  et,  sur  l'hein-e,  il  les  condannia  à 
être  brûlés  tout  vifs.  Comme  ou  les  condui- 
sait h  ramf)hitliéAtre,  tout  le  peuple  pleurait, 
car  le  saint  évê((ue  était  fort  aimé,  non-se:i- 
lement  des  chrétiens  ,  mais  des  infidèles 
mêmes.  Et  l'on  peut  dire  qu'il  était  tel  que  le 
Saint-Esprit,  parlant  par  l'organe  du  docteur 
des  gentils,  le  grand  Paul,  veut  (pie  soit 
un  évêque.  C'est  |)ourquoi  la  douleur  des 
frères  était  mêlée  d^  joie,  lorscpi'ils  voyaient 
leur  père  s'avancer  à  grands  jias  vers  un 
bonheur  ét(M-nel,  et  prêt  h  recevoir  la  cou- 
ronne d(î  gloire.  Quelqucs-ujis  alors  s'appro- 
chant  de  lui,  1  i  présentèrenl  un  verre  d  eau 
et  de  vin,  mais  il  l'efusa,  disant  :  Mes  frères, 
il  n'est  pas  enclore  l'heure  do  rompre»  le 
jeAiie.  C'était  sur  les  dix  heures.  Il  l'avait 
ga-dé  exartement  (Inr.int  ^a  |)rison  ,  et  les 
frères,  <pii  s'éiai  ut  tenus  assidOment  auprès 
de  lui,  avaient  sohnunsé  avec  lui  le  jeûne  do 


i 


1045 


FRU 


Fl]L 


1046 


la  quatrième  férié;  et  il  ne  voulait  pas  non 
jilus,  par  une  exactitude  adininible,  avancer 
ce  jour-là,  qui  était  un  vendredi,  l'heure  du 
repas,  ni  violer  tant  soil  |)eu  la  régularité  du 
jeûne,  diirérant  h  le  rompre  dans  le  ciel  avec 
les  patriarches  et  les  |)rophèles.  Lorsqu'il  l'ut 
arrivé  h  J'aniplnthéAlre,  Auguslal,  son  lec- 
teur, s'ap[)rocha  de  lui,  tondant  en  larmes, 
et  le  pria  de  trouver  bon  (pi'il  le  déchaussAt. 
Le  saint  mariyr  lui  répondit  :  INIon  tils,  n'en 
prenez  pas  la  peine,  je  me  déchausserai  bien 
moi-aiêuie,  et  avec  d'autant  plus  de  joie,  que 
je  suis  certain  que  les  promesses  de  Dieu 
vont  dans  peu  s'acconq)lir  en  moi.  Eu  même 
temps  Félix,  l'un  de  nos  frères,  lui  prit  la 
main,  et  le  conjura  de  se  souvenir  de  lui.  A 
quoi  saint  Fructueux  rénondit  en  élevant  sa 
voix,  en  sorte  que  tout  le  monde  l'entendît 
distinctement  :  Je  dois  n)e  souvenir  de  toute 
l'Kglise  catholique  ,  répandue  par  toute  la 
terre,  dei)uis  l'orient  jus(}u'à  l'occident.  Etant 
prés  d'entrer  dans  l'amphithéAtre,  s'adressant 
;iux  hdèles  qui  l'environnaient  :  Mes  frères, 
leur  dit-il,  Notre-Seigneur  ne  vous  laissera 
pas  connue  des  brebis  cirantes  sans  pasteur; 
il  est  tidèle  dans  ses  promesses,  et  sa  bonté 
ne  se  lassera  jamais  de  vous  être  favorable; 
que  l'état  où  vous  me  voyez  ne  vous  trouble 
point;  une  heure  de  soulfrances  passe  biea 
vite.  Les  deux  diacres  ,  merveilleusement 
fortifiés  par  ces  paroles,  montèrent  avec  leur 
saint  évêque  sur  le  bûcher,  comme  les  trois 
jeunes  Hébreux  entrèreîit  autrefois  dans  la 
fournaise  de  Babylone.  Ils  y  furent  même 
assistés  d'une  manière  sensible  par  les  trois 
personnes  de  la  Sainte-ïrinité.  Le  Père,  par 
sa  toute-puissance  soutint  leur  faiblesse;  le 
Fils  les  secourut  en  les  animant  par  son 
exemple,  et  le  Saint-Esprit  adoucit  pour  eux 
la  trop  grande  ardeur  du  feu.  Dès  que  les 
liens  qui  sériaient  leurs  mains  eurent  été 
consumés,  ils  les  étendirent  en  forme  de 
croix  pour  prier  selon  la  coutume  des  fidèles, 
et  représentant  ainsi  le  trophée  de  la  croix 
du  Sauveur,  ils  lui  rendirent  leurs  âmes  dans 
le  fort  de  leurs  prières.  Leur  mort  fut  suivie 
de  [Uusieurs  miracles.  Le  ciel  s'ouvrit,  et 
l'on  vit  Fructueux  et  ses  deux  diacres  sur  le 
point  dy  entrer.  Ils  paraissaient  encore  at- 
tachés aux  poteaux  où  ils  avaient  été  brûlés. 
Abilan  et  Migdonius,  domestiques  du  gou- 
verneur, et  du  nombre  des  frères,  furent  té- 
moins de  cette  merveille,  aussi  bien  que  la 
jeune  Emilienne,  sa  fille.  Ces  deux  hommes 
coururent  avertir  Emilien  lui-même  de  cette 
vision  surprenante.  Venez,  seigneur,  lui  di- 
rent-ils, venez  voir  monter  au  ciel  ces  hommes 
que  vous  avez  condamnés  au  feu.  Le  gou- 
verneur vint,  mais  il  ne  vit  rien,  son  infidé- 
lité l'en  rendant  indigne.  Cependant  les 
frères  se  rendirent  à  l'amphithéâtre  la  nuit 
suivante,  portant  du  vin  pour  laver  les  corps 
à  demi  consumés  des  bienheureux  martyrs, 
et  achever  d'éteindre  ce  qui  brûlait  encore. 
Ils  recueilhrent  donc  soigneusement  tout  ce 
qui  avait  pu  échapper  aux  flammes,  et  le 
)artagèrent  enlfe  eux.  Mais  le  saint  évêque 
eur  a|)parut,  et  les  avertit  de  rapporter  ce 
que  chacun  en  particulier  avait  pris  de  ces 


r< 


sacrées  reliques,  et  de  les  enfermer  toutes 
dans  un  môme  lieu.  Il  se  montra  aussi  avec 
ses  deux  diacres  (levant  lùnilien,  et  lui  re- 
procha sa  cruauté  impuissante.  Vous  [)ensez, 
lui  (lit-il,  nous  avoir  fait  périr  nour  toujours 
en  réduisant  nos  corps  en  cendres,  et  ce(jen- 
danl  vous  nous  voyez,  vivants  et  glorieux. 

L'Eglise  fait  la  fêle  de  saint  Fructueux  et 
de  ses  conq)agnons  le  21  janvier. 

FIIUCTULE  (saint),  martyr,  souffrit  en 
Afri(|ue  i)our  la  confession  de  sa  foi,  avec  les 
saints  Lucius,  Silvain,  Rutule,  (.lassique, 
Secondin  et  Maxime.  L((  Martyrologe  romain 
ne  nous  a  transmis  aucun  détail  sui-  eux. 
L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  18  février. 

FKUCTUOSE  ou  Frlctuelsk  (  sainte  )  , 
re(;ut  la  palrae  du  martyre  h  Antioche  avec 
les  saints  Restitut,  Donat,  Valérien  et  douze 
autres  dont  les  noms  nous  sont  inconnus. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  23  août. 

FUUMENTIUS  (saints),  martyrs,  étaient 
deux  frères,  marchands  à  Carthage,  qui  re- 
cueillirent la  palme  du  martyre  vers  l'an  484, 
dans  la  persécution  que  Hunéric,  roi  des 
Vandales,  suscita  aux  Catholiques.  L'Eglise 
célèbre  leur  mémoire  le  23  mars. 

FULGENCE  (saint),  évêque  do  Ruspe,  en 
Afrique,  docteur  de  l'Eglise,  confesseur,  na- 
quit d'une  famille  illustre,  qui,  avant  l'inva- 
sion des  Vandales,  avait  occu|)é  une  place 
distinguée  dans  le  sénat  de  Carthage.  Le  père 
de  notre  saint,  nommé  Claude,  ayant  été  dé- 
pouillé de  la  maison  qu'il  possédait  à  Car- 
thage, en  faveur  des  prêtres  ariens,  se  retira 
à  Telepte,  dans  la  Byzacène ,  où  naquit  Ful- 
gence,  en  468.  Marianne,  sa  mère,  lui  donna 
dès  son  enfance  des  leçons  de  piété  et  de 
vertu,  tandis  que  des  maîtres  pleins  d'habi- 
leté lui  enseignaient  le  grec,  le  latin  et  la 
littérature.  Il  lit  surtout  de  grands  progrès 
dans  la  langue  grecque  ,  qu'il  i)arlait  avec 
beaucoup  de  pureté.  Dès  sa  jeunesse  il  mon- 
trait une  sagesse  consommée  et  une  grande 
habileté  dans  le  maniement  des  aflaircs ,  aussi 
le  choisit-on  pour  receveur  général  des  im- 
pôts de  la  Byzacène.  Bientôt ,  'cependant , 
alarmé  des  dangers  sans  nombre  qu'il  cou- 
rait dans  le  monde,  et  encouragé  par  de  pieu- 
ses lectures,  il  résolut  de  briser  les  liens  qui 
l'attachaient  aux  choses  d'ici-bas,  et  d'entrer 
dans  un  monastère. 

Hunéric,  roi  des  Vandales,  avait  chassé  à 
cette  époque  plusieurs  évêques  de  leurs  siè- 
ges; un  d'entre  eux,  nommé  Fauste  ,  avait 
élevé  un  monastère  dans  la  province  de  la 
Byzacène,  et  y  formait  dos  disciples  dans  la 
pratique  de  toutes  les  vertus.  Notre  saint  le 
pria  (le  l'accepter  au  nombre  des  siens  ;  mais 
Fauste  ,  prenant  occasion  de  son  tempéra- 
ment, qui  paraissait  assez  faible,  lui  refusa 
sa  demande  avec  des  paroles  assez  dures. 
Fulgence  lui  ayant  répondu  que  celui  qui  lui 
avait  inspiré  la  volonté  de  le  servir  saurait 
bien  lui  donner  la  force  nécessaire,  Fauste  , 
étonné  de  cette  réponse  si  modeste  et  si  ferme 
à-  la  fois  ,  le  reçut  enfin  au  '.ombre  de  ses 
disciples.  Fulgence  avait  alors  22  ans.  Ma- 
rianne, sa  mère,  ayant  appris  sa  résolution  , 
vint  tout  en  larmes  supplier  Fauste  de  lui 


1047- 


FUL 


rendre  son  fils.  Ce  dernier  sut  triompher  des 
larmes  de  sa  mère,  lui  abandonna  tout  son 
bien,  et  ne  s'occupa  plus  que  de  son  salut, 
au  milieu  des  pratiques  de  la  plus  grande 
austérité.  La  persécution  ayant  forcé  Fauste 
à  s'enfuir,  il  engagea  notre  saint  à  entrer 
dans  un  monastère  voisin ,  dirige  par  un 
nbué  nommé  Félix.Cetabbé,qui  connaissait  la 
sainteté  de  Fulgence,  le  supplia,  maison  vain, 
de  prendie  sa  place  clans  le  gouvernement  du 
monastère.  On  réussit  pourtant  plus  tard  à 
vaincre  les  refus  de  notre  saint  qui,  pendant 
six  années  consécutives»  dirigea  les  religieux, 
de  concert  ave^j  Félix. 

Sur  ces  entrefaites,  une  incursion  des  Nu- 
mides les  ayant  obligés  de  se  réfugier  à  Sic- 
ca-Veneria,  ville  de  la  province  Proconsu- 
laire d'Afrique,  ils  eurent  à  y  subir  des  mau- 
vais traitements  de  la  |)art  d'un  prêtre  arien 
du  voisinage.  Cet  hérétique,  qui  avait  été  in- 
formé que  nos  deux  saints  fugitifs  ensei- 
gnaient la  consubstantialité  du  Verbe,  les  lit 
arrêter,  et  les  condanma  a  être  cruellement 
frappés.  Ils  le  furent  avec  une  cruauté  inouïe. 
Fulgence  ,  succombant  sous  la  violence  du 
mal ,  éjjuisé  de  forces  ,  s'écria  qu'il  avait 
quelque  chose  à  dire  au  prêtre.  Il  voulait 
par  là  se  ménager  quelques  instants  de  re- 
])0S.  Le  persécuteur,  persuadé  qu'il  a  vaincu 
sa  résistance,  fait  arrêter  le  bourreau,  et  ne 
tarde  pas  à  être  détrompé  dans  sa  criminelle 
espérance.  Plein  d'une  fureur  nouvelle  ,  il 
fait  redoubler  les  tourments  de  nos  saints 
confesseurs  ;  ensuite,  leur  ayant  fait  raser  les 
cheveux  et  la  barbe  ,  les  ayant  dépouillés 
ignominieusement,  il  les  renvoie  dans  cet 
atfreux  état.  Les  ariens  eux-mêmes  furent  si 
indijjnés  de  ces  cruautés  que  leur  évoque  of- 
frit aux  deux  confesseurs  de  punir  le  prê- 
tre qui  les  avait  mis  dans  ce  triste  état.  Ful- 
gencv' répondit  qu'un  chrétien  ne  se  vengeait 
j)as,  et  que  leurs  soulfrances  leur  vaudraient 
une  gloire  éternelle.  Mais  voulant  se  sous- 
traire désormais  à  la  fureur  des  hérétiques, 
ils  se  retirèrent  h  Ididi,  ville  frontière  de  la 
IMauritaiiie.. 

Bientôt  Fulgence  s'étant  embarqué  k 
Alexandrie ,  atin  d'aller  s'édifier  dans  les 
déserts  de  l'Egypte ,  fut  détourné  de  ce 
voyage  par  Eulaiins,  évêque  de  Syracuse.  11 
partit  donc  pour  Uome,  et  y  visita  les  tom- 
beaux des  apôtres,  vers  la  fin  de  l'année  500. 
Peu  de  lem()S  a|>rès  ,  il  retourna  en  Afrique, 
y  bâtit  un  monastère ,  dont  il  refusa  la  di- 
gnité de  supérieur,  et  se  retira  dans  un  pe- 
tit couvent  situé  sur  les  bords  de  la  mer. 
Ayatit  été  découvert,  enfin,  Fauste,  qui  ,  en 
sa\{ualité  d'évêque  ,  avait  autorité  sur  lui, 
lui  ordonna  de  se  remettre  à  la  tête  de  son 
monastère.  Le  roi  Trasimond  avait  défendu, 
sous  les  peines  les  [dus  sévères,  d'ordonner 
des  évêques  orthodoxes;  aussi  plusieurs 
sièges  étaient-ils  vacants.  La  ville  de  Uuspe, 
entre  autres,  manquait  de  pasteur;  elle  ré- 
clama hgrandscris  notre  s.unt  [)Our  évêque: 
on  le  lira  donc  de  sa  cellule  malgré  lui,  et 
il  fut  élevé  sur  le  siège  épiscopal  de  celle 
ville. 

Mal{^é   sa  nouvelle  dignité,  Fulgence  ne 


FUS  1048 

changea  rien  dans  sa  manière  de  vivre  habi- 
tuelle: ses  habits  furent  toujours  pauvres  , 
sa  nourriture  grossière  et  sans  aucun  assai- 
sonnement; jamais  il  ne  mangea  de  viande. 
11  était  sur  le  |)oint  de  bâtir  un  monastère 
à  Kuspe,  (juand  Tiasimond  l'exi'a  en  Sar- 
daigne  avec  six  autres  évêques  catholiques  , 
de  sorte  que  son  projet  d''meura  sans  exécu- 
tion. Cependant ,  ce  prince,  qui  avait  beau- 
coup entendu  parler  de  notre  saint,  comme 
du  plus  puissant  défenseur  de  la  foi  catholi- 
que ,  le  fit  venir  à  Carthage,  et  lui  soumit  un 
recueil  d'objections  que  Fulgence  résolut 
sans  peine.  Charmé  de  la  solidité  de  ses  rai- 
sonnements, Trasimond  lui  permit  de  rési- 
der à  Carthage ,  oià  il  convertit  un  grand 
nombre  d'hérétiques  à  la  foi.  Lesévê|ues 
ariens,  furieux  des  pertes  incessantes  que 
faisait  leur  secte  impie,  déterminèrent  Trasi- 
mond à  le  r(mvoyer  en  Sardaigne  en  520 ,  et 
Fulgence  profita  do  son  retour  à  Cagliari 
pour  y  bcltir  un  monastère. 

Trasimond  étant  mort  en  523,  son  fils  Hil- 
d^nnc,  qui  avait  toujours  eu  un  penchant  se- 
cret pour  les  catholiques  ,  rappela  les  évê- 
ques exilés.  A  leur  arrivée  h  Carthage,  une 
foule  innombrable  les  suivait  ;  on  remarqua 
môme  qu'une  grande  pluie  étant  venue  à 
tomber,  Fulgence  fut  couvert  à  l'instant  par 
les  manteaux  de  ceux  qui  l'entouraient.  Ce 
saint  confesseur  se  rendit  sans  tarder  à  son 
église,  afin  de  réformer  les  abus  qu'une  lon- 
gue persécution  y  avait  introduits.  Il  y  tra- 
vailla avec  zèle  jusqu'en  532.  A  cette'  épo- 
que, sentant  que  la  vie  allait  lui  échapper, 
il  voulut  se  retirer  dans  un  monastère  de  la 
petite  île  de  Circine,  afin  de  s'y  préparer  à  la 
mort;  mais  son  troupeau  l'en  empêcha.  11 
mourut  tranquillement  en  533,  à  l'âge  de  65 
ans ,  après  une  maladie  do  soixante-dix 
jours.  11  fut  enterré  dans  l'église,  malgré  la 
coutume  d'alors,  et  si  nous  en  croyons  l'his- 
toire de  sa  vie,  un  évêque  voisin,  nommé 
Pontien,  apprit  par  une  vision  qu'il  jouis- 
sait de  la  gloire  du  ciel.  L'Eglise  fait  sa 
bienheureuse  mémoire  le  1"  janvier. 

FUSCIEN  (saint),  martyr  ,  compagnon  de 
saint  Denis  de  Paris  ,  était  allé  avec  saint 
Victoric  prêcher  la  foi  aux  Morins,  en  môme 
temps  que  saint  Quintin  la  prêchait  à  Amiens. 
Ils  avaient  \\\é  le  siège  de  leurs  prédications 
dans  la  ville  de  Térouanne.  Rictius  Varus  , 
que  Maximien  avait  fait  préfet  du  prétoire 
vers  l'an  286,  j)ersécutait  violemment  les 
chrétiens  par  ordre  de  ce  prince.  Ce  fut  dans 
de  telles  circonstances  (jue  les  deux  saints 
vinrent  à  Amiens  pour  y  chercher  saint 
Ouintin  ;  ne  l'y  ayant  pas  rencontré,  ils  s'a- 
cheminèrent vers  Paris.  Mais,  encore  très- 
près  d'Amiens,  ds  furent  arrêtés  par  un  vieil- 
lard nonnné  Cienlicn  ,  qui  était  encon; 
panm,  mais  sur  le  |)oint  de  se  convertir.  Il 
leur  apprit  ([ue  saint  Quintin  avait  reçu  la 
couronne  du  martyre  depuis  cin(}  ou  six 
S(nnaines,  |)ar  ordre  de  Uiclius  Varus,  lequel 
avait  (O. limande  de  les  arrêter  eux-mêuies. 
Cenlien  les  engagea  h  logcn-  ih<!/.  lui ,  ce 
qu'ds  acce|)tèrent;  mais  lUctius  Varus  étant 
arrivé  sur  ces  onlrefailes  les  fit  arrêter.  Gen- 


10i9 


GAB 


tien,  indigiif';  do  co  qu'on  violait  l'hosi)italité 
qu'il  accortlait,  mil  Vé\)éG  h  la  main,  ot  vou- 
lut IVni)i)er  Uictius  Varus.  Cului-ci  lui  ayant 
demandé  la  rniso-uriuio  action  si  audaciensc, 
(ientitMi  n^pondit  qu'il  agissait  ainsi  [)arco 
qu'il  ('lait  cluvlien,  et  qu'il  ne  désirait  rien 
tant  (jue  do  mourir  pour  Jésus-Christ  et  pour 
ceu\  (pii  étaient  ses  serviteurs.  Alors  ,  lui 
dit  le  préfet,  vous  aurez  ce  ({ue  vous  vou- 
lez ,  et,  sans  attendre  plus  longtem|)s  ,  il 
lui  fit  iiinuédiatement  trancher  la  tête.  Il  (it 
comf)arailre  ensuite  devant  son  tribunal  les 
deux  saints  Fuscien  et  Victoric,  et  comme  il 
Jos  trouvait  inébranlables  dans  leur  loi,  il 
donna  l'ortlrc  qu'on  les  conduisît  enchaînés 
à  Ainiens.  Ils  y  furent  immédiatement  jetés 
en  prison.  Avant  de  les  envoyer  dans  coite 
ville,  Rictius  Varus  leur  avait  fait  endurer 
d'horribles  supplices.  Il  est  à  croire,  d'après 
leurs  Act"S  ,  qu'il  ne  les  envoyait  à  Amiens 
qu'alin  d'y  faire  ex'''cuter  la  sentence  qui  les 
condauniàit  à  perdre  la  tôle.  Elle  fut  exé- 
cutée presque  immédiatement  après  leur  ar- 
rivée. L'Eglise  célèbre  la  fête  de  saint  Fus- 
cien, de  saint  Victoric  et  de  saint  Gentien  le 
11  décembre. 

FUSQUfcl  (sainte),  souffrit  la  mort  pour  la 
foi  chrétienne,  à  Ravenne,  avec  sainte!  Maure, 
très-probablement  sous   l'empire  de  Dèce. 


GAE  1050 

Sainte  Fusque  était  loul(!  jeune,  elle  n  avait 
que  quinze  ans,  (juand,  touchée  j)ar  la  cons- 
tance et  l'inébraniabli!  couraj^ije  des  saints 
martyrs,  elle  embrassa  la  religion  chrétienne. 
Peu  après,  elle  eut  le  bonheur  de  convertir 
sainte  Maure  ,  sa  gouver'n;int(\  Le  |)ère  de 
sainte  Fus(iue  était  un  pirien  fanali(jue  et  un 
homme  très-cruel.  Il  lit  d'abord  soullVir  une 
persécution  incessante  et  foi-t  dure  à  sa  (illo 
et  ;\  sa  gouvernante,  sans  pouvoir  les  faiic 
changer  de  sentiments.  L'histoire  nous  dit 
que,  quehjue  temps  après,  le  gouverneur 
Quintien  leur  fit  sidjir  divers  tourments,  et 
les  fit  ensuite  mettre  à  mort.  Fut-ce  le  père 
de  sainte  Fusque  qui  la  dénonça  et  la  livra 
lui-même  aux  persécuteurs?  c'est  un  point 
que  nous  ignorons.  De  semblables  f.iits  ne 
sont  |)as  rares  cependant  dans  l'hisloirc  des 
martyrs.  On  sait  que  ce  fut  par  son  mari 
lui-môme  qu'une  femme  nommée  Bonne  fut 
conduite  de  force  au  tem|ile  pour  y  sacrilii  r. 
Des  mariniers  enlevèrent  les  corps  des  deux, 
saintes,  et  les  portèrent  à  la  ville  de  Sabralo, 
en  Afrique.  Lors  de  l'invasion  des  Sarrasins, 
un  chrétien  nommé  Vital  les  enleva  et  les 
apporta  à  Torcello,  près  de  Venise.  La  fête  de 
ces  deux  saintes  est  célébrée  le  13  février 
par  l'Eglise 


G 


GABAL,  château  dans  lequel  Ardacirus, 
vice-roi  d'Abiadène  ,  fit  mourir  Papa,  prêtre 
d'Helmine,  sous  le  règne  de  Sapor ,  en  l'an 
de  Jésus-Christ  3/^3. 

GABDÉLAS  (saint),  martyr  ,  souffrit  le 
martyre  avec  son  père  Dadas,  proche  parent 
du  roi  Sapor,  et  sa  mère  Casdoé  ;  après 
avoir  été  dépouillés  de  leurs  honneurs , 
éprouvés  par  divers  tourments,  déchirés  de 
coups  et  détenus  dans  une  longue  et  rigou- 
reuse prison ,  ils  eurent  la  tète  tranchée. 
L'Eglise  honore  leur  mémoir  le  29  sep- 
tembre. 

GABIN  (saint),  prêtre  et  martyr,  était 
frère  du  bienheureux  pape  Caïus.  Ce  géné- 
reux confesseur  de  Jésus-Christ  ayant  été 
longtemps  en  prison  et  dans  les  fers,  par 
l'ordre  de  Dioclétien,  reçut  enfin  la  couronne 
du  martyre  à  Rome.  L'Eglise  célèbre  sa 
sainte  mémoire  le  19  février. 

GABRIEL  GOMEZ,  de  la  Compagnie  de  Jé- 
sus, fut  m  trtyrisé  à  Axaca  le  8  février  1571, 
avcc  les  bienheureux  Jean-Baptiste  Segura, 
Pierre  de  Linarez,  Sanchez  Savelle  et  Chris- 
tophe Rotundo.  Ils  avaient  pénétré  dans  la 
Floride,  conduits  par  un  naturel  du  pays, 
nommé  Louis,  qui  avait  été  baptisé  en  Es- 
pagne. Nous  avons  vu  à  l'article  Louis  de 
Qliros  que  ce  naturel  renégat  le  massacra 
avec  deux  de  ses  compagnons.  Trois  jours 
après  les  meurtriers  se  présentèrent  devant 
le-  autres  missionnaires  qui  restaient,  ceux 
qui  sont  nommés  plus  haut,  prétextant  avoir 
besoin  de  haches  pour  abattre  des  arbres. 


A  peine  eurent-ils  ainsi  désarmé  les  mission- 
naires qu'ils  les  massacrèrent  (8  février  1571). 
Ils  s'emparèrent  des  vases  s.-icrés  et  commi- 
rent un  grand  nombre  de  profanations.  (5oc«!>- 
tas  Jesu  usque  ad  sanguinis  et  vitœ  profusio- 
nemmiiitans,p.  hh-9.) 

GADARE,  Gadara,  ou  Gazer,  ville  de  la 
Palestine  au  delà  du  Jourdain,  était  jadis 
puissante.  Elle  appartenait  à  la  tribu  de  Ma- 
nassé,  était  capitale  de  la  Périe,  et  faisait 
partie  de  la  Décapole.  Sous  l'empire  et  du- 
rant la  persécution  de  Dioclétien,  en  303, 
saint  Zachée,  qui  y  était  diacre,  fut  arrêté 
et  conduit  devant  le  préfet,  qui,  après  lui 
avoir  fait  subir  divers  supplices  ,  le  fit  dé- 
capiter. 

GAÉTAN  DE  THIENNE  ,  instituteur  de  la 
congrégation  des  clercs  réguliers  ,  dit  Théa- 
tins,  confesseur ,  naquit  en  liSO,  à  Vicenco 
en  Lombardie  ,  de  Gaspard,  seigneur  de 
Thienne,  et  de  Marie  Porta,  qui  apparte- 
naient tous  deux  à  des  familles  d'une  grande 
noblesse  et  d'une  piété  rare.  Sa  mère  l'éleva 
dans  la  pratique  de  toutes  les  vertus  :  de 
bonne  heure  il  montra  une  grande  douceur 
de  caractère  et  une  tendre  charité  pour  les 
pauvres  ;  aussi  le  nommait-on  déjà  le  saint. 
Il  étudia  la  théologie,  le  droit  civil  et  canoni- 
que avec  succès,  et  prit  même  le  degré  de  do- 
cteur dans  la  dernière  de  ces  facultés;  il  em- 
brassa bientôt  l'étal  ecclésiastique  ,  et  vou- 
lant faciliter  à  ceux  qui  étaient  éloignés  de  la 
paroisse  les  moyens  de  s'instruire  dans  la 
religion  et  de  servir  Dieu  comme  les  autres 


iOM 


GAE 


GâL 


i052 


fidèles  ,  il  fit  bâtir  de  ses  propres  deniers 
une  chapelle  à  Ramitazzo.  Il  se  rendit  ensuite 
à  Rome,  afin  d'y  chercher  la  solitude  qu'il  ne 
})ouvail  trouver  parmi  ses  compatriotes. 
Avant  élc  bieutol  découvert,  il  futoblitié  [lar 
le  pape  Jules  II  d'exercer  l'ollice  de  proto- 
notaire ajiostolicjue.  Ce  fut  alors  que,  plein 
du  tiésir  de  se  perfectionner  dans  la  vcitu, 
il  eidra  dans  la  confrérie  de  VAmour  divin, 
composée  de  personnes  pieuses,  qui  travail- 
laient autant  qu'il  était  en  leur  pouvoir  à 
procurer  la  gloire  île  Dieu 

Jules  II  étant  venu  h  mourir,  notre  saint 
quitta  son  emploi,  revint  à  Vicence  et  s'asso- 
cia à  la  confrérie  de  Sninl-Jérôtne,  instituée 
sur  le  plan  de  celle  de  ï Amour  divin,  et  com- 
posée en  partie  de  |)ersonnes  obscures.  Ce 
qu'd  faisait  par  esprit  d'humilité,  ses  amis, 
gens  du  monde,  le  regardèi'ent  comme  un  dés- 
honneur pour  sa  famille.  Mais  Gaétan,  loin  de 
clianger  sa  résolution  ,  s'attacha  en  particu- 
lier aux  pratiiiues  les  plus  humiliantes  de  la 
charité,  et  soignait  avec  un  zèle  tout  spécial 
ceux  qui  étaient  alUigés  des  maladies  les  plus 
dégoûtantes.  Sur  le  conseil  du  dominicain 
Jean  de  Crema,  son  confesseur,  il  se  retira 
bienlôt  à  Venise,  se  logea  dans  l'hôpital  qui 
venait  d'être  bâti  récemment  et  s'y  consacra 
comme  dans  Vicence  au  service  des  malades. 
Sur  un  nouvel  avis  de  son  confesseur,  il  alla 
à  Rome,  afin  de  s'agréger  de  nouveau  à  la 
confrérie  de  VAmour  divin.  Ce  fut  alors  que, 
pénéti'éde  douleur  en  voyant  combien  notre 
sainte  religion  était  peu  connue  et  si  mal 
observée  de  ceux  qui  en  faisaient  profession, 
il  résolut,  de  concert  avec  les  principaux 
membres  de  la  confrérie,  d'instituer  un  ordre 
de  clercs  réguliers  qui,  dans  leur  vienouvelle, 
se  proposeraient  les  apôtres  pour  modèles. 
On  cite  romme  les  premiers  auteurs  tle  ce 
pieux  dessein  :  saint  Gaétan,  Jean-Pierre 
Caratfe  ,  archevêque  de  Théate  ou  Chiéti 
dans  l'Abruzze,  (jui  devint  pape  sous  le  nom 
de  Paul  IV  ;  Paul  (^onsigliari  et  Boniface  de 
Colle,  gentilhoiiime  de  1 1  ville  de  Milan.  Dans 
Tannée  152V  ,  ils  dressèrent  le  j)lan  de  leur 
nouvel  institut  et  le  soumirent  au  pape  :  les 
religieux  de  cet  ordre  ne  devaient  point 
avùu'  de  revenus,  même  en  couunun,  per- 
suadés que  les  oblations  volontaires  des 
(iiJèles  leur  fourniiaient  de  quoi  subsister. 
Après  de  grandes  objections  de  la  part  des 
cardinaux  qui  regardaient  cet  article  sur  le- 
(luei  leposait  le  nouvel  institut,  comme  très- 
imjirudenl,  le  pai)e  Clément  Vil  ra|)|»rouva 
eijiin  en  1524.  Caralfe  fut  nommé  |)remiei- 
su[)érieur,  et  connue  il  avait  conservé  son 
litre  daichevèque  de  Théate,  ses  religieux 
priient  le  nom  de  Théalins. 

Nous  n'cntierons  ()oint  dans  des  détails 
étrangers  a  notre  sujet,  et  nous  arriverons 
a  l'époque  où  notre  saint  soutint  d'indign(ïs 
traitements  et  mdie  tortures  h  Rome,(juand 
(^ijarles-Quml  s'en  i(!ndil  maître,  en  l.")27. 
Un  soldat  qui  avait  connu  (iaelanà  Vicence, 
|jersuad(' qu'il  ava.t  de  gi'an(K  trésors,  le  re- 
présenta comme  tel  a  Pnilibert  d*;  Cliâlons, 
p.  iure  d'<Jrange  et  son  etiel'.  (^e  lulln'rieii 
kaibi«t>uul  ce  prétexte  apparent  pourdéchargei' 


sa  haine  contre  le  saint-siége  sur  une  des 
plus  grandes  gloires  de  la  religion,  fit  souf- 
frir mille  indignités  à  Gaétan  ,  dont  le  mo- 
nastère fut  presque  entièrement  démoli.  On 
le  laissa  enstiitealler  en  liberté,  tout  meurtri 
de  coups.  Il  quitta  li  ville  avec  ses  compa- 
gnons et  sn  retira  h  Ve-iise,  dans  le  couvent 
de  Saint-Nicolas  de  ïo  enfin,  dont  il  fut  élu 
supérieur.  Nous  ()asserons  sous  silence  son 
application  h  inspirer  aux  ecclésiastiques 
l'e.sprit  de  ferveur  et  le  mépris  du  monde, 
la  conversion  d'un  noble  Vénitien,  appelé 
Jérôme  Emiliani ,  qui  fonda,  en  1530,  une 
nouvelle  congrégation  de  clercs  réguliers  , 
appelés  Somasques  ,  et  qui  était  revenu  à 
Dieu  par  suite  des  bons  exemples  df  Gaétan. 
Notre  saint,  étant  retourné  à  Venise  en  1537,  ■ 
y  fut  ffiit  supérieur  pour  la  seconde  fois.  I 
Après  y  avoir  passé  trois  ans,  il  revint  à  " 
Naples  et  y  gouverna  la  maison  de  son  insti- 
tut jusqu'à  sa  bienheureuse  mort  arrivée  le  j 
7  août  15i7,  par  suite  d'une  maladie  de  lan-  ■ 
gueur  qu'il  avait  contractée  au  milieu  des 
austérités  et  de  ses  travaux  continuels. 
L'église  de  Saint-Paul,  à  Naples,  possède  ses 
reliques.  Plusieurs  miracles  furent  opérés 
par  l'iîitercession  de  notre  bienheureux  qui 
fut  canonisé  en  1671.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
7  août. 

GAGELIN  ,  missionnaire  en  Cochinchine, 
s'étant  livré  de  lui-même  après  l'édit  pro- 
mulgué le  G  janvier  1833,  qui  ordonnait  de 
rechercher  principalement  les  prêtres  et  les 
catéchistes,  fut  étranglé  à  Huê  le  17  octobre 
de  la  même  année. 

GAIUS,  disciple  de  saint  Paul ,  était  ûe 
Thessalonique.  Il  était  avec  saint  Paul  à 
Ephèse,  quand  un  orfèvre  de  cette  ville 
suscita  une  sédition  contre  lui.  Saint  Paul 
n'ayant  [las  été  trouvé  par  le  peuple  en  fu- 
reur, ce  furent  Gains  et  Aristarque  qui  fu- 
rent arrêtés  à  sa  place.  Sans  le  courage  et 
les  sages  remontrances  d'un  greflier  d'E- 
phèse,  ils  auraieiU  infailliblement  péri. 

GAllJS,  juge  ([ui,  à  Augsbourg,  en  l'an  de 
Jésus-Christ  30i,  sous  rem|)ire  d(î  Dioclétien, 
ht  mourir  ])our  la  foi  sainte  Afie,  célèbi-e 
courtisanne  de  cette  ville  et  trois  de  ses  com- 
j)agnes,  ainsi  que  samère.  (Koy.  sainte  Afui:. j 

CALASSE  (le  bienheureux  François),  ou 
Calnssa,  de  l'ordre  de  Saint-Dominique,  na- 
tif de  Goce,  baptisa  de  sa  main  les  indigènes 
de  Trapobella  ;  au  bout  de  huit  ans  jdusienrs 
d'entre  eux  ,  qui  étaient  accoutumés  à  l'an- 
thropophagie et  qui  ne  pouvaient  sup[)orter 
le  joug  de  la  religion  du  Christ,  le  tuèreiil  ,\ 
coup  de  flèches.  (Fontana,  Monumcnln  Do- 
miiiicana,  an.  1598.) 

GALATAS  (saint),  martyr.  Voy.  l'article 
llKiiM()(;i'r:Ni-;  pour  plus  de  ilétails. 

(iALATlON  (saint),  martyr,  fui  airètésous 
l'empire  de  l)èc(!,  à  Kmèse  en  Phénicie, 
avec  sainte  Epistème  ,  sa  femme.  Ils  furent 
déchirés  îi  cou|)s  de  fouets,  eiisuite  on  leur 
coupa  les  pieds,  le.s  mains,  la  langue,  et  en- 
fin on  finit  par  leur  trarnherla  tête.  L'Eglise 
l'ail  la  fêle  de  res  deux  sai  ils  le  5  novemhre. 

GALEFIA    (lu  P.    Viiiui'vi:),  missionnaire 


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GAL 


GAL 


mé 


dans  le  royaume  de  Congo,  fut  tué  par  les 
noirs  de  la  province  de  Sundi. 

(lALÈKK  (C.  Galerius  Valerius  Maximia- 
tiM.v),  empiM-enr  romain,  né  dans  la  Da(;o,  ber- 
ger, puis  soldai,  se  lit  bientùt  rcnianpior  par 
soji  courai^ic  et  devint  général.  Dioelétien 
l'avani  rt'Ujanpié,  l'adopta,  Ini  lit  épouser  sa 
Mlle  Valérie,  puis,  en  :292,  le  nom  nia  César 
avec  Constance  Chlore,  père  de  Conslanlin. 
Il  vain(|uit  Narsés,  roi  dos  Perses,  et  le  força 
Ji  deaiaiider  la  paix.  Ce  l'ut  lui  qui  obligea 
par  son  insistance  Dioelétien  h  laiic(M'  ses 
élits  de  persécution  contre  les  clnétiens. 
Ses  eU'orts  pour  obliger  le  vieil  empereur  à 
signer  ces  édils  sanguinaires  ayant  été  long- 
temps sans  résultat,  il  imagina  d'accuser  les 
chrétiens  de  conspirei-  contre  le  repos  do 
l'empire  et  contre  la  |)ersonne  même  de 
l'empereur.  11  mit  le  feu  au  palais  de  Nico- 
médie  et  les  chargea  de  ce  crime  abonnna- 
bl  '.  Quand  Dioelétien  vaincu  eut  lancé  ses 
cdits, Galère  s'en  montrarevécuteuracharné  ; 
iamais  on  ne  vit  de  férocité  plus  grande.  Par 
lui-même  ou  par  les  gouverneurs,  il  lit 
poursuivre,  arrêter,  torturer  et  mourir  tous 
les  chrétiens  qu'il  put  rencontrer.  Il  devint 
la  terreur  de  l'Eglise.  Ecoutons  Laclance 
parler  de  ce  prince  abominable  : 

Galère,  étant  parvenu  h  la  puissance  sou- 
veraine, ne  s'en  servit  que  pour  le  malheur 
de  l'univers.  Après  sa  victoire  sur  les  Per- 
ses ,  peuples  accoutumés  à  obéir  à  leurs 
rois  en  esclaves,  il  voulut  introduire  parmi 
les  Uomains  la  même  coutume,  dont  il  avait 
l'impudence  de  faire  l'éloge.  Cependant, 
comme  il  ne  pouvait  l'établir  par  une  loi, 
il  faisait  entendre  par  sa  conduite  que  son 
projet  était  de  priver  les  Romains  de  la  li- 
berté. 11  commença  par  leur  ôter  leurs  pri- 
vilèges. On  appliquait  à  la  question  non- 
seulement  les  décurions  ,  mais  môme  les 
personnes  les  plus  distinguées  de  la  ville,  et 
cela  pour  des  alfaires  purement  civiles  et  de 
peu  d'importance.  Si  les  accusés  étaient  ju- 
gés digies  de  mort,  on  dressait  des  croix  ; 
on  avait  des  c'iaines  préparées  po' r  les  au- 
tres; on  traînait  les  femmes  de  qualité  dans 
le  Gynécée.  Si  quelqu'un  devait  être  frappé 
de  verges,  on  lichait  quatre  pieux  en  terr.e, 
quoiqu'on  n'y  attachai  pas  même  les  escla- 
ves. Parlerai-je  des  jeux  et  divertissements 
de  Galère?  Il  avait  fait  venir  de  toutes  parts 
des  ours  d'une  grandeur  prodigieuse  et 
d'une  férocité  pareille  à  la  sienne.  Lorsqu'il 
voulait  s'amuser ,  il  faisait  apporter  cpiel- 
qucs-uns  de  ces  animaux  qui  avaient  chacun 
leur  nom,  et  leur  donnait  des  hommes  plu- 
tôt à  engloutir  qu'à  diWorer ,  et  quand  il 
voyait  déchirer  les  membres  de  ces  malheu- 
reux il  se  mettait  à  rire.  Sa  table  était  tou- 
jours abreuvée  de  sang  humain.  Le  feu  était 
le  supplice  de  ceux  qui  n'étaient  pas  consti- 
tués en  dignité;  non-seulement  il  y  avait 
condamné  lés  chrétiens,  il  avait  de  plus  or- 
donné qu'ils  seraient  brûlés  lentement.  Lors- 
qu'ils étaient  au  po'eau,  on  leur  mettait  un 
feu  modéré  sous  la  plante  des  pieis,  et  on 
l'y  laissait  jusqu'h  ce  qu'elle  fût  détachée  des 
OS.  On  appliquait  ensuite  des  torches  ardentes 


sur  tous  leurs  membres,  a(in  qu'il'n'y  eût  au- 
cune partie  de  leur  corps  (pji  n'eût  son  sup- 
pliée particulier.  Durant  cette  ellroyable  tor- 
ture, on  leur  j(.'tait  de  l'eau  sur  le  visage  et 
on  leur  en  faisait  boire, de  p(;ur  (pie  l'anleur 
de  la  lièvi-e  ne  liAtAt  leur  moil,  (jui  pourtant 
ne  pouvait  être  ditrérée  lotigtcmps.Car  (|uand 
le  f(>u  avait  consumé  toute  hnir  chair,  il  pé- 
nétrait jusqu'au  fond  de  leurs  entrailles. 
Alors  on  lesjelait  dans  un  grand  brasier 
pour  achever  de  brûhn-  c(Mpii  i(;stait  encore 
de  leurs  cor()S.  Enlin,  on  réduis-iit  leurs  os 
en  poudre  et  on  lesjelait  dans  la  rivière  ou 
dans  la  mer.  ^ 

Cette  science  abominable  dans  l'art  de  * 
tourmenter  les  chrétiens,  Galère  s'en  ser- 
vait à  l'égard  de  tous  ses  sujets.  Il  ne  vou- 
lait point  de  peines  légères,  telles  (|ue  l'exil, 
la  [irison,  les  mines;  tout  lui  [)araissait  di- 
gne du  feu,  de  la  croix,  des  bêtes  féroces, 
il  faisait  cliAtier  ses  domestiques  et  ses  offi- 
ciers avec  la  lance.  Coupei-  la  tète  passait 
pour  une  grâce,  et  il  fallait  de  grands  servi- 
ces rendus  pour  obtenir  une  mort  si  douce. 
Ceci  n'était  rien  en  comparaison  de  ce  que  jo 
vais  raconter.  Plus  d'éloquence,  plus  d'avo- 
cats; tous  les  jurisconsultes  relégués  ou  mis 
à  mort.  Les  lettres  étaient  comptées  parmi 
les  arts  dangereux;  ceux  qui  les  cultivaient 
étaient  traités  d'ennemis  de  l'Elat  et  de  per- 
turbateurs du  repos  public.  La  licence  de 
tout  faire,  de  tout  oser,  tenait  aux  juges 
lieu  de  lois.  On  envoyait  dans  les  provinces 
des  juges  militaires ,  sans  connaissances  et 
sans  lettres,  auxquels  on  ne  donnait  pas 
même  d'assesseurs. 

Mais  le  cens  qu'on  exigea  des  provinces 
et  des  villes  causa  une  désolation  générale. 
Les  commis  répandus  partout  faisaient  les 
recherches  les  plus  rigoureuses;  c'était  l'i- 
mage affreuse  de  la  guerre  et  de  la  captivité. 
On  mesurait  les  terres,  on  comptait  les  vi- 
gnes et  les  arbres;  on  tenait  registre  des 
animaux  de  toute  espèce ,  on  prenait  les 
noms  de  chaque  individu  ;  on  ne  faisait  nulle 
distinction  des  bourgeois  et  des  paysans. 
Chacun  accourait  avec  ses  enfants  et  ses  es- 
claves; on  entendait  résonner  les  coups  de 
fouet,  on  forçait,  par  la  violence  des  suppli- 
ces, les  enfants  à  déposer  contre  leurs  pè- 
res, les  esclaves  contre  leurs  maîtres,  les 
femmes  contre  leurs  maris.  Si  les  preuves 
manquaient,  on  donnait  la  question  aux  pè- 
res, aux  maris,  aux  maîtres,  pour  les  faire 
déposer  contre  eux-mêmes,  et  quand  la  dou- 
leur avait  arraché  quelque  aveu  de  leurbou- 
che,  cet  aveu  était  réputé  contenir  la  vérité. 
Ni  l'âge,  ni  la  maladie,  ne  servaient  d'excuse; 
on  faisait  ap))orter  les  infirmes  et  les  mala- 
des, on  fixait  l'âge  de  tout  le  monde,  on 
donnait  des  années  aux  enfants,  on  en  ôtait 
aux  vieillards.  Ce  n'était  partout  que  gémis- 
sements et  que  larmes.  Le  joug  que  le  droit 
de  la  guerre  avait  fait  imposer  aux  peuples 
vaincus  par  les  Romains,  Galère  voulut  l'im- 
poser aux  Romains  mêmes  :  peut-être  fut-ce 
parce  que  'frajan  avait  puni  par  l'imposi- 
tion du  cens  les  révoltes  fréquentes  des  Da- 
ces  dont  Galère  était  descendu.  On  payait  de 


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GAL 


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plus  une  taxe  par  lôte,  et  la  liberté  de  res- 
pirer s'achetait  à  prix  d'argent.  Mais  on  ne 
se  tiait  pas  toujours  aux  mêmes  commissai- 
res, on  en  envoyait  d'autres  dans  respénance 
qu'ils  feraient  de  nouvelles  découvertes.  Au 
reste,  qu'ils  en  eussent  fait  ou  non,  ils  dou- 
blaient toujours  les  taxes ,  pour  montrer 
qu'on  avait  eu  raison  de  les  employer.  Ce- 
pendant les  animaux  périssaient,  les  hom- 
mes mouraient,  le  fisc  n'y  perlait  rien  ;  on 
payait  pour  ee  qui  ne  vivait  ])lus,  en  sorte 
qu'on  ne  i)0uvail  ni  mourir  ni  vivre  gratui- 
tement. Les  mendiants  étaient  les  seuls  cpie 
le  malheur  de  leur  condition  mît  k  l'abri  de 
ces  violences.  Ce  monstre  parut  en  avoir  pi- 
tié et  vouloir  remédier  à  leur  misère.  Il  les 
faisait  embar(iuer  avec  ordre,  quand  ils  se- 
raient en  pleine  mer,  de  les  y  jeter. 
"S'oilà  le  bel  expédient  qu'il  imagina  pour 
bannir  la  pauvreté  de  son  empire.  Et  de 
peur  que,  sous  prétexte  de  pauvreté,  quel- 
qu'un ne  s'exemptât  du  cens,  il  eut  la  bar- 
i3arie  de  faire  périr  une  infinité  de  misé- 
rables. 

Mais  le  temps  de  la  justice  divine  appro- 
chait, et  la  prospérité  de  Galère  touchait  à 
son  terme.  Tandis  qu'il  se  livrait  aux  atroci- 
tés dont  je  viens  de  parler,  il  ne  s'était  point 
occupé  à  la  perte  de  Constance.  Il  attendait 
sa  mort,  qu'il  ne  croyait  pas  si  proche.  Cons- 
tance, étant  dangereusement  m.'tlade,  de- 
manda Constantin  son  iils,  pour  avoir  la  con- 
solation de  le  voir.  Il  avait  déjà  fait  la  même 
demande  ;  mais  Galère  n'appréhendait  rien 
tant  que  le  départ  de  Constantin.  11  avait 
souvent  dressé  des  embûches  à  ce  prince;  il 
n'osait  l'attaquer  ouvertement,  de  i)eur  de 
s'attirer  une  guerre  civile,  et  surtout  la  haine 
des  soldats  qu'il  redoutait  au  dernier  point. 
Il  l'avait  exposé  aux  bêtes,  sous  prétexte 
d'exercice  et  de  divertissement  ;  mais  Cons- 
tantin, par  la  protection  divine,  avait  échafipé 
aux  dangers  ;  tous  les  eiforts  de  Galère  fu- 
rent inuldes,  toujours  il  se  sauva  des  mains 
de  son  ennemi.  Enfin  Galère  consentit  au 
départ  de  Constantui  ;  il  signa  le  congé  sur 
le  soir,  et  lui  permit  de  se  mettre  en  route 
le  lendemain  malin,  toutefois  après  qu'il  au- 
rait pris  ses  ordres.  Son  dessein  était,  ou  de 
l'empêcher  de  partir,  sous  (quelque  prétexte, 
ou  (i'écrire  h  Sévère  de  le  retenir  quand  il 
passerait  en  Italie.  Constantin,  sou[)çoiinant 
ce  dessein,  soupa  à  la  hâte,  et,  |)endant  (|ue 
l'empereur  reposait,  il  mont(>  à  cheval  et  se 
sauve.  A  toutes  les  postes,  il  fait  couper  les 
jarrets  aux  chevaux,  pour  empêcher  (|u'on  n(ï 
le  poursuive.  Galère,  faisant  semblaid.  de 
s'éveiller  |)lus  tard  qu'à  l'ordinaire!,  fait  ap- 
peler Constantin. On  lui  dit  qu'il  est  )»arli  la 
veide,  après  le  souper.  Il  entre?  en  hueur,  et 
veut  que  l'on  courre  apiès  lui.  Appicnant 
ensuite  que  les  chevaux  de  poste  sont  (;stro- 
piés,  il  a  peine  à  retenir  ses  larmes.  Cepcu- 
daiil  Constantin,  ayant  fait  une  diligence  in- 
croyable ,  arrive  auprès  de  son  pero ,  (pii 
était  à  l'extrémiié.  Constance,  mourant,  re- 
eoiumaude  son  Iils  aux  soldats,  lui  riMuel 
r<.'iii|iir<;  entre  les  mains,  et  exnire  Irancpûl- 
ii'inefil,  dons  son  lit,  comme  il  l'avait  désiré. 


Constantin,  devenu  empereur,  roramença 
par  rendre  aux  chrétiens  la  liberté  de  pro- 
fesser leur  religion. 

Quelques  jours  après,  son  image,  couverte 
de  lauriers,  fut  appDrtée  à  Galère,  qui  déli- 
béra longtemps  s'il  la  rerevrait,  et  il  était 
déterminé  à  faire  briller  et  l'image  et  celui 
qui  la  lui  apportait.  Il  en  fut  empêché  par 
ses  ministres,  qui  lui  renrésentèrent  qu'une 
telle  action  pourrait  avoir  des  suites  filcheu- 
ses,  et  que,  connue  on  avait  créé  des  césars 
inconnus  et  désagréables  aux  soldats,  ceux- 
ci  ne  manqueraient  pas  de  se  ranger  du  parti 
de  Constantin,  s'il  i)araissait  en  arme*;.  11  re- 
çut d()nc  l'image,  mais  h  regret,  et  il  envoya 
la  pourpre  à  Coiislantin,  pour  paraître  l'avoir 
associé  à  l'empire,  de  son  plein  gré.  Ses  me- 
sures étant  déconcertées,  il  ne  pouvait  nom- 
mer un  troisième  césar,  contre  la  disf^osition 
de  IJioclélien.  Il  s'avisa  de  ce  stratagème  :  il 
donna  le  nom  d'auguste  à  Sévère,  qui  était 
le  plus  Agé,  et  le  titre  de  césar  à  Constantin, 
qui,  au  lieu  d'avoir  le  second  rang,  se  trouva 
rejeté  au  quatrième  et  après  Maxiniin. 

Les  choses  étaient,  en  quelque  sorte,  ar- 
rangées, hu'sque  Galère  apprit  une  nouvelle 
faite  [)Our  lui  causer  de  vives  inquiétudes. 
On  lui  manda  que  Maxence,  son  gendre, 
avait  été  fait  empereur  à  Rome.  Voici  quelle 
fut  la  cause  de  cette  révolution.  Galèri>,  ré- 
solu de  ruiner  l'empire  par  l'imposition  du 
cens,  en  vint  à  ce  point  de  folie,  de  vouloir 
assujettir  le  peuple  romain  à  ce  tribut.  Déjà 
il  avait  nommé  des  commissaires  pour  faii'e 
le  dénombrement,  et,  en  même  temps,  il 
avait  alfaibli  le  corjis  des  ]iréloriens.  Les 
soldats  restés  à  Rome,  j)rotitant  de  l'occa- 
sion qui  se  présentait,  firent  main-basse  sur 
quelques  magistrats,  et  revêtirent  Maxence 
de  la  pourpre,  du  consentement  du  peuple, 
d'ailleurs  animé  contre  Galère.  A  cette  nou- 
velle, quoique  frappé  <le  cet  événement,  l'em- 
])ereur  ne  se  laissa  pas  cependant  trop  ef- 
frayer. Il  haïssait  Maxence,  et  il  ne  pouvait 
créer  trois  (-ésars.  H  se  contentait  d'avoir 
agi  une  fois  contre  son  gré,  en  déférant  cet 
honneur  à  Constantin.  Il  fait  donc  venir  Se- 
vèie,  l'exhorte  à  recouvrer  l'empire,  et  l'en- 
voie avec  larmée  du  vieux  Maximien  contre 
Maxence.  Les  soldats,  qui  avaient  goûté  les 
délices  de  Rome,  désiraient,  non-seulement 
la  conservation  de  celte  ville,  mais  souhai- 
taient encore  y  passer  le  reste  de  leur  vie. 
Maxence,  après  une  démarche  si  hardie,  son- 
geait à  sa  sûreté.  Il  avait  lieu  de  croii-e  que 
l'armée  de  son  père,(pril  avait  si  longtemps 
commandée,  pouriait  se  ranger  de  son  parti. 
Pensant  néanmoins  que  Galère,  qui  avait  su- 
jet de  .s'en  méfier,  pouriait  busscr  Sévère 
dans  rillyrie,  et  venir  l'atiaeiuer  avec  son  ar- 
mée, il  chercha  le  moyen  île  se  mettre  h 
couvert  de  ce  danger.  li  envoie  pi'ésenler  la 
j)ourpre  au  vieux  Maximien,  son  ])ère,  (|ui, 
d(!puis  sou  abdication,  était  retiré  dans  la 
Campanie,  et  le  nonuue  auguste  jtour  la  se- 
conde l'ois.  Ce  prince,  avide  de  nouveautés, 
et  qui  avait  ipiitlé  l'empuc  malgré  lui,  ac- 
cepte volontiers  ce  (pi'oului  oll're.  Cependant 
Sévère  marche  contre  Rome,  et  fait  mine  do 


I 


1057 


GAL 


GAL 


1058 


vouloir  rassi('^|^(M-.  AussilAt  ses  soldats  l'nhan- 
domienl  el  ).riMuu'iit  le  [tarti  do  sou  emiriiii. 
Il  n'a  plus  dV'SpiWa'ice  ((ue  dans  la  luitc'. 
Mais  le  vioiiv  Mavimien,  redovemi  ciiipo- 
ruur,  so  trouve  sur  sou  passage,  ce  (pii  l'o- 
blige de  se  jeter  daus  llavenue,  et  de  s'y  reii- 
feruier  avec  ce  qu'il  put  ramasser  do  troujies. 
Voyant  cpi'il  allait  Otre  livré  à  sou  enueuii, 
il  se  remit  volontiers  entre  ses  mains,  et  ren- 
dit la  pourpre  h  celui  de  (|ui  il  l'avait  rerno. 
Cet  acte  de  lAcheté  no  servit  (\nh  lui  procu- 
rer une  mort  plus  douce  ;  on  se  contenta  do 
lui  ouvrir  les  veines. 

Le  vieux  Maximien,  connaissant  la  lïncur 
de  Galère,  ne  douta  point  ([u'après  avoir  ap- 
pris la  mort  de  Sévère,  il  n'ac(;ourilt,  avt'C 
son  arniée,pour  la  venger;  (ju'il  ne  se  joignit 
à  Maximin,  et  ([u'il  ne  se  |)i'OcurAt  dt>s  lor- 
ces  redoutables,  auxcjuelles  il  sei-ait  diilicile 
de  résister.  Il  nuuiit  donc  la  ville  de  Home 
de  tout  ce  qui  était  nécessaire  pour  la  mettre 
en  sûreté;  après  quoi,  il  part  pour  les  (iau- 
les,  alin  de  i'aii'c  entrer  Coistanlin  dans  ses 
intérêts,  en  lui  taisant  épouser  sa  lille  Fausta. 
Cependant  Galère  rassemble  son  armée,  at- 
taque ritaiie,  s'ap|)roche  de  Rome,  ne  respi- 
rant que  la  ruine  du  sénat  et  le  carnage  du 
peuple;  mais  il  trouve  tout  en  bon  état.  Il 
ne  pouvait  espérer  d'emporter  la  ville  de 
force,  et  il  n'avait  pas  assez  de  troupes  pour 
en  former  le  siège.  Comme  il  n'avait  jamais 
vu  Rome,  il  s'imaginait  qu'elle  n'avait  pas 
plus  d'étendue  que  les  villes  qu'il  connais- 
sait. Quelques  h'gions,  indignées  de  ce  qu'un 
beau-père  atta((uait  son  gendre,  et  de  ce  que 
les  soldais  romains  tournaient  leurs  armes 
contre  Uome,  abamionnèrent  le  parti  de  Ga- 
lère. Le  reste  de  l'armée  était  sur  le  point 
d'imiter  leur  exemple.  Alors  Galère,  oubliant 
son  orgueil,  et  craignant  d'éprouver  le  sort 
de  Sévère,  se  jette  boiteusement  aux  pieds 
des  soldats  et  les  sup[)lie  de  ne  point  le  li- 
vrer h  son  ennemi.  E:ilin,  ses  belles  promes- 
ses en  touchèrent  quelqties-uns,  avec  les- 
quels il  se  retira,  ou  plutôt  prit  la  fuite.  11 
eût  été  facile  de  le  défaire,  si  on  eût  envoyé 
quelques  trouiies  après  lui.  Dans  la  crainte 
qu'il  en  eut,  il  ordonna  à  ses  soldats  de  se 
disperser  et  de  ravager  tout,  afin  d'ôter  le 
moyen  de  subsister  à  ceux  qui  voudraient  le 
poursuivre.  Les  provinces  d'Italie  où  pé- 
nétrèrent ces  brigands  furent  entièrement 
saccagées.  One  utrageait  les  femmes,  on  vio- 
lait les  tilles,  on  faisait  souffrir  des  traite- 
ments indignes  aux  pères  et  aux  maris,  pour 
les  f  .rcer  de  déclarer  où  étaient  leurs  tilles, 
leurs  femmes,  leurs  richesses.  On  enlevait 
les  1)1  stiaux,  comme  dans  un  pays  conquis. 
Ce  fut  ainsi  que  Galère,  deveiu  d'empereur 
romain  le  fléau  de  l'Italie,  regagna  les  terres 
de  son  obéissance.  On  n'avait  pas  lieu  de  s'en 
étonner,  puisqu'étant  parvenu  à  la  souve- 
raine puissance,  il  se  montra  l'ennemi  du 
nom  romain,  en  formant  le  projet  d'ordon- 
ner qu'à  l'avenir  le  titre  d'Empire  Romain  fût 
changé  en  celui  d'Empire  Dacique. 

Après  la  fuite  de  Galère,  le  vieux  Maxi- 
mien revint  des  Gaules.  Il  gouverna,  con- 
joiritement  avec  son  fils;  mais  l'autorité  du 


tils  était  plus  grande  (fue  celle  du  père;  car, 
comme  Maxence  avait  rendu  l'f'nipire  à  Maxi- 
mien, cette  conduite  lui  avait  gagné  tous  les 
Cd'urs.  Cependant  le  vieux  prince  voyait  avec 
peine  la  puissance  souveraine  partagée  entre 
lui  et  son  fils,  et,  en  jeune  honune,  il  lui 
l)ortait  envi{\  Il  résolut  donc  de  chasser 
Maxence  et  d(;  se  remet! re  en  possession  de 
son  ancien  héritage.  Il  espérait  y  réussir  fa- 
cilement, iiarce  (pie  les  soldats  qui  venaient 
do  (piilter  Sévère,  lui  avaient  obéi  longtemps. 
11  assend)le  l'armée  et  le  j)euple,  comme  s'il 
eût  été  question  de  les  entretenir  des  mal- 
heurs d(!  l'Eiat;  puis,  après  un  long  discours, 
il  met  la  main  sur  Maxence,  l'accuse  d'être 
l'auteur  des  calamités  |)ubli(pies,  et  lui  arra- 
che la  pourpre.  Le  i)rince,  dépouillé,  se  jette 
au  bas  du  tribunal,  et  est  reçu  par  les  sol- 
dats, dont  la  colèicet  les  iriurmures  éton- 
nent l'ingrat  vieillard,  qui  fut  ensuite  chassé 
de  Rome  comme  un  autre  Tarquin. 

Maximio'i  retourna  dans  les  Gaules,  où  il 
passa  quelque  temps.  De  là  il  alla  trouver 
Galère,  sous  prétexte  de  vouloir  conférer 
avec  lui  sur  les  affaires  de  l'Etat.  Mais  ^on 
vrai  proj(;t  était  de  se  défaire  de  ce  prince, 
alin  de  s'emparer  de  la  puissance  qu'il  avait 
perdue.  Depuis  peu.  Galère  avait  fait  venir 
à  sa  cour  Dioclès  ou  Dioclétien,  dans  la  vue 
d'autoriser,  par  sa  présence,  la  substitution 
de  Licinius  à  Sévère.  Dioclétien  et  le  vieux 
]\iaximien  assistèrent  à  la  cérémonie.  Alors 
six  personnes  furent  revêtues  de  la  puissance 
souveraine.  Maximien,  trompé  dans  ses  es- 
pérances, pense  à  une  troisième  fuite.  Il  re- 
tourne dans  les  Gaules  avec  des  desseins 
pervers.  Au  mépris  de  l'afïinité  qui  l'unissait 
à  Constantin,  il  cherche  à  le  surprendre.  Et, 
pourassurerle  succès  du  piège  qu'il  lui  tend, 
il  quitte  les  ornements  impériaux.  Les  Francs 
avaient  pris  les  armes.  Le  rusé  vieillard  per- 
suade à  i^onstantin,  qui  ne  se  défiait  de  rien, 
de  ne  pas  faire  marcher  toute  son  armée,  en 
l'assurant  qu'une  partie  suffirait  pour  dissi- 
])er  ces  barbares.  Il  avait  un  double  objet 
dans  le  conseil  qu'il  donnait,  l'un  de  se  ren- 
dre maître  d'une  armée,  l'autre  do  faciliter 
aux  Francs  la  défaite  de  Constantin.  Le  jeune 
prince  suit  le  conseil  d'un  beau-père  qui 
avait  de  l'Age  et  de  l'expérience,  et  marche 
contre  les  Francs  avec  une  partie  de  ses 
troupes.  Quelques  jours  après,  le  perfide  Ma- 
xiraien,  jugeant  que  Constantin  pouvait  être 
entré  dans  le  pays  ennemi,  prend  tout  à  coup 
la  pourpre,  se  saisit  des  trésors  de  son  gen- 
dre, fait  à  son  ordinaire  de  grandes  profu- 
sions et  invente  sur  le  compte  de  Constantin 
des  calomnies  qui  tombèrent  bientôt  sur  lui- 
même.  L'empereur,  instruit  de  ce  qui  se 
passe,  accourt  avec  son  armée.  Maximien, 
qui  n'avait  pas  eu  le  temps  de  se  préparer, 
est  surpris  par  la  diligence  de  son  ennemi,  et 
les  soldats  rentrent  dans  lo  devoir.  Constan- 
tin apprend  que  Maximien  s'est  saisi  de  Mar- 
seille et  que  les  portes  en  sont  fermées.  Il 
en  approche.  Maximien  était  sur  les  mijLrail- 
l;^s.  Constantin  lui  demande ,  mais  d'un  ton 
où  il  n'y  avait  ni  colère  ni  emportement, 
quel  est  son  dessein,  quel  sujet  de  mécon- 


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GàL 


GAL 


1060 


P 


tintement  il  peut  avoir,  ce  qui  peut  lui  man- 
quer et  pourquoi  il  s"est  puilé  à  une  déiuar- 
clie  si  déshouorame  pour  lui?  11  ne  lui  est 
répondu  que  par  des  injures.  Cependant  les 
)or'.es  de  Marseille  s'ouvrent  et  on  y  reçoit 
'armée  victorieuse;  on  traîne  devant  reuii)e- 
reur  un  empereur  rebelle,  un  père  dénaturé, 
un  beau-père  perfide,  on  lui  met  ses  crimes 
devant  les  veux,  on  le  dépouille  de  la  pour- 
pre, on  lui 'pardonne,  non  pas  toutefois  sans 
lui  avoir  fait  les  re|)roches  qu'il  méritait. 

Maximien,  se  voyant  privé  de  la  dignité 
impériale  et  des  égards  qu'il  croyait  dus  à  un 
Ijenu-père,  fut  outré  de  celte  humiliation.  Il 
forma  de  nouveaux  projets.  Enhardi  par 
l'impunité  ,  il  fait  venir  Fausta,  sa  fille,  et 
l'excite  par  ses  prières  ainsi  que  par  ses 
caresses  à  trahir  son  mari,  et  lui  en  promet 
un  autre  plus  digne  d'elle.  11  lui  demande 
de  laisser  ouverte  la  porte  de  la  chambre 
de  l'empereur  et  de  prendre  des  mesures 
pour  qu'elle  ne  soit  pas  gardée  avec  soin. 
Fausta  promet  de  déférer  cà  la  demande  de 
son  père,  mais  elle  donne  sur-le-chami)  à 
Constantin  avisdececiui  se  i)asse.  On  arrête  le 
plandeconduiteii  tenir  |)our  prendresurlefait 
le  perhde  Maximien.  On  metun  cuuuquedans 
le  lit  de  l'empereur,  afin  de  racheter  par  ce 
sacrifice  d'une  aine  vile  la  vie  la  plus  {)ré- 
cieuse  de  l'univers.  Cependant  Maximien  se 
lève  au  milieu  de  la  nuit,  tout  est  favorable 
à  l'exécution  de  son  dessein  ;  il  trouve  peu 
de  gardes,  encore  sont-ils  éloignés  les  uns 
des  autres.  11  leur  dit  qu'il  a  eu  un  songe 
dont  il  veut  faire  [lart  à  son  gendre.  Il  entre 
dans  la  chambre  de  lempereur  avec  un  poi- 
gnard, tue  l'eunuque,  sort,  et  publie  tout 
glorieux  le  crime  qu'il  vient  de  commettre. 
Mais  d'un  autre  coté  Constantin  se  montre 
avec  une  troupe  de  gens  armés.  On  lire 
de  la  chambre  impériale  le  corps  de  l'eu- 
nuque assassiné.  A  ce  si)eclacle,  le  ijjeurtrier 
demeure  muel  d'éionnemenl.  Pour  toute 
grâce  on  lui  laisse  la  liberté  de  choisir  le 
genre  de  mort  qu'il  voudra.  11  se  peniiit.  Ce 
fut  ainsi  (ju'un  empereur  puissant,  qui  avait 
été  pendant  vingt  ans  le  maître  du  monde, 
finit  une  vie  détestable  par  une  mort  igno- 
minieuse. 

Dieu  ayant  vengé  sa  religion  et  son  peuple 
sur  le  vieux  MaximicMi,  étendit  sa  main  sur 
(ialèie,  un  des  plus  ardents  persécuteurs  des 
clir. 'liens,  et  lui  lil  sentir  la  pesanteur  de 
son  bias.  Ce  [)rinc(',  à  rexem|)le  de  Dioclé- 
tieii,  songeait  à  célébrer  les  viccnnales,  et 
d'après  ce  prétexte,  quoiipu!  |)ar  ses  exac- 
tions |)récédentes  il  eût  épuisé  l'or  el  l'ar- 
gent d<;s  provinces,  il  chargea  encort'  le 
peuple  de  nouveaux  impôts,  il  sirait  im|)Os- 
sible  de  dire  avec  quelh;  rigueur  se;  levè- 
rent ces  taxes.  (îalèr'c;  avait  pour  cxécutcMirs 
de  ses  ordies  des  soldats  ou  plutôt  des  bour- 
reaux. On  ne  savait  Icipnil  il  fallait  satis- 
faire le  premier;  nulle  grv^ce  |»ouf  c(;ux  (jui 
étaient  dans  l'imp(jssibilité  de;  payer;  on 
d(;vait  s'attendre  aux  plus  crucds  lournuMits, 
si  on  no  donnait  sur-le-champ  ce  (pi'on  n'a- 
vail  jias.  On  étnil  «"ilouré  d'um?  fowlc  do 
»urv<iil;iiils   l)url),ir('s    qni    no    porniellaienl 


nas  de  respirer;  aucun  temps  de  l'année  oi^i 
l'on  put  avoir  le  moindre  repos  :  tous  les 
jours  de  nouvelles  querelles,  de  nouvelles 
demandes  ;  point  de  caves,  pijînt  de  granges 
sans  un  commis;  on  emportait  tout  ce  qui 
était  nécessaire  aux  plus  indisp  nsabb'S 
besoins  de  la  vie.  Quelque  horrible  qu'il 
soit  de  se  voir  ravir  le  fruit  de  ses  peuies 
et  de  ses  travaux,  au  moins  peut-on  se  con- 
soler par  l'espérance  d'un  avenir  i)lus  h"'U- 
reux.  Mais  comment  se  passer  de  vêtements 
et  de  meubles  ?  N'est-ce  pas  avec  la  vente 
de  ces  denrées  (juon  se  procure  ces  choses? 
Et  comment  se  les  procurer,  si  un  prince  bar- 
bare enlève  tout  le  fruit  des  productions  de 
la  terre?  Qu'est-ce  qui  n'a  pas  été  dé- 
pouillé de  ses  biens  pour  fournir  aux  frais 
de  ces  vicennaies,  qui  toutefois  ne  devaient 
pas  avoir  lieu  ? 

La  nomination  de  Licinius  à  l'empire  irrita 
beaucoup  Maximin  ;  il  dédaignait  le  titre 
de  césar  el  la  troisième  place  d'honneur. 
Galère  lui  envoya  plusieurs  députés  pour  lui 
représenter  qu'il  devait  obéir,  se  soumettre 
à  ses  arrangements ,  cédi-r  à  l'âge  et  hono- 
rer la  vieillesse.  Mais  Maximin  n'en  devint 
que  plus  audacieux.  Il  fil  valoir  l'antériorité 
du  temps ,  prétendant  qu'ayant  reçu  la 
pourpre  le  premier,  il  avait  droit  d'occuper 
la  première  place.  Ainsi  il  se  moqua  des 
prières  et  des  ordres  de  Galère.  Ce  prince  fut 
furieux  de  ce  qu'un  homme  de  néant  qu'il  avait 
élevé  h  la  dignité  de  césar,  dans  l'espérance 
qu'il  n'aurait  d'autre  volonté  que  la  sienne, 
poussait  l'ingratitude  au  point  de  ne  tenir 
compte  ni  de  ses  ordres,  ni  de  ses  prières. 
Outré  de  l'insolence  de  Maximin,  il  supprime 
le  nom  de  césar,  prend  avec  Licinius  la  qua- 
lité d'auguste,  et  donne  à  Maxence  et  à 
Constantin  celle  de  hls  d'augusles.  Quelque 
temps  après  Maximin  lui  dé[)ôcha  un  cour- 
rier pour  l'informer  que  son  armée  venait 
de  l'élire  empereur. 

Galère  a[)prit  celte  nouvelle  avpc  chagrin 
et  il  ordonna  de  les  reconnaître  tous  quatre 
empereurs.  Dieu  frappa  Galère  à  la  dix-hui- 
tième année  de  son  règne,  d'une  plaie  ab- 
solument incurable.  11  se  forma  dans  la 
partie  de  son  corps  que  la  pudeur  défend 
de  nommer,  un  abcès  qui  lit  bientôt  des  pro- 
grès considérables.  Les  ampulalions  des 
chirur-giens  deviennent  inutiles,  un  nouvel 
ulcère  perce  la  cicatrice  ;  um;  veine  rompue 
rend  une  telle  (piantité  de  sang,  (pie  le 
malade  court  ris(pie  de  la  vie.  l^e]  Ci  dant 
ou  arrêle  le  san^,,  il  s'échappe  encore  une 
fois,  lùilin  on  vient  à  bout  de  cicatriser  la 
|)laie.  {]\\  léger  mouvemeni  du  corps  la  fait 
rouvrir;  le  sang  coule  avei;  plus  d'abon- 
dance (pie  jamais.  L'empert'iir  devient  [)Ale 
et  n'a  |)res(pie  plus  de  force.  Le  iui>seau  de 
sang  se  taril  encore,  mais  les  nniièdes  sont 
nHîllicaces  contre  le  mal.  11  survient  un  can- 
cer (|ui  gagne  les  parties  vmsines  ;  plus  les 
<:lnrurgi(nis  (•oupenl  plus  il  s'étend  ;  les  raé- 
dicamcnis  ne  servent  (ju'à  l'aigrir".  Ou  ap- 
pelle d(!  toutes  narls  les  médecins  les  plus 
eelèbi-es,  mais  les  secours  humains  sont 
inutiles.  Ou   a    recours    aux    idoles,    on   im- 


1061 


GAL 


GAL 


MC2 


plore  l'assistance  d'Apollon  et  d'Ks(iila|ic. 
Apollon  indi(pio  un  reinùdc ,  on  en  lail 
usage,  et  le  niai  empire.  La  mort  approche 
et  elle  s'est  déjh  saisie  des  parties  basses; 
les  entrailles  sont  gAlées  et  tout  le  sic^go 
tombe  en  pourriture.  Los  nn'-decins  r(>dou- 
bleiit  de  soins  cpioifpie  sans  esprraiiee  da 
réussir;  ils  ont  beau  atlatpier  le  mal  do 
tontes  les  mani(Ves,  il  no  leur  est  pas  possi- 
ble (le  le  vaincre;  il  rentre  en  deilans  et  S(s 
jette  sur  les  parties  internes  où  il  s'enj^en- 
dre  des  vers.  Une  oileur  insupporiablc  s(; 
répand  dans  le  palais  et  m("itiie  dans  la  ville. 
Les  conduits  de  l'urine  et  des  excréments  ne 
sont  plus  séparés;  les  vers  rongent  le  corps 
du  malade  ([ni  se  foiul  en  poui'rilure  et  lui 
cause  des  doul(>ui's  clVr(\yables.  De  temps  en 
teni[)S  il  lui  échappe  des  cris  ou  plutôt  des 
géniissements  horribles.  On  luiap()lique  des 
animaux  vivants  ou  de  la  vianile  chaude, 
afin  (]ue  la  chaleur  attire  les  vers  en  dehors;, 
mais  (piand  on  nettoie  les  plaies,  il  ressort 
une  fouruiilière  de  ces  animaux  voraces,  et 
ses  entrailles  en  deviennent  une  source  in- 
tarissable. Les  parties  du  corps  avaient  per- 
du leur  forme  ordinaire;  le  haut,  jusqu'à  l'ul- 
cère, n'était  qu'un  squelette;  une  maigreur 
affreuse  avait  attaché  la  peau  sur  les  os  ;  les 
pieds  par  leur  cnllure  excessive  ne  ressem- 
blaient plus  cl  des  pieds.  Cette  épouvantable 
m.dadie  dura  un  an  tout  entier.  Enfin, 
(lalère,  vaincu  par  cet  assemblage  de  maux, 
fut  contraint  de  reconnaître  le  vrai  Dieu. 
Durant  les  intervalles  d'une  douleur  nou- 
velle, il  s'écriequ'il  rétablira  l'Eglise  des  chré- 
tienset  qu'il  exjjierason  crime.  Etantàl'extré- 
mité,  il  ordonna  de  publier  l'édit  suivant  : 
«  Quoique  nous  nous  soyons  toujours  oc- 
cupé du  bien  et  de  l'utilité  de  l'Etat,  nous 
n'avons  iamais  eu  rien  tant  à  cœur  que  de 
rétablir  les  choses  dans  l'ordre  ancien,  et  de 
ramener  les  chrétiens  à  la  religion  de  leurs 
pères  qu'ils  avaient  abandonnée.  Car  non 
content  de  mépriser  les  cérémonies  insti- 
tuées par  leurs  ancêtres,  ils  en  sont  venus 
à  ce  point  de  folie  de  se  faire  des  lois  à  eux- 
mêmes  et  de  tenir  diverses  assemblées 
dans  les  provinces.  Ce  que  nous  aurions  dé- 
fendu par  nos  édits  et  leur  aurions  ordonné 
de  rentrer  dans  la  bonne  voie.  A  quoi  plu- 
ji^urs  ont  déféré  par  crainte;  plusieurs 
aussi,  pour  avoir  refusé  d'obéir,  ont  été  pu- 
nis. Et  comme  nous  sommes  informé  qu'il 
y  en  a  un  grand  nombre  qui  persistent  dans 
leur  opiniâtreté  et  qui  ne  respectent  ni  la 
religion  établie  ni  celle  du  Dieu  des  chré- 
tiens, en  considération  de  notre  douce  clé- 
mence et  de  notre  coutume  perpétuelle  de 
pardonner  à  tous  les  hommes,  nous  vou- 
lons bien  leur  faire  ressentir  les  etfets  de 
notre  bonté.  C'est  pourquoi  nous  leur  per- 
mettons d'exercer  la  religion  chrétienne  et 
de  tenir  leurs  assemblées,  pouvu  qu'il  ne  s'y 
passe  rien  de  contraire  aux  lois.  Par  une 
autre  déclaration,  nous  instruirons  nos  offi- 
ciers de  justice  de  la  conduite  qu'ils  doivent 
tenir  à  leur  égard.  Notre  indulgence  doit 
les  porter  à  prier  leur  Dieu  pour  notre  santé, 
pour  la  prospérité  de  l'Etat,  comme  pour 


leur  propre  conservation ,  afin  aue  l'em- 
l»ir(î  subsiste  éternellenicnt,  et  qn  ils  puis- 
sent mener  chez  eux  une  rie  paisible  et 
trantpiille.  » 

Cet  édit  fut  publié  h  Nicomédie,  la  veille 
des  calendes  de  mai  {W  avril),  (ialère  étant 
consul  pour  la  huitiôiiH!  fois  et  Maximin 
pour  la  seconde.  On  ouvrit  les  prisons.  Ce 
lut  alors  (pie,  conjointement  avec  les  autres 
confesseurs  de  la  foi,  vous  l'ecouvrAtes,  cher 
Donal  ,  votre  liberté,  après  un  em[)risonne- 
ment  (le  dix  ans.  Dieu  cependant  ne  par- 
donna jioint  à  (ialère,  car  (leu  de  jours  a[)rès, 
ayant  reconiniaiidé  sa  f(Miime  et  son  fils  à 
Licinius,  et  tout  son  corps  étant  réduit  en 
pourriture,  il  expira.  Sa  mort  fut  aussit(M 
(livulguéi!  à  Nicomédie,  où  il  se  [iro|)osait 
de  ct'lébrer  les  vicennales  aux  calendes  de 
mars  suivant. 

(iALLlCAN  (saint),  re(;ut  la  couronne  du 
martyre  à  Alexandrie.  Ce  saint  martyr  était 
un  personnage  consulaire,  (jui  avait  reçu 
l'honneur  du  triomphe,  et  ([ue  l'empereur 
Constantin  aimait  tendrement.  Converti  à  la 
foi  de  Jésus-Christ  par  les  saints  Jean  et 
Paul,  il  se  retira  avec  saint  Hilarin  dans  la 
ville  d'Ostie,  où  il  se  donna  tout  entier  à  l'hos- 
pitalité et  an  service  des  inlirmes  ;  ce  qui 
ayant  été  publié  par  toute  la  terre,  une  infi- 
nité de  inonde  vint  de  tous  côtés,  pour  voir 
un  homme  qui  avait  été  patrice  et  consul, 
nettoyer  les  i)ieds  des  pauvres,  dresser  les 
tables  où  ils  devaient  manger,  leur  donner 
h  laver,  servir  les  malades,  et  s'appliquer  à 
tous  les  autres  exercices  de  la  charité  et  de 
la  piété  chrétienne.  11  fut  depuis,  sous  Ju- 
lien l'Apostat,  chassé  de  cette  ville  et  con- 
traint de  se  réfugier  à  Alexandrie,  où  le  juge 
Raucien,  qui  voulait  l'engager  à  sacrilier 
aux  idoles,  ne  recevant  de  lui  que  du  mépris, 
le  fit  mourir  par  le  glaive,  et  le  rendit  mar- 
tyr de  Jésus-Christ.  L'Eglise  fait  sa  sainte 
mémoire  le  25  juin. 

GALLIEN  {Licinius  Egnatius  Gallienus), 
empereur  romain,  fut  associé  par  son  père  à 
l'empire,  en  l'an  253,  aussitôt  son  avénem^'nt. 
Pendant  tout  le  règne  de  son  père,  Gallien 
s'etfaça  derrière  lui  :  on  ne  peut  le  juger  que 
par  ce  qu'il  ht  quand  il  fut  arrivé  à  l'empire, 
seul,  et  libre  de  toute  volonté  extérieure  à 
lui.  Le  premier  trait  du  tableau  que  nous 
avons  à  en  faire,  est  celui-ci  :  il  ne  fit  rien, 
absolument  rien  pour  délivrer  Valérien  de 
l'ignominieuse  ca|)tivité  qu'il  endurait  ^hcz 
les  Perses.  On  dirait  presque  qu'il  ne  se 
souvint  pas  de  lui.  Rien  pour  venger  l'hon- 
neur de  la  patrie,  rien  pour  obéir  à  un  sen- 
timent de  tendresse  filiale.  Aussi  lâche  em- 
pereur que  mauvais  lils,  en  deux  coups  de 
pinceau,  voilà  Gallien.  Maintenant  qu'ajou- 
ter? Est-ce  qu'un  homme  n'est  pas  ainsi  suflî- 
sammeut  caractérisé  ?  Faut-il  encore  lui  cher- 
cher des  vertus  et  des  vices?Nous  ne  le  pensons 
pas  ;  quand  un  homme  historique  (st  coulé 
dans  un  pareil  moule,  tout  ce  qui  vient  en- 
suite n'otfre  que  des  nuances  sans  caractère 
et  sans  importance.  Des  auteurs  ont  dit  que 
Gallien  avait  de  l'esprit,  qu'il  était  bon  orateur 
et  bon  poëte  ;  de  l'esprit  sans  cœur,  c'est  diffi- 


i065 


GAL 


GÂL 


I06i 


cilo;  orateur  et  poète,  ce  l'est  davantage  en- 
core. L'orateur  est  celui  qui  cmeut,  en  ren- 
riant  en  belles  paroles  de  nol)les  sentiments, 
(le  saintes  vérités,  autrement  il  n'a  que  le 
son  que  la  phi'ase,  verba  canora,  riens  sono- 
res :  le  poëte,  est  celui  (lui  sait  donner  aux 
générosités  de  son  âme,  aux  illusions  de 
son  cœur,  cette  forme  splendide  que  Dieu 
révèle  aux  natures  i)rivilé^iées,  qui  gardent 
ici-bas  l'empreinte  de  la  main  divine  qui  les 
forma.  Les  poêles  sont  ces  Ames  exilées,  qui 
ont  sur   terre  des   réminiscences  du  ciel  ; 
l)auvres  oiseaux  errants  qui  se  souviennent 
eue  )re  du  nid  qui  les  vit   nailre,  pauvies 
anges  tombés  qui  redemandent  les  cieux, 
en  chantant  la  prière,  le  malheur,  les  har- 
monies   d'ici-bas.   Gallien   ne   pouvait  èlre 
orateur   ni  poëte.   Admettons   qu'il  le  fût, 
alors  il  prouva  bien  qu'on  i)eut  être  orateur 
et  poète  et  ne  faire  qu'un  détestable  empe- 
reur.  Un  trait  que  nous  ne  passerons  pas 
sous  silence,  c'est  que,  ({uand  il  mourut,  il 
était  sur  le  point  de  céder  au  [)hilosophe 
Plutin  une  partie  considérable  de  la  r,am})a- 
nie,  i)0ur  y  établir  une  république  platoni- 
cienne. Ainsi,  dès  ces  temps  reculés,  nous 
le  disons  pour  ceux  qui  O'it  la  niaiserie  de 
croire  à  la  nouveauté  des  doctrines  qu'on 
prêche  de  nos  jours,  oui,  dès  ces  temps  re- 
culés, et  bien  auparavant,  les  duperies  socia- 
listes couraient  le   monde.  Quel  dommage 
que  (iabet,  Considérant,  Proudhon  ,  et  tous 
ces  hommes  qui  font  des  nouveautés  avec 
les  vieilles  défroques  des  niais  et  des  fous  de 
l'anliipiité,  n'aient  pas  vé;.'u  sous  un  (iallien  ! 
Et  dire  qu'ils  ne  sauvent  et  ne  régénèrent 
pas   Ihumanité,   faute  de  pareils   princes  1 
Gallien  était  digne  de  comi)rendre  le  Pha- 
lanstère, l'icarie  et   la  Banque  du  peuple. 
Gallien  s'occupait  beaucoup  des  petites  cho- 
ses et  peu  des  grandes.  Il  montra  dans  plu- 
sieurs circonstances  du  courage  et  de  la  har- 
diesse ;  mais  ce  ne  fut  jamais  que  (piand  sa 
position  personelle  fut  diamétralement  atta- 
quée, ou  bien  quand  le  mépris   qu'on  lui 
témoignait  pour  sa  lâcheté  habituelle   le  fit 
monter  jusqu'au  paroxisme  de  la  colère.  Il 
était   très-enclin   à  cette  dernière  passion  ; 
elle  le  poussait  même  à  des  actes  de  la  plus 
atroce  cruauté.   Il   ht  tuer  quelquefois  jus- 
([u'ii  deux  ou  trois  mille  soldats.  Après  cela 
Z  jiiare  vient  nous  dire  ([u'il  était  magnihijue 
et  libéral  ;  Ammien,  qu  il  était  giniéreux  et 
p;u-u'uuiait  aisément.   Nous  l'avons  d,l  en 
parlant  de  son  père,  h's  espi-its  étroits  et  mé- 
dio.;res,  les  Ames  sans  dignité,  sans  courage 
et  sans  moralité  réelle,  vont  sans  cesse  d'un 
extrême  à  l'autre.  Un  sige  milieni  est  le(:htî- 
rnin  de  la  vertu.  Quant  à  marcher  loujouis 
sur  les  hauteurs  culminantes,  cela  n'ap[)ar- 
tienl  (ju'au  génie.  Q  le  Gallien  ait  eu  la  vo- 
lonté ea[)ricieuse  et  bizarre  au  point  de  con- 
tredire sans  cesse  sa  conduite  et  ses  actes, 
cela  ne  nous  surprend  pas,  c'c^sl  le  conliaire 
qui  le  ferait.  (>et  (MU|)ereur  avait  le  goilt  du 
luxe  et  dos  voluptés.  Paresseux  et  iuactif, 
i!  abandonnait   h;   soin  des  all'aires  [)0ur  se 
plonger    dans    la    débaudu;  ,    j)Our   se    li- 
vrer aux  excès  les  plus  dégradants.  La  nuit, 


comme  Hélîogabale  et  Néron,  il  courait  les 
cabarets  et  les  mauvais  lieux  de  Rome  ;  le 
jour,  il  se  livr.ut  à  la  boisson  et  à  la  bonne 
chère.  Son  temps,  s'il  n'était  employé  à  des 
infamies  ou  à  des  crimes,  l'ét  .it  à  des  baga- 
telles ou  à  de  sottes  futilités.  Sous  son  rè- 
gne, la  puissance  et  le  prestige  du  nom  ro- 
main tombèrent  encore  plus  bas  que  sous 
son  père.  De  tous  côtés  les  barbares  venaient 
piller  et  saccager  les  provinces  ;  on  les  vit 
jusque  dans  l'Italie  elle-mèiue.  Partout  les 
lois  de  la  discipline  étaient  en  oubli ,  les 
ressorts  du  gouvernement  relâchés.  Plus  de 
tête  pour  commander  aux  membres.  Rien 
que  sous  le  règne  de  ce  i)rince,  trente  com- 
pétiteurs a  l'empire  prirent  la  pourpre.  Quand 
on  venait  annoncer  à  Gallien  qu'il  avait 
perdu  l'Egypte  ou  les  Gaules,  il  répondait 
par  de  soties  plaisanteries.  «  Vivrons-nous 
moins  bien,  disait-il,  sans  l(^s  lins  d'Egypte 
ou  sans  les  draps  d'Arras  ?  »  Durant  ce  lè- 
gue, la  peste  ht  encore  de  grands  ravages,  la 
disette  lit  de  nombreuses  victimes.  Le  sang 
des  chrétiens  répandu  sous  Valérien  avait 
crié  vengeance,  et  Dieu  l'avait  entendu.  En- 
fin, après  un  règne  qui  fut  l'horreur  de  l'em- 
pire, lallienfut  tué  devant  la  ville  de  Milan, 
où  il  assiégeait  Auréoie  qui  s'y  était  réfugié- 
Cet  évéiiement  se  passait  en  268. 

Maintenant,  quelle  fut. la  condu  te  de  Gal- 
lien à  régaid  des  chrétiens  ?  Toute  dilfé- 
rente  de  celle  qu'avait  tenue  son  père.  Il 
rendit  la  paix  à  l'Eglise,  rappela  les  prélats 
qui  étaient  en  exil,  rendit  des  décrets  qui 
prescrivaient  de  restituer  aux  clirétiens  les 
lieux  consacrés  5  leur  culte,  et  aux  particu- 
liers les  biens  dont  on  k's  avait  dépouillés. 
Quels  furent  l(>s  motifs  de  Gallien  jiour  une 
telle  conduite?  Peut-être  simplement  l'envie 
de  faire  autrement  que  n'avait  fait  son  père. 
No  .s  avons  vu  des  empereurs  persécuter  les 
chrétiens  parce  que  leurs  prédécesseurs  .eur 
avaient  été  favoiab'es  ;  pourquoi  (allien, 
avec  les  bizarreries  de  <on  caractère,  n'au- 
rait-il jias  fait  le  contraire  par  des  motifs 
stnnblables  ?  On  peut  encoie  invoquer  une 
autre  raison,  c'est  que  Macrien  avait  été 
J'instigateur  de  la  persécution  de  Valérien, 
et  que  Gallien  le  détestait.  Celle  haine  de- 
vint encore  plus  foi  te  quand  ce  chef  mili- 
taire eut  usurpé  l'empire  en  Orient,  et,  comme 
il  maintint  dans  ](}s  ])rovi:ices  (pii  lui  obéis- 
saient les  édils  contre  les  du  ét:ens,  Gallien, 
])Our  faire  autremenl  (jue  lui,  fit  cesser  la 
persécution. 

JMJsèbe  nous  a  conservé  dans  son  Histoire 
[Ilist.  ccclcs.,  1.  VII,  ch.  13)  un  des  édits 
i-eiidus  pai-  Gallien  en  faveur  des  chrétiens. 
Il  parhî  d'un  autre,  adressé  à  des  évèciues, 
et  (pli  les  autorise  à  n  nirer  eu  possession 
des  cimetières  ;  mais  i!  n'en  donne  |)as  lo 
tcxti!.  Celui  iiue  nous  reproduisons  d'apiès 
Kusèbe,  élait  adressé  aux  évê(pies  de  la  pro- 
vince d'Alexandrie.  Il  ne  ix'Ut  donc  être  an- 
térieur A  Tannée  202,  puis(pie  jusque-l;\  l'E- 
gypte fut  sous   la  dépendance  de   Macrien. 

«  L'(niii)ereur  (ïésar  INiblius  Licinius  Gal- 
lien, pieux,  heureux  et  auguste,  à  Denys» 
Piiinas,  Démélrius  ot  aux  autres  évoques. 


I 


iOC3 


GAL 


GAI. 


1066 


J'ai  commande^  quo  nios  bienfaits  et  mes 
grAoes  se  rôpaiidiMit  par  tout  le  monde,  et 
(nie  chacun  se  relire  des  lieux  consacrés. 
Vous  pouvez  vous  servir  de  ce  décret  alla 
que  personne  ne  vous  trouble  h  l'avenir. 
C'est  une  laveur  qu'il  y  a  déjà  lon;j,[einps 
auej'ai  accordée.  C'est  pourquoi  Aurelius 
Cyrenius  ,  surintendant  des  liaances ,  ne 
raaiKpiera  pas  d'exécuter  notre  édit. 

Ici  se  borne  ce  que  nous  avons  à  dire  de 
Callien. 

G.VI.I.ION  (Junius),  frère  de  Sénè(iue,  se 
nommait  d'abord  Annanis  Novatus.  Son  père 
adoptif  lui  doiuia  le  nom  sous  le(piel  il  est 
resté  connu.  Kla-it  |)roco'isul  d'Achaïe,  les 
Juils  lui  amenèrent  saint  Paul  pour  le  faire 
oondannirr;  mais  (lallion  leur  dit  (ju'il  ne  se 
mêlait  peint  de  leurs  disputes  relij^neuses,  et 
qu'ils  eussent  à  \i(ler  leurs  didV'rcnds  entre 
ou\.  Ouehpies  historiens  ont  vu  dans  cette 
indidérencc  un  connnencement  dt*  penchant 
pour  le  christianisme,  de  la  part  de  (îallion; 
d'autres,  au  contraire,  n'y  ont  vu  (ju'un  déni 
de  justice  coupable.  Cette  indifférence  que 
montra  Callion  a  fait  depuis  appeler  gallio- 
nistes  ceux  qui  sont  indilférenls  en  m  tière 
religieuse.  Tombé  dans  la  disgrâce  de  Néron 
après  la  mort  de  Sénèque ,  Gallion  se  perça 
de  son  épée. 

CAI.LOT,  chapelain  des  religieuses  béné- 
dictines, fut  guillotiné  à  Laval,  le  21  janvier 
179V,  avec  Ireizeautresprètres.Quoiquejcune 
encore,  il  était  tout  [)erclus  de  ses  membres, 

§ar  suite  de  la  goutte  ;  aussi  fut-on  contraint 
e  le  conduire  au  tribunal,  en  charrette.  Les 
juges  lui  demandèrent  :  «  As-tu  fait  le  ser- 
ment de  1791 ,  prescrit  par  la  constitution 
civile  du  clergé?  As-tu  fait  le  serment  de 
liberté, égalité?  Veux-tu  prêter  ces  serments? 
Veux-tu  jurer  d'être  fidèle  à  la  l'épublique, 
d'observer  ses  lois,  et,  en  conséquence,  do, 
ne  f)rofesser  aucune  religion,  et  notamment 
la  religion  catholique?  —  Je  serai  toujours 
catholique,  répondit-il.  —  Pid^liqueraenl?  lui 
dit-on.  —  Oui,  [)ubliquement  ;  n'importe  où, 
je  me  dirai  toujours  caholique  ;  je  ne  rougi- 
rai jamais  de  Jésus-Christ.  »  Il  mit  tant  d'é- 
nergie dans  ses  réponses ,  que  des  patriotes 
présents  à  l'audience  s'écrièrent  :  «  Qu'il  est 
elfronté!  »  Le  secrétaire  lui  dit  alors  :  «  Sois 
sûr  que  tu  vas  être  guillotiné.  —  Ce  sera 
bientôt  fait,  reprit  tranquillement  M.  Gallot. 
Quand  l'interrogatoire  fut  terminé,  l'accu- 
sateur public,  qui  était  un  prêtre  apostat, 
conclut  à  la  peine  de  mort,  et  le  président 
du  tribunal  sanctionna  la  peine.  Pendant  les 
préparatifs  de  l'exécution,  les  quatorze  con- 
damnés furent  mis  dans  une  salle  du  greffe, 
oiî,  dit-on,  ils  purent  se  confesser  mutuelle- 
ment. Quelques  instants  après,  la  tête  des 
victimes  avait  roulé  sur  l'échafaud.  (Tiré  des 
Mémoires  ecclésiastiques,  etc.,  par  M.  Isi- 
dore BouUier,  curé  de  la  Trinité  de  Laval, 
18i6.) 

CiALLUS  (saint),  martyr  à  Carthage  en 
250,  sous  le  règne  et  durant  la  persécution 
de  Tempère  ir  Déco  ,  fit  enfermé  dans  un 
cachot  avec  une  foule  d'autres  chrétiens,  où, 
par  ordre  de  l'empereur,  on  les  laissa  mou- 

DlCTIONN.     DES     PkkSÉCUTIONS.    I. 


rir  de  faim.  L'Eglise  f;iit  la  fête  de  tous  ces 
•saints  martyrs  le  17  avril,  avec  celle  de  saint 
I\lappali(|ue.(Ko?/.  l'artii  le  ili;  saint  Victorin.) 
(iALLUS  (Vibius  Trchuniunus)  (it  [)érir  par 
trahison  l'empereur  Dèee  dans  une  guerre 
contre  les  Golhs,  et  se  fil  (n'oclamer  e/npe- 
reur  à  sa  place  en  251.  11  fit  avec  les  (ioths 
une  paix  déshonorante,  et  aussitôt  arrivé  à 
Rome,  se  mit  à  persécuter  violemmeit  les 
chrétiens.  Il  attril)uait  à  la  colèr-e  dos  dieux 
contre  eux,  la  peste  qui  désolait  son  enqiirc. 
A  celle  occasion  il  ordonna  iJes  sacrifices  ex- 
piatoires dans  tous  les  lieux  qui  reconnais- 
saient son  [)ouvoir.  Sous  son  règne,  deux 
Eajies,  saint  Corneille  et  saint  Lucius,  furent 
anniset  martyrisés.  Callus  allait  comb  ttre 
Kmilien,  qui  avait  usurpé  l'empire,  quand 
il  fut  tué  près  de  Rome  j)ar  ses  propi  es  sol- 
dats en  l'année  253.  Assassin  de  son  prédé- 
ces>eur,  persécuteur  des  chrétiens,  Callus 
méiitait  un  de  ces  cliAtimcnits  (pie  la  Provi- 
d(mce  ménageait  alors  si  souvent  .lux  em- 
j)ereurs  romains.  Celui-ci  n'est  célèbre  que 
[)ar  ces  deux  crimes. 

DoJwel  rapporte  l'endroit  d'une  lettre 
écrite  par  saint  Cyprien  et  les  autres  évo- 
ques (l'Afrique,  par  lequel  il  [jrétend  prouver 
que  la  persécution  que  l'empereur  Gallus 
excita  contre  l'Eglise,  fut  beaucoup  plus 
cruel'e  que  n'avait  été  celle  de  son  prédé- 
cesseur Dèce.  Car  ces  prélats  avertissent  par 
cette  lettre  le  pape  saint  Corneille  «  que  le 
ciel  leur  a  fait  entendrepar  des  signes  et  par 
des  révélations  que  le  jour  du  combat  ap- 
prochait ;  qu'il  devait  dans  peu  s'élever  un 
ennemi  redoutable  et  qu'il  fallait  se  préparer 
aux  plus  furieux  assauts  et  aux  attaques  les 
plus  sanglantes  que  les  fidèles  eussent  ja- 
mais essuyés.  »  Dodwel  infère  de  ces  |)aro- 
les  que  la  persécution  de  (lallus  ayant  été, 
selon  saint  Cyprien,  bien  plus  âpre  que  celle 
de  Dèce,  celle  de  Dèee  a  fait  peu  de  martyrs, 
puisque,  selon  le  môme  saint ,  celle  de  Gal- 
lus, pour  n'avoir  pas  été  de  longue  durée,  en 
avait  couronné  fort  peu.  Je  réponds  à  cela 
que,  quand  bien  môme  cet  endroit  de  la 
lettre  des  évoques  d'Afrique  devrait  s'en- 
tendre de  Gallus  et  non  de  Valérien,  ainsi 
que  plusieuis  auteurs,  et  entre  autres  celui 
ae  l'édition  d'Oxford,  soutiennent  qu'il  le 
faut  entendre,  je  réponds,  dis-je,  que  l'in- 
duction de  Douwel  n'en  aurait  pas  plus  de 
force  ;  car  enfin,  si  nous  avons  j)rouvé  avec 
quelque  sorte  d'évidence  que  le  nombre  des 
martyrs  qui  ont  souffert  sous  Dèce  a  été  très- 
considérable,  que  peut-on  inférer  de  cet  en- 
droit, sinon  que  bien  loin  de  diminuer  le 
nombre  des  martyrs  en  général  ,  il  faut,  au 
contraire,  l'augmenter.  Mais  il  est  vrai 
que  la  persécution  de  Gallus  peut  en  un  sens 
être  a|)pelée  plus  rude  que  celle  de  Dèce,  en 
ce  qu'elle  s'éleva  tout  à  coup  comme  un 
vent  furieux  qui,  en  un  instant,  arrache, 
abat,  renverse  tous  les  arbres  d'une  forêt,  ou 
qui  disperse  en  moi,:S  de  rien  ,  écarte,  dis- 
sipe, coule  à  fond  une  flotte.  Telle  fut  cette 
persécution  à  l'égard  du  pape  saint  Corneille, 
de  son  clergé  et  de  son  peuple,  comme  nous 
l'apprenons  de  saint  Cyprien  :   «  L'ennemi, 

3^ 


:ô67 


GAM 


GAM 


1068 


dit-il,  s'est  présenté;  il  a  jeté  l'épouvante 
dans  le  camp  de  Jésus-Christ,    mais  il  s'est 
retiré  avec  la  môme  vitesse  qu'il  étaitvenu.  » 
Car  tous  les  chrétiens  s'étant  réunis  en  un 
groupe,  se  présentèrent  au  martyre ,  ainsi 
que  nous  l'apprend  encore  le  saint  évèque  de 
Carthage  par  ces   paroles  :  «  Votre  peuple 
(c'est  à   saint  Corneille   qu'il   parle),  votre 
peuple  apprenait  de  vous,   dans  ce  combat, 
a  se  rallier  aux  prêtres  connue  à  ses  chefs, 
à  tenir  ses  rangs  serrés,  et  à  marcher  à  l'en- 
nemi, non  par  détachements,  mais  eu  corps 
d'armée.  »  II  répète  la  même  chose  et  pre«- 
qu'en  mômes    termes ,   dans  la  lettre  qu'il 
écrit  à  Lucius,  qui  avait  succédé  à  Corneille, 
mort  en  exil.  Pacieu,  évoque  de  Barcelone, 
reproche  à  Novatien,  dans  une  de  ses  lettres, 
qu'il  n'avait  jamais  rien  soullert  pour  la  foi, 
au  lieu  que  saint  Corneille  avait  eu  à  sou- 
tenir en  plus  d'une  rencontre,  les  emporte- 
ments d'un  prince  furieux.  Mais  ce  qui   ne 
doit  laisser  aucun  doute  que  cette  persécu- 
tion n'ait  été  très-cruelle,  c'est  que  Dieu  vou- 
lut bien  faire  connaître  par  divei  ses  révéla- 
tions aux  évoques  d'Afrique,  qu'ils  devaie'it 
recevoir  à  la  pai ticiialion  de   la  sainte  Eu- 
charistie, ceux  qui  étaient  tombés  durant  la 
dernière  persécution  ,   de  crainte  qu'étant 
privés  d'un  si  puissant  secours,  ils  manq.as- 
sent  de  forces  ])Our  le  martyre.  Le  traité  que 
saint  Cy|)rieu  écrivit  alors  et  qu'il  adressa  à 
Déraétiien,   marque  assez   qu  elle  fut  de  la 
dernière  violence  :  «  Vous  chassez  de  leurs 
maisons,  lui  dit-il,  des  gens  qui  sont  inno- 
cents et  que  Dieu  chérit  pour  leurs  vertus; 
vous  les  dépouillez  de  leurs  biens,  vous  les 
chargez  de  chaînes,  vous  les  jetez  dans  des 

f)risons  obscures,  vous  les  faites  périr  par  le 
er  et  par  le  feu vous  livrez  leurs  corps 

à  de  longs  tourments,  vous  ajoutez  supplices 
à  supplices,  et  votre  cruauté  ne  se  conten- 
tant pas  des  tourments  ordinaires,  devcme 
ingénieuse  j)0ur  perdre  tant  des  saints,  elle 
en  invente  de  nouveaux,  inconnus  jusqu'ici 
aux  tyrans  les  plus  inhumains.  )> 

L'on  croit  pouvoir  attribuer  cette  persécu- 
tion h  une  cause  qui  n'était  pas  moins  fu- 
neste. C'est  une  |)esle  horrible,  qui  rava- 
geant tonte  la  terre,  por;a  l'empereur  Gallus 
à  faire  un  édit  qui  obligcaii  toutes  sortes  de 
personnes,  sans  aucune  distinction,  de  sacii- 
lier  à  Apollon  le  libérateur.  «  Cesjours  pas- 
sés, écrit  saint  Cypriun  au  jjape  Corneille,  il 
arriva  ici  une  émotion  pcjpulan-e  h  l'occasion 
de  certains  saciili>;cs,  ([u.  il  était  (jrdoinié  par 
un  édil  exprès  dans  le  cii'fpie,  d'ollVir-  pour 
la  santé  [tublKjut',  et  Ton  cria  par  deux  fois 

qu'il  fallait  me  donner  aux  lions »  Ce  fut 

encore  encL-ttu  re.icontre  «pi'il  composa  le 
livre  qui  a  pour  titre  Jîxhnrlulion  au  mnili/n', 
où  il  avoue  «  (ju'on  ne  peut  savoir  le  nouibic 
des  martyrs  du  Nouveau  Testament,  et  (pio 
ce  sont  ciMix  <\iHi  saint  Jian,  dans  son  Apo- 
ca|y()S(;,  désigne  parées  pai(jles:  J'ai  vanne 
mnllilude  iniioinhrnhlc  de  personnes  de   toute 

nulion Il  assure  la   môme    chose   d.uis 

son  livre  des  Téinoigriayea.  (Uuinart,  Disc, 
prélirn.) 

(iA M ALIEL,  docteur   de    la   loi,   disciple 


secret  de  Jésus-Christ  et  maître  de  saint 
Paul.  Plusieurs  de  ses  biographes,  notam- 
ment Chaudon  et  Delandine,  disent,  h  pro- 
pos de  ce  fait  :  «  maître,  à  ce  qu'on  croit,  (le 
saint  Paul.  »  Nous  sommes  étonné  que  des 
hommes  érudits  aient  écrit  un  semblable 
doute,  en  présence  du  texte  formel  des 
Actes  des  apôtres  (chap.  xxii,  v.  3;,  où  saint 
Paul  adirme  positivement  qu'il  a  été  disciple 
de  Gamaliel.  «  Je  suis  juif,  né  à  Tarse  en 
Cilicie.  Jai  été  élevé  dans  cette  ville,  aux 
pieds  de  Camaliel,  dans  la  vérité  de  la  loi 
de  nos  pères.  » 

Dans  une  assemblée  du  Sanhédrin,  où  on 
voulait  faire  mourir  les  apôtres  et  not  «m- 
raenl  saint  Pierre,  Camaliel  prononça  en  fa- 
veurdes  accusés  le  discours  suivautqui  chan- 
gea les  dispositions  de  l'assemblée.  «  Hommes 
d'Israël,  soyez  attentifs  à  ce  que  vous  avozà 
faire  envers  ces  hommes  ;  car  il  y  a  peu  de 
temps  que  Théodas  se  leva,  se  disant  un 
personnage,  et  environ  quatre  cents  hommes 
s'unii-ent  à  lui;  et  il  a  été  tué,  et  tous  ceux 
qui  avaient  cru  en  lui  ont  été  dissi[)és  et  dé- 
truits. Après  lui  se  leva  Judas,  Galiléen, 
aux  jours  du  dénombrement,  et  il  attira  une 
grande  multitude  après  lui  ;  et  celui-là  aussi 
a  péri,  et  tousceux  qui  avaient  cru  en  lui  ont 
été  dispersés.  Et  maintenant  donc  je  vous 
dis:  Eloignez-vous  de  ces  hommes,  et  lais- 
sez-les partir,  car  si  cette  entreprise  ou  cette 
œuvre  est  des  hommes,  elle  sera  détruite. 
Mais  si  elle  est  de  Dieu,  vous  ne  [)0uve/  la 
détruire,  sans  vous  exposer  à  combattre 
contre  Dieu.  »  (Act.,  chap.  v,  vers.  35  à  40.) 

Nous  ap[)rcnons  par  l'histoire  de  la  révé- 
lation des  reliques  de  saint  Etienne  [Luciani 
presbyteri  epislolu  de  inventione  S.  Stephaniy 
apud  Augustinum  in  appendice  tomi  X Lova- 
niensiurii,  Bénédictin.  Vil),  qu'après  que  ce 
saint  diacre  eut  été  martyrisé,  (îamaliel  en- 
gagea les  chrétiens  à  aller  la  nuit  enlever 
son  corps,  leur  donna  son  chariot  pour  le 
conduire  dans  une  terre  qu'il  possédait  <i  six 
ou  sej)t  lieues  de  Jérusalem,  nommée  de  j 
son  nom  Caphargamala  (1),  fournit  les  frais,  1 
qui  étaient  giands,  pour  lui  faire  rendre  les 
honneurs  de  la  sépulture. 

Ce  fut  à  sa  considération  que  les  Juifs, 
quelque  tempsaprès  la  moi't  de  saint  Etunme, 
se  contentèrent  de  battre  de  verges  Nico- 
dème,  son  neveu,  au  lieu  de  le  faiie  mourir. 
Il  lit  enterrei'  ce  même  N.codème  au|»rès  de 
saint  Ktienne.  L'Iiislo.retjue  nous  avons  citée 
plus  haut  nousajiprtnid  que  Cam/diel  l'cçutle 
Ija|)tôme  des  uuuns  des  disciples  de  Jesus- 
Christ.  Keli.é  dans  ses  terres  il  y  mourut 
avancé  en  Age.  Le  Talmud  nous  dit  que  ce 
lut  Onkélos,  surnouimé  le  Prosélyte,  fameux 
rabbin  du  j)reinier  siècle,  qui  prit  soin  do 
ses  funéi-ailles,  et  (jui  [)our  les  rendre    plus 

(I)  Oii  peut  Iraiiiiiir  ainsi  ce  mol  lichrcii  :  Dési- 
reux de  recevoir  lex  rt'cumi)eiises  du  Seiipwitr.  11  csl 
piMiiiis  (lo  sii|)|)os('r  (iiic  (iainalitl,  (jiii  cl;iil  phari- 
sien, avail  pris  ce  nom  par  oppo>,iii()ii  aux  Sadu- 
ci  (^iis,  qui  lU!  »royait:iil  pas  aii\  nt  tmipciises  de  la 
vie  rmuro,  v.l  pour  l)icu  établir  qu'il  ne  purlageail 
pas  leurs  croyances. 


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GAU 


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inagniliqnos,  y  brûla  pour  plus  de  20,000  IV. 
do  tuonhlcs.  (Voi/.  Nicodkmk.j 

(iANdUKS,  ville  du  Paphlii;40nii;  ,  est  ci';- 
li^hrc  par  le  martyre  do  sainl  (]alliiii(pie,  (pii 
lui  Ibuotlé  avec  des  verges  d((IVr,  livré  ;t  di- 
vers .uities  supplices,  etenliujelé  dans  mie 
ibiMiiaise  ardeuleoù  il  rendit  sonàmeà  Dieu. 

(lAM Il»  d'un  lieu  siliié  (Ml  N():in;nidi(\ 

sur  les  bords  di'  la  rivière  de  l'Kpli;,  où  l'uretit 
en  terrés,  SI  )iisrein|)ii'e  de  l)i()(lélieîi,le.s  saillis 
Nieaise,  Ouirin,  Scuhieule  fl  saiuU-  Pianeie. 

(ÎAP,  chef-lieu  du  déparlenicnl  des  llaiiles- 
Alpes,  célèbre  par  les  soullVances  (pi'y  en- 
dura sonévé(]U(\  saintCouslaiitin,  pour  avoir 
confessé  Jésus-Cdirist. 

CiAUDON,  religieuse  du  Sainl-Sacronienl 
h  Bi»lè:ie,  fut  guillotinée  le  IG  juillet  179'i.  à 
Orange,  avec  les  sœurs  Justainon,  ursulines 
converses  ^  IVrne,  M.rie  Decqui,  religieuse 
du  Saint-Sac  enieiit  à  IJolè'ie,  MarieLage, 
ursuli'ie?!  Ho  èiie,  Jeaiini-Uoussilloi  et.Madu- 
ieino  I)ornili''>e  de  Jiist;uiioii,  ilu  niéiiie  ordre. 

("lAllMKIl  (le  bienlieuicux  Cuaui.ks),  niis- 
sio-mairedc  la  compagnie  de  Jésus,  soullVit 
le  martyre  au  mo  s  de  décembre  lG'i9,  dans 
le  Nonvciu-.Monde.  Les  Iro(|uois  ,  s'éiant 
précipités  sur  la  bourgade  de  Sainl-Jem, 
dont  noire  bienheureux  était  i)aste;ir ,  le 
P.  Ciarnier,  loin  de  prendre  la  fuite,  resta  au 
miiieu  de  Si  s  chers  néophytes,  et  les  encou- 
ragea fi  bi(Mi  mourir.  liièntùt,  atteint  d'un 
coup  de  fiisii,  il  tomba  au  milieu  de  la  mêlée 
et  fut  dépouilb'.  il  n'était  pas  mort  encore. 
Ayant  aperçu  un  Huron  qui  était  blessé  mor- 
tellement, il  se  traîna  à  lui  atin  de  l'absoudre. 
Un  Iroquois,  furieux  à  cette  vue ,  lui  asséna 
un  coup  de  hache  dans  le  ventre,  et  le  Père 
tomba  frappé  h  mort. 

GAKKKÂU  (le  bienheureux),  missionnaire 
jésuite,  accompagnait  une  bande  de  Hurons 
qui  s'étaient  réfugiés  à  Québec,  poursuivis 
par  les  Iroquois  ,  et  (|ui  retournaient  alors 
chez  eux.  Les  Agniés  ayant  attaqué  cette 
bande,  le  P.  (iarreau  fut  frappé  mortellement. 
Son  marlvre  arriva  vers  l'année  1630. 

(iASPAKD  DE  L'ASSOMPTION  (le  bien- 
heureux), dominicain,  se  rendait  du  Hengale 
à  (îoa  lorsc|u'il  fut  massacré  dans  le  Malabar 
en  1397.  (Fonlaiia,  Monumenta  Dominicana.) 

GASPARD  DE  SA  (le  bienheurcuTv),  Por- 
tugais, cueillit  la  palme  du  maityre  dans  la 
traversée  du  Bengale  à  (ioa,  où  il  alla  t  re- 
cruter queltpics  missionnai.  es.  AyaU  vou- 
lu convertir  un  d  sidoldtrcs  qui  voyageaient 
sur  le  méaie  vaisseau,  il  en  reçut  un  couj) 
de  lance  moitel.  Sou  martyre  arr  va  en  1()03. 
D'autres  piélendi-nl  qu'ayant  quitté  le  Ben- 
gale pour  l'île  Solor,  et  se  rendant  de  celte 
dernière  mission  à  Goa,  il  fut  capturé  par 
des  mahoiiiélans  du  royaume  d'Achein  , 
dansl'ile  Sumatra,  el  massacré  avec  le  P.  Em- 
manuel de  Lambuana. 

GAUDENCE  (snint),  évêque  de  Bresce  et 
confesseur,  disciple  de  saint  Pliilastre  (|u'il 
DOinme  son  père,  était  en  Orient  lorsque  ce 
saint  mourut.  Tout  le  peuple  et  le  clergé  de 
Bresce  le  demanilèient  pour  évoque.  Les 
évéques  de  la  province  s'assemblèrent  sous 
saint  Ambroise,  leur  métropolitain,  et  con- 


linnèrent  l'élection.  On  écrivit  h  Gaudence, 
qui  élail  alors  en  C.ippadoce,  pour  l'invilei- 
à  revenir  proiii|»teiii(nil.  Il  ne  céda  qu'à  la 
crainte  de  l'excommiiMicalion  dont  on  le 
menaça  s'il  refusait  d'obéir.  Saint  Ambro  se 
lesacia  vei\s  l'an  387.  La  vilh;  do  Bresce  (mjI 
h  s'applaudir  de  son  choix.  Le  sainl  évéïiuo 
s'y  montra  constamment  di,ne  do  la  liante 
fonction  à  lacpielle  on  l'avait  élevé.  Noms 
avons  do  lui  dix-sept  discoinvs  (pii  ont  été 
conservés  parce  qu'un  seigneur  (jiii  habitait 
Bresce  el  qni  avait  été  i)aiini  jiar  l'impéra- 
trice Justine,  ne  [louvanl  pas  se  rendre  aux 
saints  ollices,  avait  jnié  le  saint  de  lui  trans- 
crire ses  discours.  Ce  seigneur  était  Béné- 
vole, qui  refusa  si  gé!iér(ni.>>einenl  do  rédiger 
})ourJustine  u  leloi  cpii  forc.U  les  catholicpies 
d(!  suivre  le  concile  de  Bimini.  f  Voij.  saint 
Amhhoisk.)  Tiois  autres  discours,  dont  le 
dernier  est  un  |)anégyri(pie  de  >ainl  Phdas- 
Ire,  ont  été  conservés  avec  ces  dix-sont. 
Saint  Gaudence  fut  un  des  déimtés  que  le 
concile  de  Boine  tenu  en  /i03,  et  l'empereur 
Honorius,  envoyèrent  en  Orient,  jionr  dô- 
fendro  la  cause  de  sauit  Chrysostome  devant 
Arcade.  «  Cette  dé.nilalion  n'eut  pas  le  suc- 
cès qu'on  espérait.  Ceux  qui  la  (  ornposaient, 
furent  mis  en  prison  dans  la  Thr.ice.  On  les 
élargit  (|uel(|ue  temps  après  et  on  les  lit  cni- 
barcpici' sur  un  vasseau  tout  pourri.  »  ((io- 
descard,  vol.  XV,  p.  77.)  La  mort  qu'on  vou- 
la.t  leur  faire  trouver  en  celle  rencontie  no 
les  atie  gnt  pas;  aucun  d'eux  ne  périt.  Saint 
Gaudence  mourut  vers  Tan  4-20;  sa  fôte  est 
marquée  au  Martyrologe  l'omain  à  la  date 
du  25  octobre. 

GAUDENCE  (saint),  évoque  et  confesseur, 
soulfritpoiir  la  foi  à  Novare.  Nous  n'avons 
aucun  détail  sur  lui.  L'Eglise  fait  sa  mémoire 
le  22  janvier. 

GAUDENCE  saint),  évôqueetmartyr,  reçut 
la  co  ronne  des  glorieux  combattants  de  la 
foi  à  Bimini.  Les  Actes  ih^s  martyrs  ne  nous 
ont  conservé  aucun  détail  rela.iï"  à  l'époque 
et  aux  (lilférentos  circonstances  de  son  com- 
bat. L'Eglise  fait  sa  méfiioire  le  U  octobre. 

GAUDENCE  (sainl),  évèque  et  conf-sseur, 
soulfnt  poui'  la  foi  dans  la  ville  de  Vérone. 
Les  détails  nous  manquent  sur  lui.  L'Eglise 
fait  sa  mémoire  le  12  février. 

(iAlJDENCE  (sainte),  vierge  et  martyre, 
reçut  la  couronne  du  martyre  à  Rome  avec 
trois  auties  saints  coii!b;U;ants.  Les  dctails 
nous  manquent  complét(Mnent.  L'Eglise  fait 
leur  sainte  mémoire  le  30  août. 

GAUDENTIUS  (saint).  Les  Martyrologes 
ne  mentionnent  pas  le  s.rint  dont  nous  par- 
lons ici.  Martyrisé  sous  le  règne  de  Vespa 
sien,  il  est  res'té  dans  l'oubli  des  catacombes 
de  Boine,  comme  tant  d'autres  sair.ts  dont 
Thistuire  ne  nous  a  pas  g  rdé  les  noms  : 
cohorte  sainte,  dont  la  gloire  brille  aux 
c:eux,  et  dont  les  reliques  ignorées  surgi- 
ro  '.),  au  dernier  jour,  du  miiieu  des  tom- 
beaux, environnées  d-  la  brillante  auréole 
qtii  ceint  le  froid  des  martyrs.  L'invention 
des  reliques  de  saint  Gaudentius  appartient 
au  savant  qui  a  consigné  dans  un  ouvrage 
précieux  le  fruit  de  ses  recherches  [Roma 


1071 


GEL 


GEN 


1072 


soterran.,  1.  m,  c.  22).  Cet  ouvraye  décrit  les 
monuments  de  Rome  souterraine.  Sur  un 
tombeau  a  ùté  trouvée  une  inscription  dont 
nous  donnons  la  traduction.  C'est  du  Clirisl 
que  tu  tiens  toutes  choses,  et  tu  fais  mourir 
Gaudentius  ;  c'est  ainsi,  cruel  Vespasicn,  (/ue 
tu  fais  voir  ta  reconnaissance  !  Mais  le  Christ 
lui  a  gardé  une  autre  place  au  ciel.  Sans 
doute  ,  ce  document  est  peu  de  chose 
comme  document  ;  n)ais  c'est  assez  pour  l'E- 
glise, c'est  assez  pour  la  foi.  Celte  inscrip- 
tion si  courte  [)eruiet  à  peine  d'écrire  une 
pa^.;e  d'histoire,  mais  elle  nous  révèle  un 
saint.  (Voy.  Vespasien.) 

GAUi-)IOSE  (saint),  évoque  et  confesseur, 
reçut  la  couronne  du  martyre  à  Bresce,  d.ms 
des  circonstances  qui  nous  sont  complète- 
ment inconnues.  Nous  ignorons  même  l'é- 
poque  de  ses  soiitfrances.  L'Eji,lise  fait  sa 
niémoire  le  7  mars. 

GAZA,  ville  de  Palestine,  oiî  saint  ïimo- 
thée  fut  hrùlé  à  petit  feu,  en  l'an  30V,  par 
ordre  du  gouverneur  Urbain.  Sous  Julien 
l'Apostat,  les  habitants  païens  de  cette  ville 
se  saisirent  de  trois  frères  nommés  Eusèbo, 
Nestable  et  Zenon,  et  l.'S  ayant  jetés  en  pri- 
son, leur  firent  souffrir  divers  supplices. 
Durant  qu'à  l'amphithéâtre,  la  populace  as- 
sistait aux  jeux  publics,  quelques  person- 
nes se  mirent  à  crier  que  le  peuple  devait 
lui-même  se  faire  justice  et  punir  ces  indi- 
gnes sacrilèges.  Alors  le  peuple,  c'est-à-dire 
l'ignoble  populace,  cette  lie  qui  prend  par- 
tout le  nom  sacré  de  peuple,  pour  com- 
mettre ses  turpitudes,  ses  horreurs,  se  pré- 
cipita sur  les  prisons,  brisa  les  portes,  en 
arracha  les  saints  martyrs,  et  les  traîna  par 
les  rues,  en  les  frappant  de  la  manière  la 
plus  cruelle  et  la  plus  outrageuse.  Quand 
cette  populace  cul  fciit  mourir  les  trois 
saints  sous  ses  coups  ,  elle  les  traîna  au 
lieu  où  on  jetait  les  hôtes  mortes,  et  là,  les 
brAla  avec  des  ossements  d'animaux,  de 
peur  que  les  chrétiens  ne  s'emparassent  de 
leurs  reliques.  Certes,  si  Julien  avait  élé 
aussi  bon  administrateur  qu'on  le  prétend, 
ae  telles  horreurs  ne  se  seraient  pas  com- 
mises sous  son  règne. 

GÉLASE  (saint),  martyr,  donna  son  sang 
pour  Jésus-Christ  àFossombroiie.  Il  eut  pour 
com[)agnon  de  son  martyre,  dont  on  ignore 
la  date  et  les  dilférenles  circonstances,  les 
saints  Aquilin,  Géminé,  Magne  et  Donat.  L'E- 
gli-e  célcbic  leur  gloi-icuse  fête  le  k  février. 
(if:)LASE  (saintj,  martyr,  eut  la  gloire  de 
mourir  [)0ur  Jésus-Christ,  en  Crète,  dans  la 
ville  de  (iortyne,  sous  le  règiu)  de  J)èce, 
durant  la  jie.sécution  si  leirible  que  ce 
prince  féroce  alluma  contre  l'Eglise.  11  fut 
décapilé  après  avoir  soulIVrt  d'horribles 
lourrrumls.  Sa  fête  arrive  le  2."]  décembi-e. 
Saint  (iélase  est  lun  des  dix  Maiityiis  dk 
Crktk  {Voy.  cet  article). 

GÏiiLASlN  (saiiilj,  martyr,  mourut  pour  la 
fui  chrétienne,  à  IIélio[)f)lis  en  Phéincie,  en 
l'année  2'J7,  S(ms  l'empire  de  Dioclétien.  Il 
était  comédifMi,  (•!  représentait  uiu;  scène  où 
on  sf»  inucpiail  des  cnréliei:s.  Il  élait  revêtu 
d'un  habii  lilanc  On  h;  |i|((ii,;f,T  r'i)liê|(!iii'Mit 


dans  une  cuve  remplie  d'eau  tiède.  Aussitôt 
il  s'écria  qu'il  était  chrétien  et  qu'il  voulait 
mourir  pour  la  religion  de  Jésus-Christ.  Les 
l)aïens  qui  assistaient  à  la  représentation 
montèrent  sur  le  théâtre,  et  lapidèrent  Gé!a- 
sin.  Sa  fête  est  célébrée  chiz  les  Grecs  le 
27  février.  Ils  atlirment  qu'il  ne  fut  pas  la- 
pidé, nlai^  qu'il  eut  la  tête  tranchée. 

GELDUBE,  ville  d'Afrique,  où  saint  Jules 
soutiVil  la  moi't  pour  la  foi. 

GÉMEL  (saint),  reçut  la  glorieuse  palme 
du  martyre,  à  Ancyre  en  Galatie.  Ajirès  avoir 
souffert  de  cruelh's  tortures  sous  Julien  l'A- 
jiostat,  il  accomplit  sou  martyre  par  le  sup- 
plice de  la  croix.  L'Eglise  lionore  sa  mé- 
moire le  10  décembre. 

(iÉMINE  (saint),  l'un  des  quarante-huit 
martyrs  d^  Lyon,  fut  décapité  dans  cette 
ville,  en  l'an  177  de  Jésus-Christ,  sous  l'em- 
pire de  ?uarc-Aurèle.  Ce  fut  eu  (jualit'  do 
citoyen  romain,  qu'il  ne  f  .t  pas  exposé  aux 
bêles  féroces  dans  l'amphit'iéàtre,  comme  le 
furent  [ilusieurs  autres  de  ces  saints  mar- 
tyi's.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  à  tous 
aven^celle  de  saint  Pothin,  le  2  juin. 

GÉMINÉ  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
donner  son  sang  pour  la  re'ig'on  à  Fossom- 
brone,  avec  les  saints  Aquilin,  Gélase,  Ma- 
gne et  Donat.  Le  Martyrologe  romain  ne 
donne  aucun  détail  sur  leurs  soutfrances,  et 
ne  dit  point  à  quelle  époque  eut  lieu  leur 
martyre.  L'Eglise  célèbre  la  mémoire  de  ces 
illustres  martyrs  le  4  février. 
>  GÉMINÉ  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la 
foi,  en  Afrique.  11  eut  ()our  compagnons  de 
son  martyre,  les  saints  Aquilin,  Eugène, 
Martien,  Quinctus,  Théodote  et  Triphon. 
L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  k  janvier. 
GÉMINIEN  (saint),  l'un  d.s  quarante-huit 
martyrs  de  Lyon  sous  l'empire  de  Marc- 
Aurèle,  donna  sa  vie  pour  la  foi,  en  l'année 
177.  Il  mourut  en  prison,  n'ayant  pu  sup- 
porter jusqu'à  la  fin  la  violence  des  tour- 
ments auxquels  les  persécu'ours  le  condam- 
naient. Dieu  l'appela  à  1  ■!  comme  saint  Po- 
thinet  une  multitude  d'au: tes.  L'Eglise  fait 
la  fête  de  tous  ces  glorieux  martyrs  le  2  juin. 
GÉMINIKN  (saint),  souffrit  le  martyre  à 
Rome  sous  l'empereur  Dioclétien-  11  fut 
martyrisé  avec  une  femme  de  (qualité,  nom- 
mée Lucie.  A|)rès  avoir  souffert  avec  un 
courage  héroïque;  de  longues  et  rigoureu- 
ses tortures,  ils  |)éiirent  par  le  glaive.  L'E- 
glise fait  leur  fête  le  1(5  septembi-e. 

(JÉNÉRAL  (sainlj,  souffrit  le  martyre  on 
Afi'i(pie,  en  l'hoiiueur  (hi  sa  foi  et  pour  la  dé- 
f(;nse  (le  la  religion  chrétienne,  lient  pourcom- 
j)aguon^desonmartyre,lessainlsCi'escenlien, 
Vicloret  Rosii'e.  Nousmanquonsdedélailssur 
répo([ue  précise  et  les  différentes  circon- 
stances d<;  leur  triomphe.  L'Eglise  fait  col- 
lectivement leur  nu'MUoirti  le  14  septembre. 
(iÉNÉRKUX  (saint),  reçut  la  pahue  des 
gloriiHJX  cond)attantsde  la  foi  à  Tivoli.  Nous 
ignorons  complètement  à  quelle  époque  et 
dans  qmdles  ciiconstances.  L'Eglise  fait  sa 
mémoii-e  le  11»  juillet. 

(il^NKS  (sainte  eut   la  gloire  de  mourir 
pour  1.1  l'-i  <lir('honne.  par  um^  faveur  toute 


107:. 


GEN 


t;E?< 


1074 


spéciale  de  Jésus-ChrisK  qui  en  le  conver- 
tissant nuiaculciiseiuent,  voulut  uionirorsu 
puissance.  Ses  Actes  sont  beaux  et  aul lien- 
tiques  :  nous  ne  saurions  donner  ici  une 
meilleure  histoire  de  saint  (lenès.  L'Kgliso 
ruinaine  lait  sa  fôle  le  25  et  le  2ti  «oût. 

(ienès  (Hait  comédien  h  Uoine,  dans  la 
troupe  des  comédiens  de  Touqx'reur.  11  ex- 
cellait dans  sou  art.  Lorsqu'il  chantait  sur  le 
théâtre,  il  charmait  par  la  beauté  et  l'éten- 
due de  sa  voix  ;  et  lorsqu'il  jouait  ses  rôles, 
il  représentait  avec  une  naïveté  qui  surpre- 
nait :  rien  n'est  [)lus  naturel  ni  {)lus  ressem- 
blant que  les  co;)ies  qu'il  faisait  des  mœurs 
des  houHuos,  et  surtout  du  ridicule  ()ui  se 
rencontre  dans  la  p!u,);irt  de  leurs  actions. 
Dioclétien  élan!  un  jour  h  la  comédie,  (îcuès, 
qui  savait  qiu^  ce  |)rinco  haïssait  niortelle- 
niont  les  chrétiens,  crut  qu'une  pièce  où 
l'on  jouerait  les  mystères  de  leur  religion 
lui  plairait  uniniinent.  11  parut  donc  dans 
un  lit.  Oue  je  suis  malade,  mes  amis,  s'é- 
cria-t-il,  je  vais  mourir; je  sens  sur  l'estomac 
une  pesanteur  eifroyable,  ne  peut-on  point 
nie  l'oler,  et  me  rendre  plus  léger  ?  Ceux  qui 
étaient  autour  de  son  lit  disaient  :  Que  veux- 
tu  qu'on  te  fasse,  et  comment  te  rendre  plus 
léger?  sommes-nous  charpentiers  ou  menui- 
siers, et  v('ux-tu  qu'on  te  passe  au  rabot? 
Ces  f.ides  boullonneries  faisaient  rire  le  peu- 
ple. Vous  n'y  entendez  rien,  répondit  Genès, 
et  ce  n'est  pas  cela  que  je  demande  ;  comme 
je  sens  bien  ()ue  ma  fin  s'approche,  je  veux 
du  moins  mourir  chrétien.  Et  pourquoi  ?  lui 
répliquèrent  les  autres  acteut^s.  C'est,  repar- 
tit Geuès,  atîn  qu'à  ma  mort  Dieu  me  reçoive 
dans  son  paradis  comme  un.  déserteur  du 
parti  de  vos  dieux. 

On  feignit  donc  d'aller  chercher  un  prêtre 
et  un  exorciste  ;  et  deux  comédiens  représen- 
tant le  personnage  de  ces  deux  ministres  de 
l'Eglise,  s'étant  mis  au  chevet  du  ht  de  ce 
prétendu  malade,  lui  dirent  :  Que  voulez- 
vous  de  nous,  mon  fds,  et  pourquoi  nous 
avez-vous  fait  venir?  Alors  Genès,  changé 
tout  à  cou[>  par  un  eti'et  miraculeux  de  la 
^Tace,  ré;'ondit,  non  plus  par  jeu  ni  par 
leiute,  mais  très-sérieusement  et  de  tout  son 
coB'jr  :  Je  vous  ai  fait  appeler  pour  recevoir 
par  votre  ministère  la  grâce  de  Jésus-Christ, 
afin  que,  prenant  une  nouvelle  naissance 
dans  le  saint  baptême,  je  sois  purifié  de  tous 
mes  péchés  el  déchargé  du  poids  de  mes  ini- 
quités. On  achève  cependant  les  cérémonies 
du  baptême;  on  revêt  le  néophyte  d'une  robe 
blanche  ;  puis  des  soldats,  qui  se  disent  en- 
voyés par  le  préfet  de  Rome,  se  saisissent 
de  lai,  f.ignant  de  le  maltraiter,  et  le  mènent 
à  l'empereur  qui  riait  de  toute  sa  force,  en 
voyant  exécuter  d'une  manière  si  naïve  ce 
qui  se  passait  d'ordinaire  à  l'enlèvement  des 
saints  martyrs.  Pour  continuer  le  jeu,  Dio- 
clétien, faisant  semulanl  d'être  fort  en  colère , 
lui  demanda  s'il  était  vrai  qu'il  fût  chrétien. 
A  quoi  Genès  répondit  en  ces  propres  ter- 
mes :  Seigneur,  et  vous  grands  de  l'empire, 
olliciers  de  la  maison  du  prince,  courtisans 
et  citoyens,  soyez  attentifs  à  mes  paroles. 
J'avais  conçu  une  si    grande  horreur  des 


chrétiens,  que  leur  rencontre  était  toujours 
un  funeste  présage  pour  moi  :  leur  nom  m'é- 
tait devenu  si  odieux,  que  je  ne  pouvais 
m'euq)êcher  do  frémir  h  l'entendre  seule- 
nnnil  piononcer  ;  et  je  i)renais  un  exMême 
])laisir  à  aller  insulter  jusqu'au  milieu  des 
touiinents  ceux  qui  doimaient  hnir  vie  pour 
la  défense  de  ce  nom.  Cette  injuste  aversion 
allait  si  loin,  et  m'inspirait  des  sentiments 
si  peu  raisonnables,  que  je  ne  pouvais  souf- 
frir ceux  à  qui  le  sang  el  la  nature  m'unis- 
saient, non  pas  même  ceux  à  (|ui  je  dois  la 
naissance.  C'était  assez,  pour  moi  qu'ils  fus- 
sent chrétiens,  pour  devenir  l'objet  de  toute 
ma  hain(^;  leurs  plus  saints  mystères  ne  me 
semblaient  pas  moins  dignes  de  risée  que 
leurs  personnes  de  mépris.  C'est  ce  qui  m'a- 
vait fait  étudier  avec  soin  leurs  cérémo.ues, 
et  les  différentes  pratiques  de  leur  religion, 
pour  les  tourner  en  ridicule  et  en  compo- 
ser des  pièces  comiques  ciui  pussent  vous 
divertir.  Mais ,  ô  merveille  surprenante  ! 
dès  le  moment  où.  l'eau  du  bantême  a  eu 
touché  mon  corps,  et  que  sur  la  demande 
qu'on  m'a  faite,  si  je  croyais,  j'ai  répondu  : 
Je  crois;  dans  cemoment-ih,dis-je,j"ai  aperçu 
une  troupe  d'anges  tout  éclatants  de  lumière, 
qui,  descendant  du  ciel,  se  sont  arrêtés  au- 
tour de  moi  ;  ils  lisaient  dans  un  livre  tous 
les  péchés  que  j'ai  commis  depuis  l'enfarice; 
et  ils  ont  ensuite  plongé  ce  livre  dans  l'eau 
des  fonts  où  j'étais  encore  ;  puis  l'ayant  re- 
tiré, ils  m'en  ont  fait  voir  les  feuillets  aussi 
blancs  que  la  neige,  sans  qu'il  parût  qu'il  y 
eût  eu  jamais  rien  d'écrit.  Vous  donc,  ô  em- 
pereur, et  vous,  Romains  qui  m'écoutez  ; 
vous  qui  tant  de  fois  avez  applaudi  aux  pro- 
fanations que  j'ai  faites  de  ces  sacrés  mystè- 
res, commencez  à  les  révérer  aujourd'hui 
avec  moi  ;  croyez  que  Jésus-Christ  est  le  vrai 
Dieu  ;  qu'il  est  la  lumière,  la  vérité,  la  bonté 
même;  par  lui  vous  pouvez  espérer  le  par- 
don de  vos  péchés. 

Dioclétien,  tout  bouillant  de  colère  et  de 
dé[)it,  le  livra  à  Plautien,  préfet  du  prétoire, 
après  lui  avoir  fait  rompre  plusieurs  bâtons 
sur  le  corps.  Plautien,  l'ayant  en  vain  voulu 
contraindre  de  sacrifier  aux  dieux,  lui  fit 
déchirer  et  brûler  les  côtés.  Pendant  qu'on 
le  tourmentait,  il  ne  cessait  de  redire  :  Il 
n'y  a  point  d'autre  souve.ain  Seigneur  du 
monde  que  celui  que  j'ai  eu  le  bonheur  de 
voir.  Je  l'adore,  je  le  reconnais  pour  mon 
Dieu;  et  quand  on  me  ferait  mourir  mille 
fois  pour  Jui,  je  mourrais  mille  f o  s  avec 
joie.  Les  tourments  ne  pourront  jamais  m'ô- 
ter  Jésus  du  cœur  ;  ils  ne  oourront  jamais 
m'ôter  son  saint  nom  de  la  bouche.  Que 
j'aide  regret  de  l'avoir  connu  si  tard  1  que 
mes  erreurs  passées  me  causent  de  douleur  I 
faut-il  que  j'aie  blasphémé  si  longtemps  ce 
nom  adorable  I  comment  ai-je  pu  avoir  tant 
d'horreur  pour  les  chrétiens,  moi  qui  mets 
maintenant  tout  mon  bonheur  à  mourir 
chrétien  1  Entîn  Plautien  lui  fit  couper  la 
tête,  le  huitième  des  calendes  de  septembre. 
(Ruinait.) 

GENÈS  ou  Gêniez,  grefSer  à  Arles,  reçut 
la  couronne  du  martyre  :  on  ignore  en  quelle 


I07S 


GKy 


GEN 


1676 


année.  L'Eglise  célèbre  sa  fête  le  26  août. 
Nous  donnons  ici  le  récit  de  son  martyre 
d'après  l'évoque  Paulin. 

Saint  Genès,  que  la  ville  d'Arles  recon- 
naît pour  son  lils  et  révère  comme  son  père, 
poria  les  armos  dais  sa  jeunesse  ;  ensuite  il 
étudia  avec  beaucoup  d'applicalion,  et  exerça 
avec  un  granii  succès  cet  art  si  utile,  qui 
sait  peindre  d'un  seul  trait  la  voi\  sur  le 
papier,  qui  par  la  vitesse  do  la  main,  égale 
la  ra|)i  lité  du  iliscours  d'un  orateur,  et  qui 
rend  mot  pour  mot,  avec  des  notes  abrégées, 
les  |)laidoyprs  des  avocats  ,  les  dépos.tions 
des  témoins  et  les  réponses  des  accusés. 
Ma'S  on  ])eut  dire  que  cet  ai't  fut  en  lui 
coiume  une  ligure  ou  plitM  conmic  u'i  pré- 
sage de  la  gloire  éternelle;  qu'il  possède  au- 
jourdliui,  et  qu'il  a  méritée  en  écoutant 
avec  attention  les  préceptes  du  Seigneur,  et 
en  les  écrivant  aussitôt,  et  av"c  une  exacti- 
tude extrême,  sur  les  tables  de  son  c.eur. 
Or,  il  arriva  un  jour  que  faisant,  en  présence 
du  juge  d'Arles,  sa  fonction  de  grellier,  on 
vint  à  lire  un  éditim[);e  et  sacrilège,  que  les 
empereurs  fiisaicit  publier  pnr  toutes  les 
provinces.  Les  oreilles  du  pieuv  greffier  en 
furent  blessées,  et  s;i  moin  refusa  de  les  im- 
primer sur  la  cire.  Il  lit  plus;  il  se  leva,  jeta 
ses  registres  aux  pieds  du  j>igo,  et  renonça 
pour  toujours  à  un  si  triste  ministère.  Mais 
en  môme  temps,  pour  obéir  à  l'Kvangile,  qui 
permet  et  qui  ordonne  même  d'éviter  le  pre- 
mier choc  de  la  persécution ,  il  se  déroba 
prompteinenlàlafureurdujuge,  en  changeant 
souvent  do  retraite  et  en  fuyant  de  ville  en 
ville.  L'ordre  aussitôt  est  donné  de  le  cher- 
cher et  de  le  prendre.  Mais  comme  il  n'est 
pas  facile  de  découvrir  le  lieu  où  il  se  ca- 
che. On  ordonne  qu'en  quelque  endroit  qu'on 
le  trouve,  il  soit  sur  l'heure  mis  à  mort. 
Genès  apprenant  la  chose,  soit  par  le  bruit 
commun,  soit  [>ar  des  messages  secrets  (jui 
lui  étaient  envoyés  par  ses  amis,  prend  de 
nouvelles  précautions  pour  se  tenir  h  cou- 
vert, l'esprit  en  celte  rencontre  s'accommo- 
danl  h  la  faiblesse  de  la  chair.  Cependant, 
comme  il  croyait  avoir  besoin  d'être  fortifié 
dans  la  foi  par  le  baptême,  car  il  n'avait  pas 
encore  été  régénéré  dans  l'eau  et  par  le 
Saint-Esprit,  il  le,  fit  demander  l\  l'évôtpie 
par  qiiehpies  personnes  allidées  ;  mais  soit 
que  sur  ces  enlrelaiies  l'évêipie  eût  été  ar- 
rêté lui-même,  soit  (pie  se  défiant  de  la  jimi- 
nesse  de  Genès,  il  ne  voulut  pas  hasard(;r  le 
sacrement;  (juoi  qu'il  en  ■)OiL,  il  dillV-ra  dti  le 
lui  conférer;  il  lui  manda  seuleimMJt  (pje 
SOI  sang  répandu  pour  Jésus-Cluist  lui 
tiendrait  lieu  du  ba()tème  (pi'd  avait  si  ar- 
dennncnl  souhaité  (le  re.  cvoir.  l'A  j'e^lin)e, 
po'ir  moi,  (jne  c>;  nr;  lut  pas  sans  utie  dispo- 
sition [)  irticulière  de  la  IMovid.ime,  (ju(!  l'é- 
voque fil  (pielque  diflicullé  d(?  le  ba  liser. 
C'est  sans  doute  ipie  e  ciel  voidul  avoir  lui 
seul  [jarl  h  sa  consécration,  r;l  qu<5  Jésus- 
Glirist  lui  préparait  ut  double  biptême,  ee- 
lui  de  l'eau  et  celui  du  sang,  l'un  et  1  autre 
sortis  du  côté  de  cc-  divin  Sauveur. 

En  ell'el,  l)i(;u   péui'tranl  dans  hfs  disposi- 
tions du  cuiur  do  celui  qui  devait  être  bien- 


tôt martyr,  ne  put  consentir  à  différer  plus 
longtemps  de  le  couronner.  Il  le  montra  donc 
à  ses  bourreaux,  et  il  l'offrit  h  l'épée  de  ceux 
qui  étaient  altérés  de  son  sang.  Genès,  de 
son  côté,  se  vovaiit  découvert,  se  jette  dans 
le  Uhôue,  craignait  beaucoup  moins  la  vio- 
lence de  ce  fleuve  lapide,  (jue  celle  des  hom- 
mes. Mais  les  eaux  resj  ectant  le  saint,  ne 
servirent  qu'à  le  purifier  des  souillures  qu'il 
avait  pu  contracter  dans  le  conuncrce  du 
siècle.  Elles  devinrent  pour  lui  le>  eaux  d'un 
nouveau  Jourdain  ;  (!t  par  un  douljle  mvs- 
tère  qui  s'opéra  alors,  les  eaux  du  Khône 
consacrèrent  le  corps  de  Genès,  et  le  corps 
de  Genès  consacra  réci;»roqueinenl  les  eauv 
du  Uhône.  Ce  fut  aussi  a.pjiaremmenl  ce  qui 
lui  fit  trav(n-S(M'  sans  migin-  cette  impétueuse 
rivière.  Le  même  amour  (pii  lit  marclnn' saint 
Pierre  sur  un  lac,  jioussa  Genès  d'ini  ri- 
vage du  J\hône  à  lantre  :  tous  deux  allaient 
à  Jésus-Christ.  Mais  les  bourreaux  (jui  le 
suivaient  de  près,  passèrent  avec  lui,  et 
l'ayant  atteint  sur  h;  bord  on  il  venait  de 
pren  Ire  terre,  ils  lui  ôtèrent  la  vie  d'un  coup 
d'é|)ée,  au  même  endroit  (pie  Dieu  avait 
marqué  pour  recevoir  le  saiig  de  son  servi- 
teur. On  y  a  depuis  érigé  un  oratoire,  où  les 
fidèles  vont  en  foule  rendre  leur-s  vœux, 
sûr's  d'en  rappor-ler  l'accomplisseriient.  Co- 
peruJanl  l'àme  de  Genès,  vernie  du  ciil,  étant 
séparée  de  son  corps,  remoUe  au  lieu  de 
son  origine,  et  le  corps  f or-mé  de  terre  est 
rendu  à  la  terr-e.  Les  chrétiens  de  ce  temps- 
\h  firent  en  sorte  que  les  deux  villes  bâties 
sur  les  deux  rives  d  i  Ilhone  (1)  partagi-as- 
senl  ce  pr-écieux  trésor,  sans  toutelois  le  di- 
viser. Car-  la  terre  du  lieu  où  le  martyr  avait 
versé  son  sang,  en  conserve  chèr'cment  les 
vestiges,  et  lecoi'ps  liairs;;orté  à  l'autre  borxl 
du  fleuve  hri  sert  d'or'iieruent  et  de  déferrsc. 
Ainsi  le  saint,  f>r"é3ent  en  (piehjue  sorte  en 
deux  lieux,  honore  l'une  (.les  dcirx  villes 
par'  son  cor[)s,  et  l'autre  |)ar  son  sang. 

GENÈS  (saint),  martyr,  cueillir  la  palme 
du  marlyr'e  avec  les  saiils  Anastase,  pr-èlre, 
Placide  et  d'autr'es  que  le  Martyrologe  ro- 
main ne  nomme  point.  C'est  le  11  o>:tobr'e 
que  l'Eglise  honoi-e  la  mérnoir-e  de  ces 
sairrts  martyrs. 

G1:NÈS-CHANS0LLE  (MvniE  m:),  reli- 
gierrse  du  Saiirt-S  icrement  à  Bolen  >,  fut 
guillotinée  le  9  jtrillet  fîOi,  avec  Made- 
leine! Taillen,  l'cligiinrse  du  même  or'd.e, 
Louise  Elusc,  corrverse  au  même  corrvent , 
cl  Eléonore  de  Jnslamon  ,  religieuse  de 
Sai!rl(;-Ca!h(M'iirc  d'Avignon. 

GIvNES,  gr-ande  vdie  des  Etats  Sar'des,  est 
célèbi t!  dans  les  anrrales  de  nos  martyrs  |)ar 
les  southarrces  qu'y  errdur'a  l'évêipre  S;do- 
nron  en  confe>sant  sa  foi.  On  igmne  cm  (piel 
teiirps. 

GI':N(iOEL  (saint),  martyr  en  IJour-gogno, 
est  honor-é  par  l'Eglise  le  il  mai.  Né  au  soin 

(I)  Aiisone  .iiipcilo  doiiltlo  h\  vilfiî  d' A  lies,  et 
f:iil  |>:issiT  le  lUioiic  eiiUr  les  denv  viHes.  l'.nsôbc 
la  pailaxe  aassi  en  tieiix.  el  en  iiiel  ;nis><i  une  par- 
tie s:ir  Une  (les  rives  tlii  Klione.  er  l'aiilie  partie 
sur  l';nUn:  rive. 


1077 

d 

fut  de 


CEll 


GEN 


i078 


.'une  des  plus  illustres  familles  du  pays,  il 
.ut  de  bonne  heure  élevé  dans  la  piété.  A 
celte  époque  l'éducation,  niAnie  celle  des 
gens  riches  et  puissants,  étail  ()eu  soi-née. 
Gengoul  fut  obligé  de  chercher  dans  l'exer- 
cice de  la  chasse  un  remède  contre  l'oisiveté, 
celle  mère,  dit  le  vieux  proverbe,  de  tous  les 
viees.  Il  servit  dans  les  aniié(>s  de  Pépin,  et 
s'v  distingua  par  sa  bravoure.  Partout,  au 
milieu  des  c<iin|)S,  comme  dans  la  vie  du 
monde,  il  garda  la  crainUî  de  Dieu.  Jamais  il 
ne  se  [x^rmit  rien  (pii  fiU  conti'aire  aux 
ni.sximesdu  christianisme,  (longoul  se  ma- 
ria :  il  prit  f  inme  dans  une  famille  dont  la 
splendeur  éiait  égale  h  celle  de  la  sienne, 
mais  cette  femme  noble  et  riche  ne  fut  ni 
spirituelle,  ni  vertueuse.  Elle  se  livra  <i  do 
tels  désordres,  que  son  mari  fut  obligé  de 
demander,  devant  les  tribunaux,  sépai'alion 
de  corps  cl  de  biens,  (lengoul,  débarrassé  de 
celte  feimne  indigne  de  lu  ,  s(>  consacra  tout 
entier  aux  exercices  de  la  pénitence.  Son 
amour  pour  les  malheureux,  pour  les  pau- 
vres ,  ses  frères  en  Jésus-Christ,  était  si 
grand  qu'il  leur  donnait  en  grande  partie 
ses  revenus.  11  vivait  retiré  du  monde,  et 
ne  songeait  peut-être  pas  à  punir  sa  femme 
de  la  conduite  scandaleuse  qu'elle  menait, 
lorsque  celle-ci,  qui  avait  conçu  des  soup- 
çons à  cet  égard,  et  qui  craignait  que  Gen- 
goul ne  sollicitAt  contre  elle  la  sévérité  des 
lois,  le  fit  poignarder  [lar  le  comi)lice  de  ses 
désordres,  le  11  mai  7G0.  Son  corps  fut  en- 
terré à  Avaux  en  Bassigui.  II  est  mainte- 
nant à  Saint-Piene  de  Varennes,  au  diocèse 
de  Langres.  Voici  les  faits  tels  que  les  donne 
l'histoire.  L'Eglise  honore  saint  Gengoul 
comme  martyr.  Nous  devons  nous  incliner 
devant  sa  décisicm  ;  cependant,  lorsque  nous 
voyons  les  plus  éminenis  écrivains  disputer 
à  des  saints  le  titre  de  martyrs  et  ne  vouloir 
leur  accorder  que  celui  de  confesseurs,  parce 
qu'ils  ne  moururent  pas  directement  pour 
la  foi,  quoiqu'ils  eussenf.  souvent  pour  elle 
enduré  de  longs  et  d'affreux  supplices,  le 
baniiisseraont,  la  captivité,  nous  ne  pouvons 
nous  empêcher  de  demander  en  quoi  saint 
Gengoul  fut  martyr.  Il  fut  assassiné  par  l'a- 
mant de  sa  femme  ;  mais  dans  cet  abomina- 
ble assassinat,  la  religion,  la  foi  furent-elles 
en  cause?  évi  lemment  non.  Nous  conce- 
vrions parfaitement  qu'on  Ihonoràt  comme 
saint  à  cause  de  ses  vertus;  nous  avons 
peine  à  concevoir  qu'on  l'honore  comme 
martyr  à  cause  de  sa  mort.  Mais,  encore  une 
fois,  TE  dise  a  i)rononcé,la  cause  est  tinie  et 
nous  nous  soumettons  d'esprit  et  de  cœur, 
encore  [)lus  que  de  paroles.' 

GENIEZ  (saint),  le  môme  que  saint  Genès 
d'Arles.  Voi/.  cet  article. 

GENNADE  (saint),  eut  le  glorieux  avantage 
de  donner  sa  \.e  pour  Jésus-Christ  avec 
saint  Félix.  Nous  ignorons  en  quel  lieu ,  à 
quelle  date  et  dans  quelles  circonstances. 
L'Eglise  fait  leur  fcle  collectivement  le  IG 
mai. 

GENSÉRIC ,  roi  des  Vandales,  était  le 
deuxième  (ils  du  roi  Godégisile  et  succéda  à 
Gundéric  son  frère.  Il  est  célèbre  par  plu- 


sieurs faits  d'armes  bien  connus.  Le  comte 
IJoniface,  gouv(nneur  romain  en  Africiue, 
l'ayant  invité  hU'.  souienir  de  ses  armes uans 
sa  révolte  contr(!  Valeutinien  ,  enq)ereur 
d'Occident,  Geusèric  vint,  l'aid;),  puis  le 
vainijuit  lui-même,  lorscjue,  sur  les  remon- 
trances de  saint  Augustin,  Honil'aee  voulait 
re|)Ousser  les  Vandales  de  sa  province.  Il 
[)ril  Carlhagi;  en  'i-'iO  et  y  établit  le  siège  de 
son  gouv(M'nement.  Il  prit  aussi  Uome  en 
kli'o,  la  |)illa  pendant  quatorze  jours,  et  (;ni- 
mena  en  captivité  Jùidoxie  (pji  l'avait  appelé 
j)Our  venger  la  mort  de  Valentinien,  son 
époux,  tué  par  Pétrone-Maxime.  Ce  ])rince 
excita  une  violente  persécution  contre  les 
chréliens.ll  lit  cruellement  tourmenter  saint 
Armogaste,  qui  fut  ensuite  envoyé  aux  mi- 
nes dans  la  liyzacène.  Saint  Archiunnu  et 
saint  Sature  endurèrent  également  des  tor- 
tures, mais  il  se  contenta  de  les  déjiouiller 
de  leurs  biens  et  de  les  chasser  de  la  ville, 
par  le  conseil  des  ariens  qui  lui  disaient  : 
Ne  faites  pas  mourir  les  chréiiens,  car  ceux 
de  leur  parti  les  honoreraient  comme  mar- 
tyrs et  notre  cause  en  soud'rirait.  {Voy.  Per- 
sécutions DES  Vandales.) 

GENTIEN  (saint),  martyr,  était  un  vieil- 
lard qui  vivait  auprès  d'Amiens  dans  les  pra- 
tiques de  la  religion  païenne.  Vers  l'an  286  , 
Riclius  Varus,  persécutant  les  chrétiens,  les 
poursuivait  partout  dans  les  Gaules.  Ce  fut 
une  raison  de  plus  pour  Gentien,  qui  avait 
étudié  les  dogmes  du  christianisme,  d'em- 
brasser la  religion  de  Jésus-Christ.  Il  allait 
accomplir  cet  acte  solennel,  quand  il  rencon- 
tra saint  Fuscien  et  saint  Victoric,  qui  d'A- 
miens se  rendaient  à  Paris  sans  avoir  trouvé 
dans  la  première  de  ces  deux  villes  saint 
Quintin,  qu'ils  espéraient  y  voir.  Ils  igno- 
raient que  ce  saint  eût  été  maityrisé;  G'en- 
ticn  le  leur  apprit  et  les  engigeaà  loger  dans 
sa  maison.  Ils  acceptèrent  l'hospitalité  qu'il 
leur  oli'rait,  mais  [)resque  au  même  moment 
Rictius  Varus  arriva  et  commanda  qu'on 
s'emparât  de  leurs  personnes.  Gentien,  for- 
tement indigné  de  ce  qu'on  vînt  violer  ainsi 
•rhos|)italiîé  qu'il  donnait  à  ses  hôtes,  tira 
l'épée  pour  en  fra[)per  le  préfet.  Cekii-ci  fit 
immédiatement  arrêter  le  généreux  vieillard, 
et  lui  ayant  demandé  pourquoi  il  s'était 
porté  à  une  telle  violence  contre  sa  per- 
sonne, en  reçut  cette  réponse  :  Je  suis  chré- 
tien ,  et  j'ai  agi  ainsi  parce  que  je  désire 
mourir  pour  Jésus-Christ  et  pour  ceux  qui 
le  servent.  En  ce  cas,  lui  dit  Rictius  Varus, 
votre  attente  ne  sera  pas  longue.  Il  lui  fit 
trancher  la  tête,  les  deux  saints  Victoric  et 
Fuscien  furent  emmenés  à  Amiens  ,  oii  on 
les  martyrisa.  L'Eglise  honore  la  mémoire 
de  saint  Gentien  ie  11  décembre. 

GENTIL  (le  bienheureux),  franciscain, 
naquit  à  Matelica  (Marche  d'Aucune).  Après 
ses  études,  il  passa  plusieurs  années  au  mo- 
nastère du  Mont-Alvène  en  Toscane.  Il  y  fit 
de  grands  progrès  dans  la  piété,  et  conçut 
le  dessein  d'annoncer  l'Evangile  en  Egypte 
et  en  Perse.  Il  passa  les  mers  et  voulut  ap- 
prendre l'Arabe  ":  il  ne  put  y  parvenir.  Il 
forma  le   dessein  de  revenir  en  Italie  :    au 


1079 


GEO 


GEO 


1080 


moment  do  son  départ,  Dieu  lui  apparut  et 
lui  dit  :  «  J'ai  mis  mes  paroles  dans  ta  bou- 
che; va  où  je  l'enverrai  ;  tout  ce  que  je  te 
commanderai,  tu  le  diras  à  ces  peuples  de 
ma  pai't.  »  Après  ce  miracle,  il  se  lit  que 
Gentil  possédait  si  bien  la  langue  persane, 
qu'il  pouvait  très-facilement  jirèchor  en 
cette  langue.  Il  convertit  un  très-grand  nom- 
bre d'inlidèles.  Cornaro,  ambassadeur  de 
Venise  en  Perse,  ayant  voulu  visiter  la 
montagne  de  Sinaï,  se  fit  accompagner  par  le 
frèr  '  Gentil.  Comme  il  gravissait  la  monta- 
gne avec  lui,  il  s'aperçut  c^ue  le  saint  l'avait 
tout  à  coup  quitté.  Gentil  ne  le  rejoignit 
que  huit  jours  après,  et,  sur  les  instances 
que  lui  fit  Cornaro  pour  savoir  ce  qu'il 
était  devenu  durant  ce  temps-lh,  il  lui  ré- 
pondit qu'il  était  allé  rendre  les  derniers  de- 
voirs à  son  père  qui  venait  de  mourir  à  Ma- 
telica  ;  ce  qui  fut  en  etfet  confirmé  à  Corna- 
ro par  les  habitants  do  cette  ville.  I^es  disci- 
ples de  Mahomet  portaient  une  haine  Tarou- 
che  à  notre  saint  à  cause  du  succès  de  ses 
prédications  et  étaient  S'H'tout  irrités  des  mira- 
cles éclatants  qu'ilavaitf-dtsàTrébizondeotà 
Salmaslre.  Aussi  tomba-t-il  bientôt  vic- 
time de  leur  fureur  et  de  son  courage  évan- 
gélique.  Ses  reliques  furent  apportées  à 
Venise  par  le  Vénitien  Nicolas  Quirini  qui 
les  avait  achetées  ,  et  plus  tard  on  les  dépo- 
sa dans  une  chapelle  au  couvent  de  saint  Jé- 
rôme, bâtie  à  son  honneur.  11  s'opéra  de 
nombreux  miracles  par  son  intercession. 

GEORGE  (saintj,  martyr,  donna  sa  vie 
pour  la  foi  chrétienne,  eu  l'année  303  du 
temos  de  l'empereur  Dioclétien  et  durant  la 
persécution  que  ce  prince  cruel  fit  endurer 
a  l'Eglise.  Saint  George  était  Cappadocien 
de  naissance.  Sa  fannlle  était  une  des  plus 
considérables  de  ce  pays.  Après  qu'il  eut 
perdu  son  père,  il  se  retira  avec  sa  mère  en 
Palestine.  Elle  était  do  cette  contrée,  et  y 
possédait  des  biens  fort  importants.  George 
Se  fit  remarquer  de  l'empereur  Dioclétien 
dans  le  métier  des  armes  qu'il  embrassa.  Ce 
prince  l'éleva  bientôt  aux  })remiers  grades. 
Mais  bientôt,  George  voyant  qu'il  persécu- 
tait la  religion  chrétienne,  donna  sa  démis- 
sion, en  la  motivant.  Il  se  plaignit  à  Dioclé- 
tien de  l'injustice  et  de  la  cruauté  de  ses 
édils.  Alors  il  fut  arrêté  et  mis  en  prison. 
Ri. n  ne  put  l'ébranler,  ni  les  menaces,  ni 
les  tortures.  Le  lendemain  il  fut  conduit 
hors  de  la  ville  et  déca|"it('.  L'Eglise  honore 
sa  mémoire  le  23 avril.  {Voy.  Jos.  Assemani, 
m  Culend.  imiv.,  t.  M,  p.  'iai. 

GEOR(iK,  évô(jue  intrus  d'Alexandrie,  fut 
mis  à  la  i)laco  de  saint  Alhanase  par  les 
Ariens,  vers  février  ou  avril  350.  Le  saint 
évoque  venait  d'en  être  violerrniront  chassé 
I^ar  le  duc  Syrien  (sous  le  règne  (hi  Cons- 
tance). Ce  fut  une  assembk'M,*  d'évèquos  (pii 
se  tint  <i  Antioche,  qui  [)r(jcoda  à  c(îlle  or'di- 
nation  irrégulière.  Les  principauv  d'csiilre 
les  évoques  (pri  s'y  tr-ouvaierd  étaient  Nar- 
cisse de  Cilici*;,  'rhé(jdofe  do  Thraco,  Eugè- 
ne de  Nici'O,  Palrophde  de  Scythople,  ol 
Mériophaulo  d  Iqjhèsc;.  Ce  (îeorge qu'on dorr- 
nnil  j*our  buccosseur  comme  plus   digne  ii 


saint  Athanase,  était  Cappadocien,  homme 
de  mœurs  corrompues  et  méprisable  sous 
tons  rapports,  il  mena  longtemps  le  métier 
de  parasite.  11  se  fût  volontiers  donné  corps 
et  âme  pour  un  dîner.  Il  fut  ensuite  employé 
à  Constantinople  dans  les  finances  de  l'état. 
Il  y  avait  une  place  extrêmement  minime.  Il 
était  receveur  de  la  forme  du  salé  que  man- 
geaient les  soldats.  S'il  eût  exercé  avec  pro- 
bité ces  fonctions,  on  n'aurait  aucune  r-aison 
de  lui  reprocher  d'avoir  passé  par  cet  emploi 
si  mince.  C'est  l'homme  qui  honore  l'état, 
non  pas  l'état  qui  honore  l'homme.  Les  apô- 
tres furent  choisis  dans  les  rangs  les  moins 
élevés  de  la  société.  Mais  dans  son  emploi 
George  fut  prévaricateur  :  il  vola  les  deniers 
du  tr-ésor,  et  mérita  les  noms  de  voleur  et  de 
banqueroutier,  que  saint  Athanase  lui  ap- 
plique dans  plusieurs  passages  de  ses  écrits. 
Ainsi  les  mauvaises  mœurs,  le  vol,  voilà  les 
taches  et  les  crimes  qui  salissent  et  fiétrïs- 
sent  la  vie  de  George  avant  sa  promotion. 
Nous  sommes  étonné  qu'après  avoir  accu- 
mulé contre  sa  mémoire  des  repr-oches  si 
bien  fondés,  un  écrivain  catholique  et  de 
valeur,  Tilleraont,  ait  pu  écrirelc  passage  sui- 
vant on  parlant  de  George  :  «  Etant  a  peu 
près  par  le  défaut  de  sa  naissance,  par  le 
mélange  de  son  extraction,  ce  que  sont  les 
mulets  parmi  les  botes.  »  Est-il  possible 
d'écrire  quelque  chose  de  plus  niaisement 
stupide?  on  dirait  le  langage  d'un  hobereau 
sot  et  vaniteux.  George  ne  possédait  aucune 
instruclion.il  était  inca[)able  do  tenir  une 
conversation  savante  sur  quelque  point  que 
ce  fut.  Athanase  dit  qu'il  n'était  pas  plus 
chrétien  que  païen.  Seulement  il  avait  pris 
le  premier  titre,  parce  que  cela  était  plus 
avantageux  à  l'époque  à  laquelle  il  vivait. 
La  raison  qui  engagea  les  arieris  à  le  choi- 
sir, fut  qu'ils  le  savaient  excessivement  ci  uel 
et  violent.  C'était  l'homme  qu'il  leur-  fallait. 
Sans  doute  ce  furent  ces  qualités  érninen- 
tes,  qui  lui  valurent  de  la  part  de  Constance 
les  louanges 'les  plus  exagérées.  Ce  prince 
l'appelait  un  homme  au-dessus  de  tout  tloge, 
le  révérondissime  George,  docteur  pa.fait  et 
maître  très-habile,  le  guide  le  plus  assuré 
dans  lo  chemin  du  ciel.  Qu'aurail-il  été  pos 
siljle  do  dire  de  |)lus  s'il  se  fût  agi  d'un  apô 
tre,  d'un  docteur  vieilli  dans  la  sainteté  et 
dans  la  pratique  la  plus  accomplie  du  minis- 
tère? Aussitôt  son  entrée  dans  Alexandrie, 
George  se  montra  digne  dos  espérances  que 
les  ariens  avaient  fondées  sur  lui.  11  lit  pr-en- 
dvc  les  vierges  vouées  au  Soigneur  et  les  lit 
j)ubli(pioment  tr-aînor  en  prison.  On  vit  des 
évè(|uos  garr-oltés  par  dos  soldats  et  menés 
par  eux  dans  les  mêmes  prisons,  au  milieu 
(l(;s  outrages  de  la  populace.  Les  prêtres  ca- 
tholi(jues  furent  arrêtés.  Lern'S  par-onts  eux- 
mênros  ouriml  le  mêiire  sort.  On  pilla  les 
maisons  dos  catholiques.  On  mit  les  scellés 
sur  lorn-s logis, smdour'S propriétés.  Sous  |)ré- 
l(!Xto  de  chercher  A  lhauas(',co  monsli-e  lor-oco 
ot  sanguinaire  dévasiad  les  maisons,  lavagcait 
les  );u(lirrs  ;  il  violait  l'agile  do  la  mort  ;  il 
faisait  ouvrir  les  tond)(;.iux  et  y  commetlait 
loirtos  sortes  d'outr*agos  onvor-s  les  restes  sa- 


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GEO 


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crés  (les  catholiques.  La  désolation  était  au 
c()ini)le  :  tout  ci'  (ju'il  y  avait  <riionuéte  dans 
Alexandrie  était  en  butte  h  la  rago  do  ce  lor- 
cené  ;  on  fuyait  do  toutes  parts  :  les  uns  so 
retiraient  da'is  les  déserts  ;  les  autres,  sans 
expérience  des  Ilots  et  des  dangers  de  la 
mer,  conliaient  leur  salut  h  une  pauvre  bar- 
que, préférant  les  incertitudes  et  les  périls 
d'un  tel  voyage  aux  atrocités  que  leur  ré- 
servait le  boui'roau  dos  Alexandrins.  Quand 
on  voyait  de  loin  apparaître  dans  les  rues, 
sur  les  places,  George  ou  quelqu'un  dos  siens, 
o'i  fuyait,  on  se  caciiait.  La  terreur  faisait  la 
solitude  autour  de  ces  enragés.  Sébastien, 
duc  d'Kgypte,  et  successeur  de  Syrien,  ai- 
dait toutes  les  cruautés,  les  exactions,  les 
tyrannies  de  l'évéque  intrus.  Le  préfet  Cata- 
{)ln'one,  le  conito  Uéracle,  le  receveur  géné- 
ral Faustin,  agissaient  de  même.  Ils  tirent  de 
nombreuses  victimes,  entre  autressaintEuty- 
que  et  plusieurs  qui  soulfiirent  avec  lui. 
{Voyez  son  article.)  Le  2  juin  de  la  mémo 
aîinée,  les  catholiques  s'étant  rassemblés 
hors  do  la  ville  près  du  cimetière  pour  y  cé- 
lébrer les  saints  mystères,  George  requit 
Sébastien  qui,  avec  trois  mille  hommes  de 
ditférontes  armes,  vint  se  précipiter  sur  ce 
peuple  liJôh),  et  en  fit  vui  grand  massacre. 
Un  maiiicliéen,  l'un  des  ministres  de  George, 
lit  allumer  un  grand  feu,  et  ayant  réuni  au- 
tour un  certain  nombre  do  vierges  et  de  laï- 
ques qu'on  venait  d'arrêter,  voulut,  on  les 
menaçant  de  les  y  jeter,  les  contraindre  à  ad- 
mettre la  foi  d'Arius.  Ses  efforts  ayant  été 
inutiles,  il  lit  mettre  ces  saintes  files  entiè- 
rement nues,  et  les  lit  battre  si  cruellement, 
que  longtemps  après  leurs  visages  portaient 
les  marques  des  coups  qu'elles  avaient  reçus. 
Par  un  raflineraent  singulier  de  cruauté,  il 
avait  ordonné  qu'on  les  frappât  avec  des 
branches  d'arbres  garnies  delongues  épines  : 
ces  épines  leur  entraient  dans  la  chair  et  s'y 
brisaient.  Beaucoup  de  ces  saintes  vierges 
moururent  soit  entre  les  mains  des  bour- 
reaux, soit  quelques  jours  après.  Quarante 
hommes  partagèrent  le  sort  de  ces  vierges. 
Les  ariens  refusèrent  de  laisser  enterrer 
ceux  qui  moururent.  Les  corps  furent  jetés 
ça  et  là  dans  la  campagne  pour  y  devenir 
la  pâture  des  chiens  errants  et  des  bêtes 
sauvages.  Ceux  qui  survécurent  furent  exi- 
lés dans  la  grande  Oasis.  C'était  un  espace 
de  terrain  végétal  oi!i  poussaient  des  arbres 
et  do  l'herbe  autour  d'une  source,  et  perdu 
dans  les  sables  brûlants  du  grand  désert, 
comme  un  îlot  au  milieu  des  mers.  Là  se 
retiraient  aussi  les  bêtes  féroces  :  c'était 
comme  une  halle  où  le  boa,  les  tigres  et 
les  lions  s'arrêtaient  en  traversant  ces  soli- 
tudes ;  et  pourtant  on  prêterait  un  tel  exil  à 
la  ville  que  George  épouvantait  par  ses 
cruautés.  Plus  tard  d'autres  vierges  furent 
encore  misesà  mort  par  les  ariens,  aumilieu 
des  plus  cruels  supplices.  Tout  ce  qui  se 
commettait  avaitlieu,  disait-on, par  ordre  de 
Constance.  George  croyait  par  ses  cruautés 
devenir  maître  de  toute  la  ville,  mais  il  ne 
réussit  qu'à  se  rendre  un  objet  d'horreur. 
Personne  ne  voulait  communiquer  avec  lui. 


Dans  son  palais  é()iscopal,  hormis  ses  satel- 
lites et  les  fauteurs  de  ses  crimes,  il  no 
voyait  personne.  Chacun  fnyait  avec  elfioi 
l'antre  de  la  bête  féroce.  11  no  se  borna  pas 
à  exercer  ses  fureurs  dans  la  ville  d'Alexan- 
drie :  il  était  par  le  fait  métro[)olilain 
d'I'-gypte  ;  toute  cette  province  lidèlo  res- 
sentit la  tem|iête.  11  obtint  un  ordre  de 
Constance  (]ui  commandait  (jue  tons  les 
évê(iues  fussent  chassés  de  leurs  églises  et 
d(!  leurs  provinces,  etqiH!  les  ariens  eussent 
à  pourvoir  à  leur  remplacement.  Près  de 
quatre-vingt-dix  évô([uos  furcnil  enve'0|)pés 
dans  celte  elfroyablc  [)ersécution.  Chassés 
de  leurs  sièges,  ils  furent  conduits  connue 
dos  criminels  en  exil.  On  les  envoya  dans 
les  lieux  les  plus  déserts  et  les  ftlus  éloi- 
gnés. Beaucoup  furent  accablés  do  mauvais 
traitomenis,  quelques-uns  jusqu'à  en  mou- 
rir. Los  prêtres  et  tous  les  ministres  de 
l'Eglise  furent  enveloppés  dans  cette  per- 
sécution. Parmi  les  évoques  bannis,  les 
plus  célébresfuront  Draconco,  évoque  d'Hor- 
mopolis ,  Adelphe  d'Onuphis  et  Philon 
(son  siège  n'est  pas  marqué).  Il  fut  envoyé  à 
Babylone,  sur  le  Nil  dans  la  seconde  Au- 
gustamnique.  A  la  place  de  ces  saints  évê- 
ques,  [)Our  la  plupart  blanchis  dans  l'éfiisco- 
])al,  on  mit  des  jeunes  gens  ignorants  et  dé- 
bauchés: qu'ils  fussent  tarés  de  crimes,  en- 
tachés de  vices,  peu  importait,  une  seulecnn- 
dition  couvrait  tout  :  ils  étaient  dignes,  s'ils 
é;aient  ariens  et  disposés  à  persécuter  les 
catholiques.  C'est  par  ces  hommes  décorés 
du  titre  d'évêques  et  instrumo'^ts  dévoués 
de  la  rage  des  ariens,  que  le  peuple  d  Egj  pte 
subit  une  des  [)lus  cruelles  perséci.tions 
qu'il  eût  jamais  endurées.  Celle  de  Dioclé- 
lion  était  sanglante,  terrible  ;  elle  n'était  ni 
aussi  tyrannique,  ni  aussi  odieuse.  11  n'y  a 
rien  de  terrible  comme  des  persécutions  de 
parti  :  elles  rcssemlilent  aux  guerres  civiles. 
L'étranger  de  croyance  ou  de  patrie  peut  faire 
une  guerre  cruelle  et  acharnée  ,  jamais  elle 
ne  sera  atroce  comme  celle  que  se  feront  des 
frères  dissidents  ou  des  concitoyens.  George 
était  le  chef  elle  directeur  général  de  toute 
cette  persécution,  de  toutes  les  cruautés  qui 
se  commettaient  en  Egypte.  Cet  homme  abo- 
minable persécuta  non-seulement  les  catho- 
liques ,  mais  encore  les  païens  ;  il  vola  non- 
seulement  les  ennemis  de  Tarianisme,  mais 
tout  le  monde,  mais  le  pays,  mais  l'état.  En 
général  ces  hommes  de  parti,  nous  l'avons 
toujours  vu,  dans  l'antiquité  comme  de  nos 
jours,  sont  des  voleurs,  mettant  un  faux  sem- 
blant de  religion,  de  patriotisme,  de  senti- 
ment humanitaire,  au  service  de  leur  ambi- 
tion, de  leurcupidité,  de  leursconvoitisesde 
toutes  sortes.  11  s'empara  du  salpêtre,  des 
marais  de  papyrus  et  de  jonc  ,  des  salines. 
11  imagina  d'enlever  au  public  le  droit  de 
faire  enterrer  les  morts.  Il  faisait  faire  des 
cercueils  et  les  vendait.  Quand  il  avait  trop 
de  cercueils,  il  savait  pourvoir  à  leur  emploi. 
Enhn  la  haine  contre  cet  abominable  tyran 
monta  si.haut,  que  le  peuple  révolté,  mû  par 
une  indignation  suprême,  se  porta  sur  son 
palais,  et  voulut  se  faire  justice  par  ses  mains. 


iOS3 


GEO 


GER 


1084 


George  ne  sortit  pas  sans  peine  de  ce  danger; 
frappé,  blessé,  il  parvint  à  se  sauver  et  vint 
vers  l'empereur.  Les  partisans  d'Athanase 
reprirent  les  églises,  mai-^  bientôt,  sur  l'or- 
dre de  Constance,  les  généraux  qui  coni-' 
njai.daient  en  lîgvpte  les  en  chassèrent  et  les 
rendiieut  aux  ariens.  Bijaucoup  de  ceux  (pii 
avaient  |  ris  part  à  ce  mouvement  furent  mis 
à  la  question  et  ensjito  condamnés  à  mort. 
Gcoige  rentra,  après  quelques  mois  d'absence, 
plus  furieux  que  jamais.  Avec  lui  dans 
Alexandrie  rentré;  enl  l'épouvante  et  la  plus 
glande  désolation.  Jusqu'à  la  mort  de  Cons- 
tance ,  George  coniinua  d'oj)priiner  Alexan- 
drie ,  ainsi  que  durant  les piemiers  mois  du 
règn-'  de  Julinu  ;  mais  ce  piinco  ayant  fait 
tranclierla  tète  à  Artèmce,  duc  d'Egypte,  les 
païens  que  George  avait  tyrannisée  tout  au- 
tant que  les  chrétiens  organisèrent  une  sé- 
dition, s'emparèrent  de  l'évèque  intrus,  et 
durant  quelque  temps  le  tinrent  en  [)ris()n  ; 
mais  bientôt  ils  l'en  tirèrent,  le  traînèrent 
par  les  rues  avec  des  crocs  qui  lui  tenaient 
les  jambes  écartées,  et  l'ayant  placé  sur  un 
chameau, le  promenèrent  un  jour  durant  par 
la  ville.  Enfin  on  1h  jeta  au  feu  avec  des  os 
de  chiens,  et  on  dispersa  ses  cendres.  Ainsi 
finit  cet  homme  abominable,  h  l'égard  du- 
quel Dieu  permit  que  la  justice  des  hommes 
précédât  sa  pro|)re  justice. 

GEORGE  (saint),  diacre,  reçut  la  couronne 
du  martyre  à  Coi'doue,  en  Espagne,  du  temps 
de  la  persécution  que  les  Arabes  firent  souf- 
frir aux  chrétiens.  Il  eut,  |)0ur  r(.)mpagnons 
de  son  triomphe,  les  saints  Félix,  Aurèle, 
et  les  saintes  Nalalie  et  Liliose.  L'Eglise  fait 
leur  fête  collective  le  '27  juill;^t. 

GEOKGES  (saint),  inscrit  au  Martyrologe 
à  la  date  du  20  octobre,  est  honoré  comme 
martyr  ]n\i  l'Stglise  avec  sainte  Aurèle.  L'his- 
toire nous  laisse  ignorer  les  circonstances  de 
leurs  combats. 

GEORGES  LLMNIOTE  (saint),  moine  et 
martyr,  donna  sa  vie  pour  la  défense  de  la 
vérité  catholiipje.  Ce  saint  homme  ayant  re- 
pris remi)ereur  Léon  do  ce  qu'il  brisait  les 
images  et  brûlait  les  reliques  des  saints,  il 
eut  par  son  ordi-e  les  mains  coupées  et  la 
tôle  brûlée,  et  alla  Irioirqih.int  au  ciel  avec 
l'honneur  du  martyre.  L'Eglise  fait  sa  fôte 
le  2'^  août. 

GEORtilS  (Tecla),  vice-roi  du  Tigré,  en 
Ab}ssinie,  s'était  converti  à  la  foi  cathuliipjc 
quelque  temps  après  que  MélecS(.'gued,  Né- 
gous  de  C(}  ()ays,  y  eût  fait  venir  le  patriar- 
che Mendez,  et  plusieurs  autres  nnssion- 
naires  jésuites.  Georgis  s'était  converti  plu- 
tôt |iour  plaire  au  Négous,  dont  il  avait 
épousé  la  Iule,  (pie  par  (;onvicii(jn.  Mallnni- 
reusement  AJél(!C  Segued  avait  ciu  (|ui'  I(ïs 
prédications  des  missionn.iires  (hivaieiil  être 
aidées  [)ar  la  violence  du  pouvoir,  et  il  avait 
décrété  que  tout  le  monde,  en  Abyssinie, 
eût  à  embrasser  la  foi  calliolifpu;  rom/iine. 
On  [leul  voir  les  réllexions  (pK-  nous  avons 
faites  à  c(!t  égard,  dans  l'ailicle  Aijvssime. 
I.a  lille  du  Négous,  épousi;  de  (jeor-gis,  rm;- 
n.iit  urir;  conduilr;  lort  légère  :  sou  mari, 
comuiy  li  lo  devait,  l'en  reprit  avec  beaucoup 


de  sévérité.  Elle  se  réfugia  à  la  cour  de  son 
père,  qui  eut  la  faiblesse  de  l'accueillir  en  la 
couvrant  de  sa  protection.  Georgis  S(;  plai- 
gnit et  demanda  au  souverain  qu'il  cessât  de 
donner  à  sa  lille  ini  abri  sous  le  manteau  de 
sa  puissan(;e,  qu'il  perniiit  qu'on  la  jugeât, 
piour  que  l'on  pût  voir  si  elle  était  coupable 
ou  innocente.  Ces  plaintes  et  ces  demandes 
ne  furent  point  reçues  comme  la  justice  com- 
mandait (ju'elles  lé  fussent  :  le  Négous  refusa 
absolument  ce  ffue  Georg  s  lui  demandait. 
Ce  malheureux  époux  tomha  dans  une  grande 
tristesse;  peu  à  p;u,  à  ce  sentiment  se  mêla 
le  désir  de  la  vengeance  :  il  profita  du  mécon- 
tentemei.t  (jui  existait  partout  dans  le  pays 
conti-e  les  exigences  religieuses  de  Mélec  Se- 
gued ;  il  abjura  publi(piem(nit,  et  fit  appel  à 
tous  ceux  qui,  comme  lui,  n'avaient  accepté 
qu'à  regret  et  en  (piehjire  sorte  par  con- 
tr-ainte  la  foi  catholique.  Tous  ceux  qui  n'at- 
tendaient qu'une  occasion  favorable  pour  se 
soulever  crurent  l'avoir  ti'ouvée  et  s'unirc  t 
à  Georgis.  On  résolut  le  massacre  de  tous 
les  missionnaires  :  prévenus  à  temps,  ils  pu- 
rent échapper  ;  alors  la  fureur  de  Geor-gis  se 
tourna  contre  son  confesseuf,  qui  se  nom- 
mait Jacques,  et  qui  avait  été  élevé  dans  le 
séminaire  de  Frémone  ;  il  se  le  fit  amener  en- 
chaîné au  milieu  de  son  camp',  et  lui  porta  le 
premier  coup.  Aussitôt  l'homme  de  Dieu 
tomba  percé  de  mille  glaives  Tous  ceux  des 
conjurés  qui  ne  purent  pas  le  fr\apper  encore 
vivant,  vinrent  tremper  dans  son  sang  la 
pointe  de  leur-s  épées,  en  jurant  qu'ils  ne  les 
dé[)Osei'aient  que  lorsqu'ils  animaient  complè- 
tement détruit  la  foi  catholique  dans  le  pays, 
chassé  ou  exterminé  ceux  qui  venaicmt  l'y 
prêcher.  Georgis  fit  brûler  ensuite  tous  les 
objets  de  piété  qu'on  put  découvrir  :  cr'uci- 
fix ,  médailles,  reliquaires.  Le  Négous  vit 
bien  qu'il  fallait  employer- la  for-ce  pour  triom- 
pher d'une  telle  révolte.  11  déc'ar^a  Técla 
Georgis  déchu  de  son  gouvernement  et  de 
tous  SCS  titres,  et  nomma,  |)Our  le  i-empla- 
cer,  un  catholiiiuezélé  nommé KébaChristos, 
qui  vint,  à  la  tète  d'une  nonahreuse  armée, 
pour  prendre  possession  du  Tigr-é.  Les  ar- 
mes du  Négous  restèrent  triomphantes  apr-ès 
une  lutte  acharnée.  Ticla  Geor-gis,  apr-ès  la 
bataille,  se  cacha  dans  une  caverne,  où  les 
vainqueurs  ne  lardèrent  pas  à  le  venir  pr-en- 
dre.  Conduit  au  camp,  il  fut  condamné  à 
être  pendu.  Ce  fut  ainsi  (ju'il  expia  le  crime 
d'avoir  tué  le  bienheureux  Jacques.  Il  est 
rare  que  le  sang  innocent  ne  retombe  i)as 
dès  ici-bas  sur  la  tète  de  ceux  qui  l'ont 
versé.  (To//.  Ahyssinie  et  Jacqmcs.) 

GfiR.\Ri)  (saint),  évècpro  de  (^Ironad,  en 
Hongrie, martyr,  n.Kpiità  Venise ver-s  le  corn- 
merirement  du  xi''  siècle.  Après  avoir  j)assé 
j)lusieurs  années  dans  un  morrastèrc,  il  de- 
manda il  ses  sup  -r-icîur-s  la  perruis>ion  d'aller 
visiter  le  saint  sépulcr-e  à  Jér-usahnn.  H  eirt 
occisiorr  de  (-onnailre  le  roi  saint  litionne  en 
tr-aversarrt  la  llo'igi-ie.  Celui-ci  le  déterrniiift 
à  rre  pas  eonliriuer  son  voyage,  et  à  l'aider 
dans  la  corrver-sion  des  llongr-ois.  Notr-r;  saint 
se  bAlil  irrr  petit  errnilage  ;\  Réel,  dans  un 
désert  portant  co  nom,  au  diocèse  de  Vus- 


i08K  ÇER 

prin.  Il  y  passa  sept  années  dans  la  pratique 
dos  macérations  et  des  plus  grandes  austé- 
rités. Sailli   Klienne  était  en  guerre  h  eello 
époque.  O'iand  la  paix  fut  conclue,  il   lira 
notre  saint  de  sa  solitude,  et  lui  lit  pré(;'er 
l'Kv.\n;ilo.   Hicutùi  après  (îéiard   tut    élevé 
sur  le  siégé  éjiiscopal  de  Clionad  ou  Cli/.o- 
nail.  Son  diocèse,  tpii   étaii   barbare  encore 
et  plongé  dans   les  téi'èhres  de  ridol.Urie, 
connut  "'l)irniùt   Jésns-Clirisl  par  les   s^  ins 
continuels  qu'il  leur  donnait  :   ses  l'atigucs 
étaient   excessiv' s ,   ses   exeuiph'S   nidaie-it 
l)eaucoup  h  ses  prédications.   Il  était  liuin- 
ble,   modeste,  passait  une  partie  des  nuits 
en  prières,  et  avait  une  niVection  partirniièin 
poiir  les  pauvres.  Cependant  saint  MUcmiiuî 
étant  venu  h  mourir,  son  neveu  Pierre  lui 
succéda,  et  signala  son  règne  par  ses  (M'iiau- 
ti'S  et  la  pciséculion  (pi'il  (il  soidl'iir  <i  (lé- 
rard.  Les  Hongrois,  méionteiits,  rapiiclèrent 
trois  seigneurs  fugitifs,  Kndré,  Réla  et   Lé- 
venlé,  frères,  de  la  famille  de  saint  Etienne. 
Maisipiand  ils  furent  arrivés,  ils  leur  deman- 
dèrent opiniàtiément  la  permission  di-  vivre 
en  païens,  suivant  leurs  anciennes  coutu- 
mes, de  tuer  les  évoques  et  les  clercs,  d'a- 
battre les  églises,  de  renoncer  au   christia- 
nisme et  d'adorer  les  idoles.  Endré  et  Lé- 
venté,  car  Bêla  n'était  pas  encore  revenu, 
furent  obligés  de  céder  à  la  volonté  du  peu- 
ple, qui  neprcmettait  de  combatti'C  contre  le 
roi  Pierre  qu'à  ces   conditions.  Ui   nommé 
Vatlia  fut  le  premier  qui  professa  le  paga- 
nisme, se  rasant  la  tète,  à  la  réserve  de  trois 
flocons  de  cheveux  qu'il  laissait  pendre.  Par 
ses  exhortations  ,  tout  le  peuple  commença 
h  sycrilier  au  démon  et  à  manger  -le  la  chair 
d'  cheval.  I!s  tuaient  les    chrétiens,    tant 
clercs  que  latjues,   et  brûlèrent  [)lusieurs 
églis  s.  Enhii  ils  se  révoltèrent  ouvertement 
contre  le  roi  Pii.Tre;  ils  (Irent  mourir  hcm- 
teusemeit  tous  les  Al  emands  et  les  Lati:  s 
qu'il  a, ait  répandus  dans  la  Hongrie  pour 
divers  emplois,   et  envoyèrent  dénoncer  à 
Pie.ie  que  l'on   ferait  mourir  Jes  évoques 
avec  leur  clergé  et  ceux  qui  h-vaient    les 
dîmes;  (]ne  l'on  rétablirait  le  paganisme,  et 
que  la  mémoire  de  Pierre  périrait  h  jamais. 
Ensuite  Euîiré  et  Léventé  s'avancèrent  avec 
leui'S  troupes  jusqu'à  Pesth,  sur  le  Danube. 
Quatre  évèques.  notre  saint,  Beztrit,  Buldi, 
et  Béiiétha  l'ayant  appris,  soriirent  d'Albe 
pour  aller  au-devant  d'eux  et  l.'S  recevoir 
avec  honneur.  E'ant  arrivés  à  un  lieu  nommé 
Gio>l,  iU  entendirent  la  messe,  que  Gérard 
célebia  ;  mais  auparavant  il  leur  dit  :  Sachez, 
mes  frères,  que  nous  souffrirons  aujourd'hui 
le  nnrtyre,  exce|)té  l'évècjue  Bénélha.  11  com- 
munia tous  les  assistants,  puis  ils  se  rendi- 
rent h  Pesth,  où   Vatha  et  plusieurs  païens 
avec  lui  les  envir'innèreni,  jetant  sur   eux 
quantité  de  pierres.  L'évèque  Gérard,  qui 
était  sur  son  chariot,  n'en  fut  point  bles-é, 
et  ne  se  défendait  qu'en  leur  donnant  sa  bé- 
nédiction ,  et   faisant   continu'  llement   sur 
eux  le  signe  de  la  croix.  Les  païens  renver- 
sèrent le  chariot,  et  continuaient  de  la[)ider 
l'évèque  tombé  par  terre.  11  s'écria  à  haute 
voix  :  «  Seigneur  Jésus-Christ,  ne  leur  im- 


GER 


1086 


nutez  pas  ce  péché,  ils  ne  savent  ce  qu'ils 
rouf.  .)  Enfin  on  lui  perça  le  corps  d'un  coup 
de  lance  dont  il  mourut.  On  tua  aussi  les 
deux  évènues  Beztrit  et  Buldi  avec  un  urand 
nombre  de  chrétiens.  !\l;iis  le  duc  Endré 
étant  survenu,  délivia  de  la  mort  l'évèque 
Bî'niétha;  ain<i  fut  accomplie  la  piophéiiu  de 
Gérard,  (pu;  Fl-lgiise  honore  comme  martyr 
le  jour  de  sa  mort,  le  vingt-(piatrième  d(î  sep- 
tembre. Le  roi  Pieri'e  fut  pris  et  aveuglé,  et 
mourut  de  douleur  peu  diî  jours  après.  Lo 
duc  Ijidréoii  Andi'é  fut  coui'onné  roi  à  Albe- 
Boyale  la  mémo  année  H)M,  par  trois  évo- 
ques qui  restaient  après  ce  massacre  des 
chrétifMis.  Alois  il  ordonna  h  tous  les  Hon- 
grois, sous  |)einc  d(i  la  vie,  de  (piitt(n'  le  pa- 
ganisme, de  revenir' à  la  re'igioii  chrétienne, 
et  de  vivre  en  tout  suivant  la  loi  que  leur  avait 
donn''e  le  loi  saint  Elifnine.  Heureusc.nmnit 
Lcventé  mourut  dans  le  nièrm!  temps  ;  car 
s'il  avait  vécu  davantage,  et  l'At  devenu  roi, 
on  ne  doute  pas  ({ii'il  n'ait  soutenu  le  paga- 
nisme. Le  roi  André  fit  bAlir  un  monastère 
en  l'honneur  de  saint  Agnan,  en  un  lieu 
nomnu'^  Typhon,  et  depuis  son  règne  la  Hon- 
grie demeura  chrétienne. 

GÉRAIILT,  |)rè  re,  directeur  des  dames  de 
Sainte-Elisabeth,  fut  une  des  victimes  immo- 
lées aux  (larmes,  le  2  septem()re  1792,  pen- 
dant les  horreurs  de  la  révolution  française. 
A  l'arrivée  des  bri,-,ands,  il  ne  se  laissa  point 
déranger  par  leurs  cris,  et  continua  son  bré- 
viaire. Il  fut  renversé  d'un  coup  de  sabre, 
et  percé  de  piquos. 

GERBERN  (saint),  martyr,  prêtre  anglais, 
partit  de  son  pays  avec  sainte  Dympne,  fille 
d'un  prince  Anglo-Saxon,  qui  fuyait,  parce 
que  sa  virginité  courait  des  dangers  aux- 
(juels  elle  voulait  la  soustraire.  D'abord  ils 
se  lixèrent  à  Anvers,  puis  bientôt  après  à 
Gheel,  dans  le  Btabant.  Ceux  qui  avaient 
voulu  attenter  à  la  pudeur  de  la  sainte  les  y 
découvrirent  et  massacrèrent  non-seulement 
la  jeune  vierge,  (|ui  refusait  de  se  livre-  à 
leurs  infâmes  désirs,  mais  encore  le  saint 
prêtre  (ieibern,  qui  l'avait  accompagnée,  et 
dont  le  Martyrologe  marque  la  fête  avec  la 
sienne,  le  15  de  mai.  Leur  martyre  eut  lieu 
dan*^  le^vw  siècle. 

GÉRÉON  (saint),  martyr,  eut  le  glorieux 
privilège  de  donner  son  sang  pour  la  défense 
de  la  vraie  foi.  Il  fut  martyrisé,  durant  la 
pei'S ''cution  de  Maximin,  avec  trois  cent  dix- 
huit  autre>,  dont  malheureusement  les  glo- 
rieux noms  ne  sont  point  |)arveiuis  jusqu'à 
la  postérité.  Ils  périrent  |  ar  le  glaive.  L'E- 
glise l'ait  leur  sainte  et  immortelle  mémoire 
le  10  octobre. 

GERMAIN  (saint),  compagnon  des  sa'nts 
martyrs  Papius,  Pérégrin,  Pompée,  Hésy- 
chius,  Salurnius  et  Lucien,  mowrut  pour  'a 
foi  à  Durazzo,  sous  l'euqiire  de  ïrajan.  11 
n'existe  ni  pour  lui,  ni  pour  les  saints  que 
nous  venons  de  nommer,  de  documents  po- 
sitifs et  détaillés.  Le  Martyrologe  romain 
met  sa  fête  au  7  juillet. 

GERMAIN  (saint),  soutTrit  le  martyre  à  Césa- 
rée,  en  Cappadoce,  sous  le  règne  de  l'empereur 
Dèce,  avec  les  saints  Césaire,  ThéophilQ  et  Vi- 


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tal.  On  n'a  pas  de  détails  sur  leurs  combats. 
L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le3  novembre. 
GERMAIN  (saint),  martyr,  fut  décapité  à 
CésaréCj  en  Palestine,  sous  Galère  Maximien, 
avec  saint  Antonin  et  ses  compagnons,  parce 
qu'ils  accusaient  d'impiété  le  président  Fir- 
milien,  et  le  reprenaient  de  ce  qu'il  sacri- 
fiait aux  idoles.  Ils  eurent  pour  compagne 
de  leur  martyre  sainte  Ennathas,  vierge,  qui 
fut  meurtrie  de  coups  et  brûlée  ensuite.  L'E- 
glise catholique  honore  la  mémoire  de  ces 
glorieux  m.utyrs  le  13  novembre. 

GEK>L\IN  ;saint) ,  soudVit  le  martyre  à 
Ossuna,  en  Espagne,  durant  la  persécution 
de  l'impie  Dioclélien,  et  sous  Viateur,  un  de 
ses  lieutenants.  Il  eut  pour  compagnon  de 
ses  souffrances  saint  Servand.  Après  les 
fouets,  la  prison,  la  faim,  la  soif  et  les  fati- 
gues d'un  très-long  voyage  qu'on  leur  fit 
faire  chargés  de  chaînes,  ayant  eu  enfin  la 
tète  tranchée,  ils  achevèrent  le  cours  de 
leur  martyre.  Germain  fut  enterré  à  Mérida, 
Servand  h.  Séville.  L'Eglise  fait  collective- 
ment leur  mémoire  le  23  octobre. 

GERMAIN  (saint),  patriarche  de  Constan- 
tinople  et  confesseur,  était  tils  du  patrice 
Justinien.  Tout  jeune  encore,  il  fut  considéré 
comme    un    des    principaux  ornements  de 
l'Eglise   de  Constantinople.    Il  fut  d'abord 
nommé  évoque  de  Cyzique,  et  il  montra  d  ns 
ce  poste  beaucoup  de  sagesse  et  de  vertus. 
En  715,  il  futnoiumé  patriarche  de  Constan- 
tinople ;  dans  cette  éminente  position,  il  eut  à 
défendre  la  foi  contre  les  monothélites  et  les 
iconoclastes;   il  le  fit  avec   une  générosité 
toute  épiscopale.  En  727,  Léon  l'Iconoclaste 
ayant  défendu  le  culte  des  images,  Germain 
lui  résista  très-courageusement,  et  dit  que 
le  culte  des  images  ayant  toujours  été  admis 
dans  l'Eglise,  il  était  prêt  à  mourir  pour  le 
défendre.   Il  écrivit  à  ce  sujet  à  différents 
évoques  {Voy.  Iconoclastes).  Il  eut  une  dis- 
cussion ttès-vive  avec  i'em[)efeu:-,  dans  la- 
quelle il  lui  parla  avec  toute  la  franchise  et 
toute  l'autorité  c{ui  conviennent  à  un  évo- 
que; mais  la  rage  de  Léon  ne  fit  qu'aug- 
menter; il  se  prétfMidait  a[)to  h  prononcer 
dans  les  choses  de  la  fui,  et  déclara  t  idolâ- 
tres tous  ceux  qui,  avant  lui,  avaient  adoré 
les  images.  En  730,  il  fit  tenir  un  concile, 
dans  lequel  il  porta  décret  contre  les  ima- 
gv^.  11  voulut  forcer  Germain  d'y  souscrire; 
mais  le   saint   vieillard   retusa  courageuse- 
ment, aimant  mieux  le-^'Oiicer  h  sa  dignité. 
L'emper(uir,  |)om'  le  chasser,  envoya  au  pa- 
lais patriarcal  d(;s  soldats  (lui  le  fr/ippèrent 
à  coups  de  |)oings.  Il  se  retira  <à  Plutanie, 
pour  y  suivre  les  voies  de  la  vit;  munas  i(pie, 
après  avoir  tenu  le  siège  de  Constantinople 
quaiorzeans,  cinq  mois  et  trois  jouts.  Il  hnit 
sai  itemcnl  sa  vie  dans  celle  retraite.  L'Eglise 
honore  sa  mérnoirc  le  12  mai. 

(iERMAIN  (saint),  mailyr,  souffrit  pour 
Jésus-(^hrisl,  h  Rome,  avec  les  saints  Satur- 
nin, Néo|)Ole  cl  Céleslin.  Ils  enduièrcnl  de 
cruels  lourtuents,  ensuite  on  les  jeta  d;uis 
un  Ciichot,  où  ils  rendiront  leur  Ameà  Dieu. 
L'E^^lise  honore  ces  saints  le  2  mai. 
GERMAINE  (sainte),  souffrit  le  martyre 


pour  la  foi,  en  Afrique,  sous  le  règne  de  Va- 
lérien,  l'an  259,  avec  les  saints  Paul,  Gé- 
ronce.  Janvier,  Saturnin,  Successe,  Jules, 
Cal  et  les  saintes  Pie  et  Tertulle.  On  man- 
que de  détails  aulhenliques  sur  leur  mar- 
tyre. L'Eglise  fait  leur  fête  le  19  janvier. 

GERMAN  (saint),  que  l'Eglise  honore  le 
21  févriL'r,  naquit  à    Trêves.  Son  père  était 
sénateur  et  fort  rirhe.   Modoald,  évêque  de 
cette  ville,  prit  un  soin  tout  |)atticulier  de 
son  éducation.  Dès  qu'il  eut  atteint  l'âge  au- 
quel il  pouvait  disposer  de  ses  biens,  il  les 
distribua  aux  pauvres  et  vint  vivre  sous  la 
direction  de  saint  Arnoul  de  Metz.  Ce  saint 
ermite  habitait  Rennremont,  en  Lorraine.  Il 
avait  été  évèque  et  ministre  d'Etat  sous  Da- 
gobert;   mais  il  avait  quitté  les   grandeurs 
])our  vivre   tout  en  Dieu.  Bientôt  German, 
qui  sous  un  tel  maître  se  perfectionnait  de 
plus  en  plus,  et  goûtait  combien  est  doux  le 
service  du  Seigneur,  décida  son  frère  Numé- 
rien  à  faire  comme  lui,  à  ciuiiter  le  monde 
pour  se  consacrer  h  Dieu.  Ils  se  retirèrent 
dans  un  monastère  que  saint  Romaric  venait 
de  fonder  sur  une  montagne  des  Vosges  :  ce 
monastère  était  formé  de  deux  mais.ms,  U!ie 
grande  pour'les  femmes,  une  petite  pour  les 
hommes.  German   pratiquait  les  plus  gian- 
de-;  austérités  :  il  était  humble  et  recherchait 
toutes  les  occasions  de  se  mortitier.  Au  bout 
de  quelque  temps,  il  se  relira  dans  le  mo- 
nastère de  Luxeu,  qui  avait  pour  abbé  saint 
Walbert.  Le  ducGodon,  l'un  des  plus  puis- 
sants seigneurs  d'Alsace,  ayant  fondé  un  mo- 
nastère à  Granfel,  sa^lressa  h  Tabbé  Wal- 
bert, pour  qu'il  y  envoyât  des  religieux.  Ce- 
lui-ci, coimaissaht  tout  le  mérite  de  German, 
le  mil  à  la  tète  de  celte  nouvelle  fondation, 
avec  inspection  sur  les  deux  couvents  de 
Saint-Ursils  et  de  Saint-Paul  Znverl.  Quand 
le  duc  Godon  fut  mort,  le  duc  Bonifiée,  (|ui 
lui  succéda,  tint  une  conduite  toute  difie- 
rente  de  la  sienne.   Il   était  dur,  emporté, 
violent  et  rapace.  C'était  un  typ.e  parf  dt  de 
ces  brigands  féndaiix  ne  vivant  que  de  pil- 
lage et  de  déprédatiims.  Chaque  jnur  voyait 
se  renouveler  quelques  violences  conire  les 
moines  et  les  pauvies  (lui  lub.taienl  sur  ses 
terres.  Le  saint  (hupud  nous  écrivons  la  vie 
soutirait   lrès-|)atiennnent  les    allaq  es   qui 
avaient  pour  objet  lin  ou  ses  moines  ;  mais 
il  ne  pouvait  soulfrir  les  vexations  dont  les 
pauvres  étaient  sans  cesse  accablés.  Uu  jour 
(pie  Bonifacc  j^illait  et  ravag(>ait  les  terres  do 
ses  malluMireux  vass.iux,  (iernum  se  l'cndit 
vers  lui  pour  lui  faire  des  i-emontrances  et 
pour  lui  demander  d'épargner  tous  ces  mal- 
lieureux.  Le  duc  feignit  de  se  laisser  tou- 
cher; mais,  après  le  départ  du  saint,  il  en- 
voya à  sa  ])oursuile  des  soldais  (jui  le  tuè" 
leut  ?i  coups  de  lance,  avec  R  ludoald  ou 
Bandant,  lun  de  ses  moines  qui  l'avait  ac- 
compagné. Cet  évônemeni  eut  I  eu   en  Gl)6. 
Leurs  relique-;  lurent  transportées  à  Gran- 
fel et  placées  d.ins  une  châsse  (jui  demeura 
ex|)osé(!  à  la  vénération  des  fidèles,  jus(}u'à 
ce  (pie  les  protestants  vinssent  la  détruire, 
connue  ils  firent  de  tant  d'autres. 
GERMANIQUE  (saint),  fut  martyrisé  à 


1089 


GUE 


GIL 


1090 


Sni.vriH'  durant  la  porséculion  do  Marc-An- 
toii'in  et  Counauile.  Côlail  un  jeune  lionimo 
h  la  Heur  de  l'Age  ;  par  le  secoui\s  de  la  giAce, 
avant  sui-nioUé  la  crainte  que  pouvait  lui 
causer  la  faiL)lesse  delà  cliair,  il  allatpia  har- 
(liinenl  la  l)ùle  (pii,  suivant  la  sentence  du 
juge,  d  vail  Ie"d(Wurer;  il  en  reçut  la'U  de 
coups  di'  dents  et  de  si  cruelles  morsures, 
qu'il  trouva  la  mort  au  Cirque.  LEglise  lait 
sa  mémoire  le  19  janvier. 

GÉKONCL;  (saint),  souHVit  le  martyre  pour 
la  foi,  cri  Afi'i(pie,  sous  le  règne  dcï  Valéiien, 
l'an  -2^60,  avec  les  saints  Paul,  Janvici-,  Salui- 
nin,  Successe,  Jules,  Cal,  et  les  saintes  Pic, 
Terlulle  ol  Germaine.  On  niaïKjucde  délads 
authc'Uiqi'es  s'ir  leur  martyre.  L'Eglise  fait 
leur  fête  le  19  janvier. 

CEUN'AIS  (saint),  martyr,  eut  pour  compa- 
gnon de  son  martyre  saint  Protais.  Ils  furent 
les  |)remiers  dans  Milan  à  verser  leur  sang 
pour  la  foi.  Cetti;  circonstance,  que  noie  saint 
Ambroise  (Ep.  5'i-j,  prouve  que  ce  futduiant 
la  })ersé(ul;on  de  Néi  on.  Ils  furent  tous  deux 
décapités.  Saint  Ambroise  dit  positivement 
(juc  leurs  corps  furent  trouvés  intacts,  la 
lèle  séparée  du  tronc.  Tous  les  monuments 
de  l'Eglise  grec({ue  concordent  avec  lui  sur 
ce  point.  Leurs  corps  furent  trouvés  par  saint 
Ambroise,  devant  les  barreaux  qui  environ- 
naient les  tombeaux  de  saint  Nabor  et  de  saint 
Félix  :  ils  fuient  transférés  dans  la  basilique 
Ambrosienne.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  19 juin. 

L'Eglise  du  monastère  de  Ftviaiies,  près 
de  Menne  en  Autriche,  possède  des  relic[ues 
de  saint  Gervais  1 1  do  saint  Prolnis,  qui  fu- 
rent données  à  saint  Séverin.  Antioche  et 
Fondiavaie::t  de  ces  reliques;  toute  la  France 
en  possédait,  notamment  la  ville  de  Tours. 
Rome  et  Paris  ont  des  églises  sous  l'invoca- 
tion de  ces  deux  saints.  Ils  sont  patrons  des 
catbédralesde  Soissons,  de  Sée-%  de  Lectoure; 
ils  l'étaient  jadis  de  celle  du  Mans. 

GÉTULE  ouZoTiQUE  (saint),  mari  de  sainte 
Symphorosc,  et  beau-frère  de  saint  Amance, 
était  tribun  dans  les  troupes  de  l'empereur 
Adrien.  11  était  fort  riche  et  demeurait  à  Tivoli 
(aujourd'hui  Campagne  de  Rome)  ;  il  quitta  ses 
richesses  pour  Jésus-Christ,  disent  ses  Actes. 
Peu!-ètre  veut-on  dire  f[u'il  faisait  beaucoup 
d'aumônes,  car  ses  Actes  ajoutent  qu'il  lo- 
geait et  nourrissait  beaucoup  de  chrétiens, 
Adrien  envoya  Céréal  pour  le  prendre  ;  cet 
envoyé,  ciui  est  nommé  vicaire,  fut  converti 
par  saint  Gélule  ei  par  son  beau-frère  Amance, 
et  vint  se  faire  baptiser  à  Rome  par  le  pape 
Sixte.  Quelque  temps  après,  Gélule  fui  pris 
par  un  nommé  Licinius,  avec  Amance,  Cé- 
réal el  un  nommé  Primitif.  Après  avoir  élé 
fouettés  et  diversement  tourmentés,  ils  res- 
tèrent vingt-sept  jours  en  prison,  el  n'ayant 
pas  voulu  consentir  à  sacritier,  ils  furent  tous 
décapités.  Cette  exécution  se  tit  à  5  iieuesde 
Rome,  sur  le  bord  du  Tibre.  La  fêle  de  ces 
saints  martyrs  se  célèbre  b^  10  juin. 

GHEEL,  village  situé  dans  l'ancien  Bra- 
banl.  Sainte  Dympne,  iilled'un  prince  anglo- 
saxon,  ayant  quitté  son  pays,  parce  que  sa 
virginité  n'y  était  pas  en  sûreté,  vint  s'y 
fixer  avec  le  saint  prêtre  Gerbem,  qui  veillait 


sur  elle.  Elle  y  fut  découverte  par  ceux  qui 
la  poursuivaient,  et  connue  elle  refusait  do 
ré|)ondre  li  jeurbrutahi  passion,  ils  la  mas- 
sacrèrent avec  saint  Gerbcrn.  C(!  village  pos- 
sè(l(>  encore  les  reliques  de  la  sainte. 

GIL  (Fhançois),  natif  de  Tortose,  en  Cata- 
logne, S(i  consacra  h  Dieu  dans  le  couvent  des 
Dominicains  de  Barcelone.  A  22  ans,  il  de- 
manda la  pei'inission  d'aller  [trêcher  les  Ido- 
lAti-es  dans  les  Indes  Orientales.  On  voulut 
l'éprouver,  pourluidonhor  le  tempsde  s'affer- 
mir. On  le  tit  professeur,  maître  d(  s  novices 
h  Barcelone;  enfin,  l'an  l'729,  il  partit  avec 
23  autres  religieux,  pour  les  missions  d'O- 
rient. Il  aborda  h  Manille  en  1730.  Envo  é 
d.ins  la  province  de  Paii-Pan-Ga,  il  y  apprit 
en  fort  peu  de  temps  la  langue,  assez  bi^  ri 
pour  y  accomplir  son  ministère.  Il  y  resta 
deux  ans.  Il  fut  ensuite  nommé  assistant  du 
Provincial  et  secrétaire  de  la  povince  du 
Saint-Rosaire  :  mais  il  sonifrait  dans  cet  em- 
ploi qui  l'éloignait  du  combat.  Voyant  son 
vif  désir,  on  lui  permit  d'aller  dans  le  Ton- 
quiii  ,  oCi  il  arriva  le  28  août  1735.  La  persé- 
cution y  était  sanglante.  Il  s'y  occupa  à  cul- 
tiver environ  quarante  chrétientés  ou  églises 
que  les  Dominicams  avaient  fondées  dans  le 
Tonciuin  méridional.  Etudier  la  langue  du 
pays  durant  le  jour  ,  instruire  les  fidèles, 
leur  administrer  ïl'S  sacrements  la  nuit,  par- 
courir le  (lays  au  milieu  d'idolâtres  acharnés 
contre  les  chrétiens,  tel  était  le  rôle  qu'il 
avait  à  remplir.  Il  se  fixa  à  Luc-Thuy,  où  il 
y  avait  des  chrétiens  fervents.  A  quelques 
journées  de  là  demeurait  un  bonze  nommé 
Thaylinh,  cupide,  superstitieux,  ennemi  dé- 
claré du  christianisme.  Furieux  de  voir  les 
progrès  qu'il  faisait  au  détriment  du  paga- 
nisme, il  cherchait  tous  les  moyens  de  l'ex- 
terminer. Les  lois,  qui  ne  lui  permettaient 
pas  d'attaquer  les  simples  fidèles,  l'auiori- 
saient  à  s'emparer  des  missionnaires  et  à  les 
déférer  au  tribunal  royal.  Instruit  que  le 
P.  Gil  était  à  Luc-Thuy,  il  y  vint,  dans  la  nuit 
du  3  août  1737,  avec  beaucoup  d'idolâtres 
ciue  lui  et  son  fils  dirigeaient.  Gil  disait  la 
messe.  Le  bonze  investit  la  cha|)elle  de  tontes 
parts;  le  ministre  de  Jésus-Christ  est  instruit 
du  danger  en  descentlant  de  l'autel.  Il  ne 
voulait  pas  que  les  chrétiens  fissent  résis- 
tance; il  ouvrit  lui-même  la  porte,  se  livra 
et  fut  entraîné  dans  une  barcjue.  On  emmena 
avec  lui  deux  femmes  et  un  homme  qu'on 
prenait  pour  les  propriétaires  du  lieu.  Le 
P.  Gil  fut  très-atfeclé  de  les  avoir  pour  com- 
pagnons :  «  ils  n'ont  contrevenu  en  rien,  dit- 
il,  aux  lois  du  pays;  ils  ne  m'ont  pas  logé.  » 
Sur  ses  instances,  (jui  étaient  justes,  le  bonze 
les  renvoya.  En  le  faisant,  il  demanda  au 
missionnaire  s'il  n'avait  pas  peur.  «  Non,  ré- 
pondit celui-ci,  je  ne  crains  rien  pour  moi; 
mon  Dieu  j  eut  m'arracher  de  vos  mains  s'il 
le  veut  :  s'il  veut  être  glorifié  par  mes  souf- 
frances <  t  par  ma  mort,  très-volontiers,  je  lui 
otfre  ma  vie.  Je  ne  craindrais  qu'une  chose  : 
c'est  que  ma  détention  fût  préjujiciable  aux 
fidèles  qui  me  sont  confiés  ;  mais  je  sais  que 
le  Seigneur  n'abandonne  jamais  ceux  qui  es- 
pèrent en  lui.  » 


4091 


GIL 


GIL 


!092 


Les  chrétiens  offrirent  de  l'argent  an  bonze 
pour  la  libiM-té  du  niissioiuiaire.  Cet  homme 
rei;ul  l'argent  et  garJa  le  prsoniiier.  Leschré- 
tiens  se  f)laignireMl  au  gouv^Miieur  qui  en- 
voya pour  arrêter  le  bonze  et  enlever  le  mis- 
sionnaire. Il  voulait  le  metlie  en  liberté.  Le 
bonze  prit  la  fuite  et  vint  au  tribunal  royal, 
racont ml  k'S  faits  ;i  sa  manière,  e!  dénoieant 
à  la  fois  les  chrt'tiens  et  le  gouverneur."  La 
détention  du  P.  (iil  étant  ainsi  devenue  odi- 
cielle,  le  gouverneur  n'osa  plus  mettre  ses 
bonnes  intentions  à  exécution.  Il  fit  conduire 
le  confesseur  à  Ketclio  accusant  à  son  tour 
le  bonze  d'ôtre  un  fauteur  de  chrétiens,  puis- 
que le  missionnaire  avait  été  pris  chez  lui, 
et  qu'il  était  notoire  quil  avait  reçu  des  [)ré- 
senls  de  la  part  des  chrétiens  de  Luc-Thuj. 
Tous  ces  in c  dents  embrouillèrent  la  procé- 
dure, la  rendirent  fort  longue,  et  furent 
cause  que  le  P.  (Iil  dut  confesser  le  nom  de 
Jésus-Christ  devant  neuf  ou  dix  tribunaux. 
11  vint  dans  la  capitale  après  dix  jouiS  de 
marche,  consumé  par  la  lièvre  et  accablé  de 
mauvais  traitements.  «  Dieu,  disait-il,  m'a 
envoyé  la  fièvre  pour  m'éprouver;  car  du 
reste,  il  m'a  laissé  le  creur  plein  de  joie  au 
milieu  de  tout  ce  que  j'ai  souffeit.»  A  Ket- 
Cho,  il  fut  emprisonné  et  chargé  de  fers.  Le 
geùlicr  voyant  lélat  dans  lequel  la  fièvre  et 
la  fatigue  l'avaient  mis,  le  laissa  dans  la  salle 
des  gardes  au  lieu  de  le  mettre  dans  un  ca- 
chot ;  mais  il  y  couchait  sur  la  terre  nue,  et 
n'avait  pour  nourriture  qu'un  peu  de  liz 
qu'une  femme  chrétienne  lui  apportait  tous 
les  jours  ;  encore  le  partageait-il  avec  les  au- 
tres prisonniers.  (On  sait  qu'au  Tonquin, 
comme  en  Cochincliine,  le  gouvernement  ne 
pourvoit  à  aucun  des  besoins  des  prison- 
niers; ils  sont  obligés  de  faire  tous  les  frais 
nécessai  es,  et,  quand  ils  ont  (pielque  chose, 
on  leur  fait  payer  le  loyer  de  la  [)risou.) 
Bientôt,  on  le  fit  sortir  de  cette  prison  pour 
le  mettre  dans  une  autre  avec  un  ledouble- 
ment  inouï  de  rigueurs,  car  on  lui  ôta  ses 
hahits,  et  on  lui  mit  de  nouvelles  chaînes 
qu'il  |)orta  jusfju'à  son  martyre.  Dieu  eut  [)i- 
tié  de  lui;  sa  maladie  guérit  spontanément, 
à  l'insla  )t  même  où  on  lui  mettait  ses  nou- 
veaiix  fers.  Ce  (ju'il  y  eut  de  remarqualde, 
c'est  que  jamais  il  ne  consentit  à  se  [ilaindro 
du  bonze  Thay-lirdi  ,  ni  à  reconnaître  sa 
conduite.  Au  commencement  de  novembre 
17.n,  il  lut  mené  au  tribunal,  au  milieu  des 
injures  et  des  railleries  de  la  populace.  Les 
juges,  dont  j)lusieurs  croyai(;nt  à  Jésus- 
Chiist,  lui  parlèi'ent  avec  bonté.  Le  trajet  de 
la  prison  au  tribunal  était  fort  long.  Les  fers 
fais;iient  aux  pieds  du  saint  des  bîessuies 
profond'S,  et  chaque  pas  qu'il  faisait  les  leii- 
dail  plus  vives.  Il  fut  une  fois  couché 
quinze  jours  sur  la  terre,  sans  (ju'ilslui  per- 
missent de  remuer  ni  de  changer  de  situa- 
tion. 

Deux  femmes  idolAtrcs  eurent  pitié  de  lui  ; 
elles  obtitn-enl?)  force  d'argent  la  peirnission 
de  le  pr(;ndre  le  jour  chez  elles  pour  lui 
dotmfîr  les  soins  (pie  sf)n  élat  réclamai!. 
Plus  lard,  on  les  autorisa  h  l(!  gardrM'  nuit 
et  jour   sous   cautir)!!,  à   rondifiorr    qu'il   se 


présenterait  à  toute  réquisition.  Dans  cet 
asi'e,  il  recevait  les  visites  d'un  f)rètre;  il 
put  lui-nrômo  convertir'  beatrcoup  d'idolAtres. 
Ses  deux  hôtîsses  fui-ent  les  premières  à 
ertibr.'.sseï-  la  foi.L'u;  e  d'el'es  avait  été  gi.éi'ie 
mir'a(nileusement  par'  lui  avant  sa  convers  on. 
Ll!e  mourut  peu  afirès  d.ins  d  >  grarrds  s-n- 
timents  de  piété.  L'autre,  qui  vécut  encore 
plusieui-s  arinées ,  confessa  généreusement 
la  foi  de  J  'sus-Christ. 

Ajirès  plusieurs  interrogatoires,  int  Tvint 
arrêt  qui  condairrnail  le  P.  Cil  à  mort,  et  le 
bonze  et  son  fils  h  garder  les  él,;,  hanis 
coirrme  coupables  d'avoir  eu  chez  eux  le 
missionnaire  pendant  10  jours.  Le  saint 
croyant  le  moment  de  sa  m<irt  venu,  en  res- 
sentit une  grande  joi  >.  Mais  il  co.n,itait  sans 
les  usages  du  pays.  D'ortiinair-e,  l'exécution 
des  condamnés  n'a  lieu  que  d  nrs  le  deririer 
mois  de  l'année,  et  quand  il  arrive,  pour 
une  cause  mr  pour  l'autre,  qu'on  y  surseoit, 
ce' te  exé.'utini  est  toujoui's  rej'tée  d'une 
année  et  (piehpief  .is  de  pi  is  eurs.  C'est  ce 
qui  eut  lieu  pour  le  luissionnaire  :  la  raison 
en  fut  que  le  bonze  appela  de  la  sentence 
qui  le  condamnait,  et  comme  elle  éiait  com- 
mune au  siint,  cet  appel  fut  susj  ensif  do 
son  exécution.  L'année  d'après  il  se  trouva 
que  tout  le  mois  destiné  aux  .su|)i)lices  l'ut 
employé  à  des  réjouissances  publiques,  pen- 
dant lesquelles  il  était  défendu  de  mettre  à 
mort  personne.  Plus  tard,  des  guerres  ci- 
viles, le  choléra,  d'autres  calamités  [)ubliques 
occasionnèrent  de  nouveaux  relards.  Le 
saint  homme  en  accusait  son  indignité.  «  Ce 
bien  que  je  souhaitais,  disait-il,  m'est  re- 
fusé pour  mes  j)échés,  pour  mon  ingrati- 
tude envers  Dieu.  Je  l'avais  sans  doute  at- 
tendu avec  trof)  de  présomption. 

En  1738,  il  écrivit  une  lettre  à  Louis 
Néez,  évèqiie  de  Léomanie;  il  s'y  réjouit  de 
ce  que  les  habitants  de  Luc-Thuy  n'ont  point 
été  nralliai  es  ;\  son  sujet;  de  ce  qu'on  leur 
a  re.stilué  l'argent  qu'ils  avaient  donné  au 
boize  et  de  ce  (jue  ce  bonze  lui-rriéme,  ti'a- 
boid  condamné  h  vie  à  la  garde  des  élé- 
phan's,  av,  it  vu  sa  peine  réduite  h  (i  anin'es. 
l  ajoutait  :  Jùjo  aaUin  ciipitc  (laiimalus  suin. 
Uliiinm  Dcus  iiiihi  concédât  ad  hanc  ylorium 
pcrt ingère  ! 

El  juillet  1739,  il  comparut  devant  un 
nouveau  tiibunai  ainsi  (p.je  le  bonze  Thay- 
Tinh.  Celui-ci,  pour-  démoiUie.  l'ausse  l'ac- 
cu.-aliorr  portée  coirtre  lui,  dem.irda  (pr  on 
apj  ortAt  des  images  trouvées  en  posse  sioii 
du  P.  Cil  afin  de  h  s  fouler' aux  pieds  cl  de 
prouver  par  là  (pi'rl  n'avait  rien  de  comnrun 
ni  avec  lui  ni  ave;.'  sa  religion.  On  inrl  par 
terre  un  crucifix  et  quehpies  autres  iirragi  s; 
on  ordonna  au  missioMiaire  de  les  f  .nier  aux 
pieds.  «  Je  ne  le  ferai  jam.ris,  »  dil-il  ,  et 
s'agenouillant,  il  baisa  respe/lueuscmmil  le 
ci'ucilix.  Il  fit  la  niéine  chose  pour'  l'rmago 
de  la  sainte  Vierge.  Le  Juge  liri  ayant  de- 
mandé où  il  croy.iit  aller  a|iiès  sa  nioit, 
«j'espère,  répondil-rl,  aller  air  ciel  joirir  du 
bonheur  que  Jésus-Christ  promet  étenrellc- 
nient  h  ceux  (pii  le  servent  et  qu'il  leur  a 
mérité  pur  sa  mort.  «  Il  parla  aussi  sur  l'iru- 


s 
on 


1093  GtL 

niortali((^  de  l',\mo,  sur  les  peines  et  les  ré- 
coth|ieM.sos,  (iociriiio  qu'il  dit  avoir  élé  ré- 
vélée par  Dieu  inéme.  Ou  lit  ap|)oitcr  uu(ï 
massue.  Il  crut  (lu'ou  allait  le  IVapoer  el 
l'aKeuouilla  |iour  recevoir  les  cours.  Mais 
»n  lui  ordonna  d'eu  frapper  le  crucifix.  Alois 
saisissant  riu>liuiueiit,  il  le  jeta  avec  hor- 
reur loin  de  lui.  Ou  le  mit  entre  les  uiaius 
du  bi)u/e  (pii  s'an|)rôta  îi  IVapper  les  saintes 
images.  Mais  le  missionnaire  st^  jetant  h 
terre,  les  couvrit  de  ses  mains  et  dit  au 
bonze  :  «  Frappez  maintenant  ».  «  Kn  vé- 
rité, dirent  le>  juj;es,  des  coups  de  massue 
leur  feraiei.t  grand  mal  !  »  Alors  le  saint  prit 
occasion  de  celle  radlei'ie  pour  expli([uer 
fouuui'Ut  les  chrétiens  entendaient  le  culte 
des  images,  et  cpiclle  était  la  nature  du  res- 
pect (pi'iis  leiu-  poilaient.  «  \'ou(liiez-vous, 
dit-il  au\  juge-,  fouler  aux  pieds  l'image  de 
votre  père,  l'i-a|)[)er  celle  du  priiu^e?  Ce  (pii 
vous  en  empôcher'ait,  ce  serait  nou  pas  la 
crainte  d'oc(;asionner  de  la  douleur-  aux 
images,  mais  bien  de  mau(|uer  cK;  resficct  ii 
ceux  qu'elles  représentent.  »  La  sentence  fut 
contiriuée. 

Thay-Tinh  interjeta  encore  appel.  Le  mis- 
sionnaire con)[)arut  de  nouveau  devant  un 
autre  tril)unal  le  20  septt  mbre  1739.  Il  en 
protita  pour  confesser  encore  la  vérité  et  la 
for.  11  dit  les  luotifs  qui  l'avaient  amené  au 
Touquin;  prétendit  que  i)ersonne  n'a  le 
di'oit  d'empêcher  quelqu'un  de  prêcher  une 
religion  qui  vient  de  Dieu;  que  les  lois  qui 
le  défendent  sont  un  abus  d'autorité.  Le  ma- 
gistrat voulut  lui  faire  dire  quels  étaient 
ceux  qui  l'avaient  reçu  et  qui  avaient  pra- 
tiqué l'hospitalité  à  son  égard.  11  répondit 
d'une  manière  générale  pour  ne  compro- 
mettre persomie.  Il  refusa  de  signer  le  pro- 
cès-verbal (le  la  s»'ance,  si  on  refusait  d'y 
changer  deux  caracières  que  le  secrétaire  y 
avait  introduits,  et  qui  pouvaient,  étant  fort 
équvoqnes  ,  sigrilier  qi;e  le  missiomiaire 
avait  avoué  que  sa  religion  est  fausse.  Le 
président  les  lit  t;liacer  ;  après  quoi,  le  mis- 
sionnair-e  signa  et  fut  reconduit  eu  prisoir. 
En  1740  et  J7il,  les  troubles  et  les  fléaux 
qui  dés/lèrent  le  Touquin  em[)èchaiei.t  les 
autres  missionnaires  d  y  exercer'  leurs  fonc- 
tions. Mais  lui  dans  la  maison  qui  lui  servait 
d'asile,  célébrait  les  saints  mys  ères,  con- 
fessait, ba[)tisait  les  petits  enfaits.  On  ob- 
tenait même  des  magistrats,  des  geùliei'S,  en 
les  i^)ayant,  i[u"ils  permissent  au  saint  uad- 
minisii'er  des  malades,  des  inlirmes,  tant 
dans  la  vile  (pie  dans  la  campagne.  Du  reste, 
il  y  avait  plusieurs  magistrats  qui  étaient 
chrétiens;  le  sixième  Irôre  du  roi  1  était 
aussi.  Le  P.  Gil  célébra  la  messe  dans  son 
palais  le  jeudi  saint  1742.  Quelque  temps 
ap'ès,  on  voulut  obtenir  sa  délivi'anco  m 
employant  auprès  du  roi  plusieurs  persor.nes 
intluentes  et  notamment  sa  tante,  [rincesse 
qui  était  chrétienne.  Le  P.  Gil  n'y  consentit 
qu'à  condition  que  dans  la  requête  on  dirait 
au  roi  les  motifs  qui  l'avaient  amené  au 
Tonquin,  ainsi  que  ceux  -pour  lesquels  il 
avait  été  condamné.  La  princesse,  croyant 
bien  faire,  dit  à  son  neveu  que  celui  pour 


GlL 


4094 


qui  elle  intercédait  n'était  qu'un  négociant 
V(iin  pour  ses  alfaiies;  (pi'on  j'.ivait  an  été 
sons  préiexle  qu'il  pr-èchait  la  religion  chré- 
tienne, mais  (pie  le  tribniwil  avait  condamné 
celui  (pri  l'avait  arrêté  à  gaixhir  les  éléphants. 
Le  roi  accorda  la  grAce,  eir  supposant  que 
les  faits  fussent  viai<.  Un  euinjipie  fut 
char-gé  de  les  vérider.  11  eOt  été  trè^-laciledc 
faire  parlei'  l'eunuiue  comme  avait  fait  la 
j)rincesse;  mais  le  P.  Gil  ne  voulut  pas  al- 
térer un  mot  de  la  vérité.  Il  dit  pounpioi  il 
était  venu  au  Tonquin,  que  la  liberté  cpr'on 
lui  ren(lr;iit  lui  serait  odieuse  s'il  Ini  fallait, 
pour  lacoiupiérir,  se  dire  antre  qu'il  n'était. 
Ces  aveux  rendirent  la  requètjj  inutile.  On  le 
laissa  dans  les  fers,  mais  il  y  fut  aussi  libre 
(pi'auparavanl,  et  continua  deux  ans  encore  à 
utiliser  son  saint  ministèr-e. 

lùr  mars  1743,  il  comparut  de  nouveau, 
con!éssa  la  foi,  malgr-é  les  menaces,  les  mau- 
vais traitements.  Le  juge  voulant  qu'il  dé- 
iionciU  (pie!(pi  un,  le  menaça  de  la  torture 
en  lui  disant  :  «  Je  vous  fer-ai  parler.  »  «  Je 
soulfrirai  la  torture,  lui  dit  le  missionnaire, 
et  je  ne  parlerai  pas.  »  Bient(jt  il  eut  un 
compagnon  de  captivité  :  Mathieu  Alono, 
nommé  en(  ore  Alphonse  Leziniana,  natif  de 
Nava  Del  Ke  en  Lsfiagne,  fr-ère  prôcieur,  était 
entré  au  Tonquin  en  1732.  Obligé  de  se  ca- 
cher jusqu'en  1733,  il  avait  à  cette  époque 
recommencé  ses  prédications  qui,  penuant 
dix  ans,  avaient  é,é  très-fructueuses.  On 
verra  à  son  titre  comment  il  fut  arrêté  et 
comment  il  devint  le  compagnon  de  capti- 
vité du  P.  Gil.  Le  30  mai  1744,  on  les  réunit, 
ils  demeurèrerit  ensemble  jour  et  nuit,  uti- 
lisant leur  ministère  autant  qu'il  était  en  eux. 
Bientôt  ils  conçurent  une  grande  espérance; 
le  grand  oncle  du  roi  les  fit  appeler  pour 
avoir  des  éclaircissements  sur  la  religion 
chrétienn\  Celte  conférence  eut  lieu  le  19 
juillet  1744,  Malheureusement,  elle  n'eut 
})as  le  résultat  qu'on  avait  es])éié.  Le  prince, 
après  avoir  lu  (Quelques  fragments  d'un  hvre 
écrit  en  Tonquinois,  que  lui  remirent  les 
missionnaires,  Itur  exprima  ses  doutes.  Il 
convint  que  la  religion  de  son  pays  était 
j)ieine  d'absurdités  et  de  faussetés. "Mais  il 
ajouta  qu"il  cominenait  moins  encore  les 
dogmes  de  la  religion  chrétienne  avec  ses 
mystères. 

Le  ToiKjuin  continuait  d'être  frappé  d'une 
muliitude  d'  fléaux.  Pensant  qu'il  y  avait 
quelque  chose  de  providentiel  dans  tous  ces 
malheurs  publics,  le  roi  donna  1  ordre  d'étu- 
dier de  nou.eau  les  procès  de  tous  les  dé- 
tenus, de  mettre  les  innocents  en  liberté  et 
même  d'user  d'in(iulgerice  envers  les  cou- 
pables. Beaucoup  lie  chrétiens  pensèrent  que 
le  moment  était  o[)porlun  pour  sauver  le 
P.  Gil.  Ils  voulaient  présenter  un  placet, 
mais,  lui,  témoi-na  conibien  il  en  sprait  af 
fligé.  «  Que  penseront  les  idolâtres,  disait-il, 
quand  ils  verront  (-eux  qui  leur  prêchent  la 
patience,  le  courage  dans  les  tourments, 
craindre  de  sceller  de  leur  sang  les  vérités 
qu'ils  annoncent.  »  Ses  amis  n'osèrent  plus 
persister  dans  leur  dessein  ni  même  oflïir 
rançon  pour  le  saint  missionnaire.  A  régar(î 


4095 


GIL 


GIL 


1096 


du  P.  Leziniana,  on  crut  pouvoir  agir  ditfé- 
rcmment.  Les  jug<'S  intliiencés  par  les  dé- 
marclies  qui  eurent  lieu,  mod  fiùrent  la  sen- 
tence qui  Vavait  condamné  à  la  peine  capit.ile 
et  prononcèrent  contre  lui  la  [jeine  d'une 
détention  peri)étuelle.  La  sentence  du  P.  Gil 
fut  maintenue.  Quand  on  présenta  au  roi 
ces  deux  sentences,  ne  s'evpliquant  pas  pour- 
quoi elles  él.iient  si  diUercntes  dans  deux 
causes  identi  ues,  il  refusa  sa  signature  et 
renvoya  pour  un  nouvel  examen  devant  le 
tribunal  criminel.  Comme  les  deux  sentences 
étaient  distinctes,  le  bruit  se  répandit  que  le 
P.  Gil  allait  ètie  exécuté,  que  son  conifia- 
gnon  au  ccmliaire  serait  é[iarg''té.  Le  secré- 
taire du  tribunal  criminel  donna  plus  d'au- 
torité à  ce  bruit  en  disant  le  21  janvier  17i5 
aux  chrétiens  de  la  cour,  que  le  P.  Gil  allait 
avoir  la  tête  tranchée  le  lemlemain,  sans 
rien  ajouter  qui  concernât  le  P.  L  ziniana. 
On  vit  alors  une  étrange  chose  :  tandis  que 
les  chrétiens  se  réjouissaient  en  pensant 
qu'au  moins  un  de  leurs  pasteurs  resterait , 
le  P.  Gil  ne  pouvait  contenir  sa  joie.  Le 
P.  Leziniana  au  cont  aire  ne  pouvait  mo- 
dérei-  sa  douleur.  Crlui  qui  devait  mourir, 
félicité  par  l'aulro,  était  obligé  de  le  consoler. 
«  Soyez  tranquille,  lui  disail-il,  ne  pensez 
pas  que  nos  ennemis  se  contentent  d'une 
victime.  Après  m'avoir  pris,  ils  se  tourne- 
ront vers  vous;  votre  supplice  n'est  que 
diileré.  Je  ne  mérite  pas  plus  que  vous  le 
bonheur  qui  m'est  accordé.  Es[)ércz  que 
Dieu  ne  vous  le  refusera  pas.  »  De  toutes 
parts  on  venait  témoigner  aux  confesseurs 
J'alfeclion  qu'on  leur  portail.  Dans  l'excès  de 
leur  douleur,  les  chrétiens  montraient  tout 
le  chagrin  qu'ils  éprouvaient,  au  P.  Gil,  et 
disaient  à  l'autre  toute  la  joie  qu'ils  ressen- 
taient en  pensant  qu'il  allait  être  sauvé. 
Sentiments  bien  naturels  et  qui  i)0urtant 
n'étaient  pas  d'accord  avec  ce  qui  se  passait 
d'^ns  l'âmc!  des  deux  saints.  Le  vicaire  a|)os- 
tolique  du  Tonquiu,  ne  pouvant  venir  lui- 
même  envoya  un  de  ses  serviteurs  vers  les 
deux  confesseurs  pour  les  saluer  de  sa  part 
et  pour  les  prier  d'être  au  ciel  intercesseurs 
auprès  de  Dieu  en  faveur  de  l'Kglise  qu'ils 
avaient  évangélisée.  Le  21  janvier,  le  P.  Gil, 
en  prenant  congé  de  cet  envoyé,  lui  dit 
d'annoncer  à  son  maître  sa  mort  pour  le 
lendemain;  le  soir  venu,  il  assembla  ceux 
qui  l'avaient  servi  et  leur  dit  :  «  Je  ne  puis, 
mes  enfants,  ({ue  suivre  le  précepte  de  mon 
divin  maître;  iirenanl  son  testament  pour 
exem[)le  du  mien,  je  vais  le  faire;  je  vous 
lègue  tout  ce  que  j'ai  de  [)lus  précieux,  la 
môme  rccoiiuuandation  (ju'il  fit  à  ses  apô- 
tres :  «  Aim(!Z-vous  les  uns  les  autres;  »  la 
charité,  ce  trésor  que  je  vous  laisse  est  le 
nlus  grand  bien  des  iKuiunes  ici-bas,  et  il  a 
le  don  d'ouvrir  l(!s  poites  du  ciel.  Au(nnu^ 
vertu  n'est  plus  suivant  le  cœiu'de  Dieu  (|ue 
celle-là.  Je  vous  en  supplie,  aid(!Z-moi  par 
la  prièrfj  dans  les  combats  (pu;  je  vais  avoir 
h  soutenir  et  rec(;vez  nuta  remercîments 
pour  tous  les  services  (jue  vous  m'avez 
rendus  pendant  huit  anné(;s  (jui!  j'ai  été 
captif.  »  Voyant  les  larmes  couler  autour  de 


lui  et  ne  pouvant  retenir  les  siennes,  le  saint 
confesseur  dit  un  dernier  adieu  à  tout  le 
monde  et  rentra  dans  sa  chambre  pour  y 
passer  la  m.it  en  prièies  aux  pieds  de  celui 
qui  soutient  les  faibles  et  double  la  puissance 
des  forts. 

A  irois  heures  du  matin,  il  célébra  la  messe 
ei  entendit  celle  que  dit  le  P.  Leziniana.  Au 
jour,  il  se  rendit  à  la  prison  pour  faire  ses 
adieux  aux  prisonniers,  pour  remercier  les 
geôliers  de  ce  qu'ils  avaient  été  pour  lui.  11 
voulut  faire  aux  i)auvres  les  aumônes  qui 
étaient  en  s(Vi  pouvoir  ;  il  leur  distribua  tout 
ce  qu'il  possédait  au  monde,  c"e^t-à-dire,  un 
peu  de  riz  qu'il  avait  encore  pour  sa  nourri- 
ture. Les  soldats  qui  devaient  le  conduire  au 
supplice,  arrivèrent  à  huit  heures;  le  P.  Le- 
ziniana ne  le  quittait  pas.  Il  voulait  être  té- 
moin de  sa  mort,  ne  croyant  pas  être  appelé 
au  même  bonheur.  Tous  deux  partirent  de 
la  prison  entourés  et  suivis  d'une  multitude 
de  peuple.  Celui  qui  devait  mourir  senjblait 
inondé  dejoie  tandis  que  l'aulie  était  navré 
de  tristesse.  Les  idolAtres  disaient  :  «  Quels 
sont  donc  ces  Européens  si  peu  semblables 
au  commun  des  houuaes  !  Le  suprême  bi«^n, 
c'est  de  vivre,  et  eux  ne  demande:. t  qu'à 
mourir.  »  Le  cortège  était  arrivé  devant  la 
grande  porte  du  palais ,  quand  on  vint  an- 
noncer au  P.  Leziniana  que  le  tribunal  re- 
venant sur  la  décision  des  seconds  juges, 
avait  confirmé  la  sentence  des  premiers,  et 
qu'il  allait  mourir  avec  son  compagnon. 
«  Que  Dieu  soit  béni  !  dit-il.  »  Le  P.  Gil  fit 
doîiner  quelques  pièces  d'argent  qu'il  avait 
aux  deux  geôliers,  gardiens  de  la  prison,  qui, 
suivant  l'usage  du  ])ays,  devaient  exécuter 
la  sentence.  Quand  on  lut  arrivé  au  lieu  du 
supplice,  les  deux  Dominicains,  la  face  contre 
terre,  prièrentlongtemjjs;  puis  mutuellement, 
ils  se  donnèrent  l'absolution,  La  foule  était 
recueillie  et  resjiectueuse.  Chrétiens  et  ido- 
lâtres admiraient  le  courage _deb  saints  mar- 
t\rs.  On  raconte  qu'une  vieille  |)aienne,  dans 
la  naïve  ferveur  deses  cioyances,  se  tenait  à 
genouxdevant  ses  idoles,  à  quelque  distance 
(iclà,lessu[)pliantde  sauver  la  vieà  ces  étran- 
gers, dont  la  douceur  et  la  résignation  lui 
])araissaient  ne  pas  |)ouvoir  appartenir  à  des 
criminels.  On  les  attacha  <i  deux  pieux.  Les 
yeux  au  ciel,  ils  faisaient  ci  Dieu  i'honunage 
de  leur  existence.  Au  signe  qu(^  lit  le  ma- 
gistrat, les  bourreaux  leur  tranchèrent  la 
tête.  Aussitôt,  les  chrétiens,  fraiichissant  les 
barrières,  pénélièrent  dans  l'enceinte  jiour 
y  recueillir  tout  ce  qu'ils  purent  prend  e  des 
saintes  relicpies  des  deux  martyi'S.  Leurs 
ch(;veux,  leuis  vêlements,  tout  fut  (unporlé. 
On  i)i'il  nu'ime  la  terre  (pi'avait  imprégnée 
le\u'  sang.  Les  ministres  de  la  justice  À  qui 
les  serviteurs  des  deux  saints  avaient  donné 
une  forUîsonmie  d'argent  pour  (ju'ils  conser- 
vass(întles  corps  des  (hnix  martyrs,  ne  lurent 
pas  mailres  de  h.vs  garder.  Les  chrétiens  s'en 
emparèrent,  les  deux  têtes  fureid  rinnises  au 
jésuite  Picnre-Xavier,  Toiupiinois,  (pii  les  fit 
porter  hi  lendemain  avec  les  (;orps  dans  lo 
ijouigd(!  Luc-'llui.y.  Spinosael  Pie  de  Sainte- 
Croix  les  onscvelnonl  le  20  janvier  dans  la 


1097 


(;iK 


GLt 


1098 


maison  qui  loiir  avait  sorvi  de  domeure.  Peu 
do  ti>ui|)s  apiùs,  on  les  tiansléivi  dans  lY'gliso 
du  litni  avec  hcaucoup  de  s()l('nni:6.  Assis- 
taient à  (X'tle  translation  le  l*.  l'onsj;rau,  vi- 
caire provincial  des  dominirains,  (inchincs 
augnstins  cl  le  l'.  Hilairo  de  Jésus,  auguslin 
réioraié,  éviVjne  de  Corée  et  vicaiie  aposto- 
lique du  Toni)uin. 

ÙIRONE,  ville  d'Espagne,  est  célèbre  par 
Je  martyre  qu'y  soull'rit  saint  Félix  ])ar  l'or- 
dre du  président  Dacien.  Il  lui  battu  clcruel- 
Jeiuent  déchiré  avant  de  rendre  l'Ame. 

GlUOZAYÉMON  JOACHIM   (  le  bienheu- 
reux), fut  martyrisé  en  l(i08,  au  Ja[)on,  dans 
le  royaume  ileFin^o,  avec  Michel  Faciémont 
et  Jean  Tingoi'o,  ainsi  que  Thomas,  lils  de 
Faciémont,  et  Pierre,  lils  de  Tinyoro.  Le  m()t 
wta;V?/rjse  que  nous  enq)lo}ons  ici   pourrait 
parAitre    impropre,  étant   a|)i)liqué  ci  notre 
saint,  si  on  ne  savait  que  rK^^lise   considère 
comme    maiMyrs    non-seulement    ceux    (lui 
meurent  violemment  de   la  main   du  bour- 
reau, mais  encore  ceux  qui  terminent  leurs 
jours  dans  les   souUVances  des  cachots   ou 
dans  les  rigueurs   de  l'exil.    Girozayémon 
était,  ainsi  que  Faciémont  et  Ti-igoro,  un  des 
seigneurs  les  plus  puissants  du  royaume  de 
Fingo.  Tous    trois  étaient  directeurs  d'une 
conlrérie  qu'on  avait  fondée  dans  ce  royaume 
sous  le  nom   de  la   Miséricorde.  Lorsque  le 
roi   de  Fingo   commença   à  persécuter  les 
chrétiens,  il  lit  enq)risonner  nos  trois  saints. 
A  répoque  de  1608,  il  y  avait  près  ue  (;uatre 
a n.s  qu'il  les  tenait  en  prison.  La  nourriture  y 
était  si  mauvaise,  la  prison  était  si  malsaine, 
les  soins  de  toutes  sortes  manquaient  telle- 
ment aux  saints  confesseurs,  que  Girozayé- 
mon  mourut  de  misère.  A  la  nouvelle  de  sa 
mort,  le  roi  ordonna  de  décapiter  ses  deux 
compagnons,  ainsi  que  leurs  enfants.  En  ap- 
prenant cette  sentence,  tous  deux  déclarèrent 
qu'ils  en  étaient  ravis,   et  que   s'ils  avaient 
un  souhait  à  former,  c'était  celui  de  voir  les 
bourreaux  épuiser  sur  eux  toutes  les  tortures 
que  leur  art   pourrait  leur  suggérer.  Le  roi, 
qui  caignait  que  le  peuple  ne  se   soulevât, 
commanda  de  presser  l'exécution.  Dès(iu'on 
eut  signilié  aux  saints  confesseurs,  et  l'arrêt 
qui  les  condamnait,  et  l'heure  à  laquelle  ils 
allaient  mourir,  on  les  conduisit  la  corde  au 
cou   hors  des  murs  de  Jateuxiro.  On  envoya 
deux  soldats  pour   chercher  leurs  enfants. 
Le  {)etit  Thomas,  lils  de  Faciémont,  n'avait 
que  12  ans,  le  tils  de  Tingoro,  nommé  Pierre, 
n'en  avait  que  sept.  Thomas,  ayant  appris  sa 
condamnation,  courut  se  revêtir  de  ses  plus 
beaux  habits  et  vint  spontanément  au-devant 
du  funèbre  cortège.    11  sauta  au  cou  de  son 
père,  en  lui  témoignant  sa  joie  d'être  associé 
à  so  i  sort.   Lorsqu'on  fut  arrivé  au   lieu  du 
supplice,  les  saints  confesseurs    attendirent 
quelque  temps   que  l'autre  enfant  arrivât  ; 
mais  comme  il  ne  venait  pas,  ils  furent  déca- 
pités en  son  absence.  L'enfant  était  chez  son 
grand-père  et  dormait  encore,  quand  le  sol- 
dat qui  devait  l'amener  se  présenta.   L'en- 
fant, sans  témoigner  aucune  crainte,  s'habilla, 
et  prenant  le  soldat  par  la  main,  vint  avec 
lui  au  lieu  du  supplice.  Un  peu{)le  immense 
PiCTiONN.  ©ES  Persécutions.  L 


le  suivait  :  ((uand  h;  petit  martyr  tut  arrivé, 
il  se  mil  ;i  genoux  près  du  corps  de  son  père, 
et  joig'iant  s(!S  mains,  il  présenta  sa  tôle  au 
bourreau.  Comme  (;elui-ci  levait  le  bras,  pour 
le  lVap|)er  il  se  lit  niu;  innnense  clameur,  l.o 
peupl(;  indigné  ne  pouvait  se  contenir:  \f* 
bourreau  de  son  côté  jeta  son  glaive  el  s'en- 
fuit; successivement  deux  autresvime  il  et  en 
lirenl  autant.  Fnlin  un  esclavecoréen  se  char- 
gea (lel'exéculion  ;  mais  étaiu  inhabile  (  t  for- 
tement énuj  de  ce  qui  se  passait  autour  de 
lui,  il  dé(;hargea  plusieurs  coups  de  sabre 
sur  la  têle  el  sur  les  é[)aules  de  l'enfant 
avantde  pouvoir  lui  coujier  le  cou.  Le  [letit 
martyr  se  ht  hacher  ainsi  sans  i)0usser  un 
seul  cri. 

(ilV^ALlUS  (saint),  fut  l'un  des  quarante- 
luiit  mart,  rs  mis  à  mort  avec  saint  Saturnin, 
en  Afiiipie,  sous  le  proconsul  Anulin,  en  l'an 
de  Jésus-Christ  305,  sous  le  régie  et  duiant 
la  i)eiséculio  i  si  terrinle  que  linfilme  D.o- 
clél.en  suscila  contre  l'Eglise  du  Seig•^eur. 
{Voy.  SArciiNiN.)  L'Eglise  célèbre  la  fête  do 
tous  ces  saints  le  11  janvier. 

GLABHION  {Mon.  Aciliu»},  fut  consul  en 
91  de  Jésus-Clirist,  tO  et  11  de  Domitien. 
.  Baronius  ,  et  après  lui  Dodwel,  niellent  ce 
personnage  au  nombre  des  martyrs,  préten- 
dant que  Doinilien  le  lit  mourir  pour  cause 
de  christianisme.  Le  passage  de  Dion  sur  le- 
quel se  fondent  ces  auti  urs  [Dionis  Cassii 
Historiarum  GO ,  typis  Wecchdianis ,  nn. 
1606)  a  [irobablement  été  lu  tmp  légèrement 
par  eux  ou  mal  interprété.  Il  ne  dit  pas  un 
mot  qui  confit  nie  l'opinion  qu'ils  en  tirent. 
Voici  la  vérité  sur  la  mort  de  Glabrion.  Do- 
mitien,  qui  était  aussi  cruel  que  Néron,  avait 
voulu  que  Glabrion,  étant  consul,  descendit 
dans  l'arène  pour  y  combattre  un  lion.  Gla- 
brion, loin  de  s'épouvanter,  attendit  de  pied 
f.!rme  l'animal  féroce  el  réussit  à  le  tuer. 
Une  si  grande  adresse  jointe  à  tant  de  force 
et  de  coura^;e  ,  c'était  assez  pour  effrayer 
Domitien.  Il  eut  peur  que  Glabrion  tournât 
sa  bravoure  et  sa  force  contre  lui,  et  ne  le 
tuât.  Il  l'exila  d'abord,  sous  prétexte  de  cons- 
piration contre  l'Eiat,  et  ensuite  le  ht  mou- 
rir. L'Eglise  n'a  pas  partagé  l'opinion  de 
Baronius  et  de  Dodwel  :  elle  n'a  pas  mis  Gla- 
brion au  nombre  des  saints. 

GLEYO, prêtre  du  séminaire  des  Missions- 
Etrangères  ,  soutint  de  la  persécution  en 
Chine, en  1777.  Larolat.on  doses  soutirances, 
écrite  par  lui-môme  ,  est  une  pièce  authen- 
tique trop  belle  pour  que  nous  cherchions  à 
la  remplacer.  «  Traîné,  dit-il,  au  tribunal  du 
Lao-ve",  la  première  question  qu'il  me  lit  l'ut 
celle-ci  :  Européen!  qu'ètes-vous  venu  faire 
iL"i?_Jes,:is  venu,  lui  dis-je,  [.rocher  la  reli- 
gion chrétienne,  et  ce  n'est  pas,  comme  voub 
le  pensez,  la  secte  de  Pelen-Kiao  ;  notre  reli- 
gion est  connue  de  l'empeieur.  Il  y  a  jus- 
que dans  sa  cour  des  Europ'-ens  qui  l'ensei- 
gnent tout  comme  moi;  ils  ont  dans  Pékin 
des  églis  'S  ouvertes  où  l'i.u  fait  publique- 
ment les  exercices  de  notre  sainte  religion; 
l'empereur  Kang-hi  a  été  sur  le  point  de 
lembrasser;  il  y  a  des  chrétiens  dans  toutes 
les  provinces  de  l'empire,  et  ceux  qui  con- 

3o 


1099 


GLE 


GLE 


ilOO 


naissent  leur  doctrine  ne  «'ont  jamais  con- 
fondue couHJie  vous,  seigneur,  avec  la  secte 
infAuie  des  Pelen-Kiao.  »  Le  Lao-ye  me  de- 
manda alors  de  quelle  utilitépouvaitdoncètre 
notre  religion.  Je  lui  réjiondis  qu'elle  pré- 
servait ceux  qui  l'embrassaient  et  la  prati- 
quaient de  la  damnation  éternelle,  et  qu'elle 
les  conduisait  au  bonheur  du  ciel.  11  me  de- 
manda aussi  si  nous  n'adorions  pas  des  ido- 
les :  ayant  répondu  à  cette  question  avec  indi- 
gnation et  de  manière  qu'il  n'eût  pas  un  mot 
a  me  répliquer,  il  me  dit  :  «  Mais,  h  t'enten- 
dre,  ta  religion  est  bien  nécessaire?  —  Oui, 
lui  dis-je,  indispensablement  nécessaire. 
—  Quel  intérêt,  ajouta-t-il,  as-tu  de  venir  de 
>i  Iwin  pour  prêcher  ta  religion  dans  cet 
empire?  —  Point  dautre,  lui  répondis-je, 
que  l'amour  que  je  dois  avoir  pour  Dieu  et 
pour  les  liommes  à  cause  de  Dieu.  —  As-tu 
tou  père  et  ta  more?  —  Ma  mère  seule  vit 
encore.  —  Pourquoi  n'es-tu  pas  resté  pour 
l'assister?  Comment  regarder  comme  bonne 
une  religion  qui  autorise  ceux  qui  l'embras- 
sent à  abandoimcr  leurs  parents  ?  —  Ma 
mère,  lui  répondis-je,  n'a  pas  besoin  do 
niûu  secours  ;  elle  a  été  très-contente  que 
je  vinsse  ici  pour  faire  connaître  ma  reli- 
ftion.  »  Alors,  prenant  mon  crucifix,  il  me  de- 
manda l'explication  de  cette  image.  Je  la  lui 
donnai  le  mieux  qu'il  me  fut  possible,  après 
quoi  il  ordonna  ({u'on  me  reconduisit  en 
prison.  Le  lendemain,  31  mai,  il  alla  avec 
ses  satellites  dans  l'endioit  où  j'avais  été 
pris,  pour  faire  la  recherche  de  mes  ell'els.  11 
y  trouva  toute  machai)elle,  à  l'exception  du 
calice  qu'on  avait  eu  soin  de  cacher.  Quand 
il  vit  les  ornements  sacerdotaux,  il  me  crut 
plus  que  jamais  de  la  secte  des  Pelen-Kiao. 
La  chasuble  était  mon  manteau  royal  ;  le  de- 
vant d'autel,  l'ornement  de  mon  trône;  le 
fer  à  hostie,  l'instrument  pour  battre  mon- 
naie ;  mes  livres,  des  livres  de  sorcellerie. 
Le  soir,  quand  il  fut  de  retour  et  qu'il  eut 
raconté  tout  cela  à  mes  gens,  l'un  deux,  étant 
venu  comme  à  l'ordinaire  pour  nous  renfer- 
mer, m'annonça  ma  mort  comme  prochaine,  et 
tout  de  suite  on  lit  ajouter  à  ma  chaîne  un 
collier  de  fer  avec  un  bâton  aussi  de  fer, 
long  d'un  i)ied  et  demi;  attaché  i)ar  un  bout 
à  mon  collier  et  de  l'autre  à  mes  menottes, 
p^jur  m'ein{)êcher  de  faire  aucun  usage  do 
mes  mains,  parce ({ue  le  Lao-ye,  me  croyant 
sorcier,  voulait  m'ùler  le  pouvoir  de  faire 
des  maléfices.  Le  même  soir,  il  me  lit  apj)li- 
quer  son  sceau  dans  le  dedans  de  ma  che- 
mise, ensuite  de  (luoi  il  ordonna  qu'on  me 
fouill;1l  j)lus  exactement.  On  m'enleva  alors 
les  reliques  et  la  boite  des  saintes  huiles 
que  j'avais  conservées  jusqu'à  ce  moment.  Le 
Lan-yo  était  si  entêté  à  nous  faire  i)a.s,ser 
j)our  des  Pelen-Kiao,  (pie,  sans  plus  amph; 
information,  il  dépêcha  un  courrier  à  la  ville 
de  Thong-Kin  pour  avertir  le  gouverneur 
de  ce  qui  se  passait  et  demander  main-forte 
contre  les  Pel<in-Kiao  (pii  commen(;aientàso 
montrer  dans  son  district,  ayant  un  Luro- 
péen  à  U-.uv  tête.  Le  lendemain  jeudi,  en  at- 
tendant ['.M-rivée  du  gouveriKîur,  il  so  mit  h 
lire  lob  livres  do  religion  qu'il  avait  trouvés 


parmi  mes  effets.  Il  tomba  sur  un  volume  oii 
les  commandements  de  Dieu  étaient  expli- 
'qués  assez  en  détail  avec  quelques  saintes 
histoires.  11  fut  fort  étonné  d'v  trouver  une 
si  belle  et  si  sainte  doctrine;  il  connut  alors 
sa  bévue  et  fut  forcé  d'avouer  que  notre  reli- 
gion enseignait  à  faire  le  bien;  mais  il  était 
trop  tard.  Son  accusation  devant  le  mandarin, 
son  supérieur,  était  déjà  faite,  et,  voyant  que 
l'affaire  allait  tourner  contre  lui,  il  chercha 
le  moyen  do  se  jnstilicr  à  nos  dépens.  Pour 
cela  il  nous  lit  venir  en  sa  présence,  l'après- 
midi,  pour  voir  s'il  ne  se  trouverait  pas 
quelque  chose  de  répréhensible  dans  nos 
réponses.  Il  cita  d'abord  Oang-thien-Kio.  11 
ne  tira  de  lui  que  la  confession  de  la  doc- 
trine du  décalogue  et  l'explication  do  quel- 
ques-uns de  mes  ornements.  Ensuite  il  fit 
venir  André  Yang;  ne  pouvant  le  laire  con- 
venir que  nous  avions  dos  livres  de  sorcelle- 
rie, et  voulant  à  toute  force  nous  faire  pas- 
ser pour  sectateurs  d'une  mauvaise  religion, 
il  s'acharna  sur  cet  enffint  pour  le  forcer  à 
avouer  des  horreurs  qui  ont  fait  tomber  le 
feu  du  ciel  sur  Sodome.  Pour  le  juinir  de  sa 
fermeté  à  le  nier,  il  le  lit  frapper  à  ditleren- 
tes  fois  de  cinquante  soulllets.  Ce  traite- 
ment si  rude  n'ayant  point  ébranlé  sa  cons- 
tance, il  lui  fit  donner  en  quatre  fois  vingt 
coups  debàlon  sur  la  cheville  du  pied  droit. 
Cet  enfant,  dont  les  ciis  me  perçaient  le 
cœur,  commença  alors  à  perdre  la  voix  et 
bientôt  toutes  ses  forces,  en  sorte  que  le 
Lao-ye  fut  obligé  de  s'arrêter  et  de  le  ren- 
voyer. L'ayant  fait  mettre  à  l'écart,  il  m'en- 
voya chercher.  11  se  contenta  de  me  faire, 
sur  mes  ornements  sacerdotanx,  quelques 
questions  auxquelles  je  répondis.  Il  me  de- 
manda encore  le  nombre  de  mes  disciples. 
Je  lui  dis  que,  tant  hommes  que  femmes, 
il  y  en  avait  environ  cinquante.  Il  s'étonna 
qu'il  y  OLlt  aussi  des  femmes,  à  quoi  je  ré- 
pondis :  «  Les  f -mines  aussi  bien  que  les 
hommes  n'ont-elles  i)as  une  àme  à  sauver  ?» 
Mes  réponses  ne  l'ayant  i)as  satisfait,  il  s'a- 
dressa à  un  Chinois  chrétien  ;  il  lui  demanda 
son  nom  de  baptême  et  pourquoi  nous  pre- 
nions do  tels  noms.  On  lui  dit  que  nous 
étions  dans  cet  usage,  pour  nous  proposer 
un  saint  à  imiter,  alin  d'arriver  au  ciel 
comme  lui.  Voilà  ce  qui  se  passa  dans  le  se- 
cond interrogatoire,  a{)rès  leipud  on  nous  fit 
reconduire  en  prison.  J'eus  la  douleur  d'y 
trouver  mon  enfant,  André  Yang,  le  visage 
extrêmement  enllé,  le  sang  extravasé  dans 
les  yeux  et  ne  })Ouvanl  prescjue  plus  se  sou- 
tenir, à  cause  de  la  torture  qu'il  venait  de 
soullrir  aux  piecls.  Malgré  les  douleurs  que 
lui  causait  son  état,  il  revint,  en  me  voyant, 
à  l'aimable  douceur  et  à  la  joie  ininn  ente 
(pi'il  a  |)ar  caractère,  et,  contre  l'ordinaire 
en  semblable  occasion,  le  suilendemain,  il 
se  trouva  rétabli. 

«  Le'ijuin,  le  gonvernour  d'Yun-Chang 
arriva  et  prit  connaissan('(!  de  notre  all'airo 
avant  l'arrivée  des  mandarins  de  Tchon-Kin. 
Il  nous  cita  devant  lui  et  nous  [»arla  d'abord 
avec  beaucoup  de  dcuiceur,  montrant  qu'il 
désapi)rouYait    l'esclandre  qu'avait  faite  ie 


1101 


gle: 


Lao-ye  en  son  absence.  Apn's  quchiucs 
questions  imlillrirnlos  pour  savoir  d'où  j'é- 
tais, il  iu(i  demanda  si  jo  n'adorais  pas  les 
idoles  connut!  les  antres  :  «  Non,  assurénn-nl, 
lui  ré|)ondis-je.  »  L'arli(;lo  sur  le([ni'l  il  in- 
sista le  [)lus  i'ut  counnenl  j'instruisais  les 
fennnes.ll  y  revint  à  plusieurs  reprises,  atin 
do  donner  le  lein|)S  à  son  secrétaire  d'écrire 
mes  dépositions.  Je  lui  répondis  toujours  de 
la  même  manière,  savoir  :  que  (piand  j'étais 
dans  une  famille,  jo  m'asseyais,  aux  lieures 
d'instruction,  tout  au  bout  de  la  salle  com- 
nunie  des  hôtes  ;  que  les  hoinmes  se  ran- 
geaient d'un  côté  et  les  l'ennnes  d(!  l'autre, 
vers  la  porte  qui  conduit  dans  l'intérieur  de 
«î  maison;  que  cinix.  (jui  croyaient  à  ma  doc- 
tnne,  embrassaient  la  religion  chrétienne, 
nuis  ([ueje  n'y  forçais  jamais  ceux  (pii  re- 
fusaient d'y  croire.  Après  m'avoir  teiui  de- 
vant lui  environ  un  ([uart  d'heure  et  demi, 
on  vint  ainioncer  l'arrivée  du  Lao-ye,  et  l'on 
me  renvoya  bien  vite.  Ce  prince,  (jui  est 
beau- père  de  l'empereur  actuel,  parut  avec 
beaucou[)  de  pompe,  accompagné,  selon  l'u- 
sage, de  plusieurs  mandarins  inférieurs  et 
suivi  ae  neuf  cents  soldats  avec  leur  colo- 
fiel  et  jeurs  chefs  suballernos.  Ce  grand  ap- 
pareil causa  beaucoup  d'étonnement  dans 
tout  le  voisinage.  Tant  de  mandarins  venus 
à  la  fois  pour  procéder  et  combattre  contre 
les  Pelen-Kiao  virent  avec  joie  qu'ils  avaient 
été  trompés  par  l'imprudence  de  Lao-ye.  On 
lui  en  lit  des  reproches  bien  amers,  et  il  fut 
condamné  à  des  amendes  pécuniaires  qui  ne 
lui  furent  pas  moins  sensibles.  Le  lende- 
main, 4 juin,  le  Toutai-ye  ou  gouverneur  du 
Tcliou-Kin,  ville  dupremierordre,  nous  cita 
devant  lui.  Il  nous  interrogea  peu  et  seule- 
ment pour  s'assurer  que  nous  étions  chré- 
tiens, et  non  des  Pelen-Kiao.  Le  soir,  pen- 
dant la  nuit,  on  nous  mena  devant  le  sous- 
gonverneur.  Il  interrogea  le  jeune  André 
Yang  et  moi  ensuite.  Il  me  fit  subir  un  in- 
terrogatoire très-long  et  très-minutieux;  il 
me  demanda  si  j'étais  venu  seul  Européen 
en  cette  province,  question  fort  embarras- 
sante, étant  venu  avec  M.  Mary.  Je  répondis 
qu'en  même  temps  que  j'étais  à  Canton,  il  y 
avait  aussi  deux:  autres  Européens;  qu'ils 
allés  à  Pékin,  et  que  j'étais  parti  pour  venir 
ici;  cela  était  exactement  vrai,  car  deux  jé- 
suites s'étaient  rendus,  cette  même  année, 
dans  la  capitale  de  l'Empire.  Je  m'en  lins 
toujours  à  cette  réponse,  et  enfin  il  n'insista 
plus  sur  cet  article.  Il  me  demanda  ensuite 
si  le  prince  dont  j'étais  sujet  savait  que  j'é- 
tais venu -ici;  à  quoi  je  répondis  que  non; 
il  voulutjqueje  lui  déclarasse  en  ma  langue 
d'Europe  les  noms  de  ceux  de  ma  nation  qui 
étaient  à  Pékin,  et  celui  du  royaume  où  j'a- 
vais pris  naissance.  H  fit  tout  cela  pour  s'as- 
surer de  plus  en  plus  que  j'étais  Européen. 
Enfin  il  me  questionna  sur  le  nom  et  le  nom- 
bre des  chrétiens.  Je  refusai  de  lui  répondre, 
en  le  suppliant  de  ne  [)as  l'exiger  de  moi;  il 
ne  répliqua  rien  et  me  renvoya  en  prison. 
Le  lendemain  lundi,  5  juin,  nous  fûmes  ci- 
tés i)Our  la  seconde  fois,  dans  la  matinée, 
devan^  le  Toutai-ye,  en  présence  d'un  autre 


CLi;  fiof^ 

grand  mandarin.  André  Yang  reçut  cinq 
soulUets;  Ouang-Thcin-Tsio  en  reçut  dix, 
pour  avoir  parlé  en  laveur  de  nos  livres; 
'i'cheou-Vong-Koui  en  reçut  aussi  dix  pour 
avoir  dit  i]u'il  ne  savait  pas  lire,  ce  (lui  était 
très-vrai.  Ensuite  le  Toutai-je,  s'adressant 
à  moi,  entreprit  de  me  faire  dire  que  j'étais 
V((nu  ici,  non  pour  prêcher  ma  religion,  luais 
l)oiir  chercher  à  m'ein-ichir(il  voulait  jtar  làci- 
vilisermon  all'aire);  il  ajouta  (}uesij(î  m'ob- 
stinais à  le  nier,  il  allait  jue  fau'e  trancher  la 
tète.  Je  m'obstinai  cependant,  et  aloi's  il  melit 
donner  quehjues  sonlllets,  disant  :  «Si  ta  re- 
ligion p(!ut  quehiue  (;hose  ,  qu'elle  t'arrache 
d'entre  mes  mains.  »  Jeluiré[)ondis  quenotie 
religion  n'élait  pas  établie  jjour  nous  procurer 
un  bonheur  temporel ,  mais  pour  nous  con- 
duire au  bonheur  du  ciel.  Là-dessus  il  me  fit 
fi'apper  de  nouveau,  disant  en  colère:  «  Le  lieu 
de  la  félicité  célest(i  n'est-ce  pas  la  Chine?  » 
Je  crus  ([u'il  était  iimlile  de  répondre  à  de 
pareilles  extravagances.  Je  gardai  donc  le 
silence,  me  recommandant  à  Notre-Seigneur 
qui,  sur  la  croix,  ne  répondit  |)as  autrement 
aux  blasphèmes  qu'on  prononçait  contre  lui. 
Jene  reçus  en  toutquc  seize  soufflets.  LeTou- 
tai-ye,  voyant  qu'il  ne  pouvait  pas  venir  à 
bout  de  nous  faire  dire  ce  qu'il  voulait,  em- 
ploya un  dernier  moyen.  11  fit  apporter  la 
machine  kia-kouen  pour  me  faire  donner  la 
torture  aux  pieds.  Pour  lors  les  soldats  vin- 
rent autour  de  moi,  et,  me  laissant  toujours 
à  genoux,  ils  me  poussèrent  et  me  firent  re- 
culer jusqu'au  bas  de  la  salle.  Là  ils  m'ôtè- 
rent  mes  souliers  et  mes  bas,  me  mirent  la 
machine  aux  pieds  et  commencèrent  à  la 
serrer.  En  même  temps,  le  Toutai-ye  criait 
du  haut  de  la  salle  :  «  Dis  donc  que  tu  es 
venu  ici  pour  chercher  des  richesses  !  —  Je 
lui  répondis  que  je  ne  le  dirais  pas.  — Pour- 
quoi es-tu  donc  venu?  —  Pour  prêcher  la 
religion.  —  Quelle  religion?  —  La  religion 
chrétienne.  »  Voyant  qu'il  ne  pouvait  pas 
m'arracher  l'aveu  qu'il  désirait,  il  se  mita 
dire  aux  bourreaux  :  «  Ecrasez-lui  les  os.  » 
La  violence  delà  douleur  me  fit  évanouir: 
je  ne  voyais  presque  plus;  je  n'entendais 
plus  que  la  voix  des  bourreaux  qui  me 
criaient  à  pleine  tête  :  «  Dis  donc  que  tu  es 
venu  ici  pour  avoir  du  riz  et  de  l'argent  1  » 
A  la  fin,  j'entrevis  le  sous-gouverneur  qui 
disait  au  Toutai-ye  :  «  Monseigneur  ,  cet 
homme  ne  reniera  point  sa  religion,  il  est 
inutile  de  le  tourmenter  davantage.  »  Alors 
il  ordonna  de  lâcher  la  machine,  et  tout  de 
suite  les  soldats  me  prirent  par-dessous  les 
bras  et  me  portèrent  hors  de  la  saUe.  Après 
cette  torture,  on  sent  un  violent  mouve- 
ment dans  les  entrailles  et  un  malaise  dans 
tout  le  corps  qui  jdure  assez  longtemps. 
Lorsqu'on  m'eut  remis  en  prison,  j'éprou- 
vai ces  accidents,  et  il  s'y  joignit  une  fièvre 
qui  dura  deux  heures.  Je  crus  que  j'allais 
avoir  une  bonne  maladie,  et  que  mon  heure 
désirabli'  ne  tarderait  pas  d'arriver.  Il  n'en 
fut  pas  ainsi  ;  ayant  pris  un  peu  de  nourri- 
ture, à  la  sollicitation  des  chrétiens,  mes 
douleurs  se  dissipèrent,  et  je  me  trouvai 
presque   entièrement  guéri.    L'après-midi, 


im 


GLE 


OLL 


1104 


on  nous  appela  cucoro  |)Oui'  nous  conduire 
devant  le  grand  mandarin,  appelé  Tao-ye  ;  il 
nous  fit  peu  de  questions.  S'adressant  à  moi, 
il  me  dit  (jue  si  j'étais  venu  ici  pour  cher- 
clier  de  l'argent,  mon  alFaire  serait  peu  de 
chose;  mais^que  c'était  un  crime  à  moi  de 
d  rc  que  j'étais  venu  pour  cause  de  ma  re- 
ligion. Après  cela,  adcessant  la  parole  aux 
.filtres  mandarins  qui  étaient  tous  présents, 
il  leur  dit  tout  haut  :  «  Cette  alfaire  n'en 
vaut  pas  la  peine;  c'est  inutilement  qu'on 
nous  a  fait  venir;  vous  n'avez  qu'à  vous  yi 
r.  tourner,  j'irai  moi-môme  à  Tchen-tou  ar- 
ranger toutes  choses  avec  le  Tsong-tou.  » 
Sur  cela,  on  nous  ramena  en  prison.  I.e  len- 
de:uain,  6  juin,  il  partit  pour  Tchen-tou,  et 
lri)is  jours  après  on  nous  fit  partir  ausNi 
pour  y  aller,  accompagné  du  ïoutai-ye  de 
Tchon-Kin.  Nous  arrivâmes  dans  cette  capi- 
tale de  la  i  jovince  le  21  du  mois  de  juin. 

«  En  entrant  dans  la  ville,  nous  fûmes 
cnnd  lits  à  la  porte  d'un  grand  mandarin, 
cù  on  nous  fit  attendre  environ  deux  heures, 
après  quoi  on  nous  mena  devant  le  Toulai-ye 
de  C'tte  capitale.  Aussitôt  qu'il  nous  vit,  il 
s'assit  sur  son  tribunal,  et  il  me  fit  compa- 
raître tout  de  suite  devant  lui,  ne  voulant 
aui.un  témoin.  Je  trouvai  un  homme  qui 
n'aimnit  pas  les  persécutions  ;  ra  is  il  ne 
voulait  i)as  m'e-^tendie  dire  que  j'étais  Eu- 
ropéen, s  Mil  nant  que  ma  figure  seule  prou- 
vait que  j'étais  de  Canton;  c'était  pour  me 
suggérer  de  dire  comme  lui  ce  qui  aurait 
mis  fin  à  tout.  Je  refusai  d'entrer  dans  ses 
vues,  et  je  d.s  toujours  que  j'étais  Eurojéen. 
A  \\  lin,  la  grande  envie  que  j'avais  d'em- 
pêcher le  progrès  d'une  telle  |)ersécution  fit 
que  je  ré|)Ondis  qu'en  un  certain  sens  je 
pouvais  me  dire  de  Canton,  y  ayant  une  de- 
meure; mais  cette  réponse  ne  le  contenta 
pas;  il  insista  [>our  me  faire  dire  que  j'étais 
originaiie  de  Canton,  ajoutant  d'un  ton  de 
colère  :  «  Tu  ne  l'embarrasses  pas  de  f^ire 
m')urir  les  gens  avec  ton  nom  d'Euro- 
péen; »  et,  là-dessus,  il  appela  ses  s;îel- 
1  tes  et  me  fit  donner  cinq  soulllels.  L'état 
de  faible.se  où  j'étais  me  fit  tomber  éva- 
noui, ce  (pii  l'obligea  h  me  renvoyer  bien 
vite  en  prison.  J'y  fus  longtemps  étendu 
])ar  terre  sans  [)ouvoir  recouvrer  mes  forces. 
D'iuze  jours  après,  il  me  cita  paur  la  troi- 
sième f  »is.  Dans  tout  le  chemin,  depuis  la 
prison  jusipi'à  la  salle,  il  avait  aposté  des 
gens  qui  me  pressaient  à  chaque  pas  de  me 
dire  de  Canton.  Alors,  voyant  l'envie  qu'il 
avait  d'élargir  les  chrétiens  qui  avaient  été 
pris  à  mon  occasion,  et  considérant  le  dan- 
^os  où  il  me  disait  que  je  les  exposais,  je 
crus  pouvoir  lui  dire  qu'il  pouvait  me  trai- 
teur comme  étant  de  Canton,  |)uis(pie  j'y 
avais  une  demeure  dans  le  district  delà  ville 
Sin-xaii  ;  je  me  trompai  de  nom  ,  c'était 
Hian-xan.  Ce  fut  le  dernier  iiilerrogatoire 
que  je  subis  dans  cette  capitale,  où  j'étais 
détenu  prisonnier  avec  les  chrétiens.  La 
prison  dans  laque  le  on  nous  ninferma  était 
le  vrai  séjour  de  la  minière  humaine.  Des 
Chaltîurs  excessives,  une  odeur  insupj)orla- 
k)le,  do  \ii  uiali)roi)relé,   do  la  vermine,   olc, 


etc.  Les  prisonniers,  logés  tous  ensemble, 
étaient  ordinairement  au  nombre  de  plus  de 
soixante,  une  grande  partie  dans  une  misère 
qui  fait  horreur.  Outre  cela,  il  y  régnait 
une  maladie  contagieuse  qui  en  faisait  nmu- 
rir  un  grand  nombre;  les  malades  étendus 
par  terre,  dans  un  état  que  la  décence  ne 
permet  pas  de  décrire,  le  tumulte,  les  criail- 
leries,  les  vexations  des  geôliers,  sans  par- 
ler des  abominations  auxquelles  se  livraient 
plusieurs  de  ces  malheureux.  André  Yang  y 
fut  malade;  son  état  me  causa  une  vive  ai- 
lliction;  mais  rien  de  plus  édifiant  que  sa 
patience  et  sa  douceur.  Il  me  disait  qu'il 
mourrait  content,  [)arce  que  j'étais  auprès 
de  lui.  Dieu  qui  avait  d'autres  desseins  sur 
ce  saint  enfant,  lui  rendit  la  santé  en  peu  de 
temps.  Trois  des  chrétiens  qui  avaient  éié 
arrêtés  avec  moi  furent  atteints  de  la  maladie 
contagieuse,  et  deux  d'entre  eux  furent  en 
danger  pendant  plusieurs  jours.  11  ne  mou- 
rut dans  cette  prison  qu'un  seul  chrétien, 
qui  n'était  point  priso^'uler  pour  cause  de 
religion,  il  avait  eu  la  faiblesse  de  déserter 
pendant  la  guerre  du  Yun-nan.  Dès  qu'il 
eut  appris  qui  nous  étions,  il  se  joignit  à 
nous  ;  j'eus  la  consolv^tioU  d'entendre  sa  con- 
fession et  de  le  voir  mourir  dans  les  plus 
grands  sentiments  de  piété.  J'entendis  en- 
core la  confession  de  Tchang-Rouen ,  qui 
mourut  aussi,  après  qu'on  l'eut  changé  de 
prison.  Ce  jeune  Chinois  était  fort  aimé 
des  païens  mêmes ,  qui  le  regrettèrent  à 
cause  de  ses  bonnes  qualités,  il  tomba 
malade,  à  ce  queje  pense,  pour  avoir  exercé 
la  charité  envers  l'autre  chrétien  dont 
j'ai  parlé  ;  il  était  trop  assidu  auprès  de 
lui,  et  il  lui  parla  de  trop  près  pour  l'exhor- 
ter à  la  mort.  Combien  les  desseins  de  Dieu 
sont  admirables  I  Je|)enserais  volontiers  que 
la  Providence  nous  avait  conduits  dans  cette 
prison  pour  l'âme  de  ce  déserteur.  Depuis 
plusii'urs  années,  il  avait  été  |:iivé  des  se- 
cours de  la  religion  et  de  ses  miiistres,  et 
il  profita  si  bien  de  ceux  que  je  lui  donnai  , 
qu'il  mourut  pénétré  de  crainte  et  d'amour 
pour  Dieu.  Peu  après  sa  mort,  il  vint  un  or- 
dre de  faire  changer  de  prison  aux  chrétiens. 
Je  demandai  si  mon  nom  était  sur  la  liste, 
on  médit  que  non.  Ainsi  André  Yang,  mon 
jeune  écolier,  et  les  tiois  auti-es  Chinois,  fu- 
rent séparés  de  moi,  e'  je  restai  seul  chré- 
tien dans  celle  où  j'avais  été  mis  d'abord. 
Nous  y  avions  été  ensemble  vingt-un  jours. 
Leur  sépai  tion  me  fut  fort  amère,  et  j'avoue 
qu'elle  me  coûta  bien  des  larmes.  Je  me  vis 
piivé  désormais  de  toute  consolation  de  la 
part  des  ho»;imes,  dans  des  détresses  et  i\cs 
peines  d'esprit  de  toutes  espèces.  J'étais  ha- 
niluellement  réduit  dans  un  tel  elal  de  fai- 
blesse, que  j'avais  de  la  ])eino  à  tenir  la  tète 
droite  et  à  lever  les  mains  liées  de  deux 
menottes  fort  serrées  ;  j'oifris  à  Dieu  le  sa- 
crifice de  mon  cœur,  et  me  soumis  à  demeu- 
rer dans  cet  état  tant  qu'il  lui  plairait ,  et , 
vraisemblablement,  juscpi'à  la  fin  de  la  per- 
sé(;ul.on.  Environ  un  mois  après  la  sépa- 
ration des  chrétiens  d'avec  moi ,  ils  furent 
élarjiis  et  ronvoyés  ohoz  eui.  André  Yang, 


1105 


GLE 


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iii^ 


depuis  son  retour  à  King-(ang,  où  résidaient 
ses  parents,  fut  «'ncore  détenu  six  mois  en 
prison.  Le  mandarin  de  cet  endroit,  voyant 
que  l'allaire  avait  été  terminée  h  Telien-loii, 
i\osi\  pas  le  frai)per  ;  il  employa  .seulciiunit 
les  menaces,  et  le  retint  longtemps  ei  |)ii- 
son  pour  essayer  d'éhranler  sa  conslance  et 
de  !c  faire  apostasier:cet  enfant  répondit  tou- 
jours qu'on  lui  couperait  plutôt  la  tête.  \in- 
lin,  voyant  qu'on  perdait  son  temps  h  le 
tourmenter,  on  le  renvoya  dans  sa  famille. 
Cet  enfant  avait  été  dans  la  prison  de  Tching- 
tou  la  consolation  cl  l'appui  des  néophy'es 
qui  y  élaie^it  avec  lui.  11  leur  rép'tait 
mes  instructions  (pi'il  avait  retenues,  et  l^s 
fonifiait  sans  cesse  par  ses  paroles  et  ses 
exemples.  11  lui  vint  dans  cette  prison  un 
uli'ère  ciuel  h  la  jambe;  il  en  soutirait  beau- 
coup; il  n'y  avait  à  cela  ni  secours  ni  re- 
mède, et  le  fer  qu'il  avait  à  la  jambe  irritait 
l'entlure  et  rendait  la  plaie  plus  douloureuse 
et  presque  incurable.  Knlin,  <)  la  recomman- 
dation d'un  ancien  prisonnier,  celui  qui 
gouvernait  la  prison  prit  compassion  de  cet 
enfant,  et  fit  ouvrir  le  fer  qui  lui  liait  et  ser- 
ra.t  la  jambe  malade.  11  soutfrit  dans  ce  mo- 
ment, et  lorsque  le  sang  reprit  sa  circula- 
tion, de  très-grandes  douleurs  ;  mais  cela  fut 
court,  et  sans  doute  par  la  protection  de  Dieu, 
il  guérit  si  promptement  de  son  ulcère,  que 
tout  le  monde  en  fut  surpris. 

«  Je  rapporterai  ici  un  trait  de  sa  généro- 
sité envers  moi.  En  partant  de  Tching-tou,  il 
trouva  le  moyen  de  se  procurer  dix  liards  ; 
il  les  donna  au  soldat  qui  m'apportait  mon 
riz,  le  priant  de  m'acheterun  peu  de  viande. 
Le  soldat  en  garda  cinq  pour  lui,  et  des  cinq 
autres  il  m'ochela  un  petit  morceau  de 
viande  cuite.  En  me  la  présentant ,  il  me  dit 
que  c'était  de  la  part  d'André  Yang,  en 
témoignage  de  son  souvenir  ;  qu'il  me  sa- 
luait avec  affection,  et  qu'il  s'en  retournait 
chez  ses  parents.  Ce  trait,  je  l'avoue,  m'ar- 
rache encore  des  larmes  au  moment  môme 
où  je  l'écris.  Enfin  ,  le  lendemain  que  les 
chrétiens  eurent  été  élargis,  il  y  eut  ordre 
de  me  faire  changer  de  prison,  et  trois  jours 
après  on  me  lit  partir  pour  retourner  à  Ynn- 
tchang.  En  chemin  je  fus  atteint  de  la  mala- 
die qui  avait  f.iit  mourir  tant  de  prisonniers 
àTcinng-tou.  Etant  arrivé  dans  la  prison  de 
Yun-Chang,  je  demandai  le  secours  des 
médecins.  Le  mandarin  me  le  refusa,  en  di- 
sant que  je  ferais  bien  de  mourir,  puisque 
j'étais  venu  chez  lui  pour  lui  causer  tant  de 
torts  et  de  chagrins.  Dieu,  qui  ne  voulait  pas 
encore  ma  mort,  suppléa  aux  moyens  hu- 
mains, et  dans  peu  de  jours  je  me  trouvai 
guéri;  mais  ce  fut  pour  entrer  en  de  nou- 
veaux combats.  Le  quatorzième  de  la  seconde 
lune  de  1770  (car  je  ne  me  ressouvenais  plus 
des  époques  solares)  arrive  une  lett-e  du 
Tsong-tou qui  ordonnait  au  mandarin  d'Yun- 
tchang  de  me  faire  déclarer  au  vrai  qui  j'é- 
ta  s.  En  conséquence  le  mandarin  me  cita  de- 
vant lui.  Je  lépondis  à  sa  question  que  j'é- 
t;ds  Européen.  —  Pourquoi  le  dire  ,  ajouta 
t-il  :  il  t'en  coûtera  la  vie.  »  Je  lui  répondis 
que  je  ne  dirais  jamais  autreffiont,  et  que  je 


n'avais  jamais  dit  le  contraire;  après  quoi  je 
fus  reconduit  en  prison.  Le  29  de  la  mOme 
lune  ,  le  mandarin  n'ayant  pas  t.'ncore  ré- 
()o  idu  h  la  lettre  du  Tsong-iou,  il  on  arriva 
nn(!  seconde  fort  sérieuse  et  fort  pressante  h 
mon  sujet.  Aussitôt  le  mandarin  (  nvova  d?>ns 
la  prison  deux  écriva  ns  des  causes  criminel- 
les, (pii  me  pressèrent  en  toute  manière  de 
me  dire  né  et  élevé  <^  Canton.  Je  leur  répon- 
dis qu'ils  perdaient  leur  temps,  et  que  je  ne 
consentirais  jamais  à  faire  un  mensonge  (pji 
offenserait  le  Dieu  de  vérité  que  j'avais 
le  bonheur  de  servir.  Le  lendemain  ils  vin- 
rent encore,  et  ils  (engagèrent  un  ancien  pri- 
sonnier,  homme  intelligent,  qui  avait  soi)« 
de  me  préparer  mon  riz,  de  se  joindre  h  eux 
pour  me  faire  avouer  ce  qu'ils  vouluent.  Je 
dis  à  cet  homme  de  ne  se  point  m(Vler  en 
cette  affaire  ;  que  mon  parti  ét.iit  m-is  sans 
retour.  11  alla  leur  rapporter  que  j  étais  un 
homme  inflexible;  qu'il  avait  l»eau  m'<'xhor- 
ter  ,  que  tout  était  inutile.  «  Puisqu'il  est  si 
entêté  ,  dirent  les  deux  écrivains,  le  manda- 
rin  va  l'appeler  devant  lui,  et  à  force  de  kia^ 
kouen  et  de  coups  de  bâton  ,  il  viendra  à 
bout  de  son  entêtement.»  C'était  le  vingti- 
cinquième  ou  le  vingt-sixième  jour  du  ca- 
rême. Pour  me  disposer  à  sontfiir  les  toriu- 
res,  j'ajoutai  h  mes  prières  ordinaires  la  ré- 
citation du  rosaire.  Je  le  comme-^cai  avec 
assez  grande  émotion  et  palpitation  de  cœur, 
que  la  crainte  des  tourments  me  causait  ;  h 
la  moitié  de  mon  rosaire  ,  je  sentis  que  je 
recouvrais  la  paix  ;  quand  j'eus  fini,  j'ajou- 
tai une  dizaine  pour  invo  |uer  Notre-Sei- 
gneur  devant  Pilate.  II  daigna  m'exaucer» 
me  remplit  de  joie  et  de  force,  et  il  me  sem- 
blait qu'il  me  disait  intérieurement  d'espé- 
rer en  son  nom  tout-puissar)t  de  Jésus.  Le 
ieudi  de  la  semaine  de  la  passion,  je  fus  ma- 
lade d'un  voraissementqui  m'alîùblit  encnre. 
Je  ne  voulus  pas  pour  cela  interrompre  le- 
jeûne  ,  dans  la  fjensée  que  la  diète  ne  pour- 
rait pas  nuire  à  mon  estomac.  Le  mi-n  redi 
de  la  semaine  sainte,  je  me  mis  à  gémir  de- 
vant Dieu  de  ce  que  j'étais  privé  le  lende- 
main du  bonheur  dont  jouissent  les  prêtres 
dans  la  sainte  Eglise,  de  recevoir  Noire-Sei- 
gneur pour  satisfaire  au  devoir  pascal.  II 
voulut  nien  m'en  dMonmiager  en  me  don- 
nant la  facilité  de  penser  à  lui ,  et  de  goû- 
ter en  le  priant  une  paix  et  une  joie  que  j& 
ne  saurais  bien  exprimer.  Le  lundi  de  Pâ- 
ques, le  prisonnier  dont  j'ai  parlé  vint  à  moi 
le  visa.;e  pâle  et  les  yeux  mouillés  de  larmes  ; 
il  me  dit  que  le  fils  du  mandarin  venait  de 
lui  lire  la  teneur  de  la  seconde  lettre  du 
Tsong-tou,  dans  laquelle  il  lui  ordonnait  que, 
sans  plus  ample  information  ,  il  trouvât  le 
moyen  de  me  faire  mourir  en  prison;  ajou- 
tant qu'il  prenait  sur  lui  les  suites  de  eetta 
affaire.  Le  prisonnier  ajouta  que  le  manda» 
m  avait  différé  de  répondre  sous  divers  pré- 
textes ;  mais  qu'il  ne  p<mvait  pas  retarder 
plus  longtemps  ;  et  que  voyant  mon  entête- 
ment à  refuser  de  me  dire  de  Canton,  il  ne 
pouvait  plus  répondre  au  Tsong-tou  qu'après 
ma  mort.  La  nuit  étant  venue,  je  me  jetai 
sur  mon  mauvais  lit,  tout  habjlé,  attendant 


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le  moment  où  l'on  viendrait  m'en  tirer  pour 
me  conduire  à  la  mort.  Je  passai  cette  nuit 
et  les  deux  jo\u's  suivants  dans  cette  attente. 
Dans  le  troisième,  mes  crnintes  se  dissipè- 
rent, et  il  me  sembla  que  Dieu  lui-môme  me 
disait  intérieurement  (|u'il  ne  permettrait 
pas  ma  mort.  Quoi  (]u"il  en  soit,  le  mandarin 
qui  m'avait  refusé  si  durement  un  médecin, 
et  qui  paraissait  désirer  que  je  mourusse  en 
prison,  ne  put  se  résoudre  à  exécuter  l'or- 
dre cruel  de  son  supérieur.  Ce  changement 
doit  paraître  merveilleux  à  quiconque  con- 
naît la  Chine;  car,  enfin,  les  mandarins  su- 
balternes tremblent  comme  des  esclaves  de- 
vant le  Tsong-tou,  de  qui  dépendent  leur 
fortiyie,  leur  dignité  et  leur  élévation.  Il 
employa  vingt  jours  à  chercher  les  moyens 
de  me  soustraire  à  la  cruauté  de  son. supé- 
rieur, et  lorsqu'il  sembla  résolu  d'exécuter 
ses  ordres,  un  seul  mot  du  prisonnier  dont 
j'ai  parlé  le  déconcerta.  «  Ne  craignez-vous 
pas ,  lui  représenta  ce  prisonnier ,  que  la 
mort  de  ce  chrétien  ne  soit  sue  de  trop  do 
monde?  »  Ce  pauvre  homme,  quelques  jours 
après,  voyant  que  le  danger  était  passé,  ne 
put  s'empêcher  de  me  dire,  tout  païen  qu'il 
était  :  «  Il  faut  véritablement  que  votre 
Dieu  soit  bien  puissant  ,  et  le  seul  vrai 
maître,  puisqu'il  vous  protège  d'une  tel'le 
manière.  » 

«  Ce  mandarin  fut  déposé  cette  même  an- 
née. Un  mois  après ,  un  autre  lui  succéda 
pour  deux  mois  seulement.  Il  en  arriva  un 
second  de  Pékin,  dans  le  courant  de  la  dou- 
zième lune.  Deux  chrétiens  s'avisèrent  de 
lui  présenter  un  placet  en  ma  faveur.  Jugeant 
par  ce  placet  que  j'étais  dans  l'indigence  ,  il 
répondit  froidement  qu'il  me  ferait  donner  le 
viatique  des  prisonniers,  qui  consiste  en  une 
mf'sure  d'environ  un  boisseau  do  riz  et  cent 
cinquante  liards  par  mois.  Ce  mandarin  fut 
encore  déposé  l'année  suivante,  1771.  Le  26 
de  la  sixième  lune,  arriva  un  autre  manda- 
rin nommé  Tchang,  sous  lequel  j'eus  beau- 
€Oup  h  souffrir.  Le  28,  il  vint  visiter  la  pri- 
son et  y  adorer  les  idoles.  Il  appela  ensuite 
les  prisonniers  pour  prendre  connaissance 
de  leurs  causes.  Il  m'appela  exprès  le  der- 
nier. Il  me  domfinda  si  je  n'avais  pns  à  mon 
usage  certains  instruments  de  sorcellerie?  Je 
lui  répondis  que  non,  et  que  ma  religion  dé- 
testait et  défendait  la  sorcellerie.  Il  nn;  (Jc- 
ma/ida  si  je  savais  écrire  ;  je  lui  réj)0M(lis 
Que  je  l'ignorais  en  lettre  chinoises. —  «Mais, 
dit-il,  écris-moi  en  n.'s  letlies  d'Europe;  le 
nom  de  Dieu.  »  Je  lui  obéis  en  écriv.jiit  ces 
deux  iDOts  :  Tliien-thou.  Il  dit  ensuite  aux 
geôliers  de  me  serrer  de  f)rès  ;  ipie  j'élais  un 
prisonnier  de  la  jjIus  grande  imijortaiicc; 
(pi'ils  ne  me  connaissaient  j)oiiit,  «jue  j'é- 
lais un  homme  plus  ru«é  (pi'on  ne  le  peut 
diie,  puisque  j'étais  venu  à  bout  de  tiom- 
per  tant  de  gens,  et  d'esquiver  lant  de  man- 
darins depuis  t'antoii  jusiju'ici;  (pi'jl  savait 
ce  (pie  c'étaient  (pi(;  les  Iùu-ojk'imis,  cIc,  etc. 
Ajnès  eelî),  s'.idrcss.uit  à  moi,  il  se  mil  à  me 
dire  :  «  (',(  pf^ndant,  tu  es  criminel.  »  A  cela 
y.  répondis  (pic  j«î  n'élais  venu  (jiic  pour  une 
>euleehobe.ll  me douiaiidapouniuelh! chose? 


—  «  Pour  prêcher  la  religion  chrétienne.  » 
II  ne  sut  plus  que  dire,  et,  après  avoir  donné 
quelques  ordres  sévères  contre  moi,  il  s'en 
alla.  Pendant  plusieurs  mois  de  suite,  j'eus 
à  soutenir  des  ])einos  d'esprit  bien  fortes  et 
presque  continuelles.  Dieu  me  soutint  par 
des  grâces  bien  marquées  et  m'empêcha 
de  succomber.  Je  me  trouvai  ensuite  ex- 
posé à  de  terribles  tentations  contre  l'es- 
pérance. Je  suis  naturellement  pusillanime, 
porté  à  l'abattement ,  à  ne  me  rien  pardon- 
ner, k  regarder  comme  grièves  les  moindres 
fautes  que  je  commets,  et  toujours  aux  dé- 
pens de  cette  contiance  que  Dieu  demande 
de  nous.  Il  la  ranima  cependant  par  sa  mi- 
séricorde; il  me  fit  triompher  de  ces  tenta- 
tions, et  répandit  dans  |  mon  cœur  une  joie 
pure  et  une  douce  paix.  Il  me  survint  en- 
suite une  croix  que  je  n'envisageais  qu'avec 
frayeur  :  j'eus  pendant  un  mois  de  tels 
éblouissements  que  j'avais  tout  lieu  de  crain- 
dre de  perdre  la  vue.  La  pensée  d'un  tel  état, 
au  milieu  des  com|)agnons  auxquels  j'allais 
être  livré,  m'était  si  amère  qu'il  me  semblait 
que  je  n'avais  d'autre  ressource  ni  d'autre 
consolation  que  de  désirer  la  mort,  tant  j'a- 
vais de  répugnance  i)Our  une  telle  afiliction. 
Enfin,  un  soir,  étant  renfermé  dans  l'inté- 
rieur de  la  prison,  je  me  mis  à  répandre  mon 
cœur  avec  larmes  en  présence  de  mon  Dieu  ; 
je  ni'abandonnai  à  sa  miséricorde  ,  et  lui  fis 
le  sacritice  de  ma  vue.  Aussitôt  que  j'eus  fait 
cel.'i,  je  me  sentis  tranquille.  Il  me  sembla 
même  que  Dieu  me  promettait  intérieure- 
ment cpie  je  ne  perdrais  point  la  vue.  Je 
crus  à  cette  parole  intérieure  ;  je  ne  m'occu- 
pai plus  de  mon  infirmité,  et  ma  vue  se  réta- 
blit peu  à  peu  et  assez  promplement.  Entin  , 
dans  les  derniers  jours  de  juillet  1772,  le 
mandarin  Tchang  renouvela  la  persécution 
contre  les  chrétiens.  Le  premier  jovu-  de  la 
nouvelle  lune,  a[)rès  avoir  été  le  niatin  visi- 
ter la  pagode,  il  entra  brusquement  dans  la 
prison,  et,  après  avoir  rendu  à  l'idole  qu'on 
y  honorait  son  culte  superstitieux,  il  s'assit 
et  cita  tous  les  geôliers  devant  lui  et  leur 
demanda  s'il  n'y  avait  personne  qui  me  vînt 
voir  et  prît  soin  de  moi?  Ils  lui  répondirent 
que  non.  Il  leur  dit  (|ue  le  Tsong-tou,  en 
l'envoyant  à  Yung-Tchang ,  s'était  plainte 
lui  (pie  les  mandarins  précédents  n'avaient 
pas  su  conduire  mon  allaire  comme  il  fallait  ; 
(pi'il  lui  en  confiait  le  soin,  et  le  chargeait,  h 
mon  sujet,  des  oi'dres  les  plus  sévères; 
qu'ainsi,  ils  lissent  d'exactes  recherches  sur 
c(,'la  ;  tpie  lui,  de  son  côté,  en  ferait  ,  et  que 
s'il  venait  à  découviir  (ju'ils  l'eussent  trompé, 
ils  devaient  s'attendre  à  avoir  les  os  des 
jambes  et  des  pieds  écrasés  il  coups  de  kia- 
kou(.'ii  et  do  bAton;  (pi'il  reviendrai!  au  pre- 
miei' do  la  lum;  suivanle,  et  <pi'il  voulait, 
j)our  ce  jour-là  ,  avoir  une  preuve  dairo. 
A|)ièsav()ir  dit  cela,  il  s'en  alla.  Pour  con- 
nailrcî  coud)ien  le  dang(M-  était  grand  ,  il  faut 
rem;u(pi(ir  (pu;  deux  (•.hréli(;iis, (]iii  m'avaient 
assisté  les  a'Uiées  |ir(''céi|eiiles,  élaient  d(>- 
iiieurés  d.uis  la  ville  où  j'étais  prisonnier, 
elle/  un  nommé  kieou  ;  c'était  lii  (pi'on  met- 
tait rarg(;nt  desliné  à  nj'assisler,  et  l'un  des 


1109 


GLE 


GLE 


mo 


enfants  de  cello   l'aniille  vonail   me   servir 
avec  l)eaucou|)  (ratloclion.  lUen  n'élail  plus 
facile  (|ue  de  découvrir  tout  cela  :  Je  le  sen- 
tais et  j'en  avais  une  iii(|uiétu(le  l)ien  anière. 
Celni-lii  seul   qui  pouvait  nie  secourir  dans 
de  telles  |)eines,  mon  Dieu,  mon  Pèr(!  ado- 
rable, vint  en  ell'et  me  consoler  (>t  me  forti- 
lier.  Il  répandit  tout  à  conp  en  moi  uin;  douce 
joie,  mit!  ferme  confiance,  nne  }i,rand(;  abon- 
dance de  force  et  de  luHuèr(>;  il  me  promit 
intéi'ieurement  de  n'abandonner  ni  moi  ni 
mes  cliers  disciples.  L(>  premier  jour  de  la 
dixième  lune,   le  mandarin  vint  connue;  il 
l'avait  promis.  Il  appela  les  geôliers  pour  leur 
demander  réponse  et  compte  des  ordi'es  qu'il 
leur  avait  donnés.  Il  s'en  présenta  un  (jui 
était  des  plus  rusés  qu'il  y  eilt  dans  le  pays  ; 
il  nia  qu'il  y  eùi  ([uehpi'un  (jui  m'assistât.  Sa 
simplicité  liyi)oci'ilejela  de  la  jioussièreaux 
veux  du  mandarin  ,  et  il  fut  la  dupe  du  geô- 
lier. Cependant  le  mandarin  Tcliang,  toujours 
furieux  coiUre  moi  et  contre  la  religion  cliré- 
tienne,  résolut  enlin  de  nous  persécuter.  11 
commença  par  faire  arrêter  le  père  de  la  fa- 
mille Kieou  et  ses  deux  fils,  qui  venaient  sou- 
vent me  visiter  dans  ma  prison.  Les  ayant 
mandés,  il  les  lit  attendre  tout  le  jour  à  sa 
porte  ;  le  soir  il  les  cita  devant  lui.  Il  inter- 
rogea le  second  iils  sur  la  doctrine   chré- 
tienne, se  servant  d'un  catéchisme  qu'il  avait 
[i  la  main.  Celui-ci ,  qui  le  savait  très-bien  , 
répondit  à  ses  questions,  après  quoi  il   le 
renvoya  ;  mais  en  môme  temps  il  lit  chercher 
Tcheou-Yang  par  des  satellites.  On   ne  le 
trouva  pas  chez  lui   et  on  amena  à  sa  place 
son  frère  Tcheou-Yong-ïchang.  Pour  lors  le 
mandarin  fit  rappeler  le  jeune  chrétien  Kieou. 
On  donna  vingt  souftïets  à  Ïcheou-Yong- 
Tchang,  et  on  les  mit  tous  deux  à  la  cangue. 
Quelques  jours  après ,  ayant  appelé  ce  der- 
nier, il  lui  dit  qu'il  voulait  absolument  son 
frère.  Ïcheou-Yong-Tchang,  pour  lui  épar- 
gner les  vexations  des  satellites,  lui  écrivit 
de  venir  sans  les  attendre.  Il  arriva  le  len- 
demain de  saint  Laurent ,  et  se  présenta  de 
lui-même  au  mandarin.  Je  regrettais  d'être 
seul  épargné,  et  je  désirais  de  partager  leurs 
souffrances.  Dieu ,  qui  voulait  m'exaucer  , 
m'y  prépara  pendant  cinq  ou  six  jours  qu'il 
me  fit  passer  dans  une  assez  grande  paix  et 
une  douce  consolation  en  lui.  Le  manda- 
rin me   fit  bientôt  appeler,  et,  après  avoir 
expédié   quelques   autres  affaires ,  il   m'a- 
dressa la  parole  et  me  demanda  si  c'était 
moi  qui  avais  instruit  Tcheou-Yong-Tchang. 
Je  lui  répondis  que  oui.  Sur  cela  il   me  fit 
donner  quarante  souftïets.   J'eus  la  précau- 
tion de  ne  pas  serrer  la  bouche,  pour  empê- 
cher que  la  violence  des  coups  qui  me  tor- 
daient la  mâchoire  inférieure  et  me  faisaient 
cracher  le  sang  ne  me  fit  aussi  partir  toutes 
les  dents.  Aux  coups  qu'on  me  donnait ,  le 
mandarin  ajoutait  des  malédictions  et  des  in- 
jures;  puis  il  me   disait  :  «Pourquoi  ne 
meurs-tu  pas?  tous  les  jours  j'attends  à  être 
délivré  de  toi  ;  pourquoi  ne  crèves-tu  pas  ?  » 
Il  me  fit  plusieurs  fois  cette  question,  à  la- 
quelle je  ne  répondais  rien ,  prenant  cela 
pour  une  malédiction.  Alors  les  bourreaux 


(pli  m'avaient  frappé  lui-  diront  :  «  Le  man- 
(larin  t'ordonne  de  lui  ('xpli(pi('r  poiu'qnoi 
tu  ne  meui's  pas?  »  Je  répondis  (|u'il  n'était 
nas  au  pouvoir  (Ui  l'homme  d(î  déterminer 
le  l('m|)s  d((  sa  mort.  J'avais  les  lèvres  si  dui-- 
cies  ,  si  eullées  que  je  ne;  pouvais  pres(pie 
pas  articuler.  Tcheou-Yong-Tchang  voyant 
(fii'on  ne  m'entendrait  pas,  leui-  dit  (pie  le 
sens  de  ma  réponse  était  «  ipie  la  naissance 
fl  la  mort  ne  dépendent  ])Oint  de  l'homm*;.  » 
C(i  (jiii  était  mieux  pour  l'élégance  de  la 
phrase.  Alors  le  mandarin  ajouta  :  «  N'as-tu 
pas  |)ris  une  corde  ])Our  te  pendre  »  (il  voulait 
me  suggérer  de  me  détruire  moi-même,  et 
tâcher  de  me  désespérer  )  ?  Je  répondis  que 
je  n'y  avais  pas  pensé.  «  Je  m'en  vais  t'aider 
à  mourir,  répliqua-t-il.  w  Tout  de  suite  les 
soklats  me  saisirent,  et  m'ayant  étendu  ven- 
tre à  terre,  un  d'entre  eux  commenfja  h  me 
frapper  à  coups  de  bambous  sur  le  milieu 
des  cuisses  nues.  Le  mandarin  avait  ordonné 
de  frapper  trente  coups  ;  après  qu'on  m'en 
eut  donné  vingt ,  je  sentis  que  j'allais  m'é- 
vanouir.  Dans  ce  moment  Dieu  changea  le 
C(X'ur  du  mandarin,  et  il  ordonna  de  cesser. 
Il  faut  convenir  que  ce  genre  de  supplice  est 
bien  pro  nomine  Jesu  contumeiiam  paii.  J'a- 
voue (jue  j'en  eus  de  la  joie,  et  que  je  m'en 
retournai  content  dans  ma  prison.  Avant  que 
de  me  renvoyer ,  le  mandarin  me  dit  qu'il 
in'ap[)cllerait  encore  le  lendemain  pour  m'en 
faire  donner  autant,  et  m'aider  à  mourir. 
Tcheou-Yong-Tchang  reçut  vingt  soufflets  , 
et  les  deux  autres  chrétiens  seize  coups  de 
bambous  ,  et  ils  furent  élargis. 

«  Pour  moi,  de  retour  dans  ma  prison,  je 
sentis  dans  tout  mon  corps  un  malaise  si 
considérable,  qu'il  me  semblait  que  je  ne 
pourrais  nas  supporter  plusieurs  tortures  de 
cette  espèce  sans  mourir.  Je  m'y  préparai 
par  la  prière,  et  afin  de  moins  sentir  mon  mal 
et  d'avoir  l'esprit  plus  libre,  je  m'assis  pour 
prier,  dans  la  cour  de  la  prison.  Je  me  mis 
à  répandre  mon  cœur  dans  la  présence  de 
mon  bon  et  divin  Maître  pour  lui  recomman- 
der ce  que  je  regardais  comme  mes  derniers 
combats.  Dieu  écouta  mes  gémissements,  il 
remplit  mon  cœur  de  force  et  de  courage,  et 
il  me  reprocha  intérieurement  monpeu d'es- 
pérance en  ses  promesses,  et  je  sortis  de  la 
prière  avec  l'assurance  que  le  mandarin  ne 
me  ferait  pas  souffrir  davantage  ;  ce  qui  ar- 
riva en  effet.  Peu  à  peu  mes  douleurs  dimi- 
nuèrent, mon  visage  désenfla,  il  ne  me  vint 
point  d'ulcères  aux  cuisses,  et  dans  l'espace 
de   quinze  jours  je  me  trouvai  guéri.  Aux 
vexations  du  mandarin  contre  moi  j'ajoute- 
rai encore  ici  que  cette  année-là  il  fit  effacer 
par  deux  fois  mon  nom  de  dessus  la  liste  des 
prisonniers  qui  recevaient  une  certaine  me- 
sure de  riz  et  quelques  pièces  d'argent  pour 
leur  nourriture  ;  cela  allait  à  me  faire  mourir 
de  faim,  Dieu  cependant  lui  changea  le  cœur, 
et  il  continua  à  fournir  ce  qui  était  néces- 
saire à  ma  subsistance.   Pendant   que  les 
hommes  semblaient   s'adoucir ,  Dieu  m'é- 
prouva et  me  fit  souffrir  des  peines  d'autant 
plus  amères  qu'elles  étaient  intérieures.  Le 
mandarin  fut  envoyé  à  King-Tchoan  pour  la 


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1112 


guerre  ;  il  n'en  revint  qu'au  mois  d'octobre 
1773;  son  séjour  ne  l'ut  que  de  quatorze 
jours  au  bout  desqu  Is  il  repartit  pour 
Tchen-fou  où  il  resta  jusqu'à  l'année  sui- 
vante. L'id.'e  (le  son  retour  et  de  sa  cruauté 
m'nccupait  tristement  et  me  taisait  crjin;lre 
pour  ceux  qui  m'assistaient,  et  narticuiière- 
ment  pour  celte  pauvre  famille  Kieou.  Je 
demandai  à  Dieu  qu'ils  ne  fussent  pas  in- 
quiétés h  mo'i  sujet,  et  il  me  l'a  accordé  dans 
sa  miséricorde.  Le  mandarin  les  laissa  tran- 
quilles, malgré  le  désir  qu'il  montrait  tou- 
jours de  me  tourmenter.  Combimide  fois,  en 
effet,  ne  m"a-t-il  pas  barcelé  par  des  me- 
naces, des  injures,  des  blasphèmes  et  des 
ordres  cruels!  Mais  quand  il  faut  souffrir, 
Dieu  nous  aide  et  nous  donne  une  force 
surnaturelle;  je  l'ai  souvent  éprouvé,  et 
qua^d  il  n'y  avait  rien  à  soufïi'ir,  il  me  lais- 
sait le  seritimeit  de  mes  misères  et  de  ma 
faiblesse,  alin  que  je  ne  (iout.isso  jamais  que 
mon  courage  ne  venait  que  de  lui. 

«  Au  bout  de  trois  mois,  le  mandarin  re- 
part t  encore  pour  Tchen-tou  d'oii  il  ne  re- 
vint que  le  7  du  mois  de  novembre  1775.  Il 
ne  parut  pas  dans  la  prison  tout  le  reste  de 
cette  année,  f.e  19  février  J776,  il  me  cita 
devant  lui  et  il  appela  les  geôliers.  Le  plus 
ancien  se  présenia,  il  lui  demanda  ce  <]ue 
faisait  pour  moi  la  famille  Kieou.  Ce  vieil- 
lard répondit  qu'il  n'était  question  de  rien, 
sinon  que  j'acceptais  quelquefois  un  peu 
devin  de  celte  famille.  Le  mandarin  demanda 
si  c'était  quelqu'un  de  la  famille  qui  me  rap- 
portait. Le  geôlier  soutint  que  non,  en  s'of- 
iranf  à  la  rigueur  des  tortures  si  Van  pou- 
vait le  convaincre  de  contravention  aux:  or- 
dres qu'on  lui  avait  donnés.  Cette  réponse 
persuada  le  mandarin.  Quand  le  geôlier  eut 
été  renvoi é,  le  mandarin  s'a  Iressa  h  moi  et 
me  dit  toutes  s  )rt('s  d'injures  et  mômq  d'in- 
famies. Je  restai  les  yeux  baissés  sans  rien 
ré,iondre.  Voyant  qu(;  je  ne  disais  rien,  il  me 
paila  d'un  ton  un  peu  |)lus  radouci,  et  après 
m'avoir  dit  que  j'avais  l'air  d'un  assassin,  il 
mn  demanda  si  je  n'avais  pas  sur  moi  quel- 
ques poignards.  Je  lui  répondis  que  non. 
Puis  ne  sachant  cpie  me  dire  ,  il  ne  m'a- 
dressa plus  la  parole  ;  mais  il  continua  de 
parier  contre  moi,  assurant  que  j'étais  un 
criminel  di.ine  delà  mort, qu'il  voulait  m'as- 
sommer  ;  ce  qu'il  réj)éla  plusieurs  fois  en  y 
ajoutant  beaucoup  iJ(;  blasphèuics  contée  ma 
religion.  Cela  ne  sudisant  pas  au  mandaiin, 
il  or  lonna  brusquement  auv  geôliers  de  lui 
ap[)orter  tout  ce  que  je  pouvais  avoir  h  mon 
u>age  f)Our  en  faire  l'inspection  ;  il  demanda 
ensuite  auv  prisonniers  s'ils  n'avaient  point 
à  se  plaindr<!  de  moi;  ils  lépondirent  que 
non,  et  le  ifiamiarin  ne  sachant  |)lus  cpie  dire 
.se  mit,  en  élevant  la  voix  et  (mi  me  nonnuant 
par  mon  nom,  h  iairedi-s  criailleries  et  à  me 
traiter  de  fui.  Il  exigea  au<si  d(ïs  prisuiuiieivs 
qu'ils  i.e  m'écoijt'.raienl  jamais  et  (pi'ils  ne 
crojiflienl  |;oinl  h  ce  que  jt;  |)oui'rais  hiur 
•iir:'  d(!  ma  relgion  ;  ce  ipie  ces  gens  perdus 
de  crimes  et  d(î  toutes  sortes  d'exeès  n'cni- 
rent  [)oinl  rie  p<'ine,  i\  lui  promettre.  Tant  d(! 
inotiaçcs  el  de  jMéciuliou'^  eriutre   moi   um 


désolèrent,  je  l'avoue,  et  me  firent  penser 
que  je  n'avais  plus  rien  h  attendre  qu'un 
abanlon  g<''néral  et  nécessaire  de  tout  le 
momie.  Je  voyais  les  dangers  et  les  obstacles 
humains,  je  m'otf  isquais  de  tout  cela  et  je 
ne  faisais  pas  attention  que  ces  tristes  et 
amères  réflexions  affaiblissaient  en  moi  la 
foi  et  l'espérance.  Mon  bon  ange  que  j'invo- 
quais souvent  m'en  avertit  sans  doute.  Je 
sentis  quatre  fois  des  reproches  pressants  et 
intérieurs;  je  rougis  de  ma  faiblesse,  j'en 
demandai  pardon  à  Dieu  et  je  me  trouvai 
alors  tout  dilférent  de  ce  que  j'étais  un  mo- 
ment auparavant.  Ma  confiance,  ma  soumis- 
sion et  mon  abandon  h  la  volonté  de  mon 
divin  maître,  se  ranimèrent  et  se  fortifièrent. 
Vers  la  fin  du  mois  d'octobre,  j'eus  à  souf- 
frir dans  la  prison  une  persécution  domesti- 
qie,  pour  ainsi  dire,  de  la  part  des  prison- 
niers révoltés  contre  moi.  Je  fus  rassasié 
d'opprobres  et  accablé  de  menaces  de  m'as- 
somm  'v,  de  me  hacher  à  coups  de  couteau. 
Ils  disaient  entre  eux  (ce  qui,  humainement 
parlant,  était  l)ien  vrai)  que,  pour  m'avoir 
tué,  ils  ne  seraient  pas  réputés  coupables 
d'un  nouveau  crime;  qu'ils  en  recevraient 
plutôt  récompense  que  jiunition.  Au  milieu 
de  fous  ces  orages,  je  pris  le  parti  de  ne 
chercher  d'autres  armes  que  le  silence,  la 
patience  et  le  secours  du  ciel,  lui  recom- 
mandant sans  cesse  ma  cause  et  lui  aban- 
donnant ma  défense.  Cepen  lant,  n'osant  pas 
me  maltraiter,  ces  prisonniers  prirent  la  ré- 
solution de  m'accuser  devant  le  mandarin, 
dans  rest)érance  qu'il  me  ferait  assommer, 
comme  il  m'en  avait  tant  de  fois  m-nacé.  Le 
11  octobre,  le  mandarin  vint  dans  la  prison  ; 
il  demanda  de  nouveau  aux  prisonniers  si 
quoiqu'un  me  venait  voir.  Ils  répondirent 
encore  que  non.  L'occasion  était  belle  de 
m'accuser  :  chose  admirable  1  |)ersonne  ne  le 
fit.  Le  mandarin  renouvela  ensuite  aux  geô- 
liers ses  ordres  contre  moi,  et  leur  dit  que  si 
je  m'échappais,  il  y  allait  pour  lui  de  sa  di- 
gnité et  pour  eux  de  la  vie  ou  au  moins  de 
Texil  ;  il  n'a  jamais  cessé  de  me  croire  sor- 
cier. La  persécution  domestique  que  je 
croyais  éteinte  se  ralluma  et  devint  plus 
forte  que  jamais.  Quatre  jours  après,  le  man- 
darin cita  devant  lui  mon  principal  ennemi. 
Les  autres  prisomiiers  le  [)ressèrent  de 
m'accuser;  il  le  fit  et  dit  (ce  qui  était  très- 
faux)  que  je  lui  cherchais  querelle  sur  ce 
([u'il  ne  payait  |)as  ses  dettes.  Dieu  changea 
le  cœur  du  mandarin  ,  car  il  lui  répondit  : 
«  que  peut- 'Irc!  n'entendail-il  pas  bien  ce 
que  je  lui  disais.  »  Après  quoi,  •!  demanda 
si  je  faisais  des  prières  dans  la  uiaisnn? 
Mon  accu'-'atcur  répondit  que  oui,  mais  qao 
c'était  dans  un(>  langue  étrangère.  » 

Ici,  nous  interrompons  le  récit  liu  vénéra- 
ble conl"ess<'nr  pour  donner  sur  sou  compte 
l(!s  documents  (pii  sont  ii  notre  coiuiaissance, 
bien  (pie  nous  n'ayons  pas  rinlenlion  de 
l'aire;  sa  bi();.;raplue  complète.  Q  lehiue  temps 
après,  .M.  (ileyo  hit  dt'-livn'':  il  h;  dut  h  l'in- 
lliKMice  du  P.'d'AIrocha.tix-jésuite  portugais. 
Des  (pi'il  fut  (Il  libellé,  il  se  sentit  désireux 
d'albn-  porter  lo  lliniheau   (h-  la   foi  aux  eif- 


111S 


r.oD 


GOE 


1H4 


tr(^mit(<s  (le  la  Chine,  chez  dos  pouplos  qui 
lie  l'avaient  pas  encore  r(M;u  Kn  1785,  il 
était  il;ins  la  province  de  Koiii-T(  lienii  où  il 
faillit  (Mre  pris  avec  M.  Devant.  Plus  tard,  il 
entre, >ril  le  voyage  des  l.olo,  mais  eonnne 
il  ne  paraît  [tas  y  avoir  (S\6  pi-isécntt'',  nous 
nous  arrcHerons  ici.  {Lctt.  cdif.,  vol.  111,  p. 
213.) 

(ÎLYCÈRE  (saint),  prôtre  et  martyr,  souf- 
frit à  Nicoinc^die.  Après  divers  tournuvits, 
ayant  éuS,  dur  nt  la  |)ers('^eiilio-i  de  I);oclé- 
tien,  jeté  dans  le  feu,  il  y  accomplit  son  cou- 
rageux martyre.  L'Eylisc  fait  sa  fête  le  21 
décembre. 

GI.YCfiRE  (saint),  évoque  et  confesseur, 
soulfi  it  |)Our  sa  foi  et  le  nom  de  Jésus-Christ 
à  Mdan.  Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  ont 
conservé  aucun  document  concernant  ce 
saint  combattant.  L'Eglise  fait  sa  fête  le  20 
septembre. 

GLVCÉRIE  (sa-nte),  lut  couronnée  comme 
martyre  dans  la  première  année  du  règne 
de  Alarc-.Vurèle,  à  Héraclée  de  Thrace,  sous 
le  gouverneur  Sabinus,  le  13'"  jour  du  mois 
de  mai.  Les  Actes  que  nous  trouvons  d'elle 
dans  B  illandus  ne  méritent  pas  qu'on  y  ait 
grande  contiance.  Les  Grecs  honorent  sainte 
Gl.»  cérie  comme  vierge.  Ses  Actes  ne  lui  don- 
nent pas  celte  qualité,  et  le  Martyrologe  ro- 
main ne  la  mentionne  ras.  L'Eglise  fait  sa 
tête  le  13  mai,  jour  anniversaire  de  sa  mort. 

GOBAIN  ('saint),  vulgairement  saint  Gobin, 
naquit  en  Irlan  le.  Sa  vertu,  son  savoir,  son 
excellente  piété,  firent  qu'on  léleva  au  sacer- 
doce. Le  désir  de  se  consacrer  encore  da- 
vantage au  service  du  Seigneur,  le  fit  passer 
en  France,  quelque  temps  après  saint  Fursy. 
Après  avoir  résidé  quelque  temps  à  Corbény, 
puis  ensuite  à  Laon,  il  se  retira  dans  la 
grsnde  forêt  c(ui  était  sur  les  bonis  de  l'Oise. 
Entre  La  Fère  et  Prémontré,  à  deux  lieues 
de  la  rivière;  il  se  bâtit  une  cellule,  puis 
bientôt  après,  avec  le  secours  des  habitants, 
il  y  fonda  une  église  qu'il  plaça  sous  l'invo- 
cation de  saint  Pierre.  Ce  fut  Clotaire  III, 
qui  l'aimait  et  l'honorait  beaucoup,  qui  lui 
en  donna  l'emplacement.  C'était  dans  ce  lieu 
que  le  saint  servait  le  Seigneur,  dans  la  pra- 
tique du  jeûne  et  de  la  prière,  quand  il  fut 
tué  en  haine  du  christianisme,  dont  il  fai- 
sait profession,  par  des  barbares  venus  d'Al- 
emagne  et  qui  ravageaient  le  pays  :  ils  lui 
coupèrent  la  tête.  Le  lien  de  son  martyre, 
anciennement  nommé  le  Mont  de  TErmitage, 
se  nomme  aujourd'hui  Saint-Gobain.  On  y 
garde  encore  son  chef  dans  l'église  de  cette 
localité.  La  fête  de  saint  Gobain  a  lieu  le  20 
janvier.  Voy.  Mont  de  l'Ermitage. 

GODESGALC  ou  Gothescalc  (saint), 
prince  Vandale  d'Occident  et  martyr,  avait 
fait  faire  de  grands  progrès  au  christianisme 
chez  les  Slaves  qui  habitaient  au  delà  de 
l'Elbe,  dans  la  partie  septentrionale  de  la 
Saxe.  Il  en  avait  converti  une  grande  partie; 
mais,  en  1065,  il  fut  tué  par  les  païens  qu'il 
voulait  encore  convert  r.  11  soullrit  le  mar- 
tyre le  7 juin,  dans  la  ville  nommée  alors 
Léontia,  et  depuis  Lenzin  ou  Lentz.  Avec 
lui  souffrit  le  prêtre  Ippon,  qui  fut  tué  sur 


l'autel;  et  plusieurs  autres,  tant  laïques  quo 
clercs,  souffrirent  divers  supplices  [)Our  Jé- 
sus-Christ. Le  moin(!  Ansuer  et  plusieurs 
autres  furent  lapidés  h  Uacisbourg  le  ISjuii- 
lel  ;  et,  comme  Ansuer  craignait  (pie  le  cou- 
rage ne  man(niAl  à  sescO(npagnons,  il  demanda 
aux  païrns  (hi  les  lapider  avant  lui,  et,  s'étant 
mis  h  genoux,  pria  [tour  ses  persécuteurs. 

On  gai'dait  cependant  à  Meklembourg 
Jean,  évêque  écossais,  qui  était  venu  en 
Saxe  huit  ans  auparavant,  en  1057,  et  y  avait 
été  reçu  humainement  par  l'archevêque 
Adalbert,  Ce  prélat  l'envoya  peu  a[)rès  chez 
les  Slaves,  près  le  [)rince  Gothescalc;  et, 
dans  le  séjour  (pi'il  y  fit,  il  baptisa  plusieurs 
milliers  de  païens.  L'évê([ue  Jean,  qui  était 
un  vénérable  vieillard  ,  fut  premièrement 
frap|)é  h  coups  de  bAton,  puis  mené  [)ar  dé- 
rision dans  toutes  les  villes  des  Sclaves;  et, 
comme  il  demeurait  ferme  ji  confesser  Jésus- 
Christ,  on  lui  cou[ia  les  [tieds  et  les  mains, 
et  enfin  la  tête.  On  jeta  son  cor[)S  dans  la 
rue,  les  païens  poitèrent  sa  tête  au  bout 
d'une  pique  en  signe  de  victoire,  et  l'immo- 
lèrent h  leur  dieu  Rédigast.  Cela  se  passa 
le  10  novembre,  à  Kèthre,  métropole  des 
Sclaves. 

La  veuve  du  prince  Gothescalc,  fille  du  roi 
de  Danemark,  ayant  été  trouvée  à  Meklem- 
bourg  avec  d'autres  femmes,  fut  longtem|")S 
battue  toute  nue.  Les  païens  ravagèrent  par 
le  fer  et  par  le  feu  toute  la  province  de 
Hambourg,  ruinèrent  la  ville  de  fond  en 
comble,  et  tronquèrent  les  croix,  en  dérision 
du  Sauveur.  Ils  détruisirent  de  même  Sles- 
vic,  ville  très-riche  et  très-peuplée.  On  disait 
que  l'auteur  de  cette  persécution  était  Plus- 
son,  qui  avait  épousé  la  sœur  de  Gothescalc, 
et  qui,  étant  retourné  chez  lui,  fut  aussi  tué. 
Enfin  les  Sclaves,  par  une  conspiration  gé- 
nérale, retournèrent  au  paganisme,  et  tuè- 
rent tous  ceux  qui  demeurèrent  chrétiens. 
C'est  la  troisième  apostasie  de  cette  nation, 
car  elle  fut  convertie  à  la  foi,  premièrement 
par  Charlemagne,  ensuite  parOthon,  la  troi- 
sième fois  par  Gothescalc.  (Fleury,  vol.  IV, 
p.  20V.) 

L'Eglise  fait  la  fête  de  saint  Godescalc  et  de 
ses  compagnons  le  7  juin. 

GOÈS  (le  bienheureux  Gaspard),  de  la 
compagnie  de  Jésus,  nac[uit  en  Portugal.  II 
fa'sait  partii^  de  la  troupe  de  missionnaires 
que  le  P.  Diaz  conduisait  au  Brésil  à  la  suite 
clu  B.  Azevedo.  Un  mois  après  le  départ  du 
Saint-Jacqties,  qui  portait  oe  dernier,  Diaz  et 
ses  compagnons  quittèrent  Madère,  afin  de 
poursuivre  la  roule  vers  le  Brés.l  avec  le 
reste  de  la  flotte.  La  tem[)ête  ayant  dispersé 
les  navires,  celui  que  montait  notre  bien- 
heureux et  ses  compagnons  dévia  vers  l'île 
de  Cuba, et,  à  San-Iago,  on  dut  abandonner  le 
vaisseau  qui  faisait  eau  de  toutes  parts.  Les 
voyageurs  trouvèrent  une  barque  qui  les 
conduisit  au  jtort  d'Abana,  d'où  un  navire 
qu'ils  y  frélère  U  les  transporta  aux  Açores 
le  mois  d'ao.U  1571.  Ils  y  trouvèrent  le  com- 
mandant de  la  floite,  Lou's  de  Vaseoncellos, 
avec  le  P.  François  Diaz  et  cinq  autres  jé- 
suites qui  les  y  avaient  devancés.  L'amiral 


iirs 


GON 


GOR 


1116 


voyant  son  monde  si  réduit,  ne  conserva 
qu'un  navire,  et  ils  se  rembaniuèrent  le  6 
septembre  1571.  Bientôt  ils  remontrèrent 
cinq  vaisseaux  de  liant  bord  commandes  par 
le  Béarnais  Capdeviile,  calviniste,  qui  s'était 
trouvé  à  l'abordage  du  Saint-Jocques.  Le 
combat  ne  fut  pas  long  et  les  calvinistes 
s'emparèrent  du  navire  catholique.  Le  bien- 
heureux Diaz  fut  massacré,  puis  jeté  à  la  mer 
le  13  septembre;  François  du  Castro  confes- 
sait le  pilote  au  moment  où  les  calvinistes 
montaient  h  l'abordage;  il  fut  massacré; 
Gasjmrd  Goès  subit  le  même  sort.  Les  au- 
tres comj)agnons  de  son  martyre  furent  le 
P.Michel,  Aragonais,  de  ïarragone  ;  Fran- 
çois Paul,  Portugais;  Jean  Alvare,  Portugais; 
Pierre  Fernand,  Portugais  ;  Alfonse  Fernan- 
dès.  Portugais  ;  Alfonse-André  Pais,  Portu- 
gais; un  autre  Pierre  Diaz,  Portugais;  Jac- 
ques Carvalho,  Portugais  ;  Fernand  Alvare, 
Portugais.  (Du  Jarric,  Histoire  des  choses 
plus  mémorables,  etc.,  t.  II,  p.  295;  Tanner, 
Societas  Jesu  nsqnc  ad  sanguinis  etvitœ  pro- 
fusionem  militons,  p.  IT'i-  et  177.) 

GOMEZ  (le  bienheureux  Amuroise)  ,  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique,  fut  martyrisé 
pour  la  foi  dans  les  missions  du  Darien.  Dans 
le  courant  du  mois  d'octobre  1725,  il  fut 
percé  de  flèches  par  les  idolâtres,  en  haine  do 
la  foi  qu'il  leur  prêchait. 

GONZALVE  DE  TAPIA  (le  bienheureux), 
de  la  compagnie;  do  Jésus,  naquit  à  Léon, 
d'une  famille  noble.  Après  avoir  professé  la 
philosophie  et  la  théologie,  il  fut  envoyé  prê- 
cher J'Evangnle  chez  les  Tarasques,  peuple  de 
la  province  de  Méchoacan  ;  de  là  il  pénétra 
dans  la  province  de  ïopia ,  située  dans  la 
Nouvelle-Biscaye.  En  1591,  il  partit  avec 
le  P.  Martin  Perez  pour  la  province  de  Ci- 
naloa,  située  à  trois  cents  lieues  de  Mexico. 
A  la  voix  de  notre  bienheureux,  plus  de 
deux  unVie  idolâtres  embrassèrent  la  foi.  11 
visitait  souvent  les  fidèles  de  Déboropa ,  où 
il  s'était  construit  une  pauvre  hutte,  et  s'ef- 
forçait de  ramener  à  la  religion  un  vieillard 
nommé  Nacabeba,  qui  scandalisait  les  fidèles 
par  ses  dérèglements.  Un  jour  que  Gonzalve 
disait  son  chapelet,  retiré  dans  sa  cabane, 
ce  malheureux  vieillard  entre  et  feint  de  lui 
vouloir  baiser  la  main  ;  au  même  instant 
un  des  complices  lui  assène  un  coup  de 
massue  sur  la  tête.  Etourdi,  chancelant,  il 
veut  sortir;  mais  d'autres  conjurés,  qui  gar- 
daient la  porte,  se  piécipitent  sur  lui  et  lui 
coiqjent  la  tête  et  le  bras  droit.  Les  meur- 
triers essayèrent  en  vain  de  les  brûler  j)Our 
les  manger  ;  alors  ils  profanèrent  les  orne- 
ments sacrés,  et  burent  dans  son  crAne.  La 
ulupart  furent  tués  dans  des  rencontres  avec 
les  Es[)agnols.  Pour  Nacabeba,  il  fut  pris 
avec  un  de  ses  neveux  :  tous  deux  péi'irent 
en  détestant  leur  crime.  (Societas  Jesic  us- 
auc  ad  sanguinis  et  vitœ  profusionem  mi- 
titans,    p.    k*M.) 

(iONZALfîlS  (Je  bieidieureux  Andui:),  Por- 
lug.'iis,  de  VJaua,  d(!  la  compagnie  de  Jésus, 
f;iis;jil  partie  des  saints  nns.si(jnnaires  (piC 
le  P.  Azevedo  était  allé  recrutera  Home  pour 
le  Brésd.  Leur  navire  fut  pris,  lo  15  juillet 


1571,  par  des  corsaires  calvinistes  qui  les 
massacrèrent  ou  les  jetèrent  à  la  mer.  (Du 
Jarrie,  Histoire  des  choses  plus  mémorables, 
etc.,  t.  II,  ji.  278;  Tanner,  Societas  Jesu  us- 
que  ad  sanquinis  et  vitœ  profusionem  militons, 
p.  IGG  et  170.) 

GONZALÈS  CABDOSO  (le  bienheureux), 
de  la  compagnie  de  Jésus,  fut  envoyé  de 
Frémone  à  Dembra  pour  y  prêcher  l'Evan- 
gile. Il  avait  prédit  ([u'il  n'y  arriverait  pas, 
et  des  voleurs  en  effet  l'assassinèrent  dans 
les  bois  le  22  mai  lo7.'i.. 

GONZALÈS  (le  bienheureuxNicoLAs),  domi- 
nicain, reçut  la  palme  du  martyre  en  1725, 
dans  la  mission  du  Cochabamba,  avec  ses  deux 
compagnons  Michel  Pantigoso  et  Jean  Davila. 

GOKDE,  Gordius  (saint),  martyr  à  Césa- 
rée  de  Cappadoce,  sa  ville  natale,  servait 
comme  centurion  dans  les  armées  impéria- 
les ;  aussitôt  que  Dioclétien  eut  publié  ses 
édits,  il  se  relira  dans  le  désert.  Quelques 
années  a|)rès,  poussé  par  l'ardent  désir  de 
verser  son  sang  pour  Jésus-Christ,  il  quitta 
sa  solitude  et  vint  à  Césarée,  comme  le  peu- 
ple était  assemblé  au  cirque,  pour  y  célébrer 
la  fête  du  dieu  Mars.  Gorde  avait  la  barbe  et 
les  cheveux  longs  et  en  désordre.  Ses  vête- 
ments étaient  en  lambeaux.  Tout  son  exté- 
rieur annonçait  que  depuis  longtemps  il  n'a- 
vait point  été  mêlé  au  commerce  des  hom- 
mes. Ces  particularités  furent  cause  qu'on 
le  remarqua.  Il  fut  arrêté  et  conduit  au  gou- 
verneur :  Ih,  ayant  avoué  qu'il  était  chrétien, 
il  fut  condamné  h  avoir  la  tête  tranchée.  Au 
prononcé  de  la  sentence,  il  fit  le  signe  de  la 
croix  et  reçut  avec  joie  le  coup  mortel.  L'E- 
glise honore  sa  mémoire  le  3  janvier. 

Nous  donnons  ici  complètement  la  belle 
homélie  de  saint  Basile  sur  ce  saint  martyr, 
homélie  qui  a  été,  par  Buinart  et  par  k 
plupart  des  auteurs,  considérée  comme  Ac- 
tes authentiques  du  saint. 

«  Mes  chers  frères,  ceux  qui  ont  pris  plaisir 
h  étudier  la  police  des  abeilles  ont  remar- 
qué qu'elles  ne  sortent  jamais  de  leurs  ru- 
ches que  leur  roi  ne  soit  ci  leur  tête.  Per- 
mettez-moi de  vous  demander,  lorsque  je 
vous  vois  accourir  en  foule  en  ces  lieux  sa- 
crés,  et  vous  aj)prochcr  des  tombeaux  des 
martyrs,  comme  pour  y  amasser  de  quoi 
composer  un  miel  céleste,  permettez-moi, 
dis-je,  de  vous  df^nander  où  est  votre  roi  ; 
sous  quelle  (conduite  tant  d'essaims  nom- 
breux se  sont-ils  fornn''S?D'où  vient  cette  ar- 
deur empressée?  Ouelle  heureuse  inlîuence 
change  ainsi  les  jours  tristes  et  sombres  de 
l'hiver  en  dos  jours  clairs  et  sereins,  et  tels 
que  le  |)rintemps  les  donne  ?  Ne  serait-ce 
point  le  saint  martyr  que  nous  honorons 
aujourd'hui?  c'est  lui  sans  dout(ï,  c'est  lui 
qui  vous  fait  sortir  do  vos  maisons  ;  c'est 
pour  venir  lui  rendre  vos  devoirs  au  lieu 
même  où  il  a  combat  In,  que  vous  (piiltez  la 
ville  pour  C(!  faubourg.  Je  vous  l'avouerai, 
j(!  ne  me  sens  |)as  un  uioindi-e  désir  cpie  vous 
(le  célébrer  reltt;  l'êle,  j'en  oublie  mes  infir- 
mités, et  je  suis  prêt  ;i  joindre  ma  voix  h  vos 
vœux.  Courage  donc ,  ma  voix ,  ell'orcez- 
vous  autant  que  la  langueur  où  mon  corps 


1117  COR 

se  trouve  vous  le  permettra,  eflorcez-vous 
de  publier  les  fraudes  actions  du  saint  qui 
iKMis  assemble  ;  le  discours   n'en  pcnjt  ôlre 
(pio  Irès-édiliaul  ol  (rùs-agr(^able  à  tout  mou 
auditoire.  Car  enlin  ,  si  nous    honorons   la 
ménion-e   des  saints,  si  nous  faisons    leur 
élojj;e  au  jour  de  leur  fête,  nous  travaillons 
moins  |)0ur  leur  gloire  que  pour  nolic  nti- 
lité.  Ils  n'ont  pas  besoin  do  nos  louanges,  et 
nous  avons  besoin  de  leur  exemple;  leurs 
vertus  nous  servent  de  modèle,  et  riiisloire 
de  leur   vie  nous  apprend  comment  nous 
devons  régler  la  nôtre.  Car,  de  môme  que  le 
feu   [)ro(liiit    naturellement   la    lumière ,    et 
qu'un  parfum  exquis  répand  de   lui-même 
son  odeur  partout ,  de  mémi!  le  seul  ré(;it 
des  actions  des  saints  produit  ces  deux  ef- 
fets dans    les  esprits,  il  les  éclaire  et  il  les 
réjouit.   Au  reste   ce  récit  doit  être  fidèle, 
exact  et   uni((uement  renfermé  dans  la  vé- 
rité  des  faits.   Lorsqu'un   peintre  fait  une 
copie,  il  est  rare  qu'il  atteigne  son  original, 
il  ne  rendra  jamais  grAces  |iour  grâces,  ni 
beautés  pour  beautés  ;  il  s'éloignera  mémo 
toujours  un  peu  de  la  ressemblance  du  sujet. 
De  même  il  est  à  craindre  que  ne  faisant  que 
copier  la  Vie  des  saints  sur  quelques  mé- 
moires peu  certains  qui  nous   en  restent, 
nous  n'altérions  un  ])eu  la  vérité.  Nous  tâ- 
cherons d'éviter  cet  inconvénient,  et  en  fai- 
sant le  panégyrique  de  saint  Gordius,  nous 
n'avancerons    rien  que  nous  ne  ti'ouvions 
bien  autorisé  dans  son  histoire. 

«  Ce  bienheureux  martyr  était  de  Césarée 
en  Cappadoce ,  et  nous  avons  le  bonheur  d'a- 
voir aveclui  une  même  patrie.  Onnedoit  donc 
pas  s'étonner  si  nous  sentons  pour  lui  une  es- 
time et  une  affection  toute  particulières  ;  nous 
]e  regardons  comme  le  plus  grand  ornement 
de  notre  ville.  Car,  comme  on  attribue  au 
terroir  la  bonté  des  fruits  qui  y  croissent, 
de  môme  Gordius,  ayant  pris  naissance  dans 
ces  murs  ,  et  étant  monté  depuis  au  plus 
haut  point  d'élévation  où  un  homme  puisse 
arriver,  il  fait  réfléchir  sur  sa  patrie  l'éclat 
dont  il  brille  dans  le  ciel  ;  et  pour  la  nourri- 
ture qu'elle  lui  a  donnée ,  il  lui  rend  une 
gloire  incomparable.  Il  y  a  des  fruits  qu'on 
nous  apporte  de  dehors  qui  sont  bons  ;  ils 
sont  agréables  à  manger,  ils  rafraîchissent, 
ils  nourrissent  ;  mais  ceux  que  nous  avons 
vus  croître  dans  nos  jardins  que  nous  avons 
cultivés  de  nos  propres  mains,  nous  parais- 
sent bien  d'un  autre  goût  ;  nous  les  trouvons 
infiniment  meilleurs.  Parce  que,  outre  le  de- 
gré de  bonté  qu'ils  peuvent  avoir,  ils  ont  en- 
core pour  eux  l'avantage  de  leur  naissance  ; 
nous  les  avons  élevés  nous-mêmes,  ils  ont 
crû  dans  notre  propre  fonds,  sous  nos  yeux, 
parmi  nous.  Gordius  prit  le  parti  de  l'épée, 
et,  s'étant  mis  dans  le  service,  il  y  eut  des 
emplois  considérables  ;  il  commanda  même 
une  compagnie  d'ordonnance  de  cent  hom- 
mes d'armes.  Sa  valeur ,  soutenue  par  une 
force  de  corps  peu  commune,  lui  acquit  une 
grande  réputation  dans  les  troupes.  11  ser- 
vait donc  avec  beaucoup  de  gloire,  il  ne 
songeait  qu'à  reaiplir  son  devoir,  lorsque 
l'empereur  qui  régnait  pour  lors  commença 


GOR 


1118 


à  répandre  le  poison  de  sa  rage  sur  le  nom 
chrétien.  Il  eut  l'impiété  de  vouloir  s'élever 
conticî  Dieu,  et  la  folie  pensée  de  pouvoir 
renverser  l'Kglise.  On  n'entendait  plus  dans 
toutes  les  villes,  dans  les  plae(\s  ,  dans  les 
(carrefours,  que  la  voix  des  <;ri(îurs  (pii  pu- 
bliaient l'édit  du  tyran,  par  letpiel  il  était 
défendu,  sous  peine  de  la  vie,  (l'adorer  Jé- 
sus-(Mirist.  Les  idoles  étaient  partout  expo- 
sées à  l'adoration,  ou  plutôt  à  la  superstition 
publi([ue.  Des  dieux  de  |)ierre  et  de  bois 
disputaient  des  honneurs  divins  avec  le  vrai 
Dieu.  Tout  était  en  confusion  dans  Césarée, 
et  la  nouveauté  de  la  chose  jetait  le  trouble 
et  la  surprise  dans  les  es])rits.  On  pillait  les 
maisons  des  chrétiens  ;  les  gens  de  bien 
voyaient  enlever  tout  ce  qu'ils  avaient  ;  les 
bourreaux  se  saisissaient  des  fidèles  et  les 
déchiraient  im[)itoyablcment  ;  des  femmes 
de  condition  étaient  traînées  parles  rues; 
la  jeunesse  ne  trouvait  aucune  compassion 
dans  ces  âmes  barbares,  ni  la  vieillesse  do 
respect  ;  l'innocence  souffrait  les  peines  ducs 
au  crime.  Les  prisons  étaient  pleines,  et  les 
logis  des  personnes  de  qualité  étaient  aban- 
donnés :  les  forêts  et  les  solitudes  se  peu- 
plaient de  ceux  que  la  persécution  chassait 
de  la  ville  ;  c'est  ainsi  que  le  crime  d'adorer 
Jésus-Christ  était  puni.  Le  fils  livrait  son 
père,  le  père  accusait  son  fils,  le  frère  se 
rendait  le  délateur  de  son  frère,  l'esclave  in- 
solent traînait  son  maître  devant  les  juges. 
Le  démon  avait  répandu  dans  les  cœurs  des 
ténèbres  si  épaisses,  qu'on  ne  se  connaissait 
plus.  Les  églises  étaient  profanées  et  dé- 
pouillées de  leurs  ornements  ;  on  renversait 
les  autels,  on  ne  faisait  plus  d'oblations,  on 
ne  voyait  plus  fumer  l'encens  et  les  parfums 
devant  le  Seigneur,  on  ne  pouvait  plus  of- 
frir le  divin  sacrifice  :  une  tristesse  profonde 
s'était  emparée  des  âmes,  et  on  gardait  un 
silence  qui  avait  je  ne  sais  quoi  de  funeste. 
Les  prêtres  avaient  pris  la  fuite ,  tout  le 
clergé  était  dans  la  crainte  ,  chacun  était 
menacé  d'une  mort  prochaine,  et  l'Eglise 
semblait  l'être  d'une  désolation  générale. 
L'enfer  seul  était  dans  la  joie,  les  démons 
tressaillaient  d'allégresse.  L'odeur  des  sacri- 
fices infectait  l'air,  et  le  pavé  des  temples  et 
des  rues  était  tout  couvert  du  sang  impur 
des  victimes. 

«  Notre  centurion  voyait  tous  ces  désor- 
dres, et  eu  gémissait;  mais  il  ne  se  contenta 
pas  d'en  gémir,  car  prévoyant  qu'il  serait 
bientôt  obligé  de  se  déclarer,  il  quitta  le  ser- 
vice ,  et  se  bannit  volontairement  de  Césa- 
rée. Renonçant  donc  aux  charges,  aux  di- 
gnités, à  toute  sa  fortune,  à  tout  ce  qu'il  y  a 
de  plus  engageant  dans  la  vie  ;  se  détachant 
de  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  doux  dans  la  so- 
ciété civile,  de  ses  domestiques,  de  ses  pro- 
ches, de  ses  amis,  de  l'usage  des  plaisirs  in- 
nocents, en  un  mot,  de  tout  ce  que  les  autres 
recherchent  avec  plus  d'ardeur,  et  désirent 
avec  plus  d'empressement,  il  s'enfonce  dans 
un  désert,  il  se  cache  dans  des  lieux  incon- 
nus aux  hommes,  aimant  mieux  vivre  avec 
les  bêtes  sauvages  que  parmi  des  idolâtres. 
Il  suivit  en  cela  l'exemple  du  prophète  Elie, 


Iil9 


GOR 


GOR 


1120 


qui ,  voyant  l'iilolAtrie  sVtablir  dft  jour  en 
jour  d.iiis  le  royaume  d'Israël,  sous  la  protec- 
tiou  et  par  les  soius  de  l'impie  Siloni'^n-ie 
(  Jéiabel  j ,  s'euf'-.it  loin  de  la  cour  et  du 
mouile.  et  trouva  dans  la  monta;.;;ne  d'Hon^b 
un  asile  contre  l'im.iictc  et  l'injustice.  Là,  re- 
tiré dais  If  fond  d'un  antre,  ilciiercliail  Dieu, 
et  Dieu  se  laissa  trouver  i»ar  son  prophète. 
Elle  vit  Dieu  autant  q  j'il  est  permis  h  un 
mortel  de  le  voir  ici-bas.  Ce  fut  ainsi  que 
Gordius,  se  dérobant  au  tumul  e  des  villes, 
aux  clameurs  du  barreau,  à  l'ambition  des 
grands  ,  au  faste  qui  environne  les  tribu- 
nmx;  fuyant  le  monde,  fuyant  cette  contrée 
où  toute  la  vie  se  passe  à  vendre,  à  acheter, 
à  se  parjurer,  à  mentir;  où  les  entretiens  'es 
plus  innucents  sont  remplis  ou  d'obscénités, 
ou  de  médisances,  ou  de  fades  railleries,  il 
fut  enfin  «ssez  heureux  pour  voir  Dieu,  après 
avoir  purifié  son  Ame  des  soudlures  que  les 
images  restées  de  tous  ces  objets  impurs  pou- 
vaient y  avoir  laissées.  Il  le  vit,  et  il  apprit 
dans  cet  heureux  moment  des  mystères  inef- 
fables. Il  les  apprit,  non  d'un  homme,  mais 
d'un  docteur  de  la  venté  ,  du  Sainl-Esprit. 

«  Pensant  jour  et  nuit  dans  cette  paisible 
retraite  au  peu  de  fond  qu'il  y  a  à  faire  sur 
la  vie  présente,  qui  se  perd  comme  l'ombre 
et  s'évanouit  comme  un  songe,  il  se  sentait 
enflammé  de  l'amour  de  cette  autre  vie  qui 
ne  doit  jamais  tinir.  Résolu  donc  de  sortir  du 
monde  d'une  manière  éclat  mte,  il  ne  songea 
plus  qu'à  se  disposer  au  combat  qu'il  médi- 
tait ;  et  comme  un  athlète  prudent  et  avisé, 
il  s'exerçait  continuellement  par  des  jeûnes, 
des  veides,  par  l'oraison  et  par  la  médita- 
tion assidue  des  divins  oracles.  Lorsqu'il  se 
crut  bien  préparé  ,  il  observa  le  jour  (jue 
toute  la  vill.i  était  accourue  au  ciique  pour 
voir  une  course  de  chariots.  C'était  une  fête 
solennelle  parmi  les  païens,  qui  se  célébrait 
en  l'honneur  du  dieu  Mars,  ou  plutôt  du 
démon  de  la  guerre.  Tout  le  peuple  y  était, 
et  il  y  a  tait  un  ordre  exprès  de  l'empeïeur 
de  s'y  trouver,  et  personne  n'avait  osé  s'en 
dispenser,  juifs,  [)aïens ,  chrétiens.  Il  y  en 
avait  même  un  grand  nombre  de  ces  der- 
niers, de  ces  chrétiens  relâchés  dont  la  vie 
est  si  peu  (onfornie  aux  maximes  de  l'Evan- 
gile ;o  1  les  voyait  as>is  dans  cette  assemblée 
d'impies,  altontifs  au  S[)ect:icle,  se  récriant 
sur  la  vitesse  descln^vaux  et  sur  l'adresse  de 
leurs  co  iduct(nii-s.  Tout  travail  avait  cesé; 
les  esclaves,  exempts  de  h'urs  travaux  oivli- 
na  res  ,  y  arrivaient  en  foule,  et  les  jeunes 
enfints  quittaifint  leurs  livres  et  sortaunit 
des  écoles  pour  courir  au  cirque;  les  d  unes 
de  (jualité  y  étai,;nt  co  i  biidues  avec  les 
femmes  du  peuple;  tout  était  plein,  et  cette 
mullituie  innombr.ible  de  sp:'Ctaleurs,  tout 
occufiée  de  ce  combat  de  chariots,  gardait 
un  silence  qu'élu;  n'interrompait  (pie  pour 
ap[)laudir  aux  vi'torieux.  Ce  fut  dans  le  plus 
f  <it  des  cour'-es  et  dti  l'altenlio  i  des  assis- 
tants, rjue  notre  liéios,  descendant  le  lo  igde 
ia  colline  contre  iaipn  lie  h;  ihéAtrcî  él  dt  an- 
pu,é  sj  iiio.ilra  tout  à  cou;).  La  crainte;  du 
|H-'uple  ne  le  retint  point,  il  ne.  dél.béia  pas 
un  mouienl   s'il  se  livrerait  à  tant  tlo  mains 


ennemies  ;  mais  animé  d'un  courage  extraor; 
dinaire  ,  et  passant  devant  tous  ceux  qui 
remilissaient  les  sièges  comme  s'il  eût  cô- 
toyé une  suite  de  rochers  nu  un  rang  d'ar- 
bres, il  s'arrêta  au  milieu  de  la  lice,  vériliant 
en  sa  [)ersonne  cette  [larole  du  Sage  :  Lhominr, 
de  bien  est  hardi  comme  un  lion  (Prov.  xxvni, 
1  ).  Que  vous  dirai -je  enfin?  Il  se  sentit 
tant  d'assurance  et  d'intrépidité,  que  mon- 
tant sur  les  sièges  les  plus  élevés  du  théâtre, 
il  poussa  sa  voix  de  toute  sa  force  f  il  reste 
encore  aujourd'hui  quelques-uns  ae  ceux 
qui  étaient  alors  présents),  et  prononça  dis- 
tinctementces  paroles  d'Isaie,  citées  [)ar  saint 
Paul  :  J'ai  été  trouvé  par  ceux  qui  ne  me  cher- 
chaient pas,  et  je  me  suis  fait  voir  à  ceux  qui  ne 
se  souciaient  pas  de  me  connaître  {Rom.  x, 
20).  Il  voulut  montrer  par  ces  paroles  qu'il 
venait  là  de  son  pro|)re  mouvement  et  qu'il 
se  présentait  au  combat  de  lui-même,  sans  que 
))ersonne  l'y  forçât ,  suivant  l'exemple  du 
Sauveur,  qui,  pouvant  à  la  faveur  de  la  nuit 
échapper  à  la  recherche  de  ses  ennemis  qiù 
ne  le  connaissaient  pas,  se  remit  volontaire- 
ment en're  leurs  mains. 

«  La  voix  de  Gordius  attira  aussitôt  sur  lui 
les  regards  de  tous  les  assistants,  et  sa  ligure 
extraordinaire  les  y  arrêta.  Elle  avait  quel- 
que chose  d'affreux  :  le  long  séjour  qu'il 
avait  fait  dans  le  désert  l'avait  rendu  sem- 
blable à  un  sauvage  ;  les  cheveux  hérissés  et 
tout  en  désordre,  la  barbe  longue  et  mal 
peignée,  un  habit  déchiré,  le  corps  sec  et 
noirci  par  le  soleil,  une  besace  sur  l'épaule, 
et  un  bâton  noueux  et  mal  poli  à  la  main  , 
et  toutefois  à  travers  tout  cela,  on  ne  lais- 
sait [las  de  voir  briller  je  ne  sais  quel  agré- 
ment qui  résultait  de  la  grâce  dont  son  âme 
était  remplie.  Dès  qu'on  l'eut  reconnu,  un 
cri  s'éleva  de  tout  le  théâtre.  D'un  côté,  les 
chrétiens  faisaient  éclater  leur  joie  en  voyant 
leur  compagnon  d'armes  marquer  tant  de  va- 
leur; et  d'un  autre  les  païens  demandaient 
sa  mo  t  au  magistrat  qui  [)résidait  aux  jeux. 
Tout  était  rempli  de  confusion  ;  on  ne  regar- 
dait plus  les  courses,  on  n'avait  d'attenlioi 
que  pour  Gordius  :  tout  le  théâtre  n'était 
j)lus  occupé  que  de  lui.  Les  cochers  avaient 
l)eau  i)res>er  leurs  chevaux,  ils  n'excitaient 
plus  ta  curiosité  du  spectateur  ;  le  bruit 
même  était  si  grand,  (pie  le  bruissement 
des  chariots  ne  s'entendait  |)oint  :  les  vents 
(rautomne  ne  représentent  cprimpaifaite- 
ment  riioirible  lïai:as  (pie  produisaient  tou- 
tes ces  diireriniies  clameurs.  Enlin,  après 
(ju'uu  héraut  eut  fait  faire  silence,  les  trom- 
pettes .s'arrêtèrent,  les  lliïtes  et  les  hautbois 
se  lurtnit,  et  les  autres  instrumeiils  cesserait 
déjouer;  le  bruit  s'apaisa,  le  seul  Gordius 
()aila,  et  fut  écouté. 

<(  11  fui  conduit  sur-le-champ  au  gouver- 
neur (pii  lui  paila  d'abord  avec  beaucoup  de 
douceur.  Il  lui  demanda  (pii  il  était,  d'.iù  il 
était,  (  l  ce  qui  l'amenail.  Le  saint  lui  répoii- 
(I  t  e  1  I  eu  (le  mots  sur  tcnis  ces  articles  :  il 
lui  ajiprit  >on  pays,  le  nom  de  sa  familhs  lo 
ra»g  qu'il  avait  l-nu  dans  l'armée,  et  enlin 
ce  qui' lui  avait  fait  (piill(n-  le  monde,  et  ce 
qui  l'obligeait  à  y  revenir.  Si  je  reparais  aux 


1121 


C<Ml 


GOIl 


wn 


youx  dos   liommes ,  nj^uta-t-il ,   si  je  nio 
trouve  au    militui  dos  villes,  ce   n'est    (jutî 

S)our  avoir  la  j^loire  do  co'ilbs.ser  li  aiteiueiit 
lésus-Clirist,  pour  vous  apprt'iulre  (juejai 
pour  vos  édits  le  dernier  uiépris,  el  pour 
vous  reprocher  volie  (;ruaut(^.  Jai  pris  l'oe- 
casioi  des  courses  pour  exécniler  iuo'i  des- 
soin. Ces  paroles  (ireiitsur  l'Auie  du  [gouver- 
neur ce  que  lail  une  élincelle  ipie  le  vent 
porte  sur  une  pile  de  l)ois  sec  :  elles  y  allu- 
mèro'it  une  fuieur  si  violente  contre  le  saint, 
qu'elle  ne  put  s'éteindre  ([uo  par  sa  mort. 
Des  bourreaux,  s'écria-t-il,  des  fouets,  dos 
plonU)oaux  ;  qu'on  l'élende  sur  une  roue, 
qu'on  le  nielte  sur  le  chevalet,  (ju'on  m'ap- 
porte tous  les  instruments  propres  ^  tour- 
menter, qu'on  en  cherdu;,  ([u'un  en  invente 
de  nouveaux.  Qu'on  prépare  la  [)rison,  qu'on 
dresse  des  croix,  (pi'on  allile  le  tranchant 
des  haches,  qu'on  lAche  les  bétes  farouches, 
c'est  trop  peu  pour  un  homme  si  exécrable 
que  de  ne  mourir  qu'une  fi  is.  Je  l'avoue,  dit 
(jordius,  et  j'y  perdiais  moi-même  ;  je  croi- 
rai qu'on  me  fera  tort,  si  on  ne  me  f.il  souf- 
frir pour  Jésus-Ciirist  toutes  sortes  de  tour- 
ments, et  si  on  ne  recommence  souvent  à 
me  tourmenter.  Hélas  !  que  ne  peut-on  aussi 
me  donner  plus  «l'une  lois  la  mort  1  Le  gou- 
verneur était  naturellement  porté  h  la  cruau- 
té ;  mais  ce  qui  augmentait  encore  ce  pen- 
chant en  lui,  c'était  la  nécessité  où  il  croyant 
être  de  donner  un  exemple  de  sévérité  en  la 
})crsonne  d'un  officier  qui  avait  fait  figure 
dans  l'empire  ;  outre  que  celte  grandeur 
d'dme  que  Gordius  faisait  paraître  semblait 
n'éclater  si  fort  que  pour  le  couvrir  d'une 
plus  grande  confusion ,  il  la  considérait 
comme  une  insulte  qui  lui  était  faite  ;  peiit- 
éti-e  aussi  lui  donnait-elle  une  secrète  ja- 
lousie. Quoi  qu'il  en  soit,  plus  il  remarquait 
de  fermeté  en  Gordius,  plus  il  sentait  redou- 
bler sa  fureur,  plus  il  faisait  redouljler  les 
tourmenis.  Le  martyr,  de  son  côté,  tianquille 
et  rempli  d'une  sainte  confiance,  chantait  ce 
verset  du  Psalmiste  :  Le  Seigneur  est  mon 
appui,  je  ne  craindrai  point  ce  que  l'homme 
peut  me  faire  {Psal.  cvvii)  ;  ou  celui-ci  :  Je  ne 
craindrai  point  tes  maux,  parce  que  vous  êtes 
avec  moi  {Ibid.,  22);  ou  d'autres  du  même 
prophète,  car  il  possédait  très-bien  l'Ecri- 
ture. Il  se  plaignait  ensuite  de  la  longue  at- 
tente oiî  on  le  laissait  des  peines  qu'on  lui 
avait  promises.  Qui  vous  retient,  «lisait-il, 
d'où  vient  que  vous  demeurez  oisifs  ?  Vous 
devriez  déjà  m'avoir  déchiré  en  mille  pièces, 
n'avoir  laissé  aucun  de  mes  membres  sans 
lui  avoir  fuit  scuffrir  son  tourment  particu- 
lier ;  m'enviez-vous  le  bonheur  qui  en  doit 
être  la  récompense? Plus  vous  me  ferez  souf- 
frir, et  plus  cette  récompense  sera  grande. 
C'est  une  convention  faite  entre  Dieu  et  ses 
martyis  ;  chaque  tlétrissure  qui  paraîtra  sur 
nos  corps  sera  changée  au  jour  de  la  résur- 
rection en  un  rayon  de  lumière  ;  pour  les 
opprobres,  nous  recevrons  les  palmes  ;  et  le 
séjour  que  nous  aurons  fait  dans  les  prisons 
nous  vaudra  le  séjour  du  paradis.  Oui,  parce 
que  vous  nous  punissez  du  supplice  dû  aux 
soéiérats,  nous  jouirons  du  bonheur  destiné 


pour  les  anges.  Vos  menaces  sont  pour  moi 
uiKï  senu'i.ccî  d'immortalité,  et  elles  me  pro- 
duiront une  félicité  éternelle. 

«  Le  gouverneur  vil  bien  (pi'il  n'avancerait 
rien  par  celUi  voie,  et  que  h;  serviteur  do 
Dieu  n'en  serait  que  (dus  inUexible.  Il  crut 
donc  pouvoir  eu  venir  à  bout  plus  lacile- 
nuHil  par  la  douceur  et  par  les  flatteries.  Si 
on  peut  vaincre  un  homme  d(!  cœur,  ce  n'est 
(pi'tMi  le  flattant;  c'est  ]h  son  faible,  il  ri'y  a 
(|ue  les  Ames  timides  quicèdentaux  menaces. 
Le  gouverneur  changea  tout  d'un  coup  de 
langage;  il  lui  fit  les  promesses  du  monde 
les  plus  magnifiques  dont  il  devait  sur  l'heure 
accomplir  une  partie,  et  il  engagerait  sa  pa- 
role (lue  dans  peu  de  jours  il  obtiendiaif  le 
re>le  de  l'empereur,  une  des  premières  char- 
ges de  l'armée,  de  grands  biens  ;  en  un  mot, 
il  l'assura  qu'il  n'avait  qu'à  demander,  et 
(ju'on  lui  accordera  t  toutes  ses  demandes. 
Gordius,  aussi  peu  énm  des  promesses  qu'il 
l'avait  été  des  menaces,  se  mit  à  rire  ouver- 
tement de  la  folie  du  gouverneur,  qui  s'ima- 
ginait qu'il  y  eût  quelque  chose  sur  la  terre 
qui  pût  le  dédonunager.  Alors  cet  impie, 
lâchant  la  bride  à  sa  colère,  tira  sa  propre 
épée  du  fourreau,  et  coramendant  que  le 
bourreau  se  tînt  prêt,  il  condamna  le  saint 
à  la  mort.  Dès  qie  le  peuple  qui  assistait  aux 
courses  l'eut  appris,  il  accourut  au  tribunal. 
Et  la  nouvelle  en  ayant  été  bientôt  portée 
dans  la  ville,  ceux  qui  étaient  restés,  voulant 
avoir  part  au  spectacle  sang'ant  qui  se  pré- 
parait et  qui  devait  réjouir  les  anges  et 
désespérer  les  démons,  sortirent  en  foule 
hors  des  murs,  et  se  rendirent  au  même  en- 
droit. Césarée  devint  déserte  on  un  moment  ; 
le  peuple  se  répandait  autour  du  tribunal 
comme  un  fieuve  grossi  par  les  pluies  se 
répand  par-dessus  ses  bords  dans  les  cam= 
pagnes  voisines.  Les  maisons  demeuraient 
vides,  les  artisans  quittaient  leurs  boutiques 
et  les  marchands  leurs  magasins,  les  denrées 
étaient  ex|)Osées  dans  les  marchés  sans  qu'il 
se  trouvât  personne  pour  vendre  ou  pour 
acheter,  ni  même  pour  les  girder,  y  ayant 
d'autant  plus  de  sûreté  dans  la  ville,  qu'il 
n'y  était  resté  aucun  homme  qui  pût  profiter 
de  l'absence  de  tous  les  ci  oyens.  Enfin,  ce 
qui  n'était  jamais  arrivé,  les  jeunes  filles,  cé- 
dant au  désir  de  voir,  osèrent  bien  se  mon- 
trer aux  yeux  des  hommes,  et  ce  qui  marque 
une  espèce  de  fureur  en  ce  peuple,  les  in- 
firmes et  les  vieilla.ds,  oublaut  leur  fai- 
blesse et  leur  âge,  se  traînèrent  comme  ils 
purent  hors  les  murs,  pour  satisfaire  leur  cu- 
rios  té. 

«Tandis  que  cette  eff'royable  multitude  rem- 
plit à  l'envi  la  place  qui  doit  être  arrosée 
du  sang  de  Gordius,  les  amis  du  saint  et  ses 
proches  l'environnent  ;  ils  l'embrassent,  ils 
le  mouillent  de  leurs  larmes,  ils  le  conjurent 
en  des  termes  les  plus  pressants  de  ne  pas  se 
perdre;  ils  lui  représentent  la  honte  du  sup- 
plice qui  va  l'ôter  du  monde  à  la  fleur  de  son 
âge,  et  le  priver  pour  toujours  de  la  vue  si 
douce  et  si  consolante  de  la  lumière.  Quel- 
ques-uns, qui  voyaient  bien  qu'il  serait  dif- 
ficile de  le  faire  changer  entièrement  de  sen- 


1123 


COR 


GOR 


uu 


tinie'it,  et  qui  croyaient  pcul-ùlre  qu'il  est 
porniis  de  feindre,  môuie  en  uialièic  de  reli- 
gion, pour  sauver  sa  vie,  s'elForgaient  de  lui 
persuader  par  des  raisons  rcvèlues  de  fausses 
couleurs,  quoicpie  apparentes,  qu'il  pouvait 
renoncer  Jésus-Christ  de  bouche  et  à  IV'xlé- 
rieur,  et   le   reconnaîtn;    toujours  dans   le 
cœur  et  en  secret;  que  Dieu  regarde  moins 
les  paroles   que  la   volonté,  cl    que  c'était 
après  tout  le  seul  moyen  d'apaiser  le  gou- 
verneur sans   irriter  Dieu.  Ainsi  ([u'un  ro- 
cher résiste  ii  tous  les  etforts  que  les  vagues 
font  autour  de  lui,  de  môme   le    saint  de- 
meure ferme  et  inéhranlaijle  à  tout  ce  (^u'on 
peut   lui  alléguer;  et  connue    rédiUce  que 
l'homme  prudent  a  bâti  sur  la  pierre  ne  peut 
être  renversé  ni  i)ar  la  violence  des  vents, 
ni  par  la  ckute  continuelle  des  eaux,  ni  par 
le  cours  jmi)étueux  d'un  torrent  :  ainsi  ni 
les  prières,  ni  les  pleurs,  ni  les   motifs  qui 
semblent  être  les  plus  engageants,  ne  purent 
ébranler  tant  soit  peu  la  constance  du  lidèlc 
Gordius.    Ayant,    au  contraire,   remarqué, 
par  une  adniirable  pénétration  d'esprit,  (juc 
le  démon  s'intriguait   beaucoup  dans  celle 
affaire,  qu'il  allait  de  côté  et  d'autre,  four- 
nissant dos  i)aroles  à  ses  parents,  leur  met- 
tant des  larmes  dans  les  yeux,  et  employant 
tout  ce  qu'il  y  a  d'arlitice  pour  les  rendre 
persuasives  ,  le  saint  martyr,  dis-je,  comprit 
qu'il  pouvait  tirer  de  ces  mêmes  larmes  un 
grand  avantage  pour  persuader   lui-même 
ses  parents.  11  leur  dit  donc  d'abord  ces  pa- 
roles que  le  Fils  de  Dieu  dit  à  la  mort  :  Ne 
me  pleurez  point,  mais   pleurez-vous  vous- 
mêmes.  Puis  il  ajouta  :  Pleurez  les  ennemis 
de  Dieu,  pleurez  ces  honnnes  de  sang  qui 
mettent  toute  leur  gloire  à  répandre  celui 
des  chrétiens,  qui  allument  partout  des  feux 
pour  les  brûler  ;  mais,  aveugles  qu'ils  sont, 
ils  ne  voient  pas  qu'ils  allumeni  en  même 
temps  un  feu  où  la  colère  de  Dieu  les  i)réci- 
pitera  pour  y  être  tourmentés  durant  toute 
une  éternité.  Mais  non,  répondit-il  un  mo- 
ment après,  ne  pleurez   plus,  et  cessez  de 
m'allliger;  car  je  suis  prêt  à  mourir  pour 
mon  Dieu,  non  une  fois,  mais  mille,  si  cela 
se  pouvait.  En  adressant  particulièrement  la 
parole  h  ceux  qui  lui  conseillaient  de  renon- 
cer Jésus-Christ,  il  leur  disait  :  Je  tiens  cette 
langue  de  la  bonté  de  mon   Dieu,  comment 
pourrais-ju  m'en  servir  à  le  renier?  Nous 
croyons  de  cœur,  il  est  vrai,  pour  être  jus- 
tiûés;  mais  nous  confessons  de  bouche  pour 
être  sauvés.  Quoi  1  croit-on  qu'il  n'y  a  i)oint 
de  salut  jjour  ceux  qui   porltml   les  armes? 
Est-ce  un    prodige  iju'un  ollicier  dévot?  et 
n'a-t-on  jauiais  vu  de  cenluiic^n  servir  Dieu  ? 
N'en  vit-on  |)as  un  à  la  morl  du  Sauveur?  11 
était  au  pied  delà  croix,  et  ne  douUuil  plus 
que  celui  (lui  y    était  attaché  ne   lui    Dieu, 
après  tant  de  miracles  dont  il  élait  lui-même 
témoin,  il  im  ciaignit  pas  de  conhisser  la  di- 
vinité de  Jésus-Christ  en  présence  des  Juifs 
encore  tout   l'urieux  et  ttjut  couveils  di;  son 
saug  ad(jrable. 

«  Le  soldat  de  Jésus-(^hii.st,  ayant  ainsi 
parié,  lit  sur  lui  le  signe  de  la  croiv,  et  d'un 
vibaj^e  (^ui,  sans  d^jj^jer   do  couleur,  t^i^n!» 


marquer  la  moindre  appréhension,  il  mar- 
cha à  la  morl  d'un  jias  assuré.  On  eut  dit,  en 
voyant  cette  joie  briller  dans  ses  yeux,  qu'il 
allait -se  jeter  entre  les  bras  des  anges,  et 
c'était  entre  les  mains  des  bourreaux.  Il  est 
vrai  (lue  ces  esprits  bienheureux  le  vinrent 
prendre  dès  qu'il  fut  expiré,  et  le  portèrent 
dans  le  ciel,  comme  ils  y  avaient  autrefois 
porté  Lazare.  » 

GORDIEN    (saint),  fut    décapité   à   Rome 
pour  la  foi,  en  3G2,'du  temi)S  de  Julien  l'A- 
postat. On  ne  sait  rien  de  bien  précis  sur 
l'histoire  d(^   son  martyre.  L'Eglise   fait   sa 
fête,  avec  celle  de  saint  Epima(pie,  le  10  mai. 
Une  erreur  s'est  glissée  dans  les  martyiolo- 
ges,  par  suite  de  la  distinction  qu'on  a  faite 
à  tort  entre  le  saint  E|)imaque  honoré  le  12 
décendjre,  et  celui  qui  l'est  le  10  mai  :  il  s'a- 
git d'un  même  saint.  Saint  Epimaque,  cité 
avec  saint  Gordien  au  10  mai,  est  le  même 
que  celui  qui  souifiil  avec  saint  Alexandre, 
et  qui  est  cité  au  12  décembre  dans  le  même 
martyrologe.  On  a  mis  sa  fête  avec  celle  de 
saint  Gordien,  parce  que  ses  reliques  ayant 
été  apportées  à  Rome,  le  corps  de  saint  Gor- 
dien fut  mis  dans  le  même  tombeau.  11  s'a- 
git d'un  saint  fêté  deux  fois,  et  non  pas  de 
deux  saints  dilférenls. 

GORDIEN  (saint),  reçut  la  palme  des  glo- 
rieux combattants  de  la  foi  à  Nyon.  Il  eut 
pour  compagnons  de  sa  gloire  les  saints  Va- 
îérien  et  Maigrin.  Nous  ignorons  complète- 
ment l'époque  et  les  différentes  circonstan- 
ces de  leur  martyre.  L'Eglise  fait  collective- 
ment leur  fête  le  17  septembre. 
'  GORGONIUS  (saintj,  martyr,  l'un  des  qua- 
rante martyrs  de  Sébaste,  sous  Licinius.  Voy. 
Mmitvus  de  Skbaste. 

GORGONIUS  (saint),  martyr,  à  Nicomédie, 
en  l'an  de  Jésus-Christ  'SÙ't-,  fut  l'une  des 
victimes  que  le  mensonge  infâme  de  Galère 
louchant  l'incendie  de  Nicomédie,  livra  à  la 
cruauté  de  Dioclélion.  Il  était  sous-cham- 
bellan de  l'empereur.  On  l'arrêta  avec  Do- 
rothée ,  premier  chambellan,  et  après  lui 
avoir  fait  soulfrir  divers  supplices,  on  le 
condamna  à  être  étranglé.  L'Eglise  célèbre 
sa  fête  le  9  septembre.  (Lactance,  de  Morte 
perscc;  Eusèbe,  1.  viii.  Voij.  Suysken,  Aci. 
SS.,  t.  m  Sent.,  p.  3W  el  suiv.) 

GORSlvA  (Coj.oMHE),  l'une  d-s  religieuses 
de  Saint-Rasile,  établies  à  Minsk  en  Lithua- 
nie,  etconnu(,'S  sous  le  nom  do  Filles  de  la 
Sainte-Tj'inité,  qui  furent  expulsées  de  leur 
couvent  et  livrées  aux  persécutions  les  plus 
violentes  par  le  czar  Nicolas  et  le  prélat 
aposlat  Siemaszko.  Elle  fut  la  |)i'emière  (]ui 
périt  des  suites  de  la  flagellation  à  hupn.dle 
on  les  soumettait  souvent.  La  (hjuleur  lui 
avait  fait  ptsrdre  connais.sance,  de  nouvelles 
violences  la  lii'ent  revenir  à  elle.  Les  persé- 
enleuis  lui  ordonnèrent  alors  de  reprendre 
if  travail  manuel  aucpud  on  les  assujettissait: 
elle  se  traîna  j\is(pr;»  la  brouette  (pi'elle 
devait  chaiger  d'nnmondices ,  amoiu;eléos 
dins  la  cour  du  couveni  (pu  leur  seivait  de 
prison,    et    lomba    moite.    (  >  o//.     iarlidû 

lUiïcZYSI.AWSK.^.) 

GOUTYNE,  ville  capitale  de  la  Crète.  Ce 


1125 


G  HA 


fut  dans  cctto  villo  quo,  sons  l'cinpirc!  di! 
Dfïc.c,  un  ju^o  nouuiH^  Lucius,  (|H;ililiô  |iré- 
sidoiit  d;ms  les  Actes  ilt"  sainl  (lyrillc,  ('v(V 
quo,  lit  mourir  co  saiut.  iJ'aIjord,  raioiitcul 
Ivs  Ados,  il  k'iitjotcr  dans  uu  biïcher;  mais 
le  i'tui  no  til  (|ul'  itri^lcr  les  cordes  ([ui  uUa- 
chaieut  l'Iiomme  do  Dieu,  ('yrillo  sort  il  saiu 
et  sauf  du  milieu  des  Uammos.  Lucius  lui 
tellomeul  émorvoillé  de  ce  miracle,  (|u'il 
laissa  partir  Cyrille;  mais  bienlAl  apiès, 
ayaul  a(>|>ris  ({u'il  contiiiuail  à  |)r("^cher  la 
parole  sainio  el  il  convorUr  les  iulitlèles,  il 
le  lit  décapiter. 

(iUA(;iLll<:N  (saint),  martyr  h  Falèrc  on 
Tos( ane,  sous  le  \('^\h)  et  durant  la  persécu- 
tion de  (llaude  le  (lolhi(jue,  soullVit  avec  la 
vierge  sainte  Félicissinu'.  Ou  le  Irappa  d'a- 
bord rudemi'ut  sur  la  bouche  avec  des  cail- 
loux, pour  avoir  confessé  la  foi  ;  oulin  on  le 
lit  périr  par  le  glaive.  Sa  fôle  est  célébiée 
par  l'Eglise  le  12  août. 

CîRAT  (saint),  martyr,  rceueillit  la  palme 
gloiieuse  du  martyre  h  Tliagoro  on  Afii(/ue, 
avec  les  saints  Jules,  Polamie,  Crispin,  Fé- 
lix el  sept  autres,  dont  les  noms  ne  sont  pas 
parvenus  jusqu'il  nous.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  5  décembre. 

CiRATK  (sainte),  fut  décapitée  à  Lyon  pour 
la  foi,  en  l'année  de  Jésus -Christ  177, 
sous  le  règne  de  l'empereur  Aiilonin  Marc- 
Aurèle.  Elle  était  citoyenne  romiiine,  ce  fut 
ce  qui  em])ôcha  qu'on  l'exposât  aux  bêtes, 
comme  le  furent  plusieurs  de  ces  généreux 
soldats  de  Jésus-Christ.  L'Eglise  fait  leur 
fête  à  tons  le  2  juin. 

CUATIEN  (saint)  ,  fut  martyrisé  sous  le 
règne  de  Dioclétien,  à  la  fni  du  m'  siècle, 
en  Picardie,  par  ordre  de  Riclius  Varus,  pré- 
fet du  prétoire  dans  les  Gaules.  Ce  magistrat 
fit  citer  à  son  tribunal  Gratien,  accusé  de 
christianisme.  Loin  de  rougir  de  ce  titre  glo- 
rieux, ou  de  reculer  devant  le  danger  qu'il 
attirait  sur  lui  en  l'acceptant,  Gratien  pro- 
clama hautement  sa  foi  et  dit  qu'en  effet  il 
était  disciple  de  Jésus-Christ,  et  que  sa  seule 
ambition  était  de  vivre  et  de  mourir  pour 
lui.  Rictius  Varus  le  condamna  à  être  déca- 
pité. Il  subit  ce  supplice,  et  fut  enterré  en 
un  lieu  qui  porte  encore  aujourd'hui  son 
nom.  Sa  fête  a  lieu  le  23  octobre. 

GRATINIEN  (saint),  soldat,  fut  martyrisé 
à  Pérouse,  sous  le  règne  et  durant  la  persé- 
cution de  l'empereur  Dèce,  avec  saint  Félin, 
soldat  comme  lui.  Nous  manquons  de  détails 
authentiques  sur  la  mort  de  ces  deux  saints. 
L'Eglise  fait  leur  fèîe  le  l"juin. 

GRATKOWSKA  (Népomucène),  l'une  des 
religieuses  de  Saint-Rasile,  établies  àMinsk, 
en  Lithuanie,  et  connues  sous  le  nom  de  Fil- 
les de  la  Sainte-Trinité,  qui  furent  expulsées 
de  leur  couvent  et  livrées  aux  persécutions 
les  plus  violentes  dans  le  courant  de  l'année 
1837,  par  le  czar  Nicolas  et  Siemaszko,  évê- 
que  apostat.  On  les  aviùt  renfermées  dans  un 
couvent,  enlevé  à  d'autres  religieuses  pour 
passer  entre  les  mains  d'une  communauté 
de  Czernice  ou  Filles-Noires,  recrutées  parmi 
les  veuves  de  soldats  russes  et  les  fil^s  de 
mœurs  déréglées.   Ces  tilles  passaient  leur 


CA\E  im 

liiiipsà  se  dii-e  des  injui-es,  h  se  battre  et  h 
s'(;nivrer  avec  de  ro;ui-dc-vio.  Un  jour,  (irat- 
kowska,  iiyant  osé,  smis  en  avoir  obtenu  \n 
permission',  gratter  av(!c  uu  couteau  une  ta- 
che dt!  goudron  sur  le  phuicher,  \'J(/umcna 
ou  iibbessc  des  Filles-Noires,  lui  fendit  la 
tête  d'un  couj)  de  hache.  (Ko//,  l'iu-ticle  Mikc- 

/VSI.V^VSK  \.\ 

GR^:(i01RE  (saint  ),  de  Spolète,  martyr, 
eut  la  gloire  de  donnei'  son  sang  pour  la  foi 
chrétienne,  en  l'iin  d(;  Jésus-Christ  iWi,  du- 
rant l;i  |)erséculiou  que  le  lyr.ui  Dioclélien 
suscita  contre  l'Fglisedi!  l)i(!ii.  11  était  prêtre; 
attaché  à  l'I-lglise  de  Spolète,  cl  f)rédicaleur 
infatigable  d(!  l'Evangile.  Flaccus,  généial 
que  renq)erour  envoya  dans  ces  contrées, 
avec  l'ordre  de  sévir  contre  les  chiéliens,  fit 
arrêter  le  saint  imciuel  il  re[iroclia  d'être  un 
(l(;s  séducteurs  du  peuple  et  un  ennemi  des 
ili(niv  de  l'empire.  Ce  Flaccus,  en  véiitable 
honnue  de  guerre  qui  n'aime  pas  les  longues 
discussions,  ne  voulut  [ms  écouter  les  l'é- 
ponses  d(!  saint  Grégoire,  parce  qu'il  les  fai- 
sait de  manière  à  énoncer  et  h  établir  les  vé- 
rités [)Our  lesquell(!S  il  étaitincriminé. «Mar- 
chons droit  au  but,  lui  dit-il;  faites  ce  que 
je  vous  ordonne,  alors  vous  serez  récom- 
pensé [)ar  les  empereurs,  autrement  vous  al- 
lez être  tourmenté  cruellement  et  mis  h 
mort.  »  Le  saint  aviiit  résolu  de  mourir  pour 
son  Dieu  :  cette  grAce  lui  fut  acordée.  Après 
avoir  subi  diverses  tortures,  qu'il  sup])Orta 
courageusement,  il  fut  rais  à  mort.  Ses  reli- 
ques sont  encore  dans  l'église  de  Spolète, 
placée  sous  son  invocation.  Baronius,  qui 
rapporte  ses  Actes,  donne  à  la  tin  le  récit 
d'un  célèbre  miracle  opéré  en  1037,  par  l'in- 
tercession du  saint.  Ces  Actes,  quoique  con- 
tenant des  choses  assez  belles,  ne  nous  [la- 
raissent  pas  absolument  dignes  de  confiance: 
le  merveilleux  y  domine.  Ils  sont  pleins  de 
miracles  ;  or,  pour  être  admis,  les  miracles 
ont  besoin  d'être  bien  prouvés,  bien  établis. 
L'Egiise  célèbre  la  fête  de  saint  Grégoire  de 
Spolète  le  2i  décembre. 

GRÉGOIRE  (saint),  évêque  et  confesseur, 
soutint  de  grands  tourments  pour  la  défense 
de  la  religion  chrétienne.  Les  détails  nous 
manquent  malheureusement  sur  son  compte. 
L'Egiise  honore  sa  sainte  mémoire  le  19  dé- 
cembre. 

GRÉGOIRE  (saint),  évêque  et  confesseur, 
eut  le  glorieux  privilège  d'endurer  des  souf- 
frances pour  Ihonneur  et  la  défense  de  la 
religion  chrétienne,  dans  la  ville  d'Elvire  en 
Espagne.  Les  détails  nous  manquent  sur  son 
compte.  L'Egiise  fait  sa  mémoire  le  24 
avril. 

GRÉGOIRE  DE  NYSSE  (saint),  évêque  et 
confesseur,  el  frère  de  saint  Basile,  naquit 
vers  l'année  331,  à  Césarée  en  Cappadoce,  de 
parents  nobles.  Il  vécut  dans  le  monde  avant 
de  se  consacrer  à  l'Eglise,  et  épousa  ïhéosé- 
bie,  dont  saint  Grégoire  do  Nazianze  fait  un 
grand  éloge  dans  une  lettre  qu'il  écrivit  sur 
sa  mort  h  celui  de  Nysse.  Nous  sommes  assez 
porté  à  croire  que  ce  qui  le  détermina  à  quit- 
ter le  monde  fut  l'accident  suivant,  qu'il  pu- 
blia lui-même  à  toute  la  terre  par  une  humi- 


H27 


GRE 


GRE 


1128 


lité  qui  a  peu  d'exemples.  Sainte  Eminélie  sa 
mère  s'éta  t  retirée  dans  le  village  d'Annô- 
ses,  dont  plus  tard  saint  Grégoire  devint  sei- 
gneur. A  peu  de  dislance  de  cet  endroit  se 
trouvait  une  église  où  cette  sai-ite  femme  fit 
mettre  les  reliqui^s  des  quarante  martyrs  de 
Sébaste.  Voulant  inaugurer  celte  réception 
par  une  grande  solennité,  et  désirant  ((ue 
Grégoire  y  assi>t;U,  elle  le  lit  avertir  de  sa 
vdionlé.  Notre  saint,  que  d'autres  ad'aires 
préoccupaient,  n'arriva  que  la  veillai  de  la 
solennité,  et  loin  de  passer  la  nuit  en  priè- 
res avec  les  autres  fidèles,  dans  le  jardin  où 
l'on  avait  mis  les  reliques,  il  resta  tranquil- 
lement à  dormir  dans  la  maison.  Pendant 
son  sommeil,  il  songea  que,  voulant  entrer 
dans  le  jardin  où  l'on  fais  dt  la  veille,  il  trou- 
vait à  la  porte  un  grauii  nombre  de  soldats 
qui  l'en  empêchaient,  le  menaçant  de  le  frap- 
per avec  des  baguettes  qu'ils  portaient;  s'é- 
tant  réveillé,  il  fondit  en  larmes  et  se  rendit 
pour  prier  auprès  des  reliques,  en  demandant 
pardon  h  Dieu  de  sa  négligence. 

Quoi  qu'il  en  soit,  no  re  saint  renonça  aux 
espérances  du  monde,  devint  lecteur  dans 
une  église  et  se  livra  à  l'étude  des  livres 
saints.  11  se  laissa  cependant  aller  bientôt  à 
une  funeste  tentation,  et  a.tanl  abandonné 
l'autel,  il  fil  un  cours  de  rliéioiique  aux  jeu- 
nes gens  de  la  ville.  Son  ami  saint  Grégoire 
de  Nazianze  lui  écrivit  alors  une  lettre  rem- 
plie d'une  indignation  mêlée  de  douceur  et 
de  charité,  et  toute  la  suite  de  la  vie  de  no- 
tre saint  prouve  qu'elle  fil  son  etl'et.  Ce  fut 
au  commencement  de  l'année  372  que  saint 
Grégoire  fut  fait  évoque  de  Nysse,  ville  de 
Cappadoce,  située  à  environ  35  lieues  de 
Césarée,  du  côté  d'Ancyre.  En  effet,  l'épître 
259  de  saint  Basile  écrite,  co  nme  nous 
croyons,  vers  le  milieu  de  l'an  372,  parle  de 
l'épiscopat  de  son  frère  Grégoire,  connue 
d'une  chose  encore  nouvelle,  et  sur  laquelle 
saint  Eusèbe  de  Samosate  venait  ce  seiiible 
de  lui  écrire.  Ainsi,  il  faut  a.-paremmenl  le 
mettre  vers  le  commencement  de  la  môme 
année.  Nous  ne  voyons  point  de  raison  de  le 
meitre  jjIus  tôt,  et  11  est  certain  ([u'on  ne  le 
peut  mi'ttre  [dus  tard,  p'us(p]'il  a  [)récédé  ce- 
lui (le  sai  11  (irégoire  de  Nazianze,  fait  évo- 
que vers  le  milieu  de  l'an  372.  Il  fui  consa- 
cré |)ar  les  mains  de  saint  Rasile  qui  élait  le 
métiopolitain,  et  les  évê(iues  (jui  assistèrent 
à  son  ordination  ont  laissé  une  lettre  où  ils 
protestent  qu'il  fallut  faire  violence  à  notre 
saint  (tour  le  déHMininer  ii  accepter  lépisco- 
pal.Une  fois  élevé  à  celte  dignité,  il  y  montra 
]esverlusdignesd'uiis.iintévè(|ue,et(pioi(iu(! 
iich(,',  il  y  resta  constamment  pauvre.  Un  (i(;s 
premiers  actes  de  son  épiscopat  fut  de  signer 
la  lettre  que  les  év6(pies  orientaux  écrivi- 
rent à  ceux  d'Italie  et  des  (iaules  en  signe 
daihésion  h  leur  foi,  et  que^iue  temps 
après  il  assista  à  l'ordination  de  saint  Gré- 
goire de  Na/.ianze  (pii  fui  promu  évèipuj  de 
Sasimes.  Gepennanl  les  ar.eiis  ayant  renou- 
velé leurs  persécutions,  sauit  (irégoire  eut 
i)i-aiicoup  à  en  soullrir,  et  dans  le  courant  de 
l'année  '412,  Icmus  mauvais  traitements  h; 
lorceront  a  s'enfuir.  Quelquefois  il   revenait 


visiter  son  troupeau,  mais,  vers  l'année  376, 
un  misérable  évèqui' ayant  été  rais  à  sa  place, 
il  dut  cesser  les  visites  qu'il  faisait  à  son 
troupeau  pour  le  maintenir  dans  la  foi.  Dieu 
voulant  éprouver  sa  patience,  permit  que 
Démosthène,  vicaire  du  Pont  et  grand  enne- 
mi des  catholiques,  le  fit  arrêter  à  Ancyre, 
l'accusant  d'avoirdissi[)é  (juelque  argent  que 
notre  saint  prouvait  avoir  été  dépensé  par 
son  [irédécesseur.  Grégoire  s'enfuil  d'entre 
les  mains  des  snlJals,  poussé  par  les  mauvais 
traitements  qu'ils  lui  faisaient  subir,  et  par 
un  grand  mal  de  côté  dont  il  était  atteint, 
outre  son  mal  de  reins  ordinaire.  Les  pré- 
lats (jui  avaient  ordonné  noire  saint  évêque 
écrivirent  à  D/nnoslhène  [lour  l'assurer  que 
les  trésoriers  de  l'Eglise  éta  eut  prêts  à  tenir 
compte  de  la  somme  réclamée,  et  le  prier  de 
les  vouloir  entendre  dans  la  province  sans  les 
traîner  au  conciliabule  d'Ancyre  tenu  parles 
ariens,  ils  terminèrent  ce. te  lettre  en  lui  di- 
sant par  deux  fois  qu'ils  trouvaient  un  peu 
élrange  qu'il  entreprît  de  juger  une  alfaire 
de  cette  nature.  Les  ariens  n'atlendire.it  pas 
longtemps  pour  consommer  leurs  ini(|uilés,. 
et,  en  l'année  37G,  ils  établirent  sur  le  siège 
de  Nysse  un  misérable  qui  suivait  leur  hé- 
résie. 11  paraît  raêuie  que  l'e.i.pereur  Valens 
die. a  un  ordre  exprès  pour  le  bannissement 
de  Grégoire. 

Cet  empereur  étant  mort  en  l'année  378, 
son  successeur  Gratien  rendit  la  paix  ii  l'E- 
glise et  rappela  les  é^êques  exilés.  La  joie  que 
notre  saml  en  éprouva  fut  néanmoins  tem- 
})érée  par  la  mort  de  son  frère  Basile  à  qui  ii 
avait  toujours  témoigné  un  respect  extraor- 
dinaire: 11  prononça  son  éloge  que  nous  po-s- 
sédons  encore.  Bietitôt  après,  il  écrivit  un 
livre  contre  l'hérésiarque  Eunome  qui  en 
avait  publié  un  contenant  de  grandes  injures 
contre  son  frère  Basile.  Le  commencement 
de  son  discours  contenait  la  défense  de  ce 
sain',  et  le  reste  réfutait  ce  qu'Eunome  avait 
avancé  contre  la  doctrine  de  l'Eglise. 

C'est  ici  qu'il  faut  placer  le  départ  de  Gré- 
goire [)oiir  exécuter  la  commission  qu'il 
avait  reçue  du  concile  d'Antioche  d'aller  en 
Arabie  et  en  Palestine  pour  y  réformer  l'E- 
glise. Cette  Eglise  était  troublée  'm  particu- 
lier par  les  deux  hérésies  opposées  des  aiili- 
dicomarianites,  qui  violaient  riionneur  dû  à 
la  sainte  mère  de  Dieu,  en  [irélendaiit  qu'elle 
avait  cessé  d'être  vierge,  et  des  coUyiidiens 
qui  ne  la  déshonoraient  [)as  moins  par  les 
honneuis  excessifs  et  supi'rstitieux  qu'ils  lui 
rendaient  comme  à  une  divinité.  Sanit  Gré- 
goire a|)rès  avoir  vis. té  les  lieux  illustrés  par 
la  1110.  t  du  Sauveur,  se  mit  à  l'uMivro  alin  de 
faire  cesser  les  dissensions  (pie  les  schisma- 
tiques  avaient  introduites  dans  l'Eglise  de 
Jérusalem;  mais  il  n'y  |)iit  réussir  et  revint 
dans  son  pays,  accablé  de  tristesse  et  de  dou- 
leur. Les  bornes  (\uo.  nous  nous  sommes  im- 
posées dans  cet  ouvrage  ne  nous  permellent 
pas  d'milrer  dans  des  détails  plus  explicites: 
nous  avons  esquissé  la  vie  de  ce  grand  doc- 
leur,  mais  en  ayant  soin  de  ne  rien  omellro 
d'inipoi  laiil.  Nous  ajouterons  (pi'il  [laïaît 
avoir  vécu  fort  longtemps,  coimiic  le  disent 


1129 


GRE 


GRE 


1130 


les  Cii'cns,  puisqu'il  parlo  assez  souvont  do 
sou  ^'raud  A^c,  di'  ses  clievcux  blancs  cl  de. 
ses  nuMnbros  allaiblis  cl  coiiibc^s  par  la  vieil- 
lesse. Ainsi,  il  p(!ul  i)ien  avoir  passé  rannée 
39'*,  (lui  esl  la  dernière  où  il  soil  parlé  de  lui, 
cl  (pu  élailau  plus  la  soixanle-ipialrièiue  de 
sou  A;^e;  mais  il  y  a  apparence  (ju'il  ne  vit 
pas  Tes  Iroubles  cxcilés  en  Tan  M):)  et  k{)k 
par  'riiéopliilc,  contr(>  sainl  Cbrysoslonu' , 
dans  l(S(piels  ou  ne  lui  donne  aucune  pail. 
Il  esl  inscrit  au  Marlyroloi^e  l'oiuain  le  ueu- 
vicnie  (le  mars.  11  a  l'ail  bcaucouj)  d'écrits  (pii 
ti''nioiKi"''d  d'une  i^raude  élévation  (res[)rit, 
d'un  caractère  doux  et  plein  dt^  boulé. 

C.KÊr.OlKK  DK  NAZiANZE  (sainlj,  arclic- 
V(j.]ue  et  confesseur,  sui'uouuué  le  Théo- 
logien, h  cause  de  sa  connaissance  |)rofonde 
d(!  l'Ecriture,  uaipiit  dans  le  l(M'riloire  do 
Naziaiuo,  pj'ès  Césarée  en.  Cappadoce.  Son 
père,  nommé  Grégoire,  était  de  la  secte  des 
lii})sitaires,  (pii  adoraient  le  l'eu  connue  les 
Perses,  et  observaient,  avec  les  Juifs,  le  sab- 
bat et  la  distinction  des  viandes  ;  il  remplis- 
sait la  charge  de  premier  magistrat  de  la 
ville,  et  vivait  dans  la  prati(pie  de  toulcs  les 
vertus  qui  font  riionuète  homme.  Nonne,  la 
mère  de  notre  saint,  qui  était  chrétienne, 
sup{)liait  le  ciel  d'ouvrir  les  yeux  de  son 
époux,  et  de  l'amener  à  la  connaissance  du 
vrai  Dieu.  Ses  prières  furent  exaucées  ;  Gré- 
goire abjura  le  paganisme  et  fut  baptisé  à 
Nazianze,  vers  l'année  323,  épo(jue  où  se 
tint  le  premier  concile  de  Nicée.  Bientôt 
a[)rès,  son  mérite  le  lit  élever  sur  le  siège 
de  Nazianze,  qu'il  gouverna  durant  quarante- 
cinq  ans.  11  mourut  à  i)rcs  de  quatre-vingt- 
dix  ans,  et  est  honoré  [)ar  l'Eglise  le  1"  jan- 
vier ;  la  mémoire  de  sainte  Nonne,  son 
épouse,  est  célébrée  dans  FEg'ise  le  l" 
août. 

Niitre  saint  fut  accordé  aux  instantes 
j)rières  de  sa  mère,  qui  fit  vœu,  par  avance, 
de  le  consacrer  à  Dieu.  11  fut  élevé  sainte- 
ment, n'ayant  sous  les  yeux  que  des  exem- 
ples de  vertu  et  de  piété.  Bienl(jt  il  prit  la 
résolution  de  renoncer  au  mariage,  ainsi 
qu'à  tous  les  divertissements  quelconques, 
auxquels  les  jeunes  gens  aiment  h  se  livrer 
géuéraleraent.  Quand  on  l'eut  instruit  sutlî- 
sannnent  dans  les  écoles  du  pays,  on  jugea 
qu'il  était  utile  de  l'envoyer  étudier  dans 
des  contrées  éloignées.  Grégoire  partit  donc 
avec  son  frère  Césaire,  qui  resta  à  Alexan- 
drie, tandis  que  lui  alla  prendre  des  leçons 
de  rhétorique  à  Césaiée,  eu  Palestine.  De  là 
il  vint  à  Alexandrie  ;  mais  bientôt,  ayant  en- 
tendu vanter  la  réputation  des  maîtres  d'A- 
thènes, il  s'embarqua  pour  s'y  rendre.  La 
tempête  ayant  battu  le  vaisseau  pendant 
vingt  jours,  il  fit  vœu  de  se  consacrer  à  Dieu 
si  la  vie  lui  était  conservée,  et  bientôt  un 
aborda  à  Egine,  près  d'Athènes. 

Nous  avons  oublié  de  dire  que,  dans  les 
ooui'S  (jue  Grégoii'C  suivait  à  Césarée,  il  avait 
fait  la  connaissance  d'un  autre  étudiant,  qui 
devint  plus  tard  saint  Basile.  Ils  se  retrouvè- 
rent à  Athènes  et  se  lièrent  d'une  étroite 
amitié.  Aussi  vertueux  l'un  que  l'autre,  ils 
s'excitaient  mutuellement  à  la  vertu,  parfa- 

DlCTlONN.    DES    PkrSÉCITIONS.    I 


geaient  leur  temps  entre  la  prière  et  l'étude, 
(.'t  se  j)rivai(;nt  souv(înt  pour  assister  les  pau- 
vres. Sainl  Basile  (juilla  cette  ville  le  pi'C- 
mier,  et  l'année  suivarite,  (Jrégoire  (juilta 
Athènes  à  son  tour  pour  se  rendr(!  à  Na- 
zianze. Il  prit  sa  rout(!])ar  Gonstantinople,  où 
plusieurs  personnes,  (pii  connaissaient  son 
mérit(( ,  l'engagèi'cnl  fortement  h  s'établir, 
lui  promellant  la  gloire  et  les  richesscss.  (]e 
fut  en  vain  ;  il  i'é|iou(lil  (pie  son  dessein 
était  (l(!  vivre  |)onr  Dieu.  Son  premier'  soin, 
en  arrivant  à  Nazianze,  fut  d(!  l'ecevoir-  le  bap- 
tême des  mains  de  son  pèr'c,  et  dès  lor's, 
abandonnant  ses  livr(>s  aux  vers  et  aux  tei- 
gnes, comme  il  le  dit  lui-même  ,  il  eonsa- 
cr-a  à  la  prière  et  aux  boniuis  (l'uvr-es  tous 
les  moments  (jue  l'administration  dc's  afr.iii'os 
cl  de  la  maison  de  son  [)èr'(;  lui  laissait  li- 
bres, lui  358,  irotre  saint,  voulant  vaquer 
plus  librement  au  sei'vic(>  de  Dieu,  alla  trou- 
ver Basile  dans  sa  solitude,  et  ne  la  cpiitta 
(jue  (juand  son  père,  Agé  de  i)lus  de  quatr-e- 
vingts  ans,  le  rap[iela  et  l'ordonna  prêtre,  afin 
qu'il  l'assislAt  dans  le  gouverirement  de  son 
diocèse.  11  fut  i)r'omu  au  sacerdoce  l'an  3(jl, 
Gi'égoir(S  cpii  avait  goilté  les  (iouceui'S  de  la 
solitude  avec  son  ami  saint  Basile;  qui,  de 
plus,  no  se  croyait  pas  digne  des  fonctions 
aux(|uelles  son  père  l'avait  élevé,  et  qui  préfé- 
rait le  repos  aux  dissensions  sans  cesse  re- 
naissantes qui  régnaient  entre  les  chrétiens, 
prit  la  fuite,  et  ne  revint  enfin  à  Nazianze 
qu'après  dix  semaines  d'absence.  Vaincu  par 
les  remontrances  de  saint  Basile ,  son  ami. 
11  prêcha  son  premier  sermon  le  jour  de  Pâ- 
ques, et  bientôt  il  en  prononça  un  second 
qui  porte  le  titre  d'Apologie. 

Cependant,  la  même  vio'Gnce  qui  avait 
été  faite  à  notre  saint,  fut  faite  également  à 
saint  Basile,  vers  la  fin  de  la  même  année.  Il 
fut  ordonné  prêtre  par  l'arxhevêque  Eusèbe, 
et  vers  l'année  312  nous  le  voyons  métropo- 
litain de  la  Caj)padGce.  A  cette  époque,  la 
Cappadoce  fut  divisée,  par  ordre  de  l'empe- 
reur, en  deux  provinces.  Celle  qu'on  appe- 
lait la  seconde,  eut  la  ville  de  Tyane  pour 
capitale.  Cette  division  causa  des  troubles 
dans  TEglise  :  Anthyme,  évêque  de  Tyane, 
prétendait  avoir  unejuridiction  archiéjiisco- 
pale  sur  la  seconde  Cappadoce.  Saint  Basile 
s'opposa  à  celte  prétenlion  ;  il  réclama  son 
droit  comme  art-hevôque  de  Césarée ,  et 
soutint  qu'une  division  purement  civile  ne 
lui  ôlait  point  la  qualité  de  métropolitain  do 
la  Cappadoce.  Durant  la  contestation,  saint 
Basile  élut  Grégoire  son  ami  évèque  de  Sa- 
sima,  ville  qui  était  de  la  petite  division 
qu'on  lui  disputait.  Notre  saint  no  le  voulait 
point,  mais  il  se  soumit  à  l'autorité  réunie 
de  son  père  et  de  son  ami.  Anthyme,  qui 
avait  eu  l'adresse  de  mettre  le  nouveau  gou- 
verneur dans  ses  intérêts,  empêcha  Grégoire 
de  pénétrer  j.imais  jus([u'à  Sasima  :  il  gou- 
verna donc  l'Eglise  de  Nazianze  sous  son 
pèr-e  et  continua  d'en  prendre  soin  après  la 
mort  de  celui-ci,  qui  mourut  vers  l'année 
373.  Cependant ,  1  empereur  Valens  étant 
moi't  misérablement  en  378,  la  paix  fut  ren- 
due à  l'Eglise,  et  les  évéoues  catholiques 

36 


nr.i 


G  HE 


C.P.F, 


<!52 


joutèrent  h  relcvor  pnrliculièreim'nl  In  villo 
de  Conslanlino;)le  de  la  tyrannie  où  les 
ariens  la  faisaient  gémir  depuis  (piaranto 
ans.  Leurs  sollicitations  réunies  arrachèrent 
(Irégoire  de  sa  retraite  de  Sélcucie,  et  il  s'y 
rendit  enfin.  Oa  le  reçut  fort  mal,  à  cause  de 
son  extérieur  débile  et  jiauvre  ;  son  corps 
cassé  par  WV^o,  sa  tête  chauve  et  ses  habits 
grossiers  étaient  im  sujet  de  railleries  pour 
les  ariens.  11  ne  s'émut  point  de  leu.'S  inju- 
res et  de  leurs  mauvais  IraiteuKMits,  et  ayant 
converti  sa  maison  en  église,  il  y  i)réihait 
chaque  jour  la  parole  de  Dieu.  Bientôt  ses 
vertus  et  ses  talents  attirèrent  un  grand  nom- 
bre Je  personnes  aut'nir  de  sa  chaire,  et  saint 
Jérôme  lui-même  quitta  les  déserts  de  la  Sy- 
rie pour  étudier  sous  lui  l'Ecriture  .'•ainte. 

Surces  entrefaites,  le  fameux  Maxime,  phi- 
losophe cynique,  né  à  Alexandrie,  fourbe 
rempli  de" l'impudence  et  de  l'orgueil  de  sa 
secte,  se  rendit  à  Constantinople,  et,  par  mille 
intrigues,  parvint  à  se  faire  nommer  évoque 
de  cette  ville.  Théodose  étant  arrivé  à  Cons- 
tantinople, montra  une  grande  indignation 
contre  l'intrus  et  donna  des  marques  d'estime 
à  Grégoire  ;  de  plus,  il  ôta  toutes  les  égHses 
aux  ariens  et  mit  celui-ci  en  possession  de 
celle  de  Sainte-Soplde,  dont  toutes  les  au- 
tres dépendaient.  Durant  la  cérémonie,  le 
jteuple  s'écria  unanimement  qu'il  voulait 
notre  saint  pour  évoque.  Une  grande  diffi- 
culté s'y  opposait  :  on  ne  pouvait  remplir 
ce  siège  qu'après  qu'un  concile  l'aurait  dé- 
claré vacant,  en  annulant  l'ordination  de 
Maxime  le  Cynique,  Précisément  les  évoques 
de  tout  l'Orient  étaient  alors  assemblés  à 
Constantinople,  et  présidés  par  le  })alriarche 
Mélèce  d'Antioche  ;  de  sorte  que  Grégoire 
fut  établi  canoniquement  évoque  de  Cons- 
tantinople. 

Saint  Mélèce  étant  mort  durant  la  tenue 
du  concile,  Grégoire  y  présida.  Cette  mort, 
qui  devait  finir  l(;s  maux  de  l'Eglise  d'Antio- 
che, ne  servit  qu'à  les  augmenter:  au  lieu 
de  laisser  Paulin  la  gouverner  tout  entière  , 
selon  l'accord  (pj'(jn  avait  l'ait  en  faveur  de 
celui  des  deux  qui  survivrait  à  l'autre,  quand 
saint  Mélèce  eut  rendu  l'esprit,  (jiielques 
prélats,  ennemis  de  la  paix,  proposèrent  dans 
le  concile  (pi'oii  lui  doiin;U  un  successeur. 
Mais  saint  (irégoire,  qui  n'avait  accepté  le 
siège  de  Con-^tantinople  (jue  pour  réunir 
J'Orient  avec  l'Occident,  et  qui  n'avait  garde 
de  préfér(!r  aucun  intérêt  de  |)arli,  ni  laulo- 
lité  du  i)lus  grand  nomljie  à  ce  (pi'il  devait 
à  Jésus-Christ  et  à  la  vérité,  arma  tout  son 
icèle  en  cettr;  rencontre.  Il  lit  un  grand  dis- 
«;ours  pour  exhoi'ter  hîs  évéïpies  h  ne  point 
donner  de;  successeur  à  saint  Mélèce  et  à 
laisser  Paulin  gouverinn-  ()aisil)Iem(nil  durant 
le  peu  de  jours  (ju'il  avait  à  vivre.  Il  finit  (ni 
protestant  fjiie  si  on  s'imaginait  qu'il  parl.ll 
ainsi  ou  pcjiir  favornstn' (pielqn'un,  on  pour 
ei  tirertpielqiH'  avantagi-,  ou  pour  s(.'  reiidi'j; 
1  arbitre;  d'j  r,i-send)lé('.  il  était  si  éloigné  de 
toul(!s  ces  vnes,  qu'on  lui  l'erait  niéuK;  plaisir 
si  on  vonl.tit  lui  [xniiiellie  de  (pnller  son  évé- 
rhé  el  do  detiifnucr  jiari  iculier.  Mais  (|ne|qiH' 
sainl-^îS  cl  (luehpKi  judienousos   que   fu.s.sent 


ses  remontrances,  elles  furent  inutiles.  Les 
jeunes    s'élevèrent    avec   fureur   contre    lo 
saint,  et  les  aticiens  furent  assez  indiscrets 
})our  les  suivre,  (juoicpiils  n'eussent   point 
de  meilleure  raison  h  alh'guer  ,   sinon,  que 
puisque  Jésus-Christ  avait  voulu  paraître  en 
Orient,  il  fallait  que  l'Orient  l'emportât  sur 
rOccident.  Aussi,  c'était  visiblement  un  ef- 
fet de  l'anlipalhie  qc.e  la   ([ucn-d'e  de   saint 
M/'lèce  el  de  Paulin  avait  connnencée  entre 
ces  deux  parties  de  l'Kglise,  (jui  s'était  fo- 
mentée i>ar  le  dillV-rent  usage  du  mot  fn/po- 
stase:  et  cel'e  première  froideur  avait  eu  sans 
doute  quelque  part  au  peu  de  s  cours  que 
les  Occidentaux  avaient  donné  aux   autres 
durant   la    persécution   de  Valens ,    vommo 
saint  Basile  s'en  plaint  si  souvent  ;  à  (]uoi  il 
fauljoindr(î  l'esprit  d'oi'gueil,  de  pique  et  de 
jalousie,  qui  faisait  regarder  comme  un  grand 
mal, à  ceux  qui  n'avaient  pas  une  vraie  vertu, 
d'honorer  Paulin  comme  évèrpie  d'Antioche 
après  l'avoir  longtemps  regardé  comme  schis- 
inatique,   et  de  se  voir  ainsi  contraints   de 
céder  en  quehiue  sorte  aux  Occidentaux  qui 
avaient  toujours  porté  Paulin. 

Saint  Grégoire  était  bien  au-dessus  de  ces 
raisons  si  basses  et  si  indignes  d'un  évèque. 
Il  ne  cherchait  que  la  volonté  de  Dieu, 
l'honneur  de  l'Eglise  et  l'utilité  des  âmes,  h 
qui  ces  divisions  étaient  tout  h  fait  piéju- 
diciables.  Aussi  ce  fut  en  vain  que  ses  plus 
grands  amis  le  sollicitèrent  puissamment 
de  vouloir  céder  au  sentiment  des  autres  ; 
il  n'avait  garde  de  se  laisser  conduire  par  le 
plus  grand  nombre  plutôt  que  par  la  lumière 
de  Dieu,  et  il  ne  voulait  point  d'amis  qui  se 
servissent  du  pouvoir  de  l'amitié  [lour  l'en- 
gager dans  le  mal.  11  donna  donc  enfin  sa 
démission  et  la  fit  agréer,  mais  avec  peine, 
I)ar  l'empereur  Théodose.  On  lui  doiuia  pour 
successeur  Nectaire,  sénateur  romain  et  pré- 
teur de  Constantino[)le,  qui  n'était  même 
pas  baptisé  lorsque  l'on  procéda  à  son  éle.;- 
tion.  Notre  saint  se  relira  à  Niizianze,  s'elfor- 
çant,  par  tous  les  moye  is  possil)les,  d'y  faire 
nommer  un  évê(iue.  Il  réussit  enlin  en  382, 
et  le  clio  X  tomba  sur  un  vertueux  prêtre 
nommé  Eulalius.  Telle  fut,  en  peu  de  mots, 
la  vie  si  méritante  de  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze,  que  l'on  compte  parmi  les  docteurs 
d."  ri'^glise.  Il  mourut  en  3A\)  ou  au  commen- 
cement de  iiO),  âgé  de  soixante  ou  soixante 
et  un  ans.  L'iiglise  honore  sa  mémoire  le  9 
mai. 

GHÉtJOlHE  DE  THRACE  (le  bienheureux) 
né  en  Dalmalie,  franciscain,  souirril  le  mar- 
tyre dans  la  ca()itale  des  Bulgares,  aveccpiatre 
autr'cs  bienheureux  de  son  oi'dre,  iKunmes 
Antoine  de  Saxe,  Nicolas  d-;  Hongrie,  Tho- 
mas de  Foligiio  el  Lad:slas  de  IIongi'i(>. 
Bussarath,  piinc(>  schismatifpie  <|ui  régnait 
au  delà  du  Danube,  surpi  il  la  vil  e  où  étaient 
nos  saints,  aidé  par  les  schismati(|ues  (pii 
l'habilaieut.  L'un  di'  ces  martyrs  fut  mas- 
sacré dans  le  nremier  linnulte,  cl  les  (jnairo 
autres  fincnil  (li-capités  sur  le  boni  du  ilcuve, 
le  12  janvier  l.'Ui!).  L'cnidioit  du  riv;igc  oi'i 
gi-.ai(M)t  les  (orps  dt^s.  niaityrs  bit  illmniné 
d'une  clarlc'   splendide.   On  3    entendit  uno 


iiinsi(iuo  ([iii  sruiblail  provenir  des  chœurs 
(•(MrsU'S.  OiKiiul  (»n  r.u'onla  f;<'s  prodiges  h 
llas.s;iralli,"il  se  rendit  iiiimédialeiiienl  sur 
les  lieux  ;  mais,  (juoi  (fu'il  i)rtt  laire,  son 
ciieval  n'()l)L^issant  ni  aux  coups,  ni  à  l'épe- 
ron, refusa  d'approeher  des  corps  dcssainis. 
Alors  descendant  do  clieval,  il  voulut  s'en 
ajiprocher.mais  une  terrible  apparition  lui  eu 
défeiiilit  le  chemin.  1!  i'ul  obligé  de  S{!  reti- 
rer l'épouvante  dans  le  cœur.  Les  moines 
du  rite  grec,  qui  craignaient  qu'on  rendit  les 
liomieurs  accoutiuués  parmi  les  callioli(pies 
aux  rt'li(pies  d(vs  saints,  amenèrent  des 
chicnis  |)0ur  les  dévoi-er.  Quaml  ces  animaux: 
voulurent  accomplir  cette  horrible  curée,  la 
main  de  celui  qui  connnande  h  toutes  clios(;s 
ici  bas,  les  l'ra[)pant  d'une  faeon  invisible 
])0ur  les  speclateiu'S,  les  loira  de  fuir  en 
jetant  des  hurlements  épouviuitablcs.  l/ini 
d'eux  ayant  mordu  un  (iC  ces  corps  sacrés, 
parut  immédiatement  la  gueule  en  l'eu  aux 
yeux  des  spectaletu's,  remplis  d'épouvante. 
Ce  fut  alors  que  Dieu,  mettant  le  comble  à 
ces  prodiges,  lit  sortir  le  lleuve  de  son  lit  ; 
ses  vagues  vinrent  soulever  sur  la  rive  les 
corps  que  tant  de  miracles  avaient  glorifiés, 
et  les  placèrent  dans  des  cercueils  qu'appor- 
tèrent des  anges.  Quand  cet  ensevelissement 
miraculeux  fut  terminé,  le  fleuve  s'ouvrit 
pour  donner  aux  martyrs  une  sépulture  non 
moins  miraculeuse,  au  sein  de  ses  Ilots.  Les 
"vénérables  reliques  n'ont  pas  été  retrouvées. 
Voilà  ce  que  raconte  Wadding,  et,  d'après 
lui,  Henrit)n.  Nous  aimons  à  c.oire  que  des 
friits  de  cette  nature  ont  été  étayés  de  preu- 
ves suilisantes  pour  que  des  auteurs  iccQ.m- 
mandables  en  aient  accepté  la  responsa- 
•bilité. 

GRENADE,  ville  d'Espagne,  a  été  illustrée 
■par  le"  martyre  de  Pierre  Pascal,  évoque  de 
Jaen.  11  fut  uiaityrisé  le  Q  décembre.  Les 
détails  nous  majiqueut.  L'Eglise  fait  sa  fête 
le  23  octobre. 

•  (IHiMOALD  (saint),  prêtre  et  confesseur, 
endura  de  grands  tourments  à  Ponte-Corvo, 
près  d'Aquin,  pour  la  défense  de  la  religion 
chrétienne.  Nous  manquons  de  détails  sur 
lui.  L'Eglise  fait  sa  sainte  mémoire  comme 
confesseur  le  29  septembre. 

GROTKOWSKA  (Josapiîate),  l'une  ries  re- 
ligieuses Basiliennes  qui,  dans  le  courant  dé 
l'année  1837,  furent  si  violemment  persécu- 
tées par  le  czar  Nicolas  et  Sieraaszko,  évoque 
apostat.  On  les  employa  à  la  construction 
d'un  palais  pour  ce  prêtre  schisuiatique.  Un 
pan  de  muraille  étant  venu  à  s'écrouler, 
Josaphate  Grotkowska  et  quatre  de  ses  com- 
pagnes furent  écrasées.  (Voy.  l'article  Mieg- 

ZYSLAWSKA.) 

GUALDANEZ  (le  bienheureux  André),  de 
la  compagnie  de  Jésus,  fut  chargé  daller 
prêcher  la  foi  dans  l'île  Massaouah.  Des 
Turcs,  l'ayant  rencontré, le  massacrèrent.  Sa 
mort  arriva  vers  l'an  1577. 

GUDDÈNE  (sainte),  martyre,  est  marquée 
dans  Usuard,  Adon,  et  d'autres  martyrolo- 
ges, comme  ayant  soulfert  à  Carthage  en 
197,  sous  l'empire  de  Sévère.  Suivant  Adon, 
elle  fut  étendue  quatre  fois  sur  le  chevalet, 


Cil 


il'.i 


déchirée  cruellement  avec  les  ongles  de  fer, 
longtemps  emi)risonnée  et  enfin  couronnéo 
par  11?  glaive.  Les  Martyrologes  de  saint  Jé- 
rôme n(!  mentionneid  pas  cette  sainte:  peut- 
être  est-ce  la  même  que  sainte  Gaudent  ({uo 
le  Mart>rologe  romain  marrpie  au  20  juin, 
avec  (luelques  autres,  qui  ont  soulfert  lo 
martyi-e  en  Alrique. 

GÙDÉLIE  (sainte),  souffrit  le  martyre  en 
Perse.  Cette  sainte  fennno  ayant  coiiverii 
plusieurs  païens  à  Jésu«;-Christ,  et  rffiisant 
d'adorer  le  soleil  et  1(!  feu,  soulfrit  diverses 
tortures  sous  lo  roi  Sapor.  On  lui  arracha 
la  peau  de  la  tête,  enfin  on  l'attaclui  h  un 
[)oteau  où  bientôt  elle  rendit  l'esfirit.  L'E- 
glise; fait  sa  mémoire  le  29  seplcndji'e. 

GUÉUIN  (sairtt),  mailyr,  frère  de  saint 
I.KGîCR  d'Aulun.  Voy.  l'article  de  ce  der- 
nier. 

GIJHSCIATAZOÎDES  (saint),  martyr  do 
Peise,  était  au  nombre  des  eu'iuqùes  du 
palais,  et  avait  été  nourricier  de  Sapor.  Il 
versa  son  sang  pour  la  foi  chrétienne  en  l'an 
de  Jésus-Christ  3^i.l.  Son  histoire  se  trouve 
dans  les  Actes  de  saint  Siméon  de  Ctésiphon. 
[Voy.  son  article.)  Leur  fête  est  marquée  au 
Martyrologe,  le  17  avril. 

GUIBORAÏ  (sainte),  vierge  recluse  et  mar- 
tyre, descendait  d'une  vieille  et  noble  fa- 
mille de  la  Souabe.  Elle  fut  élevée  sainte- 
ment par  ses  parents  que  sa  vertu  édifiait. 
Dès  son  jeune  âge  et  quand  son  frère  Hitton 
entra  dans  l'état  ecclésiastique,  elle  se  retira 
cliez  lui,  afin  de  vaquer  avec  encore  plus  de 
liberté  à  tous  les  exercices  de  piété.  Bientôt 
les  saintes  exhortations  qu'elle  lui  faisait  sur 
les  dangers  du  monde,  le  déterminèrent  à  se 
retirer  dans  le  monastère  de  Saint-Gall  où.  il 
prit  l'habit. 

Pour  notre  sainte,  après  avoir  vécu  quel- 
que temps  encore  dans  le  monde,  elle  so 
retira  sur  une  montagne  voisine  de  Saint- 
Gall  et  se  renferma  dans  une  étroite  cellule. 
Sa  grande  vertu  lui  attirant  de  nombreuses 
visites,  elle  pria  Salomon,  évoque  de  Cons- 
tance, de  lui  bénir  une  cellule  près  de  l'é- 
glise de  Saint-Magne,  oij  elle  vécut  en  re- 
cluse, et  bientôt  ses  miracles  et  ses  prédic- 
tions la  rendirent  ex.cessivement  célèbre. 
Ayant  guéri  une  fille  de  qualité  nommée 
Rachilde,  celle-ci,  à  l'exemple  de  sa  mère 
spirituelle,  se  retira  dans  une  cellule  et 
embrassa  également  l'institut  des  recluses. 
Elle  reçut  encore  pour  conapagne  de  ses 
austérités  Wendilgarde,  petite-fille  de  Henri, 
roi  de  Germanie,  qui  croyait  que  son  mari 
le  comte  Uldaric  avait  été  tué  en  faisant  la 
guerre.  Cependant ,  ce  dernier  ayant  été 
rendu  à  la  liberté  par  les  Esclavons  ou  Hon- 
grois, qui  l'avaient  fait  prisonnier,  il  revint 
réclamer  sa  femme  et  l'obtint,  après  y  avoir 
été  autorisé  par  un  synode  que  tinrent  les 
évoques. 

Apiès  la  mort  de  son  mari,  elle  rev  nt 
dans  sa  solitude  et  mourut  dans  une  des 
incursions  que  les  Hongrois  firent  en  ce  pays  ; 
ces  barbares,  irrités  de  ne  rien  trouver  à. 
piller  chez  elle,  lui  déchargèrent  trois  coups 
do  hache   sur  la  tête  ;  elle  mourut  le  2  mai 


I!55  IIAB 

925.  Poiir  sni-ilc  Racliildo,  qui  lui  survocui 
vingt-un  ans,  le  reste  de  sa  vie  ne  fut  (ju'iine 
moi!  conliruielle  par  It'S  inalailicS(iu"elle  eut 
à  endurer.  Leurs  relujues  lurent  drposées 
dans  l'église  de  Sainl-.Magne,  et  nous  les 
trouvons  inscrites  au  Martyrologe  romain 
]e  2  mai. 

GUIDO  (LoNoiMEi.\  dominicain,  fut  mas- 
.sacré  par  les  musu'mans  de  Tunis,  en  1270, 
en  leur  prêchant  l'Kvangile.  Sa  mort  arriva 
h  l'époque  de  la  croisade  de  saint  Louis. 
(Voi/.  Fontana.  Monumcnla  IJouunicaua.) 

(ilTLLAU.ME  \}ii  bienheureux),  frère  mi- 
neur, de  la  Terre  deLabour,fut  mait.vrisé  en 
Médie  par  les  mahomélans.avcc  le  bienheu- 
reux Jacques  de  Florence,  évè-que  de  Ze\  Ion. 
Leur  martyre  arriva  l'an  13G2.  (^Wadding, 
an.  i;]'J2,  n°  V.) 

GUILLAUME  (le  bienheureux),  de  Castel- 
lamare,  dans  la  Terre  de  Labour,  francis- 
cain ,  était  venu  répandre  la  semence  de 
l'Evangile  à  Gaza  en  Palestine.  H  y  soulVrit 
un  cruel  martyre  en  l'honneur  de  la  foi  et 
&A  nom  de  Jésus-Christ  :  il  fut  coui)é  en 
deux.  La  constance  ((u'il  moiitra  au  milieu 
de  ces  tortures  toucha  le  cœur  île  plusieurs 
musulmans,  (pii  se  convertirent  à  Jésus- 
Christ.  (Wadding,  an.  13G'i.,  n"  38.) 

GUILLAUME  DE  NOKWICH  (saint),  fut 
la  victime  de  la  haine  des  juifs  contre  la 
religion  chrétienne.  Ce  saint  e-ifant,  âgé 
seulement  de  douze  ans,  était  api)renti  chez 
un  tanneur  de  Nurwich.  Ayant  élé  saisi  [)ar 
des  juifs  ([uelifues  jours  avant  la  fête  do 
P;^(|ues,  en  1137,  ces  barbares  le  crucifièrent, 
après  quoi  ils  lui  percèrent  le  coté  d'un  cou^) 
de  lance,  en  dérision  de  la  mort  du  Sauveur. 
Le  jour  de  Pàiiues  arrivé,  ils  lièroîit  le  corps 
dans  un  sac  et  sorlirciit  aux  portes  de  la 
ville,  afin  de  l'v  brûler;  mais  ayant  été  sur- 
pris, ils  l'abandonnèrent  attaché  à  un  arbre. 
On  b;ltit  une  église  à  l'endroit  où  son  corps 
avait  été  trouvé,  et  dans  l'année  1150,  ses 
relifpies  furent  transportées  dans  le  clueur 
de  l'église  cathédrale,  dédiée  à  la  Sanite- 
Trinilé.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  leSVmars. 

GUNIFOKT (saint),  rcyut  la  glorieuse  i)alme 


IIAB 


IIÔC 


du  maityre  à  Pavie,  en  réconif ense  de  sa 
lui  en  Jésus-Christ.  Les  Actes  des  martyrs  ne 
nous  disent  absolument  rien  sur  son  compte. 
L'I\glise  fait  sa  mémoire  le  22  août. 

GUKIE  (saint;,  eut  le  glorieux  privilège  de 
verser  son  sang  pour  la  foi  à  Edesse  en 
Syrie.  Il  eut  [lour  compagnon  de  son  martyre 
saint  Samonas.  Nous  n'avons  [)as  de  documents 
sur  eux,  sinon  (pi'ils  fui-ent  n)artyrisés  sous 
l'empereur  Dioclélien  et  le  président  Anto- 
nin.  L'FIglise  fait  leur  sainte  mémoire  le 
15  noveiiil)re. 

GUUZVNSKA  (EipiiKMiF.),  l'une  des  reli- 
gieuses de  Saint-Basile,  établies  à  Minsk, 
en  Lilhuanie,  et  connues  sous  le  nom  de 
Failles  de  la  Sainle-Triuilé,  (}ui  furent  expul- 
sées de  leur  couvent  et  livrées  aux  perséeu- 
tioîis  les  plus  violentes  dans  le  courant  do 
l'année  1837,  parle  czar  Nicolas  et  Siemaszko, 
évêque  schismatique  et  apostat.  On  les  em- 
ploya «i  la  constiuction  d'un  palais  ù  Spas, 
poui-  Siemaszko.  Un  éboulement  étant  sur- 
venu, Euphémie  Gurzynska  et  (puitre  autres 
de  ses  conq)agnes  furent  ensevelies  vivantes 
sous  les  décombres,  sans  qu'on  permît  à 
celles  qui  étaient  témoins  de  ce  malheur  de 
chercher  à  délivrer  les  victimes.  Les  quatre 
autres  sœurs  se  nonnnaient  Clémentine  Ze- 
browska,  Catherine  Korycka,  F^lisabeth  Ty- 
sonhauz    et    Irène    Krainto.    {Voy.  l'article 

MIECZYSLA^VSKA). 

GUUZYNSKA  (Joséphine),  l'une  des  reli- 
gieuses Basiliennes  jui,  dans  le  courant  de 
l'année  1837,  furent  si  violemment  [lersécu- 
tées  par  le  czar  Nicolas  et  Sien)aszko,  évêque 
a|)Oslat.  On  les  em|)loya  à  la  construction 
d'un  palais  pour  ce  prêtre  schismati(jue.  Un 
pan  de  uRuailles  étant  venu  à  s'écrouler, 
Joséphine  Gurzynska  et  (luatre  de  ses  com- 
pagnes furent  écrasées.  {Voy.  l'article  Miec- 
zyslawska). 

GU'I'HUKIN,  monastère  qu'habitait  sainte 
AVéréfride,  et  où  elle  fut  tuée  par  Caradoc 
ou  Cradoc,  lils  d'Alain,  prince  du  pays.  [Voy. 
AV^éukfkidk). 

GUY  (saint),  le  même  que  saint  Vit.  {Voy, 
ce  nom). 


HAPiENTIUS  (saint),  moine  cl  martyr,  na- 
tif de  Cord.-ue,  V  avait  embrassé  la  vie  luo- 
nastiijue  à  Sainl-Chri.stolle.  Ce  couvent  <'-tait 
situé  sur  le  Bélis,  vis-ii-vis  de  la  vdie.  Ha- 
bentius  y  vivait  reclus,  ne  si;  monliaiil  ja- 
mais (pie  par  une  fe  lêtre,  et  |)ortant  des 
lames  de  fer  sur  la  chair.  En  850  il  vi-il  à 
Cordr)ue  trouver  le  cadi,  aveoPiein;,  |»rètre, 
Nalabonse,  diacn;,  S.d)i'iieii  et  Vistremoiid, 
moines,  et  le  vieillard  Jérémie,  fondateiu-du 
couvetil  de  Tabane.  Us  lui  dirent  :  «  Nous 
coidessons  Jésus-Christ.  Nous  regardons 
Mahomet  votre  i)ro|»liète  eomiiK!  hs  pr(''(;ui- 
hcur  de  l'Anteclu-ist ,  et  nous  déplorons 
amèremeiil  l'aveuglement  dans  h-cpiel  vous 


êtes  plongés.  «  Le  cadi  les  condamna  h  avoir 
la  tête  tranchée.  La  senten«-e  fut  immédia- 
tement exécniée.  On  pendit  leui.s  corps  ;\ 
de  longs  pieux.  Ouehpies jours  après,  on  les 
brûla  et  on  jeta  leurs  cendres  dans  le  lleuve. 
L'Kglise  faii  leur  fêt(;  le  7  juin.  Voy.  Vai.a- 
iioNSK,  Ml  SI  iMANS  {PcrsécHtiun  des). 

IIABKTDFI'M  (saint),  était  évêipie  do 
Theudale,  ville  assez  célèbre,  mais  dont  on 
ignore  la  province  (H.  II  bi!  banni  par  (icni- 

(1)11  sciiililc  (|iic  PloK'iiK'i'  iii;iniMc  d'Ili"  ville  dans 
la  l'KKuiisiilaiif.  C'aiiiail  cU-,  tiil  »>ii,  le  sic^c  (flla- 
li.-rli'iim:  mais  il  csl  dillicilc  de  cioiic  (|iraii('iiii  de 
r<s  eve(|iies  liaimis  a|»|)ailjiil  il  la  l'ioeonSidaire  : 
le  P.  Kiiiiiarl  ne  peiietie  pas  uouieet  a\is. 


1157 


Il  AI) 


IIAR 


^\ZH 


3 


série  avoo  un  ijrand  noiiibro  d'autres  6v6 
ucs.  Ils  sont  iiiar(jué.s  avec  ([ut'l(iiu;s  aulros, 
ans  Adou  t't  clans  le  Marlyiol(ti^(;  loniMiti,  le 
28  de  novonibro,  connne  a^aiil  achevé  lo 
cours  de  leur  vie  dans  la  cunl'ession  de  la 
véritable  loi.  Notre  saint  fut  rtîlé^ué  dans  la 
ville  de  'l'aniallunie,  voisine  du  désert  (jui 
est  près  de  la  Tripolilaine,  ce  ({ni  ne  co'n- 
vient  (ju'à  la  H.)  /acèiu',  et  non  point  ii  la 
Àlauritanie  de  Slél'e,  où  il  y  avait  encore  une 
antre  ville  de  Taniallunie.  Celte  ville  où  l'ut 
relégué  notre  saint,  avait  un  évùcine  ai'ien 
nommé  Antoine,  illustre  par  sa  cruauté 
entre  les  autres  évé(puîs  ariens.  Il  courait  de 
tous  cotés,  comme  une  bêle  altérée  du  sang 
des  catliuliciues;  et  il  est  imjjossible  de  rap- 
porter ses  actions  exécrables,  et  les  maux 
qu'il  leur  lit  soullVir.  On  i)eut  juger  par  là 
de  tpu'lle  manière  il  ttaita  notre  saint.  En 
ellet,  outre  sa  crnaïUé  ordinaire,  voyant  que 
ce  généreux  soldat  de  Jésu.s-Christ  persistait 
avec  courage  (lai'b  la  Viaie  loi,  malgré  tous 
Jes  maux  qn  ii  lui  faisait  endurer,  il  avaitjuré 
de  lui  faire  embrasser  son  hérésie  ou  de  le 
faire  [)érir.  Mais  connne  toute  sa  fureur  et 
ses  serments  étaient  inutiles,  il  s'avisa  d'un 
nioycn  (lue  lui  suggéra  le  démon.  Il  lit  lier 
au  saint  les  pieds  et  les  mains  avec  de  grosses 
cordes,  et  fermer  la  bouclie  alin  qu'il  ne  pût 
crier,  puis  lit  répandre  de  l'eau  sur  lui,  et 
l)rétendit  qu'il  l'avait  rcba[)tisé,  comme  s'il 
était  aussi  facile  d'enchaîner  la  conscience 
que  le  cori)S.  En  suite  de  cette  action,  Antoine 
lit  délier  le  saint  évéciue,  et  lui  dit  connne 
en  triomphant  :  «  Vous  êtes  maintenant  des 
n(Mres ,  mon  frère.  Vous  voilà  chi'étien 
comme  nous,  et  ainsi  vous  ne  sauriez  désor- 
mais ne  pas  vous  soumettre  à  la  volonté  du 
roi.»  Ce  saint  réjjondit  généreusement  :«Pour 
être  coupable  d'une  chose,  ô  impie  Antoine! 
il  faut  que  la  volonté  y  consente.  Mais  j'ai 
toujours  défendu  hautement  la  foi  que  j'ai 
dans  le  cœur,  et  lors  môme  cpie  vous  m'avez 
lié  et  fermé  la  bouche,  je  n'ai  pas  laissé,  dans 
le  secret  de  mon  cœur,  de  protester  à  la  faco 
des  saints  anges  de  la  violence  que  vous  me 
faisiez,  lis  en  ont  été  témoins,  et  ont  pré- 
senté celte  protestation  à  mon  Seigneur.  » 

11  ne  se  contenta  pas  néanmoins  d'être 
assuré  qu'une  action  de  celte  sorte  ne  lo 
pouvait  rendre  coupable,  et  de  protester  dans 
la  ville  de  Tamallume  c^u'il  n'y  avait  donné 
aucun  consentement.  11  se  résolut  d'aller  à 
Carthage  trouver  le  malheureux  prince  qui 
autorisait  tant  de  violences,  voulant  que 
tous  les  hommes  connussent  la  pureté  de  sa 
conscience,  et  combien  il  demeurait  toujours 
attaché  à  la  foi  de  la  Trinité.  Antoine,  qui 
voyait  sa  confusion  dans  ce  voyage,  ne  put 
jamais  l'en  empêcher.  11  présenta  donc  à  Hu- 
néric  une  recjuête,  où  il  représentait  avec 
force  combien  était  basse  et  indigne  la  per- 
sécution qu'on  faisait  à  des  exilés,  à  qui  on 
ne  permettait  pas  de  vivre  au  moins  en  repos 
avec  les  bêtes,  après  leur  avoir  ravi  tout  le 
reste,  et  les  avoir  qxcIus  de  la  société  des 
hommes.  On  tn^nt  que  toute  la  réponse 
Gu'Hunéric  lui  Ut,  fut  qu'il  allât  trouver  ses 
évoques  pour  faire  ce  (Qu'ils  lui  ordonne- 


raicnf,  puisqu'ils  avaient  tout  pouvoir  <u 
cette  n)atière.  Ainsi,  Aidoine  persista  dans 
sa  folie,  assuré  ([u'il  ne;  faisait  rie  i  qui  ne  fût 
agn'able  au  loi  ;  et  le  saint,  se  contentant 
d'avoir  satisfait  à  sa  conseicDce,  aima  encore 
mieux  letourner  dans  le  lieu  de  son  exil  que 
de  demander  quehiue  autre  chose  aux  évê- 
(pn.'s  aiiens. 

On  croit  que  c'est  le  mémo  Habetdeum 
qu'on  honori!  à  Sarzane,  en  Toscane,  le,  17 
lévrier,  (|noi(ju'on  le  fasse  évêqiuï  de  Lune  , 
ville  ancienne  mais  ruinée,  <loiit  l'c'vêclié  .'i 
élé  IranslV-ré  à  Sarzane  jiar  Nicolas  V.  11  est 
certain  (|u'on  fait  de  ce  saint  exactement  la 
nnnne  histoire  (jne  Vieloi-  i'aj)port(!  de  celui 
d'Afrique,  en  y  ajoutant  ([ue  les  N'andahiS  le 
lirent  décapiter.  On  en  aura  peut-être  jiorté 
quel(|ues  reliques  à  Lune,  (]ni  auront  donné 
sujet  de  l'y  honorer,  et  ensuite  de  l'en  faire 
évèque. 

ILVBJATA  (s'inle),  vierge,  fut  martyrisée 
CTi  1  an  3ï:i  de  Jésus-Christ,  sous  le  règne  de 
Sapor  dit  Longue-Vie.  Jille  habitait  la  pro- 
vince de  Beth-Cermar.  Sa  fête  est  inscrite  au 
Mai'tyrologe  romain  le  30  novembre. 

HABIBÈ  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  uo 
mourir  pour  la  foi,  en  Perse,  sous  le  roi  Sa- 
por, vers  l'année  327.  [Voy.,  ymnr  plus  de 
détails,  les  Actes  de  saint  Jonas  et  de  saint 
BAnACHisE,à  ieur  article.) 

HABIDË  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi,  par  ordre  de  Galère,  sous  l'eni- 
I)ire  de  Dioclélien,  avec  les  saints  Paragus, 
llomain  et  Lollion,  nouvellement  convertis  à 
la  foi.  il  eut  encore  pour  compagnons  de  son 
martyre  saint  Hij)parquc  et  saint  Pliilothée. 
On  verra  les  circonstances  de  ieur  martyre  à 
l'article  de  saint  Hipparque. 

H  AMAZASBli,  prince  arménien  de  la  famille 
Mamigoniank,  fut  l'un  de  C(înx  qui  soutlVi- 
rent  volontairement  la  captivité  [)Our  Jésus- 
Christ  sous  le  règne  d'Hazguerd,  deuxième 
du  nom,  et  c{ui  ne  furent  remis  en  liberté  et 
renvoyés  en  leur  pays  que  huit  ans  après  la 
mort  de  ce  prince,  sons  le  règne  de  son  fils 
Bérose.  (Pour  pius  de  détails,  voy.  Princes 

ARMÉNIENS 

HAMOZAsiilAN,  prince  arménien  do  la 
famille  de  Mamigoniank,  fut  l'un  do  ceux  qui 
souffrirent  volontairement  la  captivité  pour 
Jésus-Christ ,  sous  le  règne  d'Hazguerd, 
deuxième  du  nom,  roi  de  Perse,  et  qui  no 
furent  rumis  en  liberté  et  renvoyés  en  leur 
pays  que  huit  ans  après  la  mort  de  ce  prince, 
sous  le  règne  de  son  tils  Bérose.  (Pour  plus 
de  détails,  voy.  Princes  arméniens.) 

HANANIA  (saint),  donna  son  sang  pour 
notre  sainte  religion,  en  l'an  de  Jé>us-Cin'ist 
3'i.l,  sous  le  règne  et  durant  la  persécution 
de  Sapor.  Les  Actes  de  saint  Siméon,  évêquo 
de  Ctésiphon  et  de  Séleucie,  comprennent 
son  histoire.  {Voy.  l'article  de  ce  saint.)  Leur 
fête  a  lieu  le  17  avril. 

HARDUIN,  seigneur  auquel  les  parents  do 
sainte  Maxellende  l'avaient  promise  en  ma- 
riage, vint,  quand  elle  fut  en  âge  d'être  ma- 
riée, réclamer  l'exécution  de  la  promesse 
qu'on  lui  avait  faite.  La  jeune  liile,  qui  avait 
voué  sa  virginité  à  Dieu,  n'y  voulut  pas  cou- 


«139 


KAZ 


BEL 


uio 


sentir.  Harduin  ,  qui  en  (5(ait  épenfument 
auioureuî,  profitant  d'un  jour  où  elle  était 
seule  en  son  logis,  y  entra  avec  des  hommes 
dévoués  pour  l'enlever.  Longtemps  il  la 
chercha  inutilement,  mais  enfin  il  la  trouva 
dans  une  armoire.  Rien  ne  juit  le  toucher, 
ni  les  larmes,  ni  les  supplications  de  la  jeune 
fille.  H  l'entraîna  violemment.  Comme  elle 
persistait  toujours  dans  ses  refus,  il  entra 
dans  une  telle  fureur  qu'il  l'assassina.  Ces 
faits  se  passèrent  en  GTO  au  village  de  Cauhri, 
qu'habitait  la  sainte-.  {Voy.  sainte  Maxei- 

LEM)K.) 

HAROLD  isainl^  roi  ûe  Danemark  et  mar- 
tyr, avait  soutenu  et  étendu  la  religion  chré- 
tienne ;  mais  son  hls  Suen  ,  qui  était  de- 
meuré ^)aïen,  le  voyant  \in\\  et  affaibli  par 
l'^lge  ,  chercha  les  moyens  de  le  priver  du 
royaume,  et  prit  conseil  de  ceu\  que  son 
,.père  avait  contraints  à  embrasser  le  christia- 
nisme. La  conjuration  éclata  tout  d'un  coup, 
et  les  Danois  ,  renonçant  h  la  religion  chré- 
tienne ,  reconnurent  Suen  pour  leur  roi ,  et 
déclarèrent  la  guerre  àHarold. Quelque  répu- 
gnance qu'il  eût  h  prendre  les  armes  contrO 
ses  sujets  et  contre  son  fils  ,  il  résolut  do  su 
défendre,  mettant  sa  confiance  on  Dieu, 
comme  il  avait  toujours  fait.  Toutefois  ,  il 
fut  vaincu  etj  blessé  dans  le  combat  ;  et  s'é- 
tant  embarqué  ,  il  se  sauva  à  une  ville  doS 
Sclaves,  qui ,  bien  que  païens  ,  le  reçurent , 
contre  son  espérance;  et  quelques  jours 
après,  il  mourut  de  sa  blessure,  toujours  fi- 
dèle dans  la  foi  de  Jésus-Christ.  Il  avait  ré- 
gné cinffuante  ans  ;  il  fut  le  premier  qui  éta- 
blit le  christianisme  ch^z  les  Danois,  et  rem- 
plit le  Septentrion  d'églises  et  de  prédica- 
teurs de  l'Evangile.  Sa  mort  arriva  le  jour 
de  la  Toussaint  980  ;  son  corps  fut  reporté 
dans  son  royaume  à  RoscliilJ,  et  enterré  dans 
l'église  de  "la  Sainte-Ti-inité  ,  qu'il  avait  bA- 
tie  :  la  cause  do  sa  mort  le  Ot  regarder 
comme  martyr  (Fleury)  ;  malgré  cela,  on  ne 
le  trouve  pas  inscrit  au  Martyrologe  ro- 
main. 

HATES  (sainte),  vierge  ,  souffrit  la  mort 
pour  confesser  sa  foi  en  l'an  3ï3  do  Jésus- 
Christ,  sous  le  règne  dcSapor  dit  Longue- 
Vie.  Elle  était  de  la  province  de  Relh-lier- 
mar.  Sa  fête  est  inscrite  au  Martyrologo  ro- 
main le  30  novembre. 

ilAVARD,  évèque  de  Castorie,  périt  le  5 
juillet  1838,  de  fatigues  et  de  jjrivations  ex- 
ces'-ivf  s,  dans  le  Ton([uin  occidental. 

HAZD  saint),  martyr,  était  un  seigneiu"  ai-- 
méniende  la  i)lus  grande  dislinction.  Dans  Kl 
guerre ([ue l'A rinéni(;soutenaitcontrel(Moi  do 
Perse  Rérose,  jjour  la  cause  sainte  du  chris- 
tianisme, Mihran,  général  persan,  lit  prisijn- 
nier  notre  saint  avec  son  iVèro  Hralhid. 
Ayant  reçu  l'ordre  de  Rérose  de  partir  j»our 
la  Perse ,  ce  géni'ral  (piilta  l'Arménie  avec 
f>ori  armée,  enmienanl  siîs  prisO!nii<Ms,et  no- 
taiiitiie  it  Ha/.d  (  t  Ilrahad.  L(;  prince  Nersoli, 
leur  frère,  résolut  deh^s  ai-raclior  .'i  leur  pri- 
son :  s'étaiit  adjoint  u'\  certain  nond)r(!  de 
guerriers  délerminés  ,  il  suivit  l'ariuéo  j)er- 
fiane,  éfij.uil  le  moment  d'ex(''cnter  son  j)ro- 
jel.  IIr.ili.nl,  ayant  su  l'approche  de  Nerseh, 


trouva  moven  de  prendre  la  fuite  et  de  le 
rejoindre.  Mihran ,  furieux  ,  fit  venir  le  pri- 
sonnier (jui  lui  restait,  le  noble  Hazd,  et  lui 
commanda  de  choisir  entre  la  mort  et  l'apos- 
tasie. Le  noble  prince  présenta  pour  réponse 
sa  tète  au  bourreau,  ({ui  la  lui  abattit  immé- 
diatement. Ce  saint  n'est  pas  inscrit  au  Mar- 
tyrologe. (  Voy.  l'Histoire  d'Elisée  Varta- 
be'i.  ) 

HÉRERT  (Fr.vnçois-Lolis),  supérieur  des 
Eudistes  et  confesseur  di'  Louis  XVI,  s'était 
rendu  extrêmement  vénérable  ]iar  son  iné- 
puisable charité.  A  coté  de  cette  vertu  su- 
i)lime  ,  qui  prime  toutes  les  autres  ,  il  avait 
au  plus  haut  degré  les-  qualités  qui  font 
l'homme  aimable  et  qui 'gagnent  les  cœurS. 
Pendant  longtemps  il  s'était  livré  avec  assi- 
duité à  la  pratique  des  fonctions  du  saint 
nunistère  ;  il  avait  o|)éré  infiniment  de  bien. 
Sa  ré|)Utation  de  piété  et  de  vertu  était  si 
grande,  (jue  ce  fut  à  lui  que  Louis  XVI  s'a- 
oressa  dans  les  derniers  jours  de  sa  vie.  Il 
lui  écrivait  :  a  Je  n'attends  plus  rien  des 
hommes ,  apportez-moi  les  consolations  cé- 
lestes. »  Le  10  août ,  M.  Hébert  venant  de 
visiter  le  roi,  disait  à  quelifu'an  :  «  Le  roi  est 
dans  les  meilleurs  sentiments  et  parfaite- 
ment résigné  à  ce  qu'il  plaira  au  Seigneur 
d'ordonner,  »  Ce  jour  même  il  fut  arrête  et 
enfermé  dans  l'église  des  Carmes.  Il  y  fut 
massacr.''  avec  les  autres  prisonniers  quelque 
temps  plus  tard. 

HELCONIDE  (sainte  ) ,  reçut  le  martyre  à 
Corinthe.  Ce  fut  sous  l'empereur  (lordien  et 
le  président  Pérennius  qu'ell;;  endura  d'a- 
bord de  grandes  souffrances.  Justin,  succes- 
seur de  Pérennius ,  la  lu-t  de  nouveau  à  là 
torture  ;  mais  un  ange  l'ayant  délivrée  ,  elle 
eut  les  mamelles  coupées,  l'ut  exposée  aux 
"bêtes  et  éprouvée  par  le  feu.  Elle  aciieva 
e-\i'v\  son  martyre  i)ar  la  porte  de  sa  tête. 
L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  28  mai. 

HÉLÎ^NE  (  sainte  ),  martyre  ,  recueillit  la 
palme  du  martyre  à  Rurgos  en  Es[)agne,  avec 
sainte  CentoUe.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  16 
r.i  août. 

HÉLÎ^NE  DE  SKOFDE  (sainte  ) ,  maityro 
en  Suède  ,  sortait  d'une  famille  illustre  dô 
A\'osti'ogothie  eu  Suède.  Ayant  été  visiter  la 
ville  de  Rome,  elle  fut  mise  h  mort  h  son  l'e- 
toui',  par  ses  [)ropres  pai'eiils,  vi'rs  l'année 
IKiO,  en  haine  de  la  religion  chrétienne. 
I-  ile  fut  canonisée  en  UOV,  par  le  pape  Alexun- 
di-e  I!l.  L'Eg!is(>  fait  sa  fête  le  M  juillet. 

ill'^lLII'lR  (saint»,  ermite  et  martyr,  n'avail 
pas  eu  le  bonheur  de  naîti-e  au  sein  d'une 
famille  chrôlienne.  Ce  fut  saint  .Marcou  tjui 
le  convertit.  Api'ès  sa  conversion  ,  end)rasé 
d'un  amour  arclenl  do  la  (htclinne  évaug^éli- 
(pie,  il  résolut  d(î  te-idre  autant  (pie  jxissiblo 
«h  II  perfection  des  vertus  cliréli(Muies.  Il  so 
retira  dans  l'île  de  Jersey,  et  lit  élection 
d'une  caverne  pour  sa  demeure,  ('etîe  ca- 
verne était  (iHnisée  d;ins  \v\  loi'her  dont  l'ac- 
cès était  fort  périlleux.  Le  saint  se  trouvait 
donc  h  l'abri  des  visiles  et  de  la  ctniosilé  des 
hoiiiNies.  Il  passait  sa  vie  dans  le  jeûne  et 
la  conleuiplation.  Los  b.ubai'es  le  massacrè- 
rent dans  sa  retr.iil^'.  ïl  esi  probable  que  cd 


1111 


iii:i. 


IIKL 


114i 


fui  pour  la  fui  ,  puisque  TJ-lglise  Tlionoro 
cuiiiiuo  uuutyr.  l.a  capiliile  de  l'île  de  Jei- 
soy  a  pris  le' uoin  du  saint.  Au  diocèse  do 
Uouen,  h  l'abhaye  de  lîeaubec,  oi  priHendait 
poss(^der  les  rèliciues  du  saint.  La  t'ùte  du 
saint  Ilélier  est  inscrite  au  Martu'oloi^'e  lo 
10  juillel. 

Hf'M.l.M/:]N.\S  (saint),  recul  la  couronne  du 
inart\r-eeii  Perse,  avec  deux  autres  prcMrcs 
iionuiuvs  rarniè'io  cl  (IhrysolMe  ,  et  les  dia- 
crtvs  I.uc  et  Mui-ius,  dont  le  martyre  esl:  dé- 
crit dans  les  Actes  des  saints  Abdon  et  Seii- 
uon.  Nous  n'avons  pas  d'autres  détails.  L'K- 
giise  fait  1(MU-  sainte  niénioire  1(>  ±2  avril. 

IIKLIODOUK  (saint),  fui  martyrisé  |)0ur 
la  défense  de.  noire  relii^ioi  sainte,  à  Anlio- 
che  de  Pisidie  ,  avec  saint  Marc,  hériter,  cl 
les  compagnons  de  son  glorieux  mai'tyre. 
L'Kgliso  honore  leur  mémoire  le  27  sep- 
teiuhre. 

HÉIJODOUE  (saint),  reçut  la  palme  glo- 
rieuse du  martyre  en  Pamphylie.  Ce  fut  le 
président  Aétius  rpii  le  lit  périr  durant  la 
persécutioM  d'Aurélien.  Les  hotirreaux  s'é- 
tant  convertis  h  la  foi  de  Jésus-Clirist,  furent 
jetés  api-ès  lui  dans  les  Ilots  L'Eglise  fuit  sa 
mi-moirele  21  ivivojubre. 

HÉLlODOilE  (saint) ,  reçut  la  palme  du 
matlyre,  en  A'Vique,  pour  l'Iionneur  et  la  dé- 
fense de  la  religion  du  Christ,  il  eut  pour 
compagnons  de  son  martyre  saint  Vénusto 
et  soixante-quinze  autres,  dont  malheureu- 
sement les  noms  ne  sont  point  parvenus  jus- 
(ju'à  nous.  l'Eglise  ho  lore  leur  illustre  mé- 
moire le  6  mai. 

HÉLIODOHE  [Aiticus],  vicaire  du  gouver- 
neur de  Phrygie  ,  sous  Probus  ,  ht  mettre  à 
la  question  saint  Trophimo  et  saint  Sabbace, 
q\i'on  avait  arrêtés  à  Anlioehe  de  Pisidie. 
Saint  Sabbace,  an  milieu  des  tourments  qu'il 
endurait,  ne  pouvait  retenir  ses  larmes.  Ce 
magistrat  eut  la  lâcheté  de  l'insulter  à  cause 
de  cela.  Le  saint  lui  fit  une  réponse  pleine 
de  modération  [Voy.  saint  Sabbace),  mais  qui 
dut  lui  faire  voir  ce  que  c'était  que  le  vrai 
courage.  Après  avoir  fait  sa  réponse  à  la  fois 
généreuse  et  modérée  aux  lâches  plaisante- 
ries d'Héliodore,  le  saint  rendit  l'Ame.  Saint 
ïrophime,  plus  robuste,  avait  résisté.  Hélio- 
dore,  ne  voulant  pas  prendre  sur  lui  de  le 
condamner  à  mort,  l'envoya  à  Dionysius  Pé- 
rennius,  gouverneur  de  la  province,  lequel 
était  alors  à  Synnade.  Il  condamna  le  saint 
à  faire  le  voyage  à  pied,  avec  des  chaussures 
garnies  de  pointes  en  dedans. 

HÉLIOGABALE,  empereur  romain,  que 
nous  ne  citons  ici  qu'ahn  de  dire  ce  que  pré- 
tendait Dodwel  et  comment  dora  lluinart  lo 
réfute.  On  sait  quelle  était  la  mauvaise  foi 
de  l'écrivain  anglais. 

De[)uis  Sévè  e,  on  ne  trouve  plus  d'empe- 
reur, jusqu'à  Maximin,  qu'on  puisse  mettre 
au  nombre  des  persécuteurs  de  l'Eglise, 
quoiqu'il  y  ait  beaucoup  d'apparence  que, 
durant  tout  cet  intervalle,  elle  n'ait  pas  été 
.sans  persécution  ni  sans  martyrs.  Il  est  cer- 
tain qu'Héliogabale,  au  rapport  de  Lampride, 
déclara  nettement  qu'il  ne  voulait  point 
qu'on  ado.'ât,  dans  tout   l'empire,   d'autre 


Dieu  que  lui,  et  qu'il  tal'ait  que  les  tiiré- 
liens  abandonnassent  leur  Dieu  et  n'of- 
frissinit  plus  (pi'ù  lui  h  urs  vu;  ix  et  leurs 
adorations.  Dodwel  (;onclul  de  lii  (prilélio- 
gabale  lit  quelque  distinction  des  chrétiens, 
el  (pi'il  les  considéra  c(jmm(;  étant  particu- 
lièrement à  lui.  Je  ne  com|)rends  pas  sur 
quoi  l'on  fonde  celt*;  conjecture,  si  Van  no 
veut  dire  (|U(»  les  cb;élie:is,  [jour  mériter 
les  bonnes  grâces  do  l'empereur,  voulurent 
bien  adorer  h;  soleil. 

IIÉLIOPOLIS,  aujourd'hui  Balbek,  ville  do 
Syrie.  Ce  fut  dans  celte  ville,  et  non  pas 
dans  IIélio|)olis,  vilb;  d'Egy[<te,  que  sainte 
Eudoxie  mourut  martyre,  sous  Trajan.  Elle 
se  tiouve  justement  dans  le  pays  où  cet  eni- 
I)ereur  exerça  le  plus  viobnument,  par  lui- 
même;  ou  par  ses  lieutenants,  la  persécution 
contre  les  chrétiens.  Sainte  Eudoxie  mourui 
percée  d'un  coup  d'épée. 

IIELLADE  (saint),  martyr,  versa  son 
saîig  en  Lib\  e,  pour  l'hoinieur  et  la  défense 
de  la  religion  chrétienne.  Il  souffrit  le  mar- 
tyre avec  le  diacre  saint  Théo[)hile.  Ils  furent 
d'abord  déchirés  h  cou[)S  de  fouet,  puis  pi- 
qués avec  des  lois  aigus  de  pots  cassés.  Ils 
lurent  enfin  jetés  dans  le  feu  où  ils  rendirent 
leur  âme  h  Dieu.  L'Eglise  fait  leur  mémoire 
le  8  janvier. 

HÈLLADE  (saint),  martyr,  souffrit  pour 
Jésus-Christ,  avec  les  saints  Crescenl,  Dios- 
coride  el  Paul.  On  ignore  le  lieu,  la  date  et 
les  circonstances  de  leur  martyre.  L'Eglise 
honore  leur  sa'nle  mémoire,  le  28  mai. 

HELLADE  (  saint),  évoque  et  confesseur, 
souffrit  h  Tolède  pour  la  défense  de  la  reli- 
gion. Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  ont 
conservé  aucun  document  authentique  sur 
lui.  L'Eglise  fait  sa  sainte  mémoire,  le  18 
février. 

HELPiDE,  qualifié  préfet  dans  les  Actes 
de  sainte  Sabine,  étant  venu  à  Vindène  en 
Ombrie,  du  temps  de  l'empereur  Adrien  et 
au  commencement  de  son  règne,  le  gouver 
neur  lîcrylle  lui  raconta  qu'il  avait  fait  dé- 
cajùter  sainte  Sérapie,  jeune  fille  chré- 
tienne, qui  demeurait  chez  une  riche  veuve 
nommée  Sabine.  11  lui  dit  que  cette  veuve, 
convertie  par  Sérapie,  l'avait  suivie  devant 
son  tribunal,  la  défendant  courageusement 
et  se  proclamant  elle-môme  chrétienne.  Hel- 
pide  fit  venir  sainte  Sabine,  et,  n'ayant  pu  la 
forcer  à  sacrifier,  lui  ht  trancher  la  tôle  lo 
29  août.  (  Voy.  Sabine  et  Berylle.  ) 

HELVETIUS  (Claude-Adrien)  ,  naquit  à 
Paris  en  l'amiée  1715,  et  y  mourut  en  1771. 
Son  éducation  fut  faite  au  collège  Louis-le- 
Grand,  par  les  jésuites.  FermV-îr  général  h 
vingt-trois  ans,  il  retirait  environ  trois  cent 
mille  livres  de  sa  charge  :  il  l'exerça  en  se 
montrant  constamment  doux,  bienfaisant, 
généreux.  A  l'âge  de  trente-six  ans,  il  se  re- 
tira des  affaires,  se  maria,  et  vécut  en  par- 
tageant son  lemjjs  entre  le  séjour  d'une  terre 
qu'il  avait  à  Voiré,  dans  le  Perche,  el  celui 
de  Paris.  En  l'année  1758,  il  publia  son  fa- 
meux ouvrage  intitulé  de  l'Esprit.  Le  parle- 
ment, la  Sorbonne,  l'archevêque  de  Paris,  le 
pape  Clément  Xlil  le  condamnèrent,  conmie 


«lis 


IIE>Ï 


IIEN 


MH 


présentant  à  lui  svu\  tout  ce  qu'il  pouvait  y 
avoir  de  coiiiiainuable  <'l  de  dani^croux  dans 
les  œuvres  f)liilos()|)liiquos  modci'nes.  Dans 
cet  écrit,  sans  nom  mer  le  niatéiialisiue,  Hel- 
vétius  r.v  enseignait  d'un  bouta  l'autre,  rap- 
jiortant  tout  à  la  sensibilité  physique,  et  ne 
mettant  entre  nous  et  les  animaux  d'autre 
ditlérence  ipie  celle  de  l'organisation  exté- 
rieure. Plusieurs  rétiactations  laites  succes- 
sivement par  lui  ne  fuient  jias  jug(''es  sullî- 
santes.  11  l'ut  un  de  ceux  (]ue  le  roi  de  Prusse 
lit  venir  à  Berlin.  De  retour  à  Paris,  il 
mourut  d'un  accès  de  goutte,  h  l'ép'icpie 
(pie  nous  avons  intliquée.  A  sa  mort,  il  lais- 
.sait  en  nianuscrit  un  ouvrage  intitulé  :  De 
ritommi',  (le  sês  facultés  inteKecturlles  et  de 
son  éducation,  2  vol.  in-8".  Cet  ouvrage  est 
l)li'in  des  plus  violents  outrages  contre  la 
religion. 

Faut-il  ju  or  définitivement  Helvétius  d'a- 
près ses  œuvres  si  scandaleuses,  ou  bien 
d'après  l'une  de  ses  rétractations  que  nous 
citons  entièrement? Que  le  lecteur  en  décide  : 
«  J'ai  donné  avec  confiance  le  livre  de 
V Jî sp r i t,  pATCo  que  je  l'ai  donné  avec  sim- 
plicité. Je  n'en  ai  point  i)révu  l'cU'et,  parce 
(|ue  je  n'ai  point  vu  les  conséquences  ef- 
IVayantcs  qui  en  résultent;  j'en  ai  été  extrô-. 
inement  surj)ris,  et  encore  beaucoup  ])lus 
allligé.  En  ell'et,  il  est  bien  cruel  et  bien 
douloui-eux  pour  moi  d'avoir  alarmé,  scan- 
dalisé, révolté  même  des  [)ersonnes  i)ieuses, 
éclairées,  respectables,  dont  j'anfijitionnais 
les  suffrages,  et  de  leur  avoir  donné  lieu  de 
soupçonner  ma  religion  et  mon  cœair;  mais 
c'est  ma  faute,  je  la  reconnais  dans  toute 
son  étendue,  et  je  rex[)ie  par  le  })kis  amer 
re[)entîr.  Je  souhaite  très-vivement  et  très- 
sincèrement  que  tous  ceux  qui  ont  le  mal- 
heur de  lire  cet  ouvrage  me  fassent  la  grâce 
i<e  ne  me  point  juger  d'ajirès  la  fatale  im- 
})ression  qui  leur  en  reste.  Je  souhaite  (pi'ils 
sachent  que,  dès  qu'on  m'en  a  fait  sentir  la 
licence  et  le  danger,  je  l'ai  aussitôt  désavoué, 
I)roscrit,  condamné;  et  que  j'ai  été  le  pre- 
mier à  en  demander  la  su|)pression.  Je  sou- 
haite (ju'ils  croient,  en  conséquence  et  avec 
justice,  que  je  n'ai  voulu  donner  atteinte  ni 
h  la  nature  de  l'àme,  ni  à  son  origine,  ni  à 
sa.  spiritualité,  comnn^  je  croyais  l'avoir  fait 
sentir  dans  plusieurs  endroits  de  cet  ou- 
vrvige.  Je  n'ai  voulu  allatjuer  aucune  des 
vérités  du  christianisme»  que  je  proft'SS(; 
.vincèrenuint  dans  toute  la  rigueur  de  ses 
dogmes  et  de  sa  morale,  et  auquel  je  fais 
gloire  de  soumettre  toutes  mes  pensées, 
toutes  mi.'S  opinions  et  louti-s  les  facultés  de 
mon  être  ;  crtaiu  qu(;  tout  ce  (pii  n'est  |»as 
conrornu)  h  son  esprit  ne  peut  l'être  à  la 
vérité,  ^'o  là  mes  véritables  sentiments;  j'ai 
v(''(u,je  vivrai  et  je  mourivji  avec;  eux.  » 
{Raison  du,  chrlslianisine,  vol.   I\',  p.  OIH.) 

Ilf'^.MIAll,gia'id  pavs  de  l'Arabie  Heureuse, 
dont  les  (irecs  appelaient  les  habitants  Uit- 
viériles,  poss ''dail  u'i  grand  noud)re  de  chré- 
tiens, dette  province  était  alors  gouvernée 
par  un  roi  juif  nommé  Joseph  D(junf>uas  ou 
.biinaa-i,  ennemi  acharné  des  disciples  du 
Clirjst.(Je  |irince,  rpii  était  iileiu  de  cruauté, 


fut  snrnonmié  Vauteur  des  fosses, \)arce  qu'il 
faisait  préci[iiter  les  chrétiens  dans  des 
fosses  pleines  de  feu  et  les  y  faisait  cruel- 
lement bi'illei-,  pour  les  forcer  à  embrasser 
la  religion  juive.  Dunaan  vint  mettre  le  siège 
devant  la  ville  de  Négra  ou  Nageran,  dont 
tous  les  habitants  vivaient  sous  la  loi  do 
l'Kyangile,  la  cinquième  année  de  Justin, 
qui  est  l'an  1-22. Ce  prince,  ne  pouvant  s'em- 
j)arer  de  la  ville  par  la  force,  ne  craignit 
jtointde  parjurer  ses  serments,  et  y  entra  par 
une  composition  qu'il  conq)lait  bien  violer. 
Une  fois  maître  de  la  ville,  il  essaya  par 
toutes  sortes  de  moyens  d'aujener  les  habi- 
tants à  lenier  leur  foi  et  à  embrasser  le  ju- 
daïsme. 11  osa  violer  le  tombeau  de  l'évèquo 
Paul,  mort  deux  années  auparavant,  et  fit 
brûler  ses  os;  les  préti'es,  les  moines  et  les 
religieuses  furent  jetés  dans  un  bûcher  ar- 
dent, où  ils  périi'cnt  en  l'honneur  du  nom 
de  Jésus-Christ.  La  ville  avait  pour  gouver- 
neur un  vénérable  vieillard  nommé  Aréthas  : 
ne  gardant  aucun  respect  ])Our  le  courage 
malheureux  et  i)0ur  le  grand  âge  de  ce  vieux 
soldat,  il  lui  fit  trancher  la  tète  ainsi  qu'à  un 
grand  nombre  d'habitants  ;  beaucoup  de 
fenunes  subirent  aussi  le  mènie  sort;  il.  em- 
mena enfin  toute  la  jeunesse  en  captivité. 
L'Eglise  célèbre  collectivement  la  fête  de 
tous  ces  saints  martyrs  qui  furent  brûlés 
par  ce  prince  imjjie,  le  27  juillet.  Saint  Aré- 
thas est  inscrit  en  |)arliculier  au  Martyrologe 
romain  le  24  d'octobre ,  avec  trois  cent 
quarante  autres  de  Negra  et  une  sainte 
femme  dont  le  fils.  Agé  seulement  d(-  ciiui 
ans,  se  jeta  dans  le  feu  où  était  déjà  sa 
mère,  en  confessant  Jésus-Christ. 

Bientôt  Dieu  voulut  infliger  h  Dunaan  le 
châtiment  que  méritait  sa  barbaiie  sacrilège. 
En  effet ,  l'année  suivante ,  lillesbaan  l'oi 
d'Auxume,  ville  située  en  Ellno|)ie ,  qui 
était  chrétien  c[  ennemi  du  roi  de  la  pro- 
vince d'Hcmiar,  se  résolut  à  ])unir  ses  for- 
faits. Soutenu  [lar  renq>ereur  Justin  et  par 
toutes  les  forces  d'Egypte  et  d'Orient,  il  at- 
la(pia  Dunaan  par  terre  et  par  mer,  le  prit 
avec  les  principaux  de  sa' famille,  le  fit 
mourir  et  soumit  son  pays  à  sa  puissance. 
Après  avoir  été  ainsi  l'instrunient  de  la 
vengeance  divine,  il  prit  l'habit  monasti(]^ue 
et  consacra  le  reste  de  ses  jours  au  servu'C^* 

du  Seigneju- Les  Arabes  j)rétendent  (pio 

ce  Dun.ian  ne  fut  |)as  pris  par  Elesbaan; 
mais  (jue,  |)iessé  [)ar  les  Ethiopiens,  il  s'é- 
lança  dans  la  mer  avec  son  coursier  et  y 
trouva  la  mort.  Ouoi  tpi'il  on  sojt,  le  ciel 
sut  venger  la  mort  des  saints  martyrs  (pi'il 
avait  tourmentés  avec  une  inhumanité  si 
baibare. 

Ilf'lNAUEZ  (DoMiMQi'i:),  coadjuleur  du  do- 
luinicaiu  Ignace  Delgado,  vicaire  a|iost(tliquȔ 
dans  U'  'l'o'iquin  oriental,  fiM  (h'capilé  le 
2.">  juin  18;KS,  après  cpiarante-neuf  ans  ^['!^- 
postolat. 

llf':NEl)lNE  i'-ainle'*  ,  fut  martyrisée  en 
Sardaigne,  pour  riininu'urde  la  religion  chré- 
tienne et  pour  la  rléfense  de  sa  foi.  Les  com- 
pagnons de  son  martyre  sont  saint  Juste  cl 


4145  IIKN 

s.iinie  Juslino.  L'Egliso  lait  leur  inéinoirc 
le  IV  mai. 

IH'NUI  (saint),  nrchov^^que  (riJj)s«l,  inar- 
tvr,  l'tait  Anglais.  Il  alla  pn^hor  la  loi  ca- 
l'li()li(|iit>  aux  pciiplcs  (lu  Non!  avec  un  de  ses 
coiii|)atri()U'sa|>|)(!l(^  Nicolas  Hrcakspoar,  (|ui 
devint  papo  sous  le  nom  d'Adrit'ii  IV.  Notr-o 
saint  avait  été  sacn^  arcIicvcNpu'  d'IIpsal  eu 
11V8,  i)ar  ce  nuMue  Nicolas  l^rcakspcar  :  il  l'ut 
l)i(Milôt  a)ii(\s  envoyé  en  Finlande  par  le 
saint  roi  Kiic  (pii  venait  d(>  soumettre  C(3 
pavs  ot  voulait  y  établir  rKvan;j;ile.  Ses 
grands  travaux  apostolitiues  lui  méritèrent 
le  titre  d'apôtro  de  cette  contrée,  mais  il  no 
put  les  continuer  aussi  lon|:;ICH)ps  (lu'il  au- 
rait voulu.  Un  meurtrier,  qu'il  avait  essayé 
de  ramener  au  repentir,  excita  les  infidèles 
^  le  lai)iiler,  et  il  souH'vit  le  martyre  l'année 
1151.  l.a  ville  d'U|>sal  eut  une  grande  véné- 
ration pour  son  toud)eau  jus(]u'au  xvi'  siècle, 
épo(|uu  à  hujuelle  les  hérétiques  dispersè- 
rent SCS  cendres.  Il  est  inscrit  au  Martyro- 
loge romain  le  11)  janvier. 

HENIU  Vin,  roi  d'Angloterre,  tils  et  suc- 
cesseur de  Henri  VII,  monta  sur  le  trône  en 
1501),  à  lilge  de  dix-neuf  ans.  Il  obtint,  dis- 
jiense  du  pai)e  jiour  épouser  Catherine  d'A- 
ragon, veuve  de  son  frère.  L'histoire  rap- 
porte que  celte  princesse  avait  été  mariée 
sans  cesser  d'être  vierge,  son  mari  n'ayant 
pas  consounné  le  mariage  avec  elle.  Pendant 
longtemps,  Henri  se  montra  lier  de  sa  femme 
qui  lui  donna  cinq  enfants.  Tous  moururent 
en  bas  Age,  hormis  la  princesse  IMarie,  qui 
monta  sur  le  trône  plus  tard.  Malheureuse- 
ment Henri  était  de  sept  ou  huit  ans  plus 
jeune  que  Catherine.  Cette  disproportion 
d'âge  et  les  passions  violentes  du  roi  furent 
cause  qu'il  se  livra  à  des  amours  illicites.  U 
eut  pour  maitresse  Maj-ie  de  Boulen,  sœur 
de  la  laineuse  Anne  qui,  depuis,  monta  sur 
le  trône  d'Angleterre  à  titre  d'épouse  quand 
Henri  eut  divorcé  avec  Catherine.  On  j)ré- 
tend  môme  que  la  mère  de  ces  deux  maîtres- 
ses du  roi  eut  avec  lui  les  mêmes  rapports 
que  ses  deux  tilles,  et  que  la  dernière,  Anne, 
éiait  la  tille  de  Henri.  Cefait  n'est  pas  prouvé; 
mais  rien  ne  peut  étonner  de  sa  part.  Quand 
on  examine  la  vie  de  ce  monstre  d'iniquité, 
de  ce  Néron  de  l'Angleterre,  on  n'est  point 
surpris  qu'il  ait  pu  faire  sa  maîtresse  de  sa 
lille  naturelle,  et  ensuite  signer  de  sa  main 
son  arrêt  de  mort.  Quoi  ((u'il  en  soit  de  ces 
infamies,  ce  fut  la  passion  du  roi  pour  ceîte 
jeune  lille,  xVnne  de  Boulen,  qui  fut  la  source 
fatale  de  tous  les  malheu  s  de  l'Angleterre  et 
de  l'Eglise.  Nous  y  reviendrons  bientôt. 

A  côté  de  cette  origine  honteuse  de  l'E- 
glise protestante  d'Angleterre,  si  tière  et  si 
orgueilleuse  de  sa  prétendue  réforme,  si  im- 
placable dans  ses  haines  contre  l'Egiise  ro- 
maine. Dieu  a  voulu  mettre  tout  ce  qui  peut 
le  plus  Ihamilier.  A  cette  épo  [ue,  Luther, 
dont  l'Anglcti'rre  a  depuis  embrassé  le  parti, 
prêchait  ses  doclrines  en  Allemagne.  L'a[)0- 
logiste  le  plus  ardent  peut-être,  sinon  le 
plus  fort  de  l'Eglise  romaine,  fut  ce  môme 
Henri  VIII,  qui  bientôt  devait  se  séitarer 
d'elle.  Il  écrivit  contre  Luther  une  réfutation 


HEN 


1U6 


(pii  lui  mérita  de  la  part  du  pape  /e  titre  de 
Défenseur  de  l'Iù/liseet  de  la  foi.  Il  avait  écrit 
h  I  empereur  Charles-Quinl  et  à  Frédéric  hs 
I*acili(pi(%  électeur  |)alatiii,  pour  les  engager 
a  réprnuer  les  prédications  du  moine  héi'é- 
siai'(jue,  et  h  arrête!'  les  j)r()grès  de  ses  doc- 
trines, (pi'il  ([ualitiait  ue  pestihmlielles.  H 
s'cui  était  suivi  une  réponses  de  Luther-  dans 
la(pielle  ce  moine  fuiiborid  traitait  le  roi 
d'Angleterre  de  menteur  effronté  t/ui  lui  jetait 
delà  houe  puante.  Il  Unissait  [)ai'  le  (pialititT 
dv maraud.  «  J'ai  à  traduire  la  Bible, disait-il; 
mes  o(;cupations  ne  nre  j)er'mettent  j)as  d(i 
barbotter  plus  lorrglemps  dans  la  lierile  de 
Sa  Majesté.  Une  antre  fois,  si  Dieu  le  veut, je 
pr-endi'ai  mes  aises  pour  répondre  h  cette 
bouche  royale  (pii  bave  le  mensonge  et  le 
poison.  Il  a  volé  la  couronne  d'Angleterre, 
comme  le  pape  a  volé  sa  tiare;  ils  se  frottent 
l'urr  à  l'autre  connue  deux  mulets.  Courage  1 
dit-il  plus  loin,  cochons,  br-r^ilez-moi  donc  si 
vous  l'osez  !  »  Nous  en  passorrs,  et  des  plus 
b  Iles.  Quelles  paroles!  quel  style  1  Voilà 
pourtant  <;e  que  Poméranus,  disciple  de  Lu- 
ther', disait  dicté  à  son  maître  par  le  Saint- 
Esprit  !  N  est-ce  j)as  à  rougir  de  honte  d'ap- 
partenir à  une  religion  dont  le  chef  se  rend 
coupalde  de  telles  irrfamies  de  langage?  Plus 
tard,  Luther  écrivant  à  Henri,  qu'il  espère 
pr(mdre  dans  les  lilets  de  son  hér'ésie,  lui  dit 
(jue  c'est  avec  crainte  qu'il  s'adresse  à  lui. 
«  J'ai  dû  offenser  Votr'C  Majesté  dans  le  li- 
belle que  j'ai  écrit  en  cédant  à  des  conseils 
perfides  :  ce  libelle  je  ne  l'ai  pas  écrit  en  cé- 
dant à  mes  instincts;  mais  bien  comme  un 
insensé  et  un  étourdi.  »  Ici  Luther  est  moins 
prétentieux  que  ne  le  sont  ses  disciples  pour 
lui  :  il  ne  prétend  pas  avoir  été  inspiré  du 
Saint-Esprit.  Du  reste,  il  revient  à  sa  façon 
chtM'ie  de  discuter,  en  disant  au  roi  qu'il 
sait  bien  que  le  libelle  publié  sous  son  nom, 
à  lui  Henri,  est  un  faux,  qu'il  émane  de  gens 
qui  ont  abusé  du  titre  et  du  nom  du  roi,  ne 
sentant  pas  le  péril  qu'ils  se  préparaient  à 
eux-mêmes  dans  l'ignominie  royale  ;  notam- 
ment, dit-il,  ce  monstre  ennemi  de  Dieu  et  des 
hommes,  ce  cardinal  d'York,  peste  de  votre 
royaume.  Luther  continue  eu  cher-chant  à  ga- 
gner le  roi  à  sa  doctrine,  de  la  façon  la  plus 
artificieuse. 

Henri  Vill  reprit  la  jilume  ;  se  reconnais- 
sant l'auteur  de  l'écrit  que  Luther  qualifie  de 
libelle,  il  réfute  solidement  les  erreurs  prin- 
cii)ales  et  les  assertions  du  moine  héiésiar- 
qiie.  Il  établit  la  suprématie  de  l'Eglise  ro- 
mauie  ;  il  exalte  la  charité,  le  respect  dû  au 
pape,  aux  conciles,  la  croyance  au  libre 
ariiitre.  En  un  mot,  il  fait  des  doctrines 
de  Luther  un  examen  et  une  réfutation  vrai  ' 
ment  admirables.  Dieu  vo  dait  que  l'homme 
qui  devait  séparer  l'Angleterre  de  l'Eglise 
catholique,  qui  devait  l'amener  à  croire  la 
plupart  des  erreurs  de  Luther,  éiM'ivît  ainsi 
sa  pr.'tpre  condamnation,  afin  qu'il  fût  bien 
démontré  à  tous  que  ce  n'était  pas  pour  une 
question  de  foi  que  Henri  VIH  agissait.  Oui, 
c'est  la  honte  de  l'Angleterre  actuelle  que 
cette  véi'ité  historique  :  elle  s'est  séparée  de 
Home,  non  point  à  cause  de  la  foi,  mais  parce 


«147 


HEN 


UE^i 


UiS 


qu'Ht'nri  \'IlI,sans  cela,  n'eût  pas  pu  éiiou- 
scr  et  garder  sa  maîtresse.  Ce  ne  sont  poiut 
ses  convictions  à  elle  qui  l'ont  amenée  à  ce 
grand  acte,  c'est  la  |)assion  désordonnée  du 
souverain  ([ui  l'a  décidée,  et  sa  tyramiie  af- 
freuse ({ui  l'a  fait  exécuter.  Les  Anj^iais,  eu 
se  séparant,  n'ont  pas  l'ait  acte  de  volonté, 
de  conscience,  ils  ont  fait  acte  de  lâcheté  en 
obéissant,  de  crainte  do  mourir,  à  un  tyran 
que  la  passion  égarait.  Ne  soyez  donc  point 
si  liers  dans  vos  attaijues  contre  l'Eglise  ro- 
maine !  Cette  séparation,  c'est  la  consonuna- 
lion  de  la  turpitude  d'un  tyran  et  de  l'abais- 
sement de  tout  un  peuple.  Kt  ce  roi,  non  con- 
tent d'avoii' défendu  la  foi  dans  ses  principes 
qu'attn(iuail  Luther,  avait  condannié  chez  cet 
liérésiaruuo  ce  commerce  iliégitiuic  que  lui- 
même  allait  bientôt  vouloii'  faire  sanctionner 
5  son  profit.  «  Rends  au  cloître  la  chétive 
fennne  (  CiuUcaubri.md  traduit  rexpression 
de  Henri,  muliercula,  plus  polimoTit  que 
nous  n'eussions  fait  ),  épouse  adultère  du 
Christ,  avec  lacjuelle  lu  vis  sous  h;  nom  d'é- 
poux dans  une  très-sci'lérate  déliauche,  et 
ime  double  danniation.  »  (  Chateaubriand, 
Essai  sur  la  littcralurc  anglaise.  )  Ce  piince 
ne  voulait  pas  l-iisser  sans  une  flétrissure 
tombée  de  sa  [)lume  un  seul  des  crimes  que 
Lientùt  il  allait  commettre. 

Vingt  ans  durant,  Henri  VUI  resta  dans 
les  liens  de  son  mariage  avec  Callieiine, 
sans  les  trouver  douteux  ;  mais  étant  devenu 
éperdument  amoureux  d'Anne  de  Boulen,  il 
commcnra  à  douter  de  la  validité  de  son  ma- 
riage. Anne  de  lîoulen,  qui  craignait  que  le 
roi  ne  la  renvoyât  connue  sa  sœur,  lui  avait 
fuit  insinuer  en  secret  l'idée  de  divorcer  avec 
Catherine  et  de  la  prendre,  elle,  pour  épouse. 
Henri  commença  donc  à  élever  des  doutes 
sur  la  validité  de  son  mariage.  11  ne  dit  pas 
d'abord  le  vrai  motif,  le  but  ([u'il  voulait  at- 
teindre :  il  craignait,  dit-il,  ([ue  l'ordre  à  la 
succession  du  trône  fût  troublé.  Il  avait  une 
iille,  la  princesse  ^lario,  de  Catherine  d'Ara- 
gon :  bien  (pie  cette  princesse  eût  été  recon- 
nue dès  son  enfance  comme  héritière  du 
royaume;  bien  que  le  mariage  (pj'avait  con- 
tracté le  roi  eût  été  conclu  du  consentement 
unanime  de  tous  les  ordres  du  royaume,  il 
éleva  des  doutes  sur  les  droits  de  la  |)rin- 
cesse  à  la  succession,  et  sur  la  validité  de 
son  mariage,  disant  que  le  pape  avait  oiitre- 
|)assé  ses  droits,  ses  pouvoirs,  en  lui  don- 
nant dispense  pour  épouser  sa  belle-sœur. 
Il  envoya  partout,  notamment  en  Allemagne, 
(piéter  des  coii.Miltations,alin  d'avoir,  si  faire 
se  pouvait,  quel((u'un  de  son  avis.  Tout  le 
inonde  h-  coniamnail,  voire  môme  les  liéré- 
tiqnr's.  Ouand  on  pai-la  de  celle  allaire,  lors- 
(jiie  \h;<\vï  (il  oll'rir  p;;r  amb;is>>a!e  (h;  scjijin- 
dre  à  la  ligne  pioleslante,  .Mél.inchlhon  ren- 
dit celle  décisirjii  :  '<  Nous  jiensons,  contre  les 
amb;is.sa(](Mirsd'Aiiglelerre,  que  la  loi  de  ne 
pas  épouser  la  f(,'mm(;  de  son  frère  est  sus- 
ce|»lible  ilc  dispense,  (juoi(jue  nous  ne  la  re- 
gai-dions  p.is  commi;  .'iK^lic'.  »  (  Liv.  iv,  ép. 
IH.i.  j  Luther  lui-même  (  Ep.  Hala>  1717  ) 
dit  :  a  Av.inl  de  doMn<'r  apjirobalion  à  ce  di- 
voicc,  j'aurais  pliilAl  permis  au  roi  d'éjtouser 


une  seconde  reine  et  d'avoir  plusieurs  épou- 
ses, à  l'exemple  des  ['atriarches  et  des 
rois. 

Henri  demanda  au  pape  Clément  VII  de 
déclarer  nul  son  mariage  avec  Catherine; 
mais  en  même  temps  qu'il  voulait  que  le 
pape  déclarât  que  son  prédécesseur  n'avait 
pu  accorder  dispense  pour  é[)ouser  une 
belle-sà'ur,  il  lui  demandait  dispense  nou- 
velle pour  épouser  n'impoiie  (pielle  femme, 
fût-elle  [)arenledu  roi  au  premier  degré  d'af- 
{inité,  ou  même  mariée  à  un  autre,  sans  que 
le  mariage  eût  été  consommé.  Ainsi  il  vou- 
lait (jne  le  [)ape  décidât  la  (juestion  eu  deux 
sens  diamétralement  opposés.  Pourquoi  de- 
mandait-il cette  dernière  dispense?  est-ce, 
comme  le  dit  llorhbacîicr,  parce  ([u'il  consi- 
dérait Anne  de  Boulen  comme  sa  parente, 
puisqu'il  avait  eu  des  rap{>orts  charnels  ave 
sa  sœ^ur,  et  qu'on  disait  qu'elle  avait  été  ma- 
riée eu  secret  à  i:n  autre  ?  C'est  i)Ossible  ; 
mais  ne  serait-ce  point,  aussi  à  cause  des  ra[)- 
ports  qu'il  aurait  eus  avec  la  mère  d'.\nne 
do  Boulen,  voulant  ainsi  que  la  dispense  pa- 
pale s'étendît  ju.scju'à  permettre  le  mariage 
avec  sa  1111e  naturelle  '? 

Clément  ^'11,  qui  connaissait  le  cœur  hu- 
main, et  (jui  savait  que  l'amour  est  une  pas- 
sion qui  s'use  vite,  jugea  à  pro[)Os  de  tem- 
poriser. Il  regarda  le  roi  comme  un  malade 
en  proie  à  un  mal  pour  lequel  il  ne  faut  jias 
brusquerie  traitement.  Il  avait  raison: Henri 
n'aima  jias  toujours  Anne  de  Boulen,  et  quand 
il  cessa  de  l'aimer,  il  lit  déclarer  nul  ce  nou- 
veau mariage,  et  lit  décapiter  cette  femino 
qui  ne  régnait  plus  dans  son  cœur.  Pauvres 
sentiments  humains  !  Que  serait  la  société, 
si  Dieu  et  les  lois  n'établissaient  pas  ses  ba- 
ses sur  le  devoir  plutôt  que  sur  les  passions 
humaines? 

Le  pape  envoya  en  Angleterre  le  cardinal 
Campige,  qui  montra  dans  cette  ad'aire  une 
prudence  et  une  modération  inlinies,  mais 
que  rien  ne  put  faire  varier  de  la  ligne  du 
juste  et  du  vrai.  Le  cardinal  AVolsey,  qui  lui 
prêta  son  concours,  fut  disgracié  à  l'instiga- 
tion de  la  favorite.  Il  se  retira  dans  ses  ter- 
res et  ne  voulut  jamais  donner  son  approba- 
tion 5  la  conduite  du  roi,  qui,  en  io'.iO,  l'en- 
voya prendre  iiour  le  faire  mettre  â  la  Tour 
de  Londres  ;  mais  il  mourut  en  chemin,  dans 
sa  soixantième  année;  ;  sans  cela  il  aurait  eu 
le  mémo  soi-t([ue  Thomas  Morus  cl  tant  d'au- 
tres. 

Les  choses  ne  touniaienl  pas  au  gré  do 
Henri  :  l'empereur  faisait  une  ojjposition  cx- 
trênuMuenl  vive  h  ses  desseins,  le  pape  ré- 
sist.iit  ;  il  (lui  compreiidre  (pi'il  s'était  jeté 
dans  des  (lihieullés  sans  nombre.  Alors  il  fut 
sur  le  ])oint  de  reculer.  Il  aila  même  jus(|u'il 
dire  (pi'il  n'aurait  jias  demandé  le  divorce, 
(pi'il  n'y  aurail  p.is  songé,  s'il  ne  s'était  cru 
biim  sûr  d'obtenir  la  dispense  du  |)ape.  L'es- 
j)éianc(!  ri'venail  (fins  le  co'ur  des  gens  do 
l)i(Mi.  Aiuied(!  Boulen  et  ses  paiti.sans  étaient 
altérés.  Thomas  Ciomwell  a|)porla  aux  des- 
seins du  roi  le  c(»ncoius  de  son  audace  (ît  du 
son  astuce.  Llev('' à  l't'cole  de  Machiavel,  ecît 
homme,  (ils  d'un  hnilon  des  environs  de  Lon- 


1149 


Hl.N 


HUN 


nno 


drcs.  Soldai  d'ahoi-d,  inarcliainl  ciisiiitc,  avait 
ét(^  (Miiplnyé  par  WoIscn  pour  Iravaillcr  h  la 
dissolution  d'un  corlain  nonibrcdc  coiivcnls 
aux(|U('ls  co  cardinal  voulait  sul)slitu('r  ses 
coll(''^os.  11  avait  nioiitri^  un(>  ^i-andc  liabi- 
lotL'  dans  colto  all'ain'  :  aussi  avait-il  ga^ii6 
tonto  la  conliaiire  (I(ï  Wolsey.  Il  l'avait  suivi 
dans  sa  dis^nlco,  (M-oyant  (pTclle  ne  serait 
pas  de  longue  durcie;  mais  il  n'avait  pas  lardé 
a  le  (juiller  pour  revenir  h  la  coui'.  Il  n'était 
pas  lioninie  ;\  restei-  lidèN'  au  niallieui"  :  il 
avait  moins  de  ((eurrpio  d'ambilion,  et  l'am- 
l)ition  tourne  toujours  ses  regards  vers  le  so- 
leil levant  d(^  la  l'orlune  et  de  la  j)uissan(;o. 
Le  roi  le  eonlirma  dans  l'intendance  des  ter- 
res d(>s  monastères  (]ne  Wolsev  avait  sup- 
j)rim6s.  Cromwell  demand-i  elohlinl  une  au- 
dience. «  Sire,  lui  dil-il,  je  ne  |)uis  me  taire 
«piaïul  je  vois  rin(pii(''tu(ie  où  vous  (Mes.Ou- 
liliez  ma  présomption  pour  ne  voir  (piemoii 
<lévouement.  Les  savants,  leS' universités  de 
votre  io\\-unne  a[)))ronvont  votre  divorce,  le 
pape  seul  refuse.  Passez-vous  du  |)apo,  imi- 
tez les  [)rinces  d'Allemagne  qui  ont  secoué 
sou  joug.  J)éclarez-vous  chef  do  l'Eglise  dans 
votre  royaume.  »  Henri  fut  surpris,  mais  il 
était  enchanté  d'un  tel  conseil  :  il  nomma 
Cromwell  membre  de  son  conseil  privé.  La 
difiiculté  était  de  faire  accepter  au  clergé 
celte  suprématie  royale:  les  successeurs  des 
saints  deviendraient-ils  des  apostats? 

En  lo.'U,  Thomas  Cronnvcll  (il  accuser  tout 
le  clergé  d'Angleterre»  d'avoir  violé  les  sta- 
tuts de  prœmunire.  C'étaient  des  statuts  qui 
défendaient  d'exécuter  en  Angleterre  sans 
permission  royale  certaines  décisions  et  sen- 
tences du  clief  de  l'Eglise  universelle  :  c'é- 
tait une  sorte  de  concordat  comme  il  en  existe 
chez  nous,  malheureuse  concession  que,  par 
crainte  de  plus  grands  maux,  l'Eglise  avait 
été  obligée  de  faire,  mais  qui  n'était  ni  plus 
rationnelle  ni  plus  juste  au  fond  que  les  arti- 
cles organiques  subrepticement  ajoutés  chez 
nous  au  Concordat.  Le  clergé,  pour  éviter  un 
jugement  et  obtenir  pardon,  olfiit  un  présent 
ou  plutôt  une  rançon  de  cent  mille  livres  ster- 
ling. Le  roi  refusa: il  demanda  qu'on  mît  dans 
l'acte  d'offrande  une  clause  qui  établit  le  roi 
«  comme  le  protecteur  et  le  chef  suprême  de 
l'Eglise  d'Angleterre  et  du  clergé.  »  Le  clergé 
vit  le  danger,  il  refusa  ;  on  proposa  des 
moyens  qui  furent  rejetés;  le  roi  proposa 
une  rédaction  qui  ne  fut  pas  acceptée.  War- 
ham  de  Cantorbéryy  inséra  un  amendement 
qui  portait  :  AxUant  que  le  permet  la  loi  du 
Christ.  Tunstall,  évèque  de  Durham,  Guil- 
laume de  Warham,  archevêque  de  Cantor- 
béry,  protestèrent  en  disant  que  si  cette 
clause  avait  pour  but  de  dire  que  le  roi  était 
le  chef  du  temporel,  il  n'y  avait  pas  besoin 
de  la  mettre  ;  que  si  elle  signiliait  davantage, 
elle  était  un  attentat. 

Jusqu'alors  Henri  avait  espéré  effrayer  le 
pape  et  en  obtenir  son  divorce.  Le  "25  jan- 
vier 1533,  il  ordonna  au  docteur  Lée,  son 
chapelain,  de  dire  la  messe  de  très-bonne 
heure  dans  une  des  chambres  du  palais.  11 
s'agis-ait  de  marier  le  roi  avec  Anne  de  Bou- 
len  déjà  enceinte.  Ce  cha^jelain  résista  d'a- 


bord, mais  Henri  l'assura  (juo  le  nape  vetjail 
de  |)rononcer  en  sa  laveur,  (!t  (pi'il  avait  dans 
son  cabinet  l'acte  uni  uorlait  cette  déci- 
sion. 

Sur  vo>i  entrefaites,  l'archevôque  de  Can- 
torbéry  étant  mort,  encore  plus  de  douleur 
de  voir  c(!  (jue  le  roi  prépai-ait  de  maux  à 
l'Eglise  (pie  de  son  grand  Age  et  de  ses  infir- 
mités, Henri  nomma  à  sa  place  'l'homas  Cran- 
mer,  (pii,  envoyé  [)Our  l'alfaire  du  divorce 
en  Italie,  sut  si  l)i(!n  dissimuler,  que  le  pape 
le  lit  son  pénitencier  dans  le  royaume  de  la 
(jrand(>-Hr('tagne.  Le  pape  a|)prouva  la  no- 
mination de  Cranmer,  (|u'il  ne  soupçonnait 
j)as  cou|)able  d'autre  chose  (pie  de  soutenir 
la  nullité  du  mariage;  de  Henri,  question  qui 
du  reste  n'était  pas  encoi-e  décidée.  L(;  pa[)0 
ignorait  cpi'aufond  Ci-anmerétait  luthérien, 
qu'en  (piittant  Home  il  avait  pris  uik^  femme 
en  Allemagne,  et(|u'il  l'avait  amenée  on  An- 
gleterre. Cet  homme,  (pii  avait  à  son  sacre 
fait  serment  de  lidélité  à  l'Eglise  romaine 
qu'il  détestait  ;  ([ui  disait  la  messe  et  qui  n'y 
croyait  pas,  continua  admirablement  son 
rôle  d'hy[)Ocrite.  En  avril  1533,  il  écrivit  au 
roi  une  lettre  très-sérieuse  dans  la  forme,  à 
l)ropos  de  son  mariage  avec  Catherine,  lui 
disant  que  ce  mariage  scandalisait  tout  le 
monde  ;  que  quant  à  lui  il  était  résolu  à  ne 
pas  soulfrir  ce  scandale;  que  conséquera- 
incnt,  il  le  suppliait  de  lui  accorder  la  per- 
mission d'examiner  la  question  du  divorce, 
ajoutant  ({u'il  y  avait  ui-geiice  pour  lui  à  ne 
pas  vivre  plus  longtemps  dans  l'inceste.  Le 
roi  répondit  comme  il  était  convenu  à  cette 
comédie.  L'archevêque  se  transporte  au  châ- 
teau que  la  reine  Catherine  habitait  dans  le 
comté  de  Herfort.  Là,  il  procède  et  cite  de- 
vant lui  le  roi  et  la  reine  :  celle-ci  ne  com- 
paraît pas.  L'archevêque,  jugeant  par  contu- 
mace, déclare  le  mariage  nul  et  prend  dans 
ce  jugement  le  titre  de  légat  du  saint-siége. 
Plus  tard,  siégeant  à  Lamijeth,  il  prononça 
la  validité  du.  mariage  de  Henri  et  d'Anne  de 
iJoulen,  en  vertu,  dit-il,  de  l'autorité  qu'il 
tenait  du  successeur  des  apôtres.  Plus  tard, 
ce  même  Cranmer  prononça  la  nullité  de  co 
second  mariage  du  roi. 

Le  pape,  ne  pouvant  plus  attendre,  fut 
obligé  de  casser  la  sentence  prononcée  par 
Cranmer,  et  déclara  Henri  et  Anne  excom- 
muniés, s'ils  ne  s'étaient  séparés  avant  la  Un 
de  septembre  ;  en  septembre  le  pape  prolon- 
gea le  délai  jusqu'en  octobre.  Henri  appela 
du  pape  à  un  concile  général.  Le  pape,  le 
23  mars  153i,  tint  un  consistoire,  où  sur 
vingt-deux  cardinaux,  dix-neuf  se  pronon- 
cèrent sur  la  validité  du  mariage  de  Cathe- 
rine. «  On  croit  génér.demcnl,  sur  l'autorité 
de  Fra-Paolo  et  de  Dubellay,  frère  de  l'évè- 
que  de  Paris,  que  la  séparation  provint  de 
la  précipitation  de  Clément.  Ils  disent  que 
le  prélat  demanda  du  temps  pour  recevoir  la 
réi)onse  de  Henri,  qu'il  espérait  être  favora- 
ble ;  qu'on  lui  refusa  le  court  délai  de  six 
jours,  et  que  deux  jours  après  la  sentence,  il 
arriva  un  courrier  porteur  des  dépèches  les 
plus  conciliantes.  Il  est  certain  que  l'évêque 
attendait   une   réponse  à  sa  lettre,  et   il  est 


llol 


HEN 


IlEN 


«52 


très-probable  qu'il  arriva  un  courrier  ajirès 
la  sentence  ;  mais,  1"  il  est  douteux  qu'il  ait 
demandé  un  délai  jusqu'à  larrivét;  du  cour- 
rier, car  dans  la  narration  qu'il  donne  lui- 
même  de  ses  démarches,  il  n'en  lait  aucune 
mention,  et  au  lieu  de  s'être  rendu  au  consis- 
toire pour  le  demander,  il  était  certainement 
absent  et  il  se  rendit  ensuite  auprès  du  pape 
atin  de  savoir  le  résultat.  2"  Il  est  certain 
que  la  réponse  jjorlée  par  le  courrier  était 
défavorable,  parce  que  toutes  les  actions 
de  Henri,  vers  l'époijue  où  il  le  dépêcha, 
prouvent  sa  détermination  do  se  séfiarer  en- 
tièrement de  la  conniuinion  papa  e.  3°  La 
senteiice  portée  par  Clément  ne  |)ouvait  être 
cause  de  cette  sé[)aration,  puis(pie  h;  bill  (pii 
abolissait  le  pouvoir  des  ()apes  dans  le 
royaume,  fut  présenté  à  la  Chambre  des  com- 
munes au  connnenccment  de  mars,  transmis 
aux  lordsla  semaine  suivante, ap[)rouvécinq 
jours  avant  l'airivée  du  courrier  à  Rome  et 
reçut  la  sanction  royale  cinq  jours  après. 
L'approbation  de  la  c-liambre  des  pairs  est  du 
20  mars,  le  courrier  était  arrivé  le  25  et  la 
sanction  du  roi  est  du  30.  11  n'est  pas  possi- 
ble qu'une  opération  faite  à  Rome  le  23  ait 
pu  déterminer  le  roi  à  donner  son  assenti- 
ment le  30.  »  (Lingard,  t.  VI,  p.  293,  note.) 
Le  parlement  déclara  le  prenner  mariage 
du  roi  illégal,  et  le  second  avec  Anne  de 
Roulon,  légal  et  valide.  Les  enfants  de  Ca- 
therine furent  déclarés  iidiabiles  à  la  succes- 
sion au  trône,  au  détriment  de  ceux  d'Anne 
de  Boulen.  Les  deux  honnnes  les  plus  re- 
cornmandablcs  de  l'Angleterre,  Thomas  Mo- 
rus  et  Fisher,  évêque  de  Rochester,  ayant 
constamment  refusé  de  prêter  serment  d'o- 
béissance à  l'acte'  du  i)arlement  et  à  ses  con- 
séquences, c'est-à-dire  à  la  reconnaissance 
du  roi  comme  chef  de  l'Kglise  d'Angleterre, 
furent  tous  deux  eni|)risonnés,  connue  on 
peut  le  voir  à  leurs  titres,  condamnés  à  mort 
et  exécutés.  La  mort  de  ces  deux  martyi's  ne 
produisit  point  en  Angleterre  cette  tiaiiite 
émulation  du  martyre  (jue  dans  la  pi'imilive 
Eglise  le  sang  des  premiers  chrétiens  faisait 
naître.  Le  clergé  piesque  toulinitier,  sui'tout 
le  cor[)s  des  évê(jues,  se  montra  lâchement 
obéissantaux  exige. n-(is  du  souverain.  On  vit 
tous  ces  prélats,  ai)ostasiant  leur  loi,  leurs 
convictions,  monter  en  chaire  pom'  [)rêcher 
l'obéissance  aux  décrets  et  oi'donnances  du 
roi  et  du  parhMnent  et  proilamer  Heni-i  \TII 
véritable  chef  (h;  l'Eglise  et  snccessimr  de 
saint  Pierre,  (^ohbet  s'exprime  ainsi  :  «  Lo 
devoir  le  plus  sacré  d'un  hislcjrion  est  de  si- 
gnaler à  l'estime  et  à  l'.idmiiation  de  la  |)0s- 
létité  les  hommes  (jui  osent  embrasser  la 
défense  de  l'iiniocence  contre  les  nu-chants 
armés  du  pf)uvoir.  Je  lerai  donc  ici  unemen- 
lion  particulière;  di;  deux  religieux  i'raneis- 
cains,  rrommés  l*eylo  (!t  l^lstow.  Le  pr-emier, 
j)rê(h,uil  un  join-  devant  le  roi  (piehpie  linnps 
après  son  mariage;  avec  Arnie  d(;  Houhni,  (;t 
jiienant  pour  texte  le  passage;  du  premi(;r 
livre  des  l\ois  dans  l(;<pn;l  Michéc  pro|)hétise 
contre;  Ae;|iab,  ejui  étarl  entouré  eh-  llaltenu's 
et  (II- p((,[)iict(;s  iinpMsteîiirs,  ne;  crviignil  pas 
de  dire  :  Je;  .suis  Michée,  vous  me  dét  sler<'/. 


parce  que  je  suis  forcé  de  déclarer  que  ce 
mariage  est  illégal.  J(>  n'ignore  pas  que  jo 
mangerai  le  pain  de  l'allliction  et  qu(\je  boi- 
rai l'eau  de  la  douleur  ;  mais  puisque  le 
Seigneur  m'a  mis  eetle  vérité  dans  la  bouche 
je  la  dirai.  Vos  llatteairs  sont  les  quatre  cents 
pro|)hètes  dont  l'esprit  mentemr  cherche  t\ 
vous  trompen".  En  ve)us  laissant  séduire,  pre- 
ne'z  garch;  de  ne  pas  subir  un  jour  le  châti- 
ment d'-Vchab,  doit  h's  ehie'ns  burent  le 
sang.  »  Le  reù  ne  parut  faire  aneune  at- 
tention à  ce  reproche,  mais  le  dimanche  sui- 
vant, un  certain  Cnrwin  prêcha  dans  le  même 
lieu  devant  lo  r-e)i  et  traita  IVyto  ele  ehien, 
de  calonmiateur-,  de  vil  moine  mendia.nt,  de; 
rebelle,  et  de;  traître,  aje>ulant  epi'il  s'était 
enfui  de  honte  et  de;  [)eur.  Dans  ce  morne  nt 
Elslow,  qui  était  |)résent,  et  qui  appartenait 
à  la  même  congrégation  epie  Peyto,  apostr'o- 
phant  Cnrwin  à  haute  voix,  lui  dit  :  «  Mon 
bon  monsieur,  vous  savez  aussi  bien  (\vni 
qui  que  ce  soit,  que  Peyto  est  allé  assister  à 
un  synode  provincial  à  Cantorbéry,  et  que 
ce  n'est  pas  la  crainte  epie  vous  ou  tout  au- 
tre lui  inspirez  epii  l'a  fait  fuir,  e-ar  il  revien- 
dra demain  :  mais  en  attenelant,  me  voici 
comme  un  autre  Michée  prêt  à  sacrifier  ma 
vie  pour  soute;nir  devant  Dieu  et  tous  les  ju- 
ges impar-tiaux  ce  eiu'il  a  avancé  d'a})i'ès  les 
saintes  Ecr'iturcs.  Et  c'est  toi  Cur\\in  que  je 
défie  à  ce  corubat,  car  tu  es  un  des  quatre 
cents  faux  proi)hètes  dont  l'esprit  de  juen- 
songe  s'est  em|)aré,  et  qui  cherchent  à  éta- 
blir- par  l'adultère  une  succession  qui  de- 
vr'a  conduire  le  roi  à  la  iierdition  éternelle.  » 
Stowe,eiui  r-apporte  ce  fait  darrs  sa  Chroni- 
que, élit  epi'Elstow  s'échautfa  tellement,  epi'on 
ne  parvirU  à  lui  imposer  silence  ([n'en  lui  en 
donnant  l'ordr-e  formel  au  nom  élu  roi.  Le 
jour  suivant,  les  doux  religieux  fur'cnt  man- 
dés devant  le  roi  et  son  conseil.  Henri  les 
ré[)rim;inda  feir'teni'nt  et  leur-  dit  e[u'ils  nié- 
riter'aient  d'être'  mis  élans  un  sac  et  précipi- 
tés élans  11  Tamise.  —  Réser-voz  de  sembla- 
bles menaces,  reprit  Elstow  en  souriant,  pour 
les  r-iches  e't  les  gour'mairels  vêtu>i  de  pour-])r'e 
qui  font  bonne  e;hère  et  mette-nt  tout  leur  es- 
I)e)ir  dans  ce  bas  monde.  Quaril  à  ne)us,  le)in 
d'etj  fair-e  aucun  cas,  nous  nous  réje)uir-ions 
d'avoir  été  chassés  el'ici  pour-  ave)irfail  ne)tre 
deve)ir.  Au  reste',  et  Die'ii  en  soit  le)ué  !  nous 
savons  (pje  lee-iel  ne)us  est  e)uver't,  soit  (jue 
nous  y  arrivietns  par  le'rre'  e)u  |)ar  mer. 

«  En  vér-iti',  e'e)uclul  le  prette'stant  Ce)l)bet, 
on  ne'  saurait  trop  aelmire;r  la  ce)nduite  de  ces 
deux  i'eligie;ux.  Si  h's  évêque-s  ou  se'ulerne'iil 
le  epiart  el'enilr'e  e'ux  avaient  me)nlr'é  aulant 
de  e'e)irr'age,  lo  lyr'an  airrait  éh'  arrête'"  au  mi- 
lieu eruiie'  e'ar'r'ièr'C  où  il  allait  se*  pi-éeipile'r 
eh'  eiime'S  en  crimes.  .Mais  la  résislanee'  de; 
ee;s  elenx  [)auvre's  re'ligie'ux  fut  la  se'uU'e|u'é- 
pre)uva  sa  ve)lonlé  eh' fe-r  ;  cir"e'e)nslane-e'  epii 
ele'vrail  suffire  pe)ur  nous  e-ngage-r'  ;i  hésiter 
avant  ele>  pai'Ier  eh'  Vi(jnoranir  e-l  eh'  la  .">u- 
prrslition  eh's  me)im's.  Dans  la  e'e)neluile'  do 
Pe'yto  et  d'i'llsleiw,  il  n'y  avait  jtas  ele  fana- 
tisme' ;  ils  n'étaient  epie;  les  eléfenseurs  de  la 
riie)rale;,  dans  la  cause-  d'une'  |)('rse)nne'  eju'ils 
n"avaie-nl  jarna  s    personnellement  connue. 


Ho5 


iii:n 


liEN 


i\U 


Ils  étaient  certains  (rencoiirir  les  peines  les 
plus  s(^vères,  |)eiit-(^ln!  nic^^mc^  la  iiioil  ;  et  eo- 
pondant  ils  ne  balancirent  [)as  un  instant. 
Je  ne  trois  pas  en  vérité  (pie  l'iiistoire  an- 
ciemu'  on  moderne  otlVe  un  trait  triiéroïsrnti 
qui  reini)orte  sur  eclui-ci.  »  (  (loi)ljet,  His- 
toire (ir  lu  reforme  <l' .{iK/Irterre,  lettre  .'{,  [iris 
dans  lloln-bacher,  vol.  Wlll,  pa^^  389.  ) 

Peyto  et  Klstow  furent  chassés  de  la 
cour,  et  connue  l'ordre  entier  était  dans 
les  mêmes  sentiments,  Henri  \l\\  jugea 
à  propos  d'agir  de  manière  h  détruire  , 
sinon  h  convertir  celt(^  opposition.  Tous 
les  Franciscains  de  l'étroite  obscivance 
furent  disjiersés  ;  plus  dt>  cinciuanle  mouru- 
rent dans  les  prisons,  les  autres  furent  ban- 
nis en  France  et  en  Ecosse.  Il  en  fut  de 
nuMne  des  religieux  de  Saint-lJruno.  Les 
l)rieurs  des  trois  chartreuses  de  Ik'lval,  d'A- 
xiholm  et  de  Lonilres,  ayant  \'X|)osé  hCrom- 
Avcli  leurs  motifs  de  r(i\iser  le  serment,  fu- 
rent emprisonnés  sous  la  prévention  de  crime 
de  haute  trahison  :  lesjurés  au\(}uels  on  les 
déféra  refusaient  de  les  coiidamner  ;  Crom- 
well  se  rendit  au  milieu  d'eux,  et,  par  ses 
menaces,  lesforça  île  rendre  um,' sentencede 
culpabilité.  Cinq  jours  après,  le  5  mai  1335, 
les  trois  prieurs,  avec  un  prétriî  séculier  et 
un  moine  de  Sion,  nommé  Reynold,  furent 
mis  à  mort  à  ïiburn.  Trois  moines  de  la 
Chartreuse,  qui  avaient  demandé  h  les  assis- 
ter à  la  mort,  furent  exécutés  le  18  juin.  On 
les  pendit,  on  les  décrocha  avant  qu'ils  eus- 
sent cessé  de  vivre,  puis  on  leur  déchira  les 
entrailles  et  on  leur  désarticula  les  membres. 
Ces  exécutions  terrifièrent  le  clergé  d'Angle- 
terre. L'apostasie  fut  le  refuge  de  tous  ses 
membres.  D'où  vient  cette  lâcheté?  Ne  fau- 
drait-il pas  l'attribuer  aux  ricliessesdu  clergé 
anglais,  au  luxe  dans  lequel  il  vivait?  Trop 
dejouissances  attache  aux  biens  de  ce  monde. 
Malheur  à  ceux  des  hommes  de  Dieu  qui  se 
font  grands  parmi  les  opulents  du  siècle  1 
Jésus-Christ  et  les  apôtres  ont  enseigné  la 
pauvreté,  la  aiortitlcation  ;  qui  souffre  ici- 
bas  pour  Dieu,  met  son  espérance  au  ciel 
dans  la  vie  éternelle  ;  qui  s'attache  aux  biens 
périssables  demeure  et  périt  avec  eux.  Tho- 
mas Cromwell  fut  nommé  par  Henri  son  vi- 
caire général  dans  la  direction  des  affaires  de 
tout  le  clergé  d'Angleterre.  Ainsi  le  clergé, 
qui  avait  eu  la  lâcheté  d'obéir,  trouva  sa 
punition  dans  l'avilissement  cju'il  y  avait 
pour  lui  à  obéir  à  un  homme  comme  Crom- 
Avell,  impie  et  athée. 

Ainsi  fut  consommée  la  séparation  de  l'E- 
glise d'Angleterre.  L'avarice  de  Henri  VIII, 
qui  voulait  s'emparer  des  biens  de  l'Eglise, 
et  sa  passion  qui  voulait  se  satisfaire  dans 
les  bras  d'Anne  de  Boulen,  furent  cause  de 
l'apostasie  du  roi  et  de  tout  son  royaume. 
Henri  se  fit  successivement  adjuger  par  le 
parlement  les  biens  des  monastères.  Crom- 
^vell,  trouvant  la  justice  tro[)  lente  à  son  gré, 
tra  icha  les  d.fïicultés  en  faisant  par  ordon- 
nance, et  en  sa  qualité  de  vicaire  ecclésias- 
ti(iue  du  roi,  ce  que  le  parlement  faisait  trop 
lentement  après  délibération.  Huit  mois 
après  son  mariage,  Anne  de  Boulen  aix-oucha 


d'une  fdlo,  (pii  fut  depuis  la  fameuse  Elisa- 
beth d'Anglelerrt!.  (>'*>//  son  article.)  Anne 
avait  été  la  nuiîtresse  du  roi,  (.>t  ou  su|)|io- 
sant  son  mariage  valiile,  Elisabeth  était  le 
produit  d'amours  illégitimes.  Anne  d(;  Bou- 
len menait  une  vie  toute  dillércMite  de  celle 
de  la  vertueuse  reiiu'  (pi'elle  avait  chassée 
du  trône.  On  dit  (pie  sa  conduite  libn;  et 
même  dissolue  était  l'objet  de  la  malignité 
publiipu'.  Henri  VHI,  occupé  à  voler  l'Eglise, 
à  faire  mourir  ceux  de  ses  sujets  (jui  refu- 
saient de  le  reconnaître,  ne  songeait  pas  aux 
désordres  de  sa  maison.  Catherine  mourut 
au  mois  de  janvier  liJ3G,  le  roi  prescrivit  à  la 
coin-  de  prendre  h;  deuil.  Anne  de  Boulen  se 
para  ce  jour-là  avec  magnificence,  et  dit  : 
«  C'est  donc  d'aujourd'hui  seulement  que  je 
suis  bien  reine  d'Angleterre.  »  En  mai  1530, 
on  donnait  un  tournoi  àCreenwicn  ;  Anne  y 
était  avec  le  roi.  Un  des  combattants  était  l'a- 
mant de  la  reine.  Elle  eut  le  malheur  de  lui 
faire  un  signe  alfectueux  :  le  soir  même  elle 
est  emprisonnée  h  (Ireenwich  ;  le  lendemain 
on  la  mène  à  la  Tour  de  Loîidres.  Cranmer 
la  fit  comparaître  avec  le  roi,  sous  prétexte 
que  leur  mariage  avait  été  illégal^  qu'ils 
avaient  vécu  dans  l'adultère.  Le  mariage  fut 
cassé,  et  l'enfant  d'Anne  déclaré  illégilime. 
On  la  décapita  dans  la  Tour  le  19  mai.  Le  roi, 
qui  avait  signé  de  sa  main  l'ordre  d'exécu- 
tion, s'habilla  de  blanc  ce  jour-là  en  signe  de 
n-jouissance.  Le  lendemain  il  se  maria  avec 
Jeanne  Seymour. 

En  1537  la  reine  mourut  en  couches  d'un 
fils  qui  régna  sous  le  nom  d'Edouard  VI. 
Peu  (le  temps  ajirès,  Henri  fit  rendre  une  loi 
qui  statuait  que  les  ordomiances  royales  au- 
raient force  de  loi,  tout  aussi  bien  que  celles 
émanées  du  parlement.  Le  digne  ministre  de 
ce  roi  bourreau  condamna  la  comtesse  de  Sa- 
lisbury,  mère  du  cardinal  Pokis  et  ses  autres 
parents,  parce  (]ue  ce  cardinal,  qui  était  absent; 
d'Angleterre,  avait  refusé  d'y  rentrer  lors  de 
l'affaire  du  divorce.  Deux  ans  a|)rès  la  mort 
de  sadernière  femme,  Henri  obtint  pour  fem- 
me Anne,  sœur  de  l'électeur  de  Trêves.  En 
la  voyant,  il  témoigna  qu'elle  lui  déplaisait 
étrangement.  Cependant  il  l'épousa,  se  ré- 
servant de  divorcer  avec  elle,  ce  qu'il  fit  on 
15iO.  Cranmer  brisa  encore  ce  nouveau  lien, 
et  Henri  épous.i  Catherine  Howard.  Pendant 
les  noces,  on  volait  les  églises,  on  assassinait 
les  saints,  on  pillait  les  monastères.  On  fit 
le  procès  de  saint  Thomas  de  Cantorbéry,  qui 
fut  cité  à  coin[)ar<iitre,  et  faute  de  ce  con- 
damné comme  coupable  de  haute  trahison. 
On  brû'a  ses  reliques  et  on  dispersa  les 
cendres.  Pendant  longues  années  Henri 
avait  eu  pour  lui  une  grande  vénération. 
Dans  ses  écrits  contre  Luther,  il  avait  cité  et 
invoqué  l'autorité  de  ce  saint  martyr  ;  mais 
on  sait  que  Henri  se  souciait  peu  que  sa 
conduite  fût  un  tissu  de  coutiadictions.  A 
tout  cela  il  ne  manqua  qu'une  chose,  la  si- 
gnification du  jugement  à  saint  Pierre,  pour 
qu'il  eût  à  chasser  du  paradis  un  saint  qui 
cessait  de  l'être  par  arrêt  de  la  cour  du  roi  ; 
mais  ce  forcené,  qui  commettait  de  telles  hor- 
reurs, voulait  donner  au  monde  le  plus  af- 


l!oo 


lîEN 


IIER 


Hôa 


freux  spectacle  qu'il  filt  possilHe  d'ima^mei*. 
Après  qucl(juos  mois  âc  mariaLte,  il  accusa 
sa  cin(]uièiiie  fenune,  Catlierine  Howard,  de 
n'avoir  pas  été  vierge  lors  de  son  inaria;jçe  : 
comme  il  n'exislail  aucune  loi  ipii  punît  un 
paroil  fait,  il  eu  lit  faire  une(|u"ii  rendit  ré- 
troactive pour  la  malheureuse  reine,  qui  fut 
condamnée  et  décapitée  en  février  loi--2.  Il 
é()0usa  une  sixième  femme,  ("atlierine  Parr, 
qui,  en  loVG,  ayant  eu  lemalheur  de  vouloir 
discuter  un  point  de  relii;ion  et  d'émettre  des 
idées  luthériennes  (pi'il  réprouvait,  fut  accu- 
sée par  lui,  et  ne  dut  son  salut  (pi'à  remi)res- 
sement  qu'elle  mit  à  rec(jnnaîtie  et  à  procla- 
mer hautement  son  infaillibilité  en  matière 
religieuse.  Enfin  ce  monstre,  déshonneur 
du  trône,  véritable  Néron  de  l'Anyielerre, 
connue  nous  l'avons  déjà  dit,  mourut  dans 
la  nuit  du  28  au  29  janvier  loV7,  âgé  de  cin- 
quante-six ans,  en  ayant  régné  trente-huit. 

On  ne  sait  ce  qu'il  y  a  de  plus  hideux,  ou 
du  roi  dont  nous  venons  d'esquisser  à  grands 
traits  l'histoire,  ou  du  parlement  anglais  qui 
se  lit  i'infàme  et  lâche  insti'ument  de  ses  fu- 
reurs, de  ses  lâchetés ,  de  ses  turpitudes. 
Ah  !  on  parle  du  sénat  romain  qui  se  dés- 
honorait en  obéissant  à  Néron,  à  Domitien, 
àCaracalla  :  ce  sénat  était  païen,  était  encore 
barbare  relativement  au  parlement  anglais. 
Ce  parlement,  sous  Henri  Vill,  est  certes  plus 
ignoble  (jue  le  sénat  romain  dans  les  jours 
les  plus  honteux  de  son  avilissement.  Puis, 
au  bout  de  tout  cela,  vient  un  mystère  in- 
compréhensible. Une  grande  nation,  un  peu- 
ple intelligent  se  met  tout  entier  à  la  suite 
d'un  pareil  monstre,  se  sé[)arant  de  Rome 
pour  de  pareilles  causes.  Il  faut  qu'il  y  ait 
comme  un  bandeau  fatal  mis  par  la  Provi- 
dence sur  les  yeux  de  tout  Anglais  (|ui  reste 
dans  la  religion  protestante,  en  considérant 
quel  fut  son  principe  daijs  son  pays  et  par 
quels  hommes  elle  y  fut  introduite.  La  lâ- 
cheté des  ancêtres  doit  peser  connne  un  re- 
mords sur  l'honneur  des  enfants. 

HKNIUQUÈS  (le  bieuheur(îux  Gonzale), 
diacre,  de  la  compagnie  de  Jésus,  Portugais, 
faisait  partie  des  courageux  missiojuiaires 
que  le  Père  Azevedo  était  venu  recruter  à 
Uomc,  poui-  le  Brésil  iVo//.  Azevkdo).  Leur 
navire  fut  pris,  le  15  juillet  1751,  par  des 
corsaires  calvinistes  qui  les  massacrèrent  ou 
les  j(Uèrent  à  la  mer.  Notre  saint  martyr  su- 
bit le  même  sort  en  l'honneur  du  nom  de 
Jésus-Christ  (Du  Jarri(!,  Histoire  des  choses 
plus  mémorables,  t.  11,  pag.  278.  Tanner, 
Societas  Jesa  us(/ue  ad  smu/uinis  et  vitœpro- 
fusionern  niilllans,  pag.  10(i  et  170.) 

HKNKIQCLZ  (An toink-Joskpii  ;,  né  à  Lis- 
bonne le  l.'{  juin  1707,  arriva  à  Mac.io  en 
17V'i-.  L'année  suivante  il  lit  |)rofession,  et 
partit  jioiirla  [irovinc*;  de  .Naiiking,  avec  son 
collègue  Atliemis.  Découverts  tous  les  deux 
et  arrêtés,  il>  furent  amenés,  enchaînés  à 
Sou-'l'cheou,  le  21  décendue  17V7.  (Juand  la 
seîitencr;  de  condaimiation  eut  été  signée 
par  l'mnperein',  le  geôlier  et  hîboiu'reau  en- 
trèrent, le  12  sept(!mbi(;  17VS.  On  comunnica 
par  AliT  la  paille  des  lits,  disjio.sition  qui  lit 
ju„'er  aux  saints  confesseurs  (pjc  l'heure  de 


leur  supplice  n'était  pas  éloigné;\  Bientôt 
un  autre  bourreau  arriva,  avec  des  cordes 
l)0ur  attacher  les  dtnix  prisonniers.  «  Nous 
allons,  leur  dit-il,  d'un  ton  moqueur,  vous 
envoyer  dans  votre  paradis,  où  vous  désirez 
tant  aller.  »  On  sei'vit  à  manger  ensuite  aux 
condamnés,  suivant  la  coût  urne  qu'on  observe 
«i  la  Chine  ;  mais  ils  n'y  touchèrent  pas.  Alors 
les  bourreaux  leur  lièrent  les  mains  et  leur 
mirent  la  corde  au  cou.  Avant  d'être  sépa- 
rés, ils  obtinrent  de  se  parler  un  instant.  Ils 
se  réconcilièrent  et  se  miient  en  prières  ; 
mais  les  bouri  eaux  n'attendu'ent  pas  qu'ils 
eussent  liiu,  et  les  étranglèrent.  Le  lenJo- 
main  on  les  mit  dans  des  cercueils  et  on  les 
inhuma  dans  le  cimetière  des  pauvres,  d'où 
un  an  après  on  les  enleva.  On  trouva  leurs 
corps  sans  aucune  espèce  d'altération. 

HÉUACLE  (saint),  eut  la  gloir(>  et  le  bon- 
heur de  doiuicr  sa  vie  pour  la  foi  chrétienne 
durant  la  persécution  (jue  le  cruel  emjjereur 
Dèce  souleva  contre  l'Eglise  du  Seigneur.  Il 
fut  un  des  com|)agnons  des  saints  Lucien  et 
Marcien  ;  ce  fut  à  Nicomédie  qu'eut  lieu  son 
niai'tyre;  le  proconsul  Sabinus  le  condamna 
à  être  brûlé  vif,  ainsi  que  tons  ses  compa- 
gnons. L'Eglise  célèbre  la  fête  de  tous  ces 
saints  martyrs  le  2G  octobre. 

HEHACLE  (saint),  martyr,  souffrit  pour  a 
foi  à  Nyon.  11  eut  pour  compagnonscle  son 
martyre  les  saints  Paul,  Augustin  et  deux 
autres  que  le  Martyrologe  romain  n'a  pas 
nommés.  On  ige.ore  les  circonstances  et  la 
date  de  leur  martyre.  L'Eglise  vénère  leur 
sainte  mémoire  h;  17  mai. 

HÉKACLE  (s.iint),  reeut  la  palme  du  mar- 
tyre à  Cartilage  avec  saint  Zozime.  Nous  n'a- 
vons pas  de  détails  sur  l'époque  etlescircon- 
stances  de  leur  triomi)!ie.  L'Eglise  célèbre 
collectivement  leursaintemémoirelellmars. 

HÉILVCLÉK  (saint),  remporta  la  couronno 
des  glorieux  combattants  de  la  foi  en  Thrace. 
Il  eut  pour  compagnons  de  son  triom|)he  les 
saints  Eutyche  et  Plante.  Nous  n'avons  au- 
cun détail  authentique  sur  eux.  L'Eglise  fait 
leur  ménioire  le  29  s(>ptembrc. 

HÉRACLÉE,  Jleraclœa  Thraciœ,  Perin~ 
thns,  de  nos  jours  Erekii,  ville  siiuée  près 
liyzance  sur  la  Pi'opontide.  Sainte  Sébas- 
lienne,  disciple  de  l'apôtre  saint  ï'aul,  y  fut 
martyrisée  sous  le  règne  de  l'empereur  Do- 
mitieji.  Cette  ville  fui,  dès  le  commenrement 
de  la  persécution  de  Marc-Auièle,  honorée 
par  le  martyre  de  sainte  Clycérie,  sous  hj 
gouverneuKMit  de  Sabinus.  Un(u\glise  y  fut 
bâtie  sous  l'invoraliun  de  la  sainte. 

lui  l'année  'M'v,  sous  le  règne  de  Oioclé-' 
tien,  cette  ville  fut  témoin  du  martyre  des 
saints  Phdippe,  évê([ue.  Sévère,  j)i-èti-e,  et 
Hermès,  dia(nx'.  (To//.  les  Actes  de  saint  Phi- 
lippe.j  Licinius  y  lit  mettre  à  mort,  en  .'{19, 
un  de  ses  généraux  noiinué  'l'héodoi'e  et  sur- 
nonnné  Stratelale,  c'e.st-à-tlire  le  gém'n-al. 
Théodore  connuandait  tout  le  pa.\s  des  .Ma- 
riandins,  dont  lléiviclée  était  pour  lors  la 
capitale.  Ce  pays  cnniprenail  une  jiartic!  do 
la  J{illiyrii(î,  du  Pont  et  de  la  Paphlagonie. 

n/;iC\Cl.n)l-:  (saint),  disrlple  d'Oiigèm», 
fui  ilérapilé  [lour  la  foi  à  Aleiaudiie,  sous  le 


4ir)7 


IIKR 


iir;n 


1158 


rO'gno  (lo  StWtTO  cl  sous   le  {,'oijvornoinoMt 
do  I.f'liis.  I,'lv4lis(;  célèbre  sa  r(H(3  le  28  juin. 

lU'lKACl.lllS,  noimiié  'lans  les  Actes  de 
snim  Svuipliorieii,  gouverneur  de  la  Pro- 
vince, "(^taiil  venu  ù  Autun,  où  demeurait 
SvinpliorieM,  ex[)rùs  pour  y  rechcrelter  les 
chrétiens,  le  saint  l'ut  anie!i6  devant  lui, 
par(;(>  (ju'il  avait  refusé  d'adoier  la  statue  ûf. 
(Ivbèle,  ((u'on  pronu'uait  par  les  rues,  Hé- 
i-àilius  le  lit  d  abord  battre  cruelleuienl  et 
ensuite  euiprisoiinei'.  J)cux  jours  après,  il 
lit  son  possible  pour  le  vaincie  par  S(!s  |)ro- 
inosses  et  })ar  sa  douceur.  N'ayant  pu  en  ve- 
nir à  bout,  il   le  condannia  ii  ùtre  décapité. 

IIKUACLIIJS  (saint),  martyr,  était  soldat. 
Il  versa  son  sang  pour  la  loi  avec  Tévéquc 
Alexandre.  On  ignore  h  (|uell(!  épocjue  et 
ilans  quelles  circonstances  eut  l.eu  leur  mar- 
tyre. 1/Kgliso  honore  leur  mémoire  le  22 
octobre. 

JIÉKACLIUS  (saint),  fut  martyrisé  à  Todi 
pour  la  défense  de  la  religion  chrétienne.  11 
eut  pour  compagnons  de  sa  glou'e  les  sainis 
Félicissime  et  Paulin.  L'Kglise  lait  leur  mé- 
moiic  le  2G  mai. 

HÉUACLIL'S  (sainte),  fut  martyrisé  à  Porto, 
à  une  époque  et  dans  d((S  circonstances  qui 
nous  sont  compléleratul  inconnues.  11  eut 
[)our  compagnons  de  sa  gloire  les  saints  Paul, 
Seconiiille  et  Janvière.  L'Eglise  fait  sa  fête 
le  2  mars. 

HÉIIAIDE  (sainte), fut  martyriséeàAlexan- 
drie,  sous  l'empire  de  Seplime-Sévère,  et 
sous  le  gouverneur  Létus.  Voici  ce  qu'en 
dit  Eusèbe,  1.  vi  de  son  Histoire  de  l'Eglise  : 
«  Une  femme  nommée  Héraide  ne  se  signala 
pas  moins  parnd  les  martyrs  de  Jésus-Christ, 
(ju'elle  s'était  rendue  illustre  [)ai'mi  les  dis- 
cqiles  d'Origène.  N'étant  encore  (jne  caté- 
chumène, elle  reçut  le  baptême  (iu  feu, 
selon  l'expression  du  même  Origène.  L'E- 
glise fait  sa  fêle  le  28  juin. 

HÉKAULT  (le  P.  Lucien),  religieux  de 
l'urdre  de  la  Rédemption,  fut  envoyé  à  Al- 
ger en  lGi2,  alin  d'y  racheter  des  captifs  dont 
le  nombre  était  foit  grand  dans  celte  ville. 
11  ramena  beaucoup  de  malheureux  français 
qui  gémissaient  depuis  longtem[)S  dans  les 
fers.  En  IGio,  il  revint  à  Alger  avec  le  P. 
Guillaume  Dr(,'ilhac;  ce  fut  dans  ce  voyage 
que  ce  saint  religieux  se  constitua  prison- 
nier, afin  d'augmenter  le  nombre  des  captifs 
que  son  compagnon  ramenait  dans  leur  pa- 
trie. Le  P.  Hérault  eut  à  soullrir  les  plus 
cruels  tourments;  le  plus  atlVeux  fut  sa  des- 
cente dans  une  fosse  remplie  de  reptiles. 
«  Là  (dit  son  historien,  que  cite  Henrion, 
vol.  IV,  p.  331),  n'entendant  f-lus  renier  le 
sainct  nom  de  son  LMeu,  il  s'estime  beau- 
coup plus  aise  (ju'auparavant;  car  ([uoyqu'il 
écrase  uncrapaulouun  lézarda  chacun  de  ses 
pas,  et  qu'il  ne  marche  qu'à  pieds  nuds  dans 
le  venin,  il  s'estime  pourtant  trop  heureux, 
puisqu'il  l'est  assez  pour  ne  respirer  plus 
l'air  que  souille  l'impiété  des  barbares.  Il 
fallut  qu'avec  ses  ongles  il  se  creusast  dans 
l'épesseur  de  la  muraille  un  appuy  pour  son 
repos;  et,  sans  autre  soulagement,  il  fallut 
qu'il  y  passast  plus  de  s;x  semaines.  »  La 


douleur  profonde  (]ue  le  P.  Hérault  é[)rou- 
vait  (h)  ne  |)Ouvoir  lacheler  tard  d'infortu- 
nés (pii  génussoient  dans  l'esclavage,  con- 
liibua,  plus  encore  (pie  tous  ces  mauvais 
traitements,  à  accélérer  sa  mort.  Il  mourut 
le  2  <  janvier  KJVO,  enlie  les  bras  du  fiancis- 
cain  AnseliiK;  David  :  «  Ce  fut  luy,  ajontii  lo 
bio.;rai)he,  (pu  prit  le  soin  de.  l'exposeï'  trois 
jours  entiers  h  la  veiie  des  Turks  et  des  es- 
claves. Ce  fut  luy,  (pii,  par  ses  poursuites, 
obtirdd(>la  doiianneeldu  divan  un  relaschc 
de  (pud(pn!  temps  aux  travaux  des  panvrfss 
chréstiens,atin  ipi'ils  peussent  plus  librement 
ren(lr(!  leurs  derniei'S  devoirs  à  celuy  qui 
avait  soulfert  la  mort  en  voulant  leurrendic 
la  liberté;  et  suivant  ce  (pi'il  nous  en  dit, 
on  vit  les  Turks  qui  estaient  conunis  à  la 
garde  de  ce  corps  mort,  esjiandre  des  larmes, 
tant  ils  avoientlecoMU-  pressé  de  compassion, 
de  voir  connne  (pioi  les  esclaves  s'adligeoicnt 
de  leur  perte  et  comme  qnoy  ils  se  tourmen- 
toicnt  de  sa  mort.  A  entendre  h  urs  cris,  à 
voir  leurs  postures,  ce  n'estoit  que  des 
aiilictions  inconsolables,  des  regrets  sans  fin 
et  de  véritables  désespoirs.  Les  femmes  que 
le  malheur  a  précipitées  dans  cette  régîon 
inouïe  pour  y  partager  avec  leurs  maris  les 
sovUI'rances  de  la  captivité,  apportoient  leurs 
petits  enfants  auprès  de  ce  Père;  elles  les  y 
laisoient  invoquer  le  secours  du  ciel  pour  le 
repos  de  son  âme;  elles  leur  faisoient  baiser 
ses  mains,  sa  bouche  et  ses  pieds,  et  par 
une  assiduité  opiniastre  (jui  passoU  dans 
leur  esprit  pour  une  religieuse  connaissance, 
elles  s'atlachoient  à  ses  habits  et  à  son  cer- 
cueil, ny  plus  ny  moins  que  si  elles  eussent 
toutes  fait  vœu  de  ne  le  quitter  jamais.  En- 
fin, il  fut  enlevé  par  des  prestres  qui  estoient 
précédés  de  deux  Turks,  et  son  corps  fut 
suivy  jusques  dans  la  chapelle  des  prisons 
de  la  doiianne  de  plus  de  trois  mille  escla- 
ves. Un  religieux  portugais  luy  fit  son  orai- 
son funèbre,  et  quarante  prestres,  tant  sécu- 
culicrs  que  religieux,  célébrèrent  les  servi- 
ces de  sesobsèques  ;  chose  qui  ne  s'est  jamais 
prati(]uée,de  mémoire  d'homme,  en  ce  j)ays. 
Ensuite  il  fut  enterré  dans  lo  cimelière 
des  chrestiens  esclaves,  qui  est  hors  la  porte 
de  Bab-al-Oued.  » 

HERCULAN  (saint),  l'un  des  gardes  de  la 
prison  de  saint  Censorin  ou  Ceiisorinus,  sous 
Claude  II  le  Gothique,  fut  converti  à  la  foi 
chrétienne,  parle  prêtre  saint  Maxime,  avec 
les  autres  gardes  delà  |}rison,  lesquels  étaient 
Félix, Maxime,  Fauslin,  Numère,  Storacinus, 
Mène,  Commode,  Herne,  Maur,  Eusèbe,  Rus- 
tique, Amandinus,  Monacre,  Olympe,  Cy- 
prien,  Théodore.  Pour  voir  leur  histoire,  re- 
courez à  l'arlicle  SIautyrs  d'Ostie.  Ces  saints 
ne  sont  [»as  nommés  au  Martyrologe  to- 
main. 

HERCULAN  (saint),  fut  martyrisé  pour  la 
foi  chrétienne,  dans  la  ville  de  Rome,  pen- 
dant que  l'empereur  Adrien  persécutait  l'E- 
glise. 11  est  impossible,  faute  de  documents, 
de  dire  la  date  certaine,  non  plus  que  le 
genre  du  sup[)li(e  qui  finit  la  vie  de  saint 
Herculan.  Sa  fête  est  marquée  dans  le  Mar-, 
tyrologe  romain  au  2;S  septembre. 


41j9 


HER 


IIEn 


IIGO 


HERCULAN  (saint),  i'yi''(|uc  o{  martyr, 
d(»nna  sa  vie  pour  la  foi  chrctienno.  Son 
martyre  eut  lieu  à  Pérouse,  à  une  épcxjue  et 
dans  des  eircoustances  t|ui  nous  sont  incon- 
nues. L'Eglise  honore  sa  ghjrieuse  mémoire 
le  7  novembre. 

HEKCULAN  (saint\  fut  martyrisé  à  Porto 
pour  la  foi  de  Jésus-Ciirist.  Nous  n'avons  au- 
cun document  établissant  ré[)0(|ue  et  les  dif- 
férentes circonstances  de  son  martyre.  L'E- 
glise fait  sa  glorieuse  mémoire  le  5  sep- 
tenibre. 

HÉUECTINE  (sainte),  fut  au  nombre  des 
quarante-huit  martyrs  misa  mort  avec  saint 
Saturnin  en  Afrique,  sous  le  proconsul  Anu- 
lin,  en  l'an  de  Jésus-Christ  305,  sous  le 
règne  et  pendant  la  persécution  que  l'infâme 
Dioclétien  suscita  contre  l'Eglise  du  Sei- 
gneur. {Voy.  Satlbmn.)  L'Eglise  célèbre  la 
fête  de  tous  ces  saints  le  11  février. 

HÉRÉNAS  (saint),  sou  (frit  le  martyre  en 
Afrifjue,  avec  les  saints  Juste  et  Donat.  L'E- 
glise fait  la  fête  glorieuse  de  ces  martyrs  le 
25  f(''vrier.^ 

HÉKÉNÉE  (sainte),  martyre  à  Carlhage  en 
l'année  de  Jésus-Christ  250,  durant  la  terri- 
ble persécution  (pie  l'empereur  Dèce  alluma 
contre  l'Eglise.  Elle  fut,  avec  d'autres  chré- 
tiens, placée  dans  un  cachot  étroit  et  infect, 
où,  [kir  l'ordre  de  l'emîtereur,  on  les  laissa 
mourir  de  faim  et  de  soif.  La  puanteur  et  la 
chaleur  de  ce  cachot  furent  un  supplice  af- 
freux ajouté  à  celui  ({ue  la  piiva'ion  d'ali- 
ments lit  souffrir  aux  saints  martyrs.  {Voy. 
'S'icTORiv.)  L'Eglise  fait  la  fête  de  tous  ces 
saints  martyrs  Je  17  avril. 

HEU.MA(iORE  (saint),  premier  évoque 
d'A(|uilée,  fut  martyrisé  sous  Néron  quel- 
que temps  a()rès  saint  Pierre,  c'est-à-dire 
e!i  06  ou  67,  avec  saint  Fortunat,  son  archi- 
diacre. Leurs  corps  furent  livinsférésàGrado. 
On  fait  la  fêle  de  saint  Hcrmagore  le  12 juil- 
let. 

HERMAS  (saint) ,  souffrit  le  martyre  à 
Rome ,  durant  la  persécution  que  l'impie 
Dioclétien  ht  soulfrir  aux  disciples  du  Christ. 
Il  eut  pour  com|»agnons  de  son  martyre  les 
saints  Sérapion  et  Polyène.  Ayant  été  traî- 
nés jiar  des  lieux  étroits,  pleins  de  pierres 
et  raboteux,  ils  rendirent  leur  ûmc  à  Dieu. 
L'Eglise  fait  leur  fêle  le  18  août. 

HERME  (saint),  est  n)arrpjé  comme  mar- 
tyr h;  28  aoiU  dans  le  Mai-tyrohjge  romain. 
Son  histoire;  est  fort  incertaine  :  ricni  ne 
itrouve  raulhenticité  de  ce  (pi'on  raconte  de 
lui,  si  ce  n'est  la  fait  de  son  maityre,  (pii 
eut  lieu  sous  h;  règticdc  l'eniipcreur  Adrien, 
et  qui  est  incontestable.  On  lait  sa  fête  le  28 
août. 

lil-iltMIC  fsaint),  l'un  «les  gardes  de  la  pri- 
son de  saint  Censoiin  ou  Cenisoiinus,  sous 
Claude  II  le  (iottii(pi(;,  fut  converti  à  la  foi 
chrf'tienne  par  le  prêlrc;  saint  Maxime,  avec 
Icsautres  gar'dcsdc  |,i  prison,  lesipnds  étaient 
Eclix,  Maxime,  Eau.slin,  Hinculan,  Numèrc, 
Storaci  iijs,  Mène,  Commode,  Maiir',  Eusèbe, 
l'nslKpjc,  Amandinirs,  Monacrc,  Olyrrqx;, 
Cypi'ii-n,  'Ihéodori.'.  Pour'  voir  hmr  histoire, 
rctuiii-ez  à   l'aitich.'   M -vu  i  vus    i/Osiiii.    Ces 


saints  ne  sont  pas  nommés  dans  le  Marly- 
rtiloge  romain. 

HEUMEL  (sainfi,  martyr,  est  inscrit  au 
Martyrologe  romain  le  li  août.  11  souffrit  le 
martyre  à  Constantinople  ;  mais  on  ignore  à 
quelle  épocjuc  et  dans  (]uelles  circonstan- 
ces. Nous  n'avons  aucun  document  sur  son 
compte. 

HERMÉNIGILDE  (saint),  martyr,  était  fils 
de  Légivilde  ou  Léovigilde,  roi  des  Golhs  en 
Espagne,  et  de  Théodosie.  Il  avait  un  frère 
nommé  Récarède.  Leur  pèr-e  était  arien  ;  tous 
deux  furent  élevés  dans  les  mêmes  croyan- 
ces. Le  saint  ducpiel  nous  écrivons  la  vie 
épousa  Ingonde,  lille  du  roi  d'Austrasie  Si- 
gebert,  et  catholi(iue  fervente.  Le  père  de 
notr-e  saint,  voulant  assurer  à  sa  famille  la 
couronne  qui  jusque-là  avait  été  élective 
chez  les  Golhs  d'Espagne,  associa  à  la  i-oyaulé 
ses  deux  (ils,  et  leur  donna  à  chacun  une 
portion  de  ses  Etats  à  gouverner.  Séville  fut 
la  capitale  du  pays  qui  échut  en  partage  à 
Herménigilde,  La  femme  d'Herménigilde  fut 
excessivement  malheureuse  avec  sa  belle- 
mère  Goswintle,  arienne  opiniAtre,  que  son 
beau-père  Lévigilde  avait  épousée  en  secon- 
des noces  après  Théodosie.  Elle  employa  tout 
ce  qu'elle  put  d'astuce  pour  la  porter  à  quit- 
ter la  religion  catholique;  mais  elle  n'y  put 
parvenir,  Ingonde  resta  inébranlafjle.  Les 
discours,  la  force  de  ses  exemples  firent 
même  une  tr'ès-vive  impression  sur  l'esprit 
d'Herménigilde  son  mari.  Ce  prince  conçut 
quelques  doutes  à  propos  de  la  religion  des 
ariens  dans  la(|uelle  il  avait  été  élevé,  et,  en 
homme  sage,  il  voulut  s'instruire.  Saint 
Léandre,  évêque  de  Séville,  fut  mandé  par 
lui  et  l'instruisit  à  fond  de  ce  qu'il  désirait 
savoir.  Sullisamment  éclairé,  il  abjura  hau- 
tement et  d'une  manière  solennelle  la  reli- 
gion (ju'il  avait  jusque-là  suivie.  Il  profita 
d'une  absence  (pic  lit  son  père,  pour  accom- 
plir cette  cérémonie.  (Juand  le  vieux  l'oi  fut 
de  retour,  et  ([u'il  a|)[)ril  ce  (jui  s'était  passé, 
il  (m  témoigna  une  fureur  indicible.  Il  lui 
relira  celte  royauté  ([u'il  lui  avait  conférée, 
et  résolut  de  le  dépouiller  de  ses  biens,  de 
lui  ôter  sa  femme  el  de  le  faire  mourir,  s'il 
ne  revenait  à  l'arianisme.  Herménigilde,  pre- 
nant au  sér-iinix  le  pouvoir  (pie  lui  avait 
donné  son  [)èie,  et  se  sentant  véritablement 
roi,  prit  toutes  les  mesures  nécessaires  pour 
résister  aux  enireiiiises  du  vi  ux  roi  contre 
lui.  Les  callioli(iues  se  joignirent  à  lui.  Mais 
comme  les  aryens  étaient  beaucoup  plus 
nombr-eux,  il  vit  bien  (ju'il  lui  serait  impos- 
sible d(^  l'ésisler.  Il  envoya  en  Orient  de- 
mand(M'  du  secours  à  rern;)er'«nir  Tibèr-e, 
mais  il  n'en  put  obtenir.  Tibère  mourut  peu 
de  temj>s  après,  et  son  successeur'  >Luiiice 
n'en  accorda  pas  davantage.  Toutes  ses  forces 
lui  étaient  nécessaires  poirr  i-(îpouss(M'  les 
P(n'ses  «[ui  venaient  d'allaipier  l'empire. 
(]omnie  les  cmpereui's  de  Constanlino|»lo 
<"ivai(!nl  encore  (prchpies  |»laces  en  Espagne 
et  «piel(pjes  |)rovinces,  ils  y  (Milr-et(Miaieul 
iitu!  ai'inée  pour  les  gar'der.  Iler-rnénigildo 
s'adressa  à  cette  ar-mée  p(»,ir  implor-«n' son  se- 
coures :  les  chefs  s'engagèrent  par-  sei'mcnt  à 


If6i 


tiER 


IIER 


110-2 


le  socourir.   Ils  roruront  comme  otages  In- 
goiide,  s»  l't'imiu',  t'I  son    (ils;   mais  bientôt 
oubliant   leurs  promesses,  ils  se  laissèrent 
ga-;iu'r  pai"  les  sonnnes  (jue  leur  lit  ollVir  l.é- 
vi>;il(le.  Ce  derniei-  vint  assiéger  son  Mis  dans 
Si-ville.   Il  l'y   tint   renlernif    pendant    près 
d'une  année.  Au  bout  de  ce  Itunps,  ne  pou- 
vant plus   résister,  Herménigiltle  ([uitla  se- 
crètement la   ])lace  poin-  s(;  lelirer  au  camp 
des  Romains.  Mais  ayant  su  qu'ils   l'avaient 
train,  il  se  relira  à  Cordoue,  puis  à  Oss  to. 
11  se   ibrtilia   dans  cette  dernièi'e  ville  avec 
un  corps  de  trois  cents  honnnes  déterminés. 
Son  père  l'y  suivit,  et  emporta  la  [tiace  mal- 
gré la  résistance  acharnée  que  tirent  les  as- 
siégés. Herménigilde  se  relira  dans  l'église, 
au[)i'ès  de  l'autel.  Le  père  n'osa  l'en  arraCier 
violennnent.  Uécarède,  son  frère,  eut  môme 
la  permission  de  l'y  venii-  Irouver.  Uécarède 
était  comme  son  pèi'c,  arien.  Ce  prince  lui 
j)romit  sa  gtûce,  s'il  voulait  reconnaître  le 
tort   (ju'il   avait  eu  de  conibattre  son  père. 
Herménigilde  crut  h  ce  qu'on  lui  disait.  Il 
vint  se  jeter  aux  pieds  de  son  père.  Lévigilde 
endjrassa    ce   fils    repentant,  et  lui   promit 
qu'il  lie  idrait  tout  ce  qu'on  lui  avait  atlirmé 
de  sa  part  ;  mais  à  peine  de  retour  au  camp, 
il  le  tit  dé[)ouill('r  des    vêtements    royaux 
qu'il  portait,  le  tit  enchaîner  et  conduire  pri- 
sonnier dans  la  tour  de  Séville.  Là  il  em- 
ploya  tout  pour  fuicer  son  fils  à  revenir  à 
l'ar'ianisine.    Pour  l'y   contraindre,  il  le  fit 
nu'ttre  dans  un  atfreus  cachot  où  on  le  traita 
avec  une  dureté  incroyable.  Le  saint  resta 
inébranlable.  Il  refusa  énergiquement  tout 
ce  (|u'on  pouvait  lui  promettre.   Sa  prison 
devint   pour  lui  comme  une  école  de  sain- 
teté et  de  vertu.  Il  se  revêtit  d'un   cilice  et 
se   livra   à   toutes    les   pratiques   d'une  vie 
pleine  de  mortitications.  Le  jour  de  la  fête 
de    Pilques,    Lévigilde    chargi  a    un  évéque 
arien  d  aller  trouver  son  fil-,  durant  les  lé- 
nèbces  de  la  nuit,   pour  lui  otlrir  sa   grâce 
s'il  vo. liait  recevoir  la  communion   de   ses 
mains.   Le  roi    captif  refusa  avec    horreur 
celte  proposition.  Il    reprocha  même  avec 
beaucoup   de  force  à  cet  évèque    l'attache- 
ment qu'il  montrait  pour  l'héi'ésie.   Quand 
Lévigilde  sut  tout  ce  qui  s'était  passé,  il  ré- 
solut Il  mort  de  son  fils.  Il  envoya  des  sol- 
dats qui  lui  fendirent  la  tète  d'uri  coup  de 
ha^h;'  dans  sa  prison.  Son  martyre  eut  lis  u 
le  13  avril  586.  L'Eglise  l'honore  le  13  de  ce 
mois. 

HERMÈS  (saint),  martyr;  habitait  Bologne 
au  temps  de  l'empereur  Maximien.  Il  fut 
arrêté  et  mis  h  mort  pour  la  foi,  avec  les 
sai'  ts  Aggée  ei  Caius,  que  l'Eglise  honore 
avec  lui  le  '*  janvier. 

HERMÈS  (saint),  diacre  et  martyr,  donna 
sa  v;e  pour  la  religion  chrétienne  en  3J4, 
sous  le  règne  du  tvran  Dioclétien.  Il  était 
diacr.-  de  l'église  d^Héraclée,  et  fut  brûlé  vif 
avec  saint  Philippe,  son  évèque.  La  fête  de 
ces  deux  saints  a  lieu  le  22  octobre.  {Voy. 
les  Actes  de  saint  Philippe,  à  son  article.) 

iliîRMÈS  (saint),  martyr,  fut,  à  Marseille, 
le  compagnon  uu  glorieux  martyre  de  saint 
Adrien,  sur  lequel  on  ne  sait  rien,  si  ce  n'est 

DiGTIONN.  DES    PeRSÉCUTJLONS.    I. 


(pi'i!  donna  sa  vie  pour  la  foi.  L'Eglise  fait 
le  ni-  fête  le  1"  mars. 

HERMÈS  (saint),  est  inscrit  au  Martyro- 
loge romani  le  2  novembre.  U  eut  p(jur  com- 
pagnons (1(!  son  martyre,  qui  arriva  en  Afii- 
qne,  les  saints  Publie,  Victor  et  Pajtias.  L'E- 
glise fait  collectivement  leur  mémoire  le  2 
nov(niibie. 

HERMIAS  (saint),  soldat,  fut  martyrisé  h 
Comane,  dans  h;  I*ont,  sous  le  règne  de 
remj)ereur  Marc-Auièle,  ])arles  ordres  d'un 
juge  nommé  Sébastien.  Ayant  été  guéri  mi- 
racuhiusemenl  di's  consé(}uences  d'un  grand 
nombre  de  supplices  horribles,  il  convertit  à 
Jésus-Christ  le  bourreau,  qui  reçut  avec  lui 
la  couronne  du  martyre.  Ce  fut  lui  qui  fut 
décapité  le  i)remier.  L'Eglise  célèbre  sa  mé- 
moire le  31  mai. 

Ses  Actes,  qui  se  trouvent  au  long  dans 
Bollandus ,  disent  tjji'on  lui  arracha  tous 
les  nerfs  ,  et  qu'ensuite  il  guérit  par  l'im- 
position des  mains  de  personnes  devenues 
aveugles  d'étonnemcnl.  Un  tel  fait  ne  peut 
être  admis  sans  preuves  authentiques;  peut- 
être  a-t-on  voulu  dire  qu'on  arracha  au  saint 
martyr  quelques  tendons,  que  vulgairement 
le  public  nomme  des  nerfs. 

HERMINIEN  [Claudius  Herminianns),  gou- 
verneur de  Cap])adoce  sous  l'empereur  Sep- 
time-Sévère,  persécuta  très-violemment  les 
ch  étiens.  il  fit  mourir  considérablement  de 
disciph  s  de  Jésus-Christ,  en  haine  de  ce  que 
sa  feunne  avait  été  convertie.  Il  en  fut 
puni,  dit  Tertullien,  par  une  horrible  mala- 
die qui  lui  faisait  sortir  des  vers  du  corps 
Enfin  il  reconnut  la  main  qui  le  frappait  ;  il 
avoua  que  les  tourments  qu'il  endurait  ve- 
naient ue  ce  qu'il  avait  été  cruel  envers  les 
chrétiens,  et  qu'il  en  avait  forcé  plusieurs 
pai-  la  violence  des  supplices  à  renier  leur 
loi. 

HERMIONE  (sainte),  fut  martyrisée,  sui- 
vant les  nouveaux  Grecs,  à  Ephèse,  du  temps 
de  l'empereur  Adrien  Ils  la  disent  fille  de 
saint  Piiilippe,  l'un  des  sept  premiers  dia- 
cres. Le  Martyrologe  romain  marque  sa  fèt© 
le  k  septembre. 

HERMIPPE  (saint),  martyr,  fut  arrêté  à 
Nicomédie,  en  303,  dans  la  maison  de  saint 
Pantaléon,  avec  ce  saint,  saint  Hermocrate 
et  saint  Hermolaiis.  Tous  quatre  furent  sou- 
mis à  divers  supjflices  foit  cruels,  et  enfin 
décapités.  L'Eglise  les  honore  cOilectivement 
le  27  jui  let. 

HERMOGÈNE,  l'un  des  trois  magistrats 
qui  en  180,  sous  le  règne  de  l'empereur 
Marc-Aurèle,  fiient  mourir  à  Langres  les 
trois  fières  El  ussppe,  Méleusippe  et  Speu- 
sippe.  {Voy.  ce  dernier.) 

HERMOGÈNE  (saint),  martyr,  souffrit  pour 
la  foi  à  Syracuse.  Il  y  fut  martyrisé  avec  les 
saints  Evode  et  Calliste.  On  ignore  à  quelle 
époque  et  dans  quelles  circonstances.  L'E- 
glise fait  leur  fête  le  25  avril. 

HERMOGÈNE  (saint),  martyr,  répandit 
son  sang  pour  la  foi  avec  ses  deux  frères 
Evode  et  Calliste.  Le  Martyrologe  romain  ue 

37 


1105 


HÉR 


dit  point  à  quelle  époque  et  dans  quelles 
circonstances.  L'Eglise  honore  leur  mémoire 
le  2  septembre. 

HEKMOr.ÈNE  (saint),  reçut  la  couronne 
du  marlyie  à  Alexindne.  >oiis  Icmjter^Hjr 
(i.dèrp-Slaximicn.  Il  eut  pour  (^ompa-^'ions 
de  son  Miartyrt',  doit  les  circonsta  ics  ne 
nous  sont  point  parvenues,  l^s  saints  Menne 
et  Eu^raphe.  L'Eglise  l'ail  leur  mémoirj  le 
10  décembre. 

HEKMOGÈNE  (saint),  martyr, répandit  son 
sang  pour  la  foi  difTHu-ist  à  Méliline  en  Ar- 
nié'iie,  avei-  les  saints  Cams,  Expédit,  Aris- 
tonitpie,  Hufus  et  Galatas.  On  ignore  la  date 
et  les  circonstanc  s  de  K>uf  martyre.  L'E^^lisc 
célèbre  leur  t'éte  le  19  avril 

HERMOLAUS  (saint),  prôtre  et  martyr,  hi- 
bitait  la  ville  de  Nicom>''die,  en  Ta  née  3J3, 
i^ua  id  commença  la  crmdle  persécution  que 
■'em;;ereur  Dioctétien  alluma  contre  les  chré- 
tiens. Pintaléon,  méd  cin  de  Galère-Maxi- 
ii.ien,  avait  abjuré  la  foi  chrétienne,  séduit 
qu':l  avad  i  té  i)ar  les  entraînements  de  toutes 
sortes  qu'il  re  icontrait  h  la  cour.  Ce  fut  noire 
saiui  qui  le  ram  -na  dans  le  giron  de  l'E^lis  ■, 
en  lui  laisanl  entemlfe  le  langage  à  la  fois 
éiieig  que  <'l  doux  qui  coiîvient  a  un  minis- 
tre de  rEvangile.  Peu  de  temps  a[)rès,  il  fut 
an-été  comme  chrétien,  dans  la  maison  de 
P',iita!éon,  avec  Hermippe  et  Heimocrate. 
'Jous  quatre,  après  avoir  enduré  divers  sup- 
plices, furent  décapités.  L'Eglise  fait  leur 
fètc  collectivement  le  27  juillet. 

HERMYLE  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre  à  Singidon,  dans  la  haute  Mysie, 
avec" saint  Stratonique.  Après  avoir  enduré 
de  cruels  tourments  sous  l'enipire  de  Lici- 
iiius,  ils  furent  submergés  dans  le  Danube. 
L'Eglise  fait  leur  fêle  le  13  janvier. 

HERNANDÈS  (le  bienheureux  Antoine), 
Portugais  de  Monte-Major,  de  la  com  .agide 
de  Jésiis,  faisait  partie  des  saiids  mission- 
naires que  le  P.  Azevedo  vint  recruter  à 
Rome  pour  le  Brésil.  [Voy.  Azkvkdo.)  Leur 
navire  fut  pris,  le  15  juillet  1571,  par  des 
corsaires  calvinistes  cpii  les  massacrèrent 
ou  les  jetèrent  à  la  mer.  Tel  fut  le  glorieux 
martyre  de  notie  bienheureux.  (Du  Jarrie, 
Histoire  des  choses  plus  mémorables^  etc., 
t.  Il,  p.  278. —  Tanner,  Socielas  Jesu  iisqtie  ad 
sunfjuinis  et  vilœ  profasionem  mitituns , 
j).  100  et  170.1 

HERN ANDES  (le  bienheureux  Dominique), 
Portugais,  d*-  la  compagnie  de  Jésus,  faisait 
jiartie  des  soixanle-neuf  mission  laires  que 
le  P.  A/e  edo  était  venu  recruter  à  Itome 
pour  le  Biésil.  (J'o//.  Azkvloo.)  Leur  navire 
fut  ()iis,  le  15  judlcl  1571,  par  des  cors.dres 
calviinstes  qui  les  Mi.is.sacreri-iil  ou  les  .j(;- 
lereiit  à  la  mer.  Notre  bieulieurcux  subit  le 
même  sort.  (Di  Jarrie,  Histoire  drs  choses 
plus  mémorahtesy  etc.,  l  II,  p.  278.  ianuer, 
Sixiilns  Jesu  usque  ad  snnjtiivis  el  vilœ  pro- 
funnnrm  militans,\).  lOO  cl  170.) 
Uf.l'.ODI,.  loif    Ac.aipi'A  1". 

Hl.HON  ..u  llifcRov  (sai  U),  disciple  d'Ori- 
géne,  lui  di'capilé  ii  Alexandrie,  sous  le  ift- 
^im  de  rempcreur  Septuue-Sévèro  el  sous 


HES  1164 

le  gouverneur  Letus.  L'Eglise  honore  sa  mé- 
moire le  28  juin. 

HÉRON  isaint\  martyr,  fut  mis  à  mort  à 
Alexandiie  e  '  2)0,  sous  le  règne  de  l'einpe- 
reur  Dèce  et  sous  le  gouvernement  de  Sabi- 
inis.  Il  fut  préMMiié  au  juge  avec  saint  A  ter 
ou  Arsène,  saint  Isidore  et  le  je  me  Dios- 
core  seulement  Agé  de  (piinze  ans.  Saint  Hé- 
ron fut  violemment  touiine  ité,  ainsi  qu'Ar- 
sène et  Isidore;  mais  les  tourments  n'ayant 
rieij)usur  lui,  le  juge  le  lit  jeter  au"^  feu 
avec  ses  deux  compagnons.  L'Eglise  célèbre 
la  mémoire  de  ces  trois  saints  martyrs  el  de 
sani  Dioscore  le  H  décembre.  {Voy.  Dios- 

CORE.) 

HÉRON,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pou r'^  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Ruinart  a  laissé 
les  Actes  authenti(jues.  Y^oy.  Mahtïus  (les 
tre  ite-septj  égyptiens. 

HÉRON  (saint),  soulTrit  le  martyre  à  An- 
tioche.  Il  était  uis.iple  de  saiid  Ign.ice,  et 
fut  son  successeur  h  ré[)i.<;co[)at.  Ce  saint, 
marchant  sur  les  traces  de  son  maître,  mon- 
tra son  grand  amour  envers  J'-sus-Cuisl, 
en  donnant  sa  vie  pour  le  troupeau  qui  avait 
été  confié  à  ses  s<dns.  L'Eglise  fait  sa  lué- 
moir    Ii,'  17  octobre. 

HÉROS  (saintj,  martyr,  souffiit  à  Satales 
en  Arménie,  avec  ses  six  frères,  soida's 
comme  lui;  Orence ,  Pharnace,  Eirmin, 
Firme,  Cyi-iaque  et  Longin.  L'iïjupereur 
leur  lit  ôter  le  baudrier  parce  qu'ils  étaient 
chrétiens.  Séparés  ensuite  les  uns  des  autres 
et  lenfermés  en  rdvers  lieux,  ils  y  mouru- 
rent accablés  de  douleurs  et  de  misères. 
L'Egl  se  fait  leur  fête  le  24  juin. 

HESPÈREi  (saint),  mari  de  sainte  Zoé,  mou- 
rut iivec  elle  el  leurs  deux  enfatds,  Cyriaque 
et  Théodule,  à  Attalie  dePamphylie,  sous  le 
règne  d'Adrien,  il  était  esclave  avec  toute 
sa  famille  chez  un  païen  nonuné  Catule,  qui 
les  (il  daboid  tourmenter  de  ii  verses  f,.çons, 
et  ensuite  eiif-  rmer  dans  un  four  où  ils  trou- 
vèrent la  mort,  parce  (juc  l(v->  deux  enfants, 
indignés  du  culte  qu'on  rendait  aux  idoles 
chez  leur  maîti  e,  s'étaient  déclarés  chrétiens. 
Leui-  fêle  «^  tous  quatre  arrive  le  2  mai. 

HÉSYCHIUS  (saint).  Ce  fut  à  Dura/zo,  ville 
d'Albanie,  mai  itei.autdans  laTu.quie  d'Eu- 
rope (Roumél  e),  (jue  ce  saint  eut  kboiih.  ur 
de  don  ler  sa  vie  jioui'  la  f  i.  Il  fut  m.irtyrisé 
so.is  l'empiie  de  Tr.ijan,  avec  les  saints  Pé- 
régrio,  Luci.ii,  Poiu[)ée,  Papias,  Salurnius 
et  (jeiiuain.  I/hisloire  est  muette  sur  ce  »pii 
concerie  le  détail  des  combals  el  de  la  moi  l  do 
tous  ces  saints,  dont  l'Eglise  houoi'c  la  mé- 
moire le  7  juillet. 

HÉSYCHIUS  (saint).run  des  quarante  mar- 
tyrs di-  Sébasie,  sous  Licinius.  {Voy.  Mar- 
TYiis  i)K  Sî;n\sri;.) 

HÉSYPE(sainr),  martyr,  est  inscrit  au  Mir- 
Ivroioge  [•  iii:;in  le  20  'ovcnibre.  Il  r.ilmii- 
tvnséa  Alexandrie,  sous  la  persémilioii  do 
(iiilèr.i-.s;axiiinen.  avec  les  sainte  Fausie, 
|)ié;re,  l)idi(M'l  Amiiione,  Philé.is,  Paci'ime, 
'riii''((dore,  évécpie  égypIii'U,  el  six  cent  soi- 
xante autres,  dont  malheureusouieul  nous 


lltia 


ilIE 


miorons  If.s  liuuis.  L'tglisi'  Ijit  k'iir  IV-lc  le 

20  i!;>vi'iiil>ro, 
UÉSVOUI'^  (s:iint).   martyr,  doirta  sa  vio 

pour  la  (iél\"ise  de  la  rt'Ii^ioM  avec  les  saints 

Di   iiuVIc,  Jufion,  Pliili|>i»<\  Ki.t)'ihit"i,   Li'o- 

niji',  lMiilatlfl|»lie,  Aie  lalipi)"  ci  Pa'!tag;ii)po. 

Ils  arroiiiplireiit  leur  nia;  lyre  les  uns  par  le 

f  u,  les  a  .1res  par  le  glaive  ou  sur  la  croix. 

L'Kglse  c(îlcbie-  leur  sainte  uu'iuoire  le  2 

s 'pliruhre. 

IIÉSVQUK  (saint\  martyr,  faisait  partie  de 

l'anuée  eouune  soKlat.  Ayant  entemiu  puMicr 
in  édit  qui  poilait  (pie  quiconque  ne  vou- 
drait pas  sacriiier  aux  idoles  mit  bas  les  ar- 
mes, il  (p:itta  aussitôt  le  baudrier.  Pour  l'en 
pun  r  on  lui  atlai.lia  au  bras  droit  u'^e  grosso 
|)i.  rre  et  on  le  [irécipila  dans  la  rivière.  L'E- 
glise fait  sa  fiMe  le  18  noveinbre. 

Hi.SVQUE  (saint),  co-^fesseur,  souffrit  pour 
la  foi  (11  l*ak'Siiii(\  Il  (.'lait  disciple  de  saint 
Hilarion,  et  fui  son  eoMq)agnon  dans  ses  vo- 
yag'-s.  I/I:g:ise  l'ail  safôie  le  3  octob^^e. 

HÉSYQlJii  (saint),  martyr,  6li\n  enrôlé 
connue  soldat  dans  l'aimée  v:e  l'enqiire.  A  ;,ant 
en]  [ris  avec  saint  Jules,  il  reçut  la  couronne 
du  martyre  après  lui  à  Durostonim  en  Mysie, 
sous  le  présideul  Ma.viuio.  L'Eglise  fait  leur 
ftUo  le  15  juin 

HIÉRAX  (^aint),  l'un  des  compagnons  du 
ma.  tyre  de  saril  Juslii,  fut  condaniné  sous 
le  rèj,ne  de  Marc-Aurèle  parle  préfet  Rasli- 
cus,  à  être  fouet  é,  puis  (  nsuiti'  décapité.  Ce 
saint  était  nalif  d'Icône  en  Pisid  c.  L'Eglise 
honoie  sa  mémoire  le  13  avril,  ai'isi  que  celle 
de  ses  com;)a^no'is.  [Voy.  Jlsti\.) 

HIÉUOCLÈS,  d'abord  vicaire  des  préfets 
sous  Dioclélien,  fut  depuis  gouverneur  de 
Bithynie,  puis  (J'AI  ^xandrie  en  E:,ypic,  où 
il  persécuta  violeumieut  les  chrétiens.  11  avait 
fait  partie  du  couse.i  assemblé  par  D  ocléiien 
P'-ur  décid  r  si  la  peiséculion  aurait  lieu  (en 
303),  et  il  s'éta  t  montré  un  de  ses  plus  achar- 
nés instigateurs.  11  composa  un  ouvrage  en 
deux  livres,  intitulé  :  Les  amateurs  de  la  vé- 
rité, qu'il  adressa'  aux  chrétiens  eux-mêmes. 
Son  but  était  de  les  détournei'  de  leur  reli- 
gion. 11  op  osait  dans  cet  écrit  divers  pas- 
sages des  écritures  les  «ms  aux  autres  ;  il 
voulait  anisi  les  [)rés.mter  connue  contrai- 
res et  jeter  du  discrédit  sur  nos  livres  saints. 
Dans  ces  pages  impies,  il  accumulait  les 
bl.;Si;hèuies  contre  .-ainl  Pierre,  saint  P(ul  et 
le">  autres  apôtresoud.sciplesdeJésus-Chri>t. 
11  prétendait  prouver  que  Jésus-Christ  res- 
S(?mblait  à  Apollonius  de  Thyanes.  C  lie  im- 
piété fut  réfutée  par  Lactanceet  par  Eusèbe. 
Eusèbe  suriout  démontra  qu'Origène  avait 
par  avance  réfu  é  ce  livre  (JHiéroclcs,  qui 
l'avait  pillé  en  une  foule  d'auteurs  non-seu- 
lement quant  au  fond,  mais  encore  quanta 
la  forme. 

UlÉRON  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre à  Mélitine  en  Arménie.  11  eut  ()our  com- 
pagnons d.j  sa  giou-e  les  saints  Nica  dre,  Hé- 
syqie  et  trente  autres  'lont  nous  ne  con- 
mussons  [)as  malh.'ureusement  les  tjoiiip.  Us 
furent  couronnés  durant  la  p  rsécution  de 
p.ucléiien,  sous  le  président  Lysias.  L'Eglise 
|aU  Jeur  mémoire  le  1  novembre. 


HIL  1100 

lll^:iU)NIOE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire 
(I  donn(  r  sa  vie  pour  la  loi  à  Ahxa'drie 
sons  l'empi-nnir  Mavinnn.  Il  <ut  pour  f(jm- 
pagnons  de  .-on  martyr.'  les  sainis  L('-onco, 
Sérapion,  Sélèse,  Valériin  ei  S  taton.  Us  fu- 
ient tous  ji'tés  h  la  mer.  L'Egiis.;  lait  leur 
mémoire  le  12  sefilembri;. 

HILAIUE  (sair  t),  martyr,  moun.t  h  Rome 
en  (•od'cssani  Jé^us-Cdnist.  U  (!  t  pour  coui- 
j»ag  tons  dt'  son  martyre  les  saint-  Démètre 
et  Conce.-se.  Le  Martyrologe  romain  ne  nous 
a  transmis  aucur»  détail  sur  eux.  L'Eglise 
fait  liMir  métnoire  le  9  av'ril. 

HILAIRE  (saint),  diacre,  fut  marlynsé  à 
Viterbe  avec  le  prêtre  Valentin,  durant  la 
pcrsé(ut!on  de  rem(>er<  tir  Maximicn.  Ilsfu- 
rci  t  précipités  dans  leTibr(!  avec  une  grosse 
pierre  au  cou  ;  mais  en  ayant  été  tirés  rni- 
raculeu.eemerit  [)ar  un  ange,  ils  curent  tous 
deux  la  tète  tranchée.  L'Eglise  fait  leur  mé- 
moire le  3  nov(;mbre. 

HILAIRE  (saint),  evêque,  souffrit  le  mar- 
tyre îi  Aqirilée,  avec  saint  Tatien,  diiicre,  et 
les  saints  Félix,  Large  et  Denis.  Leur  sacri- 
fice eut  lieu  sous  l'empile  de  Numéricn  et 
sous  le  président  Béroine.  On  ne  dit  pas  quel 
fit  au  juste  leur  g-mre  do  mort  ;  il  est  cer- 
tain qu'ils  subirent  la  pein(ï  du  chevalet  et 
divers  auires  tourments.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  l(j  mars. 

HILAH^E  ^saint),  vulgairemeraent  Hilier, 
fut  maitvrisé  avec  saint  Floi-entin ,  en  l'an 
40G  de  l'ère  chrétienne,  sous  l'empii-e  d'Ar- 
cadius.  Ce  fut  dans  une  des  i  ivasions  que 
les  b;.ibares  faisaient  fréquemme  U  datis 
1  empire  romain  que  ces  deux  saints  furent 
martyrisés.  Ils  demeuraient  dans  la  vil  e  de 
Psendon,  déjieridant  du  diocèse  dAutun, 
dont  il  ne  reste  jlns  aujourd'hui  qu'un  i)etit 
village  nommé  Sémont,  inclus  dans  la  pa- 
roisse de  Saint-Marc-sur-Seine,  et  y  vivaie  it 
dans  la  pratique  des  plus  grandes  veitus 
Leur  martyre  eut  lieu  le  27  d  '  septend)re  4.06. 
Au  milieu  du  i\'  siècle,  leurs  corps  furent 
tranSjiortés  de  Pseuuon  à  Lyon  ,  ei  déposés 
dans  le  monastère  d'Aisnay.  L'Eglise  célèbre 
la  mémoire  de  ces  sai^'ts  le  jour  anniversaire 
de  lenr  martyre,  27  sepierabre. 

HILA  RE  (saint),  pape  et  confesseur,  reçut 
la  paline  du  martyre  à  Rome.  Nous  ignorons 
complètement  à  quelle  éi)oquG  et  dans  quelles 
circonstaicGS.  L'Eglise  lait  sa  fôto  le  10  sep- 
tembre. 

HILARIE  (santé),  femme  de  sai  ^t  Claude, 
tribun,  »  st  honorée  comme  maityre,  par 
l'iiglise  romai  le,  le  3  dé<'e;nbre.  L'umpereur 
Numérien  ayant  fait  mettre  h  nioit  son  mari 
et  ses  deux  enfants  ,  Jasoi  et  Maur,  comme 
il  est  d't  à  leurs  arli.-les,  elle  lit  ei.terrer  ses 
ceux  fils.  Us  av  tien  été  di^'  apités.  Son  raari, 
saint  Claude,  attaché  à  une  grosse  pierre, 
avait  été  je!é  dans  le  Tibre,  ce  qui  fit  (juc  la 
saillie  ne  jiut  pas  avoir  son  corps  poui'  lui 
rendre  h'S  demies  (ievo  rs.  Les»  païen.s , 
l'aant  t  ouvée  à  prier  sur  le  tombeau  de  ses 
deux  e  tfants.  se  saisirent  o'ell'^  et  la  mirent 
e  1  j  rison,  où  elle  mourut.  Son  corps,  mis 
d'abo  d  dans  l'église  de  Sainte-Praxède  par 
le  pape  Pascal  I",  fut  plus  tard  transféré  à 


1107 


HIP 


HTP 


1168 


Lucques,  avec  ceux  de  ses  deux  enfants. 
L'Ej^lise  cathédrale  de  coite  ville  possède  eii- 
cur<'  ces  précieuses  reliques. 

HILAUiE  (sainte),  rcçjut  la  palme  du  mar- 
tvre  h  Uouie,  avec  les  sai  Ues  Du  late,  l'au- 
li'ie,  Rustique,  No:niia-ide,  Séroline  et  leurs 
compagnes  dont  nous  ne  co'inaisso'is  p.is  les 
nouis.  L'K^lise  fait  leur  fête  le  31  déceaibrc. 

HILAIUÈ  (saille),  martyre,  était  mère  de 
sainte  Afre,  martyre.  Cett.>  sainte  feuiiue, 
veillant  au  tombeau  de  ^a  tille,  fut  brûlée  au 
même  lieu  pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  à 
Au^sbourg,  avec  Digne,  Euprépie.  Euiioune, 
ses  servantes.  Avec  elles  soutrrire'U,le  mùme 
j  lur  et  dais  la  même  ville,  les  sauits  Qui- 
riaque  ,  Lar^ion  ,  Ciescen  ien  ,  Ninge  ,  Ju- 
lienne, et  viigt  autres  doit  les  noms  ne  sont 
point  |)<nve  ms  à  la  postérité.  L'Kglise  fait 
leu   glorieuse  mémoire  le  5  et  le  12  août. 

HILAIUEN,  gouverneur  par  intérim  de  la 
prov  nce  d'Afrique,  aj)rès  la  mort  du  pro- 
coisul  Mi'uuius  Félix,  ht  martyriser  à  Car- 
Ihag  ',  en  20-2  ou  203,  sous  le  règne  de  i'em- 
per  ur  Septiuie-Sévèic ,  sainte  Perpétue, 
sainte  Félicité  et  leurs  couip:\g:ions.  {Voy. 
les  Actes  de  sainte  Perpétue,  à  son  artich'.) 

HILAUIN  l'sainl),  moine  et  martyr,  do  i  la 
sa  vie  |)Our  la  foi  clu'éticnne  an  com.nence- 
menl  dn  règne  de  Juliea  l'Apostat.  H  habitait 
Are/.zo,  ville  de  Toscane.  Il  y  f.:t  .u'iêté  et  dé- 
ca[»ilé,  [)ar  i.rdre  du  p.éfet  im;iéiial  Quadra- 
tien,  avec  le  saint  évèquc  Do  lal.  Ses  reli- 
ques ont  été  transférées  dans  la  ville  d'Ostie. 
L'Eglise  ho  M)re  sa  m  nnoiie  le  7  août. 

HlLAHiON  (saint),  eut  la  gloire  de  donner 
sa  v,e  pour  la  foi,  sous  Ti-mpire  de  'i'rajan, 
avec  saini  Procle.  Kei  ne  nous  apprenJ  ni 
le  lieu  de  .'■on  martyre,  ni  la  nianièi»;  dont  il 
eut  lieu,  li  fut  une  de  ces  victimes  nom- 
breuses que  Trajan  cond  unna  |)Our  cause  de 
christianisme.  Sa  fête  arrive  le  12  juillet. 

HILAUION  (saint j,  hl>  de  saint  saturnin, 
fut  l'un  des  quarante-huit  maityrs  mis  à 
mort  avec  saint  Siturnin,  en  Afrique,  sous 
le  [jrooonsul  Anuli  i,  en  l'an  de  Jésus-Christ 
305  ,  .--ous  le  lègne  et  durant  la  persécution 
atioce  que  l'i nfàine  Diocléli<  n  suscita  contre 
l'Eglise  du  Seigneur.  (>o//.  Saturnin.)  L'E- 
glise célèbre  la  fête  de  tous  ces  saints  le  11 
evrier. 

IIILDEIJRUT  (saint),  abbé  et  martyr,  était 
ablté  de  Saint-Pien-e ,  au  couvent  de  Saint- 
Bavon  de  Cand.  Ce  saint,  ayant  défiidu 
riionienr  des  images  contre  Ics  attaqies 
im|)i('S  des  icono:,last :s,  vei'sa  son  sang  vei'S 
l'a  née  l'.'yl.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  4- 
aviil. 

HIPPAKOUE  (saint),  donna  sa  vie  |)our  la 
foi  chcfHie  I  le,  en  21)7,  av(,'c  saint  Plhloihée, 
saint  Jacques,  sai'it  Paragrus,  saint  ll.djuh', 
saint  Uomai  i  et  saint  Lo  lie  i,  à  Samosale, 
sous  le  règ  H!  de  Dioclétien,  et  par  loidre  de 
]SIa\inii(!  i-lîalèic.  Les  Actes  (h;  Ions  ces 
s.unts,  (pie  l'F^glise  honore*  le  9  df  décembre;, 
ont  été  publiés  pnr  Etienne  As.sema ni  (t.  11, 
J).  121^;  (  ('  (pie  110U3  en  doinions  ici  leur  est 
em.trn  il('\ 

<«;d('r  •,  v.iiiiqncîur  des  Perses,  revenait  en 
2'J7,  E.n  pavsaul  jjur  Suiuosale,  il  lit  célébrer 


l 


des  jeux  publics, pour  fêter  sa  victoire.  Ordre 
fut  donné  à  tous  les  habitants  de  la  ville  do 
se  réunir  au  t  mple  de  la  Fortune,  ahn  d'y 
prendre  part  aux  sacrilices  solennels  que  le 
vainqueur  voulait  oilVir  aux  divinit(''S  de 
l'empire.  Cette  fête  fut  annoncée  à  son  de 
trompe,  et  de  tous  les  points  de  la  ville  on 
sentait  l'odeur  de  l'encens  et  des  victimes 
(pie  le  feu  consumait  en  l'honi  eur  des  dieux. 
Deux  magistrats,  Hipparfiui;  et  Philothée, 
tous  deux  d'une  hauîe  naissance,  et  depuis 
peu  conv(Mtis  au  christianisme,  allligés  de 
voir  ces  fôli-s  scandaleuses,  se  renf.  rmèrent 
dans  la  maison  de  l'un  d'eux,  celle  d  Hippar- 
ciue  ;  et,  ayant  fait  i  lacoi'  une  croix  dans  u""'e 
c-liambie  ,  contre  la  muraille  qui  r«  gardait 
l'orient,  ils  prirent  la  résolution  de  passer  en 
prières  tout  le  temps  que  dureraient  ces  fê- 
tes impes.  Sept  fois  le  jour,  ils  venaient 
adresser  leurs  prières  au  ciel  devant  cette 
croix.  Plusieurs  de  leurs  amis,  au  nombre 
de  cinq,  Jacques,  Paragrus,  Habide,  Romain 
et  Lollicn,  vinrent  un  jour  les  visiter.  Ils  les 
ti'ouvèrent  priant  devant  la  croix.  A  ce  spec- 
tacle, les  cinq  jeunes  gens  d  meuièrent  fort 
surp  is.  «  P.iurquoi,  dirent-ils  à  leurs  deux 
amis,  avez-vous  ainsi  l'air  triste  et  demi  urez- 
vous  renfermés,  quand  l'empereur  embellit 
la  ville  du  spectacle  ri  splendissant  des  tètes 
et  des  sacrdices?  »  Ils  leur  demandèrent 
pour(|uoi  ils  adoraient  ainsi  une  cioix  de 
bois.  Hipparqu  •  h.nir  répondit  qu'ils  n'ado- 
raie  H  pas  la  croix  eile-mèmr,mais  bien  celui 
qui  était  moit  sur  la  croix  |)our  le  salut  des 
hommes  :  Jésus-Clirist,  homme  et  Dieu.  Il 
leur  exposa  en  peu  de  temps,  d'une  façon 
biève  mai-  sulislantielle,  les  cioyai  ces  de  la 
religion  chrét  enne.  Alors  ces  cin*}  jeunes 
gens  déclaièient  qu'ils  voulaient  être  bapti- 
sés, mais  qu'ils  crai;naieiit  la  sév('rilé  des 
hiis.  Hippar([ue  et  Philotliée  leur  parièrent 
du  bonheur  ilu  martyre  en  tenues  tellement 
éloqu  nits,  que,  bieiitcH  peisuadi's  et  <  ntraî- 
nés,  les  cinq  jeunei»  gens  demandèrent  le 
baptême.  Alors  Hip]iar(pie  et  l'hilothée  écri- 
vn  e  tt  h  un  prêtre  nommé  Jacques  une  lettre 
ainsi  conçue  :  «  Qu'il  vous  plaise  venir  chez 
nous  aussitôt  que  vous  pourrez,  avec  de 
l'eau,  une  hostie  et  de  l'huile  pour  les  onc- 
tion^.  Déjeunes  brebis,  qui  viennent  de  se 
léuiiir  au  tiouj)eau  du  Seigneur,  aspnent 
ardemment  au  bonheur  do  votre  |  ré>enc(!  ; 
elles  sont  désireuses  d'être  mart|uées  du 
Sceau  de  Jésus-Christ.  »  Jac(}ues  arriva  por- 
teur de  ce  (pi'on  lui  avait  (hnnandé.  En  en- 
trant, il  trouva  les  cinq  néophytes  agenouil- 
lés et  priant  D  eu  avec  Hi(i  anpie  et  Philo- 
thée. Il  les  bénit.  Les  jeunes  gens,  s'élant 
levés, se  jetèrent  h  ses  p.eJs  et  le  supplièrent 
de  les  ba|)tiser.  Il  leur  demanda  s'ils  se  sen- 
taient prêts  à  souiliir  pour  Jésus-Christ  les 
ti  ibulalions,  les  luurnH'nts,  h-:;  tortures  et  la 
mort,  (pii  étaient  les  fruits  de  ces  tmiips  de 
peisct  utioii.  Tous  lui  ayant  allinné  ipi'ils 
éiaient  [wêts  h  loul  soiillrir  pour  l'amour  do 
Jésu.'^- Christ,  et  que  riiMi  ne  serait  capable 
de  les  en  dét.ulier,  il  hnir  dit  de  priin-  aveu 
lui.  Apiès  trie  heme  de  prière  en  commun, 
il  les  bénit,  rec.ul  leur  abjuration  cl  leur  ^CQ" 


H  69  IIIP 

lossion  do  foi  clirc^ticimo,  puis  il  les  liapiisa 
au  nom  (lo  la  ti(>s-saint(;  TiiniU',  ol  ensuili; 
leur  donna  le  corps  do  Notro-Sfi^ncur  Jrsiis- 
Christ.  Apri's  celte  sninle  cérémonie,  tous  se 
séparèrent.  La  léte  durait  toujours  ;  on  était 
au  troisième  joia-  de  ces  cér  momies  |)aioii- 
ni's.  (lalére  s'informa  de  la  conduite  (pi'a- 
vaient  tenue  les  magistrats  ,  demandant  si 
t  us  avaient  sacritié  aux  dieux  di;  l'emnire. 
Il  Ini  fui  répondu  (pie  e  uis  trois  années  en- 
tières Hip[>ar(pie  <  l  IMiilothée  ne  paraissaient 
pas  ai.x  cérémonies  publiques  où  on  otîrait 
des  sacrilices  aux  divinités  reconnues  par  le 
paganisme.  11  do'vui  l'or  iro  de  les  coniluiro 
an  temple  de  la  Fortune,  et  ^c  les  contrain- 
dre à  saci'ilier.  Les  o(lici;rs  chargés  d"ex.'cu- 
ter  cet  ordre  vinrent  à  la  maison  d'Hipp  r- 
que.  Ils  l'y  trouvèrent  avec  Pliilntliée  cl  les 
cinq  nouveaux  convertis,  llippartpie  et  Phi- 
lotliée  fur.  nt  d'.  bord  seuls  arrélés.  Conduits 
di'vant  l'empereur,  (jui  leur  demanda  |  our- 
(]uoi  ils  désobéissaiei  t  ti  ses  injonctions  et 
méprisaient  les  dieux  immortels,  ils  i-épon- 
direi  t  avec  un  grand  courage,  Ilipparquc 
surtout  dit  h  (lalère  qu'il  rougissait  pour  lui 
do  l'entendre  donner  le  nom  d-  D  eu,  nom 
si  grand  et  si  saint,  h  du  bois  et  à  des  pi(  r- 
res.  Galère  lui  lit  donner  sur  le  dos  cin- 
quante coups  de  fouet  armé  de  plomb,  et  le 
lit  a})rès  cela  jeter  dans  un  cachot  obscur.  Il 
fut  séparé  de  Philothée,  qui  avait  élé  empri- 
sonné aussi  a[)rès  avoir  refusé  de  sacrifier 
et  résisté  aux  promesses  que  Galèri'  lui  avait 
faites  I  oui'  !•  séduire,  comme  celle  de  le 
faire  i)réteur  et  de  le  conjbler  d.s  plus  gran- 
des favem's. 

A|)rès  cela,  les  officiers  reçurent  l'ordre 
d'aller  arrêter  les  cinq  jeunes  chrétiens  qu'on 
avait  trouvés  chez  Hipparquc.  Galère  les 
exliorta  fortement  à  prendre  pitié  de  leur 
jeu  e  âge,  et  à  ne  pas  mépriser  la  vie.  «  ISoîre 
foi  vaut  mieux  que  l'existence,  lui  dn-ent- 
ils,  et  rien  ne  pourra  nous  porter  à  re- 
noncer à  Jésus-Chiist.  Nous  sommes  main- 
tenant consacrés  par  le  coi'i'S  et  le  sang  de 
notie  Sauveur,  et  nos  corps,  devc'nus  saints 
par  ce  divin  contact,  ne  seront  pas  profanés. 
Nou'^  ne  pourrions  sacrifier  sans  outrager  la 
dign  té  de  chréli(!ns  qui  nous  a  été  confé- 
rée, w  .Malgré  les  no..velles  instances  de  (.a- 
lère,  ils  refusèrent  de  sacrifier.  Alors  ce 
prince  les  menaça  de  les  faire  crucifier  comme 
leur  maître.  «  Nous  ne  craignons  aucun  sup- 
plice, »  lui  dirent-ils.  Il  IcS  lit  charger  de 
chaînes  et  mettre  dans  des  cachots  séparés. 
Ordre  fut  donné  d  •  les  priver  de  toute  nour- 
riture, jusqu'après  la  fôte.  Quan.l  ce' te  fête 
fut  finie,  (îalèie  fit  élever  son  tribunal  d;-,iis 
une  f)rdirie  hors  de  li  \ille,  sur  les  b  trds  de 
l'Euphrate.  Ce  furent  Hipp  n-que  et  IMi  lolhée 
qui  furent  amenés  les  premiers.  Ils  étaient 
enchaînés  fiar  le  cou.  Les  cinq  jeunes  gens 
les  suivaient,  les  mains  attachées  derrière  le 
dos.  Ayant  tous  refusé  de  sacrifier,  ils  furent 
étendus  sur  le  chevalet,  et  reçurent  sur  le 
dos  chacun  vingt  coups  de  fouet,  •  t  ensuite 
des  coups  de  lanières  sur  le  ventre  et  sur  la 
poitrine.  Ensuite,  ils  furent  reconduits  en 
prison.  On  les  y  isola  complètement;  per- 


IIIP 


«170 


sonnn  no  pouvait  les  visiter.  Ils  ne  rece- 
vaient de  nourriture  ipie  juste  co  qu'il  fal- 
lait pour  les  empêcher  de  mourir.  Ils  turent 
ainsi,  d(;puis  hî  15  avril  jus(piau  21  juin. 
Quand  ils  subii'ent  leur  sicoiui  inl(;rroga- 
loire,  leur  maigreur  était  si  giaudes,  (pi'ils 
ressemblaient  à  des  sipiehîltes.  «  Obéissez, 
dit  (ialère,  vous  allez  èlrc  rasés,  conduits  au 
bain,  el  de;  lii  au  palais,  où  vous  attendent 
toiitrs  SOI  tes  d'iionne  ii'S.  Vous  sei'ez  réta- 
blis (la  is  vos  chaiges  el  dans  vos  dignités. 
—  Ne  nous  déto  irnez  [tas,  lui  diient-ils,  de 
la  vi.'  dans  laquelle  Jésus-Christ  nous  a  fait 
entr(M',  »  (ialère,  outré  de  fureur,  les  con- 
dami  a  h  être  crucifiés.  On  les  attacha  avec 
dos  cordes  qui  leur  passaient  dans  la  bou- 
che. Cl  on  les  conduis  t  au  TéUrdion,  lieu 
situé  lif)rs  de  la  ville,  où  on  exécutait  ks 
ciiininfils  condamnés  h  mort.  Une  grande 
foule,  parmi  latpielle  les  amis,  les  jtarents 
el  les  serviteurs  des  saints,  les  suivait,  fai- 
sant retentir  l'air  de  sanglots  et  <lc  gémis- 
sements. Les  |)rin(iiiaux  de  la  ville,  les  ma- 
gistials,  vinient  trouv  r  Galère,  lui  deman- 
dant  un  sursis  au  sup[)licc  des  saints.  «  Sei- 
gn  ur,  lui  diren  -ils,  IIip[)arque  et  Philothée 
sont  nos  collègues  ;  il  serait  (  onvenable  qu'a- 
vant de  mour.r,  ils  rei. dissent  coin[»te  (ies 
atl'aires  desquelles  ils  ont  été  chargés.  Les 
autres  sont  sénateurs;  il  serait  convenable 
aussi  qu'on  leur  doimût  au  moins  le  temps 
de  faire  leur  testament.  »  Galère  se  rend  t  à 
ces  raisons;  l'exécution  fut  sus|)endue.  Les 
magistr,Tts  menèrent  les  confesseurs  sous  un 
j)arv  s,  et  là,  les  ayant  débarrassés  de  leurs 
chaîn.'S,  ils  leur  diiont  :  «  Le  vrai  motii'[)Our 
loque'  nous  avons  demandé  un  sursis  h  votre 
supplice  est  celui-ci  :  Nous  désirons  que 
vous  nous  bénissiez  tous,  et  que  vos  jirières 
s'adressent  à  celui  pour  lequel  vous  allez 
n)ourir,  en  faveur  de  cette  ville  et  de  son 
peujîle  ici  rassemblé.  »  Les  saints  mariyrs 
leur  donnèrent  leui' bénédiction,  et  firent  un 
discours  au  peuple.  Galère,  informé  de  cela, 
en  fit  de  sévères  repro,  hcs  aux  magistrats, 
(\u\  doniièrcnii  {)our  raison  qu'ils  avaunit  agi 
ainsi  [)Our  empêcher  quelque  sédition.  11  lit 
venir  une  dernière  ibis  les  martyrs  devant 
lui,  el,  comme  ils  persistaient  à  i.e  pas  vou- 
loir .bj.rer  leur  foi  et  otfrir  des  j-acrifices 
<;ux  dieux,  il  fit  élever  sept  croix  vis-à-\is 
la  poi  te  de  la  ville.  Il  dit  à  Hij  parque  de 
nouveau  q  i'il  eût  h  obéir;  celui-ci  portant 
la  main  à  sa  tête  chauve,  répondit  :  «  11  n'est 
pas  [ilus  naturel  de  voir  ma  tête  se  regarnir 
de  cheveux,  que  de  voir  mon  esprit  changer 
de  résolution.  »  Gale  e,  joi-nant  la  (  ruauté 
à  la  sotte  raillerie,  h  i  fit  attacher  sur  la  tête 
une  peau  de  chèvre  avec  des  clous,  el  lui 
d  t  :  «  .\;aintenant  que  la  condition  est  rem- 
plie ,  pu  sque  lu  as  des  cheveux,  sacrifie 
donc.  ))  Les  saints  martyrs  furent  crucifiés. 
Des  dames  de  la  ville  vinrent  au  lieu  de  leur 
supplice  et,  cl  prix  d'ai-gent,  obiinreni  d'es- 
suyer les  blessures  des  saints  avec  des  mou- 
choirs et  des  éponges;  précieuses  reliques 
qu'elles  emporté. ent.  Hip|)aique  mourut 
promptement  sur  sa  croix.  To.iS  les  autres 
vécurent  jusqu'au  lendemain.  Les  bourreaux. 


\ll\ 


HiP 


IIIP 


wn 


1  oignardèrent  Jncqups,  Romain  et  Lnllien  sur 
lours  croix.  Pliilotlit'-e,  Hahide  cl  P.ira^rus 
furent  détachés  viv.nils.  (lalèrc  leur  lii  en- 
fonrer  des  clo  s  dans  la  IlMc.  Les  bouri-t'aiix 
s'en  acquittèient  d'une  façon  si  barbare,  que 
la  cervelle  leur  couvrit  le  visage,  tant  le  .r 
cr.inc  avait  été  afrre;:seineiil  brisé.  Le  tyran 
ordonna  ensuiti.»  do  jeter  leurs  cor,  sd^ns 
rEu|ilirate.  Ce  fut  un  clirét  en,  nommé  Bas- 
sus,  (jui  les  acheta  des  gardes,  pour  la  soniim.' 
de  se[)t  ce-Us  deniers,  et  qui  les  eninrn>  d:i- 
raiil  la  nuit  dans  une  propriété  qu'd  possé- 
dait à  la  cam  ai^iie.  L'auteur  des  Aeles  de  ces 
saints  él.-.it  p  éseut  q  uind  i  s  iounèreiil  1  ur 
bé'iédicîio  1  au  peu, 'le  assemblé. 

HIPPÉAS,  l'un  d.'S  lrente-sej)t  martyrs 
é^^yptien*;  q  li  donnèrent  leur  sa"ig  poui-  la 
foi  en  Egypte,  et  desquels  Ruinari  a  laissé 
lis  Actes' authcHiqucs.  Voy.  Martyrs  (les 
trente-sept)  i':gyptiens. 

HIPPOLVTE  (saint),  évêque,  docteur  de 
l'Eglise  et  m<;rtyr,  lloiissait  au  coinme'ice- 
menl  du  m' siè  le.  Gi-lase  le  (junlilie  métro- 
politain d'Aiabie.  Disciple  d.  saint  I  é'iée, 
ainsi  qu  •  de  Cléme:l  u'Al^xandri..',  il  eut  la 
gloire  d'être  l'un  des  maitres  d  Origène.  Il 
fut  aut(Hir  de  plusieurs  commcidaii-es  sur 
l'Ecriture  sainte  :  Origène  iniita  d.-puis  son 
maître.  Théodorel  cite  de  lui  [jlnsieurs  ho- 
mélies ;  on  en  avaî!  un  recueil  de  son  tem  s, 
ainsi  qu'une  h.'ttre  <i  limoératri  e  Sévé;a, 
femme  de  l'e-.npereur  P!uli[)pe.  11  y  et  it 
question  du  mys  èie  de  i'incarnatinn  .  t  è  la 
résurrection  (Tes  nions.  Il  composa  contie 
Noët  un  ouvra-^e  dont  la  plu*;  grande  pariio 
nous  reste.  Il  y  pa.Ie  cl  lirement  d  ..s  trois 
peisonnes  de  la  Ti  i'Mté;  d  donne  les  [)reuves 
de  la  'iivinité  de  Jés  s-Clirist,  et  tiisling;^ 
en  lui  les  deux  natures;  il  avait  fit  une 
Chronique  (jui  vena  t jusqu'en  2-22;  nois  ne 
r..voi)S  jilus.  On  a  en:;ore  de  lui  un  Cycle 
pascrd,  qui  tixe  le  tenijis  de  la  célébra-ion  de 
la  fC'te  de  Piques  durant  s  n/e  a.  s,  à  jiar'ir 
de  la  premièn;  année  u'Alexaiidie-Sévèi-e, 
c-'est-h-dire  222.  Il  existe  en  ore  des  irag- 
me  Us  de  ses  Cornmentiires.  il  avait  com- 
(Osé  plusieurs  livres  de  piété  ascéti(|ue  que 
Il  M  s  n'avi-ns  plus  ;  un  iivre  inlit  dé  :  Dvio- 
rif/ine  du  bien  et  (lu  mat.  Il  ava  t  écrit  aussi 
contre  Marcion,  contre  les  hérésies.  Dans  c(;t 
ouvrage,  on  trouvait  la  réfutation  de  trenl-- 
deui  seiUes.  D'après  Pliolius,  il  n'a»ait  lien 
des  beautés  du  sty  e  a  ituiue  ;  mais  son  dis- 
cours était  clair  et  grave,  et  n'ollVait  rien 
gui  n'all.U  h  H'-n  but.  En  1551  ,  dans  de» 
fi»  lilles  faites  sur  le  cliemin  de  Tivoli,  on  a 
trouvé  une  statue  curieuse  <le  saint  Ilinpo- 
J ,  te.  Celte  statue  orne  aujourd'hui  la  liibi  o- 
ttieque  du  Vatican.  En  l'année  ÎOiil,  on  a 
r<!lrouvé  et  publié  le  livre  de-  VAntrclirist, 
coiiqiosé  [lar  s  •int  Ilij)p(»lyte.  Eusebi-,  saint 
Jér-Miie  et  IMioli'.s  en  foui  mention.  Saint 
J''rouie  et  d'aulies  auteurs  anciens  le  noiu- 
menl  évèipje  et  martyr;  diiréienh  m  irtyro- 
Jo^es  motlenlsa  moitsous  le  règne  d'Alevan- 
cjre  ;  beaucoup  d'autres  bons  aul(nii's  ont  dit, 
AU  'onir.iicji,  (pi'i.  soullinl  durant  la  jiersé- 
culion  d«i  J)è<;e.  Il  est  cxlruord  tiaire  (ju'on 
soil  divisé  d'opinirtn  sur  un  suj(3t  si  clair  et 


si  simple.  Le  saint  docteur  a  réfut'^  l'hérésie 
de  Noet;  ur  e!l<'  commença  à  paraître  en  2'i5, 
et  K-mpereur  Alexandre  est  mort  dix  ans 
ayant,  en  '23o.  11  y  a  dj  ces  rapp.ri'chem"nts 
si  simples  po  ir  élû(  ider  certains  poi-^ts  d'his- 
toire, qu'un  est  presque  slu|  éfait  que  des 
hommes  graves  n'\  aieiU  pas  songé.  LEgli>e 
fiit  la  fUe  de  saint  Hip|  olyte  .ui  -2-2  août. 
Quel  jues  é('ri\ains  ont  pensé  qu'il  avait  été 
éyèfpjcde  Purto  en  II,  lie  :  il  y  avait  en  Ara- 
bie un  évèché  du  môiiie  no'u,  de  là  vient 
qu'un  a  coufo.ndu.  Cela  ne  doit  |  as  surpri  n- 
d  e,  quand  on  ^ong  •  que  PruJence a  con- 
f  ndu  tout  à  la  fois  tnùs  saints  du  même 
nom. 

HIPPOLYTE  (saint),  conf  sseur,  fut  exilé 
parMaximin  I",  en  Sardai,ne,  avec  le  |)ape 
saint  Pontien.  Nou>  ne  trouvuns  nulle  part 
des  documents  suJisants  pour  adirmer  d'une 
manière  positive  ce  que  devint  ce  saint  prê- 
tre. Si  l'opinion  de  ceux  qui  prétoiident  que 
saint  Pontien  fut  assom  ié  h  coups  d(-  bAlons 
prévaut  cohire  celle  qui  le  fait  mourir  de 
misère  et  de  maladie,  il  est  probal^le  que 
saint  Hqipoiye  aura  paitagé  son  î»oct. 

HIPPOLYTE  (saint),  mai-tyr,  et  lit  prêtre 
d  '  l'Ei^Iise  romai  e.  11  avait  suivi  le  scnisme 
de  Novat  et  de  Novatien.  Nous  verrons,  dans 
ses  Actes  que  no'is  donnons  en  entier,  co  li- 
ment il  renonça  à  son  erreur  en  marchant 
au  suoplice.  La  vérit%  dit-on,  sort  d-  la 
bon  he  des  mourants  ;  el  e  sort  aussi,  h  lu  n 
plus  forte  r  i  on,  •■c  celle  des  hommes  i|ui, 
(11  comoat  a.  t  pou-  leur  f  li,  se  voient  sur 
le  seuil  de  réternité  oij  Dieu  les  attend. 
L'hiiinme  el  les  pa.ssions  disparaissent,  la 
v;rité  Sii  fiit  jour.  Ecoutons  les  Actes. 

«Illustre;  Vdécien,  sage  dispensileur  des 
mvslèi'es  de  Jésus-  bris  ,  Home  m'a  f  it  voir 
les  cendr  s  précieuses  qu'e  le  rtniferme  dans 
son  sein.  Ce  so  U  les  sacrées  déj)ouilles  dont 
une  infinité  d-;  martyrs  l'ont  enrichie.  Si 
vous  me  demandez  leurs  noms ,  et  quels 
t  très  d'houie  :r  «e  lisent  sur  leurs  tom- 
beaux, 1  est  difiicile  que  je  vous  réponde. 
Un  peuple  tout  entier  le  saints  a  vu  couler 
SOI  >ang  au  pied  des  autels  des  dieux 
tro  ,  ens,  et  Rome,  animée  u'une  fureui-  im- 
pie, voulant  honorer  la  religion  de  s  s  pères, 
s  '-st  fait  un  devoir  de  le  ré|)andre.  Il  est 
vrai  qu'on  y  voit  qu 'Iques  touibeaux  qui  por- 
tent le  noii)  du  martyr  qu'ils  renf(MMiienl,  ou 
queliiues  inscriptions  qu'une  main  amie  ■.  a 
gravée;  maiN  on  y  en  trouve  un  bien  plus 
grand  nombre  dont  les  marbres  muets  n'en- 
seig  U'ul  ton!  au  plus  (pie  le  noiunre  de  ceux 
(pi'ils  couvi-ent.  On  p(nit  juger  (l(>  là  (;uels 
muiiceauv  de  corjis  saciés  la  Un-re  cache  à 
nos  yux;  et  je  me  souviens  qu'il  me  fut 
monlr''  un  amas  de  sabb-  ciui  donnait  la  sé- 
pulture ;i  soixante,  dont  Jésus-Chri-t  seul 
connaît  les  noms,  et  qui  sont  écrits  dans  son 
cunir,  comme  un  ami  est  écrit  dans  le  cœur 
de  son  ami.  Mais  tandis  (ju'une  sainte  curio- 
sité me  lait  iiarcourir  cvs  monuments,  et  que 
je  pousse  mt  recherche  jusipj'à  ceux  que 
l'antiquité  (n)mmence  i^  dérnber  h  la  connais- 
sance du  pieux  voyagmir,  llippolyte  se  pré- 
sente à  mes  youx  ;  cet  Hippolylo  qui,  s'étanl 


!173  nip 

aufrofois  mnllïonreusemfnt  ongngé  dans  lo 
parli  (le  Noval,  (|Ui>i(|'ie  I  lîj^lisc  'le  Homo  le 
comfil.U  mniii  ses  |(r(^(n's,  s'ôlail    oiivcrle- 
nio  11  (!('•, •|;\n''  cfHiiri'  l'Ilt';  j<'  l'aix-ivois,  dis- 
jr,  (iDii.uil  Trlcndarti  (Iti  niartvre  (-1  tout  cou- 
vert  dt'  s.i'V,  sonne  l'f^condi'  d'uni!  {j,lo  re 
îniiiioi  telle.  Vous  êtes  s  iis  doute  MMpr.sdi» 
voir  Uii  vicill.ird  (|U(;  l'cspiil  de  scliisnie  av.  it 
lo-igtemps  aniiué,  y  rcuoiccr  loul  h  coup,  cl 
reo  voir  u'i   houueur  (pii  semble,  n  ctn>  dil 
qu'au  défenseur  l(>  plus  zé'é  de  la  foi  catho- 
lique. Lorsqu'on   lo  tiaïuait  au  tribunal   du 
préfet,  so-1  àuu',  vicloriouse  des  faux  dieux 
vl  du  schi>nie,  rv.'S.>eutail  encore  la  joie  di- 
se voir  bi  'nlot  eu   liberté  par  la  dotruciion 
tle  S'in  cor|)s.  t/auiom-  que  son  peuple  lui 
po.  tait  avait  ramassé  autour  de  lui  une  troupe 
de  lidèles  dont  il  m.irclinl  e  iviromé;   Is  lui 
demantièreui  (piclleéiait  la  véritable  E^l  se, 
ou  celle  q   i   avait  Novatien    pour  chef,  ou 
celle  qui  obéissait  ^  Corneille.  «  Fuv  z,  ré- 
pouiiit-:l,  fuyez,  mes  enfan  s,  le  schisme  nu 
détestable  Noval  ;  réun  ssez-vous  aux  catho- 
lique» ;  (ju'une  seule  foi  vous  éJ.iire  ;  qu  une 
se. .le  Eglise  vous  rassemb  e;  et  ce  te  Ej^lise, 
mes  enfants,  c'est  l'ancienne,  et  celle  (}ue  le 
grand  Paul  recomail,  et  qni  voit  au  un  ieu 
d'elle  la  chair- du  bienheureux  Pierre.  Je  re- 
nonce h  l'erreur  où  j'ai  été  et  où  j'ai  entraîné 
les  autres;    et  pr6t  à  verser  mon  sang  pour 
Jésus-Clirisl,  j  ^  dois  vous  dire  que  ce  ip  e 
j'ai  cru  autrefcus  ôire  opposé  au   vé  it.ble 
culte  de  Dieu,  c'est  cela  mémo  qui  mérite 
toute  votre  vénération.  »  Après  q  e  par  ses 
paroles  il  eut  fait  quitter  à  son  cher  peuple 
le  chemin  d;uigereux  ([u'il  suivait,  et  que, 
quittant  lui-mC'uie  les  sentiers  déiournés,  il 
fut  rentré  dans  la  voie  royale  [iour  lui  servir 
de  guide,  devenu  un  docteur  de  la  vérité, 
d"u  1  maître  de  Terreur  qu'il  avait  été  jus- 
qu'alors,  il  fut  présenté  au  gouverneur  de 
Rome,  qui  exerçait  à  Ostie  u'horribles  vio- 
lences contre  les  chrétiens.  Cet  homme  ci  uel 
était  parti  de  Home  ce  jour  li  même  pour 
aller  port'  r  l'elfroi  dans  les  villes  voisines,  sa 
présence  étant  comme  la  peste  qui  désole 
tous  les  lieux  où  elle  passe  :  car,  non  content 
d'avoir  rempli  de  .i  eurtres  et  de  carnage  la 
ca,Mtale  du  monde,  et  d'avoir  enivré  de    ang 
innocent  la  terre  que  ses  murs  renferment  ; 
voyant  le  Janicule,  le  [lalais,  la  iribu  e  aux 
harangues,  et  les  faubourgs  en  regorger,  sa 
fireur  alla  se  répand  e  le  loigdes  rivages 
de  la  mer  de  Toscane,  et  les  environs  du 
port  des  Komains  en  ressentirent  benlôt  les 
etl'els.  On   le   voyait  assis  sur  un  tribunal 
élevé,  environné  de  bourreaux;  un  faux  zè;e 
pour  la  gloire  de  ses  dieux  le  dévorait,  et 
toute  sa  passion  était  de  rendre  iniidèles  les 
fidèles  discijiles  de  Jésus-Christ.  Là  étaient 
des  troupes  de  chrétiens  qu'il  avait  fait  ame- 
ner en  sa  présence.  La  j)riso'i  d'où  ils  sor- 
taient avait  imprimé  toutes  ses  horreurs  sur 
leur  visage  couvert  de  crasse,  et  il->  jioi  talent 
sur  toute  leur  personne  les  tristes  et  funestes 
marques  d'une  longue  misère.  Là  on  enten- 
dait le  bruit  horrible  des  chaînes  que  trai- 
uaient  ces  innocents  coupables,  mêlé  à  celui 
que  faisaient  les  fouets  et  les  lanières  de 


WP 


1171 


cuir  armée«!  de  for  et  d(î  [donib,  dont  les 
coups  ledoublés  frappaient  l'.ur,  qui  semblait 
s'en  plaindre  p.ir  ses  jiémi.ssi.'inenls.  J.es  on- 
gles de  fer  f.iisaieni  de  larges  ouveituics  aux 
cùtés,  et  [lortaiinil  jusipi'aux  entrailles  leurs 
pointes  mortelles.  Les  bourreaux  si ni/iiont 
leurs  lo'  (;es  épuis''es  ;  mais  la  fureur  du  juge 
en  repr(,'na  t  de  nouvelles  il  frémissait  de 
rage  eîi  voyant  ses  ctforls  inutiles  et  sa 
Cl  liante  trompée;  car  il  ni^  s'en  trouva  aucun, 
de  tant  de  serviteurs  de  Jésu  -Christ,  qui, 
parmi  des  su|),  lices  si  aifreux,  donnât  la 
moin  ire  marque  de  faiblesse.  «C'en  est  as- 
sez, bourreaux,  s'é^r  a-t-il  tout  à  cup  d  un 
ton  do  voix  terrible;  laissez  li  vos  ongles 
de  fer;  cessez  vos  tortures,  j'en  connais  l'i- 
nutilité; la  m<H  t  seule  nous  peut  fiire  raison 
do  ces  11  iséniblcs  et  nous  venger  de  leur 
trop  longue  résistance.  Qu'on  cou|ie  la  tô'e 
à  celui-ci  ;  (pi'une  croix  élève  celui-là  dans 
les  airs,  et  qu'il  y  devienne  la  proie  des  vau- 
tours; (pie,  du  haut  de  ce  roch-r.  Je  voie 
précipiter  ces  autres;  ceux-là  sont  desti  'es 
cU  feu,  et  un  seul  bùclier  nous  serv  ra  ù  |  u- 
nir  plus  d'un  coupable.  En  voici  qu'il  f;iut 
aba'T  .onner  dans  u''e  barque  entr'ouveite  à 
la  merci  des  Ilots,  afii'  que,  lorsqu'elle  seia 
éloig  lée  du  boid  et  b;  ttue  par  des.  coups  de 
mer,  ces  plrriches  mal  jointes  viennent  à  se 
séparer,  et  (juc  ces  iiiipie^  buvant  leur  nau- 
frage avec  l'onde  au. ère,  n'aient  pour  toute 
séj  ulture  que  le  ventre  des  monstres  ma- 
rins. » 

«Il  était  dans  ces  transports  lorsque  le  saint 
vieillard  Hippolyte  lui  fut  amené  chargé  de 
fers.  U'^e  jeunesse  emportée  ne  cessait  de 
crier  autour  de  lui  :  «  Vo  lîi  le  maître  des 
chrétiens;  vo  là  et  Ini  qu'ils  regarde  U  comme 
leur  chef.  Si  vous  voulez  (|ue  tous  les  chié- 
tie  vs  adorent  "OS  dieux,  il  fa  tque  vous  leur 
ôtiez  cet  Moaime  qui  les  e  itietient  dans  leur 
impiété.  »  ils  |)ressent  le  juge  de  le  livrer  à 
la  mort,  d'i  'venter  pour  lui  un  supplice  nou- 
veau, qui  fasse  trembler  tous  ceux  (jui  refu- 
seront de  l'encens  aux  dieux  des  Komains. 
Alors  le  gouverneur  demanda  le  nom  de  cet 
homme.  On  lui  ré|)ondit  qu  1  s'appelait  Hip- 
polyte. «  Eh  !.iien!  soit,  Hippolyte,  re  rit  le 
gouverneur;  qu  il  soit  donc  comii;e  Hippo- 
1.  te,  tils  de  Thésée,  traiiié  et  mis  en  pièces 
par  des  chevaux.  »  A  peine  cette  bizarre  et 
cruelle  sentence  eut-elle  été  rendue,  qu'on 
va  chercher  d.ns  un  haras  d  ux  chevaux  à 
qui  le  frein  était  inco  mu  ;  ils  .l'i.vaient  poi  -i 
encore  sen'i  la  main  caressante  du  p;  lefre- 
nier,  et  jamais  écuyer  n'avait  {uessé  du  ta- 
lon leurs  tlancs  poudreux,  ni  a|i|)uyé  la  gaule 
sur  leurs  Clins  hérissés;  mais,  nouvellement 
tirés  des  gras  pâtur.iges,  ils  étaient  ombra- 
geux, farouches  et  iikiomptés.  Cependant  on 
les  attache  ensemble,  malgré  leur  résis- 
tance; on  les  force  à  recevoir  un  mors,  qui 
les  assujettit  durant  quelque  temps  sous  un 
jo;!g  qui  ne  leui-  est  pas  moins  nouveau 
qu'importun.  Une  corde  y  tient,  qui,  se  cou- 
lant le  long  des  côtés,  et  passant  entre  les 
croupes  en  manière  de  timon,  vient  tomber 
auprès  du  pied  de  uerrière  ;  puis  s'étendant 
encore  au  delà,  va  saisir  dans  un  nœud  les 


H75 


HIP 


BIP 


1176 


jambes  et  les  pieds  du  saint  martyr,  les  te- 
nant fortement  serr(^s  par  le  mo.ven  d'uno 
autre  corde  moins  grosse. 

«  Après  qu'on  eut  pris  toutes  les  mesures 
qu'on  crut  nécessaires  pour  faire  réussir  co 
nouveau  genre  de  supplice,  où,  par  u'ie  in- 
génieuse cruauté,  on  avait  trouvé  le  secret 
de  faire  entrer  trois  autres  supplices,  on  fait 
partir  ce  funeste  att»'lago;  on  anime  les  che- 
vaux, on  les  excite  de  la  voix,  on  les  presse 
avec  le  fouet,  on  leur  fait  sentir  l'aiguillon. 
Les  dertiières  paroles  de  co  saint  vieillard, 
qu'on  put  entendre,  furent  celles-ci  :  «  Ils 
entraînent  mon  corps,  ô  Jé^us,  prenez  mon 
Aine  !  »  Les  chevaux  bondissent,  partent  et 
sont  d'abord  emportés  par  la  frayeur  qui  les 
saisit  et  qui  leur  fait  fuir  ces  clameurs  hor- 
ribles que  poussent  dans  l'air  les  cruels 
spectateurs.  Ils  s'élancent  à  travers  les  ro- 
chers, ils  percent  les  forôts;  le  rivage  du 
lli.'uve,  ni  la  rapidité  d'un  torrent,  ne  peu- 
vent ralentir  leur  ardeur;  ils  font  iilier  k's 
ta  Uis,  lis  ronve-rseul  li?s  buissons,  ils  apla- 
nissent les  guérets  et  les  codines;  les  roules, 
semées  de  cailloux,  deviennent  pour  eux 
une  carrière  unie;  ils  franchissent  tout  ce 
qui  peut  retarder  l'impétuosité  de  leur  course 
précipitée.  Cependant  le  corps  du  saint  est 
mis  en  pièces  :  ici,  les  ronces  en  ont  retenu 
une  partie;  là,  une  autre  partie  pend  à  la 
pointe  d'une  roche;  l'herbe,  en  mille  en- 
droits, a  changé  sa  couleur  verte  en  couleur 
de  pourpre;  et  la  terre,  humectée  de  ce  géné- 
reux sang,  en  laisse  voir  une  longue  trace. 
On  voit  encore  aujourd'hui  ce  tiiste  événe- 
ment i)eint  sur  une  muraille.  Le  crime  qui  a 
ôté  la  vie  de  ce  saint  homme  y  est  touché 
d'une  manière  si  vive,  que  la  vue  de  ce 
tableau  imprime  de  l'horreur  et  de  la  pi(ié 
tout  ensemble.  Le  saint  y  est  représenté  sur 
une  petite  hauteur  dais  un  enfoncement;  il 
a  le  corps  déchiré  et  sanglant.  Proclie  de  là, 
l'on  a[)erçoit  des  rochers  doit  le  sang  d '•- 
goutte,  et  des  halliers  où  la  main  savante  du 
peintre  a  su  mêler  artislement  le  ouge  avec 
le  vert.  On  voit  uti  peu  plus  loin  les  membres 
épirs,  et  qui  n'ont  [)l  ;s  entre  eux  cette 
union  (fue  la  nati.re  y  avait  mise. 

«Ce|)endant  les  aiiii^  du  saint  le  suivent;  les 
larmes  coulent  le  long  de  leurs  jou  s,  et  la 
tristesse  parait  sur-  leur  visage  ,  avec  une 
crainte  inquiète.  On  remarque  dans  leurs 
y(;ux  de  l'empressement,  et  ils  poitcnl  à 
droite,  à  gauchi',  des  regards  troublés,  mais 
curieux;  la  jiisle  du  sang  les  conduit,  et  on 
les  voit  se  baisser,  et  ram:isser  dans  le  yan 
d',*  leur  lobe  le-,  membres  (lis|»ersés  de  leur 
ami.  L'un  regarde  la  tète  (ju'il  a  trouvée;  la 
blancheur  de  ses  chi.'veux  est  souillée  de 
sang  et  de  poussière;  mais,  parmi  les  som- 
bres couhnjrsde  la  moil,  elle  inspire  encoi-i! 
le  respect.  Oelui-ei  pr(;  id  les  épaules  dnnt 
les  bras  sont  arrachés,  et  les  mains  (pii  ne 
lieino  it  plus  aux  bras;  celui-là  rcmco  itre 
sous  ses  ()as  les  jambes  séparées  des  pieds, 
v.l  roin[>iies  en  |)lusi(!urs  endroits;  l(;s  autres 
tMiipoilcnl  dans  leurs  manteaux  h;  sable  (pii 
a  1)U  le  sjuig  du  martyr,  alin  qu'il  ne  reste 
rien  de  celle  précieuse  roséo  sur  une  terre 


P'^Oiane  et  maudite;  d'autres,  enfin,  ramas- 
sent soigneusement  avec  des  é|)onges  celui 
qui  a  été  reeueilli  sur  les  troncs  des  arbres. 
AJais  déjà  la  foret  ne  relient  plus  aucune 
j)artie  di-  ce  sacré  corps,  el  l'on  ne  craint 
plus  qu'aucune  soit  i  r.vée  des  honneurs  de 
la  S(''j)ulture.  Après  donc  que  celte  p  euse 
trou  e  des  amis  d'Hippolyte  eut  recueilli 
avec  un  soin  extrême  tous  les  mcnubres  dis- 
persés de  ce  bienheure.x  martyr;  après 
qu'ils  eurent  été  assurés  qu'ils  jKJssédaient 
ce  trésor  tout  entier,  ils  pensèienl  à  lui 
chercher  un  tomb  au.  Ils  quittent  Ostie,  et 
ils  croient  qu'il  n'y  a  que  Unm.'  qui  soit  di- 
gne de  conserver  de  si  précieuses  reli- 
ques. 

«  Dans  le  fond  d'un  vallon,  et  assez  proche 
d'un  plant  d'arbres  fruitiers ,  on  trouv»? 
parmi  des  fondrières  uHe  grotte  obscure  :  un 
sentiei-  tortueux  y  conduit  par  une  pente 
douce.  Ce  lieu  fut  toujours  inaccessible  à  la 
lujnicvre,  e-i  ebe  n'a  jamais  pu  y  pénétrer  ;  il 
n'y  a  (pic  l'entrée  qui  a  reçoit  f  nb  ement  par 
une  ouverture  étroite.  .Mais,  après  qu'on  a 
fait  quelques  pas,  et  que  par  divers  détours 
on  a  pénétré  plus  avant,  l'on  trouve  quel- 
ques fentes  dans  le  toit  par  où  la  lumière  se 
fait  passage  ;  et,  quoique  des  deux  cotés  de 
la  grotte  on  ail  pratiqué  sous  des  portiq  ;es 
de  petits  réduits  enfoncés,  le  jour  ne  laisse 
pas  d'y  pénétrer  par  le  moyen  de  plusieurs 
de  ces  soupiraux  qui  sont  j)ercés  dans  la 
voûte,  et,  par  cet  innocent  ariifice,  on  jouit 
des  bienfaits  du  soleil  dans  des  lieux  incon- 
nus à  cet  astre.  Ce  fut  à  cette  demeure  obs- 
cure et  secrète  que  l'on  conlia  le  corps  de 
saint  Hippolyle.  On  éleva  proche  du  toiii- 
beau  un  autel ,  et  celle  bible,  qui  était  tout 
en-emble  et  la  dispensatrice  du  sacrement 
de  Jésus-Clirit,  el  la  fidèle  gardienne  de  son 
martyr,  co  iseï  ve  so  gneusemeU  ses  os  sa- 
crés, juscju'au  jour  où  le  souverain  juge 
doit  leur  donnci-  l'iminoitalilé,  et  nouriil  en 
môme  leni|)S  tl'un  pain  céleste  le  peuple 
saint  ((ui  habilesur  lesbordsilu  Tibre.  Ce  lieu 
est  devenu  célèbre  par  la  [)  été  des  lidèles, 
el  parce  qu'on  y  trouve  Dieu  de  plus  facile 
accès,  si  l'on  ose  parler  ainsi,  et  plus  prompt 
à  exaiicei'  les  vœux  «pion  lui  jnésente  ynxr 
l'e  ilremise  de  ce  saint,  (pii  ne  manipie  guère 
de  faire  oblenir  un  heureux  succès  à  ceux 
(|ui  ont  recours  à  son  intercession.  Il  est 
juste  ((ue  ma  reconnaissance  |  araisse  ici. 
Oui.  toutes  les  fois  tju'accablé  des  maux  do 
l'àine  ou  ilu  corps,  je  me  suis  prosterné  de- 
vant ce  lomheau,  j'ai  reçu  en  même  tem{)s 
la  guérison  de  l'un  ou  de  l'aiitic.  Si^'o  revois 
ces  lieux  (jui  me  sont  si  chers;  s  il  m'esl 
perllli■^,  ù  illustre  prélat,  do  vous  embrasser; 
si  'iilin  j(;  jouis  ih;  l'heurfnix  loisir  ipii  mo 
fait  écrire  ces  vers,  j(!  dois  tout  cel.i  à  llip- 
polyt(!;  c'est  lui  (pii  l'a  obtenu  |  oiir  moi  de 
Jésus-Chrisl,  dv.  ce  Dieu  tout  bon  cpii  a  bien 
voulu  lui  faire  pari  de  sa  puissance,  alin 
(pi'il  fill  t  lujours  prêt  à  accoider  ce  (lu'ou 
lui  demanderait. 

«  Les  préci(nises  dépouilles  de  celle  grande 
Ame  sont  r(Mif  •rmé(>s  dans  une  cliAsse  d'ar- 
gent njassif;  une  main  inagnili(iuea  i)ris  soin 


1177  tlIP 

d'orner  lo  lieu  nCi  oKcs  reposent  d'un  lam- 
bris, dont  (le  grandes  pièces  d'ivoire,  plus 
b'anclies  .pie  la  nci^e  et  plus  |)0lies  qu'une 
glace,  couipo><ent  le  riche  asseiuhlaj^e.  Kt 
Ci't  e  luèine  Muii'>,  nuri  contente  n'avoir  in- 
crusté .out  le  portitpie  d'u-i  niarl.rf?  pré -ieux, 
l'a  encore  enrichi  (!>•  festons  de  cu.vre  et  do 
hron/e  doré.  l*arlerai-je  du  concours  [)rodi- 
gieu\  (pii  s'y  fait  cliaipie  jour?  Dès  (pie  h> 
so  eil  paraît,  le  peuple  s'.v  rend  en  foule  pour 
V  nrier;  une  seconle  troupe  succède  à  cette 
ji.einière,  et  n'^e  troisiènu!  h  cetl(ï  seconde; 
ei  (piand  le  soleil  se  relire,  il  voit  encore  ce 
lieu  sacré  rempli  de  ceux  (pii  y  vo'il  porter 
leurs  v(pux.  Les  Uoinains  et  les  barbares, 
riiaiie  et  les  provinces  y  viennent  par  pelo- 
lois;  un  même  esprit  l(>s  y  amène,  l'amour 
de  la  relic^ion.  Pendant  (pie  les  uns  baisent 
avec  respect  le  métal  (jui  renferme  les  saints 
osse-nents,  les  autics  répand(Md  des  [)arfums 
on  des  larmes.  Mais  lors(jue  l'année,  dans  la 
révolution  de  ses  jours,  a  ramené  celui  de  la 
naissance  du  saint,  quelle  foule  iiuiombrablo 
de  [leuple  n'y  accourt-elle  point  de  toutes 
parts  !  Quel  empressement  !  Quels  vœux 
n'olfre-t-on  point  à  Dieu!  Combien  lui  en 
oUVe-t-  )n  !  Qui  les  pourrait  compter?  La  ville 
auguste,  la  ville  impériale  y  envoie  tous  ses 
CD  icitoyens.  ces  illustres  bourgeois  de  la 
première  ville  du  monde.  Les  grands  de 
l'empire,  les  familles  praticiennes  prennent 
plaisir  à  se  môler  parmi  cette  dévote  bour- 
geoisie. La  piété  confond  l'artisan  avec  le 
sénateur,  et  la  foi  ég  de  le  noble  au  roturier. 
A'be,  l'ancieime  rivale  de  Rome,  lui  dispute 
e-core,  no-i  1  emi)iro  do  l'Italie,  mais  l'avai- 
!age  d'èt(e  encore  plus  dévouée  au  s  dnt 
ma.ityr.  Ses  habitants,  vêtus  de  blanc,  sortent 
h  grands  ilôts  de  ses  |)ortes  ;  tous  les  cbe- 
in'iiS  so  H  couverts  de  peuples  (lillere'ds  qui 
cultivent  les  fertil  s  co-^trées  de  l'Hespérie; 
on  y  voit  les  Toscans,  les  Samnitcs  et  ceux 
de  la  Marche  d'Ancô  ^e  ;  Caiioae  et  Noie  de- 
vienne U  désertes.  Tout  retentit  des  chants 
d'aiiégresse;  le  mai'i  et  la  femme,  environnés 
de  lein-  jietite  famille,  marchent  avec  une 
joie  empressée.  Les  cami/agnes  les  plus 
v.s'es  ne  peuvent  contenir  cet  agréidjle  et 
)Mci:ique  débordem  id  de  tant  de  peuples,  et 
les  lieux  les  plus  é  endus  se  trouvent  lro[) 
s  rrés  j)our  leur  doni:er  |)assage  ;  on  s'y 
pi  esse,  on  s'y  porte,  et  on  est  souvent  obligé 
de  s'arrêter.  La  sainte  caverne  serait  sans 
dou  e  troj)  étroite  pour  tant  de  dévots  pèle- 
rins, si  un  grand  et  superbe  temple,  élevé 
.•iv  'C  une  magnilicence  toute  royale,  ne  ser- 
vait à  recevoir  lo  co'  tinuel  dégorgement  que 
la  cha[»elle  en  fait  à  chaque  moment. 
L'exhaus  ement  de  l'édifice  et  les  riche-;  of- 
frandes qui  s'y  font  lui  donnent  un  air  de 
gran  eur  et  de  majesté;  un  double  rang  de 
colonne^  soutent  la  voûte,  appuyée  sur  une 
architrave  dorée.  Deux  a  les,  sous  une  voûte 
plus  basse,  forment  une  suite  de  chapelles 
et  de  réduits  oiî  l'on  peut  se  recueillir  pour 
prier;  ma  s  la  nef,  large  et  spacieuse,  s'élève 
jusqu'au  comble,  d'une  prodigieuse  hauteur. 
Le  tmne  de  l'évoque,  placé  sur  une  estrade 
où  l'on  monte  par  plusieurs  degrés,  s'offre 


IIIP 


un 


d'abord  h  la  vue  de  ceux  qui  entrent  :  il  est 
au  l'on  I  du  temple;  c'est  (h;  \h  (pie  le  saint 
pontife  annonce  la  parohî  (h;  Dieu.  Le  peu[)le 
(pii  y  entr(;  et  en  .^oi't  sans  cesse  resstnnblo 
à  uiK!  mer  agitée  ou  <i  un  fl(nive  (pii  s'enfle 
et  se  grossit  i)ar  la  chut(!  des  torrents;  son 
lit  est  lidp  étroit  pour  contenir  toutes  ces 
eaux,  il  faut  ((u'elles  se  répandent  |)ar-dessus 
ses  bords,  et  ([u'elles  inondent  les  cami)agnes 
voisines  ! 

«Les  ides  du  mois  d'août  font  revoirions  les 
ans  ce  jour  solennel.  J(î  vous  exhoite  et  je 
vous  conjure  tout  ens(nnble,  savant  et  pieux 
docteur,  de  suivre  l'exemple  de  Homo,  et  de 
mettre  cette  fête  au  nombre  de  celles  de 
votre  diocèse;  qu'elle  revienne  à  son  tour 
ave(;  celle  du  grand  Cyprien,  du  généreux 
guerrier  Chélidoine,  et  d'Iiulalie,  la  gloire 
des  vierges.  Ainsi,  que  le  Seigneur  vous 
puisse  exaucer,  lorsque,  prosterné  en  sa  i)ré- 
scnce,  vous  lui  offrirez  le  sacrifice  de  vos 
prières  en  faveur  d(;  votre  peuple.  Ainsi,  que 
le  loup  affamé  ne  puisse-t-il  jamais  a|)[MOcher 
de  votre  bergerie,  ni  enlever  aucun  de  vos 
tendres  agneaux!  Puissent  vos  soins  chari- 
tables et  empressés,  me  trouvant  sur  l'herbe 
desséchée,  comme  une  brebis  égarée  et  lan- 
guissante, me  ramener  dans  le  bercail  !  Piiis- 
siez-vous,  eidin,  après  avoir  multiplié  le 
troupeau  que  le  ciel  vous  a  confié  sur  la  terre, 
le  conduire  dans  les  pâturages  éternels,  en 
la  compagnie  du  bienheureux  Hippolyte!» 
(Prudence.) 

HIPPOLYTE  (saint),  fut  martyrisé  avec 
les  saints  Eusèbe,  Adrias,  Marcel,  Maxime  , 
Pauline,  Néon  et  Marie,  sous  le  règne  de 
l'empereur  Valérien,  en  l'année  250.  Leurs 
Actes  ,  que  nous  donnons  d'après  Ba'onius , 
que  nous  traduisons,  nous  paraissent  édifiants 
et  authentiques.  Quant  à  la  date  que  donne 
Baronius,  259,  il  y  a  une  rectification  à  faire. 
On  sait  que  la  chronologie  de  cet  auteur  est 
fausse  ,  et  que  chez  lui  239  se  rapporte  à 
236... 

Valérius  et  Acilius  étaient  consuls;  Hip- 
polyte, citoyen  romain,  vivait  solitaire  dans 
les  grottes  des  environs  de  Rome  ;  sa  vaste 
érudition  dans  la  science  apostolique  ame- 
nait auprès  de  lui  beaucoup  de  gentils  qui 
se  convertissaient  au  Christ,  et  recevaient  le 
baptême.  Hippolyte  venait  fréquemment  au- 
|)rès  du  pape  Etienne,  conduisant  à  ses  pieds 
les  chrétiens  nouvelh^ment  convertis  })0ur 
qu'ils  reçussent  le  baptême.  Comme  cela  de- 
venait de  plus  en  plus  fréquent,  des  déla- 
teurs le  dénoncèrent  à  Nummius,  préfet  de  la 
ville  :  celui-ci  fit  sa  déclaration  à  l'empereur 
Valérien.  Hippolyte  l'ayant  su,  en  avertit  le 
pape  Etienne  ;  alors  le  b'enheureux  E  ienne 
ayant  rassemblé  la  multitude  des  chrétiens, 
commença  à  les  fortifier  par  de  saints  con- 
seils tirés  principalement  des  Ecritures  :  il 
leur  disait  entre  autres  choses  :  «  Mes  chers 
enfants  ,  écoutez-moi  quoique  je  ne  sois 
qu'un  pécheur.  Pendant  que  nous  avons  en- 
core le  temps ,  faisons  le  bien  pour  notre 
salut  :  ainsi  donc  que  chacun  de  nous  porte 
courageusement  sa  croix  et  suive  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ ,  lequel  a  daigné   nous 


\il9 


BIP 


mp 


41S0 


(Jirp  :  Celui  oui  aime  trop  son  àmp  la  per- 
dra ;  mais  celui  qui  l'aura  dorme''  à  cause  de 
moi.  In  retrouvera  dtus  l'éternité.  Je  vous 
coiijnie  aussi  q  e  chacun  'lo  uo  s  (>ie  htî 
soin  •ion-souleint"U  Je  lui-mônu!,  mais  -fes 
siens.  Si  q  lelqii'un  a  un  a;ni  ou  un  pruche 
parent  qui  soif  cneoro  p  ïen  ,  q  «'il  n-»  lai\ie 
pas  à  m}  l'anieui-'r  a!i  \  ([u"il  r  'çoivj  hî  lji  .- 
tùuie.  »  AloisIlipp'jlylOjSt'  jetant  m  \  pieds  du 
saint  [lafie  Klienne,  lui  dit  :  «  Mon  hon  pèi'^, 
6coul.'Z-in  )i  :  j'ai  un  neveu  et  sa  sanir  ipii 
sont  encore  gentils,  je  1rs  ai  nstru  Is  :  le 
jcîjne  hoann^'  n'a  que  dix  ans  ,  la  jeune  lillo 
en  a  treize  :  leur  luèie  se  noiunie  Pauline  et 
est  païenne  ;  leur  père  se  uouinie  Adiia-;,  d 
me  les  a  lui-même  envoyés.  »  Le  l);enheu- 
reux  Fltienne  lui  donna  le  consei  de  les  re- 
tenir quand  A.  ;jias  les  lui  renverrait,  aiin 
que  leurs  j)arents,  venant  les  chercher,  on 
l)rotilàt  de  celte  occasion  pour  les  exhorter 
eux-mi^mes.  Deux  jours  après,  les  deux  en- 
fants vin'ent  trouver  H:pi)olyte  ,  lui  apjKjr- 
tant  quelques  aliments  :  il  les  retint  el  en 
instruisit  Etienne;  C'iui-ci,  se  rendant  j^ès 
d'e.ix,  les  embrassa,  les  traitant  avec  beau- 
coup de  douceur.  Les  parents  inquiets  vin- 
rent chercher  leurs  enfants.  E'ieune  com- 
mença a  leur  parler  des  pe  nés  de  l'autre  vie, 
du  jUpjemftiit  dernier,  les  exhortant  avec  de 
furies  raisons  à  renoncer  au  culte  des  idoles. 
Hippolyte  se  joignit  à  lui.  Adrias  leur  dit  qu'il 
craignait  d'être  privé  de  ses  biens  et  de  pé- 
rir par  le  glaive  (car  le!  était  le  sort  qui  at- 
tendait ceux  cîui  s'avouaient  chrétiens).  Pau- 
line, sœur  d'iiippolyte ,  dit  la  m6m{^  chose, 
s'i'mpoitanl  contie  son  frère  à  cause  des  con- 
seils qu'il  donnait.  Cette  Pauline,  sœur 
d  Hipj)olyte  ,  avait  en  h-u-reur  la  religion 
chrétienne.  Les  deux  saint-,  les  ayant  ente:i- 
dus  parler,  se  retirèrent  sans  avoir  rien  <»b- 
lenu  ,  mais  sans  déseSi>érei-  encore  du  suc- 
ée-. Alors  Etienne  appela  près  de  iui  le  f)rô- 
tre  Eusèbe,  homme  d'une  grande  science,  et 
le  diacre  Marcellus;  il  les  envoya  vers  Adrias 
et  Pauline.  Ces  envoyés  les  fn-ent  venir  dans 
la  aablonnière  où  demeurait  Hippolyte  ,  et 
quand  ils  pai-urent,  Eusè.ie  leur  parla  en  ces 
termes  :  «  C'est  le  Chr  si  qui  vous  attend  , 
aljn  que  vous  er. triez  avec  lui  diuis  le 
royaum'  des  cienx.  «Pauline,  f^ùsant  des 
ob  ections  et  parlant  de  la  glure  de  ce 
nioide  ,  le  saint  prô  re  lui  dit  beaucoup  de 
choses  touehanl  la  gloii'e  du  ciel ,  dans  le- 
quel ils  n'entreraient  que  par  la  foi  el  par 
le  b  plème.  Pauline  ajourna  sa  décision  au 
jour  suivant.  La  mènu!  nuit,  ce. tains  pa- 
rents chrétiens  amenènmt  h  iCusèbe,  dans  la 
sablonnière,  leur  lils  (|ui  était  paralyti(p)e  , 
demandanl  qu'il  h;  baplisAt.  Eu.-.èbe  ,  après 
avoir  prié,  le  ba|)lisa  :  en  recevant  le  baj)- 
tCme,  ce  jeune  homme  fu'  guéri  ,  et,  ayant 
recouvié  la  paroi  ,  il  adressait  h  Ditni  ses 
actions  de  grAces.  Alors  Eusebe  oll'ril  h;  saint 
sarr-ilice,  et  tous  i-eçurent  le  corps  et  li.'san.-î 
d  Jesu^-Clirisi.  Le"  jt.'.pe  Eiien.  e  ayant  ap- 
pris c(da  vint  les  trouver,  et  x^Sj  se  réjoui- 
rent lou-)  (;nseud)le.  Dés  le  niatin  Adrias  et 
l'anime  rttviîuent.  Ayant  appris  la  guécisft  i 
miraculeuse   du  jeune    honnne  ,  i;s  furent 


frappés  d'admiration  ;  touchés  jusqu'au  fond 
du  cesnr  el  se  i>rosternant ,  ils  demandèrent 
le  ba  tème.  IJip  'oiyte  voyant  ce'a  ,  rendit 
grAcesh  Dieu,el  dil  au  bienheureux  Etienne: 
«  O  mon  sai  tl  ujaiti-e ,  ne  tardez  [)as  à  les 
baptiser  :  »  Alors  Elienie  dit  :  «  Accomplis- 
sons les  formalitt's  solennelles;  pro;:édons  à 
1 'ur  intei'rogaloire  ,  et  s'ils  sont  vraiment 
croyants,  el  s'il  ne  reste  au  fond  de  leurs 
CiKursni  (n-ainte  ni  hésitations,  i's  recevront 
le  baptême.  Aj)rès  les  avoir  nlerrogés ,  il 
leni'  !iresc;ivil  uu  jei'lne,  les  catéchisa  et  les 
baptisa  au  nom  di-  la  Trinité  ;  et  faisant  sur 
eux  le  >igne  de  la  croix  ,  il  nomma  le  jeune 
gar.^un  Nétju  et  la  jeune  fille  Marie.  Après 
avoir  offert  pour  eux  le  saint  sacrifice  et  leur 
avoir  donné  la  communion  ,  Etienne  se  re- 
tira. 

'Ions  ces  nouveaux  baptisés  commeacè- 
re  H  dès  lors  à  habiter  dans  la  même  grotte 
qu'Hippolyte  ,  avec  le  prêtre  Eusèbe  et  le 
diacre  Marce  lus.  Quant  aux  biens  qu'ils 
avaient  dans  la  ville ,  ils  les  distribuèrent 
aux  i)auvres.  Quand  ces  événements  furent 
connus  et  que  Valérien  en  eut  été  informé, 
il  ordonna  ({u'on  les  cherchât,  promettant  la 
moitié  de  hnirs  biens  h  ceux  qui  les  décou- 
vriraient. Un  nonnné  Maximus  ,  qui  faisait 
les  fonctions  de  greffier ,  se  servit  pour  les 
découvrir  de  la  ruse  que  nous  allons  dire.  Il 
feignit  d'être  chrétien  et  indigent  ;  et  venant 
au  mont  Célius  où  il  y  avait  une  carrière  de 
charoon  (une  houillière),  il  resti  là,  deman- 
dant l'aumône.  Quand  Adrias  j)assa  avec  ses 
compagnons,]!  lui  demanda  l'aumône ,  se 
s  rvant,  pour  voir  s'il  était  bien  celui  qu'il 
cherchait,  de  la  formule  suivante  :  «  Au  nom 
du  Christ ,  auq  el  je  crois  ,  je  vous  en  con- 
jure, ayez  jjitie  de  ma  misère.  »  Adrias  ayant 
pitié  de  lui,  lui  dit  de  le  suivre.  Mais  connue 
il  entrait  dans  sa  demeure,  Maximius,  pos- 
sédé du  démon  ,  se  mit  <i  crier  :  «  Homme 
de  Dieu,  je  suis  un  trait  e  venu  poni-  vous 
livrer;  je  me  vois  lout  entouré  de  tlammes, 
priez  pour  moi ,  car  je  brûle  cruellement.  » 
Adrias  et  les  autres  se  (irosternèient,  se  mi- 
reiK  à  [irier,  et  Maximius  fut  délivré.  Quand 
ils  le  relever^  ni  de  terre ,  il  se  mit  h  crier  : 
«  Péi'issenl  les  adoraleurs  des  faux  dieux, 
je  ueuiande  le  baj)têiue.  »  Ils  le  comluisiieiit 
à  Eli<!nne  ,  qui ,  ajxès  l'avoii-  atUnilivemeat 
étu(Hé,  lui  d'Uiua  !e  J)ai)lême.  Devenu  chré- 
tien ,  il  demania  h  habiter  (piclques jours 
avec  le  [lape  Etiinine.  Longtemi'S  après  (h 
la  lin  de  "l'Sl),  on  cherchait  Maximms  et  on 
ne  le  trouvait  pas  ;  alors  on  le  dénonça  à 
Vahrien  en  l'accusant  de  s'être  fait  chré- 
tier).  Des  émissair.  s  envoyés  pour  le  i)ren- 
dre  le  trouvèrent  dans  sa  maison,  |)ioslerné 
et  priant  l)i(m  :  ils  le  saisirent  et  l'amenè- 
rent à  N'alérien  ;  celui-ci  lui  dit  :  <<  (Vesl  donc 
ainsi  (pie  lu  t'es  laissé  av(Mighn- par  l'aigmit 
au  point  de  me  fuie  de  fausses  promesses?-) 
Maximius  lui  répoodil  iiumé.liaunnentiuOui, 
j'ai  éléacugle;  mais  depuis  peu  je  vois(;lair. 

-Quelle  luiuière  l'a  donc  ('cMiiré ?--J'ai  été 
éclairé  par  la  foi  en  Noire-Seigneur  Jésus- 
Christ.  »  Valérien,  irrité,  le  lit  jeter  dans  la 
jivière  par-dessus  un  pont.  Le  jrêtre  Eusèbe 


ilSl 


flff 


ITTP 


4182 


ayn-it  tronv(^  son  corps ,  IVnsevoIit  riftns  lo 
ciiii(>li("if  (IcCallisto,  sur  l.i  voie  A|.|)i(Miiio  , 
If^  ticizi^nie  des  ciilendes  (Je  février  ('iOjaii- 
vier).OM  voit  encore  dans  les  (ialaroinhcs  h; 
t  mix'iii  (If.M  .xiiniiis  avec  cotte  itisci  i|tlioM  : 
t(mil)eau  de  Maxiiuins.  Le  ('orps  a  été  oii- 
K'vi-,  il  n'y  a  plus  (p<e  la  loiuhe. 

lùisuite"  Valérion  ,  usant  dt>  grande  dili- 
genc(» ,  envoya  soixante-dix  sol  l.its  (pii, 
ayant  trouvé  EusM)0  ,  Ad.ias  ,  Hipp'd.vle, 
Pauline  et  leurs  e  i1a  'Is  ,  les  saisir  lit  et  les 
ameut^'Cil  sur  la  place  Tiajane.  ^!ais  le  dia- 
cre Marcellus  arrivant  ,  analliéiualisa  N'alé- 
rien,  parce  qu'il  avait  (ioniié  Tordre  d'arr(^- 
ter  les  amis  delà  vérité.  Alors  Secondiaiius, 
revôtu  de  sa  toge  (  prohaMcineiit  assesseur 
du  jn-çe),  dit  :  «  Celui-ci  «st  cbrélien  comme 
les  autres.  »  Eusùbe  fut  iiili-oduit  le  preuiier, 
le  juj,e  l'interrogea  :  «  C'est  donc  toi  qui 
troubles  la  ville?  dis  ton  nom.  —  Je  suis 
prêtre  et  je  m'appelle  Euséb  •.  »  Le  juge  le 
fil  retirer  séparéinont  et  fil  venir  Adria^  :  ce- 
Jui-ci,  interrogé,  .iil  (}u'il  se  nounnait  Adr  as. 
Le  juge  dit  :  «  D'où  le  viennent  tes  biens  et 
ton  argent  qui  te  servent  à  séduire;  le  peu- 
ple ?  —  Au  nom  de  Notre  -  Seigneur  Jésus- 
Christ  ,  dit  Adrias,  je  tiens  tout  cela  du  tra- 
vail de  mes  par.'nts.  —  Si  ces  richesses  te 
soit  venues,  dit  le  juge,  de  l'héritage  de  les 
parents,  sers-t'en  comme  ils  l'ont  fait  et  non 
point  pour  cori-ompre  les  autres.  »  Adrias 
répondit  :  «  Je  m'en  sers  pour  l'utilité  de 
mes  enfants  et  [)our  la  mienne, d'une  man  ère 
intègre  et  exemple  de  fraude.  »  Le  juge  lui 
dil  :  «  Tu  as  dijnc  une  femme  el  des  enfants? 

—  Ils  soit  ici  enchaînés  comme  moi,  dil 
Adrias.  —  Q  Ton  les  fasse  entrer,  »  dit  I0 
ju.j,e  P.iuline  entra  voilée  avec  ses  enf  mis 
Iséon  et  Mare;  le  diacre  Marcellus  el  Hip- 
pohle  les  SU' Virent.  «Ce  sont  là,  dil  le  ju,e, 
ta  lemine  el  les  enfants? —  Oui,  dil  Adrias. 

—  El  es  deux  hoiiimes  ,  qui  soiU-ils?  — 
Celui-ci  est  le  bieiilieu.  eux  diacre  Marc»  llus; 
c<.t  autre  est  mon  iïèie  Ilippolyle,  serviteur 
de  Dieu.  »  Alors  le  juge,  se  tournai. t  vers 
eux  :  «  Dites  vous  mêmes  vos  noms.  »  Mar- 
cellus répondit  :  «  J'ai  ncmi  Marcellus  ,  et 
je  suis  d  a.re.  »  Là  juge  dil  à  Mij)!  olyle  : 
M  El  toi ,  ton  nom  ?  —  Je  me  nomme  Hip,io- 
lyle,  je  suis  le  serviteur  xles  s»rvileurs  de 
JDieu.  )i  Le  j  ge  fii  retirer  Pauline  el  ses  en- 
fants, et  dit  <\  Adrias  :  «  Dis  où  sont  tes  tré- 
fcors ,  el  saciiiie  avec  tes  compagnons  ;  à  ce 
prix  vous  vivrez,  sinon,  vous  allez  être  mis 
,à  m^rl.  »  Hippolyle  répondit  :  «  Nous  avons 
p  rdu  l'amour  dès  vanités  d'ici-bas,  el  nous 
a\ois  trou\é  la  vérité.  »  Le  j'.ge  dit:  «  El 
qu'avLZ-vous  fait  pour  cela?»  Il  répo'xiit  : 
«  Nous  avons  renoncé  au  culte  des  idoles 
pour  celui  du  Seigneur  du  ciel ,  de  la  l<'rre 
et  de  l'abime  des  mers  ,  el  de  son  lils  Jésus- 
Christ,  auquel  nous  croyons.  » 

Le  juge  ordonna  de  les  conduire  tous  en- 
semble dans  la  prison  publique;  on  les  mit 
dans  la  prison  Mamertine.  Après  Ir^is  jours, 
assisté  de  Secondianus  et  de  Probus ,  il  £1 
dres>er  son  tribunal  dans  le  temple  de  Tel- 
lus  el  apporter  toutes  sortes  d'instruments 
de  supplice.  Adrias  ayant  été  introduit ,  il 


rinlerroj^ea  oe  nouveau  sur  ses  trésors. 
N'a\aiit  pas  reçu  de  répo-ise,  il  lit  alliiuKîr 
l'aulel  de  Pallas  el  leur  ordonna  d'ollVir  de 
reiicens  ;  mais  tous  ,  cracli.int  des.Mis  ,  se 
nio(pièrent  du  juge.  Alois  il  les  lit  étendre 
tout  nus  et  (ruellenient  fouetter.  La  bienheu- 
reuse Pauline,  pendant  qu'on  la  llagelhiit 
cruelleiiKnil,  rendit  .son  ;1irie  à  Dieu.  Lejugc, 
Voyant  cela,  dé.crna  la  peine  (;apilale  contre 
Eusèbî»  et  Marcellus  ;  f»n  l.'S  co. duisil  au  ro- 
cher de  ^i'xécui  ions,  prèsdel  amji|ii!hé;ltre,au 
lac  du  PasUnir,  el  le  bienheureux  |  rèlr(!  Eii- 
sèbe  et  le  diacre  Marcellus  furent  décollés  le 
tr  izedes  calendes  de  novembre  (-iOocloljre); 
leurs  cor|)S  furent  jetés  aux  clii(vis,  ainsi  (jue 
celui  de  Pauline.  Un  antre  H  ppol\  le  ,  <pii 
était  diacre  ,  les  recueillit  el  les  enterra  sur 
la  voie  Appienne  ,  à  un  inill.i  de  la  ville  , 
dans  la  sablonnière  où  ils  se  rassemblaient 
souvent. 

Après  cela,  Secondianus  fit  venir  dans  sa 
maison  Adrias  ,  ses  enfants  et  Hipi)olyle  , 
s'enquérant  avec  grand  soin  du  lieu  où 
étaient  leurs  richesses  ;  mais  les  saints  ré- 
pondirent :  «  Ce  que  nous  avions,  nous  l'a- 
vons donné  aux  pauvres  ;  nos  vrais  trésors  , 
ce  sont  nos  Ames  que  nous  ne  voulons  pas 
perdre  ;  fais  ce  qui  t'est  ordonné.  »  Alors 
Secondianus  fit  mettre  les  enfants  à  la  tor- 
ture. Leur  père  leur  dil  :  «  Soyez  fermes  , 
mes  enfants.  »  Pendant  qu'on  les  tourmen- 
tait, ils  disaient  seulement  •  «  O  Christ  I  sou- 
tei:ez-nous.  »  Ensuite  il  fit  torturer  Adrias 
el  Hip[)olyte  ,  ordonnant  qu'on  leur  brûlât 
les  côtés  avec  des  lampes  ardentes.  Hippo- 
lyte  disait  :  «  Fais  toujours.  »  Secondianus 
leur  disait  :  «  Sacrifiez,  consentez  en  disant  : 
Nous  allons  le  faire.  »  Mais  le  saint  répon- 
dit :  «  Voilà  un  festin  sans  corruption.  » 
Quand  ils  eurent  beaucoup  soutlert,  Secon- 
dianus dit  :  «  Relevez  Néon  el  Marie  ;  con- 
duisez-les au  rO(  h.T  des  exécutions  ;  qu'on 
les  tue  en  présence  de  lc3ur  père.  »  On  les  y 
condui.sit  et  on  leur  trancha  la  tête,  et  leurs 
corjjs  furent  jetés  sur  la  voie  publique.  Les 
fidèles  les  recueillirent  el  les  enterrèrent  sur 
la  voie  Appienne,  à  un  mille  de  Rome,  dans 
la  carrière  où  ils  avaient  coutume  de  se  réu- 
nir, le  six  des  calendes  de  novembre  (27  oc- 
tobre). 

Secondianus  ayant  rapporté  ces  choses  à 
Valérien  ,  ordonna,  huit  jours  après  ,  qu'on 
dre  sût  son  tribunal  dans  le  cirque  de  Fla- 
minius,  et  se  fil  amener  Hippolyle  et  Adrias 
enchaînés;  il  fit  crier  devant  eux  par  un  hé- 
raut :  '<  Ces  hommes  sont  des  sacrilèges  qui 
mettent  le  trouble  dans  la  ville.  »  Quand  on 
les  eul  introduits,  le  juge  s'enquil  encore  de 
leurs  trésors  ,  disant  :  «  Doni.ez  vos  riches- 
ses à  l'aide  desquelles  vous  corrompez  le 
public.  »  Adrias  répondit  :  «Nous  prêchons 
le  Christ  qui  daigne  nous  arracher  à  l'erreur, 
non  pour  que  nous  fassions  périr,  mais  pour 
que  nous  fassions  vivre  les  hommes.  »  Se- 
cond-iaiius,  revêtu  de  sa  toge,  voyant  qu'il 
ne  pouvait  rien  obtenir,  ordonna  qu'on  les 
frappât  longtemps  sur  la  figure  avec  des 
fowels  armés  de  j)]orab,  et  fit  crier  par  le  hé- 
raut :  «  Sacrifiez  aux  dieux  et  oifrez-leur  de 


1IS3 


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lia 


rencoiis.  »  Hi|")polyto  ,  tout  couvert  de  sang, 
cria  :  «  Coiitinue/misérable,  ne  cesse  jjas  dy 
nous  louriuenler.  »  Alors  Secondiaiius  donna 
ordie  aux  bourreaux  de  s'arrôter,  cl  dit  aux 
(•otdesstMirs  :  «  Prenez  pitié  de  vous-iuôines; 
j'ai  bien  pUié  dévot  e  slupide  entOteiueiit.  » 
Ils  lui  lépondirent  •  «  Nous  sommes  [)rèts  à 
soulFrir  tous  les  lourments,  et  nous  ne  fc- 
rohs  pas  ce  qui  nous  est  ordonné,  soit  par 
loi,  soit  par  le  prince.  »  Seco-idianus  en  ré- 
féra à  Valérien;  celui-ci  ordonna  de  les  faire 
mourir  dans  les  tourments  on  présence  du 
peuple.  Alors  Secondia-ius  les  fit  amener  au 
pont  d'A'Uonin  ,  et  ordonna  de  les  frapper 
avec  des  fouets  armés  de  plomb  jusqu'à  ce 
qu'ils  espirasse'it,  et  après  avoir  lon,-.temps 
soulfert,  ils  tombèrent  et  rendirent  l'espiit. 
O'i  laissa  leurs  corps  exposés  au  lieu  même 
du  supplice,  vis-à-vis  l'île  Nycaonie.  Hippo- 
1  vie  ,  diacre  de  rEf;lise  romain-,  vi  ^t  pen- 
dant la  nuit,  et  ayant  em|)0ilé  leurs  corps 
sur  la  voie  Appienne,  à  un  mille  de  la  ville, 
il  les  ensevelit  dans  la  sablonnière,  auprès 
des  corps  des  autres  saints,  le  cinq  des  ides 
de  décembre  (9  décembre). 

Neuf  mois  après  une  femme  nommée»  Mar- 
the, (ifi'cque  d'origine,  vint  avec  sa  fdle  Va- 
lérie, chrétie'ine  comme  elle  ,  pour  voir  ses 
parents  Adrias  et  Pauline.  Les  demandant 
et  ne  les  trouvant  pas,  ces  deux  femmes  ap- 
j)rirent  qu'ils  étaient  morts  martyrs;  elles 
en  éprouvèrent  une  grande  joie.  Ayant 
cherché  et  trouvé  leur  sépulcre,  elles  restè- 
rent à  côté  ,  veillant  nuit  et  jour  pendant 
treize  ans  ,  et  rendirent  leur  àme  à  Dieu. 
Elles  furent  ensevelies  au  même  lie:i ,  le 
quatre  des  ides  de  décembre  (10  décembre), 
da'i.s  la  paix  de  Notre-Seignenr  Jésus-Clirist, 
qui  vir  et  règne  dans  les  siècles  des  siècles.  » 
(Haroiiius,  Annales,  in  anno  Christi  2od.) 
LE^Iise  fait  la  fête  de  saint  Hippolyte  le  2 
décembre. 

HIPPOLYTE  (saint),  vieillard  vénérable, 
fut  martyrisé  sous  Claude  11  le  Gothique. 
Voi/.  Maiityhs  u'Ostie. 

HIPPOLYTE  DE  LA  CROIX,  martyr,  était 
catéchiste  du  P.  Louis  d  •  \I<'dina  ,  mission- 
naire de  la  compa.^nie  de  .lé-us  aux  des  Ma- 
rianiios.  Tous  deux  furent  tués  h  coups  de 
lance  dans  l'île  de  Saypan,  le  29  janvier  1070. 
(Pour  ()lus  de  détails,  Voy.  l'arlicle  Mkdina.) 

HIPPOLYTE  (saint),  eût  le  glorieux  privi- 
lé..^c  de  ré[» mdre  son  sang  en  Afri(]ue  pour 
la  défense  (h;  la  religion  ehréticnme  et  de  sa 
foi  en  Jésus-Chiist.  Il  eut  pour  compagions 
de  ses  soulIV.inces  les  saints  Syniplno ne,  Fé- 
lix et  leurs  comjiagnons,  dont  malheureuse- 
ment les  noms  ne  sont  f)oiiit  j)arvenus  jns- 
qii'à  la  j)osléf  ilé.  Nous  ne  possédons  point 
n'autres  détails  authonliques.  L'Eglise  fait 
colleetiverricnt  la  fùle  de  ces  glorieux  mar- 
tyrs le  :{  février. 

HIPPOLYTE  (saint)  ,  fut  martyrisé  5  An- 
tio';h(!.  Ce  saint  prètr(!,  qui  fut  d'abr)rd  sé- 
duit et  engagé  dans  le  schisuie  d(!  Novat,  re- 
connut bien:ôl  sa  faute  par  l'elfelde  la  grAcc; 
de  Jésiis-Chrisl,  et  revint  à  l'unité  de  l'Eglise 
pour  lafpielle  (!t  dans  laquelle  il  endura  un 
glorieux  martyre.  Avant  (pjie  do  mourir,  ses 


amis  l'ayant  prié  de  leur  dire  quelle  secle 
était  la  véritable,  il  répondit,  en  d  testant  le 
dogme  do  Novat ,  qu'il  f  dlail  suivre  la  foi 
que  lieu  la  chaire  de  sainl  Pierre,  après 
ijuoi  il  tendit  le  cou  au  bourreau.  L'Eglise 
honore  sa  sainte  et  glorieuse  mémoire  le  30 
janvier. 

HIRÉN ARQUE  (saint),  prêtre,  martyr,  glo- 
rifia par  sa  mort  la  ville  de  Sébaste  en  Ar- 
ménie, sous  le  règne  et  durant  la  persécu- 
tion de  Dio^Iétien.  Il  fut  mis  à  mort  avec 
saint  .\cace,  prétrf^,  et  sept  femmes  chrétien- 
nes. La  fêle  de  ces  saints  martyrs  est  célé-^ 
brée  par  l'Eglise  le  27  novembre. 

HONOCRÀTE  (sainte),  fut  au  nombre  des 
quarante-huit  martyrs  rais  à  mort  avec  saint 
Saturnin  ,  en  Afrique ,  sous  le  proconsul 
Anulin,  en  l'an  de  Jésus-Christ  305,  sous  le 
règne  et  durant  la  persécution  si  atroce  que 
l'infâme  Dioclétien  suscita  contre  l'Egl  se  du 
Seigneur.  {Voy.  Saturnin.)  L'Eglise  fait  la 
fôle  de  tous  ces  saints  le  11  février. 

HONORAT  (saint)  ,  martyr,  mourut  en 
Afrique  pour  la  foi  chrétienne  avec  les  saints 
Dominique,  Victor,  Primien,  Lybose,  Cres- 
cent  et  Second.  On  ignore  la  date  et  les  cir- 
constances de  leur  martyre.  L'Eglise  honore 
leur  sainte  mémoire  le  29  décembre. 

HONORAT  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour'  la  défense  de  la  religion.  11  eut  pour 
compagnons  de  son  martyre  les  saints  Dé- 
mètre et  Florus.  L'Eglise  fait  leur  mémoire 
le  22  décembre. 

HONORINE  (sainte) ,  vierge  et  martyre, 
accomplit  -on  sacrifice  au  pays  d  •  Caux,  dans 
le  vi"  siècle  ou  au  commencement  du  iv. 
Son  corps  fut  inhumé  au  village  deGr-aville, 
à  l'embouchure  de  la  Seine.  Au  x'  siècle, 
lors  des  incursions  des  Normands ,  ses  reli- 
ques furent  portées  au  lieu  nommé  aujour- 
d'hui Conflans-Saiiite-Honorine ,  au  diocèse 
d(*  Paris.  La  fête  de  sainte  Honor-ine  est  mar- 
quée au   iMarlvrologe  romain  le  27  lévrier. 

HONORIUS (saint), martyr,  cueillit  la  palme 
du  martyre  a  A'exandrie  avec  les  saints 
M  insuet.  Sévère.  Appien  ,  Donat  et  d'autr-es 
encore,  dont  les  noms  son:  ignorés.  La  date 
de  leur  m  rtvre  est  in;onnue.  L'Eglise  vo- 
nèr.;  leur  mémoir-e  le  30  décemb  e. 

HONORIUS  (saint) ,  martyr,  ^outl'rit  pour 
la  foi  à  Oslie  avec  sainl  Déiiiètr'e.  No  s  ii'a- 
V'iiis  oftint  de  détads  sur  leur-  mai'tyre.  L'E- 
glise r.iit  leui  fêle  le  21  novembre. 

HORMISDA  {(rHi)hrif.ius) ,  gouverneur  de 
la  pr-ovin  e  des  Rozic'iéens  en  Perse,  lit  ar- 
rêlei-  saint  Milles,  évêrpie  de  Snse  (i'an3'i-l), 
en  exé.iition  de  l'édil  d(ï  Sajior,  (pii  condam- 
nait à  mort  tous  les  eci  lésiaslicpies  (pii  pei- 
sévéi-  rai  ni  dans  la  foi.  Saiirt  Abiosime, 
prêtre,  et  saint  Sinas  ou  Sina,  diacre,  eur-ent 
l(!  même  soit.  Hormisda  les  lit  |)ar-  deux  lois 
llageller  cinudhnnent.  Lors  de  la  li-oisième 
corupainilion  ,  ino'igné  des  réjionses  pleines 
de  sagess(!  et  de  fer-melé  de  saiid  Milles,  il 
se  |»récipila  avec  so'i  poignard  sin-  le  saint 
évêipie  et  lui  en  perea  le  llanr;.  Urr  frère  de 
VA'.  f(''roce  gouverniMU-  donnait  en  même  tenips 
un  autrt!  coiq)  de  [toignard  dans  i'aulre  cMô 
du  sainl,  (pii  jnourut  de  ces  blessures.  Abro- 


4185 


HOR 


IIUM 


1186 


sinie  et  Sinas  ,  placés  en  faco  l'un  de  l'autre 
sur  deux  montagnes,  furent  lapidés.  Le  len- 
demain les  deux  Irùres  cliassaient  un  cerf; 
tous  deux  ,  sans  le  savoir,  s'embuscpièrent 
vis-h-vis  lun  di'  l'autre  pour  l'attendre  au 
passage.  Au  moment  où  il  traversait,  tous 
deux  décoeliùn'nt  leurs  Huches  :  la  vengeance 
div  ne  dirigeait  ces  llèclies.  Chacun  de  ces 
deux  monstres  fui  traversé  jnir  celle  que  son 
frùre  avait  tirée.  Ils  moururent  sur  le  lieu 
môme. 

HOHMISDAS  (saint) ,  pape  et  confesseur, 
soutfrit  h  Rome  pour  la  défensi;  de  la  reli- 
gion. Nous  n'avons  aucun  détail  sur  son 
compte.  L'Eglise  honore  sa  mémou'e  le  G 
août. 

HOUMISDAS  (saint),  martyr,  eut  la  gloire 
de  soullVir  la  persécution  pour  la  foi  sous 
les  rois  de  Perse.  YesdedgerJ  ,  qui  régna 
de  l'an  399  à  V20 ,  avait  renouvelé  la  persé- 
cution lie  Chosroësll  contre  les  chrétiens.  A 
sa  mort,  son  tils  Varanes  la  continua  :  Hor- 
misdas  fut  une  des  victimes  de  sa  barbarie. 
Il  apparten;til  à  1  une  des  plus  anciennes  fa- 
milles de  la  Perse;  son  père  avait  été  satrape 
ou  gouverneur  de  piovince.  11  était  de  la 
race  lies  Achéménides.  Varanes  l'ayant  ffiit 
Venir  d  vant  lui,  lui  donna  l'ordre  de  renier 
Jésus-Christ.  «  Si  je  faisais  ce  que  vous  exi- 
gez de  moi ,  lui  dit  le  saint ,  je  commettrais 
un  Ciime  envers  Dieu,  je  tcansgresserais  les 
lois  de  la  justice  et  de  la  charité.  Quiconque 
serait  cajiable  d'onfi  eindre  les  lois  du  sou- 
verai'i  Seigneur  du  monde  ne  resterait  pas 
longtemps  lidèie  f»  son  prince,  qui  n'est  qu'un 
homme  mortel.  Si  ce  crime  de  hante  trahi- 
son envers  e  monarque  mérite  la  plus  cruelle 
de  toutes  les  morts,  à  quoi  ne  doit  pas  s'at- 
tendie  celui  qui  renonce  au  Dieu  créateur 
de  l'univers.  »  Indigné  d'une  réponse  aussi 
sage  que  ferme ,  Varanes  le  lit  mettre  tout 
nu  ,  en  lui  laissant  seulement  un  petit  mor- 
ceau de  toile  nour  lui  ceuidre  les  reins ,  et 
ordonna  qu'il  lût  préposé  à  la  condu.te  des 
chameaux  de  l'armée.  Au  bout  de  qu  Ique 
temps,  apercevant  d'u.  e  de  ses  fenêtres 
Hormisdas  tout  bruni  |)ar  le  soled  ,  il  le  lit 
venir  et,  lui  donnant  une  tunique,  il  l'exhorta 
à  devenir  plus  raisonnable  et  à  renoncer  au 
fils  du  ch.u'fientier.  Hormisdas,  ne  pouvant 
supporter  un  tel  langage,  déchira  la  tunique 
en  pièces  et  la  jetant  aux  pieds  du  roi  : 
«Gardez,  lui  dit-il,  des  cadeaux  que  vous 
voulez  faire  payer  un  tel  prix.  »  Varanes,  fu- 
rieux, le  ût  chasser  de  saprési'uce.  Hormis- 
das mourut  en  exerçant  les  fonctions  aux- 
quelles la  barbarie  du  prince  l'avait  con- 
damné. L'Eglise  fait  sa  fête  le  8  août. 

HOKPUEZ  ,  l'un  des  trente-sept  martyrs 
égyptiens  qui  donnèrent  leur  sang  pour  la 
foi  en  Egypte  ,  et  desquels  Kuinart  a  donné 
les  Actes  authentiques.  Voy.  Martyrs  (les 
trente- se|)t)  égyptiens. 

HORRÈS  (saint) ,  martyr,  mourut  pour  la 
foi  à  Nicée  avec  son  père  saint  Theudétas, 
saint  Marc  et  les  saintes  Théodora,Nympho- 
dora  et  Arabie.  Tous  furent  livrés  à  des 
flammes  ardentes  et  reçurent  ainsi  la  cou- 
ronne du  martyre.  On  i'gnore  à  quelle  épo- 


que.  L'Eglise  vénère  leur  mémoire  le   13 
mars. 

HORTIJLAN  (saint) ,  martyr,  mourut  on 
coiifossant  .lésu^-Christ  avec  les  autres  saints 
évè((ues  N'alérien,  Urbain,  Cresci-nl,  Kusta- 
che,  Ci-eseone,  Crescenlien,  Félix  et  Floi-en- 
tien.  Ils  furent  condamnés  à  l'exil  ei  y  ache- 
vèrent leurs  jours.  L  Eglise  honore  leurnié- 
moiri;  le  -28  novembre. 

IIORUS,  l'un  (les  trente-sept  martyrs  égyp- 
tiens qui  donnèrent  leur  sang  pour  la  foi  en 
Egypte  ,  et  desquels  Ruinart  a  donné  les 
Actes  authentiques.  Voy.  Martyrs  (les  trente- 
sept)  ÉGYPTIENS. 

HOUKNAN,  prince  arménien  de  la  famille 
Heraj)Soniank ,  fut  l'un  de  ceux  qui  souffri- 
rent vo'onlaiiement  la  captivité  sous  le  rè- 
gne d'Hazguerd  ,  deuxième  du  nom  ,  roi  de 
Perse  ,  et  qui  ne  furent  remis  en  liberté  et 
renvoyés  en  leur  pays  q^  e  huit  ans  après  la 
mort  de  ce  prince,  sous  le  règne  de  son  tils 
Bérose.  (Pour  plus  de  détails,  Voy.  Princes 

ARMÉNIENS.) 

HUESCA,  ville  d'Espagne,  est  célèbre  dans 
les  Annales  des  martyrs  par  les  soutfrances 
et  la  mort  qu'y  endurèrent  les  saints  Orens 
et  Patience. 

HUGUES  DE  LINCOLN  (saint) ,  martyr, 
n'était  encore  Agé  que  de  onze  ans  loisqu'il 
eut  le  glorieux  privilège  de  donner  sa  vie 
pour  Jésus-Christ.  Le  juif  Jonpin  et  plu- 
sieurs de  ses  corel  gionnaires  s  étant  empa- 
rés de  lui  le  27  août  1255  ,  lui  percèrent  le 
côté  d'un  (;0U[)  de  lance ,  lui  brisèrent  les 
dents,  lui  coupèrent  le  nez  et  la  lèvre  supé- 
rieure, lui  crachèrent  au  visage,  le  battirent 
de  verges  et  le  crucifièrent  entin  en  haine  de 
Jésus-Christ.  Le  roi  Henri  III  ayant  été  in- 
formé de  ces  horribles  cruautés,  assembla 
son  |)arlement  à  Reading,  et  condamna  Jop- 
pin  et  ses  complices  à  être  1  es  p.ir  h  s  ta- 
lons ù  déjeunes  chevaux,  qui  les  traînèrent 
jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  déchirés  en  pièces. 
Leurs  cadavres  furent  enjîUite  pendus  à  des 
gibets.  L'Eglise  honore  la  mémoiie  de  noire 
saint  le  27  août. 

HU.ME,  un  des  plus  célèbres  adeptes  du 
j)hilosOi!hisme  en  Angleterre  ,  descendait 
d'une  des  {ilus  grandes  familles  d'Eci  sse. 
Natif  d'Edimbourg  en  1714-,  il  y  étudia  la 
science  des  (-.ujas  et  <les  Bartholo  Anglais. 
Il  ne  put  réussir  dans  le  barredu.  Il  n'y  avait 
pas  (l'aptitude,  disent  les  historiens.  Nous 
trouvons  d  ns  l'hymne  qu'on  chante  le  jour 
de  saint  Yves,  avocat,  ces  deux  vers  tou- 
chants de  vérité  : 

Advocatus,  et  non  latro, 
Res  miranda populo. 

Expliquent-ils  le  genre  d'aptitude  qui 
manqu  ii  à  Hume  pour  réussir  dans  cette 
profession  ?  Nous  ne  savons.  Le  fait  est 
que  notre  futur  [hilosophe  ne  réussit  pas 
mieux  dans  le  coiiimerce.  Nous  commen- 
çons à  croire  qu'il  ressemblait  à  saint  Yves. 
11  quitta  sa  patrie  et  vint  en  France,  pays 
de  Cocagne  pour  les  Anglais.  On  y  mange 


ilS7 


HLM 


m 


IISS 


à  l)OM  marché  li^s  lo.^sfbcef  el  les  boafteaks 
si   cîiers   en  Anglclerro  1   O  i  sait   que    les 
j)r()v:sions    de    bouche     sont    exorbil.inles 
dniis    la    iié|)ciise    de    nos    voisins.    Hume 
vint    l)abiler  l\ei:us,   puis  la   Flùche   et  les 
caïupa^-ics  cnviroiinane<  ,  pro  »ablcinent  du 
cùt>''  uu  Mans,  vu  sa  spéci-iliti'".  Installé  con- 
venable.nent  (juaU   an  confortable,  Huuie, 
qui   n'avait  |)u  ètie  ni  avocat  ni  marcliand, 
se   mil,  en  (j'ialité  d'honnéle  homme,  à  tia- 
vailier  à  Smh  livre  inlitulT'  :  Traité  de  la  na 
tare  humaine:  livre  scaidalenx.  (juant  à   son 
but  et  à  sa  (pialité,  m.iis  livre  ijui  manqua 
son  eire  ,  puisifu'il  ne  lépondil  pas  aux  vues 
de    lauteur.   II    n'eut    pas   de   succès,   pas 
niômo  ce'ui  du  scandale  |)o;ir  leqirl  Hum  ' 
l'avait  comoosé.  Ce  livre  fut  publié  après  le 
retour  de  l'auteur  h  Londres  :  (>n  France  on 
n'en  aur.iit  pas  t<)l-'ré  rim|)ression.  Home, 
qui   len.iit  h  vivre  bien  et  à  bon  njarché,  re- 
vint en  France;  il  vécut  quehjue  temps  soli- 
taire et  travaillant  h    un  nouvein  livre  qui 
parut  a  E  liiiil)  mrg  en  17'i.2.  Il  était  intitulé  : 
Essais   de  morale,   de  politique  et  de  littéra- 
ture. Il  eut  ui   peu  plus  (le  succès  que  son 
aine,    cl  valut   à  Hume  d'être   appelé,    en 
(|ualUé     de    précepteur,   près  du    niarquis 
d'Analdale.    S.cn'taire    du    général     Saint- 
Clair  quelque  temps  avjrès,  il  le  suivit  dans 
ses  ambassades  de  Vienne  et  d.!  Turin.  Il 
pro.ita  de  ses  loisirs,  po  ir  retaire  enlièro- 
ment,  sans  pouvoir  le  rendre  plus  intéres- 
siuit,  son  livre  De  la  nature  humaine.  Il  i  ublia 
d'autres  (mvrages  philosophiqu  -s,  où  il  mon- 
tra   du    talent,  mais  une  détestable  impiété, 
et   duîs  lesquels  il   él  da  des  principes  sub- 
versifs  de  loul  (;e  qui  S'-rl  de  bases  a    la 
société    lunnaine  ,    morale    et   religion.   Il 
commi'nce  [)ar  s'isoler  de  iout  point  (l'appui, 
mai'.:lioà  tâtons,  et  va  en  avant  à  casse-cou, 
sans  es[)oir,   sans  but,  sans  direction.  Pour 
lui,    rien    au  ciel    :   il    l'a   dépeuplé.   Dieu 
existe-t-il?  Il  n'en  sait  rien.  La  vie  future, 
il   la  nie.    Que  fait  il  sui  terre?  Il  l'ignore. 
A-t-il  le  di-oil  d'en  sortir   violennnent  el  à 
son    gré?  Il   l'illirme ,   car  il   piéconise   le 
suicide  et  dit  que  c'est  un  crinie  d'empôcher 
un  honnnc  mauieurcMx  de  se  luer.  Il  n'admet 
(pTun  principe  connue  règle  du  bien  el  du 
Hjal,  la   bienveillance.  Les  acles  n'ont  donc 
de  valeur  bonne  ou  mauvaise  que  relalive- 
ujenl  aux  autr(.'S   hommes.  En  fait  de  reli- 
gion,  il  n'en   admet  aucune  :  il  croit  qu'on 
peut  très-bien  s'en  passeï' ;  au  fait,  tant  ([u'à 
choisir,   il   dormerail  la  |)ïéférence  au  poly- 
l:iéisme.  Il  se  croit  autorisé  à  |)ré:endre  (du 
moins  il  l'allirmej  qu'il  n'existe  ilai^s  la  na- 
ture hnrnaine  aucune  cause  lixe  de  religion. 
Ses  idées  <à  ati  égard  sont  di-vcloppées  dans 
deux  ouvrages  intitulés:    Il  ixtoire  naturelle 
de  la  religion,  et  Dialogues  sur  lareliyion  na- 
l  an  lie. 

Hume  <léteslail  les  monarchiiïs  absolues, 
il  n'aimait  pas  mieux  la  démocnalie.  Il  était 
pour  ce  .svslc'fiie  intermédiaire  (pi'(j  i  nomme 
le  gouvernoinctnt  consliluliunnel ,  dd  viil- 
K'Mreincnl  le  (/oiivernetnent  des  bâtons  dans 
le»  rou'H.  Il  é,ii  t,  à  Ifr. contre  de  Jean-Jac- 
quo,   !>on  a.iii,   l'un  des  puriauis   de  celte 


m'chine  gouvernemei  t^îe  d'imprirtation  an- 
glaise, (jui  fait  depuis  >rente-cin(j  ans  les 
délies  de  la  France  et  qui  iB«.Dace  de  les 
prolonger  eiu-ore. 

Hume  a  lad  luie  histoire  d'Angleterre  oij 
il  sème  h  cha  pie  (i  ige  son  mépris  pour  tou- 
tes les  religions,  ;i\ec  acconi  agneue  ni  de 
maximes  foitdangercuses.  Celle  histoire  n'en 
est  |)as  moins  un  ouvrage  d  ta  eut  :  elle 
serait  encore  généralement  recherchée,  si 
celle  de  Lingard  n'avait  élé  pubhée  (je[)uis. 
Htune,  ayant  voulu  bâtir  dans  le  vide,  n"a 
laisNé  aucun  monument.  En  tant  que  philoso- 
plie,  il  est  de  ceux  ipii  se  sont  posés  comme 
iiémolisseurs.  Ce  sont  les  Erostrate  de  la 
pensée  et  de  la  raison,  ils  ne  sont  célèbi  es 
q  le  i_)ar  la  grandeur  de  ce  qu'ils  ont  voulu 
détruire. 

HUNÉIUG,  était  fds  aîné  de  Genséric,  roi 
des  Van  laies  en  Afiique.  Quand  il  occupa 
le  trône  de  son  père,  il  suscita  une  violente 
persécution  aux  c<dholiques,  car  il  était 
arien.  Il  en  lit  périi-  un  grand  n'.mbie  dans 
d'allVeuses  tortures,  ent.  e  auti  es  les  saints  Li- 
béral, Bo  ifac  ■,  Servus,Husli.>us, Hog.it, Se|)- 
tim  •  et  Maxime,  qu'il  condamna  à  être  brûlés 
sur  un  bateau  cliaigéde  bois.  Dieu  ne  p^  rmit 
pas  ({ue  le  feu  [)Llt  s'adumer.  Hunéric,  Ira  's- 
por  é  de  fureur,  les  tit  assommer  à  coups 
de  rames  et  jeter  h  la  mer,  11  mourut  en  48S 
d'une  maladie  qui  lui  lit  éprouver  des  dou- 
leurs inouïes. 

HURTADO  (le  bienheureux  Augustin  de), 
raissi(jnnaire  de  la  compagnie  de  Jésus,  fut 
massacré  en  1677,  dans  le  territoire  des  An-, 
doas,  sur  le  tleuve  des  Amazones,  par  les 
infidèles  à  (|ui  il  aniioiçait  l'Evangile. 

HUSSIiES,  sectaires  du  xv"  siècle,  ainsi 
nommés  de  Jean  Huss,  leur  chef.  l'oiir  par'er 
des  persécutions  faites  par  eux,  il  est  conve- 
nable   de    dire   quelle   fut   leur  digine    et 
qu.  Iles  étaient  leurs  erreurs.  Jean  Huss,  né 
h  Huss,  bourg  de  Bohême,  au  sein  d'une 
famille  fo  t  pauvre,  entra  de  bonne  heure 
d  (lis  les  ordres  sacrés,  et  devint  recteur  de 
l'uidversité  de  Prague.  Il  tomba  bientôt  dois 
toutes  les  erreurs  de  Wicbf,  et  so  lit  un  de 
leurs  ])lus  ardents  j)roi)agateurs.  Wiclef  niait 
que  riiomine  eût  le  liltre  arbitre,  el  consé- 
queinment  soutenait  que  Dieu  opérait  néces- 
sairement en  lui  le  bien  comme  le  mal.  Il  ren- 
versait ainsi  d'un  mot  toute  la  croyance  de  la 
conscience  liumaine  d.uis  tous  les  temps  et 
dans  tous  les    lieux,  croyance  (jui  veut  que 
l'acle  humain  mérite  ou  déni érih  ;  (pu,  en  un 
mot,aita(:lie  une  valeur  mor.'''eà(ha(piefail de 
la  conduite  humaine.  Wioef  hab  hait  aiiiM 
son  hérésie  des  vieux  haillons  de  la  philuso- 
j)liie  indienne,  nuxiiucls  dé|à  IMahoiuel  a\a  l 
arraché  un   lambeau  pour  sa  doefrine  de  la 
falalité.   Ces  novaleuis  .'•ont  tous  le-  mêmes 
d.'puis  les  temiis  le-i  i^lus  reculés  (omme  de 
no-;  jours;   ils   sont  happés  de  sléiilté,  ils 
n'nivenlenl    rien  ;     ils    u'prennent   avec   la 
niaiserie     béate    d"    l'ig'oianic   lonte.-<    les 
virdieries  suranné  s  (pie  r,ii)li(i  nié  a  jetées 
dais  l'égout  des  temps,  comme  chose    neu- 
\es,   (t   ils  en  (bapinil  h  ur 'iisnliisa  ue  or- 
gue'illoujc  et    suite.  Ainsi  le  proLsIanlisme 


41S9 


nus 


Illi^ 


ifoo 


reprena  on  coM.s-(i>Mvr(*  les  vicilhvs  lii-résies, 
iiota'iMMciit  cclh!  (l'Arius.  l-'onritM-  ('tii|)riiiit() 
^  rOrioiit  to  Iles  ses  i  Ires  iiomvoIIos,  IVijK;- 
ries(iu('  les  Kssénie  -s,  clu'/  Icsjuil's,  «ivaicrit 
àéjh  icniisos  en  hoimL'ur.  VA  cv  i\u\\  y  a  do 
souver.Jiioiuont  triste,  c'est  (jne  toujours  il 
se  trouve  des  niais,  goho-tnouchos  (l<(  l'in- 
tolligenco,  (^ui  ont  des  .idmirations  pour  ces 
sottises  et  des  écus  })Our  leuivs  prédicateurs. 
Revenons  ti  Wiclef.  Af)rès  avoir  élahli  la 
doctrine  de  l'irresponsabilité  humaine  (jui, 
poui-  les  gobe-uiouches  que  nous  venons  Je 
dire,  lait  aujourd'hui  chez  nous  la  gloire  de 
Robert  Owen,  se[)tièine  ou  huiiième  inven- 
teur do  celte  sottise,  Wiclef  proilauia  (jne 
D.ou  étpit  tout  et  que  tout  était  Dieu.  {Voy., 
pour  la  niônie  invention  en  réclauialion  de 
j)aternité ,  Spinosa  ,  Lucrèce  ,  qu(^  sais-je, 
j'irais  ainsi  jusqu'aux  temps  semitiipies,  au 
berceau  de  la  Chine  en  [)assanl  [)ar  les  In- 
des). On  conçoit  que,  d'après  cela,  Wiclef 
ne  pouvait  res[)ecter  ni  la  Vierge  ni  Jésus- 
Christ  ,  et  qui!  devait  (trait-d'uni'on  enti-e 
Arius  et  Luther)  outrager  la  sainte  eucha- 
ristie. 

A  cela  il  faul  ajouter  ses  principes  subver- 
sifs de  toute  auiorité  civile  et  religieuse. 
Tout  pape,  tout  évoque,  tout  roi,  tout  sei- 
gneur ,  perdant  la  grâce  par  le  fait  d'un 
péché  mortel  ,  n'a  pi  .s  d'aulorilé  spiri- 
tuelle 01  tem[)0relle.  Los  évoques  ne  sont 
plus  évoques,  les  rois  cessent  de  régner. 
Ainsi  tout  Bohémien  d'Allemagne  a  droit  (Je 
courir  sus  à  l'empereur  en  criant  (ju'il  i  forfait 
à  l'Evangile;  ni  plus  ni  moins  ([u'aujourd'hui 
nos  Bohémiens  de  Paris  sur  le  pouvoir,  en 
criant  qu'il  a  violé  la  Coiistitulion.  C'est 
fatal  :  les  novateurs  flattent  toujours  la  po- 
pulace ;  ils  lui  font  un  pavois  des  dé- 
bris de  toute  autorité  :  c'est  leur  refuge 
à  tous.  Ils  se  font  les  courtisans  de  la 
populace,  ses  valets.  De  décliéan.  e  en  dé- 
chéance, ils  arrivent  à  cette  abjection.  N'a- 
t-on  pas  vu  Lamennais,  coiidamné  on  cour  de 
Rome  pour  avoir  voulu  faire  de  l'autocraiie 
clériciile,  en  proclamant  le  pape  souverain 
arbitre  des  royaumes,  aller  en  appel  de  ce 
jugement  devant  le  tribunal  s  iprème  de  la 
populace  ,  siégant  en  places  publiques  et 
carrefours  ?  Lamennais  a  oifert  au  peuple  la 
toute-puissance  que  le  pape  n'acceptait  pas. 
Le  pejple  aime  les  tlitleurs.  Le  catholique 
outré  a  caché  le  caractère  indélébile  du  prêtre 
sous  un  autre  carai  tère  indélébile  aussi, 
Celui  de  rai)ostasie  mise  au  service  des  pas- 
sions populaires. 

Jean  Huss  se  fit  donc  le  pr-pagateur  des 
doctrines  de  Wiclef.  Toute  1  Allemagne  en 
fut  infectée  :  le  pouvoir  civil  s'en  émut,  et 
c't'tait  naturel.  Comment  un  pouvoir  et  sur- 
toirt  un  pouvoir  de  la  nature  de  ceux  qui 
ex  staient  alors,  pouvait-il  su[)porter  les  pré- 
d. cations  d'un  forcené  t^l  c^ue  Jean  Huss, 
annonçant  à  tous  qu'il  ne  reconnaissait 
qu'u  ;e  seule  autorité  en  matière  religieuse, 
la  ;»ien ne  propre,  inter[)rétant  à  son  gré  les 
Ecritures;  suito  il  quand  ce  forcené  préten- 
daiî,  au  nom  di"  cette  puissance  spirituelle 
ilUuiilée   qu'il  s'attribuait ,  contester  non- 


seuicment  en  principe  mais  en  fait  l'autorité 
liinporrlle.  L'empereur  s'émut  donc  à  bon 
droit  des  i«rédicalioiis  d(.  j,.;,ii  llnss.  I)  jà 
cet  hérésia  que  avait  un  p.iiti  puissant; 
d('j'»,  procédant  h  la  façon  musulmane,  Jé- 
rAiiie  de  l»r;igue,  son  di-ci.  I(%  faisait  jeter  h 
la  rivièr-  (piicoïKpie  rel'u-ait  de  cr  .ii'  .  Cjhjx 
qui  ont  tant  crié  contre  la  condamnation  de 
J<'an  Huss  et  de  Jérôme  trouvaie  it  suis 
dou'e  tout  naturel  (jue  ces  hommes,  dignes 
pré(;urseurs  de  93,  [)r  .cédassent  h  la  ré- 
forme (ni  éliminant  de  celte  fai^on-lh  tout  ce 
3ui  n  était  |)as  avec  eux.  Il  y  eut  des  noy  i- 
es  sous  les  empereurs  romanis,  de  vraies 
noyades  républicaines  à  la  Carrier,  avec 
bileauv  h  soupapes.  Les  ariens  (1  s  eusé- 
bien-)  firent  noyer  aussi  qnate-vingts  <  c- 
clésiasti(iues  de  cette  façon.  Jean  Huss  el  les 
siens  noyèrent  leurs  antagonistes.  Jean 
Huss  et  Jérôme  soiit  des  martyrs  que  l'em- 
pereur Sigismond  fit  injusteuKnt  mourir: 
quoi  de  plus  naturel  que  cette  appréciation? 
Les  voltairiens  qui  la  font  n'oiil-ils  pas 
tiouvé  tout  simples  les  exploits  d"  Carrier  à 
Nantes  et  la  boucherie  révolutionnaire  de 
l'égl  se  des  Carmes  à  Paris  ?  Qu  on  tue  des 
prêtres,  bénédiction  !  qu'on  to  che  un  che- 
veu d'un  philosophe  ,  atrocité  ,  tyrannie , 
crime  de  lèse-humanité  ! 

Sigismond   provoqua   le  concile  de  Con- 
stance.  Jéixune    de   Prague  et  Jean  Huss  y 
furent  traduits  :  ils  refusèrent  de  s'y  rendre. 
S  g  snio  id  leur  donna  un  sauf-conduit  :  ils 
y  vinrent  alors.    Qu'on  accuse  l'empereur 
d  avoir  mi'iqué  à  sa  parole  en  donnant  un 
sauf-conduit  et  en  faisant  arrêter  après  les 
doux  accusés  qui   parurent  comme  prison- 
niers au  concile,  rien  de  jjIus  simple  ;  nous 
n'avons   pas    à  défendre   l'empereur,  nous 
voulons  défendre  l'  concile  çcnitre  les  atta- 
ques niaises  et  ignorantes  qui,  tous  lesjours 
en  orc,  lui  sont  lancées.  On  ne  doit  point 
coiilb  ^dre  l'empereur  et  le  concile  :  le  con 
cile  fit  son  devoir  en  condamnant  comme 
hérétiques  et  canoniquement  les  deux  ac- 
cusés ;  il  fit  son  devoir  encore  en  les  remet- 
tant    au    bras    séculier.    Sigismond    les    fit 
brûler;  il  leur  avait  donné  un  sauî-conduit, 
il  manqua  à  sa  parole.  C'est  évident,  mais 
au  fond  n'avait-il  pas  le  dioit  de  condamner 
à   mort  des  gens   qui  révolutionnaient  ses 
Eti'.ts,  qui  [)roolamaieut  la  décliéance  de  son 
autoi  .té,  et  qui  noyaient  ceux  de  ses  sujets 
qu'ils    ne   pouvaient   convertir?    Voltaire, 
dans  son  Dictionnaire  philosophique,  dit  que 
Jean    Huss  et  Jérijme   parurent   devant  le 
concile  de  Constance,  et  qu'ayant  éié  con- 
vaincus    d'opiniâtreté  ,    ils   furent  *briilés. 
Voltaire  avait   du  savoir,  et ,   ce  qui    vaut 
mieux  souvent,  du  savoir-faire.  La  discus- 
sion sur   ce  fait    était    dangereuse   :   donc 
il  ne  discute  pas  ;  il  insiui  e  par  une  phrase 
à  doub  e  is>iie,  il  escobarde.  Les  savants  n'y 
verro  H  qu'une   malice,  et  les  sots  y  seront 
pris.  Ceite  habileté  d  •  tactique  fait  bien  de 
Voltaire  1  '  plus  dangereux  des  détrac'eurs 
de   la  religion  :   mais  les  disciples  son;  loin 
d'avoir  cette  habileté  du  maître;  ils  entreiU 
tête  baissée  daus  la  discussion, 


1191 


BI36 


HUS 


ii92 


J'ai  souvenir  de  l'avoir  vue  résumée  un 
jour  parfaitement  entre  un  avocat  esjjrit- 
fort  et  un  savant,  en  prés-nce  d'une  société 
choisie  pour  donner  gain  de  cause  à  Tavocat. 
(C'étaient  les  membres  d'une  société  indus- 
trielle). Le  savant  fut  i);Utu.  Le  savant 
n'avait  pas  l'art  de  la  répl  que  et  riiab;tude 
du  langage.  Il  était  modeste  et  timide.  L'a- 
vocat était  bavard  (par  é'at)  et  de  mauvaise 
foi  par  caractère.  Les  points  que  l'avo.^at 
mit  en  saillie  furent  ceux-ci.  Le  concile  livra 
Jean  Huss  h  l'empereur  :  il  ne  le  devait  pas, 
surtout  sachant  ce  qu'il  en  allait  faire;  sur- 
tout quand  l'empereur  avait  donné  un  s.mf- 
couduit.  Il  ajoutait  que  l'empereur  tit  brûler 
Jean  Huss  en  exécution  de  la  sentence  du 
concile.  A  tout  cela  pourluit  la  réponse  était 
bien  simple.  Jean  Huss  était  le  prisonnier  de 
lempereur,  le  concile  devait  le  rendre  à  l'em- 
pereur. Après  avoir  prononcé  sur  la  ques- 
tion spirituelle,  il  laissait  à  qui  d(;  droit  à 
prononcer  sur  la  question  de  rébellion,  de 
troubles  occasionnés  dans  lEtat  et  d'assassi- 
nats commis.  Ce  n'était  plus  de  son  ressort. 
Il  savait  qu'on  allait  brûleries  accusés.  Peut- 
e;re  et  après  tout  ne  méritaient-ils  pas  la 
mort  au  [)oint  de  vue  civil?  ^'ous  ne  discu- 
tons pas  le  mode  de  supplice,  inhén-ut  à  un 
reste  de  barbarie  qui  tenait  à  l'époque.  Si  le 
concile  eût  voulu  garder  Jean  H  ss,  niais 
l'empereur  l'eût  envoy;'  prendre  d'oftice  !  C'est 
si  simple,  qu'il  e>l  ma  s  de  dire  le  contraire. 
L'empereur  violait  sa  parole  à  cause  du 
sauf-conduit  :  c'est  vrai;  qu'y  pouvait  le 
concile?  Etait-ce  son  alfaire,  évidemment 
non.  Maintenant,  dire  que  Jean  Huss  et  Jé- 
rôme furent  brûlés  en  exécution  de  la  sen- 
tence du  concile,  c'est  dire  un  mensonge. 
Le  concile  n'avait  prononcé  que  des  peines 
canoniques.  L'empereur  prononça  une  sen- 
tence civile  contre  les  hommes  qui  révolu- 
tionnaient ses  Etals,  qui  le  proclamaient  dé- 
chu dans  des  cas  donnés  et  qui  notaient 
ses  sujets.  Voilà  la  vérité  hislorniue,  que  ne 
sauraient  altérer  ni  les  déclamations  ni  les 
impudents  mensonges.  Voilà  ce  que  savent 
les  hommes  instruits.  Si  les  voltairiens  de 
bas  étage  pensent  le  contraire,  c'est  eux 
qu'il  faut  plaindre;  s'ils  le  disent  sans  le 
j)enser,  il  faut  les  estimer  ce  qu'ils  valent, 
c'i'sl  une  assez  rude  punition. 

Après  la  mort  de  Jean  Huss,  ses  partisans, 
sous  le  nom  de  hussiles.  se  réunirent  [)0ur 
lui  décerner  les  honneurs  dus  à  un  martyr. 
Sous  la  conduite  du  fameux  Zi.ska,  ils  s'as- 
semblèrent au  nombre  de  plus  de  cincpianto 
mille  et  se  rendirent  fort  redoutables.  Plu- 
sieurs fois  ils  balt.renl  les  troupes  impéri.des  ; 
ils  pillèrent  les  églises,  détruisirent  les  nio- 
naslères  et  les  couvents;  ils  mavsacièient 
les  religieux  de  plusicnirs  couvents.  Zi>ka 
détruisit  ainsi  environ  cinq  cent  cinquante 
monastères,  massacrant  tous  ceux  des  reli- 
gieux ou  religieuses  (pii  refusaient  de  se 
liiire  hussiles.  Lcnfanl,  auteur  protestant,  a 
donné  h;  détail  d<;  toutes  ces  hoireurs,  dans 
.•■o  1  Histoire  (le  la  (jucrrc  des  hussiles  et  du 
comile  (le  /Irllr.  C'est  ainsi  ipie  lut  ])rise  et 
Iroilée  l.'i   ville  d'Ausl.  La  jilaee  fut  réduite 


en  cendres,  les  moines  furent  massacrés. 
Ulri'^  de  Uoseiberg.  qui  en  était  gouver- 
neur, fut  assommé  à  coups  de  tléaux.  On  lui 
couna  les  jtieds  et  I  s  in.iins,  et  on  les  jeta 
au  f'U  avec   es  rentes  de  son  corps. 

Bientôt  les  hussitcs  se  divisèrent  en  plu- 
sieurs sectes,  les  calixtiiis  et  les  tab  rites. 
Les  calixtins,  d'accord  avec  les  catholiques 
sur  les  dogmes,  voulaie'U  la  comniunion  sous 
les  deux  espèces;  les  taboiites  ajoutaient  à 
cela  plusieurs  erreurs  de  W'iclef.  Il  y  avait 
aussi  les  oiébites,  constiiiiés  pardes  troupes 
de  paysans  (jui  s'étaient  réfugiés  sur  la  monta- 
gne d'Oieb.  De  ce  lieu  où  ils  s'étaient  relia  '- 
chés,  ils  faisaient  de  fréipien  es  excursions 
dans  tout  le  i)ays,  massacrant  brûlant  surtout 
les  religieux.  Parfois,  pour  varier  les  supjjli- 
ces,ils  les  mettaient  enchaînés  sur  la  glace,  et 
les  y  laissaient  mourir.  A  un  certain  nom- 
bre ils  coupèrent  les  parties  sexuelles  et  les 
leur  pendirent  au  cou. 

A  la  nouvelle  de  ces  horreurs,  les  calix- 
tins résolurent  de  détruire  ceux  qui  s'en 
étaient  rendus  coupables.  Les  orébi  tes  l'ayant 
su,  se  mirent  sous  la  protection  de  Ziska. 
Bientôt  parurent  au  milieu  des  hussites,  les 
picards  ou  adamites.  Les  abominât  ons  aux- 
quelles cette  nouvelle  secte  se  i)orta,  fi.rent 
tellement  révoltantes,  que  Ziska  entrejirit  de 
la  détruire.  Presque  tous,  exterminés  par 
les  taboritt's,  périrent  par  le  glaive  ou  par 
le  feu.  On  sait  (jue  les  adamites  qui  mar- 
chaient nus  pour  imiter  nos  j)riniiiers  pa- 
rents, admettaient  la  communauté  des  fem- 
mes et  toutes  les  sorles  les  plus  abominables 
d'incestes.  Ils  se  livraient  aussi  à  la  sodo- 
mie. Ziska,  après  cel3,  co  itinua  à  persécuter 
violemment  les  catholiques.  Il  brûlait  les  cou- 
vents et  égorgeait  leurs  habitants.  Un  jour  il 
voulut  préserver  celui  de  Sedlitz,  parce  qu'il 
était  fort  beau.  A  algré  lui,  un  des  siens  y 
mit  le  feu.  Ziska  f(,'ignit  d'en  être  content.  11 
promit  une  gramie  somme  d'argent  à  l'in- 
cendiaire s'il  voulait  se  découvrir.  Ziska, 
pour  l(.'nir  sa  promesses  lui  do  ma  en  ellet 
l'ai'gent,  mais  lo  ulu,  et  le  lui  lit  avaler.  Ziska 
était  |iour  lors  aveugle.  Sur  les  rapports  de 
ses  olli.iers,  il  comman  lait  les  batailles,  as- 
siégeait les  places.  Les  troupes  impériales 
ne  pouvaient  tenir  devant  lui.  11  mourut  de 
la  ])esle.  A  son  dernier  moment,  il  com- 
manda qu'on  fit  de  sa  peau  un  tambour, 
av(;c  lecpiel,  disait-il,  ses  sectaires  étaient 
sûrs  de  marcher  à  la  victoire.  Peu  à  peu  les 
hussites  se  divisèrent  et,  après  plusieurs  an- 
nées, ils  furent  détruits  comme  puissance 
ou  lamenés  dans  le  sein  de  l'Ivglise.  Le 
reste  de  leur  histoire  n'appartient  plus  à 
notre  sujet  :  qu'il  nous  sullise  de  dire  (pic 
les  hussites  furent  d'all'rcnix  persécuteurs. 
L'arbre  doit  être  jugé  à  ses  fruits,  et  proba- 
blement (|ue  les  défenseurs  de  Jean  Huss 
sont  de  ceux  ipii  aiment  l'apôtre  par  amour 
pour  les  haul>  faits  de  ses  dis(i|iles. 

HVACINTIIK  (saint),  fut  martyrisé  sous 
l'empire  de  Trajan  ;  les  uns  dist-nt  à  Porto, 
près  de  lloine,  les  autres  à  Cés.irée  de  Caji- 
|i.i(loce.  Les  Actes  de  saint  llyacintlKî  no 
sont  jioint  assez  authentiques  pour  qu'on  y 


H95 


ICO 


ICO 


111)4 


njtnilc  complètement  foi;  on  sait  soulemoni 
que  c'est  un  uia^islrat  noiuiiié  Léonce,  hom- 
me consulaire,  devant  (jui  il  coniparut  el 
])ar  qui  il  lut  condamné.  Léonce  le  mena- 
gant  de  div(>rs  supplices  :  «  (]e  ne  soni 
point  les  divers  supplices  d'ici-bas  que  je 
crains,  mais  les  éternels;  c'est  pourcjuoi  je 
n'ai  point  d'égards  ni  h  voli-c  connuande- 
ment,  ni  aux  nuMiacei^  de  votre  prince.  N'otre 
colère  s'eiitlamme  et  s'évanouit  en  un  même 
jour.  Vous  ne  sauriez  échai)pcr  vous-même 
a  la  mort  ;  et  anrôs  cela  (jue  serez-vous?  « 
A  part  ces  paroles,  on  ne  j)eut  rien  trouver 
dans  les  Actes  de  saint  Hyacinthe  qui  soit 
digne  d'attirer  l'attention.  On  fait  sa  loto  le 
26  juillet.  {Voij.  Césaire,  diacre.) 

HYACINTHK  (saint),  martyr,  fut  mis  îi 
mort  avec  saint  Prote,  sous  le  l'ègne  de  Va- 
lérien,  en  257.  On  lit  dans  les  Actes  de  sainte 
Eugénie,  honorée  par  l'Eglise  le  25  décem- 
bre ,  que  tous,  deux  servaient  chez  celte 
sainte  en  qualité  d'eunuques.  S'il  faut  en 
croire  leur  éi)itaphe,  rapportée  par  le  pape 
Damase,  tous  deux  étaient  frères.  Leurs  re- 
liques sont  déposées  h  Rome,  dans  l'église 
de  Saint-Jean-Baptiste.  Nous  manquons  do 
détails  bien  circonstanciés  sur  leur  mar- 
tyre. L'Eglise  fait  leur  fête  le  11  septem- 
bre. 

HYACINTHE  (saint),  fut  martyrise  h 
Amastride,  en  Paphlagonie.  Il  mourut  en 
prison,  après  avoir  beaucoup  souffert  sous 
le  président  Castrice.  Nous  n'avons  pas 
d'autres  détails  sur  lui.  L'Eglise  fait  sa  fête 
le  17  juillet. 

HYACINTHE  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre  en  Lucanio  avec  les  saints  Quint, 
Lucius  et  Félicien.  Nous  ne  possédons  pas 
d'autres  détails.  L'Eglise  fait  leur  mémoire 
le  29  octobre. 

HYACINTHE  (saint),  reçut  la  couronne  du 
martyre  à  Rome,  avec  les  saints  Zotique,  Iré- 
née  et  Amance.  Les  détails  nous  manquent 
entièrement  sur  eux.  L'Eglise  fait  collecti- 
vement leur  mémoire  le  10  février. 

HYACINTHE  (saint),  reçut  la  palme  des 
glorieux  combattants  de  la  foi  dans  le  pays 
des  Sabins,  à  trente  milles  de  Rome.  Les 
compagnons  de  son  triomphe  furent  les 
saints  Alexandre  et  Tiburce.  L'Eglise  fait 
leur  fêle  le  9  septembre. 

HYGIN  (saint),  fut  le  successeur  de  saint 
Télesphore  dans  l'épiscopat  de  Rome.  Il  ne 
gouverna  que  quatre  ans,  qui  apparemment 
même  ne  furent  pas  entiers,  puisqu'on  mar- 
que cpie  saint  Pie  lui  avait  déjà  succédé  en 
142.  Ce  pontificat  si  court  ne  laisse  pas  d'être 


plus  célèbre  dans  l'histoire  f(uo  celui  de  ses 
piédécesseurs,  |)arce  (pic  les  hérésiarques 
Cerdon  et  Valentin  vinrent  alors  répandre 
leurs  erreurs  parmi  les  chrétiens  de  Rome. 
Un  ancien  Pontilical  dit  que;  saint  Hygin  fut 
enterré  auprès  de  saint  Pierre  h;  W  décem- 
l)re.  Anastase  dit  (pie  ce  fut  le  11  janvi(M-, 
au(juel  le  Martyrologe;  romain  et  (piehpies 
autres  nouveaux  on  manpieiit  la  fête.  Adon, 
Nolker  el  (pi(;l(|ues  autr(;s  plus  anciens  la 
mettent  le  10.  Il  y  en  a  (jui  marquent  (]uo 
c'est  le  jour  de  sa  mort  el  qu'il  fut  ent(jrr6 
le  lendemain.  Les  nouveaux  l'honorent  du 
titre  de  martyr,  et  Molanus,  l'un  de  ceux-ci, 
dit  qu'on  le  donne  îi  ce  ])ape  et  à  quelques 
autres,  parce;  qu'ils  ont  beaucoup  souffert 
pour  Jésus-Christ.  Les  plus  anciens  ne  lui 
donnent  aucun  titre,  el  (luehiues  martyro- 
loges, dont  l'un  est  écrit  il  y  a  plus  de  cinq 
cents  ans,  le  qualihent  confesseur.  On  peut 
assurer  (jue  saint  Irénéo  n'a  point  su  qu'il 
fût  martyr.  On  lui  attribue  quelques  ordon- 
nances dont  Bollandus  ne  veut  point  se  ren- 
dre garant.  (Tillemont,  t.  II,  p.  252.) 

HYLAS,  père  de  saint  Vit  (ou  saint  Guy), 
ayant  appris  que  son  fils  avait  reçu  de  Cres- 
cence,  sa  nourrice,  les  principes  de  la  foi 
chrétienne,  et  qu'il  en  pratiquait  les  com- 
mandements, entra  dans  une  violente  co- 
lère. Après  avoir  fait  lui-même  soufTrir  à 
son  fils  les  supplices  les  plus  cruels  pour  le 
contraindre  à  embrasser  le  culte  des  idoles, 
il  poussa  la  cruauté  jusqu'à  le  livrer  à  Va- 
lérien,  gouverneur  de  la  Sicile.  On  peut  voir 
le  détail  de  ces  faits  aux  articles  de  saint 
Vit  et  de  sainte  Crescence.  Ils  se  passaient 
au  commencement  du  iv  siècle. 

HYPACE  (saint),  martyr,  évêque  d'Asie, 
versa  son  sang  pour  le  culte  des  saintes  ima- 
ges avec  saint  André,  prêtre,  sous  l'empe- 
reur Léon  risaurien.  On  enduisit  leur  barbe 
de  poix,  puis  on  la  brûla.  Enfin  15  peau  de 
leur  tête  fut  enlevée,  et  ils  furent  égor- 
gés. On  ignore  la  date  précise  de  leur  mar- 
tyre. L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  29 
août. 

HYPACE  (saint),  confesseur,  souffrit  pour 
la  foi  en  Phrygie.  Malheureusement  les  Ac- 
tes des  martyrs  ne  nous  ont  conservé  aucun 
document  sur  lui  et  sur  les  circonstances 
qui  illustrèrent  sa  courageuse  confession  de 
la  religion  chrétienne.  L'Eglise  fait  sa  mé- 
moire le  17  juin. 

HYPACE  (saint),  martyr,  soufTrit  à  Cons- 
tantinople  pour  la  foi  avec  Lucillien ,  an- 
cien prêtre  d'idoles,  et  trois  autres  enfants 
de  son  âge,  Paul,  Denis  et  Claude.  {Voy,  Lu- 
cillien pour  plus  de  détails.) 


ICONE,  aujourd'hui  Konieh,  ville  de  l'Asie 
Mineure,  en  Phrygie,  sur  les  confins  de  la 
Cilicie.  C'était  la  capitale  de  la  Lycaonie. 
Saint  Paul  et  saint  Barnabe  furent  obligés 
d'en  partir,  parce  que  le  peuple  voulait  les 
lapider.  Sous  l'empire  d'Aurélien,  un  oUlcier 

DicTioNN.  DES  Persécutions.  I. 


nommé  Domitien,  envoyé  par  le  prince  pour 
persécuter  les  chrétiens,  fit  comparaître  à 
son  tribunal  saint  Conon  et  son  fils,  et  leur 
fit  souffrir  les  plus  épouvantables  supplices. 
11  les  fit  étendre  sur  le  lit  de  fer  embrasé,  sur 
les  charbons  ardents  arrosés  d'huile.  Il  les  lit 

38 


1193 


ICO 


m 


iiytt 


ensuite  plonger  dans  une  chaudière  pleine 
d"huile bouillante,  et  leuc  lit  coufior  les  luains. 
L'atrocité  de  pareils  supplices  va  bieu  à  ce 
nom  de  Domitiea.  Du  reste,  celui  qui  le  por- 
tait était  un  descendant  du  tyran  An  inômo 
nom  (|ui  persécuta  si  violeunnent  rE;ilise. 

ICONOCLASTKS  (brisL'ursd'imigesj,  secte 
religieuse,  qui  prit  naissance  au  \'  siècle, 
sous  leuipereur  Zenon.  Elle  regardait  com- 
me u  le  idolAliie  le  culte  qu'on  rendait  aux 
iniag -s,  et  poursuivait  ce  culle  avec  achar- 
nement. Le  iM'emier  (jui  s'avisa  de  prétendre 
que  rendre  des  honneurs  auv  iniages,  c'était 
les  adorer,  et  par  conséquent  commettre  un 
crime,  fut  un  nommé  Xénaiasou  Philovène, 
que  Pierre  le  Foulon  avait  nommé  évèque  à 
la  place  de  Cynis  d'H;éraple.  Ce  Xéiiaias 
était  Persan  d'origine:  il  avait  été  chassé  de 
son  pays  par  le  patriarche  CalenJion,  parca 
que,  prêchant  des  doctrines  subv.rsiv;,'s  de 
la  foi,  il  produisait  de  l'agitation  parmi  le 
peuple.  Quand  il  fut  établi  évèq  le  d'Hiéra- 
ple,  |>lusieiirsévè(pies  persans  s'en  émurent 
et  vinrent  dire  qu'il  n'était  autre  qu'un  es- 
clave fugitif,  et  que  même  il  n'était  pas  bap- 
tisé. Pierre  ne  s'en  mit  pas  en  peine,  et  pré- 
tendit que  l'ordination  épiscopale  pouvait 
très-bien  lui  tenir  lifu  de  baplèiue.  Entre 
otitres  doctrines  hétérodoxes  qu'il  prêcha, 
Xénaïas  soutint  ({ue  le  culte  rendu  aux  ima- 
gos était  idolàlri([ue.  11  disait  que  les  anges 
étant  incorp»rels ,  il  n'était  pas  permis  de 
leur  donner  das  corps,  rd  de  les  [)eiiidre  en 
figure  humaine.  Que  ce  n'éttit  |)Oint  honorer 
Jésus-Christ  que  «le  dépeindre  son  image,  et 
qu'il  n'y  avait  iiueTadoi-ation  en  esj)rit  et  en 
vérité  (|ui  lui  fût  agréable.  Qae  c'était  une 
imagination  puérile  de  faire  des  colombes  de 
relief  pour  représenter  le  Saint-Esprit.  Car, 
disait-il,  il  no  s'est  [)as  fait  colombe,  il  a 
seulement  paru  en  cett(!  forme  une  seule  fois, 
sans  en  [)rendr3  la  substance.  Sa  pratique 
était  conforme  h  sa  doctrine.  U  etlaça  en 
plusieurs  endroits  les  images  des  anges  et 
cacha  celle  de  Jésus-Christ  dans  les  lieux 
secrets.  (Fleury,  vol.  11,  p.  517.) 

C'était  en  Wo  ou  W6  que  Xénaïas  atta- 
quait ainsi  le  culie  des  images.  Il  eut  d'a- 
bord très-peu  de  sectateurs,  et  ceux  ({ui  sui- 
virent ses  idées  furent  longtemps  traités  par 
l'Eglise  connue  des  gens  sans  iuq)orlan:;e. 
Ce  ne  fut  qu'en  727  que  cette  hérésie  parut 
avec  for.-e,  et  devint  a  la  fois  une  |)er>écu- 
tion  contre  lEglise  et  un  véritable  danger 
jtour  la  foi  d'un  grand  nombre.  Durant  l'étî 
de  l'année  116,  un  volcan  sou  -ma/an  lit 
une  violente  éruption  dans  l'Archipel,  entre 
ïes  îles  Théia  et  Thérésia.  La  mer,  Ixniillon- 
nant  avec  fure  ir.  [ir'sentail  eu  C(!t  endroit 
ras[)ect  d'une  véritable  lempêie;  et  de  son 
sein  sortait  nue  iuunensc.'  quanliti-ch;  pierres 
ponces  ,  (pii  étaient  lancées  de  tous  côtés 
sur  le->  terres  voisines  des  deux  continents 
d'Asie  et  d  Europe.  Cette  éruption  volcani- 
que pioiuisii  une  ile  nouvell.i,  (]ui  se  mon- 
tra pK'sde  celle  d'iliéia.  Ouoifjue  de|)areils 
aceitlents  lussttnt  assez  fré(pients,  l'enjpereur 
Léon  risauricn,  (jui  régnait  alors,  iirit  cela 
pour    un    [)rodige   annonçant   l.i   folèr.-    du 


ciel,  irrité,  pensait-il,  à  cause  du  culte  que 
les  chrétiens  rendaient  aux  images.  On  pré- 
tend (juMl  avait  reçu  celte  idée  des  musul- 
mans. 11  y  fut  coniirmé  par  un  nommé  Be- 
ser.  Syrien,  né  de  chrétiens,  qui,  étant  pris 
par  ces  intidèles,  avait  apostasie  et  embrassé 
leur  religion,  et  depuis,  étant  délivré,  était 
revenu  chez  les  Uomains.  L'empereur  Léon 
en  faisait  cas  à  cause  de  la  force  de  son 
corps  et  de  la  conformité  de  leurs  senti- 
ments. Il  fut  encore  appuyé  dans  cette  erreur 
})ar  Constantin,  évèque  de  Nacolie  en  Phry- 
gie. 

Donc,  après  la  dixième  année  de  so^i 
règne,  l'an  de  Jésus-t^hri^t  727,  ayant  assem- 
blé le  peuple,  il  dit  publiquement  que  faire 
des  images  était  un  acte  d'idolAtrie,  et  que 
par  conséquent,  on  ne  devait  pas  les  adorer. 
Le  peuple  gémit  à  ce  discours  ;  l'empereur 
n'en  dit  pas  davantage  alors,  et  tâcha  de  don- 
ner un  autre  sens  h  ses  paroles;  mais  saint 
Germain,  patriarche  de  Constant! no, de,  lui 
résista  fortement,  soutenant  que  les  images 
avaient  toujours  été  en  usage  dans  l'Eglise 
et  déclarait  (ju'il  était  prêt  à  mourir  pour 
leur  défense. 

11  essaye  aussi  de  ramener  à  la  raison  les 
évoques  qui  étaient  dans  1«  s  sentiments  de 
l'empereur,  particulièrement  Constantin, 
évèque  de  Nacolie,  auteur  de'cette  hérésie. 
Nous  avons  tiois  lettres  que  Germain  écinvit 
sur  ce  sujet.  La  première  ù  Jean,  évoque  de 
Synnade  en  Pln^ygie,  mélroi'Olitain  de  Cons- 
tantin, oij  il  dit  :  «  Le  pati  ice  Taraise  m'a 
rendu  votre  lettre  oii  vous  [)arlez  de  l'évê- 
que  de  Nacole.  Je  vous  déclare  donc  qu'a- 
vant que  je  l'eusse  reçue,  cet  évèque  étant 
venu  ici,  nous  eiitràuies  en  discours,  et  j'exa- 
minai son  sentimtrU  touchant  ce  que  j'avais 
OUI  de  lui.  Et  voici  la  défense,  car  il  faut 
vous  dire  tout  en  détail.  Aii;si,  ayant  ouï, 
dit-il,  ces  larolosde  l'Ecri'ure  :  'lu  ne  feras 
aucune  image  pour  l'adorer,  soit  de  ce  qui 
est  au  ciel,  soit  de  ce  qui  est  sur  la  ter''e  : 
j'ai  dit  qu'il  ne  fallait  j)oint  adorer  les  ou- 
vrages des  honnnes,  mais  au  reste  nous 
croyons  les  saints  martyrs  dignes  de  tout 
honneur,  et  nous  imploions  h'ur  i  iterccs- 
sion.  Je  lui  répondis  :  La  foi  chrétienne,  son 
culte  et  son  ado.ation,  se  rapportent  h  Dieu 
seul,  connue  il  e^t  éciit  :  'lu  adiueias  le  Sei- 
gneur ton  Dieu  et  tu  le  sers  iras  seul.  C'est 
à  1  li  seul  que  s'adi-esse  notre  doxologie  et 
notre  eu  te.  Lad(»xologie  est  celte  (>rièr..' que 
l'Eglise  ré|jète  si  souvent  :  «  Gloire  soit  au 
Père  (  t  au  Fils  et  au  Saint-Es|)ril.  »  Saint 
Germain  continue  :  Nous  n  adorons  |)oiulde 
créatures,  h  Dieu  «le  plaise  ;  et  nous  ne  rei- 
dons  point  j^i  des  serviteurs  comme  nous  le 
culte  (pii  n'est  dit  (ju'ii  Dieu.  Qu.uid  mms 
nous  proster nonsdevant  les  em;  (nvursct  les 
lii'inces  de  la  terre,  ce  n'est  pas  pnin-  les 
adorer  comme  Dieu.  Le  prophèie  Nathin 
se  pnisleina  en  teric  devant  David  (jUi  n'é- 
tait (iii'un  hoinmcet  il  n'(!n  est  point  l'epris. 
Et  ([uand  nous  pirinetto  is  de  faire  de>  ima- 
ges, ce  n'est  pas  poui- duninuer  la  perfection 
(lu  ciilio  divin  ,  car  nous  n'en  faisons  aucune 


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f»our  roprésontor   la  diviiiiti'î  invisible,  que 
es  aiiiJi,cs  iinMiies  ni'    pciivi'iit  coiuineiulio. 

Mais  |uiis(iiie  h;  Fils  do  Dieu  a  i)ii'ii  voulu 
se  laue  niauuu'  pour  noire  salut,  mous  taisons 
l'iiuago  (if  sdU  luMuaniU^  [)Our  l'oilifL  r  nolro 
foi,  niontranl  (ju'il  n'a  pas  piis  noire  nalm-o 
par  iuiaginalioti,  comme  o:il  ensoiL^né  (jucl- 
ques  anciens  liéicliqucs ,  miis  rérllemcit 
et  vénlahiement.  C'est  à  celte  intentioM  (juc 
nous  sahioi.s  ces  iniayes  et  (jug  nous  leur 
rendons  riionneur  et  le  culle  convenable, 
pour  nous  rappeler  la  nu'njoire  de  son  incar- 
nation. Nous  laisons  de  môme  nour  l'imago 
do  sa  sainte  Mère,  niontrant  qu  étant  l'enune 
et  de  niCme  naluie  que  nous,  elle  a  conçu  et 
enfanté  le  Dieu  lont-|)uissjnl.  Nous  admirons 
aussi  et  nous  estimons  heureux  les  mar- 
tyrs ,  les  ap^Mres ,  les  prophèies  et  tous 
les  autres  saints  qui  ont  étéviais  seivilcurs 
de  Dieu,  éprouvés  par  leuis  bonnes  œuvres, 
par  la  piédic.Uioii  de  la  vérilé  et  la  pâli  'uce 
dans  lessoullVances,  (|ui  sont  ses  amis  et  ont 
acquis  u'i  grand  créiiit  auprès  de  lui;  et 
nous  peij;no'is  leurs  ima;;es  en  mémoire  do 
leur  courage  et  du  service  agréable  qu'ils 
ont  rendu  à  Dieu.  Noa  que  nous  prétendions 
qu'ils  pai'licipent  à  la  nature  divine,  ni  que 
nous  bur  rendions  l'honneur  et  l'adoiatiori 
d  ;e  ù  Dieu,  mais  pour  montrer  latiectiori 
<^ue  nous  leur  portons  et  pour  foriitier  par 
la  l'cintuie  la  créance  des  vérités  que  nous 
avons  ap})iises  [)ai'  les  oreilles  ;  car  étant 
composés  de  chair  1 1  de  sang,  nous  avons  be- 
soia  d'assurer  notre  àme  même  par  la  vue.» 

Sai  U  Germain  conclut  ainsi  sa  lettre  : 
«Nojs  avons  exposé  tout  cela  à  l'évêque  de 
Nacolie,  qui  l'a  reçu  et  a  déclaré  devant  Dieu 
qu'il  le  tenait  ainsi  et  qu'il  ne  dirait  ou  f<  rait 
rien  qui  pût  scandaliser  les  peuples.  Vous 
ne  devez  dune  point  fatiguer  les  évéques  de 
votre  province ,  ni  vous  scandaliser  vous- 
même  parce  sujet,  mais  seulement  l'en- 
voyer quérir,  lui  lire  celte  Isttre  et  l'obliger 
à  y  donner  son  coris.^ntemeal.  »  Constaitin, 
évoque  de  Nacolie,  qui  était  porteur  do  celte 
k'tire,  la  li  U  secrète  et  ne  la  rendit  point  à 
so  1  métrop  litain  ;  c'est  pourquoi  le  patriar- 
che Germain  écrivit  ainsi  à  Conslanlin  lui- 
même  :  «  Jea  1,  mélro|)olitain  de  Synnade  , 
m'a  écrit  que  vous  no  lui  aviez  pas  rendu 
ma  loUre.  Je  suis  furt  allligé  que  vous  ayez 
été  si  peu  touché  de  la  crainte  de  Dieu,  de 
la  ch:,riié  et  de  l'honneur  que  les  membres 
de  Jésus-Christ  s;;  djivont  les  uns  aux  au'.res. 
C'est  pou;quoi  je  vous  en,oins  de  rend  e  par 
vous-même  inces>amment  ma  lettre  [)récé- 
dento  à  voire  métropoinam,  do  vous  sou- 
meltre  eut  èrvnuent  à  lui  suivant  l'ordre  de 
répiscoj)al,  et  de  pcn^sévérer  dans  la  résolu- 
tion que  vous  avez  témoignée  do  suivre  nos 
sentimeits  sans  vous  aj)|)uyersur  votre  i)ro- 
pre  sens  ;  car  je  crOiS  q  io  vous  n'avez  pas 
oublié  que  vous  m'avez  priéd  a.ce,)ter  votre 
reuoncialion  à  ré,)isco,)at,  sous  prétexte  (jue 
l'oii  voi.lait  se  soulever  contre  vous  'pour  un 
crime  dont  vous  no  vous  sentiez  pas  coupa- 
ble, assurant  que  vous  n'aviez  rien  d.t,  ni 
rien  fait  d'injurieux  à  Notre-Seigneur,  ni  à 
ses  saints  au  sujet  de  leurs  images,    seule- 


ment que  vous  aviez  proposé  la  doctrine  de 
riù  lilure  :  qu'il  ne  l'aui  rendre  à  la  créalure 
antnin  h«tin)cur  divin.  Jt;  \oulus  ce  que  j'é- 
crivais iivolre  métrojujlilain  ;  vous  décInrÀles 
(pie  vous  en  étiez  d'ac;  ord,  et  je  vous  en  don- 
nai copie.  Ne  scandalisez  donc  pas  le  peuple 
innocent,  mais  souvenez-vous  du  |(  rrible 
jugi'ment  (h;  Dieu  co'»(i-e  l(;s  auleuis  du  scan- 
dale, et  sachez  (}ue,  jus(]u'àce  (jue  vous  ,-\yez 
rendu  ma  h  ttre  à  votre  métropolîtain  ,  jo 
vous  déh'iids,  au  nom  delas.iinle  Trinité,  de 
faire  aucune  fonction  d'évè(jue,  car  j'aime 
mieux  user  de  quelque  rigueur  que  nie  ren- 
dre coiq)able  moi-même  d  vanl  Dieu.  » 

Le  patriirthe  Germain  é.rivil  encore  à 
Thomas,  évêcjue  de  Cl^uidiopolis,  qui  s'était 
déclaré  contre  les  images;  il  lui  dit  entre 
autres  choses  :  «  Vous  avez  été  1  ngtemps 
avec  nous,  nous  logions  ensemble,  voi.s  iro- 
posiez  (}uel(|Uilbis  des  ([uestions  de  l'Kcri- 
ture,  sans  (jue  jamais  vous  nous  ayez  dit  un 
mol  sur  les  ima.es  des  saints,  de  Jésus- 
Christ  ou  de  sa  sainle  Mère.  Vous  avez  g.ndé 
nu  profond  silence  sur  ce  sujet.  Toutefois, 
j'iipprends  (ju'étant  de  retour  en  votre  ville, 
vous  avez  fait  ôter  les  images  comme  j^ar 
ui:e  commune  résolution,  un  dessein  arjôlé. 
J'ai  peine  5  le  croire,  mais  je  suis  obligé  de 
vous  en  dire  uion  sentimcnl.  S;juvencz-vous 
premièrement  que  nous  devons  éviter  en 
tout  les  nouveautés,  mais  prinf:ij;alement 
quand  ce  peut  être  une  occasion  de  scandale 
au  peuple  tidèle,  et  que  l'on  s  oppose  à  une 
coutume  établie  depuis  ionglcra})S  dans 
l'Eglisa.  D'ailleurs,  nous  devons  réfuter  les 
calomnies  que  les  inddèles  ramassent  contre 
l'Egbse  et  montrer  sa  noble  et  divine  immo- 
bilité. Or,  ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  les 
Juifs  et  les  vrais  idolâtres  nous  ont  fait  ce 
reproche,  sans  autre  dessein  que  de  noircir 
notre  foi  ;  car  ils  ne  se  soucient  pas  do  nous 
détourner  des  ouviages  des  hommes,  eux 
dont  tout  le  culte  y  est  attaché,  qui  ne  con- 
naissent rien  au-dessus  des  choses  sensibles, 
qui  ne  font  qu'abaisser  en  toutes  manières 
la  nature  divine,  l'enfermer  dans  un  lieu,  et 
la  représenler  par  des  images  corporelles. 
Quant  aux  Sarrasins  ou  Mu^u!mans,  il  leur 
reproche  la  i)ierre  noire  de  la  maison  Carrée 
do  la  Mecque,  qui  est  le  principal  objet  du 
pèlerinage.  U  s'étend  ensuite  sur  la  pureté 
de  la  religion  chrétienne  qui  n'a  pour  objet 
d'adoration  qu'un  seul  vrai  Dieu  invisible  et 
inaccessible  rians  sa  gloiie  Au  coniiaiie, 
dit-il,  les  idolâtres  croient  faire  un  dieu  qui 
n'é'.ait  point  auparavant,  et  quand  il  est  dé- 
truit,  ils  croient  n'avoir  plus  do  dieu,  sil> 
n'en  font  un  aulie  semblable.  Les  honneurs 
qu'ils  leur  rendent  îont  pleins  dedissolution 
et  de  toutes  sortes  d'actions  et  de  paioles 
déshonnêios.  Mais  au  contraire,  les  iiuages 
dos  saints  qui  sont  chez  les  chrétiei;s  ne 
servent  qu'à  l-s  <.'xciter  à  la  voitu,  comme 
feraient  les  discouis  des  gens  de  bien  ;  car 
la  peinture  est  {l•^e  histoire  abrégée,  (t  tout 
se  rapporte  à  la  gloire  du  Père  céleste. 
Quand  nous  adorons  1  image  de  Jésus-Christ, 
nous  n'adorons  pas  les  couleurs  appliquées 
sur  du  bois;  c'est  le  Dieu  invisible  qui  est 


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dans  le  sein  du  Pure  (]ue  nous  adorons  eu 
esprit  et  en  vérité.  Kt  ensuite,  depuis  la  lin 
des  persécutions,  on  a  tenu  plusieurs  con- 
ciles œcuméniques,  qui  ont  l'ait  des  canons 
sur  des  sujets  bien  moins  importants  (jue 
celui  des  images.  Cependant  ,  ils  n'auraient 
pas  dû  le  laisser  sans  examen,  si  cette  an- 
cieinie  coutume  nous  ronduisait,  comme 
l'on  prétend,  à  TidolAtrie  contre  la  défense 
des  saintes  Ecritures,  et  nous  éloignait  de 
Dieu.  Car  celui  qui  a  promis  aux  apôtres 
d'être  avec  eux  jusqu'à  la  tin  des  siècles,  l'a 
promis  aussi  aux  é\  éques  qui  devaient  après 
eux  gouverner  l'Eglise.  Et  i)uisqu'il  a  dit 
qu'il  serait  au  milieu  de  deux  ou  trois,  as- 
semblés en  son  nom,  il  n'aurait  pas  aban- 
donné de  si  grandes  umltitudes  réunies  par 
Je  zèle  de  sa  religion,  sans  leur  commu- 
niquer son  insjnration  et  sa  conduite,  d'au- 
tant i)lus  que  cette  coutume  n'est  pas  seule- 
ment établie  dans  un  petit  nombre  de  villes 
ou  dans  les  moins  considérables,  mais  pres- 
que dans  tous  les  pays  et  dans  les  premières 
et  les  plus  illustres  Eglises.  » 

Il  répond  ensuite  à  l'objection  tirée  de 
l'Ecriture,  où  Dieu  défend  de  faire  aucune 
image  de  ce  qui  est  au  ciel  ou  sur  la  terre. 
«  Le  sens,  dit-il,  en  est  manifeste  ,  que  la 
nature  divine  est  invisible  et  incompréhen- 
sible, et  qu'il  ne  faut  pas  s'imaginer  qu'elle 
ait  rien  de  semblable  avec  les  images  corpo- 
relles. Car  après  avoir  dit  :  Vous  n'avez  vu 
aucune  image  lorsque  le  Seigneur  vous  a  parlé 
sur  le  mont  Jloreb,  il  ajoute  aussitôt  :  Ne 
vous  trompez  pas  en  faisant  quelque  sculp- 
ture, et  le  reste  :  tant  pour  les  faire  souve- 
nir du  veau  d'or  (juc  pour  les  détourner  de 
la  coutume  des  Egyptiens  qu'ils  connais- 
saient. C'est  ce  que  dit  saint  Paul  aux  Athé- 
niens :  ([a'e'tant  enfants  de  Dieu,  nous  ne  de- 
vons pas  croire  que  la  nature  divine  soit  sem- 
blable à  Vor,  à  l'argent  ou  à  l'ouvrage  des 
hommes.  Or,  nous  ne  reconnaissons  qu'un 
Dieu,  nous  n'adorons  que  lui  et  nous  n'of- 
frons qu'à  lui  le  sacrifice  par  Jésus-Christ.  » 
Et  ensuite  :  «  Les  chrétiens  ne  rendent  au- 
cun culte  ni  aucun  honneur  aux  images  de 
leurs  parents  ou  de  leurs  amis;  mais,  en  re- 
gardant l'image  d'un  saint,  nous  rendons 
gloire  à  Dieu.  »  Et  encore  :  «  On  ne  doit 
I)as  être  scandalisé  de  ce  qu'on  présente  aux 
images  des  saints  des  lumières  ou  des  par- 
fums. Ce  sont  des  symboles  de  leurs  vertus 
pour  signifier  leur  lumière  spirituelle,  et 
rins[)iralion  du  Saint-Esprit.  »  El  encore  : 
"  Ce  qui  est  bien  iuiportant,  c'est  ({ue  Dieu 
a  fait  souvent  des  mii'acles  sur  de-s  images 
dont  il  y  a  plusieurs  histoires,  comme  (les 
guérisons  des  malad<;s,  dont  nous  avons 
nous-mêmes  l'expérience,  des  charmes  lom- 
i)us,  des  apparitions  en  songe,  (,'t  ce  cpii  est 
hors  de  doute  (si  sans  contredit,  l'image  de 
la  sainte  Vieige  qui  était  à  Soztjpolis  de  i*i- 
sidie,  a  l'éjiaridu  <le  sa  main  peijite  un  |)ar- 
fuin  liijuidr',;  il  y  en  a  |ihi,si(!urs  lénioins.  v 
Il  ne  parle  (pje  des  imag(.'s  de  la  plate;  pein- 
ture, et  il  n'y  en  avait  pas  d'autres  dans  les 
églises,  suivant  l'usage;  que  les  (irecs  con- 
servt'ul   encore,  (^est  j)Ourquoi  >>d^i]\\.  Ger- 


main, i)arlant  de  la  statue  de  bronze  que 
l'hémorroïsse  dressa  en  l'honneur  de  Jésus- 
Christ  ,  ajoute  :  «  Nous  ne  disons  pas  cela 
pour  dire  que  nous  devions  avoir  des  sta- 
tues de  bronze.  »  C'est  ce  qui  m'a  paru  de 
plus  remarciuable  dans  ces  trois  lettres. 

H  ne  manqua  pas  d'écrire  au  pape  Gré- 
goire ce  qui  se  passait  en  une  affaire  si  im- 
portante, et  le  pape  lui  fit  réponse  par  une 
grande  lettre  où  d'abord  il  le  félicite  sur  la 
vigueur  avec  laquelle  il  défend  la  doctrine 
de  l'Eglise.  «  Elle  ne  s'est  jamais  trompée, 
dit  le  pape,  quoiqu'on  se  l'imagine  ;  et  cette 
tradition  n'a  rien  de  commun  avec  la  prati- 
que des  païens.  Il  faut  regarder  l'inti-ntion 
et  non  pas  l'action.  Si  les  ))rophélies  n'ont 
pas  été  accomplies  j)ar  l'incarnation  du  Fils 
de  Dieu,  il  ne  faut  pas  piïindrece  qui  n'a  pas 
été;  mais  puisque  tout  s'est  passé  réelle- 
ment, qu'il  est  né,  qu'il  a  fait  des  miracles, 
qu'il  a  souffert,  qu'il  est  ressuscité,  [Oùt  à 
Dieu  que  le  ciel,  la  terre,  la  mer,  tous  les  ani- 
maux, toutes  les  plantes  ,  pussent  raconter 
ces  merveilles  par  la  parole,  par  l'écriture 
ou  par  la  peinture  1 

«  On  appelle  idoles  les  images  de  ce  qui 
n'est  point  et  qui  ne  sul)sisle  que  dans  les 
fables  et  les  inventions  frivoles  des  païens. 
Mais  l'Eglise  n'a  rien  de  commun  avec  les 
idoles;  à  Dieu  ne  plaise,  nous  n'avons  ja- 
mais adoré  des  vaches,  ni  le  veau  d'or,  ni 
regardé  la  créature  comme  un  Dieu,  ni  reçu 
les  mystères  de  Béelphégor.  Que  si  quelqu'un 
veut  imiter  les  Juifs  en  accusant  l'Eglise  d'i- 
dolàtrie,  à  cause  des  vénérables  images, 
nous  le  regardons  comme  un  chien  qui  aboie 
en  vain  et  nous  lui  dirons  comme  aux  Juifs  : 
Plût  à  Dieu  qu'Israël  eût  profité  des  choses 
sensibles  que  Dieu  lui  avait  ordonnées  pour 
le  mener  à  lui  ;  qu'il  eût  aimé  le  saint  autel 
plutôt  que  les  vaches  de  Samarie,  la  verge 
d'Aaron  plutôt  qu'Astarte,  et  la  pierre  dont 
l'eau  était  sortie  plutôt  que  Baal.  )j  C'est 
ainsi  (jue  l'Eglise  romaine  était  d'accord 
avec  celle  de  Cousiantinople. 

L'entreprise  de  renq)ereur  Léon  contre  les 
images  lui  attira  une  révolte  des  peuples  de 
la  Grèce  et  des  Cyclades,  qui  armèrent  une 
flotte  sous  prétexte  de  zèle  pour  la  religion, 
menant  avec  eux  un  nommé  Cosme  pour  le 
couronner  em[)ereur.  Les  chefs  de  cette  ar- 
mée étaient  Agallien  (|ui  connnandait  en 
Grèce,  et  Etienne.  S'étant  a[iprochés  de 
(^onstantinople,  ils  donnèrent  une  bataille  le 
18  aviil,  indiclion  dixième,  l'an  727.  Les 
rebelles  y  furent  entièrement  défaits.  Agal- 
lien se  j(!ta  dans  la  mer  tout  armé;  Cosme  et 
Etienne  furent  pi-is  et  eurent  la  tète  tran- 
chée. Ce  succès  encouragea  l'empei-eur  Léon 
à  [)ersé(;uler  les  calholiepies,  et  il  lit  de  nou- 
veaux elforls  pour  gagner  le  patiMarche  Ger- 
main, qui"s'élait  déclaré  conli'c  li'>  rebelles. 
L'emp(;i'eur,  l'ayant  fait  venir,  employait 
pour  le  persuader  les  naiHtles  les  plus  llat- 
leusos.  Le  patriarche  lui  dit  :  Nous  avons 
bien  ouï  dire  «pie  les  saintes  images  de- 
vaient être  ôlées,  mais  non  sous  voire  règne. 
L('on  l'ajanl  pres.st!  de  dire;  sous  (piel  empe- 
reur, il  répondit,  sous  Cunon.  Léon  reprit  : 


1201 


ICO 


ICO 


fllOl 


Il  est  vrai  (|iir  mon  ikmh  de  l)a|»t^nio  rsl 
Conon.  Ml  le  |iati  iairlic  iv|»iit  :  A  Dieu  no 
l)laise,  si^iKntMn-,  ([iic  cf  mal  s'accomplisse! 
sous  votre  n^^no  !  Celui  (jui  l'exéculrra  esl 
un  persc^cutour  clo  ranteclu-ist,  et  tend  à 
renverser  le  niyst(>re  do  rincai-nation.  En- 
suite, voyant  l'empereur  irrité  do  ce  dis- 
cours, il  ie  lit  souvenir  de  ce  ([u'il  avait  pro- 
mis il  son  couronnement,  et  conuiu;  il  avait 
pris  Dieu  ?i  témoin  (pi'il  ne  chanijçerait  rien 
à  la  tradition  de  l'Kglise.  L'emi)ereur  n'eu 
l'ut  point  touché,  mais  il  continua  de  parler 
au  [)atriarclie  i)Our  en  tirer,  s'il  [)0uyait, 
(pielquc  discours  otfensant,  alin  de  le  l'aire 
déposer  comme  séditieux.  Il  était  aidé  dans 
ce  dessein  par  Anastase,  disciple  et  syncelle 
du  patriarche  ;  car  il  était  dans  les  mômes 
sentiments  que  remi)ereur,  qui  lui  avait 
promis  tie  le  mettre  à  la  |)lac(î  de  («ermain 
.dans  le  siège  de  Constantinople.  Le  saint  pa- 
triarche, qui  n'ignorait  pas  la  mauvaise  dis- 
position d'Anastase,  se  contenta  de  lui  re- 
présenter sa  trahison  avec  sagesse  et  dou- 
ceur. Mais  voyant  que  son  égarement  était 
sans  retour,  il  lui  dit  un  jour,  comme  ils  en- 
traient chez  l'empereur,  et  qu'Anastase  l-c 
suivant  avait  marché  sur  sa  robe  :  «  Ne  vous 
pressez  point,  vous  m'entrerez  que  trop  tôt 
dans  l'hippodrome.  »  Anastase  fut  troublé  de 
cette  parole,  aussi  bien  que  ceux  qui  l'en- 
tendirent ;  mais  elle  fut  vérifiée  vingt  ans 
après,  quand  l'empereur  Constantin  fit  dé- 
poser honteusement  Anastase,  l'an  Ikk  ;  car 
ceci  se  passait  en  729.  L'empereur  prit  donc 
en  aversion  le  patriarche  Germain,  accusant 
d'idolâtrie  tous  les  empereurs  ses  prédéces- 
seurs, tous  les  évoques  et  tous  les  chré- 
tiens ;  car  il  était  trop  ignorant  pour  com- 
prendre la  différence  du  culte  relatif  et  ab- 
solu. Et  il  ne  condamnait  pas  seulement  la 
vénération  des  images,  il  rejetait  encore 
l'intercession  des  saints  et  avait  leurs  reli- 
ques en  horreur. 

\u  commencement  de  l'année  suivante,  le 
7  janvier,  il  tint  un  concile  où  il  fit  un  dé- 
cret contre  les  images,  et  voulut  obliger  le 
patriarche  d'y  souscrire  ;  mais  le  saint  vieil- 
lard le  refusa  courageusement  et  aima  mieux 
renoncer  à  sa  dignité.  Il  ôta  son  pallium 
et  dit  entre  autres  paroles  dignes  d'un  doc- 
teur de  l'Eglise  :  «  Il  m'est  impossible,  sei- 
gneur, de  rien  innover  contre  la  foi  sans  un 
concile  œcuménique.  »  L'empereur,  irrité, 
envoya  au  oalais  patriarcal  des  officiers  ar- 
més, pour  1  en  chasser  à  coups  de  poings  et 
avec  outrage,  quoiqu'il  fût  âgé  de  quatre- 
vingts  ans.  Il  se  retira  dans  sa  maison  pater- 
nelle, au  lieu  nommé  Platanie,  pour  y  prati- 
quer la  vie  monastique  ,  laissant  dans  une 
extrême  désolation  la  ville  de  Constantino- 
ple, dont  il  avait  tenu  le  siège  quatorze  ans, 
cinq  mois  et  trois  jours.  Il  finit  saintement 
ses  jours  dans  cette  retraite,  et  l'Eglise  ho- 
nore sa  mémoire  le  12  mai.  Les  Grecs  hono- 
rent le  même  jour  l'abbé  Etienne,  que  saint 
Germain  fit  venir  de  Palestine  pour  réformer 
les  moines  de  Constantinople,  et  le  26  juin, 
ils  font  mémoire  de  Jean,  évêque  des  Goths, 
d'au  delà  du  Pont-Euxin,  que  ces  peuples, 


npi'és  l'avoir  élu,  cnvoyêrenl  h  saint  Ger- 
main pour  l'ordonner  ;  mais  craignant  qu'il 
ne  l'iU  iidccté  |)ar  le  commerce  des  héréli- 
•  pies,  il  l'envoya  en  Ibéric!  pour  être  sacré 
par  les  évê([ues  du  )>ays,  (pii  le  jiouvaient 
mieux  connaître.  Saint  Germain  avait  com- 
posé un  ouvrage  (pu;  nous  n'avons  plus,  où. 
il  (h'Iendait  saint  (îrégoire  de  Nysse  contre 
ceux  (]ui  l'accusaient  d'origénisme,  et  on  lui 
atlribne  quel({ues  écrits  que  les  meilleurs 
critiqu(!s  croient  être  d'un  autre  Germain  , 
patriarche  de  Coirstantinople,  plus  nou- 
veau de  cinq  cents  ans. 

Sitôt  qui!  saint  Germain  ont  été  chassé  , 
le  22  janvier  730,  Athanasc  fut  ordonné  pa- 
triai'che  de  Constanlino[)le,  et  mis  en  pos- 
session à  main  armée.  Il  donna  tout  pouvoir 
à  la  cour  sur  l'Eglise,  et  l'empereur  Léon,  se 
sentant  ainsi  autorisé,  commença  h  faire  exé- 
cuter par  force  son  décret  contre  les  ima- 
ges. 

Le  gi'and  palais  de  Constantinople  avait 
un  vestibule,  nommé  Chalqué,  parce  qu'il 
était  couvert  de  lames  d'air'ain  et  proche  de 
la  place  nommée  Calcapratéa,  c'est-à-dir-e  le 
mar'ché  au  cuivre.  Bans  ce  vestibule  était 
élevée  une  image  de  Jésus-Christ  sur  la 
croix,  qui  était  en  vénération  singulière.  On 
disait  que  le  grand  Constantin  l'avait  fait 
faire  en  mémoire  de  la  croix  qui  lui  apparut 
au  ciel,  et  on  en  racontait  plusieurs  mira- 
cles, entre  autres  celui-ci  :  Un  marchand, 
nommé  Théodore,  ayant  perdu  tout  son  bien 
par  un  naufr-age,  emprunta  cinquante  livres 
d'or  à  un  Juif  nommé  Abraham,  et  lui  donna 
pour  caution  Jésus  -  Christ  représenté  en 
cette  image  ;  apr'ès  quoi,  il  fit  un  voyage 
très-heureux  :  le  Juif  se  convertit,  et  on 
nomma  cette  image  antiphonétcs,  c'est-à-dire 
le  répondant.  L'empereur  Léon  voulut  com- 
mencer par  cette  image,  et  envoya  pour  l'a- 
battre un  de  ses  écuyers  nommé  Jouin.  Des 
femmes  qui  se  trouvèrent  présentes  s'effor- 
cèrent par  leurs  prièr-es  de  le  détourner  de 
ce  sacrilège  ;  mais  sans  s'arrêter  à  elles,  il 
monta  à  une  échelle  et  donna  trois  coups 
de  hache  dans  le  visage  de  cette  image.  Les 
femmes  tirèrent  l'échelle,  firent  tomber  Jouin, 
le  tuèrent  sur  la  place  et  le  mirent  en  pièces. 
Toutefois  l'image  fut  abattue  et  brillée ,  et 
l'empereur  fit  mettre  à  la  place  une  simple 
croix  avec  une  inscription  ,  pour  marquer 
qu'il  en  avait  fait  ôter  l'image  ;  car  les  ico- 
noclastes honoraient  la  croix,  pourvu  qu'elle 
n'eût  pas  de  crucifix  ;  ils  n'en  voulaient 
qu'aux  images  qui  avaient  figure  humaine. 
Les  femmes  qui  avaient  massacré  Jouin 
coururent  au  palais  patriarcal,  et  jetant  des 
pierres,  elles  criaient  contre  Anastase  :  «In- 
fâme ennemi  de  la  vérité  !  as-tu  donc  usurpé 
le  sacerdoce  pour  renverser  les  choses  sa- 
crées ?  »  Anastase,  outré  de  cette  insulte,  cou- 
rut à  l'empereur,  et  obtint  que  ces  femmes 
fussent  punies  du  dernier  supplice.  On  fit 
mourir  aussi  dix  autres  personnes,  huit  hom- 
mes et  deux  femmes  ,  pour  cette  même 
image,  et  l'Eglise  grecque  les  honore  comme 
martyi's  le  9  août.  Plusieurs  chrétiens  d'Oc- 
cident furent  témoins  de  cette  violence  ;  il  y 


1203 


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1204 


en  avait  de  Rome ,  de  France,  du  pays  des 
Vandales,  de  Mauritanie,  de  Guthie,  et  ils 
portèrent  chez  eux  ces  tristes  nouvelles. 

Comme  l'eiopereur  Léon  était  igiorant,  il 
persi'cuta  [irincipalemenl  les  gens  d'étude  et 
abolit  lésée  lesdes  saintes  lottresquiavaie'it 
sulj-^islé  dejjuis  !e  grand  Conslantin.  11  y 
avait  à  Con->laiilinople,  près  du  palais,  une 
bihiiotliè  pie  f  «n  lée  pir  les  eini)er.Hn'S,  co'i- 
tenani  plus  de  30,090  volume-'.  L'j  IjibLothé- 
caire, nommé  Lavum  'ui'jue,  était  un  homme 
d'un  mérite  distingué  ,  et  il  en  avait  douze 
autres  sous  Uii,  qui  en>eignaieiit  grdt  .ite- 
ment  la  religion  et  les  sciences  profanes. 
Leur  mérite  ét.n't  si  reconnu,  ({u'il  n'était 
pas  permis,  môme  aux  empereurs,  de  rien 
faire  d'extraordinaire  sans  les  consulter. 
L'empereur  Léon  lit  son  possible,  par  mena- 
ces et  par  promesses,  pour  les  auiener  à  son 
opinion  t  juchant  les  images  ;  mais  enfu),  dé- 
se-|)é:antd'y  réussir,  il  fit  entourer  la  biblio- 
"Ihèque  d  •fas^.ines  eijjebois  sec,  et  la  brûla 
avec  les  liv.es  et  c  'U\  ([ui  losgurdaienL  En- 
fin, il  voulut  obliger,  tant  par  la  violence  que 
par  les  caresses,  tous  les  'labitants  de  Cons- 
tmtinop|.i  à  ote,-  toutes  les  imagos  de  Jé.-.iis- 
Christ,  de  la  A"ierge  et  (k^s  sai'its,  quelque 
part  qu'elles  fussent,  les  br.lku"  au  milieu 
de  la  ville  et  blanchir  toutes  les  égi.ses  pein- 
tes. Et  coiimie  p'usieurs  refusaient  d'obéir, 
on  coupa  la  tôte  à  qu;'lques-u  is  ,  d'autres 
furcTt  mutilés  do  (Quelque  partie  du  corps. 
Plusieurs,  tant  cI'mcs  ipie  moines  et  simples 
laïques,  souifrireii'  le  marcyre  en  cette  occa- 
sion. 

La  nouvelle  de  cette  persécution  étant  por- 
tée en  Italie,  on  abattit  les  in]\ges  de  l'em- 
pereur, on  les  foula  aux  pifds,  «-t  les  Lom- 
bards, profilant  de  l'occasion,  firent  des  cour- 
ses dans  la  Pentapole.  Dès  l'onzième  indic- 
tion, c'est-à-dire  l'an  728,  les  Lombards 
ayant  surpris  Sutry  en  Toscane,  le  pa[)e  lit 
tant  envers  le  roi  Luilprand,  par  letires  et 
par  présents,  qu'il  rendit  la  pi  ice,  quoique 
dépouillée  de  tout.  Mais  ensuite  il  convnit 
avec  l'exarque  Eutychius  de  joindre  leurs 
forces,  aiin  que  le  roi  [xlt  soiunettre  à  son 
ob.'-iaSîince  K-s  dufs  de  Spolète  et  de  Béné- 
venl,  et  que  l'exarque  se  rendît  maître  de 
Rome  |>our  exécuter  les  drdros  (pi'il  av.iit 
depuis  longtemps  contre  la  personne  du 
paj)e.  Le  roi ,  ayant  soumis  les  deux  du(;s, 
vi  it  aux  portes  de  I\ome,  d'où  le  pape  sor- 
tit, et  lui  [larla  si  f  irlement  que  le  roi  se 
prostern-i  à  ses  pieds  ol  promit  de  ne  faiie 
ma!  à  t)ersonne.  Il  (Ma  mènif  ses  armes,  et 
ujit  devant  lecor|)s  de  saint  Pierre  son  man- 
t  au,  sou  baudrier  et  son  épée  dorée,  une 
couronne  d'<u'  et  une  croix  d'argent.  Après 
avoir  fa  l  sa  prière,  il  demanda  an  pape  de 
vouloir  bi<'M  riicevoiraus^i  l'exar  pieà  la  paix, 
cequi  fut  fait.  \j'  roi  Luitprand  S(!  reliriainsi, 
et  l'exanpui  Lulychins  entia  dans  Honn;. 

'l'andis  (pi'il  y  séjf)urntil,  Tibè/e  ,  sur- 
nonnné  Pélase,  se  n-volta  dans  II  Toscane, 
voulant  se  faire  reconnaître  emocieur,  et  at- 
tira h  sou  p.iiii  trois  \ill(;s,  ,M;i  iliire,  Luno 
Cl  biède,  rpii  lui  pré|èr«rit  .-.eiinenl.  L'exar- 
que, eunuque  et  timide   en  fut  fort  /darmé; 


mais  le  pape  I  encouragea  et  envoya  avec 
lui  et  avec  son  armée  les  premiers  du  clergé. 
Ils  arrivèrent  à  Manlure  où  Pétase  fut  tué 
et  sa  tète  envoyée  à  (k)ns!anliiiople.  Toute- 
fois, l'empereur  ne  s'ajiaisa  pas  enveis  les 
Komains,  Ensuite  ayarl  fait  son  décret  con- 
tre les  inwges,  il  l'envoya  à  Home,  promet- 
tant au  pape,  s'il  acquiesçait,  de  le  recevoir 
en  ses  bonnes  gi  Aces,  nonobstant  tout  le  passé, 
et  le  menaçant  de  le  faire  déposer  s'il  emj)è- 
chait  l'exécution  de  ses  <.rdres.  M^is  le  pape, 
voyant  l'imiiiété  de  ses  ordonnances,  se  pré- 
para 5  résister  h  l'empereur  comme  à  un 
ennemi  de  l'Eglise,  et  écrivit  de  tous  cotés 
aux  lldèles  pour  les  préserver  de  celte  nou- 
velle erreur.  Les  [)eu|iles  de  la  Pentapole  et 
l'armée  de  la  Vénétie  rejetèrent  l'ordre  do 
rem|)ereur  ,  et  déclarèrent  (ju'ils  combat- 
traiiiut  vigoureusement  pour  la  défense  du 
pape.  Ils  analhématisèrent  Paul,  exarque  de 
Ravenne ,  celui  qui  l'avait  envoyé,  c'est-à- 
dire  l'empereur  et  ceux  (pii  lui  obéissaient. 
Ils  se  choisirent  des  chefs  ;  et  enlin  toute 
l'Italie,  par  délibération  commune,  lésolut 
d'éiire  un  autre  em;iereur  et  de  le  mener 
à  Constantincple.  Mais  le  pape,  espéiant  la 
conver^ion  de  Léon,  arrêta  i'eiécution  de 
ce  dessein. 

Cependant  Exhilaraf,  duc  de  Najdes,  avec 
son  fils  Adrien,  étant  maître  de  la  Campanie, 
persuada  au  peuple  do  cette  province  d'o- 
béir à  l'empereur  et  de  tuei-  le  pape  ;  mais  les 
Romains  le  prirent  avec  son  lils  et  les  tii-ent 
mourir  t(ms  deux;  ensuite  ils  chassèrent 
Pierre,  duc  de  Rome,  disant  qu'il  avait  éciit 
à  l'empereur  contre  le  pape.  A  Ra\enne,  le 
peuf)le  fut  divisé  :  les  uns  tenaient  le  parti 
de  î'empoi'eur,  les  autres  celui  du  pape  et 
des  calholiques  ;  ils  en  vinrent  aux  mains  et 
tiièr.Mil  le  patrice  Paul,  exarque  de  Ravenne. 
Plusieurs  places  de  l'Emilie ,  et  Auxumo 
dinsla  Pentapole,  sa  rendirent  aux  Loin- 
b.ird-^.  Enfin,  ils  prirtnit  Kavenne  même , 
comme  il  paraît  par  une  lettre  du  pape  Gré- 
goire II,  à  Ursus,  duc  de  Venise,  ou  plutôt 
de  la  province  de  Ravenne,  nommée  Véné- 
tie, où  il  dit  :  Pnis(iue  pour  nos  jiéchés  la 
ville  de  Riv.  une  a  été  prise  par  la  nation 
infAme  des  Lombards,  et  (pie  Vexarcpie  de- 
meure à  Venise  comme  nous  l'avons  api>iis, 
vous  devez  vous  joiudi'»!  à  lui  et  combattre 
avec  lui  pour  nous,  afin  ipie  Ravenne  soit 
rendue  à  l'empire,  et  innuise  sous  lobéis- 
sane(;  (h;  nos  maî!r(^s,  Léon  et  Consianlin. 
D'un  nuire  eùl(\  l'fMupereur  envoya  à  Naples 
le  patrice  lùilych  us,  eiiniKjue,  (pii  avait  été 
exar(pii!  de  llaveime.  Celui-ci  envoya  un  de 
ses  gens  à  Rome  avec  ses  lettres,  p(u-lant  or- 
dre (le  thor  le  pape  et  les  premi(n-s  de  la 
ville;  ce  (pii  ayant  été  déc()uv(il,  les  Ro- 
mains voulaieiit  tuer  le  patrici»  Ini-mi^me  ; 
mais  le  papo  s'y  opposa  si  iorl(nn(nu,  (ju'il 
riMiioècha.  Ils  analliémalisèi'(»nt  donc  le  pa- 
trice Eutvchius,  et  s'obli.^èr.iit  Ums  par  s.n- 
meni,  giiuids  et  jiolils,  à  mourir  |ilul(M  (jno 
de  pinniietlre  nue  l'on  fit  au(  un  mal  nu  papo 
(pii  défendait  la  foi  a\ec  lam  de  zèle.  Le  pa- 
trie; •  iMitychiiLS  (nivoya  des  députés  au  roi 
Luitiiranil  et  aux  ducs  des  Lombards,  leur 


1205  ICO 

nromeltant  de  grandos  sommes  s'ils  vou- 
laient ahamionnci-  lo  papo.  Mais  connaissaut 
la  mauvaise  voloiiti^  du  padin-  par  ses  Icl- 
trcs,  ils  se  joiguireiit  aux  Uomains  et  liieiit 
le  m(Mntî  serment  pour  la  déi'ense  du  pane. 
Grégoire,  d  '  son  vMé,  pour  salUrer  un  plus 
grand  seeoin-s  de  la  put  de  Dien,  répandait 
de  tr(\s-ji,ra'ides  aumùiu^s,  s"ap  iliinuiil  h  la 
priùre  et  au  jtMlne,  et  faisait  tous  les  jours 
(ivs  processio'is.  Kt  (]U()i(iu'il  es|t6rAt  en  Dieu 
plus  (ju'aux  hommes,  il  ne  laissait  pas  (le 
rendre  gi'Aees  au  peuple  de  s\  boiuie  volonté  ; 
i;  l'exliorlaii  doueemenl  h  l'aire  des  pro.^rés 
dans  la  v(>rtu  et  b  covsei'ver  la  foi ,  mais  en 
même  temps  ,^  ne  pas  se  départir  de  l'alVee- 
tion  et  de  la  titiélilé.  ([u'il  devait  h  l'empire 
romain  ;  et  toutefois  les  Clrecs  ont  aeeusé  le 
pape  Oiiéiioire  11  d'avoir  soustrait  l'Italie  h 
l'obL^ssanee  d  '  l'empereur ,  mais  il  en  faut 
plulùl  croire  ceux  qui  ont  écrit  en  llalio. 

Le  nouveau  [lati-iarelic  de  Conslantinople, 
Anastaso  ,  envoya  sa  lettre  synodique  au 
pape  Clrégoire  Il,qui,  le  voyant  soutenir  l'hé- 
résie des  iconoclastes,  ne  crut  pas  le  devoir 
reconnaître  pour  soi  confrère*;  mais  il  lui 
écrivit  [)our  l'avertir  que  s'il  ne  revenait  à 
la  foi  catholique,  il  serait  piivé  du  sacerdoce. 
Le  pape  Grégoire  II  ne  survécut  pas  long- 
temps, et  fut  enterré  h  Saii  t-Pierrc,  le  13 
février,  iuiliction  quatorzème,  l'an  731, 
après  avoir  tenu  le  saint-siége  quinze  ans, 
huit  mois  et  huit  jours.  Il  lit  cinq  ordina- 
tions, quatre  au  mois  de  septcudjre,  et  or- 
donna trente-cinq  préti-es  et  quatre  diacres, 
outre  cent  cinquante  évoques.  11  fit  faire  un 
calice  d'or  orné  de  pierreries,  du  poids  de 
trente  livres  ,  et  une  patène  d'or,  de  vingt- 
huit  livres  et  demie.  11  donna  au  clergé  et 
aux  monastères  deux  mille  cent  soixante 
sous  d'or,  et  deux  mille  pour  le  luminaire 
de  Saint  Pierre.  L'Eglise  l'honore  entre  les 
saints  le  13  février. 

De  son  t:>mps,  il  y  eut  quelques  différends 
entre  les  évéques  de  Frioul  et  de  Grade.  Sé- 
rénus,  évêque  (le  Frioul,  ayant  usurpé  quel- 
ques droJs  sur  Donat,  patriarche  de  Grade, 
le  pa[)e  Grégoire  il  lui  écrivit  en  729,  lui  re- 
présentant qu'il  lui  avait  accordé  le  pallium 
à  la  prière  du  roi  des  Lombards,  mais  à  con- 
dition de  se  contenter  de  ce  qu'il  avait  pos- 
sédé jusqu'alors ,   sans  faire  aucune  entre- 
prise sur  i)ersonne.  11  lui  enjoint  donc  de  se 
contenir  dans  ses  bornes,  qui  étaient  celles 
do  la  domination  des  Lombards.  11  écrivit 
aussi  à  Donat,  patriarche  de  Grade,  aux  évo- 
ques, au  duc  Marcel  et  au  peuple  de  Véné- 
tie  et  d'Istrie,   les   avertissant  de  prendre 
garde  que  les   Lombards  ne  profitassent  de 
ce  différend   entre   les  évoques,  pour   en- 
treprendre sur  leur  pays.  Sérénus  était  pro- 
prement   patriarche   d'Aquilée  ,  résidant   à 
Frioul,  et  Donat,  patriarche  d'Aquilée,  rési- 
dant à  Grade,  sur  les  terres  des  Romains. 
Après  la  mort  de  Sérénus,  Calliste,  homme 
noble,  archidiacre  de  Trévise,  fut  ordonné 
patr  arche  d'Aquilée  à  Frioul  avec  la  faveur 
du  roi  Luitprand.  Il  y  avait  à  Frioul  un  évo- 
que particulier  qui  était  alors  Amator,  et  le 
patriarche,  sujet  des  -Lombards,  ne  pouvant 


ICO  liOG 

demeurer  h  t'rionl,  paret;  (ju'il  eiU  été  trop 
exposé  aux  incursions  'tes  Uomîiius, demeu- 
rait h  Cormone.  (Calliste,  lier  de  sa  noblesse, 
en  fut  cho(pié  et  ne  |)ul  soulliii'  ([U(i  cel  évô- 
(pie  (lemcurAt  dans  la  eajtilale  avec  le  duc  et 
les  Lombards,  tandis  (pi  il  était  avec  le  petit 
p(ni|»lc.  il  fil  (loin;  en  sorte  de  clia-ser  Ama- 
tor de  la  vile  de  Frioul,  et  s'établit  da  's  sa 
m  liso  1.  l*emmo,  qui  élailalorsducde  Frioul, 
en  fut  irrité,  et  de  concert  avec  plusieurs 
Lombards,  il  prit  le  [)atriarclie  Callisie  ,  le 
mena  en  un  chAleau  nommé  Ponce,  sur  le 
bord  de  la  mer  et  l'y  voulut  pré.ipiler;  mais 
il  se  coiiKînta  de  le  mettre  en  prison  où  d 
ne  lui  donnait  que  du  pain.  Le  roi  Luitprand 
l'ayant  appris,  entra  en  grande  colè.e,  ôla  le 
duché  à  Pemmo  et  le  donna  h  son  lils  Ka- 
chis. 

Après  la  mort  du  pa;  e  Grégoire  II,  lo 
saint-siége  ne  va(|ua  (pie  trente-cinq  jours  ; 
car  lorxpi'on  faisait  ses  funérailles,  tout  lo 
]!euple  de  Uome,  comme  par  inspiration  di- 
vine, enleva  de  force  le  jjiètre  (irégoire  qui 
Y  assistait,  et  l'élut  pape.  C'était  un  Syrien 
très-doux,  très-sage  et  bien  instruit  des 
saintes  Ecritures,  il  savait  les  psaumes  par 
cœur,  et  s'éiait  exercé  à  en  pénétrer  les  sens 
cachés  ;  il  savait  le  grec  et  le  latin,  parlait 
bien,  prêchait  avec  force  et  agréraini.  Il 
était  grand  amateur  d's  pauvres  et  donnait 
l'exemple  do  toutes  les  vertus.  Il  tint  lo 
siège  dix  ans  et  neuf  mois.  Les  anciens  au- 
teurs le  nomment  souvent  Grégoire  le  Jeune 
et  le  confondent  quelquefois  avec  son  pré- 
décesseur, priiiripabnuent  les  Grecs. 

Le  pape  Grégoire  III,  dès  le  commence- 
ment de  son  pontifical,  écrivit  à  l'empereur 
Léon,  pour  répondre  aune  lettre  qu'il  avait 
écrite  à  lui  ou  à  Grégoire  II.  La  réponse  du 
pape  commence  ainsi  :  «  Nous  avons  reçu, 
pendant  la  quatorzième  indiction  de  votre 
règ-ie,  la  lettre  de  Votre  Majesté  de  la  même 
Indiction  ,  et  celle  de  la  quinzième,  de  la 
ptemièreet  des  suivantes  jusqu'à  la  neu- 
vième. »  Pendant  le  règne  de  Léon  ,  l'indic- 
tion  quatorzième  ne  se  rencontre  qu'en  l'an 
731  ;  mais  par  la  quinzième  et  les  neuf 
suivantes,  il  faut  entendre  les  dix  jiremiè- 
ros  années  de  son  règne,  pendant  lesquelles 
il  parut  catholique.  Le  pape  continue  :  «  Nous 
gardons  soigneusement  vos  lettres  dans  l'é- 
glise de  Saint-Pierre  avec  celle  de  vos  j.ré- 
décesseurs.  Dans  ers  lettres,  scellées  de  vo- 
tre sceau,  et  souscrites  de  votre  main  avec  le 
cinabre,  vous  confessez  notre  sainte  foi  dans 
toute  sa  pureté,  et  vous  déclarez  maudit  qui- 
conque ose  contrevenir  aux  décisions  des 
Pères.  Qui  vous  oblige  donc  maintenant 
à  regarder  en  arrière,  après  avoir  si  bien 
marché  dix  ans  durant  ?  Pendant  tout  ce 
temps,  vous  n'avez  point  parlé  des  saintes 
images,  et  maintenant,  vous  dites  qu'elles 
tiennent  la  place  des  idoles,  et  que  ceux  qui 
les  adorent  sont  des  idolAfres.  Vous  ordon- 
nez de  les  abolir  entièiement  et  vous  ne 
craignez  point  le  jugement  de  Dieu,  en  scan- 
dalisant non-jculement  les  fidèles,  mais  les 
infidèles.  Pourquoi,  comme  empereur  et 
chef  des  chiétiens,  n'avez- vous   pas  inter- 


1207 


ICO 


ICO 


1208 


rogé  les  liomnies  savants  et  pleins  d'expé- 
rience? Ils  vous  auraient  appris  pourquoi 
Dieu  a  défendu  d'adorer  les  ouvrages  des 
hommes.  Les  Pères,  nos  maîtres,  et  les  six  con- 
ciles nous  ont  laissé  cette  tradition,  et  vous 
ne  recevez  pas  leur  témoignage.  Nous  som- 
mes obligé,  parce  que  vous  êtes  grossier  et 
ignorant,  de  vous  écrire  des  discours  gros- 
siers, mais  pleins  de  sens  et  de  la  vérité  de 
Dieu.  Nous  vous  conjurons  de  quitter  votre 
])résomption  et  votre  orgueil,  et  de  nous 
écouter  liumblement. 

«  Dieu  a  ainsi  parlé  à  cause  des  idolâtres 
qui  habitaient  la  Terre  promise  et  adoraient 
des  animaux  d'or,  d'argent  et  de  bois,  des 
oiseaux  et  toutes  sortes  de  créatures,  et  di- 
saient :  Voilà  nos  dieux,  et  il  n'y  en  a  point 
d'autres.  C'est  pour  cela  que  Dieu  a  défendu 
les  ouvrages  des  hommes,  nuisibles  et  mau- 
dits, inventés  par  le  démon.  iMais  il  y  en  a 
que  Dieu  même  a  ordonnés  pour  son  ser- 
vice, comme  les  tables  de  la  loi,  l'arche  et 
les  chérubins.  N'était-ce  pas  des  ouvrages 
de  mains  d'hommes?  Dans  les  derniers 
temps.  Dieu  a  envoyé  son  Fils  qui  s'est  in- 
carné, aparudans  Jérusalem,  a  fait  plusieurs 
actions  sensibles.  Ceux  qui  l'avaient  vu 
l'ont  peint  comme  ils  l'avaient  vu.  On  a 
peint  de  môme  saint  Jacques,  |)arent  de  No- 
tre-Seigneur,  saint  Etienne  et  les  autres  mar- 
tyrs. Ces  images  s'étant  répandues"  par  tout 
le  monde,  on  a  cessé  d'adorer  le  démon 
pour  les  adorer,  non  d'un  culte  de  latrie, 
mais  d'un  culte  relatif.»  Et  ensuite  :  «  Pour- 
quoi ne  peignons-nous  pas  le  Père  de  Jésus- 
Christ  ?  Parce  qu'il  est  impossible  de  pein- 
dre la  nature  divine.  Si  nous  l'avions  vu, 
nous  le  peindrions  de  môme,  et  vous  diriez 
que  c'est  une  idole.  Vous  dites  que  nous 
adorons  des  pierres,  des  murailles  et  des 
planches.  Il  n'en  est  pas  ainsi,  seigneur;  c'est 
])Our  nous  faire  souvenir  de  ceux  dont  ce 
sont  les  noms  et  les  images,  et  pour  élever 
en  haut  notre  esprit  rampant  et  grossier. 
Nous  ne  les  regardons  pas  comme  des  dieux  : 
à  Dieu  ne  plaise  !  nous  no  mettons  pas  notre 
espérance  en  ces  images.  Mais  si  c'est  celle 
de  Notre-Seigneur,  nous  disons  :  Seigneur 
Jésus-('hrist,Fils  de  Dieu,  secourez-nous, saii- 
vez-nons .  Si  c'est  celle  de  sa  sainte  Mère,  nous 
disons  :  Sainte  Mère  de  Dieu,  priez  votre  Fils 
(juil  sauve  nosâmes.  Si  c'est  d'un  martyr:  Saint 
Ftienne,  qui  avez  répandu  votre  sany  pour  Jé- 
sus-Christ, et  quiavez  auprès  de  lui  tant  de  cré- 
dit comme  premier  tnartyr,  priez  poumons.» 

Et  ensuitii  :  «  Nous  aurions  pu,  comme 
ayant  la  f)uissanco  (;t  l'autorité  de  saint 
Pierre,  prononcer  des  peines  contre  vous; 
mais  puisque  vous  vrjus  èt<'s  donné  vous- 
même  la  malédiction,  (pi'elhî  vous  demeure. 
\'A  ensuite  il  vaudrait  mieux  (pir-  l'on  vous 
iiommAl  héiétiijue  (|ue  persécuteur  et  des- 
tructeur des  saintes  images.  Mais  h;  nom 
d'héréliqu(;  ne  vous  convient  pas,  puisque 
vous  combattez  ce  qui  est  claii'  conum;  la 
lumière.  Ayant  un  si  grand  évé(pi(!  <pi(!  no- 
tre confrère  le  seigneur  (îermaiu,  vous  de- 
vir'Z  le  consulter  eomme  votre  [ȏi(',  lui  qui 
a  une  «i  grande  expérieuco   des  atlaires  ec- 


clésiastiques et  politiques,  à  présent  Agé  de 
quatre-vingt-quinze  ans,  qui  a  servi  tant 
de  patriarches  et  d'empereurs.  Vous  l'avez 
hiissé  [)our  écouter  ce  méchant  et  insensé 
Ej)hésien,  hls  d'Apsimare,  et  ses  semblables, 
comme  Théodose,  évôipic  d'Ephèse,  l'un  des 
chef  des  iconoelastes.  »  Le  pape  rapporte  en- 
suite l'exemple  de  Constantin  Pogonat,  qui 
lit  assembler  le  sixième  concile  et  le  lit  exé- 
cuter en  s'y  soumettant  le  premier,  puis  il 
ajoute  :  «Vous  voyez,  seigneur,  que  les  déci- 
sions de  l'Eglise  n'appartiennent  pas  aux 
empereurs,  mais  aux  évoques.  C'est  pour- 
quoi, comme  les  évoques  qui  sont  préposés 
aux  Eglises  s'abstiennent  des  affaires  pu- 
bliques, les  empereurs  doivent  s'abstenir 
des  alfaires  ecclésiastiques,  et  se  contenter 
de  celles  qui  leur  sont  conhées.  Mais  la  con- 
corde des  empereurs  et  des  évêques  fait  une 
seule  puissance  quand  on  traite  les  affaires 
avec  paix  et  charité.  » 

«Vous  nous  avez  écrit  d'assembler  un  con- 
cile œcuménique  :  il  ne  nous  semble  pas  à  pro- 
pos. C'est  vous  qui  persécutez  les  images, 
arrêtez,  et  vous  tenez  en  repos,  le  monde  se- 
ra en  paix  et  les  scandaies  cesseront.  Sup- 
posez que  le  concile  est  assemblé  ;  où  est 
l'empereur  pieux,  pour  y  prendre  séance 
suivant  la  coutume,  récompenser  ceux  qui 
parleront  bien,  et  poursuivre  ceux  qui  s'écar- 
tent de  la  vérité  ?  Vous-même  êtes  rebelle, 
et  agissez  en  barbare.  Ne  voyez-vous  pas 
que  votre  entreprise  contre  les  images  n'est 
que  révolte  et  présomption?  Les  Eglises 
jouissaient  d'une  i)aix  profonde,  quand  vous 
avez  excité  les  combats  et  les  scanda- 
les; cessez,  et  il  n'est  [jas  besoin  de  concile.  » 
11  lui  marque  ensuite  comme  tout  l'Occi- 
dent est  révolté  contre  lui,  depuis  qu'on  y 
a  appris  les  violences  qu'il  a  commises  à 
Constantinople.  On  a  jeté,  dit-il,  par  terre 
vos  images,  on  les  a  foulées  aux  pieds.  Les 
Lombards,  les  Sarmates  et  les  autres  peu- 
ples du  Nord  ont  fait  des  courses  dans  la 
malheureuse  Décapole,  et  ont  pris  Ravenne 
même,  dont  ils  ont  chassé  vos  magistrats 
et  en  ont  mis  de  leur  part.  Us  veulent  traiter 
de  même  vos  places  les  plus  proches  de 
nous  et  Rome  aussi,  sans  que  vous  puis- 
siez nous  défendre.  Voilà  ce  que  vous  vous 
êtes  attiré  i)ar  votre  imprudence. 

«  Vous  croyez  nous  épouvanter  en  disant  : 
J'enverrai  à  Rome  briser  l'image  de  saint 
Pierre  et  j'en  ferai  enlever  le  pape  Grégoire 
chai'gé  de  chaines,  comme  Constantin  lit  à 
Martin.  Sachez  (pie  les  pai)es  s(uit  les  mé- 
diateurs cl  les  arbitres  de  la  paix  entre  l'O- 
rient et  l'Occident  :  nous  ne  craignons  pas 
vos  menaces;  à  un  lieue  de  Rome,  vers  la 
Campanie  ,  nous  sommes  en  silieté.  »  La 
J)écapole  dont  parle  ici  le  nape  Crégoire  III 
est  la  même  province  cpie  l'on  ajipelail  |»liis 
ordinairiMiient  la  Penlapole  et  dont  Havenne 
('•lait  la  capitale. 

L'emp(;reur  Léon  écrivit  encore  au  pape 
(pii  lui  répondit  en  ces  termes  :  «  J'ai  r(M;u 
votre  lettre  p'ar  llulliit,  votre  ambassadeur, 
(•l  l;i  vi(.  m'est  devenue  insupportable, 
voyant  (pif,  loi''  <'^'  ^'*"''  "t'p'.'iilir.  vous  de- 


1209  ICO 

meuroz  clans  vos  inauvaisos  dispositions. 
Vous  dites  :  «  J'ai  l'enii)irp  et  lo  sacerdoce,  vos 
prédécesseurs  lo  pouvaient  dire,  eux  (lui 
ont  fondé  et  orné  les  églises  et  les  ont  pro- 
tégées de  concert  avec  les  évéques.  Au  con- 
traire, vous  avez  dépouillé  et  déti^uré  les 
éi^lises  ipie  vous  avez  trouvées  niafA-nili(pie- 
uVent  ornées.  Que  sont  nos  églises,  sinon  les 
ouvrasses  des  lionunes,  di\s  |)ierres,  du  bois, 
de  la  chaux,  du  mortier?  Mais  elles  sont 
ornées  par  les  peintures  et  les  histoires  do 
Jésus-Christ  et  des  saints.  Les  chrétiens  y 
emploient  leurs  biens,  les  pères  et  les  mères, 
tenant  entre  leurs  bras  leurs  petits  enfants 
nouveaux  baptisés,  leur  montrent  du  doigt 
les  histoires,  ou  aux  jeunes  gens  ou  aux 
gentils  convertis;  ainsi,  ils  les  édifient  et 
élèvent  leur  esprit  et  hmr  cœur  îi  Pieu.  Vous 
en  avez  détourné  le  simple  peuple  pour  le 
jeter  dans  l'oisiveté,  les  chansons,  les  fables, 
le  son  des  lyres,  des  ilûtes  et  de  semblables 
badineries  au  lieu  îles  actions  de  grâces  et 
des  louanges  de  Dieu.  » 

Ensuite,  il  lui  marque  aussi  la  différence 
de  l'empire  et  du  sacerdoce  :  «  Comme  il 
n'est  pas  permis  à  l'évèque  de  regarder  dans 
le  palais  et  de  donner  les  dignités  tempo- 
relles, ainsi  l'empereur  ne  doit  pas  regarder 
dans  les  églises  pour  faire  les  élections  du 
clergé,  consacrer  ou  administrer  les  sacre- 
ments ou  même  y  participer  sans  le  prêtre. 
Chacun  de  nous  doit  demeurer  dans  sa  vo- 
cation. Voyez-vous,  seigneur,  la  dllférence 
des  évoques  et  des  princes?  Si  quelqu'un 
vous  a  offensé,  vous  confisquez  sa  maison, 
vous  le  dépouillez,  ou  le  bannissez,  ou  lui 
i*)tez  même  la  vie.  Les  évêques  n'en  usent 
pas  ainsi  ;  mais  si  quelqu'un  a  péché  et  s'en 
confesse,  au  lieu  de  l'étrangler  ou  de  lui 
couper  la  tête,  ils  lui  mettent  au  cou  l'E- 
vangile et  la  croix,  ils  l'emprisonnent  dans 
le  trésor  de  l'église,  la  diaconie  ou  la  salle 
des  catéchumènes;  ils  lui  imposent  des  jeû- 
nes, des  veilles,  des  prières,  et  après  l'avoir 
l)ien  corrigé,  ils  lui  donnent  le  sacré  corps  et 
le  précieux  sang  de  Notre- Seigneur,  et  l'en- 
voient pur  et  sans  tache  devant  Dieu.  »  Un 
pape  qui  parlait  ainsi  était  bien  éloigné  de 
prétendre  ôter  k  l'empereur  sa  puissance 
temporelle ,  non  plus  que  son  prédéces- 
seur. 

Il  continue  :  «  Vous  nous  persécutez  et 
nous  tyrannisez  par  la  main  de  vos  soldats  et 
par  les  armes  de  la  chair.  Pour  nous,  nous 
sommes  nus  et  sans  armes,  nous  n'avons 
point  d'armées  terrestres,  mais  nous  invo- 
quons Jésus-Christ,  chef  de  toutes  les  créa- 
tures ,  supérieur  à  toutes  les  armées  des 
vertus  célestes ,  avant  qu'il  vous  livre  à 
Satan  pour  sauver  votre  âme  suivant  la  pa- 
role de  l'Apôtre.  »  Et  ensuite  :  «  Vous  de- 
mandez pourquoi  dans  les  six  conciles  il 
n'est  point  parlé  des  images  :  je  réponds 
qu'on  n'y  a  point  parlé  non  plus  s'il  faut 
manger  du  pain  et  boire  de  l'eau;  nous 
avons  reçu  les  images  par  une  ancienne  tra- 
dition, les  évêques  eux-mêmes  en  portaient 
aux  conciles,  et  aucun  de  ceux  qui  aimaient 
Dieu  ne  voyageait  sans  images.  » 


ICO 


1210 


Lo  pape  Cirégoirii  III  envoya  cette  .ettro 
et  la  précédente!  par  le  prêtre  (ieoi'ge,  ({ui 
eut  assez  de  faiblesse  pour  n'oser  la  rendre 
h  l'empereur.  Il  la  rap|)orta  à  Uomk!  et  con- 
l'essa  sa  l'.iut»!  au  [y,\\n)  (pii,  lui  ayant  fait  de 
grands  repi-oches,  voulut  le  déposer  dans  un 
concihï;  à  la  [jrière  des  évê([u(î.s,  il  se  con- 
teida  de  le  mettrt!  en  iténitence  et  le  renvoya 
avec  les  mêmes  lettres.  L'empereur  lit  re- 
tenir en  Sicile  les  h.'ttros  sans  perm(;llre  (pio 
le  prêtre  (leorge  les  apportât  à  (>)nstanli- 
nople,  et  lo  tint  lui-même  en  exil  pendant 
un  an. 

Le  mépris  que  l'empereur  avait  fait  des 
lettres  du  pape  tlrégoire  III,   et  la  manière 
dont   il   avait   traité   h;   |)rêtr(!  (leorge,  son 
légat,  l'obligèrent  à  assembler  un  concile  h 
Rome,  l'an  73-2, comme  l'on  croit, dans  l'église 
de  Saint-Pierre.  11  s'y  trouva  ({uatre-viiigt- 
treize  évêques,  dont  les  principaux  étaient, 
outre    le    pape,   Antoine,    archevê([ue   de 
Grade,  et  Jean,  évêque  deRaveime.  Les  prê- 
tres, les  diacres  et  tout  le  clergé  de  Rome  y 
assistaient,  avec  les  nobles,  les  consuls  et  le 
reste  du  peup.e.  En  ce  concile,  il  fut  or- 
donné que  quiconque  mépriserait  l'usage  de 
l'Eglise  touchant  la  vénération  des  saintes 
images,  quiconque  les  ôterait,  les  détruirait, 
les  })rofanerait  ou  en  parlerait  avec  mépris, 
serait  privé  du  corps  et  du  sang  de  Jésus- 
Christ  et  séparé  de  la  communion  de  l'E- 
glise. Ce  décret  fut  souscrit  solennellement 
par  tous  ceux  qui  assistaient  au  concile,  et 
on  y  joignit  les  autorités  des  papes  précé- 
dents.  Ensuite  le  pape   envoya  par  Cons- 
tantin, défenseur,  des  lettres  à  l'empereur 
Léon  qui  furent  retenues,  comme  les  précé- 
dentes, et  le  porteur  Constantin  mis  en  une 
étroite  prison  où  il  demeura  près  d'un  an. 
Puis  on  lui  ôta  les  lettres  de  force,  et  après 
l'avoir  menacé  et  maltraité,  on  le  renvoya. 
Toute  l'Italie  en  corps  envoya  une  requête 
à  l'empereur    pour   le  rétablissement   des 
images;  mais  elle  fut  aussitôt  ôtée  à  ceux 
qui  en  étaient  chargés,  par  le  patrice  Ser- 
gius,  gouverneur  de   Sicile;  on  les   retint 
huit  mois  et  on  les  renvoya  honteusement. 
Le  pape  ne  laissa  pas  d'écrire  encore  sur  ce 
sujet,    tant   à   l'empereur  qu'au  patriarche 
Anastase,  et  envoya  à  Constanlinople,  par  le 
défenseur  Pierre,  les  lettres  qui  furent  aussi 
sans  effet.  Au  contraire ,  l'empereur  Léon, 
irrité  contre  le  pape  et  contre  l'Italie  révoltée, 
arma  une  grande  flotte  qu'il  y  envoya;  mais 
elle  fit  naufrage  dans  la  mer  Adriatique.  Sa 
fureur  en  augmenta.  Il  haussa  du  tiers  la 
capitation  de  Calabre  et  de  Sicile,  faisant 
tenir  registre  de  tous  les  enfants  mâles  qui 
naissaient,  et  il  confisqua  dans  les  terres  de 
son   obéissance  les   patrimoines   de  Saint- 
Pierre  de  Rome,  montant  à  trois  talents  d'or 
et  demi  qui  font  22'i-,000  livres.  En  Orient, 
il  persécuta  violemment  ceux  qui  soutenaient 
l'honneur  des  saintes  images;  mais  il  ne  les 
faisait  pas  mourir  de  peur  qu'ils  ne  fussent 
honorés  comme  martyrs.  Il  se  contentait  or- 
dinairement de  les  bannir  après  les  avoir 
emprisonnés  et  tourmentés.  Les  Grecs  n'ont 
pas  laissé  de  conserver  la  mémoire  de  ceux 


iâll 


ICO 


qui  souffrirent  dans  cette  pers(^cutioM  des 
iconoclastes,  et  on  les  trouve  la  pUiparl  dans 
le  MiL"iolo;j;e  de  l'euipei-eur  Basil(>.  .Mais  il 
n'est  pas  toujours  ais*;  de;  discerner  sous 
quti  eniperenr  ils  ont  soulferl  ;  eton  a  quel- 
qui.fois  conf  ndu  Léon  Isaurien  avec  Léon 
Aruié.iien  qui  ne  ré;;  la  (lue  dans  le  siècle 
suivant. 

Il  y  avilit  en  Orient  un  grand  défenseur 
des  saintes  images ,  mais  il  était  hors  do  la 
puissance  de  l'ciupereiir  :  c'était  Jean,  né  à 
Damas,  d'une  famille  illus  re  et  chrélien-io  et 
d'un  pèi ('  vertueux,  qui  le  fit  instruire  dans 
toutes  les  scie-ices  profanes  et  dans  les  sain- 
îes  K'ttres.  Ensuite  il  renonça  aux  riches- 
ses de  son  pè<  e  et  se  fit  nioin°e  avec  Cùme, 
depuis  évéque  de  i\L\jumc.  Ils  cntrèrpnl  tous 
deux  dans  le  monastère  de  S>int-Sabas,  |)ros 
de  Jérusalem,  et  Jean  y  i)a<"S,i  sa  vie.  Il  fut 
surnonnné  Mansour  et  Chrvsorroas  :  le  pre- 
mier nom  signi.ie  racheté,  le  second  fleuve 
d'or,  et  c'est  le  nom  grec  d'un  des  fleuves 
qui  passent  à  Damas.  On  l'altriltue  à  Jean, 
pour  son  éloquence,  mais  il  est  plus  connu 
parmi  nous  sous  le  nom  de  Damascène. 

Quand  il  eut  a[)[)risr()i'dre  que  l'empereur 
Léon  avait  doufié  en  730  contre  les  saintes 
images,  il  écrivit  pour  leur  défense  un  pre- 
uiier  discours  qii  coninuMice  par  ces  paroles 
convenables  à  l'humilité  de  la  profession 
monastique  :  «  Je  devais  plutôt,  connaissant 
mon  indignité,  gardrr  un  perpétuel  silenco, 
et  me  coilenter  de  confesser  à  Dieu  jues  |)é- 
chés.  Mais,  voyant  l'Kglise  fondée  sur  la 
pierre,  agitée  d'une  violente  tempête,  je  ne 
cro  s  pas  devoir  me  taiie,  parce  (]ue  je  crains 
Dieu  plus  que  je  ne  crai-^s  l'empereur.  .\u 
contraire, c'est  ce  qui  m'excite;  car  rautor;té 
des  princes  est  d'un  grand  poids  pour  sé- 
duire les  sujets.  11  y  en  a  peu  (pii  méprisent 
leurs  commandements  inju-tes  et  (pii  consi- 
dèrent que  les  rois  de  la  tene  sont  soumis 
au  lOi  céleste  et  doivent  obéir  au\  lois.  »  11 
m"t  pour  fondement  de  son  discoui'S  que 
l'Eglise  ne  peut  errer  et  qu'il  n'est  ])as  per- 
mis de  la  S(»up(;onner  d'un  abus  aussi  gros- 
sier qiie  l'itiolàliie,  puis  entrant  en  maliei-e  : 
«  Je  sais,  dit-il,  que  celui  qui  ne  meit  poi-it 
a  dit  :  Tu  n'auras  point  dedi  ux  étrangers  et 
tu  ne  le  feras  point  de  sculptures  ni  d'im  iges 
do  ce  qui  est  au  ciel  ou  sur  la  terre.  Aussi, 
je  n'adore  qu'un  seul  Dieu,  et  je  n'attri- 
bue qu'à  lui  seul  lo  culte  (h  l^frie.  Je 
n'adore  point  la  créature,  mais  le  créateur, 
(jui  s*(.st  fait  créature  pourèlre  sevliblable  à 
moi.  J'adore  avec  ce  grand  roi  le  corps  qui 
est  I  oui-  ainsi  dire  sa  pourpre.  .î'oso  fau'e 
une  image  de  DicMi  invisible  ,  non  en  tant 
(ju'il  e.-t  visibli',  niais  (;n  tant ([u'il  s'est  rendu 
visible  pour  nous.  Mais  liieu  a  dit  par  Moïse  : 
Tu  ne  firas  point  d'inuK/rit.  A[)pren('Z  emn- 
111'  (it  Moïse  l'explique  lui-mèin(j  dans  le  Deu- 
léronouie  :  Le  ScifjncHr  nous  n  parlé  dn  mi- 
lieu du  feu;  vous  n'avez  vu  aucune  image, 
vous  avez  seulement  ont  sa  voir,  de  peur 
(/n'en  refjardiinl  le  ciel  et  voi/anl  le  soleil,  In 
lune  il  les  étoiles,  vous  ne  -vous  laissiez  sé- 
duire pour  lis  adorer  et  les  sirrir.  Voje/- 
vous  que  sou  dessein  u'esl  que  de  vous  dd- 


ÎCO  1212 

tourner  d'adorer  la  créature  au  lieu  du  créa- 
teur, et  traltribuer  <i  quelqu'autie  qu'h  lui 
lo  culte  de  latrie.  Ce  préccjjte  était  donc 
poui-les  Juifs  enclins  à  l'idolâtrie;  mais  i)Our 
nous,  A  (pii  il  pst  donné  de  connaître  parfai- 
tement la  natui-e  divine  ,  qui  avons  prssé 
l'enfance,  nous  savons  ce  qu'il  est  j)ossible 
et  ce  qu'il  psl  imiiossilde  de  représenter  par 
des  imagis.  Comment  pourrait-un  faite  i.ne 
image  de  ceiui  qui  n'a  ni  ligure,  ni  bornes? 
ou  |)eindre  |)ar  des  couleurs  cel d  qui  n'a 
point  de  corps?  Mais  de.ouis  qu'il  ^'cst  fait 
homme,  vous  |)ouvez  faire  l'image  de  sa 
forme  humaine.  "\'()uspouv''Z|)einure  sa  p.ais- 
sance  de  la  Vierge,  son  baptême  dans  le 
Jotndain,sa  transfiguiation  sur  le  Thabor, 
ses  tourments,  sa  croix,  s»,  séj.ulture,  sa  ré- 
surrection ,  son  ascension.  Exprimez  tout 
cela  par  les  couleurs  aussi  bien  que  j-ar  les 
j)aroles.  Ne  craignez  rien.  » 

II  explique  ensuite  les  différentes  signi- 
fications du  mot  image  et  du  mol  adora- 
lion.  «  Le  Fils  de  Dit  u  est  l'image  vivante  du 
Père.  Les  idées  de  Dieu  sont  les  images  des 
chnses  qu'il  veut  faire.  Les  choses  seisibles 
sont  des  images  des  choses  insensibles.» 
Ai!isi,  l'Ecriture,  pour  s'accommoder  à  notre 
faiblesse,  atlril)ue  quelquefois  h  Dieu  et  aux 
anges  des  hgures  rorpoi  elles.  Ainsi,  pour  re- 
présenter la  Trinité,  nous  employons  la  com- 
paraison du  soleil,  de  sa  lumière  el  de  so"i 
rayon,  de  la  source  et  du  ruisseau.  Nous  ap- 
pelons encore;  image  le  signe  des  choses  fu- 
tures :  ainsi,  l'arche  d'alliance,  la  verge  d'Aa- 
ron  et  l'urne  de  la  manne  signili.iient  la 
sainte  Vierge  ,  le  serpent  d'airain  signiliait 
Jésus-Christ  en  croix,  la  mer  et  la  nuée  si- 
gnitiaient  le  baptême.  On  nomme  encoiO 
ima^e  ce  qui  conserve  la  mémoii-e  des  cho- 
ses passées,  soit  par  lettres,  comme  quand 
Dieu  écrivit  sa  loi  sur  des  tables  et  ordonna 
d'écrire  la  vie  des  hommes  qui  lui  étai.  nt 
chers,  soit  par  d'autres  monuments  sensi- 
bles, comme  l'urne  cl  la  verge  qu'il  fi  gar- 
der dans  l'arche.  0:ez  donc  toutes  sortes 
d  images  et  détlarez-vous  contre  celui  qui 
les  a  fait  faire,  ou  recevez-les  toutes,  cha- 
cune comme  il  lui  convient. 

«  L'adoration  se  prend  en  deux  manières. 
11  y  a  celle  que  nous  rendons  h  Dieu,  seul 
adorable  par  sa  nature  et  qui  s'appelle  la- 
trie; il  y  en  a  une  aulre  (jue  nous  rendons 
h  cause  de  Dieu  h  ses  amis  et  }\  ses  serviteurs, 
comme  quand  Josué  et  David  adoièrent  des 
anges,  ou  aux  lieux  et  aux  choses  (jonsacrés 
à  Dieu  ou  auvprinces  (pi'ila  établis.  Comme 
quand  Jacob  adora  Esaii ,  sou  frère  aîné, 
et  quand  Joseph  fut  adoré  par  ses  frères. 
11  y  a  aussi  une  adoration  (jui  n'est  qu'un 
honneur  rendu  réciproquemei  l,coiniue  en- 
tre Abraham  et  les  enfants  d  Emor.  Ole/ 
donc  toute  adoration,  ou  recevez-les  toutes 
dans  les  occasions  convenables,  n'i'st-ce  pas 
un  seul  Dieu  el  un  seul  h-gislateur?  l'our- 
(pioi  donc  ordoine-t-il  des  <  hoses  cotidai- 
l'cs?  l'ouiipioi  fait-il  couvrir  h'  propitiatoire 
de  chériibi'is  faits  de  main  d'hommes'.' L'ar- 
che, ruine  el  le  propitiatoire!  ne  sout-ce  pas 
les  ouvrages  des  hommes,  faits,  selon  vous, 


(215 


FCO 


ÏCO 


13U 


d'une  matière  viie.  Le  tabornaole  tout  en- 
tier nVst-il  pas,  cniniuo  tlil  l'Apôlrc,  la  co- 
pie ot  loiultre  (les  choses  eiMestes?  Li  mùme 
loi  qui  (IrleiKl  l.'S  iinn;-»'S  ordoiino  donc  de 
fair(>  des  inuvAes?  Kl  ensuite  :  l.e  bo  s  sacré 
de  la  cniix  n'cst-il  pas  matière?  Kl  le  lien  du 
Calvaire  et  la  pierre  du  Saint  -  S'éiudcre  , 
sonrC(>  de  nntre  résnrreclion,  et  les  Icltics 
rloni  les  Kvangiles  sont  écrits,  et  la  sainte 
Table,  et  l'or,  et  l'arj^ent  dont  on  lait  les 
croix  et  le>^  vases  sacrés,  enlin  le  corps  et  h; 
sang  de  Nolre-Seij;neiu*,  tout  cela  n'est-il 
pas  niatérie'?  Otcz  doni-  le  culle  et  la  vcné- 
ratioi  d(^  tontes  ces  clmsivs  ,  ou  convenez 
que  Ton  peut  honorer  les  iina;:;(>s  de  ])ieu  in- 
carnées de  ses  amis.  »  On  voit  ici  combien 
(\q  dioses  sensibles  les  iconoclastes  respec- 
taiinU  encoie. 

Saiîil  Jean  Damascéne  ajoute  :  «  Si  c'est 
pour  ol)éir  h  la  loi  que  vous  voulez  ôter  les 
ima^^es.  vous  pouvc.  aussi  recevoir  h-  sab- 
bat et  la  circoncision.  >;ais  sachez  que  si 
vous  observez  la  loi,  Jésus-Christ  ne  vous 
profitera  de  rien.  Et  ensuite,  ilsi.isent  :  con- 
lentez-vous  de  faire  l'iuiaf^V'  de  Jésus-Christ 
et  de  sa  Mère.  Qu/lle  absur.ité!  Ne  vo/ez- 
vous  pas  que  vous  vous  déclarez  ouverte- 
nu'ut  ennemis  des  saints,  i)uisque  vous  ne 
désapprouvez  pas  leurs  ima;^es ,  mais  les 
honneurs  qu'on  leur  rend?  »  Et  ensuit'  : 
«  Le  temple  do  Salomon  était  orné  tout  à 
l'entour  de  chérubins,  de  palmes,  de  grena- 
des, de  bœufs,  de  lions.  N'est-il  pas  plus  dé- 
cent d'orner  l.'S  murailles  de  la  maison  do 
Dieu  d'images  des  saints  que  d'.niinaux. 
sans  raison?  Nous  ne  voulons  pas  peindre 
Jésus-Clnist  sans  les  sainis  qui  composent 
sa  cour.  Que  l'empereur  de  la  terre  se  dé 
pouille  de  la  sienne  avant  que  de  dépouiller 
son  maître.  »  Et  ensuite  :  «  Autrefois,  on  ne 
bAtissait  point  de  temples  aux  hommes,  et 
on  ne  célébrait  point  la  mort  des  justes  par 
la  joie,  mais  |iar  les  larmes;  au  contraire, 
cel.ii  qui  avait  touché  un  mort,  fût-ce  le 
corps  de  Moïse,  était  réputé  immonde.  Otez 
donc  ces  fêtes  instituées  en  l'honneur  des 
saints  contre  les  maximes  de  l'ancienne  loi, 
ou  recevez  leurs  images  que  vous  prétendez 
être  contraires  à  la  loi.  31ais  vous  ne  pouvez 
abolir  ces  féies  établies  par  les  apôtres  et 
les  Pères.  Car,  dspuis  Tincai  nation  du  Verbe, 
nous  sommes  vraiment  sanciifiés,  délivrés 
par  ses  souffrances,  immortels  par  sa  résur- 
rection. Depuis  ce  temps  nous  honorons 
la  mort  des  saints  par  la  joie  et  non  par 
le  deuil.  »  Et  ensuiie  :  «  L'ombre  ou  la  cein- 
ture des  apôtres  guérissait  les  ma  ades,  et 
chassait  les  démons  :  Pour(]Uoi  leur  image 
ne  sera-t-elle  pas  honorée?  Ou  n'adorez  rien 
de  matériel,  ou  ne  soyez  point  novateur,  et 
n'ébranlez  pas  les  bornes  éternelles  plantées 
par  vos  pères,  qui  ont  établi  les  usages  de 
rEj;lise,  non-seulement  par  leurs  éerits,  mais 
parla  tradition.  »  1:1,  saint  J'an  Damascènc 
rapporte  le  fameux  passage  de  saint  Basile, 
tiré  de  son  liv  e  du  Saint-Esprit,  et  de  celui 
de  saint  Paul  :  Demeurez  ferme,  et  conservez 
les  traditions  que  voiis  avez  reçues  de  nous, 
soit  de  vive  voix,  soit  par  lettres.  » 


Ensuite  il  répond  .^  rohjection  tirée 
«le  saint  Epiphane,  qui  décliira  un  rideau 
où  était  peinte  une  image.  Saint  îean  Da- 
masctn«;  dit  premièrement  (pn;  cet  écrit 
n'est  j)eut-ôtre  [)as  de  saint  Kpipbane,  en- 
suite qu'il  a  i)U  en  user  ainsi  poui-  coriiger 
quehpu's  abus,  comme  saint  Alhanastï  or- 
Uonna  d'inilerrer  Is  rcdiques  des  sainis, 
pour  abolie  la  mauvaise  coutume  des  Egyp- 
tiens (pii  ginlaie'U  leurs  morts  sur  des  lits. 
C-ar,  (pie.  saint  l!;[>iphan(>  n'ait  |,as  prétendu 
abolir  les  images,  on  le  voit  par  son  église 
qui  en  est  encore  h  présent  ornée.  Enfin 
son  autorité  seule  ne  j)révandrait  point  à 
celle  de  toute  l'Eglise. 

Saint  Jean  Damaseène  rapporte,  à  la  fin  de 
ce  discoui's,  ])lnsi(  ur-s  passages  des  Pères  en 
faveur  du  culte  des  images  :  premièrement, 
d(!  saint  Denis,  (j[u'on  appelle  vulgairement 
l'Aréopagite  ;  puis  de  saint  Basile,  de  saint 
(liégoire  de  Nyssc,  qui  dit  avoir  été  touché 
jus(]n'aux  larmes,  de  la  peinliire  du  sacri- 
fice d'Abraham  ;  de  saint  Jean  Chrysostome, 
de  Léon,  évè(ine  de  Naples  en  Chypre,  et 
sur  ce  dernier  il  ajoute  :  «  Quel  est  le  meil- 
leur interprète  de  saint  Epiphane,  ce  saint 
évoque  qni  a  i)rôché  dans  la  môme  île  de 
Chypre,  où  ceux  qui  parlent  selon  leur  sens 
])arliculicr  ?  »  Et  ensuiti;  :  «  Il  y  a  eu  plu- 
sieurs évétpies  et  plusieurs  empereurs  chré- 
tiens, distingués  par  leur  piété,  leur  doc- 
trine et  leur  sainte  vie  ;  on  a  tenu  plusieurs 
Conciles,  d'où  vient  que  personne  n'a  con- 
damné le  culte  des  images  ?  Nous  ne  soulfri- 
rons  pas  qu'il  paraisse  que  nous  avons  eu 
divers  sentiments  et  varié  selon  le  temps, 
de  peur  que  les  infidèles  ne  regardent  notre 
foi  comme  un  jeu  et  une  raillerie.  Nous  n'o 
liéiro  is  point  à  Tordre  de  l'empereur,  qui 
vient  renverser  la  coutume  de  nos  pères. 
Les  princes  pieux  ne  prétendent  point  abo- 
lir les  usages  do  l'Eglise.  Ce  n'est  pas  agir 
en  père,  mais  en  voleur,  que  de  commander 
avec  violence  au  lieu  de  ])ersunder  j)ar  rai- 
son ^  témoin  le  second  concile  d'Ephèse,  que 
l'on  appelle  encore  le  Brigandoye.  Ce  n'est 
pas  aux  juinces  qu'il  appartient  de  décider 
sur  ces  matières,  mais  aux  conciles.  Ce  n'est 
pas  aux  princes,  mais  aux  apôtres  et  à  leurs 
successeurs  que  Jésus -Christ  a  donné  la 
puissance  i\e  lier  ou  de  délier.  Quand  ce  se- 
rait ti)i  ange,  dit  saint  Paul,  qui  vous  prêche- 
rait un  autre  Evangile  que   celui   que  vous 

avez  reçu N'ajoutons  pas  le  reste  pour  leur 

donner  lieu  i)ar  notre  douceur  de  changer 
de  sentiment.  Que  si,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise, 
ils  persistent  avec  opiniâtreté  dans  leur  er- 
reur, alors  nous  prononcerons  ce  qui  suif, 
c'est-à-dire  l'analhème.  »  Ces  paroles  font 
croire  que  ce  discours  fut  publié  incontinent 
après  l'édit  de  l'empereur  Léon  contre  les 
images,  c'est-à-dire  l'an  730,  avant  que  l'on 
eût  appris  en  Palestine  l'exil  du^  patiiarche 
saint  Germain,  dont  il  n'est  parlé  que  dans 
le  discours  suivant. 

Au  commenceme'Tt  du  second  discours, 
saint  Jean  Damaseène  se  reconnaît  obligé 
de  parler  i)our  soutenir  la  vérité,  parce  qu'il 
a  reçu  le  talent  de  la  parole,  c'est-à-dire  la 


^!>l5 


ÏCO 


ICO 


12lf. 


Loniinission  de  parler  dans  l'Eglise,  ce  qui 
semble  marquer  que  dus  lors  il  était  j^n^tre. 
Il  ajoute  que  quek}ues  eufants  de  l'Eglise 
Tout  engagé  ^  composer  ce  second  discours, 
jiarce  que  plusieurs  n'entendaient  pas  bien 
le  premier.  Il  marque  les  divers  artifices  du 
démon  pour  séduire  les  hommes,  l'athéis- 
me, l'idolâtrie,  les  liérésies.  «  Maintenant, 
ajoute-t-il,  ce  même  imposteur,  qui  a  fait 
adorer  autrefois  jusqu'aux  images  des  bètes, 
non-seulement  aux  gentils,  mais  aux  Israé- 
lites, prend  une  autre  forme  pour  troubler 
la  paix  de  l'Eglise  ;  car  il  s'est  élevé  des 
gens  qui  disent  que  les  merveilles  que  Jé- 
sus-Christ a  opérées  pour  notre  salut,  et  les 
combats  que  les  saints  ont  rendus  contre  le 
démon,  ne  doivent  j)as  nous  être  proposés 
dans  des  images  pour  les  admirer,  les  hono- 
rer, les  imiter  ;  il  déclare  encore  qu'il  ne 
veut  pas  prononcer  anathème  contre  les  au- 
teurs de  cette  erreur,  parce  qu'il  attend  leur 
correction.  «  Il  emploie  les  mêmes  preuves 
(pie  dans  le  premier  discours;  mais  pour  ex- 
pliquer les  paroles  de  la  loi  qui  semblent 
condamner  les  images,  il  ajoute  :  «  Il  faut 
examiner  l'intention  pour  reconnaître  la  vé- 
rité d'un  discours.  Dans  l'Evangile,  il  est 
parlé  des  ténèbres,  de  Satan,  de  l'enfer; 
nous  ne  laissons  pas  de  le  recevoir  avec  le 
resi)ect  et  l'adoration  convenables  ;  mais 
nous  rejetons  avec  horreur  les  écrits  des 
manichéens  et  des  autres  hérétiques,  quoi- 
qu'ils contiennent  le  nom  de  Dieu.  Ainsi, 
quand  il  s'agit  des  images,  il  faut  voir  l'in- 
tention de  celui  qui  en  j)arle.  » 

Il  insiste  ainsi  sur  la  dill'érence  des  deux 
puissances,  la  spii-iluelle  et  la  temporelle  : 
«  Jésus-Christ,  dit  saint  Paul,  a  établi  dans 
son  Efjlise  des  apôtres,  des  prophètes,  des 
pasteurs  et  des  docteurs;  il  no  dit  ])as  des 
empereurs,  ce  ne  sont  pas  les  rois  qui  vous 
ont  parlé  de  la  part  de  Dieu,  mais  les  apôtres 
et  les  [)rophètes.  Le  gouvernement  politique 
appartient  aux  empereurs  ;  le  gouvernement 
(le  l'Eglise  aux  ])asteurs  et  aux  docteurs. 
Cette  violence,  mes  frères,  est  un  brigan- 
dage. Saiil  déchira  le  manteau  de  Samuel  et 
perdit  son  royaume.  Jésabel  persécuta  Elie 
et  fut  mangé  des  chiens  ;  Hérodo  lit  mourir 
saint  Jean  et  mourut  rongé  de  vers.  Et 
maintenant  on  vient  d'envoyer  en  exil  le 
bienheureux  Germain  et  plusieurs  autres 
Pères  dont  nous  ne  savons  pas  les  noms. 
N'est-ce  pas  un  brigandage  ?  w  Et  ensuite, 
s'adressant  h  l'empeicur  :  «  Nous  vous 
obéissons,  seigneui',  en  (mî  (|ui  regard(;  la 
vie  civile,  commt!  les  tributs  et  les  imposi- 
tions ;  mais  dans  les  matièr(;s  ecclésiasti- 
ques, nous  reconnaissons  nos  past<.'urs.  » 
Les  chrétiens  d'Orient  i-egardaient  encore 
les  empereurs  de  (^onslantinople  conune 
leurs  princes  légitimes  ;  ils  conservaient  les 
lois  romaiiKîS  et  la  langu(!  grec(pie,  en  la- 
quelle écrivait  sainlJeanDamascèn(,'.  Il  ajoute 
ensuite  :  «  Les  manichéens  ont  composé  un 
Ev.ingih;  srdon  saint  Thomas,  fait(;s-en  un 
schm  l'eifipereurLéon.  Je  ne  recoimais  point 
un  cinpertMii'  (pii  usijipe  le  sacerdoce.  J(; 
sais  que  V.jIcmis  en  usa  ainsi,  jjersécutant  la 


loi  catholique,  Itien  (|u'il  portât  le  nom  de 
clirétien,  et  Zenon,  et  Anastase,  Héraclius 
et  Constantin  (pii  fut  en  Sicile,  et  Bardaime 
surnommé  Philip|ii([ue.  »  A  ce  discoui's, 
saint  Jean  Damas(  ène  joint  les  mômes  pas- 
sages qu'il  avait  rai)portés  à  la  fin  du  pre- 
mier, mais  il  y  en  ajoute  quelques  autres 
de  saint  Chrysostome,  de  saint  Ambroise,de 
saint  Maxime  et  de  saint  Anastase  d'Antio- 
che. 

Le  troisième  discours  pour  les  images  ne 
contient  presque  rien  qui  ne  soit  dans  les 
deux  ]n-emiers,  mais  il  est  suivi  d'un  plus 
grand  nombre  de  passages. 

Ce])endant  la  secte  des  iconoclastes  ne  fut 
pas  abattue.  Vaincue  par  la  discussion,  elle 
se  releva  par  la  violence.  Après  la  mort  de 
Léon  l'Isaurien,  Constantin  V,  qui  lui  suc- 
céda en  7il,  se  montra  tout  aussi  acharné 
que  lui  contre  les  images.  Il  tint  plusieurs 
conciles  contre  la  vénération  des  images, 
parlant  tous  les  jours  au  peuple  pour  lui 
persuader  de  les  abolir.  Il  préparait  ainsi  le 
concile  qu'il  assembla  en  l'année  751,  trei- 
zième de  son  règne,  indiction  septième.  Il 
s'y  trouva  trois  cent  trente-huit  évoques,  à 
la^  tête  desquels  étaient  Grégoire  de  Néocé- 
sarée,  Théodose,  évêque  d'Ephèse  ,  fils  do 
l'empereur  Absimaro,etSisinnius  surnommé 
Pastilas,  évèquc  de  Perge  en  Pamphylie.  Il 
n'y  avait  aucun  patriarche,  ni  personne  do 
la  part  des  grands  sièges  de  Rome,  d'Alexan- 
drie, d'Antioche  ou  de  Jérusalem..  Le  siège 
de  Constantinof)le  était  vacant,  car  Anastase 
était  mort  la  même  année,  d'une  maladie 
nommée  en  grec  chordapse,  c'est-à-dire 
nœud  de  boyau,  (pii  lui  faisait  r(\)eter  les  ex- 
créments [)ar  la  bouche.  Ce  concile  s'assem- 
bla dans  le  palais  d'Hiérie,  sur  la  C(Me  d'Asie, 
vis-à-vis  Constantinople,  le  dixième  jour  de 
février,  et  dura  six  mois,  jusqu'au  huitième 
d'août,  où  il  passa  dans  l'église  de  Blaquer- 
nes.  Alois  remj)ereur  Constantin  monta  sur 
l'ambon,  et  tenant  i)ar  la  main  le  moine 
Constantin,  évèque  (le  Sylée,  il  cria  à  haute 
voix  :  Longues  années  à  Constantin,  patriar- 
che œcuménique!  En  même  temps,  il  le 
revêtit  de  l'habit  sacré  et  du  pallium.  Ce 
môme  jour  fui  terminé  le  concile,  dont  il  ne 
nous  reste  que  la  définition  de  foi  (jul  a  pour 
titre  :  Définition  du  grand  et  saint  concile 
œcuménique. 

Après  un  assez  long  préambule,  le  concile 
dit  que  Jésus-Christ  nous  a  délivrés  de  l'ido- 
lâtrie, et  nous  a  (enseigné  l'adoration  eu 
espiit  et  en  véi'ité.  «  Mais,  ajoutc-t-il,  le 
démon  ne  pouvant  soull'rir  la  beauté  de 
l'Eglise,  a  ramené  l'idolâtrie  insensiblement, 
sous  l'apuarencedecluislianisuH),  en  persua- 
dant d'adorer  la  créature  el  de  prendre  pour 
Dieu  un  ouvrage  autiuel  on  (huun;  le  nom 
de  Jésus-Clu'ist.  C'est  i)nur(pioi,  connue  h; 
Sauveur  a  envoyé  autrciois  ses  ap(Mres  poui- 
la  desiruction  des  idoles,  ainsi  il  a  suscité 
mainlenanl  ses  servileins  nos  empereurs, 
imilat(!urs  des  apt'ilres,  jioin-  nous  instruiro 
et  renverser  l(!S  invenlicms  du  démon,  » 
C'est  ainsi  (pie  ces  évêipies  llalteurs  se  re- 
coiuiaissent  disciples  dos  empereurs    dont 


Hn 


ICO 


ICO 


131S 


l'un  citait  un  enfant  de  (jualre  ans,  savoir, 
Léon,  lils  ilc  (lon.stjiniin,  né  Icî  25  de  jan- 
viw750,  el  couronné  le  jour  de  la  PenlecAlc, 
siviéme  de  juin -751.  Knsuile  ils  déclarent 
qu'ils  reroivcnt  les  siv  conciles  d'cuniéni- 
ques,  les'  i'X|)i-inuuit  chacun  en  particnliei', 
puis  ils  ajoutent  :  k  Ayant  donc  soiyiu'use- 
ment  examiné  leur  (loclrine,  nous  avons 
trouvé  ([ue  l'art  illicilc  des  neinlres  cond)at 
le  doi^uie  capital  de  notii;  salut,  (jui  est  j'iii- 
carnalion  de  Jésus-Christ  et  renvciso  les  dé- 
finitions des  six  conciles.  La  peinture  établit 
l'erreur  de  Neslorius  (jui  divis(!  Jésus-CIhrist 
en  deux,  et  ne  laisse  |)as  d'appuyer  celles 
d'Arius,deDioscorc,d'Éutycliès  et  de  Sévère, 
qui  enseignent  le  mélange  et  la  eoni'usion 
des  deux  natures.  Car  le  iieintrc  ayant  l'ait 
une  image,  la  nonnne  Christ;  or  le  nom  de 
Christ  signifie  tout  ensemble  Dieu  et  honmie. 
Donc,  ou  le  ])eintre  a  renfermé,  comme  il 
s'imagine,  la  divinité  innnense  dans  les  bor- 
nes do  la  chair  créée,  ou  il  a  C(jnfondu  les 
deux  natures  unies  sans  confusion.  Celui 
qui  adore  l'image  est  coupable  des  mêmes 
blasphèmes,  el  la  même  malédiction  tombe 
sur  l'un  et  sur  l'autre. 

Ils  chercheront  sans  doute  à  s'excuser,  en 
disant  :  Nous  ne  faisons  l'image  que  de  la 
chair  que  nous  avons  vue  et  touchée,  et  qui 
a  conversé  avec  nous.  Mais  ils  retombent  par 
là  dans  l'impiété  de  Nestorius;  car  il  faut 
considérer  que,  selon  les  Pères,  la  chair  de 
Jésus-Christ,  sitôt  ({u'elle  a  commencé  d'être, 
a  été  la  chair  du  Verbe,  sans  jamais  admet- 
tre aucune  idée  de  séparation,  mais  prise 
tout  entière  par  la  nature  divine  et  entière- 
ment divinisée.  Comment  donc  en  peut-elle 
être  séparée  ?  Il  en  est  de  même  de  sa  sainte 
Ame.  Sitôt  qu'elle  a  été,  ça  été  l'âme  d'un 
Dieu,  et  jamais  elle  n'a  été  séparée  de  la 
divinité,  même  étant  séparée  de  son  corps. 
Comment  donc  ces  insensés  prétendent-ils 
peindre  la  chair  de  Jésus-Christ  comme  la 
chair  d'un  pur  homme?  C'est  supposer  qu'elle 
subsiste  par  elle-même,  et  lui  donner  une 
autre  personne,  et  par  conséquent  en  ajouter 
une  quatrième  à  la  Trinité  !  ^^■ 

«  La  vraie  image  de  Jésus-Christ  est  celle 
qu'il  a  faite  lui-même,  lorsque  la  veille  de  : 
sa  passion  il  prit  le  pain,  le  bénit,  et  ayant  i 
rendu  grâces,  le  rompit  et  le  donna,  disant  :  ; 
Prenez,  mangez  pour  la  rémission  des  pé- 
chés, ceci  est  mon  corps.  Et  de  même,  en 
donnanfle  calice,  il  dit  :  Ceci  est  mon  sang, 
faites  ceci  en  mémoire  de  moi,  pour  montrer 
qu'il  n'a  point  choisi  sous  le  ciel  d'autre 
espèce  ni  d'autre  forme  cpi  puisse  représen- 
ter son  incarnation.  Et  quelle  a  été  en  cela 
l'intention  de  Dieu  infiniment  sage?  sinon 
de  nous  montrer  clairement  ce  qu'il  a  fait 
dans  le  mystère  de  son  incarnation,  c'est-à- 
dire  que  comme  ce  qu'il  a  pris  de  nous  n'est 
que  l'essence  humaine  sans  subsistance  per- 
sonnelle, pour  ne  pas  faire  tomber  sur  la 
divinité  une  addition  de  personne,  ainsi  pour 
son  image  il  nous  a  commandé  d'offrir  une 
matière  choisie  qui  est  la  substance  du  pain, 
mais  sans  forme  ni  figure  humaines,  de  peur 
que  l'idolâtrie  ne  s'introduisît.  Donc,  comme 


1(!  corps  naturel  de  jesus-Chrisl  est  saiiU,  étant 
divinisé,  de  même  il  est  évident  ()ue  ce  qui 
est  son  cor|)s  par  institution,  c'est-à-dire  sa 
sainte  image,  est  sanctifié  d'une  certaine 
manière  cl  divinisé  par  la  jj,râc('.  Car,  c'est 
ce  que  Jésus-Christ  a  voulu  faire,  afin  cjlio 
connue  il  a  divinisé  la  eliaii'  (|u'il  a  prise  par 
une  sanctification  (pii  lui  est  |)ropr(r  el  natu- 
l'elle  en  vertu  de  l'union,  ainsi  le  j)ain  do 
rLucharislie,  connue  étant  la  vrai(;  imag(;  de 
la  chair  naturelle,  devint  un  corps  divin, 
étant  sanctifié  [)ar  l'avènement  du  Saint-Esprit 
et  la  médiation  du  prêtre;,  (jui  fait  l'oblation 
et  rend  saint  ce  pain  qui  était  commun;  au 
reste,  comme  la  chair  vivante  du  Seigneur 
a  reçu  l'onction  du  Saint-Esprit,  qui  est  la 
divinité,  ainsi  ce  pain  divin  a  été  rem[)li  du 
Saint-Esprit  avec  le  calice  de  son  sang  vivi- 
fiant. 11  a  donc  été  démontré  que  c'est  la  vraie 
image  de  l'incarnation  de  Jésus-Christ,  qu'il 
nous  a  de  sa  propre  bouche  enseigné  de 
faire.  » 

On  verra  dans  la  suite,  comment  les  ca- 
tholiques réfutèrent  cette  objection  et  tous 
les  autres  sophismes  de  ce  concile.  Cepen- 
dant, on  peut  remarciuer  qu'il  suppose  qu'on 
adore  l'Eucharistie,  en  disant  que  Jésus- 
Christ  n'y  fait  pas  paraître  sa  figure  humaine 
de  peur  de  donner  lieu  à  l'idolâtrie,  et  qu'il 
le  nomme  un  })ain  divin  et  le  calice  du  sang 
de  Jésus-Christ,  qu'il  reconnaît  que  le  Saint- 
Esprit  y  descencf,  et  que  c'est  un  sacrifice 
offert  par  un  prêtre.  La  définition  du  concile 
continue  ainsi  :  «  Mais  ce  qu'on  appelle 
faussement  des  images  ne  vient  pas  de  la 
tradition  de  Jésus-CYirist,  des  apôtres  ou  des 
Pères,  elles  n'ont  point  de  prières  particu- 
lières pour  les  sanctifier,  et  demeurent  pro- 
fanes et  méprisables  comme  le  peintre  les  a 
faites.  Que  si  l'on  demande  pourquoi  nous 
condamnons  les  images  de  la  Mère  de  Dieu 
et  des  saints,  qui  sont  de  purs  hommes,  sans 
avoir  la  nature  divine  comme  Jésus-Christ, 
nous  dirons  que  l'Eglise  est  entre  le  judaïsme 
et  le  paganisme,  et  rejette  les  cérémonies  de 
l'un  et  de  l'autre,  du  judaïsme  les  sacrifices 
sanglants,  du  paganisme  la  fabrication  et  le 
service  des  idoles,  dont  l'art  détestable  de  la 
peinture  est  la  source;  car  n'ayant  point 
d'espérance  de  la  résurrection,  ils  ont  inventé 
cette  illusion  pour  rendre  présent  ce  qui  ne 
l'était  pas.  Mais  pour  les  saints  qui  vivent 
avec  Dieu,  c'est  leur  faire  injure  que  de  les 
représenter  avec  une  matière  morte  par  l'art 
des  païens.  » 

Le  concile  rapporte  ensuite  quelques  pas- 
sages de  l'Ecriture,  pour  autoriser  sa  défini- 
tion, et  quelques  passages  des  Pères,  savoir  : 
de  saint  Epiphane ,  de  saint  Grégoire  do 
Nazianze,  de  saint  Jean  Chrysostome,  de  saint 
Athanase,  de  saint  Amphyloque,  de  saint 
Théodore  d'Ancyre,  d'Eusèbe  de  Césarée  en 
Palestine.  Après  quoi  il  conclut  cju'on  doit 
rejeter  de  l'Eglise,  avec  abomination,  toute 
image  peinte  de  quelque  manière  que  ce  soit, 
et  défend  à  toute  personne  à  l'avenir  d'eu 
faire  aucune,  l'adorer,  la  dresser  dans  une 
église,  ou  dans  une  maison  particulière,  ou 
la  cacher,  sous  peine,  aux  évêques,  aux  prê- 


I2i9 


ICO 


ICO 


iâio 


très  et  aux  diacres,  de  dépositio-i;  au\  moi- 
nes et  aux  laïques  d'analhème,  sans  préju- 
dice des  peines  |>ortùe-^  parles  IVis  impériales. 
Mais  il  ajoute  que,  sous  prétexte  de  celte 
défense  des  iiuages,  aucun  de  C3U\  qui  gou- 
vernent les  églises  ne  pourra  s'eniparer  des 
vases  sacrés,  ni  des  habits,  des  vniles  tt  des 
autres  meubles  destinés  au  servie  divin. 
Que  s'il  veut  les  ch  -ngi.'r,  il  ne  le  pourra 
que  du  consentement  du  patriai'che  de  Cons- 
tantinople  et  par  i»rdre  de  Tempereur,  alin 
que  ce  ne  soit  pas  un  piétexte  de  déli^urer 
les  églises.  Il  est  défcnlu  aussi  aux  magis- 
trats et  à  tous  les  l.iïques  d'abuser  de  ce  pré- 
texte, pour  se' rendre  maîtres  des  églises  et 
les  réduire  en  servitude  comme  ([uelques- 
uns  avaient  fait. 

Le  coicile  prononce  ensuite  plusieurs  ar- 
ticles 61  forme  de  canons  avec  ana thème  à 
chacun  ,  dont  les  premiers  ne  contien- 
nent que  la  doctrine  catholique  sur  la  Ti-ini- 
té  et  1  Incarnation.  Mais  il  y  e  i.  ajoute  plu- 
sieurs contre  les  imiges  de  Jésus-Christ  et 
des  saints.  Toutefois  il  reconnaît  que  la 
sainte  Vierge  est  au-dessus  de  tontes  les 
créatures  et  qu'on  doit  avoir  recours  à  son 
intercession,  comme  très-puissante  auprès 
de  Dieu;  et  que  tous  1  -s  saints  qui  ont  vécu 
sous  la  loi  de  nature,  la  loi  écrite  ou  la  loi 
de  grâce,  doivent  èti-e  honorés  et  oriés  sui- 
vant la  tradition  ecclésiastique. 

Après  cela,  les  empereurs  Constantin  oc 
Léon,  car  on  les  fait  toujours  pari  r  ensem- 
ble suivant  l'usage,  demindcre  U  au  concile 
si  le  décret  qui  venait  d'être  lu  étiit  pu- 
blié du  c  insentement  de  tous  les  évèques. 
Ils  répondirent  :  «  Nous  croyons  tous  ainsi, 
nous  en  sommes  tous  d'accord,  nous  avons 
souscrit  avec  joie.  »  Ils  tirent  ensuite  plu- 
sieurs arcbirnations  à  l'honneur  des  Empe- 
reurs, les  louant  entre  autres  choses  d'.voir 
<boli  Tidolûtrie.  Enfi  i,  ils  prononcèrent 
auathème  nommément  contre  saint  (iermain 
de  Consîanlinop'e,  George  de  Chypre,  et 
saint  Jean  D.unascène,  en  ces  ternies  : 
((  Analhème  à  Germain,  double  en  ses  sen- 
timenis  et  aJorateur  du  bois!  Anathèiue  à 
Georg  •,  son  complice,  falsiiica  eur  de  la  loi 
de  nos  pères  1  A  TathèrneùMansour,  maudit  et 
favor  ddeauxSarrasins  1  Auathème  A  Mansour 
adorateur  d'images  et  faussaire!  Anathèmo  h 
Maiisour,  injurieux  à  Jésus-Christ  et  traître 
il  l'empire  !  Anallième  à  Mau^our,  docteur 
d'impiété  et  iuauvai.-,irit(M'prèlcde  l'Ecriture  1 
La  Trinit  ';  les  a  déposés  tous  trois.  »  Tel 
est  le  décret  du  faux  concile  de  Constantino- 
ple,  l'-nu  par  les  iconoclastes. 

Le  20  du  même  mois  daoïV  75V,  l'empe- 
reur Consiailiu  alla  dan-,  la  plac  iiubli.jue 
avec  le  nouveau  patriarclie,  Constantin  et 
les  autres  évèques,  et  ils  publièrent  le  nou- 
veau décret  du  concile,  ré,)étant  les  anatliè- 
mes  contre  Germain,  Georg  j  et  Mansour.  Ce 
décret  étant  pojlé  dans  les  pruvinces,  on 
voyait  partout  les  (;alholiqu:'S  consternés,  et 
les  ic'>nocla.-.tes  changej-  les  vases  sacrés  et 
détigurer  les  églises.  On  brCllail  li'S  images, 
ou  battait  ou  on  enduisait  les  ujuraillos  oui 
f:rA  étaient  peintes,  mais  ou  conservait  celles 


qui  n'avaient  que  des  arbres,  des  oiseaux  ou 
des  b^tes,  princi|)alenie  U  les  représenta- 
tions djs  spectacl.'S  [)rofanes,  comme  des 
chassas  ou  des  courses  de  chevaux. 

Le  |iape,  atlaq  lé  ainsi  j)ar  les  Grecs,  ap- 
pela Pépin,  roi  de  Fiance,  au  secours  de  la 
religion,  et  la  conduite  que  tint  Conslantin 
prouva  qu'il  avait  agi  sagement.  Conformé- 
ment aux  ordonnances  du  concile  qu'il  avait 
rassemblé,  cet  empereur,  continuait  à  bri- 
ser partout  les  images  et  à  persécuter  les 
catholi(|ues.  11  s  attaquait  sui  tout  aux  moi- 
nes, qu'il  avait  en  horreur.  Tous  abanuo  i- 
nèrent  Constantinople  et  les  Etats  du  ])er- 
sécuLeur,  et,  sui  va  U  le  conseil  que  leur 
do  ma  Etienne,  abbé  du  monaslèi-e  deSai  it- 
Auxence,  se  retirèient,  les  uis  vers  le  Poal- 
Euxin,  les  autres  en  Chypre,  les  autres  en- 
li  1  à  Rome.  Cela  u'einpècha  pas  Constantin 
de  continuer  la  persécution  avec  acharne- 
ment. Il  nommait  les  moines  amncinonentons, 
c'esl-à-dice  a[)ominables,  desquels  il  ne  faut 
})as  se  souvenir.  Ce  fut  dans  l'année  vingt- 
unième  de  son  règne  qu'il  lit  mourir  saint 
André  surnuiumé  le  Calybite,  lequel  lui  re- 
prochait sa  tyrannie  et  son  iuipiéié.  Il  fut 
maityrisé  dans  le  cirque  de  Saint-Mamas, 
horsdiila  ville.  Constantin  lit  jeter  son  corjjs 
à  la  mer;  mais  ses  sœurs  le  recueillirent  et 
l'enterrèrent  honorableiuent.  A.saiit  ente  -du 
})arler  de  saint  Etienne,  abbé  du  monastère 
deSaint-Auxence,  il  envoya  vers  luiCulliste, 
un  des  fauteurs  Ks  ])K;s  n.struits  de  so  i  hé- 
résie, poui'  lui  dire  C{ue, connaissant  sa  piété, 
il  vouiaitc[u'il  approuvât  leconcile  le  lucunlre 
les  images,  et  pourlui  portm-  des  {)rovisions 
de  coineslii)les.  «  Je  ne  ferai  pas  ce  que  voi.s 
demandez,  dit  Etienne;  ce  concile  a  soutenu 
une  doctrine  héréliciue.  Je  puis  mourir 
pour  la  défense  des  saintes  images,  mais 
je  n  obéirai  pas  à  l'empereurqui  esi  un  héré- 
tique. Kemporte/voscadcaux,  l'huile  du  pé- 
cheur ne  parfumera  pas  ma  tète.  »  Furieux, 
de  cette  répouse,  Consla  ilin  lit  prendre  le 
saint  abbé  par  des  soldats  ei  oruon  ia  qu'on 
le  tint  en  prison  jusqu  à  ce  qu'il  eût  deciué 
de  son  sort.  U  y  fut  six  juurs  sa  is  boire  ni 
manger.  Le  septième,  lempeieur  le  lit  re- 
co  duire  d(Uis  sa  cellule,  car  il  panait  jiour 
faire  la  guerre  aux  Bulgares,  et  ne  vou  ait 
s  occu[»er  de  l'alfane  d  lUien  u»  qu'à  son  re- 
tour.(Ty//.  Etienne.)  Mais  Culiiste,  qu:  étuit 
furieuv  de  n'avoir  pas  léussi  dans  sa  mis- 
sion près  du  saint,  gag  la  à  [)ri^i  d  or  un 
moine  nommé  Sergnis  (jui,  de  concert  avec 
Auhcalame,  i  iteuda  Ideslriouls  du  golfe  de 
Nicomédie,  rédigea  [lour  rempereiu-  un  li- 
belle dans  lei[uel  il  accusait  le  saint  de  l'a- 
voir analhémalisé  comme  hérélKpne,  et  en 
outre  d'avoir  séduit  une  feumie  nonle  nom- 
mée Aime,  qu  il  tenait  dans  I'  mouastèrc 
drii  bas,  el  ([ui,  toutes  les  nuits,  moulait  à 
la  (•(•llule  du  sanit  ))Our  s'y  livnn-  à  unir 
commenc  aiiultèie.  <^ette  Anne  élail  une 
V(nive(iui  avait  embrassé  la  vie  monastique 
(n  (|ue  h'  saint  abbé  avait  ado,  tée  comme  sa 
lille  spirituelle.  Il  l'avait  ecmliée  aux  soins 
dt!  la  supérieure  du  monastère  des  femmes, 
situé  au  bas  du  sien.  L'empereur,  ayant  lu 


1221  !C0 

le  libelle,  envoya  au  Tnonast^ro  le  patncn 
Antliès,  avec  ortito  de  lui  ariu'iior  au  cinip 
la  ieinnic  (lu'un  cicciisail.  L'ordre  fui  ('X(''cut(^ 
et  Aiuie  fut  ameiu^e  au  cixmp  ave(;  une"aulro 
religieuse  iDiniuée  Tliéonli  tno.  Conslanlin 
irterrog  a  Anne  et  voulut  lui  faire  avouer  ce 
dont  on  i'arcusail:  mai»  elle  le  coniondit  par 
ses  réponses.  Alors  il  renvoya  Théo[iliano  h 
son  enuvcnt,  ol  i-aniena  Anneh  Conslanlino- 
ple.  HicnlAt  il  la  lit  coniparaitr(\  et,  ne  |  ou- 
vanl  obtenir  d'aveu  de  sa  [)arl,  il  la  lit  ei'ucl- 
lement  l)allre  ù  eoups  de  nerf  de  bieuf,  si 
b'en  (|n'on  la  laissa  pour  morte;  C(^|)endant 
elle  eu  guéiit.  L'enipen'ur  la  liijeterdans  nu 
des  monastères  df  Conslanliiopl  '.  On  n'en- 
tendit [ilus  parler  d'ede  ilepuis  (>etti;  époque. 

Ce|)endanl  r»'ui;.ereur,  eluM'clmnt  toujours 
un  piélexie  pour  faire  moiu'ii'  Eticnin',  lit 
venu-  le  lendemain  un  jeuiu'  hounnc;  uouuné 
George  S\neléte,  qi-i  était  un  de  ses  plus  in- 
times coididcnts,  et  lui  dit:  «  IMaiuicz-vous 
jusqu'à  donner  votre  vie  pour  moi  ?  »  Geoi-go 
l'en  assura  avec  serment.  L'empereui-  lui  dit 
en  l'embrassant  :  «  Voici  un  nouvel  Isa.tc;  » 
puis  il  ajouta  :  «  Je  ne  vous  en  de.nande  pas 
tant,  je  vous  prie  seulement  d'alb  r  au  mont 
d'Auxenne  et  de  persuader  à  ce  malheureux 
qui  y  demeure  de  vous  recevoir  au  nombre 
clés  siens,  puis  vous  reviendrez  ici  proin[)te- 
ment.  George  obéit  avec  joie  ;  il  alla  sur  la 
montagne  et  se  cacha  dans  les  broussailh  s 
dont  il  sortit  vers  le  midi  et  vint  crier  à  la 
porte  du  monastère  qu'il  s'était  égaré  et  qu'il 
craignait  d'être  dévoré  par  les  bètes  ou  de 
tomber  dans  un  précipice.  Saint  Etienne  or- 
donna à  Marin,  son  principal  disciple,  de  le 
faire  entrer.  11  se  mit  à  genoux  et  demanda 
la  bénédiction  de  l'abbé  qui  reconnut  aussi- 
tôt qu'il  était  de  la  cour  à  son  habit  et  à  son 
visage  sans  l)arbe  ;  car  l'empereur  avait  or- 
donné à  tous  les  hommes,  même  aux  vieil- 
lards, de  se  raser  entièrement.  George  avoua 
qu'il  était  du  palais  de  l'empereur  et  cjouta  : 
«  11  nous  a  tous  fait  juaaïser  -,  j'ai  eu  bien 
de  la  |)ei'ie  5  revenir  de  cette  erreur,  et  Dieu 
m'a  conduit  ici.  Ne  me  rejetez  pas,  mon  véné- 
rablepère,  de  votre  compagnie,  elne  me  refu- 
sez pas  le  saint  habit.  »  Saint  Etienne  répondit  : 
«  Je  ne  le  |)uis  fan-e,  à  cause  de  la  défense  de 
l'empereur  ;  et  je  crains  que,  s'il  l'appienait, 
il  ne  vous  retirât  d'ici  au  péiU  de  votre  àme.  » 
George  reprit  :  «  Vous  ré,  ondrez  à  Dieu  de 
moi,  si  vous  différez,  »  et  il  p:  essa  tant  que 
l'abbé  lui  donna  Ihabit  de  proijation. 

Cependant  Teiiipereur  asseudjla  le  peuple 
à  C(.'nstantinoi)le,  dans  le  théâtre  de  Fhippo- 
drome,  et  se  tenant  sur  les  de^,rés  il  dit  :  «  Je 
ne  puis  vivie  avec  ces  ennemis  de  Dieu, 
qu'on  ne  nomme  point.  »  Le  peuple  s'éma  : 
«  S  igneur,  il  ne  reste  en  cette  ville  aucune 
trace  de  1  ur  habit.  »  L'empereur  s'écria  en 
colère:  «  Je  ne  puis  plus  souffrir  leurs  in- 
sultes ;  ils  m'ont  séduit  tous  les  miens  jus- 
qu'à George  Synclète,  qu'ils  ont  arraché  d'au- 
près de  moi  pour  le  faire  moine.  Mais  met- 
tons en  Dieu  notre  contiance,  il  le  fera  bien- 
tôt paraître  ;  prions  seulement.  ^  Après  que 
George  eut  porté  trois  jours  le  petit  hnbit, 

saint  Etienne  lui  fit  une  grande  exhortation, 


ICO 


i'i^ 


lui  coupa  les  cheveux  et  le  revftlit  do  l'habit 
monasti([ue  ;  mais  troisjonrs  après  cet   im- 
postenr  (piilta  la  inontag'io  (  î  revint  au   pa- 
lais, l/empcreur l'endjiassa  et  co-ivoqua  pour 
le  lendemain  lUie  assembh'e  g.'nérale  de  tout 
le  peuphî  dans  le  même  Ihé.'itre.    La  f(mle 
était  telle  (pi'ils  s'éloull'aient,  et  Tempereur 
s'écria  :  «  Dieu  a  exaucé  nu's  |)iière.s ,  il  in'a 
découvert   celui   cpu;  je  cherchais.   »    Alors 
il  fit  paraître  George  devant  le  |)eiiple  qui,  lo 
voyant  (>  i  ha!)it  monastique,  s'(;cria  :  «  Mal- 
heur au  méc'iant  !  (pi'il  meure!  (pi'il  meure!  » 
Ce  fpi'ds  enlendaierit  dEtienne.  L'empereur 
fit  dépouiller  George,  [)remièremeit,  de  l'é- 
j)omide  ou  scapulaire,  et  puis  de  la  cuctdie, 
et  on  les  jeta  parmi   le  peuple  qui   les  foula 
a  X  pieds.  (*n  lid  ôta  ensuite   l'analabe   ou 
é!har[)e  que  hs  moines  portaient  au  ou  et 
qu'ils  croisai'Mit  sur  la  poitrine.  L'em|)ereur 
la  prit  entre  ses  mains  et  la  tournait  de  tous 
côtés,  demanlantce  que  ce  pouvait  être.  []n 
sénateur  nonmié  Draconce  répondit:   «Je- 
tez-la, seigneur,  c'est  un  cordeau  de  Satan.  » 
Elle  fut  aussi  foulée  aux  f)ieds  avec  la  cein- 
ture.   Ensuite   quatre    hommes    étendirent 
GeOi'ge  par  terre  et,  l'ayant  mis  tout  nu,  lui 
renversèrent  un  sceaud'eau  sur  latètccomme 
pour  le  purifier.  Enfin  on  le  revêtit  d'un  ha- 
bit militaire;  l'empereur  lui  mit  de  sa  main 
le   baudrier   avec   ré|)ée   et  le  déclara  son 
écuycr.  Aussitôlilenvoya  au  mont  Saint-Au- 
xence  quantité  de  gens  armés  qui  dispersè- 
rent les  moines,  mire'  t  le  feu  au  monastère 
et  à  l'église,  et  les  réduisirent  en  cendres  jus- 
q  l'auxîondemenls.  Ils  tirèrent  saint  Etienne 
de  sa  caverne  et  le  menèrent  à  la  mer,  le 
frappant  à  coups  de  bAfon,  le   prenant  à  la 
gorge  et  lui  déchirant  les  jambes  dans  des 
épines.  Ils  lui  crachaient  au  visage,  lui  di- 
saient des  injures  et  lui  insultaient  en  di- 
verses manières.  Comme  il  ne  pouvait  mar- 
cher, ils  le  mirv-;i)tdans  une  barque  et  le  me- 
nèrent le  long  do   la  côte  au   monastère  de 
Pliilippiqiie,  [)rès  de  Chr^sopolis  où  ils  l'en- 
fermèrent  et  en  avertirent  l'empereur  qui 
publia  une  défense    d'approcher  du    mont 
Saint-Auxence  sous  peine  de  la  vie.  Ensuite 
il  lit  venir  cinq  évô:|ues,  chefs  des  icono- 
clastes :  Théodose  d'Ephèse,  Constantin  de 
Nicomédie,  Co'slaiilin  de  Nacolie,  Sisinius 
Pastile  et  Basile  Tricacabe,  avec  le  patrice 
Ca  liste,  Comi)oconm,  p'emier  secrétaire  et 
un  autre  ofdcier  nommé  Masare,  et  les   en- 
voya à  Constantin,  patriarche  de  Con'-tanti- 
nople,  pour  aller  tous  ensemble  au  monas- 
tère de  Chrysopo  is.  Mais  le  patriarche,  qui 
connaissait  la  vertu  et  la  capacité   de  saint 
ÎEtienne,  refusa  d'y  aller.  Ils  portèrent  avec 
eux  la  définition  de  leur  concile,  et  (tant  ar- 
rivés au  monastère,  ils  firent  leur  prière  à 
l'église,  puis  ils  s'a>s'rent  sur  les  degrés  du 
bain   et  mandèrent  saint  Etienne  qui  vint 
soutenu  par  deux  hommes  avec  les  fers  aux 
pieds.  Ce  spectacle  leur  tira  des  larmes.  Théo- 
dose d'Ephèse  lui  dit:  «Homme   de  Dieu, 
comment  vous  êtes-vous  mis  dans  l'esprit  de 
nous  tenir  pour  hérétiques,  et  de  croire  en 
savoir  plus  que  les  empereurs,  les  archevê- 
ques, les  évêques  et  tous  les  chrétiens  ?  Ira- 


.!*Î5 


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ICO 


12-24 


vailloiiJ^-n<ius  tous  h  perdre  nos  Ames?  Saint 
Etienne  lui  répondit  gravement  :  «  Considérez 
ce  (|ue  le  propliète  Elie  dit  à  Acliab  :  Ce  n'est 
pa^  moi  qui  cause  ce  trouble,  mais  vous  et 
la  maison  de  votre  })ère.  C'est  vous  qui  avez 
introduit   une   nouveauté  dans  Téglise.  On 
])eut  vous  dire  avec  le  prophète  :  Les  rois 
de  la  terre  avec  les  magistrats  et  les  pasteurs 
sesontassembléscoiitrci'lùjlise  de  Jésus-Christ, 
formant  de  vains  projets.  »  Alors  Constantinde 
Nicomédie,  qui  était  mijcunehonnne  de  trente 
ans,  se  leva  pour  donner  un  coup  de  pied  au 
saint  abbé  assis  à  terre  ;  mais  uu  des  gardes 
le  prévint  et  frappa  du  pied  le  saint  honnne 
dans  le  ventre  comme  pour  le  faire  lever. 
Lessénateurs  Callisteet  Combocononarrè- 
tèrent  l'évoque  Constantin  et  dirent  à  saint 
Etienne  :  «  Vous  avez  à  choisir  des  deux,  ou 
de  souscrire  ou  de  mourir  comme  rebelle  à 
la  loi  des  Pères  et  des  empereurs.»  11  répon- 
dit .-  «  Ma  vie  est  Jésus-Christ,  mon  avantage 
et  ma  gloire  de  mourir  pour  sa  sainte  image. 
Mais  qu'on  lise  la  définition  de  votre  concile, 
afin  que  jç  voie  ce  qu'elle  contient  de  raison- 
nable contre  les  images.  »  Gonslanlni  de  Na- 
colie  ayant  lu  le  titre.  Définition  du  saint  con- 
cile, septième  œcuménique ,  saint  Etienne  lui 
fit  signe  de  la  main  de   s'arrêter    et  dit  : 
«  Comment  peut-on  nommer  saint   un  con- 
cile qui  a  profané  les  choses  saintes?  Un  de 
vos  évoques  n'a-t-il  pas  été  accusé  par  des 
gens  de  bien,  dans  votre  concile,  d'avoir 
foulé    aux    pieds   la  patène   destinée    aux 
saints  mystères,  parce  ([u'on  y  voyait  les  ima- 
ges de  Jésus-Christ ,  de  sa  Mère  et  .de  son 
précurseur?  Vous  l'avez  maintenu  dans  ses 
fonctions  ,  et  excommunié  ses   accusateurs 
comme  défenseurs  des  idoles.  Qu'y  a-t-il  de 
plus  impie?  N'avez-vous  pas  ôté  le  litre  de 
saints  aux  apôtres,  aux  martyrs  et  aux  autres 
justes,  les  nommant  simplement  apôtres  ou 
martyrs?  Mais  comment  ce  concile  est-il  œcur- 
cuménique,  sans  être  api)rouvé  du  pape  de 
Kome,  quoi(iu'il  y  ait  un  canon  cpii  défend 
de    régler  sans    lui  les  affaires  ecclésiasti- 
ques? Il  n'a  été  approuvé  ni  par  le  patriar- 
che d'Alexandrie,  ni  par  celui  d'Anlioche  ou 
de  Jérusalem.    Où   sont  leurs    lettres  ?  Et 
conmient  appelle-t-on  septième  concile  ce- 
lui qui  ne  s'accoi'de  point  avec  les  six  précé- 
dents?» IJasile  reprit  :  «Et  en  quoi  avons-nous 
contievenu  aux  six  conciles?  »  Saint  ElieniK! 
répondit  :  «  N'ont-ils  pas  été  assemblés  dans 
des  églises,  et  en  ces  églises  n'y  avait-il  pas 
des  images  reçues  et  adorées  par  les  Pères? 
Képondcz-moi  ,  évè(jiie?»  IJasile  en  C(jnvint, 
et  sairitEtieiuie,  levant  les  yeux  au  ciel,sou- 
jiira  du  fond  du   conu' ,  étendit    les   mains: 
«  OuiconqiHi  n'adore  pas  Notie-S(;igneur  Jé- 
.sus-(^hrisl  renfei'mé  dans  son  image,  selon 
l'humanité,  (pi'il  soit  anatlièmc.  »  H  voulait 
continuer,  mais  les  conunissaires   étonnés 
i.\f  la  liberté  avecla(juell(;  il  parlait,  (;l  cou- 
Ycrls  de  confusion,  se  levèrent,  ordoiniant 
seul(;inent   qu'on  renfciiuAt.  Oiiand  ils   fu- 
ient de  retour  à  Ojnslanlinople,  l'empereur 
leur  «Jemanda  cecpj'ils  avaient  fait.  Les  é'vè- 
qnes  vo\daient  dissimuler  leur  désavantage, 
lu  lis  Ciilljsie  dit  :  "  Nous  sommes  vaincus, 


seigneur  ;  cet  nomme  est  fort  en  raisons  et 
méprise  la  mort.»  L'empereur,  outré  déco- 
lère, écrivit  aussitôt  une  sentence  pour  en- 
voyer-le  saint  honnne  en  exil  dans  l'île  de 
Proconèse  près  de  rHellesj)ont. 

Pendant  dix-sept  jours  ((ue  saint  Etienne 
demeura  à  Chryso|)olis,  il  ne  prit  point  de 
nourriture,,  qubiiiue  l'empereur  lui  en  eût 
envoyé  abondamment.  Mais   il   la   renvoya 
comme  il  avait  fait  auparavant,  ne  voulant 
rien  recevoir  d'ini  excommunié.  Avant   que 
de  partir,  il  guérit  le  supérieur  du  monas- 
tère, abandonné  des  médecins.  Etant  arrivé 
à  Proconèse,  il   se   logea  dans  une  caverne 
agréable,   ([u'il  trouva  dans  un  lieu  désert 
sur  la  mer,  près  d'une  église  de  sainte  Anne 
et  se   nourrissait  des   herbes   qu'il  rencon- 
trait. Ses  disci])les,  chassés  du  mont  Saint- 
Auxence,  ayant  ap[)ris  le  lieu  de  son  exil, 
vinrent  à  Proconèse  se  rassembler  autour  du 
lui,  à  l'exception  de  deux  qui  apostasièrent, 
savoir,  Sergius  le  calouniiateur  du  saint,   et 
Etienne,  qui,  après  avoir  été  chapelain  du 
patrice  Calliste,  avait  reçu  l'habit  monasti- 
que des  mains  de  saint  Etienne  qui  l'avait 
établi  prêtre  du  monastère.  L'empereur  le 
fit  chapelain  du  [)alais  de  Sophie,  et  ils  pri- 
rent l'un  et  l'autre  l'habit  séculier.  Tous  les 
autres  disciples  de  saint  Etienne,  s'étant  re- 
mis sous  sa  conduite,  firent  un  nouveau  monas- 
tère à  Proconèse.  Sa  mère  môme  et  sa  sœur 
quittèrent  le  monastère  des  Trichinaires,  où 
elles  étaient  établies,  et  vinrent  le  trouver 
dans  cette  île.  Pour  lui,  il  Ut  faire  une  jtetite 
cage  en  forme  de  colonne  où  il   s'enferma 
pour  continuer  ses  austérités,  la  quarante- 
neuvième  année  de  son  âge,  c'est-à-dire  l'an 
763  ,  car  il  était  né  la  première   année  du 
pontificat  de  saint  Germain  de  Constantino- 
ple  qui  fut  l'an  715. 

La  même  année  763 ,  vingt-troisième  du 
règne  de  Constantin,  Côme  surnommé  Co- 
namite,  évêque  d'E[)iphanie  en  Syrie  ,  fut 
accusé  par  les  citoyens  devant  Théodore, 
patriarche  d'Antioche,  d'avoir  dissipé  les  va- 
ses sacrés;  et  ne  pouvant  les  représenter,  il 
renonça  à  la  foi  catholique  et  embrassa  l'hé- 
résie (les  iconoclastes,  il  fui  condamné  d'un 
comnmn  consentement  par  les  trois  patriar- 
ches Théodore  d'Antiocne,  Tliéodor*-  de  Jé- 
rusalem ,  Côme  d'Alexandrie  avec  les  évo- 
ques de  leur  dépendance,  et  le  jour  de  la 
Pentecôte  ils  ranatiK'matisèrent  chacun  chez 
eux  après  la  lecluic  de  l'Evangile.  Vers  le 
mêm»;  temps  ,  reni|)ereur  Constantin  de- 
manda au  |)atriarch(!  de  ('onslanlinoph!  quel 
mal  y  aurait-il  de  dire  :  Mère  de  Christ,  au 
lieu  de  Mère  de  Dieu?  Le  patriarche  répon- 
dit en  l'cMubrassant  :  «  Ayez  |)itié  de  nous, 
seigneur.  Dieu  vous  garde  d'une  lel|e  piMi- 
sé(î  1  ne  voyez-vous  |)as  comme  Neslorius  est 
analhématisé  i)ar  toute;  l'Eglise?  —  Je  le 
demandais  |)our  m'inslruirc;,  reprit  l'empe- 
reur; (pu!  ce  discours  reste  entre  vous  et 
moi.  »  lin  jour,  tenant  une  bourse  pleine 
ti'or,  il  demanda  à  ceux  ipii  étaieni  |>résenls 
ce  (pi'elle  valait.  «  LMe  vaut  beaucouj» ,  » 
dirent-ils.  lui  ayant  ôté  l'or,  il  Irur  litiMieore 
la  mémo  question  :  ils  répondirent  qu'elle 


1 


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lie  valait  plus  rien,  «lien  est  do  môino,  dil- 
il,  (le  la  Mère  de  Dieu;  tant  qiio  Jrsiis-Christ 
était  dans  son  sein  ,  elle  valait  beaucoup; 
flfU'ès  qu'il  en  l'ut  sorti,  elle  était  connue  les 
autres. 

Dans  son  e\il,  saint  Ktienne  faisait  beau- 
coup de  iniracïk's.  UetifcinK'  dans  sa  cage,  il 
recevait  tous  ceux  (pii  venaient  le  voir  pour 
invo(pu'r  ses  j)riùres,  pour  lui  demander  des 
conseils.  11  guérit  un  aveugle  en  lui  taisant 
cette  (uit>slion  :  «  Adorez-vous  l'image  de 
Jésus-Christ,  de  sa  niôre  et  des  saints? 
Croyez-vous  en  Dieu,  (pii  gutiril  même  par 
les  images,  counne  il  arriva  à  la  conversion 
de  sainte  Marie  rKgy|)tienne?  — Je  crois,  dit 
J'aveugle,  et  j'adore.  —  Au  nom  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ,  en  qui  tu  crois,  et 
puis(pie  tn  adores  son  image,  regarde  le  soleil 
sans  empêchement.  »  Aussitôt  ses  yeux  fu- 
rent ouverts,  et  il  s'en  alla  louant  Dieu.  II 
lit  encore  plnsieurs  autres  miracles  remar- 
quables (jiie  nous  ne  citons  [)as  ici,  mais  dont 
on  |)eut  lire  le  détail  dans  la  vie  du  saint. 

L'empereur  tît  ramener  saint  Etienne  à 
Constantinople,  et  le  lit  mettre  en  prison  avec 
les  fers  aux  pieds  et  aux  mains.  Quelques 
jours  après  il  l'interrogea  sur  la  terrasse  du 
phare,  en  présence  de  deux  ofliciers.  En  y 
allant,  le  saint  s'était  fait  donner  une  pièce 
de  monnaie  à  l'efQgie  de  l'empereur.  Celui- 
ci,  après  lavoir  accablé  de  reproches,  lui 
demanda  pourquoi,  et  de  quel  droit  il  le 
traitait  d'iiérétique.  «  Parce  que,  lui  dit  le 
saint,  vous  avez  fait  ôler  des  églises  les  ima- 
ges qu'adoraient  nos  ancêtres,  et  que  nous 
adorions  nous-mêmes.  —  Vos  images  sont 
des  idoles,  lui  dit  l'empereur.  —  Seigneur, 
repartit  Etienne,  les  chrétiens  n'ont  jamais 
ordonné  d'adorer  la  matière  dans  les  images. 
Notie  adoration  remonte  de  l'image  à  ce 
qu'elle  représente.  —  Esprit  bouché,  dit 
l'empereur,  est-ce  qu'en  foulant  aux  pieds  les 
images  nous  foulons  aux  pieds  Jésus  - 
Ctu'ist?  »  Alors  Etienne,  montrant  la  pièce  de 
monnaie  qu'il  avait  apportée,  dit  à  l'empereur  : 
«  De  qui  est  cette  image?  —  De  l'empereur,  » 
répondit  celui-ci.  Le  saint  la  jeta  à  terre  et 
marcha  dessus.  Alors  les  assistants  se  préci- 
pitèrent sur  lui  pour  le  punir  d'un  tel  crime; 
mais  l'empereur  les  arrêta,  et  le  lit  conduire 
garrotté  dans  la  maison  publique  dite  le  pré- 
toire, pour  y  être  jugé  suivant  la  rigueur  des 
lois  pour  avoir  foulé  aux  pieds  l'image  de 
l'empereur.  C'était  cette  bizarre  contradic- 
tion que  le  saint  avait  voulu  faire  ressortir. 

Peu  après,  l'empereur  fit  mourir  plusieurs 
ofhciers  et  soldats  accusés  d'avoir  honoré  les 
images.  Il  obhgea  le  patriarche  Constantin  à 
jurer  sur  la  croix  qu'il  ne  leur  rendrait  au- 
cun culte.  Voulant  rendre  l'habit  de  moine 
méprisable,  il  réunit  tout  ce  qui  restait  de 
mornes  dans  Constantinople  et  dans  les  en- 
virons, et  les  tit  passer  dans  l'amphithéâtre, 
tenant  chacun  une  femme  par  la  main.  Durant 
qu'ils  défilaient,  le  peuple  crachait  sur  eux. 
Le  19  mars  766,  il  tit  conduire  dans  l'Hippo- 
drome dix-neuf  officiers  des  plus  considé- 
rables, et  en  flt  mourir  plusieurs  qui  avaient 
commis  le  crime  d'aller  voir  Etienae  et  de 

DlCTlONN.    DES   PeRSÉCUTIÙ.NS.    I. 


rendre  hommage  5  ses  souffrancos.  L'histoire 
en  nonuiie  huit.  Conslanliii,  pntrice,  con- 
IrùIcMM- général  des  postes;  .Siralégius  ,  pa- 
trice,  doiuesli(pie  des  capii.iincs  des  gardes; 
Antiochus,  gouverneurde  Sirislc;  David,  s[)a- 
taire,  c'est-;\-dire  écuyer  d(;  l'obséfpiiuno 
(corps  de  troupes);  Théophylacte ,  picmier 
écuyer  et  gouverneui'  de  Thrace;  (^hiislolle, 
écuyer;  (lonslanlin,  j)remiei'  écuyer  de  l'em- 
pereur; Théophylacle,  garde  du  corps.  H 
envoya  les  deux  frères  Stratégius  et  Constan- 
tin en  exil,  où,  tous  les  ans,  il  h.'ur  faisait 
domier  cent  coups  de  nerf  de  bœuf.  Quelque 
temps  après  il  envoya  en  exil  le  patriarche 
Constantin.  11  fif  enlever  tout  ce  qu'il  jiut 
d'images  et  de  reli(|ues  des  saints  pour  les 
détruire.  Il  fit  notammeut  jeter  dans  la  mer 
la  cliAsse  de  sainte  Euphémie;  mais  cette 
précieuse  relique  fut  conservée  miraculeuse- 
ment et  retrouvée  dans  l'île  de  Leninos.  Il 
lit  de  l'église  de  Chalcédoine  un  atelier  à 
forger  les  armes  de  guerre.  Les  ouvriers  fai- 
saient leurs  ordures  dans  le  sanctuaire. 
Etienne  était  toujours  dans  sa  prison  à  Cons- 
tantino(>le.  En  y  entrant,  il  prédit  que  ce  se- 
rait sa  dernière  demeure;  il  s'y  trouva  avec 
trois  cent  quarante-deux  moines.  Aux  uns 
on  avait  coupé  le  nez,  aux  autres  crevé  les 
yeux  ou  coupé  les  mains,  parce  qu'ils  n'a- 
vaient pas  voulu  souscrire  contre  les  saintes 
images.  11  y  fut  assisté  par  la  fennne  d'un  des 
guichetiers,  catholique,  qui,  tous  les  jours, 
lui  apportait  du  pain  et  de  l'eau  ;  ce  fut  sa 
nourriture  onze  mois  durant. 

Un  jour,  comme  il  était  assis  avec  les  au- 
tres moines,  on  vint  à  parler  des  cruautés 
exercées  ]iendant  cette  persécution,  et  An- 
toine de  Crète  raconta  le  martyre  de  l'abbé 
Paul  en  ces  termes  :  «  11  fut  pris  par  le  gou- 
verneur de  File,  Théophane,  surnommé  Lar- 
dotyre,  qui  avait  fait  mettre  à  terie,  d'un 
côté,  l'image  de  Jésus-Christ  en  croix,  de 
l'autre  ,  l'instrument  de  supplice  que  l'on 
nomme  catapelte.  »  Alors  il  lui  uit  :  «  Paul, 
tu  as  à  choisir  des  deux,  ou  de  marcher  sur 
l'image,  ou  d'aller  au  supplice.  »  Paul  ré- 
pondit :  «  A  Dieu  ne  plaise,  Seigneur  Jésus, 
que  je  marche  sur  votre  image,  »  et,  se  pen- 
chant à  terre,  il  l'adora.  Le  gouverneur,  en 
colère,  le  fit  dépouiller  et  étendre  sur  la  ca- 
tapelte, où  les  bourreaux  1  ayant  serré  entre 
les  deux  ais,  depuis  le  cou  jusqu'aux  talons, 
et  attaché  par  tous  les  membres  avec  des 
clous  de  fer,  le  pendirent  la  tête  en  bas,  et 
allumèrent  autour  un  grand  feu  dont  il  fut 
consumé.  » 

A  ce  récit ,  tous  les  Pères  fondaient  en 
larmes  ;  mais,  à  peine  Antoine  eut-il  fini,  que 
le  vieillard  ïhéostéricte,  prêtre  du  monas- 
tère de  Péiicite,  qui  avait  le  nez  coupé  et  la 
barbe  brûlée  avec  la  poix  et  le  naphte,  s'a- 
vança, et  dit  :  «  On  ne  peut  rapporter,  sans 
gémir,  la  cruauté  du  gouverneur  d'Asie,  que 
l'on  nomme  Lachanodracon.  »  Saint  Etienne 
lui  dit  :  «  Parlez,  mon  père,  vous  nous  en- 
couragerez si  Dieu  veut  que  nous  soulfrions 
aussi.  )>  ïhéostéricte  refîrit  ainsi  :  «  Le  soir 
du  jeudi  saint,  comme  on  célébrait  les  divins 
mystèies,  ce  gouverneur  entra,  par  i'ordro  do 

S9 


12-27 


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l'emporenr,  nvoc  une  multitude  de  soldats, 
fil  cesser  l'ofiice ,  prit  tronle-huit  moines 
choisis,  qu'ii  attacha  à  des  pièces  de  bois  par 
le  cou  et  par  les  mains.  (Juant  aux  autres,  il 
en  ht  déchirer  «^  coups  de  Ibuel,  il  en  tit 
briller,  il  en  renvoya  après  leur  avoir  fai^ 
poisser  la  barbe  et  couper  le  nez,  dont  je  suis 
da  nombre.  Non  content  de  cela,  il  brilla  le 
nio-iastère  depuis  l'écurie  jusqu'aux,  églises, 
réduisant  tout  en  cendres.  11  ennnena  les 
trente-huit  qu'il  avait  ()ris,  les  enferma  dans 
la  voùre  d'un  vieux  bain,  près  dEphèse,  dont 
il  boucha  l'entrée;  i»uis  il  lit  miner  la  mon- 
tagne alt(Miante  qui  les  enterra.  » 

Les  moines  prièrent  ensuite  saint  Etienne 
de  leur  dire  à  son  tour  (pielijues  {>aroles  de 
consolation.  11  leur  proposa  pour  exemple 
Pierre  le  Reclus,  do  Baquernes,  qui  exjtira 
sous  les  coups  de  nerf  de  bœuf  en  pré- 
sence de  rem[)ereur,  et  Jean,  abbé  du  mo- 
nastère de  Monagrie,  que  l'empereur  lit  en- 
fermer dans  un  sac  et  jeter  au  fond  de  la  mer 
avec  une  grosse  pierre  ,  pour  n'avoir  pas 
voulu  fouler  aux  pieds  l'image  de  Jésus-Christ 
et  de  sa  mère. 

Saint  Etienne,  sachant  le  temps  de  sa  mort, 
api)ela  la  femme  qui  le  nourrissait,  et  lui 
dit  :  «  Je  veux  passer  ces  quarante  jours  en 
retraite  et  en  prières  dans  l'abstinence.  Ces- 
sez donc  de  m'apporter  du  pain  et  de  l'eau, 
car  je  sais  que  ma  vie  finira  bientôt.  »  Pen- 
dant ce  temps,  il  ne  cessa  d'animer  les  moines 
prisonniers  à  ne  poi-it  se  décourager  dans 
la  persécution;  en  sorte  que  quelques  ))er- 
sonnes  pieuses  de  la  ville  se  couvraient  de 
haillons  pour  entrer  dans  la  prison,  et  rece- 
voir sa  bénédiction  et  ses  instructions.  Le 
trente-huitième  jour  au  matin,  après  la 
prière  de  prime,  il  appela  la  femme  qui  l'a- 
vait servi,  et  lui  dit  eu  présence  des  moines  : 
«  Venez,  femme  bénite,  Dieu  vous  rende  au 
centuple  le  bien  que  vous  m'avez  fait;  re- 
prenez vos  images,  qu'elles  vous  servent  do 
protection  pendant  votre  vie  et  de  gage  de 
votre  foi.  Puis  il  dit  avec  un  grand  soupir  : 
Demain  je  partirai  d'ici  pour  aller  à  un  autre 
inonde  et  un  autre  juge.»  La  femme,  pénétrée 
de  douleur,  prit  ses  images,  et  les  emporta 
envelop()ées  dans  un  mouchoir,  de  peur  des 
iconoclastes. 

Cependant  l'empereur  Constantin  célébrait 
la  fête  ()aïenne  des  Brumales  en  l'honneur 
de  Bacchus,  nommé  par  les  anciens  Romains 
Brumus;  et  celte  fêle  se  faisait  le  "-Ik  novem- 
bre. L'empereur,  assis  dans  unegaleiie  avec 
ses  courtisans, jouait  de  la  lyre  et  faisait  des 
lib.tlions  profanes.  Qnehnrun  lui  vint  dire 
qu(;  le  clief  des  aboininahlcs,  Etienne  d'Au- 
xence,  avait  changé  le  prétoire  on  monastère, 
où  l'on  passait  lesy  nuits  en  psalmodie.  Et 
tous  les  hal)itanlsdetonstautinople,  ajoule- 
t-il,  courent  à  lui  j)Our  ajiprendre  <i  idolAtrer. 
L'empereur,  outre  de  colère,  ap|)ela  un  offi- 
cier do  ses  gardes,  et  lui  coriMiianda  il'em- 
incrier  le  saint  hors  de  la  vili(;,  de  l'aiitro 
cùté  de  la  m(fr,  uu  lieu  où  avait  élé  l'i'sgliso 
de  sainte  .Maure,  martyre,  (pj'il  avait  abattue 
et  changée  en  une  place  [)Our  h'S  exécutions 
à  mort.  11  y  Jnvo(iuait  aussi  les  démons,  et 


leur  immola  le  fils  d'un  nommé  Saflamius. 
Aussitôt  il  ordonna  que  Ton  fît  dans  la  ville 
des  recherches  exactes  contre  ceux  qui 
avaient  u  i  moine  pour  parent,  ami  ou  voi- 
sin, ou  (pii  portaient  seulement  un  habit 
noir.  On  1rs  envoyait  en  exil  après  les  avoir 
déchirés  de  cou|is.  Les  ennemis  avaient  le 
plaisir  de  dénoncer  qui  ils  voulaient;  les  es- 
claves accusaient  leurs  maîtres  ;  Constanti- 
noph'  était  tout  on  pU'urs. 

Tandis  que  l'on  menait  saint  Etienne  au 
lieu  de  l'exécution,  l'empereur  sortit  du  pa- 
lais et  vint  à  la  ])lace  i)ubli(]ue  où  était  un 
bûlimiMit  noin!né  le  Mille.  On  y  avait  autre- 
fois peint  les  six  conciles  œ(uniéni([ues  pour 
rinsiruction  du  i)euple,  mais  il  les  lit  etfacer 
et  [)eindre  à  la  place  des  courses  de  chevaux. 
En  ce  lieu  donc,  comme  tout  le,  monde  le  fé- 
licitait, il  dit  :  «  Mon  Ame  est  sans  consola- 
tion, à  cause  de  ces  abominables.  »  Un  de  ses 
courtisans  s'écria  :  «  Et  quelle  trace  en  reste- 
t-il,  Seigneur,  soit  à  Conslantinoj)le,  soit 
dans  les  aiiires  pays?  Ne  sont-ils  [las  tous 
détruits?  Voilà  que  je  viens  encore  aujour- 
d'hui de  rencontrer  l'ennemi  de  la  venté, 
Etienne  d'Auxence,  que  l'on  menait  pour  être 
puni  par  le  glaive.  »  L'empereur  lui  dit  :  «  Et 
qu'y  a-t-il  pour  Etienne  de  |)lus  doux  que 
d'avoir  la  tète  coupée?  Je  suis  persuadé  qu'il 
l'a  désiré  dès  qu'il  a  été  arrêté  ;  il  lui  faut 
une  mort  plus  difficile.  »  Aussitôt  il  com- 
manda que  l'on  remît  Etienne  en  prison.  Le 
soir,  il  appela  deux  frères  constitués  en  di- 
gnité, si  bien  faits  de  corps  et  d'esprit,  que 
de[)uis  il  les  fit  mourir  par  jalousie  ;  les  ayant 
donc  fait  venir  pendant  son  soujier,  il  leur 
dit  :  «  Allez  au  prétoire,  et  dites  de  ma  part 
è  Etienne  d'Auxence  :  Vous  voyez  combien 
j'ai  soin  de  vous  ;  je  vous  ai  tiré  des  portes 
de  la  mort.  Au  moins,  en  cette  extrémité, 
ayez  de  la  complaisance  pour  moi.  Je  sais, 
ajouta-t-il,  sa  dureté  ;  il  me  dira  des  injures. 
Alors,  donnez-lui  tant  de  coujis  sur  le  visage 
et  sur  le  dos,  qu'il  expire  quand  vous  sor- 
tirez. »  Les  deux  frères  étant  arrivés  au  pré- 
toire, dirent  bien  au  saint  honime  ce  (jue 
l'empereur  leur  avait  ordonné  de  dire  ;  mais, 
voyant  qu'il  n'en  était  que  plus  ferme  dans 
la  foi,  ils  lui  baisèrent  les  pieds  et  reçurent 
sa  bénédiction.  Etant  de  retour,  ils  dirent  à 
l'empereur  :  «  Comme  nous  l'avons  trouvé 
opiiiiAtre,  nous  l'avons  déchiré  de  coups.  Il 
est  étendu  sans  voix,  et  nous  vous  assurons 
qu'il  ne  vivra  pas  jusqu'à  demain.  »  I/em[)e- 
reur  fit  un  grand  éclat  de  rire  et  continua 
son  festin,  j 

Le  matin,  saint  Etienne  djt  adieu  aux  1 
moines,  se  recommandant  à  leurs  prièies,  et 
se  lit  ôtei'  le  scapiilaiie,  l'écharpe  et  la  cein- 
ture. 11  voulait  qiiitliM'  aussi  la  cueillie,  mais 
ils  lui  dirent  (piil  devait  mourir  avec  l'habit 
monasti(iii(î.  Il  i'é|)oiidit  :  «  (hi  se  dépouille 
pour  coinbaltre,  el  il  n'est  pas  juste  iiue  CQ 
saint  habit  soit  (h'-shonoré  par  le  peuple  in 
sohnit.  »  Il  ne  garda  donc  (iiie  la  lunupie  do 
peau,  el,  assis  avec;  eux,  il  lis  entn  limait  de 
niélé.  L'empereur  ayant  appris  ipie  les  deux 
irèrcs  l'avauml  linnipé,  se  leva  sur  les  huit 
heures,  un  courant  uu  vusiibulo  du  palais« 


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criant  :  «  A  l'nido!  tout  je  mondo  m'nban- 
donno  !  0'»''ii-j»'  ^  f'»''"^'  '^•'^  ahomiiiablos  !  » 
Et  coiniiic  SCS  courtisans  vcnaitMit  pour 
manger  avec  lui,  et  contiiHier  la  lèlc,  il  leur 
dit  :  «  Je  ne  suis  plus  voire  eiupeiein-,  vous 
on  ave/,  un  autre  dont  vous  haise/  les  |)ie.ls, 
et  dont  vous  deniaudez  la  bénéd  «lion.  IVr- 
sonru'  ne  prend  mou  parti  pour  le  l'aire  mou- 
rir et  me  niellie  l'cspiil  en  i-e[)os.  »  Couuuo 
ils  lui  demandai(M!t  cpii  élail  doiu'  cet  autre; 
ornpereiu',  il  leur  dit  :  «  (Test  Klieiuie  d'Au- 
lonce,  lo  chef  des  ahomiualjles.  »  A  ijcine 
l'eut-il  nonun('^  tpic  celle  troupe  sortit  en  l'u- 
reur,  faisant  un  bruit  ellVoyable,  et  courut  h 
la  prison,  où  ils  crièrent  aux  j^ardes  :  «  Don- 
nez-nous liiienne  d'Auxeme.  »  Il  s'avança 
hardiment,  et  leur  dit  :  «  Je  suis  celui  que 
vous  cherchez.  »  Aussitôt  ils  le  jelrrent  |)ar 
terre,  .dlachèrent  des  cordes  aux  l'ers  cpi'il 
avait  aux  |)ieds,  et  le  traînèrent  dans  la  rue, 
le  lVa[)pant  sur  la  tète  et  par  tout  le  corps,  à 
coups  de  pieds,  do  [lierres  et  de  bftons.  Kn 
sortant  de  la  première  porto  du  prétoire, 
comme  il  rencontra  l'oratoire  do  saint  Théo- 
dore, il  s'appuya  des  mains  contre  la  terre, 
et,  levant  un  peu  la  tète,  tourna  les  yeux  vers 
le  ciel  pour  dire  au  saint  martyr  le  diM-nier 
adieu.  Un  des  persécuteurs,  nomme  Philo- 
mate, dit  :  «  Voyez  cet  abominable  qui  veut 
mourir  comme  un  martyr.  »  11  courut  à  des 
pompes  qui  étaient  là  pour  remédier  aux  in- 
cendies, et,  tirant  un  grand  piston  de  bois,  il 
*  en  frappa  le  saint  sur  la  tète  et  le  tua  sur- 
le-champ..  Philomate  tomba  aussitôt,  grinçant 
des  dents  et  agité  du  démon,  qui  le  tour- 
menta jusqu'à  la  mort. 

On  continua  de  traîner  le  corps  de  saint 
Etienne,  en  sorte  que  ses  doigts  tombaient, 
ses  cotes  se  brisaient,  son  sang  arrosait  le 
pavé.  On  lui  jeia  contre  le  ventre  une  grosse 
pierre  qui  l'ouvrit  en  deux;  ses  intestins 
sortirent  et  traînaient  à  terre.  On  le  frappait, 
tout  mort  qu'il  était  ;  les  femmes  mêmes 
s'en  mêlaient,  et  les  enfants  que  l'on  faisait 
sortir  des  écoles,  par  ordre  (ie  l'empereur, 
pour  courir  après  avec  des  [)ierres.  Si  quel- 
qu'un rencontrant  ce  cori)s  n'en  faisaîl  au- 
tant, il  était  accusé  comme  ennemi  de  l'em- 
peieur.  Ceux  qui  le  traînaient,  étant  arrivés 
à  la  place  du  Bieuf,  un  cabarelier  qui  faisait 
frire  du  poisson,  croyant  le  saint  encore  vi- 
vant, lui  donna  un  grand  coup  de  tison,  dont 
il  lui  cassa  le  derrière  de  la  tête,  et  la  cer- 
velle se  répandit.  Mais  un  homme  vertueux, 
nommé  Théodore,  qui  suivait,  faisant  sem- 
blant de  tomber,  ramassa  la  cervelle,  l'en- 
veloppa dans  son  mouchoir,  et  continua  de 
suivre  pour  voir  où  l'on  jetterait  le  corps. 
Le  peuple  qui  le  traînait  étant  arrivé  au 
monastère  où  était  la  sœur  du  saint,  voulait 
l'eu  faire  sortir  et  l'obliger  à  le  lapider  de 
ses  propres  mains  ;  mais  elle  s'était  enfer- 
mée dans  un  sépulcre  obscur,  et  ils  ne  j)u- 
rent  la  trouver.  Enlin  ils  jetèrent  le  corps 
dans  la  fosse  où  avait  été  l'église  do  saint 
Pelage  martyr,  dont  l'empereur  lit  la  sépul- 
ture des  criminels  et  des  païens.  Us  allèrent 
lui  raconter  leur  bel  exploit  ;  il  les  reçut 
avec  joie;  s'étant  mis  à  table  avec  eux,  il 


éclatait  do  rire  au  récit  des  circonstances 
do  cette  mort.  Kilo  arriva  le  28  novembre, 
jour  au(piel  l'Eglise  honore  la  mémoire  do 
saint  Ktienne  le  Jeune,  car  on  le  n(»mnie 
ainsi  pour  le  distinguer  du  preuder  niartvr. 
t;'(''tait  l'an  7()7,  et  il  était  dans  sa  cin- 
quante-troisième année.  Théodore,  qui 
avait  ramassé  une  partie  do  son  crAne  et  de 
sa  cervelle,  poi'ta  celte  l'oliquo  au  monastèrfi 
d(!  Dius,  dont  l'abbé  l/i  serra  secrètement 
dans  le  sanctuaire  d(!  l'Eglise.  Mais  quel- 
que temps  après,  Théodore  fut  accusé  près 
do  l'empereur  conuiK!  adoi-aieur  des  images, 
et  envoyé  en  exil  on  Sicile  avec  sa  femme 
et  ses  enfants. 

En  celte  mémo  année  707,  le  G  octobre, 
rempereur  lit  revenir  à  Coislantinoplo 
Constantin,  patriarche  de  Constanlinoplo  ;  il 
lo  lit  (iégrader,  et  ensuite  mettre  à  mort, 
après  l'avoir  fait  en  qucl(]ue  sorte  aposta- 
sier  :  car,  après  lui  avoir  fait  subir  un  trai- 
tement ignominieux,  il  lui  Ut  demander  ce 
qu'il  pensait  de  sa  foi  et  du  concile  qu'il 
avait  assemblé.  Le  malheureux  Constantin, 
croyant  apaiser  l'empereur,  répondit  :  «  Je 
trouve  votie  foi  bonne  ,  et  vous  avez  bien 
fait  de  tenir  ce  concile.  —  Voilà,  lui  dirent 
les  patrices,  ce  que  nous  voulions  entendre 
do  ta  bouche  im|)ure.  Va  maintenant  aux 
ténèbres  de  l'analhème.  »  Ensuite  on  le 
condamna  à  mort,  et  la  sentence  fut  exé- 
cutée. Après  cela  l'empereur  ne  se  contint 
l)lus  :  il  ()ersécuta  violemment  les  catholi- 
ques. 11  lit  horriblement  traiter  Pierre  Sty- 
lite,  A  quelques-uns  il  fit  crever  les  yeux, 
il  en  fit  enfermer  d'autres  dans  des  sacs, 
puis  les  fit  jeter  à  la  mer.  A  Constantinople, 
il  exerça  lui-même  de  grandes  cruautés. 
Antoine,  patrice  et  domestique,  Pierre, 
maître  dos  offices,  l'y  secondaient  selon  ses 
vœux  cruels  et  sanguinaires.  En  Natolie, 
Michel  Melissine;  en  Thrace ,  Michel  La- 
chanodracon,  et  Manès,  chef  des  buccel- 
lariens  ,  se  prêtaient  aussi  aux  mêmes 
cruautés. 

Quelque  temps  après,  en  769,  le  concile 
de  Rome,  assemblé  par  les  soins  du  pape 
Etienne  III,  traita  de  la  vénération  des  ima- 
ges. On  décida  qu'elles  seraient  honorées 
comme  elles  l'avaient  été  toujours;  on  lança 
l'anathème  cmtro  le  concile  tenu  en  Grèce 
depuis  quelque  temps.  En  Orient  la  persé- 
cution continuait  toujours. 

En  770,  la  trentième  année  de  l'empereur 
Constantin,  Michel,  gouverneur  de  Natolie, 
assembla  tous  les  moines  et  les  religieuses 
de  Thrace ,  et  les  ayant  menés  dans  une 
plaine,  et  dit  que  tous  ceux  qui  voudront 
obéir  à  l'empereur  prennent  une  femme  et 
s'habillent  de  blanc;  tous  ceux  qui  ne  le 
feront  pas  auront  les  yeux  crevés,  et  seront 
en  cet  état  exilés  dans  l'île  de  Chypre.  Beau- 
coup subirent  cet  affreux  traitement,  et  fu- 
rent regardes  comme  martyrs;  d'autres 
apostasièrent.  L'année  suivante,  ce  même 
gouverneur  fit  vendre  tous  les  monastères 
et  tous  les  biens  qu'ils  possédaient;  il  fit 
saisir  et  brûler  tout  ce  qu'il  put  des  reliques 
des  saints,  et  punit  tous  ceux  qui  en  furent 


1251  ICO 

trouvés  porteurs.  A  quelques-uns  il  fit  en- 
duire la  baibe  de  cu-e  et  de  poix  fondue, 
ensuite  il  y  faisait  meltre  le  feu.  Il  ne  laissa 
pas  dans  son  gouvenienitMit  une  seule  per- 
sonne po:taut  l'i  abit  monastique.  L'empe- 
reur lui  écrivit  des  lettres  de  remerciement, 
ce  qui  engajiea  les  autres  gouverneurs  a  agir 
comme  lui.  Constantin  ne  survécut  pas  long- 
temps ;  étant  allé  faire  la  guerre  aux  Bul- 
gares, il  fut  atteint  de  charbons  aux  jambes 
(probablement  de  plaies  variqueuses).  Il 
voulut  rcvt'uir  à  Constanlinoj)le,  et  s'em- 
barqua à  Sélimbne,  mais  il  mourut  en  mer, 
le  li  septembre  775.  Son  lils  Léon  lui  suc- 
céda :  d'abord  ce  prince  se  montra  plein  de 
piété  pour  la  sainte  Vierge,  et  favorable  aux 
moines.  Il  clioisit  des  abbés  pour  les  mettre 
en  dilférents  sièges,  comme  métropolitains. 
Mais  vers  la  tin  de  son  règne,  il  lit  paraître 
son  aversion  pour  les  injages,  qu'il  avait 
dissimulée  jusque-là.  AyaiU  tro  iré  deux 
imag^'ssous  le  clievet  de  l'impératrice  Irène, 
sa  femme,  il  lui  en  fit  de  grands  reî)roches, 
et  lui  dit  :  «  Est-ce  ainsi  que  vous  gardez  le 
serment  que  vous  avez  fait  à  l'empereur 
mon  père,  sur  les  m  ystèr.  s  les  jlus  terri- 
bles?» Quoiqu'elle  assurât  qu'elle  n'avait 
pas  vu  ces  images,  il  s'éloigna  d'elle,  et  n'eut 
plus  avec  elle  aucune  espèce  de  commerce 
a  partir  de  ce  jour.  11  s'enquit  d'où  venaient 
ces  images,  et  ayant  appris  (qu'elles  avaient 
été  ai)iiOrtées  i)ar  le  concierge  du  palais,  il 
le  tu  arrêter  avec  Jac([ues,  premier  écuyer, 
Tliéopbane,  Léon  et  Thomas,  chambellans, 
et  quelques  autres  qui  honoraient  \es  ima- 
ges. 11  les  tit  tondre,  fouetter  et  mettre  en 
prison.  Théoi)liane  y  mourut.  Tous  les  au- 
tres embrassèrent  l'état  monastique  après  la 
mort  de  l'empereur,  laquelle  arriva  quelque 
temps  après.  Son  lils  Constantin  lui  succéda. 
Il  n'avait  que  dix  ans.  Irène  prit  en  main  les 
rênes  du  gouvernemeni.  Counne  elle  était 
catlioli(]ue  ,  l'Eglise  put  enfin  respirer,  et 
sous  son  règne  on  put  reprendre  le  culte 
des  images. 

Ce  fut  sous  cette  impératrice,  qu'à  l'insti- 
gation (le  Taraise ,  nonnné  j)atriarche  de 
Constant  nople  à  la  place  de  Paul,  mort  en 
IHï,  on  assembla  un  concile  qui  commença 
sa  premièie  session  à  Coi.stanlinojile,  mais 
qui  ne  put  continuer  à  cause  des  violences 
des  soldats.  Irène  invita  les  évè(|ues  à  se  sé- 
parer, et  ayant  fait  sortir  delà  ville  ces  trou- 
pes séditieuses  sous  prétexte  de  les  envoyer 
combattre  les  Arabes,  les  fit  désarmer,  et 
asseunjla  de  nouveau  le  concile  à  Nicée. 
Plusieurs  évèques  y  fireiit  amende  honora- 
ble, et  dirent  (^u'i!s  rev(;naient  au  culte  des 
images.  La  sei)lième  session  fut  consacrée  à 
la  detinition  de  foi  du  oncile.  Elle  fut  lue  à 
haute  voix  par  Théodore,  évè(iue  de  Tau- 
jiann  en  Sicile,  en  ces  termes  : 

«  Ayant  employé  tout  h;  soin  et  l'exacti- 
tude possibles  ,  nous  décidons  (pie  les  sain- 
tes images,  srjit  de  couleur,  soit  de  pièces 
d«!  r.ipjiort  (^u  (h;  que'que  autre  manièr(3 
c<;nvriiabk',   seront  proposées  cnmme  la  li- 

f;ure  de  la  croix,  tant  dans  les  églises,  .sur 
et  vases  el  b-^  habits  sacrés,  sur  les  luu- 


ICO 


123-2 


railles  et  les  planches,  que  dans  les  maisons 
et  sur  les  chemins.  C'est  à  savoir  l'image  de 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  de  sa  sainte 
mère,  des  anges  et  de  tous  les  saints.  Car, 
l)lus  on  les  voit  souvent  dans  leurs  images, 
plus  ceux  qui  les  regardent  sont  excités  au 
souvenir  et  à  l'alfection  des  originaux.  On 
doit  rendre  à  ces  images  le  salut  et  l'adora- 
tion d'honneur,  non  la  véritable  latrie  que 
demande  notre  foi,  et  qui  ne  convient  qu'à 
la  nature  divine.  Alais  on  a|)iuocliera  de  ces 
images  l'eiuens  et  le  luminaire  comme  on 
en  use  à  l'égard  de  la  croix,  des  évangiles 
et  des  autres  choses  sacrées,  le  tout  suivant 
la  pieuse  coutume  des  anciens  ;  car  l'hon- 
neur de  l'image  passe  à  l'original,  et  celui 
qui  adore  l'image  adore  le  sujet  qu'elle  re- 
])résente.  Telle  est  la  doctrine  des  saints 
Pères  et  la  tradition  de  l'Eglise  catholique. 
Nous  suivons  ainsi  le  précepte  de  saint  Paul 
en  retenant  les  traditions  que  nous  avons 
reçues.  Ceux  donc  qui  osent  penser  ou  ensei.. 
gn'er  autrement,  qui  abolissent,  comme  les 
hérétiques,  les  traditions  de  l'Eglise,  qui  in- 
troduisent des  nouveautés,  quiotent  quelque 
chose  de  ce  que  l'on  conserve  dans  1  Eglise, 
l'Evangile,  la  croix,  les  images  ou  les  reliques 
des  saints,  qui  profanent  les  vases  sacrés  ou 
les  vénérables  monastères,  nous  ordonnons 
qu'ils  soient  déposés  s'ils  sont  évoques  ou 
clercs,  et  excommuniés  s'ils  sont  moines  ou 
laïques.  » 

Ce  décret  fut  souscrit  par  les  légats  et  par 
tous  les  évoques,  au  nombre  de  trois  cent 
cinq,  compris  quelques  prêtres  et  quelques 
diacres,  pour  les  évèques  absents.  Le  concile 
témoigna  encore  son  consentement  par  plu- 
sieurs acclamations,  à  la  fin  desquelles  il 
anathématisa  le  concile  de  Constantinopie 
contre  les  images  et  quelques  personnes  en 
particulier,  savoir  :  Théodose,  évêque  d'E- 
phèse,  Sisinnius,  surnommé  Pastillas,  Basile 
Tricacabe,  Anastase,  Constantin  et  Nicétas, 
patriarches  de  Constantinopie,  Théodore,  An- 
toine et  Jean  ;  Théodore  de  Syracuse,  sur- 
nommé Critin,  Jean  de  Nicomédie,  et  Cons- 
tantin de  ISacolie,  hérésiarques.  Au  contraire, 
on  cria  éternelle  mémoire  à  saint  Germain 
de  Constantinopie,  saint  Jean  Damascène  et 
saint  Georges  de  Chypre,  (pie  le  faux  concile 
avait  anathemalisés.Ensuite  on  éeri\ildeux 
lettres  au  nom  de  Taraise  et  de  tout  le  con- 
cile, l'une  à  l'empereur  et  à  sa  mère,  l'autre 
au  clergé  de  Constantinopie,  })our  les  ins- 
truire de  ce  qui  s'était  passé.  Dans  la  lettre 
à  l'empereur,  on  expliiiue  ainsi  le  mol  d'a- 
doration :  «  Adorer  et  saluer  sont  le  même 
en  grec  7;/5Ôo-»'.vv.ïv  et  àcrTràÇiorat.  Car,  dans 
l'ancien  grec,  xuvitv  signifie  saluer  ou  baiser, 
et  la  jxoposilion  -rcf^ôç  maniue  une  plus  forte 
alhiction.  N<his  trouvons  la  même  expression 
dans  l'Ecriture  sainte,  il  est  dit  (jue  David  se 
prosterna  sur  le  visage,  adoranl  (rois  fois  Jo- 
nathas,  et  le  baisa.  Saint  Paul  dit  que  Jacob 
adora  le  haut  du  sceplrc  de  Joseph.  Ainsi, 
saint  Grégoire  le  Tli('!ologieii  dit  :  Honorez 
Itéthléem  et  adorez  la  crèche.  Auisi  ,  (piaiid 
nous  saluons  les  croix,  nous  chantons  :  .^ous 
adorons  la  croix,  Sciijncur,  et  nous  adorons 


iSSS 


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1254 


la  lance  qui  a  percé  votre  côté;  ce  iiui,  manU  • 
foslopu'ut,  n'est  (iirun  salut,  comme  il  paraît, 
en  ce  (jne  nous  lus  touclions  de  nos  livres. 
One  si  l'on  trouve  souvent  l'atloralion  daus 
riùiitui-e  et  dans  les  Pères  |)our  le  culte  de 
lalri(>  en  esprit,  c'est  que  ce  mot  a  i)lusienrs 
sii^nitications  :  car  il  y  a  une  adoration  nuMéo 
d'honneur,  d'amour  et  do  crainte,  connno 
(|uand  nous  adorons  Votre  Majesté  (ils  par- 
lent à  l'empereur).  Il  y  en  a  une  de  crainlo 
seule,  connue  quand  )acob  adora  Esali.  il  y 
en  a  une  d'actions  de  ^r;\ces,  conime  (piand 
Abraham  adora  les  entants  d'Heth,  à  l'occa- 
sion do  la  sépulture  de  Sara.  C'est  pourquoi 
l'Ecriture,  voulant  nous  instruire,  dit  :  Ta 
adoreras  le  Sti(/neur,  ton  Dieu,  et  ne  serviras 
que  lui  seul.  Kllc  met  l'adoration  indélini- 
n)enî,  connue  un  terme  écpiivocjuc  ({ui  peut 
convenir  ^  d'autres;  mais  elle  restreint  ii  lui 


seul  le  service,  latreian,  que  nous  ne  rendons 
qu'à  lui  seul.  »  A  cette   lettr 
queltjues  [)assages  des  Pères. 


on  avait  joint 


L'Ej^lise  fut  tranquille,  du  côté  des  icono- 
clastes, jusqu'à  Léon  l'Arménien;  mais  ce 
prince,  qui  dans  les  premiers  temps  de  son 
règne  avait  semblé  être  catholique,  se  dé- 
clara dans  la  suite  contre  les  images,  disant 
à  ses  conrlisans  :  «  Pourquoi  pensez-vous 
que  les  chrétiens  soient  sous  la  domination 
des  inlidèles,  si  ce  n'est  parce  qu'ils  adorent 
les  images?  Tous  les  empereurs  qui  les  ont 
reçues  ont   été  ou  détrônés ,   ou    tués    en 
guerre;  au  contraire,  ceux  qui  ne  les  ont  pas 
adorées  sont  morts  dans  leur  palais,  de  mort 
naturelle,  et  enterrés  avec  honneur  dans  l'é- 
glise des  Apôtres.  Je  veux  les  imiter,  afm  de 
vivre  longtemps,  et  laisser  l'empire  à  mon 
fils  et  à  mes  descendanls ,  jusqu'à  la  qua- 
trième génération.  »  Il  s'adjoignit,  pour  l'ai- 
der dans  son  dessein,  deux  sénateurs,  Specta 
et  Eutychien,  plus  un  prêtre  nommé  Jean, 
qui  depuis  fut  très-célèbre  parmi  les  icono- 
clastes. Il  promit  à  ce  dernier  de  le  faire  pa- 
triarche, s'il  le  faisait  réussir  dans  son  en- 
treprise. En  vertu  d'un  ordre  de  l'empereur, 
Jean  feuilleta  avec  les  autres  les  livres  de 
toutes  les  bibliothèques  de  Constanlinople  , 
tant  des  églises  que  des  monastères.  Ils  en 
brûlèrent  un  grand  nombre.  Quand  l'empe  • 
reur  se  crut  assez  fort  pour  la  réussite  de 
son  dessein,  il  attaqua  ouvertement  le  pa- 
triarche Nicéphore.  Le  peuple  lui  dit  :  «  Il 
est  scandalisé  du  culte  des  images;  ne  vous 
obstinez  pas  dans  ces  choses  sans  impor- 
tance, ou  bien  montrez-moi  dans  l'Ecriture 
un  texte  précis  qui  dise  d'adorer  les  images. 
—  Nous  ne  pouvons  pas  toucher  aux  ancien 
nés  traditions,  lui  dit  le  patriarche.  Nous 
adorons  les  images  comme  la  croix  et  l'E- 
vangile. » 

Le  patriarche  ayant  su  qu'Antoine  de  Sy- 
lée  favorisait  l'entreprise  de  l'empereur,  le  fit 
mander  et  lui  en  tit  des  reproches.  Antoine 
nia  tout  et  remit  au  patriarche  une  déclara- 
tion par  laquelle  il  admettait  le  culte  des 
images  et  anathématisait  ceux  qui  n'y  sous- 
crivaient pas.  L'empereur  lui  en  ayant  ex- 
primé son  étonnement  :  «  Je  me  suis  mo- 
qué d'eux,  dit  Antoine,  pour  que  vous  exé- 


cutiez plus  facilement  ce  <|ue  vous  voulez 
faire.  »  Alors  Léon  l'ArMu'Miien  manda  tous 
les  évê(pies,  pensant  (pi'ils  l'aideraient  dans 
son  dessein.  Avant  leur  airivée  à  tlonstanti- 
nople,  il   les  lit  tous  arrêter,  de  peur  (pi'iis 
n'allassent,  suivant  la  couliinie,  descfiudro 
che/,  le  nati'iai'che.  On  laissait  <dl(M'  ceux  (jui 
étaient  lavorables  à  l'hérésie;  (piant  aux  au- 
ti'os,  on  les  tenait  au  cachot,  où  on  les  lais- 
sait sonll'rir  la  faim.   Nicé[)hor(!   re-loublait 
ses  prièr(îs.  H  assembla  tous  c(mi\.  (pi'il  put; 
et,  dans  cotte  assend)lée,  il  [)i'ononça  l'ana- 
thême  contre  Antoine,  (pii  avait  péché  non- 
seulement  comme  héréllipu! ,  niais  encorQ 
comme  menteur  et  [)révaricateur.  L'eu)[)e« 
reur,  l'ayant  su,  lit  mander  le  patriarche, 
avec  tous  ceux  (jui  composaient  cette  assem- 
blée. Quand  ils  furent  ai-rivés  au  palais,  il 
leur  dit  qu'ils  troublaient  la  paix  et  entrete- 
naient la  discorde.  «  Ce  n'est  pas  nous  qui 
faisons  cela,  dit  le  j)atriarche;  car  nous  som- 
mes d'accord  sur  ce  point  avec  toute  l'Eglise» 
Rome,  Antioche,  Alexandrie,  Jérusalem,  tio- 
noreht  les  images.  C'est  vous  qui  soutenez 
une    hérésie    condamnée.    Si    quelqu'un    n 
ébranlé  votre  foi,  nous  désirons  vous  éclai- 
rer; mais  nous  ne  pouvons  entrer  en  discus- 
sion, avec  des  hérétiques,  sur  des  points 
déjà  condamnés  et  anathématisés.  »  Ensuite 
il  traita  à  fond  cette  question  devant  l'empe- 
reur. L'entretien  avait  été  entre  lempereuc 
et  le  patriarche. 

Alors  on  fit  entrer  les  évoques,  les  ah'oés, 
puis  tous  ceux  qui  tenaient  au  parti  des  ico- 
noclastes et  qui  logeaient  dans  le  fialais  ;  on 
fit  venir  aussi  les  grands  de  la  cour,  les  ofi^i- 
ciers  et  tous  ceux  qui  occupaient  des  char- 
ges importantes  auprès  de  l'empereur.  Les 
officiers  entrèrent  l'épée  nue  à  la  main,  pour 
intimider  les  catholiques.  «  Dites-moi  si  ce 
qui  n'existe  pas  peut  tomber?  »  demanda  le 
patriarche.  On  se  regardait,  ne  sachant  pas 
ce  qu'il  voulait  dire.  Il  reprit  :  «  Les  images 
sont  tombées  sous  Léon  l'Isaurien  et  sous 
Constantin  :  donc  elles  existaient  aupara- 
vant. »  L'empereur  dit  :  «  Mes  Pères,  je  suis 
du  même  avis  que  vous.  »  Tirant  un  reli- 
quaire ,  il  l'embrassa,  «  Mais  puisque  la 
question  est  posée  devant  moi,  il  faut  bien 
que  je  la  fasse  examiner.  »  Les  calholiques, 
qui  voyaient  manifestement  la  mauvaise  in- 
tention ,  et  qui  du  reste  savaient  parfaite- 
ment que  les  choses  décidées  par  des  conci- 
les ne  pouvaient  pas  sans  cesse  être  remises 
en  question  ,  refusèrent  d'entrer  en  discus- 
sion avec  les  hérétiques.  Emilien  de  Gyzi  |ue 
dit  :  «  S'il  s'agit  d'une  aU'aire  ecclésiastique, 
qu'on  la  traite  dans  l'Eglise,  ainsi  que  c'est 
la  coutume.  —  Je  suis  enfant  de  l'Eglise,  dit 
l'empereur,  et  je  veux  vous  écouter  comme 
médiateur .  »  Michel  de  Synnade  lui  dit  : 
«  Si  vous  êtes  médiateur,  faites-le  voir.  Vous 
nourrissez,  logez  et  choyez  nos  adversaires; 
quant  à  nous,  nous  sommes  partout  malirai- 
tés  par  vos  ordres.  —  Parlez,  si  vous  avez 
des  preuves,  dit  l'empereur.  —  Nous  avons 
des  preuves,  dit  Théoi)liylacte  de  Nicomé- 
die  ;  seulement  nous  manquons  d'auditeurs 
pour  les  faire  entendre,  »   Euthymius  dQ 


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1236 


Sardes  parla  avec  un  ahnirable  courage. 
«  Ce  que  nous  suivons,  dil-il,  c'est  la  loi  de 
l'Eglise,  celle  dr  la  tr.ulition  contiiinéo  par 
le  second  concile  de  Nicéc  Quiconque  ose 
s'élever  contre,  soit  anallième.  »  Théodore 
Studite  ajouta  :  «  L'Apôlro  dit  que  J)ini  a 
mis  dans  l'Eç/lise  des  apôtres,  des  prophètes  y 
des  pasteurs  et  des  docteurs;  mais  il  n'a  point 

Parlé  des  em|)ereurs.  Vous  êtes  chargé  de 
Etat,  de  l'arnu^e;  prenez-en  soin,  mais  lais- 
sez l'Eglise  SI'  gouverner  elle-même.  »  L'em- 
pereur, furieux,  les  c;liassa  de  sa  présence,  et 
leur  conunanda  île  rester  cliatun  chez  soi, 
sans  counnuniqiier  les  uns  avec  les  autres. 
Cet  ordre  leur  fut  ti'ansmis  à  tous  indivi- 
duellement par  le  i)réft't  di;  Constantinople. 
Quand  on  le  porta  à  saint  Théodore  Studite, 
il  répondit  :  «  Nous  devons  obéir  à  Dieu 
plutôt  qxi'li  vous  ;  nous  nous  laisserons  plu- 
tôt couper  la  langue  que  de  cesser  de  défen- 
dre la  foi.  »  Léon  dissinmla  quelque  temps. 
Il  fit  insulter  l'image  de  Jésus-Christ,  qui 
était  cl  la  porte  d'airain;  Léo'i  ITsauiien  l'a- 
vait déjà  abattue,  Ii'ène  l'avait  rétablie.  Sous 
prétexte  du  danger  qu'elle  courait  de  la  riart 
des  soldais,  il  la  fit  enlever.  La  lèle  de  Noël 
étant  venue,  il  entra  dans  l'église,  comme 
les  empereurs  avaient  coutume  de  faire,  et 
adora  l'orni^ment  de  l'autel,  qui  représentait 
la  nativité  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 
Tout  le  peuple  fut  satisfait;  mais  ce  n'était 
que  pure  dissimulation.  A  la  fête  de  l'Epi- 
phanie suivante,  il  vint  encore  cà  l'église, 
mais  n'adora  pas  les  images  ;  puis  il  empê- 
cha le  patriarche  de  prêcher,  et  donna  la 
garde  do  l'Eglise  et  des  vases  sacrés  à  Tho- 
mas,  qui  avait  élé  deux  fois  consid. 

Le  j)alriarclio  étant  tombé  malade  sur  ces 
cntreiailes,  rem[)ereur  se  modéra  un  peu, 
espérant  que  s'il  mourait  il  pourrait  mieux 
réussir.  Quand  il  revint  à  la  santé,  il  lui  en- 
voya Théonliane,  frère  de  l'impératrice,  pour 
l'amener  à  avoir  des  conférences  avec  les 
iconoclastes.  Nicéphoro  s'excusa  sur  sa  santé, 
disant  qu'il  accepterait  néanmoins,  si  on  lui 
laissait  le  libre  gouvernement  de  son  trou- 
peau, si  0  1  faisait  sortir  do  prison  tous  les 
évô  pies  catholi(|ues  qu'on  y  détenait,  si  on 
rappelait  ceux  qui  étaient  en  exd,  si  on  éloi- 
gnait ceux  dont  les  ordinations  n'étaient  pas 
régulières.  Mais  les  iconoclastes  qui  étaient 
à  la  cour  rejetèrent  ces  conditions,  et,  pré- 
tendant qu'ils  avaient  le  pouvoir  d'un  con- 
cile ,  diront  (ju'ils  avaimil  vainement  trois 
fois  déjà  ap|)elé  le  patriarche;  qu'ils  pou- 
vaient le  condamner  comme  contumace.  Ils 
le  mandèrent  par  une  monition  ([ui  lui  fut 
j)Oitéo  jj.ir  (juelques  évê(jues  accompagnés 
d'une  troupe  d;  gens  sans  avcnj.  «  Le  concile, 
lui  dii'enl-i!s,  a  r(;c,u  des  libelles  contre  vous. 
Si  vous  voulez  éviler  d'êlrc;  déposé,  souscri- 
vez aux  volontés  de  l'empcncur,  et  rejetez  le 
culte  des  iuiagrjs.  —  Quel  est  celui,  dit  le 
pntri.'irche,  (pji  .s'jittiibue  juiidiction  cm  ces 
lieux?  Est-C(î  le  pape,  ou  (juelqu'un  des  ;ui- 
Ires  patri.'U'clies?  Si  je  suis  eoupable  dr-  cer- 
luiris  crinii-s,  comnu!  vous  dit(!s,  il  sulMr.iit 
que  je  repriussîisso  le  culte  des  images  poiu*^ 
éviter  d'ôlfo  déposé.  Je  sais  nueux  que  cela 


les  lois  de  l'Ezlise.  Quand  bien  môme  le 
siège  de  (>onslantinople  serait  vacant,  nul 
évoque  n'y  aurait  juridiction.  Or  il  ne  l'est 
pas  ;  à  plus  forte  raison,  nul  n'y  peut  faire  la 
loi.  »  A|ti-ès  avoir  lu  le  canon,  il  les  excom- 
munia et  leur  ordonna  de  sortir  île  l'enceinte 
du  lieu  saint.  Ils  sortirent  en  proférant  des 
anathèmes  contre  lui  et  Taraise.  Alors  ils 
voulurent  le  faire  mourir;  mais  il  en  fut 
averti  par  un  clerc.  Il  écrivit  à  l'empereur 
que,  pour  éviter  des  malheurs  qui  retombe- 
raient sur  lui,  il  était  disposé  à  (]uitter  soil 
siège.  L'em|)ereur  le  lit  enlever  la  nuit,  et, 
après  l'avoii-  délenu  en  dill'érents  lieux,  le  fit 
transporter  au  monastère  de  Saint-Théodore. 
Après  le  départ  de  Nicéphore  et  l'élévation 
de  Théodote  au  siège  de  Constantinoph»,  les 
iconoclastes  tinr<mt  un  concile;  ils  s'assem- 
blèrent dans  l'église  de  Sainte-Sophie,  ayant 
à  leur  tête  le  nouveau  patriarche,  Théodote, 
surnommé  Cassitère.  L'emperenr  y  fit  aussi 
assister  son  (ils  Symbarius,  qu'il  avait  nom- 
mé Constantin,  ne  voulant  pas  y  assister  lui- 
même,  pour  n'être  pas  oblig'  à  faire  une 
souscription  contraire  à  ci;  qu'il  avait  fait  à 
son  avènement  à  leinpirc.  Les  abbés  de 
Constantinoi)le ,  étant  appelés  au  concile, 
s'excusèrent  d'y  venir,  par  une  lettre  que 
saint  Th;''odore  Studite  composa  au  nom  de 
tous,  et  où  ils  disaient  en  substance  :  «  Les 
canons  nous  défendent  de  faire  aucun  acte 
ecch'siastiijue  ,  principalement  touchant  les 
questions  de  foi,  sans  le  consentement  de 
notre  évêque.  C'est  pourquoi,  bien  que  nous 
ayons  et  '■  appelés  de  votre  part  jusqu'à  deux 
fois  ,  nous  n'avons  osé  rien  faire  ,  comme 
étant  sous  la  main  du  très-saint  patriarche 
Nicé[)hore.  D'ailleurs,  nous  avons  appris  que 
celle  convocation  ne  tend  qu'à  renverser  le 
second  concile  de  Nicée  et  défondre  l'adora- 
tion des  saintes  images.  C'est  pourquoi  nous 
vous  déclarons  que  nous  tenons  la  même  foi 
que  toutes  les  Eglises  qui  sont  sous  le  ciel, 
et  que  nous  adorons  les  saintes  images,  fon- 
dés non-seulement  sur  le  second  concile  de 
Nicée,  mais  sur  toute  la  tradition  écrite  et 
non  écrite ,  depuis  l'avéneuKnit  de  Jésus- 
Christ.  Nous  ne  recevrons  rien  de  contraire, 
quand,  par  impossible,  Pif^rre  ou  Paul,  ou 
un  ang(>  descendu  du  ciel  l'enseignerait;  et 
nous  sommes  prêts  à  tout  soull'rir,  même  la 
mort,  plutôt  qu!  d'y  renoncer.  » 

Les  deux  moines  ipii  |)résentèront  celle 
lettre  au  concile  furent  l'envoyés  chargés  de 
coups  ,  et  on  passa  outre  sans  s'y  ai-i'êter. 
Dans  la  première  session,  on  lut  la  délinition 
de  foi  du  concile  tenu  aux  I{la(|uerMes,  do 
i'antorilé  de  Constantin  Copronyme,  sous  le 
nom  de  septième  concile.  On  la  confirma  et 
on  analhéiualisa  le  vrai  scplième  concile  et 
li'S  iialriari  hes  oithodoxes.  Le  second  jour, 
on  anu-na  au  concile  qu('l(]ues  évêipu's  ca- 
tlioli(ju(!s  que  les  iconoclastes  croyaient  les 
plus  faciles  à  intinuder.  On  md  (mi  pièces 
leurs  babils  «atirés,  et  o  i  les  fil  ainsi  demeu- 
l'.i-  à  la  porte  de  l'église ,  C(tMime  des  nrison 
ni(  is  ;  puis  ils  furent  Irai'ni's  au  milieu  d'j 
r.'isseninh'e,  où  les  pn-Niilents  les  firent  de- 
niriucr  delxjul,  h'ur  ollVaiit  do  leS  faii'O  as- 


1237 


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4258 


seoir  nvoc  owx-  s'ils  cliangoaiont  do  sonti- 
inent.  Mais,  les  trouvant  fermes  dans  la  con- 
fession (le  la  foi  catholiiiiie  et  la  NY-ni^ralion 
des  imaK«'s,  ils  les  firent  jeter  par  terre,  et 
les  assislanls  leur  mirent  le  i)ied  sur  la 
gorf2;e;  puis  ils  les  firent  relever  et  sorlir  h 
reculons,  craclia-it  sur  eux  et  les  frniipant  à 
coups  de  poing  dans  le  visai;e,  en  sorte  (pu) 
qiu'lipies-uns  étaient  tout  en  sang-;  enlin,  on 
les  livra  il  des  soldais  (|ui  les  nien(>rent  en 
jirison.  Après  les  évèf[ues,  on  lit  entrer  les 
al)l)és  d(>s  plus  fanunix  monastères,  qui,  no 
s'étant  laissés  vaincr(^  ni  aux  caresses,  ni  aux 
menaces,  furent  aussi  envoyés  dans  diverses 
prisons.  Cette  seconde  s(>ssion  finit  par  des 
acclamaliinis  jiour  l'empereur  et  son  lils ,  et 
des  anathénies  contre  les  chefs  des  eatholi- 

3 nos.  Knsuite  ils  dres'^èrenl  leur  délinilioii 
0  foi,  (pii  fut  souscrite  à  la  troisième  ses- 
sion, piemièrement  par  le  jeune  empereur, 
puis  par  tous  les  autres ,  et  ainsi  liait  co 
concile. 

Eu  exécution  de  son  décret,  on  effaça  tou- 
tes les  peintures  des  églises  avec  de  la  chaux 
que  ceux  qu'on  y  employait  mouillaient  sou^ 
vent  de  leurs  ïarmes,  tant  ils  le  faisaient  à 
regret.  On  brisait  les  vases  sacrés,  on  déchi- 
rait les  ornements  en  petits  morceaux,  on 
coupait  à  coups  de  h'ache  les  tableaux  peints 
sur  du  bois,  et  on  les  brûlait  au  milieu  de  la 
place  publique.  On  elfaçait  d'autres  images 
avec  de  la  boue  ou  des  onctions  infectes,  au 
lieu  des  parfums  qu'on  avait  accoutumé  de 
leur  présenter.  Des  profanes  maniaient  im- 
punément les  choses  saintes  qu'il  ne  leur 
était  pas  même  permis  de  voir.  Dès  lors  la 
persécution  commença  très-rudement  contre 
les  catholiques ,  particulièrement  contre  le 
clergé  et  les  moines.  Entre  les  évoques  qui 
souffrirent  en  cette  occasion,  voici  les  plus 
illustres  :  Michel  de  Synnade  et  Théophilacte 
de  Nicomédie,  disciples  du  patriarche  Ta- 
raise,  qui  les  tira  de  la  vie  raonasti({ue  pour 
les  ordonner  tous  deux  métropolitains.  Mi- 
chel  assista  en  cette  qualité   au   septième 
concile  général,  et  fut  envoyé  en  Occidcnl, 
vers  Charlemagne,  par   l'empereur   Michel 
Curopalate,  et  chargé  en  môme  temps  de  la 
lettre  synodique  du  patriarche  Nicéjjhore  au 
pape  Léon  111.  Michel  et  Théophilacte  se  si- 
gnalèrent par  leur  fermeté  contre  les  icono- 
clastes ,  en   présence   de   l'empereur  Lé. m 
l'Araiénien,  et  furent  tous  deux  envoyés  en 
exil ,  Michel  dans  l'ile  Eudociale  et  ensuite 
en  d'autres  lieux.  L'Eglise  honore  sa  mé- 
\   uioire  le  vingt-troisième  jour  de  mai.  Théo- 
■  philacte  fut  relégué  au  château  de  Strobyle 
en  Garie,  et  vécut  encore  trente  ans  dans  cet 
exil.  Il  est  honoré  comme  saint  le  huitième 
jour  de  mars,  ou  le  septième,  sous  le  nom  de 
Théophile.  Ses  reliques  furent  rapportées  à 
Nicomédie.  Saint  Euthymius,  métropolitain 
de  Sardes,  avait  aussi  commencé  par  la  vie 
monastique ,  et  parut  entre  les  principaux 
évèques  au  second  concile  de  Nicée,  où  il  est 
fait  souvent  mention  de  lui.  Irène  et  Cons- 
tantin l'employèrent  en  des  ambassades  et 
d'autres  affaires  publiques;  mais  l'empereur 
Nicéphore  le  relégua  dans  l'île  Patarée,  en 


Occident,  pour  avoir  donné  lo  voile  h  une 
fille.  Etant  revenu,  il  fut  un  de  ceux  qui  par- 
lèi-ent  le  |)lus  IVjrtement  pour  les  images,  de- 
vant Léon  l'Arménien,  (pii  l'envoya  en  exil  «'i 
Ason;  mais  ce  ne  fut  jtas  la  fin  de  ses  tia- 
vaux.  S.unt  Emili(Mi  de  Cysiqiu;  fut  aussi  re- 
légué, a|)rès  avoir  beaucoup  soullert  pour  la 
même  cause;  et  rEglis(!  en  fait  mémoire  le 
huitième  jour  d'aoïlt.  Ceorgifs,  évèrjue  de 
Mit^lène,  métropole  de  l'Ile  de  Lesbos,  était 
né  de  parents  nobles  et  riches;  mais  il  em- 
brassa la  viemonastifpie,  et  se  voua  particuliè- 
rement h  l'aumône.  11  j'iit  chassé  de  son  siège 
j)ar  Léon  l'Arménien,  jxjur  la  cause  des  ima- 
ges, et  relégué  ;i  Cli(;rsone,  où  il  mourut. 
L'Eglise  honore  sa  ménjoire  le  7  avril. 

Entre  les  abbés  qui  souffrirent  en  cette 
persécution  ,  les  jdus  fameux  .sont  :  saint 
Théodore  Studite,  saint  Nicétasde  Médicion, 
saint  Théophane  deSiagriane,  saint  Macaire 
de  Pélécite,  saint  Jean  de  Cathares.  L'euipe- 
reur  Léon  ne  pouvant  souffrir  la  liberté  do 
M'héodore  à  défendre  les  in\ages,  le  chassa 
de  Constantino'ple  et  l'envoya  au  château  do 
Métope,  près  d'Apollonie,  où  il  le  tint  ren- 
ftn-mé.  Mais  le  saint  abbé  ne  laissait  |)as 
d'instruire  et  d'encourager  les  caholiques 
par  ses  lettres,  dont  il  nous  reste  un  grand 
nombre  ,  entre  autres  une  lettre  dogmatique 
où  il  traite  amplement  la  question  des- ima- 
ges, par  les  mêmes  raisons  et  les  mêmes  au- 
torités qui  avaient  été  employées  sous  Léon 
l'Isaurien  et  sous  Coproîiyme.  Il  fait  men- 
tion en  une  autre,  d'un  de  ses  disciples,  le 
moine  Thadée,  qui  était  mort  sous  les  couf)s 
defouet,ra  .rtyr  des  images,  et  de  quelques- 
uns  qui  étaient  tombés.  Théodore  avait  pour 
compagnon  de  sa  prison  un  moine  nommé 
Nico.as,  qui  fut  depuis  abbé  de  Stude. 

L'abbé  Nicétas  était  de  Césarée  en  Bilhy- 
nie  ;  sa  mère  étant  morte  huit  jours  ai)rès 
sa  naissance ,  son  père  eml)rassa  la  vie  mo- 
nastique et  le  consacra  à  Dieu  dès  l'enfance, 
en  qualité  de  portier  ou  custode  d'église. 
Etant  plus  avancé  en  âge,  il  s'attacha  à  un 
vieil  anachorète  qui  le  mena  au  monastère 
de  Saint-Serge  de  Médicion,  à  Constanfino-- 
])le,  alors  gouverné  [)ar  l'abbé  Nicéphore  qui 
l'avait  fondé  et  qui,  en  cette  qualité,  assista 
au  second  concile  de  Nicée.  Nicétas  n'avait 
pas  encore  demeuré  sept  ans  dans  le  mo- 
nastère, quand  Nicéphore  le  fit  ordonner  i)r6- 
tre  par  le  patriarche  Taraise,  et  se  déchargea 
sur  lui  du  gouvernement  de  la  communauté. 
L'abljé  Nicéphore  mourut  quelques  années 
après,  et  est  honoré  comme  saint  le  qua- 
trième de  mai.  Alors  toute  la  communauté 
élut  Nicétas  pour  hégumène  ou  abbé  ,  et  il 
en  reçut  l'ordination  par  les  mains  du  pa- 
triarche Nicéphore.  Il  fut  amené  avec  les  au- 
tres abbés  au  concile  des  iconoclastes  en  815, 
et  envoyé  dans  une  prison  si  infecte,  qu'elle 
était  uii  supplice  par  elle-même.  Là  on  lui 
envoyait  des  gens  {lour  le  tenter  et  le  fati- 
guer par  leurs  blasphèmes  et  leurs  discours 
impertinents.  Après  qu'il  y  eut  .longtemps 
souffert,  l'empereur  l'envoya  en  Natoli'î,  no- 
nobstant la  rigueur  excessive  de  l'hivor,  et 


1239  ICO 

1g  fit  enfermer  dans  le  chât<iau  nommé  Massa- 
lj5on. 

L'abbé  Théopliane  était  malade  de  la 
pierre,  et  ne  vint  apparemment  h  Conslanli- 
nople  qu'en  810.  Maeaire,  abbé  de  Pélécite, 
était  nù  h  Constantinûi)ie ,  et  se  nommait 
dans  le  monde  GbrvstO{)hle.  Il  tlt  tant  de  mi- 
racles qu'on  le  nomma  Thaumaturge,  et  il 
guérit  entre  autres  le  patric(>Paul  et  sa  femme 
de  malailies  désespérées.  Il  fut  diversement 
tourmenté  par  Léon  l'Arménien  pour  la 
cause  des  images  et  demeura  en  prison  pen- 
dant le  reste  de  son  règne.  On  a  une  lettre 
h  lui  de  saint  Théodore  Studite.  Jean,  abbé 
du  monastère  de  Cathares,  était  de  Décapole 
en  Isaurie.  Il  vint  au  second  concile  deNicée 
avec  celui  qui  l'instruisit  dans  les  lettres  et  qui, 
étant  venu  ensuite  à  Constantinople,  fut  abbé 
de  Saint-Dalmace.  Jean  fut  ordonné  prêtre 
et  envové  i^ar  Tempereur  Nicépliore  au  mo- 
nastère^le  Cathares  ,  dont  il  fut  abbé,  et  le 
gouverna  pendant  plus  de  dix  ans.  11  prédit 
à  ses  frères  la  persécution  de  Léon  l'Armé- 
nien, les  exhortant  h  demeurer  fermes  dans 
la  vénération  des  saintes  images.  Kn  effet , 
l'empereur  envoya  des  gens  qui  dispersè- 
rent la  communauté,  pillèrent  le  monastère 
et  emmenèrent  l'abbé  Jean  à  Constantinople 
charg'^  de  chaînes.  Etant  présenté  à  l'empe- 
reur, il  lui  reprocha  hardiment  son  impiété; 
l'empereur  le  til  fra|)per  de  nerfs  de  bœuf 
sur  les  veux  et  sur  le  visage  ,  et  trois  mois 
aigres  l'ènvova  au  château  dePentadactylion, 
au  pays  de  Lampe  en  Natolie,  où  il  demeura 
un  an  et  demi ,  les  fers  aux  pieds  et  dans 
une  obscure  prison 

El  Ire  les  laïques,  on  remarque  le  patrice 
Nicétas  ,  parent  de  l'impératrice  Irène  qui 
1  envova  au  concile  de  Nicée  pour  y  assister 
de  sa  part,  et  toutefois  je  no  trouve  point  son 
nom  dans  les  Actes.  Il  fut  ensuite  gouver- 
neur de  Sicile,  oîi  il  prit  grand  soin  des 
veuves  et  des  orphelins.  Etant  revenu  h 
Constantinople,  et  voyant  l'empereur  Léon 
l'Arménien  déclaré  contre  les  images  ,  il  re- 
non(;a  a  sa  dignité  et  embrassa  la  vie  monas- 
tique. L'empereur  lui  envoya  dire  ([u'il  brû- 
lât rimage  du  Sauveur  ou  qu'il  la  lui  en- 
vovAt;  ei  comme  il  le  refusa,  il  l'envoya  en 
exil  ,  où  il  mourut  après  beaucoup  de  souf- 
frances. L'flglise  grecque  honore  sa  mémoire 
le  6  o;:lobre  ,  et  les  louanges  que  lui  donne 
saint  Théodore  Studit(;,  dans  une  lettre  qu'il 
lui  écrit,  sont  un  illustre  témoignage  de  son 
mérit". 

Théodore  implora  l'assistanco  du  pape 
Pascal  contre  la  persécution  (pii  continuait 
en  Orient.  En  817,  Léon  l'Arménien  lit  re- 
venir à  Coristaiilino|>le  plusieurs  évè(|ues  et 
abbés,  défenseurs  des  images,  (ju'il  avait  en- 
voyés en  exil.  Parmi  eux  fut  Nicélas,  «pii  ne 
resta  que  ciu(j  jours  à  peine  au  lieu  de  son 
'ixd.  11  les  livrii  à  Jean  Léconomante  ,  (|ui 
les  mit  dans  d(,'S  caciiots  séparés  sans  autres 
lits  (]ue  la  terre  humide,  et  sans  couvertures. 
On  leur  jetait  par  un  trou  une  one(!  de  pain 
moisi  (;l  un  peu  d'eau  puante;.  Ivilln  on  les 
j)ressa  de  coinmuin<|Ui  r  avec,  'l'hf'odole,  di- 
bunt    qu  on    ne    b  nr    dr^mandail    pas    auti'c; 


ICO  1Î40 

chose,  et  que  leur  foi  n'aurait  rien  h  en  souf- 
frir; (pi'ensuite  on  les  renverrait  chacun  en 
leur  monastère.  Ils  sortirent  donc  et  vinrent 
dans  mi  oratoire  où  ils  re(;urent  la  commu- 
nion des  mains  de  Théodote.  Cet  oratoire 
était  orné  d'images;  mais  Mcétas  s'étant  re- 
penti j)lus  tard  de  cette  condescendance , 
vint  trouver  reinpereur  et  lui  dit  positive- 
ment qu'il  n'était  pas  du  |)arti  des  iconoclas- 
tes, et  qu'il  se  re[ientait  d'avoir  même  une 
seule  fois  communi(pié  avec  eux.  Après  avoir 
été  quel(]U(!  temps  (létenu  h  Constantinople, 
il  fut  relégué  dans  l'île  de  Sainte-Clycéiie  , 
sous  la  garde  de  l'eunuque  Anthime  fait 
exarque  des  monastères  de  cette  contrée  par 
les  iconoclastes.  Cet  homme  ne  pouvant  rien 
obtenir  de  Nicétas  ,  le  tint  six  ans  entiers 
(jusqu'à  la  mort  de  l'empereur)  dans  une 
prison  étroite  dont  il  portait  toujours  la  clef 
sur  lui.  Saint  Jean  ,  abbé  des  Catiiares,  fut 
aussi  rappelé  à  Constantinople,  livré  à  Jean 
Léconomante,  et  mis  par  lui  dans  un  cachot 
obscur  jus(|u'à  la  mort  de  l'empereur  Léon. 
Théodore  Studite  ne  fut  pas  rappelé  :  exilé 
à  Métope  ,  il  continua,  tant  par  ses  discours 
que  par  les  lettres  qu'il  écrivait,  à  être  un 
des  plus  fermes  soutiens  de  la  foi  catholi- 
que. L'empeieur  l'ayant  su,  chargea  un  cer- 
tain Nicétas,  en  qui  il  avait  grande  contiance, 
de  conduire  Théodore  en  Natolie,  en  un  lieu 
appelé  Bonite,  et  de  ne  l'y  laisser  communi- 
quer avec  personne.  Quand  on  communiqua 
cet  ordre  à  Théodore ,  il  répondit  :  «  Pour 
le  changement,  j'y  consens  ;  mais  quant  à 
ma  langue ,  que  j'ai  reçue  pour  faire  la  vo- 
lonté de  Dieu  ,  vous  la  couperez  plutôt  que 
de  rempècher  d'annoncer  la  foi  qui  est  ma 
croyance.  »  L'empereur  fit  commander  h  Ni- 
cétas de  fouetter  cruellement  le  saint.  Celui- 
ci,  ôtant  sa  tunique,  se  présenta  avec  joie  au 
supplice.  «  C'est  ce  que  je  désirais ,  )>  dit- 
il.  En  voyant  son  corps  amaigri  par  les  mor- 
tifications ,  Nicétas  en  eut  pitié  ,  et  prenant 
une  peau  de  mouton,  il  se  renferma  avec  le 
saint  et  frappa  sur  la  peau  à  coups  retentis- 
sants, et  ensuite  se  piquant  le  bras  ,  mit  du 
sang  à  son  fouet  pour  faire  croire  qu'il  avait 
exécuté  l'ordre. 

Un  peu  })lus  tard  ,  le  saint  écrivit  au  pape 
Pascal  pour  implorer  encore  son  secours 
dans  cette  persécution.  II  écrivit  aussi  au  |)a- 
Iriarche  d'Alexandrie,  à  celui  d'Antioche. 
De  son  coté,  le  patriarclui  Théodote  envoya 
au  pape  Pascal  des  lettres  et  des  nonces; 
niais  1(!  pape  refusa  de  les  lecevoir  :  saint 
Théodore  Studite  lui  en  écrivit  une  lettre 
d(!  remerciements.  Le  pape  envoya,  mais  inu- 
tilement, à  Constantinople  des  légats  chargés 
de  sonl(mir  la  vraie  loi. 

En  819,  une  des  lettres  qu'écrivait  Tliéo- 
dorci  aux  catholicpies  étant  tombée  entre  les 
mains  de  l'empereur ,  celui-ci  ordonna  au 
gouverneur  d'Orient  de  chAlier  si  bien  Théo- 
dore, qu'il  n'eut  pas  envie  de  recomnuniccT. 
Ce  gouvei'iieur  lit  cruelleimnit  fouetter  Ni- 
colas, dis(nple  (pii  avait  écrit  la  lettre  sous 
la  dictée  de  son  maître,  jiuis  inisuite  Théo- 
dore lui-même.  On  les  laissa  tous  (Unix  nus, 
accablés  de  coups  et  à  demi  morts  ;  mais  ly 


4241  ICU 

saint  Ayant  reçu  les  soins  de  Nicolas,  qui  re- 
couvra assez  (le  force  pour  secourir  son  maî- 
tre, revint  h  lui  :  on  1»'  transféra  dans  nn  ca- 
chot obscur  où  il  roçitt  encore  cent  (:()U[)S 
(le  fonot  et  oCi  il  .lemenra  dix-huit  mois.  Kn- 
lin,  relie  m<^me  anndo,  la  })erséi'ulioii  linit 
avec  la  vie  de  l'empercm'  Léon  ,  (|ui  fut  as- 
sassiné et  remi'lacé  par  Michel  le  Hè^ue.  Ce 
|)rince  se  montra  d'ahortl  très-l'avoralihs  aux 
callioli(iues  et  rappela  tous  les  exilés.  Il  n'ho- 
nurait  pas  les  images  ,  mais  il  S(ï  montrait 
<lisposé  à  laisser  chacun  librement  dans  son 
Ofiinion.  C.'piMidant,  sur  la  demandi;  (fuc 
lui  firent  les  catholicjnesde  leur  rendre  leurs 
églises,  il  les  invita  ii  conférer  avec  ceux  du 
})arli  contraire  :  ils  répondirent  (luo  s'il  s'a- 
gissait d'une  chose  temporelle  ,  ils  ne  de- 
manderaient pas  mieux  ;  mais  (|ue  |misqu'il 
s'agissait  d'une  chose  de  foi  décidée  i)ar  i'K- 
gliso  et  par  les  conciles  ,  ils  ne  pouvaient 
faire  aucune  concession.  Michel  linit  parleur 
dire  qu'il  ne  les  })ersécuterait  pas,  mais  qu'ils 
ne  rentreraient  dans  leurs  sièges  et  en  [)0s- 
session  de  leurs  églises  que  s'ils  renonçaient 
à  élever  aucune  image  dans  Constanlinople 
et  autres  lieux  do  sa  domination.  Alors  les 
catholiques  reprirent  le  chemin  de  l'exil. 

Comme  on  le  voit,  les  bonnes  dispositions 
de  cet  empereur  S(>  bornèrent  à  faire  qu'il  ne 
persécutât  pas  d'abord  les  catholiques;  mais 
elles  n'allèrent  pas  même  jusqu'à  leur  per- 
mettre de  prati(iuer  ostensiblement  ce  qu'il 
leur  permettait  de  croii'o  dans  lyur  for  inté- 
rieur, ce  qu'il  ne  voulait  pas  attaquer  vio- 
lemment dans  leur  (îonscience.  Du  reste  , 
l'empereur  Michel  le  Bègue  était  une  sorte 
de  rustre,  ne  comprenant  rien  au  raisonne- 
ment et  à  la  discussion.  Il  était  entôlé  et  for- 
tement arrêté  dans  les  opinions  qu'il  avait 
reçues  dans  son  enfance.  11  était  né  à  Amo- 
rinm  en  Phrygie  d'une  peuplade  de  laquelle 
on  prétend  que  les  Bohémiens  modernes  sont 
les  descendants.  Ces  gens  à  demi  barbares 
tenaient  le  milieu  entre  les  Juifs  et  les  Athin- 
gans.  Ils  recevaient  le  baptême  et  rejetaient 
la  circoncision.  Du  reste,  ils  suivaient  toute 
la  loi  mosaïque.  Michel  avait  les  croyances 
de  cette  peuplade  grossière  ;  il  savait  à  peine 
lire.  Il  défendait  qu'on  instruisît  les  enfants 
dans  les  livres  des  anciens  Grecs  et  dans  ceux 
des  chrétiens.  En  revanche,  il  se  connaissait 
parfaitement  en  mulets  et  en  chevaux.  Il 
suppléait  à  toute  la  science  qui  convenait  à 
un  empereur  par  les  connaissances  d'un  ex- 
cellent maquignon.  Il  croyait  en  Dieu,  disait- 
il,  mais  n'admeliait  pas  qu'il  y  eût  un  dia- 
ble ,  ne  croyait  ;  as  qu'il  y  eût  eu  jamais  de 
prophètes ,  et  prétendait  que  la  fornication 
i  était  permise.  En  un  mot,  comme  force  d'in- 
j  telligence  et  élévation  d'instruction  ,  il  était 
un  très-digne  ancèire  des  esprits-forts  vol- 
tairiens.  Michel  eût  brillé  au  milieu  de  nos 
docteurs  d'eslami  lei  ,  et  eût  tenu  une  place 
éminente  au  m  dieu  de  ces  conciles  qui,  dans 
les  mauvais  lieu:;,  décident  si  puissamment 
de  ?ios  jours  les  questions  de  foi  et  de 
dogme. 

^  Bientôt,  sortant  de  l'indifférence  qu'il  avait 
d'abord  montrée,  Michel  se  déclara  Tennemi 


ICO 


1242 


des  catholiques  et  principa.ement  des  moi- 
nes. Il  fit  donner  sept  cents  cou|):s  de  fouet 
à  l'im  d'eux  ,  Mélhodiiis  ,  (pij ,  étant  i-ev(;nu 
de  Home,  enseignait  pubilipienienl  la  foi  cn- 
tlioli(pie  h  (^onstanlinoph;.  Il  h;  (it ,  après 
cela,  mettre  en  prison  et  l'envoya  eiilin  c'i  l'île 
de  Saint-André,  près  d'Acride,où  il  lui  dotnia 
pour  prison  connnune  avec  un  condamné 
violent  et  grossier,  un  sépulcre  abandonné. 
Il  chassa  de  Constantinoplo  Eutymius,  évô- 
(pie  d(!  Sai'des  ;  et  son  lils,  le  jeune  empe- 
l'eur  'i'héoplnle,  (it,  |)ar  son  ordre,  donner 
au  saint  évètpie  tant  de  cou|)S  de  fouet  (pi'il 
en  mourut.  Sous  lui  ,  Ji^'ui  Léconomanto 
était  tout-puissant  ;  il  lit  arrêter  et  mettre  en 
prison  Théodore  et  Théophano  de  Jérnsa- 
lem,  (p:i,  profitant  de  la  permission  d(!  l'em- 
pereur, étaient  revenus  d'exil  à  Conslanti- 
n(jple  ,  et  y  prêchaient  la  foi  catholique. 
Quelque  temps  après,  l'empereur  Michel  fit 
encore  proposer  aux  catholi([ues  une  confé- 
rence; (pi'ils  refusèrent,  domiant  les  raisons 
qu'ilsavaient  déjà  fait  valoir  quand  cette  pro- 
position leur  avait  précédemment  été  faite. 
Du  reste  ,  ils  dcniandèrent  qu'on  envoyât  à 
Rome,  et  que  do  [)art  et  d'autre  on  s'en  rap- 
portât à  la  décision  qui  émanerait  du  siège 
de  Saint-Pierre. 

L'héiésie  dos  iconoclastes  n'avait  jusque- 
là  pas  fait  de  progrès  en  Occident.  En  l'an 

828,  Claude,  qui  avait  été  nommé  évêque  de 
Turin,  se  déclara  son  partisan.  Il  nia  le  culte 
des  images,  l'autorité  que  les  évêques  avaient 
reçue  de  lier  et  de  délier  dans  ce  monde  et 
pour  l'autre.  Il  nia  aussi  l'autorité  du  pape. 
Après  la  mort  de  Michel  II,  dit  le  Bègue,  son 
fils  Théophile  ,  qui  monta  sur  le  trône   en 

829,  se  montra  d'abord  assez  ami  de  la  jus- 
tice ;  mais  bientôt  il  persécuta  aussi  les  ca- 
tholiques. Il  en  vint  jusqu'à  persécuter  les 
peintres  qui  faisaient  des  images.  Il  attaqua 
un  moine  nommé  Lazare,  qui  excellait  alors 
dans  cet  art  ;  ne  l'ayant  pu  gagner  ni  par 
prières  ni  par  menaces  ,  il  le  fit  déchirer  à 
coups  de  fouet ,  de  sorte  qu'on  le  laissa  de- 
mi-mort. 

A  Constantinoplo,  l'empereur  Théophile 
continuait  de  persécuter  les  catholiques  pour 
la  vénération  des  images.  On  lui  déféra  en- 
tre autres  Théodore  de  Jérusalem  et  son 
frère  Théophano  que  l'empereur  Michel,  son 
frère,  avait  maltraités  et  exilés  pour  la  même 
cause.  Théodore  fut  encore  fouetté  cruelle- 
ment et  relégué  avec  son  frère  dans  l'île 
d'Aphusia.  Mais  deux  ans  après,  l'empereur 
Théophile  les  fit  revenir  à  Constantinoplo 
sans  rappeler  les  autres  exilés,  car  il  souhai- 
tait passionnément  do  gagner  ces  deux  frères. 
Théodore  racontait  ainsi  ce  qui  se  passa  en 
cette  occasion,  dans  une  lettre  à  Jean,  évê- 
que do  Cyzique  :  «  Celui  qui  était  chargé 
des  ordres  de  l'empereur  étant  arrivé  à  l'île 
d'Aphusia,  nous  mena  en  grande  diligence 
à  Constantinoplo  sans  nous  en  dire  le  sujet. 
Nous  arrivâmes  le  8  juillet.  Celui  qui  nous 
conduisait,  ayant  vu  l'empereur,  eut  ordre 
de  nous  enfermer  aussitôt  dans  le  prétoire, 
Six  jours  après,  c'est-à-dire  le  li  du  même 
mois,  on  nous  mena  à  l'audience  de  Tempe- 


4243 


ICO 


ICO 


nu 


reiir.  Comme  tont  le  mondo  ?avait  le  Sujet 
pour  lequel  ou  nous  amenait,  nous  ii'(>nieu- 
dions  que  des  menaces.  «(  Obéissez  au  plus  lot 
à  rem|itM-ouir,  »  disaient  les  uns;  d'aiitrf.'S  : 
«  Le  démon  les  pt)ssède  »,  et  des  discours  en- 
core pires.  Environ  à  la  dixième  heure,  c'est- 
à-dire  quatre  heui-es  après  midi,  nous  ci- 
trAmes  dans  la  salle  dorée,  le  gouverneur 
marchant  devant  nous.  11  se  retira  et  nous 
laissa  en  présence  de  l'emnereur,  qui  nous 
parut  teri'ible  et  animé  ue  colère.  A|)iès 
(jue  nous  IVilmes  salué,  il  nous  dit  d'un  ton 
rude  (Rapprocher  plus  près,  puis  il  nous  de- 
manda le  pa\s  de  notre  naissance.  «  C'est, 
dîmes-nous ,  le  pays  des  Méabites.  »  11 
ajouta  :  «  Qu*étes-vous  venus  faire  ici  ?  «  Et 
sans  attendre  notre  réponse,  il  connnanda 
qu'on  nous  fi-appAt  au  visage.  On  nous  donna 
tant  et  de  si  giands  coups,  que  nous  t-ombâ- 
mes  à  terre  tout  étourdis  :  et  si  je  n'eusse 
])ris  celui  qui  me  fiai)i)ail  par  le  devant  de 
sa  tunique,  il  m'aurait  aussitôt  jeté  sur  le 
marche-pied  de  l'empereur.  Mais  je  me  tins 
ferme  jusqu'à  ce  qu'il  fit  cesser  do  nous 
frai)j)er. 

«  Il  nous  demanda  encore  pourquoi  nous 
étions  venus  à  Constantinople,  voulant  dire 
({ue  nous  n'y  devions  pas  venir  «i  nous  ne 
voulions  embrasser  sa  créance.  Et  comme 
nous  baissions  les  yeux  sans  dire  mot,  il  se 
tourna  vers  un  ofîicier  qui  était  proche,  et 
lui  dit  d'une  voix  rude  et  regardant  de  tra- 
vers :  «  Prene/.-les,  écrive:^  sur  leui'S  visages 
ces  vers  iambiqucs,  et  mettez-les  entre  les 
mains  de  deux  Sarrasins  ])0ur  les  emuiener 
en  leur  j)ays.  »  Un  îiommé  Chrysto.lule,  (pii 
avait  composé  ces  vers  était  là  et  les  tenait. 
L'emj^eeeur  lui  ordonna  de  les  lire  et  ajouta  : 
«  Ne  te  mets  pas  en  peine  s'ils  so)it  beaux 
ou  non.  »  Un  des  assistants  dit  :  «  Ces  gens- 
ci-,  seigneur,  n'en  méritent  pas  de  plus 
beaux.  »  Il  y  avait  douze  vers  dont  le  sens 
était  :  «  Ceux-ci  ont  paru  à  Jérusalem,  conune 
des  vaisseaux  d'iniquité  pleins  d'une  erreur 
superstitieuse  et  ont  été  chassés  pour  leurs 
crimes.  S'en  étant  (enfuis  à  Cunstanfinople, 
ils  n'ont  point  quitté  leur  impiété.  C'est 
pounjuoi  ils  en  sont  encore  uannis,  étant 
inscrits  sur  le  visage,  comme  des  malfai- 
teurs. » 

Saint  Théodore  continua  ainsi  son  récit  : 
«  Après  la  lecture  de  ces  vers,  l'empereur 
nous  fit  ramener  au  prétoire,  mais  5  {)eine  y 
fi^mcs-nous  entiés  (|u'ou  Jious  ramena  en 
grande  fiAte  devant  l'eiiipereur  rpii  nous  dit  : 
«  Nous  direz  sans  doulrï  (juand  vous  serez 
partis,  que  vous  vous  êtes  moqués  de  moi, 
et  moi  je  veux  me  motpier  de  vous  avant 
de  vous  renvoyer.  »  Alors  il  nous  fit  dé- 
oouilhsr  et  i'ouclU'T,  cormneuçant  par  moi. 
L'emp(;reur  criait  toujours,  pour  animer 
ceux  (pji  tue  frap|)aieiit,  et  je  disais  cepen- 
dant :  «  Nous  n'avons  ri(ni  fait  contic  Votre 
Majesté,  seigneur;  ayez  jjitié  d(!  moi,  saiule 
N  ierge,  v«niez  à  notre  secours.  »  Mon  Ireio 
fut  i-nsuitr;  traité  de  rnéme,  et  a|)rè,s  ipi'on 
nous  eut  déchirés  de  cr)i,ps,  rtnnperetir  nous 
(il  sortir.  Mais  aussilAl  o'i  nous  lit  rev(!nir, 
Cl  un  receveur  nous  demau  ta  de  Ju  j»arl  do 


l'empereur  :  «  Pourquoi  vous  étes-vous  ré- 
jouis de  la  mort  de  Léon,  et  n'avez-vous  pas 
embrassé  la  même  créance  ([ue  lui.  »  Nous 
répondîmes  :  «  Nous  ne  nous  sommes  pas 
réjouis  de  la  moit  de  Léon,  nous  ne  som- 
mes |)as  vernis  veis  lui  et  nous  ne  pouvons 
pas  changer  notre  créance  ,  comme  vous 
qui  la  c!  atigez  selon  le  temps.  »  Le  receveur 
ajouîa  :  «  N'ètes-V(;us  pas  venus  sous  le  rè- 
gne de  Léon?  —  Non,  dîmes-nous,  mais 
sous  le  prédécesseur  de  l'empereur,  c'est-à- 
dire  sous  Michel  le  Hègue.  »  Nous  revînmes 
au  prétoire,  et  qualr(>  jours  après  on  nous 
présenta  au  jnéfel,  qui,  a|)rès  jibi^ieurs  me- 
naces, nous  ordoiuia  d'obéir  à  l'empereur. 
Nous  dîmes  que  nous  étions  prêts  à  soutlrir 
mille  morts  plutôt  que  de  communiquer 
avec  les  hérétiques.  Le  préfet  revint  aux  ca- 
resses et  nous  dit  :  «  Communiquez  seule- 
ment une  fois,  on  ne  vous  demande  pas  da- 
vantage ;  j'irai  avec  vous  à  l'Eglise,  allez 
ensuite  où  il  vous  i»laira.  »  Je  lui  dis  eu 
souriant  :  «  Seigneur,  c'est  comme  qui  di- 
rait à  un  homme  :  Je  ne  vous  dinuande  au- 
tre chose  que  de  vous  couper  la  tète  une 
seule  fois,  après  quoi  vous  irez  où  vous 
voudrez.  On  renverserait  plutôt  le  ciel  et  la 
terre  que  de  nous  faire  abandonner  la  vraie 
religion.  »  Alors  il  ordonna  qu'on  nous 
marquât  au  visage,  et  quoique  les  plaies  des 
coups  de  fouet  fussent  encore  enllanimées  et 
foi't  douloureuses,  on  nous  étendit  sur  des 
bancs  pour  nous  piquer  le  visage  en  y  écri- 
vant les  vers.  L'opération  fut  longue,  et  le 
jour  venant  à  manquer  il  fallut  cesser.  Nous 
dîmes  en  sortant  :  «  Sachez  que  cette  in- 
scription nous  fera  ouvrir  la  poile  du  para- 
dis et  qu'elle  vous  sera  montrée  en  face  de 
Jésus-Christ.  Car  on  n'a  jamais  fait  ricni  de 
semblable,  et  vous  faites  paraître  doux  tous 
les  auti-es  i)ersécuteurs.  » 

C'est  ainsi  que  Théodore  parlait  dans  sa 
lettre.  Après  que  lui  et  son  fière  eurent  été 
ainsi  traités,  on  les  remit  en  prison,  le  vi- 
sage encore  sanglant,  puis,  à  la  persuasion 
du  patriarche  Jean,  on  les  envoya  en  exil  à 
A]iamée  en  Bithynie,  où  Tln'odore  mourut 
quelipie  temps  ajirès  de  vieillesse  et  de 
malaiie;  et  comme  l'empereur  avait  (lé- 
fendu  de  leur  donner  la  sépulture,  son  frère 
Théopliane  conserva  le  coi  |is  dans  un  colfre 
de  bois,  et  il  lit  des  hymnes  à  sa  louange  ; 
car  il  était  i)oët(!  fameux  pour  le  tenq)S. 
Michel  Syncelle,  de  l'église  de  Jérusalem, 
fut  aussi  arièté  et  tenu  longtemps  en  prison 
ave(^  plusieiu-s  autres  moines. 

Saint  Méhiodius  avait  été  tiré  du  sépulci'e 
où  il  avait  été  renf(MMné  avant  la  mort  de  Mi- 
chel le  Bègue;  il  en  sortit  dans  un  état  la- 
mentable, n'ayant  plus  q\u'  la  neaii  et  les 
os,  et  pas  un  cheveu  sur  la  tète.  A  Constan- 
tinople, comme  mi'squf!  tous  les  couvents 
étaient  iideilés  d'hérésie,  il  deineinait  seul; 
mais  il  prêchait  la  vérit('.  Ses  discoiu's  et  ses 
exemples  en  cou vtnlissaiiMit  un  grand  nom- 
bic.  Théophile  le  lil  venir  el  lui  adressa  de 
violenls  repr(»ches.  »  Si  les  images,  lui  dit 
le  saint,  Sftnt  si  méprisables,  pouiwpioi  n'a- 
buttcz-vous  pas   bjutes  les  vôtres,  au  lieu 


1215 


IGN 


IGN 


!246 


d'en  l'aire  élover  un  si  grand  noinhrc  comme 
vous  liiilcs?  »  l-'iiiieiu  (io  vv  discoiii-s,  Icin- 
j)Drour  le  lil  nit'tlre  nu  justju'i'i  la  ccMnUirc,  et 
lui  lil  (lomuT  six  conts  cdups  tl(>  loucl.  il  le  lil 
dcsceiuiio  douii-inort  par  un  Irou  d  ins  nno 
(ios  cavos  du  palais;  mais  dos  pcisouiies 
pieusfs  l'cMi  lirùrent  la  nuit  et  pansèrent  ses 
plaies.  L'empereur  rayani  su,  lil  coulisipier 
la  maison  où  on  l'avait  retiré.  Kiitiii  il  vou- 
lut le  gagner  par  la  douceur,  il  \c  loj^ea  dans 
son  {)alais  avec  les  olliciers;  il  1(>  uuviail 
pailout  avec  lui,  nu^m(!  à  la  guerre,  parce 
qu'il  craignait  (ju'en  son  at)sence  il  oi-casio'i- 
ndt   (juehpie  sétlitioi  touclianl  li's    images. 

Théophile  étant  mort.  Michel  lil  lui  suc- 
céda en  8Vi,  Comme  il  était  encon^  enl'a-it, 
ce  l'ut  rim|)ératrice  Théodora  (pii  gouverna 
à  sa  pl;ice,  avec  le  conseil  (pie  l'empereur 
mort  lui  avait  nonmié.  Ce  conseil  se  compo- 
sait de  Tliéoctisle,  homme  (pii  avait  eu  de 
grandes  charges  à  la  cour  de  liardns,  lière 
de  rinî{)ératrice,  et  de  Manuel,  maître  des 
ollices,  qui  avait  été  gcfuverneur  d'Arménie. 
Penilanl  ([u'il  commandait  dans  ce  p  lys,  il 
était  tomhé  malade,  et  les  moines  de  Stude, 
en  (jui  il  avait  grande  conllancc,  lui  avaient 
[)romis  (ju'il  guérirait  |)romi)tement,  s'il  se 
vouait  au  rét.-iblissement  des  saintes  images. 
11  le  lit,  et  guérit  en  ellet.  Ouand  il  fut  nommé 
tuteur  du  jeune  empereur,  il  songea  à  l'ac- 
complissement de  son  dessein,  il  le  commu- 
niqua à  ses  deux  collègues;  il  se  rendit  (.ans 
le  même  but  près  de  l'imiiératrice  Théodora. 
Elle  lui  répondit  qu'elle  formait  les  mêmes 
vœux  que  lui;  on  déposa  Jean  L'.'conomanle, 
patriarche  intrus  de  Constantinople.  Le 
confesseur  Méthodius  fut  mis  à  sa  phice,  et 
immédiatement  les  saintes  images  furent  re- 
levées avec  solennité.  On  lit  une  procession 
dans  laquelle  on  porta  la  vraie  croix  et  les 
images.  Depuis  lors  l'hérésie  des  iconoclas- 
tes ne  s'est  pas  relevée.  Seulement,  de  loin 
en  loin  de  nouveaux  hérétiques  ont  essayé 
de  la  reprendre.  Tous  les  fauteurs  d'erreurs 
ont  la  même  manie,  faute  de  faire  du  neuf, 
ils  se  parent  de  la  défroque  des  temps  passés, 
semblables  en  cela  à  nos  modernes  révolu- 
tionnaires, qui,  ne  pouvant  pas  faire  linéi- 
que chose  de  nouveau  en  laitue  république, 
se  parent  des  haillons  de  93  et  singent  le 
passé,  ne  sachant  rien  créer  dans  le  présent. 
Les  singes  des  iconoclastes  ont  été  les  Vau- 
dois,  les  Albigeois,  les  Hussites  et  les  Ré- 
formés. 

lE  (sainte),  martyre,  mourut  pour  la  dé- 
fense de  la  religion,  dans  la  province  de 
Perse.  Elle  eut  plusieurs  compagnes  dont 
nous  ignorons  le  nombre  et  les  dilférents 
noms.  Après  avoir  enduré  déjà  divers  tour- 
ments, elles  souffrirent  la  mort  avec  neuf 
mille  chrétiens  que  le  roi  Sapor  tenait  en 
captivité.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le 
4-  août 

IGNACE  (saint),  oncle  maternel  de  saint 
Célérin,  qui  confessa  glorieusement  le  nom 
de  Jésus-Christ  en  Afrique,  sous  le  règne  de  \ 
l'empereur  Dèce,  fut  lui-môme  martyrisé 
sous  Septime-Sévère ,  avec  saint  Laurentin, 
oncle  paternel  du  même  saint,  et  sain-'.e  Cé- 


lérine,  son  aïeule.  L'Eglise  fait  la  fôte  décos 
liois  saints  le  .'Jf.'vrier.  Nmis  p(KSsédons  dans 
les  (envres  de  saint  Cyprien  une  (.'xcellento 
i  .lire  ;i  la  louange  de  ces  glorieux   marlyrs. 

l(iNA(;i''  (saint),  palriai-clK!  (hî  Constanti- 
nople, étfiil  issu  d'une  famille  illiislre;  sa 
mère  i*roco[)ie  était  lilhî  de  l'empereur  Ni- 
(•(îphoi-e;  Micluîl,  son  père,(pii  d'abord  avait 
été  europalale,  ou  maître  du  pal.us,  fut  lui- 
même  élfvé  sur  le  Irène  impér-ial  après  (pie 
Nieéohorc;  eut  été  tué  dans  un  combat  contre 
l(vs  liulgares.  Le  général  (pii  commandait  les 
troupes  du  père  de  noire  saint,  Léon  l'Ar- 
ménien.s'élanl révolté,  Michel  quitta  la  jmur- 
pre  après  avoir  occupé  le  troue  impérial 
l)endant  un  an  et  neuf  mois.  Il  S(;  retira  avec 
ses  lilles,  ses  (ils  et  l'imp-rairice  Proco[)ie, 
dans  les  îles  Princesses,  où  ils  fnnbrassèrent 
la  vi(>  monastique.  Nous  les  y  laisserons  pra- 
ti([u  iiit  tous  les  exercices  de  la  piété  la  plus 
austère,  pour  nous  occuper  S|)éeial(;ment  du 
second  des  (ils  de  Michel,  nommé  iS'icétas, 
et  (]ui  [irit  le  nom  d'Ignace.  L'usur|ialeui 
voulant  s'assurer  le  trône  sur  lequel  il  était 
injijsli'ment  monté,  fit  Ignace  et  son  fère 
eunuques,  et  e  ivoya  notre  saint  dans  un  mo- 
nastère dont  l'alibé  était  iconoclaste.  Il  eut 
à  sonlfrir  mille  ép;euves,  mille  mauvais  trai- 
tements, mais  il  les  surmonta  tous  et  resta 
lidôle  à  la  vraie  foi.  Quand  son  persécuteur 
fut  mort,  les  moines  qui  connaissaient  la 
vertu  d  Ignace  le  nommèrent  abbé;  ses  ver- 
tus et  sa  graide  prudence  le  firent  chérir  de 
ceux  qui  l'avaient  appelé  à  les  gouverner. 

Sur  ces  entrefaiies,  les  cmps  reurs  Léon 
l'Arménien,  Michel  le  Bègue  et  Théophile 
étant  morts,  ce  dernier  en  8Y2,  l'impératrice 
Théodo;a  gouverna  l'empire  pour  son  lils 
Michel  III.  Elle  chassa  Jean,  patriarche  ico- 
noclaste, et  quand  Met  iode,  so  i  successeur, 
fut  mort  quatre  ans  après,  on  élut  Ignace  à 
la  dignité  de  patriarche,  notre  saint  usa  de 
sa  nouvelle  dignité  pour  rétablir  le  règne  de 
l'Evangile  et  pour  reprendre  i)ubliquement 
ceux  qui  scandalisaient  les  fidèles  ])ar  leurs 
débordements.  Le  césar  Bardas  ,  frère  de 
l'impératrice,  était  de  ce  nombre.  Il  avait 
quitté  sa  femme  pour  vivre  avec  sa  belle- 
fille.  Notre  saint  le  reprit  vivement  de  cette 
conduite  scandaleuse,  mais  ce  fui  inutile- 
ment. Aussi  le  jour  de  l'Epiphanie,  ce  priTice 
ayant  osé  se  présenter  à  la  communion, 
Ignace  lui  refusa  l'Eucharistie  et  l'excom- 
munia. Dès  lors,  Bardas  ne  chercha  plus  que 
l'occasion  de  se  venger.  Le  jeune  empereur, 
qui  était  déjà  très-vicieux,  se  livrait  à^  de 
grands  débordements.  Bardas  le  flatta,  l'en- 
couragea dans  ses  vices,  et  l'engagea  forte- 
ment à  régner  par  lui-même.  11  le  prévint 
contre  notre  saint,  et  l'exhorta  également  à 
faire  enfermer  sa  mère  et  ses  sœurs  dans  un 
monastère.  Michel  goûta  cet  avis,  fit  venir 
Ignace,  et  lui  ordonna  de  couper  les  cheveux 
à  sa  mère  et  à  ses  trois  sœurs.  Celui-ci  ayant 
refusé,  son  ennemi  représenta  ce  refus 
comme  une  excitation  à  la  révolte.  L'empe- 
reur fit  raser  sa  mère  et  ses  sœurs,  les  fit 
re nl'eimer  dans  un  monastère  et  chassa 
Ignace  qui  depuis  onze  ans  gouvernait  l'E- 


124? 


IGxN 


IGU 


4248 


glise  (Je  Constantinople,  dans  Tîle  de  Téré- 
l)i'ithe.  Il  refusa  coiistamiiioiit  de  donnor  sa 
démission,  ce  que  voyant  Bardas,  il  déclara 
patri.irciie,  sans  aucune  Ibriualité,  l'eunuque 
Photiu*;. 

Plîotius  était  neveu  du  patriarche  Taraise, 
et  proche  parent  de  l'empeieur  ;  il  avait  deux 
emplois  considérables  à  la  cour  :  celui  de 
ujaitre  de  la  cavalerie,  et  celui  de  premier 
secrétaire  d'Etat.  C'était  un  homme  l'ourbe, 
plein  d'artitice  et  ennemi  reconnu  de  saint 
Ignace.  Aucun  évéque  ne  voulut  d'abord 
l'ordonner;  mais  entin  en  ayant  gagné  plu- 
sieurs par  ses  fausses  promesses,  il  réussit 
da-is  ses  desseins,  et  ensuite  les  lit  cruelle- 
ment persécuter.  Ce  n'était  pas  encore  assez, 
il  voulait  perdre  Ignace,  liardas  représenta 
donc  notre  saint  comme  un  factieux,  et  l'on 
envoya  dans  File  de  Térébinthe  des  commis- 
saires chargés  d'informer  contre  lui.  On  fit 
soutfrir  de  cruelles  toitures  à  ses  domesti- 
ques alin  de  les  forcer  à  charger  le  saint  pa- 
triarche, mais  tout  fut  inutile.  Alors  on  le 
relégua  dans  l'île  d'Hyères,  et  il  fut  renfermé 
dans  une  élablc  ;  de  \h  transporté  à  Promète, 
près  de  Constantinople,  où  un  oflicier  des 
gaides  lui  brisa  deux  dents  d'un  coup  qu'il 
eut  la  cruauté  de  lui  donner  sur  le  visage  ; 
on  le  chargea  ensuite  de  chaînes  et  on  le 
jeta  dans  un  noir  cachot.  Les  évoques,  irrités 
de  cette  dernière  violence,  s'assemblèrent 
dans  l'Eglise  de  Constantinople,  et  lancèrent 
une  sentence  d'excommunication  contre  l'in- 
trus Photius,  à  laquelle  il  répondit  par  une 
autre  contre  Ignace.  Notre  saint,  enchaîné, 
fut  envoyé  à  Mitylène,  dans  l'île  de  Les- 
bos.  Photius  écrivit  alors  une  lettre  pleine 
de  meiisongçs  au  pape  Nicolas  1",  où  il 
lui  disait  qu'Ignace  s'étant  démis  de  sa 
dignité  à  cause  de  son  grand  Age  et  de 
sa  mauvaise  santé,  on  avait  jeté  les  yeux 
sur  lui  pour  remplacer  ce  saint  patriarche, 
qui  vivait  retiré  dans  un  monastère,  respecté 
ft  honoré  de  tous.  11  le  priait  ensuite  de  ra- 
tifier tout  ce  qui  avait  été  lait,  et  d'envoyer 
des  légats  alin  de  condamner  les  iconoclastes. 
Le  pape  répondit  avec  une  grande  circons- 
pection, et  envoya  deux  légats,  sans  dissi- 
muler toutefois  à  Photius  les  irrégularités 
de  son  élection.  Ceux-ci  ayant  été  gagnés, 
condamnèrent  Ignace  sur  l'accusation  de 
soixante-douze  faux  témoins,  et  le  dépo- 
sèrent. Alors  Photius  lui  assigna  pour  iH'ison 
le  sépulcre  de  C(jnstanlin  C(jpronyme.  Notre 
saint  y  resta  ({uinze  jours  {)resque  entière- 
ment privé  de  nourriture.  Un  jour,  un  de  ses 
gardes  lui  prit  forcément  la  main  au  moyen 
de  laquf^lle  il  forma  uin;  cr(jix  sur  un  papier 
(ju'il  tenait  à  la  main.  i*holius  i-emplit  ce  pa- 
pier d'un  acte  de  renonciation  au  siège  de 
<>jnstantin(jple,  après  (pioi  il  laissa  Ignace 
libre  d'alhtr  où  il  v(ju(liait.  (^(;lui-ci  profita 
de  sa  liberté,  se  relira  à  Pose,  dans  une  mai- 
son de  sa  mère,  d'où  il  ertvoya  au  pape  une 
relation  do  tout  ce  qui  s'était  passé.  Néan- 
moins Plirjtius,  (jui  daignait  (nicore  d'èlr(!  in- 
quiété dans  son  occupation  du  siège  de  (^)ns- 
laiil,M(;[j|(!,  donna  a  i'empi'reur  le  couscnl  de 
lorcer  l^jauce  à  lire  dans  l'église  la  prétendue 


renonciation  que  lui-môme  avait  rédigée.  Le 
jour  de  la  Pentecôte,  vers  le  soir,  notre  saint 
voyant  une  troupe  tle  soldats  qui  environ- 
naientsamaison,  jugea|(pi'on  veriailjpour  l'ar- 
rèler;  il  se  revêtit  d'un  liabit  d'esclave,  mit 
un  bâton  sur  son  é[)aule  avec  un  panier  à 
chaque  bout  ;  ainsi  transformé  et  favorisé 
par  la  nuit  qui  commençait  à  venir,  il  s'é- 
chappa sans  être  reconnu.  Il  se  cacha  long- 
temps dans  des  cavernes  et  sur  des  monta- 
gnes désertes,  mendiant  son  pain  de  chaque 
jour.  On  fut  longtemps  à  sa  recherche,  mais 
il  était  si  méconnaissable,  que  personne  ne 
pouvait  le  reconnaître.  Celui  qui  comman- 
dait la  Hotte  reçut  enfin  l'ordre  de  le  tuer 
partout  où  il  le  rencontrerait.  Le  pape,  qui, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  avait  été 
informé  par  notre  saint  de  tout  ce  qui  s'était 
passé,  blâma  fortement  ses  légats,  écrivit 
aux  patriarches  d'Alexandrie,  d'Antioclie  et 
de  Jérusalem,  ainsi  qu'aux  métropolitains 
et  aux  évoques,  leur  enjoignant  de  regaider 
Ignace  comme  le  seul  et  véritable  patriarche 
de  Constantinople.  Il  écrivit  également  à 
Photius  pour  lui  dire  qu'il  occupait  ce  siège 
injustement,  et  qu'il  ne  le  considérait  que 
comme  un  simple  laïque.  Photius  garda  la 
lettre  du  pape,  en  fabriqua  une  autre  par  la- 
quelle le  pape  confirmait  son  élection  et  la 
déposition  d'Ignace.  Cet  intrus  menait  une 
vie  impie,  faisait  la  cour  à  l'empereur  qui 
insultait  à  la  religion,  et  mangeait  à  sa  table. 
Dieu  commença  néanmoins  à  punir  les  cou- 
pables. Bardas  ayant  conspiré  contre  la  vio 
de  l'empereur  fut  mis  à  mort  en  866.  Michel 
et  Photius  devaient  bientôt  eux-mêmes  por- 
ter la  peine  de  leurs  crimes.  Ce  dernier, 
n'ayant  pu  gagner  le  pape,  résolut  de  s'en 
venger.  11  assembla  un  synode  à  Constanti- 
nople en  866,  et  l'y  excommunia;  telle  fut 
la  première  origine  du  schisme  des  Crées. 
Ensuite  il  se  déchaîna  avec  fureur  contre 
l'Eglise  latine,  soutenu  qu'il  était  par  l'impie 
Michel  qu'il  devait  bientôt  perdre  avec  sa 
dignité  usurpée.  En  etl'et,  après  la  mort  de 
Bardas,  l'empereur,  qui  était  complètement 
incapable  de  gouverner  par  lui-même,  avait 
adopté  Basile  le  Macédonien  et  l'avait  asso- 
cié à  l'empire.  Peu  a{)rès  il  avait  voulu  lui 
ôter  la  part  de  puissance  dont  il  l'avait  re- 
vêtu. Mais  celui-ci,  ()ui  déjà  avait  eu  le  lemp.s 
d'en  goûter  les  douceurs,  saisit  un  moment 
où  l'empereur  était  dans  l'ivresse,  et  le  fit 
assassiner.  Sitôt  ([ue  Basile  fut  le  seul  maî- 
tre d(!  l'empire,  il  chassa  IMiotius,  l'exila 
dans  l'ile  de  Scé|)é,  et  rétablit  Ignace  sur 
le  siège  tle  Constantino[)le ,  le  3  novem- 
bre; 867.  Le  premier  usage  que  notre  saint 
fil  de  son  rélablissmuent  dans  son  an- 
cienne dignité,  fut  d'assembler  un  concile, 
(\m  fut  le  huitième  général,  où  l'on  con- 
damna ce  (pii  s'était  fait  dans  \o  synode  do 
Photius,  et  Photius  lui-même  (pii  y  fut  cité 
et  excommunié.  Notre  saint,  de  retour  à 
Constantinople,  se  livra  tout  entier  auxsoins 
(le  fil  mer  les  plaies  que  son  absence  avait 
pu  occasionnera  son  église.  Longtemps  sé- 
paré do  celle  chère  épouse,  il  revint  vers 
elle  animé  d'un  amour  de  plus  en  iilus  ardent. 


1149  IGN 

L'exil  avait  mûri  ses  vertus,  et  ce  qu'il  avait 
aocjuis  dans  les  saints  combats  (jui  l'ont  les 
confesseurs,  il  le  déversa  en  trésors  abon- 
dants de  bénédictions  sur  les  brebis  conliées 
h  sa  yarde.  Ce  tut  dans  l'exercico  d(îs  plus 
hautes  vertus  apostoliciues  (ju  il  |)assa  les 
derniers  tem|)s  de  ^on  épiscopat.  Ses  diocé- 
Faiiis  a|)pré(ièrent  d'autant  plus  l'excellence 
de  leur  pasteur  ([u'ils  avaient  été  plus  long- 
temps séparés  de  lui.  Dieu  le  retira  de  ce 
monde  le  23  octobre  878,  à  l'Ayt;  de  quatre- 
vin^is  ans.  Les  Latins  et  les  Grecs  font  sa 
nuMuoire  le  23  octobre. 

ItîNACK  (saint),  évoque  et  martyr,  avait 
été  disciple  de  saint  Pierre  et  de  saint  Jean. 
Il  fut  ordonné  évéque  d'Antioclusran  08,  jiar 
les  a[)ôtres  eux-mêmes,  après  saint  Evode, 
premier  successeur  de  saint  Piernî  dans 
cette  Eglise.  Il  se  donne  le  titre  d'évôque 
de  Syi'ie.  Antiocho,  à  cette  épo(jue,  en  était 
la  métropole.  Voici  les  actes  de  saint  Ignace 
d'après  un  manuscrit  grec  de  la  bibliothèque 
de  Colbert. 

Lorsque  Trajan  vint  ii  l'empire ,  saint 
Igtiace,  disciple  de  l'apôtre  saint  Jean,  gou- 
vernait rEgiise  d'Antioche.  Comme  un  sage 
pilote,  il  avait  conduit  avec  beaucoup  de 
précaution  son  vaisseau  au  milieu  des  tem- 
pêtes que  la  fureur  de  Domitien  avait  exci- 
tées coutre  les  chrétiens.  Il  avait  su  opposer 
aux  flots  impétueux  de  la  persécution  tantôt 
l'oraison  et  le  jeûne,  tantôt  la  force  de  sa  pa- 
role, et  tantôt  la  pureté  de  sa  doctrine  ;  et  il 
s'était  heureusement  servi  de  tous  ces 
moyens  ou  pour  soutenir  le  courage  ébranlé, 
ou  pour  rassurer  la  foi  chancelante  de  ceux 
dont  il  appréhendait  ou  la  faiblesse  ou  la 
trop  grande  simplicité.  Voyant  enfin  que  cet 
orage  était  apaisé,  sans  qu'il  eût  eu  le  pou- 
voir d'endommager  le  navire  dont  il  tenait 
le  gouvernail,  il  rendait  grâces  à  Dieu  du 
calme  dont  l'Eglise  jouissait  alors  ;  mais  il 
paraissait  n'être  pas  content  de  lui-même,  il 
se  reprochait  son  peu  d'amour  pour  Jésus- 
Christ  ;  il  soupirait  après  le  martyre,  et  il 
était  persuadé  qu'une  mort  sanglante  pou- 
vait seule  le  rendre  digne  d'entrer  dans  la 
familiarité  du  Dieu  qu'il  adorait.  Il  ne  fut 
pas  longtemps  sans  voir  l'accomplissement 
d'un  souhait  si  noble  et  si  chrétien  :  car 
l'empereur,  enflé  de  la  victoire  qu'il  venait 
de  remporter  sur  les  Daces  et  sur  les  Scy- 
thes, crut  qu'il  manquait  quelque  chose  à  sa 
gloire,  s'il  ne  soumettait  à  son  empire  le 
Dieu  des  chrétiens,  et  s'il  ne  les  contraignait 
eux-mêmes  d'embrasser,  avec  toutes  les  na- 
tions du  monde,  le  culte  de  ses  dieux.  Ce 
fut  ce  projet  impie  qui  donna  commence- 
ment à  la  persécution,  et  elle  s'alluma  avec 
tant  de  fureur,  que  les  fidèles  se  virent  ré- 
duits en  un  instant  à  perdre  ou  la  foi  ou  la 
vie.  Ignace,  appréhendant  pour  son  peuple, 
se  laissa  conduire  sans  résistance  devant 
Trajan,  qui,  marchant  contre  les  Parlhes,  et 
se  hâtant  de  les  joindre  sur  les  frontières  de 
l'Arménie,  se  trouvait  alors  à  Antioche. 

Lorsqu'il  fut  devant  l'empereur,  ce  prince 
lui  dit  :  i(  Qui  es-tu,  esprit  impur,  mauvais 
génie,  qui  oses  entreprendre  de  violer  mes 


IGN 


1250 


ordi-es,  cl  d'eu  irjspirei-  aux  autres  les  mé- 
pris?» Ignace  ré|)oiidit  :  «  Nul  autre  que 
vous,  prince  ,  n'appela  jamais  Théophoi«e 
(c'est  ainsi  (pi'on  nonunait  Ignace)  du  nom 
injurieux  dont  vous  venez  (h;  r;»[)()(!ler.  Bien 
loin  (pie  les  serviteui-s  du  viai  Dieu  soient 
de  mauvais  géides,  sachez  (\\w,  les  mauvais 
génies  Irenfljlent  (uix-iru^mes  vX  prennent  la 
fuite  h  la  voix  des  sei'viteurs  du  vrai  Dieu. 
Si  toutefois  vous  croyez  (pie  j(!  niérit(!  un 
nom  si  odieux  pour  m'être  rendu  formida- 
ble à  vos  démons,  je  ferai  gloire  de  lef)ortcr; 
car  entinj'ai  r(!(;u  de  Jésus-Christ,  mon  maî- 
tre, le  pouvoir  de  l'cnverser  tous  leurs  des- 
seins et  do  me  sauver  de  toutes  leurs  embû- 
ches. —  Et  quel  est  ce  Théo[)hore,  lui  dit 
l'empereur?  — C'est  moi,  réplirpia  Ignace,  et 
Quiconque  porte  comme  moi  Jésus-Christ 
dans  son  cœur.  —  Te  scmble-t-il  donc,  re- 
prit Trajan,  que  nous  n'ayons  pas  aussi  dans 
le  C(eur  des  dieux  ({ui  combatt(;nt  j)0ur  nous. 

—  Des  dieux  !  repartit  Ignace,  vous  vous 
trompez  ,  ce  ne  sont  qu(;  (ies  démons.  Il  n'y 
a  qu'un  Dieu  qui  a  fait  le  ciel  et  la  terre,  et 
tout  ce  qu'ils  renferment,  et  il  n'y  a  qu'un 
Jésus-Christ,  le  Fils  unique  de  Dieu ,  et 
c'est  ce  grand  roi  dont  les  bonnes  grâces 
peuvent  seules  me  rendre  heureux.  —  Qui 
nommes-tu  là,  reprit  aussitôt  Trajan?  Quoi! 
ce  Jésus  que  Pilaie  fit  attacher  à  une  croix? 

—  Dites  ])lutôt,  répliqua  Ignace  ,  que  ce 
Jésus  attacha  lui-même  à  cette  croix  le  pé- 
ché et  son  auteur,  et  qu'il  donna  dès  lors  à 
tous  ceux  qui  le  portent  dans  leur  sein  le 
pouvoir  de  terrasser  l'enfer  et  sa  puissance. 

—  Tu  portes  donc  le  Christ  au  n)ilieu  de 
toi,  interrompit  l'empereur?  —  Oui,  sans 
doute,  répondit  Ignace;  car  il  est  écrit  : 
^habiterai  en  eux ,  et  f  accompagnerai  tous 
leur  pas.  >; 

Trajan,  se  sentant  fatigué  par  les  repar- 
ties vives  et  pressantes  de  saint  Ignace,  pro- 
nonça contre  lui  cette  sentence  de  mort  : 
«  Nous  ordonnons  qu'Ignace,  qui  se  glorifie 
de  porter  en  lui  le  Crucifié,  sera  mis  aux 
fers  et  conduit  sous  bonne  et  sûre  garde  à 
la  grande  Rome,  pour  y  être  exposé  aux 
bêtes  et  y  servir  de  spectacle  au  peuple.  » 
Le  saint,  entendant  cet  arrêt,  s'écria  dans  un 
transport  de  joie.  «  Je  vous  rends  grâces, 
Seigneur,  de  ce  que  vous  m'avez  donné  un 
parfait  amour  pour  vous,  et  de  ce  que  vous 
m'honorez  des  mêmes  chaînes  dont  vous 
honorâtes  autrefois  le  grand  Paul  ,  votre 
apôtre.  »  En  disant  cela  ,  il  s'enchaîna  lui- 
même  ,  et  offrant  à  Dieu  ses  prières  avec  ses 
larmes,  il  lui  recommanda  son  Eghse.  Puis, 
se  sacrifiant  volontairement  pour  son  trou- 
peau, il  se  livra  à  toute  la  cruauté  d'une 
troupe  de  soldats  inhumains,  qui  devaient 
le  coniduire  à  Rome  pour  servir  de  pâture 
aux  lions,  et  de  divertissement  au  peuple. 
Etant  donc  pressé  d'un  désir  violent  de  ré- 
pandre son  sang  pour  Jésus-Christ,  il  sor- 
tit d'Antioche  avec  empressement  pour  se 
rendre  à  Séieucie,  oii  il  devait  s'embarquer. 
Après  une  longue  et  périlleuse  navigation, 
il  aborda  à  Smyrne.  Dès  qu'il  fut  descendu 
à  terre  il  courut  chercher  saint  Polycarpe, 


12ol 


IGN 


IGdl 


1252 


qui  cMait  évôq\i«  de  cette  ville,  et  qui  avait 
étc'  coiuine  lui  disciple  de  saint  Jean.  Lors- 
qu'on l'eut  conduit. chez  c  saint  j  lélat,  et 
qu'ils  eurent  coiuuiuiiciué  ensemble  da-is 
l'union  d'une  ciiarité  tout  épiscopale,  saint 
Ignaee,  tout  glorieux  de  ses  chaînes,  et  les 
montrant  à  saint  rolycarpe,  le  |)ria  de  ne 
mettre  aucun  obslaeie  à  sa  moil.  Il  til  la 
même  prière  aux.  villes  et  aux  E,4ises  de 
l'Asie,  qui  l'avaient  envoyé  visiter  sur  son 
passage;  et  s'adressant  aux  évèques,  aux 
prôtres  et  aux  diacres  qu'elles  avaie  U  dé[)ii- 
tés  vers  lui,  il  les  conjura  de  ne  le  |)as  re- 
tarder dans  sa  course,  et  de  souiliir  qu'il 
allât  à  Jésus-Christ,  en  passant  prouii)ie- 
uient  par  les  dénis  des  b.Hes  qui  l'atten- 
daient pour  le  dévorer.  Mais,  craignant  que 
les  chrétiens  (jui  étaient  à  liome  ne  se  mis- 
sent en  devoir  de  s'ûp[)Oser  «u  désir  ardent 
qu'il  avait  de  mourir  pour  son  cher  iiailrc, 
il  leur  écrivit  celte  lettre  : 

«  Ignace,  surnoumié  Théoi)liore,  à  l'Eglise 
favorite  de  Dieu,  et  éclairée  de  sa  lumicre; 
à  celle  qui  est  sous  la  protection  du  Tout- 
Puissant,  et  de  son  Fils  unique,  Jésus- 
Christ;  à  cette  Eglise,  dis-je,  ([ui  fait  gloire 
de  se  souuu.'ttre  en  tout  à  La  volonté  de  ce- 
lui qui  n'ordonne  rien  que  par  rapport  à  l'a- 
mour de  Jésus-Christ;  à  celte  sainte  assem- 
blée de  Romains,  si  digne  de  servir  le  Très- 
Haut;  à  celte  Eglise  qui  mérite  d'être  lou.  e, 
d'être  respectée,  d'être  heureuse  ;  où  tout 
est  réglé  par  la  prudence,  où  tout  est  con- 
duit par  la  sagesse,  où  la  charité  règne,  où 
la  cha-tcté  triomphe,  où  la  loi  du  Fils  est 
révérée,  où  le  nom  du  Père  est  sanctitié  ; 
aux  illustres  lidèles  unis  ensemble  selon 
l'esprit  et  selon  la  chair;  remplis  de  la  grAce., 
qui,  les  atlachant  l'un  h  l'autre  par  des  liens 
sacrés,  les  sépare  de  toute  société  profane  : 
salut  en  Jésus-Christ  notre  Dieu,  sjource  in- 
liniment  pure  d'une  joie  toute  sainte^ 

«  Dieu  se  rendant  à  mes  j)rières,  j'ai  enlin 
obteiui  de  sa  bonté  de  jx^uvoir  jouir  de  vo- 
tre aimable  présence  :  car  t(jut  enchaîné  que 
je  suis  pour  le  nom  de  Jésus-Christ,  j'es- 
père dans  |jeu  être  auprès  de  vous,  si  toute- 
fois ,  après  avoir  si  heureusement  com- 
mencé, je  suis  trouvé  digne  de  persévérer 
jusqu'à  la  lin,  et  si  je  fais  lui  assez  bon 
usage  de  la  gnke  (ini  m'est  donnée,  je  ne 
doute  point  cpie  je  n'eulie  bientôt  en  pos- 
session do  Ibérilage  qui  m'est  échu  par  la 
mort  de  Jé>us-Clirist.  Mais  je  crains  votre 
charité,  et  j'appn'hende  ({00  vous  n'ayez 
pour  moi  une  conq)assion  liop  tendie.  Kicu 
no  vous  est  plus  aisé  (jue  de  m'empècher 
de  mourir;  mais  en  vous  opposant  ii  ma 
mort  ,  vous  vous  opfioscrcz  à  mon  bonheur. 
Et  si  vous  avez  pour  moi  une  piété  siiK  ère, 
vous  me  laisserez  aller  jouii"  de  mon  Dieu. 
Je  ne  puis  mo  résoudre  à  avoir  [)our  vous 
la  comi)l.dsance  déviler  le  stifiplice  (jui 
Di'est  prépaie;  c'est  à  Dieu  seul  qu(!Jeveux 
plaire,  et  vous  m'en  doniKMcz  l'evemple.  Je 
n'aurai  jamais  une  occasion  |»lus  favorablo 
de  me  léunir  h  lui  (pjc  et  Ile  (pii  ^<î  pré'sente, 
fct  vous  n'en  sauriez  «voir  une  plus  bollo 
d'exercer  uno  bonne   muvre;    vous   n'avez 


pour  cela  qu'à  demeurer  en  repos  :  si  vous 
ne  faites  aucune  déniarche  pour  m'arrachcr 
des  mains  des  bourreaux,  j'irai  rejoindre 
mon  D  eu,  mais  si  vous  vous  laissez  toucher 
d'une  fausse  comi>assion  pour  celte  miséra- 
ble chair,  vous  me  renvoyez  au  travail,  et 
vous  me  faites  rentrer  dans  la  carrière. 

«  Soulfrez  que  je  sois  iiiiiifolé,  tandis  que 
l'autel  est  encore  dressé  ;  unissez  seulement 
vos  voix,  et  chantez  durant  le  sacrilice  des 
cantiques  à  Dieu  le  Père  et  à  Jésus-Christ 
son  Fils.  Rendez  giAcos  à  Dieu  de  ce  qu'il  a 
permis  qu'un  évèipiede  Syrie  fût  transporté 
des  lieux  où  le  soleil  se  lève,  i)Our  venir 
perdre  la  vie  en  une  terre  où  cet  astre  perd 
sa  lumicre.  Que  dis-je?  c'est  pour  y  renaître 
à  mon  Dieu.  Vous  le  portâtes  jamais  d'en- 
vie à  personne;  pourriez-vous  envier  ma  fé- 
licité? Vous  sûtes  toujours  enseigner  la  fer- 
meté et  la  constance,  changeriez-vous  main- 
tenant de  maxnmcs?  Mais  plutôt   obtenez- 
moi  par  vos  pTières  le  courage  qui   m'est 
nécessaire  pour  lésisteraux  atkupies  du  de- 
dans et  pour   repousser  celles   du  dehors. 
C'est  peu  de  paraître    chrétien  si  on  ne  l'est 
en  elfet;  ce  qui  fait  le  chrétien,  ce  ne  sont 
pas  les  belles  paroles  et  les  apparences  spé- 
cieuses ;  mais  c'est  la  grandeur  d'àme  et  la 
solidité  de  la  vertu.  J'écris  aux  Eglises  que 
je  vais  à  la  mort  avec  joie,  pourvu  que  vous 
ne  vous  y  o[)posiez   pas.  Je  vous  conjure 
encore  une  fois  de   n'avoir  point  pour  moi 
une  tendresse  hors  de  saison,  et  qui  me  se- 
rait si  peu  avantageuse.   Pei mettez-moi  de 
servir  de  nourriture  aux  lions  et  aux  ours  ; 
c'est  le  chemin  le  plus  court  pour  arriver  au 
ciel.  Je  sui>  le  froment  do  Dieu,  il  faut  que 
je   sois   moulu  pour  devenir  un  pain  digne 
d'èlre  oll'erl  à  Jésus-Christ.   Flatt  z  plutôt 
les   bètes    qui    doivent   mo   déchirer ,    afin 
qu'elles  me  dévoremt   ont  entier,  et  (ju'il  ne 
reste  rien  de  moi  (jui  puisse  faire  [jeine  ci 
(piehpi'un  :  ce  sera  alors  que  jo  serai  un  vé- 
ritable disciple  de  Jésus-Christ ,  lorsque  le 
nion(l(!  ne  verra  plus  mon  corps.  Obtenez  du 
Seigneur  <|ue  je  sois  reçu  de  lui  comme  une 
victime  d'une  agréabk;  odeur. 

«  Au  leste,  ne  croyez  i)as  que  je  prenno 
ici  la  liberté  de  vous  rien  prescrite;  je  ne 
sais  employer  que  des  prières  auprès  de 
V(His,  et  ce  ne  sont  pas  des  ordres  que  jo 
vous  donne,  mais  une  humble  remontrance 
(|ue  je  fais.  Je  ne  suis  ni  un  I*ierre  ni  un 
Paul;  ils  é. aient  apôtres,  et  je  ne  suis  (ju'un 
mallieureux  captil';  ds  étaient  libres,  et  je 
suis  prisonnier.  Mais  si  je  suis  assez  heu- 
reux pour  endurer  le  martyre,  je  deviendrai 
latlV.uuhi  de  Jésus-Chrisl,  el  j(>  ressuscite- 
l'ai  dans  une  [laifaite  liberté.  Depuis  «pie  j'ai 
({uillé  la  Syrie,  je  combats  jour  et  nuit  con- 
Irt!  les  bêles  faroiuhes;  la  terre  et  la  mer 
sont  témoins  de  leur  funnir  ol  do  ma  pa- 
tience. Ce  .sont  dix  léopards  sous  la  ligure  de 
dix  S(jldals  auxquels  jo  suis  enchaîné,  etipii 
sont  (raulanl  plus  cruels  (pi'on  s'ell'orce  tlo 
les  apprivoiser  |iar  d  .s  biinfaits.  Lmu's 
mauvais  traileiiunils  nriiislruisent,  mais  ils 
ne  mo  juslilicut  pas.  En  aiiivant  i\  Rome, 
j'espère  (rouver  let>  bêtes  {jrêles  à  me  met- 


1255  ICN 

tro  Cl  pi^cos;  piiissent-ollos  no  mo  point 
fîiiro languir!  J'cmploiorai  d'.ibonl  les  cnivs- 
sos  pour  Uvs  ongiigcr  h  no  mo  point  ('[Kir- 
gnor,  et  si  co  nioy(Mi  no  iiio  rtHissil  pa^,  jo 
les  in-itorai  contro  moi,  ot.jo  les  Ibrcerai  à 
m'iMor  la  vio. 

«  Panlon'io/-moi  cos  scnlinionls;  jo  sais 
co  (jui  m'ost  jivniitagoux  :  jo  eommonco  h 
^tro  un  vt^rilanlo  (lisciplo  (l(!  Josus-dhiist , 
riou  îio  me  louolio  ,  tout  ru'ost  iioMlliM-cnt, 
hors  l'espôranco  do  poss(Slor  Jô.sus-(;hi  ist. 
Que  lo  fvn  nie  rtViuiso  on  oondi'os  ;  ([u'uno 
oroiv  nio  lasso  poiir  d'une  mort  lento  ot 
cruelle;  qu'on  l>\cho  sur  moi  ilva  tigres 
furieux  et  dos  lions  alfamés;  qu'on  (lis[)oiso 
mes  os  de  tous  0(Mt''s;  (ju'on  mourlr-isso  mes 
membres  ;  (pi'on  hioie  .non  corps;  (jue  tous 
les  (lômous  ô[)iiisout  sui-  moi  leur  rago,  jo 
soulViirai  tout  avec  joie  pourvu  (juo  j'arrivcî 
jiar  Ih  à  la  posst'ssion  do  Jc'sus-Ciu'ist.  C.ollo 
do  tous  !(>s  royaunu'S  tlo  la  loiro  no  saurait 
mo  rendre  houi'oux;  et  il  m'ost  bien  plus 
gloi'ieuv  do  mourir  ])our  Jôsus-Christ  ([ne 
de  rc^gnor  sur  tout  lo  monde.  Mon  cœur  sou- 
pire après  celui  qui  est  mort  pour  moi; 
mon  cœur  sou()ire  après  celui  qui  est  ros- 
susc'tô  pour  moi.  Voilà  co  (juc  j'espère  re- 
cevoir en  échange  de  ma  vie.  Soyez,  mes 
frères,  favorables  à  mes  désirs  et  ne  m'em- 
pêchez pas  de  vivre  eu  m'empèchant  do 
mourir;  laissez-moi  courir  vers  cotte  pure 
et  divine  lumière;  soull'rez  que  je  devienne 
en  quelque  sorte  l'imitateur  do  Jésus-Christ 
mourant  pour  les  hommes.  Si  (juolqu'un  de 
vous  le  porte  dans  son  cœur,  il  comprendra 
aisément  ce  que  je  dis;  ot  il  sera  sensible  à 
ma  poine  s'il  brûle  du  même  fou  qui  me 
consume.  Le  prince  de  ce  siècle  mo  veut 
ravir  à  Jésus-Christ;  il  s'eft'orce  d'alfaibiir 
mes  résolutions,  ne  secondez  pas  son  des- 
sein impie;  n'est-il  pas  plus  juste  que  vous 
preniez  mon  parti?  Ne  craignez  rien,  c'est 
celui  de  Dieu  même. 

'<  Au  reste,  mes  frères,  ne  pensez  pas  pou- 
voir accorder  le  monde  avec  Jésus-Christ. 
Si  son  nom  adorable  se  trouve  dans  votre 
bouclie,  que  l'amour  do  son  ennemi  no  rè- 
gne j)as  dans  votre  cœur.  Si ,  étant  arrivé 
auprès  de  vous  ,  j'avais  la  faiblesse  de  vous' 
faire  paraître  d'autres  sentiments,  ne  mo 
croyez  pas;  mais  ajoutez  foi  à  ce  que  je  vous 
écris  maintenant  :  je  le  lais  dans  une  entière 
liberté  d'esprit,  et  j'emploie  ces  derniers 
moments  de  ma  vie  à  vous  mander  que  le 
plus  ardent  do  mes  souhaits  est  de  la  voir 
bientôt  linir.  J"ai  attaché  à  la  croix  de  mon 
Sauveur  tous  les  mauvais  désirs  de  mon 
âme.  Le  feu  qui  me  brûle  est  un  feu  pur  et 
divin  ,  sans  aucun  mélange  de  flammes  ter- 
restres et  grossières  ;  l'ardeur  qu'il  produit 
.en  moi  éveille  au  fond  de  mon  cœur  une 
voix  qui  me  cric  sans  cesse  :  Ignace,  que  fais- 
tu  ici-bas?  va,  cours ,  vole  dans  le  sein  do 
ton  Dieu  !  Je  n'ai  plus  de  goût  pour  les  vian- 
des les  plus  exquises,  ni  pour  les  vins  les 
plus  délicieux,  ni  pour  tout  ce  que  les  hom- 
mes recherchent  avec  tant  do  passion  dans 
les  plaisirs  des  sens  :  lo  pain  que  je  veux 
est  la  chair  adorable  de  Jésus-Chxist ,  et  le 


ir.N 


1294 


vin  que  jo  demande  est  son  sang  précieux  ; 
(•(!  vin  réleste  (pii  oxcilo  dans  l'Ame  !e  feu 
vil'ot  inunortel  d'u'io  clhirilé  incorruptible. 
Je  ne  (i(;n.<  plus  n  la  terre  ,  et  jo  no  ma  re- 
garde nlirs  ( onrme  vivant  [lar-mi  les  homrircf». 
Que  Josus-Christ  voirs  fasse  s(;ntir  la  vérité 
d(i  ce  (pie  jg  vous  écr-is;  c'est  son  Père  lui- 
même  ciui  conduit  iua  plumo;  pour  lait-ellc 
tr-acor  des  carvicln-es  (jui  re[)résonlass(!nt  le 
mensonge?  I''nlin,  priez,  denrandez,  obtr-noz 
jiour  moi  lo  pi-ix  qui  no  se  donne;  (pj'au 
bout  de  la  carrièr-c.  Ce  n'r  st  point  la  chair 
qui  m'a  dicté  ces  paroles,  mais  l'esprit  de 
Dieu  qui  mo  les  a  inspirées.  Si  jenosoull'ro 
pour  Jésus-Christ,  ma  mémoire  vous  sera 
chèr-o;  mais  si  jo  me  rends  indigne  de  souf- 
frir, mon  nom  vous  doviendr-a  odieux. 

«  Souvenez-vous  dans  vos  prières  de  l'E- 
glise do  Syrie,  (jui,  dépourvue  do  pasteur, 
toirrne  sos  yeux  et  ses  eSiéiancos  v(M'S  celui 
qui  est  le  souverain  [lasteur  de  toutes  les 
Eglises;  qire  Jésiis-Chr-ist  daigne  on  prendre 
la  coîKliiite  durant  mon  abserrco  ;  je  la  con- 
fie à  sa  providenc(!  ot  à  voti'o  charité.  Pour 
moi,  je  n'ose  mo  mettre  au  nonrbix'  des  évo- 
ques ,  et ,  me  trouvant  indigne  do  leur  divin 
caractère,  je  me  regarde  comme  le  dernier 
de  tous  ks  fidèles  et  un  avorton  de  l'E- 
glise. 

«  Jo  vous  salue  on  csprnt  ;  toutes  les  Egli- 
ses qui  m'ont  reçu  au  nom  de  Jésus-Christ 
font  la  même  cho^o.  Elles  no  m'ont  pas  reçu 
comme  un  étranger;  mais  elles  m'ont  fait  con- 
duiro ,  avec  une  charité  toute  chr-étienne , 
dans  toutes  les  villes  qui  se  sont  trouvées 
sur  ma  route. 

«  Des  Ephésiens,  gens  de  considération  et 
de  mérite,  vous  rendront  cette  letti-e.  Cro- 
cus ,  dont  la  personne  m'est  si  chère,  m'a 
accom[)agné  jusqu'ici  avec  plusieurs  autres 
fidèles.  A  l'égartl  de  ceux  qui  sont  partis 
de  Syrie  pour  Rome,  et  que  la  gloire  de  Dieu 
y  a  conduits  avant  moi,  je  ci'ois  que  vous  les 
connaissez;  vous  m'obligerez  de  leur  faire 
savoir  que  je  suis  proche.  Ce  sont  dos  per- 
sonnes dignes  de  la  protection  de  Dieu  et 
do  vos  soins.  Vous  leur  rendrez  tous  les 
bons  offices  que  mérite  leur  vertu. 

«  A  Smyr-ne,  le  23  août.  Je  vous  souhaite 
jusqu'à  la  fin  la  patience  en  Jésus-Christ.  » 

Ai)rès  que  saint  Ignace  eut  écrit  cette  let- 
tre aux  chrétiens  qui  étaient  à  Home,  pour 
les  disposer  à  être  les  spectateurs  paisibles 
de  sa  mort ,  et  pour  leur  faire  perdre  toute 
pensée  de  s'y  opposer,  il  partit  de  Smyrne  ; 
et,  cédant  à  la  cruelle  impatience  des  sol- 
dats qui  le  conduisaient,  et  qui  ne  cessaient 
de  le  presser  d'arriver  à  Rome  avant  le  jour 
destiné  aux  spectacles,  il  vint  mouiller  l'an- 
cre à  Troado  ,  d'où ,  prenant  le  chemin  de 
Napoli  et  passant  par  Philijjpes  sans  y  sé- 
journer ,  il  traversa  toute  la  Macédoine,  et 
ayant  trouvé  à  Epidamne  (Durazzo),  sur  les 
côtes  de  l'Epi,  e,  un  navire  prêt  à  faire  voile, 
il  s'embarqua  sur  la  mer  Adriatique,  qui  le 
porta  dans  celle  de  Toscane.  II  y  vit  en  pas- 
sant les  îles  et  il  parcourut  les  villes  dont 
ces  cotes  sont  bordées.  Lorsqu'il  fut  à  la  vue 
de  Pouzzoles,  il  pria  qu'on  lui  permît  de 


1255 


IGN 


INC 


1256 


descendre  à  terre  ,  désirant  de  marcher  sur 
les  pas  de  saint  Paul  et  do  suivre  ses  pré- 
cieuses traces;  mais  un  coup  de  vent  ayant 
repoussé  son  vaisseau  en  pleine  mer,  il  se 
vil  obligé  de  passer  outre,  se  contentant  de 
donner  de  grandes  louanges  à  la  charité  des 
fidèles  de  cette  ville.  Eiihn,  le  vent  s'étant 
entièrement  déclaré  pour  nous,  nous  lûmes 
portés  en  un  jour  et  une  nuit  dans  l'embou- 
chure du  Tibre  et  au  port  des  Romains. 

Cependant  nous  étions  daiis  une  alUiction 
extrême;  nous  gémissions  en  secret  en  nous 
voyant  sur  le  point  d'être  sépaiés  pour  tou- 
jours de  ce  saint  homme  ;  mais  lui,  au  con- 
traire ,  témoignait  de  la  joie ,  et  paraissait 
être  au  comble  de  ses  vœux ,  se  voyant  si 
près  de  quitter  le  monde  pour  s'unir  à  Dieu, 
l'unique  objet  de  ses  désirs.  A  peine  eut-on 
touché  à  terre  qu'on  lit  prendre  au  saint  le 
chemin  de  llome.  Le  bruit  de  son  arrivée  le 
devançait  partout  où  il  passait.  Cependant 
l'inquiétude  et  la  crainte  avaient  saisi  le 
cœur  des  frères  qui  étaient  venus  au-devant 
de  lui,  quùiiju'ils  ressentissent  en  môme 
temps  quelques  mouvements  de  joie  lors- 
qu'ils considéraient  au  milieu  d'eux  ce  grand 
homme,  et  qu'ils  avaient  été  choisis  ])our 
l'accompagner.  Quelques-uns  môme  des 
nlus  fermes,  et  vivement  touchés  du  mal- 
neur  d'Ignace  ,  commençaient  déjà  à  dire 
entre  eux  qu'il  fallait  apaiser  le  peuple  ,  et 
tâcher  d'éteindre  celte  soif  ardente  ({u'il  avait 
de  son  sang.  Mais  res[)rit  de  Dieu  ayant  fait 
connaître  au  saint  évoque  le  projet  qui  se 
formait  contre  lui,  il  s'arrôta,  puis  ayant  sa- 
lué ceux  qui  l'environnaient ,  avec  un  air 
doux  et  majestueux,  et  leur  ayant  demandé 
et  donné  la  paix ,  il  leur  parla  avec  tant  de 
force  pour  leur  persuader  de  ne  [)oint  être 
cause  que  son  bonheur  fût  dilféré,  qu'ils  se 
rendirent  aux  choses  qu'il  leur  dit  et  qu'il 
ajouta  à  celles  qu'il  leur  avait  écrites.  Ayant 
donc  ainsi  modéré  la  trop  grande  activité 
d'un  amour  tro[)  humain  et  trop  épuré  ,  ils 
mirent  tous  les  genoux  en  terre,  et  le  saint, 
élevant  sa  voix ,  demanda  à  Jésus-Christ 
qu']l  lui  plût  de  faire  cesser  la  persécution  , 
(Je  rendre  la  paix  à  son  Kglise,  et  d'(Mitrete- 
nir  dans  le  cœui-  des  lideles  un  amour  um- 
tuel,  tendie  (;t  capable  de  résister  à  toutes 
les  attaciues  de  la  chair  et  du  monde.  Cette 
l)riere  achevée,  il  fut  enlevé  par  ses  gardes 
avec  j>récipitalion  ,  et  conduit  dans  l'am- 
phithéâtre, comme  les  spectacles  allaient  11- 
nir. 

C'était  un  de  ces  jours  solennels  que  la 
sujjcistition  romaine  avait  consaciés  sous 
le  nom  de  fêles  Sigillaircs;  toute  Home  était 
accourue  à  l'amphithéAlie  ,  et  elle  but  avec 
avidité  le  sang  du  mai'tyr  qui,  ayant  été 
donné  à  deux  lions,  lut  en  un  instant  dévoré 
par  ces  cruels  animaux,  ils  ne  laissèrent  de 
.son  corps  rjutj  les  plus  gros  ossenirmls  ,  (jui 
furent  re(;u(;illis  avec  ]es|iect  par  les  lidèlcs, 
])ort<''.s  à  Anlioche,  et  déjxjsés  dans  l'église 
comme  un  trésor  inestiujable.  Sa  mort  arriva 
le  l.'jdc.'s  calendes  de  janvier,  sous  le  consu- 
lat de  Suia  d  de  Sénecion  (le  20  décembre). 

Pour  nous,  après  en  avoir  été  les  tristes 


spectateurs,  nous  nous  retirâmes  à  notre  lo- 
gis, où,  donnant  un  libre  cours  ii  nos  larmes, 
nous  i)assàmes  la  nuit  ijrosternés  devant  le 
Seigiieiu-,  lui  demandant,  j)ar  de  continuel- 
les et  ferventes  prières  ,  ({u'il  lui  plût  de 
nous  faire  connaître  quel  avait  été  le  succès 
d'un  combat  si  sanglant ,  et  s'il  avait  été 
glorieux  jiour  notre  saint  évê(iue.  Alors  un 
léger  summeil  nous  surpi-il  et  nous  lit  voir 
Ignace  sous  diverses  formes  et  en  diverses 
Situations.  11  se  présenta  debout  à  quelques- 
uns  ;  il  se  lit  voir  aux  autres  les  bras  ou- 
verts ,  et  venant  à  eux  pour  les  embrasser  ; 
il  i)arul  à  ceux-là  tout  couvert  dt;  sueur,  et 
comme  sortant  d'un  travail  })énible  ;  à  ceux- 
ci  comme  priant;  eniin ,  il  y  en  eut  qui  l'a- 
pei"çurent  à  coté  du  Seigneur,  tout  éclatant 
de  lumière.  IS'ous  étant  communiqué  nos 
songes,  nous  rendîmes  de  Irès-humbles  ac- 
tions de  grâces  à  l'Auteur  de  tous  les  biens, 
et  notre  bienheureux  père  fut  hautement 
proclamé  saint  dans  l'assemblée.  Nous  réso- 
lûmes en  même  temps  de  vous  envoyer  un 
récit  fidèle  de  tout  ce  qui  s'était  passé  à  son 
martyre  ,  et  de  vous  en  marquer  le  lieu,  le 
jour  et  les  circonstancos,  alin  que  vous  vous 
unissiez  à  nous  pour  chanter  les  victoi- 
res de  Jésus-Christ  qui  a  combattu  le  dé- 
mon ,  et  qui  a  triomphé  de  lui  i)ar  son  illus- 
tre et  généreux  athlète. 

IGNACE  (Pierre),  patriarche  de  Syrie, 
ayant  été  accusé  de  faire  publiquement  pro- 
fession de  la  religion  catholique,  reçut  qua- 
tre-vingts coups  de  bâton  sous  la  plante  des 
pieds,  et  fut  mis  après  cela  aux  fers,  dans  un 
noir  cachot,  avec  Denis  Uezkallah,  archevê- 
que d'Alep.  Le  Grand  Seigneur  ne  les  en  tit 
sortir  que  pour  subir  une  déiention  perpé- 
tuelle dans  le  château  d'Adané.  Exténué  de 
fatigues,  l'archevôque  mourut  en  y  arrivant: 
Ignace,  malgré  ses  inlirmités  et  les  priva- 
tions de  toutes  sortes  qu'il  eut  à  subir  en 
prison,  lui  survécut  de  quelques  mois,  et 
cueillit  ainsi  la  palme  du  martyre. 

IHUM  LAÇA  MAKIAM,  Abyssinien,  fut 
emprisonné,  le  30  septemure  lGi8,  en  Abys- 
sinie,  sous  le  règne  et  duiant  la  persécution 
de  liasilides,  Négous  de  ce  pays,  en  haine  de 
la  religion  catholiciue.  Il  eut  ()our  coujpa- 
gnons  de  sa  captivité  dom  Jean,  dom  Théo- 
dore, dom  Meica  Christos. 

ILLUMINAT  (saintj,  confessa  Jésus-Ciirist 
à  Saii-Sévérino,  dan.>  la  Marche  d'Ancùne. 
0:i  ignore  complètement  a  date  et  les  ddl'é- 
rentes  ciiconslances  (pu  illustrèrent  sa  cou- 
rageuse confession.  Nous  le  lr()uvons  inscrit 
au  Martyrologe  romai..,  le  11  mai. 

IMOLA,  ville  des  Etals  de  l'Eglise,  est  cé- 
lèbre par  le  martyre  qu'y  soulVrit  saint  Cas- 
sien,  maître  d'é(;ole.  Il  fut  condamné  à  être 
tué  par  ses  écoliers,  à  coups  de  stylets  à 
écrire.  ( V'o//.  Cassikn.) 

INtlENDÎE.  Néron,  a.>ant  brûlé  Rome,  on 
GV,  en  accusa  les  chrétiens,  et  prit  ce  pii'lt'vte 
jiour  commencer  à  les  pcis,-.  uler.  Sous  Dio- 
cléti(în,  (îalère,  ne  pouva;u  décider  ce  prince 
;i  peis.'cuti'r  les  chiélicus  (onnno  il  le  vou- 
lait, mille  feu  au  palais  do  Nicomédie,  et  eil 
accusa  ceux  ipi'il  \ouiail  {lerdro. 


1237 


ms 


IRE 


nns 


INDES  (saint),  martyr,  donna  sa  vie  pour  la 
conffssio'i  (If  la  foi  "clirL^ticnnc,  durant  la 
porsôculion  do  Dioch-tit'ii.  Il  ùiaif  u-i  des  ol- 
liciors  du  [taJais  .^  Niconiùdio.  Il  eut  |)Our 
conipagn<»ns  de  son  niarlyro  saint-'s  Donuio, 
A^a;)(î  et  Th(n)})liil(',  vi-rf^es,  ot  leurs  coin- 
paguons  (pie  le  Martyrologe  romain  no 
nouuut'  [)as.  C'est  le  28  déccmbri^  (pie  l'K- 
glise  honore  la  UKimoire  do  ces  glorieux  mar- 
tyrs. 

INGÈNK (saint),  inscrit  au  Martyro'oge  ro- 
main comme  soldat  mirtyr,  »i  la  date  du  20 
di3ceml)re.  {Voy.  Ammon  d'Alexan(irie.) 

INNOCENT  [-aint),re(;-ut  la  palme  du  mar- 
tyre h  Apoilinie  en  Mac(kloine.  Il  eut  [)our 
compagnons  de  son  Iriomplie  les  saints 
Isaure,  FiMi\,  Jérômie  et  P(3r(5grin,  At!i(^- 
niens.  Ces  courageux  comhattants  de  la  foi 
furent  livrés  à  diverses  tortures,  [)uis  enliii 
di'^capités.  On  ignore  la  date  et  les  diir(5ren- 
tes  cii'consiances  de  leur  martyre.  L'Eglise 
ftiit  collectivement  leur  f(He  le  17  mai. 

INNOCENT  (^aint),  fut  martyrisé  à  Sir- 
mich,  ville  de  Panno'iic.  Il  eut  pour  compa- 
gno  is  de  ses  souffrances  sainte  Sébastie  et 
trente  autres,  dont  les  noms  rn'  sont  point 
parvenus  jusqu'h  nous.  L'Eglise  fait  collec- 
tivement leur  mémoire  le  4  jui  li-t. 

INNOCENT  (s;iini),  évê  jue  et  confesseur, 
eut  la  gloire  de  soutfrir  pour  Jésus-Christ  et 
pour  1 1  défense  de  la  religion  chrétienne, 
dans  la  ville  de  Tortcne.  Les  détails  nous 
manquent  entièrement  sur  l'époque  et  les 
circonstances  de  sa  confession.  L'Eglise  ho- 
nore son  immortelle  et  sainte  mémoire  le 
17  avril. 

ION  (saint),  prêtre  et  martyr,  répandit  son 
sang  pour  la  foi  à  Châtres  (Arj^ajon),  par 
l'Oidre  du  préfet  Julien.  Ce  saint  prêtre,  qui 
était  venu  dans  les  Gaules  avec  saint  Denis, 
fut  meurtri  de  coups  et  acheva  son  martyre 
par  le  glaive.  L'Eg'ise  honore  sa  glorieuse 
et  sainte  mémoire  le  22  s  plembre. 

IPPON  (saint),  prêtre  et  martyr,  n'est  pas 
inscrit  au  Martyrologe  ronum.  Il  lut  tué 
pour  la  foi  chrétienne,  en  1066,  avec  Go- 
descalc,  prince  d  s  Vandales  occidentaux. 
Leur  martyre  eut  lieu  dans  la  ville  de 
Léontia. 

IRAIDE  (sainte),  vierge  d'Alexandrie,  re- 
çut la  couronne  du  martyre  à  Antino(^  en 
Egypte.  Cette  sainte, étant  sortie  pour  puiser 
de  l'eau  dans  u^e  fontaine  assez  peu  éloi- 
gnée, aperçut  un  vai-seau  chargé  de  confes- 
seurs de  Jés.is-Christ.  Elle  quitta  aussiltjl  sa 
cruche'  pour  se  joindre  à  eux,  et  quand  ils 
furr-nt  entrés  dans  la  ville,  elle  fut  liécapitée 
la  première,  après  avoir  enduié  p'usieu  s 
tourments.  Les  prêtres,  les  diacres,  les  vier- 
ges et  tous  les  aulres,  périrent  par  le  môme 
genre  de  mort.  L'Egiise  célèbre  coUectivc- 
me  n  leur  mémoire  le  22  sept  niibre. 

IRÈNE  (saint),  fut  martyrisé  à  Thessalo- 
nique,  pour  la  défense  de  la  relig  on  chré- 
tienne. Les  Actes  des  martyrs  nous  appren- 
ne..t  qu'il  expira  dans  les  ilamm.'S  avec 
les  saints  Iré  lée  et  Pérégrin.  Ils  sont  inscrits 
au  M.i  tyrologe  romain  le  5  mai. 
IRÈNE  (sainte),  martyre  à  Thessalonique, 

DiCTIOMN.   DES  PerSÉCUTIOXS.    I. 


avec  sainte  Agape  et  sainte  Quisnie,  eut  le 
bonheur  de  mourir  |)our  noire  sainte  reli- 
gion, en  l'année  30'*,  durant  riitr(»(;(!  persé- 
cution (pi(!  Dioclétien  lit  >ouifrir  aux  chré- 
tiens. Ses  Actes  lui  sont  communs  avec  ceux 
de  sainte  Agape,  de  la  UH'^me  vill(\  Nous  y 
renv(jyons  hi  lecteur.  L'Eglis(;  fait  la  fête  de 
ces  sainl(  s  femmes  et  de  Lurs  compagnes, 
le  'i  avrd. 

IRÈNE  (sainte),  recueillit  la  glorieuse 
palme  du  martyre  avec  sainte  So[)hie.  Les 
détails  nous  manqu(!nt  complètement  sur  l'é- 
poque et  les  circonstances  diverses  de  leur 
martyre.  L'Egiise  fait  leur  sainte  mémoire 
le  18  S(?|)tembre. 

IRÉNÉE  (saint),  évoque  de  Lyon  et  mar- 
tyr, naquit  vers  l'an  120  de  Jésus-Christ, 
ison  nom,  (pii  est  grec,  semble  indiquer  (}u'il 
était  Grec  de  nai.^^sance.  Il  fut  disci[)le  de 
Papias  et  de  saint  Polycarpe.  Lui-môme  rap- 
porte qu'il  avait  vu  souvent  le  saint  évoque 
de  Smyrne ,  étant  encore  enfant.  D'après 
cela,  il  est  très-raisonnable  de  croire  qu'ii 
naquit  dans  le  sein  de  la  religion  chrétienne. 
S'il  en  était  autrement,  il  est  probable  qu'il 
l'aurait  dit  quelque  part  dans  ses  ouvrages. 
Quoiqu'il  fût  tout  enfant  quand  il  était  à 
môme  de  voir  et  d'entendre  saint  Polycarpe, 
il  remarquait  avec  une  extrême  attention  tout 
ce  qu'il  entendait  et  voyait  du  vénérable  évo- 
que, afin  d'en  profiter  plus  tard.  Lui-même 
le  raconte  en  ces  termes  :  «Il  est  vrai  que, 
par  la  miséricorde  de  Dieu,  j'écoutais  dès 
lors  toutes  ces  choses  avec  soin  et  avec  ar- 
deur. Je  les  gravais,  non  sur  des  tablettes, 
mais  dans  le  [tlus  profond  de  mon  cœur.  Elles 
y  sont  demeurées  très-vives  et  très-présen- 
tes ;  et  Dieu  me  fait  la  grâce  de  les  repasser 
sans  cesse  par  mon  esprit.  »  Sa  modestie  lui 
fait  dire  qu'il  ne  savait  point  l'art  de  com- 
poser un  livre,  et  qu'il  n'entendait  rien  à  la 
rhétorique  ;  mais  deux  juges  excellents,  Ter- 
tuhien  et  saint  Jérôme,  mettent  ses  ouvrages 
parmi  les  plus  accomplis  ;  son  éloquence  et 
son  savoir  sont  vantés  par  eux.  Du  reste,  ses 
livres  eux-mêmes,  excellents  témoins,  nous 
disent  que  le  saint  dut  cultiver  avec  succès 
les  belles-lettres.  Il  cite  fréquemment  les 
poètes  et  les  philosophes  les  moins  connus, 
ce  qui  prouve  qu'il  était  loin  d'être  étranger 
aux  connaissances  qui,  à  cet  époque,  consti- 
tuaient l'homme  érudit  et  savant. 

Combien  de  temps  saint  Irénée  resta-t-il 
avec  saint  Polycarpe,  c'est  ce  que  nous  ne 
saurions  dire  :  il  faut  croire  qu'il  passa  sa 
jeunesse  près  de  lui,  si  l'on  s'en  rapporte  à 
saint  Grégoire  de  Tours,  qui  dit  que  ce  fut 
saint  Polycarpe  qui  l'envoya  en  Gaule.  Ce 
qui  est  certain,  c'est  que  nous  le  retrouvons 
prêtre  de  l'Eglise  de  Lyon.  Saint  Jérôme 
l'apiielle  prêtre  de  saint  Pothin,  ce  qui  ren- 
ve.  se  victorieusement  la  prétention  qu'ont 
eue  quelques-uns  de  le  donner  comme  ayant 
été  évoque  de  Thyatire,  en  Lydie.  Il  était  à 
Lyon  en  177,  quand  la  persécution  y  éclata 
avec  rage.  Ce  fut  au  milieu  de  ses  fureurs 
les  plus  grandes  que  l'Eglise  de  Lyon  et  les 
martyrs  q\i\  étaient  dans  les  prisons  dépu- 
tèrent saint  Irénée  au  pape  Eleuthère,  pour 

40 


4259 


IHE 


s'entP'uire  iwcc  lui  .'i  pro;)OS  de  l'hérésie  de 
Montai),  el  pour  le  |)iier  do  no  |):is  sévir 
contre  les  Oriontaux  q-ii  ne  s'enlon.laiont 
pas  avec  Rom  -,  ri'lalivc.nent  an  jour  où  il 
convenait  «le  célébrer  la  f.-te  d  P.V.jncs.  Dans 
la  letl  e  que  les  chrétiens  de  Lyon  écrivent 
ai  pape  Eleutlière,  ds  hii  recoiniiiandent  Irc- 
née,  d*al)ord  connue  un  hnmtnodos  plus  zé- 
1,'s  pour  la  loi  de  Jésus-Christ,  et  ensuite 
comme  prêtre.  Pendant  ({u'hé née  était  à 
Rome,  la  rage  des  persécuteurs  sévissait 
contre  les  chrétiens  de  L;,  on  ;  saint  Polhin, 
leur  évoque,  et  une  multitude  d'autres,  ne 
devaient  point  revoir  leur  messager.  11  est 
pt(jbabie  que  saint  1  énée,  ayant  ap[)ris  ce 
glorieux  malheur,  eut  h  Ue  de  revenir  au 
sein  du  troupeau  dont  il  était  l'un  des  pas- 
teurs. Il  arriva  à  Lyon  avant  (jue  la  persécu- 
tion fût  apaisée.  Son  retour  lit  la  joie  de  so'i 
Eg  ise  :  d'un  commun  accord  saint  Irénée  fut 
élcvé  sur  le  siég'^  éniscopal  de  Lyon,  que 
saint  Pothin  venait  d'illustrer  par  sa  mort 
glorieuse.  Premier  évèque  de  celte  g  ande 
cité,  il  versait  son  sang  [)Oiir  Jésus-Christ,  et 
lai>sait  à  sa  nt  Irénée,  second  é\éque,  avec 
la  houlette  }>aslorale,  J'hé.'itige  d'une  mort 
seudjlable  à  la  sienne.  Tout,clariS  ces  temps 
primitifs,  est  plein  <ie  miracles,  de  s..inls  et 
de  triomphes  po  ir  l'Eglise. 

Eusèwe  dit  qu'il  gouvernait  les  Eglises  des 
Gaulvs,  et  qu  il  y  conduisait  les  frères.  On 
a  beaucoup  disputé  alin  de  fis-er  le  sens  ûe 
ces  paroles  :  rien  pourtant  nestplus  simple. 
Aucune  Eglise  n'avait  eu  d"évôquu  avant  la 
ville  de  L}on,  qui  fut,  [)0ur  ainsi  ()arle'-,  la 
mère  de  toutes  les  autres.  Easèbj  a  voidu 
dire  q  e  l'évèque  de  Lyon  était  niétroj)oli- 
tain  des  Gaules,  et  que,  par  la  piépo  idé- 
rance  de  ses  iumiùrcs  el  de  son  mérite,  aussi 
bien  que  par  l'élévation  de  sa  dignité,  il 
était  regardé  comme  le  chef  des  hdéles. 
Saint  (Irt'goire  de  Tours  dit  que,  quand  il 
eut  été  fait  évèque.  Dieu  don::a  à  sa  parole 
une  telle  puissance  pour  entraîner  el  con- 
vaincre, qu'au  bout  de  peu  de  temps  il  ren- 
dit loule  la  ville  de  Lyo  i  chrétienne,  mais 
If»  ne  se  b  )rnèrenl  pas  h.'s  soins  de  son  /.Ole. 
Si  le  saint  évèque  versait  abondamm  nt  >ur 
le^  Ames  les  bitinfaits  de  la  religijn  de  Jé- 
sus-Christ, il  tenait  h  e  i  garder  intajt  le  sa- 
cré dépôt.  Il  asseinid.i  un  concile  provincial 
po  >v  analhé.natiser  Us  erreurs  de  .Montan  et 
autres  hé.  '-tiques  qui,  à  celle  époque,  déchi- 
raient le  sein  de  l'Eg  iso,  leur  mère.  INous 
trouvons  ce  renseignement  d  Jis  le  Synodi- 
(jue,  et  le  P.  Hudi.ix  nous  appiend,  sau^  en 
inJiquer  plus  [)iécisénient  la  s(jiirce,  (ju'il  en 
a  I encontre  la  preuve  dans  la  l»iblioliie(pie 
du  VatiikTii. 

On  prélen.l,  d'a[)rès  cpiel  pies  autorités  qui 
n'ont  p  is,il  faiilenconve  ir,  une  Ircs-grande 
va  eur,  que  saint  Iré  lée  lil  beaucou^^  de  iid- 
ra.  les  pour  la  conversion  d.;s  inlidèles.  Nous 
le  croyo  is  d'autant  mieux,  que  iui-mème 
nous  apprcinl  qu'à  cell.'  époqa»;  i'EJise 
élut   en    p  ssession    di   don  de-;  niii'Aehîs  : 

tlvixt  TÔTi    il     u-JT'liv    Tri  tT rai  V!Apu<i  > /n   Ou  àpct; 

h.,f)/'ijv.  Saint  Justin  Martyr  a:li;iuail  la 
UiOiue  chose  :  «  I^e-j  do  is  [MO,-h.:tiques  sub- 


Wt  1-230 

sistent  encore  aujnurd'hui  parmi  nous  :  Traoà 

Oua  U  au  d  ta'il  de  la  vie  de  saint  Irénée,  es 
historien^  ne  nous  ont  rien  laissé  à  cet  éga  d. 
Ils  se  sont  occupés  davantage  de  ce  qni  avait 
trait  à  l'hisloiri-  de  t'Eglise  en  général  ;  ce- 
jiendanl  Eu^èbe  nous  appr  nd  (jue  ce  saint 
évè([uejusti!iait  jtarfai  ement  la  si^nilication 
de  son  nom,  ([ui  veut  cire  doux,  paci(i(]ue. 
Il  aimait  pass  onnément  la  p.iix  :  il  ne  fau- 
drait j)as  croire  |)ourtant  qu'il  l'ait  aimée  au 
détriment  de  la  vérité  ou  de  la  dignité  dont 
il  était  revêtu  :  ses  écrits  témoignent  de  la 
véh(''mence  avec  laquelle  il  attaquait  les  hé- 
rétiques. Cependant  il  savait  i)aifailement 
distinguer  entre  les  erreurs,  qu'il  maudis- 
sait, et  la  personne  des  hérét-ques,  pour  les- 
quels il  était  jilein  de  charité.  Il  pr<  naît  en 
pitié  ces  pauvres  âmes  déshéritées  de  la 
grâce,  et  son  c  eur  était  pour  eux  comme  un 
trésor  de  miséricoi'do  et  de  par  on.  Médecii 
vigilant,  il  <  ttaquail  le  venin  (pii  tombait  de 
le..r  bouche,  pour  qu'il  n'empoisonnât  per- 
sonne; mais,  (pianl  à  eux,  il  les  prenait  en 
souv-'i-aine  i)itié.  H  savait  que  l'Lglise  doit 
avoir,  comme  son  maître,  à  cùté  de  l'amour 
infini  de  la  vérit.',  rinfiuité  de  la  miséri- 
coriie. 

Voici  ce  que  le  feu  de  sa  charité  lui  fait 
dire,  dans  un  endroit  de  ses  ou  rages  {Adv. 
hœres.  1.  m,  c.  iO,  ]>.  3i;jj  :  ><  C'est  avec  rai- 
son que  l'Eglise,  leur  i;ière,  pleure  les  au- 
te  Ji's  et  les  inventeurs  de  es  impiéés  lidi- 
cules  :  car  ils  se  sont  attiré  eux-mêmes  les 
justes  maJheurs  qui  les  accablent.  Ils  ne  sau- 
ra en-t  entrer  dans  la  plénitude  de  la  vérité  ; 
ils  ret..nùjont  toujours  (lan>  le  vide  et  dans 
les  té 'èbres  du  mensonge,  parce  que  le 
Saint-Esprit  ne  les  a  point  reçus  dans  le  lieu 
de  la  paix  et  du  repos.  Leur  i)ère,  pour  me 
servir  co  U  e  eux  de  h  UiS  i)ropri  s  fables,  a 
produit  l'ignorance,  el  par  cette  ignorance 
les  a  jetés  d;uis  des  passions  mo.  telles.  NouS 
publions  leur  i  ilaniie,  mais  ce  sont  eux- 
mêmes  qui  nousl'fiiit  apprise  :  ils  l'appuient 
autuit  qu'ils  peuvent.  Ils  se  gloriiient  de 
leur.-,  égarements,  et  sont  su[)erbes  dai;s  leur 
folie.  Pour  nous,  nous  souhaitons  (pi'ils  ne 
demeurent  pas  plus  longtemps  dans  cette 
fosse  qu'ils  se  sont  eu\-mèm  s  creusée; 
qu'ils  se  séi)arent  de  leur  mère  prél-nduo; 
(pi'ils  soient  de  l'abîme  où  ils  se  sont  pré- 
cij)ilés  ;  (pi'ils  abandonnent  le  vide  oii  ils  se 
perdent;  qu'ils  (piilleit  cet  ombre  où  ils  s'é- 
garent ;  ipi'ils  naissent,  mais  d'une  naissance 
légitime,  en  se  (onveitibsanl  à  l'Eglise  {\o 
Dieu;  que  J:sus-Ciirist  so  t  foiiné  on  oux} 
(pi'ils  recoin. aiss-  ni  le  Créai. -ur  de  lunivers 
pour  le  seul  vé.it.ibie  Dieu  el  le  vériiablo 
Soigneur  de  toutes  choses.  C'o  t  la  |  rièro 
([U  !  n(»us  laij>oii>  pour  eux  de  tout  nolio 
c(eui',  car  nou>  les  aimo  is  plus  utilement 
pour  leur  salul  (pi'ilsne  s'imagiiunil  s'ainior 
euv-mèmes;  et  l'auiour  ([ue  nous  avons 
po  ir  •  ux  Jeur  sera  aussi  avantagiuix  qu'il 
fsl  sincère,  s'ils  veulent  en  nncvoir  h'S  ell'eAs. 
Notri!  charité  leur  [laralt  rude  el  >évère,  par- 
ce (prc.lie  presse  leurs  plaies  pour  faire  >or- 
lir  le  veuiîi  du  l'orgueil  et  de  la  vaailé  qui 


i2Gi 


mÈ 


TRE 


mi 


les  enflr  ,  Pt  qn  ello  ost  comme  l.i  pierre  du 
t'lui'ur;^i(n,  (ini  h'ûlt'  le  malade  en  coii*^!!- 
111,-tnt  les  chaiis  moiies  et  rorrompnes.  (Vest 
pouniuoi  ,  qiu'l'iue  sentiment  (pTils  en 
nient,  -ions  ne  nous  ennuierons  noiu  de  les 
aider  (ii>  tout  notre  pouvoir,  et  de  leur  te  ^- 
d  e  la  mai  1  pour  les  tirer  de  Tabinie  où  ils 
se  perdeMl.  » 

Nous  avo  s  encore  la  plupart  des  ouvrnj^es 
de  saint  Iréiée.  l.e  (>lus  cmsidi'^rahle  e-l  ce- 
lui qu'il  com[)Osa  contre  les  héréticpu'-^.  11 
est  divistW"!  cinq  livres.  Il  y  expose  les  doc- 
trines des  hérétiques  avec  U'm>  habileté  (]ui 
ne  laisse  rien  en  litij^e  :  il  les  réfute  avec  une 
puissance  égale.  C'est  surtout  aux  doi^mes 
qu'il  s'attaque,  s'occupaM  peu  de  la  clisci- 
pli">e  :  semblable  h  ratidète,(]ui  pour  tuer  un 
monstre  s'atta(pic  h  la  tête  et  au  cœur.  Son 
livre,  appelt'  De  l'Ogdonde,  ou  des  Imit,  avait 
pour  but  la  réfulalion  des  éons  do  Valentin. 
11  (Si  ()r(>bal)le  qu'il  léalisa  la  |)romessc  qu'il 
avait  faiti»,  cl  dont  parle  E  isèbe,  d'éci-ir*'  un 
livre  contre  Marcion.  Ntms  ne  l'avons  plus. 

Une  des  circonstances  les  plus  remarqua- 
bles de  II  vie  de  saint  Irénée  est  celle  où  il 
intervint  touchant  la  fameuse  querelle  qui 
s'éleva  entre  le  pape  saint  Victor  et  les  E  , li- 
ses d'Orient.  11  assembla  h  ce  sujet  un  con- 
cile dans  les  Gaules.  Il  y  fut  décidé  qu'on 
djvait  cél  'bier  la  i'ète  de  PAques  le  diman- 
che, comme  elle  se  faisait  à  K  >me,  et  non  pas 
le  iï  de  la  lune,  comrn?  cela  avait  lieu  en 
Orient;  mais  saint  Victor  aya  it  voulu  sépa- 
rer les  Asiatiques  de  sa  commu  ^ion,  saint 
Irénée  s'y  opposa  fortement  au  nom  des  fi- 
dèles des  Gaules,  et  écrivit  au  pape  et  aux 
autres  évôqses  plusieurs  lettres  pour  termi- 
ner celte  déplorable  affaire,  et  pour  ramener 
la  paix  dans  le  s(nn  de  l'Eglise.  11  eut  le  bon- 
heur de  voir  ses  etforts  couronnés  d'un  plein 
succès.  Les  auteurs  anciens  portent  qu'il  fut 
couionné  dn  martyre  dans  la  grande  persé- 
cution qui  s'éleva' à  Lyon  sous  Seplime  Sé- 
vère. Saint  Grégoire  de  Tours,  saint  Jérôme, 
l'auteur  grec  des  Réponses  aux  demandes  des 
orthodoxes:  les  marty  ologes  de  saint  Jé- 
rôaie,  Usuard,  Adon,  Nolker,  en  font  foi.  Ses 
Actes  n'ont  ce[)endant  pas  assez  d'autorité 
pour  qu'on  s'y  rapporte  com  létemcnl  :  aussi 
nous  nous  contenîeions  de  dire  qui!  fut  mar- 
tyrisé à  Lyon  avec  c  'lie  grande  multitude  de 
Chrétiens  que  la  persécution  de  S(n>lime  Sé- 
vère lit  monter  au  ciel.  Son  corps  fui  enterré 
par  un  nommé  Zacharie,  alors  prôtr'e,  depuis 
évèque  de  l>yon.  Du  tem  s  Je  saint  Grégoire 
de  Tours,  saint  Irénée  était  enterré  dans  la 
cave  de  l'église  de  Saint-Jean,  sou*;  l'autel, 
entre  saint  Epipode  et  saint  Alexandre.  Celte 
église,  bâtie  sur  la  colline,  a  depuis  porté 
le  nom  de  Sain  l-I ré  née.  Elle  est  aujourd'hui 
en  ruines.  Mus  tard,  les  huguenots,  s'élant 
eiiqjarés  de  Lyon,  jetèrent  dans  la  riv  ère 
les  re.iques  dé  samt  Iré  lée.  Le  crâne  fut  re- 
cuedli  [)ar  un  chirurgien,  dins  un  ruisseau 
où  on  l'avait  je.é  :  cette  relique  e-t  mainte- 
nant vé  ''éiée  dans  l'église  de  Lyon. 

On  fait  lafôte  de  ce  saint  évèquele  28  juin. 
Ce  i'ul  très-nrobablement  en  202  qu'arriva  sa 
mort. 


IRENi'.E  (saint),  fut  martyrisé  h  Rome  sous 
rein|)ire  .le  Valérien,  ave  ■'s;\\  it  A  o->de.  Ils 
avaient  retiré  le  cor-^s  de  sai  'te  Co'corde 
d'un  clo.tque  o'i  on  j'a^-ail  j(>té;  ih  y  furent 
eux-mêmes  jetés  (»t  no\és.  Le  prêtre  Jiisiin 
I  s  en  a  .ant  retirés,  ils  f  ir(nil  enterr  s  dans 
une  ciypte,  près  de  c  lui  de  sain  Laurts.t. 
L'Iî^iise  vénère  leur  mémnirt;  le  2i)  août. 

IKÉNfiK  (saint),  martyr,  cueillit  la  |.alme 
du  martyre  à  Uouu',  durant  la  persécution 
de  Valéri(»n.  Il  eut  pour  comnag"'ons  de  ses 
condjals  les  sair.ts  Antoine,  Tfiéo(li»ie,  Satur- 
nin, Victor  et  d,x-sept  autres  que  le  Marty- 
rologe romain  ne  nomme  pas.  On  ignore 
r..n">ée  où  eut  lieu  leur  martyre.  L'Eglise 
célèbre  leur  mémoire  le  15  d'((nid)re. 

IHÉNÊE  (saint),  était  diacre  à  Sutri,  en 
Toscane.  Quand  Turcius,  envoyé  par  l'em- 
pereur Aurélien  dans  cette  ville,  ;  our  y  re- 
chercher les  chrétiens  et  pour  les  fninr  mou- 
rir, eut  fait  martyriser  le  saint  prèti'e  Félix, 
ce  fut  Irénée  «pii  l'enlerra  })rès  de  Sutri, 
malgré  la  d  'fense  que  faisaient  les  persécu- 
teurs aux  (  hrétiens  de  rendre  aucun  devoir 
aux  coips  des  martyrs.  On  sait  que  très-sou- 
vent les  persécuteurs  faisaient  de  ces  défen- 
ses aux  chrétiens.  Sachant  combien  les  reli- 
ques des  saints  leur  étaient  chères,  ils  fai- 
saient tout  leur  possible  pour  les  leur  enle- 
ver. Souvent  ils  brùl  ient  les  corps  et  jetaient 
les  cendres  soit  au  vent,  soit  dans  les  tleuves. 
Turcius  fil  arrêter  le  saint  iacre,  et,  comme 
il  se  rendait  à  C'iiousi,  il  le  fil  marcher  de- 
vant son  char,  nu-pieds  et  chargé  de  chaînes. 
Arrivé  à  Chiousi,  il  le  fit  jeter  dans  un  ca- 
chot. Ayant  fait  arrêter  dans  cette  ville  plu- 
sieurs chrétiens,  il  les  fit  mettre  au>si  dans 
la  prison.  Ayant  appris  qu'une  dame  nom- 
mée Musiiole,  coiisine  de  l'empereisr  Claude, 
venait  les  y  visiter,  leur  appor.ant,  avec  les 
choses  dont  ils  avaient  besoin,  les  exhorta- 
tions et  les  encouragements  que  sa  piété  ar- 
dente lui  suggérait,  il  se  la  fil  amener.  Mus- 
tiole  était  extrêmement  belle.  Quand  Tur- 
cius la  vit,  ii  la  fil  reconduire  chez  elle  avec 
griud  honneur,  et  fut  la  visiter.  Il  voulait 
l'épouser.  N'ayant  pu  y  léussir,  conune  on 
peut  le  voir  à  son  titre,  il  fit  trancher  la  tête 
à  tous  les  coniesseurs.  Il  ne  réserva  que 
saint  Irénée,  et  le  fit  étendre  sur  la  chevalet 
en  }  résence  de  .Mustiole.  Le  saint  diacre  su- 
bit le  supplice  des  ongles  de  fer,  avec  les- 
quels on  lui  déchira  les  côtés.  Il  fut  brillé 
avec  Is  torches  et  les  lames  ardentes.  On  ne 
cessa  de  le  tourmenter  que  lorsqu'il  cessa 
de  vivre.  Il  rendit  1  ânie  "n  rem  rciant  Jé- 
sus-Chrisi  de  ce  qu'il  voulut  bien  accepter 
son  sacrfice.  L'Eglise  célèbre  la  fôtede  saint 
Irénée  le  3  juillet. 

IRÉNÉE  (sai'^t),  évèque  de  Sirmium,  mar- 
tyr, reçut,  en  30i  de  Jé-us-Christ,  la  j  aime 
du  mar'yre,  alors  que  la  pe'^sécution  de  Dio- 
clétien  sévissait  contre  l'Eglise  de  Dieu. 
Voici  ses  Actes  authentiques,  que  nous  trou- 
vons dans  J\uinarl. 

Saint  Irénée,  évêque  de  Sirmium,  ayant 
été  arrêté  et  conduit  devant  Probus,  gouver- 
neur de  Pannonie,  ce  magistrat  lui  dit  :  Les 
lOiS  divines  obligent  tous  les  hommes  à  sa- 


1-203 


IRE 


IRE 


426i 


crilier  auï  di(»ux.  —  Irénée  :  Quiconque  sa- 
criliera  aux  dieux  seia  arraclié  de  dessus  la 
terre,  cl  jet-  au  feu  de  renier.  —  IVi)bus  : 
L'édit  des  eui,  ereurs  très- cléments  portti 
qu'on  sacritiera  aux  dieux,  ou  qu'on  subira 
la  peine  portée  contre  les  rélractai.rs. — 
Irénée  :  Et  le  couimandemenl  de  mon  Dieu 
veut  que  je  subisse  toutes  sortes  de  tour- 
ments, j)lutùt  que  de  sacrilier  aux  dieux.  — 
Probus  :  Ou  saciliez,  ou  je  vous  ferai  tour- 
menter. —  Irénée  :  ^'ous  ne  sauriez  me  faire 
un  plus  grand  plaisir,  car  par  là  vous  me 
rendrez  partici[)ant  des  souiiVances  de  mo  i 
Seigneur.  Le  gouverneur  commantla  ({u'il 
fût  mis  à  la  torture,  et  pendant  qu'oi  la  lui 
donnait,  le  gouverneui'  lui  disal  :  Eli  bien  1 
Irénée,  que  dis-tu  maintenait,  ne  veux-tu 
pas  sacritier?  —  Irénée:  Je  sacrilie  à  mon 
Dieu,  en  confessant  aujourd'hui  son  saint 
nom,  et  c'est  ainsi  que  je  lui  ai  toujours  sa- 
crifié. 

Cependant  toute  sa  famille  était  dans  de 
grandes  alarmes;  on  vo.\ait  là  sa  niùre,  sa 
femme,  ses  enfants,  qui  IViivironiiaient.  Ses 
enfants  lui  embi'a-saieni  les  pieds,  lui  ciiani  : 
^Jon  père,  mon  cher  pèie,  ayei  \nl\é  de  vous 
et  de  nous.  Sa  fenune  tout  en  pK  ur-.  se  je- 
tait à  son  cou,  et,  l'en.b  as>ait  tendiement, 
le  conjurait  de  se  conserver  pour  elle  et  pour 
ces  innocentes  créatures,  les  doux  fruits  d'un 
amour  innocent  et  conjugal;  et  sa  mère, 
d'une  voix  cassée,  poussait  des  cris  lamen- 
tables, que  ses  domstiques,  ses  voisins  et 
ses  ainis  accom|)agnaienldes  leuis.  En  sorte 
qu'on  n'entendait,  auto'.îr  du  eh  valet  où  l'on 
tourmentait  le  saint,  que  sanglots,  gémisse- 
ments, plaintes,  lame  dations,  qui,  comme 
autant  de  vents  inij/émeux,  faisaient  tous 
leurs  etforts  pour  l'abaitre.  Mcds  lui,  fciuie 
et  constant,  résislait  à  toute  leur  violence, 
en  le  r  pj)osa'">t  cette  sentence  uu  Seig.eur: 
Si  quelqu'un  me  i-cnonce  uevant  les  hom- 
mes, je  le  renoue  rai  en  prés  née  de  mon 
Père  qui  est  dans  le  ciel.  Il  ne  cru  pas  même 
qu'il  dût  répondre  aucune  chose  à  ta  :t  de 
pressantes  conjurations;  niiis  s'élevant  au- 
d'*ssus  de  toutes  ces  tendresses,  il  n'envisa- 
geait que  cette  gloire  qui  l'att  iidait,  et  sem- 
blad  lui  dire  du  haut  du  ci(  1  :  Venez,  hàtez- 
vûus  de  me  posséder.  Le  gouverneui-  lui  dit: 
Serez-vous  insensible  à  tant  de  témoignages 
d'une  atfection  sincère?  verrez-vous  tant  de 
larmes  répandues  [lour  vous,  sans  en  être 
touché  ?  Il  n'est  pas  indigne  d'un  grand  cou- 
rage de  s',  laisser  atteiidiir.  Saoriliez,  et  ne 
vous  perdez  jias  dans  un  âge  si  llorissant. 
—  Irénée  :  C'est  jiour  ne  pas  me  perdr.-  (juo 
je  refuse  de  sacrilier.  Le  gouv-nneur  1  envoya 
en  [trison;  il  y  resta  |  lusieurs  jours,  durant 
Jc.squeK  le  gouverneur  lu  lit  luuinienter  à 
diverses  ie|)r,ses. 

Quihpies  jours  après,  Probus  séant  sur 
son  ti  ibu  lal,  le  bienlieuieux  uiaityi'  irénée 
fut  introdu  l  en  sa  présence  pour  a  sei:on(ie 
f(jis.  Sacrili-  z  aujouid  In.i,  lui  dil-i',  et  par 
cet  a(:t(.'  de  religion  racliete/.-vuus  des  (»eiiies 
qui  vous  menacent  encore;,  lié  lée  répondit  : 
Faites  (;(.'  (lui  vous  est  oidonné,  cl  n'atten- 
dez pas  cela  de  luoi. 


Probus,  choqué  de  cette  réponse,  lui  fit 
donner  plusieurs  coups  de  bâton.  Cepen- 
dant Irénée  ..isait  :  J'ai  mon  Dieu,  j'ai  ap- 
])ris  à  l'adorer  dè>  que  j'ai  eu  l'Age  de  raison, 
et  il  ne  m'a  jamais  refusé  son  assistance  ; 
c'est  à  lui  que  je  sacrilie;  mais  pour  (le>  dieux 
faits  avec  le  ciseau,  je  ne  saurais  les  adorer. 

—  Probus  :  Sauvez  du  moins  votre  vie  ,  les 
t(nn  ments  que  vous  avez  soullerts  suliisent 
pour  vous  disculper  envers  voiie  Dieu,  et 
vous  acquitter  de  ce  que  vous  lui  devez.  En- 
core une  fois,   mettez  votre  vie   en  sûreté. 

—  Irénée  :  Je  suis  voire  conseil,  cl  c'est 
lorsque  je  m'assure  la  vie  éternelle  ;  c'est 
cette  Vie  bienheureuse  que  je  recevrai  de 
Dieu  en  récom{)ense  de  ces  |)eines  que  vous 
croyez  me  faire  souffrir,  et  que  je  ne  r.-s- 
sens  pas.  —  Probus    :   Etes-vo  s  marié? 

—  Irénée  :  Non.  —  Probus  :  Avez-vous  des 
enfants?  —  Irénée  :  Je  n'en  ai  point.  — 
Probus  :  Avez-vous  des  parents?  —  Irénée  : 
Je  n'en  ai  pas  non  plus.  —  Prol)US  :  Et  qui 
étaient  donc  tous  ces  gens  qui  (taient  si  af- 
fligés le  jour  de  l'audience  ?  —  Iiéiiée  :  Je  ne 
les  connais  [loint,  mais  je  sais  bien  que  No- 
tre-Seigneur  Jésus-ChriSt  a  dit  :  Celui  qui 
aime  stjii  f)ère  ou  sa  mère,  sa  femme  ou  ses 
enfaïUs,  ses  frères  ou  ses  proches  plus  que 
moi,  nest  pas  digne  de  me  suivre.  Ainsi, 
lorsque  jetant  les  yeux  au  ciel,  j'y  contemple 
la  souveraine  beauté,  qui  n'est  autre  que  le 
Dieu  que  j'adore,  et  que  je  viens  à  repass.  r 
dans  ma  mémoire  la  grandeur  des  j)romesses 
que  ce  Dieu  fait  à  ceux  qui  l'aiment  et  qui 
le  servent  iidèlemoit,  alors  je  n'ai  que  du 
mépris  pour  toutes  les  choses  de  la  terre,  et 
je  ne  me  souviens  plus  que  je  suis  père, 
mari,  fils,  maître  et  ami.  ^  Pi  obus  :  N'ous 
n'en  êtes  p  s  moins  tout  cela.  C'est  pour- 
quoi sacrifiez,  pour  l'amour  ue  ceux  qui  vous 
louchent  de  si  pi'ès.  —  Iiénée  :  Mes  enfants 
ne  perdront  pas  beaucoup  à  ma  mon  ;  je 
leur  laisserai  pour  père  le  même  Dieu  qu'ils 
adorent  avec  moi.  Ainsi  que  rien  ne  vous 
empêche  d'obéir  aux  ordies  que  vous  avez. 

—  Probus  :  Jeane  homme,  ne  vous  aban- 
donnez pas  ainsi  vous-même;  sacrifiez,  et 
é'itez  par  là  de  plus  grands  tourments.  — 
Irénée  :  Faites  ce  que  vous  voudrez,  vous 
verrez  que  Jésus-Christ  mon  Seigneur  me 
donnera  la  force  de  les  supporter  avec  un 
courage  qui  vous  suipiendia.  —  Probus  ; 
So.t.  «  Nous  ordonnons  qu'lrénée ,  pour 
s'êti-e  rendu  réfractaire  aux  ordonnances 
di'S  empereurs,  sera  jeté  dans  le  lleuvc.  » 

—  Irénée  :  A|)rès  tant  de  menaces,  je  m'at- 
tendais à  quelque  chose  d'extraordinaire,  et 
vous  vous  Conteniez  de  me  faire  noyer. 
D'où  vient  que  vous  en  usez  ainsi?  vous  ma 
faites  toit.  Nous  m'otez  par  là  le  moyen  do 
faire  co  maitre  au  monde  que  h-s  cliréliens, 
loisqu'ils  ont  une  foi  vive;,  inéprisenl  la 
mort,  de  (inehp.ies  l  urments  (pi'olle  soit  ac- 
compagnée. l*iobus,  suijiiis  d  un  pareil  dis- 
cours, et  se  croyant  bravé  par  le  martyr, 
Cuira  en  une  furiens»;  colère.  Cependant  il 
ne  lit  (pi'ajouler  à  son  jugement  (pril  .lurail 
la  tête  coupée  avant  que  d'êiri;  jeté  dans  lo 
fleuve.  Irénée  lendit  à  Dieu  de  grandes  ac- 


1205"  ISA 

tions  de  grAcPS  déco  qu'il  le  faisail  arriver 
h  la  gloire  par  un  chemin  de  sang.  Lorscpril 
fnl  sni"  le  pont  tic  Dian',  d'où  il  devait  (Mio 
pré('i|)it(^,  il  (Ma  sa  robe,  et  dit  :  «  Seig-ieur 
Jésus,  (piiave/  daig-ié  endurer  la  mort  pour 
le  s  iiut  des  hommes,  connmndez  (pie  le  ciel 
s'ouvre,  et  (|ue  les  anges  vieinie-il  recevoir 
l'Ame  de  votre  serviteur  Irt'né  ■,  qui  donne 
sa  vie  pour  la  glo  l'e  de  votre  nom  (>t  pour 
voire  sain'e  église  de  Sirmium.  »  Ivi  ach(.'- 
va  tt  cette  prière,  il  leyut  le  coup  qui  sépara 
la  té'e  de  son  cor[)s. 

IllÉNÉE  (saint),  recueillit  la  couronne  du 
niartj're  h  ThessaJiniiine,  avec  les  snints 
Irè-ie  et  Pérégrin.  Ils  expirèrent  au  milieu 
des  tlannnes.  L'Kglisc  les  honore  comme 
martyrs  le  5  nuii. 

IKÉNÉE  (saint),  fut  martvrisé  à  Rome  avec 
les  saints  Zotitpie,  Hyacinthe  et  Amaice. 
Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  ont  1  ;issé 
aucu -1  docuu!  eut  au  lhe;ti:]ue  sur  leur  compte. 
L'Eglise  fait  collectivement  leur  mémoire  le 
10  féviier. 

IRÉNÉE  (saint),  soulfrit  pour  la  défense 
de  la  religion  chrétienne,  dans  la  province 
d'Arménie.  Il  cul  pour  compagnon  de  sa 
gloire  sai'it  Oni'it'en.  Nous  -l'avons  pas  d'au- 
tros  détails.  L'Eglise  fait  cuilectivement  leur 
fô  e  le  1"  aviil. 

lUÉN^.E  (sain),  martyr,  était  diacre.  Il 
soulfrit  le  martyre  dais  la  Peniaoolo  de  Li- 
bye ave.;  les  S'iinls  Théodore,  évoque,  Séra- 
pon  et  .Ajum me,  lec'Cnrs.  On  ig-^ore  la 
date  de  leurs  couibats.  L'Eglise  honore  leur 
mémoire  le  23  mars. 

ISAAC  (saint),  évoque  de  Carcha  et  mar- 
tyr, fut  mis  à  mort  pour  la  foi  en  l'ai  de 
Jésus-Christ  339,  durant  li  persécution  de 
Sapi  r,  roi  de  Perse.  Ses  Actes  lui  so  it  coni- 
mu'">s  avec  ceux  de  saint  Sapor,  évêq^ie  de 
Beth-Nictor.  Voi/.  l'article  de  ce  dernier 
saint.  La  fête  de  saint  Isaao  a  lieu  la  33 
novembre. 

ISAAC,  prôtre  de  Hulsar,  fut  martvrisé  en 
3V3,  par  oriire  de  Sapor.  On  le  lapida  hors 
des  murs  de  Beth-Séleucie  {Voy.  Narsès.) 
Sa  fête  est  célébrée  par  l'Eglise  le  30  no- 
vembre. 

JSAAC  (saint),  martyr,  mourut  pour  la  foi 
en  Pologne  où  il  était  ermite.  Il  eut  pour 
compagnons  de  so'i  glo.'ie  ix  mailvre  les 
saints  Benoît,  Jean,  Mathieu  et  Christin, 
égaiement  ermites  comme  lui.  Le  Martyro- 
loge ne  donne  [)oint  de  détails  sur  les  cir- 
constances de  leurs  combats  et  ne  dit  point 
à  qu'ile  époque  eut  lieu  leur  martyre. 
L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  13  novem- 
bre. 

ISACE  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
défense  d"  la  religion  duraui  la  persécution 
de  DioclUien,  avec  les  saiits  Apollon  et 
Crot  te.  On  ignore  en  quel  lieu  et  à  quelle 
époque.  L'Eglise  honore  leur  glorieuse  mé- 
moire le  21  avril. 

ISACE  (saint),  évêque  et  martyr,  fut  cou- 
ronné en  Chypre  jjour  la  défense  de  la  reli- 
g!on.  Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  ont 
laissé  aucun  document  sur  son  compte,  ni 


ISl 


1166 


sur  les  détails  de  son  triomphe.  L'Eglise  fait 
sa  fêle  le  2  se|)temt)r(!. 

ISAIE  (saint),  martyr,  fut  nus  à  mort  à 
Cé-arée  de  Palestine,  en  l'an  de  Jésus-Christ 
300,  sous  le  gouverneur  Firmilien,  avec  saint 
Jérémie,  saint  Samuel  et  saint  Daniel.  Ces 
saints  martyrs  revenaient  de  Cilieie  où  ils 
étaien'  allés  voir  des  confesseurs  c(»ndamn6s 
aux  mines,  (juand,  passant  h  ('ésarée,  ils  fu- 
rent conduit-;  au  gouverneur,  qui  les  tit 
cruellement  tourmentcir  avant  de  leur  tran- 
cher la  tête.  C'est  le  16  février  que  l'Eglise 
honoie  leur  méiiioire. 

ISAIE  (saint),  pro|)hète  et  martyr,  souffrit 
en  Judée.  Il  fut  scié  en  deux  sous  le  roi 
Manassôs  et  enterré  sous  le  chêne  de  Uogel, 
au|)rès  du  courant  des  eaux.  L'Eglise  fait  sa 
sainte  et  illustre  mémoire  le  G  juillet. 

ISAIE  (saint).  Vo7j.  Martyus  de  Uhaite  et 
de  Sinaï. 

ISAUIIE  (sninl),  diacre  et  martyr,  souffrit 
la  mort  en  l'hormeur  de  Jésus-Christ  et 
pour  la  défense  de  la  religion  chrétienne  à 
Apollinie  en  Macédoine.  Il  eut  pour  compa- 
gnons de  sa  gloire  les  saints  Linocent,  Fé- 
lix, Jérémie  et  Pérégrin  Athéniens.  Après 
avoir  été  livrés  h  diverses  tortures  par  le 
tribun  Triponce,  ils  furent  décapités.  L'E- 
glis  *  célèbre  leur  sainte  mémoire  le  17  mai. 

IStilHYRION  (saint),  martyr,  mourut  en 
Egypte,  d'u'^e  façon  extraordinaire,  sous 
l'empire  et  durant  la  persécution  de  Dèce.  Il 
était  au  service  d'un  officier  d'une  ville  voi- 
siiie,  lequel,  voulant  le  forcer  à  sacrifier  aux 
idoles ,  employa  vis-à-vis  de  lui  tous  les 
moyens  |)ossibles,  prières,  menaces,  sans 
pouvoir  amener  cet  homme  de  Dieu  h  ses 
desseins.  Enfin,  dans  un  accès  de  colère  et 
de  rage  vraiment  inouïes,  cet  olFicier  saisit 
un  pieu  aigu  qui  se  trouvait  près  de  lui,  et, 
en  [)ortant  un  coup  terrible  à  son  serviteur, 
lui  perça  le  ventre  et  les  imestins.  Le  saint 
mour.it  de  cette  alfreu^e  blessure.  L'Eglise 
honore  sa  mémoire  le  22  décembre. 

ISCHYRION  (saint),  était  chef  de  milice  en 
Egypte.  Il  eut  pour  compagnons  de  son  mar- 
tyre cinq  autres  soldats,  qui  perdirent  la  vie 
avec  lui  pour  la  foi  du  Christ,  sous  l'empire 
de  Dioclétien.  L'Eglise  honore  leur  glorieuse 
mémoire  le  1"  juin. 

ISIDORE  (saint),  fut  martyrisé  à  Alexan- 
drie, pendant  la  persécution  de  Dèce.  Il  eut 
la  tête  tranchée  pour  la  foi  de  Jésus-Christ, 
par  l'ordre  de  Numérien,  général  d'armée. 
Ce  sont  là  tous  les  détails  cjue  nous  avons 
sur  lui.  L  Eglise  fait  sa  tête  le  5  février. 

ISIDORE  (saint),  martyr,  était  natif  d'E- 
gypte; il  fut  martyrisé  sous  le  règne  de  l'em- 
pereur Dèce  et  sous  le  gouvernement  de  Sa- 
ijinus.  Conduit  devant  le  juge  avec  les  saints 
Arsène,  Héron,  et  Dioscore.  jeune  homme 
alors  Agé  de  quinze  ans  seulement,  il  souf- 
frit, avec  un  admirable  courage,  les  tour- 
ments à  l'aide  desquels  on  voulut  le  forcer  à 
renoncer  à  la  foi.  Le  juge,  outré  de  voir 
qu'il  était  vaincu  par  la  fermeté  inébranlable 
des  rairtyrs,  lit  jeter  dans  le  feu  Isidore, 
avec  ses  compagnons  Héron  et  Arsène.  L'E- 


!*67 


ISP 


ISP 


I26S 


glise  fbit  la  f<He  de  ces  trois  saints  le  U  dé- 
CPinliri'. 

ISIDORE  (saint),  de  Chio,  martyr,  souffrit 
dans  l'île  que  nous  veno  's  de  nommer,  du- 
rant l'adV  use  persét'utioi  <|ue  la  tyrannie  de 
l'empereur Dècesus'.ila  contio  rKi:,lise.  Tout 
Ce  qui  est  rapporté  da'^s  «on  histoire  ne  |)a- 
r.iîi  pas  de  nature  à  mériter  une  liien  granle 
contianee.  Sai'U  Grégoire  de  Tours  prétend, 
et  le  M.ir-yrolo^e  romain  contirme  cette  opi- 
nion, que  ce  saint  maris  r  lut  jeté  dans  un 
puits,  le  saint  (jue  nous  vt^nons  de  r.ommer 
dil(|u'il  le  tenait  d'in  prêtre,  lequel  était  du 
lieu  où  le  saint  avait  soulfert,  et  q  li.  bien 
des  fois  avait  vu  S'Utir  une  lumière,  (pi'il  di- 
sait miraculeuse,  du  |)uils  où  le  saint  avait 
été  jeté.  L'Ea'lisc  fait  la  fête  de  saint  Isidore 
le  15  mai. 

ISIDORE  (saint),  ermite  de  Scété  et  con- 
fesseur, fat  binni  pour  la  foi,  vers  l'an  370, 
en  une  île  d'Egypte,  avec  les  deux  saints 
Macaire,  Pamhon  et  Héraclide.  Ce  fut  sous 
Valens  que  ct'S  saints  endurèrf-nt  le  binni  - 
s 'ment.  On  rapi)orte  de  saint  Isidore  une 
inullitiide  de  choses  que  nous  ne  pouvons 
pas  donner  ici:  ainsi,  i  avait  le  don  des  mi- 
racles, il  chassait  les  démons,  guérissait  les 
malades.  Il  aimait  si  fort  le  travail  qu'il  ne 
cessait  de  travailler,  même  lorsque  ia  nuit 
était  venue.  Quand  les  frères  le  [)riaient  de 
prendre  un  [.eu  de  repos,  il  répondait  :  «  Eh! 
que  pouvons-nous  faire,  en  coinparjison  de 
ce  que  le  FilsdeDieua  fait  pour  nous?  »  Etant 
un  jour  allé  à  Alexandrie  [)0ur  y  voir  Théo- 
phile, qui  venait  d'en  ôlre  fait  évoque,  il  dit, 
au  r  tour,  aux  fi'ères  qui  lui  demandaient  tles 
Douv..llt'S  de  la  ville,  qu'il  n'avait  vu  que  le 
patriarche.  Ils  en  furent  surjris,  et  lui  de- 
Luandèreni  si  c'était  q  ne  li  ville  eût  élé  abî- 
mén.  «  Non,  dil-il;  c'est  que  j'ai  constam- 
ment baiss';  les  ■.eux.»  Il  mourut  peu  de 
tc;m,)s  après.  L'Eglise  honore  sa  méiuoirele 
15  janvier. 

ISIDORE,  c  èq  îc  d'Hcirmopolis  e-> Egypte, 
confesseur,  fut  envoyé  en  exil  (ku-  le  couUe 
Maguus,  sous  l'empereur  ar  en  Valens,  à 
Diocésarée  en  Palesti  u\  Fleury  a  eu  tort  de 
le  confondre  avec  un  autre  Isidore,  qui  se 
trouve  inscrit  au  Martyrologe  romain  ,  sans 
autre  indication  que  celle-ci  :«IsiDO!tE  (saint), 
de  Ni  trie  en  Egy()te,  évoque  et  confesseur.  » 

ISIDORE  (saint),  rnart/r,  était  un  jeune 
moine  de  l;i  Lusittinie.  Il  fut  martyrisé  l'an 
8.')6,  durant  la  fn  rsécution  d'Ab Jéiame  II, 
avec  un  autre  joune  moi  le  nommé  Paul,  et 
un  vieux  prêtre  appelé  Elie.  L'Eglise  fait 
leur  t/'le  collectivemi'iit  le  17  avril. 

ISMAE  (^ainl),  reçut  la  |)alme  du  marlvro 
à  Ch'dcédoi ne,  avec  les  saints  Siixd  et  .\Ia- 
r.uel.  Etant  v(;nus  vers  Julien  l'Afiostal  en 
qualité  d'araba-Nsadeurs  du  roi  de  P.  rse,  alin 
de  c(Uii  1  jre  la  [)aix  avec  lui,  ce!  euqxn-cmr 
voulut  les  contraindre  île  vénérer  les  idoles, 
et,  sur  le  refus  généreux  (ju'ils  en  tirent,  ils 
)>'rirent  tous  trois  par  le  glaive.  L'Eglise  ho- 
nore la  sainte  mémoire  do  ces  glorieux  coin- 
hattants  le  17  juin. 

iSl'AllAN,  ville  de  Porso,  anciennement 
l';rl  iitiporlunli;,  aujourd'hui  viile  de  second 


ordre,  fut  témoin  de  persécutions  assez  vives 
contre  les  catholi(pies.  Depuis  160^,  il  exis- 
tait des  missions  d.ins  ce  pays.  Une  armée 
révoilpf  contre  le  Sophi  s'étant  emparée  de 
cet'e  ville  en  17-21,  «  nos  catMolijues,  énit 
le  R.  P.  de  la  (îarde,  se  rélug'èrent  chez 
n  ns  pour  se  prépar  "r  à  a  moit.  Jugez,  mon 
Révén  nd  Père,  ([uelle  fut  alors  notre  cons- 
ternation. Dans  c  'S  tristes  instants,  le  P.  de 
Langlade,  le  F.  Henri  et  moi,  étant  au  pied 
de  l'autel  de  notre  c'apelle,  nous  finies  un 
V(eu  au  l)i(mheureu\  Jean-Fiai'çois  Régis  le 
suopliant  de  nous  accorder  le  secours  de  sa 
puissante  protection  au[)rès  de  Dieu,  dans  le 
péril  évident  où  nous  et  nos  cntlioliques 
étions  h  toute  heure  ex[)Osés.  Nous  eûmes 
sujet  '.ie  cr  ire  que  nos  vœux  furent  favora- 

blemci.t   exaucés Les  révoltés   vinrent 

dans  notre  maison,  nous  menaçant,  le  sabre 
à  la  main,  de  nous  massacrer;  mais,  après 
avoir  fouillé  pnrtout,  et  n'ayant  trouvé  (lue 
du  bois  dori',  ils  ne  nous  enlevèrent  que  nos 
ornements  et  quel  (ues  linges  d'autel,  le  Sei- 
g  eur  ayant  permis  cjue  U'S  vi.ses  sacrés  ne 
soient  point  t  mbt's  sous  leurs  mains.  » 
(Henrion,  lom.  III,  pag.  321,  citant  le  P.  Ba- 
ch oud.) 

«  La  mission  ne  courut  pas  de  moindres 
dangers,  lors(}ue,  vers  173i,  Nadir,  si  fameux 
comme  général,  sous  le  nom  de  Thahmas- 
Kouiy-Khan,  reprit  siu-  les  Turcs  la  ville  do 
Chamakhi,  dont  il  exigea  des  contribi  lions 
t)ui  équivalaient  à  un  pillage  général.  Le 
P.  Bachoud,  miss  ovaire  dans  cette  ville,  se 
tiouvait  hors  d'état  de  r  en  pay  r,  et  il  ne 
pouv  lit  être  secouin  des  chrélie  is  ([ui  étaient 
eux-mêmes  très-embar  ass  s  de  trouver  ce 
q  I  on  exig  ait  d'eux.  Il  n'aurait  pas  manqué 
ue  subir  uiieciueU  •  bastonnade,  comme  une 
i ntiiiité  d'auli-.  s,  sans  la  protection  du  |)rince 
Gallit  in  ambassaleur  r  sse,  qui  s'intéressa 
en  sa  .aveur  aujtrès  d  Thahmas-Kouly-Khan, 
et  qui  lui  obti'^t,  non-seulement  l'exemp- 
tion de  tonte  contiibutio  1,  mais  encore  la 
liberté  entière  de  rem,  iir  ses  fonctions  et  do 
réunir  les  chrétiens  dans  son  église. 

«  Un  édit  de  Nadir-chah,  nom  que  Thahmas 
prit  avec  la  couronne,  accorda  la  libei  té  de 
conscience,  et  permit  aux  chrétiens,  soit  ca- 
t!)oliques,  soit  schismatiques,  d'embrasser  le 
parti  (ju'il  leur  plairait,  sans  (pi'on  pût  les 
inqui<''ler.  Au  m(''[)iis  de  cet  édn,  et  pendant 
<pie  Nadir-c!iah  était  allé  à  la  concpiète  de 
1  Hindoustan.  les  Ai-ménums  schismatiques 
de  Djoulla,  faubourg  d'Ispahan,  tentèrent, 
en  1738,  de  faire  chasser  les  missionnaires 
et  les  catholi(iueS  de  la  Perse.  On  en  voulait 
paili,  ulièrenu'nt  à  l'évêque  et  au  supérieur 
des  j  suites  Le  prélat  était  le  chef  des  inis- 
sionnaiH-es,  et  le  P.  Diissau  avait  la  conlianco 
de  presipie  tous  les  catholi(pies.  «  Ces  deux 
têtes,  une  fois  h  bas,  dit  le  I'.  Desvignes,  jé- 
suite, on  comptait  \ru\i-  aisément  ;i  boit  de 
tout  le  reste.  Il  faut  avouer  (pie  l'acliar- 
niniie  it  des  arméniens  contre  ce  jésuite  n'é- 
tait pas  si  mal  fondé.  Non  content  d(?  cruilir- 
ni(M'  les  faibles  dans  la  foi  par  ses  entretiens, 
ses  instruclions,  ses  manières  iusinuant(\s  et 
ses   exhortations    persuasives,    il   enlevait. 


12(JÎ) 


ISP 


!SP 


*270 


ch.ii]Uo  jour,  nux  schismatiqnos  quelques- 
uns  (lo  icMirs  sujets,  et  il  veu<>il,  tout  récein- 
m^'iit,  (le  ti  ir  i\<-  leurs  mains  deux  |)U|iill('S, 
»]ii  il  (lis.iosail  ?i  embrasser  la  relirai"!!  eallio- 
3ii|ue;  aussi,  de  déi"''.  l'appelaiei  l-ils  U-  vo- 
hur  (rdiiirs.  Ci'tU'  préteu  lue  injure  était, 
dans  leur  bouche,  u-i  ('î!o.i;i'  aeeompii  de  sou 
/èle.  »  0  1  vil  alors  (^elaler  la  ^é  U'rosité  et  la 
constance  de  trois  iVc'^res,  xVroulion,  I.éon  et 
Pétros,  (jui  formaient  la  pr  ncipale  braialic 
de  la  famille  des  (liérimmu  do  U  les  pr(Mniers 
chefs  av  lient  fait  l),Uir  h  Djoulla  lY'.;,lise  ea- 
thnli(|ue  du  rite  aruu'"U('),  appelée  comnni- 
nément  l'éi^liso  di^  Chéiiman,  du  uou)  doses 
pieux  fondateurs.  Les  meuihrj'S  de  cette  f;î- 
niille,  fermes  ai)puis  de  la  foi,  ne  cessaient 
de  la  détendre  i  ar  leiu'  crédit,  de  l'éiendre 
par  leur  libéralité,  et  ils  se  faisaient  j^loiro, 
no'1-seulcmo'U  de  la  protéi;er,  mais  de  la 
f)rati(iuer  et  de  snudVir  pour  elle.  Les  viirla- 
bed>  et  leur  patriarche  ne  recu<'i'lirent  de 
celte  pei'sé'  ution  que  la  hont  ■  dxi  l'avoir  sus- 
citée; car  le  triomphe  de  la  foi  sur  l'hérésie 
fut  comidct.  »  (Heni-ion,  ihid.) 

Le  mariage  d'un  nouveau  catholique,  fait 
en  secret  par  les  missionnaires,  et  Tinslruc- 
tion  d'un  jeune  (M'osélyte  qui  voulait  embras- 
ser la  religion  des  Fi'àncs,  avaient  allumé  la 
fureur  des  vartabeds  ;  ces  schismatiiiues,  ir- 
rités, délibérèrent  entre  eux  sur  les  moyens 
de  rendre  les  missionnaires  méprisables,  et 
de  les  faire  passer,  dans  l'esprit  du  peu^ll^, 
pour  des  imposteurs.  Après  la  Pcupie  (le  1738, 
ils  députèrent  cinq  de  leurs  prêtres  à  Mon- 
seigneur notre  évéque,  pour  le  prier,  d:;  'a 
pan  des  vartabeds,  de  vouloir  bien  co'  sen- 
tir à  une  dispute  publique  sur  la  re]ij,ion, 
en  présence  des  piincii)aux  de  l'une  et  de 
l'autre  communion.  Le  prélat,  homme  de  mé- 
rite et  d'érudition,  n'aurait  pas  balancé  à 
l'accepter  ;  mais,  comme  il  a  viiùlli  dans  \.is 
missions,  il  connais  ait  le  caractère  de  nos 
adversaires,  et  il  perça  le  motif  de  cette  dé- 
mande. Il  savait  que  ces  sortes  de  co  ifé ren- 
ées sont  au  moins  inutiles  ;  que  la  véi-i  able 
relij^ion  peut  y  perdre  ;  que  l'hî^résie  n'y 
vient  que  par  espr  t  de  haine,  n'y  cherche 
que  le  lumnlte,  n'en  sort  qu'avec  plus  d'in- 
docilité,  et  qu'elle  ré[»and  toujours  dans  le 
public  des  rapports  infidèles.  Il  en  av.àt  un 
bel  exemple  dans  la  personne  d'un  religieux 
de  son  ordre.  Ce  Père,  (arme  déchaussé, 
horam'^  savant  et  fort  versé  dans  l'étude  d;i 
la  langue  arménienne,  avait  accepté,  il  y  a 
quelques  années,  un  pareil  défi,  pourvu 
qu'on  n'eût  point  d'autres  livres  que  la  Bi- 
ble, et  que  tout  se  décidût  par  l'Ecriture 
sainte.  Les  vartabeds  avaient  fait  semblant 
d'y  consentir  :  au  jour  marqué,  on  se  rendit 
à  l'église  assignée;  mais  le  Père  fut  bien 
surpris  quand  il  vit  entrer  le  vartabeds,  son 
antagoniste,  tenant  à  la  main  le  livre  d'un 
patriarche  hérét.que  :  «  Ce  n'est  pas  la,  dit  il, 
notre  convention  ;  vous  savez  que  nous  nous 
sommes  engagés  à  ne  recevoir  d'autre  té- 
moignage que  celui  des  Livres  saints.  »  — 
«  11  ne  s'agit  pas  de  conventi(m,  répondit  le 
vartabeds,  le  témoignage  de  mon  auteur  vaut 
bien  tout  autre  témoignage.  »  Puis,  adres- 


sant la  parole  au  peuple  :  «  Vous  voyez,  s'é- 

cria-t-ii,  que  ce  missionnaire  ne  sait  rien,  et 
(pi'ilcsi  i-Mitile  de  dispulcr  (contre  lui.  »  Mil'e 
voix  coid'uses  annoncèrent  aussiliM  sa  pré- 
tendu(î  victoire  (il  ne  piiiinirenl  pas  au  mis- 
sion lau-e  d(,'  se  faire  <Mit(ui(lre  ;  il  fui  insu'lé 
ot  chassé   de   rassem.lée,   et  il   passa   pour 

constanl  (pi',1    n'avait   pas  i)u   répondie 

C-elii!  histoire,  dont  la  mémoire  est  encore 
ici  lout(i  i-écenle,  détermin;\  le  prélat  à  refu- 
ser 1,1  coufiMence  pro[)Osée  ;  les  députés  ro 
vinrent  le  lend(unain  à  la  cliarge;  ils  s'a- 
dressèrent <à  notre  Pcre  supérieur,  ils  en  re- 
çurent la  même  réponse. 

Ce  refus  n'élail  cefiendant  pas  absolu.  Mgr 
l'évèque  et  le  Père  supérieur  |TO[)0sèr('nt 
(ju'on  mît  départ  et  d'autre  les  (li[ricull''S  et 
les  réponses  par  éciit,  et  (|ue  (ics  écfits  rcs- 
pec'ifs  fussent  signés  par  les  princi|)aux  do 
Julfa;  c'éta't  le  moyen  de  bannir  le  tumulte 
et  d'étab'ir  la  vérité.  Ce  n'élaii  pas  l.à  ce  f|ue 
voulaient  les  schismali(|ues  ;  i!s  rejetèrent  la 
piO[)osilion  et  cherchérenl  "'yules  voies  i)onr 
ixM'dro  cf.  les  miss  Onnaires  et  les  caholi- 
qu 'S.  Thahma>-Kouly-Klian  était  parti  [.our 
la  con(piôte  des  Indes  ;  sot  (ils  gouvernait  <\ 
Maschet,  dans  son  absence;  ils  y  envoyèrent 
un  vai'tabeds  et  un  prêti-e,  qui  accusèrent 
les  missionnaires  d'en  imposer  au  peuple,  de 
d/'bauchyr  les  sujets  du  roi,  de  servir  d'es- 
pions aux  cours  de  l'Europe,  d'our  'ir  des 
trames  secrè  es  et  de  former  des  conspira- 
tions contre  l'Etat.  D(;  pai'oilles  a  eus. 'lions, 
intentées  par  des  ho-nmes  que  leur  ca  actère 
paraissait  rendre  dignes  de  fo',  tirent  im- 
press  on  sur  l'esprit  du  je  me  prince  ;  il  ren- 
voya la  re([uète  au  -^ouverneuf,  avec  ordre 
d  examiner  l 's  chefs  d'accusation,  et,  s'ils 
étaient  vrais,  de  bannir  les  missionnaires  du 
lOv'aume. 

L-3  gouvïTneur  fut  ravi  d'engager  une  af- 
faire, dont  il  espérait  tirer  lui-mêmo  un 
avantage  "onsidérable.  Il  ordon"'a  au  d&ogat 
de  Julfa  ('o.'ïîcier  psrs»n,  pré.jo^é  pa.r  I  -  r  -i 
pour  veiller  sur  les  dilf're^ds  qui  peuvent 
survenir)  de  se  transporter  sur  les  lie  x  et 
dexarain  'r  par  quel  ordre  les  Pères  s'étaient 
établis  en  Pcs  .  Le  dérognt  ob  «it  et  (il  ap- 
peler les  missio-'naires;  nous  y  allAmes  tou-^, 
et  Mgr  l'évô  pie  porta  les  dideri.'iits  ordres 
des  mis  qui  nous  avaient  h.o  orés  de  leur 
faveur  et  do  'eur  protectio  i.  O..  le-;  lut,  et 
on  nous  reiivova.  No  is  cro/ions  la  chose  ti- 
nie,  mais  lo  le;i  iemai  i,  la  sôène  changea.  Le 
dérogat,  le  calanthnr  et  deux  des  arméniens 
les  plus  accrédités  s'étaient  rendus  au  mo- 
nastère, d'oi^  ils  envoyaient  appeler  tous  les 
catholiijues,  les  uns  après  les  autres  ;  de  t!>us 
les  missionnaires  il  n'y  eut  que  nous  de 
mandés. 

Un  envoyé  du  déroqat  vint  nous  dire,  dès 
le  matin,  que  cet  oïlicier  voulait  nous  par- 
ler, et  que  nous  eussions  h  mener  avec  nous 
notre  frère  Jean-Baj)liste;  il  est  Arménien 
de  nation,  et  a  été  reçu  dans  la  compagnie  à 
Conslantinoî)l(^;  isousob;  îmes  et  nous  fûmes 
conduits  parce  Persan,  à  qui  on  avait  donné 
0  i\vQ.  de  frajjper  ce  frère  lians  les  endroits 
où  il  y  avait  le  [dus  de  monde.  Le  frère  lui  de- 


1471  ISP 

uianda  modestement,  en  langue  persane, 
pourquoi  il  le  mallraitait;  il  ne  lui  répondit 
que  par  une  injure  et  un  autre  coup  de  l)A- 
ton,  ce  qu'il  réitéra  trois  fois  jusqu'il  notre 
arrivée  au  monastère  :  nous  y  trouvAmes  un 
grand  peuple  assemblé.  Nos^  juges  étaient 
})lacés,  les  ecclésiastiques  d'un  côté  et  les 
séculiers  de  l'autre.  On  commença  par  de- 
mander pourquoi  il  s'était  t'ait  Fianc  ;  il  ré- 
pondit que  depuis  son  enfance  il  avait  tou- 
jours été  catholique  :  sur  cette  réponse,  le 
juge  persan  le  lit  l'rai)per  de  nouveau.  On 
nous  fit  asseoir  tandis  qu'on  le  maltraitait; 
nos  catholiques  n'étaient  pas  plus  épir- 
gnés  ;  ils  soutinrent  ce  mauvais  traitement 
avec  une  constance  héroïque;  e',  sous  la 
grèlo  des  coups  dont  chacun  d'eux  était  ac- 
cablé on  ne  leur  entendait  prononcer  (juc 
ces  mots:  Seigneur  Jésus,  donnez-moi  la 
patience  et  pardonnez-moi  mes  péchés. 
Après  cette  exécution,  l'on  nous  renvoya. 
Nous  nous  attendions  à  ramener  le  frère  avec 
nous;  mais  on  recommença  à  le  frapper,  et 
on  le  mit  en  prison.  Nous  espérions  du 
moins  le  délivrer  par  le  crédit  de  M.  le  ré- 
sident de  Moscovie,  qui  a  de  la  bonté  pour 
nous;  il  envoya  son  arogman  au  monastère 
pour  le  réclamer;  mais  ce  drogman  était  ar- 
ménien, il  trompa  son  maître.  Les  armé- 
niens schismatiques  qui  avaient  quelque 
crédit  auprès  des  aghhuans,  voyant  bien  que 
M.  de  Gardanne,  consul  de  France,  était 
hors  d'état  d'agir  en  f.iveur  de  la  religion, 
comme  il  avait  fait  jusqu'alors,  et  que  les 
compagnies  de  Hollanle  et  d'Angleterre  ne 
pouvaient  appuyer  les  missionnaires  de  leur 
protection,  s'imaginèrent  que  le  moment 
d'éclater  contre  eux  était  arrivé;  ils  les  lireiit 
citer  devant  le  ministre  du  roi,  qui,  après 
quelques  interrogations  captieuses,  les  con- 
damna et  ordonna  qu'on  les  chassât  de  toute 
la  Perse. 

La  Piovidence,  qui  arrange  et  qui  mén-^ge 
tous  les  événements,  nous  suscita  un  défiMi- 
seur.  Un  ieune  médecin,  nommé  M.  Hcrmet, 
pansait  alors  le  ministre  d'une  plaie  dange- 
reuse qu'il  avait  h  la  jambe  ;  il  se  rendit  au- 
près de  lui,  et  lui  [)arla  avec  force  et  avec 
courage  :  «  Il  faut,  lui  dit-il,  que  je  sorte  du 
royaume,  et  vous  m'y  condamnez  ;  l'arrêt  qui 
est  prononcé  contre  les  missionnaires  l'est 
aussi  contre  moi  ;  je  professe  la  même  reli- 
gion ;  s'ils  sont  coupables,  je  le  suis.  »  —  «Ne 
craignez  rien,  lui  ré,diqua  le  minisire  av.c 
lionté,  ni  vous  ni  vos  Pères  ne  sortirez  du 
royaume.  »  Ces  paroles  ne  le  rassuraient  pas, 
l'ordre  était  expédié  ;  il  devait,  le  lendemain, 
fitre  sigrié  |)ar  le  ministre  ;  il  le  sav;iit,  et, 
dés  le  grand  matin,  il  se  Irarisprrrta  chez  liî 
seigneur  p(;r.s;in.  Les  schismaliipK.'S  lui  pré- 
.senterenl  l'ordi')'  en  (juiîst  on.  Kn  ignorait-il 
le  contenu?  Avait-il  oublié  sa  promesse^.'  11 
le  signa  sans  même  le  IIk;.  Onel  li  iomplK; 
pour  les  ennemis  de  notre  religion!  lisse 
icliraieul  /ivec;  celte;  joie  (juinspire  une  vic- 
toire désirée  depuis  longtemps:  «  Ah!  sei- 
K'ieiir,  s'écria  le  zélé  délénseur  dcîs  mission- 
Haines,  est-c<!  donc  là  la  parole  (pie  vous  m'a- 
yie;£  donnée  ;  songez  (pie  vous  venez  de  si- 


ISP 


1272 


gner  mon  exil,  en  signant  le  bannissement 
de  nos  Pères.  »  A  ces  mots,  le  ministre  étonné 
lit  appeler  les  arméniens,  leur  demanda  le 
papier,  le  lut  et  le  déchira,  en  leur  disant 
qu'ils  l'avaient  trompé,  qu'il  n'av-.it  point 
luéiendu  signer  un  |)areil  ordre,  et  il  assura 
obligeamment  M.  Ilermet  (pie  jamais  il  n'en 
signerait  de  semblable.  M.  Hermet  joignait  à 
sa  qualité  de  médecin  celle  d'interprète  de  la 
com[)agnie  dAngleterre,  et  comme  il  fut 
obligé  de  suivre  MM.  les  Anglais  à  Bander- 
Abassy,  M.  Charles-Jac(jues  Hermet,  son  (  a- 
det,  fut  déclaré  interprèle  de  la  m('me  com- 
pagnie pourispahan.  Ces  deux  illustres  frè- 
res commencèrent  à  se  lier  étroitement  avec 
MM.  les  chérimans  :  ce  sont  les  ehefs  do 
cette  famille  si  opulente  et  si  c  )tho!ique,dont 
on  a  d.'jà  parlé  [)lus  haut;  ils  concertèrent 
entre  eux  les  moyens  de  faire  échouer  les 
pernicieux  desseins  de  nos  ennemis. 

Le  gouverneur,  gagné  par  des  présents, 
évoqua  l'affaire  à  son  tribunal  ;  l'alarme  fut 
grande  parmi  les  arméniens  et  en  f)articulier 
parmi  les  vartabeds.  L'affaiie  ne  fut  point 
jugée  d  Tmitivement  et  MM.  les  c  érimans 
intéressèrent  les  seigneurs  persans  en  faveur 
de  la  mission.  Cependant,  le  dimanche  après 
la  grand'messe,  un  ofticier  nous  intima  ses 
ordres,  et  .  ous  conduisit  en  ville  à  Thritel 
de  la  com  agi.ie  d'Angleterre  :  on  nous  si- 
gnifia que  nous  euss'o  ^s  à  res  erjusqu'  u 
lendemain.  Cette  espèce  d'aï  rôt  n'étaitiiu'une 
feinte  concertée;  on  voulait  paraître  [)ar  là 
donner  quelque  satisfaction  aux  arméniens 
qui  avaient  demandé  notre  sortie  de  Julfa  ; 
effectivement  nous  n'y  couchAmes  pas  d  tte 
nuit.  Dès  qu'il  fut  j(^)ur,  on  nous  ap(  ela  ditz 
le  çOuvernear  pour  assister  à  la  déi%sion  de 
la  cau^e.  MM.  Hermet  vit  renl  avec  nous  ; 
l'accueil  gracieux  qu'on  nous  lit  nous  an- 
nonça le  succès  de  notre  alfaire.  Les  varta- 
beds, le  dérogat  et  le  c  lanthar  étaient  à 
notre  droite;  Mgr  l'évoque  était  à  notre 
tôte.  Le  gouverneur,  le  nabab  et  les  autres 
conseillers  délibérèi-eiit  entre  eux  [)endant 
quehpie  tenq)S;  ensuite  le  nabab  prenant  la 
par  le,  ord(>nna  au  calanthar  de  jjrouver  les 
accusations  avancées  dans  la  re(iuèti'.  «  Hé- 
ponJez-nous,  lui  dit-il,  1°  comm  nt  les  Pères 
sont-ils  des  espions  ei  tielenns  par  les  cours 
d  Euro  e....  Depuis  un  siède  qu'ils  sont 
établis  en  Perse,  on  n'a  jamais  rien  décou- 
vert dans  le  u'  conduite  (]ui  ait  pu  donner 

d'eux  de  pareds  sou,  çons »  Le  calanthar 

surpris,  ne  répondit  (pu;  par  des  conjectures 
vagues.  «  2"  Ouels  sont  ccuv  que  les  Pères  ont 
fait  sortir  du  loyaume? »  Le  calanthar  pré- 
senta les  noms  (h;  ipieNjues  calholi(pies  (pii 
étaient  allés  s'établir  à  \enise.  Mais  le  na- 
bab, (pi'o  1  avait  bien  instruit,  lui  répondit  : 
Combn-n  des  v(Mres  se  sont  établis  aux  Indos 

et  en   Moscovie? Le    ca'anthar  n'osa  le 

nier.  «Ne  maltraitez  point  les  catliolicpies, 
ajouta  le  nabab,  et  ils  n'iront  [)as  sétablir 
a.ileurs.  3"  Connnent  les  Pères  trompent-ils 

les   ()eupl«;s? »   Le   cal  lUlliar  n'osant  pas 

répéter  les  calomnies  gross  èi-es  (pie  débi- 
te;U  l(!s  vaifabeds,  prit  le  parti  de  se  taire. 
Le  gouverneui-   le    voyant  confondu,  fil  aux 


1275 


ISP 


ISP 


4274 


yagna  lo 


armt^nions  ino  vive  n''|)rimanilo  ot  nous 
l'rtincs  iiMivoy(^s  a  sous.  Pnistri^s  <lo  leurs 
os'x'^i-.-ncc.s,  k's  scliisiii;'ti(iu  s  ne  peidireiit 
point  <()nra:;o;  ils  t-e-ivoy^n'iit  à  Masdiet  le 
nii^mo  vartaheils  et  le  iiiiVne  |)nMi7>,  cliar-^és 
(l'arAcnt  et  de  pix^senls,  avec  ordre  de  solli- 
citer auprès  du  prince  le  l):>fnisseiuent  di'S 
ni'ss'o naircs  ol  d(ï  le  denian  1er  sa'is  aucune 
r-e<triclion  :  les  sommes  (ju'ils  devaient  lé- 
[)anilre  étaient  illimilé('s  ;  on  l"ur  pi'omit 
d'ac(|ui(ter  toutes  les  lettres  de  change  (pi'i's 
enverraient  et  on  leur  ti  it  parole.  Ils  tiient 
fl 'f)uyer  leur  demande  par  le  palr-iarche  cpii 
s'était  renlu  à  Maschet,  auprès  du  li's  du 
roi,  apparemment  tians  le  mi'^me  dessein.  (le 
ch 'f  de  la  reli^ioi  arménie  )ne  lit  de  son 
ciMé  des  [)résenls  nia;^Mili(|ues  ;  i 
jeune  [M'ince  et  l'ordre^  fut  délivri''. 

L'arriv(''e  du  patriai'che  à  Julfa  ressem- 
blait plultM  b  l'entrée  d'un  prince  (ri'h  celle 
d'un  religieux,  et  il  [)assa  avec  tant  de  pom()e 
et  de  m  ignilicence  au  milieu  des  bazars  de 
la  ville,  ({ue  les  Persans  (pii  en  furent  té- 
nioi'is,  en  témoignaient  leur  indignation,  et 
ces  intidèlt.'s  l'auraient  insulté,  s'il  n'avait  été 
précédé  |)ar  les  valets  de  pied  de  M.  le  ré- 
sident de  Moscovie  ,  qu'ils  res})ectaient. 
Grands  et  p  Hits,  callioliques  et  chrétiens, 
tous  accourure  it  en  foule  h  ce  spectacle  : 
depuis  les  dehors  de  Julfa  jusqu'à  la  porte 
du  monastère  toutes  les  rues  étaient  l)or- 
dées  de  monde.  Pendant  le  séjour  (ju'il  fit  à 
Julfa,  ses  discours  ne  roula  ent  que  sur  le 
banisscment  futur  des  missionnaires;  il  en 
parlait  ouvertement  et  il  ne  dissimulait  pas 
ses  dispos  tions  à  leur  éga  d.  MM.  les  chéri- 
mans  en  furent  alarmés,  et,  avec  quelques- 
uns  des  princi|)a  .x  de  nos  catholiques,  ils 
a  lèrent  au  monastère  pour  lui  faire  une 
visite  de  civilité  et  tAclier  de  l'adoucir  par 
cette  politesse  :  ils  ne  furent  pas  reçus; 
ils  se  présentèrent  une  seconde  fois,  l'au- 
dience fut  encore  refusée.  Nous  étions  à 
Julfa  dans  l'attente  d'un  événement  qui  de- 
vait décider  du  sort  de  la  religion  dans  le 
royaume  de  Perse.  Nos  ennemis  avaient 
grand  soin  d'ameuter  contre  nous  la  popu- 
lace ;  nous  ne  pouvions  paraître  dans  les 
rues  sans  entendre  blasphémer  contre  notre 
sainte  foi;  la  conspiration  était  presque 
générale;  les  enfants  ne  se  contentaient 
j)as  de  nous  dir.3  des  injures,  ils  nous  je- 
taient des  pierres  et  nous  fûmes  insultés 
plus  d'une  fois.  Les  émissaires  du  patriarche 
faisaient  courir  1  s  bruits  les  plus  désavan- 
tageux; on  disait  tantôt  que  Mgr  l'évoque, 
que  le  P.  du  Han  et  M.  Aroulion  avaient  été 
conduits  liés  et  garrottés  ;  tantôt  qu'on 
avait  fait  mourir  notre  su[)érieur,  qu'on  avait 
coupé  la  tôte  au  prélat,  le  nez  et  les  oreilles 
à  M.  Aroution  el  que  le  catholique,  inter- 
prète de  Mgr  l'évèque,  avait  été  étranglé.  Les 
arméniens  ne  cessèrent  pas  d'aller  dans  les 
maisons  de  leurs  parents  catholiques  pour 
leur  persuader  d'abandonner  la  foi  ;  ils  n'y 
gagnèrent  rien  et  c'est  à  cette  occasion  qu'un 
chef  de  famille,  à  qui  l'on  disait  que,  quand 
il  n'y  aurait  plus  de  Pères  et  de  missionnai- 
res, il  serait  bien  forcé  d'aller  à  l'église  ar- 


ménienne, fit  cette  belle  réponse  :  «  Je  ne 
connais,  dit-il,  qu'uiu!  ég'ise,  c'est  l'Kgliso 
roiiinine  d.ins  hupielh;  je;  suis  né  el  avec  !a- 
«pielle  je  suis  uni  de  conimunion;  s'il  no 
resie  plus  h  Julfa  di;  missionnanes  ou  do 
jtrûtres  calholi(pies,je  suis  veuf  et  parconsé- 
(lutnit  lil)ie  ;  j'irai  me  fair<i  ordonner  prélro 
alin  d(!  pouvoir  satisfaire  ma  dévotion  et 
|ioiM'  (pie  mes  enfants,  trouvant  dans  leur 
maison  do  (juoi  lemplir  leurs  devoirs  do 
cluélioris,  ne  soi(;nt  point  tentés d'albn- aux 
églises  arméniennes.  » 

Dieu  se  (-ontenta  des  généreuses  disposi- 
tions du  héros  clinHieii  et  il  ne  fiermit  pas 
que  l(!  schisme  triom|)hAt  de  la  religion.  Les 
varlabrvis  se  tlallai(;nt  cependant  d'un  heu- 
reux succès,  et  la  veille  du  jugement  un  de 
leiiis  chefs  s'était  expliqué  d'une  manière  h 
faire  croire  ipi'ils  comptaient  i-etourner  seuls 
à  Julfa,  et  (pie  les  missionnaires  en  seraient 
enfin  bannis  pour  toujours.  Le  jour  marqué 
pour  la  décision  arriva.  Le  prince  ne  parut 
faire  aucune  attention  aux  calomnies  dont 
on  tâchait  de  noircir  les  Pères  et  les  chéri- 
mans  ;  il  se  contenta  de  les  interroger  sur 
leur  foi,  et  leur  demanda  ([uelle  était  leur 
croyance;  cette  question  s'adressait  aux  deux 
p.irtis  ;  chacun  fut  obligé  de  ré[)ondre  et  de 
s'ex|)liquer.  Là  se  passa  une  scène  singu- 
lière :  Deux  frères  servaient  d'interprètes, 
l'un  à  Mgr  l'évèque,  l'autre  aux  vartabeds  , 
tous  deux  également  zélés,  l'un  pour  la  foi 
catholique,  l'autre  pour  le  schisme.  Le  ca- 
det, [la/tisan  des  arméniens,  était  un  homme 
emporté;  il  accablait  son  frère  des  plus 
gross  ères  injures  et  lui  reprochait  d'être 
déserteur  de  !a  foi  de  ses  pères.  L'alné  plus 
modéré  les  laissait  tomber  sans  y  répondre, 
mais  le  reprenait  avec  force  lorsqu'il  rendait 
en  langue  persane  les  fausses  iîiterprétations 
que  les  vartabeds  donnaient  de  l'Ecriture  : 
ce  contraste  réjouissait  les  juges.  Le  prince 

3ui  ne  voulait,  ce  semble,  que  se  divertir, 
emanda  une  explication  nette  et  précise 
des  articles  du  symbole  :  chacun  la  donnait 
à  sa  façon,  et  quand  on  vint  à  l'article  du 
Sa'nt  Esprit  ,  il  demanda  aux  arméniens 
comment  il  était  fait  et  s'ils  l'avaient  vu  : 
ils  répondirent  que  non,  et  qu'étant  Dieu 
comme  les  deux  autres  personnes,  il  était 
invisible  :  «Mais,  poursuivit  le  prince,  peut- 
être  notre  patriarche,  qui  est  un  si  grand 
homme,  l'a-t-il  vu?  »  Ces  |  laisanteries  leur 
déplurent  et  ils  commencèrent  à  s'aperce- 
voir que  ce  prétendu  jugement  qu'ils  atten- 
daient pourrait  bien  dégénérer  en  un  simple 
badinage;  mais  il  n'était  [ilus  temps  de  re- 
culer. Enfin,  après  une  demi-heure  d'au- 
dience, le  prince,  que  ces  contestations  peu 
iîitéressantes  pour  lui  commençaient  à  fa- 
tiguer, les  renvoya  tous,  sans  condamner 
personne,  mais  laissant  aux  cat  cliques  la 
liberté  d'exercer  leur  religion  :  c'est  tout  ce 
qu'ils  demandaient. 

Les  vartabeds  ne  remportèrent  de  cette 
tentative  que  la  honte  d'avoir  fait  une  dé- 
marche inconsidérée;  les  arméniens  qui 
l'avaient  conseillée  n'en  furent  pas  quittes  à 
si   bon  marché.  Le  prince,  qui  avait  besoin 


1279 


JVC 


J.\C 


4280 


qiios  fut  si  touch(''  du  courngo  qu'il  montnit 
t'-i  confossail  lo  nom  de  Jésiis-Clirist,  ([u'il 
se  proclama  lui-mômo  clirélion.  (3i  le  con- 
duisit au  suj)|)lice  avec  le  saint  a  >ôtie.  Clie- 
niiii  faisant,  il  lui  demanda  paidoi.  Sai'U 
Jacq'ies,  se  tournait  vers  lui,  lui  dit  :  «  La 
paix  soit  avec  vous  >•.  Ils  furent  déca[)ités 
tous  deux  e-isemble  (1).  Les  Es;)agnols  pré- 
tendent posséder  le  corps  du  sa'ul,  qu'on 
avait  d'abord  enierré  à  Jérusalem,  et  qui 
fut,  di>ent-ils ,  transporîé  peu  après  par 
ses  disciples  à  Iria  Plava,  aujourd'hui  A7 
Padron.  On  y  découvrit  es  reliques  sous 
le  règne  d'Alphonse  le  Chaste ,  et  oi  les 
porta  dans  une  p'tite  vilh'  voisine  ,  qu'où 
nomma  Giacomo  Poslolo,  dmit  on  a  l'ait  Co- 
mopostolo  {  Compostrllc  ),  ville  de  Galice. 
Saii;t  Ja  (jues  esl  le  jircmier  apôtre  qui  ait 
soiUert  le  martvrc. 

JACQUES  LÉ  MINEUR  (saint),  apôtra  et 
premier  évoque  de  Jérusalem,  était  tils  de 
Marie  sœur  de  la  sainte  Vierge,  et  d'Al|)hée, 
surnommé  Cléophas,  l'rè  c  de  saint  Joseph. 
Ainsi  cà  liouble  titre  il  et  lit  cousin  de  Jésus- 
Christ.  Eusèbe  de  Césarée  d  t  de  lui  ,  au 
premier  cha[)itre  de  son  Histoire  de  l'EyUse  : 
«  Il  était  lils  de  Jose|)h,  père  du  Christ,  au- 
quel le  saint  Ev  uigile  dit  (|U('  la  Vierge  fut 
mariée.  »  Il  a,)|)uie  soi  opinion  de  celle  de 
saint  Clément  d'Alexandrie,  livre  vr  de  ses 
Institutions.  Il  est  étonnant  que  ces  deux 
éjrivainsaicnt  écrit  une  pareille  erreur  quand 
il  est  dit  [)os;tivement  au  chapitre  \  de  l'E- 
va  ^gile  de  saint  Mat.hieu,  v.  3,  que  Jacques 
était  tils  d'Alphée. 

Ce  saint  a|)ùtie  fut  martyrisé  à  Je  usalem, 
dnrant  l.i  ca()tivilé  de  saint  Paul  à  Rome,  en 
l'a  uiée  G2.  Sa  justice  et  sa  sainteté  étaient 
tellement,  grandes,  qu'il  ét-iit  non-seul,  ment 
aimé  comme  un  p(ire  [)ar  les  chrélicns.  mais 
encore  vé  'éré  même  des  Juifs,  dont  la  fu- 
reur contre  Jésus-Christ  et  sa  doctrine  était 
incessante.  Aussi,  dans  Jérusalem,  il  était 
généralement  connu  sous  le  nom  du  Juste. 

S  jn  martyre  eut  lieu  api'ès  la  mort  de  Fes- 
tus,  et  après  le  déi)art  de  saint  Paul  pour 
Rome.  Ag  i|)pa  II  ayant  ôté  la  grande  sacri- 
ficature  h  Joseph  Cabi.  la  doi'wa  h  Ananie, 
cinquième  tils  d'Anne,  grand  prôtre  dont  il 
est  tant  [tarlé  dans  lEi^iture.  Albinus, 
gouverneur ,  nommé  pour  remplacer  Fes- 
tus,  n'était  jtas  encore  arrivé  en  Judée. 
Aninie,  qui  était  un  homme  enireprenant 
et  cruel,  assembla  un  conseil  de  plusieurs 
juges,  et  fit  com[)araître  diverses  personnes, 
el  notamment  Jacques,  évéque  de  Jéiusa- 
lem.  Josèphe  est  le  seul  historien  <pii  nous 
instruise  d(;  la  part  active  (ju'Aiianie  prit  à 
la  nu>it  (le  saint  Jactpies.  Nous  allons,  pour 
la  (in  du  récit,  prcvidrc  ce  (pie  nous  doniu; 
Ensebe  d'après  lli^-gésippe. 

"  (Juelques-UMsde  ceux  (pii  étaient  engagés 
dans  les  dillérentes  sectes  qui    partag(iaient 

(I)  A  J(;riis:il(;in,  :i(:«)U'  di-  la  i)i)rl(!  diî  Sioii,  il  (existe 
une  <''{<lis<;  sons  rinvocaliftn  de  saiiil  Jacrjucs  ii;  Ma- 
j<-nr.  Klli;  appanitriil  anx  arin(Mii(;ns  scliisnial  ifiics. 
A  dmiii;  «Ml  cnUant,  on  trouve  une  pclilt;  <lia|»('ii<; 
qu'on  dii  lihiic  sur  le  lieu  uième  où  le  saiul  lui  dci- 
cjpiui. 


alors  les  Juifs,  s'adressèrent  h  lui  et  lui  de- 
mandèient  ce  (pi'on  devait  croire  de  Jésus- 
Christ.  Il  leur  répondit  que  Jésus-Christ 
était  le  Sauveur  du  monde  ;  et  celti-  réponse 
si  nette  et  si  précise  en  ayant  persuadé  [du- 
sieurs,  ils  crurent  quf'  Jésus  était  en  elfet  le 
Christ  qu'ils  attrnd;dent.  La  plupait  de  ces 
sect'S  n'atlmettaie  d  ni  la  résurrect  on,  ni  le 
dernier  avènement  du  Messie,  ni  l'éternité 
de-  supplices  et  des  récompenses  ;  mais  ceux 
qui  furent  a-sez  heureux  |)Our  être  éclaiiés 
des  lum  ères  de  la  foi  par  le  ministère  de 
saint  Jacques,  renoncèrent  aussitôt  à  leurs 
anciennes  erreurs,  et  reçurent  des  vérités 
qu'ils  avai'nt  jusqne-l<à  rejetées. 

«  La  conversion  de  ces  Juifs,  parmi  lesquels 
il  se  trouvait  des  [)ersoiines  de  considéia- 
tion  et  d'un  rang  distingué,  jeta  le  trouble  et 
la  confusion  dans  la  Synagogue.  Les  phari- 
siens el  les  docteurs  de  la  loi  se  mirent  à 
crier  en  tumulte  que  leur  religion  allait  être 
renversée,  que  presque  tout  le  peuple  séduit 
se  laissait  entraîner  à  la  fausse  créance  que 
Jésus  de  Nazareth  était  le  Messie.  Enfin,  s'é- 
tant  rassemblés,  et  ayant  délibéré  un  n)o- 
ment  enir  eux  ,  ils  vont  trouver  saint  Jac- 
ques, et  lui  parlent  en  ces  termes  :  «  Nous 
venons  vous  prier  el  vous  exhorter  tout 
ensemble  d'employer  tout  le  pouvoir  que  la 
sainteté  de  votre  vie  vous  a  acquis  sur  l'es- 
prit du  peuple,  pour  le  porter  îi  renoncer  à 
ces  nouveautés  dangereuses,  qui  en  ont  déjà 
j)erverti  plusieurs.  Détrompez-les  de  la 
fiiuss  •  opim'on  où  ils  sont  que  ce  Jésus  est 
véritablement  le  Me-si.*  qui  nous  est  promis. 
Vous  vo.ez  que  lagran  le  fêle  de  PAtiues ras- 
semble ici  de  toute  la  Judée  un  |)euple  nom- 
hr  ux  ;  inspirez-lui  les  sent  ments  qu'il  doit 
avoir  d-  cet  imposteur;  nous  savons  que 
rien  n'est  plus  pur  que  votre  vertu,  et  nous 
sommes  convaincus  que  votre  probité  est 
ho.sd'alleintedela  l'avouretde  l'intérêt.  Per- 
suadez donc  h  ce  peuple  de  ne  plus  s'at  a- 
cher  à  ce  vain  fantôme  de  Messie;  montez 
siu  le  haut  du  temple,  alin  que  de  ce  lieu 
élevé  vous  puissiez  être  entendu  de  lonte 
cette  multitude  de  Juifs  et  de  genids  que  la 
solannité  a  fait  venir  de  toutes  ])arts  à  Jéru- 
salem. >> 

«  Les  pharisiens  ayant  ainsi  obligé  sa'nt 
Jacques  h  monter  sur  la  |)late-forme  du 
temple,  ils  lui  crièrent  :  «  Saint  h(unme, 
faites  entendre  votre  voix  h  ce  peuple;  il 
esl  dans  l'erreur,  en  adora>  t  un  ceitain  Jé- 
sus qui  a  éié  attaché  à  une  croix  ;  enseignez- 
lui  ce  (pi'il  faut  ci'oire  do  cet  honnue  ;  [)ar- 
lez,  expli(|uez-vous;  vos  paroles  seront  poiu' 
n  us  et  pour  ce  [)eu|)le  autant  d'oracles  pro- 
noncés par  11  bouche  delà  vérité  mêuR'.  » 
Alors  saint  JacipK'S,  élevant  sa  voix,  leur 
r(''pondit  :  «  Pourquoi  m'ni'errogez- vous 
touchant  Jésus,  fils  d(!  l'homme  ?  Sachez  qu'il 
est  assis  à  la  droite  de  la  so  vt  rame  puis- 
sance (l(!  Dieu,  et  (|u'il  doit  paraître  un  jour 
au  miliiMi  des  nuées,  pour  jug(n-  de  \h  tout 
l'univers.  » 

'(  Un  témoignage  rendu  h  la  (li^itlilé  di\ 
J('sus-('hrisl  d'une  manière  si  authenliipiiî 
et  si  peu  allciidui'  srr\  il  beaucoup   h  contir- 


4^81 


JAC 


JAC 


1282 


merles  nouvonux  cluélionsdnns  l.i  foi  f|u'il.s 
vcnaio'l  (IVnibritsser.  Ils  srrr  ôicMit  lous 
(ruiie  voix  :  «  (.loiro  nu  Fils  doD.ivid,  ho-i- 
II  uv  et  gloire  h  Jésus  !  »  Aîais,  d'ui  «utio 
t(M(S  U's  doc-leurs  de  I.i  loi  el  les  pli.nisioiis, 
so  voy.-nt  si  loin  de  leur  atteMlo,  se  d  s.-iieiit 
l'un  ù  l'autre:  «  Ou'avoiis-iious  l'ait  ?  louie 
notre  prudence  n'aura  d^nc  servi  (|u'^  loi  ti- 
(it'r  ct'lle  nouv  lie  secte  d'un  téiuolj^iKigc  si 
considérable?  Allons,  eoui'ons  vev<''"  uotre 
ri  ligion  outragée  el  notre  ()()lili(iue  trompée  : 
montons  sur  la  terrasse  du  tt'm|tle,  et  (pu; 
celui  qui  afaitu^e  injure,  si  scisibleh  l'uie 
et  h  l'autre  soit  précipité  h  la  vue  du  peuple, 
et  qu'il  appienne  aux  autres  par  sa  mort 
qu'on  ne  n-nonce  pas  impunément  h  la  reli- 
gion de  nos  pères  pour  embras>er  les  nou- 
veaux dogmes  d'un  inconnu.  » 

-(  Ils  se  mirent  en  mcMne  temps  îi  crier  : 
«  Quoi  I  i'iiomme  de  Dieu  est  aussi  dans 
l'erreur?  lît  ce  lut  alors  que  l'on  vit  accom- 
plir ces  pai'oles  qu'on  lit  dans  la  Sagesse  : 
Mettons  à  mort  le  juste,  pcn-cc  qu'il  nous  est  à 
chanjc.  Animés  d'une  fureur  aveugle,  ilsmon- 
tére'it  au  haut  du  temple,  et  ci  pré^ipilèrent 
le  saint.  Cependant  il  ne  mo  .rut  pas  d'abord, 
et  il  eut  encore  assez  de  force  pour  se  met- 
tre sur  les  genoux,  et  pour  adiesser  à  Dieu 
cette  prière  :  «  Se  gneur  ,  pardonnez-leur, 
ils  ne  savent  ce  qu'ils  font.  »  Ma. s  ces  hom- 
mes, moins  hommes  que  tigres,  s'écriè- 
rent :  «  11  faut  le  lapider,  »  et  5  l'instant 
même  ils  font  tomber  sur  lui  une  grêle  de 
pi  nres.  Il  n'y  en  eut  qu'un  d'entre  eux  (1) 
qui,  touché  de  quelque  sentiment  d'huma- 
nité, dit  aux  autres:  «Arrêtez,  que  faites- vous? 
le  juste  prie  pour  vous  et  vous  le  faites 
mourir.  »  Ces  paroles  toutefois  fuient  sans 
etfel,  et  elles  n'empêchèrent  pas  qu'un  fou- 
lon ne  déchargeât  de  toute  sa  force,  sur  la 
tête  du  saint,  un  coup  d'une  csfièce  de  niasse 
de  bois  dont  les  foulons  se  servent  pour  ap- 
prêter leurs  étjd'es;  et  ce  coup  mit  tin  au 
mariyre  du  juste  el  à  sa  vie.  »  Son  corps  fut 
enterré  au  môme  lieu,  et  l'on  y  voyait  encore 
son  tombeau  du  temps  d'Eusèbe. 

La  mort  de  saint  Jaccjues  tit  une  profonde 
sensation  dans  Jérusalem.  Jusèphe,  dans  un 
passage  cité  par  Eusèbe,  et  que  nous  ne  re- 
trouvons pas  dans  ses  œuvres,  s'exprime 
ainsi  :  «  Cela  (le  siège  de  Jérusalem)  arriva 
aux  Juifs,  à  cause  de  Jacques,  frère  de  Jésus 
qui  est  appelé  le  Christ,  lequel  ils  avaient 
tué,  bien  que  d'un  consentement  général  il 
fût  reconnu  pour  très-homme  de  bien.  » 

Les  notables  haljitails  de  Jérusalem  se 
pl.dgnirenl  au  roi  Agippa,  et  accu>èrent 
de  va.  il  lui  Ananie  pour  ses  actes  de  violence. 
D'autres  allérct  au-devanldu  nouveau  gou- 
verneur Albinos,  et  lui  ex|)0sèr.nl  que  le 
gra'id  prêtre,  qui  n'avait  pas  le  droit  de  ras- 
sembler le  -anhédrin  sa  is  son  autorisati  n, 
avait  dépassé  ses  pouvoirs.  Albiius  écrivit 
une  lei  re  fort  dure  au  ^rand  prêtre.  Quel- 
que temps  apiès,  Agrippa,  pour  llatter  la 
gouverneur  ,  ùta  la  grande  sacr  licature  à 
Ananie,  [lour  le  fait  de  la  mort  de  Jacques, 
el  la  donna  à  Jésus,  fils  de  Damneus. 
1}  C'éiail  un  RécUabiie. 


JACQUES  (saint),  d'acre  et  martyr,  fut  mis 
?»  mort  à  Ambesc  •  n  Numidie,  sous  le  rè- 
gne de  N'.ilénen  ,  avec  le  saint  lecteur  Ma- 
riei  et  pln.sieurs  autres.  L'Iv^l  se  faii  sa  fête 
le  30  avril,  (l'nur  les  déiails  voir  les  Acies 
de  sailli  M\uii;n  <i  son  article.) 

JA(^QLIiS  (saint),  martyr  à  Saniosale,  ^n 
297,  sous  l'empiie  de  Uioclétien,  soulliit  par 
Ordre  (h;  (ialèi  e,  avec  les  saints  Paraît  us  , 
Hai)i  e ,  Uomain  et  Lollien,  mnivellement 
conv(Mlis  ;\  la  foi  chrétienne.  Il  eut  aussi 
[)Our  compagnons  d(!  son  martyre  saint  Ilip- 
jianiui!  el  saint  Philothée.  Les  circonstances 
des  glorieux  combats  de  tous  ces  saints  mar- 
tyrs sont  racontées  h  l'arlicb-  de  saint  Hippak- 
QL'K,  au(piel  nous  renvoyons  le  lecteur. 

JACQUES  (saint),  évêquede  Nisibe  et  con- 
fesseur, naiiuit  à  Nisibe.  en  Méso()otamie , 
sur  la  (il  du  m'  siècle.  Il  embrassa  d'abord 
la  vie  des  anachorètes.  L'hiver  il  demeurait 
dans  une  caverne,  et  le  reste  de  l'année  dans 
les  bois,  sur  les  plus  hautes  montagnes,  ex- 
posé aux  injures  du  temps.  Sa  nourriluic 
consistait  en  fruits  sauvages,  en  herbes  ou 
grains  qu'il  mangeait  sa-^s  les  faire  cuire. 
Une  tunique  et  un  manleau  en  poil  de  chè- 
vre conifx  saient  son  habillement.  Gern  ade 
dit  qu'il  fut  du  nombre  des  confesS'  urs  du 
nom  de  Jésus-Christ  sous  l'empereur  Maxi- 
min.  Sa  vertu  était  si  grande,  qu'il  fut  élevé 
sur  le  siège  de  Nisibe.  Son  élévation  ne  le  fit 
que  changer  de  demeure.  Il  jeûna  et  coucha 
sur  la  terre  comme  auparavant,  mais  il  tra- 
vailla beaucoup  plus  qu'il  ne  faisait  dans  la 
solitu  .e.  il  prit  soin  des  jiauvres,  des  veuves 
et  des  orphelins,  il  secourut  ceux  qu'on  op- 
primait, reprit  avec  force  ceux  qui  les  fai- 
saient souffrir.  Il  se  trouva,  en  325,  avec  les 
autres  Pères  au  grand  concile  de  Nicée,  où  il 
se  signala  un  des  premiers  contre  les  impié- 
tés d'Arius.  Et  en  336,  Constantin  ayant  fait 
venir  Arius  à  Constantinople  et  commandé 
à  saint  Alexandre  qui  en  était  évoque  de  le 
recevoir  à  la  communion  de  lEglise,  notre 
saint  se  joignit  aux  prières  qu'Alexandre 
adressa  au  ciel  pour  détourner  le  fléau,  et 
nous  avons  vu  comment  Dieu  exauça  leurs 
ferventes  supplications.  Les  auteurs  ne  mar- 
quent point  à  quelle  époque  arriva  la  mort 
de  Jacques;  nous  savons  seulement  que  ce 
fut  sous  Constance,  peut-être  en  350.  Entre 
les  ouvrages  que  fit  notre  saint,  Gennade  lui 
en  attribue  un  où  il  démontre  que  Jésus- 
Christ  est  Fils  de  Dieu  et  consubslanliel  à  sou 
Père.  L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  11  juillet. 
JACQUES  (saint)  Ylntercis,  martyr  en 
Perse,  donna  ^a  vie  pour  la  foi  chrétienne, 
en  l'an  de  Jésus-Chr  si  421,  sous  le  règne  de 
Varanes  ou  Vararanes,qui  m», nia  sur  le  trône 
en  kiO,  et  qui  continua  contre  les  chrétiens 
la  persécution  que  son  père  Yesdedgerd  ava't 
commencée.  Jacques  était  habiiant  de  la  ville 
de  Beîh-Lap.ta  en  Perse.  11  était  noble  et  ri- 
che, distingué  j  ar  ses  vastes  co'^naissances. 
Les  faveurs  du  lOi  l'avaient  rendu  un  objet 
d'env:e  pour  tout  le  loyaume.  Tous  ces  avai:- 
lages  devinient  pour  lui  une  occasion  de 
chute.  Quand  Yesdedgerd  déclara  la  gue.  re 
au  christianisme ,  Jacques  eut  le  malheur 


Ii83 


JAC 


d'abjurer.  Jusque-là  il  avait  toujours  été  chré- 
tii"i.  Cotto  olijui-alion  e  .1  liou  sous  le  roi 
Yt'sJt'dgertl.  La  mèie  et  la  sn'ur  de  Jacques 
lui  écriv  lent  la  letln^  suiva  île  :  «  Nois  avons 
appris,  il  y  a  longtemiis  dojà,  que  vous  avez 
rené  le  D  eu  inhnorU  l  et  soi  amour  pour 
co  iserv.r  la  faveur  du  roi,  les  biens  et  les 
ho'^neurs  pé.iss.ibles  de  ce  mo"'de.  Voyez  ce 
qu'est  devenu  celui  à  la  faveur  duquel  vous 
avez  eu  le  malheur  d'attacher  si  gra-id  prix. 
Misérab'e  mortel,  comme  îoul  ce  qni  <  st  su- 
jet à  la  mort,  il  est  deve  lu  vile  poussière, 
l'eut-il  vous  secouiir  ma  ntenant  ?  vo  s  s  m- 
vera-t-il  des  supplices  éternels  Si  vous  res- 
te/, dans  votre  crime,  ces  su[iplices  auxquels 
Dieu  l'a  livré  déjà  seront  votre  partage. 
Quant  à  nous,  votre  mère  et  votre  sœur,  nous 
ne  serons  plus  rien  pour  vo js  et  n'aurons 
plus  rien  de  commun  avec  vous.  » 

Jacques  avait  au  fond  du  cœur  le  remords 
dn  son  crime  ;  il  sufiit  |iour  l'éveiller  tout  à 
fait,  que  ces  voix  si  cher  s  d'uie  mère  et 
d'une  sœur  vinssent  y   retentir.   Tout  san 

f)assé  si  pur  se  réveillait  à  ces  paroles  avec 
es  frais  souvenirs  de  It  jeunesse  parfumés 
d'innocence.  Les  prières  qu'il  faisait  avec  sa 
sœur  sous  l'aile  de  sa  mère,  quand  la  sainte 
femme  leur  parlait  de  D  eu,  leur  appren  dt 
à  l'invoquer,  revena  cnt  à  sa  mémoire.  Non 
jam.iis  l'honnue  n'oublie,  quels  que  soient 
les  tempêtes  du  cœur,  h'S  orages  de  la  pas- 
sion ces  leçons  de  l'amour  maternel.  Les 
croyances  qu'une  mère  tait  sucer  avec  son 
lait'  imprègnent  l'ûme  et  demeurent  toute  la 
vie.  Ce  qu'on  regrette  le  plus  de  quitter,  ce 
sont  ces  eus  ignements  reçus  au  berceau 
avec  la  foi  naïve  de  l'enfance  ;  c'est  l'ancre 
de  détresse  qu'on  ne  jette  que  le  derrner 
dans  la  tempête  et  qu'on  pleure  toujours 
d'avoir  abandonné.  Si  plus  lard,  dans  une  vie 
d'erreurs  ,  de  crimes  peut-être,  l;i  voix  de 
Dieu  revient  parler  au  C(cur,  elle  emprunte 
pour  y  r(  ntrer  ces  accents  chéris  (jui  rap- 
pellent à  l'homme  des  jours  purs,  par  con- 
sé(iuont  des  jours  heureux,  des  jours  regret- 
lés.  Ja((iues  pleura  sur  la  lettre  de  sa  mère. 
Il  quitta  la  cour  et  ses  honneurs  ;  il  avait 
dans  le  cœur  son  trésor  perdu  retrouvé.  Il 
s'etj  alla  dans  la  solitude  prier  Dieu  pour  le 
passé  et  le  bénir  nour  le  ])résent.  Informé 
(le  ce  changement, le  roi  le  manda  devant  lui. 
Jacques  dit  hautement  (ju'il  était  cln-étien. 
Vararanes,  lui  parlant  des  fiveursdont  le  roi 
son  pèie  l'avait  comblé,  lui  reprocha  son 
ingi'atitudc.  «  Où  est  maintimant  ce  roi?  dit 
Jac.ijues;  (ju'esl-il  deV(M)U?))  Furieux,  Vara- 
ranes !•  menaça  de  le  faire  mourii-  de  la  p'ius 
cru('lle  mort.  ^<  Toute  espèce  de  mort  n'est 
qu'un  somm(;il,  dit  le  saint  :  puisse  la  mi(!nnc 
6lr(!  cille  des  justes.  —  La  mort,  dit  le  roi, 
est  t(;iribl(;  pour  tous,  grands  et  petits.  — 
Oui,  dit  Jac(pit^s,  elh;  ell'raye  Ions  ceux  qui 
mi''|>iis(M)t  Difu  ,  parce  (jue  Vrspérance  (1rs 
iiK^chanls  périra.  —  (Juoi  1  misérable. dit  le  i'f)i, 
vous  MOUS  appelez  méchants,  vousipii  ne  vou- 
lez, adorer  ni  le  sohdl,  ni  la  lune,  ni  I  !'au,ui  lo 
feu.  ces  illustres  productions  do  la  divinité.— 
Ju  ne  vous  outrage  ni  ne  vous  accuse,  dit 
JaC'^uui»  ;  mais  je  dis  que  vous  donnez  à  des 


iAC  1284 

créatures  lo  nom  incomnii-iiicable  de  D'eu.  » 
Le  roi  furieux  ass' iiibla  son  conseil  |  onr  dé- 
libérer sin-  le  genre  de  mort  qu'on  i'^lligerait 
au  coupable.  Il  fut  déciué  que,  s'il  n'ibju- 
rait  [)as,  on  lui  couperait  tous  les  membres, 
les  uns  après  les  autres.  Tous  les  habitants 
de  la  ville  ac  oururcnt  [)Ourassis:(!r  à  ce  spec- 
tacle si  étrangement  cruel.  Ja'jques,  sur  le 
lieu  du  supjliie,  pria  quelques  instants, 
tom-né  vers  l'Orient  ;  puis  les  bourreaux  le 
saisiient  et  l'allachèrent  .u  du  valet.  Avant 
de  commencer  à  le  martyriser,  ils  le  |  rièr»  nt 
et  le  suj)i)lièrent  d'obéir  au  roi  :  tout  fut  inu- 
tile. Le  juge  lui-môme,  préposé  au  si  p,)li(e 
j)ar  le  roi,  les  larmes  aux  yeux,  le  conjurait 
d'avoir  pitié  de  lui-même.  «  Je  veux  vivre, 
disait  Jacques,  mais  de  la  vie  de  la  résur- 
rection. L'arbre  dont  on  coupe  les  branch;s 
reverdira.  Vous  mutilerez  mon  corps,  mais 
Dieu  saura  bien  lui  rendre  vie  et  splen- 
deur, h  On  lui  coupa  successivement  les 
doigts  :  il  remerciait  Dieu  ii  chaque  mutila- 
tion nouvelle.  La  joie  éclata. t  sur  sou  visage. 
Les  juges,  après  lui  avoir  fjit  mutiler  une 
main,  l'exhortaient  à  ne  pas  persévérer.  Ce- 
lui qui  a  mis  la  main  à  la  charrue ,  dit  Jac- 
ques, n'est  pas  digne  de  Dieu,  s'il  regarde  en 
arrière.  Les  bourreaux  lui  coupèrent  les 
doigts  des  deux  'lieds.  «  Maintenant  que  les 
branches  sont  tombées ,  dit-il ,  abattez  le 
tronc.  »  On  lui  coupa  les  bras,  les  jambes, 
les  .cuisses;  entin  un  des  gardes  lui  abattit 
la  tête.  I  'est  en  raison  du  su{ii)]ice  qu'il  en- 
dura qu'on  lui  donna  le  nom  lA'Jnlercis.  Ce 
fut  (.m  'i-21,  comme  nous  l'avons  dit,  qu'il  fut 
martyrisé,  le  2"?  novembre,  jour  auquel  sa 
fête  est  mar(]uée  dans  le  Maityroluge  ro- 
main. Les  clnétiens  après  sa  Uiort  renfermè- 
rent ses  reliques  dans  une  urn.'. 

JA -OUES  (sain;),  prêtre  ,  mis  à  mort  sous 
Sa[)or,  roi  de  Perse,  soull'rit  le  martyre  avec 
sainte  Marie,  sa  sœ'ur.  Ces  deux  saints  ne 
sont  pas  portés  au  Mai  t.\  rologe.  Nous  tradui- 
sons ici  les  Actes  de  leur  martyre. 

«  Dans  la  septième  année  de  la.  persécu 
tion  ,  saint  Jac(iu(.'s ,  prêtre  du  bourg  de 
Thel-Scialila,  fut  arrêté  avec  sa  jeui.e  sœur 
Marie,  jeune  lille  consacrée  à  Dieu,  par  l'or- 
dre (le  Narsès-Tam-Sapor,  qui,  s'étant  vaine- 
ment elforcé  de  contraindre  les  martyrs  à 
manger  du  sang;  il  or  :onna  qu'un  les  déchirât 
cruel  ement  h  i'ou{  s  lie  fouet.  Lux,  levant 
leurs  mains  vers  Dieu,  le  prièrent  qu'il  vint 
h  leur  secou.s,  et  cpie,  dans  le  dénùnnnit 
de  tout  secours  humain  OÙ  ils  étaient,  il  leur 
donnât  la  force  et  le  coir.ige.  Le  t^ran, 
voyant  (ju'il  ne  pouvait  détaciier  les  saints 
uiàrlyrs  le  leur  reLgion,  lit  mander  un  cer- 
tain noble,  ue  condil  <-n  i  luue  (Oii  le  nom- 
mait Malidades),  chrétien  i  ulement  d(!  noni, 
et  lui  ordonna  d  exéculer  Mii-le-cliamp  la 
senteiceca;  itale  poiléecon're  eux.  Celui-i  i, 
pensant  pouvoir  co:.(  ilier  cet  acte  avec  ses 
jiriiicqies,  marcha  impi  udennuenl  à  la  mort 
(élernellc)iour  conserver  .^a  vie (irrruslre), et, 
trompé  par  l'.uiiour  des  choses  de  ce  monde, 
perdit  ses  liauti'S  cspi 'ronces.  Il  ti  an»  ha  la  tôle 
des  sa:nls  n.ai lyrs de  sa  \t  i|  le  main,  dans  le 
bourg  du  Tiicl-Dura,  siluû  sur  le  jjruud  lleuvc. 


1283  UC 

Ces  illiistros  mnrtvrstt'ruront  leur  couronne 
le  ili\-s('|iliènie  jDiir  (Ic'la  lune  du  mois  de 
mars.  » 

JAC(^L'ES  ,  protospnlairo  ,  ou  prcmior 
écu.vcr  ù  In  cour  de  l'i-mpcrcur  dOritMit, 
Lôoii  IV,  l'ut  arrêté  |»ar  ordro  do  ro  priuuo 
icdiiOi  husic,  avfC  le  papias  ou  porlier  du  p  i- 
!ais,  Tluopliaue,  Léon  et  Tiiouias,  cli.uuhcl- 
l.iu-,  el  (|Ut  lipit's  autres  (pii  lionoraieul  les 
ima;^es.  L'empei'eur  les  lit  loiidre  ,  tbuetler 
et  mo'ier  hoiitcuscmi-Ml  par  la  ville  dans  la 
p"ison  du  prétoire.  'riiéo|)liaue  y  mourut  , 
tous  les  autres  euil)rassèreut  la  vie  monasti- 
que après  la  mort  de  l.con  IV,  cpii  eut  lieu 
quelques  mois  après,  i  n  l'an  de  Jésus-Cli.ist 
780.  {Voy.  leoNocusTKS.) 

J.VCQÙKS  DE  PODIO  (saint),  frère  mineur, 
fut  martyrisé  e  i  12G3sous  le  sulta'i  d'l";,y[)to 
liihars.  ie  [)i'ince  musulman,  avant  |iris  sur 
les  chrétiens  le  cli.Ueau  de  Sai'ed,  lild  re  aux 
six  cents  et  quehpies  martyrs  (pii  l'avaient 
détendu,  qu'ils  eussent  A  choisir  eitre  la 
mort  et  ^i^lamisme.  .la;  qucs  de  l'odio  et  Jé- 
l'émie,  tous  deux  fières  mineurs,  einployè- 
renl  toute  la  nuit  à  encourager  les  clirétiei.s 
à  préférer  la  couroiinc  glorieuse  du  martyre 
à  l'odieux  avantage  de  l'apostasie.  Le  lende- 
main la  garnisou  tout  enière  se  présenta 
courageusement  au  trépas  ;  tous  les  pa-ison- 
niers  fii-ent  déca.  ités.  Jiiba  s  [>our  se  ven- 
ger des  Fra'U'iscains  qui  avaient  été  cause 
d'un  si  généreux  dévouement ,  les  lit  é^or- 
clier  vifs,  ainsi  (|u'un  Templier:  c'était  le 
prieur  de  l'ordre.  11  les  tit  accabler  de  coups 
de  bcUon  ,  après  qu'ils  eurent  enduié  l'af- 
freux su|)plice  que  nous  venons  de  dire,  en- 
suite on  les  mena  au  lieu  où  les  six  ceuiS 
niarlyrs  avaient  eu  la  lèt(^  tranchi'C.  Ils  y 
mou  urent  ne  la  même  façon  (  Wadding  , 
an  1203,  n°  9.) 

JACQlKS  de  FLORENCE  (le  bienheu- 
reux, évè'jue  de  Zeylon  ,  fut  manyrisé  en 
Ihoimeur  du  nom  de  Jésus-Christ  dans  la 
Médic.  Les  p-iahoméians  le  mirent  à  mort 
avec  le  f  ère  (iuillaume,  de  la  Terre  oe  La- 
bour. Leur  martyre  arriva  l'an  13u2.  (Wad- 
ding,  ail  1362,  n"  k.) 

JACQUES  DE  SAINT-PIERRE  (le  bien- 
heureux), de  la  province  d'Ar  igon,  domini- 
cain, fut  envoyé  prêcher  la  foi  au  milieu  des 
musulmans  par  le  maitie  général  Cajetan. 
Après  avoir  converti  un  grand  nombre  d'in- 
fid^  les,  il  reçut  la  i;alme  du  maityre.  (  Fon- 
•tana,  Monumeuta  Dominicana,  an  lolG.) 

JACQUES  DE  PADOUE  (le  bienheureux), 
franciscain,  paitit  avec  trois  auir,  s  moines 
de  son  ordre  nommés  Thomas  de  Tolentino, 
Pierre  de  Sienne  et  Déméirius  de  Tillis  , 
pour  aller  prêcher  l'Evangile  dans  le  Kcitliai , 
diiigés  par  un  zélé  domiiicain  fr.nçais 
pouuné  Jourdain  Ccitali^i.  Forcés  d'abnder 
à  Tana,  capitale  de  l'île  Salselt  ',  ils  y  furent 
martyrisés  en  l'honneur  de  la  Uii  de  Jésiis- 
Ch  ist.  {Voy.  pour  les  détaiis  larticle  Mar- 

TYKS   DE  Ta>A.) 

Jacques  (U-  bienheureux),  martyr  abys- 
sinien, mourut  pour  la  f.ù  catiiolique  so;is 
le  règne  du  Négous  Mciej  Se~ned.  11  était 
confesseur  de  Tecla  Georois,  vice-r(.i  du  Ti- 


Jam 


ma 


gi'é,  qui  avait  embrassé  l/i  foi  catholique  y)0ur 
jilaire  h  son  souveiain  dont  il  avait  éfiousô 
la  li'le.  Ce  vice-roi  s'(-t;r)t  révolté  e(  ayant 
apostasie,  comme  on  peut  h;  voir  h  l'arliclc 
A»\ssi\iK  et  à  l'article  (-Konois,  lit  prendre 
non-e  saint,  (pii  fut  amené  em^hainé  au  mi- 
lieu du  camp  :  tous  les  principaux  d'entre 
les  conjurés  étaient  préseids.  On  avait  ré- 
solu, pour  enchaînt'r  (ieorgis  d'une  manière 
invin(  il)l(!  h  la  révolte,  (pi'il  porterait  le  pre- 
mier coup  h  la  victime  ;  l'afioslat  n'y  fit  pas 
faute  :  il  naf)  a  le  saint  de  son  épé(î;  aussilAl 
tous  les  autres  en  tirent  autant,  et  le  martyr, 
criblé  de  coups,  rendit  son  Ame  à  Dieu.  Ceux 
qui  ne  purent  pas  le  frapper  tandis  qu'il  était 
vivant,  ti-empèrent  la  pointe  de  leurs  é|)ées 
dans  son  sang,  el  tous  jurèrent  (ju'ils  com- 
batlraient  jusju'fi  ce  qu'ils  eussent  détruit  la 
foi  caiholi<|ue  en  Abyssinie,  et  chassé  ou  ex- 
terminé tous  ceux  qui  étaient  venus  l'y  pio- 
cher. On  peut  voir  aux  articles  que  nous  ve- 
nons d'ind.qucr  comment  finit  celte  lévolte, 
et  quel  fut  le  sort  du  vice-roi  ih  orgis.  Jac- 
ques é  ait  un  des  hommes  les  plus  remar- 
quabie-^  iKirmi  les  prêtres  du  clergé  abyssi- 
nien. II  avait  été  élevé  au  séminaire  ue  Fré- 
mone. 

JACQUES  (le  bienheureux),  fut  martyrisé 
au  Japon  (  n  1613,  dans  le  royaume  d'Arima', 
avec  saraèie  Jeanne, son  |  èreTacafatimundo, 
IMaiie-'^iiadeleine  sa  ."-œur,  vierge,  âgée  de 
d  x-neuf  ans  et  vouée  au  Seigneur,  Léon 
Ta  uendomi  Cuniémon  etson  fils  Paul,  Agé  de 
vingt-sef)t  ans,  Faiuxida  Luguyémon  (Léon), 
et  Mc'.r  he  ,  îemme  de  (e  dernier.  Tous  fu- 
rent con  'amnés  au  suj)plice  du  feu.  Quand 
l'humidité  du  b:'icher  se  fut  dissipée,  la 
flamme  resta  claire,  et  on  put  voir  les  saints 
martyrs,  dont  le  caîme  et  la  résignation  atti- 
raient l'admiraiion  générale.  Notre  bienheu- 
reux. Agé  de  douze  ans  seulement,  apparut 
dé'.aclié  aux  yeux  des  spectateurs.  Sans  lui 
faire  beaucoup  de  mal,  le  f^u  avait  consumé 
s:-s  lien»  ;  il  courait  a  !  travers  des  fl-mmes 
et  des  brasiers.  Craig'^ant  que  ce  fût  pour 
s'échapper,  la  foule  lui  cria  u'avoir  courage  ; 
ma. s  ou  cessa  d'avoir  cette  crainte,  quand 
0  1  vit  l'enfant  se  ret<»urner  avec  calme  et 
aller  vers  sa  mère,  qu'il  entoura  de  ses  bras, 
voulant  mourir  avec  elle.  La  sainte  femme 
qui  paraissait  morte  ,  se  rêve  lia  à  cette 
éireinie  ;  comme  si  elle  eût  oublié  ses  souf- 
frances, elle  ne  cassa  plus  d'encourager  son 
fils  à  accomplir  jusqu'au  bout  le  sacrifice  de 
sa  vie  pour  D.eu.  Peu  à  peu  ses  liens  étant 
brûiés,  elle  tomba  sur  son  fils,  le  couvrant 
de  son  corps  et  ils  expirèrent  ainsi. 

JADÈKE  (saint),  évêque  et  qualifié  martyr 
au  Martyrologe  romain,  àladaiedu  10  sep- 
tembre, jour  auquel  l'Eglise  célèbre  sa  fête, 
était  l'un  des  neuf  évêques  enfermés  dans 
les  mines,  et  à  qui  s.nnt  Cyprien  écrivit  sa 
76'  lettre.  Il  avait  été  dé[,o.té  ,  immédiate- 
ment après  sa  premièie  co'ifession,  aussitôt 
a()rès  avoir  éié  cruelîeiijent  fiappé  h  coups 
de  bàto'is.  Cet  évèque  Rvait  assisté  au  grand 
conrile  de  Caithagu.  {Voy.  Ni-mésien.) 

JAMNIQUE  (sainic)  ou  G.uimqce,  eut  le 
bonheur  de  donner  sa  vie  i)0ur  la  foi  en  177, 


IS87 


JAN 


sm 


1238 


dans  la  ville  de  Lyon,  sous  le  règne  de  l'em- 
pereur Antoiiin  Marc-Aurèle.  La  violence 
lies  tourments  que  lui  tirent  endurer  les  per- 
sécuieurs  é|)ui.->a  sa  force,  sans  abattre  son 
courage.  Comme  saint  Polliin  et  une  grande 
quantité  d'autres  saints  martyrs  ,  elle  mou- 
rut en  prison.  L'Eglise  célèbre  sa  fête  avec 
celle  de  tous  ses  compagnons  le  2  juin. 

JANVIER  (saint),  Tun  des  sept  fils  de  sainte 
Félicité,  fut  martyrisé  «i  Rome  sous  Marc- 
Aurèle  en  lOV,  avec  sa  mère  et  ses  frères. 
Amené  devant  le  préfet  Publius,  que  Marc- 
Aurèle  avait  commis  à  suivre  le  procès  de 
la  sainte  et  de  ses  enfants,  il  montra  le  plus 
grand  courage.  Publius  l'engageant  à  sacri- 
fier aux  dieux,  Janvier  lui  répondit  :  «  Vous 
ne  me  donnez  pas  là  un  conseil  digne  d'un 
sage  magistrat  ;  il  vaut  mieux  pour  moi  que 
je  suive  celui  de  la  sagesse  même  :  c'est  cle 
mettre  toute  mon  espérance  au  Dieu  que  je 
sers  ;  il  saura  me  garantir  de  tous  vos  arti- 
fices, et  il  me  fera  surmonter  les  maux  dont 
vous  me  menacez.  Le  préfet  l'envoya  en  pri- 
son après  l'avoir  fait  cruellement  fouetter. 
Ensuite,  ayant  rendu  comi)te  à  l'empereur 
de  ce  qui  s'était  passé  ,  ce  prince  chargea  un 
juge  de  prononcer  et  de  faire  exécuter  un 
jugement  contre  saint  Janvier.  Ce  juge  le  tit 
assommer  à  coups  de  plombeaux.  L'Eglise 
fait  la  fête  de  saint  Janvier  le  18  judlet. 
{Voy.  Félicité.) 

JANVIER  (  saint) ,  martyr  à  Carthage,  en 
250,  sous  le  règne  et  durant  la  persécution 
de  l'empereur  Dèce,  fut  enfermé  dans  un  ca- 
chot avec  une  foule  d'autres  chrétiens  ,  où  , 
par  ordre  de  l'empereur,  on  les  Liissa  mourir 
de  faim.  L'Eglise  fait  la  fêle  de  tous  ces 
saints  martyrs  le  17  avril,  avec  celle  de  saint 
Ma()poliqué  (  Voy.  l'article  de  saint  Victouin.) 
JANVIER  (saint),  diacre  et  martyr,  fut  mis 
à  mort  en2o8,  sous  Valérien,  avec  saintSixte, 
en  môme  temps  que  les  saints  diacres  Féli- 
cissime,  Agapet,  Magne,  Vincent,  Etienne. 
Ils  furent  tous  décapités.  L'Eglise  honore 
la  mémoire  de  tous  ces  saints  le  6  août. 

JANVIER  (saint),  soulfrit  le  martyre  pour 
la  foi  en  Afrique,  sous  le  règne  de  Valérien, 
l'an  259,  avec  les  saints  Paul,  Géronce,  Jan- 
vier, SaliH'nin,  Successe,  Jules,  Cal,  et  l.s 
saintes  Pie,  Terlulle  et  Cermaine.  On  man- 
que de  détails  aullienli(pies  sur  leur  mar- 
tyre. L'Eglise  fait  leur  fête  le  19  janvier. 

JANVIER  (saint),  évè  jue  de  Bénévi  nt , 
martyr,  était,  au  du  e  de  plusieurs  historiens, 
natif  de  Naples,  qui  a  du  reste  toujours  été 
regardée  •'Omrae  sa  patrn;.  Peridanl  qu'il  était 
évèipjc  de  Rénévent,  il  y  avait  dans  l'église 
de  Misène  un  diacre  nommé  Sosie;  .sa  répu- 
tation était  si  grande,  que  le  saint  venait 
souvent  le  voir.  Dans  les  conversations  (pi'il 
avait  avec  lui,  il  s'enthunmait  davant.ipC  à 
la  i)iété,  et  y  puisait  sans  cc'sse  des  lumières 
nouvelles  |)our  riiislruclioii  (pi'il  avait  à  diui- 
iKM'  'i  son  troupeau.  Une  luis  il  le  trouva 
chantant  l'Iivangile  dans  l'ét^lise  ;  il  vil  sa 
lêle  coinplélemenl  environnét;  de  llammes  ; 
il  en  conclut  qu'il  serait  bientôt  mailyiisé, 
ce  qui  k'accomiilit  en  (îllct  bienliU.  Divicoiice, 
gouvernc-ur  deCauipauie,  le  lii  iriêiur.  fouet- 


ter, et  meure  en  prison  dans  la  ville  de  Pouz- 
zoles.  Saint  Janvier  vint  l'y  visite^,  ainsi  que 
ProMile  diacre,  Eulice  et  Acuce,  tous  deux 
bourgeois  de  la  ville  de  Pouz.oles.  Draco'ce 
l'ayant    appris   se  (it   amener  les   trois  der- 
niers, avec  saint  Sosi  •,  et  les  ayant  fait  cruel- 
lement fouetter,  les  lit  ei  f.Mnu  r  aussi  dans 
la  prison.  Sur  ces    eiitrelaites ,    l-i(  clétim 
nomma  Timolhée  pour  suc.éder  à  Draconre. 
Ce  nouveau  gouverneur  étant  venu  à  Noie, 
et  ayant  appris   les  soins  ([ue  rendait  saint 
Janvier  aux  prisonniers,  il  1  envoya  prendre 
et  le  lit  jeter  dans  une  fournaise  ;  mais  le 
saint  en  S(>rlil  sans  avoir,  disent   ses  Actes, 
perdu  un  se^il  de  ses  cheveux.   Le  juge,  au 
dire  de  ces  mômes  Actes,  lui  .'yant  fait  ar- 
racher des  nerfs  (dit  vulgairement  pour  ten- 
dons), le  renvoya  en  prison.  Alors  Timolhée, 
ayant  fait  amener  tous  les  saints  prisonniers, 
les  condamna  à  être  exposés  aux  bêtes.  Au- 
cun des  animaux  féroces  qu'on  lâcha  sur  eux 
ne  voulut  leur  faire  de  mal.  ïimothée  pro- 
nonça contre  tous  ces  soldats  de  Jésus-Christ 
la  peine  capitale  ;  tous  furent  à  l'instant  même 
décapités.  Les  chrétiens  de  dilférenles  villes 
vinrent  et  enlevèrent  les  corps.  Celui  de  saint 
Janvier  fut  porté  à  Naples. 

Saint  Janvier  est  en  grande  vénération 
dans  cette  ville,  où  on  prétend  qu'il  a  opéré 
plusieurs  miracles.  Il  en  est  un  qui,  dit- 
on,  se  renouvelle  très-fréquemment,  ton  es 
les  fois  qu'on  expose  le  sang  du  saint  con- 
tenu dans  une  hole,  en  présence  de  sa  tôle 
ou  de  toute  autre  partie  de  ses  ossements. 
Nous  n'osons  rien  alhrmer  ni  pour  ni  contre. 
La  fête  de  saint  Janvier  a  lieu  le  19  septem- 
bi  e.  Son  martyre  eut  lieu  l'an  de  l'ère  chré- 
tienne 3  5. 

JANVIER  (saint),  fut  l'un  des  quarante- 
huit  martyrs  mis  à  m  a't  avec  saint  Salurniu 
en  Afri(pie,  sous  le  proconsul  Anulin,  en 
l'an  de  Jésus-Clirisl  305,  sous  ie  règne  et  du- 
rant la  persécution  atroce  tjue  rinlAme  Dio- 
clétien  susci'a  contre  l'Eglise  du  Seigneur. 
{Voy.  Satukmn.)  L'Eglise  célèbre  la  fête  de 
tous  ces  saints  le  11  février. 

JANVIER  (saint),  inart.>  r  en  Espagne,  mou- 
rut pour  la  foi  en  504-,  alors  (ju-'  la  persécu- 
tion s.iscilée  [)ar  le  tyran  Dioclélien  déci- 
mait l'Eglise.  On  célèbre  sa  fête  le  13  octo- 
bre. Voici  ses  Actes  extraits  de  Ruinart. 

«  Eugène,  commandant  pour  les  Romains 
dans  une  partie  de  l'iLspagne,  é.anl  venu  i» 
Cordoue  avec  le  dessein  île  contraindre  les 
lidèles  à  adorer  les  idoles  ,  Fausle,  Janvier 
et  .Martial  rallêroul  trouvei',  el  lui  parlèrent 
ainsi:  «  Oue  prétendez-vous,  Eugène,  |)ar 
une  conduite  si  pl.ine  dimpiélé  ?  Loin  de 
jierst'cuter  les  serviteurs  ilu  vrai  Dieu,  que 
ne  les  ée(»utez-vous  plutôt,  et  (pu-  ne  vous 
lange  -vous  de  leur  coté,  en  euibrassanl 
humblement  leur  croyance?  »  .Mais  Eugèhe, 
(p.e  D,(ni  avait  envoyé  h  Cordoue  pour 
éprouver  ses  serviteuis,  et  non  nour  les 
perdie,  lùigene,  dis-je,  clKxpié  de  la  liberté 
de  cell(î  Knnontrance,  dii  à  1-auste  (t  ù  ses 
deux  comp.ig 'ons  ?  «  .Mi.séial)U'S  ,  quelles 
gens  êles-vous?  »  l'auste  répondit  :  «  Nous 
sommes  chretieub  ;  Jcsub-Ciirisl  est  iiolro 


iâsf) 


JAN 


Dioii  ;  lui  qui  seul  est  lo  Soigneur,  lo  mni- 
trt!  ol  lo  cri^.ilour  de  loules  choses.  Eugène  : 
Vm-  quel  (U^sespoir  vous  trouvez-vous  ainsi 
associés  ensemble?  Fausle  :  (\ù  n'est  point 
lo  désespoir  qui  nous  mut  ;  mais  vous ,  quelle 


fur 
no 


eur  vous  |)ousse  h  nous  vouloir  faire  vv- 
■leor  notre  Dieu?  Eugène:  Qu'on   l'étende 
sur  un  clievalet,  pour  lui  apprendre  à  parler 
avec  le  ros})ect(|ui  nous  est  dû.  »  Alors  Jan- 
vier dit  h  Fausto  :  «  O  mou  clu'r  frère  î  c'est 
pour  nous  que  vous  endurez  ces  tourments, 
vous  qui  avez  bien  voulu  vous  associera  des 
péciuMirs.—  Notre  union,  mon  frère  Janvier, 
re;)artit  Fauste,   formée  sur  la  terre  et  en- 
lretenu(>  par  la  charité,  doit  être  éternelle 
dans  le  ciel.  »  Ku^';ène,  dissimulant   l'admi- 
ration que  lui  ousaient  des   sentiments  si 
beaux,  dit  à  Janvier  et  à  Fauste  :  «  De  (juels 
vains  discours  venez-vous  maintenant  nous 
amuser?  Croyez-vous  par  \h  me  faire  oublier 
]'im|)iété  avtîc  kuiuelle  vous  m'avez  répondu  ? 
—  Confesser  Jésus-(ihrist ,   reprit  Janvier, 
n'e-t  pas  une  im|)iété.  »  Eu^^ène  se  tournant 
vers  Martial  :  «  Ces  gens-ci,   lui  dit-il,  vous 
ont  engagé  dans  une  méchante  alfaire  ;  si 
vous  m'en  croyez  ,  vous  romprez  av(>c  eux  ; 
il  n'y  a  ni  bonneur  ni  p  ofit  à  être  mêlé  avec 
des  impies  et  des  magiciens.  »  Martial  lui  ré- 
pondit :  Dieu  vous  pu>.ira,  Eugène.  Eugène: 
Et  celui-ci  encoro,  qu'on  le  mette  sur  le  che- 
valet. —  O  bienheureuse  immortalité  de  Jé- 
sus-Christ !  C'est  elle,  ô  mon  frère  Fauste  1 
qui  m'unit  à  vous.  Euj^ne:  Q\i'on  les  tour- 
mente jusqu'à  ce  qu'ils  soient   résolus  d'a- 
dorer U'is  dieux.  Fauste  :  Il  te  sera  diliicile, 
à  toi  et  au  démon  ton  j)ère  (1),  de  nous  faire 
abandoiuier  une   religion   que  nous  avons 
reçue  dès  l'enfance,  j)our  suivre  la  tienne. 
Eugène  :   Les  empereurs  veulent  que   vous 
adoriez  les  dieux.  Fauste.   Il  n'y  a  qu'un 
Dieu  qui  a  tout  fait,  et  nous   ne  subsistons 
que  par  lui.  Quels  sont  vos  dieux?  En  avez- 
vous  d'autres  que  Satan.  Eugène:  Qu'on  lui 
couî)e  le  nez  et  les  oreilles,  et  qu'on  lui  ar- 
rache toutes  les  dents  d'en  haut.  «Cela  fut 
exécuté  sur  l'heure,  et  Fauste  n'en  parut 
que  plus  gai.  Eugène  :  Vois-tu,  Janvier,  ce 
qu'il  en  coûte  à  ton  compagnon  pour  vou- 
loir persévérer  dans  sa  folie  erreur,  et  pour 
ne  vouloir  pas  obéir  à  nos  ordres  ?  Janvier  : 
Puisse -je    être    opiniâtre    et    désobéissant 
comme  mon  frère,  pourvu  que  le  lien  de  la 
charité  qui  nous  unit  no  se  rompe  jamais  ! 
/su^'ne  :  Qu'on  n'é[)argne  pas  non  plus  ce- 
lui-ci. Vous  voyez,  Martial,  quels  maux  vos 
compagnons  se  sont  attirés  par  leur  folie  ; 
renoncez  [irudemmerit  à  une  société  si  dan- 
gereuse. Martial  :  Jésus-Christ  est  ma  con- 
solation, Jésus-Christ  que  mes  compagnons 
confessent  à  haute  voix,  et  que  je  co;  fesse 
aussi  de  tout  mon  cœur  avec  le  Père  et  le 
Saint-Esprit.  »  Alors  Eugène,  ne  gardant  plus 

(1)  L'on  trouve  de  ces  réponses  dures,  pour  ne  pas 
dire  de  ces  unprécalioiis,  dans  d'autres  Acles  Irès- 
vérilaldeseï  très  auliientiqiies,  comme  dans  ceux  de 
saint  Taraque,elc.  —  En  li>aiU  celle  noie  de  Kuinarl, 
il  faut  se  souvenir  que  Jésus-Cluisl  avait  promis  aux 
martyrs  que  le  Saint-Esprit  leur  dicterait  leurs  ré- 
punses. 

DiCTIOSN.    DES  PERSicUTIOXS.    l. 


JAN  1290 

do  mesure,  les  condamna  h  être  brftlés  h 
polit  feu,  (>ommo  on  hîs  conduisait  au  sup- 
plit'o,  ils  exhortaient  lo  peuple  h  demeu- 
rer lidèlo!  à  Jésus-Christ.  «  Nos  chers  frères, 
«lisaient-ils,  no  vous  liez  jamais  au  détnon, 
h  cet  emunni  déclaré  des  hommes,  quehpie 
j»uissanc(ï  «|u'ii  send)le  avoir  aujourd'hui 
dans  lo  monde.  Mais  souvenez-vous  toujours 
cpie  vous  êtes  formés  à  l'imagf;  do  Dieu. 
Adorez-le,  bénissez -lo  comme  l'auteur  de 
toul(!S  choses.  N(^  vous  laissez  point  gagner 
à  ceux  qui  voudrai(!nt  vous  engager  à  ado- 
rer leurs  proitros  ouvrages.  Confessez  liaute- 
ment  Jésus-Christ,  et  chantez  jour  et  nuit  les 
louanges  d'un  seul  Dieu  !  On  les  litentrerdans 
le  fou,  où  ils  exuirèrent  un  moment  après.  » 
JANVIER  (saint),  fut  honoré  de  la  cou- 
ronne des  glorieux  combattants  do  la  foi  à 
Héraclée.  Il  eut  pour  compagnon  de  son  triom- 
phe saint  F'élix.  Le  même  jour  eut  lieu  le 
martyre  de  >a[nl  Julien.  Nous  n'avons  au- 
cun détail  sur  les  soud'rances  qu'eurent  h  en- 
diu-er  ces  saints.  L'Eglise  honore  leur  mé- 
moire le  7  janvier. 

JANVIER  (saint),  diacre  et  martyr,  reçut 
la  couronne  des  glorieux  corab,Tit;tnts  de  la 
loi  à  Torre  en  SariJaigne  avec  le  proti  e  Prote. 
Ayant  été  envoyés  dans  cette  île  par  le  pape 
saint  Caïus,  ils  furent  mis  à  mort  sous  le 
président  Barbare,  durant  le  règne  de  l'em- 
pereur Dioclétien.  L'Eglise  honore  leur  mé- 
moire le  25  octobre. 

JANVIER  (saint),  fut  assez  heureux,  pour 
verser  son  sang  pour  la  défense  de  la  r('li- 
gion  chrétienne  avec  les  sainis  Sévère,  Sé- 
cur  et  V'ictorin.  Là  se  bornent  tous  les  dé- 
tails que  les  Actes  des  martyrs  nous  don- 
nent sur  leurs  combats.  L'Eglise  fait  col- 
lectivement leur  fête  le  2  décembre. 

JANVIER  (saint),  martyr,  cueillit  la  palme 
du  martyre  en  Afrique  avec  les  saints  Faus- 
tin,  Lucius,  Can  iide,  Célien,  Marc  et  For- 
tund.  {Voy.  l'article  Fausti.n,  pour  plus  de 
renseignements.) 

JANVIER  (saint),  martyr,  mourut  pour  la 
foi  de  Jésus-Christ  à  Carthnge,  avec  les  saints 
Catulin,  Florence,  et  les  saintes  Julie  et  Juste. 
Ilsfuientinhumésdansla  basiliquede Fauste, 
L'Eglise  les  honore  le  15  juillet. 

JANVIER  (saint),  soutiVit  pendant  quatre 
jours,  à  Nicopolis,  les  supplii^es  du  cheva- 
let, des  pointes  de  fer,  des  têts  de  pots  cas- 
sés. Ils  accomplirent  ainsi  leur  glorieux 
martyre,  lui  et  sainte  Pélagie,  L'Eglise  ho- 
nore leur  sainte  mémoire  le  11  juillet. 

JANVIER  (saint),  fut  martyrisé  en  Afrique, 
avec  deux  saintes  femmes,  Maxime  et  Ma- 
carie.  Les  détails  nous  manquent  com,déte- 
ment.  L'E^Hise  lait  leur  fête  le  8  avril. 

JANViÈRE,  nom  d'une  femme  romaine 
qui,  sous  l'empire  de  Dèce,  en  l'année  250, 
fut  arrêtée  pour  cause  de  christianisme,  avec 
saint  Moyse  et  une  foule  d'autres  chrét.ens. 
Elle  eut  la  gloire  de  partager,  pendant  dix- 
huit  mois  de  prison,  leurs  souffrances  et 
leurs  to.irments  nour  la  foi.  11  est  fait  men- 
tion d'elle  dans  la  lettre  que  Lucien,  con- 
fesseur de  Carihage,  écrivit  à  ceux  de  R'.>me, 
et  qui  se  trouve  au  nombre  de  cftlies  de 

M 


isdi 


JAP 


JAP 


mi 


saint  Cyprien.  (Pour  plus  de  détails,  voy. 
MoYSE,  confesseur. ) 

JANVIÈRE  (saintp),  nom  de  deux  saintes 
qui  font  partie  des  quar.mfo-huit  uiarlyrs 
mis  à  mort  pour  la  foi  chrétienne  en  l'an 
305,  avec  saini  Saturnin,  sous  le  proco  isul 
Anulin,  durant  la  persécution  que  la  fureur 
de  Dioclétien  avait  soulevée  contre  l'Eglise. 
{Voy.  Satcrnin.)  La  fête  de  tous  ces  saints 
a  lieu  le  11  janvier. 

JANVIÈRE  (sainte),  eut  la  gloire  de  ver- 
ser son  sang  à  Porto  pour  la  défense  de  la 
religion  chrétienne  et  de  sa  foi.  Les  com- 
pagnons de  son  triomphe  furent  les  saints, 
Paul,  Uéraclius  et  Secondille.  Nous  n'avons 
point  de  détails  sur  eux.  L'Eglise  honore 
collectivement  leur  mémoire  le  2  mars 

JAPON  (  Persécltions  au).  Le  Japon, 
nommé  Nipon  ou  Nifon  dans  le  langage  du 
pays,  du  nom  de  Niphon,  l'iuie  des  îles 
principales  qui  forment  ce  grand  empire,  est 
situé  en  Asie  par  30"  et  iS"  latitude  Nord, 
125°  et  127°  longitude  Est.  Quatre  grandes 
îles  et  une  infinité  de  petites  constituent  cet 
empire.  Les  (}uatre  grandes  sont  :  Yeso, 
Niphon,  Xicoco  ou  Sikokf,  Ximo  ou  Kiou- 
siou.  Le  Japon  a  environ  trente  millions 
d'habitants. 

Avant  de  faire  l'histoire  des  persécutions 
au  Japon,  il  nous  semble  opportun  de  tracer 
à  grands  traits,  pour  le  lecteur,  celle  de 
l'origine  du  gouvernement  et  du  culte  des 
Japonais.  S'il  s'agissait  d'un  peuple  connu, 
nous  ne  prendrions  pas  cette  peine;  mais 
nous  concevons  que  le  lecteur  serait  parfois 
fort  embarrassé,  si  nous  n'entrions  pas  à  cet 
égard  dans  quelques  détails,  il  est  facile  de 
voir,  dans  ce  que  nous  allons  dire,  que  la 
religion  du  Japon  n'est  qu'une  dégénéres- 
cence des  traditions  bibliques  et  prophé- 
tiques. Tout  l'Orient  est  ainsi  rempli  des 
souvenirs  de  la  religion  révélée. 

Les  habitants  des  îles  du  Japon  se  pré- 
tendent aborigènes,  non  comme  les  insectes, 
suivant  certaines  histoires,  mais  en  faisant 
remonter  leur  naissance  jusqu'à  leurs  dieux. 
«  Aucommencement  de  l'ouverturede  toutes 
o  choses,  disent-ils,  le  chaos  flottait  comme 
«  des  poissons  nagent  dans  l'eau  pour  leur 
a  plaisir.  De  ce  cliaos  sortit  quelque  chose 
a  de  semblable  h  une  épine,  qui  était  sus- 
«  ceplible  d(i  mouvement  et  de  transforma- 
«  tion;  celte  chose  devint  une  Ame  ou  un 
n  esprit,  cl  ci't  esprit  esl  appelé  Kanitoko- 
«  dnlsno-Mikntto.  »  (^ct  esprit  a  prcjd.iil  hmi'S 
dieux  dont  ils  établissent  <leux  dillérentcs 
généalogies.  La  première  esl  coiiiposée  d'es- 
pnls  célestes  ou  d'êtres  .•djsolumcnl  dégagés 
de  la  matière,  et  ces  êtres  oit  gouverné  le 
Ja[)On  pend.int  un-  longue  suite  de  siè  les , 
donlil  n'est  pas  ])Ossible  de  déterminer  le 
nombr*^;  la  s(ii;onde  comi)rcn(l  les  esprits 
terrestres  où  les  dieux  hommes,  sucîcesseurs 
des  [iremiers  qui  ont  aussi  rég-ié  longt(!inps 
ot  qui  engendrèrent  entin  les  hribitanls  ac- 
tuels 'lu  J;ipon  ,  mais  ne  conservant  vu\\\  do 
la  pmet/i  ni  (|(;s  [jerlections  d»;  l(;urs  divins 
arK^'tres.  Pour  dévelopjiiîr  jjIus  clairement 
ces  étranges  idées,  il  faut  so  ligurer  que  les 


premiers  êtres ,  sortis  du  chaos  furent  au 
nombre  de  sept  principaux  gouverneurs,  dont 
le  premier  était  foruié  de  la  partie  la  plus 
pure.  SonlUs  sortit  de  lui  par  le  mouvi'ment 
et  par  le  pouvoir  actit  des  cieux  et  des  élé- 
ments qui  sont  au-dessous.  Chacun  ainsi 
devint  père;  mais  le  dernier  s'étant  formé 
des  organes  sensibles  pour  connaître  char- 
nellement sa  femme  ,  engendra  des  êtres 
mêlés  qui  partici[)èrent  de  la  nature  divine 
et  de  la  nature  humaine.  Cette  race  conserva 
assez  loiigtemps  quelques  perfections  de 
ses  diviiîs  ancêtres,  et  elle  s'éteignit  dans  la 
personne  iVAvaase-Dsuno,  père  des  Japonais 
d'aujourd'lmi. 

Tel  est  le  tissu  de  bizarres  idées ,  dont 
ces  peuples  cherchent  à  orner  leur  origine. 
Abandonnons  ces  erreurs  et  consultons  des 
livres  plus  dignes  de  nos  recherches.  La 
plupart  de  nos  géographes  s'accordent  5  faire 
sortir  les  Japonais  de  la  Chine ,  et  voici  la 
tradition  orientale  sur  laquelle  ils  se  fon- 
dent. Plusieurs  familles  cninoises  considé- 
rables furent  convaincues  d'une  conspiration 
contre  leur  souverain;  tous  les  coupables 
furent  condanmés  à  mort ,  mais  le  nombre 
s'en  trouva  si  considérable  que  les  bourreaux 
se  lassèrent  de  ré|)andre  le  sang;  l'empereur 
lui-même,  revenu  de  sa  première  rage, 
commua  la  peine  de  mort  en  celle  d'un  ban- 
nissement per[)étuel,  et  ces  malheureux  fu- 
rent transportés  dans  les  îles  du  Japon,  alors 
incultes  et  sauvages,  où  ils  peuplèrent  si 
considérablement  le  pays  que  bientôt  ils  se 
rendirent  redoutables  à  leurs  voisins.  On  dit 
aussi  qu'un  empereur  de  la  Chine  ,  indigné 
de  ce  que  la  vie  humaine  était  si  courte , 
envoya  plusieurs  de  ses  sujets  dans  toutes 
les  parties  du  monde  pour  chercher  quelque 
remède  qui  pût  le  garantir  de  la  mort ,  et 
qu'un  de  ses  médecins,  las  de  servir  un 
maître  barbare  et  le  tyran  de  ses  peuples , 
saisit  cette  occasion  pour  le  fuir  :  il  lui  laissa 
croire  que  ce  remède  précieux  se  trouvait 
dans  les  îles  du  Ja|)on;  mais  il  ajouta  qu'il 
consistait  en  des  herbes  d'une  organisation 
si  tendre  qu'elles  ne  pouvaient  être  cueillies 
que  par  des  mains  jeunes  et  pures;  l'empe- 
reur fil  chercher  dans  ses  Etats  trois  cents 
jeunes  filles  avec  lesquelles  le  médecin  s'em- 
banjua;  sa  navigation  fut  heureuse,  il  aborda 
les  îles  du  Japon,  s'y  établit  et  peui)la  le 
pays.  On  peut  choisir  entre  ces  deux  ori- 
gines :  mais  ce  ([u'd  y  a  de  certaui,  c'est  que 
ces  anecdotes  ne  peuvent  s'accorder  avec  la 
chronologie  des  Japo  lais. 

il  faudrait  donc  s'en  tenir  au  sentiment 
d'un  historien  modei'iuï ,  cpii  ci'oit  cpie  les 
Japonais  descendenl  des  Tarlares  ,  et  qui  se 
fonde  sur  les  annales  de  la  Ch  iie  ,  où  l'on 
trouve  (pie  1190  ans  avant  Jésus-Christ,  les 
T.irlares  commencèrent  à  peupler  les  îles  de 
la  mer  orientale.  Les  premier,  s  notions  que 
nous  ayons  eues  de  rcixislence  du  Japon 
nous  viennent  du  fameux  voyageur  Marc-Pol, 
(lui  vivait  vers  la  lin  du  xm'  siècle,  et  qui, 
tlaus  ses  relations,  parle  de  cet  empire  sous 
le  nom  de  /i/xiiu/ii  ou  /ipdiKjx.  Ses  écrits 
tombôrcnl  au  xvi*  siècle  entre  les  mains  do 


II 


1^293  ivi^ 

Christophe  Colomb,  el  ne  contiiburront  pas 
])i'n  nux  ckM't)iivcilos  do  c»^  li;il)il<'  ii;»vib'a- 
tciir.Il  t'stvnii.a  i moins,  quo,l<)isqiril aborda 
à  nie  Hi-|»aniola,  il  se  crut  dans  la  véfiiablo 
Zipnisri  de  Marc;-Pol.  C(î  ne  fui  qiiV-M  VSk'2, 
qu'un  naufrage  de  quehpies  Porlir^ais  sur 
les  cùles  du  Ja()un,  apprit  ti  l'Europe  qn'il  y 
avait  un  pu  ssant  c  ni|)iro  dans  les  mers 
orientales.  Nous  avons  donné  une  idée  des 
deux  [)rcmiùres  races  fabuleuses  sur  les- 
quelles ItîS  Jaf)onais  élab.issent  leur  histoire; 
venons  ;\  la  troisième  époque,  qui  conunence 
6G0  ans  avant  Jesus-Christ,  avec  le  vè^no  do 
S>n-Mu,  qui  avait  alors  78  ans.  Malgré  ce 
grand  Age,  il  occupa  longtemps  le  trùne;  il 
dompta  sa  nation  juscpi'alors  indépendante 
et  barbare,  el  une  suite  chronologique,  fon- 
dée sur  (les  annales  incontestables  ,  fait 
mention  de  ses  successeurs,  sans  (ju'il  soit 
possible  de  former  aucune  discussion  contre 
JeLU"  authenticité.  Depuis  Syn-^NIu  jusqu'à  pré- 
sent, on  compte  cent  seize  princes  de  celte  race 
qui  ont  occupé  le  trùne  en  ligne  droite,  et 
par  les  a. nés,  si  l'on  en  écarte  la  révolution 
qui  a  mis  cet  empire  entre  les  mains  de  deux 
maîtres,  sans  briser  absolument  le  sce[)tre 
dans  celles  du  véritable  empereur.  C'est  vers 
le  xii"'  siècle  qu'il  faut  chercher  cette  époque 
fameuse. 

Dans  la  naissance  du  gouvernement  japo- 
nais ,  le  commandement  des  troupes  était 
confié  à  un  général  qui  portait  le  nom  de 
Cubo,  et  auquel  on  ajouta  celui  de  Sama,  qui 
signifie  seigneur.  L'empereur,  pour  lors,  ne 
remettait  cette  charge  qu'à  des  guerriers 
dont  la  fidélité  lui  était  connue.  Ce  fut  un 
de  ces  Cubo-Sama  qui  excita  une  guerre 
civile  :  cette  révolution  s'accomplit  vers  le 
milieu  du  xii'  siècle-  Le  7G'  Daïri  ou  empe- 
reur héréditaire  de  la  famille  de  Sijn-Mu  , 
fondatrice  de  l'enjpire  du  Japon,  voyant  la 
trop  grande  puissance  des  gouverneurs  de 
province,  nomma  le  Cubo  ou  général,  géné- 
ralissime de  toutes  ses  armées,  pour  réduire 
les  chefs  de  province  à  son  obéissance.  Mais 
celui-ci  profita  de  son  autorité  pour  se  rendre 
indépendant ,  et  jeta  les  fondements  d'un- 
nouveau  trône  à  côté  de  celui  de  son  maître. 
Ainsi  l'on  voit  depuis  au  Japon  deux  empe- 

Feui'S,  l'un  nommé  Mikaddo  ou  Dairl ,  et 
autre  Cubo-Samn.  Ces  deux  puissances 
cherchèrent  longtemps  à  s'anéantir,  el  pen- 
dant leurs  guerres  les  gouverneurs  particu- 
liers s'éridèrenl  en  souverains  dans  leurs 
provinces.  Tout  resta  dans  cet  état  violesst 
jusqu'au  xvr  siècle  ,  que  le  Cubo-Sama  se 
rend.t  absolu  et  réduisit  le  Baïri  à  la  simple 
souveraineté  de  la  religion.  Tous  les  hon- 
neurs, tous  les  respects  sont  pour  ce  der- 
nier, ses  revenus  sont  immenses  :  il  nomme 
à  toutes  les  digni'.és  ecclésiastiques  ,  il 
prononce  sur  certains  différends  qui  s'élè- 
vent entre  les  grands,  mais  la  plénitude  de 
l'autorité  tem[)orelIe  réside  dans  le  Cubo- 
Sama.  Méaco  est  la  résidence  du  Dairi;  une 
garde  nombreuse  semble  veiller  à  sa  con- 
servation et  sert  réellement  à  le  tenir  dans 
les  fers.  Au  défaut  de  la  véritable  puissance, 
on  ne  cesse  de  lui  rendre,  nar  un  culte  reli- 


JAP 


1294 


gieux,'  des  honneurs  prc.s(|ue  divins.  Il  est 
le  pontife  supi'ôme,  sa  personne  est  sacrée. 
Loi's(iue  le  trône  est  vacant ,  la  cour  ecclé- 
siaslicpie  s'assemble  et  élève  à  celte  dignité  lo 
plus  proche  héritier,  sans  distinction  d'.'ge  ni 
de  sexe.  Ouel([uefois  c'est  un  prince  mineiir, 
d  autres  fois  une  |)rincesso  qui  n'est  ftoint 
encore  mariée.  S'il  y  a  [)lusieurs  prétendants, 
on  les  fait  monter  successivement  sur  le 
trône,  mais  tons  ces  changements  se  font  on 
secret,  el  le  public  n'en  est  jamais  instruit 
jusqu'à  ce  (pie  la  succession  soit  réglée.  Le 
Dairi  épouse  douze  femmes,  et  la  première 
qui  lui  donne  cinq  hls  partage  les  honneurs 
du  trône.  L'habillement  de  ce  [)ont  f.'-emjie- 
reur  est  assez  simple  :  c'est  une  tunicjue  de 
soie  noire  sous  une  robe  ronge,  et  [jar-d-ssus 
les  deux,  une  espèce  de  crépon  très-lin.  Sa 
tète  est  ornée  d'une  sorte  d(!  chapeau  avec 
des  pendants  assez  semblables  aux  fanons 
d'une  niilre  d'évèque  ou  de  la  tiare  du  pape; 
tout  esl  de  la  plus  grande  somptuosité  dans 
son  palais.  Les  robes  de  ses  couftisans,  qui 
comme  lui  se  prétendent  descendus  de  leurs 
dieux ,  sont  extrêmement  longues  et  larges, 
avec  une  queue  traînante;  leur  bonnet  est 
noir  et  sa  forme  désigne  leur  dignité.  Le 
Cubo-Sama  tient  sa  cour  à  Yédo  :  quoique 
son  em|)ire  ne  soit  pas  de  la  plus  grande 
étendue,  il  n'en  est  [)as  moins  un  des  plus 
riches  monarques  du  monde. 

Il  y  a  au  Jaj-on  trois  religions  principales  : 
1°  l'aiicienne,  nominée  Sintos  ;  2°  \e  Budso 
ou  le  culte  dos  idoles  étrangères,  apporté  du 
royaume  de  Siam  ou  de  la  Chine  ;  3°  le  Siuto 
ou  la  doctrine  des  philoso[ihes  ou  des  mo- 
ralistes. Il  faut  chercher  l'origine  du  Sintos 
dans  les  fondements  de  la  monarchie  japo- 
naise. Ces  insulaires,  comme  nous  l'avoiis 
déjà  remarqué,  adorent ,  à  litre  d'esprits  cé- 
lestes, les  sept  princes  qui  composent,  di- 
sent-ils, la  première  dynastie  de  leurs  souve- 
rains ;  ils  y  ajoutent  les  cinq  demi-dieux  (le 
la  seconde  race,  sous  le  nom  de  camis;  tous 
les  empereurs  qui  ont  régné  depuis  Syn-Mu, 
chef  de  la  troisième  dynastie,  sont  admis  à 
ce  rang  suprême.  Le  prince  régnant  fait  cet 
honneur  à  celui  c[ui  l'a  précédé,  et  lui  assigne 
avec  solennité  l'espèce  de  pouvoir  qu'il  doit 
exercer  sur  les  mortels.  Le  camis  q  li  réunit 
l'adoration  constante  de  tous  les  Japonais 
est  Tensio-dai-dsin,  fondat^^ur  de  la  seconde 
race  et  premier  des  dieux  terrestres  ,  parce 
qu'il  est  regardé  comme  le  père  de  la  nation; 
ce  qui  fonde  le  droit  héré.iit::re  du  Daïri,  qui 
en  descend  en  ligne  directe  par  l'aîné  de  ses 
fils.  On  accorde  quelquefois  l'apoihéos'e  aux 
grands  hommes,  mais  ils  ne  deviennent  que 
des  dieux  inférieurs  qui  sont  placés  entre  les 
étoiles.  Les  temples  (les  camis  sont  nonmiés 
mias,  c'est-à-dire,  demeure  des  âmes  immor- 
telles, et  l'on  en  compte  plus  de  27,00Jd  ns' 
l'étendue  du  .Tapon.  Comme  on  ne  révérait 
point  les  idoles  dans  les  premicis siècles,  ùii 
ne  trouve  guère  d'idoles  dans  les  mids.  Si 
l'on  en  a  introduit  ([.uelqu'une,  elle  est  eiî'- 
fermée  dans  uiie  châsse,  et  on  l'en  retiré  le 
jour  de  la  fête  du  camis,  qui  ne  se  célèbre 
qu'une  fois  en  cent  ans.  Tous  les  points  de 


1295 


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iS96 


la  religion  du  Sintos  se  réduisent  à  cinq  : 
1»  la  pureté  du  cœur:  '2'  l'abstinence  de  tout 
ce  qui  peut  rendre  l  homme  impur  :  3"  ne  pas 
se  souiller  de  sang;  'v  s'abstenir  de  manger  de 
la   chair  ;   5"  ne  pas  s'approcher    des   corps 

morts Tous  les  dogmes  de  la  théologie 

des  sintosivistes  se  rapportent  au  bonheur 
actuel.  Ils  paraiss 'Ut  n'avoir  qu'une  notio  i 
très-obscure  de  liunuort  ilité  de  l'àiue,  sans 
inquiétutie  pour  Tavenii'  :  «  Rendez-nous 
heureux  aujourd'hui,  disent-ils  à  leurs  dieux, 
et  nous  vous  tenons  quittes  du  reste.  »  Ce- 
pendant ils  admettent  un  dieu  suprôme  cpii 
habite  au  haut  des  cieux,  et  des  divinités  su- 
balternes qui  ont  leur  demeure'  dans  les 
étoiles;  mais  ils  ne  leur  adros>ent  aucune 
prière,  ils  ne  leur  otlVent  point  de  sacrifices, 
ils  sont  trop  éloignés  d'eux  pour  en  espérer 
le  moindre  bien  ,  ni  pour  en  craindre  aucun 
mal.  C'e^t  cependant  par  eux  qu'ils  jurent, 
mais  tous  leurs  vœux  se  tournent  du  côté 
dv.s  esprits  qu'ils  supposent  devoir  présider 
aux  éléments,  aux  phinles,  aux  animaux  et 
à  tous  les  événements  de  la  vie.  Rien  de  si 
absurde  que  la  mythologie  de  celle  secte  ; 
c'est,  comme  on  a  vu ,  la  fable  du  chaos 
défigurée;  du  reste,  leurs  livres  ne  nous 
apprennent  rien  sur  la  nature  des  dieux,  ni 
sur  leurs  atli  ibut^,  qui  puisse  satisfaire  un 
esjril  raisonnable;  on  y  voit  seulement  que 
les  âmes  im[)ures  ne  sont  pas  reçues  dans  le 
paradis  de  leurs  dieux  et  qu'elles  demeurent 
Cirantes  aussi  longtemps  qu'il  est  nécessaire 
pour  l'expiation  de  leurs  péchés.  Ils  admet- 
tent des  diables ,  mais  ces  mauvais  esprits 
sont  les  âmes  des  renards,  animaux  qui  font 
de  prodigieux  dégâts  dans  le  Japon.  Cette 
secle  n'a  ni  rites  hxes,  ni  cérémonies ,  ni 
formulaire  de  prières;  lo:squ'ils  doivent  se 
rendre  au  temple  ,  ils  s'y  i)ré|)arent  par  le 
bain  et  par  des  ablutions  ,  à  moins  qu'ils  lie 
soient  en  étal  d'impureté.  Les  rigides  sin- 
toisles  croient  qu'on-rie  doit  p.is  se  présenter 
devant  les  dieux  lorsque  l'esprit  est  troublé 
par  quelques  disgrâces ,  ou  qu'une  pensée 
trop  forte  nous  attache  à  quelque  félicité 
passée.  «  Ces  réllexions,  disent-ils,  ollensent 
«  ces  êtres  purs  et  coitenls,  qui  ne  veulent 
«  point  être  distraits  dans  la  |)lénilude  de 
«  leur  b  inheur  par  des  sujets  d'alfection  ou 
«  de  regr.'t.  »  Les  pèlerinages  foui  un  des 
principaux  objets  de  la  dévotion  des  siu'os 
qui  ne  visitent  que  les  temples  de  leurs  pro- 
pres dieus.  Le  premier  pèlerinage  est  à  Isje 
ou  Ixo  ,  le  seco  id  aux  trente-trois  temiiles 
rép.nidusdausl'empir.îjetle  iroisième  àquel- 
ques  leuipli's  des  camis  les  |)ius  renommés 
uar  leurs  miracles.  (>es  |)elerina.;,es  s'.ip|)e,- 
lonl  sanga,  el  Id  lidèl!!  siiiloisle  doit  faiic  le 
tJLiigu  un.;  fi»is  l'aiiné',  ou  tout  au  niouis  une 
fois  dans  sa  vie  :  si  ce  n'est  pas  |)ar  liévolioi, 
ce  doit  élie  par  amour  pour  sa  pairie  et  par 
re  p  et  ptMir  le  du;u  (jui  e->l  |>ère(l''S  Japonais. 
Tensio-dai-dsiii ,  naquit  uans  la  province 
d'l>je,  el  moii  lemph;  y  est  situé;  on  l'appelNî 
Uai-ningu,  c'est-a-dire  le  temple  du  graml 
dieu.  Il  est  simple  cl  son  anliipiilé  seule 
peut  l(i  rendre  respoctabli!,  c'esl  un  édifice 
dw  bois,  mf^sqiiiiienji'nt  coiivcrl  d<'  clirtunn», 


que  l'on  croirait  profaner  si  l'on  y  ajoutait 
quelijues  ornements.  L'intérieur  est  sem- 
blable au-dehors;  un  grand  miroir  de  mé'al, 
en  fait  toute  la  riclie-se,  quelques  papiers 
découpés  cnuvrenl  hs  murailles.  Ce  inia  est 
environné  de  cent  petites  chapelles,  la  plu- 
l)arl  extrêmement  basses.  Les  canusis,  qui 
sont  les  dessei'vants  de  ce  temple,  ont  leurs 
maisons  assez  proches  où  ils  reçoivent,  non 
sans  espoir  de  récoinpens.',  les  pauvres  pè- 
lerins. IMus  loin,  est  un  bourg  composé 
d'hôtelleries  et  de  divers  ouvriers.  Toutes 
les  prospérités  sont  attachées  à  la  visite  de 
ce  temple;  elle  obtient  le  rémission  de  tous 
les  péchés,  elle  procure  un  étal  heureux 
après  la  mort,  et  pendant  la  vie,  la  santé, 
les  richesses,  les  dignités  et  une  nombreuse 
postérité.  Malgré  cela,  le  sanga  peul  se  faire 
par  procureur,  soit  pour  cause  de  vieillesse, 
d'inUrmités  ou  d'occupations. 

Le  Budso  ou  Boudha  signifie  proprement 
voie  des  idoles  étrangères  ,  ou  manière  de 
les  adorer.  Celte  religion  fut  i  droduile  dans 
le  Japon  environ  soixante-dix  ans  après 
Jésus-Christ.  11  n'est  pas  bien  décidé  si 
l'idolâtrie  des  Japonais  a  commencé  avec 
l'introduction  de  ces  idoles  élrangcres  ou  si 
ces  i)euplcs,  avant  ce  temps,  n'adressaient 
pas  leurs  adorations  à  une  certa  ne  idole 
nommée  Denix  ou  Cogi,  à  laquelle  ils  don- 
naient rang  parmi  leurs  diei.x  :  «  Il  paraît 
cependant,  dit  à  ce  sujet  nu  historien,  que 
«  le  Cogi  était  moins  une  divinité  particu- 
«  lière  qu'un  symbole  ,  sous  lequel  on  a 
«  voulu  représenter  un  se  d  Dieu  en  trois 
«  personnes.  On  lui  donne  liois  tètes  et  (|ua- 
«  rante  mains,  pour  ex[)riiner,  assure-t-on, 
«  la  Trinité  des  personnes  et  l'universalité 
«  d'opérations.  D'autres  ne  reconnaissent 
«  dans  cette  ligure  qu'un  mystère  philoso- 
i(  phique  :  ils  expli(|ueiit  les  trois  têles ,  du 
«  soleil,  de  la  lune  el  des  éléments  ;  le  corps, 
«  de  la  matière  première  ;  et  les  quarante 
«  mains,  des  qualités  célestes  et  élémen- 
«  taires,  par  le  moyen  desquelles  la  matière 
«  j)remière  prend  toutes  sortes  de  formes.  » 
Sans  entrer  dans  la  discussion  si  le  fonda- 
ieui'  du  Budso  est  le  Fo,  le  Siaca  ou  Xaca 
des  Chinois  el  des  Japonais  ,  le  Budha  des 
Banians  de  l'Inde,  le  Badhum  des  Ceylanais, 
le  Somniona-kodom  des  Siamois,  le  Sommona 
Bhutaina  des  l'c'guans,  etc.;  nous  nous  ar- 
rêterons h  ^hi^loirc!  de  Siaca  ou  Xéquia  ([ui 
s'est  donné  pour  dieu  aux  Ja[)Onais. 

Siaca  elait  lils  d'un  l'oi  de  (^eylan.  A  l'âge 
de  dix-neuf  an^,  il  abandonna  les  grandeurs, 
l(;s  richesses  el  les  vanités  du  monde  avec  sa 
femme  el  un  lils  uni(]ue,  pour  se  livi'oi  à  la 
contem;  lation  ,  sous  un  sainl  el  fameux  er- 
iniK;.  D'après  les  consinls  de  cet  homme 
prédestiné,  caractère  ordinaire,  Siaca  s'as- 
sujettil  à  une  poslui'e  (pu  ,  selon  ses  sect.i- 
UMirs,  met  l'esprit  dans  une  médiialion  si 
proionde,  (pi'il  lenlre,  pour  auisi  dire,  en 
mi-mème,  et  so.  conccniire  dans  ses  |)ensées. 
(^('ll(;  posture  consistait  à  s'asseou*  les  jambes 
(M-oisées  .sous  lui  el  à  appliipier  les  mains  sur 
5on  sein,  de  faço'i  que  les  chmx  pouces  puis- 
sent  sn    toucher,   ('/est    d.iii*  celte  attitude 


lii 


liy: 


AP 


JAP 


ii\ii 


que  les  vérités  divines   se  iiiaiiifcstèrent  à 
ce  raiiatiqiic;  les  mystères  do  Ju  leli^ioii  la 
plus  sublime  n'eurent  rien  do  taché  pour 
fui.  11  connut  l'oxistonce  des  cioux  et  dos  on- 
fers,  il  apprit  l'état  dos  Anu's  après  la  vie, 
leurs  transuii;j;rations;  les  peines  et   les  ré- 
compenses  fulin-es,   le  pouvoir   des  dieux, 
leui-  [)rovidon(e,  etc.;  et  c'est  sui-  cette  pi'é- 
tendue  révélation  qu  d  ))Ali(  tout  le  syslôme 
di'  sa  doctrine.  Annan  et  Kasja  ,   deux  dos 
plus    illustres   disciples   de   Siaca  ,  et   cpii 
])ar  cette    raison    ont    obîonu    place   sur   le 
môme  autol  que  leur  maître  ,  composùrent 
de  SOS   préco})los  un  livre  que  l'on  nounne 
Fokekio  ou  lo  livre  dos  belles  Heurs,  et  j)our 
mieu\  (lire,   simplonuHit  Kio ,  lo  livre  })ar 
e.xeellonce.  Lo  promior  (|ui  prêcha  coite  re- 
ligion passa  au  Ja|)on  vers  l'an  G3  do  Jésus- 
Christ,  suivant  le  calcul  de  ces  insulaires.  Il 
bAlit  un  templo  h  Siaca,  qui  fut  appelé  temple 
du  Cheval-Blanc,  parce  que  lo  livre  par  ex- 
cellence y  fut  pnrtc  sur  un  cheval  de  cette 
couleur.  Cette  doctrine  cependiint  ne  fit  que 
peu  de  progrès  durant  quelques  siècles  ,   et 
ce  n(>  fut  que  sous  lo  règne  de  l'empereur 
Kinimui,  vers  1  an  543  de  l'ère  chrétienne, 
qu  elle  y  prit  fivour.  Elle  avait  à  combattre 
les  dogmes  de  Confucius  qui   étaient  |)assés 
de  la  Chine  au  Jaiion,  et  elle  eut  besoin  d'un 
certain   Z>flrmfl  ,  fanatique  venu  dos   I.des, 
pour  résister  aux  alta({ues  des  gens  raison- 
nables de  la  nation.  Mais  Darma  en  imposa 
au  peuple  et  l'éblouit  au  point  de  lui  per- 
suader la  vérité  de  sa  mission.  On  dit  qu'un 
jour  il  s'accusa  en  public  d'avoir  eu  le  mal- 
heur de  s'endormir  dans  le  fort  de  sa  médi- 
tation, et  que  pour  se  punir  de  ce  péché,  il 
se  coupa  les  paupières.  C'était  déjà  beaucoup  : 
un  miracle  acheva  de  convaincre  le  crédule 
vulgaire.  Une  statue  d'Amida  qui ,   selon  la 
mythologie  japon.iise,  doit  être  prise  pour 
rÉtre  suprême,  fut  transportée  miraculeuse- 
ment de  Faliubasi  ou  temple  du  Chevai-Bîanc, 
en  Corée,  dans  une  province  du  Japon.  Quoi- 
que temps  après,  il  parut  un  nouveau  mis- 
sionnaire appelé  Solokai  ;  la  naissance  de  ce- 
lui-ci fut  accompagnée  de  prodiges.  Une  voix 
annonça  à  sa  mère  qui  h^  portait  encore  dans 
son  sein,  qu'il  naîtrait  (ou  plutôt  devait  re- 
naître), pour  enseigner  les  nations.  Laissons 
les  autres  fables  dont  on  orne  son  enfance 
et  la  durée  de  sa  vio. 

Les  budsoïstescroientlesâmes  des  hommes 
et  celles  des  bêtes  également  immortelles  et 
d'une  même  substance  :  ils  supposent  que 
la  seule  ditférence  consiste  dans  le  corps 
qu'e  l.'S  occupent.  Lorsque  les  âmes  sortent 
d'un  corps  huaiain,  elles  vont  se  rendre  dans 
un  séjour  heureux  ob.  dans  un  séjour  mal- 
heureux pour  y  être  récompensées  ou  punies 
selon  qu'elles  se  sont  bien  ou  mal  gouver- 
nées dans  le  corps  qu'elles  quittent.  Ce  séjour 
heureux  otTre  des  plaisirs  éternels;  mais 
quoiqu'il  y  ait  divers  degrés  de  satisfaction 
dans  ce  paradis,  et  ([u'on  n'y  soit  récompensé 
qu'à  proportion  de  son  mérite,  toutes  les 
âmes  y  sont  si  contentes  que  chacune  s'y 
croit  plus  favorisée  que  les  autres  et  ne  sou- 
haite autre  chose  que  de  posséder  éternelle- 


ment la  félicité  dont  elle  jouit.  Amida  règne 
dans  ce  lieu  de  bonheur  :  il  est  le  |)rotecteur 
des  .Imos  humaines  ,  le  pèro  et  le  dieu  de 
celles  qui  viennent  prendre  [);ut  aux  dHices 
(pi'il  piéj)are  h  ses  bien-aimés;  1(!  sauveur 
et  le  médiateur  des  homuuîs.  C'est  |  ar  la 
mi'dialion  d'Amida  que  les  boiiunes  sont 
absous  do  leurs  crimes  et  qu'ils  s(!  rendent 
dignes  dos  félicités  éternelles.  Vivre  en 
hoiuuio  do  bien,  ne  rien  faire  de  contraire 
aux  commandements  do  Siaca,  voilà  les  d(;ux 
{)oin(s  essentiels  pour  se  rendre  agréable  à 
Amida.  Voilà  la  base  de  la  doctrine  exoté- 
rique.  Le  grand  j)rincipe  de  cette  doctrine 
c'est  que  tout  n'est  rien  et  que  c'est  de  ce 
rien  que  tout  dépend  :  de  là  le  distique  qu'un 
enthousiaste  de  cette  secte  écrivit  au  pied 
d'un  arbre  qu'il  avait  dessiné ,  après  trente 
années  de  méditations  :  «  Arbre,  dis-moi  (jui 
t'a  plante'  :  moi,  dont  le  principe  n'est  rien  et 
la  fin  rien,  »  ce  qui  revient  à  l'inscription 
d'un  autre  :  «  Mon  cœur  n'a  ni  être  ni  non 
être  ;  il  ne  va  point,  il  ne  revient  point;  il  nest 
retenu  nulle  part.  »  Les  budsoistes  lettrés 
négligent  l'extérieur  et  s'appliquent  unique- 
ment à  méditer.  Selon  eux  ,  il  n'y  a  qu'un 
principe  de  toutes  choses,  et  ce  principe  est 
partout  :  tous  les  êtres  en  émanent  ot  y  re- 
tournent. Il  existe  de  toute  éternité;  il  est 
unique,  clair,  lumineux,  sans  figure  ,  sans 
raison,  sans  mouvement,  sans  action,  sans 
accroi.-semont  ni  décroissement.  Ceux  qui 
l'ont  bien  connu  dans  ce  monde  acquièrent 
la  gloire  parfaite  de  Fotoque  et  de  ses  suc- 
cesseurs. Les  autres  errent  et  erreront  jus- 
qu'à la  fin  du  monde.  Alors  le  princi[)e 
commun  absorbera  tout;  il  n'y  a  ni  peines 
ni  récompenses  à  venir;  le  repos  qu'on  ac- 
quiert par  la  méditation  est  le  souverain 
bien  et  l'état  le  plus  voisin  du  principe  gé- 
néral, commun  et  parfait.  Les  entendements 
ne  sont  pas  unis  de  parenté,  comme  les  corps. 
Comme  les  sindosivistes  n'admettent  au- 
cun culte  religieux,  on  doit  se  former  de  leur 
union  celle  qu'on  pourrait  prendre  dune 
société  de  philosophes  ;  et  si  l'accusation 
d'athéisme  n'emportait  pas  avec  soi  quelque 
chose  d'odieux  et  de  criant,  ces  soi-disants 
philosophes  mériteraient  d'en  être  taxés  à 
quelques  égards.  Ils  se  dirigent  sur  le  siculo 
ou  la  voie  philosophique.  Tels  sont  leurs 
principes.  Il  faut  pratiquer  la  vertu,  parce 
que  la  vertu  seule  peut  nous  rendre  aussi 
heureux  que  notre  nature  le  comporte.  Le 
méchant  est  assez  à  plaindre  en  ce  monde  , 
sans  lui  préparer  un  avenir  fâcheux;  et  le 
bon  est  assez  heureux  sans  qu'il  faille  encore 
une  récompense  future.  Il  faut  que  l'homme 
soit  vertueux,  parce  qu'il  est  raisonnable;  et 
qu'il  soit  raisonnable,  parce  qu'il  n'est  ni 
une  pierre  ni  une  brute.  Leur  morale  se  ré- 
duit à  cinq  points  principaux  :  conformer 
ses  actions  à  la  vertu;  rendre  la  justice  à 
tous  les  hommes;  régler  ses  mœurs  suivant 
l'honnêteté  et  la  décence;  observer  ce  que 
la  prudence  dicte;   conserver  sa  conscience 

pure Il  y  a  d'immenses  commentaires  qui 

ont  subdivisé  et  paraphrasé  ces  cinq  points. 
Les  sindosivistes  rejettent  la  métempsycose  : 


1^9 


JAP 


JAP 


1500 


«  Il  V  a,  disent-ils,  une  âme  universelle  qui 
anime  tout,  dont  tout  émane  et  qiii  absorbe 
tout.»  Celte  âme  particulière  envoie  les 
ârnt  s  dans  les  corps  auxquels  elle  a  jugé  à 
propos  de  les  destiner;  ce  qui  semble  reve- 
nir au  princi;  e  de  la  mélcmpsycose.  Mais 
il  faut  croire  que  ces  pliilosojjhes  appellent 
âme  du  monde  l'Etre  suprême ,  le  premier 
moteur  de  la  matière,  dont  ils  n'ont  que  des 
idées  confuses  et  imparfaites.  Cet  être  dis- 
pose à  son  gré  de  toutes  les  âmes  :  il  les 
])lacc  où  il  veut  el  les  en  retire  quand  i!  lui 
plaît.  Oueltiucs-uns  d'entre  les  sindosivistes 
Biimettent  une  intelligence  spirituelle  qui 
n'est  pas  l'auteur  de  la  nature,  mais  qui  la 
gouverne.  Ils  bonorent  leurs  ancêtres  par  des 
sacrilices;  ils  n'ont  ni  temples,  ni  cérémo- 
nies l'eligieuses,  et  ils  paraissent  révérer  les 
dimix  nationaux ,  c'est  purement  par  poli- 
tique et  pour  obéir  aux  lois.  Ils  usent  d'ablu- 
tions et  s'abstiennent  du  comn)erce  des 
femmes  lorsqu'ils  célèbrent  leurs  fêtes  com- 
mémoralives.  Ils  ne  brûlent  po  nt  les  corps 
des  morts ,  mais  ils  les  enterrent  comme 
nous.  Le  suicide  n'est  pas  seulement  per.nis 
chez  eux,  mais  il  est  recfnimandé  dans  cer- 
tains cas  et  j)asse  pour  une  action  héroïque. 
Lors  de  l'extirpation  du  ciwistianisme  au 
Japon,  on  exigea  d'eux  qu'il  plaçassent  des 
idoles  dans  leurs  maisons.  Il  obéirent.  On 
en  remarque  toujours  une  dans  leur  foyer 
qui  est  couronnée  de  Heurs  et  devant  laquelle 
on  brûle  des  p;irfums.  C'est  ordinairement 
la  strtue  d'Amida.  Celle  de  Confucius  fait 
un  des  princ'paux  ornements d  '  leurs  écoles. 
Les  sindosiviles  ont  fait  des  efforts  étonnants 
pour  augmenter  leur  crédit.  Un  prince  Ja- 
ponais appelé  Sism,  ami  de  ces  philoso[)hes 
et  enivré  de  leurs  jirincipes,  s'avisa,  il  n'y  a 
pas  longtemps,  de  fonder  une  académie  dans 
ses  domaines  et  d'y  attirer,  par  l'es.noir  des 
récompenses,  les  génies  les  plus  recomman- 
dables  de  l'empire  :  le  succès  ré[)0ndit  à  ses 
soins;  mais  les  honzcs,  qui  s'aperçuient  du 
coup  qu'on  voulait  leur  porter,  menacèrent 
TKtat  d"S  plus  grands  désastres  si  ctte  por- 
tion d'hnmmes  studieux  n'était  pas  dispersée. 
Sisen  se  vit  contraint  d'écarter  ses  amis  ,  et 
pour  se  sousliaire  h  la  pei'séculion,  il  céda 
ses  livies  et  ses  dignités  h  son  (ils.  [Origine 
de  tous  les  peuples,  vol.  I,  p.  20i.) 

L'em[)ire  du  Japon  était  plongé  dans  les 
plus  profondes  ténèbres  de  l'i  lolûirie,  quand 
saint  françois  Xavier  y  aborda,  en  15'i9.  On 
sait  comment  la  parole  de  Dieu,  tonjbée 
d  une  telle  bouche,  prolulsit  d'abondants 
fiui.s  de  salut  au  Japon  :  (l(!s  pi-ovinces  (.'U- 
tières  se  convei'tiient.  En  1582,  les  rois  d'A- 
riina,  de  huiigo  el  d'Amura  dé|)ntèrent  au 
pape  Gi-égoire  XIII.  Cinq  ans  jtlustard,  on 
comp!ai(  da  is  c(!  vaste  (iinjtirc  plus  d(;  deux 
cent  milb;  chrétiens,  an  nondire  desquels  il 
v  avait  des  bon/es,  des  i)iinces,  des  rois.  Ainsi 
l'o'iiVK;  de  Er.uiçois  Xavier  avait  pros|)éré 
«jtrès  --a  sortie  du  Japf)n.  U  l'avait  quitté  en 
l-V'il,  et  était  moit  (;n  io.'yi. 

Le  prerrjier  martyr  du  J.i|)on  fut  une  pau- 
vre escl.ive.  Elle  appartenait  à  lui  luaitro 
idolAire  excuasiveinoiil  cruel  (U   très-enra- 


ciné  dans  ses  croyances.  11  défendit  à  cette 
femme  d'aller  à  une  croix  que  les  chrétiens 
de  Firaudo  avaient  érigée  auprès  d'u->e  des 
portes  de  la  ville,  et  où  ils  se  rendaient  à 
certaines  heures  pour  faire  leurs  prières. 
Un  jour  elle  y  était  allé:"  :  son  maître  lui  re- 
nouvela sa  défense,  en  la  menaçant  de  la  tuer 
si  cela  lui  arrivait  encore.  Cette  femme  lui  ré- 
poulitque  la  mort  n'etlrayait  pas  les  chrétiens, 
qu'elle  était  décidée  à  obéir  h  .«on  maître  du 
ciel  avant  d'obéir  à  celui  qu'elle  avait  sur  la 
terre.  Le  fndemain  encore  ede  se  rendit  h 
la  croix  ;  son  maître,  la  rage  dans  le  cœur, 
courut  a[)rès  elle  ;  il  la  trouva  comme  elle 
revenait,  tira  son  sabre  et  l'attendit  ;  elle, 
voyant  bien  ce  ([u'il  avait  envie  de  laii-e,  s'ap- 
procha, se  mit  à  genoux  et  tendit  la  tète, 
que  le  barbare  abattit  d'un  seul  coiqi. 

Les  chr(Hiens  eurent  aussi  des  persécu- 
tions pni'tielles  à  endurer  :  ainsi,  à  la  suite 
d'une  révolution  politique,  les  missionnai- 
res furent  obligés  d'évacuer  momentané- 
ment le  royaume  de  Chicv  gen,  pour  se  reti- 
rer dans  la  province  de  Bungo. 

Dans  l'année  15G0, 1  ■  Cubosama  avait  per- 
mis de  |)rècher  l'Evangile  ;  mais,  quatre  an- 
nées plus  tard,  une  tempête  s'éiant  élevée 
à  àléaco,  contre  la  religion  chrétienne,  il 
nomma  deux  bonzes  qui  étaient  hostiles 
aux  missionnaires  pour  examiner  leurs 
dogmes.  Ces  deux  bonzes,  ayant  été  mira- 
culeusement convertis,  devinrent  deux  des 
plus  ardents  propagateurs  de  la  doctrine 
qu'ils  voulaient  détruire.  D'autres  persécu- 
tions partielles  eurent  lieu  :  ainsi  le  prince 
de  Xéqui  ayant  apostasie,  se  mit  à  persécu- 
ter violemment  les  chrétiens.  Malgré  cela,  le 
chrisiianisme  était  florissant  dans  tout  leiïi- 
pire;  le  ]»rince  d'Amacusa,  celui  d'Omura, 
le  roi  de  (iolto,  non-seulement  se  converti- 
rent, f!  ais  encore  se  firent  les  apôtres  de 
leur  pays.  Le  premier  se  nommait  Michel, 
le  second  Sumitanda,  le  troisième  Louis.  A 
Méaco  il  en  était  de  même  :  Nobununga, 
qui  en  et  lit  le  chef,  et  quehpies  seigneurs, 
au  nondne  desquels  étniont  Tacayama  et 
Juste  Ocondono,  son  fils. 

En  1581,  l'empereur  du  Japon,  ses  fWs  et 
presque  tous  les  rois  des  provinces,  furent 
sui-  le  point  de  se  faire  chrétiens  ;  la  seule 
chose  qui  les  en  empêcha,  ce  fut  la  pernns- 
sion  qu'on  leur  refusa  d'avoir  plusieurs 
femmes. 

Ce  qid  fut  cause  des  malheurs  déllinlifs 
du  Japon,  ce  (pii  lit  que  la  persécution  y  ué- 
truisit  le  cliriStianisme,  ce  fut  l'omi-sion 
d'une  chose  que  les  apôtres  n'avaient  i)as 
nianipié  de  faire,  quand  ils  avaient  |)rêché 
l'Evangile  aux  genlds,  et  (pie  nialheureuse- 
inent  les  nussionnaii'cs  ne  firent  pas  au  Ja- 
pon. Pour  implanter  définitiveiiK  nt  la  foi 
dans  ce  pays,  il  eilt  fallu  y  instilutn-  i\v^  prê- 
tres et  di  s  évêcjues  pris  parmi  h  s  hal)itanis. 
Peut-être  l'envu;  de  doinincn-  exclus!  ement 
ne  liit-elle  pas  étrangère  à  celte  oiiu.ss  ou  fa- 
tale ;  (pioi  (pi'il  eu  soit,  elle  fut  cause  de  la 
ruini'de  la  religion  dans  ce  pays  si  bien  dis- 
po-  '  pour  la  rccevoii'.  Un(î  chose  (piijustilie 
On  peui'oiiinion  que  nous  venons  d'émellre, 


iSOl 


JAP 


JAP 


150t 


c'est  la  (l(^fonso  mie  fit  le  p.ipo,  par  une  hnllo 
sig'u^c  (^rc^^oiiv  XIII,  ot  oidoiint'e  lu  l>8  jan- 
vier i:>85,  à  tous  les  ordres  relij^ieiix  de 
mettre  le  |>ied  au  Japon,  ri^scrvaiU  ainsi  eelte 
mission  pour  les  seuls  jt^suiles.  Ce  lui  une 
faute  de  la  pari  du  p.i|»e,  et  les  jcVsuites  coin- 
proniirent  en  Tohlenaiit  l'avenir  de  la  mois- 
son (lu'avait  semée  saint  Franrois  Xavier. 
Ils  s\'xpos«''rent  h  de  violents  repi'oclies.  S'ils 
eussent  Ibndé  des  s ''minairi^s  [xiur  faii-e  des 
prêtres  indiî^ènes,  s'ils  eussent  appelé  d'au- 
li'es  missiorriaires  à  leur  aide,  le  Japon  se- 
rait probablement  encore  cln-étien,  il  le  se- 
rait peut-être  tout  entier  aujoui'd'hui.  ('e 
ne  fut  que  dans  les  dernières  années  qui 
])récédérent  la  persécution  do  159(),  que 
ChMiient  VllI  periuil  <^  d'autres  ordres  re- 
ligieux d'aller  au  secours  des  jésuites, 
qui  ne  [louvaient  sullire  à  l'œuvre  im- 
mense dont  le  monopole  leur  avait  été  at- 
tribué. 

Cette  persécution  de  1596  eut  pour  prin- 
cipe un  de  ces  faits  que  la  prudence  humaine 
ne  saurait  prévoir,  et  par  conséquent  préve- 
nir. Un  vaisseau  espagnol  fut  forcé,  par  une 
violente  tempête,  de  se  réfugier  sur  les  côtes 
du  Japon.  Le  navire  ayant  échoué  dans  le 
port  de  Tosa,  fut  confisqué  au  profit  de  l'em- 
pereur Taicosaraa.  Le   pilote  voulant   faire 
peur  au  souverain  Japonais  de  la  puissance 
du  roi  d'Espagne,  lui  montra  sur  une  map- 
pemonde toutes  les  contrées  qui  dans  l'un  et 
l'autre  hémisphère  appartenaient  àsa nation. 
Un  ministre   ayant  demandé  à  cet   homme 
comment  l'Espagne  avait  fait  pour  s'emparer 
de  tant  de  pays.  «  C'est  tout  simple,  dit  ce 
pilote  :  le  roi  d'Espagne  envoie  partout  des 
religieux  qui  convertissent  les  peuples  qu'il 
veut  conquérir  :  quand  une  partie  a  embrassé 
notre  religion,  le  roi  envoie  des  soldats  qui 
se  joignant    aux  naturels  convertis  et   aux 
missionnaires,  achèvent  en  peu  de  temps  la 
conquête,  r-  On  conçoit    toute   l'inquiétude 
que  cette  parole  si  maladroitement   lâchée 
dut  donner  aux  Japonais.  Immédiatement  la 
persécution  fut  résolue.  Taïcosama  furieux, 
lit  arrêter,  le  9  décembre,  neuf  religieux  ^ui 
prêchaient  à  Ozaca  et  à  Méaco.  Trois  étaient 
jésuites  et  Japonais  de  naissance.  Paul  Miki 
de  Nobumenga,  Jean  de    Gotlo  (  ou  Soan  ), 
Jacques  Risaï,  simple  catéchiste.  Les  six  au- 
tres étaient  des  franciscains,  Pierre  Baptiste, 
Martin   d'Aguire    et  Fiançois   Blanco,  tous 
trois  prêtres  ;  François  du  Parilha  et  Gonza- 
les  Garcia,  tous  deux  laïques  ;  enfui  Philippe 
de  Las  Casas,  simple  clerc.  En  faisant  arrê- 
ter ces   religieux ,    l'empereur    commanda 
qu'on  lui  remît  la  liste  de  tous  les  chrétiens 
qui  à  Méaco  et   à  Ozaca  avaient   coutume 
d'aller  aux  églises.  Le  ministre  qui  exécutait 
les  ordres  de   Taïcosama,  fut  tellement   ef- 
frayé  de  voir  la  multitude  de  noms  qu'il  y 
avait  sur  cette  liste,  qu'il  prit  sur  lui  de  la 
détruire,  disant  que  son  maître  voulait  pu- 
nir les  propagateurs  de  la  religion  nouvelle, 
mais  non  pas  dépe  ^pler  sou  empire.  Cepen- 
dant une  rumeur  vague  parlait  de  persécu- 
tion qui  devait  éclate;' bienlôt.  Dansl'attenle 
de  cette  épreuve,  tous  les  chrétiens  s'y  pré- 


I)araienl  avec  courage,  et  il  faut  le  dir(;,  un 
grand  nombre  avec  joie.  Un  général  iiommô 
Ucuiulono,  lils  de  Taciiynma,  vint  à  Méaco 
près  (lu  P.  Gnocchi,  aUn  de  pouvoir  mourir 
avec  ce  saint  homme  si  la  persécution  écla- 
tait. On  vit  dos  seigneurs  abandoiuier  leur 
résidence  pour  Vtiiiir  se;  nrésenter  comme 
chrétiens  h  ceux  qui,  pour  lempennir,  com- 
mandai(nità  Méaco.  En  un  mot,  de  tous  cô- 
tés l'ardeur  pour  le  mai'tyre  élait  telh',  qu'on 
ne  voyait  que  gens  qui  cherchaient  à  s'y  pré- 
parer. 

Les  premiers  qu'on  martyrisa  dans  cette 
circonstance,  ce  furent  deux  tilles  esclaves, 
qui  furent  tuées  par-  leurs  maîtresqui  avaient 
le  christianisme  en  horrem'.Un  [)ère,qui  avait 
abjuré,  voulant  forcer  son  jeune  fils,  un  en- 
fant de  dix  ans,  h  suivre  ce  lAche  exemple, 
trouva  dans  cet  admirable  enfant  une  telle 
résistance,  une  si  courageuse  franchise  en 
lui  repiochant  une  si  abominable  action, 
qu'entrant  en  fureur,  il  le  chassa  de  chez  lui. 
Cependant  tout  ce  tumulte  s'apaisa.  On  se 
borna  à  arrêter,  en  plus  de  ceux  que  nous 
avons  dit,  dix-sept  personnes,  cinq  francis- 
cains et  douze  laïques.  Comme  l'olïicier 
chargé  de  faire  l'arrestation  faisait  l'appel 
des  noms,  un  nommé  Mathiasse  trouva  ab- 
sent, étant  pour  le  moment  allé  acheter  des 
vivres.  Un  ouvrier  des  environs,  ayant  en- 
tendu, dit  :  «  Je  suis  Mathias  ;  probablement 
pas  celui  que  vous  cherchez,  mais  enfin  je 
suis  chrétien  et  tiendrai  si  vous  voulez  sa 
place.  »  L'officier  répondit  qu'il  ne  deman- 
dait pas  mieux,  pourvu  que  sa  liste  fût  com- 
plète. Le  nombre  des  prisonniers  fut  aug- 
menté encore  dans  les  derniers  jours  de  dé- 
cembre. On  arrêta  trois  jésuites,  un  francis- 
cain et  trois  laïques.  Au  nombre  de  toutes 
ces  saintes  victimes,  il  y  avait  trois  enfants, 
qui  par  leur  constance  et  leur  ferveur  rem- 
plirent d'admiration  les  persécuteurs  et  les 
assistants  de  pitié.  Us  se  nommaient  Louis 
(Agé  de  douze  ans),  Thomas  et  Antoine  (ûgés 
d'environ  quinze  ).  Us  étaient  enfants  de 
chœur  chez  les  franciscains.  On  n'avait  pas 
voulu  d'abord  les  comprendre  parmi  ceux 
qu'on  arrêtait  :  ce  ne  fut  que  sur  leur  insis- 
tance qu'on  les  mit  avec  les  autres.  Le  3  jan- 
vier 1597,  on  devait  leur  couper  lenez  et  les 
oreilles  sur  une  place  publique  à  Méaco.  Le 
gouverneur,  qui  était  un  homme  fort  éloigné 
par  caractère  d'approuver  ces  cruautés,  leur 
lit  seulement  couper  le  bout  de  l'oreille  gau- 
che ;  ensuite,  pour  intimider  partout  les  co- 
religionnaires de  ces  saints  martyrs  de  Jésus- 
Christ,  on  les  promena  de  ville  en  ville  sur 
la  route  de  Nangazaqui,  où  on  les  conduisait 
pour  y  être  crucifiés.  Le  but  qu'on  se  propo- 
sait par  cette  exhibition  ne  fut  pas  atteint  : 
au  contraire,  beaucoup  dinfidèles,  en  voyant 
ces  saintes  victimes  ^i  admirablement  rési- 
gnées se  convertirent.  Deux  chrétiens,  qui 
accompagnaient  partout  les  saints  martyrs 
pour  leur  donner  des  rafraîchissements,  fu- 
rent arrêtés  par  les  soldats  :  on  les  mit  au 
nombre  des  saints,  auxquels  leur  charité  les 
avait  fait  se  dévouer.  Ces  deux  nouveaux 
martyrs  se   nommaient  Pierre   Cosaqui  el 


i:.j3 


JA1> 


JAP 


1504 


Fran(;ois  Danto.  Cp  l'ut  le  5  ft^vrier  que  tous 
ces  saints  l'un-nt  cruciliéi,  sur  une  collino 
voi>ine  de  Nan-^azaqui.  Ils  se  rendirent  à 
pied  de  la  ville  au  lieu  de  l'exécution,  au  uii- 
lieii  d'un  concours  immense  de  peuple.  En 
arrivant,  ils  aperçurent  les  croix  et  couru- 
rent les  eiiibrasser.  Quand  les  saints  martyrs 
furent  allachés  sur  leurs  croix,  le  P.  fran- 
ciscain Baptiste,  (piiélait  au  milieu,  entonna 
le  cantique  de  Zacharie,  (jue  tous  les  autres 
répétèrent  après  lui.  Ouand  il  eut  fini,  An- 
toine, qui  était  près  de  lui,  entonna  le  psau- 
me Lnudate,  pucri,  Domivum  :  les  bourreaux 
l'ayant  frap[)é  mortellement,  il  alla  lachever 
d<'»ns  le  ciel.  Philip)  ■  de  Jésus  fut  le  premier 
qui  mourut  ;  le  P.  Baf)tiste  fut  le  dernier. 
Ainsi  fut  couronnée  celte  glorieuse  cohorte 
de  saints  martyrs.  A[)rès  la  mort  de  tous  ces 
saints,  la  foule  des  chréiiens  força  les  gardes 
qui  ne  purent  l'empôcher  de  se  précipiter 
autour  des  saints  pour  y  recueillir  de  pré- 
cieuses reliques  qu'ils  emportèrent.  L'evê- 
que  du  Jai)0ii  vint  \i  soir,  avec  tous  les  jé- 
suites de  Nan^azaqui,  faire  une  sainte  visite 
aux  croix  sur  lesquelles  étaient  morts  nos 
saints  martyrs. 

Après  cette  exécution,  Taïcosama  rendit 
un  édit  de  proscription  contre  tous  les  mis- 
sionnaires qui  presijue  tous  sortirent  du  Ja- 
pon. L'année  suivante,  1598,  cet  empereur 
mourut  ;  son  fils  fut  ass:».ssiné  par  Gixacu, 
que  son  père  lui  avait  donné  pour  tuteur,  car 
il  n'avait  que  six  ans.  (iixacu  se  Ut  nommer 
empereur,  et  mourut  Tannée  IGIG,  laissant 
le  ti'ùie  a  son  fils,  Fide  Tadda. 

De[)uis1o97,  époque  à  laquelle  nous  avons 
vu  mourir  les  chrétiens  de  Nangazaqui,  jus- 
qu'à l'année  1616,  il  y  eut  plusieurs  |)ersé- 
cutions  isolées  contre  les  chrétiens  :  c'étaient 
des  préludes  de  la  persécution  générale  qui 
devait  bientôt  aniver.  Les  principaux  insti- 
gateurs de  cette  persécution,  c'est  odieux  à 
du'e,  ce  furent  les  jjrolcstants  de  Hollande  et 
d'Angleterre,  qui,  après  avoir  apostasie  dans 
leur  pays,  devmrent,  dans  les  autres  contrées 
cotmne  chez  eux,  les  persécuteurs  de  ceux 
qui  étaient  restés  fidèles  h  la  foi  catholique. 
Pour  arriver  h  f.iirele  counnerce  du  Japon  <i 
la  [)lacedes  Espagnols,  ils  j)0ussèrent  les  Ja- 
ponais 5  les  chasser  de  leur  pays  et  à  i)ros- 
crire  le  christianisme.  Politique  alfreuse,  po- 
litique bien  digne  de  ces  peuples  de  mar- 
chands, qui  ont  n)is  dans  toutes  hmrs  rela- 
tions avec  le  monde  le  chilfre  à  la  place  de 
rh(jnneur,  liniérèl  à  In  place  de  la  foi  natio- 
nale et  qui  ont  importé  en  politique  cette  af- 
freuse n)axime  des  bandits  :  .\  qui  veut  la 
fin  peu  im|)orienl  les  moyens. 

On  dit  (jue  le  protestantism<!  a  été  eu  Eu- 
rope l'amore  des  arts,  de  la  littérature,  de  la 
civilisation  ;  c'est  uiu;  grossière  erreur  :  le 
prole^lantism(!  a  au  contraire  été  un  moment 
d'arrêt  épouvantable  |)Our  tout  ce  ipjc  nous 
venons  de  dire.  (>(;  qu'il  a  ("idaulé  c'est  l'au- 
dace de  l'ignorance  et  des  systinnesabsurdes. 
^".e  (lu'il  a  mis  dans  l'aii-,  c'est  coiiune  son 
nom  rindi(pjo,  la  protcsialiot)  contre  tout  ce 
qui  est  saint,  vénéré  et  vrai.  Il  a  amené,  pour 
couronner  l(jul  <;ela,  et  c'est  tout  dire,  lu  po- 


litique anglaise,  cette  politique  qui  a  réha- 
bilité le  mot  de  foi  puni(ju€,  si  odieux  dans 
ranti(iuité. 

Ke|)renons  les  faits  ou  nous  les  avons  lais- 
sés, à  la  colline  de  Nangazaqui.  Deux  ans  se 
passèr(nU  sans  qu  il  y  eut  lien  de  bien  im- 
portant :  1599  fut  l'année  où  la  persécution 
se  réveilla.  A  Firango,  le  roi  chargea  soi 
lils  d'exécuter  le  décret  de  persécution  qu'il 
rendit  contre  les  chrétiens.  Ce  prince  eut  à 
frap!)er  avant  tous  autres  sa  propre 'femme, 
la  îille  de  Sumitanda,  le  pi-emier  des  prin- 
ces ja[)onais  (jui  eût  embrassé  le  christia- 
nisme. Celte  princesse  dit  h  son  m.iri  qu'elle 
ne  pouvait  pas  être  tous  les  jours  inquiétée 
pour  sa  foi,  et  qu'elle  préférait  se  retirer  : 
en  etfel  elle  alla  chercher  un  asile  chez  le 
prince  d'Omura,  son  frère.  Elle  ne  revint 
que  sur  les  promesses  réitérées  de  son  mari 
qu'il  ne  l'inquiétei-ait  plus  pour  cause  de 
religion.  Dans  ce  seul  royaume,  voyant  les 
vexations  dont  ils  étaient  l'ohjet,  six  princes 
et  plus  de  six  cents  chrétiens  partirent  vo- 
lontairement pour  l'exil.  Le  roi  a\ant  com- 
pris tout  le  tort  que  faisaientà  ses  Etals  des 
migr. lions  de  celle  nature,  s'apaisa  peu  à 
peu  et  fit  revenir  les  exilés.  L'apothéo-e  de 
Taïcosama  til  tant  d'horreur  aux  Japonais, 
que  plus  de  soixante-dix  mille  se  converti- 
rent au  christianisme.  A  Fingo,  le  roi  qui 
était  chrétien  étant  mort,  son  royaume  de- 
vint le  partage  d'un  roi  qui  adorait  les  idoles. 
Ce  prince  ordonna  à  tous  s  'S  sujets  d'ado- 
rer les  idoles.  Ne  pouvant  pas  lesy  forcer,  il 
résolut  de  faire  périr  les  pi-incipaux  d'entre 
eux.  Les  deux  premiers  furent  Jean  Minami 
et  Simon  Taquenda.  Les  personnes  qui  con- 
naissaie:it  ces  deux  seigneurs,  firent  tout 
leur  possible  pour  les  engager  à  faire  au 
moins  semblant  d'obéissance  au  monarque. 
Les  deux  femmes  de  ces  deux  seigneurs,  loin 
d'imiter  un  pareil  exemple,  faisaient  tous 
leurs  ell'orts  pour  engager  leurs  maris  à  de- 
meurer fermes  dans  la  profession  du  chris- 
tianisme. Le  roi  l'ayant  su,  commanda  que 
les  deux  chrétiens  rebelles  à  ses  ordres  lus- 
sent conduits  dans  un  lieu  voisin  qu'on  nom- 
mait Cunamoto  pour  y  ôtre  décapités.  Leurs 
femmes  furent  condamnées  h  être  crucifiées 
au  môme  endroit.  Ouand  Minami  eut  con- 
naissance de  cet  ordre,  il  se  rendit  sponta- 
nément chez  le  gouverneur  de  Cunamoto, 
qui  était  son  ami.  Celui-ci  fit  tout  ce  qu'il 
put  pour  l'ébranhn',  mais  inutilement,  ets'en 
montra  fort  afiligé.  Minami  dina  avec  lui  ; 
après  le  repas,  le  gouverneur  le  prit  h  part 
et  lui  fit  voir  son  arrêt  de  condamnation  i\ 
mort  signé  de  la  main  du  roi.  «  11  vous  est 
encore  loisible,  lui  dit-il,  d'éloigner  de  vous 
ce  malheur,  mais  il  n'y  a'  pas  de  linups  h 
perdre.  —  J'aurais  souhaité,  dit  Minami, que 
le  roi  mît  ma  fidélité  h  une  auire  épreuve 
qiu;  celle-lh.  En  pareille  matière,  je  ne  puis 
lui  obéir.  Je  me  dois  au  lloi  du  (ici  avant 
d'être  au  roi  de  la  terre.  Du  reste,  j(>  regarde 
comme  le  jtlus  grand  bordunir  cpii  [)uis'Se 
m';n-rnver  celui  de  répandre  mon.  N.nig  pour 
Jésus-Chr-isl.  »>  l-c  gouvenicnir',  cornpiunant 
enfin  que  loiiles  ses  instances  étaient  vaincs, 


150$ 


MP 


lit  conduire  Minami  dans  uno  ch«inbie  voi- 
sine, où  il  lui  lit  couper  la  tôto.  Celte  mort 
arriva  le  8  (l<^c(unl)ro  1G02.  Minami  n'avait 
encore  (|ut'  lreiite-ciiu|  a'is. 

Ce  hK^'iiio  jour,  le  gouverneur  vint  à  Oja- 
teuxiro,    |iuur   y    trouver    Taciuenda,  (lu'il 
avait  [iréveiui  (ju'il  voulait   l'entreienir  (le- 
vant sa  nu^^re  et  sa  fciUMi(>.  Dès  (lu'ils  s'aper- 
çurent, ils  pleurùre  it  tous  deu\.  lui  voyant 
Jeanne,  mère  de  Tacpienili,   le   ^ouvei'iieur 
lui  dit  :  <'  Jo  dois  r(>ndi(;  compte  au  vu\  d(i 
notre  entrevue  ;  faites  (jue    votre    tils    m'o- 
béisse.  —  Je  fera',  dit  Jeanne,  ce  que  mon 
amour  commande.  Mon   tils  ne  peut  payer 
trop  cher  le  botdicur  éternel.  —  S'il  n'obéit, 
dit   le  yiiuverneur,  il   moui'ra.  —  Puissé-jo 
mourir  avec  lui  !  dit  Jeamie  ;  faites  que  ce 
bonheur   nous  ai-rive,  nous  vous  en  serons 
reconnaissants  comme  du    plus   grand  des 
services.  »  Le  gouveriiein*,   sur[)ris,  pensa 
qu'en  séparant  le  tils  de  la  mère,  il  vaincrait 
mieux  sa  r/'sistance.  Il  le  mit  chez  un  païen, 
0  1  les  plus  vives  instances  lui  furent  fîiites, 
mais  inutilement.  Sur  le  soir  le  gouverneur 
lui  envoya  un  de  ses  proches,  pour  essayer 
enc(u-e  de  le    vaincre  ou  pour  le  mettre  à 
mort.  Le  parent  ne  put  venir  à  bout  do  lui 
l'aire  ehanger  de  sentiments  ;  avant  de  le  faire 
mourir,    il    le    laissa  prier    et  passer  chez 
sa  mère  et  sa  femm'\  pour  leur  diriî  que  le 
moment  était  arrivé  où  il  allait  monter  au 
ciel.  Llles  se  levèrent  et  firent  ell  s-mômes 
les  préparatifs  de  l'exécution.  Elles  ne  lais- 
sèrent   paraître  sur  leur  visage  que  la  joie 
qu'elles  éprouvaient.  Elles  étaient  condam- 
nées à  voir  l'exécution.  Quand  tout  fut  prêt, 
Agnès  pria  son  époux  de  lui  couper  les  che- 
veux, disant  que  si  elle  vivait  après  lui  elle 
se  retirerait  du   monde.  A  l.i   prière  de  sa 
mère,  Taquenda  le  fit.  Un  seigneur  nommé 
Figida,  qui  avait  apo-^tasié,  étant  entré  chez 
Taquenda,  ne  pouvait  concevoir  la  joie  qui 
se  montrait  sur  tous  les  visages.  Ce  specta- 
cle de  femmes  en  prières,  de  domestiques 
occupés  à    tout  préparer,  de  chrétiens  qui 
consolaient  ceux  q  Ton  épargnait,  qui  féli- 
citaient les  autres,  tout  cela  l'émut  jusqu'au 
fond  de  l'Ame.  Il  se  jeta  au  cou  de  Taquenda, 
et  dit  qu'il  allait  revenir  au  christianisme. 
Le  martyr  loua  Dieu  de  cette  grâce,  em- 
brassa ses   parents,  récompensa   ses  servi- 
teurs, et   vint  se  mettre  à  genoux    devant 
l'exécuteur,  qui  lui  trancha  la  tète,  le  9  dé- 
cembre, à  deux  heures  du  matin. 

Après  la  mort  de  Taquenda,  Jeanne  et 
Agnès  venaient  de  passer  dans  un  cabinet 
attenant  à  la  chambre  où  l'exéculitm  avait 
eu  lieu.  Elles  avaient  avec  elles  la  têle  dii 
saint  martyr,  elles  l'embrassaient,  et  la  cou- 
vraient de  larmes.  Tout  à  coup  un  bonheur 
inattendu  leur  fut  donné  :  Madeleine,  femme 
de  Miiiaan,  entra  avec  le  petit  Louis,  enfant 
Agé  de  sept  ou  huit  ans,  qu'elle  et  son  mari 
avaient  adopté,  n'ayant  pas  de  progéniture. 
Elie  leur  dit  qu'elle  venait  partager  avec 
elles  le  bonheur  de  mourir  pour  la  foi,  et 
leur  annonça  qu'elles  allaient  être  cruci- 
fiées, ainsi  que  le  petit  Louis,  dont  l'enfance 
n'avait,  heureusement  ou  désarmer  les  per- 


JAF  1506 

sécuteurs.    Elles    éprouvèrent   une  grande 
joie  ;  l'enfant  était  dans  un  ravissement  qui 
tenait  de  l'extase.  Les  bourreaux  ne  voulu- 
rent pas  l(!S  exécutei-  en   plein  jour,  on   at- 
tendit qu(î  le  soleil  eût  disfiaru  de  l'horizon 
})ourfaire  place  aux  ténèbns.  On  mit  les  sain- 
tes femmes  et  l'eid'ant  dansd<!s  litières  pour 
les  conduire  au  lieu  du  su|)plice.  La  mère  do 
Ta(iuenda    pria    les    bourreaux    de   vouloir 
bien  la  cIou(m-  sur  la  cr()ix,  aiin  rpie  son  sup- 
])liceresseml)lAt  <i  ccdui  de  Jésus-Christ;  mais 
ceux-ci  refusèrent,  en  alléguant  rpj'ils  n'a- 
vaient pas  d'ordres,   et    se  contentèrent  de 
l'attacher  coiiinK;  c'était  la  coutume  au  Japon. 
Alors  ils  élevèrent  en   l'air  la  victime.  La 
sainte  femme  voyant  que,  malgré   les  ténè- 
bres, une  grande  multitude  de  f)eu|)le  était 
accourue,  parla  avec  beaucou|)  d'éloipience 
et  de  force  contre  le  culte  des  idoles.  Les  bour- 
reaux ne  la  laissèrent  pas  achever,  et  lui  donnè- 
rent un  coupde  lance  qui,  ne  l'ayant  que  légère- 
ment b'essée,  dut  ôtie  suivi  d'un  second  qui 
lui  perça  le  cœur.  On  crucifia  Louis   et  sa 
mère,  vls-h-vis  l'un  de  l'autre.  Le  bourreau 
ayant  voulu  percer  l'enfant  d'un   coup  de 
lance,  ne  fit  que  l'eflleurer.  Craignant  qu'il 
eût   peur,  sa  mère  lui  dit  de  prier  Jésus  et 
Marie  :  il  obéit,  reçut  un    second    coup   et 
mourut  sur  l'heure.  La  lance  encore  fumante 
du  sang  de  l'enfant  vint  frapper  à  mort  la 
mère.  Restait  A.^nès:  sa  jeunesse,  l'éclatante 
beauté  qui  resplendissait  en  elle,  son  extrê- 
me douceur  attendrissaient  tous  les  assis- 
tants. Elle  demeurait  agenouillée  au  pied  de 
la  croix  qui  lui  était  destinée  :  personne  n'o- 
sait venir  l'y  attacher  ;  voyant  cela,  elle  s'y 
plaça  elle-même  de  son  mieux,  et  pria  les 
soldats  de  l'aider.  Mais  la  modestie,  mais  la 
grâce  qu'elle  fit  voir  dans  cette  circonstance, 
achevèrent  de  lui  gagner  tous  les  cœurs.  Les 
soldats  refusèrent  de  la  supplicier.  Ce  furent 
quelques  misérables  de  la  lie  du  peuple  qui 
se  trouvaient  là  qui,  dans  l'espoir  du  gam, 
remplirent  cet  oflice.  Inhabiles  à  se   servir 
de  la  lance,  ils  lui  en  portèrent  un  très-grand 
nombre  de  coups  avant  de  la  tuer.  Tous  les 
assistants  étaient  tellement  irrités,  que  peu 
s'en  fallut  qu'ils  ne  se  jetassent  sur  ces  mal- 
heureux et  ne  les  missent  en  pièces.  Le  roi 
de  Fingo  ne  tarda  pas  à  se  convaincre  que 
ces  exécutions  produisaient  le  contraire  de 
ce  qu'il  espérait.  Loin  de  faire  que  les  chré- 
tiens obéissent  à  ses  volontés,  elles  furent 
cause   qu'un  grand  nombre   d'idolâtres   se 
convertirent.  Ce  qui  l'alfecta  le  plus,  ce  fut 
d'apprendre  que  le  pai-eut  de  Taquenda,  ce- 
lui-là même  qui  .avait  coupé  la  tête  à  ce  gé- 
néreux martyr,  avait  été  si  touché  de  la  su- 
blimité du  courage  de  Taquenda,  de  sa  mère 
et  de  sa  femme,  qu'il  s'était  fait  chrétien.  Il 
était  allé  trouvé  l'évèque  du  Japon,  lui  por- 
tant le  sabre  qui  avait  servi  à  l'exécution,  et 
lui  disant  qu'il  ne  désirait  rien  tant  que  de 
mourir  lui-même  pour  la  foi  chrétienne. 

On  demanda  à  ce  prince  d'enlever  les 
corps  des  trois  saintes  femmes  et  du  petit 
Louis  :  il  refusa.  A  mesure  que  les  osse- 
ments tombèrent,  on  les  recueillit,  on  les 
mit  dans  des  caisses,  et  on  les  envoya  à 


1507  JAP 

Nangazaqui.  Le  prélat  fit  faire  des  actes  au- 
tijoTiliquesde  cesi-vénemontsct  leseiivoya  au 
l)ape.  Lo  royaume  de  Fingo  ot  celui  de  Nangato 
virent  encore  d'autiosmartyi-cs.Joseimoii,  roi 
de  Bungo,  qui  deux  ibis  avait  apostasie  et  avait 
persécuté  deux  fois  les  cliiéliens,  se  conver- 
tit et  mourut  dans  la  foi  chrétienne,  en  Van 
IGOo.  A  la  fin  de  cet;e  année,  on  comptait 
au  Japon  environ  dix-huit  cent  mille  cljré- 
tiens. 

En  1608,  le  roi  de  Fingo  ralluma  la  çersé- 
cution.  Depuis  quatre  a  ^s  Michel  Faciémon, 
Joacliim  Girozayémon,  Jean  Tingoro,  sei- 
gneurs de  son  pays,  étaient  en  jnison  :  ils 
étaient  directeurs  d'une  confrérie  fond  ce 
dans  ce  royaume  sous  le  nom  de  la  Miséri- 
corde. Girozayéiuon  y  moiu-ut  de  misère, 
tant  était  mauvaise  la  nourriture  qu'on  leur 
donnait.  Le  roi  orùonna  de  couper  la  tète 
aux  deux  qui  restaient,  ainsi  qu'à  leurs  en- 
fants. Aiissitôt  on  les  conduisit  hors  de  la 
ville  de  Yatcjuxiro;  deux  soldats  allèrent 
chercher  leurs  enfaits.  Ils  avaient  chacun 
nu  lils  :  Thomas,  fils  de  Faciémon,  avait 
douze  ans;  Pierre,  fils  de  Tingoro,  n'en 
avait  que  sept.  Le  premier,  ayant  >u  qu'on 
le  cherchait,  mit  ses  plus  beaux  habits,  et 
vmt  lui-môme  au-devant  de  son  père,  so  jeta 
h  son  cou  et  lui  dit  qu'il  était  prêt  à  le  sui- 
vre :  l'autre  enfant  n'arrivant  pas,  on  déca- 
pita les  saints  avant  qu'il  fût  venu  ;  on  le  vit 
enfin  paraître  :  il  avait  été  trouvé  chez  son 
aïeul  où  il  dormait.  Quand  ou  l'eut  éveillé 
et  qu'on  lui  eut  dit  qu'il  allait  mourir  avec 
son  père,  il  répondit  tpi'il  en  était  content 
et  suivit  le  soldat  qui  Tétait  venu  chercher. 
L'enfant,  voyant  le  corps  de  son  père,  se 
mit  à  genoux  auprès  et  joignant  les  mains 
présenta  sa  tète.  Le  bourreau  allait  le  frap- 
per quand  do  toutes  parts,  il  se  fit  un  elfroya- 
ble  tumulte.  Tous  les  assistants  jetaient  de 
grands  cris,  maudissant  les  auteurs  d'un 
aussi  cruel  assassinat.  Le  bourreau  jeta  son 
arme  et  s'enfuit;  dinix  autres  successive- 
meni.  s'étant  présentés,  firent  la  même  chose. 
Eniiu  un  esclave  coréen  eut  plus  de  cou- 
rage :  il  nmlila  le  pauvre  enfant  en  le  frap- 
pant sur  le  cou  et  sur  le  dos  avant  de  pou- 
voir le  décripiter. 

Jus(pi'en  l'an  1G12,  rien  de  nouveau  n'eut 
lieu  (jui  inléi'esse  notre  sujet.  A  cette  épo- 
que les  Anglais  arrivèrent  au  Ja])On  ;  les 
Hollandais  y  étaient  dei)uis  trois  ans.  Ils  ai- 
grirent de  plus  on  plus  l'empereur  contre 
les  Espagnols  et  les  Poi'tugais  ;  en  IGl'i,  il 
exila  quatorze  seigneurs  ([ui  refusaient  de 
rouoiici-  au  chiislianisme,  pour  adunn-  les 
dieu:;  du  pays.  Deux  jeunes  pages  deman- 
dèient  à  |)arlager  leur  exil  jjoui'  la  mcnm 
cause.  Julie  Ola,  jeune  fille  coréenne,  que 
le  cubosama  avait  (,'niichie  au  noi  it  (pi'elle 
était  le  parti  1<?  plus  considérable  d(!  la  cour, 
n'ayant  pas  voulu  abjurer,  fut  exilée  dans 
une  île  <>ù  il  n'y  avait  que  (pielques  [>au- 
vres  malheureux  pécheurs,  et  où  elle  man- 
quait dt;  tout  eu  (ju'on  puuv.iil  lui  croirii  né- 
ces,i>airo,  eu  égaid  à  la  vie  qu'i'lle  avait  me- 
née auparavant.  Elle  y  resta  quarante  ans. 

Le  royaume  d'Arima  eut  auoii  ses  mar- 


JAP 


1303 


tyrs.  Deux  frères,  Thomas  et  Mathias  ,  çt 
Marthe  leur  mère,  ainsi  que  leurs  enfants 
Jacques  et  Juste,  furent  décapités.  Leur 
martyre  eut  lieu  le  28  janvier  1013.  Le  roi 
avait  deux  jeunes  frères  qui  avaient  em- 
brassé le  christianisme;  le  27  avril  il  les  fit 
égorger  durant  hnu'  sommeil.  Le  5  octobre 
suivant,  il  fil  brûler  huit  chrétiens:  Adrien 
Tacafati  Mondo,  Jeanne,  son  é|)Ouse,  Marie- 
Madeleine,  sa  lillt»,  qui  avait  voué  sa  virgi- 
nité au  Seigneur  ;  puis  Jacques,  son  fils,  qui 
n'avait  qu'h  peine  douze  an>;  Léon  Faiuxida 
Luguyéninn  et  Marthe,  sa  femme;  Léon 
Taqu(;ndomi  Cuniéiuon  et  son  fils  P;  ul, 
qui  était  âgé  de  vingt-  ept  ans.  Plus  de 
vingt  mille  chi-éticns  des  environs  viiu'ent 
d'eux-mêmes  s'ollrir  au  maityre.  Plusieurs 
des  seigneurs  de  la  cour  en  furent  tellement 
touchés,  qu'ils  demandèrent  à  être  martyri- 
sés aussi,  et  que,  n"ayant  {)u  l'obtenir,  ils 
partirent  pour  l'exil  avec  leurs  enfants.  Le  7 
O'tobre,  l'arrêt  des  saints  devant  recevoir 
son  exécution,  on  vit  une  mei  veille  inouïe 
jusque  Iti  dans  les  fastes  de  l'Eglise  :  les 
vingt  mille  clirétiens  de  la  cami-agne  entrè- 
rent en  ordre  dans  la  ville,  où  un  pareil 
nombre  d'habitants  chrélions  les  atten- 
daient. Tous  se  mirent  en  rang  dans  un  fort 
bel  ordre,  ayant  chacun  un  cierge  dans  la 
main,  et  firent  un  cortège  aux  saints  mar- 
tyrs, qui  marchaient  au  milieu  d'eux  libres, 
mais  suivis  des  bourreaux  et  d'une  compa- 
gnie de  soldats.  Arrivée  au  lieu  du  sup- 
plice, toute  cette  multitude  s'y  rangea  comme 
aurait  pu  faire  la  troupe  la  mieux  discipli- 
née. Les  martyrs  ayant  vu  les  poteaux  qui 
leur  étaient  destinés,  coururent  les  embras- 
ser :  c'étaient  huit  colonnes  qui  soutenaient 
un  toit  de  charpente.  Cette  espèce  d'écha- 
faud  était  dressée  sur  la  place  du  palais. 
Pendant  qu'on  faisait  les  derniers  préparatifs, 
Léon  Cuniémon  monta  surl'échafaud,  et  s'a- 
dressant  h  la  foule,  après  avoir  obtenu  si- 
lence de  la  main  ,  il  parla  en  ces  termes  : 
«  Mes  frères,  voyez  quel  courage  la  foi  peut 
dmnier  à  de  faibles  créatures;  ces  apprêts 
terribles  d'un  supplice  etfroy;  ble,  vous  le 
voyez,  bien  loin  de  nous  terrifier,  nous 
remplissent  de  joie.  Au  milieu  des  llainmes, 
je  l'espère,  Dieu  aidant,  celte  joie  augmen- 
iera  (uicore.  C'est  aux  infidèles  maintenant 
h  voir  quelle  est  la  grandeur,  quelle  est 
rexcellenee  d'une  religion  (pii  peut  produire 
de  si  grandes  choses,  élever  si  puissam- 
ment la  natero  au-dessus  d'elle-même. 
(Juaiit  à  vous,  mes  chers  frères  en  Dieu,  no 
soyez  point  ellrayés  en  voyant  ces  biasicrs  ; 
plus  ils  seront  ardenis,  plus  notre  vicherc 
sera  grande  et  j)r()m|)te.  OueUpu'S  souUïan- 
ct;s  à  subir  vont  nous  procurer  u-'C  couio  ine 
d(!  gloiie  et  des  trésors  de  bonheur  (pii  du- 
reront létcmilé.  »  I.a  foule  lit  entendre  uu 
immcuise  applaudisseun-nt.  Le  frémisse- 
ment (|ui  l'agitait  euq)êclia  le  saint  martyr 
de  pouvoir  conlinuei";  il  descendit  étala  se 
placer  au  j)oleau  aucjucd  il  devait  être  atta- 
ché. 11  y  lut  lié  :  1  .'s  autres  l'étaient  déjà. 
J{ientot'oi  mil  le  feu  au  bilcher,  qui  était 
éloigné  du  martyre  d'environ  trois  pieds. 


«309  JA^ 

La  tlauime  et  los  tourbillons  de  faméo  s'é- 
levèrent  tilors  si  haut,  que  [jcudaut   (luel- 
ques  i'istnnls   ou  no  put   rien    (lislm^'iucr. 
Ouand  i'innniditi^  du  badier  se  lut  dissiipée, 
la  llaniiMe   resta   claire  et  on    put   voir   les 
saints  martyrs,  do  it  le  calme  et  la  résigna- 
tio'i    aiti, aient    radiiiiralion    géîiérale.   Jac- 
ques,  Ijls  d'Adrien  MoîkIo,  apparut  détaché 
aux   yeux   des  spectateurs  :  sans    lui   faire 
beaucoup  de  mal,  le  l'eu  avait  coisumé  ses 
liens.   II  courait  au  travers  des  tlannnes  et 
des  brasiers.  Cnugnanl  que  ce  tïU  pour  s'é- 
cliapfK'i',  la  foule  lui  cria  d'avoir  couray(!  ; 
mais  o'\  cessa  d'avoir  celle  crainte,   quand 
on  vit  l'enfant  se  relourner  aven  calme  et 
aller  vers  sa  mère,  qu'il  entoura  de  ses  bras, 
voulant  mourir  avec  elle.  La  sainte  fennne, 
qui    i)araissait   morte ,   se   rcWeilla  h    cette 
étieinle,  et,  connue   si  elle  ei'lt  oublié  ses 
soulfrances,  elle  ne  cessa  plus  d'encourager 
son  lils  à  accomplir  jusqu'au  bout  le  sacri- 
lice  de  sa  vii;  pour  Dieu.  Pou  après,  ses  liens 
étant  brûlés,  elle  tomba  sur  son  tils,  le  cou- 
vrant de  son  corps.  Ils  expirèrent  ainsi.  La 
sœur  de  ce  jeune  enfant,  Marie-Madeleine, 
âgée  de  dix-neuf  ans,  restait  debout  et  sem- 
bl;\it  pleine  de  force  etdevie,  quoiqu'elle  pa- 
rût toute  consumée.  On  croyait  quelle  allait 
s'atfaisser,  quand  on  la  vit  prendre  des  char- 
bons ardents,  les  mettre  sur  sa  tète  et  s'en 
faire  une  couronne.  Peu  après  elle  glis'^a  le 
long  de  son  poteau,  se  coucha  dans  le  bra- 
sier, et  y  expira  paisiblement.  La  foule  força 
les  barrières  qui  entouraient  le  bûcher.  Les 
chrétiens    euq)Ortèreijt   les  corps   de   leurs 
glorieux  martyrs  :  tout  fut  pris  par  eux,  jus- 
qu'aux chai'bons    qui    avaient   procuré    la 
mort  à  ces  illustres  victimes.  Ce  furent  les 
habitants  de  Conzuia  qui  emportèrent  dans 
leur  bourgade  le  co.ps  de  Marie-Madeleine  ; 
mais  bientôt,  sur  l'ordre  de  l'évèque,  toutes 
les  saintes  re.iques  furent  restituées,  et  mi- 
ses  dans   des  caisses   précieuses.    On  les 
porta  cl  Nangazaqui.  Les  Actes  et  les  pièces 
du  procès  furent  envoyés  à  Rome, 

En  161V,  l'évèque  du  Japon  étant  mort,  il 
s'éleva  des  disputes  fort  graves  sur  les  ques- 
tions de  jurid  ction  ecclésiastique,  11  n'y 
avait  au  Japon  que  sept  prêtres  séculiers. 
Le  provincial  des  jésuites  ei  le  suoérieur  des 
franciscains  se  disputaient  ladministration 
de  l'évêché,  La  question  fut  longtemps  pen- 
dante, et  ne  fut  décidée  que  par  mie  bulle 
du  pape  confirmant  la  sentence  de  l'arche- 
vêque de  Goa,  lequel  attiibuait  aux  seuls 
jésuites  l'administration  do  l'évêché,  h.  cha- 
que fois  qu'il  deviendrait  vacant. 

Ces  divisions  et  l'absence  d'un  clergé  in- 
digène furent  les  causes  principales  de  la 
ruine  de  la  religion  dans  cet  empire.  Il  faut 
qae  la  religion,  pour  se  perpétuer  dans  un 
pays,  se  fasse  en  quelque  sorte  citoyenne 
do  ce  pays.  Tant  qu'elle  sera  enseignée  par 
dcs  étrangers,  elle  aura  moins  de  puissance. 
Il  fallait  au  Japon  créer  dos  séminaires,  faire 
des  prêtres  indigènes.  En  soixante  aas  de 
prospérité,  on  pouvait  en  couvrir  en  quel- 
que sorte  le  so!  ;  on  pouvait  faire  un  réseau 
tellement  puissant,  que  nul  n'eût  pu  le  bri- 


JAP  1310 

"  ser.  Il  fallait  que  la  religion  puisât  sa  forco 
l)our  le  combat  dans  la  nation  elle-même, 
atin  (pi'eii  l'attaquant,  les  (nnpereurs  seai- 
blassent  atlaqu(M'  leurs  proprcîs  sujets,  et 
non  plus  ceux  d'un  souverain  étrangin*.  Les 
gouvernants  du  Japon  n'auraient  pas  cru 
aux  calouuiies  des  Anglais  el  des  Hollan- 
dais, s'ils  eussent  vu  (pu;  U>  christianismo 
pouvait  recruter  sullisamment  [)our  l(;s  be- 
soins (h;  s(^n  culte  |iarmi  les  habitants  du 
pays.  Cela  se  pcjuvail.  Après  soixante  an- 
nées de  conversions  si  nombreuses  et  d'un 
état  si  (lotissant  ({u'il  y  avait  au  Ja|)on  plus 
de  dix-huit  cent  mille  chrétiens,  les  mis- 
sionnaires ne  devaient  plus  y  être  nécessai- 
res. Ceux  qui  ont  conunis  ces  fautes  sont 
vraiment  responsables  de  l'extinction  de  la 
foi  dans  ce  [)ays. 

Une  autre  chose  aussi  que  nous  regar- 
dons comme  tiès-imj)Ortanle,  c'est  l'avan- 
tage ([u'il  y  aurait  à  ne  |)as  donner  aux  nou- 
veaux convertis,  au  baptême,  exclusiveuient 
des  noms  de  saints  étrangers.  Dans  des 
pays  (lui  sont  par  leur  langage  complète- 
ment étrangeis  aux  noms  des  anciens  peu- 
ples d'Asie  et  d'Europe,  il  conviendrait  de 
laisser  les  noms  nationaux,  et,  quand  l'occa- 
sion s'en  présente ,  de  canoniser  les  saints 
de  ces  pays  sous  leurs  noms  vulgaires  dans 
leur  patrie.  On  nationaliserait  davantage  le 
christianisme. 

Les  Anglais  et  les  Hollandais  continuaient 
toujours  leurs  calomnies  contre  les  inten- 
tions des  missionnaires.  Le  cubosama  ])u- 
blia,  en  1G14,  un  édit  qui  chassait  du  terri- 
toire tous  les  missionnaires,  et  prononçait 
la  pein  •  de  mort  contre  tout  Japonais  chré- 
tien qui  n'apostasieiait  pas.  On  bannit  un 
nombre  considérable  de  familles  chrétiennes, 
de  princes  même,  de  grands  seigneurs.  Tout 
le  canton  de  Tsugaru,  qui  auparavant  était 
presque  désert,  fut  peuplé  par  ces  émigrants. 
Cette  contrée  devint  très-()euplée,  mais  on 
y  manquait  de  tout.  Les  jjauvrcs  exilés  y  se- 
raient morts  de  faim,  si  les  chrétiens  du  Ja- 
pon ne  les  eu.<sent  secouru.  Trois  jésuites, 
qui  plus  tard  furent  martyrs,  Jérôme  de  An- 
f/f/is,  Diego  Carvailho,  et  Jacques  Yuki,  leur 
prodiguaient,  autant  qu'il  était  en  eux,  les 
secours  spirituels.  Là,  comme  dans  une  nou- 
velle Thébaide,  on  voyait  des  gens  de  toute 
sorte  luttant  péniblement  contre  la  m.sèr"  et 
la  faim.  Des  homuies  qui  jusqui -là  n'avaient 
jamais  travaillé  manuellement,  des  généraux, 
des  seigneurs,  des  administra  eurs,  étaient 
obligés  de  cultiver  la  terre,  de  s'adonner  aux 
travaux  les  plus  rudes  et  les  plus  grossiers. 
Il  en  était  de  même  des  femmes  ;  beaucoup, 
élevées  dans  l'opulence,  dans  toutes  les  dé- 
licatesses du  luxe,  étaient  forcées  de  pour- 
voir par  leur  travail  à  leurs  besoins  et  à  ceux 
des  leurs.  En  cette  même  année  le  cubo- 
suma  publia  un  second  édit  confirmatif  du 
premier.  Il  avait  pour  but,  par  ce  dernier, 
tie  priver  l'Eglise  du  Japon  de  tous  les  chré- 
tiens qui  appartenait  à  la  noblesse  du  pays. 
11  prononçait  la  peine  du  bannissement  con- 
tre Juste  Ucundono,  contre  l'ancien  roi  de 


151t 


JAP 


JAP 


1512 


ïamba,  Jean  Naytadons  ;  le  prince  Thomas 
son  fils,  Julie  sa  sœur,  Thomas  Uquienda 
l'un  des  seigneurs  les  plus  puissants  du 
royaume  de  IJuzgen  et  beaucoup  d'antres, 
parmi  les  personnes  les  plus  qualifiées  de 
l'empire.  L'édit  portait  quils  seraient  tons 
conduits  à  Méaco,  et  que  le  gouverneur  de 
cette  ville  les  livrerait  à  celui  de  Nanga/.aqui 
chargé  de  les  faire  sortir  du  Ja|)on.  Le  roi  de 
Tamba  écrivit  h  un  Père  jésuite  en  ces  ter- 
mes :  «  Le  vent  de  la  persécution  s'élève  de 
plus  en  plus,  et  Dieu,  montrant  sa  miséri- 
corde, a  voulu  que  nous  fussions  un  grand 
îiombre  disposés  à  verser  notre  sang  pour 
la  foi.  Toutes  les  apparences  font  croire  que 
cette  tempête  durera  long-temps.  J'ose  espé- 
rer que  Jésus-Christ  voudra  bien  permettre 
que  nous  partagions  en  quelque  chose  ses 
souffrances.  Si  ce  bonhenr  peut  nous  arriver, 
nous  aurons  la  gloire  de  marcher  dans  la 
voie  qu'ont  ouverte  avant  nous  les  martyrs 
de  la  primitive  Eglise,  ceux  qui  l'ont  illus- 
trée à  cette  époque  si  belle,  ceux  qui  ont 
versé  pour  elle  le  sang  qui  a  été  la  semence 
de  Ja  moisson  dont  on  fait  depuis  des  siècles 
la  récolte  pour  l'éternité.  Cher  Père,  priez 
j)Our  nous,  demandez  à  Dieu  qu'il  nous 
fasse  persévérer.  Qui  l'eût  pu  croire  ?  des 
1Ȏcheurs  comme  nous  donner  leur  vie  pour 
Jésus-ChrisX  ,  notre  patrie  lui  fournir  des 
martyrs  !  A  cette  pensée  mon  âme  s'enivre 
de  joie,  mes  yeux  versent  des  larmes  abon- 
dantes dans  le  sentiment  de  reconnaissance 
(pie  j'é[)rouve  pour  toutes  les  grâces  dont  je 
suis  l'objet  de  la  part  de  mon  Sauveur.  » 

Nous  avons  aussi  du  prince  Thomas  deux 
lettres  qui  font  voir  que  le  fils  ne  le  cédait 
au  [(ère  ni  en  zèle  ni  en  bons  sentiments. 
Nous  donnons  la  seconde,  qu'il  envoya  aux 
habitants  de  Cumami»to.  Elle  était  datée  de 
sa  prison  :  il  était  pour  lors  renfermé  dans 
une  forteresse  du  Fin.j,o.  Sa  foi  était  tous  les 
jours  soumise  aux  plus  dures  épreuves. 

«  Mon  cœur  a  bien  souffert,  mes  très- 
chers  frères,  en  apprenant  que  plusieurs  ont 
courbé  la  tète  sous  la  violence  de  la  persé- 
cution; mais  j'ai  été  bien  consolé  par  la 
constance  et  par  la  persévérance  du  ^vand 
nouibre.  Que  je  voudrais  ètie  auprès  d'eux, 
s'ils  meurent  mai  tyrs  ,  baiser  le  sang  qu'ils 
vei'seraient ,  les  coîijurer  de  m'^blenir  de 
mourir  comme  eux!  Priez  pour  que  j'ob- 
tienne, mes  frères,  cette  gi;lce  ;  priez,  car  je 
me  sais  bien  indigne.  Je  suis  ravi,  m  lis  non 
surpris,  que  C(!s  généreux  martyrs  aient  re- 
noncé à  tous  les  biens  de  la  terre  :  (jui  i)eut 
jjréférer  ces  biens  ;i  Dieu  ?  Ceux  (pii  les  leui- 
prennent  les  enrichissent  :  ils  leur  Aient  ce 
qu'il  faut  (pjitter  un  jour,  ce  qui  est  l'obs- 
tacle du  salut.  Ceux  qui  l(;s  donncml  prêtent  h 
usure  de  la  boue  contre  de  l'or.  Jadis  j(!  m'oc- 
cupais de  ce  saint  trali;;;  depuis,  ma  tiédeur  a 
tout  perdu.  Que  mon  martyni  lachète  ce  dé- 
faut. On  dit  (pie  vous  n'êtes  j)as  assez  fer- 
vents [)0Ur  mériter  le  martyic  :  (ju(i  seia-cc 
donc  de  moi?  Pourtant  je  [)r'('sst.'ns  (pie  l)i(;u 
rfîcovra  \(t  sacrifice;  d(»  mon  sang.  Je  lu,»  puis 
iiréi(!ii.lre  vous  diiiger  ;  cepen(ianl ,  je  vous 
'e  dis,  foulez  tout  aux  pieds  pour  Dieu.  Quit- 


ter les  choses  du  ciel  pour  celles  de  la  terre 
c'est  agir  en  insensé.  L'épreuve  arrive,  le  ci- 
seau taille  la  pierre,  le  feu  et  le  marteau  fa- 
çonnent le  fer  :  ainsi  fait  Jésus-ChrisI  pour 
construire  son  Eglise.  Il  a  commencé  par 
lui  ,  pii'rre  angulaii  e  ;  le  feu  des  tribulations 
a  éprouvé  ceux  (]ui  devaient  servir  de  bases; 
soyons  digncis  d'être  traités  comme  .«-es  dis- 
ciples chéris.  S'il  veut  pour  nous  l'attaque, 
il  garde  la  couronne.  Quant  à  moi,  j'ai  subi 
ici  autant  d'a>sauts  que  possible  :  ma  jeu- 
nesse, ma  naissance,  mes  enfants,  les  périls 
qui  me  menacent,  on  m'a  tout  mis  devant  les 
yeux.  A  défaut  d'amis  pour  me  soutenir,.i'ai 
eu  la  grâce  du  ciel.  Je  vois,  au  repos  (ju'on 
me  laisse,  qu'on  n'espère  plus  me  vaincre  : 
Dieu  aidant,  nous  sommes  invincibles,  mais 
une  ou  deux  victoires  ne  sont  rien  sans  la 
persévérance  jusqu'au  bout  :  demandez  que 
je  l'obtienne.  » 

Ceux  qui  étaient  bannis  en  vertu  de  cet 
édit  étaient  au  nombre  de  plus  de  mille.  Par- 
mi eux  étaient  tous  les  religieux  de  Saint- 
Augustin,  les  Dominicains,  les  Franciscains, 
et  vingt-trois  jésuites  ;  ils  furent  transportés 
à  Manille ,  capitale  des  îles  Philippines.  A 
peine  y  arrivaient-ils  ((ue  Juste  Ucundono 
tomba  gravement  malade.  A  son  lit  de  mort, 
il  dit  à  son  confesseur  :  a  Je  ne  recommande 
ma  famille  à  personne  ;  mes  parents  ont  ", 
ainsi  que  moi,  l'honneur  et  l'avantage  de 
souffrir  pour  Jésus-Christ,  cela  doit  leur  suf- 
fire. »  Parlant  h  ses  enfants,  il  leur  dit  :  ((De- 
puis mon  bas  âge  jusqu'à  mon  premier  exil, 
j'ai  servi  à  la  guerre  mes  seigneurs  et  mes 
empereurs.  Durant  tout  ce  tem})S-là,  j'ai  été 
plus  souvent  sous  la  cuirasse  que  sous  la 
robe  de  soie  ;  mes  cheveux  ont  blanchi  sous 
le  casque,  et  mon  épée  ne  s'est  pas  rouillée 
dans  le  fourreau.  Plus  de  cent  fois  j'ai  jou0 
ma  vie  sur  les  champs  de  bataille.  Que  m'est- 
il  donné  i)Our  tout  cela?  vous  le  savez  comme 
moi  ;  mais  si  les  hommes  m  ont  mancjué,  il 
n'en  a  pas  été  de  même  de  Dieu.  Au  temps 
de  ma  puissance,  ai-je  eu  davantage  ce  qui 
m'était  nécessaire  que  dans  cet  exil,  où  une 
si  généreuse  hospitalité  nous  accueille?  Ce 
n'est  pas  tout  ;  je  sais  quelle  récompense 
m'attend  au  ciel;  ne  pleurez  donc  pas  ,  féli- 
citez-moi. Quant  h  ce  ([ui  vous  concerne, je 
ne  saurais  vous  croire  malli.urenx.  Je  vous 
laisse  à  la  garde  de  Dieu  ;  vous  savez  que  sa 
bonté,  que  sa  j)uissance  soif  infinies  ;  soyez- 
lui  lidèhîs,  iliie  vous  abandonnera  pas.»  Après 
cel  I,  il  lit  son  testanuMit.  La  princi]iale  clause 
j)ortait  (ju'il  regardait  comme  ne  faisant  pas 
partie  de  son  sang  (luicoïKpie ,  dans  sa  fa- 
mille ,  aurait  le  malheur  de  renier  Jésus- 
(]hrist.  11  mourut  dans  ces  admirables  dis- 
j)ositions.  Sa  mort  fut  cause  d'un  deuil 
général  :  Espagnols  et  Japonais  y  i)rirent 
paît. 

L'empereur  Gixasu  suivait  au  Japon  le 
plan  (pi'il  s'était  tracé;  plan  infernal,  qui 
consistait  h  m;  pas  verser  le  satig  des  chré- 
tiens, mais  bien  à  éloigner  les  plus  considé- 
rables d'entre  eux  en  les  (jxila  t,  en  dépor- 
tant les  pasteurs,  (il  ji  détruire  le  christia- 
nisme chez  les  autres  en  les  tourmentant  in- 


I 


131- 


JAP 


JAP 


IMi 


cessamniont  par  loulcs  sortes  do  voxatioiis, 
Méaco  vit  un  ollicier  toiiniiont<3r  avec  bar- 
barie plusieurs  confesseurs  :  ce  mo'istrc!  lit 
jeter  h  la  voirie  l'un  d'entre  eux  (pii  res[)i- 
rait  encore,  l-es  chrtHiens  l'ayant  recueilli  , 
j)anNÙronl  ses  blessures  dont  il  guérit  paitai- 
tenient.  Voyant  les  confesseurs  victorieux 
de  ses  premières  tentatives  ,  il  imagina  do 
leur  livrer  un  combat  inlinimenl  j)lus  terri- 
ble. Il  prit  parmi  leurs  lemmes  douze  des 
plus  jeunes  et  des  plus  jolies,  et  les  envoya 
dans  des  lieux  de  prostitution.  Ceux  (jui  te- 
naient ces  maisons  refusèrent  d'abord  de  les 
recevoir,  disant  que  sans  doute  elles  aime- 
raient mieux  se  tuer  (]ue  do  se  laisser  dés- 
honorer. iMais  quand  on  leur  eut  dit  que  la 
religion  cbrétieniu^  défendait  h  ceux  ([ui  la 
suivaient  d'attenter  h  leurs  jours,  n'importe 
sous  quel  prétiîxte,  ils  les  regurtnit.  Dès(|uo 
ces  jeunes  femmes  se  vii'ent  dans  ce  lieu 
infc\me,  elles  demandèrent  d  >s  ciseaux  pour 
se  cou[)cr  les  cheveux.  On  les  leur  donna. 
Alors  elles  s'en  servirent  [)0ur  se  mutiler  lo 
visage,  de  telle  soi  te  ,  que  de  jeunes  dé 
baucbés  qui  les  virent  eurent  tellement  hor- 
reur d'elles  qu'ils  prirent  la  fuite.  Ceux  (jui 
les  avaient  achetées  tirent  venir  des  chré- 
tiens qui  les  reconduisirent  à  leuis  maris. 
Ceux-ci  sentirent  leur  amour  pour  elles 
s'augmenter;  car  les  cicatrices  qu'elles  })or- 
lèrent,  leurs  blessures  étant  guéiies,  étaient 
les  marques  de  leur  honneur.  C(!t  infâme 
moyen  réussit  mieux  dans  le  royaume  de 
Buygen  ;  plusieurs  chrétiens  apostasièrent , 
craignant  que  leurs  femmes  ne  fussent  pri- 
ses pour  servir  dans  ces  maisons  à  la  lubi'i- 
cité  de  ceux  qui  les  fréquentaient.  Non  loin 
de  la  capitale  était  un  hospice  de  lépreux  ; 
au  commandement  que  leur  fit  l'empereur 
d'adorer  ses  dieux,  tous  répondirent  qu'ils 
obéiraient  k  Dieu ,  dabord ,  à  l'empereur 
après.  On  les  menaça  de  les  brûler  dans  leur 
hôpital  :  «  Eh  bien  !  dirent-ils  ,  nous  n'en 
sortirons  pas;  on  dirait  que  nous  fuyons.  » 
Le  roi  admira  leur  courage  et  défendit  de  les 
maltraiter. 

Ce  qui  faisait  que  Gixasu  persécutait  les 
chrétiens,  c'était  la  crain'e  qu'il  avait  de  les 
voir,  en  cas  de  guerre  civile,  prendre  le  parti 
de  Fide-Jory,  empereur  séculier  son  pupille 
qu'il  voulait  détrôner.  Ce  fut  pour  cela  qu'il 
exila  les  plus  braves  Japonais,  surtout  Ucun- 
dono,  «  qui,  disait-il,  à  lui  seul  valait  une 
armée.).  11  exécuta  ses  projets  dans  ce  temps- 
là,  resta  seul  maître  du  Japon,  en  faisant  dis- 
paraître Fide-Jory  ,  et  mourut  l'année  d'a- 
près, en  juin  1615.  Il  avait  recommandé  à 
son  fils  de  détruire  entièrement  la  religion 
chrétienne  dans  ses  Etats,  et  de  ne  pas  souf- 
frir qu'il  y  restât  un  seul  docteur  européen. 
Ce  fils  de  Gixasu  se  nommait  Xogun-Sama. 
Plusieurs  missionnaires  étaient  restés  dans 
le  Japon,  d'autres  y  venaient  sous  divers  dé- 
guisements. Le  nouvel  empereur  rendit  un 
décret  de  persécution  l'an  1616.  Beaucoup 
de  chrétiens ,  plusieurs  missionnaires  péri- 
rent par  le  feu  ou  par  le  glaive.  Etant  venu 
à  Méaco,  en  1619,  il  commanda  que  les  chré- 
tiens, qui  se  trouvaient  dans  les  prisons  » 


fussent  brilles  vifs,  sans  distinction  d'Age 
ni  tie  sex(!  :  il  ne  [lei-mit  mémi!  pas  (ju'une 
femme,  (pii  était  près  d'accoucher,  fût  ex- 
cipté(î  d(!  cette  exécution.  On  conduisit  tous 
les  confesseurs  <i  la  |)lace  publiipn;,  au  nom- 
bre de  cin(]uante.  Là  ils  trouvèrent  neuf 
charrettes  ;  les  hommes  montèrcMit  sur  la 
})remière  et  sur  la  dernière;;  iJans  ccdies  du 
milic'u  on  mit  les  femmes  et  1(!S  enfants  : 
plusieurs  étaient  encoi'o  à  la  mamelle.  Un 
tiompettc  marchait  devant  Cd  cortège  ,  et,  à 
cliacpie  coin  de  rue,  annonçait  (pie  ces  pri- 
sonniers étaient  condamnés  [)ar  l'empereur 
à  être  lirûlés  vifs.  «C'est  vi'ai,  disaient  tous 
ensemble  les  martyrs,  nous  allons  [)érir  pour 
celui  qui  est  mort  |)Our  nous.  »  De  distance 
en  distance  ils  criaient  :  «  Vive  Jésus  1  »  La 
j)itié  était  dans  tous  les  cœurs,  les  larmes 
sur  tous  les  visages.  On  arriva  à  la  place 
d'un  faubourg  où  les  bûchers  avaient  été 
dressés.  Quand  les  confesseurs  virent  les 
croix  <jui  leur  étaient  deslinées,  et  autour 
desquelles  étaient  de  grands  amas  de  bois, 
ils  témoignèrent  une  joie  extrême,  et  sau- 
tèrent de  t.essus  les  charrettes  ,  sans  qu'au- 
cun montrât  de  l'hésitation.  Ils  furent  atta- 
chés deux  à  deux  à  chaque  croix,  la  face 
tournée  l'un  vers  l'autre.  Les  hommes  étaient 
ensemble,  les  femmes  de  môme;  les  petits 
enfants  étaient  près  de  leurs  mères.  On  au- 
rait cru  que  la  fumée  allait  étouffer  les  saints 
martyrs,  mais  quand  la  nuit  fut  arrivée,  on 
les  vit  les  yeux  levés  au  ciel,  qui  semblaient, 
au  milieu  de  cette  fournaise,  remplis  d'une 
joie  toute  céleste.  Peu  a[)rès,  ils  e'itonnèrent 
les  louanges  de  Dieu.  Ces  chants ,  les  cris 
des  assistants,  les  hurlements  des  bourreaux, 
tout  cela  formait  un  bruit  étrange  et  confus, 
qui  tour  à  tour  inspirait  la  terreur  ou  la  com- 
passion. Au  milieu  de  tout  cela,  les  mères 
s'occupaient  de  leurs  enfants  ,  les  embras- 
saient, les  caressaient,  essuyaient  leurs  lar- 
mes, étouffaient  leurs  cris,  les  exhortaient  à 
souffrir  un  peu,  quelques  moments  encore  , 
pour  entrer  en  possession  d'un  bonheur 
éternel.  Ils  moururent  les  uns  après  les  au- 
tres. Ce  spectacle  redoublait  les  soupirs  et 
les  sanglots  de  l'assistance. 

Ceux  qu'on  remarquait  principalement, 
parmi  cette  troupe  de  saintes  et  nobles  vic- 
times, c'étaient  Faximoto  Tafioye,  l'un  des 
plus  puissants  seigneurs  de  la  cour,  et  sa 
femme.  C'était  elle  dont  le  tyran  n'avait  pas 
voulu  permettre  qu'on  retardât  le  supplice, 
malgré  son  état  de  grossesse.  De  six  en- 
fants qu'il  avait,  l'aîné  seul  fut  sauvé ,  mal- 
gré le  père  et  la  mèie,  qui  auraient  bien  dé- 
siré se  présenter  à  Dieu  avec  le  cortège  de 
tous  leurs  enfants;  les  cinq  autres,  deux  fil- 
les ,  l'une  de  douze  ans,  l'autre  de  trois , 
trois  garçons  âgés  de  onze,  de  huit,  de  six 
ans,  se  montrèrent  tous  dignes  de  l'héroïsme 
de  leurs  parents. 

Ce  que  l'empereur  du  Japon  recherchait 
avec  le  plus  de  soin,  c'étaient  les  mission- 
naires. Dans  cette  inquisition  des  prêtres  de 
la  religion  catholique ,  il  trouva  des  auxi- 
liaires excellents  dans  les  Anglais  et  les 
Hollandais,  qui,  depuis  quelque  temps ,  ve- 


1315 


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JAP 


4516 


naient  dans  ses  Etats.  Nous  avons  déjh  dit 
que  ces  mnlheurcîux  protostants,  après  avoir 
abaniinniié  le  s^'in  de  l'Eglise  catholique, 
n'avaient  rien  plus  à  cœur  (pie  de  la  persé- 
cuter chez  ceux  qui  éta  onl  demcurrs  fidè- 
les. En  Tannée  1621,  un  navire  dîne  de  ces 
nations,  uoiuméElisahrth  (anglais,  proi)able- 
menl),  prit  un  bAtiment  j.iponais,  monté  par 
des  chrétiens  parmi  lescpiels  deux  religieux, 
déguisés  en  marchands  ;  l'un  se  nommait 
Pierre  de  Zugniia,  et  était  augustrn,  l'autre, 
nommé  Louis  Florez,  était  dominicain  :  le 
premier  Espagnol,  le  second  Fl.miand.  Le 
père  du  [)remier,  marquis  de  Villa-Manii- 
que,  avait  gouverné  le  Mexi(iue  en  (]ualité 
de  vico-roi.  Les  Hollandais  et  les  Anglais  , 
pendant  une  année  entière,  insistèrent  pour 
les  faire  condamner  :  en  1622,  le  10  août, 
les  lieux  religieux  périrent  sur  le  bûcher, 
avec  le  capitaine  du  bfitiment  ;  tous  les  hom- 
mes de  léquipage  eurent  la  tète  tranchée. 
S'ils  eussent  voulu  aposlasier,  on  leur  pro- 
mettait la  vie:  tous  ref  isèrent. 

Ch.irles  Spinola  ,  jésuite,  né  d'une  noble 
famille  gén^nse,  neveu  du  cardinal  Spinola, 
évèque  de  Noie ,  fut  un  des  nombreux  mar- 
tyrs do  cette  persécution.  Le  désir  du  mar- 
tyre l'avait  fait  voiiir  au  Japon,  où  il  était 
arrivé  en  1602.  11  avait  travaillé  avec  un 
grand  succès  à  la  conversion  des  infidèles. 
Enfermé  par  les  Japonais  dans  une  prison  , 
il  y  soulfrit  beaucoup  de  toutes  sortes  de 
mauvais  traitements.  Il  parle  ainsi  dans  une 
lettre  écrite  de  sa  prison  :  «  Je  souiire  avec 
bonheur  pour  Jésus-Christ;  je  no  puis  trou- 
ver de  paroles  assez  fortes  pour  rendre  ce 
que  j'éprouve  ,  surtout  depuis  que  je  suis 
dans  celte  prison  ,  où  nous  sommes  assujettis 
à  un  jeûne  continuel,  Mes  forces  physiques 
s'en  vont;  mais  mon  bonheur  augmente  à 
mesure  que  la  mort  approche.  Combien  heu- 
reux serais-je  si  je  pouvais,  à  Pâques  pro- 
chain, chanter  au  ciel  Vallcluiaayec  le  chœur 
des  bieidieureux!  Ah!  dit-il ,  à  son  cousin 
Maximilien  Spinola  ,  que  vous  mépriseriez 
les  clio><es  de  ce  monde  si  vous  aviez  goûté 
les  délices  dont  Dieu  inonde  les  Ames  doses 
serviteurs.  Je  suis  disciple  de  Jésus-Christ 
de]juis  ((ue  pour  son  amour  je  soulfre  la  pri- 
son. Ce  que  je  soutfre  des  rigueurs  de  la 
faim  n'est  rien  eu  com|)araison  des  conso- 
lations (}ui  ui'arrivent.  (Juand  bien  même  je 
serais  ])lusieurs  amié(!S  eu  prison,  je  tiouve- 
rais  que  ce  seiait  peu,  tant  j'ai  l'ardeur  de 
soullVir  pour  un  Dieu  (|ui  me  récompense 
si  I  ugement  de  ce  que  j  e  idur(!.  J'ai  eu  niu- 
sieuis  maladies  ,  une  tièvre  (pii  m'a  duré 
plus  de  trois  mois  ;  j'ai  été  privé  de  tous  les 
remèdes  convenables;  eh  bien!  pendant  ce 
l(!mps-là  la  j<ù(!  (jue  je  ressentais  était  si 
grande,  que  je  renonce  h  vous  la  dire.  Je  ne 
m'appartenais  plus;  il  nu?  sinublail  déjh  jouir 
du  bonheur  céleste.  »  L(!  P.  Soinola  ayant 
a|)pris  qu'il  allait  être  brûlé  vir,  rerut  cette 
nouvelle  avec  inie  joie  indicible;.  Il  employa 
tous  les  mouMMils  (}iii  lui  rostermit  ;i  reuKM'- 
cier'  Dieu  d'une  si  grande  grAce.  D'Ouujra, 
où  d  él<»»l  en  prison,  il  fut  conduit  à  Nanga- 
Zaqui.  11  fut  mis  h  mort  sur  une  montagne  , 


près  de  cette  ville,  avec  quarante-neuf  chré- 
tiens. Parmi  ces  martyrs,  il  y  avait  neuf  jé- 
suites, six  dominicains,  quatre  franciscains: 
le  r.ste  étaient  des  laïques.  Vingt-cinti  fu- 
rent brûlés,  li'S  atdres  décapités.  Au  nom- 
bre de  ces  derniers,  Spinola,  ayant  vu  Isa- 
belle Fernandez,  veuve  de  Dominique  Geor- 
ge ,  dans  la  maison  duquel,  quatre  ans  au- 
paravant, il  avait  été  arrêté,  et  dont  il  avait 
baptisé  un  fils  qu'il  avait  nommé  Ignace, 
s'écria,  en  s'adressant  à  Isabrlle  :  «  Où  est 
mon  p(  tit  Ignace;  qu'en  avez-vous  fait?  »  Il 
ne  voyait  pas  l'enfant  (jui  était  derrièi-e  sa 
mère.  «  Le  voici,  dit-elle,  en  le  prenant  dans 
ses  bras.  Je  n'ai  pas  voulu  (pi'il  fût  piivé  du 
seul  bii  n  ({ue  je  puisse  lui  donner.  Mon  en- 
fant, dit-elle,  voici  votre  père;  })riez-le  qu'il 
vous  bénisse.)'  L'enfant  s'agenouilla,  joignit 
les  mains,  et  demanda  au  missionnaire  sa 
bénédiction.  Cette  action  toucha  tellement 
les  spectateurs,  qu'une  rumei;r  immense  s'é- 
leva de  tous  côtés.  On  craignait  que  le  peu- 
ple se  portAt  à  quelques  violences  ,  on  hAta 
l'exécution.  Plusieurs  tètes  tinrent  rouler 
aux  pieds  du  j)etit  enfant:  il  n'en  fut  pas 
ému.  Quand  on  fra[)pa  sa  mère ,  il  vit  tom- 
ber sa  tète  sans  changer  de  couleur,  et  re- 
çut le  coup  mortel  avec  une  étonnante  intré- 
pidité. Quand  on  en  eut  fini  avec  ceux  qui 
devaient  être  décapités,  on  plaça  leurs  têtes 
vis-à-vis  ceux  qui  devaient  p  'rir  par  le  supr 
plice  du  feu.  On  l'alluma;  il  était  h  vingt- 
cinq  pieds  de  distance  des  poteaux.  Le  bois 
était  tellement  arrangé  qu'il  ne  pouvait  brû- 
ler que  lentement.  On  éteignait  le  feu  quand 
il  gagnait  trop  vile.  Le  P.  Spinola  donna  l'ab- 
solution à  Lucie  Fraitez,  qui  se  trouvait  at- 
tachée auprès  de  lui.  Se  tournant  ensuite 
vers  le  président,  il  lui  dit  à  haute  voix  : 
«  A'ous  voyez  bien  ce  que  les  missionnaires 
viennent  chercher  ici.  Leur  joie,  au  milieu 
d'un  tel  supplice,  ne  doit-elle  |)as  faire  tom- 
ber tous  les  sou[)çons  cpi'on  a  contre  eux?» 
Puis,  parlant  à  l'assemblée,  il  dit  :  «  Ce  feu 
qu'on  allume  pour  nous  faire  mourir,  n'est 
que  l'omijre  de  celui  que  Dieu  alhnne  pour 
punir  éternellement  ceux  qui  n'auront  pas 
voulu  le  reconnaitro  ,  ou  qui  l'ayanl  recon- 
nu, n'auront  pas  vécu  d'une  manièie  con- 
forme à  ses  saints  commandements.  »  Le 
martyre  de  ce  saint  dura  plus  de  thnix  heu- 
res. Il  mourut  à  l'Age  do  cinciuante-huilans, 
le  2  sepl(nnbre  1622. 

L'Angleterre  et  la  llollandt;  porteront  de- 
vant la  post 'rilé  toute  entière  le  stigmate 
hont(Mix  (l(ï  leur  conduite  dans  ces  ciicons- 
t.nices  (h'jilorables.  Ces  duu\  nations  fuie  d 
cause  de  11  persécution  qui  anéaniii  dans  le 
Japon  celle  belle  civil  sation  chrétienne  (|uo 
les  missionnaires  y  avaient  fade  :  v[  (piand 
nous  disons  civilisation  i  hrétienne,  on  doit 
sav(Mr  quelle  est  la  valeur  de  ce  mot  ;  car  le 
(•lu  islianisme  est  lellambeaii  plae('>  ainenlro 
du  monde  jiour  l'éclairer.  Tous  ceux  (jui  s'ap- 
prochent de  cette  sainte  lumière  voient  ileu- 
rir  à  s(>s  spUsiidides  clartés,  leurs  aiMs,  leurs 
institiilions,  tous  b.'S  progrès  de  l'esprit  hu- 
main s'accomplir,  luus  ceux  qui  au  con- 
traire en  demeurent  éloignés,  restent  d'au- 


1317  JAP 

t;iM(  pins  ontnnr(^s  dnns  les  t(Vi(*'l)i'fS  do  l'i- 
^iHiin<Ci'  <'l  <le  la  harhaiio,  (iirils  sont  h  [)lus 
l^i-'uidi' (lisla-v-o.  Aussi  ai-jo  dit  avoc  i-aisoii 
n  llriirs.  que  l'IuiMiniiilé  est  divisj'M'  en  zones 
do  >l  ri<:vai;iU*  est  le  cnitio,  et  dans  ces  zo- 
n.  s  riinniaMiK''  i^faMdit.  ol  prospt^ic  f)  raison 
dirent'  de  la  (|na  itilô  do  Inniirrc;  (pTelh;  oti 
rccnii  Les  An.^lais  cl  les  Hollandais  ayant 
6U-[\a  chez  enx  une  partie  de  celte  Inniièro, 
ont  coitiibtié.^  l'cteiMiiri' anlaMl  (jiw!  possi- 
ble on  le  calliolieisnie  l'allnniail  (I).  Pour  ra- 
cheter un  tel  passé,  il  tant  que  ces  dewK 
nations  ,  pcnilenles  pnbli(pies  devant  l'iil- 
gliso  et  l'humanité,  se  sonnietlenl  à  l'auto- 
rité (pfeiles  ont  méconnue,  aux  croyances 
qu'elles  ont  apostasiées  et  qu'ensuite  elles 
se  fassent  npAtres  aussi,  elles,  des  nations 
qu'elles  ont  caitribné  à  assassiner  et  à  pri- 
ver du  llambeau  de  la  loi. 

l)ef)uis  la  ni  rsécntion  de  1022,  persécution 
allumée  |)arle  mercanlilisme  des  [)rotoslants 
d'Anglclerro  et  de  Hollande,  la  fureur  de  la 
tempête  ne  fit  que  s'augmenter  au  Japon. 
Le  11  septembre  1G22,  onze  chrétiens  laï- 
ques, plusieurs  missionnaires,  furent  déca- 
pités c\  Nangazaqui.  Le  12  du  môme  mois, 
Omura  vit  les  feux  des  bûchers  dévorer  an 
dominicain,  trois  frères  mineurs,  un  augustin, 

(I)  Ceux  qui  ne  voient  les  choses  qu'à  la  superficie 
seront  lenlés  de  trouver  fausse  celte  appréciation, 
surtout  relativenieiit  à  l'Angleterre.  En  ciret.en  con- 
sitloianl  celle   iuMuense  usine   d'oi'i    s'élèvent  sans 
cesse  tous  les  hurlenienls  de  rinduslrie  humaine  , 
où  toute  l'exisleiicc  individuelle  ou  nationale  se  ré- 
sume par  Doit  et  par  Ai'Oi'r,  oîi  le  luxe  des  grands 
indusiriels  jette  un  si  vif  éclat,  on  est  tenlé  de  croire 
rAngleterre  heunMise,  morale,   civilisée.  Heureuse, 
elle  ne  l'csl  pas  :  Depuis  qu'Henri  VUI  et  ses  succes- 
seurs ont  volé  au  profil  de  la  couroime  et  des  grands 
les  hiens  d'Eglise  qui  noanissaient  le  peuple, et  créé 
une  aristocratie  (pii  doit  sa  puissance  à  ses  immenses 
richesses,  la  moitié  du  pei;pîe  anglais  est  plongé  dans 
la  plus  atlreuse  misère.  A  Londres  notamment,  cet 
ilo'.e  de  rinduslrie  est  jilus  malheureux  cent  fois  que 
ne  l'élaieul  ceux  de  l'anlique  Grèce,  el  ces  esclaves 
des  temps  modernes  dont  l'émancipation  irréfléchie 
a  p  u-loiit  enfanté  des  désordres.  L'Angleterre  est-elle 
morale? ...  Oui  ;    dans  le    langage,    celte  n  .tion  a 
toute  la  pruderie  de   la  vertu  qu'en  fait  elle   met 
sous  ses  pieds.  Dans   ses  relalious  on  sail  comhien 
elle  est  estimée  parles  autres  peuples,  el  powr  cause. 
La  foi  carthaginoise  est  devenue  son  modèle,  qu'elle 
a  surpassé.   Dans  sa  vie   iiilime,   sa  morale ,   c'est 
l'argent;  sa  justice,  c'est  l'argent  ;   une   seule  chose 
pour  elle  vaut  mieux  ,  c'est  for.  I/Auglais  :;chète  et 
vend  tout  :  il  est  aux  deux  extrémilés  de  la  mesure 
de  fhiiinauilé,  avili  ou  orgu  illeux  au  delà  ce  loiite 
expression.  Le  noliK-  lord  (itii  éliucelie  d  or  et  de  luxe 
s'enivre  et  se  dégrade  iians  f orgie  comme   le  porte- 
faix qui  fréquente  les  houges  voisins  de  la  Tour  de 
Lon.ires...  L'Aiigleterre  est-elle  civilisée?  Oui.  si  on 
considère  sa  puissance,  ses  arts,   sa  police.  Mais  un 
peuple  qui  se  fait  le  bourreau  de  l'Irlamle,   qui  fait 
la  guerre  aux  Ciiinois  pour  les  conlrain  ire   à  s'em- 
poisonner d'opium,  qui,  potn-  une  ndscrahlc  ques;io!i 
d'argent  fuit   la  guerre  à  la  Grèce,  cette  protégée 
de  tout  ce  qui  porte  un  cœur  nohle   el  généreux, 
celte  nation  qni  pour  houclier  n'avait  (pie  sa  faiblesse 
et  le  prestige  de  sesgloires  passées;  ce  peuple, dJs-je, 
est-il  un  peuple  civilisé,  ou  n'est-il  pas  plutôt  le  fli- 
bustier moderne  qui  met  son  intérêt  avunt  le  culte 
de  Thumanité,  avant  le  respect  dii  à  la  faiblesse, 
avant  la  vénération  des  grandeurs  tombées? 


JAP 


1318 


plirs  deux  frères  du  tiers  ordre.  Le  Père  do 
(lonstanzo  fut  bi  ilh'ii  l'iraiidotroisjouisaprès. 
Le  2  du  mois  suivanl,  un  caléchislf  endura 
le  mémo  su[)|jlico,  après  avon-  subi  di\-s('pt 
espèces  de  loitnre.  On  décapita  sa  fummi) 
avec  ses  deux  lils;  l'un  avait  huit  ans,  l'au- 
Ire  (pialre.  Le  Père  jésuite  Navarro  fut  brillé 
h  Xnnabara  le  l"  fiovend)re  avec  trois  chré- 
tiens du  Japon. 

L'année  d'après,  lo  nouvel  empereur  rem- 
plit tontes  les  prisons  de  chrétiens  arrêtés 
dans  les  provinces  (pii  avoisiiiaient  Vcdo. 
Cei;e  ville  vit,  le  k  déccndjre,  brûler  cin- 
quante d'enlre  eux  ;  h;  21),  vinjj,t-(juatre  au- 
tres, ctdi\-se[)l  quhpies  jours  après  ;  dans 
le  pays  ilOxa  bc'aucoup  ûo,  martyrs  finent 
briilés  ;  beaucoup  iuretit  mis  sur  des  étangs 
glacés  où  on  les  laissa  mourir  de  froid.  La 
civilisation  anglaise  commençait  à  [)énétrer 
au  Japon:  ce  supplice  était  d'importation  an- 
glaise. Nous  avons  vu  les  dignes  ministres 
de  Henri  Vlll  s'en  servir  contre  les  catholi- 
ques de  leur  pays.  Plus  on  faisait  mourir  de 
martyrs,  ])lus  le  noud)re  des  chrétiens  aug- 
mentait. En  1624,  la  fureur  de  la  persécution 
fut  si  grande  qu'il  semblait  qiie  la  moitié  de 
l'empire  fût  levée  pour  exterminer  l'autre. 
On  ne  se  contentait  plus  d'égorger  les  vivants, 
la  rage  des  bourf  eaux  s'attaquait  môme  aux 
morts.  On  violait  les  tombeaux,  on  en  arra- 
chait les  reliques  des  saints  et  on  les  détrui- 
sait au  milieu  des  scènes  de  profanation  les 
plus  révoltantes.  Les  royaimies  de  Bungo,  do 
GoUo  ,  de  firando,  de  Bijgcn,  à^Aqui,  de 
Fingo,  d'Fo,  sont  inondés  du  sang  des  mar- 
tyrs ;  l'exil  des  chrétiens,  qui  s'en  vont  en 
masse,  y  fait  la  solitude  :  à  TsugarU,  on  brûla 
beaucoup  de  chrétiens,  beaucoup  périrent 
de  misère.  Quelque  forte  que  fût  alors  la 
persécution,  elle  augmenta  encore  en  1G27. 
Voici  la  relation  qu'en  ont  faite  les  Hollan- 
dais (Gharlevoix,  Histoire  du  Japon,  tome  V, 
l.  I",  p.  178)  : 

«  Aux  uns,  disent-ils,  on  arrachait  les  on- 
gles, on  perçait  aux  autres  les  bras  et  les 
je  tubes  avec  des  vilbrequins,  on  leur  enfon- 
çait des  alênes  sous  les  ongles,  et  on  no  se 
conlentailpasd'avoir  fait  tout  celauneiois,on 
y  revenait  [)lusieurs  jours  de  suite.  On  esi 
jetait  dans  des  fosses  pleines  de  vipères; 
on  remp^lissait  de  soufre  et  d'autres  matières 
infectes  de  gros  tuyaux,  et  on  y  mettait  le 
feu  ;  puis  on  les  apiiliquait  au  nez  des  pa- 
tients, alin  qu'ils  en  respii^assent  la  fumée, 
ce  ([ui  leur  causait  une  douleur  intolérable. 
Quelques-uns  étaient  piiptés  par  tout  le 
c'orps  avec  des  roseaux  })ointus  ,  d'autres 
étaient  brûlés  avec  des  torches  ardentes. 
Ceux-ci  étaient  fouettés  eri  lair,  jusqu'à  ce 
que  les  os  fussent  tout  décharnés  ;  ceux-là 
étaient  attachés  les  bras  en  croix,  à  de  gros- 
ses poutres  quon  les  contraignait  de  traîner 
jusqu'A  ce  qu  ils  lombassent  en  défaillance. 
Pour  faire  souffrir  doublement  les  mères, 
les  bourreaux  leur  fra|)paient  la  tète  avec 
celle  de  leurs  enfants,  et  leur  fureur  redou- 
blait à  mesure  que  ces  petites  créatures 
criaient  plus  haut.  La  plupart  du  temps, 
tous,  hommes  et  femmes  étaient  nus,  même 


1319 


JAP 


JAP 


1520 


les  personnes  les  plus  qualifiées,  et  pendant 
la  i)liis  riitie  saison.  Tanlôl  on  les  promenait 
en  cet  état  de  ville  en  ville  et  de  bourgade  en 
bourgade;  tantôton  lesattaehail  à  des  poteaux 
et  on  \es  contraignait  de  se  tenir  dans  les 
postures  les  jilus  humiliantes  et  les  plus  gê- 
nantes. Pour  l'ordinaire,  ou  ne  les  laissait 
})as  un  moment  en  repos  ;  les  bourreaux, 
comme  autant  de  tigres  allâmes,  étaient  sans 
cesse  occupés  à  imaginer  de  nouvelles  tortu- 
res. Ils  leur  tordaient  les  bras  jusqu'à  ce 
qu'ils  les  eussent  tout  à  fait  disloqués  ;  ils 
leur  coupaient  les  doigts,  y  applicpiaient  le 
feu,  en  tiraient  les  nerfs  ;  enlin  ils  les  brû- 
laient lenteuient,  passant  des  tisons  ardents 
sur  tous  les  membres.  Chaque  jour,  et  quel- 
quefois chaque  moment  avait  son  supp  ice 
particulier.  Cette  barbarie  lit  bien  des  apos- 
tats; mais  le  nombre  des  martyrs  fut  très- 
grand  et  la  plup:u-l  même  de  ceux  qui  avaient 
cédé  à  la  rigueur  des  tourmeils,  n'étaient 
pas  plutôt  remis  en  libellé,  qu'ils  faisaient 
ouv^Ttement  pénitence  de  leur  infidélité. 
Souvent,  on  ne  faisait  pas  semblant  de  s'en 
apercevoir,  on  voulait  avoir  l'honneur  de 
faire  tomber  ries  chrétiens,  et  quelquefois  il 
suffisait  que,  dans  une  grande  troujie,  deux 
ou  trois  eussent  témoigné  de  la  faiblesse 
pour  les  renvoyer  tous,  et  publier  qu'ils 
avaient  renoncé  au  christianisiue.  11  y  en 
eut  même  à  qui  l'on  prit  par  force  la  main 
pour  leur  faire  signer  ce  qu'ils  détestaient 
a  haute  voix.  Enfiii  plusieurs,  a[)rès  avoir 
été  mis,  à  force  de  tortures,  dans  l'état  du 
monde  le  plus  déplora!)le,  étaient  livrés  à  des 
femmes  publiques  et  à  de  jeunes  filles  débau- 
chées, afi  1  que  par  leurs  caresses,  elles  profilas- 
sent de  l'atlaiblissement  de  leur  esprit  pour 
les  pervertir.  On  promena  un  jour  à  Xi- 
manara,  cinquante  chrétiens  dans  une  situa- 
tion à  les  couvrir  de  la  plus  extrême  confu- 
sion, puis  on  les  traîna  à  une  espèce  d'esjjla- 
nade  pour  les  y  tourmenter  en  toutes  ma- 
nières. Il  y  en  eut  surtout  sept,  du  nombre 
desquels  était  une  femme,  dont  le  courage 
chofjua  celui  qui  présidait  h  cette  barbare 
exécution,  et  il  s'acharna  sur  eux  avec  une 
ra-te  de  forcené  I  11  lit  creuser  sept  fosses  à 
deux  brasses  l'une  de  l'autre  ;  il  y  fit  planter 
des  croix  sur  lescpielles  on  étendit  les  pa- 
tients, et  après  qu'on  leur  eut  pris  la  tète 
entre  deux  ais  échancrés,  on  commença  à 
leur  scier  avec  des  cannes  dentelées,  aux 
uns  le  cou,  aux  autres  les  bras;  on. jetait  de 
temps  en  temps  du  sel  d/ms  leurs  plaies,  et 
ce  cruel  supplice  dura  cinq  jours  de  suite 
sans  relAche.  Les  bourreaux  se  relevaient 
tour  à  tour  ;  leur  fureur  était  obligée  de  cé- 
der 'i  la  constance  de  ces  gém-reux  confes- 
seurs de  J  sDs-C^hrist,  et  des  médecins  (pi'oii 
appelait  de  temps  en  temps  avaient  soin  de 
leur  fiire  pieidre  des  cordiaux  ,  de  peur 
(pi'uni;  nwjii  trop  fiiompt(j  m;  l(;s  dérobiU  à 
la  brutalité  d(!  leurs  tyrans,  ou  (pie  la  dé- 
faillance ne  leur  ùUU  le  sentiment  du  mal. 
("est  ainsi  (lue,  païun  rafliintment  de  cruau- 
té jusque-là  incDunii  aux  peuples  même 
les  plu.',  baibai-es,  on  employait  à  proloiig(!r 
les  soulliances  des  fidèles,  un  art  unique- 


ment destiné  au  soulagement  et  à  la  con- 
servation de  l'humanité  I  » 

L'année  1633,  le  génie  de  la  persécution 
imagina  un  supjjlice  d'un  nouveau  genre  :  il 
est  resté  connu  sous  le  nom  de  suppUce  de 
la  fosse.  A  deux  poteaux  plantés  des  deux 
côtés  d'une  fosse,  on  attachait  une  pièce  de 
bois  qui  la  traversait.  A  cette  traverse,  une 
corde  avec  une  poulie  tenait  le  martyr  i)ar 
les  pieds.  Les  mains  liées  derrière  le  dos,  on 
le  descendait  dans  la  fosse  la  tète  en  bas. 
Un  couvercle  fait  de  deux  pièces  échancrées 
s'adapiait  à  la  fosse,  ne  laissant  à  son  centre 
qu'un  tiou  oiî  le  uiarl\  r  était  pris  par  le  mi- 
lieu du  corps.  Ainsi  la  fosse  était  entière- 
ment obscure;  souvent  on  la  remplissait  à 
demi  d'immondices.  Le  premier  qui  endura 
ce  supplice,  ce  fut  Nicolas  Keyan,  jésuite  ja- 
ponais. Cent  jésuites  furent  martyrisés  à 
cette  époque  à  peu  près.  En  1636,  le  pro- 
vincial de  l'ordre  ,  Portugais  de  naissance, 
der  nier  admi  listra'eur  de  l'évêché  du  Japon, 
apostasia.  IMais,  s'étant  reconnu  plus  tard,  il 
mourut  martyr  en  1652.  En  1637,  les  chré- 
tiens iïAriina,  n'ayant  plus  de  missionnaires 
qui  leur  prêchassent  la  patience,  se  soule- 
vèrent et  vinrent  au  nombie  de  tiente-sepl 
mille,  sous  la  conduite  d'un  jeune  prince  de 
leur  nation  ,  s'emparer  de  la  vilh;  de  Xiwa- 
bara.  Une  armée  de  quatre-vingt  mille  hom- 
mes vint  les  y  assiéger.  Les  protesta'^ts  hol- 
landais ,  avec  leur  artilleiie,  s'unirent  aux 
infidèles.  Après  une  défense  désespérée , 
n'ayant  plus  ni  vivres  ni  mui. liions,  les  chré- 
tiens sortirent  en  bataille  et  se  firent  tuer 
jusqu'au  dernier  en  se  défendant  avec  cou- 
rage. En  16'i-0,le  roi  de  Portugal  envoya  au  Ja- 
pon quatie  ambassadeurs  suiv. s  de  soixante- 
quatorze  personnes,  ils  furent  }»ris,  sommés 
de  renoncer  au  chiistianisme,  et,  sur  leur 
refus,  on  les  fit  moui  ii'  tous,  à  l'exception  de 
treize  matelots,  (pii  furent  renvoyés  à  Macao 
avec  une  lettre  ainsi  conçue  :  «  Tant  que  la 
lumière  du  soleil  vivifiera  la  terre,  que  pas 
un  chrétien  n'ait  la  hardiesse  d'entrer  au 
Jaf)on.  Qu'ils  sachent  fois  que  si  le  roi  Phi- 
lip[)e  lui-même,  le  dieu  des  chrétiens,  Aora, 
l'un  des  principaux  dieux  de  notre  empire, 
contrevenaient  à  cette  défense,  ils  auraient  -n 
la  tête  tranchée.  »  Depuis  lors,  pour  être  sur  '  ' 
de  découvrir  les  chrétiens  dans  toutes  les 
piovinces  où  l'on  soupco  ne  (pi'il  y  en  ail, 
l'empereur  contraint  ,  uiu^  fois  par  an  ,  tous 
les  habitants  à  f  .uler  aux  pieds  la  croix  et 
des  images  chrétiennes.  Dej)uis  celte  épo- 
que, beaucoup  de  missionnaires  ont  lenlede 
pénétrer  an  Japon;  plusieurs  y  ont  réussi 
mais  y  ont  trouvé  la  mort.  Le  dernier  sur 
le  piel  on  ait  des  renseignemenls  ceitains 
est  l'abbé  Sidolti,  missioinnire  sicilien  ,  (jui 
y  arriva  en  oclohre  17U1).  Pris  aussilôt,  il  l'ut 
conduit  à  NdiKjnzaqui  puis  à  IVV/o,  où  on  le 
laissa  en  prison  |ilusieiirs  amu'es.  Ayant, 
malgré  cela,  liouvi'  moyen  de  baptiser  [ilu- 
sieurs  Japonais,  il  liil  muré  d.uis  un  trou 
ipii  avait  (piatre  ou  cinq  pieds  de  |  rol'on- 
(ieur;  uiw  iielile  ouveituie  avait  été  l.iissée 
I  our  qu'on  put  lui  [tasser  à  manger.  Il  péril 
dans  ce  clua(pii.'  après  y  avoir  souirert  louy- 


1321 


JAS 


temps.  Dans  le  xvir  siècle,  lo  Japon  a  doiint^ 
À  l'Kgliso  environ  deux  millions  de  ni.ir- 
lyrs. 

OiH'l  est  ni;»iiilen<iiit ,  dans  co  pays,  l'état 
de  la  religion  ?  On  l'ignore.  Il  y  a  des  lioni- 
nies  (pii  prêchent  volontiers  (jii'on  a  le  droit 
de  toi'crr  les  peuples  h  deveiiii-  philosophes. 
S'ils  avaient  la  puissance,  ils  nous  iuipos(î- 
rai(Mil  ,  de  par  la  supérior-ité  ih;  leur  raison, 
r.nl)et  et  son  Icarie,  Fourrier  el  son  phalans- 
tère; (piesais-je?  |ieut-cMr(^  luOiue  le   coiu- 
îuunisiue  dans  toute  l'acception  du  mot.  Or 
<-t's  lu)ninu\s-là  IcouvimU  très-l)on  (|ue  ,  sous 
prétexte  de  liberté  violée  et  d'iMivahissenunit 
de  leri'iloir(\  on  hrûh^  les  uiissionnaires.  En 
attendant  qu'eux-mêmes  deviennent  martyrs 
pcuu'  leiu's  convictions,  rE;i,lisc!  ne  demande 
qu'une  chose  ,  la  liberté  d'ensei;;,iuM'  égale 
pour  tous,  (^ette  liberté  est  lui  droit  dés  que 
relui  (]ui  enseigne  et  que  celui  ipu   reçoit 
l'enseigiHMuent  restent  complètement  en  de- 
hors de  la  politicpie,  ce  droit  individuel  des 
nations.  Nous  ne  voyons  pas  (pi'il  puisse 
exister  pour  un  peuple  de  droit  (pii  l'auto- 
rise h  se  nuu'er  chez  lui  et  à  ne  i)ns  recevoir 
d'étrangers.  C'est  ici  l'occasion  de  dire  que 
si  tous  les  hommes  ont  une  patrie  distincte, 
ils  sont  avaid  tout  citoyens  de  l'univers,  et 
que  l'humanité  tout  entière,  en  progressant 
dans  l'avenir,  accomplit  une  nnssion  où  il  y 
a  i)our  toutes  les  nations  qui  la  composent 
solidarité  de  devoirs  et  d'avantages.  Aucune 
n'a  le  di'oit  de  refuser  absolument  h  l'autre 
ses  lumières ,  ses  arts  ,  sa  civilisation  ,  les 
produits  de  son  sol,  ce  qui  }ieut  rendre  l'hu- 
manité meilleure  ou  plus  heureuse.  Atten- 
dons avec  confiance  que  ces  principes  soient 
universellement  reçus;  ils  ne  peuvent  tarder 
à  l'être.  Alors  la  lumière  éteinte  ou  afl'aiblie 
dans  le  Japon  reprendra  son  éclat;  la  justice 
remplacera   la    tyrannie.    L'humanité   aura 
fait    un  pas.    Il  y  a  quelque  chose  de  pi- 
toyable dans  le  spectacle  de  ce  qu'on  nomme 
la  j)olitique,  concentrant  toutes  ses  vues  sur 
les  intérêts  mesquins  qui  nous  divisent,  et 
ne  se  donnant  pas  la  peine  de  comprendre 
qu'il  serait  digne  de  grandes  nations  de  se 
faire  apôtres  de  celles  qui  croupissent  en- 
core dans  les  ténèbres  dont  l'idolâtrie  avait 
couvert  le  monde.  Heureusement  les  chré- 
tiens savent ,  les  piophètes  l'ont  dit  ,  qu'un 
jour  viendra  où  le  genre  humain  tout  entier 
se  groupera,  dans  une  unité  fraternelle,  au- 
tour de  celle  chaire  romaine  dont  Dieu  a  fait 
la  pierre  fondamentale  de  son  Eglise  et  le 
centre  des  civilisations  humaines. 

JASON,  de  Thessalonique,  logea  chez  lui, 
en  l'année  52,  saint  Paul  et  saint  Silas.  Les 
juifs  de  la  ville,  ayant  soulevé  le  peuple, 
vinrent  fondre  sur  sa  maison  dans  le  des- 
sein d'enlever  Paul  et  Silas  :  ne  les  ayant 
pas  trouvés  ,  ils  saisirent  Jason  et  le  menè- 
rent aux  magistrats  ,  qui  le  renvoyèretit  à 
condition  de  représenter  les  accusés.  Ce  fut 
Jason  qui  s'oifrit  généreusement  pour  servir 
de  caution.  11  paraît ,  par  l'Epître  aux  Ro- 
mains, que  ce  saint  personnage  était  parent 
de  saint  Paul.  Les  Grecs  le  font  évoque  de 
DicTiONN.   DES  Persécutions.  L 


JE A  i323 

Tarse  1^  en  Ciliîie,  et  célèbrent  sa  fôte  le  28 
avril. 

JASON  (saint),  frère  de  saint  Maur,  fds  de 
saint  Cdaude,  tribun  cl  martyr,  et  de  sainte 
Hilarie,  aussi  martyre  ,  donna  sa  vie  pour  la 
foi  chrétiemu;  avec  sou  père;  et  son  frère  el 
soixante-dix  soldats,  dans  la  ville  de  Home, 
sous  l'empire  (h;  Numéi-ien.  Ce  piirxo,  (mi 
avait  fait  précipiter  dans  le  Tii)re  Claude, 
attaché  à  un  (piartier  de  rocher,  lit  décajjiter 
les  deux  enfants  avec  les  soixante-dix  sol- 
dats. Sainte  Hilarie  eut  soin  de  faire  enter- 
rer ses  deux  lils,  dont  elle  avait  pu  ravoir- les 
corps.  Les  relicpii'S  de  saint  Jason  sont,  avec 
celles  de  saint  Maur  son  frère  ,  et  celles  de 
sa\nU\  Hilarie  sa  mère,  dans  l'église  Cnthé- 
drale  de  Luc(pn'S  ,  où  elles  furent  transfé- 
rées après  (pi'on  les  eut  retii'ées  de  l'église 
de  Sai'de-Praxède  ,  où  le  pape  Pascal  I"  les 
avait  fait  (h'!|)OS(!r.  L'Eglise  honore  la  mé- 
moire de  saint  Jason,  avec  ccHliMleson  père, 
de  sa  mère,  de  son  frère  et  des  soixante-dix 
sohiats,  le  3  décembre. 

JASON,  nom  du  juge,  qualifi'  président, 
qui  lit  mourir  pour  la  foi  à  Corinlhe,  sous  la 
])eisécution  de  Dèce,  les  saints  Codrat,  De- 
nys,  Anect,  Cyprien,  Paul  et  Crescent. 

JEAN-BAPTISTE  (saint),  martyr,  précur- 
seur (ie  Jésus-Christ,  eut   pour  père  Zacha- 
rie.  C'était  un  prêtre  de  la  race  d'Aaron  et 
de  la  famille  d'Abia,  la  huitième  des  vingt- 
quatre  familles  ou  classes  que  David  avait 
établies  pour  faire  les  fonctions  sacerdotales 
chacune  à  son  tour  durant  une  semaine.  La 
mère  de  notre  saint    était  Elisabeth,  aussi 
de  la  race  d'Aaron  et  parente   de  la  sainte 
Vierge.  Ils  étaient  tous  deux  justes  et  saints 
devant  Dieu  môme  et  ils  observaient  tous 
ses    commandements    d'une   manière   irré- 
préhensible.  Ils  n'avaient  point  d'enfants, 
parce  qu'Elisabeth  était  stérile,  et  ils  étaient 
déjà  avancés  en  Age,  Mais  l'ange  Gabriel 
vint  annoncer  à  Zacharie  au  moment  où  il 
otTrait  l'encens    dans  le  temple  qu'il  aurait 
un  fds,  ordonnant  que  cet  enfant  serait  ap- 
pelé Jean  et  qu'il   ne  boirait  rien  qui  pût 
enivrer.  Zacharie  n'eut  pas  assez  de  foi  à  ce 
que  lui   dit  l'ange  :  c  est  pourquoi  il  resta 
muet  depuis  ce   temps-là  jusqu'à   ta  nais- 
sance de  son  fils.  Saint   Ambroise  dit  qu'il 
perdit  l'ouïe  avec  la  ])arole,  comme  le  texte 
grec  porte  à  le  croire  :  l'Evangile  dit  en 
effet  qu'on  lui  parlait  par  signes.  Zacharie 
s'en  revint  chez   lui   tout  triste,  dit  saint 
Paulin,  demandant  pardon  à  Dieu  pour  ses 
péchés  dans  le  secret  do  son  cœur.  Lorsque 
le  temps  de   son  ministère  fut  accompli,  il 
s'en  alld  en  sa  maison  qui  était  dans  une 
ville  iid   la  tribu  de  Juda,   située   dans  un 
pavs  dé  montagnes.  On  croit  que  c'est  celle 
d'Hébron.  Quelque    temps  après,  Elisabeth 
conçut  l'entant  que  l'ange  lui  avait  prorais. 
Durar'it  cinq  mois,  elle  cacha  la  grâce  qu'elle 
se  réjouissait  d'avoir  reçue  de  Dieu,  par  une 
pudeur  et  une  modestie  dignes  de  sa  sain- 
teté.' 


(1)  Einon  p;is  TAmct', comme  l'écrivent  lesauteui's 
d'uni  célèbre  Dictioimair   Imtoriaue. 

i2 


10-25 


JEA 


JEA 


1324 


Elisabeth    était   dans  son  sixième  mois, 
q-riM.l  Diau  lit  conn  îlre  h  la  sainle  Vior.^e 

3 ne  sa  co.isine  avait  conçu.  Marie  se  liÀla 
'  traverser  une  partie  de  ïa  Judée  et  vi'il  à 
Hébron  pour  rendre  à  Elisabeth  toute  l'assis- 
tance dont  elle  [lourrait  avoir  besoin.  Saint 
Jean,  qui  n'était  pas  encore  né,  témoigna  par 
un  tressaiilemi-nt  de  joie  tout  miraculeux 
la  connaissance  qu"d  eut  que  son  Seii^neur 
venait  le  sanclilier.  La  sainte  Vierge  était 
encore  auprès  de  sa  cousine  quand  cette 
dernière,  arrivée  enfin  à  son  terme,  causa 
par  son  heureux  accouchement  à  tous  ses 
pro.hes  et  à  ses  voisins  la  joie  (]ue  lange 
a-,  ait  prédite.  Quand  on  vint,  le  huitième 
j'iur,  pour  circoncire  l'enfant,  sa  mèie  vou- 
lut qu'on  le  nommU  Jean,  selon  l'ordre 
que  l'ange  avait  donné  à  son  père.  Les  pa- 
rents aimaient  mieux  le  nommer  Zacharie  : 
sur  quoi,  le  père  ayant  écrit  ([uc  son  nom 
devait  être  Jean,  sa  langue,  que  son  incré- 
dulité avait  liée,  fat  déliée  par  sa  foi  et  par 
s  in  obéissance.  Non-seulement  il  obtint  le 
pardon  de  sa  faute,  mais  il  reçut  encore  la 
gi\ke  de  la  pophétio,  et  publia,  par  un  cé- 
lèbre cantique,  (fue  Dieu  allait  accomplir 
les  iiromesses  qu'il  avait  faites  à  Abraham, 
que  le  Messie  était  près  de  paraître  et  que  son 
fils  serait  son  pro^jhèle  et  son  précurseur. 
Tous  ceux  qui  demeuraient  dans  les  lieux 
voisins  furent  saisis  do  crainte  et  d'étonne- 
ment  en  voyant  une  naissance  accom[)agnée 
de  tant  de  merveilles.  Le  bruit  s'en  répandit 
dans  tout  le  pays  des  montagnes  de  Judée, 
et  tous  ceux  qui  en  entendirent  parler  se 
disaient  les  uns  aux  autres  :  «  Que  pensez- 
vous  (jue  sera  un  jour  cet  enfant  ?  » 

Notre  saint  fut  élevé  dès  son  enfance  dans 
le  désert;  on  croit,  sur  une  vision  rapportée 
par  un  auteur  assez  ancien,  qu'il  demeurait 
en  un  lieu  nommé  Sapsas,  dans  une  caverne, 
environ  à  un  raille  au  delà  du  Jourdain.  Sa 
nourriture  se  composait  de  miel  sauvage  et 
do  sauterelles,  que  les  pauvres  gens  man- 
geaient en  Palesti  le;  son  vêtement  était  de 
poil  de  chameau  et  serré  par  une  ceinture  de 
cuir  qu'il  portait  autour  de  ses  reins.  Siint 
Pierre  d'Alexandrie,  martyr  illustre  et  l'un 
des  plus  anciens  Pères,  r.ipporle  que  quand 
Hérole  chercha  Jésus  Christ  [)Our  le  tuer,  il 
voulut  faire  mou/ir  ég dément  saint  Jean; 
mais  que  n'ayant  |)u  le  trouver  dans  le  dé- 
sert qui  le  protégeait,  il  lit  mourir  Zacliarie, 
son  père,  entre  lo  temple  et  l'autel,  c'est-à- 
diro  e'itre  le  tem ;)le  où  les  prêtres  seuls 
entraient  et  l'autel  des  holocaustes  qui  était 
dans  la  place  dudevatit. 

A|)rès  fpie  saint  Ji;an  eut  passé  trente  ans 
et  plus,  do  cette  sorie,  dans  le  désert.  Dieu 
le  mauilesta  au  monde  en  la  (pmi/.ième  an- 
née de  l'einjiereur  'l'ibère  ((•ommciuxMi  le  2'J 
août  fie  l'an  2S  de  l'eriî  (;ominune).  Il  lui 
parla  dans  le  désert  et  lui  ordonna  d'aller 
préparer  la  voie  au  M(;ssie,  S(don  c(j  (pj'isaio 
et  .M.ilacliie  avaient  |)roph(!tisé  do  lui.  11  vint 
doie;  aut(jui'  du  Jourdain,  dans  le  pays  (pi'on 
appelait  la  Pérée,  parce  ([u'il  était  au  delà 
de  (;(:tl(j  rivière  a  l'égard  de  Jérusalem.  Il 
prêchait  à  tout  lo  monde  de  l'aire  iténitence, 


et  donnait  à  cnacun  de  ceux  qui  venaient 
le  trouver,  les  inslinictions  nécessaires  selon 
son  état.  Il  leiu-  faisait  reconnaître  leurs  pé- 
chés, les  leur  taisait  confesser  et  les  bap- 
tisait dans  les  eaux  du  Jourdain.  Bientôt  sa 
réputation  devint  si  grande  dans  la  Judée, 
qu'on  le  prenait  pour  le  Messie;  mais  |)lein 
d'immilité,  le  saint  précurseur  répondit  qu'il 
n'était  venu  ([ue  {)our  |M"é|)ai'er  ses  voies  et 
qu'd  n'était  pas  même  digne  de  se  prosterner 
devant  lui  pour  dénouer  les  cordons  de  ses 
souliers.  Il  biiptisa  bientôt  J;>sus  lui-même, 
et  quand  ce  derni(n' sortit  des  eaux  du  Jour- 
dain, les  cunix  s'ouvrirent  et  le  Saint-Es[)int 
descendit  sur  Jésus  sous  la  forme  d'une  co- 
lombe. Il  est  probable  que  tous  ceux  qui 
étaient  présents  virent  ce  miracle  aussi  b:en 
que  Jean.  On  croit  généralement  que  Jésus 
fut  baptisé  le  G  janvier  de  l'an  30  de  l'ère 
commune. 

Saint  Jean  continua  à  baptiser  jusqu'à  son 
emprisonnement,  qui  arriva  apparemment 
vers  la  lin  de  la  même  année  où  il  avait 
baptisé  (an  30  de  l'ère  commune).  La  cause 
de  sa  détention  fut  la  lib  rté  avec  laquelle 
il  reprenait  Hérodo  (Anlipas  le  Tétrarque)  de 
toutes  ses  méchancetés,  et  particulièrement 
do  ce  qu'il  avait  épousé  Hérodiade  femme 
de  son  frère  Philippe,  qui  est  nommé  Hérode 
parJosèpho  et  qui  était  né  de  Mariamme,  hlle 
de  Simon,  granu  pontife.  Car  il  ne  faut  \)?.s 
le  confondre  avec  Philippe  le  Tétrarque,  son 
frère,  né  d'une  CléopAtre  de  Jérusalem.  Cet 
Hérode  (Philippe)  avait  été  d'ahoid  nommé 
par  son  père  pour  succéder  à  la  couronne 
au  défaut  d'Antipater.  Héro;liade,  sa  femme, 
était  aussi  sa  nièce,  fille  d'Arislobule,  tille 
du  grand  Hérode,  et  sœur  d'Agrippa  qui  fut 
depuis  roi  de  Judée.  Elle  eut  de  ce  mariage 
une  fille  nommée  Salomé,  célèbre  dans  l'his- 
toire de  l'Evangile.  Hérode  le  Tétrarque 
ayant  vu  cette  Hérodiade  un  jour  qu'il  lo- 
geait chez  son  mari  en  allant  à  Rome,  con- 
çut pour  elle  une  passion  illégitime  et  lui 
parla  de  l'épouser.  Elle  n'eut  point  hor- 
reur d'une  proposition  si  criminelle  et  de- 
meura d'accord  de  se  retirer  chez  lui  loiv>- 
qu'il  serait  revenu  de  Rome  à  condition 
qu'il  répudierait  la  fille  d'Ai:çUa3,  roi  d'Ara- 
bie, tju'il  avait  épousée  longtem])s  aupara- 
vant. 

Il  semble  que  ce  mariage  où  toutes  les 
lois  étaient  violées  fut  fait  fort  peu  après  la 
naissance  de  Salomé.  Saint  Jean  en  repré- 
senta le  crime  à  Hérode  le  Tétrarque  et  lui 
dit  qu'il  ne  lui  était  pas  permis  d'avoir  la 
femme  de  son  frère,  à  qui  d  l'avait  ravie  do 
Son  vivant  et  dont  elle  avait  eu  dos  enfants, 
ce  qui  suDisait,  (piand  il  eût  été  nuirl,  pour 
reuvire  <;(>  mariage  criminel,  mêiii(>  selon  les 
lois  qui  s'observaient  alors  parmi  les  Juifs. 
Mais  Hérode  montra  qu'il  a\ait  toute  la  du- 
roté  ou  plutôt  la  cruaulé  ord  naire  des  Juifs 
contre  les  jtru  ihèl(;s  ;  car,  n(>  |)ouvant  souf- 
frir des  roj>rés(!:ilali<>ns  si  généreuses,  il  lit 
arrêlin-  le  suint  ftr('*(Uiseur  (îI  l'envoya  char- 
gé de  ehaines  au  ch.heau  de  Ma(piei()nte. 
Josephe  dit  cpu!  ci;  lut  par  raison  d'I-^lal  et 
par    politii|ue    qu'Héiode    lit    cmpiisomior 


I 


I52r)  jf:.\ 

saint  Jean  et  lo  fit  enliti  mourir.  Kt  il  Ji'cst 
pas  (liflicilc  (pic  l'esprit  d'uii  prince  clt''jà  ai- 
fAv'\,  ait   craint  où  il  n'y  avait  rien  à  ciain-' 
dro;  surtout  si  cottf  crainte  lui  clail  inspirru 
})ar  les  pharisiens  ol  les  docteurs  de  la  loi, 
connue  (pichpu-s-uns  lo  tirent  de  l'Kvan^ile. 
Les  paroles  de  Josùplie  sont  trop  riMuar(pia- 
bles  pour   ne  les  pas  rapporter  ici.  «  J(  an, 
dit-il,  suriionuiié  Kaplisie,  était  un  lionune 
de  |)iélé  (pii  (>\liortait   Ibrtenient  les  Juifs  à 
enibr.isser  la  vertu,  ii  s'acquitter   par  la  jus- 
tice do  ce   qu'ils  se  devaient   les  uns  aux 
autres,  et  [)ar  la  piété  de  ce  qu'ils  devaient 
ti  Dieu  ;   h  pnrilier  leur  Aine  f)ar  l'exerc  ce 
do  la  vertu,  et  h  y  joindio  ensuite  la  |)urili- 
cation  du  corps  par  le  bapliMue.  Une  gtande 
nudliUide  de  |)eu[)le  le  suivait,  paice  (ju'on 
était   javi    d'euteudi-e  ses  discours;  et  les 
Juifs  paraissaient  prêts  h  entre|)rendre  tout 
ce  (ju'il  leur  aurait  ordonné  :  de  soi-le  qullé- 
rode,  craignant  cpie  le  pouvoir  qu'il  avait  ."^ur 
eux  n'excitAt  (piehpie  sédition,  ciul  devoir 
prévenir  ce  mal  pour  n'avoir  passujet  do  se  rc- 
pentird'avoir  atiendu  troptai'dàyi-oniHdic'r.  » 
Hérodiad-o,  non    coiit-cute  de  le  voir,  on 
prison,  voulut  le  l'aire  mouiir,et  Hérodo  cn- 
ti-ail  tpielquel'ois  dans  ses  sentiments.  INiais 
la  craintiulu  peu|)le  le  retenait;  et  d'ailleurs, 
ne  pouvant  pas  ne  point  voir  que  c'était  un 
juste  et  un  saint,  il  avait  du  respect  pour  lui 
et  suivait  ses  avis  en  beaucoup  de  choses, 
tant  la  vertu  a  de  force  pour  se  faire  révé- 
rer même  de    ses  ennemis.  Saint  Jean  de- 
meura donc  prisonnier  jusqu'à  ce  que  son 
temps  fût  accompli.  Ses  disciples  avaient  as- 
sez de  générosité  pour  ne  le  pas  abandonner 
dans  sa  prison;  mais  lui,  qui  était  venu  pouif 
préparer  les   voies  au  Seigneur  et  non  pas 
atin  qu'on  s'attachât  à  sa  ijersonne,  ne  son- 
geait qu'cî  leur  faire  connaître  celui  qui  seul 
était  tout   ensemble  leur  libérateur  et  leur 
maître.  Ayant  donc  appris  d'eux  les  miracles 
par  lesquels  Jésus-Clirist  rendait  son  nom  cé^ 
lèbredans  tout  le  pays ,  il  en  envoya  deux  lui 
demander  s'il  était  celui  que    l'on  attendait 
depuis   le    commencement  du    monde,  atin, 
qu'ils  connussent,  par  la  réponse  qu'il  leur 
ferait, qu'il  l'élait  effectivement.  Jésus-Christ 
leur  réjiondit  en  effet  par  des  mii-ach^>  qui 
étaient  des  preuves  de  sa  divinité  et  de  sa 
mission ,   plutôt    que  par   des   paroles.  Et 
quand  ils,  furent  partis,  il  donna  de  grands 
éloges  à   celui   cjui    semblait    avoir  douté 
de  sa  qualité  de  Christ,  afin  que  [icrsonne 
ne  crût  que  la  lumière  du  Saint-Esprit  eût 
.manqué  à  saint  Jean  dans  la  prison,  où  Jé- 
sus-Chi-ist  devait  donner  à  ses    apôtres  une 
plus  grande  abondance  de  grâce  et  de  force. 
Hérodiade  ti'ouva  enfin  une  occasion  favo- 
rable de  satisfaire  la  haine  qu'elle  avait  contre 
saint   Jean.  Car  Hérode  faisant    un  grand 
festin  à  ceux  de  sa  cour  le  jour  d  >  sa  naissance, 
Salouié  qu'Hérodiade  avait  eue  de  son  mari 
légitime,  mais  qu'elle  avait  élevée  comme  le 
pouvait  être  la  fille  d'une   toile  mère,  ou- 
bliant lamodestie  et  le  secret  auxquels  son  âge, 
son  sexe  et  sa  qualité  eussent  dû  la  retenir, 
entra  dans  la  salle  du  festin  et  y  dansa  de- 
Yâût  tout  le  moude.  Saint  Chrysoslome  croit 


ji:a 


1326 


mu)  c(^  fut  llérodiach  même, qui,  dans  la  vuo 
(le  ce  qui    arriva,  proslilna  ainsi   l'Iionneur 
de  sa  lill((  en  lui  faisant  faire  utut  action  qui 
n'était  digne  ([uo  d'une  comédienne    ou  de 
la   tille     d'un(!   adultère.    Cependant     celte 
danse,  si  honteuse  h  une  filhî  d'honneur,  fut 
trouvée    b(dle,  mais  dans   un  festin,  et  dans 
w^  f(!slin  diaboliipu!  selon  l'expression  des 
Pères;  aussi    fut-elle   récompensée;   par    un 
crime   encore    [)lus  grand  que   n'était  cette 
danse  même.  Car  Hérode  ayant  promis  avec 
serment  à  la  danseuse  de  lui  donner  tout  ce 
qu'elle!  lui  demanderait,  (|uaud   ce   serait  la 
moitié   de   son   royaume!  ,   elle  courut  à  sa 
mère,  et,par  sf)n  co"ns(nl,ell(!  vint  dire  qu'elle 
voulait  (pi'on  lui  donnât  à  l'instant  dans  un 
bassin   la  tête  de  Jean-Haptisle.  Ib'rode  fut 
fâché    de    cotte   demande    qu'il  n'attendait 
pas  sans  doute  d'une»  jeune  fiile,  car  il  con- 
servait toujours  quele]ue  rosj)ect  j)e)ur  saint 
Jean  ;  uirùs  il  rou-,it  de  maneiuer  de  f)arole 
devant  tant  de  monde,  et  il  ne  rougit  [)as  de 
comme'tlre  l'un  des  f)tus  grands  crimes  qui 
eût  jaujais  été  commis.  Il  envoya  donc  un  of- 
ficier à  la  prison  en  un  jour  de  joie,  au  mi- 
lieu d'un  festin,  et  à  la  prière  d'une  jeune 
lille.  Qui  n'eût  cru  que   c'était  j  our  faire 
grâce?  Cependant  c'était  pour  ôter  la  vie  à 
saint  Jean-Baptiste;  et  la  mort  du  plus  grand 
des   hommes  fut  le  prix  ele  la  danse  d'une 
fille,  fut  la   suite  d'un  serment  fait,  sans  v 
penser,  dans   la  chaleur  du  vin  et  de  la  dé- 
bauche, et  exécuté   par  une  [)iété  impie   et 
une  religion  plus  ciiminelle  que  n'eût  été 
lei)arjure  même.  Cela  n'empêche  pas   que 
saint  Jean    ne   soit    véritablement   martyr, 
puisqu'il  est  mort  pour  la  vérité,  pour  la 
chasteté  et   pour  la  justice  :  t  ute   l'Eglise 
l'honore  en  cette  qualité.  On  peut  dire  môme 
en  un  vrai   sens  qu'il  a   souffert  le  martyre 
pour  la  confession  de  Jésus-Christ,  puisque 
Jésus-Christ  est  la  vérité.  La  tête  de  saint 
Jean  fut  apportée  à  Salomédans  le  lieu  même 
où  le  festin  durait  encore,  selon  divers  Pè- 
res ;  ce  qui  ffiit  que  saint  Jérôme  compare 
cette  action  à  celle  de  Flaminius,  général 
des  armées  romaines,  qui  fit  trancher  la  tête 
à  un  criminel  devant  lui,   dans  un  festin, 
pour  satisfaire   une  misérable  qui  n'avait 
point   encore  vu   cette   exécution.    Salomé 
donna  la  tête  de  saint  Jean  à  sa  mère,  et  saint 
JcVôme  rapporte  que  cette  femme,  qui  n'avait 
pu  souffrir  de  lui  entendre  dire  la  vérité,  lui 
perça  Jv;  langue  avec  son  aiguille  de  tête,  com- 
me la  femme  d'Antoine  avait  fait  à  Cicéron. 
Dieu  n'attendit  pas  au  dernier  jour  à  ven- 
ger la   mort  de  saint  Jean.  Hérode,  comme 
ne)us  avons  dit,  avait  répudié  la  filie  ei'Arétas, 
roi  des  Arabes ,  pour   épouser  Hérodiade. 
Cela  causa   une  guerre  très-fâcheuse  entre 
ces  deux  princes  :  Hérode  y  fut  enfin  défait 
et  les  Juifs  mêmes  reconuurei  t  que  c'était 
une  juste  punition  do  la  mort  de  saint  Jean- 
Baptiste.  (Juoique   temps   après,  Hére>diade 
ne  pouvant  souffrir  devoir  son  mari  simple 
léti-arquo,  lorsqu'Agrippa,  son  propre  Irère 
&  elle,  pronail  le  titre  de  roi,  elle  obligea  Hé- 
n.de  de   faire  un  voyage  à  Rome  avec  elle 
pour  demander  le  même  honneur  à  l'cmiie- 


!5i7 


JEA 


JEA 


1328 


reur  Cens.  Mais  Caïus,  au  lieu  do  satisfaire 
S0!i  ambition,  priva  Ht^rodo  de  sa  télrarcliie 
et  le  relégua  à  Lyon.  11  voulut  faire  quel- 
que grAce  à  Hrrodiade  .à  cause  d'Agrippa; 
mais  elle  aima  mieux  suivre  son  mari  dans 
le  malheur  où  elle  l'avait  jeté,  que  de  devoir 
quelque  chose  h  la  con-idéralion  et  à  la  for- 
tune de  son  fi-ère.  l'ii  Dorothée,  Nicé|)h()re 
et  Métaphraste  prétendent  aussi  que  S  domé, 
fille  d'Hérodiade  ,  mourut  d'une  manière 
tragique  qu'ils  rapportent  ;  mais  les  anciens 
u'en  parlent  pas,  et  ne  disent  rien  de  Sa- 
Joiné,  sinon  ({u'elle  fut  mariée  à  Philijjpe  le 
tétrarque,  son  oncle  {)alernel,  qui  mourut 
Tan  33  ou  3i-  de  Tère  commune.  Ainsi  il 
faut  ([u'elleait  eu  environ  li  ans  lorsqu'elle 
fut  le  principal  instrument  de  la  uiort  de 
saint  Jean.  Autant  qu'on  le  peut  juger  de  la 
suite  de  l'Evangile,  la  mort  de  notre  saint 
arriva  sur  la  tin  de  l'an  31  de  l'ère  commune, 
ou  au  commencement  de  l'an  32,  quelque 
temps  avant  la  Pàqwe.  L'Eglise  grecque  et 
l'Eglise  latine  en  célèbrent  la  mémoire  le  29 
août  sous  le  titre  de  sa  décollation. 

Les  disL'iples  de  saint  Jean,  ayant  ai)pris 
sa  mort,  vinrent  enlever  son  corps  et  l'en- 
terrèrent dans  un  tombeau.  L'opposiiioncjui 
régnait  enre  les  Juifs  et  les  Samaritains  no 
soutire  guère  qu'on  croie  qu'ils  l'aient  en- 
terré à  ëi'baste,  capitale  de  la  Samarie.  Il  est 
certain  néanmoins  que  son  tombeau  y  était, 
loisque,sous  Julien  l'Apostat,  les  païens  l'ou- 
vrirent, et  brûlèrent  une  jiartie  des  os  du 
saint  |)récurseur.  Les  autres  furent  sauvés 
par  quehjues  chrétiens  qui  les  apportèrent  à 
un  aijbéde  Jérusalem  nommé  Pliilipi)e.  Cet 
abbé,  ne  s'estimait  i)as  digne  de  garder  un  si 
précieux  trésor,  les  envoya  à  saint  Atljanase, 
qui  les  mit  dans  la  muraille  d'un  autel  en 
disant,  par  esprit  de  [)rophétie,  qu'ils  servi- 
raient dans  quelque  temps.  Gela  s'accomplit 
lors([ue  le  grand  Théodose  ayant  ordonné 
de  démolir  le  tenq)le  de  Sérapis  et  de  bâtir 
en  la  même  place  une  église  magniti(}ue  de 
saint  Jean-Ba|)tiste,  on  y  mit  les  saintes  re- 
iicpies  le  27  mai  de  l'an  395  ou  396  selon 
Tliéophaiie.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarqua- 
ble pour  les  reliques  de  saint  Jean  est  la  dé- 
couverte de  son  chef  h  Emèse,  ville  célèbre 
de  la  IMiénicie.  Selon  un  écrit  ancien  et  as- 
sez bien  autorisé,  mais  que  cependant  nous 
n'osons  pas  a|)prouver,  il  avait  été  enterré 
d'abord  à  Jérusalem  et  lransj)f)rté  h  Emèse, 
dès  le  temps  de  Constantin,  (^e  qui  est  cer- 
tain, c'est  qu'on  n'y  en  avait  aucune  connais- 
sance lors(ju'il  y  fut  trouvé  en  l'an  'i-o3,dans 
une  caverne,  delà  manière (jut;  nous  l'allons 
raconter.  L'histoir(î  en  paiail  aussi  certaine 
que  miraculeuse,  ayant  été  écrite  par  celui 
niôme  que  Dieu  a  voulu  rendr(j  le  témoin  et 
le  ministre  de  ces  merveilles. 

Cet  auteur  est  l'abbé  Marcel,  honnne  d'une 
vie  irié'préheii>ible,  (jui  était  illu.>ln!  j)ar  sa 
piété  et  dont  les  mieurs  élai(vil  agréables  à 
Ditju.  il  était  pr(Mi'(;  et  supin-ieur  d'un  mo- 
iiaslèr(!  voisin  do  la  caverne  dont  nous  ve- 
nons de  parli^r.  Vers  le  commencement  du 
mois  detéviierde  l'an  k'.'i'i.  le  saint  em- 
pereur   Murcien  gouvernani    T'hicnt,    col 


abbé  vit  en  songe  un  grand  fleuve  qui  en- 
trait en  son  monastère,  et  peu  après  il  y  vit 
entrer  de  grandes  trou|)es  de  monde  qui 
chantaient  chacune  en  leur  langue  et  qui  di- 
saient toutes  :  «  Voilà  saint  Jean-Baptiste 
qui  vient  se  montrer.  »  Saint  Jean  arriva  en 
ell'et  aussitôt  après,  et  entra  dans  l'église  oij 
toute  cette  foule  vint  recevoir  de  lui  la  bé- 
nédiction et  le  baiser  de  paix  en  lui  baisant 
la  poitrine.  Marcel  y  alla  comme  les  autres 
et  lui  baisa  les  pieds,  mais  saint  Jean  le  re- 
leva et  le  baisa.  Peu  de  jours  a[)rès,  Marcel 
eut  encore  un  autre  songe  où  il  vit  saint 
Jean  revêtu  d'habits  blancs,  qui  répandit 
sur  ses  mains  un  vase  ])lein  de  miel  et  en- 
tra avec  lui  dans  le  monastère,  précédé  par 
une  colonne  de  feu.  Le  désir  qu'eut  Marcel 
de  savoir  ce  que  signitiaient  ces  songes,  fit 
qu'un  soir,  après  que  les  religieux  eurent 
mangé  (car  l'on  était  alors  dans  le  temps  des 
jeûnes),  il  leur  ordonna  de  recommencer 
chacun  le  psaume  qu'ils  avaient  à  dire  ;  et 
durant  qu'ils  étaient  assis  |)Our  cela  ,  l'un 
deux  nommé  Isaac  aperçut  du  feu  à  la  })orte 
de  la  caverne  où  était  le  chef  de  saint  Jean. 
Lui  et  tous  les  autres ,  effrayés,  coururent 
h  Marcel,  qui  leur  dit  de  faire  le  signe  de  la 
croix  et  les  rassura,  se  doutant  bi(m  que  c'é- 
tait unesuitedessonges  mystérieuxqu'ilavait 
eus.  Le  cinquième  jour  après,  qui  était  le  di- 
manche, 16  de  février,  le  prêtre  Etienne, 
abbé  d'un  monastère  voisin  nommé  Beth- 
gales  et  Darome,  et  qui  était  ou  l'exarque 
et  le  chef  des  monastères  du  diocèse  d'Emèse, 
ou  le  chorévèque  de  ce  quartier-lh,  vint  trou- 
ver l'évêque  nommé  Urane,et  lui  représenta 
([u'il  était  à  propos  d'unir  au  monastère  de 
Marcel  la  caverne  qu-i  en  était  i)roche.  L'é- 
vêque y  ayant  consenti,  Etienne  dès  le  len- 
demain matin  vint  en  mettre  Marcel  en  pos- 
session, en  présence  de  plusieurs  témoins. 
11  en  ouvrit  la  porte  qui  était  fermée  à  clef; 
ils  y  entrèrent  ensemble  et  y  firent  oraison. 
Comme  elle  était  en  mauvais  état,  Etienne 
recommanda  à  Marcel  d'en  avoir  soin,  et 
Marcel  commença  à  l'heure  même  d'y  tra- 
vailler avec  ses  frères. 

Le  jour  suivant,  qui  était  le  mardi  18  fé- 
vrier, lorsque  Marcel  dormait  après  les  priè- 
res de  la  nuit,  il  fut  éveillé  comme  par  ({uel- 
qu'un  (jui  le  frap])a  trois  fois,  et  il  entendit 
une  voix  (jui  lui  disait  :  «  Dieu  me  donne  à 
vous;  suivez  l'étoile  (jui  vous  coiuluira.  »  Il 
vil  en  même  temns  une  étoile  de  feu  h  la 
])orte  de  sa  chamure.  11  s(;  leva  dans  une 
grande  frayeni-  et  suivit  l'étoih^  (jui  s'avan- 
çait toujoui's  devant  lui.  11  fallait  passer  plu- 
sieurs portes  (pii  se  trouvèiinit  toutes  ou- 
vertes, et  l'étoile  le  conduisit  (Uilifi  justju'à 
une  voûte  (jui  était  dans  la  caverne.  Il  s'y 
l)rosterna  contre  terre  et  y  demeura  long- 
temps en  oraison.  Il  r«;tourna  ensuite  en  sa 
chambre,  et  lorsipiele  jour  fut  venn,  et  (|^uo 
deuv  abbés  (jui  avaient  couché  che/.  lui  lu- 
rent partis,  il  prit  renrensoir  avec  un  pic,  i-l 
s'en  alla  en  priant  au  lieu  cpic  l'cHoih!  lui 
avait  manpié.  il  commeneaàdél'.iiie  la  vnûle, 
au-dessous  do  laipn'lh'  il  trouva  quantité  de 
iable,  et  sous  le  sable  une  grande  tuile  qui 


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1350 


couvrait  une  plaque  de  nwrbre.  Il  leva  cette 
plaque,  sous  laquelle  il  vit  uue  urru',  et  dans 
eettii  nrue  était  la  ((Me  de  saiut  Jean,  qui 
avait  encore  ses  cheveux.  Il  alluma  aussitAl 
UIU5  lampe,  mit  de  l'cucu'us  dans  reiiccnsoir, 
adora  Dieu  dans  une  joie  môlée  de  crainte, 
et  puis  recouvrit  l'urne  avec  la  pla(pu>  do 
marbre.  H  sorlait,  ce  seiuhlc,  de  la  caverne 
li)rs(iu'il  rencontra  le  diacre  (leuuade,  abbé 
d'un  monastère  voisin,  qui  l'y  lit  rentrer 
comme  pour  lui  i)ailer  en  particulier.  En 
elV.'l,  après  (ju'ils  eurent  prié  ensembh»  et 
(pi'ils  se  furent  endjrassés,  (lenuade  lui  dit 
(pi'il  l'avait  vu  dans  une  vision  occupé  avec 
lui,  dans  celle  caverne  rnôme,  ^  distribuer 
des  pains  d'une  blancheur  extraordinaii-e  h 
un  nond)re  inlini  de  personnes  cpii  leur  en 
venaient  demander.  Comme  cette  vision  coti- 
lirmait  ce  (|ui  était  arrivé,  Marcel  ciut  devoir 
(.léclarer  tout  à  dennade,  qui  en  fut  fort 
étoiuié.  Marcel  lui  montra  aussi  le  lieu  où 
était  la  reli(]tie.  Ils  allèrent  ensuite  ensemble 
chercher  l'abbé  Etieu-ie  à  Darome,  alin  qu'il 
en  avertit  l'évéque.  Mais  Etienne  était  allé 
visiter  les  monastères  de  la  cam[)agae.  Mar- 
cel envoya  prier  le  diacre  Cyriaque,  qui  était 
encore  iin  autre  abbé,  de  le  venir  voir  pour 
lui  dire  la  chose.  Il  vint  et  leur  rapporta  une 
vision  qu'il  avait  eue  lui-même,  toute  sem- 
blable à  celle  do  Gennade;  api  es  quoi,  s'é- 
tant  mis  en  piièies,  Marcel  lui  rapporta  com- 
ment saint  Jean  s'était  découvert  à  lui. 

Marcel  et  les  deux  autres  abbés  passèrent 
cinq  jours  de  la  sorte,  en  attendant  toujours 
qu'Etienne  revint,  pour  en  parler  à  l'évèque 
Urane.  Mais,  le  samedi  au  soir,  Marcel  se 
sentit  tout  d'un  coup  frappé  au  genou,  et  en 
même  temps  tomba  dans  une  paralysie  très- 
douloureuse  qui  le  tenait  tout  courbé,  sans 
qu'il  se  pût  remuer.  Gennade  &t  Cyriaque  lui 
représentèrent  qu'il  avait  trop  tardé  à  parler 
à  l'évèque.  Etant  ensuite  allés  à  vêpres,  ils 
lui  dirent,  à  leur  retour,  qu'ils  avaient  pro- 
mis à  saint  Jean,  avec  serment,  de  faire  aver- 
tir l'évèque  dès  le  lendemain,  avant  que  le 
soleil  fût  levé.  Il  les  en  remercia,  et  en  même 
temps  sa  douleur  se  dissipa.  Dès  le  lende- 
main donc,  qui  était  le  dimanche,  Marcel  et 
Cyriaque  allèrent  trouver  Urane,  qui  reve- 
nait de  matines.  Ils  lui  dirent  que  Dieu  leur 
avait  découvert  le  chef  de  saint  Jean-Bap- 
tiste, et  lui  rapportèrent  toutes  les  visions 
que  nous  avons  dites  ;  de  quoi  il  fut  extrê- 
mement surpris.  Il  promit  d'y  aller  dès  le 
lendemain ,  ordonnant  qu'on  n'y  touchât 
point  cependant,  et  qu'on  tînt  la  chose  se- 
crète. Il  vint  effectivement  le  lundi  avec  les 
prêtres  et  les  diacres,  qui,  étant  arrivés,  se 
prosternèrent  pour  adorer  Dieu.  Un  prêtre 
nommé  Malc  témoigna  douter  que  ce  fût  vé- 
ritablement le  chef  du  saint  précurseur.  Mais 
y  ayant  voulu  porter  la  main,  il  n'eut  pas 
plutôt  touché  aux  cheveux,  que  sa  main  de- 
vint sèche  et  demeura  attachée  au  bord  de 
l'urne.  Elle  se  détacha  après  qu'on  eut  fait 
beaucoup  de  prières  pour  lui,  et  demeura 
néanmoins  paralytique.  Urane,  assisté  de 
tous  ceux  qui  l'accompagnaient,  leva  l'urne 
avec  le  saint  chef  qui  était  dedans,  et   le 


transporta  dans  la  sacristie  de  la  cathédrale, 
en  attentlant  ([u'on  eût  bAti  un(!  nouvelle 
église  pt)ur  le  mettre.  La  nouvelle  église  do 
Saint-Jean  fut  bientôt  bAtie,  et  on  y  trans- 
porta le  chef  du  saint  avec  uiuî  procession 
solennelle,  le  2(»  octobi'O  d(»  la  même  année. 
Le  prêtre  Malc  eut  sa  main  enlièicmenl  gué- 
rie dan?;  cette  soleiuiité,  en  la  melianl  sur 
l'urne  où  était  la  reli(pu',  selon  l'ordrcî  qu'il 
en  avait  eu  de  saint  Jean  même,  dans  une 
vision.  Cett(;  église  de  Saint-Jean  était  dans 
le  monasière  de  la  caveriu;  où  on  avait 
trouvé  son  chef.  L'église  (pi'Ur-ane  avait  fait 
faire  aupi'ès  d'Emèse,  pour  nuMlre  le  chef 
de  saint  Jean,  ne  pouvait  |)as  êln;  fort  consi- 
dérable, puisqu'elle  avait  été  conunencée  et 
achevée  en  [)eu  de  mois.  Soit  donc  qu'elle  ne 
parût  pas  assez  belle,  soit  qu'elle  eût  été  rui- 
née, ou  par  les  guerres,  ou  |)ar  la  longueur 
du  temps,  on  (^n  bAiit  depuis  une  magnili(|ue> 
dans  la  ville,  où  l'on  lit  une;  cave,  et  on  y 
transporta  le  chef  du  saint  précurseur  en 
l'an  760,  qui  était  le  vingtièun;  do  Constan- 
tin Copronyme.  Il  y  était  encore  révéré  des 
lidèles  vers  l'an  800.  On  croit  que  le  chef  de 
saint  Jean  fut  depuis  transféré  d'Emèse  h 
Comane  dans  le  Pont,  et  de  là  à  Constanti- 
nople.  L'église  d'Amiens  prétend  en  avoir 
aujourd'hui  une  grande  partie,  c'est-à-dire 
toute  la  face  jusqu'à  la  bouche,  et  l'avoir  re- 
çue le  17  décembre  1200,  par  le  moyen  de 
Walon  de  Sart'»n,  l'un  de  ses  chanoines  qui, 
s'élant  trouvé  l'an  IrZOi  à  la  prise  de  Cons-^ 
tantinople  par  les  Français,  rencontra  cotte 
relique  dans  les  ruines  d  un  vieux  palais. 
(Tillemont,  Hist.  eccL,  t.  I,  p.  82,  passhn.) 

JEAN,  l'un  des  principaux  d'entre  les  Juifs 
en  33,  siégeait  dans  le  sanhédrin  quand, 
après  le  miracle  de  la  guérison  du  boiteux, 
saint  Pierre  comparut  devant  ce  tribunal.  On 
ne  sait  pas  précisément  quel  était  ce  Jean  : 
Baronius  veut  qu'il  soit  tils  d'Anne,  auquel 
sanit  Luc  l'adjoint  en  cette  circonstance,  en 
môme  temps  qu'à  Caïphe  et  à  Alexandre. 
Pearson  et  quelques  autres  interprètes  S'  nt 
du  môme  avis  (|uo  cet  écrivain.  On  peut  dire, 
contre  leur  opinion,  que  parmi  les  cinq  en- 
fants d'Anne  qui  furent  grands  pontifes,  il 
n'y  avait  point  de  Jean  {Voy.  les  Juifs,  §  5), 
et  on  voit  par  Josèphe  qii'Ame  n'eut  pas 
d'autres  fils  que  ces  cinq  personnages.  Dans 
le  passage  que  cite  Baronius  [Bel.  1.  ii,  ch.  25, 
p.  822  e),  et  où  il  est  en  effet  parlé  d'un  Jean, 
il  y  est  appelé  non  pas  fils  d'Anne  ou  d'Ana- 
nie,  nom  que  donne  toujours  Josèphe  au 
beau-père  de  Caïphe,  mais  Aninias,  qui  fut 
grand  prêtre  en  l'an  53,  alors  que  saint  Paul 
lut  arrêté  à  Jérusalem.  Son  tils  pouvait  déjà 
siéger  dans  l'assemblée  du  sanhédrin  en  33. 
Sans  garantir  ces  explications ,  nous  les 
croyons,  jusqu'à  prouve  contraire,  les  plus 
fondées,  les  plus  admissibles. 

JEAN  (saint),  apôtre,  évangéliste  et  mar- 
tyr, fils  de  Zébédée,  frère  de  saint  Jacques 
le  Majeur,  était  natif  de  Bethsajde  en  Gali- 
lée. 11  était  pêcheur,  et  âgé  de  25  ans  à  peu 
près,  (^uand  il  fut  appelé  à  l'épiscopat.  11  fut 
le  disciple  chéri  du  Sauveur,  qui  lui  recom- 
manda sa  mère  en  mourant.  Après  la  Peu- 


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tecôto,  il  fut  arrêté  avec  saint  Pierre  et  mis 
en  prison  parles  magistrats  du  teuipioel  les 
Saducéens  [Voy.  Pieriu:).  Le  lendemain  ils 
comparurent  devant  les  princes  des  jirètres, 
les  anciens  et  les  scribes,  qui,  celte  fois, 
après  les  avoir  interrogés  et  fortement  me- 
nacés, les  renvoyèrenl. 

Quel(pie  temps  après,  ils  furent  arrêtés  de 
nouveau  et  mis  en  prison.  Un  ange  vint  les 
délivrer;  ils  se  rendirent  au  temple  pour  y 
enseigner  le  peuple.  Ce  fut  là  que  les  sol- 
dats envoyés  pour  les  prendre  les  rencontrè- 
rent; ils  ies  amenèrent  sans  violence  devant 
le  conseil.  Saint  Jean,  connue  saint  Pierre, 
répondit  à  la  défense  qu'on  lui  faisait  d'en- 
seigner au  nom  de  Jésus-Christ,  «  qu'il  fal- 
lait obéir  à  Dieu  plutôt  qu'aux   hommes.  » 

Ce  fut  dans  cette  occasion  que  Gamaliel, 
docteur  de  la  loi,  prononça  eu  faveur  des 
apôtres  un  discours  plein  de  sagesse,  à  la 
suite  duquel  on  les  renvoya,  en  se  conten- 
tant de  les  faire  battre  de  verges,  au  lieu  de 
les  faire  mouiir,  comme  on  en  avait  eu  des- 
sein (l'abord.  Saint  Jean  assista  plus  tard  au 
concile  de  Jérusalem  (en  51)  :  il  alla  prêcher 
l'Evangile  dans  l'Asie  Mineure,  chez  les  Par- 
thes,  et  e'iiin,  vint  se  lixer  à  Ephèse,  dont  il 
fut  le  |)iemier  évêquc.  Arrêté  en  95,  il  fut, 
par  ordre  de  Domitien,  amené  à  Rome  et 
plongé  dans  une  cuve  pleine  d'huile  bouil- 
lante ;  mais  il  en  sortit  aussi  sain  qu'il  y 
était  entré.  On  marque  encore,  auprès  de  la 
porte  Latine,  l'endroit  où  ce  grand  miracle 
s'accomplit  :  on  y  voit  des  monuments  com- 
méuioratifs  qu'y  a  élevés  la  piété  des  fidèles. 
L'évidence  de  ce  miracle,  sa  notoriété,  tout 
aurait  dû  ramener  Domitien;  mais  il  y  a  des 
aveuglements  sur  lesquels  rien  n'opère.  Dieu 
peut-être  a  déjà  retiré  sa  main,  la  ])unition 
est  commencée.  Domitien  bannit  saint  Jean 
à  Pathmos,  dans  la  mei'  Egée  :  ce  fut  là  qu'il 
écrivit  son  Apocalypse.  Nerva,  successeur 
de  Domitien,  ayant  rappelé  les  exilés,  saint 
Jean  revint  à  Ephèse.  Ce  fut  là  qu'il  écrivit 
son  Evangile,  et  peut-être  ses  Ej)îtres. 

11  vécut  jus  ju'à  une  extrême  vieillesse,  et 
s'éteignit  |»aisiblement  sous  Trajan,  l'an  100 
de  J.-C.,  à  l'âge  de  quatre-vingt-i[ualorze  ans. 
Quoiqu'il  soit  mort  en  paix,  ce  qu'd  a  souf- 
fert a  sufii  pour  que  l'Kglise  l'honorât  comme 
martyr.  Elle  fait  sa  fête  h;  27  décembre. 

JEAN  (saint),  martyr  à  Ephèse,  est  fêté  par 
l'Eglise  le  27  juillet,  il  est  l'un  dos  sept  dor- 
Uiants  dont  saint  Grégoire  de  Tours  nous  a 
donné  une  histoire.  Vojj.  Dohm  an  rs  (Les  sept). 

JEAN  (saint),  soullVit  à  Coi'doue,  avec  son 
frère  Adolplus,  durant  la  |)ejséculion  des 
Ai'abes.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  27  sept. 

JEAN  (saint),  évêque  et  confesseur,  souf- 
frit à  Autini.  Nous  h;  trouvons  insci'it  au 
Mailyrologe  l'omain  le  20  octobre. 

JEAN  (saint),  eut  la  gloire  de  verser  son 
sang  à  Tomes  dans  le  Pont,  avec;  ses  frères 
Séia|)ion,  Pi(nr(;,  et  leurs  parents  Marcellin 
et  Matuiéo.  Les  Actes  des  martyrs  no  nous  ont 
conservé  aucun  document  aullKnilupuî  sui- 
eu\.  L'Eglis(,'  fait  leur  mémoire,  h;  27  août. 

JEAN  (saint),  martyr,  vcn-sa  son  sang  en 
Aliicpio,  pour  la  déienso  do   la  leligion.  Il 


eut  pour  compagnons  do  son  martyre  les 
saints  André,  Pierre  et  Antoine.  L'Eglise  cé- 
lèbre leur  mémoire  le  23  sevlembre. 

JEAN  (saint),  fut  martyrisé  en  Toscane 
avec  saint  Festus,  dans  des  circonstances  et 
à  une  éjjoque  cpii  ne  sont  point  parvenues 
jusqu'à  nous.  L'Eglise  fait  collectivemenl  la 
fête  de  ces  deux  saints  le  21  décembre. 

JEAN  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  f(ji  à  Uomt!.  11  eut  pour  compagnon 
de  son  maityre  saint  Cyr.  Ils  fuient  décapi- 
tés après  avoir  enduré  dillV'rents  tourments 
L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  31  janvier. 

JEAN  (saint),  martyr,  souffrit  en  Afrique, 
avec  les  saints  Claude,  Cris|)in,  Magin:;  et 
Etienne.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  3  déceud). 

JEAN  (sanit),  martyr,  était  fils  d'un  per- 
sonnage foit  illustre  de  Rome,  nommé  Mar- 
cien.  Etant  venu  à  mourir,  il  fut  ressuscité 
par  saint  Abonde  et  saint  Abondance,  le  pre- 
mier prêtre,  le  second  diacre.  Tous  quatre 
furent  mis  à  mort  sur  la  voie  Flaminienne, 
du  temps  de  l'empereur  Dioclétitm.  Ils  sont 
collectivement  honorés  par  l'Eglise  le  16  sep- 
tembre; ces  faits  sont  racontés  d'ai)rès  le 
Martyrologe  romain.  Quand  de  pareilles  cho- 
ses sont  avancées,  nous  aimerions  à  les  voir 
étayées  par  de  foites  i)reuves.  Il  |>araît  extra- 
ordinaire en  effet  que  la  Providence  per- 
mette qu'un  homme  soit  ressuscité  pour  être 
immédiatement  mis  à  mort.  Somme  toute, 
le  fait  peut  être  vrai.  11  nous  reste,  connue 
toujours  en  cas  pareil,  à  incliner  notre  faible 
intelligence  devant  Celui  dont  les  voies  sont 
impénétrables. 

JEAN  (saint),  martyr  à  Nicomédie,  en  303, 
sous  le  règne  de  Dioclétien.  Ce  tyran  ayant 
fait  afficher  dans  Nicomédie  «un  édit  qui 
déclarait  infâmes  tous  ceux  qui  i)rofessaient 
la  joligion  chrétienne  ;  qui  les  soumettait 
aux  tortures  ,  de  quelque  condition  qu'ils 
fussent  ;  qui  autorisait  toutes  sortes  de  per- 
sonnes à  les  accuser  ;  qui  défendait  aux  ju- 
ges de  recevoir  d'eux  leurs  plaintes,  pour 
cause  d'injure,  d'adultère  et  de  vol  ;  qui  leur 
ôtait  eiifiii  la  lib(Mté  et  la  faculté  de  parler; 
un  p'articulicr  plus  courageux  que  prudent 
arracha  l'édit  et  le  nnt  en  i)ièces,  en  se  mo- 
quant des  surnoms  de  Gothique  et  de  Sarma- 
tique,  qvie  s'arrogeaient  les  empereurs.  Il 
fut  arrêté,  ai)i)li(pié  à  la  question,  et  brûlé  à 
petit  feu  :  siq)plice  qu'il  souffrit  avec  une 
patience  admirable.  »  Tel  est  le  récit  de  Lac- 
tance.  Comme  on  le  voit,  cet  écrivain  ne 
nonnne  pas  le  (chrétien  ]>lus  eouraç/cux  que 
prudent  dont  il  parle;  mais  Usuard,  Adon, 
Noiker  et  plusieurs  autres  le  noimnent  posi- 
tivement Jean.  Nous  avons  déjà  eu  l'occasion 
de  nous  explicpun-  sonvinit  sur  des  acti's  pa- 
reils à  celui-ci.  L'ex|)ression  :  plus  couraqcux 
que  prudent,  (pj'emploie  Lactance,  nous  loice 
à  nous  prononcer  encore.  Jean,  en  airarhant 
l'édit,  certains  saints  ou  saintes,  cm  se  jetant 
dans  l(;s  bûchers,  en  so  présentant  euv-mê- 
mes  aux  persécuteurs,  agissaitnit  en  dehors 
des  règles  oi'dinaires,  et  lesévè(pK's  pronon- 
cèrent, à  une  crrlaine  épocpje,  des  pennes  sé- 
vères contre  leurs  imitateurs.  Cej)endant 
1  Eglise  admet  que,  dans  certains  cas  oituoi)- 


C( 


I 


1533 


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JKA 


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tionncls ,  lo  Saint-Esprit  a  pu  inspircM"  iino 
tcllo  conduite.  Il  faut  tliru  aussi  (pi'il  osl  ar- 
rivé sans  (Iduto  cpio  des  saints  aient  agi  ainsi 
sans  inspiration,  par  ignorance  des  règles, 
mais  avec  une  grandi!  droilnrc  de  conscienci!. 
Dans  co  ras.  l'intention  couvrait  l'oubli  dos 
règles,  et  le  niart.vr(!  d'ailleurs  épurait  co 
qn'il  |»ouvait  y  avoir  d'imnarfait  dans  l'acle. 
Saint-Jean  est  fionort^  par  l'Kglise  avec  saint 
Anlliinio  le  7  sept«Mnhre. 

JKAN  (saini),  martyr,  l'un  des  quarante 
martyrs  de  Sobasto,sousLicinius.(Voj/.  Mar- 
tyrs I)K  SÉHASTH.) 

JKAN  l'saint),  év(^que  de  Belli-Si^loucie,  en 
Perse,  lut  inartyrisi^  sous  le  roi  Sapor,  h  p(!U 
prùs  en  l'an  3V3,  par  l'ordre  d'Ai-dacirns, 
prince  persan.  {Voy.  Narsks.)  La  l'ôte  de  saint 
Jean  a  lieu  le  30  novembre. 

JKAN  (saint),  ])rèlre  et  martyr,  fut  déca- 
pité, sous  Julien  l'Apostat,  sur  l'ancienne 
voie  Salaria,  devant  l'idole  du  Soleil.  Son 
corps  fut  enterré  par  le  bicMihenreux  Con- 
corde, prèlre,  près  du  lieu  appelé  les  conci- 
les des  mai'tyrs.  L'Eglise  l'honore  le  23  juin. 

JEAN  (saint),  était  ofiicier  dans  les  armées 
de  Julien  l'Apostat,  avec  saint  Paul.  Tous 
deux  furent  décapités  pour  la  foi  chrétienne, 
en  l'an  de  Jésus-Christ  3G2,  par  l'ordre  de 
ce  ))rince.  Ce  fut  sous  Apronien,  préfet  de 
Rome  et  ennemi  acharné  des  chrétiens,  qu'ils 
subirent  leur  martyre.  iVoif.  Ro'idininus,  de 
sancto  Joanne  et  Paulo)  L'Eglise  célèbre  la 
féto  de  ces  deux  saints  le  26  juin. 

JEAN  CHUYSOSTOMK  (saint),  naquit  à 
Antioche,  vers  l'an  347  d'une  des  premières 
familles  de  la  ville.  Son  père,  nommé  Second, 
était  illustre  parmi  les  olliciers  généraux 
de  la  Syrie.  Sa  famille,  quoi  qu'on  en  eût  dit, 
était  cin-étie-me.  Etant  encore  en  bas  Age,  il 
perdit  son  père;  sa  mère  n'avait  que  vingt 
ans  quand  elle  devint  veuve  :  elle  ne  voulut 
pas  se  remarier.  Doué  d'une  grande  énergie 
de  volonté,  saint  Chrysostome  résolut  de  se 
vouer  au  service  des  saints  autels.  Renon- 
çant au  monde,  il  vécut  quasi  dans  la  re- 
traite chez  sa  mère.  Vers  370,  saint  Mélèce, 
évèque  d'Antioche,  le  baptisa  et  l'ordonna 
leeteur.  11  se  livra  ardemment  à  l'élude  de 
l'Ecriture  sainte  :  il  eut  pour  maître  le  cé- 
lèbre Cartère.  Lié  avec  saint  Basile  d'une 
étroite  amitié,  il  le  décida  à  accepter  l'épis- 
copat  que  les  évoques  de  S.\rie,  assemblés 
à  Antioche,  leur  olliaient  à  l'ui  ou  h  l'autre. 
Après  cela,  il  passa  six  années  chez  les  so- 
litaires, dans  les  montagnes  d'Antioche.  Re- 
venu à  Antioche  au  bout  de  ce  temps,  il  y 
reçut  le  diaconat,  et  au  bout  de  cinq  autres 
années,  il  fut  ordonné  prêtre.  L'évêque  Fla- 
vien  le  chargea  tout  à  fail  du  ministère  de 
la  prédication.  Ce  fut  au  suprême  talent 
qu'il  y  montra  qu'il  dut  le  surnom  de  Chry- 
sostonae,  c'est-à-dire  bouche  (Vor,  sous  le- 
quel il  est  le  plus  généralement  connu.  Il 
fut  aussi  remarquable  par  sa  sainteté  que 
par  son  éloquence.  Il  attaqua  dans  ses  ser- 
inons les  anoméens,  qui  prétendaient  être 
dans  la  vérité  en  ne  croyant  que  ce  qu'ils 
voyaient,  et  qui,  par  conséquent,  détrui- 
saient complètement  la  foi.  Ce  fut  en  grande 


partie  en  sa  faveur  que  l'empereur  Théodose 
pardonna  aux  habilanls  d'Aidioclu! ,  qui 
avaient  abattu  ses  statues.  Le  saint  avait  lait 
à  ce  sujet  ini  certain  tiond)re  de  sermons 
pour  leur  démontrcn-  la  culpabilité  de  leur 
conduite,  et  leur  prêcher  le  respect  d(î  l'au- 
torité. 

Jus([u"à  l'année  307,  il  resta  h  Antioche, 
prêchant,  catéchisant,  accomplissant  avtn;  la 
jilus  grande  distinction  les  fonctions  du  sain! 
ministère.  Ce  fut  dans  les  derniers  jours  dd 
cette  année  (ju'il  fut  élu  évê(|ue  de  Cmus-^ 
tantinople.  Il  travailla  beancouj)  h  réformer 
les  désordres  de  son  clergé,  ôta  de  leurs 
fonctions  i)lusieurs  mauvais  ecclésiastiques 
pour  en  mettre  do  bons.  11  fit  fermer  les 
temples  des  idoles  à  Caza,  éteignit  le  culte 
des  idoles  dans  la  Phénicie.  En  'i-OO,  il  tint 
un  grand  concile  à  Ephèse,  déposa  six  évê- 
(pies  simoi'iiaques  avec  Géronce  de  Nico- 
médie,  et  ([uehiues  autres  encore. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  fait  que  l'abrégé 
très-restreint  de  la  vie  de  saint  Jean  Chry- 
sostome; sa  vie  entrant  dans  l'ère  des  persé- 
cutions, nous  devons  nous  étendre  (Javan- 
tage.  Son  austérité,  la  rigidité  de  ses  pré- 
ceptes, la  conduite  exemplaire  et  droite  qu'il 
exigeait  de  son  clergé  habitué  aux  lûches 
complaisances  de  la  pkq)art  de  ses  prédé- 
cesseurs, l'avaient  fait  détester  du  peuple  de 
Constantinople  et  surtout  des  ecclésiastiques. 
Parmi  ses  ennemis,  on  compte  surtout  plu- 
sieurs prêtres  et  cinq  diacr  s.  Parmi  les 
prêtres,  on  rematque  principalement  un 
nommé  Paterne,  prêtre  de  Constantinople  ;* 
Eugène,  qui,  en  récompense  de  ses  calom- 
nies, fut  nommé  évoque  d'Héracléo;  Altiquo, 
qui  devint  évèque  intrus  de  Constantinople 
quand  le  saint  dont  nous  écrivons  la  vie  en 
eut  été  chassé.  Ses  ennemis,  à  la  tète  des- 
quels était  Théophile  d'Alexandi-ie,  assem- 
blèrent au  Chêne,  bourg  voisin  de  Constan- 
tinople un  conciliabule  d'environ  trente 
évêques  pour  juger  saint  Chysostome.  On 
articula  contre  le  saint  évèque  dix -huit 
chefs  d'accusation  qui  furent  successive- 
ment examinés. 

«  Paul,  évêqne  d'Héraclée,  présidait  au 
concile,  apparemment  comme  ancien  mé- 
tropolitain de  Thrace;  car  Byz  nce  dépen- 
dait d'Héraclée,  avant  qu'elle  fût  Constan- 
tinople. 11  prit  les  voix  do  to<.s  les  assistants, 
au  nombre  de  quaran  e-cinq,  commençant 
par  un  évèque  nommé  Ciymnase,  et  finis- 
sant par  Théophile  d'Alexandrie.  Ils  pro- 
noncèrent la  déposition  de  saint  Jean  Chry- 
sostome. Puis  ils  écrivirent  une  lettre  sy- 
nodale au  clergé  de  Constantinople  et  une 
autre  aux  empereurs.  Géronce,  Fauslin  et 
Eugnomone,  trois  évêques  qui  se  préten- 
daient injustement  déposés  par  saint  Chry- 
sostome, présentèrent  encore  trois  requêtes. 
Géronce  est  sans  doute  celui  de  Nicomédie, 
dont  j'ai  rapporté  l'histoire.  Ensuite  le  con- 
cile reçut  la  réponse  de  l'empereur.  Ainsi  se 
termina  la  douzième  séance. 

«  Le  seul  prétexte  de  la  condamnation  de 
saint  Chrysostome  fut  la  contumace,  et 
qu'ayant  été  auatre  fois  appelé  par  le  concile, 


1555 


JEA 


JEÀ 


i336 


il  n'avait  point  voulu  se  prc^senter.  Aussi  la 
lettre  ou  relation  h  l'empereur  comuicneait 
par  ces  mots  :  Comme  Jean  accusé  de  quel- 
ques crimes,  et  se  sentant  coupable,  n'a  pas 
voulu  se  présenter,  il  a  été  (léj)osé  selo:\  les 
lois.  Mais  parce  que  les  liJ)clles  contiennent 
aussi  u'ie  accusât  on  de  lèse-majesté,  votre 
piété  commandera  (|u'il  soit  chassé  et  puni 
pour  ce  crime;  car  il  ne  nous  a])partieiil  pas 
d'en  pren  Ire  connaissance.  Ce  crime  était 
d'avoir  parlé  contre  l'impératrice,  et  l'avoir 
nommée  Jé/abel.  Au  reste,  on  voit  ici  que 
les  évèques  n'osaient  en  connaître ,  car 
quelque  injuste  que  filt  d'ailleurs  le  procédé 
de  ceux-ci,  les  plus  zélés  défenseurs  de  saint 
Chrysostome  ne  les  blAinent  point  sur  cet 
article.  L'empereur  donna  un  ordre  con- 
forme à  la  demande  du  concile  pour  chasser 
saint  Chrysostome  de  l'église  et  de  la  ville 
de  Constanlinople.  Cet  ordre  fut  exécuté 
promptement,  parce  que  le  saint  évoque  ap- 
pelait de  ce  concde  h  un  jugement  jilus  juste. 
Il  fut  chassé  de  l'église  jiar  un  comte  ac- 
compagné de  soldats;  et  le  soir  bien  tard, 
suivi  (le  tout  son  peuple,  il  fit  traîné  au 
milieu  de  la  ville  ])ar  un  de  ces  ofliciers  que 
l'on  nommait  curieux,  et  jeté  dans  un  vais- 
seau, qui  le  porta  en  Asie  pendant  !a  nuit.  Il 
arriva  dans  une  maison  de  campagne  près  de 
Prénète  en  Biihynie. 

«  Mais  cet  exil  ne  dura  qu'un  jour.  La 
nuit  suivante,  il  survint  un  grand  tcmble- 
raentde  terre,  qui  éi)ranla  même  la  chand^ro 
de  l'empereur,  i. 'impératrice  épouvantée  le 
pria  de  rappeler  le  saint  évoque,  et  lui  écrivit 
elle-même  en  ces  termes  :  «  Que  votre 
sainteté  ne  croie  pas  que  j'ai  su  ce  qui  s'est 
passé.  Je  suis  innocente  de  votre  sang.  Des 
hommes  mécliants  et  corrompus  ont  formé 
ce  complot.  Dieu  est  témoin  di'S  larmes  que 
je.  lui  olfre  en  sacrilice.  Je  me  souviens  que 
mes  enfan.ts  ont  été  baptisés  par  vos  mains.  » 
Sitôt  qu'il  fut  jour,  elle  envoya  des  olliciers 
le  prier  de  revenir  au  plus  vite  à  Constan- 
linople pour  y  faire  cesser  le  péril.  Mais 
comme  on  ne  savait  où  il  s'était  retiré,  a[)rès 
les  premiers  on  eu  envoya  d'autres,  et  d'au- 
tres encore  après  ceux-là,  en  sorte  que  le 
Bosphoi-e  était  [ilein  de  ceux  qui  le  cher- 
chaient. I^e  tumulte  était  grand  à  Constan- 
linople. Ceux  môine  (|ui  avaient  été  opposés 
à  saint  Chrysostome  en  avaient  alors  pitié,  et 
disaient  (pi'il  avait  été  calomnié.  Ils  criaient 
contre  l'empereur  et  contre  le  concile, 
et  reconn.jissaient  la  conjuration  de  Théo- 
phile. Sévérien  de  Gabales  augmenta  en- 
core le  désordre.  Car,  prêchant  dans  une 
église  de  Constantinople,  il  crut  bien  |)rendre 
son  temps  pr)iir  ItlAmer  saint  Clu-ysoslonie, 
et  dit  (ju(!  (piarid  il  n'aurait  pas  été  conviiincu 
d'autre  cIkjsc,  sa  hauteur  sudlsait  [loui-  le 
déposer.  Car,  disait-il,  toiis  les  autres  péchés 
sont  remis  aux  hommes;  mais  Dieu  résiste 
aux  superbes,  s(doii  l'Liniliu'e.  Ce  sermon 
émut  encoie  plus  le  pi;uj)le.  Il  ne  pouvait  se 
conliîMJr  ni  dans  les  églises  ni  dans  les  pla- 
ces ;  il  .s',-ivau<;a  avec  de  grands  cris  jus(prau 
pal.'iis,  deinaridani  rpie  révé(pie  Je.ui  l'iU  lap- 
pl'lé.  L'eiiniiipjc   IWiscMi,  notaire  de  l'einiie- 


reur.  fut  envoyé  en  diligence;  on  trouva 
enlin  le  saint  évèque  à  Prénète,  et  quand  le 
peuple  l'eut  appris,  il  coiu'ut  au-devant  : 
l'embouchure  de  la  Propontide  fut  bientôt 
couverte  de  bAtinuMils;  tout  s'endjarquait, 
jusqu'aux  fenunes,  tenant  leurs  enfants  entre 
leurs  bras.  Ainsi  saint  (-hrysostorae  revint 
comme  en  triomphe,  accom[)agné  de  plus  de 
trente  évoques. 

«  Mais  il  ne  rentra  pas  d'abord  à  Constan- 
linople; il  s'arrêta  dans  un  bourg  nommé 
Marianes,  en  \nie  maison  de  l'impératrice, 
s'excusant  de  rentrer  dans  la  ville,  jusqu'.^ 
ce  qu'il  eût  été  justilié  par  un  concile  plus 
nombreux.  Le  peuple  ne  put  souifrir  ce  re- 
tardement. Il  s'emportait  contre  la  cour,  et 
força  le  saint  évoque  à  rentrer.  Us  allèrent 
au-devant,  chantant  des  cantiques  com[)osés 
exprès,  et  portant  des  cierges  allumés;  ils 
l'amenèrent  dans  l'église;  et  quelque  pro- 
testation qu'il  pût  faire  que  la  sentence  pro- 
noncée contre  lui  devait  être  révoquée  avant 
qu'd  re|)rit  ses  fonctions,  ils  le  contraigni- 
rent de  leur  annoncer  la  paix,  et  de  monter 
siH"  son  siège,  tant  ils  avaient  de  passion 
d'entendre  ses  instructions.  Alors  il  leur  lit 
sur-le-chnmp  un  discours  que  nous  avons 
encore,  et  qui  commence  par  une  compa- 
raison de  son  église  avec  Sara,  et  de  Théo- 
phile avec  le  roi  d'Egypte,  qui  avait  voulu  la 
corrom|)re.  Il  y  loue  l'affection  de  son  peu- 
ple ,  et  témoigne  sa  reconnaissance  pour 
l'empereur,  particulièrement  pour  l'impéra- 
trice. Il  n'oublie  rien  de  ce  qu'elle  avait  fait 
pour  procurer  son  retour  :  la  lettre  qu'elle 
lui  avait  écrite,  le  compliment  qu'elle  lu.i 
avait  fait  faire  <i  son  arrivée,  ses  instances 
auprès  do  l'empereur  pour  le  rappeler.  Ce 
discou.f-s  attira  de  si  grands  applaudisse- 
ments, que  saint  Jean  Chrysostome  ne  put 
l'achever.  »  (Fleury,  t.  II,  p.  157.) 

Bientôt  après,  l'iuqiératrice  Eudoxie  se  fit 
dresser  à  Constantinople  une  statue  d'argent. 
On  la  mit  sur  son  piédestal  devant  le  palais 
où  se  tenait  le  sénat,  et  tout  près  de  l'église 
Sainte-Sophie.  A  la  dédicace  de  cette  statue, 
ainsi  qu'on  avait  l'habitude  de  le  faire,  on  se 
livra  K  des  réjouissances  publiques  accom- 
])agnôes  de  danses  et  do  spectacles  d'his- 
trions. «  Le  service  divin  ,  dit  Fleury  ,  en 
était  troublé.  »  Tillemontdit  seulement  nue 
le  saint  y  vit  une  atteinte  au  respect  (]u  oti 
lui  devait.  Il  céda  au  zèle  anleiit  dont  il 
brûlait  jiour  la  maison  de  Dieu,  et  dans  un 
sermon  véhément,  il  attaqua  non-seulement 
ceux  ([ui  se  livraient  à  ces  amusements, 
mais  encore  ceux  (}ui  hîs  avaient  ortlonnés. 
L'im|>éralrice  en  fut  fort  en  colère  et  lo 
témoigna.  Alors  révê(pie  lit  un  sermon  qui 
commençait  par  ces  mots  :  Voici  encore  lié- 
rodinde  en  fureur,  la  voilà  encore  qui  danse 
et  (/ui  demande  la  tête  de  Jean.  La  cour  fut 
fort  mécoiil(Mite  et  une  nouvelle  conspiration 
fut  organisé'!!  contre!  Jean  Cliiysoslome.  Les 
ennemis  du  saint  écrivirent  ii  Théophile  [lour 
cpi'il  vînt  les  conduire,  «  ou  du  moins  leur 
fournir  (piel((uo  moyeu  de  commencer. 
'i'iK'ophihi  n'osa  retourner  à  Constanlinople, 
.se  souveiiaiil  de  la  niaiiière  dont  il  s'en  était 


1531 


JEA 


JEA 


1338 


sauvtV,  mais  il  v  onvoya  trois  évoques,  Paul, 
P(Mn(>n,  <>t  un  troisiùiiio  onloiint^  depuis  peu; 
ot  les  cliar^t'a  drs  caiioiis  du  coiiciiiMl'Aii- 
tioc-ho,  t(Mui  à  la  diSlicacu'  on  HM. 

«Cos  t^'(>i|iit's,  étant  arrivés,  appeléront 
de  Svrio,  de  Cappadocc!,  do  Pont  et  de  Pliiy- 
gie,  '  tous  les  mélrofxdilains  et  les  autres 
évéïiues,  et  les  assoad)!èieMt  à  Coustanliuo- 
\)\i\  Les  principaux  deeeiiv  (pii  s'y  trouvè- 
rent, furent  :  Leoneo  d'Ancvre  en  (lalalie, 
Anuiiotiius  de  Tiaodicée  en  Pisi(li(\  Acac c  dc! 
Pérée,  Aniiocluis  de  Pt(»léiiiaïd(>  en  Syrie, 
Prison  de  IMiilippopolis  en  'l'Iu-ace.  Ktant  ar- 
rivés à  ('o'islantinople,  ils  conuuuniciuèrent 
avec  saint  Jean  Chrysoslome,  pour  no  pas 
fi\ire  comnu^  les  preniieis,  mais  la  cour  le 
trouva  mauvais.  Aussi  la  l'éle  do  Noid  étant 
venue,  l'empereur  n'alla  ()oint  h  l'église  cl 
rordinaii(\  et  tit  dire  h  Jean  qu'il  ne  com- 
nuuii(]uerait  point  avec  lui  qu'il  ne  se  fiit 
justilie.  Tiiéndoi'O  de  ïhyanes  était  venu 
comme  les  au(res  à  (^onstanlinople,  mais, 
ayant  appris  la  conjuration  formée  contre 
saint  Jean  Chrysostome,  il  s'en  alla  sans 
dire  ailieu,  retournià  son  église,  et  demeura 
jusqu'>\  la  tin  dans  la  comnmnion  de  saint 
Clirysostome  et  de  l'Ej^lise  ronu\ine.  Au  con- 
traire, Pharétrius,  de  Césarée  en  Cappadoce, 
ne  sortit  point  (ie  chez  lui,  et  ne  laissa  pas 
de  s'unir  par  lettres  aux  ennemis  de  saint 
Chrysostome. 

!(  Dans  ce  second  concile  composé  d'évô- 
ques  séduits  par  les  libéralités  do  la  cour, 
il  ne  fut  plus  mention  des  premières  accu- 
sations, dont  saint  Jean  Chrysostome  offrait 
hardiment  do  se  justifier;  mais  pour  lui 
ôter  toute  défense,  on  s'atiacha  aux  canons 
du  concile  d'Antioche,  c'est-à-dire  au  qua- 
trième et  au  douzième.  Le  quatrième  portait  : 
«  Si  \ni  évéque  déposé  par  un  concile  ose 
s'ingérer  dans  le  ministère ,  pour  servir 
couune  auparavant,  il  n'aura  plus  d'espé- 
rance d'être  rétabli  dans  un  autre  concile,  et 
ses  défenses  ne  seront  plus  écoutées.  »  Et  le 
douzième  :  «Si  un  évèque  déposé  par  un 
concile  ose  importuner  l'empereur,  au  lieu 
de  se  fjourvoir  devant  un  plus  grand  concile, 
il  sera  indigne  de  pardon;  on  n'écoutera 
point  sa  défense,  et  il  n'aura  point  d'espé- 
rance d'  êtio  rétabli.  »  Les  ennemis  de  saint 
Chrysostome  prétendaient  qu'il  était  dans  le 
cas  de  ces  canons,  étant  rentré  dans  son 
siège  sans  avoir  été  justihé  par  un  concile. 
Ses  amis  soutenaient  que  ces  canons  avaient 
été  Ihits  par  les  ariens  contre  saint  Atha- 
nase;  que  le  canon  quatrième,  comme  in- 
juste, avait  été  rejeté  à  Sardique  par  les 
Romains,  les  Italiens,  les  Illyriens,  les  Ma- 
cédoniens et  les  Grecs. 

«  Alors  Ammonius  de  Laodicée,  et  Acace 
de  Bérée,  joints  à  Antiochus  de  Ptolémaïde, 
Cyrin  de  Chalcédoine,  et  Sévérien  de  Caba- 
les, allèrent  trouver  l'empereur,  et  lui  pro- 
posèrent de  faire  venir  dix  évèques  du  i)arti 
do  Jean,  car  il  y  en  avait  plus  de  quarante, 
pour  convenir  de  l'autorité  de  ces  canons. 
Elpnie,  évèque  de  Laodicée  en  Syrie,  vieillard 
vénérable  par  sa  vertu  et  par  ses  cheveux 
blancs,  vint  au  palais  avec  un  autre  évèque, 


nommé  Tranquille;  et  ils  dirent  ii  l'empe- 
reur :  <(  Jean  n'a  point  été  déposé  juridique- 
«  ment  la  pi-emièrt!  fois,  mais  seulement 
«.  chassé  par  un  comte  ;  il  n'est  [)oint  rentré 
«  de  lui-même  dans  son  siège,  mais  par 
«  votre  oi'dre,  porté  [)ar  un  de  vos  notaires  : 
«  et  (|uant  aux  canons  (juo  l'on  produit 
«  maintenant ,  nous  montrons  que  c'est 
«  l'ouvrage  des  hérétiques.  »  Connue  les 
ennemis  do  saint  Chrysostome  continuaicMit 
de  dis[)uter,  criant  confusément,  s'agitant 
devant  l'empereur,  Jillpide,  prolitanl  d'un 
petit  intervalle  do  silence,  lui  dit  dou- 
cement: «  S(!igneur,  sans  tant  importuner 
«  volro  clémence,  faisons  ceci  :  que  nos 
«  frères  Acace  et  Antiochus  souscrivent  les 
«  canons  qu'  ils  pro[)Osent  connue  faits  par 
«  des  orthodoxes,  et  qu'ils  disent  :  Nous 
«  somnu's  do  la  même  foi  (pic  ceux  (|ui  les 
«  ont  dressés,  alors  notre  dispute  sera  linie.» 
L'empereur,  frap[)é  de  la  simplicité  de  cette 
pro[)osition,  dit  h  Antiochus  en  souriant  : 
«  Il  n'y  a  point  de  meilleur  expédient.  »  Sé- 
vérien et  sa  cabale  changèrent  de  couleur, 
et  se  regardèrent  les  uns  les  autres.  Toute- 
Ibis,  pressés  par  la  circonstance  du  lieu, 
ils  promirent  de  souscrire,  et  se  tirèrent 
ainsi  d'embarras  ;  mais  ils  no  tinrent  pas 
leur  parole. 

«  Neuf  ou  dix  mois  se  passèrent  dans  ces 
poursuites;  et  cependant  saint  Jean  Chryso- 
stome tenait  ses  assemblées  avec  quarante- 
deux  évoques  ,  et  le  peuple  écoutait  tou- 
jours ses  instructions  avec  une  merveilleuse 
atfection.  On  rapporte  avec  raison  à  ce 
temps-là  une  de  ses  Homélies  sur  l'épître 
aux  Ephésiens,  où  il  montre  que  le  schisme 
n'est  pas  moins  dangereux  que  l'hérésie,  et 
parle  fortement  contre  les  évêques  qui  se 
séparaient  do  lui  sans  sujet,  et  renversaient 
par  leurs  entreprises  l'ordre  de  la  hiérar- 
chie. Ensuite  il  s'adresse  aux  femmes  en 
particulier,  et  leur  dit  :  «  S'il  y  en  a  quel- 
«  qu'une  qui  veuille  se  venger  de  moi,  je 
«  lui  en  donnerai  un  moyen  pernicieux. 
«  Donnez-moi  des  soufflets,  crachez-moi  au 
«  visage  devant  tout  le  monde,  chargez-moi 
«  de  coups.  Quoi  !  vous  frémissez,  quand  je 
«  vous  dis  de  me  donner  des  soufflets,  et 
'(  vous  ne  frémissez  point  de  déchirer  le 
«  corps  de  votre  maître  ?  »  Les  ennemis  de 
saint  Chrysostome  ,  voyant  le  crédit  qu'il 
avait,  et  craignant  que  ce  schisme  ne  pro- 
duisît quelque  sédition,  firent  publier  une 
loi,  qui  défend  à  tous  les  officiers  du  palais 
de  se  mêler  aux  assemblées  tumultueuses, 
comme  ils  appellent,  sous  peine  de  priva- 
tion de  leurs  charges,  et  de  confiscation  des 
biens.  Cette  loi  est  donnée  à  Constantinople 
le  quatrième  des  calendes  de  février,  sous  le 
consulat  d'Honorius  et  d'Aristenète,  c'est- 
à-dire  le  29  de  janvier  iOi. 

«  Le  carême  étant  venu,  Antiochus  et  sa 
cabale  eurent  une  audience  secrète  de  l'em- 
pereur, et  lui  firent  entendre  que  Jean  était 
convaincu,  et  qu'il  devait  donner  ordre  de 
le  chasser  avant  la  fête  de  Pâques.  L'empe- 
reur Arcade  ne  put  leur  résister,  et  fit  dire 
à  saint  Chrysostome  de  sortir  de  l'église.  II 


!339 


EA 


JEA 


1510 


répondit  :  «J'ai  reçu  do  Dieu  cotte  (''glise, 
«  pour  nrofiiror  le  salut  du  [)ouplo,  et  je  ne 
«  puis  r.tljandon'icr  ;  mais  comiiic  la  ville 
«est  à  vous,  si  vous  vouK'z  (jue  je  quitte, 
«  chassez  moi  de  force,  aliii  que  j'aie  une 
«  excuse  légitime.  »  On  envova  do'îc  du  pa- 
lais, non  sans  quelque  lionto,  des  gens  ((ui 
le  chassèrent,  aven  ordre  de  demeurer  ce- 
pendant dans  la  n)aison  épiscopale.  Us  atten- 
daient, dit  Palhule,  si  la  vengoanco  divine  se 
déclarerait,  pour  le  réiahlir  dans  l'église,  ea 
cas  d'accident,  ou  le  maltraiter  de  nouveau. 
Le  jour  du  grand  samedi  on  lui  dénonça 
encore  de  sortir  de  l'église;  il  répondit 
comme  il  devait.  L'empereur,  craignant  la 
sainteté  du  jour  et  le  tumulte  de  la  ville, 
envoya  quérir  Acaco  et  Antiochus,  et  leur 
dit  :  «  Que  faut-il  faire  ?  prenez  garde  que 
«  vous  ne  m'ayez  donné  un  mauvais  con- 
«  seil.  »  Us  ré;)ondirent  hardiment  :  «  Sei- 
«  gneur,  nous  prenons  sur  notre  tôte  la  dé- 
«  position  de  Jean.  » 

«  Les  quarante  évêques  qui  lui  demeu- 
raient unis  se  présentèrent  dans  les  églises 
devant  l'empereur  et  V.m  )ératrice,  les  priant 
avec  larmes  d'épargner  l'Eglise  de  Jésus- 
Christ  et  de  lui  rendie  son  évoque;  princi- 
palement à  cause  de  la  PA((ue  et  de  ceux,  qui 
devaient  être  ba|)tisés,  étant  déjà  tous  in- 
struits. Us  ne  furent  point  écoutés;  mais 
Paul  de  Cartéia  dit  hardiment  à  l'impéra- 
trice :  «  Eudoxia,  craignez  Dieu,  ayez  pitié 
«  de  vos  enfants,  et  ne  profanez  pas  la  fùte 
«  de  Jésus-Christ  par  reffusion  du  sang.  » 
Ensuite  ces  évoques  se  retirèrent,  et  passè- 
rent la  siinte  veille  chacun  dans  son  logis, 
acca!)lés  de  tristesse.  L^'S  prêtres  de  Constan- 
tinople  qui  étaient  demeuri'S  fidèles  ti  saint 
Jean  Chrysostome,  assemblèrent  le  peuple 
dans  le  bain  public,  nommé  les  Thermes 
Constantiennes,  et  y  célébrèrent  la  veille 
de  Pâques  à  lord-naire,  en  lisant  les  saintes 
écritures  ,  et  bajilisanl  les  catéchumènes. 

«  Antiochus,  Acace  et  Sévère  l'ayant  ap- 
pris, demandèrent  que  l'on  empochât  cette 
assemblée.  Le  maître  des  ollices  leur  dit  : 
«  Il  est  nuit,  le  peuple  est  grand,  il  pour- 
«  rait  arriver  du  désordre.  »  Acace  répondit  : 
«  Les  églises  sont  désertes,  nous  daignons 
i<  que  l'empereur  y  venant,  et  ne  trouvant 
«  personne;,  ne  s'aperçoive  de  l'afTection  du 
«  peuple  pour  Jean ,  et  ne  nous  regarde 
«  comme  des  envieux  ;  principalement  après 
«  qu(;  nous  lui  avons  dit  que  personne  ne 
«  suit  volontiers  cet  homm(;,  qui  n'est  point 
«sociable.»  Le  maître  des  offices,  après 
avoir  protesté  conijc  eux  de  ce  (pii  jjouri'ait 
arriver,  leur  donna  un  nommé  Lucius,  chef 
d'une  com[)agnie  de  gens  de  {guerre,  (jui 
passait  pour  païen ,  avec  ordre  d'inviter 
doucement  le  peu|)le  à  venir  dans  l'église. 
Il  y  alla,  mais  il  tu;  fut  point  écouté,  et  re- 
vint trouver  Acace  et  les  siens,  leur  re[)ré- 
sentarit  l'ardfîur  et  la  fouh;  du  p(Mi|»le.  Ils  le 
prièi-ent  instannutnil  de  relouiner,  joignant 
a  leurs  piières  l'or  (it  l(!S  prouK.-^ses  ;  ils  lui 
recounnaudèrent  d'amener  le  pc-uph;  à  l'é- 
glise par  la  douceur,  ou  du  dissiper  pai' i'orco 
telte  asseiubléo. 


«  Lucius  retourna  donc  accompagné  do 
quelques  clercs  du  parti  d'Acace  à  la  seeoTuie 
veille  de  la  luiit,  c'esl-à-dire  a|irès  neuf  heu- 
res ;  ear,  à  Constaiitinople,  !e  peu|)ie  veillait 
cette  nuit-là  jus(]u'au  premier  chant  du  coq. 
Quatre  cents  nouveaux  soldats  thraciens , 
iort  insolents,  le  suivaient  l'épée  à  la  main. 
Us  fondirent  tout  d'un  coup  sur  ce  peu[)le, 
écartant  la  foule  i)ar  l'éclat  de  leurs  éjiées. 
Lucius  nian'ha  jusijue  dans  les  eaux  sacrées, 
pour  em[)écher  que  l'on  n'administrât  le 
baptême,  et  poussa  le  diacre  si  rudement, 
qu'il  répandit  les  symboles,  c'est-à-dire  le 
saint  chrême.  U  frappa  les  prêti-cs  à  coups 
de  bâton  sur  la  tète,  sans  respect  |)Our  leur 
grand  âge  ;  et  le  sacré  lavoir  fut  mêlé  de 
sang.  Les  femmes,  déjà  dépouillées  pour  le 
ba[)lême,  s'enfuyaient  confusément  avec  les 
hommes,  crainte  d'être  tuées  ou  déshono- 
rées, sans  avoir  le  temps  de  se  couvrir  au- 
tant que  la  bienséance  le  demandait  ;  plu- 
sieurs mêmes  furent  blessées.  On  entendait 
leurs  cris  et  ceux  des  enfants  ;  les  prêtres  et 
les  diacres  étaient  chassés  tout  revêtus.  L'un 
blessé  à  la  main  se  retirait  en  criant  ; 
l'autre  traînait  une  vierge  déchirant  s(^s  ha- 
bits ;  les  vases  sacrés  étaient  au  pillage. 
L'autel  était  entouré  de  gens  armés,  les  sol- 
dats, dont  quelques-uns  n'étaient  pas  bapti- 
sés, vinrent  jusqu'au  lieu  oii  reposaient  les 
saints  mystères,  et  virent  tout  «  découvert. 
Même  dans  celte  confusion,  le  précieux  sang 
de  Jésus-Christ  fut  répandu  sur  leurs  hiibits. 
On  i)rit  une  partie  des  prêtres,  des  diacres 
et  on  les  mit  en  prison;  on  chassa  de  la 
ville  les  laïques  constitués  en  dignités.  On 
cfiicha  plusieurs  édits,  contenant  diverses 
menaces  contre  ceux  qui  ne  renonceraient 
pas  à  la  comumnion  de  Jean.  C'est  ce  qui  se 
passa  la  veille  de  Pâques  16  avril  Wt-. 

«  Le  lendemain  l'empereur ,  étant  sorti 
pour  s'exercer  dans  le  chanq),  vit  auprès  du 
lieu  nounné  Pem|)ton,  parce  qu'il  était  à  cinq 
milles  de  Conslantinople,  une  grande  (juan- 
tilé  de  gens  vêtus  de  blanc.  Il  demanda  à 
ses  gardes  ce  que  c'était.  Us  dirent  que 
c'étaient  des  hérétitiu.'s.  C'étaient  en  elf  t  les 
catholiijues,  qui,  étant  chassés  du  bain  où 
ils  s'étaient  assemblés,  et  ne  voulant  pas 
aller  dans  les  églises  avec  les  ennemis  do 
leur  év."!(pie,  s'assemblaient  en  pleine  cani- 
pagne  ;  et  il  y  avait  entre  eux  environ  trois 
mille  nouveaux  baptisés,  ([ui  poi talent  Iha- 
bil  blanc,  selon  la  coulmne.  Les  ennemis  do 
saint  Chrysostome  profilant  de  celte  occa- 
sion, envoyèrent  les  plus  impitoyables  de  la 
suite  de  i'emi)i'reur  poui-  dissiper  la  multi- 
tude, et  preniire  ceux  qui  les  instruisaient. 
Ce  j)eupl(;  si  nombreux  eilt  pu  facilement 
S(!  défendre,  mais  il  était  trop  bien  instruit. 
On  prit  donc  (lucîhiue  peu  iW  clercs  et  plu- 
sieurs laï(iues  entre  lesquels  étaient  des 
f(nnmes  de  manpie.  On  arracha  les  voiles  à 
(inelques-uiu's,  à  (jucltiues  autres  les  |)en- 
(îanls  et  les  oreilles  mêmes.  Une  des  plus 
riclic's  et  des  plus  J)elles  prit  l'habit  vl'uno 
esclave  et  s'enfuil,  coiu-anl  dans  la  ville, 
pour  sauver  son  hountnn-.  Les  prisons  furent 
remplies  de  diUércnls  magistrats,  on  y  chaU' 


I 

f 


1-41  JE A 

tait  (ios  nymnos  et  on  y  olVrait  les  saints 
mystères,  en  sorte  (ni'ellos  tlevinrciit  des 
éiilisi's;  au  lion  (lue  l'on  ciito:nlail  <ia:is  les 
(\£,\\fios  dos  touols,  dos  tortures  et  (hîsjnro- 
monts  torrihios,  pour  obligera  anatln'inati- 
sor  Jean.  Mais  plus  ses  adversaires  f.ii.siieut 
d'elVorts,  plus  les  assemblées  d(!  ceux  cpii 
l'aiMiaieiil  étaient  norubrouss;  elles  se  le- 
nai»>nt  taulùt  dans  un  lieu,  tantAt  dans  l'autre, 
mais  principalement  dans  un  espaec  ipic  lo 
grand  Consianliu  avait  lait  enrermer  de  pa- 
lissades, pour  y  voir  dos  (îourses  de  cluivaux, 
avant  qu'il  er»t  b;\li  la  ville. 

«  \'er>  00  même  temps,  nu  lionnn(!  pos- 
sédé du  démon,  on  qui  passait  pour  l'être, 
fut  trouvé  avec  nu  poignai-d.  don!  on  pré- 
tendait qu'il  voulait  tuer  saint  Clu-ysostome  ; 
le  peuple  le  mena  au  pi-éfet,  eommi!  ayant 
été  ga  uié  i)ar  ar^Aont  pour  lairo  co  ooup. 
Mais  CbrysoslouH"  envoya  des  évé(]tH's  île 
ses  amis,  cpii  le  délivrèrent  avant  tpi'on  lui 
fît  aucun  mal.  lùisude  un  valet  du  prêtre 
Elpide.  ennemi  déclaré  do  saint  Cbryso- 
slomo,  ayant  reçu  cinijuanle  sous  d'or  pour 
le  tuer,  s'arma  do  trois  |)oig'iards  et  courut 
vers  la  maison  épiscopale.  Un  homme  qui  le 
reconnut  l'arrêta  et  lui  demanda  on  il  allait. 
Il  ne  lui  ré|iondit  (jne  par  un  coup  de  poi- 
gnaid,  et  frappa  de  même  un  second  qui 
cria  voyant  frapper  le  premier,  ensuite  un 
troisième  et  un  quatrième,  et  ainsi  jusqu'à 
sept  personnes,  dont  quatre  moururent  sur- 
le-champ.  Le  peuple  enfin  ayant  pris  ce 
meurtrier,  le  préfet  s'en  saisit,  et  pour 
apaiser  le  peuple,  promit  d'en  faire  justice  ; 
mais  il  le  laissa  impuni.  Depuis  co  temps-là 
le  peu[)lo  fit  garde  jour  et  nuit  devant  la  mai- 
son épiscopale  i)Our  la  sûreté  de  saint  Jean 
Chrysostome. 

«Cinq  jours  après  la  Pentecôte,  qui,  cette 
année  Wt,  fut  le  5  juin,  Acace,  Sévérien , 
Antiochus  et  Cyrin  allèrent  trouver  l'empe- 
reur, et  lui  dirent  :  «  Vous  |)0uvez  faire  ce 
«  qu'il  vous  plaira,  mais  nous  vous  avons 
«  dit  que  nous  [)renions  sur  notre  tète  la 
«  dé|)osition  de  Jean  :  il  ne  faut  pas  nous  per- 
«  dre  tous  pour  é[)argner  un  seul  homme.  » 
L'empereur  envoya  le  notaire  patrice  dé- 
noncer à  Jean  de  se  recommander  à  Dieu  et 
de  sortir  de  l'église.  Après  un  ordre  si  pré- 
cis, saint  Jean  Chrysostome  descendit  de  la 
maison  é[)iscopale  avec  les  évoques  ses  amis, 
et  leur  dit  :  «  Venez,  prions,  et  preno'^s 
«  congé  de  l'angle  de  cette  église.  »  Aussitôt 
un  homme  puissant  et  craignant  Dieu,  qui 
suivait  le  bon  parti,  lui  donna  cet  avis  : 
«  Lucius,  dont  vous  connaissez  l'insolence, 
«  est  tout  près  dans  un  bain  public,  avec  les 
«  soldats  qu'il  commande,  pour  vous  enle- 
«  ver  de  force,  si  vous  résistez  ou  difierez 
«  d'obéir;  la  ville  est  fort  émue,  sortez  donc 
«  promptemeut  et  secrètement,  de  peur  que 
«  le  peuple  n'en  vienne  aux  mains  avec  les 
«(  soldats.  »  Alors  saint  Chrysostome  prit 
congé  de  quelques-uns  des  évoques  avec  le 
baiser  accompagné  de  larmes;  car  il  n'vut 
pas  la  force  de  les  embrasser  tous,  et  dit  aux 
autres  dans  le  sanctuaire  :  «Demeurez  ici, 
«  je  vais  un  peu  me  reposer.  » 


JE  A 


1349 


«  Il  entra  dans  le  baptistère,  et  appela 
01ym|)iad(;,  qui  uo.  sortit  point  de  l'église, 
avec  Pent.'dio  et  l*rocl,i,  diaconesses,  et  Syl- 
vine,  veuve  do  Nébridius  et  liHc  de  (lildon  : 
«  \'(niez  ça,  li'ur  dit-il,  mes  (illcs,  écoutoz- 
«  moi;  ma  fin  approche,  à  ce  qu(;  je  vois, 
«j'ai  achevé  ma  cari-ière,  et  peul-ètre  ne 
«  vorrez-vous  plus  mon  vi'-age.  Ce  (pu;  je 
«  v(jus  demande,  c'est  que  votre  alfoction 
«  poiu"  l'iîglise  ne  se  r((lA(;h(!  point;  et  que 
«  ipiand  ([uelqu'un  aura  été  oi'donno  malgré 
«  lui,  sans  l'avoir  brigué,  et  du  coirsento- 
«  nuMit  de  tous,  vons  baissi(;z  la  tête  devant 
«  lui  connue  devant  moi  ;  car  l'église  ne 
«  peut  être  sans  évêqu(î.  Kt  comme  vous 
«  voulez  que  Dieu  vous  fasse  miséricorde, 
«  souvenez-vous  de  moi  dans  vos  prieies.  » 
Elles  se  jetèrent  à  ses  |)ieds,  fondant  en 
larm(!s.  11  lit  signe  à  un  dos  plus  sages  de 
ses  |)iêi!'es,  et  lui  dit  :  «  Ennnenez-los  d'ici, 
«  do  peur  c|u'elles  ne  troublent  le  i)eu|)lo.  » 
Jolies  s'apaisère;:t  un  |)eu.  et  il  sortit  du  côté 
do  l'orient,  tandis  qu'à  l'occident  devant  le 
grand  portail  de  l'église  on  tenait  par  son 
ordre  son  cheval,  pour  donner  le  change  au 
peujjlo  (pii  l'y  attendait;  il  s'embarqua  et 
|)assa  en  Bilhynie.  Sa  mèr-e,  qui  vivait  en- 
core, l'eKhorta  courageusement  à  se  retirer 
plutv')t  que  de  rien  faire  d'indigne  de  lui. 

«  Pendant  qu'il  se  retirait,  on  vit  tout  d'un 
coup  une  llamme  dans  l'église,  à  la  chaire 
où  il  avait  coutume  de  s'asseoir,  et  d'où  il 
prêchait.  Le  fou  monta  au  toit,  et  du  dedans 
gagna  le  dehor-s;  en  sorte  que  l'église  fut 
toulo  brûlée,  avec  les  bâtiments  qui  l'ac- 
compagnaient, excepté  une  petite  sacristie  où 
étaient  les  vases  sacrés,  qui  somblt  conser- 
vée par  miracle,  de  peur  que  les  ennemis  de 
saini  Chrysostome  ne  l'accusassent  d'avoir 
enlevé  ces  vases.  De  l'église,  le  feu,  poussé 
par  un  grand  vent  de  nord,  travei'sa  la  place 
sans  fair-e  de  mal  au  peuple,  mais  faisant 
comme  un  pont,  il  prit  au  palais  où  se  tenait 
le  serrât,  situé  au  midi  de  l'église.  Ce  palais 
commença  à  briller  non  du  côté  do  l'église,  mais 
du  Cijté  du  pillais  d:^  l'empereur  qui  joignait 
celui  du  sénat  :  il  brûla  pendant  tr^ois  heu- 
res, depuis  sexte  jusqu'à  none,  et  l'ut  con- 
sumé tout  entier.  Dans  tout  cet  incendie, 
qui  commença  dès  le  soir  précédent,  il  ne 
périt  pas  une  âme,  pas  même  une  liète.  Les 
catholiques  le  regardèrent  corume  un  miracle 
et  un  elfet  de  la  vengeance  divine  ;  quel- 
ques-uns en  accusèrent  les  schismatiques, 
et  dirent  qu'avec  l'église  ils  voulaient  brûler 
le  peuple  qui  était  dedans.  Les  schismati- 
ques, et  les  païens  après  eux,  en  accusèrent 
les  catholiques,  et  diront  qu'ils  avaient  mis 
exprès  le  feu  à  l'église,  afin  qu'il  n'y  eût 
plus  d'évêques  après  Jean;  mais  jamais  on 
ne  put  découvrir  l'auteur  de  cet  embrase- 
ment. Il  arriva  le  lundi  20  juin,  sous  le  con- 
sulat d'Honorius  et  d'Aristenète,  c'est-à-dire 
l'an  iOi. 

«  Cependant  les  soldats  du  préfet  rete- 
naient saint  Jean  Chrysostome  prisonnier 
en  Bitiiynie,  avec  deux  évoques,  Cyriaque 
d'Emèso  et  Eulysius  de  Bostre,  les  mena- 
çant de  les  punir  pour  l'embrasement  de 


1545 


JEA 


JEA 


i3U 


l'église.  Ensuite  Cynaque  et  Eulysius,  ayant 
élé  ramenés  à  Constantinoph'  avec  les  autres 
clercs,  furent  trouvés  innocents  et  mis  hors 
de  prison,  mais  envoyés  en  exil.  Saint  Chry- 
sostome,  étant  ainsi  retenu,  demanda  à  ses 
persécuteurs  d'être  au  moins  ouï  sur  cet 
embrasement  de  l'église  dont  ils  l'accu- 
saient. Mais  il  ne  fut  pas  plus  écouté  sur  ce 
point  que  sur  les  autres,  et  on  l'envoya  sous 
bonne  garde  h  Gueuse  en  Arménie.  »  (iFleury, 
vol.  11,  p.  165). 

En  (piittant  Nicée  pour  se  rendre   dans 
cette  ville,  il  fut  obligé  de  marcher  nuit  et 
jour,  pour  éviter  les  Isaures,   (fui  faisaient 
trembler  le  pays.  Les  fatigues  de  toutes  sor- 
tes quil    eut   à  endurer,    surtout   l'extrôine 
clialeur  et  l'excès  des  veilles,  consumèrent  le 
peu  de  force  qui  lui  restait.  Il  tomba  malade 
d'une  lièvre  tierce,  malgré  laquelle  il  fallut 
qu'il  conliimAt  à  marcher.  Comme  il  ne  pou- 
vait presque  plus  se  traîner,  Léonce,  arche- 
vêque d'Ancyre  en  Galatie  et  l'un  des  princi- 
paux ministres   de   la  persécution,  en  vint 
jusqu'à   le  menacer  de  la  mort.    Comme  il 
approchait  de  Césarée,    plusieurs  personnes 
vinrent  au-devant  de  lui  pour  lui  dire  la 
grande  envie  que  Pharètre,  évèque  de  cette 
ville,  avait  de  le  voir  et  de  lui  prodiguer 
tous  les  soins  dont  il  avait  besoin.  L'accueil 
qu'on  lui  tit  dans  cette    province  lui   donna 
de  grandes  consolations.  Hommes  et  femmes, 
laïques  et  clercs,  vierges  et  moines,  tous  se 
précipitaient  sur  son  passage,  et  lui  témoi- 
gnaient par  leur  empressement  ,  par  leurs 
larmes,  la  douleur  (pi'ils  éprouvaient  de  le 
voir  exilé.  Il  était  encore  très-malade  quand 
il  entra  dans  Césarée.  Des  médecins  vinrent 
le  voir.  Quant  à  Pharètre,  qui  avait  fait  faire 
par  ses  envoyés  tant  de  démonstrations,  il 
ne  paraissait  jias.  Enfin,  avec  les  soins  des 
médecins,  avec  les  consolations  qu'il  reçut  de 
tous  les  côtés,  ie  saint  évèque  reprit  sa  santé 
pfrdue.    Déjà  il  se   préparait  à  partir  dans 
quelques  jours  pour  le  lieu  de    son   exil, 
quand  Pharètre,  jaloux  de  voir  que  toute  la 
ville  se  [)ortait  à  la  maison  du  saint,  excita 
contre  lui  les  moines  qui,  à  diverses  reprises, 
vinrent  assiéger  sa  maison   et  le   forcèrent 
de  {)artir  précq):tamment  en  plein  midi  dans 
une   litière,  quoifiu'il   eût  encore  la   lièvre. 
Vi\(i  dame  de  la  ville,  nommée  Séleucie,  lui 
olfrit  son  chAteau,  cpii  était  à  deux  lieues  de 
là  ;  mais   les  mêmes   peisécuteurs  vinrent 
encon-  l'en  chasser:   il  fut  obligé  d'en  i)arlir 
au  milieu  de  la  nuit.  Endn  il   arriva  à   Cu- 
cusf!,  après   soixairle-dix  jours   de  voyage. 
C'était  une  petite  ville  si  peu  peiqtlée,  (ju'on 
n'y  tenait  pas   même  de   marché,  et  cpi'on 
n'y  trouvait   rien  à  acheter.    C'était  un  lieu 
per-du  dans  le  Taunrs,  eX'  osé  à  chaque  itrs- 
ta-it  airx  cf)ur'ses  des  Isauri-s.  Somme  toul(!, 
il  y  dut  èti-e  ass(!Z  bi(!n,  cai'  Dioscore,  irir  do 
s(,'S  aniiens  arrris   (jui  y  di  rneurait,  le  lo^ea 
chez  liri.  1!  vécut  en  repos  à  (tueuse,  deman- 
da mêrrre  h  y  r-esler,  et  consola  île  son  mieux 
b'S    amis  (jui    l'av.iierrl  suivi    dans  son  exil. 
Du  reste,  c.  Ile  |)etite  vilh;  de  Cueiise  d<;vinl  le 
lenilc/.-voiis  d'un  rrombr-e   considérable    do 
jjersonnes  qui,  do  tous   coli's  ,  venaient  en 


foule  pour  voir  le  saint.  Leshistoriens  disent 
que  toute  la  villed'Antioche  vint  pour  le  visi- 
ter; les  prêtr-es,  les  évêques  de  tous  les  pays 
voisins  lui  écrivaient  ou  se  rendaient  près 
de  lui.  Durant  l'hiver  il  tomba  encoremalade. 
En  VOG,  il  |)ossa  tout  cet  hiver  dans  le  châ- 
teau d'Arabisé,  mais  il  y  fut  tellement  mal 
que  sa  maladie  dura  jus(pi'au  retour  de  la 
belle  saison.  11  avait  été  obligé  de  se  réfugier 
à  Arabise  pour  éviter  les  courses  des  Isaures, 
qui  mettaient  tout  à  feu  et  à  sang  dans  la 
contr-ée.  Après  avoir  passé  une  j)artie  de 
l'année  dans  ce  château,  ([ui  était  fortifié,  il 
revint  à  Cucuse.  L'année  d'après,  sa  santé 
s'étant  trouvée  ratTermie,  il  passa  l'hiver  dans 
iV^s conditions  bien  meilleur'cs.  En  4-07,  il  fut 
transféi-é  à  Arabise,  j)uis  unoi^lre  arriva  qui 
le  transféra  à  Pvthionte,  mais  en  y  allant  il 
mourut  à  Coraafie. 

JEAN  LÉCONOMANTE,  patriai'che  intrus 
de  Constantinoplc,  fut  un  des  plus  ardents 
iconoclastes  ,  et  un  furieux  persécuteur  de 
la  religion  catholique.  Il  naquit  à  Constanti- 
noplc, d'une  famille  noble,  et  fut  gr\nnmai- 
rien  de  profession,  et  fort  exercé  dans  les 
subtilités  de  la  dialectique.  Il  était  aussi 
magicien  ;  et,  comrueil  se  servait  d'un  bas- 
sin pour  prédire  l'avenir,  on  lui  donna  le 
nom  de  Léconomante,  sous  lequel  il  est  le 
plus  connu  ;  mais  on  le  norrrmait  aussi  Hily- 
las  ou  Hilzila.  Il  fut  abbé  du  monastère  ue 
Saint-Serge  et  Saint-Bacque,  dans  le  palais 
d'Hor-misdas,  et  compté  entre  le  clergé  im- 
périal. L'empereur-  Léon,  ayant  donc  trouvé 
cet  homme  propre  à  son  dessein,  lui  promit, 
s'il  le  faisait  réussir,  de  le  laire  patriarche, 
et  lui  donna  ue  oivlre  en  vertu  duquel  il 
commença,  vers  la  Pentecôte  de  l'an  814-,  à. 
feuilleter  avec  quelques  autres  les  anciens 
livres  de  toutes  les  bibliotlièques  de  Constan- 
tinoplc, tant  des  églises  que  des  monastères. 
En  ayant  assemblé  un  grand  nombre,  ils 
marquèrent  les  passages  que  leur  indiqua  le 
concile  des  iconoclastes,  tenu  sous  Constan- 
tin Copronyme,  mais  ils  brrllèrent  plusieurs 
livres  qui  leur  parurent  trop  favor'ables  aux 
images.  (Fleur-y,  vol.  III,  p.  150.) 

Il  figura  d'une  façon  excessivement  fA- 
chense  pour  son  salut,  dans  l(>s  persécutions 
que  les  emper-eur-s  d'Ori(Mit  firent  endurer  à 
l'Eglise  à  pr-opos  des  saintes  images.  Sous 
l'empereur  Tliéophile,  en  830,  il  fut  nommé 
au  siège  de  Constanlinople,  à  la  place  d'An- 
toine de  Syllé.  Pendant  tout  le  temps  qu'il 
fut  sur  le  siège  pali'iarcal  ,  il  per-sécuta  vio- 
lenrentles  (;alholi(iues  ;  (piand  l'irufiér-atrice 
Théodor-a  prit,  en  H\'2,  la  régence  de  l'em- 
])ir-e,  Jean  fut  déposé  :  elle  appela  urr  oMieicM", 
nommé  Conslaritin,  et  l'eirvoya  au  patriarche 
Jc.iii  Léconomante,  poirrhri  dire:  Plusi«|ui-s 
moines  et  d'autres  pei'sornres  pieirses  m'ont 
inéserrté  rerpièle  |)oui'  le  rétablissement  des 
siintes  iurages  ;  si  vous  en  êtes  d'accoi-d,  l'é- 
glise rt^irren-ua  son  ancien  orrnnuenl  ;  sinon, 
(prittez  le  siège,  sortez  de  Conslanlinoplo, 
et  vous  retir-ezà  voli'e  maisï)n  de  cam|)agne 
jirs(iu'à  ce  (pie  l'on  (ieiine  rrn  concile  où. 
"vous  assisterez.  Car  un  veut  vous  y  juger, 


i545 


JKA 


Jt\ 


1346 


et  vous  niontivr  qiuM'ous  soutenez  une  er- 
reur. 

Constantin  trouva  Jean  coucIk^  sur  un  lit 
do  repos,  en  une  dos  iliainl)res  du  palais  |»a- 


riarral  ;  et  ,  après  (jn'il  lui  eut  dit  ce  dont 
'ini|>èratrict'  1  avait  chargé,  Jean  n'-pondil 
senlemt'nl  ([u'il  [U'cndrait  conseil,  elle  ren- 
vova  anssilùi.  lui  niônie  tein[)S,  il  [)ril  unes 
lancette,  et  s'ouvrit  les  veines  du  ventre, 
pour  penlr(>  beaucoup  de  sang  sans  se  uwA- 
tre  en  dangei-.  Ainsi,  le  bruit  se  répatidit  en 
un  nioinent  dans  Tégiise  ([ui;  riui|)ératrice 
nvait  envoyé  assassiner  le  |)atriar(;lie,  et  ce 
bruit  vint  jnscju'au  palais  avant  (|ue  Constan- 
tin y  fill  retoui'né.  Le  patrice  Hardas  fut  en- 
voyé pour  s'int'oinier  exactement  de  la  vérité 
du  fait,  et  trouva  (pie  les  plaies  avaient  été 
faites  exprès. joint  le  témoignage  desdomes- 
ti(jues  pro|pre:.  du  patriarche,  et  la  lancette 
qui  fut  représentée.  Jean  ,  étant  ainsi  con- 
vaincu ,  fut  chassé  de  l'église  et  renfermé 
dans  sa  maison  de  campagne,  nommée  Psi- 
cha.  (Fleury,  vol.  III,  p.  309.) 

C'est  ainsi  que  cet  évèquc  intrus  joua  la 
comédie  pour  se  rendre  iidéressant  nu 
peuple,  qui  sait?  peut-être  pour  faire  croire 
a  une  |)ersécution  exercée  contre  lui.  Depuis 
lors,  Jean  n'a  plus  aucun  rôle  historique  re- 
lativement au  sujet  que  nous  traitons. 

JEAN  1" (saint),  pape  et  martyr,  était  natif 
de  Toscane.  Il  passa  successivement  par  les 
différents  degrés  des  ordres  sacrés,  jusqu'au 
rang  d'archidiacre,  qu'il  occupait  lors  de  son 
élection  au  trône  pontitical,  en  l'an  523.  Le 
roi  des  Goths,  Théo  Joric,  était  alors  maître 
de  l'Italie.  On  sait  que  ce  roi  fut  un  très- 
grand  prince,  mais  qu'il  garda  toujours  une 
cruauté  et  une  barbarie,  qui  tirent  tache  au 
milieu  de  ses  brillantes  qualités.  Nous  pre- 
nons dans  Fleury,  vol.  II,  p.  525,  la  suite  de 
l'histoire. 

«  L'empereur  Justin  voulait  obliger  les 
ariens  à  se  convertir  et  faire  consacrer  leurs 
cgiiïes  à  l'usage  des  catholiques.  Théodoric, 
roi  d'Italie,  en  fut  extrément  irrité,  et  mena- 
çait de  traiter  de  même  les  catholiques  en 
Italie,  et  de  la  remplir  de  carnage.  Il  tit  donc 
venir  à  Uavenne  le  pape  Jean,  et  l'obligea 
d'aller  en  ambassade  à  Constantinople  pour 
faire  révoquer  ces  ordres  et  rendre  les  églises 
aux  ariens.  Avec  le  pape,  Théodoric  envoya 
quatre  sénateurs,  savon*  :  Théodore,  Impor- 
tun et  Agapit,  qui  avaient  été  consuls,  et  un 
autre  Aga[)it,  patrice.  Ce  fut  la  première  fois 
qu'un  pape  lit  le  voyage  de  Constantinople. 
On  dit  qu'en  entrant  dans  la  ville,  par  la  porte 
dorée,  un  aveugle  le  pria  de  lui  rendre  la 
vue,  et  qu'il  le  lit,  mettant  la  main  sur  ses 
yeux,  en  présence  de  tout  le  peuple  qui  était 
venu  au-devant  de  lui  ;  car  on  lui  rendait  de 
grands  honneurs.  Toute  la  ville  l'alla  rece- 
voir jusqu'à  douze  milles,  avec  des  cierges 
et  des  croix  ;  l'empereur  Justin  se  prosterna 
devant  lui  et  voulut  encore  être  couronné 
de  sa  main.  Le  patriarche  Epiphane  l'invita 
h  faire l'oQice,  mais  il  ne  l'accepta  qu'après 
qu'on  lui  eût  accordé  de  s'asseoir  h  la  pre- 
mière place.  11  célébra  donc  l'ollice  solen- 
nellement en  latin,  le  jour  de  Pâques,  30 


mars,  indiction  troisiènn*,  sous  le  consulat 
de  Philoxèue  et  de  IMobus,  c'esl-a  dire  en 
Irll).  Il  (■oiuinuni(pia  av«M-  tous  les  évô(jues 
d'Orieid  ,  excepté  Timothé(î  d'Alex.'HicIrie, 
enneun  dt-claré  du  courilc  de  Chalcédoiire.. 
Le  pape  Jean  s'ac(|uittalidèlement  de  sa  com- 
nnssio;i.  (lar  ayant  représ(îidé  à  r(.'m(»er'eur 
Justin  le  péril  aurpiel  était  (ixposée  l'Italie, 
il  obtint  ce  (pi'il  demandait,  c'est-à-dii'e  cpie 
lesaricMis  demeur(!rai(!nt  en  liberté. 

«  Pendard  (pu*  le  pape  était  à  Coustantino- 
l)le,  h*  roi  Théodoric,  lit  mcdtre  en  prison  les 
deux  plus  illusli-es  sénateurs,  Symmacpu!  vA 
IJoëce,  son  geudi-o,  ({ui  tous  deux  avaient 
été  consuls.  Ils  fu  rend  accusés  de  crinuj  d'état, 
c'est-à-dire  iU\  vouloir  sout(Miir  la  dignité  du 
sénat  contre  les  entreprises  de  Théodoric  ; 
et  d'ailhïurs  Hoôce  était  fort  zélé  pourla  jeli- 
gion  catJKjlique,  qu'il  défendit  par  plusieurs 
écrits.  lien  adressa  deux  au  pa[)e  Jean,  alors 
diacre  de  l'église  romaine,  savoir  :  un  cordro 
Eutychès  et  Nestorius,  touchant  les  deux 
natures  et  l'unique  i)ersonnc  de  Jésus- 
Christ.  L'autre  sur  cette  (piestion  de  logicjue: 
Si  le  pèi-e,  le  (ils  et  le  Saint-Esprit  peuvent 
être  afiirmés  substantiellement  de  la  divinité. 
Il  adressa  à  son  beau-père  Symmaque  un 
autre  traité,  oii  il  prouve  que  la  trinité  est 
un  seul  Dieu,  et  non  pas  trois  dieux.  Il  s'é- 
tait fort  appliqué  à  la  logique  d'Aristote, 
dont  il  traduisit  et  expliqua  plusieurs  traités; 
et  l'on  i)rétend  qu'il  est  le  premier  des  La- 
tins qui  ait  appliqué  à  la  théologie  la  doc- 
trine de  ce  philosophe.  Le  i)lus  beau  et  le 
plus  fameaux  de  ses  ouvrages  est  la  conso- 
lation de  la  philosophie,  ciu'il  composa  dans 
sa  prison,  et  où  il  parle  dignement  de  la  pro- 
vidence et  de  la  prescien'ce  de  Dieu.  Il  fut 
arrêté  à  Pavie  et  mis  à  mort  dès  l'an  52i, 
sous  le  consulat  de  Justin  et  d'Opilion,  indi- 
ction seconde  ;  et  son  beau-père  Symmaque 
fut  arrêté  après  lui  et  mis  à  mort  l'année 
suivante  525. 

«  Le  pape  Jean  étant  revenu  de  son  am- 
bassade ,  fut  aussi  arrêté  à  Ravenne,  par 
ordre  du  roi  Théodoric,  avec  les  sénateurs 
qui  l'avaient  accompagné ,  apparemment 
comme  complices  de  Boèce  et  de  Symmaque. 
Théodoric  était  irrité  contre  le  pape  en  par- 
ticulier à  cause  des  honneurs  qu'il  avait 
reçus  à  Consta  lîinople.  Toutefois  craignant 
l'indignation  de  l'empereur  Justin,  il  n'osa 
les  faire  mourir;  mais  il  les  tint  en  une 
rude  prison,  où  le  pape  Jean  mourut  de 
maladie,  le  27  niai  526,  sous  le  consulat 
d'Olybrius,  après  avoir  tenu  le  saint-siége 
deux  ans  et  ne.if  iuois.  Son  corps  fut  trans- 
féré à  Rome  et  enterré  à  Saint-Pierre,  et 
l'Eglise  honore  le  jour  de  sa  mort  comme 
d'un  saint  martyr.  » 

JEAN  (saint)," martyr,  cueillit  la  palme  du 
martyre  à  Cordoue,  pendant  la  sanglante  per- 
sécution que  les  Arabes  y  suscitèrent  contre 
les  chrétiens.  Il  eut  pour  compagnon  de  ses 
combats  son  glorieux  frère  saint  Adulphe. 
L'Eglise  honore  la  mémoire  de  ces  deux 
saints  martyrs  le  27  septembre. 

JEAN  (  saiiJi),  martyr,  fut  du  nombre  des 
saints  dont  les  historié  is   parlent,    comme 


1517 


JEA 


JEA 


1348 


ayant  été  martyrisés  on  tonrmont^s  clans  le 
XI'  siècle  par  les  j)oiiplailes  encore  l^aibares 
des  Slaves  et  des  Vand.ilcs,  dans  le  pays  de 
Ratzboiirg.  Pressé  d  i  désir  ardent  de  pnrler 
la  lumière  de  la  foi  aux  païens,  il  était  venu 
d'Ec  sse  en  Saxe  dans  un  âge  déjà  assez 
avancé.  11  avait  déjà  baptisé  plusieurs  mil- 
liers de  Slaves  quand  il  devint  enlin  victime 
de  son  zèle.  Avant  été  fut  pr  sonnier,  il  eut 
à  souffrir  mille  mauvais  traiteuKMils  dans 
son  cachot,  il  l'ut  ensuite  traîné  |iai-  toutes 
les  villes  du  pays  recevant  des  coups  de  bâ- 
ton cl  pressé  sans  cesse  d'a;!0sta,^ier  la  foi 
qu'il  était  venu  prêcher.  Les  païens  n'ayant 
pu  réussir,  lui  coupèrent  les  mains  et  les 
pieds  et  ensuite  la  tète  qu'ils  promenèrent 
piquée  au  bout  d'une  lance,  et  oUVirent  eu- 
suite  à  leur  idole  nommé  K.idegast.  Son  mar- 
tyre, au  rapport  des  historiens  du  lemjts, 
arriva  le  10  novembre  10G6.  L'Egli^e  fait  sa 
fête  le  lo  juillet. 

JEAN  DEi'ÉUOUSE  (saint),  prêtre  de  l'or- 
dre religieux  fondé  par  saint  Franrois  d'As- 
sise, fut  envoyé  en  Espagne  par  ce  saint  en 
1219  ou  1220,  avec  Pierre  de  Sasso-Ferrato, 
pour  y  convertir  les  Maures.  Ils  vinrent  d'a- 
bord à  Tuerel,  dans  lo  royaume  d'Aragon, 
et  y  établirent  un  couvent,  si  toutefois  on 
peut  nommer  ainsi  deux  pauvres  cabanes  ou 
cellules  qu'ils  avaient  bâties  auprès  d'une 
église.  Bientôt  leurs  prédications  et  l'exem- 
plc  de  la  sainteté  de  leur  vie  les  rendirent 
l'objet  de  la  vénération  de  toute  la  contrée. 
Dans  l'intérêt  de  la  pi"opagalio:i  de  la  foi,  et 
conformément  aux  ordies  de  leur  saint  fon- 
dateur, ils  SP!  rendirent  à  Valence,  ville  qui 
était  SOUS  la  domination  des  Maur  s,  et  dans 
liquélle  régnait  Azote,  ennemi  achainé  des 
chrétiens.  Ils  prêchèrent  aux  habitants  les 
vérités  de  notre  foi,  et  enti-eprirent  de  leur 
montrer  la  fausseté  des  dogmes  de  la  croyan- 
ce mahométano.  Cela  étant  arrivé  aux  oreil- 
les du  roi,  il  les  ht  arrêter  et  jeter  dans  une 
prison.  Il  nnt  tout  en  œuvre  pour  ébranler 
et  corrompi-ela  foi  de  ces  généreux  prédica- 
teurs de  l'Evangile  ;  mais  ses  mer.aces  p.is 
plus  que  les  promesses  de  faveurs,  de  places 
et  d'argi'Ut,  ne  purent  les  gagner  :  alors  il 
les  condamna  à  avoir  la  tête  tranch'e,  ce 
qui  fut  exécuté,  l'an  12.'J0,  On  dit  que  de 
nombreux  miracles  s'accomplii-enl  sur  leur 
tombeau.  L'Eglise  fait  leur  fêle  le  3  sep- 
tembre. 

JEAN  Nf<POMUCÈNE(  saint),  naquit  en 
1.3.'{0  à  Népomuck,  ville  peu  considérable  de 
IJohêiiie  et  située  à  p(Mi  de  distance  de  Pra- 
gue. Ses  par(Mits  le  consacrèrent  à  Dieu  en 
reconnaissance  de  la  |)io'(Mti(Hi  (pic  la  très- 
sainte  Vierge  hiur-avait  accor'déedans  une; ma- 
ladie qui  le  mit  en  gr'andi)éi-ild('s  lespiemiris 
joui's  (Je  sa  naissanc(;.  il  reçut  une  brillante 
éducation  et  prit  le  degré  de  docliMii' à  ^u- 
nive|•sltédel'r■ague,que<;llarl(•slV,emp(!r■eur 
d'AlhMiiagne,  vtiiail  de  fonder.  Il  avait  un  ta- 
lent particulier' pnur' la  jjaiole.  Aussi,  sesen- 
laiil  une  lorli!  inclination  poui'  le saceidoe*', 
aus.sii(U  ipj'il  fut  oi-di»nné  prêtre,  son  évè(pio 
liiiconha  la  (;liaw(!  d(;  la  pai'oisse  de  Noliti- 
Daaic-du-'i'ciu.  11  lit  un  bien  immeiiiic  cl  i*:* 


eiuniant'^  couraient  en  foule  pour  l'écouter.  Sur 
ces  enlr-efaites,  l'empereur  Char-les  IX  étant 
venu  à  mourir-,  son  lils  Wenceslas,  surnom- 
ni('  dans  l'histoiie  le  Fainéant  et  \'Jrro(fne, 
lui  succéda.  Ce  jeune  [)r:nce  ayant  entendu 
pailtM-  (1((  notri'  saint,  et  voulant  appréc-ier 
son  mérite  par  lui-même,  le  nomma  pour 
pi'êcher  l'Avent  à  la  cour.  11  fut  si  tnuché  de 
son  éloqu(nce  qu'il  arnêta  quel([ue  temps 
ses  dél>oi"dements  et  (ju'il  voulait  nommer 
Jean  air  siège  épisco[)al  de  Leitoméiitz,  (jui 
était  vacant.  Il  le  refusa  ainsi  (jue  la|)révôté 
de  Wischeradt,  (jui  rapportait  cent  mille  flo- 
rins de  revenu  par  an.  L'impératrice  Jeanne, 
fdio  d'Albert  de  Bavière,  comte  de  Hainaut 
et  de  Hollande,  connaissant  le  mérite  et  la 
sainteté  de  notre  saint,  le  choisit  pour  di- 
recteur de  sa  conscience.  En  [)eu  d'années, 
elle  lit  de  rapides  [)rogrès  dans  la  vertu  et 
elle  apprit  à  supporter  avec  joie  les  peines 
continuelles  que  lui  faisait  endurer  Wences- 
las par  son  carMctère  jaloux  et  emporté.  La 
piété  de  l'impératrice  ne  lit  qu'irritu'  le  ca- 
ractère féroce  de  ce  derniei-,  et  il  résolut  de 
se  faire  dévoiler  jiar  Jt-an  tout  le  secret  des 
confessions  de  son  épouse.  Notre  saint  s'y 
refusa  courageusem*  nt,  faisant  voir  à  ce 
prince  tout  ce  que  sa  démarche  avait  d'o- 
dieux. Wincf'slas  le  (it  jeter  dans  un  cachot, 
lui  d  sant  qu'il  n'en  sortirait  que  (prand  il 
aurait  satisfait  à  sa  demande.  Quelqms  jours 
après  cependant,  un  gentilhomme  vi'it  le  dé- 
livrer le  i)rianl  de  la  part  du  roi  d'oublier 
tout  le  passé  et  de  venir  drner  le  lendemain 
avec  lui.  Le  lend(nnain  notre  saint  se  rendit 
à  l'invitation  de  Wenceslas.  Après  le  re[)as, 
l'emjier-eur  renouvela  sademande,  mais  inu- 
tilement; alors,  plein  de  fureur,  il  lit  recon- 
duire Jean  en  ()r'ison,  oi"donnaiit  ((u'on  l'y 
tr-..itat  avec  la  derriièi'O  inhumanité  !  Les 
bourreaux  l'étendii-ent  sur  un  chevalet,  lui 
aiV)li(picrent  des  torches  ardentes  sur  les  cô- 
tés et  aux  parties  du  cor|)s  les  plus  sensi- 
bles. On  le  retira  du  chevalet  pi'esque  expi- 
rait.  L'impératrice  ayant  ap[)ris  tous  ces 
événements,  alla  se  jeter  aux  pieds  de  son 
époux  et  en  obtint  l'élar'gissinnent  du  saint. 
Celui-ci  persuadé  que  ce  pardon  n'était  iju'un 
feu  caché  sous  la  cendre,  se  ])répara  à  la 
mort,  dit  adieu  à  son  clei-gé  et  à  son  troii- 
oeaii  et  alla  ensuite  à  Brunfzel  visiter-  la  cé- 
lèbre image  de  la  .Mère  de  Dieu  (pie  saint 
Cyrille  et  saint  Méihode,  apôtres  des  Escla- 
vons,  y  avaient  |)lacée  autrefois...  11  revint 
sur  ic  soir  de  sjii  pi(Mix  pèler'inag(\  L'em- 
percMU"  (fui  l'egardail  j)ar  une  ftniêlre  du  pa- 
lais, le  vit  passer  et  sentit  sa  colér-e  se  ral- 
lurnc'r.  11  lit  viniir-  Jean  sur-le-champ  et  lui 
dit  d'opter  imli-e  la  moi't  et  la  i-évélation  de 
la  conli.'ssion  de  l'impéiMliice.  Notre  saint  ne 
réponditque  par-  le  silence  ;  alors  Wenceslas 
ne  gai'daiit  jilus  aucune  mesur(>,  s'écria  : 
«  Ou'on  m'ôiccet  homme  de  diMai't  lesymii 
et  (pi'on  le  jette  dans  la  livièr-e  aussit('it  (|ue 
les  léiiebiH's  sei'ont  assez  épaisses  pour  ca- 
clier  au  peuple  la  connaissance  de  l'exécu- 
tion I  »  Il  fut  précipité,  les  pieds  et  les  mains 
liés,  dans  la  Aluldaw,  la  veille  do  l'Ascini- 
bioUf  10  luui  IJbJ.  A  iiciiie  lo  uiurlyr  cul-il 


I3i0 


JEA 


JEA 


i3r>(i 


étt'>  t'IniillV!  sons  les  oaii\,  (|uo  son  corps,  (|iii 
flollailsiir  la  rivière,  lut  t'iiviidii'itWruiic  lu- 
iniùri'  ct^li'S'o  (|iii  allira  uni' Ion  ••  do  spcda- 
tours.   HiciiUM   révciu'nni'il  ne  fut  mm  secret 
pour  persuni'O.  Sou  coipsfiit  tiaMsporlé  dans 
l'(\^lise   (le    Saiiile-Croiv-(les-l»éiiile!ils  où 
chacun  s'euipressail  d«'   lui  liaiser  les   pieds 
et  les    mains.  (Juaiid  le  tondieau   (pi'on   lui 
pn^parait  dans  la  cathi-diale  l'ut  acliev',  on  y 
poi'la    soleiiiiellenient    ses  i'eli(iues   et  on  y 
gravacetl»!  (^(lilaplio  (]u'on  lit  eucoiu;  aujoin- 
dliui  :  Sous    celte    pierre    repose     le    corps 
du   (rès-rénénthie   et  très-ylorieiix    tltanina- 
tnnje  Jean  i\epoinneèiie,  docteur,  clunioine  de 
cette  lùjlise  et  confesseur  de  riinjierotricc,  le- 
quel, pour  avoir  été  conf,l(niiiiie>it  fidèle  à  (jar- 
der  le  sceau  de  la  confession,  fut  cruellement 
$ournienté  et  précipité  du  pont  de  l'raijuedans 
la  ricière  de  Muldaw  par  les    ordres  de  U'en- 
ce!<las   IV,  empereur  et  roi  de  Jioliéine,  /ils  de 
Charles  jy,  l'an  mil  trois  cent   (/uatre-vine/t- 
trois.  i]   s'opéra   un  grand   nombre  do  mira- 
cles sur  lo  tombeau  de  Jean,  ([ui  prouvèrent 
la  place  (ju'il  occupe  au  ciel.  L"l"]glise  lait  sa 
i'ùle  le  10  nuù.  Pour  sou  meurtrier,    apiès 
avoir  été  déposé,  on  l'rOO,  par  les  princes  de 
rEmjiij'e,  il  mourut  l'rai)pé   d'apoplexie   au 
milieu  de  ses  désordres,  sans  avoir   eu    le 
temf)s  de  rentrer  en  grâce  auprès  du  souve- 
rain juge. 

JKAN  (  saint),  martyr,  vulgairement  saint 
Milhey,  soullrit  le  martyre  à  "NViIna,  vers 
13V2,  avec  saint  Antoine  et  saint  Eustache. 
(  Voy.  l'article  saint  Antoine,  pour  plus  de 
détails.) 

JEAN  (  le  bienheureux  ),  Franciscain,  de 
Monte-Pulciano  en  Toscane,  soutl'rit  le  mar- 
tyre au  Caire,  vers  l'année  1345.  Au  mo  s 
d'avril  de  cette  année,  un  chi-étien  génois 
ayant  renié  sa  foi,  notre  saint  i'alla  trouver 
seci'ètemeut  et  le  fit  rougir  de  sa  faute.  Le 
renégat,  ramené  à  Dieu  pai"  les  exhortations 
de  Jean,  se  rétracta  publiquement  et  fut  con- 
damné à  mort  ;  mais  les  nmsulmans  ayant 
r.-ppris  que  notre  saint  était  la  cause  de  cette 
conversion,  le  lorturèient  cruellement  et  les 
mirent  enlin  tous  deux  à  mort.  Le  Génois 
eut  la  tète  tranchée,  Jean  fut  partagé  en 
deux.  (Wadding,  an.  13'«5,  n°  k.  Chronique 
des  Frères  Mineurs,  t.  II,  p.  26G  bis.) 

JEAN  DE  CÉTiNA  (  le  bienheureux  ),  na- 
.quit  en  Aragon.  Après  avoir  passé  quelque 
temps  au  service  d'un  gentilhomme,  touché 
par  la  grice,  il  se  retira  dans  l'ermitage  de 
Saint-Genèt  près  Carlhagène.  Il  y  séjourna 
plusieurs  années,  après  quoi  il  prit  Ihabit  de 
Saint-François  au  couvent  de  Montion.  Ses  su- 
périeurs, qui  lui  avaientreconnu  beaucoup  de 
piété  et  d'intelligence,  le  lirent  étudier  àJiar- 
celone  et  élever  au  sacerdoce.  Dès  lors,  en- 
flammé du  zèle  de  gagner  des  âmes  à  Jésus- 
Christ,  il  se  rendit  à  Rome  alin  de  solliciter 
(lu  pape  Boniface  IX  la  permission  d'aller  ré- 
jmndre  la  semence  de  l'Evangile  à  Jérusalem. 
i^e  pape  lui  accorda  l'autorisation  de  prêcher 
dans  la  Palestine,  à  condiiion  qu'il  n'entre- 
rail  pas  dans  cette  ville,  où  ses  prédications 
pourraient  causer  un  grand  préjudice  aux 
frères  de  la  famille  Franciscaine  de  Terre- 


Sainte.  Celte  rosiricfion  changea  les  idéen 
de  Jean,  ipii  résolut  alors  de  donner  ses 
soins  à  la  convervsion  des  inlidèh-s  de  (ire 
nade  et  de  l'Andalousie.  De  retour  d<!  son 
voyage  h  Uome,  il  conlia  sa  nouvelle  l'éso- 
Inlion  à  Jean  Vital,  provitici.d  de(^aslille,  et 
lui  demanda  l'autorisation  de  pariir.  Ccdui-ci 
lui  repii'scnta  les  grands  druigers  rpi'il  cour- 
rait et  l'envoya  au  couvent  du  Mont  près 
('ordoue,  alin  de  s'y  éprouver.  Il  y  resta  une 
aimée  environ,  après  quoi  Jean  Vital,  l'rap|)ô 
d(;  |tiusieurs  miracltss  (pie  notre  saint  avait 
opérés,  lui  accorda  sans  diflicullé  la  per- 
mission que  son  zèle  sollicitait  avec  tant 
d'ardeur.  Une  révélation  avait  ai)[)i'is  ànotro 
bienheureux  (jiiele  frère  Pierre  de  Duegrias, 
en  (bastille,  serait  comp/ignon  de  son  mar- 
tyre. On  le  lui  associa  donc,  et  ils  partirent 
t(»us  deux  pour  Crenade,où  ils  arrivèrent  le 
8janvi(!r  1397.  Le  peuple  s'émut  de  leur  ar- 
rivée. Lu  cadi,  dé[)ositaire  de  l'autorité  jK-n- 
dairt  l'absence  momentanée  du  chef  Maho- 
mel-Aben-iJalva,  les  (it  aimmei-  à  son  tiibu- 
n;d,  et  ils  ne  se  cachèrent  point  du  motif  (|ui 
les  amenait.  Le  jugen'osairt  j)iendie  sur'  lui 
de  les  maltra.ter,  leur  enjoignit,  sous  peine 
de  la  vie,  de  quitter  le  territoire  de  Grenade. 
Le  lendemain,  malgré  l'ordre  du  cadi,  nos 
])ionheuieux  se  mrrerit  à  i)r-ècher  dans  la 
vilie,  et  furent  aussitôt  jetés  en  pr-ison.  Quel- 
que temps  apr^ès,  on  les  envoya  travailler 
aux  vi.-iiies  avec  des  esclaves  ;  le  rude  travail 
auquel  ils selivraient  et  les  exer'cices  de  leur 
zèle,  les  hrent  tomber  malades,  mais  Dieu 
exauça  leurs  ferventes  prières  et  leur  rendit 
la  sanlé.  Après  deux  mois  de  séjour  aux  vi- 
gnes, ils  revinrent  à  Grenade.  Un  jour,  Jean 
ayant  rencontré  par  la  ville  une  troupe  de 
mahométans,  il  se  mit  à  leur  expliquer  la  pa- 
role de  Dieu  et  à  qualifier  Mahomet  d'im- 
posteur. Ceux  qui  l'entouraient  le  conduisi- 
rer.t  aussit(jt  à  Mahomet-Aben-Balva,  qui 
était  de  retour  de  son  voyage  à  Malaga.  11 
appliqua  lui-môme  plusieurs  coups  de  bâton 
à  notre  saint,  ensuite  l'ayant  fait  dépouiller 
de  ses  vètenients  il  commanda  de  l'achever 
à  coups  de  fouet.  Mahomet-Aben-Balva  mit 
fin  lui-même  à  ses  tortures  en  lui  tranchant 
la  tète  avec  son  glaive,  le  19  mai.  Il  ordonna 
ensuite  à  Pierre  de  lui  obéir  et  de  renier  sa 
foi...  Promesses,  menaces,  tout  fut  inutile  ; 
alors  il  le  titfusti-,er  ciuellement,  après  quoi 
il  lui  coupa  lui-même  la  tète  comme  à  son 
compagnon.  Leur  martyre  arriva  le  19  mai 
1397.  lia  populace  traina  leurs  corps  par  la 
ville,  mais  les  chrétiens  recueillirent  leurs 
membres  dispersés,  et  aujourd'hui  encore 
une  grande  partie  de  leur-s  saintes  reliques 
se  voient  à  Vie  en  Catalogne.  (Uinaldi , 
an.  1397,  n"  17.) 

JEAN  DE  FRANCFORT  (  le  bienheureux), 
était  Dominicain.  Ce  saint  religieux,  sans  ter- 
miner sa  vie  par  le  glaive,  eut  néanmoins  le 
glorieux  privilège  de  souffr'ir  pour  Jésus- 
Christ.  C'était  un  théologien  célèbre.  Rem- 
\)\i  du  désir  de  gagner  des  âmes  à  Jésus- 
Chr'ist,  il  partit  pour  annoncer  la  foi  aux  in- 
fidèles et  fut  pr-is  par  les  mahométans  de 
Baibarie.  Jeté  dans  un  noir  cachot,  il  souf- 


1351 


JEA 


JEA 


1352 


frit  la  faim  et  la  soif  pondant  cinq  longues 
années.  Le  pape  Boniface  IX,  qui  avait  été 
instruit  de  cette  captivité,  résolut  de  le  ra- 
cheter. Les  mahométans  demandant  un  prix 
trop  élevé  et  que  Tordre  ne  pouvait  fournir, 
Boniface  lit  un  appel  général  aux  fidèles,  et 
notre  bienheureux  rerut  enfin  sa  liberté. 
(Fontana,  Monumcnta  Dominicana,  an.  1398.) 

JEAN  (le  bienheureux  ),  naquit  à  Troïa 
dans  la  Fouille,  de  parents  peu  fortunés. 
Avant  suivi  un  Espagnol  dans  sa  patrie  ,  il 
fut  si  édifié  de  la  vie  sainte  que  menaient  les 
Franciscains-Déchaussés  de  la  province  de 
Saint-Gabriel,  qu'il  prit  leur  habit  sous  le 
nom  d'Alexandre  ;  le  vicaire  général  de  son 
ordre,  connaissant  son  imniense  désirde  ga- 
gner des  Ames  h  Jésus-Christ,  l'envoya  avec 
le  frère  Barthélémy  de  Castello  et  deux  au- 
tres, prêcher  l'Evangile  en  Barbarie.  Ils  y  fu- 
rent accablés  d'injures,  fouettés,  puis  jetés 
dans  une  citerne  oii  il  n'y  avait  plus  d'eau. 
Ils  y  restèrent  vmgt-deux  jours  sans  nour- 
riture, et  les  infidèles  avaient  la  barbare  dé- 
rision de  leur  apporter  chaque  jour  un  vase 
rempli  d'innnondices.  Des  Juifs  toucliés  de 
comi)assion  leur  donnèrent  un  i)eu  de  nour- 
riture. Leurs  persécuteurs  les  vendirent  en- 
suite à  des  marchands  chrétiens.  Alexandre 
revint  en  Espagne  avec  ses  compagnons.  Dé- 
sespéré de  n'avoir  pu  donner  sa  vie  pour  Jé- 
sus-Christ, notre  bienheureux  obtint  la  per- 
mission de  se  rendre  à  Bome  on  Louis  de  Fos- 
sembrun  l'admit  au  nombre  des  Capucins, 
l'an  1530,  sous  le  nom  de  Jean.  Il  se  rendit 
en  Fouille  et  de  là  dans  l'Ombrie.  Il  se  lia 
d'amitié  avec  un  autre  capucin  nommé  Jean 
Zuaze  et  i's  se  rendirent  à  Constantinople.Ils 
y  furent  battus  et  mis  en  prison.  Des  mar- 
chands chrétiens  payèrent  leur  rançon  et  ils 
s'embarquèrent  pour  se  rendre  à  Jérusalem. 
De  ià,  ils  partirent  au  Caire  et  se  firent  pré- 
senter au  gouverneur  pour  tenter  de  le  con- 
vertir, sous  prétexte  d'une  communication 
importante.  Celui-ci  les  remit  aux  mains  du 
cadi  qui  les  fit  fouetter  cruellement;  après 
diverses  tortures,  ils  furent  condanniés  à 
moïnir  de  faim  en  prison.  {^Annales  des  Frè- 
res-Mineurs Capucins,  traduites  i)ar  le  F.  An- 
toine Baluze,  t.  I,  p.  50G.  (  Chroniiiues  des 
Frères-Mineurs,  t.  111,  pag.  OG'i- ;  t.  IV,  pag. 
JU.  ) 

JEAN  DE  LA  FITIÉ  (  le  bienheureux  ),  Do- 
minicain du  couvent  de  Mozambique,  s'ef- 
forçant  un  jour  ,  sur  les  bords  du  Zambèze, 
de  gajp'ner  h  la  foi  un  chef  infidèle,  fut  jeté 
par  lui  dans  les  fers  (;t  cruellement  massacré 
en  1592.  (Fontana,  Monumcnta  Dominicana.  ) 

JEAN  (le  bienheureux),  était  le  serviteur 
du  bienheureux  Antoine,  fils  de  Xi(Olenc<"dt, 
élève  du  séminaire  rpje  gouvorn.iit  à  Tlas- 
cala  au  Mc'xiquo  h;  F.  Martin  de  \'al('nce.  Il 
l'avait  suivi  par  dévoïKîinent.  Antoine  ,  son 
maître,  ainsi  (pie  Didace,  autre  élève  du  sé- 
minaire, aeconipagnaiiml  Bernardin  de  .Mi- 
rias.'i  (jui  allait  ii  (iuaxaOona  avec  Alvarez  de 
S<-indoval.  Arrivés  h  Tépéara,  dist.'.iilc!  de  dix 
iicMies  (\ii  'ri.iscala,  les  vnyageurs  conuiUMi- 
«èrf.'dl  ij  bris(Mles  idoles  des  habilanis  de  ce 
lieu  et  des  environs.  Ceux  de  Técali   el    de 


Quantitlan  les  avaient  cachées.  Bernardin 
engagea  ses  jeunes  com[)agnons  à  faire  des 
fouilles  pour  les  chercher.  Ces  investigations 
irritèrent  tellement  les  idolâtres,  (ju'iJs  ré- 
solurent de  tuer  ces  jeunes  gens.  Four  cela, 
ils  les  épièrent,  car  ils  n'osaient  pas  accom- 
plir leur  crime  ouvertement.  Antoine  et  Jean, 
son  serviteur,  étant  entrés  dans  une  mai- 
son hors  de  la  ville,  en  l'absence  du  proprié- 
taire, pour  y  faire  leurs  fouil.es,  furent  sui- 
vis par  des  indigènes  (pii  les  assommèrent 
surplace.  Ce  crime  devait,  s'il  était  découvert, 
attirer  sur  ses  auteurs  des  cliAtiments  sévè* 
res.Les  meurtriers,  pour  déjtister  les  recher- 
ches, iiortèi'ent  les  cadavres  dans  un  en- 
droit éloigné  et  les  jetèrent  dans  une  fosse 
profonde.  Cependant  les  assassins  furent 
découverts  et  on  les  fit  f)enu;  e. 

Il  ne  paraît  pas  facile  do  justifier  par  les 
règles  ordinaires  le  zèle  do  Bernardin  et  de 
ses  jeunes  compagnons.  F.>nr  ne  pas  le  con- 
damner, il  faut,  comme  le  fit  Martin  de  A'a- 
lence,  supérieur  du  couvent  de  ïlascala,  ad- 
mettre une  intervention  directe  du  Saint-Es- 
prit :  sans  cela,  nous  ne  saurions  voir  dans 
la  conduite  des  briseurs  d  idoles  qu'un  zèle 
inconsidéré.  Que  font  les  idoles  sans  le  culte 
qu'on  leur  rend?  Bien  évidemment.  Ce  qu'il 
faut  détruire,  c'est  le  culie  et  non  l'idole. 
L'idolâtre  converti  brisera  de  sa  main  le  ri- 
dicule objet  de  son  adoration  ;  si  on  brise 
l'idole  avant  de  convertir  son  adorateur,  il 
demeurera  d'autant  plus  attaché  h  sa  croyance 
qu'il  la  verra  persécutée.  La  violence  en  au- 
cun cas  ne  sauiail  plaire  à  Dieu,  et  ne  peut 
produire  de  bons  fruits.  La  prédication  vaut 
infiniment  mieux  que  les  moyens  violents, 
qui  ne  sont  le  fait  que  des  persécuteurs. 

JEAN  (saint),  martyr,  cueillit  la  palme  du 
martyre  en  Fologne  avec  d'autres  compa- 
gnons, ermites  comme  lui.  Ce  furent  les 
saints  Benoît,  Mathieu,  Isaac  et  Christin. 
L'E.;lise  lait  leur  fête  le  12  novembre. 

JEAN  GABRIEL  (le  bienheureux),  prêtre 
portugais,  fut  un  des  derniers  prêtres  catho- 
îifiues  (}ui  restèrent  en  Abyssinie  après  le 
déj)<ut  ou  la  mort  des  missionnaires,  lors  do 
la  [)ersécution  (jue  Basilides,Négous  du  pays, 
suscita  contre  les  catholiques.  [Voy.  Melca- 
Chiustos.) 

JEAN,  prince  chinois,  troisième  fils  de 
Sounou,  régulo,  s'était  fait  distinguer  par 
sa  sagesse,  par  son  habileté  dans  l'art  de  \n 
guerre.  Il  était  fort  instruit  dans  !a  connais- 
sance des  livres  chinois  el  tartares.  L'empe- 
reur, j)our  lui  en  montrer  sa  satisfaction,  l'a- 
vait élevé  à  la  dignité  de  cong,  c'est-h-diro 
de  régulo  du  cincpiième  ordi(!.  (  Ce  litre  de 
r('(/ul()  est  un  mot  de  sig;iilit'ation  euro- 
i)é(mn(!  (|ui  n'existe  pas  à  la  Cliine.  Dans  le 
langage;  européen  il  veut  dire  petit  roi.  On  In 
donnait  h  des  princes  classés  dans  plusieurs 
ordres.  On  ajiftelait  tsinrant  ceux  du  i)re' 
inier  :  kiunvani  ceux  du  deuxième  ;  ;;ff//^ 
ceuxdu  troisième  ;pcitsévcn\  du  (piatrièine; 
conç/vanx  du  ciiiipiième.  Venaient  ensuite  les 
graiuls  mandarins  do  fFinpire.  Le  mol  man- 
darin est  inconnu  à  la  Cli; ne  :  il  vient  du 
ujol   mandur,  j)orlugais,  vc.m   lui-même  du 


P 


1353 


JEA 


ji:a 


155i 


niotl;itin,  matufnrc.)  l/omporciir  lo  destinait 
à  (Mic  lo  successeur  do  son  père,  réj^ulo  du 
troisiùino  ordre,  conuno  nous  avons  jju  lo 
voir  au  tilro  do  Pcylc  ajouté  h  son  nom. 
Ayant  a[)prisquo  son  IrcVe,  ledixièiiu'  prince 
dô  la  lainille,  s'était  converti  au  christianis- 
me, et  avant  pris  connaissance  des  lettres 
écrites  par  lui,  pour  engager  son  pérc  et  sa 
famille  A  en  l'aire  autant,  il  on  fut  fort  atten- 
dri ;  mais  intérieurement  il  éprouvait  une 
sainte  envie  en  se  voyant  préveiui  par  ce 
frèie  plus  jeune  que  lui  et  h  qui  il  avait 
donné  les  premières  notions  do  la  loi  chré- 
tierme,  et  il  résolut  de  l'imiter  le  plus  promp- 
temont  possible.  Sa  complexion  délicate,  sa 
santé  altérée,  faisaient  qu'il  s'abstenait  sou- 
vent d'all»'r  à  certaines  assemblées  où  l'ap- 
pelaient les  devoirs  dosa  charge  et  pour  les- 
quelles du  reste  il  n'éprouvait  plus  aucun 
goût.  Voyant  cela,  remporeur  Kang-hi  le  des- 
titua pour  le  punir  de  sa  négligence  et  l'a- 
baissa d'un  degré.  Bientôt  le  prince  Jean 
donna  sa  démis.-ion  pour  ne  plus  servir  que 
Dieu.  11  renvoya  une  concubine  de  laquelle 
il  avait  un  lils  qu'il  instruisit  lui-même  des 
vérités  chrétiennes.  Cet  enfant  mourut  à  onze 
ans  après  avoir  reçu  le  baptême.  Peu  de 
temps  après,  malgré  que  son  père  n'y  voulût 
pas  consentir,  le  prince  lui-même  le  reçut 
aussi,  le  jour  de  l'Assomptiou  de  Notre- 
Dame  en  1721.  Il  fut  nommé  Jean,  nom  que 
nous  lui  avons  déjà  donné  au  commence- 
ment de  cet  article.  La  princesse  Cécile  sa 
fennne,  sa  belle-fille  Agnès,  ses  deux  petits- 
fils  Thomas  etMathieu,  reçurent  aussi  le  bap- 
tême, ils  reçurent  les  noms  sous  lesquels 
nous  venons  de  les  désigner.  Le  vieux  ré- 
gulo  ayant  appris  ce  qui  s'était  passé,  interdit 
l'entrée  de  son  palais  à  ses  fds  et  alla  jus- 
qu'à les  menacer  de  les  déférera  l'empereur. 
Le  prince  Jean  avait  élevé  une  chapelle  dans 
son  palais  :  deux  fttis  le  jour,  il  y  assemblait 
sa  famille  et  ses  domestiques  pour  les  caté- 
chiser. Quelque  temps  après,  il  servit  de 
parrain  au  jeune  prince  Michel,  tils  de  son 
frère  Paul,  dixième  de  la  famille.  Lorsque 
l'empereur,  qui  avait  appris  les  conversions 
opérées  dans  cette  sainte  famille,  eut  sévi 
contre  le  vieux  régulo,  comme  on  peut  le 
voir  à  son  titre,  et  c^ue  ce  dernier,  croyant 
apaiser  sa  colère,  eut  pris  la  résolution  de 
livrer  ses  fils  chrétiens,  le  prince  Jean  se 
laissa  enchaîner  sans  mot  dire  avec  ses  frè- 
res Paul  et  François.  Quand  on  vint  lui  ôter 
ses  chaînes,  il  en  témoigna  toute  sa  douleur; 
il  regrettait  l'occasion  qu'il  perdait  de  souf- 
frir le  martyre.  Il  suivit  avec  tous  les  siens 
son  père  et  le  reste  de  sa  famille,  condamnés 
à  l'exil  par  l'empereur  le  15  juillet  1724-.  On 
peut  voir  à  l'article  SotNou  ce  qui  est  relatif 
à  cette  famille  exilée. 

JEAN,  fils  de  Laurent,  chef  de  la  famille 
des  Tcheou,  servait  dans  une  des  huit  ban- 
nières du  céleste  empire.  Ils  furent  atteints 
tous  deux  par  la  persécution  qu'avait  susci- 
tée en  Chine  la  dénonciation  du  chef  com- 
missaire du  tribunal  des  niathématiques.  Le 
7  janvier  1769,  ils  comparurent  devant  le 
tribunal.  En  voyant  le  vieux  Laurent,  les  ju- 

DicTiONN.  DES  Persécutions.  L 


ges  le  reconnurent  pour  avoir  déjà  confessd 
la  foi  trente  ans  auparavant,  (^omnie  ils  con- 
naissaient sa  fermeté,  ils  lésolurent  de  le 
faircï  tomb(!r  en  l'attaipianl  par  un  cAté  sen- 
sible, l'amour  singulier  qu'il  portail  à  .son 
lils.  On  se  saisit  do  ce  dci'iiic!!',  et  on  lui  ap- 
l)li(|ua  vingt-sept  cou|)s  de  fou(>l.  Le  8,  il  alla 
visiter  les  missionnaiies,  leur  (h-maiidii  leur 
bénédiction  ;  et  lo  9,  a|)rès  avtjir  eonununié, 
il  rotouj-na  au  combat.  Il  ne  reçut  ce  jour-là 
(juo  trente  coups  de  fouet  et  le  vieux  Lau- 
rent cinquantro-qu.itre.  Le  11,  il  com|)arut 
do  nouveau  devant  le  tiibunal  du  mandaiin 
qui  lui  demanda  :  Kenonccz-vous,  oui  ou 
non?  Il  répondit  :  J(!  ne  renonce  point,  et 
sur  cette  réponse  il  reçut  vingt-sept  coups  de 
fouet.  On  lui  fil  la  même  question  trois  fois 
encore  ;  trois  fois  il  fil  la  même  réponse  et 
reçut  vingt-sept  coui)S  de  fouet.  Son  père  fut 
battu  égaleaient  à  plusieurs  rei)iises  sans 
donner  la  moindre  marque  de  faiblesse. 
Bientôt  pourtant,  vaincu  par  la  vue  des  souf- 
frances que  subissait  son  fils,  il  succomba 
et  renia  sa  foi.  Jean  olfrit  à  Dieu  celle  nou- 
velle douleur  et  n'en  devint  que  plus  coura- 
geux dans  sa  résistance.  Pendant  une  demi- 
heure, onlemit  à  genouxsur  desfragments  de 
porcelaine  brisée  ;  après  ce  cruel  supplice,  il 
fût  battu  quatre  fois  encore  et  tomba  sans  con- 
naissance.On  profita  de  ce  moment  pour  saisir 
sa  main  défaillante  et  former  son  Lom  d'une 
manière  informe  au  bas  d'un  billet  apostati- 
que.  Quand  il  revint  à  lui,  il  prolesta  contre 
cette  violence,  s'écriant  qu'il  était  chiétien  ; 
alors  on  le  remit  à  genoux  sur  les  fragments 
de  porcelaine  cassée,  et  bientôt  il  retomba 
de  nouveau  sans  connaissance  et  sans  force. 
L'officier  le  fit  alois  conduire  hors  de  la 
cour  :  il  était  dans  un  état  horrible.  Cepen- 
dant Dieu,  qui  voulait  le  récompenser  de  s  s 
courageux  combais,  lui  rendit  bientôt  la 
santé,  et  un  mois  après  il  vint  remercier 
Dieu  dans  l'église  des  missionnaires.  (Foy., 
pour  plus  de  déta.ls,  l'ariicle  Chine.  ) 

JEAN  (le  bienheureux),  renégat  allemand, 
né  à  Cologne,  s'était  soumis  au  joug  hon- 
teux de  Mahomet,  et  depuis  dix  ans  était  ar- 
tilleur au  service  des  musulmans  et  employé 
à  leur  poudrière  d'El-Kalif,  sur  le  bord  du 
golfe  Persique.  A\ant  appris  les  nombreu- 
ses conversions  que  le  P.  Gaspard  opérait  à 
Ormuz,  il  lui  écrivit  que  si  les  Portugais  lui 
accordaient  un  sauf-conduit,  il  se  retirerait 
dans  cette  ville  et  ferait  pénitence  de  son 
apostasie.  Gaspard  lui  réponctit  qu'il  l'atten- 
dait, et  qu'il  eût  à  venir  sans  crainte  ;  mais 
la  lettre  tomba  entre  h  s  mains  du  gouver- 
neur qui  fit  venir  notre  b  enheureux.  Celui- 
ci  lui  déclara  qu'il  était  chrétie;  .  Les  musul- 
mans qui  assistaient  à  son  interrogatoire,  se 
jetèrent  sur  lui  remplis  de  fureur  ei  le  mas- 
sacrèrent. On  lui  trancha  la  tête,  qui  fut 
mise  au  bout  d'une  lance  plantée  sur  le  mur 
de  la  forteresse.  Quand  les  Portugais  se  fu- 
rent emparés  d'El-Kalif,  ils  apprirent  tout  ce 
qui  s'était  passé,  et  rapportèrent  la  tête  à 
Ormuz  avec  grande  pompe. 

JEANNE  (  la  bienheureuse  ),  martyre  au 
Japon  avec  Agnès,  sa  belle-fille,  épouse  de 

43 


1355 


JEÀ 


JKR 


4556 


Tacuenda  ;  Madeleine,  veuve  de  Minanii,  et 
Louis,  lils  adoptil'  de  cette  dernière  et  de  son 
mari,  mourut  pour  Jésus-Ciu-ist   eu  Tannée 
1602.    On  peut   voir  aux  articles  Minami  et 
Tacuenda  comment  ces  saintes  femmes  les 
encouragèrent  au  martyre,  comment  la  mère 
et  lépouse  de  Tacuenda    turent  les  coura- 
geux témoins  de  sa  mort.  L'arrêt   qui  avait 
prononcé  la  peine  ca|)itale  contre  ces   deux 
saints,  condamnait  les  saintes  que  nous  ve- 
nons de  nommer  à  èlre  cruciiiées.  Après   la 
mort  de  Tacuenda,  Jeanne  et  Agnèsvenaient 
de  passer  dans  un  cabinet  attenant  h  la  cham- 
bre où  l'exécution  avait  eu  lieu.  Elles  avaient 
avec  elles  la  tète  du  saint  martyr  ;  elles  Tem- 
brassaient  et  la  couvraient  île  larmes.  Tout 
à  coup,  un  boniieur  inattendu  leur  l'ut  donné. 
Madeleine,  femme  de  Minami,  entra  avec  le 
petit  Louis,  enfant  Agé  de  sept  ou  huit  ans, 
qu'elle  et  son  mari  avaient  adoi)té,   n'ayant 
I)as  de  progéniture.  Elle  leur  dit  qu'elle  ve- 
nait partager  avec  elles  le  bonheur  de  mou- 
rir pour  la  foi,  et  leur  annonça  que  le  lende- 
main elles  allaient  être  crucitiées  ainsi  que 
le  [)etit  Louis  dont  l'enfance  n'avait  pu  heu- 
reusement désarmer  les  persécuteurs.  Elles 
éprouvèrent  une  grande  joie.  L'enfant   était 
dans  un  ravissement  qui  tenait  de  l'extase. 
Les  bourreaux  ne  voulurent  pas  les  exécuter 
en  plein  jour;  on  attendit  que  le  soleil   eût 
disparu  de  l'horizon  pour  faire  place  aux  té- 
nèbres ;  on  mil  les  saintes  femmes  et  l'en- 
fant  dans  des  litières  pour  les  conduire  au 
lieu  du  supplice.  La  mère  de  Tacuenda  jiria 
les  bourreaux  de  vouloir  bien  la  clouer  sur 
la  croix  alin  que  son  supplice   ressemblât  à 
celui  de  Jésus-Christ  ;  mais  ceux-ci  refusè- 
rent en   alléguant  qu'ils  n'avaient  pas  d'or- 
dres et  se  contentèrent  de  l'attacher  comme 
c'était  la  coutume  au  Japon.  Alors  ils  élevè- 
rent en    l'air   la  victime  ;  la  sainte  femme 
voyant  que  malgré  les  ténèbres  une  grande 
multitude  de  peuple  était  venue,  parla  avec 
beaucoup  d'éloquence  et  de  force  contre  le 
culte  des  idoles.  Les  bourreaux  ne  la  laissè- 
rent pas  achever  et  lui  donnèrent  un  coup  de 
lance  qui,  ne  l'ayant  que  légèrement  blessée, 
dut  être  suivi  d'un    second  qui  lui  {)crça  le 
cœur.    On    crucitia   Louis  et  sa  njère  vis-à- 
vis  l'un  de  l'autre.  Le  bouneau  ayant  voulu 
Percer  Louis  d'un  coup  de  lance,  ne  fit  que 
elUeurer,  Craignant  qu'il  eût  peur,  sa  mère 
lui  dit  de  prier  Marie  et  Jésus  :  il  obéit,  re- 
çut un  second  coup  et  mourut  sur  l'heure. 
La  lance  encore  funianle  du  sang  de  l'enfant 
vint  fra[)[)er  à  mort  la  mère.  Restait  Agnès  : 
sa  jeunesse,  l'éclalanlf!  beauté  (pii    resplen- 
dissait en  (iil(%  S(jn  extrême  lioui  (uir,  atten- 
drissaient tous  l(;sas>islaiils.  Elle  demeurait 
agenouillée  au  pi(;d  (U;  la  croix  (lui  lui  était 
destiiiéi".  Personne  n'osait  venir  l'y  allât  liei'. 
Voyant  cela,  elle-  s'y  nlaça  elle-mêmo  de  son 
mieux  (;t  pria    les  .sold.ils  de  l'aider.  Mais  la 
modesti(!,  mais  la  grAce  <pi'ell<;  lit    voir  dans 
celle  circonstance,  achevèrc-nl  d(j  lui  gagner 
tous  l(;s   coîurs  ;  les  soldats  refusèrent  d(!  la 
Rii|)pli(:i(T.  C(i  fur<!nl  ipiehpies  misérabhvs  de 
la  lie  (lu  peiipl()(]ui  s*-.  Iruuvaionl  là,  (pii,  dans 
'.'espoir  (lu  ijaiti,  remplirent  cet  (•llice.  Inha- 


biles à  se  servir  de  la  lanee,  ils  lui  en  portè- 
rent un  très-grand  nombre  de  coups  avant 
de  la  tuer. 

JEANNE  (la  bienheureuse),  fut  raariyrisée 
au  Japon  en  KH.'L  dans  le  royaume  d'Arima 
avec  son  mari  Adrien  Tacafatimundo,  sa  hllo 
Marie-Madeleine,  vierge  vouée  au  Seigneur, 
Jacques  son  tils.  Agé  de  1*2  ans,  Léon  Tacuen- 
domi  Cuniémon,  son  lils  Paul,  Agé  de  vingt- 
sept,  ans  Faiuxidn  Luguyemon  (Léon),  Mar- 
the sa  femme,  'i'ous  furent  condamnés  au 
suppliée  (lu  feu.  Quand  l'humidité  du  bûcher 
se  fut  dissipée,  la  tlamme  resta  claire,  et  on 
put  voir  les  saints  martyrs  dont  le  calme  et 
la  résignation  attiraient  l'admiration  géné- 
rale. Jacques,  fils  de  notre  bienheureuse  et 
d'Adrien  Mundo,  apparut  détaché  aux  yeux 
des  sjKM'tateurs.  Sans  lui  faire  beaucoup  de 
mal,  le  feu  avait  consumé  ses  liens  ;  il  cou- 
rait au  travers  des  Uammes  et  des  brasiers  : 
craignant  (jue  ce  fût  pour  s'échapper,  la 
foule  lui  cria  d'avoir  courage  ;  mais  on  cessa 
d'avoix  cette  crainte,  lorsqu'on  vit  l'enfant 
se  retourner  avec  calme  et  aller  vers  sa  mère 
({u'il  entoura  de  ses  bras,  voulant  mourir 
avec  elle.  La  sainte  femme,  qui  paraissait 
morte,  se  réveilla  à  cette  étreinte,  et  comme 
si  elle  eût  oublié  ses  souffrances,  elle  ne  cessa 
plus  d'e'icourager  son  hls  à  accomplir  jus- 
qu'au bout  le  sacrifice  de  sa  vie  pour  Dieu. 
Peu  après,  ses  liens  éiant  brûlés,  elle  tomba 
sur  son  tils,  le  couvrant  de  son  corps.  Ils 
expirèrent  ainsi. 

JÉRÉMIE  (saint),  reçut  la  glorieuse  palme 
du  martyre  à  Apollonie  en  Macédoine.  Il  eut 
pour  compagnons  de  son  triomphe  les  saints 
Isaure,  Félix,  Innocent  et  Pérégrin,  Athé- 
niens. Ces  courageux  combattants  de  la  foi 
furent  livrés  à  diverses  tortures,  puis  déca- 
pités. On  ignore  la  date  et  les  différentes 
circonstances  de  leur  martyre.  L'Eglise  fait 
collectivement  leur  mémoire  le  17  mai. 

JÉRÉMIE  (saint),  martyr,  fut  mis  à  mort  à 
Césarée  de  Palestine  en  l'an  de  Jésus-Christ 
309,  sfms  le  gouverneur  Firmilien,  avec 
saint  Elle  et  ses  compagnons.  {Voij.  Elik.) 
Ils  étaient  tous  Egyptiens,  et  revenaient  do 
Cilicie  où  ils  étaient  allés  rendre  visite  aux 
confesseurs  qui  avaient  été  condamnés  aux 
mines.  En  passant  à  Césarée,  ils  furent  ar- 
rêtés, et  conduits  au  gouverneur,  (pii,  ai>r(';s 
les  avoir  fait  cruellement  tourmenter ,  leur 
lil  tiancher  la  lête.  L'Eglise  honore  leur  mé- 
moire le  IG  février.  {Voy.  Eusèbe,  Des  murt. 
lie  Pal  es  t.) 

JÉRIvMlE  (saint),  moine,  avait  fondé  le  mo- 
nastère (leTabane.  Il  ('lait  très-vieuv  enH.'iO, 
(juand,ave(;less.iintsPieri'eprètie,\'alabonse 
(îiacre,  Sabinien,  >'i.sli('mond  et  ll.dioniitis,  il 
vint  à  Cordoue  se  préseiitei-  au  (  atli.  Ils  lui 
dirent  :  «  Nous  adorons  Jésus-Christ  C(Minno 
DitiU.  Mahomet,  votre  prophète,  est  le  pré- 
curs(!iw  de  l'Antéchrist.  Nons  (h'^ploroiis 
amèrement  votre  aveiii;lemeiit.  »  Le  cadi 
leur  lit  sur-le-champ  couper  la  lête.  On  pen- 
dit leurs  coi'ps  à  de  longs  pieux;  au  bout  de 
(piol(|ues  JOUIS  ou  les  brûla  (;l  on  jeta  les 
1  iiuircs  dans  le  ilouve.  L'Egli:>c  l'ail  la  l'êltj 


1557  JER 

do  tous  ros  luarlyrs  le  7  juin.  [Voi/.  Vala- 
iiuNsi:,  MisLi.MVNS  {Persécution  des). 

jfaU-lMlK  ^s  iiil),  uiarlyr,  sdullVil  pour  la 
roli|;i()ii  à  Cortluuu,  avec  le  diacre  sainl  Enn- 
las.  Ils  lanHuiienl  luu;^lom|)s  ou  prisou  du- 
rant la  porsérutiou  des  Arabes,  et  aeiievèrent 
leur  mailvre  par  la  décapitatiou.  Ou  ignore 
la  dal(!  précise  de  leurs  soull'raiices.  I/Kj^liso 
lioMon-  leur  niéiuoire  le  Î5  septembre. 

JKlU'lMll'l  (saiut),  l'rère  mineur,  fut  marly- 
risiS  eu  12()5,  sous  le  sultan  d'Ei^yple  Hibars. 
Cû  prince  musulman  ,  ayant  piis  sur  les 
chrétiens  le  cliAteau  île  Sal'ed,  lit  dire  aux. 
six  cents  et  (lueUiues  martyrs  qui  l'avaient 
défendu  (pi'ils  eussent  à  choisir  entre  la 
moil  et  l'islamisme.  Jactjues  de  Podio  et  Jé- 
j'émie,  tous  deux  frères  mineurs,  employè- 
ro'U  toute  la  nuit  àencouragei'  les  chrétiens 
à  préférer  la  couronne  ^loi'ieuse  du  mart_\i'e 
h  l'odieux  avantage  île  l'apostasie.  Le  lende- 
main, la  i^arnison  tout  entière  se  [)iésenta 
courageusement  au  trépas;  lous  les  prison- 
niers fiu'ent  décapilés.  liibars,  pour  se  ven- 
ger des  Franciscains  ([ui  avaient  été  cause 
d\v\  si  généreux  dévouement,  les  lit  écor- 
eher  vifs,  ainsi  qu'un  templier  qui  était  le 
jirieur  de  l'ordre.  11  les  lit  accabler  de  coups 
de  bàto'i,  après  qu'ils  eurent  enduré  l'ali'reux 
sup[)lice  que  nous  venons  de  dire  ;  ensuite 
on  les  mena  au  lieu  où  les  six.  ceiits  maityrs 
avaient  eu  la  tète  tranchée.  Ils  y  moururent 
de  la  même  fayon.  (Wadding,  an.  1265  , 
n°  9.) 

JÉRÔME  (saint),  abbé,  solitaire  à  Uethléem, 
prêtre,   docteur  de  l'Eglise   et  confesseur, 
naquit  à  Stridon,  ville  située  sur  les  confins 
de  la  Dalmatie  et  de  la  Païuionie,   aujour- 
d'hui ville   et  comté  de  Sdrin  ou  Sdrigna 
dans  la  Hongrie  ou  l'Esclavonie.  Quoique 
cette   province  lut  infectée  de  l'arianisme, 
saint  Jérôme  fut  élevé  dans  la  foi  pure  et 
orthodoxe  de  l'Eglise.   11  naquit  de  parents 
chrétiens  vers  l'an  3i2.  Son  père  se  nom- 
mait Eusèbe ,  et  possédait  de  grands  biens. 
Notre  saint  suça  dès  le  berceau  le  lait  de  la 
foi  catholique  et  ne  la  corrompit  jamais  par 
l'iiérésie.  Il  eut  pour  maître  dans  les  huma- 
nités le  célèbre  Donat  qui  a  commiMité  Té- 
rence  et  Virgile,  et  qui  enseignait  la  gram- 
maire  à  Rome  avec  beaucoup  de  célébrité 
vers  l'an  S'6ï.  Notre  saint  apprit  avec  succès 
l'éloquence  et   les  belles  lettres,   et  se  livra 
à  l'étude  de  la  logique  avec  non  moins  de 
succès  encore,  comme  ses  écrits  en  témoi- 
gnent.  Après  avoir  étudié  quelque  terajis  à 
Romo,    il   s'en  vi:it  sur  les   bords  du  Rhin 
avec  Bonose ,  son  compagnon  d'études  qui 
logeait  et  mangeait  chez  lui.  Ce  fut  là  qu'ils 
couimencère  it  à  corriger  les  écarts  de  leur 
jeunesse  et  à  se  repentir  de  la  vie  un  peu 
relâchée  qu'ils  avaient  menée  avec  les  au- 
tres étudiants  Ils  revinrent  ensuite  à  Rome 
et  y  reçurent  le  baptême  de  la  main  du  pape 
Libère.  Vers  l'annéo  3'î2,  nous  le  trouvons  à 
Aquilée  retiré  dans  un  monastère  où  il  s'é- 
tait rendu  pour  proliter  de  l'exemple  des 
excellents  ecclésiastiques  qui  y  ilorissaient 
sous  la  conduite  de  saint  Valérien. 

Saint  Jérôme  ne  put  jouir  longtemps  de  la 


JER 


13:)8 


douceur  i(u'il  trouvait  dans  une  aussi  sainte 
compagnie  que  celle  ipi'il  avait  h  Aquilée. 
«Un  tourbillon  imprévu,  dit-il,  l'arracha 
d'avec  Riilin,  et  une  tcmpèt(5  malheureuse 
et  ci'imincllc  le  sépara  de;  celui  avec  qui  la 
charité  l'avait  uni  si  éti-oitcnncnil.  >j  Ces  ter- 
mes semblent  manjuer  (juelqiK!  p(  i-sér  ution 
ass(;z  violenli!  (ju'on  lui  avait  suscitée,  mais 
nous  n'en  savons  rit-n  distinctemoi.l.  11  ré- 
solut donc  de  se  retirer  dans  le  désfM't  pour 
y  trouver  le  repos  (ju'il  clKîrchait;  mais  avant 
il  séjourna  quelcpu)  temps  à  Antioche;  il  s'y 
livra  à  l'étude  ap|)rofondie  des  Ecritures; 
ce  fut  sans  doute  durant  son  séjour  dans 
celte  ville  que  les  Nazaréens  liérf'tiques  do 
Bérée  lui  permirent  de  copier  1  Evangile 
écrit  en  syriaque,  dont  ils  se  servaient. 

Enliu,  vers  l'année  37'i.,  il  se  retira  dans 
le  désert  de  Calcide  en  S  rie,  vaste  solitude 
qui  est  enti'e  la  Syrie  et  le  pays  des  Sarra- 
sins. On  voit  pai-  Théodoi'ct  que  cette  soli- 
tude alfreuse  était  habitée  par  [)lusieurs  so- 
litaires illustres.  Notre  saint  |)rend  Jésus- 
Christ  et  les  anges  à  témoin  (pi'il  y  avait  vu 
des  solitaires  dont  l'un  était  demeuré  trente 
ans  sans  sortir  de  sa  cellule  et  sans  prendre 
d'autre  nourriture  que  du  pain  d'orge  et  de 
l'eau  bourbeuse ,  et  l'autre  qui  demeurait 
dans  une  vieille  citerne  et  ne  vivait  (juc  de  5 
figues  par  jour.  Voici  ce  que  saint  Jérôme 
dit  expressément  de  lui-môme  sur  la  vie 
qu'il  menait  au  désert  :  «  Retiré  dans  celte 
vaste  solitude,  toute  brûlée  [)ar  les  ardeurs 
du  soleil,  et  où  les  moines  ne  trouvent 
qu'une  demeure  tout  à  fait  affreuse,  je  me 
tenais  seul,  parce  que  mon  âme  était  rem- 
plie d'amertume.  Le  sac  dont  j'étais  couvert 
avait  rendu  mon  corps  si  hideux,  que  l'on  en 
avait  horreur,  et  ma  peau  devint  si  cras- 
seuse et  si  noire,  que  l'on  m'eût  pris  pour 
un  Ethiopien.  Je  passais  les  journées  en- 
tières à  verseï'  des  larmes,  à  jeter  des  sou- 
pirs; et  si  j'étais  quelquefois  obligé  malgré 
moi  de  céder  au  sommeil  qni  m'accablait,  je 
laissais  tomber  sur  la  terre  nue  mon  corps 
tellement  déciiarné,  qti'à  peine  les  os  se  te- 
naient les  uns  aux  autres.  Je  ne  parle  point 
du  i)oire  et  du  manger.  11  suffit  de  dire  que 
les  malades  mêmes  ne  boivent  que  de  l'eau 
frode,  et  que  là  c'est  une  sensualité  que  de 
manger  quelque  chose  de  cuit.  » 

Saint  Jérôme  ne  vivait  point  dans  l'oisi- 
veté; l'argent  qu'il  recevait  de  ses  paienls  le 
lui  eût  permis  ;  mais  selon  le  commande- 
ment de  saint  Paul,  il  gagnait  sa  vie  parle 
travail  de  ses  mains  et  à  la  sueur  de  son  vi- 
sage. Toutes  les  au^térilés  auxquelles  notre 
saint  pouvait  se  livrer,  ne  l'exemptaient 
point  des  tentations  les  plus  fàcheu;es  : 
«  Hélas,  dit-il ,  combien  de  fois,  depuis  que 
je  fus  retiré  dans  le  désert,  me  suis-je  ima- 
giné être  encore  au  milieu  des  délices  de 
Rome  1  J'avais  le  visage  tout  pâli  par  les 
jeûnes,  et  mon  àme  se  sentait  néaiimoins 
brûlée  par  les  ardeurs  de  la  concupiscence 
dans  un  corps  qui  n'avait  plus  de  chaleiur, 
Ma  chair,  n'ayant  pas  attendu  la  destruction 
de  riiomme  entier,  était  déjà  morte,  et  mes 
passions   étaient  encore  toutes  bouillantes, 


1359 


JER 


JER 


1560 


Ne  sacliant  donc  plus  oùlrouver  du  secours, 
j'allais  nie  jeter  aux  pieds  île  Jésus,  je  les 
baignais  de  mes  larmes,  je  les  essuyais  do 
mes  cheveux,  et  je  tAchais  de  réduire  cette 
chaT  rebelle  en  passant  des  semaines  en- 
tières sans  manger.  Je  me  souviens  d'avoir 
souvent  passé  le  jour  et  la  nuit  h  crier,  sans 
cesser  de  me  frapper  la  poitrine,  jusqu'à  ce 
que  Dieu  commandât  à  la  tempête  et  rendît 
le  calme  à  mon  Ame.  Je  n'approchais  de  ma 
cel'ule  même  qu'avec  peine,  comme  si  elle 
eût  connu  mes  pensées;  et  prenant  contre 
moi-même  des  sentiments  de  colère  et  <le 
rigueur,  je  m'enfon(;ais  seul  dans  les  dé- 
serts :  si  j'apercevais  quelque  vallée  som- 
bre ,  quelque  montagne  fort  rude,  quelques 
rochers  escarpés,  c'était  le  lieu  que  je  choi- 
sissais pour  aller  prier  et  pour  en  faire  la 
prison  de  ce  misérable  corps.  Et  Dieu  m'est 
témoin  qu'après  avoir  ainsi  répandu  beau- 
coup de  larmes,  après  avoir  tenu  longtemi)s 
les  yeux  toujours  élevés  vers  le  ciel ,  je 
croyais  quelquefois  me  voir  au  milieu  des 
ch<èurs  des  anges.  Alors,  plein  de  joie  et 
d'allégresse,  je  chantais  au  Seigneur  :  iVo»s 
courons  après  vous  à  l'odeur  de  vos  parfumsl» 

Il  voulut  joindre  au  remède  de  la  mortili- 
cation  celui  d'une  occupation  ennuyeuse  et 
désagréable.  «  Lorsque  j'étais  jeune,  dit-il, 
quoique  retiré  dans  les  déserts,  j'étais  si 
tourmenté  par  la  violence  de  mes  passions  et 
par  l'ardeur  de  la  concupiscence,  que  cela 
surpassait  mes  forcés.  Je  faisais  tout  ce  que 
je  pouvais  pour  éteindre  ce  feu  par  de  gran- 
des abstinences ,  et  cela  n'empêchait  pas 
que  mon  esprit  ne  fût  continuellement  agité 
par  de  mauvaises  pensées.  Pour  venir  à  bout 
de  le  dompter,  je  me  rendis  disciple  d'un 
certain  moine,  qui  de  juif  s'était  fait  chré- 
tien ;  et  laissant  là  les  préceptes  admirables 
de  Quinlilien,  l'éloquence  de  Cicéron,  la  ma- 
jesté de  Fronton  et  la  douceur  de  Pline,  je 
commençai  à  apprendre  l'alphabet  et  à  étu- 
dier une  langue  dont  les  mots  sont  si  rudes 
et  si  difficiles  à  prononcer.  Il  n'y  a  que  moi 
et  ceux  avec  qui  je  vivais  alors  qui  sachent 
(juelles  peines  ,  quelles  dillicullés  j'eus  à 
surmonter,  combien  de  fois  je  me  sentis  re- 
buté, désespérant  d'en  venir  jamais  à  bout, 
et  combien  de  fois  ,  après  avoir  tout  aban- 
donné, je  recommençai  tout  de  nouveau, 
par  l'ardeur  c|ue  j'avais  d'apprendre.  Je  rends 
grAces  à  mon  Dieu  de  ce  (lue  je  recueille 
maintenant  de  cette  étude  des  fruits  d'au- 
tant plus  doux,  (pie  la  semence  en  a  été  plus 
amère.  »  On  peut  dire  en  ellel  que  rien  ne 
l'a  rendu  célèbre  comme  la  connaissance  ap- 
profondie qu'il  posséda  de  la  langue  hé- 
braïque. 

bientôt  nolro  saint  renonça  complètement 
?i  la  l(!Ctiiro  des  auteurs  profanes  (pii  sé- 
chaifiit  dans  son  C(i;ur  l'esprit  de  la  piété  et 
le  goût  d(;s  Kcritures,  écrites  sans  orncmenis 
et  avec  une  si  grande  simplicité  I  Dès  lois  il 
se  livra  av(;c  ardeur  à  l'étude  des  Prophètes, 
des  Evangiles  et  d(!S  Apôtres,  et  instruisit 
plusieurs  personnes  (pu  voulaient  proliter 
de  SOS  savantes  Ie(;ons,  el  lui  servaient  en 
DX^mc  t(;rrips  de  copistes. 


A  cette  époque,  an  de  Jésus-Christ  37G, 
l'Eglise  d'Antioche  était  divisée  en  deux 
camps.  Mélèce  et  Paulin,  tous  deux  évèques 
de  cette  ville, étaient,  comme  ou  peut  le  voir 
dans  la  vie  de  saint  Mélèce,  chacun  à  la  tète 
d'ini  parti  ciue  suivait  l'Eglise  d'Orient  pour 
Mélèce,  et  l'Eglise  d'Occident  i)Our  Paulin. 
Saint  Jértime  ordonné  |)iètr(^  par  Paulin,  ve- 
nant d'Occident  où  tous  les  évoques  sui- 
vaient le  {larti  de  ce  dernier,  devait  avoir  une 
propension  très-grande  à  s'attacher  à  lui. 
Cependant  il  eut  la  sagesse  dans  le  diui^e  de 
ne  se  prononcer  jxtur  personne  dans  une 
question  que  l'Eglise  n'avait  pas  di'ciilée. 
Pour  être  sûr  de  ne  pas  errer,  il  s'attacha  à 
l'Eglise  romaine  comme  à  la  source  inalté- 
rable et  puie  de  la  foi  chrétienne.  Quan*  à 
Vital,  qui  avait  été  ordonné  évéque  d'Antio- 
che par  Apollinaire,  jadis  maître  de  sanit 
Jérôme,  il  ne  prit  point  parti  pour  lui  non 
plus,  estimant  comme  le  tit  depuis  l'Eglise, 
son  ordination  irrégulière  et  entachée  d'hé- 
résie. 

Ce  fut  cette  abstention  de  saint  Jérôme 
qui  lui  suscita  dans  son  désert  les  persécu- 
tions des  autres  moines:  tous,  plus  ou  moins 
engagés  dans  les  ])arlis  qui  divisaient  l'E- 
glise dans  la  question  d'Antioche  ou  dans 
celle  des  hypostases  ,  accusaient  la  foi  de 
Jérôme.  Il  fut  obligé  de  quitter  le  désert, 
pour  éviter  d'y  être  poursu  vi  par  eux.  Il 
vint  à  Antioche,  où  il  fut  ordonné  par  Pau- 
lin. Il  avait  reçu  ordre  du  pape  Damase  de 
communiquer  avec  lui.  Cependant,  tout  en 
acceptant,  il  ne  s'attacha  à  aucun  parti  ;  de 
plus  ,  il  demanda  et  obtint  que  son  ordina- 
tion ne  l'attacliAt  à  aucune  église  et  lui  lais- 
sât entière  sa  liberté  de  solitaire.  Bientôt  le 
pape  Damase  ,  qui  avait  une  estime  particu- 
lière pour  notre  saint,  ra[)[>ela  à  Home  et  le 
lit  son  secrétaire.  Il  resta  dans  cette  ville  en- 
viron trois  ans  et  ne  la  quitta  qu'en  l'année 
885  au  mois  d'août ,  après  la  mort  du  pape 
Damase.  Ce  pape  lui  lit  corriger  le  Nouveau 
Testament  et  lui  fit  faire  de  plus  quelques 
travaux  sur  les  psaumes  de  l'Alleluia.  Saint 
Jérôme  fut  bientôt  connu  et  révéré  par  toute 
la  ville,  de  toutes  parts  on  venait  écouter  ses 
leçons  sur  les  divines  Ecritures.  Parmi  les 
saintes  femmes  qu'il  dirigeait  dans  les  voies 
de  la  piété  et  de  la  vertu,  nous  citerons  les 
saintes  Aselle,  Paule,  Eustoquie ,  Albine, 
MarcelliiK!,  Félicité  et  Marcelle.  Il  écrivit 
I)lusicurs  fois  à  cette  derniè.e,  qui  fut  re- 
mai-quable  par  sa  sainteté  el  qui  desc(>ndait 
d'une  race  dluslre  de  proconsuls  et  de  pré- 
fets du  piétoire.  Elle  fut  moins  dlustre  |)ar 
la  possession  de  tous  les  avantages  du  siè- 
cle, (pi'en  cc!  (pi'elle  méprisa  el  sa  noblesse 
et  ses  richesses  pour  embrasser  1  humilité  et 
la  j)auvr('té. 

Saint  Jérôme  écrivit  encore  d'autres  lettres 
à  saiide  l^ustocpiie,  une  entre  autres  sui'  la 
virginité  ,  (pii  souleva  lloine  contre  lui. 
|{(!auc()up  de  personnes  en  lur(vil  clio(|nées; 
CM'  voulant  prt'iinniir  la  sainte  coiilie  les 
embûches  du  monde,  il  lui  découvrait  les 
vices  des  fauv  moines,  des  vierges  dt'réglées 
.■I  (ji's  mauvais  e(  ih'siasiiques.  Il  eut  à  souf- 


13U1 


JER 


JKS 


1302 


fiir  il(^  la  calommt'  (lue  sos  l'nnerais  igno- 
rants et  jaloux  ri'paiulau'nt  sur  lui. 

SaiiU  Jôrùmo,  désirani  la  paix  et  voulant 
ôvilei-  toutes  CCS  tem|)tMes,  se  résolut  à  ((uil- 
ter  Uoiiie  et  i\  partir  [lour  Jrrusalcni.  11  vi- 
sita la  Pah'stint'  et  ri'Xvple.  Il  resta  i)eu  Je 
temps  dans  eetle  (ierni^i'e  contiéc,  et  se 
rendit  .^  Hctldi^eni ,  où  il  passa  le  rrsle  do 
ses  jours.  Il  nous  appi-end  (pi'on  allait  h  sa 
cellule  par  un  petit  sentier  (pii  se  sc^parait 
du  grauii  clieniinau  lieu  où  était  le  tombeau 
d'Arcliélaus,  roi  ou  [ilutôt  ethnarciuc  de  la 
Judée.  Il  s'était,  dit-il,  retiré  en  ce  lieu 
pour  V  j)leurer  ses  péchés,  reidermé  et  ca- 
ché dans  une  cellule  en  a'Jendanl  le  jour  du 
jugement.  Il  était  vélu  grossièrement  et  so 
nourrissait  d'herbes  et  de  pain  bis.  Il  ne  pre- 
nait jamais  de  vin  et  s'abstenait  de  viande. 

Notre  saint  n(>  resta  pas  oisif,  il  travailla 
contituiellement  les  livres  saints,  et  écrivit 
plusieurs  ouvrages.  Il  b;Uit  mi  monastère  et 
un  hôpital  pour  les  étrangers  qui  venaierit  à 
Bethléem.  Saint  Jérôme,  sm^  la  fin  de  ses 
jours,  fut  obligé  d'interrompre  ses  travaux  et 
ses  exercices  de  piété  par  les  incursions  que 
les  Barbares  faisaient  en  Palestine,  et  parles 
persécutions  d(^s  i)élagiens.  Ces  hérétiques 
envoyèrent,  en  VIT,  une  troupe  do  bandits  à 
Bethléem,  afin  de  ravager  les  monastères 
qui  étaient  sons  la  conduite  de  notre  saint. 
IJs  furent  [)illés  et  réduits  en  cendres ,  et 
eurs  saints  habitants  s'enfuirent.  Cette  per- 
sécution cessa  bientôt  et  saint  Jérôme  reprit 
ses  travaux  pour  la  défense  de  la  foi.  Enfin, 
après  une  longue  vie  pleine  do  travaux  et  de 
pénitences,  il  mourut,  le  30  septembre  420, 
miné  par  une  fièvre  lente  qui  le  tourmentait 
depuis  longtemps.  11  fut  enterré  dans  les 
ruines  de  son  monastère ,  et  dans  la  suite 
son  corps  fut  transporté  h  Rome,  où  on  le 
conserve  encore  dans  l'église  de  Sainte- 
Marie-Majeure.  L'Eglise  fa.t  sa  fête  le  30 
septend)re. 

JÉKOME  DE  LA  CROIX  (le  bienheureux), 
dominicain,  né  en  Portugal,  fut  envoyé  dans 
l'Inde  p;ir  ses  supérieurs,  n'étant  encore 
que  diacre.  De  Goa,  il  fut  envoyé  dans  le 
royaume  de  Siam  avec  le  P.  Sébastien  de 
Canlu,  également  Portugais.  Ils  firent  tant 
de  bien  dans  cette  mission,  que  deux  infi- 
dèles, irrités  du  succès  de  leur  prédication, 
résolurent  de  s'en  défaire.  Ils  feignirent  de 
se  baitre  en  duel  devant  la  maison  de  nos 
saints  religieux  :  ceux-ci  étant  accourus,  Jé- 
rôme tomba  percé  d'un  coup  de  lance  au 
cœur;  pour  Sébastien,  il  reçut  une  blessure 
grave  à  la  tète,  mais  il  en  guérit  et  ne  souf- 
frit le  martyre  ,  avec  les  compagnons  qu'on 
lui  avait  envoyés,  que  le  11  février  1569. 
(  Monumenta  Dominicana,  1555,  1569  ). 

■JÉKUSALEM  ,  capitale  de  la  Judée.  C'est 
dans  ceite  ville  que  s'accomplirent  les  prin- 
cipaux événements  de  notre  sainte  religion. 
Ce  fut  là  que  saint  Pierre  et  saint  Jean  fu- 
rent persécutés;  saint  Etienne  mis  à  mort. 
Saint  Paul  et  les  Juifs  persécutent  l'Eglise 
en  l'année  3i  :  Nicodème  en  est  chassé.  En 
42,  Hérode  Agrippa  y  fait  mourir  saint  Jac- 
ques le  Majeur  et  emprisonner  saint  Pierre, 


qui  es!  délivré  par  un  ange.  En  5i,  sanit 
Paul  y  est  arrêté  par  les  Juifs,  qui  voulaient 
l(»  tuer.  Le  tribun  Claudt;  Lysias  l'envoie  au 
gouvertunn-  Félix.  En  62,  le.  peuple,  poussé 
par  le  grand  prêtre  Ananici,  as>omma  |)rès 
du  temple  saint  Jac(pios  le  Mineiw,  évé(]ue 
de  Jérusalem,  surnommé  le  Juste. 

Pour  ce  qui  concerne  les  malheins  de  Jé- 
rusaliMu  sous  Vespasien,  voy.  Ji'ii's  (  IHmi- 
tion  des).  En  l'ainiéiî  107,  saint  Siméoii,  fils 
de  ('h'oplias  et  de  Marie,  sœur  de  la  Vierge, 
deuxième  évoque  de  Jérusalem,  y  fut  tor- 
turé, battu  de  verges,  et  enfin  crucifié  sous 
Trajan,  par  ordre  du  gouverneur  Alticus. 

JÉSUITES,  ordre  religieux,  fondé  en  1534, 
par  saint  Ignace  de  Loyola,  et  approuvé  par 
le  pape  Paul  111  en  1540.  Cet  orare  se  con- 
sacre à  la  propagation  de  la  foi,  à  la  conver- 
sion des  infidèles  et  des  hérétiques,  à  l'édu- 
cation do  la  jeunesse,  et  fait  vœu  d'obéis- 
sance entière  au  chef  de  l'Eglise.  Nous  n'eus- 
sions pas  parlé  des  Jésuites  dans  ce  Dic^ 
tionnaire  s  ils  n'avaient  pas  été  directement 
per-écutés  comme  ordre  religieux.  L'his- 
toire des  i)ersécu lions  particulières  aux  in- 
dividus de  cet  ordre  célèbre  se  trouve  à  l'ar- 
ticle de  chacun  d'eux.  Nous  ne  voulons  ici 
nous  occuper  que  de  la  persécution  que 
l'ordre  des  Jésuites  eut  à  souff'rir  lors  de  sa 
suppression  momentanée.  Le  lecteur  conce- 
vra dans  quel  intérêt  nous  avons  renoncé  à 
faire  nous-même  le  récit  de  ce  grand  évé-r 
nemenf.  Rorhbacher  l'a  fait  en  citant  Sis-^ 
mondi,  auteur  protestant.  Les  motifs  qu'il  a 
eus  sont  ceux  qui  nous  dirigent  :  nous  ac- 
ceptons le  jugement  d'un  adversaire.  C'est 
le  meilleur  moyen  de  réfuter  les  déclama- 
tions passionnées  qui  ne  cessent  de  se  pro- 
duire à  propos  de  cette  grave  question.  Voici 
quelles  sont  les  appréciations  de  Sismondi. 

«  Louis  XV,  dit-il ,  se  croyait  très-reli- 
gieux ,  c'est-à-dire  qu'il  avait  très-grande 
peur  des  prêtres,  comme  il  avait  peur  du 
diable  ;  mais  il  n'échappait  pas  entièrement 
au  mouvement  philosophique  ,  non  plus 
qu'aux  doutes  de  son  siècle,  et  madame  de 
Pompadour  était  là  pour  lui  persuader  que  la 
philosophie  dispensait  de  la  morale  en  mê- 
me temps  que  de  la  foi.  Elle  croyait  et  elle 
avait  fait  croire  au  roi  qu'il  existait  une 
ligue  ambitieuse  et  dévote  qui  censurait 
avec  amertume  ses  plaisirs  scandaleux,  et 
qui  détournait  de  lui  l'affection  de  son  peu- 
ple ,  pour  la  fixer  sur  le  dauphin;  celui-ci 
était  tout  dévoué  aux  Jésuites ,  il  en  avait 
fait  ses  amis  et  ses  guides,  il  les  regardait 
comme  les  défenseurs  de  la  religion  et  du 
pouvoir  absolu,  et  comme  les  intrépides  ad- 
versaires de  ces  magistrats  qui  ne  cessaient 
de  braver  et  d'inquiéter  l'autorité  royale. 
Madame  de  Pompadour  se  rappelait  avec 
quel  empressement  le  parti  du  dauphin  avait 
voulu  l'expulser  de  Versailles  lors  de  l'at- 
tentat de  Damions  ;  elle  savait  que  les  Jé- 
suites, de  concert  avec  la  reine,  avec  ses 
filles,  avec  le  dauphin  et  la  dauphine,  et  tous 
ceux  des  seigneurs  de  la  cour  qui  étaient 
attachés    aux   bonnes  mœurs ,  cherchaient 


136S 


JES 


JES 


iôU 


l'occasion  d'amener  Louis  h  un  pieux  i-e- 
jientir  qui  serait  le  signal  de  IV'xil  de  sa 
maîtresse.  Les  Jésuites,  qui,  dans  d'autres 
orcasions,  avaient  li'ouvé  pour  les  rois  une 
moiale  relAcIiée  qui  s'aocciinniodait  à  leurs 
penchants,  ou  étaient   devenus  plus  rigides 
dans  leui'S  principes  en  raison   mc^roe  des 
dénonciations    auxquelles  ils  avaient  été  en 
butte,  ou  avaient  trouvé  leur  intérêt  dans  une 
plus  stricte  adh<''>i<">n  aux  bonnes  mœurs  ; 
car  c'était  leur  rigorisme  môme  qui  les  ren- 
dait cliers  au  danpiiin  avec  lequel  ils  espé- 
raient hientùf  régnerde  nouveau  sni'la  France, 
les  Jésuites,  dis-je,  étaient  appelés  h  veiller 
d'autant  plus  scrupuleusement  sur  cette  mo- 
rale et  ces  principes,  qu'on  leur  attribuait 
et  qui  avaient  été  l'objet  de  tant  daccusa- 
tions,  (jue  leur  ordre  se  trouvait  compromis 
par  des  querelles  qui  leur  étaient  suscitées 
à  la  fois  dans  toutes  les  parties  du  monde. 
Les  giands    succès  qu'ils    avaient   d'abord 
obtenus  à  la  Chine,  où  ils  avaient  fondé  une 
Eglise  nombreuse  en  ménageant  les  croyances 
et  les  coutumes  du  pays,  avaient  plus  tard 
attiré  sur  cette  Eglise  une  jiersécution  fu- 
rieuse (1707  -  172V  j,  lorsque  la  jalousie  des 
Dominicains  qui  les  avaient  dénoncés,  fixa 
sur  eux,  [)ar  des  controverses  intempestives, 
les  regards  et  la  jalousie  du  gouvernement 
chinois.  En  Amérique  ,  leurs  colonies  des 
missions,  et  en  particulier  celles  du  Para- 
guai ,  avaient   excité  la  jalousie   des  deux 
cours  despotiques  do  Madrid  et  de  Lisbonne. 
Ils  avaient   réussi  à  iixer  des  peuples  sau- 
vages, avant  eux  errants  dans  les  forêts  ;  ils 
leur  avaient  enseigné,  avec  lespiemiers  élé- 
ments (Je  la  religion,  les  premiers  actes  de 
la  vie  civile  ;  ils  leur  avaient  fait  bAtir  des 
viJlages  et  des  églises,  cultiver  des  champs, 
accumuler  des  richesses.  Ces  ricbesses,  il 
est  vrai,  n'étaient  pas  pour  eux,  l'ordre  en 
disposait,  mais  il  les  em|)loyait  à  faire  vivre 
les   Indiens   dans  une  grande  aisance.  Les 
missionnaires  avaient  résolu  ce  problème  si 
difficile ,  devant  lequel  les  Européens   ont 
loujoui's  échoué  depuis,  de  faire  passeï-  les 
hommes  de  la  vie  sauvage  à  la  vie  civilisée  : 

ftlus  notre  expérience  s'est  accrue  depuis 
ors,  et  plus  notre  admiration  |)Our  le  succès 
des  Jésuites  dans  les  missions  doit  augmen- 
ter. Ils  n'emplovèrent  que  la  charité,  l'amour 
et  une  providenue  paternelle  ;  les  autres  peu- 
ples ont  vr)ulu  élevei-  les  sauvages  par  l'ins- 
truction, l'émulation,  le  commerce,  l'indus- 
ti  ie,  et  ils  leur  ont  communiqué  les  passions 
des  peujjles  civilisés ,  avant  la  raison  qui 
pouvait  les  dompter,  et  la  police  (pii  pou- 
vait les  contenir.  Sur  tout  le  globe,  le  contact 
de  la  race  anglaise,  hollandaise,  i'raneaise, 
avec  les  sauvages,  les  a  tait  fondre  comme 
la  cire  dt.'vant  un  feu  ardent.  Dans  les  mis- 
sions de  l'Amérifjue  ,  au  contraire,  la  race 
roug(!  nmllipliait  rajiidemei.t  sous  la  direc- 
tion des  Jésui'es.  Le.  rs  indiens,  disait-on, 
n'étaient  encoi-e  (pie  do  gramls  er)fanls  ;  oui, 
ni.iis  api'ès  leur*  (txpul.^ion,  les  Esjiagtiols, 
les  Portugais,  les  Anglais,  les  Français,  en 
ont  fiii  des  tigres.. 

«  Lc'.s  Indioiis  des  uiissions   ne  connais- 


saient que  les  Pères  qtii  dirigeaient  chaque 
village,  n'obéissaient  qu'aux  Pères  ;  et  dans 
un  airangement  de  territoire  sur  la  frontière 
du  Brésil,  entre  l'Espagne  et  le  Poi'tugal 
(17o'i-175'i\  les  Indiens  des  missioi.s  avaient 
opposé  quelque  résistance  aux  ordres  des 
deux  rois.  Voltaire,  dans  Candide  et  dans  ses 
Facéties,  attaque  les  Jésuites  avec  la  der- 
nièie  amertume  pour  leur  roijnuté  du  Para- 
gtifii,  et  pour  le  recours  aux  armes  des  In- 
diens ,  lorsque  des  ordres  arbitraires  ,  in- 
sensés de  gouvernements  aussi  ignorants 
que  cruels,  venaient  diHruire  leur  existence  ; 
ce  n'est  pas  la  première  lois  qu'il  oublie 
toutes  les  lois  de  l'humanité,  de  la  justice, 
de  la  décence ,  lorsqu'il  trouve  l'occasion 
d'accuser  des  prêtres.  »  11  faut  se  rappeler 
que  c'est  le  protestant  Sismondi  qui  parle, 
aussi  bien  que  dans  ce  qui  suit  : 

«  Tout  b  coup,  une  accusation  d'une  toute 
autre  nature  éclata  contre  eux,  en  Portugal, 
par  suite  de  ce  scandaleux  libertinage  des 
têtes  couronnées,  qui,  au  xvin'  siècle,  sem- 
blait être  devenu  la  plaie  de  toute  l'Europe  ; 
Joseph,  qui  depuis  1750  régnait  en  Portugal, 
n'était  pas  monis  dissolu  dans  ses  mœurs 
que  son  père  Jean  Y.  ^lais   tandis  que  ce 
l)rince  avait  fait  d'un  couvent  son  harem, 
et  qu'il  avait  perdu  avant  l'Age,  dans  les  bras 
des  religieuses ,  sa  santé  et  sa  vie,  Joseph 
allait     chercher    des    maîtresses   dans    les 
maisons  les  plus  puissantes  du  Portugal.  Il 
avait  abandonné    sans  partage    le  pouvoir 
royal,  ou  plutôt  le  plus  impitoyable  des[)0- 
tisme   à  son   ministi-e  Sébastien  Carvallio, 
marquis  de  Pombal,  homme  actif,  passionné, 
doué  dévastes  connaissances,  mais  haineux, 
ombrageux,  cruel,  qui  entreprit  de  réformer 
les  finances,  l'administration,  le  commerce, 
la  marine,  l'armée,  et  qui  ne  fit  le  bien  qu'à 
coups  de  hache.  Pendant  ce  temps,  Joseph 
ne  se  réservait,  de  l'autorité  royale,  que  le 
droit  de  se  faire  amener  les  plus  belles  fem- 
mes de  sa  cour.  Le  grand  maître  de  la  mai- 
son du  roi,  duc  d'Aveyro,  avait  à  se  |)lain- 
dre  d'un  double  outrage  :  sa  femme  et  sa 
fille  avaient  été  l'une  après  l'autre  livrées  au 
monarque    voluptueux  ,    et    l'entremetteur 
Texeira,  valet  de  chambre  du  roi,  le  lui  avait 
dit  en  face.  La  jeune  marciuise  de  'i'avora 
avait   h  son  tour,  peu  aj)rès  son  mariage, 
subi  la  même  ignominie.  Tous  les  membies 
de  ces  deux  maisons  partageaient  le  ressen- 
timent des  époux  olfensés  ;   et   dans  cette 
cour,    plus    africaine    qu'européenne,   on 
croyait  encore  ipi'ui  tel  ()ulrag(^  ne  pouvait 
être  lavé  (pi'avec  du  sang.  On  assure  pour- 
tant qu'avant  do  se   hasarder  au    régicide, 
les  oU'onsés,  suivant   les  usages  d'Kspagne, 
vouliu'ont  mettre  leur  conscience  en  re|)0s, 
en  consultant  dos  théologiens  casuistes.  Ils 
s'adressèrent   à   trois  Jésuites   célèl)r(\s,  les 
Pères  .Malagrida,  Alexandre  de  Sousa  et  l^la- 
thos.  Dans'de  tell(>s  cousullalions,  on  a  tou- 
jours soin  (1(!  (;acher  le  nom  (l(>s  parties  et 
de  dorner  le  cas  connue  iU\\h  arrivé.  Il  est 
probabhî  rpio  l'on  en  usa  ainsi  avec  les  trois 
Jésuil(;s;  mais  toute  la  procédure  ayant  été 
enveloppi'c;  d'un  seci'ol  imp('ii(''lrable,  on  ne 


I56r. 


JES 


JKS 


ir>G6 


peut  quo  \o  supposer. «On  rr^pandit  .seule- 
mont  le  bruit  (pi'ils  répondirent  (ju'aiin^s 
une  telle  provocation,  riionii(i<le  de  l'olVen- 
seur  ne  serait  (pi'un  péché  véniel,  et  l'on 
flsswre  (ju'ils  sii^n^rcnt  leur  consultation; 
pou  do  temps  après,  dans  la  nuit  du  3  sep- 
tembre 1758.  comme  le  roi  don  Jose|)li  re- 
venait au  palais  de  Helem,  avec  son  valet  de 
cliand)re  Texeira,  ministre  de  ses  plaisirs, 
sa  voilure  fut  assaillie  j)ar  trois  hommes  à 
cheval  ;  l'un  d'eux  lira  sur  le  (•0(;her  avec 
une  carabine  qui  ne  tit  point  feu,  les  deux 
autres  tirèrent  sur  la  voiture,  et  le  roi  fut 
blessé  au  bras  droit.  Les  assassins  prirent 
la  fuite,  et  penda-tt  (luelques  mois,  on  crut 
que  la  |U)lice  n'avait  aucun  indice  sur  les 
auteurs  de  l'attentat. 

«  Jose[)h,  qui  avait  eu  une  grande  frayeur, 
s'enfeiina  pendant  trois  mois  sans  laisser 
parvenir  d'autres  personnes  jus(|u'h  lui,  que 
s(ui  cliiruriAien  et  son  ministie  Pombal.  Ce 
ministre  avait  feint,  après  quehpic  temps, 
d'abandonner  des  recherches  infructueuses. 
Tout  à  coup,  il  lit  arrêter  dans  un  môme 
jour,  le  duc  d'Aveyro,  ses  alhdés,  ses  do- 
mestiques et  tous  les  membres  de  la  famille 
Tavora.  Les  Jésuites  furent  en  même  temps 
gardés  îi  vue  dans  leur  monastère.  Le  pro- 
cès fut  aussitôt  instruit  par  un  tribunal  ex- 
traordinaire, dans  les  formes  les  plus  terri- 
bles. Tous  les  accusés  furent  soumis  à  d'ef- 
froyables tortures  ;  un  seul,  le  duc  d'Aveyro, 
se  laissa  arracher  par  la  douleur  des  confes- 
sions qu'il  révoqua  ensuite.  L'arrôt  que  dic- 
tait la  vengeance  de  la  part  de  Joseph,  fut 
entin  prononcé  le  13  janvier  1759.  Le  duc 
d'Aveyro,  le  marquis  de  Tavora,  ses  deux 
fils,  ses  deux  gendres  et  plusieurs  domesti- 
ques de  ces  seigneurs,  en  tout  onze  person- 
nes, furent  rompus  vifs,  brûlés  et  leurs  cen- 
dres jetées  au  vent.  La  marquise  de  Tavora 
eut  la  tète  tranchée  ;  elle  passa  de  la  prison 
à  l'échafdud  sans  avoir  été  interrogée.  Quant 
à  la  jeune  femme  qui  avait  attiré  ce  désastre 
sur  l'illustre  et  malheureuse  famille  à  la- 
quelle elle  venait  de  s'allier,  elle  ne  fut  pas 
nommée  dans  le  procès  ;  toutefois  elle  fut 
pour  la  vie  enfermée  dans  un  couvent.  Les 
trois  Jésuites,  Malagrida,  Alexandre  Sousa 
et  Mathos,  furent  dénoncés  comme  compli- 
ces de  l'attentat  ;  mais  le  pape  ayant  refusé 
un  bref  pour  autoriser  leur  supplice,  ils  fu- 
rent déférés  à  l'Inquisition  pour  de  préten- 
dues hérésies  ou  actes  de  magie,  et  Malagrida 
fut  brûlé  le  20  septembre  1761  ;  les  deux 
autres  moururent  en  prison.  Mais,  sans  at- 
tendre le  jugement  de  son  procès,  lu  roi 
avait  donné  un  édit  le  3  septembre  1759 
pour  chasser  tous  les  Jésuites  du  Portugal. 
Tous  leurs  biens  avaient  été  confisqués,  et 
leurs  personnes  ayant  été  embarquées,  on 
les  jeta  dépourvus  de  tout,  au  nombre  de 
plus  de  600,  sur  les  côtes  d'Italie. 

«  L'atrocité  des  procédures  de  Lisbonne, 
l'invraisemblance  ou  l'absurdité  des  accusa- 
tions intentées  contre  Malagrida,  et  la  dureté 
avec  laquelle  avait  été  exécutée  la  déporta- 
tion de  celte  foule  de  Jésuites,  parmi  les- 
quels il  y  avait  beaucoup  de  vieillards  et  de 


malados,  comme  aussi  plusieurs  hommes 
qui  ont  acouis  un  grand  nom  dans  les  let- 
tres, semblèrent  fairi;  nioins  d'impression 
sur  rKurope,  que  ra('(;usation  portée  contre 
ces  religieux  de  favoriser  h;  régicide.  La 
violence  des[)Otique  d<.'  Pouibal,  qu'on  sa- 
vail  être  loin-  oiuiemi,  la  creauté  irn;iitoyable 
et  la  p()lii'onneii(Ml'' Joseph,  n'empêchèrent 
pas  les  ennemis  de  l'ordre  de  donner  créance 
h  <les  accusations  (pie  les  parlemorUs  de 
France  avaient,  de  leur  côté,  portées  contre 

lui  dvs    le   temps  d(!   Henri  IV Mais  la 

magistrature  de  France  legardait  l'ordre 
des  Jésuites,  comme  un  ancien  ennemi 
qu'elle  voulait  écraser  :  accoutumée  k  cher- 
cHu'r  des  crimes  et  à  les  établir  sur  des  preu- 
ves légales  qui  ne  satisfaisaient  point  la 
conscience,  elle  semblait  renonc(;r  à  toute 
bonne  foi,  lorsqu'elle  prenait  h  tAche  de 
charger  un  prévenu.  Les  ])arlementaires, 
d'accord  avec  les  jansénistes,  employaient 
toute  la  subtilité  de  leur  esprit  h  démêler, 
dans  toutes  les  conspirations,  découvertes 
contre  tous  les  rois,  l'intluence  des  Jésuites. 
En  voyant  ce  qui  se  passait  en  Portugal,  il 
B!y  avait  plus  à  douter,  disaient-ils,  qu'ils 
n'eussent  été  les  instigateurs  de  Damions. 
Les  philosophes,  qui  chaque  jour  deve- 
naient plus  nombreux  et  acquéraient  ])lus 
de  pouvoir  dans  l'Etat ,  prétendaient  être 
plus  impartiaux  et  tenir  la  balance  égale  en- 
tre les  Jésuites  et  les  jansénistes;  mais  ils 
en  profitaient  pour  accueil! i-r  toutes  les  ac- 
cusations con're  les  uns  comme  contre  les 
autres,  et  les  flétrir  tous  également.  Dans  des 
écrits  plus  sérieux,  ils  s'attachaient  en  même 
temps  à  faire  ressortir  la  fatale  intluence 
sur  les  affaires  publiques  du  fanatisme  et  de 
la  superstition  ;  et  ils  applaudissaient  à  tous 
les  projets  pour  abolir  le  plus  puissant  et  le 
plus  habile  des  ordres  religieux,  se  croyant 
assurés  qu'après  celui-là,  les  autres  ne  tar- 
deraient pas  à  tomber.  » 

Voilà  comme  le  protestant  Sismondi  dé- 
voile les  causes  ôt  les  auteurs  de  la  destruc- 
tion des  Jésuites.  C'est  encore  à  lui  que 
nous  empruntons  les  particularités  suivan- 
tes : 

«  Le  duc  de  Choiseul  marchait  rapide- 
ment vers  la  place  de  premier  ministre.  Il 
s'était  en  même  temps  assuré  des  parle- 
ments, en  sorte  qu'il  pouvait  tourner  tous 
les  pouvoirs  de  l'Etat  contre  les  Jésuites.  Il 
avait  été  lui-même  élevé  dans  leurs  collè- 
ges. Voltaire  leur  devait  aussi  sa  première 
éducation,  car  on  remarque,  avec  étonne- 
meut  que  c'était  par  leurs  leçons  que  s'é- 
taient formés  tous  ceux  qui  contribuèrent  à 
renverser  cette  Eglise  que  les  Jésuites 
avaient  pour  mission  snéciale  de  défendre. 
Le  duc  de  Choiseul,  secondé  par  la  Pompa- 
dour,  eut  peu  de  peine  à  faire  entrer  dans 
ses  vues  Louis  XV. 

«  Comme  la  fermentation  s'accroissait  en 
France  contre  les  Jésuites,  un  incident  four- 
nit au  parlement  de  Paris  l'occasion  qu'il 
cherchait  lie  procéder  contre  cet  ordre.  Les 
établissements  des  missions,  oii  les  conver- 
tis indiens  travaillaient  pour  un  fonds  com- 


^3G: 


J£S 


JES 


1568 


iniin  administré  par  les  Pères,  avaient  amené 
ces  n'lij;ienx  à  se  chariïer  d'une  immense 
administra  ion  éronomique  :  c'était  leur  af- 
faire de  nourrir  et  de  vèlir  tout  un  peuple, 
de  pourvoir  entin  h  tows  ses  besoins.  Ils  fai- 
saient donc  en  réalité  le  conimcrce.  Le  P.  La 
Vale  le,  Jésuitt^  français,  procureur  des  mis- 
sions à  la  Marliniiiue,  y  était  cliargé  de  ces 
vastes  intérêts  nicrrantiles  ;  mais  plusieurs 
de  ses  vaisseaux  furent  ca[)turés  par  les  An- 
glais, en  1755,  avant  tonte  déclaration  de 
guerre,  lorsqu'ils  s'empaièrent  par  surprise 
de  toute  la  marine  marchande  de  France. 
Le  P.  La  Valette  ne  put  faire  face  à  une  jtorte 
si  énorme,  et  l'ordre,  par  un  calcul  sordide, 
prit  le  parti  de  l'ahandoimer,  au  lieu  de 
payer  ses  dettes.  L'ordre  y  gai^na  de  se  voir 
condamner  par  le  parlement  de  Paris  à  payer 
toute  la  faillite,  et  de  voir  ses  constitutions 
examinées,  censurées,  condamnées  parle 
parlement,  et  sa  propre  existence  déclarée 
un  ahus. 

«  Labbé  de  Chauvelin,  conseiller  au  parle- 
ment de  Paris,  Montclar,  procureur  général 
au  {'arlement  de  Rennes,  se  distinguèrent 
surtout  dans  cette  polémique,  oii  ils  mon- 
trèrent plus  d'esprit  que  de  bonne  foi ,  tan- 
dis que  l'ordre,  qui  passait  pour  j)Ouvoir 
donner  des  leçons  de  la  politique  la  plus 
astucieuse,  ne  montra  pour  sa  défense  que 
faiblesse,  que  trouble  et  qu'incapacité.  11  est 
vrai  que  bien  peu  d'hommes  ont  assez  de 
force  dans  le  caractère  pour  rester  dignes 
d'eux-mêmes,  quand  le  torrent  de  l'opinion 
publique  se  déchaîne  contre  eux.  Le  concert 
d'accusations  et  le  [)lus  souvent  de  calom- 
nies que  nous  trouvons  contre  les  Jésuites 
dnis  tous  les  écrits  du  temps,  a  quelque 
chosi^  d'effravant.  Tout  l'ordre  judiciaire, 
tous  les  vieux  jansénistes,  une  grande  par- 
tie du  clergé  séculier  et  des  autres  ordres 
monastiques,  jaloux  de  cflui  (jui  les  avait 
si  longtemps  i)rimés,  tous  les  philosophes 
et  ceux  qui  se  piéîendaienl  esprits  forts, 
tous  les  lib^'^rtins  qui  ne  voulaient  plus  de 
frein  f)0ur  les  mœurs,  s'étaient  réunis  |)0ur 
dénoiicer  les  Jésuites  et  pour  proclamer  leur 
abaissement  comme  un  triomphe  de  la  rai- 
son humaine.  En  même  temps,  tous  I(;s 
souverains  semblaient  se  déclarer  contre 
eux.  Les  républiqu(is  de  Venise  et  de  Gè- 
nes venaient  de  limiter  leurs  privilèges;  à 
Vienne,  une  comuiission  impériale  les  avait 
privés  (Jfs  chaires  d(;  théologie  et  de  |)hilo- 
soi)hie  ;  h  Tuiin,  le  un  venait  de  sévir  con- 
tre l'un  d'eux;  tous  les  princes  de  la  maison 
de  Bourbon,  h  Madrid,  à  Na|)les,  à  Parme, 
se  rangeaient  |)armi  leurs  (nmtnnis,  cA  cejx'U- 
dant  on  voy;(it  arriver  les  uns  ajirès  les  au- 
tres à  Civiila-Vccchia  des  vaissi^aux  ciiargés 
de  ces  Pères.  Ln  1759,  c'étaient  ceu\  (iu 
Portugal  ;  en  17G0,  ceux  de  rAméii(jU(;  por- 
tugaise ;  on  17G1,  ceux  (h;  (ioa  et  des  Indes- 
Orientales.  (]es  der'uiers,  au  nombre  de  c.in- 
<juante-n(nif,  à  leur  cnliée  dans  la  Méditer- 
ranée, eurent  le  irialheur  de  tomber  aux 
mains  des  Algériens,  qui  co|)endant  se  laissè- 
rent toucher  de  compassion  cl  les  iclAchè- 
rent.  I.<ti,ipie  l'univeis  entier   semble  ainsi 


conjuré  contre  quelques  hommes,  ils'peuvent 
encore  trouver  le  courage  de  la  résignation; 
mais  où  chercheraiimt-ils  l'espérance,  sans 
laquelle  on  n'a  plus  ni  prudence  ni  adresse. 

«  La  Pomi>adour  aspirait  surtout  h  se  don- 
ner une  rénutation  d'énergie  dans  le  carac- 
tère, et  elle  crovait  en  avoir  trouvé  l'occa- 
sion, en  montrant  qu'elle  savait  frapper  un 
coup  d'Kiat.  L\  même  petitesse  d'esprit  avait 
aussi  de  l'intluence  sur  le  duc  de  Choiseul  ; 
de  [)lus,  tous  deux  étaient  bien  aises  de  (ié- 
tourner  l'attentioi^  nublique  des  funestes  évé- 
nements de  la  guerre.  Ils  espéraient  act^uérir 
de  la()0[)ularité  en  llattant  à  la  fols  les  philoso- 
phes et  les  jansénistes,  et  couvrir  les  dé- 
penses de  la  guerre,  par  la  confiscation  des 
biens  d'un  ordre  fort  riche,  au  lieu  d'être 
réduits  h  des  réformes  qui  attristeraient  le 
roi  et  aliéneraient  la  cour.  Il  fallait,  il  est 
vrai,  triompher  de  ropj)Osition  du  monar- 
que, qui,  au  milieu  de  ses  débauches  con- 
servait les  scrupules  et  les  terreurs  de  la 
dévotion,  et  qui  laissait  percer  tour  à  tour 
son  aversion  contre  les  jansénistes  et  contre 
les  philosophes  ;  mais  sa  concubine  était 
accoutumée  à  le  faire  céder.  Le  parlement 
de  Paris,  par  un  arrêt  du  G  août  1761,  avait 
ajourné  les  Jésuites  à  comparaître  dans 
l'année,  pour  ouïr  jugement  sur  leur  cons- 
titution, et  en  attendant,  il  avait  ordonné  la 
clôture  de  leurs  collèges.  Le  roi,  dans  son 
irrésolution  accoutumée,  imposa  silence  au 
parlement  et  consulta  une  commission  de 
quarante  évoques.  Ces  prélats,  après  avoir 
examiné  les  constitutions  des  Jésuites,  se 
prononcèrent  pour  la  conservation  de  cette 
socif^té.  Le  roi  accueillit  leur  décision  avec 
plaisir  et  rendit  un  édit  (|ui  laissait  subsister 
les  Jésuites,  en  modifi'anl  leurs  constitu- 
tions. Le  parlement,  secrètement  encouragé 
parle  duc  de  Choiseul,  refusa  d'enregistrer 
cet  édit.  Le  roi  montra  d'abord  quelque  hu- 
meur de  cette  résistance,  mais  bientôt  il 
oublia  cet  édit.  Quelques  mois  après,  il  le 
retira,  et  le  parlement  ayant  attendu  le  terme 
fixé  i)Our  l'ajournement  de  l'ordre,  prononça 
le  6  août  17G-2  un  arrêt  par  lequel  il  con- 
danniait  l'institut  des  Jésuites,  les  séculari- 
sait et  ordonnait  la  vente  de  leurs  biens. 
Ces  biens  se  trouvèrent  avoir  été  on  grande 
j)arîie  consuuu''S  i)ar  des  séquestres,  ou  dé- 
tournés, en  sorte  cfue  le  ministre  des  linan- 
c(îs  n'y  trouva  point  la  ressoiu'ce  sur  laquelle 
il  avait  compté.  Ou  croyait  le  roi  fort  agité  ; 
il  montra,  au  contraire,  l'indillérence  la  plus 
apathicjue  ;  lors(pic  (Choiseul  lui  demanda 
son  consentement  iinal  :  «  Soit,  répondit- 
il  eu  riant,  je  ne  seiai  pas  f;^(hé  <le  voir  le 
P.  Desm.irets  (son  confesseur)  en  abbé.  » 

«  Ce[)endant,  continue  le  protestant  Sis- 
mondi,  la  persécution  contre  les  Jésuites 
s'étendait  de  pays  en  jtays  avec  une  rapidité 
(pi'on  a  peine  "à  s'explicfuer.  Choiscnil  eu 
faisait  désormais  ])()ur  Ini-nu'^me  une  alfaire 
pcrsotinelle.  Il  s'attachait  surtout  à  les 
faire  chasser  de  tous  les  Ktals  de  la  mai- 
son de  Hourbon,  el  il  proli;.i.  dans  ce  but, 
de  rintlnen(;(!  (|u'il  avait  ac(}iiiso  sur  lo 
roi  iTEspaL-ne,  (.hailes    IM,    iirécédenuuent 


iS69 


JES 


JF.S 


ir.Tu 


roi  (le  Naplos.  Ce  mniianpus  (|iii  doniiuil  à 
la  cliasse  la  plus  i^fandc  partie  de  son  liMiips, 
avait  coptMidanl  la  |)rtHoiiti()n  d'ùlro  rc'totiiia- 
four,  peiit-(Miv  iiuMiic  pliilosoplio.  Il  r('j:,ar- 
(la't  avec  (|ii(>l(pu'  luépi'is  les  usa;A'''s  et  les 
j)rt^)ug ''S  espagnols  et,  en  arrivant  do  Na|)l(.'s, 
il  aurait  volontiers  donn(^  à  sa  cour  un  ;is- 
pec't  ou  fiapolilain  ou  Iranrais.  Deux  Maliens, 
le  (îénois  (ii-iiu;ddi  et  le  Napolitain  Scpiillace, 
av.iient  t^l(^  ses  ministre'*,  (irinialdi,  qui 
avait  le  nii'iist(''r(>  des  all'aires  étran^t^res, 
était  tout  dévoué  h  Clioiseul  ;  Squillace, 
chargé  des  finanees  et  de  la  giuTre,  penchait 
pour  l'Anj^lelerre.  Il  avait  eonunenré  h  se 
rendre  odieux  eu  souniellaut  Madrid  aux 
taxes  sur  les  eoniestihies  (pi'il  avait  vues 
fruclitier.^  Naphs;  mais  il  otl'ensa  bien  plus 
profondément  les  Espagnols  on  voulant  chan- 
ger le  costume  national.  Pour  rétai)lir  la  sé- 
curité dans  les  rues  de  Madrid,  on  les  ren- 
contres armées  et  les  assassi'iatsétaienl  très- 
fréquents',  il  lit  éclairer  la  ville  par  5,000  ré- 
verbères ;  jusqu'alors  on  y  avait  été  plongé, 
la  nuit,  dans  une  obscurité  profonde.  Il  in- 
terdit on  môme  temps  le  grand  manteau  et 
le  grand  chapeau  rabaitu,  sous  lesquels  les 
honunes  n'étaient  pas  moins  méconnaissa- 
bles que  s'ils  eussent  été  masqués.  Cette 
ordonnance  excita  dans  Madrid,  le  26  mars 
17G6,  le  plus  violent  soulèvement;  une  par- 
tie de  la  garde  wallonne,  qui  seule  résista 
aux  insurgés,  fut  massacrée  :  le  roi,  contraint 
de  paraître  sur  le  balcon  du  palais,  capitula 
avec  le  peuple  ;  il  abandonna  le  monopole 
des  comestibles,  il  retira  l'ordonnance  fu- 
neste sur  les  chapeaux  et  les  manteaux,  il 
exila  Squillace,  et  cependant  il  s'enfuit,  dans 
la  nuit,  à  Aranjuez,  ne  pouvant  supporter  la 
vue  d'un  peuple  qui  lui  avait  désobéi. 

«  Charles  III,  conservait  un  profond  res- 
sentiment de  l'insurrection  de  Madrid;  il  la 
croyait  l'ouvrage  de  quelque  intrigue  étran- 
gère; on  réussit  à  lui  persuader  qu'elle  était 
l'œuvre  des  Jésuites  et  ce  fut  le  commence- 
ment de  leur  ruine  en  Espagne.  Des  bruits  de 
complot,  des  accusations  calomnieuses,  des 
lettres  apocryphes  destinées  à  être  intercep- 
tées et  qui  le  furent  en  effet,  achevèrent  de 
décider  le  roi.  Il  s'entendit  avec  le  comte  d'A- 
randa,  président  de  Castille,  homme  énergi- 
que et  taciturne,  qili  avait  déjà  eu  avec 
Choiseul  des  relations  secrètes.  Ce  fut  lui 
qui,  apportant  à  Charles  III  une  écriioire  de 
poche  ei  du  papier,  lui  lit  écrire  de  sa  propre 
main,  sans  témoins,  dans  son  cabinet,  le  dé- 
cret de  la  suppression  des  Jésuites;  il  en- 
voya des  circulaires  aux  gouverneurs  de  cha- 
que province,  avec  ordre  de  les  ouvrir  h  une 
certaine  heure  et  dans  un  endroit  déterminé. 
Le  31  mars  1767,  à  minuit,  fut  le  moment 
choisi  pour  l'exécution  des  ordres  qu'elles 
portaient.  Les  religieux,  chers  à  l'Espagne, 
devaient  être  enlevés  lous  au  môme  moment, 
soustraits  aux  regards  d'un  peuple  fanatique 
et  déportés  non-seulement  sans  accusation, 
sans  jugement,  mais  sans  que  la  cour  de 
Madrid  eût  daigné  depuis  expliquer  sa  con- 
duite. Les  six  collèges  des  Jésuites  à  Ma- 
drid furent  investis  en  même  temps  par  des 


troupes.  Les  pères  furent  forcés  d'entrer 
dans  des  voitures  préparées  pour  eux  avec 
It^  peu  d'elfets  qu'il  leur  fut  possible  de  ras- 
sembler dans  ce  moment  de  surprise.  Avant 
lej'ur  ils  étaient  déjà  l)i(!  i  loin  de  Madrid; 
les  dragons  qui  les  accompagnaient  ne  [)er- 
meltaient  aucuiK;  connnunication  entre  les 
voitur(;s.  On  les  ont  raina  vers  la  côt(î  sans 
leur  acc(jr(ler  un  jour  de  rc^pos  ;  on  l(!s 
embarqua  aussitôt  sur  des  vaisseaux  de  ti-ans- 
port  (pii  nedevaienl  plus  conununir|uer  avec 
le  rivage  et ,  lors([u"ils  furent  rassembh'S, 
plusieurs  iVégates  furent  chargées  de  les 
escorter  jusqu'à  Civila-Vecidiia.  Ch'rles  III, 
par  une  lettre  adressée  au  pape,  le  môme 
jour  31  mars,  les  lui  renvoyait  connue  ayant 
cessé  d'être  Espagnols  pour  devenir  ses  su- 
jets, leur  promettant  toutefois  une  i)etite 
pension  alimentaire  de  deux  pauli  ou  un 
peu  plus  d'un  franc  par  jour.  Le  gouverneur 
de  Civita-Vecchia ,  (pii  n'était  point  pré- 
venu, ne  voulut  point  les  recevoir,  et  ces 
nialheuieux,  parnii  lesquels  il  y  avait  beau- 
cou[)  de  vieillards  et  de  malades,  entassés 
comme  des  criminels  à  bord  des  bâtiments 
de  transports,  furent  réduits  pendant  des 
semaines  à  courir  des  bordées  en  vue  de  la 
cote;  beaucoup  d'entre  eux  périrent.  Enfin 
la  ré[iublique  de  Gênes,  touchée  de  compas- 
sion [)ourdes  religieux  jusqu'alors  l'objet  de 
la  vénération  publique,  et  qui  n'étaient  ac- 
cusés d'aucune  offense,  consentit  qu'on  dé- 
barquât les  autres  en  Corse.  Choiseul  fut 
sur  le  point  de  se  brouiller  avec  le  sénat  par 
ressentiment  de  cet  acte  d'humanité,  et  ce 
fut  par  suite  de  cette  querelle  que  la  répu- 
blique céda  la  Corse  à  la  France.  »  (Quel- 
ques mois  après  cette  union,  le  15  août  1769, 
naquit  en  Corse  un  enfant  qui,  monté  un 
jour  sur  les  débrisdes  trônes  de  France,  d'Es- 
pagne, de  Portugal  et  de  Naples,  dut  faire 
manger  à  tant  de  rois  déchus  les  fruits 
amers  de  l'injustice  qu'ils  avaient  semée.) 

«La  violente  arrestation  des  Jésuites,  qui 
s'était  faite  en  un  même  jour  dans  l'Espagne 
d'Europe,  se  poursuivait  cependant  avec  le 
môme  secret  et  la  même  rigueur  dans  toutes 
les  possessions  de  la  monarchie  espagnole. 
Au  Mexique,  au  Pérou,  au  Chili,  enfin  aux 
Philippines,  ils  furent  également  investis 
dans  leurs  collèges  le  même  jour,  à  la  même 
heure,  leurs  papiers  saisis,  leurs  personnes 
arrêtées  et  embarquées;  on  craignait  leur 
résistance  dans  les  missions  où  ils  étaient 
adorés  par  les  nouveaux  convertis;  ils  mon- 
trèrent une  résignation  et  une  humilité 
unies  à  un  calme  et  à  une  fermeté  vraiment 
héroïques.  »  Tel  est  le  témoignage  aussi  glo- 
rieux que  peu  suspect  que  rend  aux  Jésuites 
le  protestant  Sismondi. 

«  Clément  XIII,  continue  le  même  auteur 
protestant,  regardait  les  Jésuites  comme  les 
défenseurs  les  plus  habiles  et  les  plus  cons- 
tants de  la  religion  et  de  l'Eghse,  il  avait  un 
tendre  attachement  pour  leur  ordre,  leurs 
malheurs  lui  arrachaient  sans  cesse  des  lar- 
mes, il  se  reprochait  en  particulier  la  mort 
des  infortunés  qui  avaient  péri  en  vue  de  Ci- 
vita-Vecchia ;  il  donna  des  ordres  pour  que 


1571 


JES 


ÏES 


\: 


tous  ces  (Mporti^s  qui  lui  arrhaiont  surcpssi- 
v.MUont  d'Kuropc  et  d'AiinViquo  fusso-it  dis- 
tribués dans  les  Etats  de  l'Edise,  où  plu- 
sieurs d'entre  eu\  acuiiirent  dans  la  suite 
une  haute  réoutation  lit'éraire.  Mais  en  m6me 
tein!)s  il  adressa  les  plus  vives  instances  à 
Charles  111  pour  le  tlùchir.  Loin  d'y  réussir, 
loin  de  déterminer  ce  monarque  à  motiver 
sa  barbarie  antixinent  ((ue  par  U'S  généra- 
lités les  plus  values  il  ne  put  empocher  (jue 
Charles  111  et  le  duc  de  Choiseul  entraînas- 
sent dans  le  même  système  de  persécution 
les  deux  autres  branches  des  Bourbons  en 
llalie.  Ferdinand  de  Naples,  qui  depuis  di\ 
mois  était  réputé  majeur,  mais  qui  abandon- 
Dait  toujours  le  gouvernement  à  son  ministre 
Tanueci,  lequel  se  conduisait  par  les  ordres 
d'Kspagne,  tît  investir,  au  milieu  de  la  nuit 
du  S  novembre  1767,  tous  les  couvents 
et  les  collèges  des  Jésuites  dans  tout  le 
royaume  des  Deux-Siciles  ;  toutes  les  portes 
furent  enlbncées,  tous  les  meubles  séques- 
trés, et  les  moines,  auxquels  on  ne  laissa 
prendre  que  leurs  seuls  habits,  turent  entr  î- 
nés  vers  la  plage  la  plus  voisine,  où  on  h^s 
embarqua  aussitôt.  On  ne  permit  ni  aux  ma- 
lades ni  à  ceux  qu'accablait  la  vieillesse  de 
demeurer  en  arrière,  et  tout  fut  exécuté 
avec  tant  de  précipitation,  que  ceux  qu'on 
avait  enlevés  à  Naples,  à  minuit,  au  point  du 
|Our  faisaient  déjà  voile  vers  Terracine. 

«  Parme,  dont  le  souverain,  trop  jeune 
pour  gouverner,  obéissait  à  un  Français, 
Guillaume  du  Tillot,  qui  agissait  comme  pre- 
mier ministre,  avait  déjà  attaqué  de  {)lu- 
sieurs  manières  les  imumnités  ecclésiasti- 
ques et  interdit  les  donations  faites  à  l'Eglise 
par  des  séculiers.  Lorsque  Ferdinand  de 
Parme  supprima  à  son  tour  les  Jésuites  et 
les  chassa  de  Si^s  Etats,  ce  fut  pour  le  vieux 
pontife  comme  un  alfront  qui  lui  était  fait 
non-seulement  par  un  |)rincei)lus  faible  que 
lui,  mais  encore  par  un  feuiataire  de  l'Eglise. 
Le  20  janvier  1708,  il  publia  une  sentence 
])ar  laquelle  il  annulait  tout  ce  qui  s'était 
fait  contre  l'autoi'ité  de  l'Eglise  dans  ses  du- 
chés de  Parme  et  de  Plaisance,  et  il  décla- 
rait que  les  administrateurs  de  ces  Etats 
avaient  encouru  l'excommunication  pronon- 
cée dans  la  bulle  In  i'œna  Domlni. 

«  Choiseul, (pji  attachait  sa  gloire  au  pacte 
de  famille  (entre  les  branches  bourboniennes), 
se  hAta  de  prêter  main  forte  au  plus  fail)le 
des  piinces  bourbons,  ([u'il  prétendait  être 
opprimé  par  le  pape.  Quehjue  peu  fondée 
qu(;  fût  oi'iginaiiemcMil  la  prétention  de  l'E- 
glise à  la  souv(n'ain(!té  de  Parme  et  de  Plai- 
sance, c'était  un  fait  accompli  depuis  des 
siècles  dans  le  droit  public;  et,  (|U(U(jU(?  les 
grand<;s  puissances,  en  dispftsaiu  de  l'héri- 
tage des  Farnèse  par  h;s  div(M's  traités  d  i 
xviii"  siècle,  y  euss<'nl  eu  peu  d'égaid,  elles 
n'avai<;nt  point,  par  leui-  silence,  aboli  un 
droit  oonstamiuenl  invocpié  et  par  le  saint 
siège,  (\\n  le  réclamait,  et  par  les  habitants 
d(!  Parme  et  de  Plaisanc(î  ([ui  y  trouvaient 
uiHî  garantir;;  maisie  duc  de;  Choiseul  était 
chariin''  de  ti'ouver  une  occasion  de  (pjcirello 
avec  le  saint-siégc.  Il  n'avait  point  pardourn) 


à  Clément  XIII  d'avoir  confirmé  les  Jésuites 
dans  Ions  leurs  privilèges  i^ar  sa  bulle  dite 
Apo{!tolir(i.ii.i]G  l"S  avoir  justifiés  sur  tous  les 
points,  d'avoir  fait  dans  cette  bnlle  l'éloge  le 
plus  pompeux  de  leur  zèle,  de  leurs  servi- 
ces et  deleurstalents,  iustemenlàrénorpiooù 
tous  les  |)arlements  du  royaume  les  condim- 
naient  et  où  lui-même  sollicitait  h  Rome 
la  sunnressinn  de  l'ordre.  Il  s'entendit  avec 
le  roi  do  Portugal,  le  roi  d'Fspagn^Je  roi  de 
Naples,  qui  tons  avaieid  montré,  ])lns  encore 
que  lui,  leur  inimiliéeontre  l'ordre  d'  s  Jésui- 
tes; et  il  fit  faire,  par  le  marquis  d'Aube- 
te  re,  ambassadeur  de  France  h  R'>me,  les  re- 
présentations 'es  plus  fortes;  mais  il  ne  se 
donna  |ias  même  le  temps  d'en  attendre  l'ef- 
fet. Le  11  juin  1708,  le  marquis  de  Roche- 
clionnrt  prit  possession  d'Avignon  et  du  com- 
taf  Vénaissin.  tandis  que  le  ministre  faisait 
publier  un  écrit  anonyme  dans  lequel  il  at- 
taquait les  droits  du  pane  sur  ces  petites 
])rovinces,  car  l'intention  du  ministre  était 
de  profiter  de  cette  querelle  pour  les  garder. 
De  la  même  manière,  le  roi  de  Naples  pre- 
nait possession  de  Bénévept  et  de  Ponte- 
Corvo,  districts  appartenant  à  l'Ecliseetencla- 
vésdans  ses  Etats.  Le  premier  président.  ai*isi 
que  neuf  commissaires  du  parlement  d'Aix, 
avaient  accompagné  à  Avignon  le  marquis 
de  Rochechouart  et  y  avaient  fait  publier  un 
décret  de  ce  parlement  qui  réunissait  la 
ville  d'Avignon  et  le  comtat  Vénais.sin  an  do- 
maine de  la  couronn-^,  comme  si  c'était  le 
prononcé  d'une  sentence  juridique.  A  l'ap- 
proche des  deux  régiments  qiu  les  escor- 
taient, le  vice-légat  était  parti  immédiate- 
ment pour  Nice;  tous  les  b'ens  des  Jésuites 
furent  séquestrés,  une  garde  fut  établie  à  la 
porte  de  leur  collège  et  de  leur  noviciat,  et 
un  économe  fut  chargé  de  fournir  sur  leurs 
revenus  journellement  à  leur  subsistance. 
Les  quatre  cours  de  la  maison  de  Bourbon 
n'étaient  point  satisfaites  encore  de  cette 
exécution  militaire  ;  de  concert  avec  la  mai- 
son de  Bragance,  elles  revenaient  à  la  charge 
auprès  de  Clément  XIII  pour  obtenir  la  sup- 
pression de  cet  ordre  religieux.  Il  mourut 
presque  suintement  à  l'Age  de  soixante- 
seize  ans,  dans  la  nuit  même  qui  |)récédail 
ce  jour  qui  lui  sendjlait  ftital  et  qu'il  dési- 
rait ardemment  ne  i)oint  voir. 

«  Sur  la  nouvelle  de  la  mort  de  Clément 

XIII,  le  carditial  de  Bernis  était  ])arti  pour 
Rome,  chargé  de  défendre  les  intérêts  de  la 
France,  dans  le  futur  conelave,  et  surtout  de 
lui  procurer  lui  pape  favoi-able  aux  i)ré- 
tentions  des  (juatre  cou.rs  de  Versailles,  d(> 
Madrid,  de  Lisboinie  et  de  Naples,  |)Our  la 
destruction  de  l'ordre  des  Jésuites.  Remis 
arrêta  son  choix  sur  Laurent  Cianganelli, 
niOMie  cordelier.  Agé  de  soi\a't(c-(p.iatre  ans 
et  fait  cai'din.'l  parClénuMit  Xlll  en  175').  On 
s'accordait  à  louer  son  inslruclion,  si  inodé- 
raîioti,  sa  connaissance  de  l'état  actuel  des 
esprits  et  .son  érpn'té.  Après  trois  mois  (1(ï 
conclave,  les  cardinaux,  du  paiti  des  Boiu-- 
bons  i'enpior'ère'd,  cl  Cianganelli  fui  élu  le 
r.>    mai    17()!>.   H    prit    \o  nom  de;    (^-léiiuvil 

XIV.  11  donna   innuédiatement  des  i»rouvos 


1575  Jor. 

de  sa  mo(i(^ralion  on  abandonnant  la  qno- 
rello  ontann^d  par  son  pn^(l(''((i><S(Mn'  avec  le 
due  (le  P;u  Mit',  et  en  c'ni|)(Mlianl  la  iccinro  (1(3 
la  Imllc  In  Cœiut  Domiui.  Mais  lors(|no  Clioi- 
Sful  W\\[  n'(|n(''rir  d'aholii'  l'ordre  (l(vsj(''sui- 
ti'S  ol  dt^  (•(■•dcr  à  la  France  el  A  Na|>le.s  les  en- 
claves d'Avij^iion  et  do  n('^n(;vonl,  il  v6[)iy\- 
(lit    (|u'il    no   pouvait   supprimer    nn    ordre 
y.inilio'iiK^  par  dix-nenl'deses |ir(''(l(^cessenrs, 
sans  e'KpuMo,   sans  jni;enuMi(  ;  ([lie,    n'estant 
qn'adniiiiislratenr  des  biens  de;   rK^lis(>,    il 
ne   pouvait  alic'nor  aucune  |)artie  de  sa  sou- 
verainoti':  (jue   toute  cession  (jii'il  ferait  do 
ces  provinces  serait  nulle  de  plein  droit  ;  (]ue, 
toutefois,    il  n'i'tait  point  en  (Mat  d'o|)posor 
la  force  h  la  f()rco  ;  le  |)i"il-il  faire  encore,   il 
ne  sacritierait  la  vie  d'aucun  clun^ien  |)Our 
maintenir   une    puissance    purenieni    natu- 
r(H(>.  Tout  t'ois  sa  douceur  et  sa  ni(t(i(''iation 
liront  cesser  lai^ireur  av(M;  latpudle  la  mai- 
son de  Mourbon  avait  agi  jus(pi'alors  envers 
le  saint-si(*^fi;e  ;  des  n(^gocialions  furent  ou- 
vertes, (piant  à  la  restitution  des  deux  peti- 
tes provinces  annexées  à  la   Pi-ovence;  une 
instruction  approfondie  fut  entamée  sur  les 
motifs   politiques    qui    avaient   décidé   les 
cours  les  plus  puissantes  de  l'iiurope  catho- 
lique h  demancier  la  suppression  d'un  oidro 
religieux  si  accrédité;  et  ce  fut  seulement  le 
21  juillet  1773  que  Clément  XIV  publia  le 
bref  par  le(iuel  il  abolissnt  cet  ordre,  non 
en    punition  d'aucun  méfait,    mais  commo 
mesure  polititjue  et  pour  la  })aix  de  la  chré- 
tienté. »  (Uohrbacher,  Hist.  univ.  de  l'Egl. 
cath.,  citant,  p.  310  et  suiv.,  t.  XXVII,  Sis- 
mondi,  Hist.  des  Fronçais,  passim.) 

JIA  (sainte),  vulgairement  sainte  Jie  ouïe, 
vierge  et  martyre,  était  venue  d'Irlande  ha- 
biter l'Armorique  avec  saint  Fingar  et  sa  sœur 
sainte  Piale.  Klle  fut  mise  à  mort  avec  eux 
pour  la  foi,  en  l'an  de  Jésus-Christ  455,  par 
Thewdrir,  j)!  ince  breton.  Un  bourg  du  canton 
deCornouaillesportesonnom.  {Voy.  Fingar). 

J0GUE;S  (Isaac),  martyr,  évangélisait  les 
Hurons,  quand,  en  16i2,  les  Iroquois  sur- 
prirent les  pirogues  qui  le  ramenaient  de 
Québec  avec  son  escorte.  Ces  deux  peupla- 
des étaient  continuellement  en  guerre.  Le 
saint  missionnaire  refusa  de  se  séparer  des 
Hurons  prisonniers.  Un  français ,  nommé 
Guillaume  Couture,  fut  d'abord  mutilé  sous 
ses  yeux.  Quant  à  lui,  dépouillé  de  ses  vêle- 
ments, il  fut  fra[)pé  par  les  Iroquois  à  coups 
de  pierres  et  de  bâtons,  avec  la  dernière  bar- 
barie. Ces  sauvages,  voyant  qu'il  respirait 
encore,  lui  arrachèrent  successivement  les 
ongles  do  tous  les  doigts,  et  lui  coupèrent 
les  deux  indicateurs  avec  leurs  dents.  Le  P. 
René  Goupil  subit  les  mêmes  tortures  {Voy. 
son  article).  Après  ces  atroces  cruautés,  les 
Iro([uois  se  mirent  en  marche,  et  contraigni- 
rent leurs  prisonniers  à  les  suivre  :  la  marche 
dura  un  mois.  Les  saints  m;rtyrs  étaient 
couverts  de  plaies,  et,  comme  on  ne  les 
pansait  pas,  les  vers  ne  tardèrent  pas  à  s'y 
mettre.  Plusieurs  fois  l'occasion  de  fuir  s'oi- 
fr;l  au  P.  Jogues;  mais  il  aima  mieux  rester 
et  convertir  à  la  foi  chrétienne  les  Iroquois 
qui  se  montrèrent  dociles  à  ses  enseigae- 


JON 


\7ni 


monts.  Sur  le  point  (r(}tre  brillé,  il  fut  arra- 
ché h  ses  bourreaux  par  un  olïicierholl'andais, 
et  (lassa  en  France,  où  la  reine-mère  l'ac- 
cueillit avec  la  vénération  (pu-  iiK'rit ait  un 
cotdesseur  de  la  foi.  Il  demandi  au  pape  la 
perunssiou  (h;  célébrer  les  saints  mystères 
avec  ses  maius  iimtilées.  Le  pa|)e  répondit 
(pi'il  ne  sérail  |)as  juste  d(!  refuser  à  un  mar- 
tyr de  Jcîsus-Christ  de  boii-e  le  sangde  Jésiis- 
Christ.  Jogues  revient  au  Canada  ,  où  les 
Iro(juois  continuaient  à  massacrer  les  Hu- 
rons. Il  ne  songe  qu'au  bonheur  de  féconder 
de  son  sang  cett(;  lei-re  où  il  avait  S(nné  la 
j)ar'ole  divin(!.  Ses  vunix  sont  exaucés  :  h;  17 
octobi'e  Ki'fG,  il  toud)e  sous  la  hache  avec  le 
P.  Lalande  (pii  l'accompag'iail.  Leurs  tètes 
lui-ent  exposées  sur  la  palissade  du  village, 
et  leurs  C()r|)s  jetés  dans  le  neuv(\ 

JONAS  (saint),  martyi',  fut  mis  h  mort  en 
Perse  pour  la  foi,  sous  le  règne  (h;  Snpor,  en 
l'an  de  l'ère  chrétienne  327,  dans  la  ville  de 
Belh-Asa.  Nous  donnons  ici  leurs  Actes  au- 
thenti(iues  d'après  le  Chaldaïiue  ,  traduits 
textuellement  par  nous,  et  comme  citation 
empruntée  à  un  ouvrage  que  nous  avons  en 
manuscrit.  C'est  ainsi  que  nous  ferons  béné- 
ficier ce  dictionnaire  de  plusieurs  actes  ori- 
ginaux. 

Actes  des  saints  martyrs  Jouas,  Brick-Jésus, 
Zébine,  Lazare,  Maruthus,  Narscs,  Elle, 
Maliaris,  Habibe,  Sabas  et  Scembaise. 

Sapor,  roi  des  Perses,  avait  commencé  la 
vingt-deuxième  année  de  son  règne  ;  pen- 
sant agir  dans  l'intérêt  public,  il  excita  une 
si  violente  persécution  contre  l'Eglise  de 
Jésus-Christ,  qu'il  en  vint  à  renverser  les 
églises  et  les  autels,  à  incendier  les  monas- 
tères, et  à  accabler  tous  les  chrétiens  d'im- 
pôts exorbitants.  Le  roi  faisait  toutes  ces 
choses  dans  le  but  d'amener  les  chrétiens  à 
abjurer  le  culte  du  vrai  Dieu,  le  créateur  de 
l'univers,  ]iour  adorer  le  feu,  l'eau,  le  so- 
leil, nouvelles  divinités  pour  eux  :  c'est  pour- 
quoi,  si  quelqu'un  refusait  de  rendre  ses 
hommages  à  ces  divinités  vaines,  il  était 
obligé  de  subir  les  tourments  les  plus  intolé- 
rables et  les  plus  atroces. 

Dans  la  ville  de  Belh-Asa,  Jonas  et  Biich- 
Jésus  (c'est-à-dire  ami  de  Jésus-Christ),  bien 
famés,  et  dignes  de  l'affection  de  tous  les 
gens  de  bien,  ayant  appris  qu'en  certains 
lieux  on  sévissait  avec  tant  de  cruauté  contre 
les  martyrs  de  la  foi  chi'étienne,  qu'on  vou- 
lait, à  l'aide  de  tourments  iiiouis,  les  forcer 
à  renoncer  à  leur  foi,  résolurent  de  s'y  ren- 
dre. Sans  retard  ils  se  mettent  en  route,  et, 
quand  ils  sont  près  d'arriver,  ils  voient  la 
foule  qui,  de  toutes  parts,  se  rendait  aux 
autels  impies.  Comme  ils  désiraient  voir  par 
eux-mêmes  ce  qui  se  passait  sur  les  lieux,  ils 
entrèrent  dans  la  ville  d'Hubaham,  et,  écar- 
tant tout  ce  qui  se  présentait  sur  leur  pas- 
sage, ils  pai'vinrent  à  la  garde  publique,  en- 
trèrent dans  la  prison,  après  avoir  obtenu  la 
permission  du  gardien,  pour  y  voir  les  chré- 
lien.s,  qu'ils  savaient  retenus  dans  les  chaî- 
nes pour  la  foi.  Là  ils  en  trouvèrent  un 
granci  nombre,  que  la  barbarie  du  juge  n'a- 


1375 


JON 


30N 


i576 


Tait  pu  vaincre  :  ils  les  exhortaient  pour 
qu'ils  continuassent^à  montrer  la  mOmeiorce 
et  le  uiéme  courage,  et  avaient  avec  eux  des 
conférences  sur  les  livres  saints,  atin  de  les 
aiïermir.  lis  eurent  le  bonheur  de  si  bien 
réussir,  que,  de  cette  troupe  glorieuse  de 
chrétiens,  les  uns  confessèrent  courageuse- 
ment la  foi  chrétienne,  les  autres,  et  ce  fut 
le  plus  grand  nombre,  recueillirent  la  palme 
du  martyre.  Ces  derniers,  au  nombre  de 
neuf,  furent  Zébine  ,  Lazare,  Maruthas , 
Narsès ,  Elie,  Maharis,  Habibe,  Sabas  et 
Scembaise. 

Ces  neuf  martyrs  mis  à  mort,  les  deux 
frères  Jonas   et   Brich-Jésus   leur  succédè- 
rent; car  le  juge  les  avait  cités  au  même 
jour  pour  rendre  compte  de  leur  religion.  On 
racontait  que  ces  chrétiens  récemment  sup- 
pliciés avaient,  par  les  exhortations  des  deux 
frères,  été  poussés  à  choisir  ce  genre   de 
mort;  ce  qui    étant  venu  à  la  connaissance 
du  premier  juge ,  avait  violemment  excité 
sa  colère.  C'est  pourquoi,  quand  les  gardes 
eurent  amené  les  deux  frères  devant  lui,  il 
conunença  à  les  tenter  })ar  la  douceur  de  ses 
paroles  :  «  Par  la  fortune  du  roi  des  rois,  je 
vous  supplie,  excellents  jeunes  gens,  je  vous 
adjure,  de  ne  pas  vous  jouer  de  mon  minis- 
tère dans  cette  cause.  Ayez  donc  le  bon  es- 
prit, obéissant  aux  édits  du  roi  des  rois,  de 
rendre  au  soleil,  à  la  lune,  au  feu,  à  l'eau,  le 
culte  sacré  prescrit  [)ar  le  prince.  »  Les  mar- 
tyrs lui  répondirent  :  «  Entendez  bien  le  peu 
de  i)aroles  que  nous  avons  à  vous  dire  ,  et 
qu'elles  soient  pour  vous,  préfet  du  roi,  un 
avertissement;   de  peur  cjue,  vous  rendant 
coupable   de  jugements   iniques ,   vous   ne 
soyez  puni  par  votre  faute.  Car  il  n'importe 
pas  de  révérer  seulement  ce  roi  de  qui  vcms 
c'ivez  reçu  votre  puissance,  vous  devez  une 
bien  plus  grande  reconnaissance  à  celui  qui 
vous  a  donné  l'intelligence  et  le  jugement; 
et  vous  devez  chercher  tout  d'abord  quel  est 
ce  roi  des  rois,  souverain  Seigneur  du  ciel  et 
de  la  terre,   qui   règle  les   saisons,  ou    en 
change  le  cours  suivant  qu'il  lui  [)laît  ;  qui  a 
donné  à  l'esprit  de  l'homme  la  sagesse;  par 
h;  soin  et  la  j)uissance  duquel  des  juges  sont 
donnés  aux  i)cuj)h.'s  pour  défendre  la  vérité 
et  pour  exercer  le  pouvoir  au  nom  de  la  jus- 
tice;. A  notre  tour  donc,  nous  vous  prions  et 
vous  adjurons  de  nous  dire  auquel  de   ces 
deux  lois  nous  devons  obéir,  ou  bien  h.  celui 
du(iuel  nous  venons  de  ,arler,  qui  est  le 
créateur  suprême  de  toutes  choses,  ou  i)icn, 
au  contraire,  à  celui  (jue  la  mort  va  bientôt 
frapper  et  mettre  au  .-ang  de,  ses  aïeux?  » 

Ces  dernières  paroles,  qui  niaient  au  loi 
des  rois  liunnorlalilé ,  et  le  i)résrntaienl 
comme  devant  mourir  un  jour,  irritèrent  au 
dernier  degré  les  princes  des  mages,  qui,  au 
combh;  de  la  fureur,  domièrenl  l'ordre  (ju'on 
.•i()|)OitAt  des  v(;rges.  Elles  avaient  été  faites 
av(;c  des  rameaux  de  grenadier;  on  ne  les 
avait  point  émondées,  (;l  elles  étaient  héris- 
sées d'é|)ines.  Alors  on  sépara  les  deux  frè- 
res, on  éloigna  l'un  du  tribunal  où  .se  don- 
uail  la  (|Ufsiir>ii;  on  le  mil  dans  une  prison 
tL.îcuro,  pour  (ju'il  ne  pût  en  aucune  façon 


savoir  ce  que  deviendrait  son  frère.  Ce  fut 
Brich-Jésus  qu'on  éloigna  ainsi.  Les  juges, 
s'adressant  à  Jonas  :  «  Voyons  ,  délibère  et 
choisis,  ou  d'otlrir  de  l'encens  au  feu,  au 
soleil  et  h  l'eau,  suivant  les  ordres  du  roi, 
ou  d'avoir  à  snp[)Oiter  les  outrages  et  les  plus 
violentes  tortures.  Car  le  roi  veut  qu'on  em- 
])loie  ces  moyens  pour  briser  ta  résistance, 
et  ne    t'imagine    j)as   avoir  d'aUtre  moyen 
d'échapper  à  cet  arrêt,  que  de  laisser  là  ton 
entêtement,  et  de  faire  ce  qu'on  t'ordonne.  » 
Le  saint  martyr  Jonas  leur  répondit  en  ces 
termes  :  «  Comme  je  mets  avant  tout  mon 
Ame  et  le  bon  usage  de  cette  vie,  qui  ne  doit 
point  cesser  quand  on  la  remet   à  Jésus- 
Christ  Notre-Seigueur,  rien  ne  m'amènera  à 
abjurer  le  nom  de  Notre  Seigneur  Dieu,  es- 
pérance universelle  de  tous  les  chrétiens,  à 
laquelle  jamais  personne  n'aura  à  se  repen- 
tir ni  à  rougir  d'avoir  cru;  espérance  que  ses 
promesses,  scellées  de  son  serment,  ont  ren- 
due certaine.  Car  il  dit  :  Je  vous  le  dis  m 
vérité,   quiconque  m'aura  renoncé  devant  les 
hommes,  je  le  renoncerai    devant  mon  Père 
qui  est  dans  les  deux  ,  et  quiconque  m'aura 
avoue  devant  les  hommes,  moi  aussi  je  l'avoue- 
rai devant  mon  Père  qui  est   dans  les  deux 
(le   martyr  ajouta,    et    devant   ses   anges). 
[Matt.  X,"  33  et  32J.  Car  le  Fils  de  l'homme 
viendra   dans  la  gloire  de  son  Père  avec   ses 
anges,  et  alors  il   rendra  à  chacun  selon  ses 
œuvres  {Matt.  xvi,  27).  Ainsi  donc,  exécutez 
promptement  vos  ordres  ;  nous  n'attendons 
probablement  personne.  Vous  ne  |)ensez  pas 
que  nous  soyons  de  ceux  qui  trahiront  leur 
foi  jurée  jadis  à  Dieu,  qui  elfaceions  en  nous 
cette  marque  de  l'Eglise  de  Jésus-Christ  qui 
nous  a  jugés  dignes  d'avoir  la  garde  de  sa 
maison,  quand  il  nous  parlait  en  ces  termes  : 
Vous  êtes  la  lumière  du  monde;  et  ailleurs  : 
Vous  êtes  le  sel  de  la  terre,  et  si  le  sel  perd  sa 
force,  avec  quoi  salera-t-on?  [Matt.  v,  IV  et 
13j.  Si,  d'après  cela,  nous  obéissions,  comme 
vous  nous  le  conseillez,  aux  volontés  du  roi, 
c'est  il  bon  droit  ([u'on  nous  accuserait   non- 
seulement    d'avoir  trahi  notre   saint,   mais 
encore  d'avoir  livré  le  salut  de  tout  notre 
troupeau.  » 

Alors ,  sur  l'ordre  du  prince  des  mages, 
Jonas,  tout  nu  et  attaché  par  le  ventre  sur  une 
])Outre,  fut  soumis  à  une  cruelle  ilagellation  ; 
on  emi)loya  à  cet  elfel  les  V(>rges  de  grena- 
dier (|ue  iious  avons  dit  plus  haut  avoii'  été 
])réparce.s;  il  l'ut  happé  si  longtemps  que  les 
cotes  était  nt  déiuuiées.  l'cndant  tout  le  temps 
(pie  dura  le  supplice  ,  s'adressant  à  Dieu,  il 
ne  dit  pas  autre  chose  (pie  ceci  :  «  Je  vous 
rends  gi'Aces  ,  Dieu  de  noire  |)ère  Abiaham, 
{pii  jadis  l'avez  tiré  de  c(!  lieu  par  l'appc'l  de 
votre  grAc(;,  et  (pii  nous  avez  jugé';  dignes 
d'ap|)i(;ndre  dtî  lui  (pn'hjues-uns  des  nom- 
breux mystères  de  notre  religion.  Mainte- 
nant, Seigneur,  je  vous  prie  de  nous  accor- 
der (i(!  vous  otrrirciMUu;  l'Espril-SaiMl  an- 
nonçait jadis  i)ar  la  bouche  de  David  noire 
Itère'  :  Je  vous  ojj'rirni  tr  parfum  de  mes  sa- 
criliccs;  je  vous  immolerai  des  victimes:  je 
vous  ])résenlerai  la  chair  des  liœufs  et  des  bé- 
liers. Venez,  et  écoutez,  et  je  vous  raconterai  à 


1577  JON 

tous  les  œtivresde  Di€u{Ps(tl.  l\v,  U  et  15); 
et  nous,  nous  vous  attendons  et  vous  ser- 
vons, connue  il  est  écrit  :  Je  nai  dnnanilé 
anime  chose  au  Seiqneur  et  je  la  clierclirrai  » 
(Psat.  \XM,  V).  Kiisnite,  élevant  la  voix,  il 
s'éeria  :  «  Je  renonce  au  roi  idol.Ure  el  à 
tous  ses  sectateurs ,  ciue  je  déclare  les  mi- 
nistres de  l'esprit  malin.  En  outre,  je  renie 
le  soleil,  la  lune,  les  étoiles,  le  feu  et  l'eau; 
et  au  contraire  je  crois  et  je  m'enj:,age  M)ieu 
le  Père  ,  au  Fils  et  au  Saint-Kspiit.  » 

Ai)r(\s  avoir  entiMulu  celle  pru'^re,  les  juges 
donnèrent  l'ordre  (|ue  le  l)ienlieureu\  mar- 
tvr  fiU  attaché  par  un  i)ied  avec  une  corde, 
ennnené  loin  de  là  cl  jeté  pendant  toute  la 
nuit  sui'  un  élang  t;;lacé  ,    et  (pi'on   mît  des 
sentinelles  lie  craiut(Mpi'ilnes'écliap[)At.  Pour 
eux  ,  ils  s'en  allèrent  souper,  et ,  ayant  pris 
un  peu  de  sounneil ,  ils  revinrent  continuer 
leur  jugement.    Les   gardes    ayant    ramené 
Bricli-Jésus  ,  les  princes  des  mages  lui  tin- 
rent ce  langage  insidieux  :  «Dis  s'il  te  plaît 
d'ado[)ter  la  religion  que  ton  compagnon  a 
embrassée  depuis  longtemps?  Par  ce  moyen 
tu   éviteras  cerlainement   l'ignominie  et  le 
déshonneur  qui  te  couvrent  déjà  et  qui  res- 
teront élerne  lement  sur  ta  mémoire.  —  Moi, 
au  contraire,  leur  dit  le  saini  martyr,  je  ren- 
drai d'autant  plus  mon  culte  au  JDieu  véri- 
table ,  je  lui  rendrai  d'autant  plus  d'actions 
de  grâces,  je  chanterai  d'autant  i)lus  d'hym- 
nes à  sa  louange,  que  mon  frère,  comme  je 
l'apprends  de  vous,  l'a  plus  outragé  en  apos- 
tasiant  honteusement ,  quoique  au  reste  je 
sache  bien  que  vous  mentez  et  cherchez  à 
me  circonvenir.    Mais    la  vérité    ne   subira 
point  cet  échec  :  car  qui  serait  assez  aveugle 
pour  croire  avec  vous  que  des  corps  faits 
pour   le   service    des   hommes  contiennent 
quelque  chose  de  divin  ?  Qui  pourrait  faire 
que  nous,  qui  ne  sommes  pas  des  insensés, 
rendissions  des  honneurs  divins  au  feu,  que 
nous   savons  fait  par  le  Créateur  pour  la 
commodité  des  mortels,  et  que  nous  voyons 
servir  tous  les  jours  au  commua  des  hom- 
mes ,  aux  pauvres  comme  aux  riches  ?  De 
quel  droit  voulez-vous  nous  forcer  à  accor- 
der nos  hommages  à  une  chose  faite  et  créée 
pour  le  service  et  l'utilité  de  l'univers ,  et 
que    Dieu  a  soumise  à   notre  empire  et  à 
notre  puissance  ?  Et  pourquoi  ne  nous  or- 
donnez-vous pas  aussi  d'abjurer  le  Dieu  qui 
a  créé  le  ciel   et  la  terre  ,  qui  a  créé  la  mer 
et  qui  tient  la  terre  suspendue  au  milieu  de 
l'univers;  qui   a  façonné  tout  ce  que  nous 
voyons  au-dessus  de  nous;  le  Dieu  que  par 
conséquent  doivent  adorer  et  révérer  ceux 
qui  ont  la  souveraine  puissance  sur  les  hu- 
mains ?    Personne    d'entre    les    mortels    ne 
peut  se  passer  de  lui,  car  sa  volonté  régit  et 
soutient  tout,  et  lui,  au  contraire,  n'a  besoin 
de  personne  ,  car  ce  n'est  point  par  besoin 
qu'il  a  créé  l'univers ,  mais  bien  jiour  que  la 
subi. me  majesté  et  l'excodenco  de  l'ouvrier 
se  manifestassent  aux  yeux  des  mortels.  Et 
à  ces  choses  il  a  ajouté  les  magnitîques  ora- 
cles des  Ecritures  par  lesquelles  l'idolàirie 
est  défendue  :  Tu  ne  te  feras  point  d'idole 
taillée,  ni  aucune  image  de  ce  qui  est  en  haut 


JON 


1378 


dans  te  ciel,  ni  de  ce  qui  est  en  bas  sur  la  terre, 
ni  dans  les  eaux  sous  la  terre.  Tu  ne  les  ado~ 
reras  point  {Exod.  \x,  4  et  5).  Je  suis  lèpre- 
inicr  et  le  dernier  {Apoc.  i ,  il).  Je  suis  le  Dieu 
ittiique,  et  Un  y  a  point  (Vautre  Dieu  que  moi 
[Deut.  xwii ,  39).  Je  ne  donnerai  point  ma 
gloire  d  un  autre,  et  à  des  idoles  les  louanges 
qui  me  sont  dues  {Isuie,  xlii.  H).  Je  frapperai 
de  mort  et  je  ressusciterai,  et  nul  ne  pourra 
s  échapper  de  mes  mains  »  [1  Reg.  ii ,  (j). 

Les  princes  des  mages  furcsnt  frappés  de 
stii|)eur  en  entendant  ce  langage ,  et  crai- 
gnant la  puissance  de  son  élo(|uence  :  «  Jl 
ne  faut  pas  soutfrir,  dirent-ils,  que  quelqu'un 
entende  cet  homme  défendi'e  ainsi  sa  reli- 
gion ,  ou  bientôt  les  adorateuis  du  Soleil 
abandonneront  son  culte  et  nous  diront  cou- 
pables d'impiété,  comme  le  faisaient  tout  à 
l'heure  les  sectateurs  de  cet  homme.  C'est 
pourquoi  nous  voulons  qu'il  ne  soit  plus  in- 
terrogé que  la  nuit.  »  Pendant  ce  temps-là  on 
ap[)orta  des  lames  d'airain  qu'on  fit  rougir 
sur  des  charbons  ardents  ;  on  apporta  aussi 
deux  marteaux  incandescents;  on  ap|;liqua 
les  unes  et  les  autres  sur  les  bras  du  martyr, 
et  les  mages  lui  disaient  :  «  Parla  fortune  du 
roi  des  rois,  si  tu  fais  tombi.'r  un  seul  de  ces 
instruments ,  nous  dirons  que  tu  as  abjuré 
la  foi  chrétienne.  »  Le  bienheureux  Brich- 
Jésus  leur  répondit  :  «  O  mauvais  démons, 
ministres  impies  de  votre  roi  !  non,  par  Jé- 
sus-Christ Notre-Seigneur,  Fils  de  Dieu  ;  non, 
dis-je ,  je  ne  crains  pas  votre  feu;  pas  une 
de  ces  lames  ne  bougera.  Bien  plus,  au  nom 
de  ce  môme  Dieu,  je  vous  adjure  d'épuiser 
la  série  de  vos  tortures ,  et  si  vous  en  trou- 
vez d'assez  cruelles  suivant  vous,  hâtez-vous 
de  me  les  appliquer.  Celui  qui  accepte  les 
combats  pour  son  Dieu  sait  qu'il  faut  qu'il  y 
marche  avec  courage,  surtout  celui  que  Dieu 
a  enrichi  de  quelque  grâce  particulière  ou 
qu'il  a  élevé  en  dignité.  »  Comme  il  finissait 
de  parler,  les  juges  lui  firent  verser  du  plomb 
fondu  dans  les  oreilles  et  dans'  les  yeux ,  et 
le  firent  en  cet  état  transporter  dans  la  pri- 
son ,  où  il  demeura  suspendu  par  un  pied. 

On  fit  ensuite  venir  Jonas.  Les  mages  lui 
dirent:«Réponds,Jonas,  comment  te  portes- 
tu  ?  Sans  doute  tu  as  trouvé  bien  cruelle 
cette  nuit  passée  sur  un  étang  glacé?  — Non, 
répond  Jonas,  non,  par  Dieu  que  mon  âme 
s'apprête  à  voir  bientôt  ;  non,  par  le  jour  que 
j'ai  reçu  de  ma  mère;  rien  de  plus  agréable 
et  de  plus  délicieux  ne  m'est  arrivé,  car  la 
mémoire  de  la  passion  de  Jésus-Christ  me 
soutenait  d'une  f  çon  vraiment  merveil- 
leuse. »  Alors  les  mages  :  «  Quant  à  ton  com- 
pagnon ,  sache  qu'il  a  renoncé  depuis  long- 
temps. —  Certes  ,  répondit-il ,  je  le  sais,  il  a 
renoncé  au  diable  et  à  ses  anges.  »  Les  ma- 
ges reprirent  :  «Réfléchis,  Jonas,  pour  ne 
pas  péiir  misérablement,  abandonné  de  Dieu 
et  des  hommes.  »  Saint  Jonas  leur  dit  :  «  J'ad- 
mire qu'étant  insensés  comme  vous  l'êtes, 
vous  vous  proclamiez  néanmoins  juges,  et 
que  vous  prétendiez  que  vous  discutez  les 
attaires  et  rendez  les  jugements  avec  saga- 
cité. Si  vous  êtes  sages ,  dites-moi  ce  que 
ueut  gagner  un  homme  à  laisser  ses  blés 


1379 


JON 


m 


4580 


amoncelés  dans  ses  greniers,  sous  prétexte 
de  les  mettre  à  l'abri  des  pluies  et  des  in- 
jures des  saisons  ,  et  s'il  ne  vaut  pas  mieux 
les  semer  à  pleine  main,  le  cœur  gai,  en  se 
conllant  à  Dieu  dans  l'espoir  de  la  moisson 
prochaine,  lors  d."  laquelle,  pour  un  peu  de 
semence ,  l'aire  rendra  de  riches  pruduits  ! 
Si  quelqu'un  garde  ses  blés  renfermés  dans 
son  grenier,  loin  d'augmenter,  peu  à  i)eu  ils 
décroissent  et  bientôt  n'existent  plus.  Jugez 
s'il  faut  faire  la  même  chose  enceijui  nous  con- 
cerne :  car  si  quelqu'un  a  doinié  sa  vie  en  ce 
monde  pour  Jésus-Christ,  quand  le  Christ, 
dans  le  monde  futur,  se  montrera  dans  toute  sa 
gloire  au  genre  humain,  celui  ([ui  aura  mis 
en  lu'  son  espérance  sera  ressuscité  éclatant 
de  lumière;  au  contraire,  les  coupables,  les 
réfractaires  à  la  loi,  ceux  qui  l'auront  mé- 
prisée, seront  jetés  dans  des  fourneaux  ar- 
dents, comme  noslivi-es  sacrés  nous  l'ensei- 
gnent :  Non  sunt  carbones  igni  eorum;  nec 
splendor  flammis  eorum  {Job  xviii,  o).  [Je 
n'ai  pas  voulu  traduire  ce  passage.]  Les  ma- 
ge ■<  lui  dirent  :  «  Prends  garde  que  tes  livres 
ne  te  ti'ompent,  car  ils  ont  été  cause  de  l'er- 
reur d'un  grand  nombre.  — Nos  livres,  dit 
Jonas,  n'ont  point  causé  l'erreur  u'un  grand 
nombre,  mais,  après  les  avoir  détachés  des 
voluptés  de  ce  monde,  ils  leur  ont  l'ait  goû- 
ter la  douceur  des  douleuis  de  Jésus-Christ 
soutirant.  Supposez  qu'un  prince,  un  homme 
quelconque  a  piépai'é  un  repas  et  y  a  invité 
ses  amis,  aucun  d'eux  assurément  n'ignore, 
en  sortant  de  sa  maison,  ([u'il  va  souper  à  la 
demeure  de  son  ami;  mais  quand  il  y  est 
arrivé  ,  qu'il  s'est  mis  à  table  et  que  les  li- 
bations d'un  vin  généreux  lui  ont  fait  pei- 
dre  la  raison  ,  il  oublie  le  chemin  du  logis; 
il  trébuche  jusqu'à  ce  que  ses  domestiques 
survenant  le  reconduisent  à  la  maison.  Le 
lendemain  malin,  à  son  réveil,  il  se  réjouira 
d'avoir  échappé  pour  cette  nuit  à  la  société 
de  ses  amis  ,  et  par  conséquent  à  la  honte 
qu'il  n'aurait  pas  manqué  d'encourir.  Ainsi, 
à  peu  près ,  un  serviteur  de  Jésus-Christ, 
conduit  par  les  satellites,  n'ignore  certes 
pas  qu'on  le  mène  en  jugement;  quand  il  est 
au  tribunal  ,  qu'il  a  bu  lamour  de  la  cioix 
de  Jésus-Chri.sl  et  qu'il  s'en  est  enivré  ,  il 
perd  la  mémoire  de  tout  ce  qui  tient  à  cette 
vie  fragile,  des  l)iens,  des  ricliesses  gagnées 
ou  héritées  des  ancêtres,  de  l'or,  de  l'argent. 
Par-dessus  tout ,  regardant  comme  |);!U  de 
chose  Ii'S  rois  et  les  j)rinces,  les  puissants  et 
les  grands  seigneurs,  il  désire  la  ju-ésencedu 
seul  viai  roi  dont  le  royaume  est  éternel  et 
do:.t  la  puissance  s'étend  de  génération  en 
génération.  »  Les  juges,  voyant  li  cou>lan(;e 
du  ujartyr  dans  sa  résolution  ,  ordonnent 
qu'(jn  lui  coU|)e,  dans  lesjointui-es,  les  doigts 
des  pieds  et  d(;s  mains  ,  et  ensuile  les  font 
jeter.  KnsuiU;,  louvués  vei's  le  marlyi-  : 
«  Vois,  lui  dirent-ils,  commi;  nous  avons 
semé  les  doigts  :  ailiMids  la  moisson  ,  tu  ré- 
colleras de  colle  semcînce,  u!i  grand  nombre 
de  mains.  —  Je  ne  di.niandi'  pas  plusieurs 
mains,  leur  répondii-il.  l^e  Dicui  «pii  inie 
jjiemièic  fitis  m'a  ci'éé  m'cui  fera  un  jour  dci 


wouv 


lerc  iDis  III  a  ci-ee  m  (Ui  lera  un  lour  (Jci 
elles.  »    Alors   ils    lirunt    reinidii-    nue 


chaudière  de  poix  bouillante  ,  et  après  avoir 
fait  arracher  au  martyr  la  peau  de  la  tète  et 
lui  avoir  coupé  la  langue ,  ils  le  plongèrent 
dedans;  mais  la  poix,  s'enllant  tout  à  coup 
et  sortant  de  tous  côtés  hors  du  vase ,  le 
martyr  n'y  reçut  aucun  mal.  Les  juges, 
voyant  qu'ils  n'avaient  réussi  à  rien,  et  que 
Jonas  n'avait  reçu  aucun  mal  de  cette  poix 
bouillante,  le  mirent  sur  une  [)resse  de  bois 
et  l'y  étreignirent  avec  tant  de  violence,  que 
ses  veines  et  ses  tendons  se  ronq)aient  avec 
bruit.  Knsuite  ils  le  coupèrent  avec  une  scie 
de  fer  en  morceaux  qu'ils  firent  jeter  dans 
une  citerne  desséchée  ,  et  mirent  des  gardes 
à  Tentour  pour  qu'on  ne  vint  pas  les  en- 
lever. 

Les  juges,  voyant  qu'ils  en  avaient  fini  de 
cette  manière  avec  le  compagnon  de  Brich- 
Jésus,  exhortaient  ce  dernier  à  avoir  pitié  de 
son  corps  et  h  trouver  un  moyen  d'éviter  un 
sup[)lice  certain.  Il  leur  dit  :  «  Ce  n'est  pas 
moi  qui  l'ai  fait  ;  ce  n'est  pas  moi  qui  le  per- 
drai. Dieu ,  son  créateur,  sera  là  pour  lui 
rendre  la  forme  perdue ,  et  qui  vous  fera 
porter  la  peine  de  votre  cruauté  envers  moi, 
ainsi  qu'à  votre  roi  insensé  qui,  méconnais- 
sant son  Créateur  et  son  Seigneur,  cherche 
à  faire  prévaloir  ses  lois  impies  contre  sa 
volonté  sainte.  » 

Alors  Hormisdascire ,  se  tourn*int  vers 
Mahar-Narsès  :  «  Nous  outrageons  le  i"oi,  dit- 
il  ,  car  ces  gens  dont  l'eireur  a  envahi  l'es- 
prit ne  respectent  les  actes  ni  les  paroles  de 
personne.  »  Ayant  ainsi  parlé ,  tous  deux 
exhalèrent  la  colère  qui  les  animait  en  don- 
nant l'ordre  que  Brich-Jésus  fût  battu  av*>c 
des  joncs  pointus  ,  et  qu'ensuite  on  couvrît 
tout  son  corjis  d'éclats  de  roseau  qu'on  ferait 
entrer  dans  ses  chairs  avec  des  cordes  du- 
rement serrées.  Ils  le  tirent,  ainsi  lié,  rouler 
à  terre.  Bientôt  ils  firent  arracher,  afï'reux 
su[)plice ,  tous  ces  roseaux  :  la  peau  venait 
avec  eux.  Enlin  ils  le  mirent  dans  une  presse 
oti ,  lui  ayant  fait  verser  avec  violence  de  la 
})oix  et  du  soufre  fondu  dans  la  bouche,  il  en 
lut  sulfoqué  et  mourut ,  et  reçut  ainsi  la 
môme  couronne  que  son  frère. 

Ayant  ap{)ris  la  mort  de  ces  deux  mai-lyrs, 
Abtusciales  vint ,  acheta  leurs  cor[)s  pour 
cinq  cents  drachmes  et  pour  ti'ois  vèl 'inenls 
de  soie  ,  jiyant  aupai-avant  fait  le  serment 
que  jamais  il  ne  dnail  rien  de  cela.  C'est 
})ouri|uoi  Abtus(nales  était  anciennement 
honoré  conjoiniement  avec  eux. 

Ce  livre,  ('crit  d'après  le  r(''cil  de  témoins 
ocul.nrts,  ct)iilienl  les  Actes  des  saints  .'cuias, 
Bi  icIi-Jésus,  Zéhine,  Lazare,  iMai'ullias,  Nar- 
xès,  Klie  ,  .Niahaiis,  Hai)il)e,  Sabas  et  Sceiii- 
Ijaise  ,  martyrs  (l(>  Jésus-Ciu'ist ,  cpii ,  ayant 
conihaltu  avec  le  secours  dt;  sa  grAce  et  étant 
d(!ineurés  victorieux,  oui  mérilé  la  glorieuse 
couronne  des  Iriomphaleurs.  Niins  prions 
(julsaie,  lils  d'Adab  d'Lr.eroum  et  chevalier 
de  la  c()horlt^  du  n)i  ,  ijui  a  (Hé  témoin  des 
louniMMits  de  ces  saints  martyrs,  i'I  cpii  a. 
entrepris  la  l.Ulie  d'écrire  leurs  triomphes, 
ail  part  à  leuis  prières.  Tons  ces  saints  iiiar- 
lyrs,du  premier  jusqu'.ui  dernier,  cueilli- 


i581 


JOS 


JOS 


138Î 


ri'iit  la  paliiK^  lo  29"  jour  de  la  lune  du  mois 
de  ili'cemhie.  (J'niduclion  de  rautcur.) 

JOSAIMIAT  (s.iiijl).  ;irclit'V(^(|U(;  dii  iNtlotzk 
et  inarlyr,  (Hnil  un  luoinn  do  Saiiil-Hasilc.  On 
le  playa  sur  It-  siéfj,e  do  lN)lo(;zk  dans  la  Li- 
thuarni',  vdie  iVonti('>rt!  de  la  iM(»st:ovi((.  Ct-llo 
église  suivait  les  errements  du  seliisme  grec. 
J()saj)liat  em|)Ii\>a  toutes  les  ressoufces  (luo 
put  lui  touinir  sou  zèle  |)oui'  ramener  les 
selusmatiques  dans  lo  sein  de  TK^Iise.  Loin 
de  réussir  dans  sa  sainte  et  couraji^ouse  en- 
trepi'ise ,  il  dut  la  |)ayer  du  sacriliec  de  sa 
vie,  et  fut  ni-issacré  par  les  schismali(|iies  lo 
il  iiovend)re  \(ylli.  En  IGi-i,  un  décret  de  la 
C(>ngréj;atinn  des  llites  déclara  ([uo  le  mar- 
fvre  de  notre  hienheiirtuix  archevèipu'  était 
prouvé  d'une  manière  évidente,  et  sa  sain- 
teté conlirmée  |)ar  (luolcpies  nnracles.  Le  [)ape 
Urbain  >111  ilo'uia  son  approbation  <i  un  oi- 
tico  et  à  une  messe  établis  en  son  honiuur 
chez  tous  les  moaies  de  l'oidre  de  Saint- 
Basile  et  dans  toutes  les  éj^lises  du  diocèse 
de  Poloczk. 

JOSEPH  (saint) ,  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi  avec  sainte  Photina  sa  mère, 
V'ictor  son  frère  ,  Sébastien  ollicier  de  l'ar- 
mée, Anatole  l'hotius,  Phoiide-,  saintes  Pa- 
rascève  et  Cyriaquo  sœurs.  L"Eglise  honore 
le. .r  mémoire  le  20  mars. 

JOSEPH  (saint),  martyr,  disciple  de  saint 
Narsès  ,  évèque  clo  Scialiarcadat ,  capitale  de 
la  province  de  Beth-Germa  eu  Perse,  fut  mar- 
tyrisé avec  lui  sous  le  rè-',nc  de  Sapor  Lon- 
guevie.  11  fut  décapité  le  10  do  la  lune  de 
novembre ,  en  343.  Sa  fête  est  inscrite  au 
Martyrologe  romain  lo  30  du  même  mois. 
(Voy.  Narsès.) 

JOSEPH  (saint),  martyr  en  Perse  sous  le 
règne  de  Sapor,  en  l'an  de  Jésus-Christ  380, 
fut  mis  à  mort  après  de  glorieux  combats 
avec  les  saints  Aitldlahas  et  Acepsimas  {Voy, 
l'article  de  ce  dernier.)  L'Eglise  honore  leur 
jnémoire  le  14  mars. 

JOSEPH,  surnommél'HYMNOGRAPHE  (saint), 
confesseur,  reçut  le  jour  en  Sicile.  Les  bar- 
bares d'Afrique  ayant  ravagé  cette  île,  notre 
saint  se  réfugia  en  Grèce.  11  entra  dans  le 
monastère  du  Sauveur  appelé  Casomus ,  y 
fut  ordonné  prêtre  ,  puis  partit  pour  Cons- 
tanlinoplo  où  il  séjourna  longtemps  dans  le 
monastère  des  saints  Serge  et  Bacque.  L'em- 
pe.eur  Léon  l'Arménien  ayant  commencé  sa 
persécution  cruelle  contre  ceux  qui  hono- 
raient les  saintes  images,  Josejjh  s'enfuit,  se 
dirigeait  sur  Rome;  mais  il  fut  arrêté  en 
chemin  par  les  S  rrasins  ,  qui  le  conduisi- 
rent dans  l'île  de  Crète  où  il  resta  longtemps 
en  [)rison.  Dieu  éeoutant  favorablement  ses 
prières ,  le  délivra  entin  des  mains  des  en- 
nemis de  la  foi.  11  revint  donc;  à  Constanti- 
nople,  se  procura  des  reliques  de  plusieurs 
saints  et  se  reln-a  en  Thessaiie,  où  il  lit  cons- 
truire une  église  dans  un  endroit  solnaire. 
Ce  fut  à  cette  époque  surtout  que  notre  saint 
composa  un  g.  and  nombre  d'hymnes,  dont 
plusieurs  ont  été  adoptées  par  les  Grecs  dans 
leurs  oûices. 

Cependant  le  zèle  etl'ardeurde  saint  Joseph 
h  soutenirrhonneurdesimageslui  a-.antattiré 


de  violentés  persécutions  do  la  part  des  ico- 
noclastes,  l'empereui'  'fie Ophile  le  bannit 
dans  la  Cliorsonèse.  Ouand  ii  fut  ra()polô 
plus  tard  d(!  son  glorieux  (îxil,  le  palriaicho 
saint  Ignace  h;  lit  sci'voi'liylax  (gardien  des 
vases  sacrés)  de  la  grande  église  de;  (^onstan- 
tinopl(\  Ce  lut  dans  l'exercicMî  do  celte  sainto 
charge  (ju'il  mourut  vers  l'année  8H3.  Son 
nom  est  inscrit  lo  3  et  le  4  avril  dans  les  mé- 
nolog(!s  des  Gr(;cs. 

JOSKPH  (saint),  patriarche  de  Vaïotz-t/.or, 
et  du  village  Holotzmanz,  soulfrit  lo  mar- 
tyre sous  le  règne  do  Hazguerd ,  roi  do 
Perse,  (jui  voulait  imposer  à  l'Arménie,  dont 
faisaient  partie  noti-o  saint  et  ses  compa- 
gnons, la  loi  do  Zoroaslre.  Ce  fut  Joseph  qui 
envoya  au  roi  une  i)rofession  de  foi  au  nom 
de  toute  l'Arménie,  en  réi)onso  à  un  mani- 
feste violent  que  ce  prince  avait  fait  rédiger 
par  ses  ministi-os contre  les  chrétiens,  (juand 
il  avait  vu  {{uo  ni  les  inqxjts,  ni  l(!s  vexa- 
tions de  toutes  sortes  ne  pouvaient  vaincre 
leur  fermeté.  Ce  fut  encore  lui  qui  adressa 
à  Théodose  le  Jeune,  em[)erour  do  Constan- 
tinople,  une  lettre  par  laquelle  il  lui  deman- 
dait des  secours  au  nom  de  toute  l'Arménie, 
atin  de  pouvoir  lésister  à  leur  tyran.  Ce 
saint  joua  un  grand  vù\e  dans  les  guerres  que 
les  chrétiens  d'Arménie  eurent  à  subir  con- 
tre Hazguerd,  par  son  courage,  sa  fermeté 
et  ses  vives  exhortations  aux  princes  du 
pays.  Il  fut  victime  de  son  zèle  et  jeté  dans 
un  noir  cachot  à  Niuchabouh,  où  il  fut  con- 
fié à  la  garde  du  chef  des  mages,  en  même 
temps  gouverneur  civil  du  pays  d'Abar , 
avec  les  cinq  autres  prêtres  :  Sahag,  évêque 
de  Kichdounik;  Léonce,  archiprêlro  de  Ya- 
naut,  du  village  d'itcavank  ;  Mouche,  prêtre 
de  Halpage  ;  Archez,  prêtre  de  Pakrévant  du 
village  d'Eléheg  ;  Kalchatch,  diacre  du  pays 
de  Richdounik.  Ce  mage-gouverneur,  voyant 
ces  saints  combaltants  demeurer  fermes 
dans  leur  foi,  les  maltraita  beaucoup,  et  les 
lit  enfermer  dans  un  noir  et  humide  cachot, 
où  deux  gamelles  de  soupe  épaisse  et  une 
cruche  d'eau  composaient  tous  leurs  ali- 
ments. Etonné  de  les  voir  joyeux  et  bien 
portants  malgré  leur  dure  captivité  et  la 
grossière  nourriture  qu'il  leur  faisait  donner 
depuis  quarante  jours ,  ce  mage  vint  une 
nuit  rôder  autour  du  cachot ,  soupçonnant 
que  quoiqu'un  de  ses  serviteurs  portait  en 
sous-uiain  des  aliments  aux  prisonniers.  11 
s'approcha  doucement  du  soupirai]  de  la 
priso  1,  et  fut  témoin  d'un  prodige  étrange  : 
chacun  des  prisonniers  brillait  d'un  éclat 
merveilleux  ,  au  milieu  de  l'obscurité  de  la 
nuit.  Il  fut  si  épouvanté  de  ce  prodige,  que 
bientôt  il  renonça  aux  erreurs  du  magisme, 
et  se  fit  instruiie  par  ses  [)risoiiniers  dans 
la  religion  de  Jésus-Christ.  Sur  ces  entrefai- 
tes, le  roi  Hazguerd,  excité  par  ses  courti- 
sans et  par  I,  s  mages,  envoya  Tenchabouh 
afin  de  faire  mourir  nos  saints  prêtres.  Quand 
il  arriva  pour  exécuter  les  ordres  sanguinai- 
res de  son  maître,  il  ne  fut  pas  peu  étonné 
de  trouver  le  mage-gouverneur  assis  au  mi- 
lieu des  prisonniers,  écoutant  leurs  discours 
et  les  exhortant  lui-même  à  braver  le  mar- 


i385 


JOV 


JIC 


1384 


tvre.  Tcnclmbonh  avertit  lo  roi  de  ce  aui  se 
passait.  Celui-ci  lui  df^lVndit  de  punir  publi- 
quement le  rhef  des  niasies,  à  cause  du  tort 
qui  en  résulterait  |iour  Irur  religion  ;  mais 
il  lui  ordonnait  de  l'envover  secrèiemenf  en 
exil  dans  un  pavs  lointain,  au  nord  du  Kho- 
rassan,  ofi  il  reçut  la  jialme  du  martyre. 
Après  avoir  terminé  cette  allaire,  le  niinisfro 
des  cruautés  d'Hazguerd  lit,  la  mCnne  nuit, 
transporter  .Tosoph  et  ses  compaç;nons  dans 
un  endroit  écarté  du  désert.  Arrivés  au  lieu 
de  l'exécution  ,  on  leur  lia  les  pieds  et  les 
mains,  et  ils  furent  traînés  d'abord  sur  un 
sol  roca'lleu\  et  rempli  d'aspérités.  Ensuite, 
Tcnchabouh,  avant  vainement  essayé  de  les 
faire  renoncer  .^  leur  foi,  ils  furent  décajjités 

10  30  jiiillet  45'i.,  dans  le  grand  désert  du 
pavs  d'Abar,  au  département  de  la  ville 
rovale  de  Niuchabouh. 

JOSFPH  (le  prince^  douzième  fds  de  Sou- 
nou,  résnlo  du  trois-ème  rang  à  la  cour  de 
Pékin,  était  attaché  à  la  suite  de  l'empereur 
Kans-Hi,  ainsi  (jue  son  frère  Lessihin,  si- 
xième de  la  famille.  Après  la  mort  deKang- 
Hi,  l'empereiH-  Young-ïching,  étant  mécon- 
tent du  neuvième  de  ses  (ils,  enveloppa  Les- 
sihin et  son  douzième  frère  dans  la  même 
disgrâce.  Il  la  leur  témoigna  de  la  façon  sui- 
>7inte  :  Il  nomma  Lessihin  pour  suivre  le 
neuvième  ago  fon  nomme  ainsi  les  fils  de 
Temnereur)  à  la  guerre.  Lessihin,  la  veille 
du  départ,  crut  devoir  aller  prendre  congé 
de  l'empereur  avec  son  douzième  frère,  qui 
était  Tai-tou-ambam,  c'est-à-dire  grand  maî- 
tre des  équipages  de  guerre  et  de  chasse  do 
l'empereur.  Celui-ci  entra  dans  une  violente 
colère,  ot  lui  fit  dire  qu'il  le  trouvait  bien 
hardi  d'être  venu  au  palais.  «  Je  viens,  dit 
le  prince,  avec  mon  frère  le  Tai-tou-ambam, 
prendre  les  derniers  ordres  de  votre  Trône. 
—  Les  voici,  dit  l'empereur,  partez  domain, 
vous  et  votre  fière.»  Le  douzième  prince  fut 
stupéfait  d'être  ainsi  frappé  sans  motif,  sans 
raison  qu'il  pût  comprendre  ;  il  sortit  dupa- 
lais.  Ce  qu'il  venait  d'éprouver  était  un  de 
ces  coups  de  la  Providence,  qui  montrent 
tout  à  coiip  aux  yeux  d'un  homme  ce  que 
c'est  que  le  monde,  et  quel  fondement  il 
faut  faire  sur  les  biens  qu'il  procure.  Résolu 
d'aller  immédiatement  ta  celui  qui  est  la 
source  de  toute  justice ,  et  rpii  lient  fidèle- 
ment ses  promesses,  en  récompensant  cha- 
cun de  SOS  mt'rites,  lo  prince  vint  à  l'Eglise. 

11  demanda  et  reçut  le  l)a[)tèine  sous  lo  nom 
do  Joseph.  Peu  de  temps  ajtrès,  s;i  femme  et 
ses  enfants  suivirent  son  (îxemple.  Imuiédia- 
temont  après  son  baptême,  Joseph  dut  par- 
tir avec  son  frère.  Ce  fut  dans  co  pi-cnuier 
exil  que  dut  lui  arrivr'r  l'ordre  d'aller  re- 
joindre, à  Yeou-Oué,  posl(î  militaire  de  la 
'Jarl'irie,  toub!  sa  famille,  (pie  remponnir 
y  exilait  poiu'  la  iV)i,  l'annécî  suivante  \~tl'\. 
{y'oy.  les  articles  Sot'voi;  (st  Ciiim:.) 

JOVJN,  évèrpK!  d'Africpu!,  n'cnil  pas  h; 
courage  d'envisager  les  tourments  vl  le  ti-é- 
pas  pour  la  ff)i  d'Hit  il  était  !((  ministr-o, 
fious  lo  règne  de  Dècc,  il  eut  h;  mallKnii-  do 
renoncer  son  Dieu,  ccîîiji  qui  lavait  éhivé  h 
la  dignité  do  successeur  des  apôtres,  pour 


sacrifier  aux  idoles.  Depuis  son  apostasie,  il 
est  tombé  dans  l'oubli  des  hommes.  Puisse 
Dieu  no  s'être  pas  souvenu  de  lui  au  jourde 
son  jugement  !  Peut-être,  comme  faisaient 
alors  beaucoup  île  ceux  qui  tombaient  dans 
un  pareil  malheur ,  vinl-il  à  Rome  pour  y 
chercher  son  iiardon  el  l'occasion  de  réparer 
son  crime.  Il  serait  possible  que  le  Jovin 
que  nous  traitons  d'apostat  dans  cet  article, 
soit  le  Jovin  martyr  que  nous  admirons 
dans  le  suivant.  Dieu  a  des  miséricordes  in- 
finies, et  jamais  le  plus  grand  pécheur  n'en 
doit  désospérer. 

JO^TN  (saint),  reçut  la  couronne  du  mar- 
tyre h  Rome  sur  la  voie  Latine,  avec  saint 
Basilée,  sous  le  règne  et  durant  la  persécution 
de  Valérien.  On  ne  nous  a  pas  gardé  de  do- 
cuments authenti(]ues  sur  la  manière  dont 
ils  accomplirent  leur  sacrifice.  L'Eglise  fait 
leur  fête  le  2  mars. 

JOVIN  (saint),  martvr,  mourut  pour  la  foi 
de  Jésus-Christ,  à  Rome,  avec  les  saints 
Pierre,  Marcien,  Cassien ,  sainte  Thècle  et 
plusieurs  autres,  dont  nous  ignorons  les 
noms.  On  n'a  aucun  détail  authentique  sur 
eux.  L'Eglise  fait  leur  fête  collectivement  le 
26  mars. 

JOVINIEN  (saint),  était  lecteur  dans  l'é- 
glise d'Auxerre.  Il  reçut  la  palme  du  martyre 
dans  cette  même  ville,  dans  des  circonstan- 
ces qui  nous  sont  complètement  inconnues. 
L'Eglise  fait  sa  mémoire  le  5  mai. 

JOVITE  (saint)  versa  son  sang  pour  la  re- 
ligion chrétienne,  avec  saint  Faustin,  à 
Bresce,  sous  l'empereur  Adrien.  Ce  que  ra- 
conte de  lui  Rollandus  ne  porte  point  en  soi 
les  preuves  de  vérité  nécessaires  à  des  his- 
toires de  cett(^  importance.  L'Eglise  fête  saint 
Jovite  le  15  février. 

JUCOND  ou  JocoNDE  (saint),  martyrisé  à 
Carthage,  sous  l'empire  de  Septime-Sévère. 
Il  fiït  brûlé  vif  avec  saint  Saturnin  et  saint 
Arlaxe,  comme  on  le  peut  voir  dans  la  vision 
de  Sature,  écrit(!  par  lui-même,  dans  les  Ac- 
tes do  sainte  Perpétue.  (Voy.  l'article  de  cette 
dernière  sainte.)  L'Eglise  fait  la  fête  de  ces 
saints  martyrs  le  0  janvier. 

JUCOND  (saint),  évêque  et  confesseur, 
souffrit,  pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  h  Bolo- 
gne. Les  Actes  des  martyrs  ne  nous  ont  laissé 
aucun  détail  sur  l'époque  et  les  dilféi-entcs 
circonstances  (pii  illustrèrent  son  coml)al.  II 
est  inscrit  au  Martyrologe  romain  le  Ik  no- 
veml)re. 

JUCONDE  (sainte),  tut  honorée  de  la  palme 
des  glorieux  comljillanls  de  la  foi  h  Noie. 
Elle  eut  pour  (;ouip;>gno  de  son  martyre 
sainte  Julie.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  27 
juillet. 

JLCONDIEN  (  saint  \  reçut  la  glorieu«;e 
|talme  du  martyre  on  Al'ri(pie.  Il  fut  précipité 
dans  la  mer.  L'Eglise  fait  sa  sainte  mémoire 
le  \  \\\\\]v\. 

JIJC.ONDIN  (saint),  fut  martyrisé  .M'rovcs, 
-^n  même  temps  (pie  saint  Claude, saint  Juste 
ot  ciiKi  autres (1110  lo  Marl\rologe  romain  ne 
noimne  pas:  leur  sacrilico  s'accomplit  sous 
lo  règne  (h;  rempereur  Aurélien,  et,  s'il  faut 
en  croire  les  actes  de  sainte  Julie,  en  sa  pré- 


43&5 


lUD 


JUD 


1386 


sence.  Leur  me  a  lieu  le  21  juillet,  comme 
celle  do  sainte  Julio;  prohabloment  que  leur 
marivro  eut  lieu  lo  niômo  jour. 

JIJDK  (saint),  aixMro,  martyr,  élai'  auti'o- 
nioiit  appelé  TliaïKléo,  et  encoio  suivionimù 
Lebbéo,  selon  le  grec  et  selon  les  versions 
orientales.  Ainsi  il  avait  trois  noms,  selon 
saint  JérAme.  Om-'''l'^it'S-uns  prétendent  (|U0 
Judo  et  Tliaddoe  ne  sont  que  le  ménu!  nom 
dans  la  langm»  originale.  Saint  Jérôme  tra- 
duit le  nom  de  Lebbce  par  un  terme  (jui  si- 
gnifie un  homme  de  sons  et  do  tête.  Le  mémo 
l*éi-e  et  quelques  autres  attribuent  encore  à 
saint  Judo  le  titre  ou  lo  surnom  de  Zélé,  et 
disent  qu'il  l'avait  mérité  ou  se  rendant  il- 
lustre par  cette  vertu. 

Il  était  frère  de  saint  Jacques  le  Mineur. 
Ainsi  i''est  le  mémo  Judo  <|ui  est  appelé 
f  ère  de  Jésus-Christ,  paire  (ju'd  était  iils  de 
Mario,  sœur  de  lasaintt>  A'ierge,  et  do  Cléo- 
phas,  fiè.e  de  saint  Jose[)h.  Il  fut  marié  et 
eut  des  enfants,  puisque  Hégésippe,  au  raj)- 
port  d'Eusèbe,  parle  de  deux  martyrs,  ses 
petits-Iils,  comme  nous  le  dirons  dans  la 
suite  :  Nicéphore  a  mémo  trouvé  à  sa  femme 
le  nom  de  Mario.  Il  fut  fait  apôtre,  l'an  31  de 
l'ère  commune,  un  peu  après  Pâques.  Dans 
la  cène,  il  demanda  h  Jésus-Chrisi  [)Oui"quoi 
il  devait  se  manifester  à  eux,  et  non  pas  au 
monde. 

Nous  lisons  dans  saint  Paulin  que  Dieu  a 
donné  cet  apôtre  h  la  Libye  pour  y  dissiper 
les  ténèbres  de  l'erreur  par  une  si  vive  lu- 
mière. Il  semble  dire  que  le  corps  de  saint 
Judo  y  était  demeuré;  mais  on  ne  voit  pas 
s'il  parle  de  la  Libye  Cyrénaïque,  qu'on  croit 
communément  avoir  reçu  l'Evangile  par 
saint  Marc,  ou  de  la  ïripolitaine,  ou,  peut- 
être,  de  quelque  autre  part;e  pus  méridio- 
nale de  l'Afrique  ;  car  nous  ne  trouvons  au- 
cune autre  marque  de  la  prédication  de  saint 
Jude  dans  ces  pays.  Les  Moscovites  croent 
avoir  reçu  la  foi  par  lui.  Saint  Paul  nous  ap- 
prend que  les  frères  de  Jésus-Christ  me- 
naient avec  eux,  dans  les  provinces,  quel- 
ques fournies  chrétiennes,  qui  les  servaient 
et  les  assistaient  de  leurs  biens,  selon  la  cou- 
tume qui  s'observait  en  Judée.  Cela  se  doit 
entendre  particulièrement  de  saint  Jude, 
puisque  nous  ne  lisons  point  que  les  autres 
frères  du  Seigneur  aient  été  prêcher  dans 
les  provinces.  Nous  allons  voir  (|u'il  a  vécu 
apparemment  jusqu'après  la  ruine  de  Jéru- 
salem. Ainsi  nous  avons  tout  lieu  de  juger 
qu'il  fit  un  voyage  en  cette  ville  vers  l'anbS; 
car,  après  'e  martyre  de  saint  Jacques,  son 
frère,  les  apôtres  et  les  parents  de  Jésus- 
Christ  s'y  rassemblèrent  de  tous  côtés,  pour 
lui  donner  un  successeur,  et  l'on  choisit  pour 
cela  saint  Siméon,  que  l'on  croit  aussi  avoir 
été  frère  de  saint  Jude, 

Nous  avons  une  Epître  de  saint  Jude, 
qu'on  met  la  dernière  des  sept  à  qui  l'on 
donne  le  nom  de  Catholiques,  peut-être  parce 
qu'elles  s'adressent  à  tous  les  fidèles  en  gé- 
néral, et  non  à  aucune  Eglise  particulière. 
On  croit  néanmoins  que  celle-ci  est  propre- 
ment pour  les  chrétiens  convertis  du  ju- 
daïsme. Il  avait  toujours  souhaité  de  leur 
DicTioNN.  DES  Persécutions.  L 


écrire  <:ur  le  salut  (pie  Jésus-Christ  est  venu 
apporter  à  tous  les  hommes.  Mais  comme 
les  saints,  au  lieu  de  suivre  leurs  pensées  et 
leurs  désirs,  s'attachent  aux  règles  de  Dieu, 
dont  \e  temps  n'est  pas  toujours  pi'êt,  il  at- 
tendit (pi'il  se  vît  oblig(';  d'exhorter  les  chré- 
tiens à  combattre  pour  la  foi  <[ui  leur  avait 
été  c'iseignée,  et  ;i  i-ejeter  les  faux  docteurs 
qui  s'ellorçaiont  de  la  corrompre.  On  croit 
que  c'étaient  les  nicolaites,  les  gnostiques, 
les  snnoniens  et  autres  de  ce  genre-là,  dont 
les  mœurs  n'étaient  pas  moins  corrompues 

3ue  la  doctrine,  parce  qu'ils  se  contentaient 
'une  foi  stérile  et  sans  œuvres.  Ainsi  il 
traite  le  môme  sujet  que  saint  Pierre,  dans 
sa  seconde  Epitre,  dont  il  prend  tellement 
l'esprit  qu'il  imite  ses  pensées  et  quelque- 
fois même  ses  expressions.  Mais,  parce  que 
les  excès  de  ces  hérétiques  se  répandaient 
et  s'augmentaient  de  i)lus  en  plus,  il  s'élève 
contre  eux,  avec  encore  plus  de  force  que 
saint  Pierre.  Cependant,  comme  le  zèle  de 
la  charité  est  sans  amertume  et  sans  haine, 
il  exhorte  les  fidèles  à  travailler  avec  humi- 
lité à  les  sauver  et  à  les  retirer  du  feu  où 
leur  folie  les  précipitait.  Il  semble  citer  ex- 
pressément la  seconde  Epître  de  saint  Pierre, 
et  marquer  même  que  la  plupart  des  apôtres 
étaient  déjh  morts.  Ainsi  il  peut  bien  n'a- 
voir écrit  son  Epître  qu'après  le  règne  de  Né- 
ron et  apiès  la  ruine  de  Jérusalem ,  et 
c'est  la  seule  époque  que  nous  ayons  de  sa 
mort. 

Plusieurs  ont  douté  autrefois  de  l'autorité 
de  son  Epître,  parce  que  le  livre  d'Enoch,  qui 
est  apocryphe,  s'y  trouve  cité.  Mais  cela  n'a 
pas  empêché  qu'étant  autorisée  par  son  an- 
î:quité,  elle  n'ait  été  reçue  au  catalogue  des 
Ecritures  divines,  dès  avant  la  fin  du  iv'  siè- 
cle, par  un  coiîsentementgénéral.Et  saint  Au- 
gustin soutient  qu'on  ne  ()eut  nier  qu'Enoch 
n'ait  écrit  quelque  chose  par  l'esprit  de  Dieu, 
puisque  saint  Jude  le  dit  dans  son  Epître  ca- 
nonique. Origèno  dit  que  cette  Epître,  dans 
le  peu  de  lignes  qui  la  composent,  contient 
beaucoup  de  paroles  pleines  de  la  force  et  de 
la  grâce  du  ciel 

Voilà  tout  ce  que  nous  trouvons  d'assuré 
et  de  fondé  pour  l'histoire  de  saint  Jude.  On 
en  dit  néanmoins  encore  bien  d'autres  cho- 
ses, qu'il  ne  sera  peut-être  pas  inutile  de 
toucher  ici  en  un  mot.  Saint  Jérôme  rapporte 
quap.ès  l'Ascension,  il  fut  envoyé  àAbgare, 
roi  d'Osrhoène,  et  il  cite  pour  cela  l'Histoire 
ecclésiastique.  L'anonyme  OEcuraénius  pa- 
raît avoir  cru  la  même  chose;  mais  l'His- 
toire ecclésiastique  même  nous  apprend  que 
saint  ïhaddée,  qui  y  fut  envoyé,  était  un  des 
soixante-dix  disciples,  comme  Eusèbe  ledit 
en  trois  endroits  différents.  Cela  n'empêche 
pas  que  les  nouveaux  Grecs  et  Latins  ne  di- 
sent que  saint  Jude  a  prêché  à  Edesse  et  dans 
toute  la  Mésopotamie,  v  affermissant,  dit 
N  céphore ,  l'ouvrage  de  Dieu  que  saint 
ïhaddée  y  avait  commencé.  Cet  historien 
ajoute  qu'il  a  aussi  prêché  dans  la  Judée,  la 
Galilée,  la  Samarie,  l'Idumée,  et  dans  toute 
la  Syrie.  Il  paraît  encore  qu'on  a  cru  qu'il 
avait  établi  la  foi  et  l'épiscopat  dans  la  grande 


Arménie;  et  an  assure  que  les  Arra(''niens 
tiennent,  par  tradition,  qu"il  a  souUert  dans 
leur  pays.  Nous  avons  vu  (jue  sai-it  Paulin 
lo  donn'e  à  la  Libye.  Fcjrtuaat  dit  qu'il  est 
enterr  '•  dans  la  Perse,  ce  que  les  martyrolo- 
ges latins  ont  suivi. 

BèJe  racinte  de  saint  Jude  plus  de  parti- 
culier tés  ,  mais  sur  les  histoires  qui  con- 
tiennent, dit-il,  les  soulfrani-es  d  s  a|).Mri'S, 
et  que  la  plupirt  croient  apocryphes.  Aussi 
.ce  qu'il  eu  dit  revient  tout  à  fait  à  Abdias, 
qui  nous  donne  une  grande  histoire  de  ce 
que  saint  Jude  fit  et  soull'rit  dans  la  Perse 
avec  saint  Simon.  Les  Constitutions  disent 
qu'il  y  avait  des  apùtres  qui,  mûine  en  [)r6- 
chant"i*Evangile,  cultivaient  la  terre,  a(in  de 
n'être  jamais  oisifs  ;  et  qudques-uns  Tenten- 
Uent  lie  saint  Jude,  p  ul-ôlre  parce  que  c'é- 
tait l'emploi  de  ses  petits-lils  ;  mais  on  ne 
peut  rien  assurer  sur  cela,  non  plus  que  sur 
jilusieurs  autres  choses  que  les  nouveaux 
Grecs  disent  de  lui. 

Quelques  Grecs  écrivent  qu'il  est  mort  en 
paix  à  Béryte  (en  quoi  il  y  a  bien  de  l'appa- 
rence qu'ils  le  confondent  avec  saint  Tliad- 
dée,  a-ôtre  d'Edcsse).  Leurs  ménolo^es,  qui 
en  font  la  fête  le  19  juin,  disent  qu  il  fut  tué 
à  coups  de  flèches,  en  un  lieu  que  nous  ne 
connaissons  pas.  Les  plus  anc  eus  mart, ro- 
loges  latins  marquent  la  fête  de  saint  Simon 
et  de  saint  Jude  le  29  juin  et  le  28  octobre, 
et  If'ur  martyre  le  1"  juillet.  Bède  met  sim- 
pl  nient  leur  fête  lo  2S octobre,  auquel  nous 
les  honorons  aujourd'hui.  Usuard  et  Adon  le 
suivent  pour  le  jou  ,  mais  ils  parlent  plus 
amijlement  de  leur  histoire,  et  marquent 
qu'ils  ont  soutfert  le  martyre.  On  croit  avoir 
aujourd'hui  leurs  cor|)s  h  Rome,  dans  l'éjjlise 
de  Saint-Pierre,  sans  que  l'on  dise  quand  ni 
commi'nt  ils  y  ont  été  apportés.  On  assure 
que  les  Arméniens  prétendent  avoir  celui  de 
saint  Jude.  On  a  attribué  à  cet  apôtre  un 
faux  évangile,  condamné  par  le  pape  Gé- 
lase. 

L'histoire,  comme  nous  avons  dit,  parle  de 
deux  petits-lils  de  saint  Jude,  qu'on  ne  jieut 
douter  avoir  été  chrélieis:  ils  avaient,  à  eux 
deux,  trente-neuf  arpents  de  terre,  valant  en- 
viron SïiiO  livres,  qu'ils  cullivaien:  euK- 
mêmes,  et  cela  leur  sullisail  tant  (  oui-  s'en- 
tretenir que  pour  |>ayer  les  tributs  que  Do- 
miti<n  exigeait  des  Juifs  avec  beaucoup  de 
ri/ujur.  C  t  empereur,  ayant  cxf.'ilé  la  se- 
conde persécution  contre  l'iî^lisc;,  en  l'an  93 
de  Jé>us-(>hrist,  qui  él  lil  hi  I'j-'  de  son  règne, 
commanda  (pu;  l'onl'it  m(;urir  'es  desceiidaiils 
de  iJjvid,  parce  (ju'il  craignait  la  venue  du 
Christ,  aussi  bien  (pi'Utîrijde.  iMiséb-,  dans 
sa  Chroii  que,  met  cet  ordre  en  la  d  r  nère 
ann.'*e  d<'  J)oiiiili(i;i,  (pii  est  la  90"^  de  1ère 
commune.  Ou(dqu(;s  Ju:f>,  sur  ci'la,  fuient 
dé  loiicer  les  peliis-lils  d(;  saint  Jiidi;,  comme 
desi:"iidus  de  David  et  pari;  ils  du  Chr.sl.  Ils 
fui<;nt  d  ne  a  neiiés  h  I)  niiitirri  par  un 
exempt  (Le  t»'\le  porte  un  éiwcaf  :  c'élaie  il 
ceux  qui,  ayant  Sfivi  le  .i- lemiisdans  Icsar- 
niétfs,  y  éia.iiil  rappelés  è  des  eon  iilions 
|)lus  honorables.  Auguste  en  avait  tait  un 
corpa,  qui  subsista  après  lui,  jusqu'en  l'an 


JUL 


4dl(!S 


230  au  moins.)  Ce  prince,  les  a.ynnt  interro- 
gées de  leur  race,  de  leurs  biens,  du  Messie  et 
de  sa  royauté,  ils  répondirent  sur  tout  cela 
avec  beaiirou[)  de  sincérité  et  de  franchise. 
Leurs  mains,  eutlu  cies  par  ie  travail,  fai- 
saient assez  voir  (]Me  ce  (pi'ils  disaient  do 
leur  pauvretc^  était  véritable  Pour  le  Messie, 
ils  déelarèi-ent  au'il  était  véritablement  roi, 
mais  dans  le  ciel  et  non  sur  la  terre,  où  son 
règne  ne  paraîtrait  qu'à  la  lin  eu  monde, 
lorsqu'il  viendra,  dans  sa  gloire,  juger  les  vi- 
vants et  les  morts.  Doinitien  n'eut  que  du 
mépris  pour  leur  pauvreté  et  leur  faiblesse; 
mais  jugeant  aussi  qu'il  n'avait  rien  à  aj^pré- 
hender  de  leur  [lart,  il  ne  les  regarda  [dus 
comme  criminels,  et  les  mil  en  liberté.  On 
ajoute  qu'il  apaisa  même  par  un  édit  la  jier- 
sécution  (|u'il  avait  excitée  contre  l'Kglise  : 
et  il  peut  l'avoir  fait  dans  les  derniers  jours 
de  son  règne,  qui  ûnil  le  18  septembre  de 
l'année  96. 

Les  deux  petits-fils  de  saint  Jude  furent, 
dej)uis,  fo.t  honorés  dans  l'Eglise,  et  comme 
pirents  de  Jésus-Christ,  et  comme  martyrs  , 
ce  titre  s'étant  donné,  dans  les  trois  premiers 
siècles,  à  tous  ceux  qui  avaient  rendu  un  lé- 
mosg  lage  public  à  la  vérité,  quoiqu'ils  ne 
fussent  lias  morts  pour  <  lie.  Ils  lurent  établis 
sur  quelques  Eglises,  et  môme  conduisirent 
toute  l'Eglise,  s'il  faut  s'anêlir  aux  termes 
d'Hégésippe.  Ils  vécurent  jusque  sous  Tra- 
jan  et  jusqu'au  temps  qutî  saint  Siméon  de 
Jérusalem  soulIVit  le  martvre,  vers  l'année 
107.  (Tillemont,  t.  1,  p.  401.) 

JUDE  (saint),  qu'on  appelait  aussi  Barsa- 
bas,  était  probablement  l'un  des  soixante-dix 
discijiles.  On  trouve  peu  de  chose  de  lui 
dans  l'Ecriture  et  dans  les  anciens.  Ce  fut 
lui  ({ui  reçut  saint  Paul,  à  D.unas,  dans  sa 
maison,  ie  soir  du  jour  où  Jésus -Christ  ap- 
parut à  ce  saint  apôtre  et  le  convertit.  Ce  fut 
lui  qui,  avec  Silas,  porta  <\  Anlioche,  en  l'an 
51,  la  lettre  du  concile  des  apôtres. 

JULE,  centenier,  àijui  fut  remise  la  garde 
de  saint  Paul,  fiour  le  conduire  à  Rome, 
après  (|u"il  en  eut  apfielé  à  l'empereur  devant 
le  proconsul  Festus.  Ce  centenier  le  traita 
avec  beaucou})  d'égards  et  d'humanité.  A  Si- 
don,  où  le  vaisseau  jeta  l'ancre,  il  lui  pei'uiit 
de  se  lendre  h  terre  et  de  visiter  ses  amis. 
Plus  tar>i,  une  violente  tempête  ayant  assailli 
le  vais'veau,  il  vint  fiire  naufrage  sur  les  rô- 
les de  l'île  do  '.ia'l:'.  Le  vai^s.Mu  éîanl  échoué 
et  sur  le  point  d'èli'e  brisé  par  les  vagues, 
il  f  .Mut  que  cImc  iii  songi  <'ii  h  son  propre 
salut  et  h  gagner  la  terre  lomme  il  le  pour- 
rait, ('.(jiume  les  soldats  craignaient  (pie  leurs 
prisoiini(;i's  s'échajipasseni  dans  ce  lumulle, 
ils  étaient  d'avis  d;;  les  tuer;  mais  saint  Paul 
élail  tiès-  limé  du  centenier,  (jui  tenait  h  lui 
conserver  la  vie.  Ce  fut  h  cette  circonsta  ico 
(lue  l(ïs  autres  iirisonniers  durent  d'être 
épargnés.  Ajirès  bien  du  temps  ci  des  vicissi- 
tudes, le  ceuten  or  Juie  ariiva  (nilin  à  Hdine, 
où  il  nniiit  ses  iiiisoniiiers  (>nlre  les  mains 
d'UVanius  Biii-i»ius,  ipn  était  alors  préfet  du 
jir(''loire. 

Jl'LK  (saint),  l'un  d  s  (piaranle-liuil  mar- 
tyrs de  I^}on  ,    mourut    en  celle   vide,    en 


1^89  n't 

l'airu^e  177,  sous  le  rè;^no  tl<'  l'cinporour 
Auto  lin  Maro-Aurùh;.  Il  fui  du  numbiode 
(M'iiv  (iiii.  (•.oiiiiiic  sai'il  Polliiii  ul  um;  l'oiilo 
d'aulrcs,  n'euri'iil  pas  la  Ibrco  do  supporlor 
jiisciu'au  lioul  les  louniiL'iils  elles  mauvais 
truitt'iuo  Us  (]U(!  les  peiséouteiirs  l'aisaieiit 
souiïiir  à  ces  gé'iéreux  soldais  de  Jésiis- 
Cliiisl.  L'Eglise  iailla  llKe  de  tous  eus  saints 
le  2  .1  liii. 

Jl'LK  (saint),  fut  martyristi  h  Saragossc  en 
Ks(>af;ne,  j)ar  les  ordres  de  Oacicn,  qui  en 
élail  gouverneur,  en  l'an  de  Jésus-Clu-ist 
i{()V,  durant  la  })erséeulion  de  Dioclétien. 
Di\-se|)l  autres  iuro'il  martyrisés  avec  lui  ; 
on  trouvera  leurs  noms  h  l'arl  cle  Dacikn. 
Lesdix-huil  martyrs  de  Saragosse  sont  très- 
honorés  eu  Espagne. C'est  Prudeme  (|ui  rap- 

Î)ortece  (|u'(tn  sait  d'eux.  Ils  sont  inscrits  au 
Jartyrologe  romain  sous  la  date  du  IG  avril. 
(Jo//.  Fi'udeiiee,  de  Cor.,  hym.  4  :  Tillcmont, 
vol.  V,  [).  ±2\).  Vasseus,  RvUja.  ) 

JULE  (saint),  martyr,  soutlVit  pour  Jésus- 
Christ  le  Ti  mai  ;  quant  à  la  date  d'année, 
on  ne  la  sait  pas  :  ce  tut  au  eommeticement 
dir  IV  siècle,  durant  la  persécution  de  Dio- 
clétien. Voici  ses  Actes  sincères,  que  nous 
prenons  dans  Ruinart. 

Du  temps  de  la  persécution  (1),  Jule  fut  ar- 
rêté connue  chréiien,  et  conduit  à  Maxime, 
gouverneur  de  Mésie. 

Interrogatoire. 

Maxime  :  Est-il  vrai,  Jule,  ce  qu'on  dit  de 
vous  ?  —  Jule  :  Rien  n'est  plus  vrai,  je  suis 
chrétien  ;  je  ne  puis  me  faire  passer  pour 
autre  que  pour  ce  que  je  suis  en  etfi't.  — 
Maxime  :  Comment  I  ignorez-vous  qu'il  y  a 
des  édi;s  qui  veulent  qu'on  sacriiie  aux 
dieux? — Jule:  Mais  je  suis  cliré  ien.  et  je 
ne  smrais  faire  ce  qu'on  veut  que  je  fasse. 
Je  n'irai  [)oint  renoncer  au  D.eu  que  j'adore, 
qui  est  le  Dieu  vivant ,  le  Dieu  véritable.  — 
"Maxime  :  Ouoi  I  y  a-t-il  tant  d'inconvénient 
à  saciilier  ?  On  eri  est  quitte  pour  un  grain 
d'encens,  puis  on  se  retire.  —Jule  :  La  loi 
de  Dieu  me  le  défend,  je  ne  dois  pas  h  son 
préjudice  déférer  à  cdle  d'un  prince  infidèle. 
Au  reste,  j'ai  porié  les  armes  vingt-six  ans  ; 
mais  durant  tout  ce  t -mps-là  on  ne  m'a  point 
vu  commettre  une  mauvaise  action  qui  m'ait 
obligé  de  comparaître  devant  les  tribunaux. 
J'ai  lait  sept  cam_  agnes,  sans  que  qui  que  ce 
Sîiit  se  puisse  plaindie  que  je  lui  aie  fait  la 
moindre  violence;  et  ce;)endant,  quand  il  a 
fallu  se  battre,  je  n'ai  pas  mous  bien  fait 
mon  devoir  qu'un  autre.  Le  prince  ne  m'a 
j  :mais  trouvé  en  faute  ;  et  maintenant  qu'il 
s'agit  de  marquer  à  Dieu  ma  tidélité,  je  lui 
en  manquerais  ?  —  Maxime  :  Dans  quel 
corps  avez-vous  servi  V  —  Jde  :  Je  n'ai  point 
cjuitté  l'armée,  j'ai  toujours  servi,  quoique 
jefu^se  vétéran.  Mais  cela  ne  m'a  ])as  em- 
pêché d'adorer  toujours  le  Dieu  qui  a  fa  t  le 
ciel  et  la  terre,  et  je  ne  pi-éiends  pas  la  ôtie 
m  un  tenant  moins  tidèle.  —  Maxime  :  Vous  me 
paraisse/,  un  homme  s  .g'^,un  homme  solide; 
laissez-vous  donc  persuader  -je  sacrilier.  — 

(f)  Peut-être  celle  de  Dioclétien. 


JLL 


I.-90 


Jide  :  Je  ne  le  puis  ;  je  un  m'expos(»rai  pas  h 
pe;drc  mon  Ame  pour  (uule  um.'  élernilé.  Il 
y  a  un  trop  grand  péché  à  cela.  —  .Maxime: 
Eh  hirulje  le  prends  sur  moi.  <l'(!sl  moi  qui 
vous  lais  viohnice,  et  je  veux  bitii  (jurui  ctdio 
que  ce  n'est  |ias  de  voire  Iton  gré  (jue  vous 
iaites  la  chose.  Sa',ri.ie/.  donc,  et  après  vous 
vous  l'elirere/ doucement  chez  vous, sa  is  'jue 
personne  osevtms  v'w.n  dire.  'Ifuie/,  voil  idix 
pièces  d'argent  que  je  vous  prie  de  v(juloir 
accepter.  -  -  JuK-  :  Ni  l'argent  du  déirion  ni 
vos  beaux  discours  ne  font  aucune  impres- 
sion sur  moi.  Je  ne  me  priverai  pas  moi- 
inèmi!  [)Our  si  |)eu  de  chose  de  la  possession 
de  mon  Dieu.  Je  ne  le  renoncerai  point. 
Vous  pouvez  donc,  quand  il  vous  pla.ra, 
pnmoncer  contre  moi,  comme  chrélicn,  la 
senlence  de  mort.  —  Maxime  :  Ecoute-,  si 
vous  n'obéissez,  je  ne  pouirai  me  disjienser 
de  vous  faire  couper  la  tète.  — Jule  :  Bon, 
vous  ne  sauriez  me  faire  un  plus  grand  plai- 
sir; je  vous  conjure  seulement  de  ne  pas 
différer,  et  je  vous  le  demande  i)ar  le  salut 
des  empereurs.  —  Maxime  :  Si  vous  ne  sa- 
crifiez, je  pourrai  bien  vous  satisfaire.  — 
Jule  :  Que  je  vous  serai  obligé  !  —  Maxime  : 
Vous  vous  hâtez  de  mou  ir,  et  vous  vuus 
imaginez  sans  doute  qu'il  vous  sera  glorieux 
do  souffrir  la  mort  ?  —  Jaies  :  Oui,  si  je  suis 
assez  heureux  que  de  la  soulfrir  pour  une 
si  bonne  cause,  ma  gloire  ne  peut  être  plus 
grande.  —  Maxime  :  Il  est  beau,  je  l'avoue, 
de  mourir  pour  la  patrie,  pour  la  défens(!  des 
lois,  et  je  serai  le  premier  à   vous  y  porter  ; 

mais -  Jule  :  C'est  donc  pour  la  défense 

des  lois  que  je  suis  prêt  à  mourir,  pour  la 
défense  des  lois  divines.  —  Maxime  :  Dites 
de  celles  que  vous  avez  reçues  d'un  honune 
attaché  à  une  croix.  Que  le  folie!  de  préfé- 
rer un  homme  du  commun,  qui  ne  vit  nlus, 
à  des  princes  qui  vivent,  qui  régnent,  et  qui 
peuvent  vous  rendre  heureux.  —Jule  :  Il  est 
vrai  que  cet  homme  dont  vous  parlez  ne  vit 
plus;  mas  c'est  qu'il  a  bien  voulu  mourir 
pour  nos  péchés;  et  c'est  celle  mort  même 
qui  est  pour  nous  le  principe  d'une  vie  éter- 
nelle.Car  enfinDieu  est  éternel,  et  quiconque 
ne  craindra  pas  de  le  confesser  vivra  éternel- 
lement ;  mais  quiconque  sera  assez  lâche 
pour  le  renoncer  périra  éternell.'ment.  — 
Maxime  :  Vous  me  faites  pitié  ;  croyez-moi, 
sacrifiez  ,  et  laissez-là  votre  vie  élernclJe  ; 
contentez-vous  de  vivre  aveo  nous.  —  Jule  : 
Cette  vie  que  vous  m'otfrez  est  unevéïiiable 
mort,  et  cette  mort  dont  vous  me  menacez 
est  une  véritable  vie.  —Maxime  :  Sacrifiez, 
et  ne  m'obligez  pas  à  vous  faire  mourir.  — 
Jule  :  Et  c'est  ce  que  je  souhaite  de  tout  mon 
cœur.  Si  j"ai  mérité  quelque  grâce  de  vous, 
que  ce  soit  celle  de  muter  promptement  du 
monde.  —  Maxime  :  Voil'i  donc  votre  réso- 
lution, et  c'est  tout  de  bon  que  vous  aim 'Z 
mieux  mourir  que  vivre?  —Jule:  Oui; 
pour  vivre  toujours,  il  faut  que  je  meure 
ainsi. Maxime |)rononçacett<-sentence:  «  Sur 
le  refus  que  Jule  fait  d'obéir  aux  empereurs, 
nous  l'avons  condamné  à  perdre  la  tète.  » 

Comme  on  le  conduisait  au  lieu  où  il  de- 
vait être  exécuté,  tous  ceux  quise  trouvaien' 


4391 


iVL 


iVL 


1502 


sur  son  passage  se  jetaient  h  son  cou,  et 
l'embrassaient,  et  il  leur  ilisait  :  Que  chacun 
prenne  garde  au  motif  (^ui  l'oblige  à  m'em- 
brasser. 

Or,  parmi  les  soldats  qui  étaient  comman- 
dés pour  le  mener  au  su()j)lice,  il  y  en  avait 
un  nommé  Esi(piius  (le  17  juin),  qui  était 
chrétien.  Il  conjurait  avec  ardeur  le  saint 
martyr  de  se  souvenir-  de  la  promesse  qu'il 
lui  avait  laite,  ^'oici,  lui  disait-il,  le  moment 
de  l'accomplir.  Vous  alle/c  recevoir  la  cou- 
ronne qui  est  due  à  ceux  qui  confessent 
Jésus-Christ.  Faites  donc  que  je  vous  suive 
de  près.  Je  vous  |)rie  aussi,  quand  vous  serez 
ariivé  au  ciel,  de  saluer  de  ma  part  Pasicrale 
et  Valenlinien,  qui  y  sont  déjà.  Jule,  em- 
brassant Esiquius  ,  lui  dit  :  Allons  ,  mon 
frère,  dépêchez-vous  de  venir.  Ceux  que 
vous  m'avez  prié  de  saluer  pour  vous  ont 
déjà  reçu  vos  compliments.  Prenant  ensuite 
son  mouchoir,  il  s'en  lit  un  bandeau  ;  et 
présentant  le  cou  au  bourreau,  il  dit  :  «  Sei- 
gneur Jésus,  pour  qui  je  meurs,  daignez  re- 
cevoir mon  âme,  et  lui  donner  place  parmi 
vos  saints.  >>  Et  dans  le  moment  même  le 
bourreau  lui  fil  tomber  la  tète  du  premier 
coup. 
L'Eglise  fait  la  fête  de  ce  saint  le  27  mai. 

JULES  (saint),  sénateur  et  martyr,  souffrit 
à  Rome  pour  la  défense  de  la  religion  chré- 
tienne sous  le  juge  Vitellius  et  par  l'ordre 
de  l'emp.reur  Commo:le.  On  le  meurtrit  à 
coups  (le  bàion  si  rudement  et  si  longtemps 
qu'il  rendit  l'âme  dans  ce  supplice.  On  en- 
terra son  corps  dans  le  cimelièiede  Calépode 
sur  la  voie  Aurélienne.  L'Egiise  honore  sa 
glorieuse  mémoire  le  19  août. 

JULES  (saint),  soutfrit  le  martyre  pour  la 
foi  en  Afrique,  sous  le  règne  de  Valérien, 
l'an  239,  avec  les  saints  Paul,  Géronce,  Jan- 
vier, Saturnin,  Successe,  Cat,  et  les  saintes 
Pie,  Ter  tulle  et  Germaine.  On  manque  de 
détails  authentiques  sur  leur  martyre.  L'E- 
glise fait  leur  fête  le  19  janvier. 

JULES  (saint),  martyr,  était  Breton  de  nais- 
sance, il  étudia  d'abord  les  saintes  Ecritures 
à  Rome  et  passa  ensuite  en  Angleterre  où  il 
reçut  la  couronne  du  martyre  avec  saint 
Aaron  ,  sous  Dioclélien  ,  vers  l'an  287,  à 
Caërléon,  ville  située  sur  l'Usk,  dans  le  comté 
de  Montmouth.  L'Eglise  célèbre  leur  mé- 
moire le  1"' juillet. 

JULES  (sai  it),  mart_yr ,  versa  son  sang  pour 
la  foi  à  Nicomedie.  Oi  ignore  en  quelle  an- 
née. Il  eut  pou»'  compagions  de  son  ti'ioin- 
phtt  sai'ii  Ambique  et  saint  Victoi-.  C'est  le 
30  décembre  que  l'Eglise  célèbre  leur  sainte 
mémoire. 

JUi.ES  (saint),  martyr,  avait  été  pris  connue 
chrétien  avec  le  sold  it  Hési(pie.  Ils  soullVi- 
rcnt  la  moit  à  iJoiostore  en  Mysie  sous  le 
président  Maxime.  L'Eglise  fait  collective- 
ment leur  fête  le  I5juin. 

JULES  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi  h  Thagoi'e  en  Afrique,  avec  les 
saint",  martyis  S(;s  compagno  is  Ci'ispin,  Fé- 
lix, (ir.ii,  s.  pi  iiutirs  iloul  les  noms  sont  in- 


connus, et  sainte  Polamie.  On  ne  connaît 
pas  les  détails  de  leur  combat.  L'Eglise  ho- 
nore leur  mémoire  le  5  décembre. 

JULES  (saint),  [)rètre  et  confesseur,  souf- 
frit pour  la  foi  dans  le  Milanais,  du  temps 
de  l'empereur  Théodose.  Les  détails  nous 
manquent  entièrement.  Il  est  inscrit  au  Mar- 
tyrologe romain  le  31  janvier. 

JULES  (saint),  fut  honoré  de  la  palme  du 
martyre  à  Geldube,  ville  d'Afrique.  Nous 
ignorons  à  quelle  époque  et  dans  quelles 
circonstances.  L'Eglise  célèbre  sa  mémoire 
le  20  décembre. 

JULIE  (sainte^,  eut  le  bonheur  de  donner 
sa  vie  pour  la  foi  chrétienne  dans  la  ville  de 
Lyon,  en  l'année  de  Jésus-Christ  177,  sous 
le  règne  de  l'empereur  Antonin  Marc-Aurèle, 
ainsi  que  saint  Pothin,  le  vénérable  évêque de 
cette  ville,  et  unefoule  d'autres  généreux  sol- 
dats de  Jésus-Christ.  Elle  n'eut  pas  la  force  de 
résistecjusi^u'àla  tin  aux  mauvais  traitements, 
aux  tourments  que  les  persécuteurs  lui  firent 
enduier.  Elle  s'éteignit  en  prison  dans  le 
sein  du  Seigneur.  L'Eglise  fait  sa  fêle,  avec 
celle  de  tous  ses  compagnons,  le  2  juin. 

JULIE  (sainte),  fut  décapitée  à  Lyon  en 
177,  sous  lo  règne  de  l'empereur  Marc-Au- 
rèle. Elle  était  citoyenne  romaine;  ce  fut 
celte  qualité  qui  fit  ({u'on  ne  l'exposa  pas  aux 
bêtes,  comme  le  furent  plusieui's  des  48 
martyrs,  ses  compagnons.  L'Eglise  célèbre 
leur  fête  à  tous  le  2  juin. 

JULIE  (sainte),  martyre  à  Carth.ige  en 
l'année  de  J.'sus-Christ  250,  durant  la  terri- 
ble persécution  que  l'empereur  Dèce  alluma 
contre  l'Eglise.  Elle  fut,  avec  d'autres  chré- 
tiens, placée  dans  un  cachot  étioit  et  infect, 
où,  p-ir  l'ordre  de  l'empereur,  on  les  laissa 
mourir  de  faim  (  t  de  soif.  La  puanteur  et 
la  chaleur  de  ce  cachot  furent  un  supplice 
affreux  ajouté  à  celui  (jue  la  privation  d'ali- 
ments fit  souffric  aux  saints  martyrs.  [Voy. 
VicTORiN.)  L'Eglise  fait  la  fête  de  tous  ces 
saints  mirtyrs  le  17  avril. 

JULIE  (sainte),  vierge  et  martyre,  reçut  à 
Troyes,  sous  rem{)ire  d'Aurélien,  et  ses  Ac- 
tes disent  en  sa  jtrésence,  la  glorieuse  cou- 
ronne qui  la  met  au  rang  lies  saints  dont 
nous  écrivons  l'hisloire.  Malheureusement 
S3s  Actes  ne  sont  pas  très-authentiques. 
L'Eglise  romaine  met  sa  fêle  au  21  juillet, 
avec  celle  des  saints  Claude,  Juste  et  Jucon- 
dm,  el  cinquante  qui  ne  sont  pas  nouimés. 

JULIE  (sainte),  fut  martyrisée  à  Noie  avec 
sainte  Juconde.  Les  détails  nous  nh'uhpient 
sin'  son  conq)te.  L'Eglise  fait  leur  méinoiie 
le  27  juillet. 

JULIE  (sainte),  martyre,  i-épamlit  son  sang 
pour  la  foi  à  Carthage,  avec  saint  Catuliti, 
dontsaint  Augustin  prononça  le  panégyri(iue, 
l(îs  saints  Janvier,  Florem-e  et  sainte  Juste. 
Ils  furent  inhumés  dans  la  basilique  de 
Fauste.  L'Eglise  honore  leur  mémoire  le  15 
juillet. 

JULIE  (sainte),  souffrit  le  martyre  5  Mé- 
ii(l;i,  en  Espagne.  Compagne  de  sainte  Eu- 


1395  JUL 

lalio,  ello  lui  rosta  constammont  ndaclu^o 
ptMuiiUil  ses  soutVr.inces ,  et  pnrlagea  son 
martyre.  L'E^jUso  l'ail  leur  fcHe  le  10  dé- 
cembre. 

JIILIK  (sainte),  vierge  et  martyre,  dtait 
d'une  des  meilleures  familles  de  Cartilage. 
Genséric,  s'étaiit  emparé  du  eelte  ville  en 
439,  lit  un  gra.'id  non^bre  de  prisonniers 
qu'il  vendit  comme  esclaves.  Notre  sainte 
fut  du  nombre,  et  tomba  entre  les  mains 
d'un  marchand  syrien,  nonuné  Eus^be,  et 
qui  adoiail  les  faux  dieux.  Julie  remplit  tous 
les  devoirs  de  la  servitude  avec  courage,  et 
par  ses  vertus  se  lit  chérir  de  son  maître  oui 
l'engageait  souvent  (^  ménager  sa  santé  ua- 
vantage.  Sur  ces  entrefaites,  Eusèbe  entre- 
prit un  voyage  dans  les  Gaules,  atin  d'y  por- 
ter de  précieuses  marchandises  du  Levant. 
Il  lit  jeter  l'ancre  <i  un  endioit  appelé  au- 
jourd'hui Capo-Corso,  pour  se  joindre  aux 
habitants  (jui  allaient  sacrifier  un  taureau. 
Pendant  le  sacrifice,  Julie  déplora  tout  haut 
l'impiété  dont  elle  était  témoin.  Le  gouver- 
neur de  l'île  en  ayant  été  inslru  t,  lit  venir 
Eusèbe,  et  lui  oU'rit  quatre  cents  esclaves 
s'il  voulait  lui  livrer  Julie.  Celui-ci  ayant 
refusé,  le  gouverneur  l'invita  à  dîner,  et 
l'enivra.  Il  profita  de  son  sommeil,  pour  or- 
donner à  notre  sainte  de  sacrifier,  et  sur  son 
refus,  il  la  lit  frapper  au  visage  et  lui  fit  arra- 
cher les  cheveux;  il  ordonna  ensuite  qu'elle 
fût  attachée  h  un  gibet.  Elle  fut  transportée 
à  Bresse  en  763,  par  Didier,  roi  des  Lom- 
bards. L'Eglise  fait  sa  glorieuse  mémoire  le 
23  mai. 

JULIEN  (saint),  l'un  des  sept  fils  de  saint 
Gélule  et  de  sainte  Symphorose,  fut  marty- 
risé pour  la  foi  sous  le  règne  d'Adrien.  On 
lui  enfonça  dans  la  poitrine  plusieurs  pointes 
de  fer.  {Voy.  Symphorose.)  L'Eglise  fait  la 
l^e  de  ce  saint  le  17  juillet. 

JULIEN  (saint),  reçut  la  palme  des  com- 
battants de  la  foi  à  Sorra.  Pendant  qu'on  lui 
donnait  la  question,  sous  la  persécution 
d'Antonin,  un  temple  d'idoles  étant  tombé, 
l'empereur  lui  fit  trancher  la  tête.  L'Eglise 
honore  sa  ménioirè  le  27  janvier. 

JULIEN  (saint)  d'Atin,  fut  martyrisé  à 
Sor 'OU  Ji  Atin,  près  de  Rome,  sous  le  règne 
de  l'empereur  Marc-Aurèle.  Les  détails  his- 
toriques q\n  nous  restent  ne  nous  permet- 
tent d'entrer  dans  aucun  détail  ;  ils  ne  sont 
ni  sullisauts  ni  authentiques. 

JULIEN  (saint),  fut  décapité  à  Pérouse, 
pendant  la  [)ersécution  de  Dèce,  probable- 
ment en  251,  avec  les  saints  Florence,  Cy- 
riaque,  Marcellm,  Fauste.  L'Eglise  honore 
la  mémoire  de  tous  ces  martyrs  le  5 juin; 
c'est  à  tort  que  le  Martyrologe  imprimé  à 
Lille  (Catalogue  pour  l'usage  des  baptêmes) 
dit  le  k  de  ce  mois. 

JULIEN  (saint),  martyr  d'Alexandrie,  avec 
saint  Chronion,  mourut  sous  le  règne  de 
Dèce  en  250,  et  sous  le  gouvernement  de  Sa- 
binus.  Voici  ce  que  dit  saint  Denis  de  ce  vé- 
nérable soldat  de  Jésus-Christ,  dans  sa  lettre 
sur  les  martyrs  d'Alexandrie:  «  Mais  enfin 
la  loi  ne  fut  pas  abandonnée  de  tous;  il  se 


JUL 


1594 


trouva  encore  de  ces  hommes  bienheureux, 
de  ces  colonnes  feirncs  et  inébi'aidables,  et 
que  la  main  du  Seigneur  avait  elle-même  af- 
fermies, qui  se  sentirent  une  force  et  une 
générosité  capable  de  rendre  témoignage  à 
la  vérité  de  cette;  foi  et  <i  la  puissance  sou- 
veraine de  Jésus-Christ.  De  ce  nond)re  fut 
Julien  (27  février)  :  il  était  fort  tourmenté  de 
la  goutte,  et  elle  lui  avait  de  telle  sorte  ôté 
l'usage  de  ses  mendjies,  qu'il  ne  pouvait  ni 
se  tenir  debout,  ni  marcher;  on  fut  obligé 
de  le  faire  porter  devant  le  juge,  par  (hnix 
hommes,  l'un  desquels  renonça  aussitôt  ; 
mais  l'autre,  a[if)elé  Chronion,  ayant  avec  le 
saint  vieillard  Julien  confessé  hautement 
Jésus-Christ,  on  les  fit  monter  sur  des  cha- 
meaux, et  faire  en  cet  état  tout  le  tour  de  la 
ville,  qui  est,  comme  l'on  sait,  d'une  très- 
grande  étendue.  Durant  tout  le  chemin,  on 
ne  cessait  de  les  batti-e  h  coups  de  verges 
faites  en  manière  de  iléaux,  et  enfin  on  les 
jeta  dans  un  grand  feu,  en  présence  d'une 
multitude  infinie  de  peuple,  qui  prit  plaisir 
h  les  voir  réduire  en  cendres.  » 

L'Eglise  fait  la  fête  de  saint  Julien,  mar- 
tyr à  Alexandrie,  le  27  février.  Pourquoi  la 
marque-t-on  encore  au  Martyrologe  le  30 
octobre?  Car  c'est  le  même  saint  dont  il  s'a- 
git. Pourquoi  surtout  fciirc  de  saint  Eune  un 
saint  dont  la  fête  est  marquée  le  30  octobre, 
avec  celle  de  saint  J(dien;  et  de  saint  Chro- 
nion, un  autre  saint  dont  la  fête  est  marquée 
le  27  février,  avec  celle  de  saint  Julien? 
Saint  Chronion  n'est  autre  que  saint  Eune, 
et  saint  Eune  n'est  autre  que  saint  Chronion. 
Eune,  qui  veut  dire  attaché,  affectionné,  était 
le  surnom  de  Chronion,  domestique  de  saint 
Julien,  à  cause  de  l'afTection  profonde  qu'il 
avait  pour  son  maître;  c'est  de  là  que  vient 
l'erreur.  Trouvant  saint  Julien,  martyr  tan- 
tôt avec  un  saint  nommé  Eune,  tantôt  un 
saint  nommé  Chronion,  on  aura  supposé 
qu'd  y  avait  deux  saints  Julien.  Il  fallait 
bien  faire  deux  saints  Julien,  puisqu'on  fai- 
sait de  saint  Chronion  deux  saints  sous  deux 
noms  différents.  De  telles  inconséquences 
sont  graves.  Nous  concevrions  les  deux 
noms,  saint  Eune  et  saint  Chr.  nion  au  Mar- 
tyrologe, mais  alors  il  faudrait  qu'ils  vins- 
sent à  la  même  date  de  fête  :  on  honore  un 
saint  sous  deux  noms  ;  mais  les  faire  tomber 
à  des  dates  dilférentes,  c'est  faire  deux  hom- 
mes d'un  seul. 

JULIEN  (saint),  martyr,  fut  mis  à  mort  à 
Carthage  avec  les  saints  Montan,  Luce,  Fla- 
vien,  Donatien  et  trois  autres.  Ce  fut  en  259, 
sous  l'empire  de  Valérien  et  sous  le  gouver- 
nement intérimaire  de  Solon.  (Pour  plus  de 
détails,  il  faut  lire  les  Actes  de  saint  Montan 
à  son  article.)  L'Eglise  fait  la  fête  de  tous 
ces  saints  le  2i  lévrier. 

JULIEN  (saint),  martyr,  était,  avec  saint 
Maximien,  compagnon  des  travaux  de  saint 
Lucien,  à  Beauvais.  Quand  Julien,  qui  était 
préfet  du  prétoire  vers  l'an  290,  envoya  des 
officiers  pour  ôter  la  vie  à  saint  Lucien,  ce  der- 
nier, avec  ses  disciples,  sortit  de  la  ville  et  se 
retira  sur  une  montagne  éloignée  d'une  lieue. 
Celte  moutague  se  nomme  Monlmide,  quoi- 


Ï395 


/CL 


JUL 


1396 


que  ses  Artos  rappellent  Amnis.  Les  persé- 
cuteurs y  étvTit  venus,  tuèrent  saint  Julien 
et  snint  Mn\imicn,  qui  avaient  suivi  saint 
Lucien.  S'il  faut  en  croire  le  briWiaire  de 
Beauvais,  ces  deux  saints  ('■talent  ori-;inaii-es 
de  cette  ville,  disciples  do  saint  Lucien  el 
prêtres  tous  les  deux.  L'Eglise  lait  leur  fête 
le  8  janvier. 

JULIEN  (saint),  martyr,  oripjinaire  de  Cap- 
padoce,  depuis  peu  de  temps  habitait  la  Pa- 
lestine. Il  n'était  encore  que  simple  catéchu- 
mène, et  pourtant  les  tidèlcs  montraient  pour 
lui  une  estime  toute  particulière,  à  cause  des 
vertus  éminentos  qui  le  distinguaient.  Notre 
saint  arrivait  h  Césarée  au  moment  oi^i  le  gou- 
verneur Firmilien  ,  ministre  des  fureurs  de 
Galère  ,  y  persécutait  violemment  les  chré- 
tiens. Peut-être  un  secret  désir  le  poussait 
à  venir  sur  le  terrain  du  combat;  peut-être 
une  inspiration  du  Saint-Esprit  l'y  condui- 
sait. Le  sang  coulait  à  flots.  Les  saints  mar- 
tyrs Elle,  Jérémie,  Isaie,  Samuel  et  Daniel, 
tous  Egyptiens,  qui  avaient  volontairement 
servi  aux  raines  de  Cilicie  les  confesseurs 
que  Firmil'en  y  avaient  envoyés,  avaient  été, 
à  leur  r  tour,  arrêtés  et  mis  h  mort  par  le 
glaive,  après  avoir  subi  les  plus  cruelles  tor- 
tures. Julien  arrivait  (|ue  leur  sang  fumait 
en  ore,  ainsi  (pie  celui  d'un  saint  vieillard, 
nommé  ThéoJule,  que  le  gouverneur  avait 
fait  mourir,  bien  (ju'd  fût  attaché  à  sa  propre 
maison.  Restaient  encore  Se'euque  de  Cap- 
P'idoce  et  Porpliyre ,  l'un  des  domestiques 
d  i  martyr  Pamphile.  Victorieux  dans  plu- 
sieurs combats,  ils  soutinrent  1  •  dernier,  ce- 
lui qui  Irfs  couron-'a,  en  présence  de  Julien. 
L'un  fut  brûlé,  l'autre  périt  par  le  fer.  Ju- 
lien, |)lein  d'admir.  tion  pour  eux,  se  jeta  sur 
leiirs  corps  et  les  baisa  icspectueuscment. 
Les  soldats  témoins  de  celte  coiduite  le  con- 
duisirent au  gouverneur.  Firmilien  avait 
une  fa(^on  d(!  procéder  expéditive,  qui  répu- 
gnait aux  semblants  des  form  s  judiciaires  : 
il  condanma  Julien  à  être  nnuiédiatement 
brillé.  Le  saint,  en  entendant  la  sentence, 
remercia  Jésus-Christ  de  la  grâce  qu'il  lui 
accordait,  et  mourut  avec  un  courage  que 
les  bouri-eaux  eux-mêmes  admirèrent.  L'E- 
glise célèbre  sa  fête  le  17  f'vrier. 

JULIEN  (saint),  martyr  en  Cilicie,  est  cé- 
lèbre enlie  plusieurs  autres  qui  ont  porté 
le  même  nom  eu  ce  (ju'il  a  eu  sa  nt  Jean 
Chrysostome  pour  [)anégyriste.  Ce  saint 
était  originaire  d'Ana/.aibe,  en  Cilicie,  et 
çonritoyeii  de  saint  Paid,  ."oit  qu'il  fût  de 
Tarse  comme  lui,  soit  seulement  (pa'ils  fus- 
sent tous  deux  (Je  la  même  province.  Un 
ju^e  plein  de  cruauté,  (]ue  les  m.''nt'-es  (;t  les 
martyrologes  !)onun(,'nl  Mai-eien,  faisait  alors 
beau'oup  so  (IVir  1(,'S  disciples  du  Christ. 
Notr(;  sanit,  éta  it  toud)é  enlrti  lesmainsdes 
pers(''cut(;urs,  lui  tut  présenté  dans  la  ville 
d'Egée  foii  plutôt  Eges,  sur  les  côtes  de  Ci- 
licie). Ayant  refusé  de  sac[ili(!i-,  on  lui  ouviit 
la  b(juche  jiar  force,  et  l'on  y  versa  du  vin  vi 
•i'aulros  choses  oileites  aux  idoles,  puis  on 
b;  ujit  on  prison.  Le  juge  lit  ensuite  venir  sa 
rnèreiiour  l'iiilerroger  sur  1(3  compte  do  .son 
fils.   Celle-ci   demarid/i  trois  j<jurs  pour  ré- 


pondre, après  quoi  l'un  et  l'autre  ayant  été  ii 
interrogés  de  nouveau,  on  coupa  les  talons  II 
de  la  mère  et  on  la  renvoya.  Le  juge,  voyant 
Julien  inébranlable,  le  faisait  venir  devant 
lui  tuus  les  jouis,  et  le  renvoyait  ensuite  en 
prison.  11  le  promena  une  année  entière  par 
toute  la  Cilicie,  pensant  le  couvrir 'de  honte 
et  de  confusion.  Les  bourreaux,  acharnés 
après  lui,  le  penjaienl  de  tous  côtés  déchi- 
raient sa  chair,  découvi aient  ses  os  et  met- 
taient h  nu  iusqu'à  se>  entrailles.  Ils  le  fouet- 
taient cruellement,  lui  apjiliquaicnt  le  fer  et 
le  feu,  mais  une  seule  prière  du  saint  adres- 
sée au  ciel  rendait  leurs  elforts  inutiles.  Le 
juge  voyant  entin  que,  par  tous  ces  toui-- 
ments  prolongi^s  par  un  ralFinement  do 
cruauté,  il  ne  faisait  que  couvrir  de  gloire 
notre  saint,  sans  pouvoir  le  vaincre,  le  con- 
damna à  la  mort.  Etant  alors  à  Eges,  ville 
maritime  de  la  Cilicie,  il  le  fit  jeter  a  la  mer, 
cousu  dans  un  sac  plein  de  sa: île,  avec  des 
scorpions,  des  serpents,  des  vipères  et  des 
dragons.  C'était  le  supplice  ordonné  pour  les 
pariMcide«,  et  si  hoinble  que  les  pa  ens  évi- 
taient d'en  user,  môme  envers  ces  scélérats. 
Les  Grecs  disent  que  d  Eges  la  mer  porta 
son  corps  à  Alexandrie, où  il  fut  enterré  par 
une  sainte  veuve.  On  croit  que  cette  Alexan- 
drie est  la  ville  appelée  aujourd'hui  Alexan- 
drette.  Saint  Jean  Chr-ysostome  dif  qu'  de 
son  temps  Julien  était  enterré  à  Anliorhe, 
où  probablement  il  avait  été  transporté  do 
la  ville  d'Alexandi'ie.  11  lU  à  Aniioche  un 
grand  nombre  de  mir-aclcs,  et  le  peuple  par 
son  moyen  obtenait  beaucoup  de  giAces  spi- 
rituelles. C'est  appaiemment  saint  Julien  do 
Cilicie  que  les  mart .  rologes  de  saint  Jérôme, 
Notker  et  quelques  autres  mar-quent  le  H 
février.  L'Eglise  l'honore  le  16  mars.  Voici 
connment  saint  Chrysostome  parle  de  notre 
saint  martyr". 

«  La  même  province,  qui  vit  naître  le  grand 
Paul  i)our  lapostola  ,  vit  naitre  Julien  ()Our 
le  martyi-e  ,  et  la  Cilicie  donna  l'un  et  l'autr-e 
à  l'Eglise.  Lorsque  la  carrière  fut  ouverte 
aux  ath'ètesde  Jésus-Christ,  et  que  le  temps 
du  combat  fut  venu,  ce  der-nier  tomba  entre 
les  mains  d'un  homme  qui,  sous  le  nom  el  le 
personnage  déjuge,  exerçait  la  crniaulé d'une 
bête  farouche.  Mais  con.>idéi'ez  un  peu  l'ar- 
tifice. Ce  mauvais  juge,  s'apereevant  que 
l'Ame  de  Julien  était  d'une  trempe  impéné- 
trable, (pie  les  supplices  ne  pouvaient  l'en- 
tamer, il  entreprit  (le  le  vaincre  par  le  temps, 
il  le  faisait  compar'aître  tous  les  jours  (le- 
vant lui,  et  h;  l'envoyait  ensuite  en  prisorr, 
lui  accor-dant  cItaipnÀ  jour  un  nouveau  délai. 
11  ne  lui  lit  pas  d"..bor.i  couj^er  la  tête,  cette 
mor't  pr'omple  aurait  trop  tôt  terminé  l'af- 
faire à  l'avanlnge  de  Julien,  el  ce  n'était  pas 
ce  (pu!  demandait  noir-e  juge.  Il  chen  hart  à 
lasser  sa  patience  par  des  Intenogalou-es 
redoublés,  par  des  menaces,  par  la  vue  des 
tourments,  par  des  i»r-oiiresses,  en  se  sei'- 
vanl  (le  toiil(!S  sortes  (1(;  macliirr(!S  pour'  ébran- 
ler ce  rocher  de  (  onstanco.  11  le  tint 
connue  cela  un  an  durant,  le  pronuMiant  par 
toul.i  la  Cilicie,  le  traiiianl  après  lui  comme 
un  criminel,   ol  le  char'geant  d'allronls  el 


^.  il 


4391 


JI'L 


JUL 


13C8 


d'opprobres  h  la  viio  de   (onto  Ta  provmco. 
Mats    il   so    ln»m[>ait  en  cela,  il   n  '  faisait 
qiraccroilro   le   nit'rite  et   la  i^loiio  «le  son 
prisoïinier,  qui  pouvait  dire  avee  saint  l'aul 
son  eompainote  :  Je  rrnds  grâces  d  Dieu  qui 
se  sert  de  nous  pour  triompher  de  ses  enne- 
mis (//  Tor.  M,   rO,  et   i»our   réiiandre   en 
tons  lieux  r(^clat  no  sa  |)uissa-pe.e.  Si  vous 
renfermez  un  pai'fuin  dans  u'ic  boih»,  il  no 
ciiinniuniquera    sa   bonne   odeur  i\uh  eette 
boîte  ;    niais  si  vous  l'en  tiiez,  et  ([\io  vous 
le  (ransjjo;  tiez  en  divers  lii  uk,  il  en  remplii'a 
tout  l'air.  De  nu^ine  notio  m.irtyr  tradnil  do 
vilh»  en  ville,  vi  d'ujii»  exlri^miîc^  de  la  Cili- 
cic  h  l'auti-e,   parfumait   do   l'odeur   do   ses 
vertus  tous  les  endroits  où  il  passait.  On  le 
me'iait  par  tonte  la  Cdieic  eliarjié  de  chaînes 
et  d'ignonùnio  ci  appanmce,  mais  en   ellet 
couvei-l  de  lauriei's  et  d'iio'ineur.  Oîi  le  traî- 
nait de  ville  en  ville  ct)nunc  un  cruninol,  (  t 
il  y    entrait   en   ti-iomplio  comme»  un  vain- 
tjueiir.  Ce  n'élail  pins  j)ar  sa  seule  réputa- 
tion qu'il  contirmait   les  fidèles  dans  la  foi, 
et  qu'il  y  attirait  les  infidèles  ;   c'èta  t  en  se 
montrant  lui  môme  aux  uns  et  aux  autres. 
On  prétendait  lui  donner  tous  les  Ciliciens 
pour  témoins  de  sa  honte  et  de  son  infamie, 
et  on  les  lui  donnait  pour  spectateurs  de  son 
triomphe.  Plus  on  lui  faisait  faire  de  tours 
dans  la  carcière,  plus  on  augmentait  les  a|)- 
plaudissements  ;  ce  n'était  p(jint  par  des  pa- 
roles dont  le  so'i  se   pij-d  ci  l'air,  souvent 
sans  aucun  effet,  qu'il  exhortait  les  peuples 
à  l'imiter,  mais  par  sa  pr-ésence,  plus  effi- 
cace mille  fois  que  les  plus  éloquents  dis- 
cours.  Et  de  même  que  ce  n'est  po  nt  en 
poussant   des   voix   que  les  c  eux  publient 
les  grandeurs  de  Dieu,  et  racontent  sa  gloire 
(Cœli  enarrant  gloriam  Del]  ;  mais  lorsque,  se 
laisaiit  voir  aux  h jmmes,  tout  environnés 
de  lumière,  ils  les  portent  à  admirer  celui 
qui  les  a  faits  si  beaux  ;  de  môme  notre  mar- 
tyr publiait  la  grandeur  et  la  majesté  de  Jé- 
sus-Chrisi,  lorsqu'il  endurait  pour  son  nom 
et  pour  SCS  intérêts  des  peines  si  longues  et 
si  cruelles.  Le  ti. marnent  brille  moins  lors- 
que, durant  une  nuit  d'hiver,  l'air  pur  et  se- 
rein nous  laisse  voir  tous  ses  feux  allumés, 
que  ne  brilL^  le  corps  de  Julien  couvert  de 
plaies    Oui,  je  le  dis,  les  astres  attachés  au 
ciel  sont  moins  lumineux  que  les  blessures 
de  ;io.ie  mai  tyr. 

«  Saint  Julien  était  donc  devenu  l'objet  de 
la  fureur  insensée  d'un  juge  idol;^.tre.  Il  se 
voyait  de  toutes  [arts  environné  d'une  foule 
de  supplic(,'S.  Il  les  soud'rait  tous  à  la  fois; 
ceux  qu'il  endurait  actuellement,  et  ceux 
qu'il  n'endurait  pas  encore;  ceux  qu'il  était 
prêt  d'eiidurer,  et  ceux  qu'il  devait  endurer 
ensuite  :  car  les  bourreaux  étaient  autour  de 
Jui  comme  autant  de  bêtes  carnassières;  les 
uns  lui  perçaient  les  côtés,  les  autres  lui 
enlevaient  la  peau  ;  ceux-ci  pénétraient  plus 
avant,  et  découvraient  les  os,  et  ceux-h  fai- 
saient voir  les  entrailles. 

«  Le  juge,  reconnaissant  enfin  l'inutilité 
de  ses  etlorts,  résolut  de  le  faire  prompte- 
ment  mourir;  car  la  mort  des  martyrs  est 
une  marque  de  leur  victoire  et  de  la  défaite 


(Ct  norrir>les  insectes;  voil?»  le  juste  pour  la 
seconde  lois  avec  les  hôtes  je  dis  [)our  la  se- 
<  onde  Ibis,  afin  de  vous  faire  ressouvenir  de 
s('(irpii»ns  et  d'autres  es|>èces  de  ser[)ents 
très-venimeux,  nuis  on  [tiéL-ipiia  le  sac  dans 
la  nier.  V(Mlh  donc  le  niarl>r<'»  la  merci  de 
hont(nise  de  leurs  eniKMnis.  Voici  h;  genre 
de  sn|)plice  (pio  le  tyran  inventa,  ou  [)lulôl 
([u'il  r(niouvela  [lour  signaler  sa  ciuauié, 
mais  qui  signala  en  môme  temps  la  gran- 
deur dn  cr)uivige  de  Julien.  On  apporta  un 
grand  sac  qu'on  rem[)lit  de  sable  à  moitié,  et 
on  y  enferma  le  s.imt  avec  di'S  vi|)ères,  des 
l'ancimne  histoire  de  Daniel.  On  jeta  Daniel 
dans  une  fosse,  et  Jidien  dans  la  mer.  Cet 
élément  le  reçut  [lonrle  couronner,  et  pour 
nous  le  rendn;  1(1  que  nojs  le  posst'dons 
dans  celle  chAsse.  Dieu  veut  bien  partager 
avec  nous  les  m;^rtyrs;  il  prend  l'Ame  jiour 
lui,  et  il  nous  lais  e  le  corps,  afin  ()u'a;\ant 
toujours  devant  les  yeux  ces  sacrées  défiouil- 
les,  nous  nous  animions  h  la  piaticpie  des 
vertus  qui  les  ont  consacrées.  Car  si  la  vue 
des  armes  ensanglantées  de  quelque  vaillent 
homme  fait  naître  une  certaine  ardeur  mar- 
tiale, môme  dans  l'Ame  d'un  lAche,  en  sorte 
que,  touchant  tantôt  le  casque,  tantôt  la 
lance,  et  tantôt  la  cuirasse,  ilse:ent  eidlammé 
de  ce  beau  leu  (jui  aiiiiriait  ce  gucniec,  il 
commence  à  s'aperievoir  qu'il  a  du  (u-nr,  il 
ne  d  mande  plus  qu'à  voir  l'ennemi,  il  biCle 
du  désir  de  se  signaler  [lar  quelque  action  de 
valeur;  si,  d;s-je,  des  aim^s  couvertes  d'un 
sang  généreux  inspirent  C' tte  g' i.étosité  à 
une  âme  t:mide,  que  devons-i  ous  sentir, 
nous  auties  (jui  voyons,  qui  touchons,  non 
les  armes  du  soldat  de  J»^^us-Chlist,  mais 
son  corps  ensangl.mté  pour  la  gloire  de  son 
maître  et  du  noire?  Quand  no  s  serions  les 
moins  courageux  ue  tous  les  homnios,  cette 
seule  vue  est  capable  d'adum?  r  dans  nos 
cœurs  la  môme  ardeur  qui  coi  sumaii  celui 
de  Julien.  Dieu  nous  cor  tie  los  reliques  des 
martyjs,  afin  que  nous  ayons  eni  e  les  moins 
la  mat  ère  d'une  philosoj  hie  sublime.  » 

JULIEN  (saint;,  fut  martyrisé  à  Brioude  en 
Auvergne.  Le  nom  de  s;!int  Julien  a  été  au- 
t. efois  e\ti ornement  illustre  da-^s  la  Fiance. 
Saint  Sidoine  Apollinaire,  célèbre  évoque 
d'Auvergne,  r<î[)pelle  son  [alron.  Saint  Gré- 
goire de  Tours,  qui  avait  é{;rouvé  son  inter- 
cess.'on,  tant  en  sa  jtersonne  qu'en  c^  lie  de 
ses  plus  prtjches,  et  q^i  s'apf)elle  môme  son 
élève,  et  son  nourrisson  ,  a  f^nt  de  ses  mira- 
cles tout  son  second  livre  De  la  gloire  des 
martyrs.  11  >  [.arle  aussi  de  l'hisioire  de  sa 
mort,  dont  nous  trouvons  encore  quelques 
auties  monuments  qui  peuvent  être  du  mi- 
lieu ou  de  la  fin  du  v'  siècle. 

Saint  Julien  était  natif  de  Vienne  en  Dau- 
pbiné,  d'une  famille  considérable.  On  [.eut 
voir  quel  était  son  extérieur,  da.'iS  U).e  vision 
rapportée  par  saint  Gré-oire  de  Tours.  11 
portait  les  armes  ,  et  il  éiait  dans  un  âge 
dé„à  avancé  lorsqu'il  soulfrit  le  martyre.  Il 
avait  embrassé  le  christianisme,  et  en  faisait, 
ce  semble,  une  profession  tout  ouverte.  Ses 
mœurs  répondaient  à  sa  foi,  et,  ce  qui  est 
encore  plus,  son  âme  était  embrasée  d'une 


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JUL 


chanté  très-ardento.  Il  demeurait 'cnez  saint 
Ferrôol,  qui  était  tribun  et  chrétien  comme 
lui;  mais  il  se  déclarait  moins.  11  aimait  saint 
Julien  à  cause  de  son  éminente  piété  ,  et  il 
en  faisait  toute  sa  consolation.  Aussi  leur  loi 
et  leur  charité  étaient  le  plus  grand  lien  de 
leur  union. 

Il  arriva  en  ce  temps-là  une  persécution 
dans  la  ville  de  Vienne ,  sous  un  oQicier 
nommé  Crispin.  On  ne  dit  pas  sous  quel  em- 
pereur, et  ce  n'est  que  sur  des  conjectures 
assez  faibles  qu'on  croit  pouvoir  dire  que  ce 
fut  sous  Dioclétien ,  vers  l'an  30i.  Sur  le 
bruit  de  cette  tempête,  Ferréol,  prévoyant 
que  Julien  ne  pourrait  pas  demeurer  caché 
à  Vienne,  où.  il  était  plus  connu,  tant  il  lui 
voyait  d'ardeur  [)Our  le  martyre,  lui  conseilla 
et  le  conjura  môme  de  se  retirer  secrète- 
ment, et  de  se  conserver  pour  la  consola- 
tion des  chrétiens.  Julien,  qui  avait  autant 
de  modération  que  de  zèle  ,  se  rendit  à  son 
conseil;  et  quittant  ses  parents,  ses  amis, 
ses  richesses,  pour  Jésus-Christ,  il  s'en  alla 
en  Auvergne,  où  il  se  tint  caché  auprès  de 
la  ville  de  Brioude-sur-rAUier.  Ce  ne  fut 
nullement  par  la  crainte  de  la  mort  qu'il  se 
retira  :  ce  fut  au  contraire,  selon  saint  ^Gré- 
goire de  Tours,  par  l'amour  môme  du  mar- 
tyre, parce  qu'il  craignait  que  ses  parents 
l'empêchassent  de  parvenir  à  la  couronne, 
s'il  entreprenait  de  combattre  en  leur  pré- 
sence. Il  le  fit  aussi  pour  obéir  à  l'Evangile, 
qui  veut  que,  quand  on  nous  poursuit  en  un 
heu,  nous  nous  retirions  en  un  autre. 

Dieu  ne  dilléra  pas  longtemps  l'accomplis- 
sement de  son  désir.  Crispin  sut  qu'il  s'était 
retiré  en  Auvergne;  et  Dieu,  voulant  cou- 
ronner promptement  le  saint  et  faire  soutl'rir 
au  persécuteur  la  peine  qu'il  méritait,  per- 
mit que  cet  officier,  extrêmement  ennemi 
des  chrétiens,  envoyAt  des  soldats  chercher 
le  saint,  avec  ordr.;  du  le  tuer  en  quelque 
lieu  (ju'ils  le  rencontrassent.  Julien  coiuiut, 
par  le  mouvement  de  Dieu,  que  les  infidèles 
le  poursuivaient,  et  il  se  reliia,  [)our  <e  ca- 
cher, chez  une  vieille  veuve,  ou,  selon  d'au- 
tres, chez  deux  vieillards.  C'était  en  un  lieu 
appelé  Vinicelle,  h  dix  stades  (ou  une  demi- 
lieue)  de  Bi'iouiJe.  On  le  regut  avec  joie 
dans  celte  cabane,  et  on  ne  songe<ut  qu'à  l'y 
bien  cacher;  mais  lorsque  les  persécuteurs 
en  approchèrent,  le  saint,  qui  ne  voulat 
point  meitre  ses  hôtes  en  danger,  et  (jui 
sentait  ((uc  Dieu  l'appelait  au  ciel,  sortit  dès 
qu'il  onlendit  entrer  les  soldats,  et  déclara 
qu'il  était  celui  qu'ils  cherchaient,  et  (|u'il.s 
n'avaient  qu'à  exécuter  leur  ordre.  Les  sol- 
dats dem(!iirèr(;nt  étonnés  d'un  si  grand  cou- 
rage ;  mais  il  l(!s  anima  lui-même,  leur  pro- 
testant (pi'il  ne  voulait  plus  di'iu  -urer  da  is 
le  inonde  ft  qu'il  ne  soupir<iit  (pi'après  Jésus- 
Chiisl,  pour  alh^r  se  i-assasier  de  lui. 

Ses  Actes  disent  que  les  persécultMirs  étant 
venus  clierch(!r  h;  saint,  la  vcuvcî  ch(;z  <\n\  il 
Citait  caché  leur  ré|)onilil  ([u'il  n'y  avait  per- 
sonne chez  elle,  et  qu'alors  b;  saint  S(;  dé- 
couvrit lui-même;  mais  on  ne  trouve  rien 
de  cela  dans  les  auti(;s  monuments.  Le  saint 
j»ria  rpje|(|ue  |m;u  do  lemjis,  pour  recomman- 


JUL  4400 

der  son  Ame  à  Dieu,  et  puis  présenta  sa  tête 
aux  bourreaux,  qui  la  lui  coupèrent  en  même 
temns.  Il  y  avait  une  fontaine  en  ce  lieu,  où. 
on  lava  la  tête  du  saint  pour  en  ôter  le 
sang;  et  depuis  ce  temps  l'eau  de  cette  fon- 
taine guérissait  les  maladies  et  faisait  divers 
miracles. 

Ceux  qui  avaient  tranché  la  tête  à  saint 
Julien  la  [)ortèrenl  à  Vienne,  au  persécuteur, 
pour  servir  d'exemple  aux  chrétiens  de  celte 
ville.  Elle  tomba  ensuite  entre  les  mains  de 
saint  Feiréol,  qui  souffrit  aussi  le  martyre 
quelque  temps  après,  et  on  l'enterra  avec  lui. 

Le  corps  (le  saint  Julien  fut  transporté  du 
lieu  de  son  martyre  à  Brioude,  et  il  y  fut 
enterré  honorablemmit  par  deux  vieillai-ds,  à 
qui,  en  récompense  de  ce  service.  Dieu  ren- 
dit,à  ce  qu'on  as-<ure,la  vigueur  d^»  leur  jeu- 
nesse. Celaient  sans  doute  ceux  chez  (|ui  le 
saint  s'éiait  retiré,  selon  un  manuscrit.  On 
les  honore  aujourd'hui  comme  des  saints, 
sous  les  noms  d'Ilpice  et  d'Arcons,  le  18  juin 
et  le  k  février.  Branche  en  pa  le  amplement. 
Je  n'en  trouve  rien  dans  Bollandus.  11  sem- 
ble même  que  ces  d'^ux  vieillards  fussent 
païens  lorsqu'ils  enterrèrent  le  saint.  Mais 
la  vigueur  du  corps  qu'il  leur  obtint  leur 
aurait  été  bien  inutile,  s'il  ne  leur  eût  en- 
core obtenu  du  Père  des  miséricordes  la 
santé  de  l'âme.  On  rapporte  qu'une  dame 
espagnole,  sachant  que  son  mari  était  arrivé 
à  Trêves,  où.  était  l'empereur,  et  condamné 
à  perdre  la  vie,  se  hâta  de  venir  au  moins 
pour  l'enterrer.  Mais  s'étant  adressée  à  saint 
Julien,  en  passant  par  Brioude,  elle  trouva 
en  arrivant  à  Tièves  que  son  mari  était  dé- 
livré; en  reconnaissance  de  quoi  elle  lit  bâ- 
tir une  petite  chapelle  sur  le  tombeau  du 
saint.  Les  grands  miracles  que  Dieu  y  opéra 
ensuite,  dont  quelques-uns  furent  cause  de 
la  conversion  de  ceux  du  lieu,  firent  que  les 
peuples  y  bâtirent  enfin  une  église  magnifi- 
que, sans  que  néanmoins  ils  eussent  un 
iour  réglé  pour  fa.re  sa  fête  ,  parce  qu'on 
ignorait  celui  de  sa  mort,  jusqu'à  ce  que 
saint  Germain  d'Auxerre ,  étant  venu  en  ce 
lieu,  ap|)rit  par  révélation  ,  après  beaucoup 
de  prières,  qu'il  avait  été  martyrisé  le  vingt- 
huitième  jour  d.i  mois  d'août ,  auquel  sa  fête 
est  mtrquée  dans  les  martyrologes  de  saint 
Jérôme,  uans  Usuard,  Adoii  et  plusieurs  au- 
tres,  et  auquel  plusieurs  églises  en  font  la 
mémoire. 

Saint  Grégoire  de  Tours  a  fait ,  comme 
nous  avons  dit,  un  livre  entier  de  ses  mira- 
cles, dont  (piel(iues-uns  même  avaient  é  é 
faits  en  sa  laveur  :  c'est  pourquoi  il  l'appelle 
son  pairon.  Il  suffit  d'y  renvoyer  le  lecteur, 
et  nous  ajouterons  seulement  (lue  (;es  mira- 
cles s'élemliiinil  jusipu'  dans  l'Oriei)!,  par  le 
moyen  d'un  peu  de  terre  de  >on  tombeau 
(prïm  marchand  y  apj)orta ,  ce  ([ui  fit  (pjo 
l'on  y  dressa  aussitôt  une  église  en  son  hon- 
neur. Saint  Grégoire  en  niar(]ue  plusimus 
l),Ui(is  (Ml  France  par  saini  Arède  ou  Iriès,  et 
par  (li V(n-s  autres;  il  parle  parl.i(ulièr(nnonl 
d(!  celhî  de  Tours,  (|ui  esl  encor(!  aujourd'hui 
une  célèl)r(!  abbay(î  de  Bénédictins.  Il  y  on 
avait  une  à  Paris  du   temps    de  Chilpéric 


1401 


1VL 


JUL 


I4<yt 


M.  (le  Laiinoy  rrnit  qiio  c'ost  rcllo  que  l'on 
nom  m»'  anjoiml'liui  Saiiit-Julicu-lo-P.uivre, 
et  M.  V.ildis  le  soutient  eucon'  plus  fortc- 
mt'nt.  Ou  assuto  aussi  (jue  le  véritaMo  pa- 
tron (!(•  Sainl-Julio'i  des  Mén(^triers,  bAli  ou 
l.TJO,  est  celui  (le  Hfioiule,  (pioiiiuo  les  IVres 
(le  la  Doctrine  eu  aient  pris  uu  autre.  Mais 
si  'oute  la  France  a  eu  uu  f:;rau(l  res|)ecl  pour 
ce  s^iinl,  l'AuvergMC  l'a  parlicuni^reuicnt  re- 
vend comme  son  patron.  On  mettait  de  ses 
reliques  dans  les  (églises  (pie  l'on  hAlissait 
sous  so'i  nom,  et  ou  croyait  (ju(!  c'('tail  assez 
pour  cela  d'avoir  quel(|ues  tils  des  linges 
dont  on  couvrait  son  tombeau.  C'en  était  en 
efî'et  assez  pour  opérer  |)lu.sieurs  miracles. 
(Vof/.  Tillemout,  t.  V,  p.  '279.) 

JIÎLIKN  (saini),  arclievécpie  do  Tolède,  fut 
élevé  par  îles  parents  pleins  de  vertu  et  de 
religion,  qui  le  liront  instruire  dans  toutes 
les  sci(Mices  ecclésiastiques.  Il  prit  ensuite  la 
résolution  de  se  retirer  dans  la  solitude,  avec 
son  ami  Gudilan,  a(in  de  s'y  livrer  aux  exer- 
cices d'une  rigoureuse  pénitence  et  à  la  mé- 
ditation de  l'Ecriture  sainte.  Son  év(îque  le 
retint  et  le  fit  consacrer  au  service  de  l'Eglise. 
En  (580,  ayant  été  élevé  au  siège  archiépisco- 
pal de  T()lède,  il  y  brilla  de  l'éclat  de  toutes 
les  vertus.  Il  mourut  en  690.  L'Eglise  honore 
sa  mémoire  le  8  mars. 

JULIEN  (saint),  fut  martyrisé  en  Afrique 
durant  la  cruelle  persécution  des  Vandales. 
Il  eut  pour  compagnons  de  sott  martyre  les 
saints  Lucius  et  Quintien.  Ils  sont  inscrits  au 
Martyrologe  romain  le  23  mai. 

JULIEN  (saint),  souffrit  pour  la  foi  sous 
l'empereur  Licinius,  avec  saint  Macrobe. 
Nous  n'avons  aucun  document  relatif  aux 
diverses  circonstances  qui  illustrèrent  leur 
martyre.  L'Eglise  fait  leur  sainte  mémoire  le 
13  septembre. 

JULIEN  (saint),  dit  VHospitalier,  était  ma- 
rié à  sainte  Basdisse.  Le  jour  de  leur  ma- 
riage, ils  prirent  mutuellement  la  résolution 
de  vivre  dans  la  continence.  Dieu  fut  leur 
seul  amour;  les  pratiques  de  la  vie  reli- 
gieuse et  chrétienne,  leur  seule  occupation. 
Ils  consacrèrent  au  soulagement  des  pauvres 
tous  les  revenus  de  leurs  biens.  Leur  maison 
était  devenue  une  sorte  d'hôpital ,  où  les 
malades  et  les  voyageurs  étaient  reçus  :  les 
hommes  étaient  séparés  des  femmes.  Julien 
avait  soin  des  premiers,  Basilisse  s'occupait 
des  secondes.  Julien  mourut  pour  la  foi  en 
l'an  313,  avec  Celse,  enfant ,  Antoine,  prêtre , 
Anastase,  et  Marcianille,  mère  de  Celse.  Ils 
furent  tous  mis  à  mort  le  6  janvier,  sous 
l'empire  de  Maximin.  L'Eglise  fait  leur  fête 
le  9  janvier.  On  a  prétendu  que  le  crâne  de 
saint  Julien  l'Hospitalier  fut  a^^porté  <i'Orient 
à  Paris,  au  temps  de  saint  Grégoire  le  Grand  : 
une  partie  était  près  d'Etamjies,  à  l'abbaye 
de  Morigny,  h  laquelle  Brunehaut  en  avait 
fait  don;  l'autre  partie  était  à  Paris,  dans 
l'église  des  Chanoinesses  régulières  de  Sainte- 
Basilisse.  [Voy.  Chastelain.)  Il  est  à  regretter 
que  nous  n'ayons  pas  des  Actes  bien  cir- 
constanciés et  bien  authentiques  de  saint 
Julien  :  on  aimerait  à  savoir  jusqu'aux 
moindres  détails  d'une  existence  ainsi  con- 


sacrée au  bien  de  l'humanité.  Aimer  Dieu 
d'une  fa(;on  conlempl.itive,  [jasser  son  tem[)» 
en  oraisons,  en  {xalicpios  dévotes,  c'est  mé- 
riter sans  doute;  mais  ntms  trouvons  bien 
pins  parlait  et  bien  |)lns  cluétien  d'aimer 
Dieu  [)ar  la  charité,  de  se  sanctifier  [)ar  la 
charité,  celte  veitu  la  première  de  tontes,  la 
plus  snbliuK!  et  la  plus  céleste.  Aimez  vos 
semblables,  (pii  sont  les  mendjies  de  Jésus- 
Christ  ,  et  vous  l'aurez  aimé  suflisamment 
lui-même  ;  soulagez  les  souffrances  do  vos 
frères,  vous  aurez  soulagé  Jésus-Chiist  lui- 
môme.  Car  il  soulfro  en  nous,  il  gémit  en 
nous  :  nos  douleurs,  nos  misères,  notre  dé- 
tresse, tout  cela,  depuis  son  incarnation,  est 
devenu  son  partage.  Donnez  au  malheur  :  lo 
verre  d'eau  offert,  à  votre  porte,  au  mal- 
heureux qui  j)asse,  vous  ouvrira  le  chemin 
du  ciel.  Qu'il  y  a  loin  de  la  prati(jue  de  toutes 
ces  vertus,  que  le  christianisme  enseigne,  à 
ces  vertus  humanitaires  que  les  fais(,'urs  de 
.systèmes  veulent  de  nos  jours  mettre  à  la 
place  de  ce  qu'a  enseigné  Jésus-Christ.  Ah  I 
quoi  que  fassent  les  novateurs  qui  se  posent 
en  messies  parmi  nous,  l'Evangile  restera  le 
plus  sublime  des  codes  do  morale,  et  la  cha- 
rité la  première  des  vertus  que  puisse  enfer- 
mer Te  cœur  humain. 

JULIEN  (saint),  souffrit  le  martyre  avec 
les  saints  Diomède ,  Philippe,  Eufychien  , 
Hésique,  Léonide,  Philadelphe,  Ménalippe, 
Pantagappe.  Ils  accomplirent  leur  martyre 
les  uns  par  le  feu,  les  autres  par  le  glaive  ou 
sur  la  croix.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  2  sept. 

JULIEN  (saint),  martyr,  souffrit  la  mort 
pour  Jésus-Christ,  à  Damas,  avec  les  saints 
Sabin,  Macrobe,  Cassie,  Paule,  et  dix  autres 
dont  nous  ignorons  les  noms.  Nous  n'avons 
pas  de  détails  authentiques  sur  eux.  L'Eglise 
honore  leur  glorieuse  mémoire  le  20  juillet. 

JULIEN  (saint),  est  inscrit  au  Martyrologe 
romain  le  13  février.  Son  martyre  eut  lieu  à 
Lyon.  On  ne  sait  pas  autre  chose  sur  son 
compte. 

JL'LIEN  (saint),  reçut  la  palme  du  martyre 
à  Carthage,  avec  saint  Modeste.  L'Eglise  les 
honore  comme  martyrs  le  12  février. 

JULIEN  (saint),  fut  couronné  à  Héraclée 
le  même  jour  que  les  saints  Félix  et  Janvier. 
Nous  ne  possédons  point  de  documents  rela- 
tifs à  leur  martyre.  Ils  sont  inscrits  au  Mar- 
tyrologe romain  le  7  janvier. 

JULIEN  ^saint),  confesseur,  souffrit  pour 
la  défense  de  la  religion  et  de  sa  foi  dans  la 
ville  de  Césarée.  On  ignore  à  quelle  époque 
et  dans  quelles  circonstances.  Il  est  inscrit 
au  Martyrologe  romain  le  23  mars. 

JULIEN  (saint),  fut  honoré  de  la  palme 
glorieuse  du  martyre  sous  l'empereur  Maxi- 
mien, avec  les  saints  Théodore,  Océan  et 
Ammien,  Après  avoir  eu  les  pieds  coupés, 
ils  furent  brûlés  vifs,  et  achevèrent  ainsi 
leur  martyre.  Ils  sont  inscrits  au  Martyrologe 
romain  le  4-  septembre. 

JULIEN  (saint),  fut  martyrisé  en  Syrie 
avec  saint  Macaire.  Nous  ignorons  l'époque 
de  leur  martyre,  et  les  diverses  circonstan- 
ces qui  l'illustrèrent.  Ils  sont  inscrits  au 
Martyrologe  romain  le  12  août. 


1403 


JIL 


JLL 


140-4 


JULIEN  (saint),  fut  honoré  i!e  la  couronne 
du  inarlyro  on  Syrio,  et  dans  des  lirvOns- 
tances  que  nous  i;^norons  (nlièroriici.t.  11  est 
inscrit  au  MarlyrolOj^e  louiai-i  le  '26  août. 

JULIEN  (saint),  e^t  insiril  au  Martyrologe 
romain,  avec  saint  MarcuMi  et  huit  auires  qui 
nous  sont  uicoiinus,  le  9  août.  L'empereur 
Léon,  après  des  tourments  multi[)liés,  les 
fit  enlin  mourir  par  !e  glaive,  parce  qu'ils 
avaient  élevé  limage  du  Sauveur  sur  la  ).orte 
d'Au-ain.  à  Conslaiiiinoi)le.  Nous  n'avons  au- 
cun autre  document  sur  leur  compte. 

JULIEN  (saintj,  fut  couronné  à  Home  avec 
saint  Pierre  et  dix-huit  autres  dont  les  noms 
nous  sont  inconnus.  Leur  ma.tyre  eut  lieu 
dais  des  circonstances  et  à  une  époque  que 
nous  ignorons  entièrement.  Ils  sont  i.nsciils 
au  Mu  tyiologe  romain  le  7  août. 

JULILN  (saint),  reçut  la  couronne  du  mar- 
tyre en  Afrique,  avec  les  saints  Publius , 
Marcel  et  leurs  compagnons,  dont  nous  igno- 
ro  s  maiheureusement  les  noms.  L'Eglise 
fait  leur  fèie  le  19  février. 

JULIEN  (saint),  fut  martyrisé  en  Egypte,  à 
une  époque  et  dans  des  circonslano-s  qui 
nous  sont  complètement  inconnues.  11  eut 
pour  cum[)agnoiis  cinq  mille  autres  combat- 
tants ,  dont  les  noms  soit  tous  ignorés. 
L'Eglise  fait  collectivemenl  leur  fête  le  16 
février. 

JULIEN  (le  comte),  oncle  maternel  de  Ju- 
lien l'Apostat,  était  chrétien  sous  Constance. 
Dès  que  son  neveu  fut  i^arvenu  à  l'empire  , 
le  comte  Julien  apostasia  comme  lui.  11  fut 
nommé  gouverneur  d'Orient.  Après  son 
apostasie,  il  se  montra  ennemi  acharné  des 
chrétiens  et  ti-ès-ardeni  à  les  persécuter. 
Aussitôt  qu'il  fut  installé  dans  son  gouverne- 
ment, il  releva  les  idoles.  A  Antioche  il  lit 
fermer  les  églises,  et  chassa  tous  les  ecclé- 
siasti(pjes  qui  furent  obligés  de  se  disperser 
en  ditléreiits  lieux.  Quand  Julien  l'empe- 
reur eut  ordonné  qu'on  portAt  dans  son  tré- 
sor toutes  les  vichesses  de  l'Eglise  d'An- 
tiochc,  le  comte  Julien  fit  chercher  le  prêtre 
Tliéndorct,  qui  en  était  le  gardien  ou  ti'ésorier, 
qu'il  a[)pli(}uaà  une  rpicstion  très-rigoureuse, 
et  auquel  il  ht  ensuite  trancher  la  tôle.  {Voy. 
TuLOuoKin). 

le  couite  Julien  se  présenta  le  jour  même 
du  martyre  de  Tliéodoret,  jiour  piller  les  ri- 
chesses des  églisf.'S,  avec  Félix,  surintendant 
des  (inances,  et  El[)i(le,  trésori(,'r  du  do- 
maine. Quand  il  eut  pris  les  vases  sacrés,  il 
les  mit  à  terre,  s'assit  outrageusement  d(!S- 
sus,  ei  coiiuMit  d(;s  actions  telles  (pi'ii  répu- 
gne de  les  raconter.  Il  soulll(;ta  Imjzoius, 
évèijue  ajifii,  (pii  était  cm  jiossession  delà 
grande  église  d'Anlioche,  et  (pii  voulut 
s'opposer  à  cesaboininatio'is.  L(.' lendmnain 
le  (;oml(i  Julien  lendil  compte  à  rinnper(!ur 
de  e(;  qu'il  avait  fait  :  celui-ci  lui  témoigna 
son  méconlfMiteimnit  qu'il  eût  f.;it  mourir 
Il  1  chrétien    pour  c,.us(!  d(!  r  ligion,   disant 

ue  jo  fait  pourrait  aiiuMicr  les  chrétiens  à 
crir(5  contre  lui  et  h  l'accuser  comme  ses 
prédéc'sseurs.Le  comte  fui  tellement  alterré 
do    celte  réprimande,    (pi'il   en  ilemeurait 


ï 


comine  muet.  L'em;)ereur  pour  le  consoler 
lui  dit  de  venir  sacrdier  avec  lui  ;  après  le 
sacrilice  .  il  lui  olfrit  des  viandes  (pii  avaient 
é;é  immolée";  aux  dieux.  Le  comte  mangea 
f*»rt  Fi'ni,  tant  il  él  il  ému,  et  se  retira  chez 
lui.  Ce  qu'il  avait  mang'  lui  causa  une  ma- 
ladie d'entrailles  épmvantable  :  son  foie 
Sortait  avec  ses  excréments  par  la  bouche  ; 
les  parties  génitales  se  corrompirent  de  telle 
sorte  que  les  vers  s'y  mirent.  L'art  des  mé- 
decins, les  soins  les  plus  assidus,  tout  fut 
inutile  :  rien  ne  put  même  le  soulager.  Qua- 
rante jours  il  fut  sa  is  parole  et  sans  senti- 
ment. Sa  femme,  qui  était  chrétienne  et  f  irt 
pieuse,  lui  dit,  quand  il  fut  revenu  à  lui, 
que  tout  ce  qu'il  endura:t  était  u'^e  punition 
envoyée  par  Jésus-Christ,  à  cause  de  son 
apostasie  et  des  maux  qu'il  avait  fait  souf- 
frir aux  chrétiens.  Alors  le  comte  se  mettait 
à  prier,  demandait  grâce  et  voulait  renlrer 
dans  le  sein  de  l'Eglise.  Mais  après  ses  priè- 
res, il  ne  semldait  [las  plus  converti  qu'au- 
paravant. 11  supplia  l'empereur  de  rendre 
aux  chrétiens  les  égl  ses  qu'il  avait  fait  fer- 
mer ;  mais  il  n'en  reçut  que  cette  réponse  : 
«  Je  ne  les  ai  pas  fait  fermer  moi-même, 
hors  la  principale;  je  ne  les  ferai  pas  ouviir.  » 
Eniin  ce  malheureux  mourut  au  nnlieu  des 
n!us  atroces  douleurs,  dajis  la  puanteur  et 
l'infection. 

JULIEN  L'APOSTAT  {Flavius  Claudius 
Julianns),  empereur  romain,  était  fils  de  Ju- 
les Constance,  et  neveu  de  Constantin.  H 
naquit  à  Constantinople,  en  l'an  331.  Ici  ce 
n'est  f)as  son  histoire  que  nous  avons  à  faire  : 
nous  n'avons  qu'à  le  considé  er  comme  |)'n'- 
séculeur  de  l'Eglise.  Nous  ne  toucherons 
donc  que  les  points  qui  sont  utiles  à  notre 
sujet.  Julien  est  un  des  princes  à  l'égard  des- 
quels on  a  le  plus  dis[)uté.  Si  quelques  chré- 
tiens n'onlpasassez  rendu  justice  à  quelques 
(jualités  (ju'ij  est  juste  do  lui  reconnaitre  , 
les  i);tïens  dont  il  fut  le  protecteur  l'ont  loué 
outre  mesure.  De  nos  jours,  on  a  singulière- 
ment reliRussé  Julien  :  l'école  philosophique 
et  universitaire  a  trouvé  en  luiun  de  ses  pa- 
trons ;  elle  n'a  pas  fait  faute  à  l'exalter.  Ju- 
1  enest  en  (pielquesorle  le  Voltaire  des  temps 
passés,  moins  le  génie,  lia  persécuté  le  chris- 
tianisme à  la  façon  des  philosophes  et  des  es- 
prits forts  ;  aussi  n'est-il  pas  étounant  que  cer- 
tains hommes  aieit  prisa  t;\che  de  le  réha- 
biliter et  de  couvrir  de  leur  adiuiralion  tous 
les  crintîs,  toutes  les  fautes,  tous  les  vices 
de  Juliini.  Nous  avois  souvenir  entre  autres 
d'un  petit  prolesseiir  d'histoire,  dont  le  nom 
nous  échappe,  et  (pii  a  pris  pour  sujet  do 
thèse  Julien.  Ce  monsieur,  dont  nous  ne 
pouvons  nous  rappeler  sans  rir-e  l'air  gour- 
mé, la  pédantes(|ue  sullisan(;e,  et  la  vanité 
suintant  par  tous  les  pores,  avait  donné  h 
son  travail  les  (lualilés  qui  décoraiimt  sa 
p(U--onne.  Traitant  du  haut  on  bas  les  auto- 
rités,!'Sraints  les  |)lus  vénérés  dans  l'Kglise, 
C(!  petit  professeur  faisait  delà  vie  de  Julien 
un  récit  complètement  en  th-saccord  avec 
les  idées  reçues,  et  les  hisloriens  les  |)lus 
im|)arliaux.  Il  ohtnit  un  beau  suci^ès  devant 
ses  pairs  do   l'Université,    (jui    le  promu- 


\m 


JIL 


m. 


i'M 


ront  àiinofncnltt^oi'i  sa  faconde  et  sa  por- 
soiru>  loiil  les  délices  dos  bos-bleus  do  la 
loialilé. 

Lo  promior  maître  qu'ont  Julien  fut  lo 
malheur,  et  c'est  celui  qui  d'onliuaire  incul- 
que lo  mieux  ses  ensoiij;nemeuts.  Son  père 
rt  son  frère  furent  mis  <i  mort  par  ordri;  de 
Constance  ;  lui-même  ne  dut  son  salut  qu'à 
un  saint  èvè(]ue  (juc,  plus  tard,  il  traita  avec 
la  dernière  cruauté  :  la  reconnaissance  n'est 
pas  une  vertu  i)hiIosoplii(pie.  Dans  son  en- 
fance, Julien  reçut,  par  ordre  de  Constance 
(l'empereur  lils  do  Constantin),  une  éducation 
chrétienne  ;  il  fut  mémo  ordonné  lecteur, 
ainsi  que  son  frère  (lallus.  Ce  dernier  était 
foncièrement  chrétien,  l'autre  n'était  qu'hy- 
pocrite :  car  déjà  il  songeait  à  quitter  la  reli- 
gion chrétienne. 

Ici  qu'il  nous  soit  permis  de  répondre  à 
une  grande  phrase  dont  on  a  voulu  faire  une 
grande  pensée.  «  Nul  n'a  le  droit  de  sonder 
les  consciences.  Julien,  sa'is  avoir  été  hypo- 
crite, a  pu  suivre  ses  convictions  et  se  con- 
vertir à  la  religion  païenne.  »  Permettez-moi 
de  vous  répondre,  petits  rhéteurs  univer- 
sitaires, par  cette  autre  phrase  :  «  Si  Julien 
n'était  pas  convaincu  de  la  vérité  du  chris- 
tiaiiisme  quand  il  le  pratiquait,  il  était  un 
hypocrite  ;  s'il  en  était  convaincu  alors  et 
qu'il  se  soit  franchement  converti  au  paga- 
nisme, sans  vous  manquer  de  respect,  per- 
mettez-moi de  vous  dire  qu'il  était  un  imbé- 
cile; libre  à  vous  de  trouver  grand  et  admi- 
rable un  homme  qui  quitte  la  connaissance 
de  l'Evangilepour  Jupiter  et  pour  saséquelle, 
mais  libre  à  nous  d'en  appeler  de  vos  juge- 
ments à  ce  tribunal  qu'on  nomme  le  sens 
eonnnun.  Il  faut  être  passablement  outre- 
cuidant, pour  prétendre  faiie  un  grand  génie 
d'un  homme  qui  commet  cette  bêtise.  Qu'on 
en  fasse  un  ambitieux,  rien  de  mieux  ,  il 
pourra  même  alors  avoir  du  génie  ;  mais 
qu'on  avoue  du  moins  que  son  ambition  a 
pris  attention  au  but  et  non  aux  moyens  ; 
qu'elle  a  rampé  dans  la  fange  de  l'hypocrisie 
au  lieu  de  voler  hardiment  dans  le  chemin 
droit  et  visible  delà  franchise.  Pour  attein- 
dre aux  sommets  culminants,  l'aigle  vole  et 
le  serpent  rampe.  Tous  deux  personnifient 
deux  sortes  de  génie.  » 

Dès  que  Julien  fut  maître  de  ses  actions 
et  ne  craignit  plus  Constance  ,  il  se  déclara 
en  faveur  de  la  religion  païenne.  Pourtant  il 
dissimulait  encore  :  ainsi,  à  Vienne,  en  l'an 
361,  il  fit,  étant  déjà  auguste,  des  actes  de 
christianisme,  quoiqu'il  adorât  parfois  les 
idoles.  Ce  fut  en  lllyrie,  où  il  alla  en  quittant 
les  Gaules,  qu'il  comuiença  à  sacrifier  publi- 
quement et  à  faire  rouvrir  les  temples;  il 
exhortait  vivement  ses  sujets  à  faire  la  même 
chose.  Les  Athéniens  et  beaucoup  d'autres 
Grecs  obéirent  avec  empressement.  Quand 
il  vint  à  Constantinople  pour  y  procéder  à 
l'enterrement  de  Constance  ,  il  publia  un 
édit  par  lequel  il  ordonnait  qu'on  rouvrît  les 
temples ,  et  qu'on  recommençât  les  sacrifi- 
ces aux  dieux.  JuHen  prit  le  titre  de  souve- 
rain pontife  des   superstitions   romaines , 


ainsi  que  les  ompercnirs  avaient  coutume 
de  le  faire;  mais,  non  coulent  de  cela,  il  so 
fit  prophète  de  l'oracle  d'A()ollon  Dydime. 
JJaronius  prétend  (]u'il  se  fit  aussi  grand 
jxmlile  d'Kleusine,  mais  j(^  crois  (pic  c  est  à 
loi'l.  Le  grec  d'iiunape,  bimi  inlcr|)rété,  veut 
nu'Irne  dire  le  contraire.   Jidieii   ne   (xmvait 

f>as,  à  cause  de  ses  alfaires  noinbicnsos  ,  al- 
er  au  tcnnple  aussi  souvent  rju'il  l'aurait  dé- 
siré; d  lit,  poiu-  y  suppléer,  un  temple  do 
son  jai'din  ,  qui  était  plein  d'autels  consa- 
sacrés  à  ses  dieux.  Il  avait  dans  son  i)alais 
une  es|)èce  d'oratoire  ou  petit  temple  ,  con- 
sacré au  soleil,  qui  était  sa  divirnlé  de  pré- 
diiettion.  Aussitôt  son  levin-,  il  sacrifiait  à 
ses  dieux  dans  son  jardin;  il  sacrifiait  au  so- 
leil, à  son  lever  et  à  son  coucher;  la  nuit, 
il  faisait  la  même  chose  aux  divinités  noc- 
turnes ;  les  jours  de  grandes  fêtes,  il  se  ren- 
da.t  dans  les  t;'m[)les.  11  voulait  n'avoir  [)as 
seulement  le  titre  de  pontife,  mais  exercer 
les  fonctions  de  sacrificateur.  Il  allait  lui- 
même  chercher  le  bois  pour  les  sacrifices, 
allumait  le  feu,  tuait  les  victimes  de  sa  main, 
ce  qui  l'avait  fait  surnommer  le  boucher. 

L'ardeur  que  Julien  montrait  pour  le  culte 
idolâîrique  était  en  lui  non  moins  grande 
pour  la  destruction  de  la  religion  chrétienne  : 
la  première  chose  qu'il  fit  pour  commencer 
la  guerre  contre  elle  fut  de  rappeler  les  évo- 
ques bannis  par  Constance  pour  cause  do 
religion  :  c'étaient  les  plus  saints  prélats  de 
l'Eglise,  mais  peu  importait  à  Julien.  En 
agissant  ainsi,  il  voulait  mettre  en  présence 
les  dilférentes  sectes  religieuses,  pour  (lu'el- 
les  se  combattissent  et  se  discréditassent 
mutuellement.  H  faisait  venir  dans  son  pa- 
lais les  évêques  qui  étaient  en  dissentiment 
les  uns  avec  les  autres,  et,  sous  prétexte  de 
conciliation,  il  les  engageait  à  cesser  leurs 
disputes,  pour  s'appliquer  chacun  à  la  pra- 
tique de  la  religion  telle  qu'il  l'entendait, 
voulant  dire  par  là  que  toutes  les  façons  d'a- 
dorer Dieu  sont  également  bonnes.  Or  deux 
choses  sont  nuisibles  à  la  vérité  :  la  persé- 
cution directe  qu'on  lui  fait  subir,  et  d'un 
autre  côté  la  tolérance  et  la  protection  qu'on 
accorde  à  l'erreur.  Certes  ,  nous  ne  voulons 
I)as  dire  ici  qu'un  gouvernement  doive  se 
fairele  persécuteur  de  T'^rreur  et  le  souverain 
arbitre  des  croyances. Loin  de  nous  celte  pen- 
sée: mais  noussignalons  ici  lebut  de  cette  to- 
lérance hypocrite  de  Julien,  quivoulait  faire 
accepter  l'erreur  comme  aussi  bonne  que  la 
vérité.  11  fit  revenir  Aetius,  chef  des  ariens, 
et  lui  écrivit  une  lettre  amicale  ,  ainsi  qu'à 
l'hérétique  Photin.  il  se  fit  le  protecteur  des 
novatiens  contre  les  catholiques,  (t  leur  ac- 
corda tout  ce  qu'ils  lui  demandaient.  Il  té- 
moigna une  alfecti  n  toute  pariicul  ère  pour 
les  Juifs,  et  les  anima  autant  qu'il  le  put 
Contre  les  chrétiens.  Quand  les  prélats,  usant 
de  leurs  droits  de  premiers  pasteurs  de  l'E- 
glise, punissaient  leurs  subordonnés,  Julien 
s'en  déclarait  ouvertement  le  protecteur,  et 
prenait  à  tâche  de  les  faire  venir  auprès  de 
lui ,  de  les  combler  de  biens  et  d'honneurs 
Il  replaça  sur  le  trône  pontifical  un  nommé 
Etienne,  qui  avait  été  déposé  pour  ses  er- 


1407 


JUL 


JUL 


i408 


reurs  et  pour  la  corruption  de  ses  mœurs. 

Julien  voulait  ruiner  la  religion  chré- 
tienne; mais,  mieux  instruit  de  ce  qui  la 
concernait  que  les  princes  païens  qui  jusque- 
là  Tavaieut  pcrsécut('>e,  il  comprit  qu'il  ne 
devait  pas  suivre  la  même   marche  qu'eux. 

L'expérience  des  temjis  passé'^  lui  mon- 
trait que  la  violence  et  la  persécution  dé- 
clarée ne  faisaient  (lu'enflaiumer  le  zèle  des 
chrétiens,  et  que  leur  sang  versé  devenait 
une  semence  féconde  pour  le  progrès  et  l'a- 
grandissement du  christianisme.  D'un  au- 
tre côté,  il  voulait  se  donner  les  apparences 
de  la  justice  :  aussi  ne  voulait-il  pas  encore 
faire  une  guerre  ouverte  aux  chrétiens.  Il 
leur  enviait  le  titre  et  la  gloire  de  martyrs. 
Quand  il  les  faisait  souffrir,  il  voulait  qu'on 
crût  qu'ils  étaient  punis  pour  quelques  cri- 
mes indépendant  de  tout  motif  re'igieux. 
Peu  im|)ortait  aux  chrétiens,  dit  saint  Gré- 
goire de  Nazian/e ,  de  n'avoir  pas  la  gloire 
extérieure  de  leurs  souffrances,  [)0urvu  que 
ces  soull'rances  fussent  endurées  pour  la  vé- 
rité; de  n'être  pas  admirés  des  hommes, 
pourvu  qu'ils  fussent  vus  et  appréciés  par 
Jésus-Christ.  Dans  sonépître  41,  Julien  dé- 
clare qu'il  ne  veut  pas  qu'on  sévisse  contre 
les  Galiléens  (c'est  ainsi  qu'il  nommait  tou- 
jours les  chrétiens) ,  qu'on  les  traîne  aux  tem- 
ples et  qu'on  les  contraigne  à  sacrifier. 
,  «  Il  faut,  dit-il,  les  persuader  par  des  rai- 
sons, leur  faire  voir  qu'on  les  prend  en 
pitié,  comme  les  plus  misérables  des  hom- 
mes, parce  qu'il  n'y  a  point  de  plus  grand 
bien  que  la  vraie  religion,  et  de  plus  grand 
m.il  que  la  fausse.  »  Malheureusement  celte 
douceur  perfide  porta  ses  fruits  :  les  ré- 
ccunpenses,  les  honneurs,  les  caresses  dont 
il  comblait  les  apostats,  en  produisirent  un 
graid  nombre.  Du  nombre  de  ces  malheu- 
reux fut  Ecébole,  professeur  d'éloquence , 
qui  avait  anciennement  été  le  maître  de  Ju- 
lien, et  qui  préféra  sa  faveur  à  la  vérité. 
Après  la  mort  de  Julien  cet  homme  demanda 
à  rentrer  dans  le  giron  de  l'Eglise. 

Ce  fut  à  cette  époque  qu'un  vieil  évoque 
arien,  aveugle  depuis  quelque  teinps,  se  fit 
conduire  au  temple  àConslantino[)le,  où  Ju- 
lien sacrifiait ,  et  le  traita  publiquement 
d'impie,  d'athée  et  d'apostat.  Julien,  suivant 
sa  coutume,  tourna  la  chose  en  raillerie.  Il 
ne  lui  convenait  ])as  de  se  montrer  cruel 
[lourdes  faits  personnels.  Cetévê(jue  étailMa- 
ris  de  Chalcédoine.Il  ûta,sous  différents  ()ré- 
textes,  leurs  dignités  aux  ofliciets  qui  étaient 
à  sa  cour,  et  môme  en  fit  mourir  (pielques- 
ui:s.  Non  content  de  cela,  il  fil  tout  ce  qu'il 
put  |)our  bannir  le  christianisme  de;  ses  ar- 
mées; il  gagna  un  nombre  considérable  de 
soldats  qui  curent  la  malheur  de  préférer  la 
bienveill.ince  de  l'cjuipereur  h  leur  foi;  mais 
cf>iiime  beaucoup,  malgré  tout,  restaient 
fidèles,  Juli(;n  voulut,  par  un  subterfuge 
grossier,  faiie  croii*;  au  monde  (pie  tous  sa- 
crifiaient aux  faux  dieux  et  rcitioncaicMit  h 
Jés\is-(^hrist.  Sous  p/-él(;xle  de  ceilaines  libé- 
ralilés  à  faire  aux  soldats,  il  fit  dresser  près 
du  Inlju'i.d  où  il  siégeait,  |)Our  leur  faire  uik; 
distribution  d'argeul,  un  autel  sui- le(iuel  so 


trouvait  du  feu  et  de  l'encens.  On  n'y  voyait 
aucun  emblème  religieux,  aucune  idole; 
sans  cela  la  trom[)erie  n'eût  pas  réussi.  A 
mesure  que  les  soldats  se  présentaient  pour 
recevoir  leur  gratification,  on  leur  disait  de 
jeter  quelques  grains  d'encens  dans  le  feu; 
que  c'était  une  vieille  coutume  qu'on  renou- 
velait, mais  sans  importance.  Beaucoup  se 
laissèrent  prendre  à  cette  ruse,  qui,  quand 
ils  surent  qu'on  avait  prétendu  engager  ainsi 
leur  foi  aux  idoles,  en  témoignèrent  toute 
leur  horreur.  Ils  vinrent  sur  la  place  publi- 
que, et  dirent  qu'ils  n'avaient  pas  eu  l'inten- 
tion de  renoncer  Jésus-Christ,  que  l'action 
qu'ils  avaient  commise  avait  été  faite  sans 
aucune  intention  religieuse.  Il  y  en  eut  môme 
qui  vinrent  prouver  Julien  et  jetèrent 
à  ses  pieds  avec  dédain  l'or  qu'ils  avaient 
reçu  de  lui,  en  lui  reprochant  avec  indigna- 
tion la  lâcheté  et  l'ignominie  de  son  subter- 
fuge :  de  ce  nombre  était  un  nommé  Romain. 
L'empereur  fut  tellement  irrité,  qu'il  donna 
ordre  de  les  prendre  et  d'aller  les  décafiiter 
hors  de  la  ville.  Cet  ordre  allait  s'exécuter, 
et  déjà  le  bourreau  s'apprêtait  à  frapper  la 
première  victime,  quand  on  vit  arriver  un 
exjirès,  qui  vint  donner  contre-ordre  de  la 
part  de  l'empereur.  Ces  généreux  soldats,  à 
qui  on  refusait  le  titi-e  de  martyrs,  furent 
exilés  aux  extrémités  de  rem[)ire.  Julien  dit 
que  c'était  pourlui  avoir  manqué  de  respect; 
le  persécuteur  se  cachait  ainsi  sous  le  man- 
teau de  la  dignité  impériale  outragée.  Jovien 
et  Valentinien,  depuis  empereurs,  furent  du 
nombre  de  ceux  qui  protestèrent  contre  l'o- 
dieuse prétention  de  Julien. 

Un  peu  plus  tard,  Julien,  pensant  qu'il 
pouvait  oser  davantage,  commença  à  chas- 
ser des  villes  les  évoques  et  les  ecclésiasti- 
ques :  ain>i  fit-il  pour  Eleuse,  évoque  de  Cy- 
sic,  sous  prétexte  qu'il  avait  abattu  des  tern- 
ples  et  des  idoles.  Il  abolit  toutes  les  lois  que 
Constantin  avait  faites  en  faveur  des  chré- 
tiens; il  ordonna  aux  évoques,  à  tous  ceux 
3ui  avaient  détruit  des  temples  des  faux 
ieux  de  les  rebâtir  de  leurs  deniers.  Quand 
ils  ne  le  pouvaient  pas,  ils  étaient  mis  à  la 
question,  tourmentés  de  mille  manières,  em- 
prisonnés et  souvent  mis  à  mort.  Non  con- 
tent de  cela,  il  s'emparait  du  bien  et  des  tré- 
sors des  églises  ;  il  exclut  les  chrétiens 
de  toutes  les  charges  et  dignités.  Dans  U 
guerre  qu'il  fit  aux  Perses,  il  trouva  moyen 
de  tirer  des  chrétiens  tout  l'argent  dont  il 
avait  besoin,  en  ordoimant  que  tous  ceux 
(pii  refuseraient  de  sacrifier  payeraient  une 
taxe  exorbitante.  Cette  taxe  était  exigée 
avec  une  exlrômc  rigueur,  et  ceux  ciui  ne 
pouvaient  l'acquitter  étaient  exposés  a  tou- 
tes le^  vexations   et  h  tous  les  supplices. 

Fidèle  h  son  système  d'hostilité  contre  lo 
christianisme,  il  montrait  une  faveur  toute 
spéciale  aux  villes  (jui  |)rali(iuaient  la  reli- 
gion pan'une,  leui-  accordait  tout  ce  (lu'elles 
demandaient,  leur  faisait  môme  dire  do 
ne  pas  ciaindn»  d'user  de  ses  bonnes  (lis|)0- 
silions  à  1(mu-  égard.  Au  contraire,  (piand  lo 
chrslianisiiuî  lloi'issait  dans  des  villes,  elles 
étaient    sOres  de    ne   rien  obtenu"  de  lui  : 


1109  IUL 

Non-scnlemont  il  leur  refusait  toutes  les 
grAcos  qu'elles  pouvaient  solliciter;  mais  il 
se  détournait  de  son  elieujin  |)Our  n'y  pas 
entrer,  et  leur  nuisait  autant  (ju'il  le  pou- 
vait. Ainsi,  il  meiKiea,  pour  cette  cause,  la 
ville  de  Nisibe  de  ne  pas  la  secourir  et  de  la 
laisser  coniphUenient  <^  la  discri''ti(.n  des 
Pei'sos.  C'est  ainsi  encore  (pi'il  se  détourna 
d'iulesse,  qui  se  reeonunandait  par  la  inélé 
de  ses  li.ibilants.  Bienlùt  il  alla  jus(pr;\  dé- 
fendie  aux  chrétiens  d'enseigner  et  même 
d'étudier  les  lettres  humaines.  Cette  défense 
fut  l'objet  d'une  loi  expresse  et  spéciale 
qu'il  publia  au  commencement  de  son  ré- 
gne. La  prescription  portait  sur  la  rhétori- 
que, la  grammaire,  les  arts,  les  sciences,  et 
môme  la  médecine.  Ceux  qui  seraient  tentés 
(le  ne  pas  croire  h  un  pareil  édit  peuvent  le 
lire  tout  au  long  dans  liaronius,  263,  §313. 

Par  suite  de  cet  édit  beaucoup  de  profes- 
seui'S  se  virent  dans  la  nécessité  d'abandon- 
ner l'enseignement.  Ainsi  Marins  Victori- 
nus,  qui  professait  i\  Rome  avec  beaucoup 
de  succès,  dut  cesser  ses  leçons  d'éloquence. 
Le  philosophe  Proérèse  lit'  la  môme  chose. 
L'hypocrite  méchanceté  de  Julien  se  mon- 
tre dans  les  motifs  qu'il  allégua  en  portant 
cet  édit  tyrannique.  Il  en  prend  pour  pré- 
texte que  les  chrétiens  ne  doivent  pas  cher- 
cher autre  chose  que  la  simplicité  de  leur 
foi,  et  ne  pas  s'occuper  des  lettres  grecques 
qui  n'appartiennent,  disait-il,  qu'à  ceux  qui 
suivent  la  religion  grecque  ou  païenne. 
Aijisi  tout  ce  raisonnement  portait  sur  un 
jeu  de  mot  puéril,  sur  une  misérable  équi- 
voque. Pour  avoir  occasion  de  punir  comme 
criminels  d'Etat  ceux  qui  refuseraient  de 
rendre  aux  dieux  certains  honneurs,  il  fit 
faire  des  tableaux  qui  le  représentaient,  lui, 
tantôt  avecun  Jupiierqui,  sortant  des  nuées, 
le  couronnait,  tantôt  avec  un  Mars  ou  un 
Mercure,  ou  d'autres  dieux.  Il  faisait  placer 
ces  tableaux  dans  les  villes  pour  que  les  hon- 
neurs qu'on  devait  rendre  devant  eux  à  la 
personne  de  l'empereur  fussent  partagés 
par  les  dieux  qui  étaient  représentés  à  côté. 

Il  était  ravi  que  les  gouverneurs  des  pro- 
vinces persécutassent  les  chrétiens,  pourvu 
que  les  cruautés  qu'ils  commettaient  ne  pus- 
sent être  imputées  directement  aux  ordres 
qu'il  avait  donnés.  Il  leur  laissait  donc  à  cet 
égard  toute  latitude,  ainsi  qu'aux  peuples 
dont  les  séditions  fréquentes  s'élevaient 
contre  les  chrétiens.  Il  trouvait  toujours  ({uel- 
que  prétexte  pour  punir,  pour  déposer  les 
gouverneurs  qui  s'étaient  montrés  trop  doux 
à  l'égard  des  c'irétiens.  Quand  ces  derniers 
venaient  se  plaindre  h  lui  des  injustices 
dont  ils  étaient  victimes,  des  persécutions 
qu'on  leur  faisait  soulfrir,  il  leur  répondait 
que  leur  Evangile  les  obligeait  à  supporter 
les  injures  et  les  mauvais  traitements.  Sa 
tolérance  extrême  envers  les  violences  que 
commettaient  les  peuples  ou  [ilutôl  la  vile 
populace  des  cités,  montrait  que  tout  ce  qui 
se  faisait  ainsi  était  bien  dans  ses  volon- 
tés. 

Ce  fut  en  se  conduisant  de  la  sorte  que, 
sans  qu'il  y  eût  de  persécution  ouverte, 


JUL 


MiO 


Julien  persécuta  elTeetivement  les  chréti(!n? 
avec  beaucoup  de  violence,  et  qu'ils  furent 
obligés  de  s'enfuir,  d(;  se  cacher  [lartout  : 
c(!  (jui  n'cmpôcha  pas  qu'on  vît  des  martyrs 
dans  toutes  les  provinces  de  l'empire;.  Quand 
Jidicn  parvint  au  trône,  Tertullus  était  |)ré- 
fet  de  Konu!.  Après  lui  ce  fut  Maxiim;,  puis 
Apronien.  Tous  trois  étaient  paiiMis,  et  fi- 
rent des  martyrs.  Ainsi,  sous  Apronien, 
no;is  trouvons  h  Home  saint  Jean  et  saint 
Paul  {Voy.  leurs  articles).  S'il  faut  en  croire 
les  Actes  de  saint  (iordien,  il  souffrit  aussi 
à  Rome  sous  Julien  l'Apostat.  On  trouve 
aussi  saint  Léopard,  qualilié  au  Martyrologe 
doinestique  de  Julien.  Dans  le  reste  de  l'I- 
talie, il  y  eut  aussi  (juelques  martyrs  sous 
le  règne  de  Julien.  Le  plus  célèbre  de  tous 
est  saint  Donat,  d'Arezzo  en  Toscane.  A 
son  histoire  se  trouve  jointe  celle  de  saint 
Hilarin,  qu'on  dit  avoir  souffert  au  môme 
lieu  (jue  lui  quelque  temps  auparavant. 

Dans  les  Gaules,  s'il  faut  en  croire  Ba- 
ronius,  les  chrétiens  souffrirent  beaucoup 
sous  Julien  :  Saluste,  préfet  du  préfoire,  et 
son  vicaire  Dioscore,  se  montrèrent  très- 
acharnés  contre  eux.  Nous  avons  vu  le  mar- 
tyre de  saint  Elyphe  en  Lorraine. 

Si  de  cette  province  nous  passons  en 
Egypte,  nous  y  voyons  le  peuple  d'Alexan- 
drie se  porter  aux  violences  les  plus  exé- 
crables contre  les  chrétiens.  En  dehors  de 
cette  ville,  saint  Gallican  eut  la  tête  tran- 
chée par  ordre  de  Julien. 

Mais  rien  n'eut  plus  de  retentissement 
duiant  la  persécution  de  cet  empereur,  que 
la  rage  des  habitants  de  Gaza  en  Palestine. 
Les  trois  frères  Eusèbe,  Nestable  et  Zenon 
y  furent  mis  à  mort  par  la  po|)ulac  ■,  de  la 
façon  la  plus  cruelle  [Voij.  leurs  articles). 
Quand  les  habitants  de  Gaza  virent  de  sang- 
froid  les  excès  qu'ils  venaient  de  commettre, 
ils  craignirent  que  la  juste  indignation  de 
l'empereur  ne  leur  en  fit  porter  la  peine. 
On  disait  dans  le  public  que  le  prince  en 
était  fort  irrité.  Le  gouverneur  crut  qu'il 
était  de  son  devoir  de  prendre  l'initiative  : 
il  fit  arrêter  ceux  des  émeutiers  et  des  égor- 
gcurs  qu'on  lui  désigna  comme  les  plus  cou- 
pables, pour  les  faire  juger  et  punir  suivant 
la  rigueur  des  lois.  Julien  ne  partagea  lias  la 
manière  de  voir  de  ce  gouverneur.  Loin  d'ê- 
tre irrité  contre  les  habitants  de  Gaza  et  de 
le  leur  faire  voir,  il  ne  leur  en  fit  pas  seule- 
ment de  réprimande;  mais  il  fit  venir  le 
gouverneur,  le  [)riva  de  sa  charge  et  l'exila 
en  lui  disant  que  c'était  par  grâce  qu'il  lui 
laissait  la  vie.  Et  comme  ce  dernier  lui  re- 
montrait qu'en  agisscint  comme  il  avait  fait 
il  avait  simplement  mis  les  lois  à  exécution, 
Julien  lui  fit  cette  horrible  réponse  :  «  Eh 
bien  1  est-ce  donc  un  si  grand  mal,  quand  un 
Grec  aura  tué  dix  Galiléens?  »  Ces  paroles, 
comme  le  dit  saint  Grégoire,  n'étai.  nt-elles 
pas  un  édit  vériiable  de  persécution  lancé 
contre  les  chrétiens  ?  Tous  ceux  qui  avaient 
de  la  haine  contre  eux  ne  devaient-ils  pas 
se  croire,  n'étaient-ils  pas  en  elfet  autorisés 
aies  persécuter?  Ceux  qui  voulaient  faire 


iUl 


JllL 


JUL 


1412 


la  cour  au  prince  eu  flaUant  ses  instincts 
cruels  et  ses  haines,  n'avaient-il>  pas  ie 
ciiamp  libre  pour  courir  sus  aux  chiolicns 
ot  Us  mettre  à  mort?  Aussi  les  habitants  de 
Gaza,  encouragés  par  cette  abominable  coa- 
duite  (le  Julien,  se  laissèreit  aller  aux  plus 
détestables  excès  de  cruauté  :  ils  prirent  des 
chrétiens,  des  hommes  consacrés  j)ar  le  sa- 
cerdoce, des  vierges  vouées  au  Seigneur,  et 
leur  ouvrant  le  ventre,  commirent  toutes  les 
])rofanations  imaginables.  Ils  remplissaient 
dorge  leurs  eniraillcs  pour  les  faire  dévorer 
par  les  pourceaux.  (Tliéodoret,  1.  m,  ch.  3.) 
A  Séljaste  ou  Simarie,  les  païens  commirent 
un  autre  crime  énorme,  surtout  au  point  de 
vue  de  la  profanation  qu'ils  tirent  des  reli- 
ques les  plus  saintes  et  les  plus  vénérées. 
Ils  tirèrent  de  leurs  tombeaux  les  ossements 
de  saint  Jean-Ba|)liste,  le  saint  précurseur  de 
Jésus-Christ,  et  ceux  du  prophète  Elisée,  et 
les  brûlèrent  avec  des  ossements  danimaux. 
Ils  jetèrent  la  poussière  au  vent,  pour  que 
les  chré  iens  n'en  pussent  rien  retrouver  qui 
pût  devenir  pour  eux  un  obji'tde  vénération. 
Sil  faut  en  croire  IJaronius,  les  habitants  de 
S/baste  avaient  agi  par  l'ordre  de  Julien,  qui 
avait  commandé  que  toutes  les  villes  eu>sent 
k  ruiner  les  tombeaux  des  athées  (encore  un 
des  noms  que  Julien  donnait  aux  chré- 
tiens). 

En  Phénicie,  en  Syrie,  les  peuples  com- 
mirent des  horreurs  pareilles  à  celles  que 
nous  venons  de  voir  en  Palestine.  A  Damas, 
l'S  Juifs  brûlèrent  deux  églises;  celle  de 
Bér.vthe  fut  brûlée  par  le  comte  Magnus, 
qui ,  sous  Jovien ,  fut  oi)ligé  de  la  re- 
construire à  ses  dépens.  La  grande  basilique 
d"Emè^e  fut  profanée  |»ar  les  païens,  qui  y 
mirent  la  statue  de  Hacchus.  Julien  dit,  dans 
un  endroit  de  ses  ouvrages,  que  ceux  d'E- 
nièse  avaient  mis  le  feu  aux  tombeaux  des 
Galiléens.  11  faut  donc  croire  que  les  habi- 
tants de  cette  ville  ruinèrent  aussi,  eux,  oes 
églises  et  des  lieux  consacrés  au  cult(î.  L'E- 
glise dEpipbanie,  en  Syrie, fut  traitée  comme 
celle  d'Emèse.  Eustale,  arien,  en  était  alors 
évôjue.  Saint  Grégoire  manjue  toutes  ces 
profanations  quand  il  dit,  à  propos  de  la  mort 
de  Julien  :  «  Ils  ne  regarderont  plus  nos 
maisons  sacrées  avec  un  œil  de  malignité  et 
de  fureur,  pour  les  détruire  ;  ils  ne  souille- 
ront plus  avec  un  sang  détestable,  des  autels 
di'diés  h  un  sacritice  parfaitement  pur,  et  où 
on  ne  répand  point  de  sang;  ils  ne  désho- 
noreront plus  nos  sanctuaires  par  des  autels 
sacrilèges;  ils  ne  pilleront  plus  et  ne  profa- 
neront plus,  par  une  impiété  méli'e  d'ava- 
rice, des  richess(is  consacrées  à  Dieu  ;  ils 
ne  leront  plus  d'cHitrages  à  la  vieillesse  vé- 
nérablti  des  prêtres,  à  la  sainteté  des  diacres, 
h  la  pudeur  des  vieiges  saintes.  »  Tout  le 
monde  .sait,  dit  h;  luéme  saint,  ce  (pri  so 
firatiquait  h  lléliopolis,  au  pied  du  mont  Li- 
l)ari.  Onnimt  on  y  adorait  l-a  déesse  de  l'ini- 
piidicilé,  les  fenuiies  et  les  lilles  y  étaient 
jiublitpjcMiienl  iMi|)udi(pies.  (>e  (pji  ailleurs 
était  11(1  oriuie,  était  dans  cette  ville  un  aelo 
de  rt|i(^i(iri  iuitoi'isé  par  les  lois  <l  par  uik; 
VOUlumc  iuiinéiuurialu.  Couslaaliu  uvail  fait 


ce  qu'il  avait  pu  pour  convertir  les  ha- 
bitants et  pour  déraciner  ces  détestables 
coutumes.  Sous  Ju'ien,  ils  se  portèrent  aux 
actes  de  cruauté  les  plus  révoltants.  Pour  se 
venger  de  ce  que  Constantin  avait,  pai'  des 
lois,  réprimé  leurs  infamies,  les  babitants 
d'Héliopolis  se  saisire;;t  de  quelques  vierges 
chrétienni'S,  et  les  exposèrent  nues  aux  yeux 
de  tout  le  monde.  Ensuite  ils  les  rasèrent  et 
les  fendirent  en  deux.  On  dit  que  quelques- 
uns,  par  une  cruauté  inouïe,  mangèient  de 
leurs  entrailles  palpitantes  :  les  égorgeurs 
de  la  révolution  française  ne  faisaient  pas 
mieux.  Ils  agirent  de  même  à  l'égard  du 
saint  diacre  Cyrille  qui,  sous  Constantin,  mu 
par  un  zèle  ardent  pour  la  religion,  avait 
brûlé  un  grand  nombre  de  leurs  idoles.  Ils 
dévorèrent  son  foie  ;  mais  tous  ceux  qui  com- 
mirent cette  abomination  furent  subitement, 
dit  Suidas,  frappés  de  la  vengeance  céleste. 
Toutes  leurs  dents  tombèrent  à  l'instant 
môme,  leur  langue  pourrit  jusqu'à  la  racine 
et  leurs  yeux  furent  frappés  de  cécité. 

Saint  jMarc  était  évêque  d'Aréthuse,  petite 
vil-e  de  la  Syrie,  sous  Constance;  ce  prélat, 
usant  de  la  permission  que  lui  donnaient 
les  lois,  avait  forcé  un  grand  nombre  de 
païens  do  prendre  le  nom  de  ch;  éticns,  et 
avait  démoli  une  église  fort  vénérée,  où  les 
païens  avaient  assemblé  de  grandes  riches- 
ses, et  pour  laciuelle  ils  avaient  une  très- 
grande  vénération.  Dès  q  \c  les  habitants 
paï.ns  eurent  appris  l'inclination  de  Julien 
pour  les  idolâtres,  leur  fureur  se  déborda 
avec  d'autant  plus  de  violence,  qu'ils  lavaient 
concentrée  plus  longtemps.  Julien,  du  reste, 
les  appuyait  complètement  contre  l'évèque. 
11  l'avait  condamné  à  faire  rebâtir  le  temple 
qu'il  avait  démoli,  ou  à  en  payer  le  prix. 
Marc,  voyant  qu'il  ne  pouvait  venir  h  bout 
de  payer,' et  du  reste,  prétendant  qu'il  ne  lui 
était  pas  permis  d'obéir,  jugea  à  propos  de 
se  retirei-,  pour  éviter  la  fureur  du  peuple  ; 
niais  ayant  appris  que  beaucoup  de  per>on- 
nes  étaient  arrêtées  et  mises  en  justice  à 
cause  de  lui,  il  préféra  s'ex|)Oser  à  tout.  Il 
revint  du  lieu  où  il  éttit  caché,  se  présenta 
au  peu[)lc,  et  se  livra  h  tous  les  tour-ments 
que  sa  cruauté  lui  pré[)aiait.  La  populace, 
s'emparant  de  lui,  le  traîna  par  les  rues,  lui 
ht  soutfrir,  comme  on  |)eut  le  voir  h  son  ar- 
ticle, les  |)lus  é|)Ouvantables  tourments. 
Marc  était  un  de  ceux  qui  avaient  sauvé  la 
vie  à  Julien,  en  l'enlevant,  tout  jeune,  du 
palais  de  Constance.  {Voy.  Mauc.) 

A  Césarée  de  Cappadoce,  Julien  montr-a 
sa  liaine  contri!  le  nom  chrétien.  Cette  ville 
avait  détruit  un  célèbre  lem[)le  de  la  Eorlune 
qui  était  dans  ses  murs.  Julien,  pour  la  pu- 
nir, lui  ôta  son  nom  de  Césarée,  ({u'elle 
j)orlait  depuis  Tibère,  et  la  for'ça  de  lepien- 
dre  son  ancien  nom  de  Ma/aca.  Il  exigea 
des  églises  de  la  ville  et  de  son  teiriloiio 
une  taxe  de  trois  cents  livres  d'or.  César-ée 
lui  rayée  di;  la  liste  des  cités,  il  enr'ôla  tous 
les  eci:lésiasti(iues  comme  archers  de  la  |)0- 
lice,  ordtjnna  aux  chrélicns  de  reb.Hir-  le 
leiii|ih.'  (pii  avail  é;é  abattu,  plus  ceux  d'A- 
pollu.i  et  de  Jupiter,  (pii  avaient  été  di'liuils 


iiis 


mi 


sons  SOS  prédiVosseurs.  11  menaçait  la  ville  ># 
et  surtout  les  (inliléens  de  toute  sa  tolère, 
s'ils  n'exécutaient  pas  ses  ordres  :  probable- 
ment (lu'il  (iiU  misses  menaces  h  evécuiiuii, 
si  la  guerre  de  Perse  n'eût  ajnené  la  tin  de 
sad  niination,  e'i  lui  faisant  trouver  la  moit 
là  où  il  espérait  trouver  la  victoire.  Ce  Tut  <^ 
cotlQ  occrtsioa  que  saint  Kupsyquo  soullrit 
le  martyre. 

A  Ancyre  en  dalatie,  un  chrétien  nommé 
Busiris  se  distingua  jiar  un  courage  extraor- 
dinaire (Ko»/ •  ^<^''  article).  Saint  'i'imotliée, 
évéque  dePruse  en  IJithynie,  eut  la  tète  Iran- 
rhée  sous  Julien.  A  Mérus,  dans  la  Phrygie 
Salulaiie,  on  trouve  le  ma.  tyre  de  ti'ois  s  i'its 
nonnués  Macédone ,  Tliéodule  et  Tatien 
{Vou.  leurs  articles).  Par.anl  de  Constajiti- 
nojle  pour  aller  en  Perse,  ù  la  fin  du  mois 
de  mai,  Julien  passa  à  Clialcédome.  Il  con- 
danma  à  mort  dans  celle  vdie  trois  chré- 
tiens (leisans,  Manuel,  Sabel  et  I.-maël  {Voy. 
leurs  arlic!es.)  Arrivé  à  Ancyre,  Julien,  ayant 
appris  qu'un  saint  |)i6tre  qui  se  nounnait 
Basile  était  en  prison,  le  tit  amener  devant 
lui,  et  (il  en  sorte  (ju'on  le  mil  à  mort  {Voy. 
les  Actes  de  saint  Basile).  Il  faut  encore 
mi'tlre  ici  le  martyre  de  sa  ni  PMlorome,  de 
saint  Artine,  duc  d'Egyj  te,  de  saint  (lemelle 
de  Paphiagonie,  et  de  quelques  audes. 

Quand  Julien  fut  airivé  à  Anlioclus  il  fit 
son  po>sib!e  pour  soidever  le  p(uplc  de 
Bostres  contre Ti le,  son  évèiiue;mais  la  lettre 
qu'il  écrivit  {)0ur  cola  cemeura  sans  elfet. 
A  Aiitioche,  il  eut  la  sottise  de  vouloir  pol- 
luer les  fontaines  et  les  aliments,  en  y  faisant 
jeter  soit  des  viandes  soit  de  l'eau  consa- 
crées aux  dieux,  alin  que  tous  ceux  (jui  en 
feraient  usage  rei  diss  nt  ainsi  un  hommage 
forcé  à  ses  divinités.  Mais  les  chrétiens  s>' 
moquèrent  de  lui,  et,  suivant  l'avis  de  saint 
Paiil,  mangèrent  les  choses  qui  leur  étaient 
nécessaires  sans  attacher  d'impor  ance  h  ce 
qu'avait  fait  Julien,  et  sans  s'en(]uérir  en 
aucune  façon  si  elles  avaient  éié  ou  non 
souillées  par  la  ridicule  manie  de  ce  prince. 
C'est  ici  qu'il  faut  mettre  le  martyre  de 
STint  Juventin  et  de  saint  M<!ximien  (Voy. 
hnu's  articles),  la  confession  célèbre  de  saint 
Théodore,  la  fermeture  et  le  }  illag  •  de  l'é- 
glise d'Antioche  et  le  martyre  de  saint  Théo- 
Boret. 

Non  content  de  ce  qu'il  faisait  souffrir  aux 
chiéliens  par  l'abus  de  son  pouvoii',  Julien 
Youlut  leur  faire  une  autre   guerre  :   il  se 
crut  assez  de  talent  pour  entrer  dans  la  po- 
lémique religieuse,  et  il  écrivit  contre  eux. 
Le  peuj)le  d'Antioche  s'était  moqué  de  lui 
d'une  manière  cssez  ouverte  pour  lui  être 
fort  Sfnsible  :  il  s'en  vei'gea  par  une  saiire 
contre  la  ville  et  par  un  livre  qu'il  fit  contre 
les  chrétiens.  Suivant  saint  Jérôme,  cet  éci'it 
reiifermaiil  sept  livres;  ce  Père  cite  un  pas- 
sage du  se[)tième.  Saint  Cyrille  d'Alexandrie, 
qui  réfuta  cet  ouvrage  cinquante  ans  aj  rès, 
lie  compte  que  trois  livres  :  cela  tient  pro- 
Ijablement  à  ce  qu'on  divisa  dilféremment 
ce  livre  de  Julien.  Socrale  rapporte  quelques 
ligiies  du  troisième  de  ces  livres;  il  fait  voir 
que  Julien  n'entend  pas  s'adresser  aux  per- 


sonnes  instruites  et   intolligonles  pour  les 
convaincri;,  mais  bien  h  la  masse  ignorante 
cl  crédule,  (\ni\  espère  gagner  par   le   Inn 
plais  lul  I  t  de  mauvais(!  raillerie  (pj'il  |»reii(|. 
Quoiqu'il    n'y  d'il  lien  de  .solide  d  ns  ses 
ouvrages,  ils  n(!  laissèrent  pasdii  surfxendre 
un  grand  nombre  de  f)ersounes  l'aibl".s.  L'é- 
légance du  style  et  sa  touinur-e  railh  us(!  et 
gaie  ne  furmil  pas  pour  j)eu  de  chose  dans 
ce  résultat.  Comme  il  avait  été  chrétien,  on 
lui  supposait  une  grande  connaissance  des 
Kcritures,  et  sans  cesse  les  païens  objectaient 
de  ce  ({u'il  avait  fait,   surtout  parce  qu'on 
ne  l'avait  pas  réfuté.   Ce   fut  ce   motif  qui 
engagea  saint   Cyrille  à  le   combattre  cin- 
quante  ans  i)lus  tard.   Au  commencement 
de  3G3,  nous' trouvons  le  martyre  de  saint 
Bono^e  et  de  saint  Maximilien.  Ils  ne  souf- 
frirent nue  trois  jours  a[)rès  la  mort  du  comte 
Julien   [Voy.  h-urs  articles).   Julien   conçut 
un   projet  qui,  suivant   lui,   n'allait  à  rien 
moins  qu'à  Oétrun-e  le  clui.^lianisme,  en  rui- 
nant l'ail lurilé  des  piophélies,   en  démon- 
tianl  la  fausseté  des  Ecritures  sa  nies.  Il  ht 
tout  ce  qu'il  put  pour  s'attacher  les  Ju.fs  et 
}  our  les  amener  à  entrer  dans  ses  desseins. 
Sozomène  parle  d'une  lettre  très-amicale  et 
liès-engageai  le  qu'il  leur  écrivit,  au  com- 
menc( ment  de  .«on  règne.  Il  leur  dit,  entie 
autres  choses,  qu'il  a  arrêté  un  nouvel  impôt 
dont  Constance  prétendait  les  surcharger, 
qu'd  a  brûlé  tous  les  mémoires  sur  lesquels 
on  se  fondait  pour  l'établir,  et  fait  mourir 
tous  ceux  qui  avaient  contribué  à  le  vouloir 
faire  établir.  Il  (inissail  sa  lettre  en  leur  pro- 
mettant que   s'il  revenait  de  la  guerre  de 
Perse,   il    rebâtirait   la   cité  mainte   et  leur 
t(Mni)le,  comme  depuis  longtemps  ils  le  dé- 
siraient, et  qu'avec  eux  il  y  célébrera  l  la 
gJo  je  du  Tout-Puissant.  Certes,  Julien  man- 
quait de  franchise  en  écrivant  ainsi  ;  car,  à 
la  façon  dont  il  se  moquait  des  prophètes, 
on  (lovvail  voir  qu'il  était  aussi  ennemi  de 
la  religion  juive  que  de  la  religion  chré- 
tienne. Admettre  l'une  ou  l'autre  c'était  ré- 
pudier le  paganisme  et  avoir  horieur  de  ces 
dieux  de  pierre  ou  de  ces  dieux  infâmes  que 
les  païens  adoraient.  Son  but,  en  agissant 
comme  il  le  faisait,  était  d'à  tirer  dans  son 
camp  quelques  .««oldats  de  plus  pour  com- 
battie  le  christianisme,  qui  était  son  en- 
nemi de  prédilection.  Peu  lui  importait  quels 
fussc'nt  ses  auxiliaires,  pourvu  qu'ils  atta- 
quassent avec  acharnement  lennemi  com- 
mun; pourvu  qu'ils  trouvassent  dans  leur 
haine  contre  Jesus-Christ  la  rage  qui  l'ani- 
mait lui-même;  jîourvu  qu'ils  lançassent  à 
ses  sainls  la  houe,  la  pierre  ou  le  gl  ive.  Du 
reste,  les  Juifs  se  monti  èrenl  les  alliés  fidèles 
de   Julien  :  ils  biûlèrent  la   grande  église 
dAlexandiie;    ils   en   détruisirent   deux  à 
Damas,  et  d'autres  encjre  en  divers  autres 
lieux.   Julien,  pour  les  flatter,  et  peut-être 
aussi  pour  les  amener  à  ruiner,  par  leur 
adhésion  à  ses  erreurs,  l'autorité  des  saintes 
Ecritures,  voulait  leur  persuader  de  sacri- 
fier, et  s  étonnait,  disait-il,  qu'ils  ne  le  fis- 
sinii  plus.  Leur  Dieu,  leur  disait-il,  était  le 
même  que  les  païens  adoraient  sous  d'autres 


1415 


jul 


ICL 


1416 


noms,  le  créateur  Cv  le  souverain  régulateur 
du  inonde  sensible,  le  suprême  arbitre  de 
toutes  choses.  Il  le  nommait  tout-puissant 
et  très-bon.  Les  Juifs  malgré  eux,  furent 
forcés  de  lui  avouer  qu'ils  ne  pouvaient  sa- 
crifier ailleurs  que  dans  la  cité  sainte  et 
dans  le  temple.  «  Si  vous  voulez,  lui  di- 
saient-ils, que  nous  offrions  des  sacrifices, 
rendez-nous  la  ville  de  Jérusalem;  réédifiez 
notre  temple,  relevez  notre  autel,  faites- 
nous  revoirie  saint  des  saints,  et  alors  nous 
sacrifierons  avec  autant  de  zèle  que  nous 
avons  fait  autrefois.  » 

C'est  ainsi  que  Julien  voulait  amener  les 
Juifs  à  lui  demander  ce  qu'il  avait  une  envie 
excessive  de  faire,  alin,  comme  je  le  dis 
plus  haut,  de  démontrer  la  vanité  de  la  sen- 
tence que  Jésus-Christ  avait  portée  contre 
Jérusalem  et  contre  le  temple.  Il  leur  fit 
donc  croire  qu'il  avait  trouvé  des  livres  où 
il  était  dit  que  les  temps  étaient  venus  pour 
la  reconstruction  du  temple,  qu'ils  devaient 
se  hâter  de  retourner  dans  leur  patrie,  pour 
l'exécution  de  ce  dessein  magnifique.  En 
outre,  il  ordonna  à  ses  trésoriers  de  fournir 
l'argent  nécessaire  à  cette  dépense,  qui  de- 
vait être  énorme.  Il  assembla  de  toutes  parts 
des  ouvriers,  des  architectes  et  toutes  les 
personnes  capables  de  concourir  à  cette  en- 
treprise, à  la  tête  de  laquelle  il  p'aça,  comme 
ordonnateur  général,  comme  chef  suprême, 
le  comte  Alype  d'Antioche,  ancien  vicaire 
du  préfet  de  la  Grande-Bretagne.  L'empres- 
sement que  mit  Julien  à  cette  œuvre  fut  se- 
condé par  l'empressement  non  moins  grand 
qu'y  mirent  les  Juifs  :  ils  firent  savoir  dans 
touî  l'univers  à  ceux  de  leur  nation  les  or- 
dres et  les  permissions  qui  leur  étaient 
donnés;  on  vit  accourir  ces  proscrits  de  tous 
les  points  du  monde,  apportant  leurs  ri- 
chesses de  toutes  sortes  pour  contribuer  au 
grand  œuvre  de  régénération  nationale  et 
religieuse.  L'enthousiasme  était  si  grand, 
que  quand  les  travaux  commencèrent,  on 
vit  tout  le  monde  y  prendre  part  :  les  fem- 
mes, môme  celles  de  la  plus  haute  condition, 
sans  se  soucier  de  leurs  fatigues  ni  du  tort 
qu'elles  friisaient  à  leurs  habits  précieux, 
portaient  la  terre  et  les  pierres.  On  raconte 
que  les  Juifs  avaient  fait  des  bêches,  des 
boyaux  et  des  panniers  d'argent.  Ils  étaient 
si  glorieux  et  si  tiers,  dit  Kutin,  qu'on  eût 
dit  qu'ils  avaient  encore  parmi  eux  des 
prophètes  comme  jadis  ,  (juand  leur  terre 
était  la  terre  des  miracles,  et  que  chaque 
sommet  retentissait  de  la  parole  inspirée. 
Ils  insultaient  aux  chrétiens,  les  menaçaient 
de  les  traiter  i)lus  tard  de  la  même  manière 
qu'eux-mêmes  l'avaient  été  j)ar  les  Romains. 
Ils  voyaient  déj'i  en  pensée  leur  ancienne 
autorité  ot  leui-  puissanc*;  rétablies;  ils  no 
p/irlaieiit  que  de  guein;,  de  confjuêtes  et  de 
massacres.  On  sait  (pie  les  Juifs  j'êvent  la 
dom  nation  tem[)orelle  du  monde.  Leur  oi- 
gueil,  leur  vanité,  les  rendaient  aussi  in- 
sup[)0itables  que  ridicules.  Saint  Cyiille 
élrtit  alors  évê(iue  de  Jérusalem  :  dans  ces 
graves  circonstances ,  le  saint  évê(jue  re- 
courut il  l'arsenal  des  vérités  chrétiemies.  Il 


ouvrit  les  Écritures  saintes  pour  y  lire  Da- 
niel, pour  y  revoir  avec  so  n  les  paroles  du 
Sauveur  du  monde.  Alors  il  se  moqua  ou- 
vertement de  l'entreprise  des  Juifs,  et  sou- 
tint fermement  qu'ils  ne  pourraient  pas  seu- 
lement élever  une  pieire  sur  une  autre.  En 
ed'et,  on  sait  comment  se  termina  cette  en- 
treprise h  la  gloire  de  Jésus-Christ  et  de  l'o- 
racle qu'il  avait  rendu,  à  la  confusii  n  de 
ceux  qui  voulaient  faire  passer  sa  par  le 
pour  vaine.  Les  Juifs  démolirent  ce  qui 
restait  du  temnie,  vérifiant  ainsi  de  plus  en 
plus  cette  parole  qu'il  ne  resterait  pa<  pierre 
sur  pierre,  et  ensuite  creusèrent  les  fonde- 
ments pour  bîltir.  Mais  i'ouvrage  qu'ils 
avaient  fait  se  comblait  durant  la  m  it ,  la 
la  tempête  et  des  tourbillons  de  vent  enle- 
vaient et  dispersaient  au  loin  les  matériaux 
qu'ils  avaient  assemblés.  Un  tremblement 
de  terre  effroyable  combla  tout  ce  qu'ils 
avaient  creusé,  renversa  sur  leurs  travaux 
une  partie  des  édifices  voisin*,  et  fit  périr 
sous  les  ruines  un  grand  nombre  d'entre 
eux.  Ces  enseignements  de  la  volonté  divine 
ne  leur  suflisant  pas,  ils  se  mirent  à  travailler 
de  nouveau;  mais  à  mesure  qu'ils  creusaient 
la  terre,  des  feux  en  sortaient  qui  brûlaient 
les  travailleurs,  leurs  .outils  et  leurs  maté- 
riaux. Des  globes  de  feu  les  poursuivaient 
dans  leur  fuite.  Un  grand  nombre  ayant 
voulu  se  réfugier  dans  une  église,  il  en 
sortit  des  flammes  qui  les  dévorèrent.  La 
môme  cbose  eut  lieu  dans  une  cave  qui  dé- 
pendait de  l'ancien  temple,  et  où  ils  ramas- 
saient une  [lartie  de  leurs  outils  pour  tra- 
vailler :  tous  ces  outils  furent  réduits  en 
cendres,  et  les  Juifs  qui  voulurent  entrer 
dans  la  cnve  furent  consumés  aussi. 

Ainsi  les  Juifs  lurent  obligés  d'abandonner 
cette  entrepr.se  })Our  laquelle  ils  avaient 
montré  tant  d'ardeur  et  qui  devait,  à  les 
en  croire,  être  couronnée  de  plein  succès  et 
amener  le  rétablissement  de  leur  puissance. 
Les  lémoigu' ges  qui  constatent  ce  miracle 
sont  irrécusables. A  parties  historiens  catho- 
liques ou  appartenant  aux  sectes  dissidentes, 
à  part  les  Pôies  de  l'Eglise  qui  le  racontent, 
nous  avons  Ammien,  historien  ennemi  du 
christianisme,  qui  reconnaît  que  le  con)te 
Alype,  chargé  par  Julien  de  la  recons'rnc- 
tion  du  temple  de  JéiusaKin,  fut  obligé 
d'abandonner  cette  entrejirise,  parce  quil 
sortit  plusieurs  fois  des  fondements  des 
globes  de  iUunmes,  qui  brûlaient  les  travail- 
leurs, et  (|ui  rendaient  ce  lieu  complètement 
inaccessible  po\n"  eux.  Sozomè'ie  en  a  écrit 
le  récit  d'après  les  dires  de  personnes  cpii 
avaient  vu  les  témoins  oculaires  de  ci's  faits 
miraculeux  :  saint  Chrysnstome  dit  (pie  de 
son  temps  on  voyait  ericoi-e  ouverts  les  fon- 
dements (jue  les  Juifs  avaient  creusés,  chose 
(jue  la  ProvideiKX'  avait  |)erinise,  alin  (pi'on 
no  pût  jtas  révo(pier  ei  doute  ce  (]u'ils 
avaient  enlre))ris  de  fan-e.  Dans  h»  mémo 
temi)S  une  croix  lumineuse  jiarut  dans  les 
airs,  s'élendanl  depuis  le  calvaire  jus(|u'à 
la  montagne  des  Oliviers.  Puis  les  habits  de 
tout  le  monde,  et  piincinalemeiit  des  Juifs, 
se  trouvèrent  marqués  d'uiio  multitude  do 


1411 


JUL 


JUL 


llIR 


croix  qiii  rost^ront  ineffaçables  tant  que  dii- 
rèiviil  CCS  habits. 

Julien  l'ut  obligé  de  s'avouer  vaincu,  m;u"s 
il  n'en  persista  pas  moins  dans  son  avcu- 
,  gienient,  ainsi  que  la  grande  niajoritr  des 
juifs,  doscjnels  beaucouj)  eeix'ndaiil  l'uterit 
frappés  de.  ces  miracles  et  s'allcicnt  jcler 
aux  pieds  des  prtHrcs,  |H)ur  demander  de 
rec(>v;)ir  le  l)a[)tôme  et  d'imlrer  dans  le  sein 
de  l'Eglise,  ce  qui  leur  fut  accordé.  Ammien 
■assure  que  cet  événement  arriva  au  com- 
mencement de  303.  Rien  ne  nous  empoche 
«l'admeitre  cette  date. 

Julien,  qui  avait  entrepris  de  ruiner  par 
ton*  les  moyens  possibles  la  i-eligion  chré- 
tienne, mais  ([ui  voyait  (pie  la  majesté  de 
son  culte  et  de  ses  enseignements,  la  sainteté 
tle  sa  morale,  la  rendaient  supérieure  au 
paganisme,  comme  la  lumière  du  soleil  est 
supérieure  aux  ténèbres  de  la  nuit  la  plus 
profonde,  résolut  de  transporter  dans  le  culte 
i)aïen  tout  ce  qui  l'ait  la  grandeur,  la  beauté, 
la  sainteté  du  catholicisme.  Ainsi  dans  chaque 
ville  il  voulut  instituer  des  écoles  comme 
avaient  fait  les  ministres  de  l'Evangile  ;  dans 
chaque  temple,  une  hiérarchie  vraiment 
ecclésiastique,  des  prières  et  des  chants  sem- 
blables à  ceux  des  chrétiens.  11  voulait  en 
outre  instituer  des  Iwpitaux  pour  singer  la 
charité  chrétienne,  des  maisons  de  moines 
et  de  vierges  ;  puis  partout  des  aumônes  et 
le  soin  des  pauvres.  Julien  voulait  pratiquer 
les  vertus  chrétiennes  en  leur  donnant  une 
autre  base.  Il  agissait  comme  un  architecte 
qui,  voyant  un  temple  magnifique,  largement 
assis  sur  une  montagne  majestueuse  et 
solide,  voudrait  en  construire  un  i)arcil  sur 
un  grain  de  sable.  A  tout  monument  il  faut 
une  base  suffisante,  à  toute  vertu  il  faut  un 
mobile  suffisant  aussi.  Or,  le  paganisme  était 
impuissant  à  rien  produire  qui  pût  jamais, 
je  ne  dis  pas  égaler,  mais  même  imiter  faible- 
ment et  de  loin  ce  que  faisait  la  religion 
évangélique.  Le  paganisme,  vieil  arbre  aux 
feuilles  mortes,  avait  produit  ses  fruits,  fruits 
amers  pour  l'humanité,  fruits  de  honte, 
d'immoralité  et  de  décrépitude.  Le  paganisme 
avait  ses  racines  séchées  et  ses  branches 
mortes.  Eût-il  été  d'ailleurs  dans  toute  sa 
vigueur  qu'il  n'eût  pas  pu  donner  autre 
chose  que  ce  que  nous  savons  de  lui.  Comme 
dit  l'Evangile,  on  connaît  l'arbre  à  ses  fruits 
et  réciproquement.  Julien,  voyant  que  tout 
ce  qu'il  imaginait  pour  ruiner  la  religion 
chrétienne  ou  restait  sans  succès,  ou  tournait 
à  sa  confusion,  entra  dans  les  accès  d'une 
fureur  extraordinaire.  11  prit  dessein  de 
faire  par  la  violence  ce  que  ni  ses  ruses,  ni 
ses  habiletés  mesquines  n'avaient  pu  faire. 
Il  songea  à  faire  une  persécution  telle,  que 
celle  des  Dèce,  des  Dioclétien  et  des  Galère, 
ne  fussent  rien  à  côté.  Il  ajournait  à  exécuter 
ces  projets  féroces  après  les  victoires  qu'il 
se  promettait  en  Perse,  et  la  conquête  de 
cet  empire.  Les  lauriers  d'Alexandre  lui 
portaient  ombrage,  et  son  ambition  rêvait 
de  promener  sa  gloire  plus  loin  que  n'avait 
fait  la  sienne  cet  homme  étonnant,  qui 
j-emplit  en  quelques  années  l'univers  de  sa 
DiCTiONN.    DES  Persécutions.  I, 


gloire.  Julien  disait  en  forme  rio  raillerie, 
(pi'd  remettait  la  guerre;  co-itre  les  chrétiens 
après  celle  de  Perse,  parce  ([uc  cdic  (h-rnièn; 
étant  la  moins  imporlanU;,  il  (enail  à  promp- 
tement    s'en  débarras.->er.  Dans  l'alterite  (ïo 
ce  nouveau  combat,   l'Eglise  faisait  inoiitiT 
au  ciel  ses  piières  et  ses  supplie  ations  :  jour 
et  nuit  on  priait.  Julien  ))arlit  pour  la  guerre 
de   Perse.  Déjà    la  vengeance    céleste    était 
prèt(î  :   en   allant    de  Hérée  à  fliéraph;,    il 
passa  par  le  territoire  de  Cyr.  11  vit  dans  un 
certain    li(;u  beaucoup  de  monde  assembh'; 
devant  une  caverne.  Ayant  demandé  ce  (pji 
se  passait,  il  ai)i)rit   que.  cette  caverne  élail 
habitée   par  un   solilaire    noitnué    Domice, 
dont  la  grande  répulation  de  sainteté  alli- 
rait  l'allluence  des  lidèles.  Julien  lui  lit  diio 
<|ue,  puis(ju"il  était  voué  .-i  Dieu   pour  vivi'o 
saintement  et  dans  la  solitude,  il  ne  devait 
recevoir  personne.  Le  solitaire  lui  ré|)Oiidit, 
qu'en  ellet  il  s'était  ainsi  consacré  à  Dieu, 
mais  que  cependant  il  ne  pouvait  pas  chasser 
ceux  que   la  foi  portait  à  lui  rendre  visite. 
Julien,  mécontent  de  celte  réponse,  pourtant 
simple  et  modeste,   lit  boucher  l'entrée  de 
la  caverne,  de  sorte  que  le  saint  y  consomma 
son   martyre.  Julien   poussa  activement  la 
guerre  contre  les  Perses  :  il  obtint  d'abord 
de  grands  avantages,  avantages  plutôt  ai)pa- 
rents  que  réels,  car  les  Perses  reculaient  à 
dessein  devant  lui,  évitant  de  s'engager  à 
fond  et  ne  livrant  que  des  combats  sans  im- 
portance, après  lesquels  Julien,  de  plus  en 
plus  encouragé,    s'avançait   en     vainqueur 
dans  un  pays  inconnu  et  que  l'ennemi  dévas- 
tait sur  sa  route,  pour  que  l'armée  romaine 
n'y  trouvât  pas  sa  subsistance.  Julien  parvint 
jusqu'à    Ctésiphon,  mais    le   roi   de   Perse 
était  invisible.  L'empereur  n'avait  eu  affaire 
qu'à  ses  généraux  :  Sapor  ménageait  toutes 
ses  lorces  pour  le  moment  décisif.  Julien  se 
mit  à  sa  recherche  et  quitta  Ctésiphon  :  des 
espions    infidèles     l'engagèrent   dans    des 
chemins  dangereux,  où  il  rencontra  la  disette 
et  où  les  Perses  commencèrent  à  le  harceler 
sans  cesse.  Il  eut  l'imprudence    de    brûler 
sa  flotte,  et  par  conséquent  de  s'enlever  ses 
dernières  ressources.  11  allait  èlre  obligé  de 
reculer  et  de  revenir  par  la  route  dévastée 
qu'il  avait  suivie,  quand  Dieu,  qui  ne  voulait 
pas  qu'il  échappât  à  ses  vengeances,   lui  fit 
trouver  la  mort  dans  le  lieu  où  il  commen- 
çait à  désespérer   du  salut   de  son  armée. 
Durant   la  marche,  les  Perses   étant  venus, 
comme  de  coutume,  l'altaquer,  le  chargèrent 
cette  fois  avec  tant  de  vigueur,  qu'il  courut 
pour  les  repousser, sans  seulement  se  donner 
le  temps  de  mettre  sa  cuirasse.  Un  dard  le 
frappa  au  côté,  et  quelque   temps  après  il 
mourut  de  sa  blessure. Faut-il  croire  ce  qu'on 
raconte    de  sa  mort  ?  Dans   tous  les  cas,  il 
faut  choisir  entre  les  différentes  versions  que 
l'histoire  nous  fournit.  Quelques  auteurs  le 
font  mourir  tranquille  dans  son  lit  :  d'autres, 
dans  toutes  les  angoisses  de  la  douleur  et  du 
désespoir.  Us  racontent  aae,  sentant  la  main 
qui  le  frappait,   et  fais'ant  comme  la  bète 
féroce  qui  mord  la  lance  dont  elle  est  percée, 
il  prit  dans  sa  main  du  sang  qui  coulait  de 

45 


1419 


JUL 


JUL 


14'20 


sa  blessure,  et  que  le  jetant  au  ciel,  il  pro- 
nonça ces  paroles  blas[)luhiiatoires  et  sacri- 
léi^es:«Tuasvaincu,rialiléen  [«llicn  n'établit 
ràuthenticité  de  ce  récit.  Contentons-nous 
de  (lire  que  Julien  mourut  frappé  de  la  main 
de  Dieu,  pour  avoir  été  apostat  et  persé- 
cuteur. 

JULIENNE  (sainte),  fut  martyrisée  pour  la 
foi  chrétienne  avec  saint  Paul,  lecteur,  son 
frère,  à  Ptolémaïde  en  Isaurie,  sous  Auré- 
lien,  dit  Baronius;  à  Ptolémaïde  en  Pales- 
tine, sous  Valérien,  dit  le  Martyrologe  ro- 
main. 11  n'y  a  pas  de  Ptolémaïde  en  Is.mrie. 
L'Ejïlise  célèbre  la  fête  de  saint  Paul  et  de 
sainle  Julienne  le  17  août. 

JULIENNE  (sainte),  reçut  à  Rome  la  cou- 
ronne du  martyre  en  303,  sous  l'empire  et 
durant  la  persécution  de  Diocb'tien.  Elle  fut 
mise  à  mort  sur  la  voie  Salaria,  où  elle  de- 
meura enterrée  jusqu'au  jour  de  sa  transla- 
tion, qui  eut  lieu  le  8  août  do  nous  ne  sa- 
vons quelle  année.  Vingt-six  chrétiens  furent 
exécutés  le  même  jour  dans  le  même  en- 
droit. L'Eglise  honore  leur  mémoire  leSaoût. 
{Voy.  Cyriaque.  Voy.  aussi  l'abbé  Grandi- 
dier,  Histoire  de  Véglise  de  Strasbourg.) 

JULIENNE  (sainte),  souffrit  la  mort  pour 
Jésus-Christ  au  iv'  siècle,  sous  l'empir.e  et 
durant  la  persécution  de  Dioctétien.  On  ne 
sait  pas  précisément  l'époque  de  son  mar- 
tyre. Elle  fut  décapitée  après  avoir  enduré 
les  plus  cruels  tourments.  Saint  Grégoire  le 
Grand  nous  apprend  que  ses  reliques  furent 
transportées  à  Rome;  maintenant  Bruxelles 
en  possède  une  partie  (dans  l'église  Notre- 
Dame-du-Sablon).  Un  ancien  martyrologe 
trouvé  à  Corbie  prétend  qu'elle  soutlïit  à 
Nicomédie.  Saint  Jérôme,  Bède  et  la  plupart 
des  anciens  martyrologes,  mettent  la  mort 
de  sainte  Julienne  au  16  février.  Bollandus 
a  jugé  les  Actes  de  cette  sainte  dignes  de 
nous  être  transmis  :  ils  méritent  peu  de  con- 
fiance. (Voy.  Chastelain.)  L'Eglise  fait  la  fête 
de  sainte  Julienne  le  16  février. 

JULlENNE(sainto),  reçut  la  glorieuse  palme 
du  martyre  à  Augsbourg.  Elle  eut  pour  com- 
pagnons de  son  courageux  comb.it  les  saiiils 
QÙiriaque,  Largion,  Cniscentien,  Ninge  et 
vingt  autres  dont  les  noms  ne  sont  point 
parvenus  jusqu'à  nous  Le  aiômejouret  dans 
la  même  ville,  sainte  Hilarie,  mère  de  saitno 
Aire,  martyre,  (\\\  veillait  au  tombeau  de  sa 
fille,  fut,  poui  la  foi  de  Jésus-Christ,  brûlée 
au  même  lieu  par  les  i)ersécuteurs,  avec  Di- 
gne, Lu[)répie  et  Eunomie,  ses  servantes. 
L' l'église  honore  collectivement  leur  mémoire 
le  12  août. 

JULIENNE  (sainte),  reçut  le  martyre  h 
M.ro  en  Lycie,  avec  saint  Léon.  Tous  deux 
sont  inscrits  au  Martyrologe  romain  le  18 
août.  Nous  ne  i)Ossé(lons  aucun  docunumt 
aullunitique  relatif  à  ces  saints  couiballaiits 
de  la  loi. 

JULI'n'K  (sainte),  martyre,  mourut  pour 
la  loi  à  Césarée  de  Cappa(loce,en  l'aimée 
303.  Sou  histoire,  complétemciut  rapportée 
n/ir  saint  Basile,  mérite  de  tiouver  place  ici. 
Nous  la  (ioijiions  in  cxlcnso. 

«  Cclto  sainte  femme  avait  été  obligée  de 


soutenir  un  procès  considérable  contre  un 
des  premiers  de  C(''sarée.  C'était  un  de  ces 
hommes  qui    emploient  également  la   vio- 
lence et  la  fraude  pour  s'enrichir,  toujours 
avides  du  bien   d'autrui,    qu'ils  regardent 
comme  une  pioie  assurée.  Celui-ci ,  à  force 
de  rogner  quehiue  héritage  à  ses  voisins, 
s'était  fait  grand  seigneur,  et  possédait  plu- 
sieurs belles  terres.  Mais  il  ne  s'était  pas  con- 
tenté d'enlever  à  Julitte  quelque  morceau  de 
vigne,  ou  quehjue   ar[)e!it  de  i)ré;   il  avait 
envahi   tout   d'un  coup    ses  métairies,    ses 
bestiaux,  ses  esclaves;  et  après  s'être  encore 
emparé  de  ses  meubles  qui  étaient  fort   ri- 
ches, et  l'avoir  généralement  dépouillée  de 
tout,  il  avait  eu  l'effronterie  de  la  faire  assi- 
gner le  premier,   et  de  prévenir  la  plainte 
qu'elle  était   sur  le  point  de  rendre  contre 
lui.  Mais  il  s'était  auparavant  assuré  de  plu- 
sieurs faux  témoins  et  d'un  délateur  qui  de- 
vait agir  contre  elle.  Il  avait  aussi  pris  ses 
précautions  du  côté  des  juges,  dont  il  avait 
acheté  les  voix  par   une  sale  et  honteuse 
corruption;  et  c'était  particulièrement  sur 
ce  moyen    qu'il  appuyait  la  justice  de  ses 
prétentions.  Le  jour  que  la  cause  devait  être 
appelée,  un  huissier,  selon  la  coutume,  cita 
les  parties,  et  les  avocats  pré[)arés  pour  plai- 
der prirent  place  au  barreau.  Celui  de  Ju- 
litte  parla  le  premier  ;  il    représenta   aux 
juges  l'horrible  vexation  que  sa  partie  avait 
soufferte  de  la  part  de  ce  citoyen;  il  s'éten- 
dit beaucoup  sur  l'injuste  violence  avec  la- 
quelle il  s'était  rendu  maître  do  tout  le  bien 
de  cette  dame;  et,  déplorant  d  une  manière 
fort  pathétique   la   condition  fAcheuse  des 
voisins  de  cet  usurpateur,  dont  l'insatiable 
avarice  engloutissait  tout  ce  qui  éiait  à  sa 
bienséance,  il  allait  produire  les  titres  en 
vertu  desquels  sa  partie  possédait  ces  héri- 
tages, et  faire  voir  qu'une  longue  et  paisible 
jouissance   rendait  son  droit  incontestal)le, 
lorsque  cet   homme  s'avança  au  nnlieu  de 
l'audience  et    soutint  que,  par  la  nouvelle 
oidonnance,  Julitte  ne  |)ouvait  être  reçue  en 
justice  à  agir  contre  lui;  que,  selon  cette  loi, 
toute  personne  qui  était  d'une  aulre  religion 
que  celle  de  remj)ereur,  et  surtout  qui  pro- 
fessait celle  du  Christ,  était  pi-ivée  dès  lors 
du  droit  d'appeler  en  jugement  un  citoyen. 
Le  préteur  reçut  ce  moyen   d'opposition;  il 
lui  paraissait  juste  et  fondé  sur  le  droit.  11 
lit  donc  api)orter  de  l'enccMis  et  du  feu  ;  [)uis 
se  tournant  vers   les  parties:   Pour  jouii' du 
bénéfice  des  lois,  leur  dit-il,  il  faut  aupara- 
vant donnci'  d(!S  nianpu's  (pi'on  n'est  point 
d(;  la   irligion  (h;  Christ.  Que  si  (piokiu'un 
s'opiniAtre  à  vouloii"  (k'nieurcM'  dans  une  re- 
ligion j)roscrit(!  par  les  édils  des  empereurs, 
on  lui  déclare  (piil  est  dès  à  présent  déchu 
d(>  tous  les  droits,  |)rérogatives  et  i)riviléges 
attachés    à   la    (pudité   de   ciloyen   de  cette 
ville,  ou  d(!  sujet  de  l'empereur,  et  même  de 
celle  (jualité,   connu»!  étant  noté  d'infamie 
selon  celle  nouvelle  ordonnance. 

«  Ouefera  Jubile?  Se  laissera-t-elleséduire 
h  l'envie  de  rentrer  daris  son  bien?  ou  né- 
gligera-t-(!lle  de  se  s(M'vir  du  moyen  (pii  lui 
est   offert   pour   gagner   son   procès?  Mais 


un 


JUL 


IUL 


142% 


cé(iii-l-t'll(>  au  pt'iil  (|ni  la  menaçait?  La 
crainte  i-iit-ollc  sur  elle  (juchiuc  ijouvoir?  et 
la  vil-dii  pAlir  h  la  voix  du  ju^o?  Non  sans 
doute.  Out>  reiiondil-olle  donc?  lù'oulons-la. 
yue  toutes  les  rieliesses  du  monde  péris- 
sent, dit-elle;  ([ue  je  perde  nioi-niéni(!  mille 
fois  la  vit',  (jue  mon  eorps  soit  mis  en  mille 
pièces,  plultU  qu'il  m'échappe  une  seule  pa- 
role (pii  |)Uiss«>  olleiisor  mon  Dieu,  lit  lors- 
qu'elle aperçut  (|ue  le  préleur  paraissait  ex- 
trèmeme  it  cli0(iué  de  ces  paroles,  et  qu'il 
commençait  à  entrer  en  fureur,  oUo  rendit 
à  Dieu  de  tiès-humhles  actions  de  grAces,  de 
ce  que  le  même  jugement  <jui  adjuj^eait  la 
possession  d'un  hie  i  péi'issable,  qui  lui  ap- 

Farlcnait  légitimement,  h  celui  (lui  en  était 
injuste  ravisseur,  lui  assurait  à  elle  des 
biens  éternels.  On  m'ôle,  disait-elK>,  un  peu 
de  tei-re,  et  je  gagne  le  paradis;  les  liouunes 
me  déclarent  ini'Ame,  et  Dieu  me  piéparo 
une  couronne  ;  mon  corps  ici-bas  soutire  la 
peine  des  esclaves,  et  mon  âme  sera  placée 
dans  le  ciel  paiiui  les  trônes  et  les  puissan- 
ces. Enfin,  le  préteur  la  pressant  fortement 
de  lenoncci'  à  sa  religion,  et  elle  protestant 
toujours  qu'elle  voulait  mourir  servante  de 
Jésus-Christ ,  traitant  d'impies  et  d'exécra- 
bles suborneurs  ceux  qui  voulaient  l'enga- 
ger à  abjurer  sa  foi,  ce  juge,  contre  toute 
sorte  d'équité,  non-seulement  confirma  l'u- 
surpateur dans  son  injuste  détention,  mais 
encore  condamna  la  sainte  à  être  brûlée, 
pour  réparation  ,  prétendait-il ,  de  l'outrage 
lait  par  elle  aux.  édils  des  empereurs. 

«  Le  cœur  ne  se  port'^  pas  avec  plus  d'ar- 
deur vers  l'objet  de  sa  passion,  l'homme  le 
plus  voluptueux  ne  court  point  au  plaisir 
avec  plus  d'empressement  que  Julittc  ne  s'a- 
vança vers  le  bûcher  qui  la  devait  consu- 
mer. Son  visage,  sa  contenance,  ses  paroles, 
tout  marquait  en  elle  la  joie  dont  son  âme 
était  remplie.  Elle  exhortait  les  femmes  qui 
étaient  proche  d'elle  à  endurer  constamment 
toutes  choses  pour  le  soutien  et  la  défense 
de  la  religion  de  Jésus-Christ,  et  de  ne  point 
rejeter  sur  la  faiblesse  du  sexe  le  crime  de 
leur  désertion.  Ne  sommes-nous  pas,  disait- 
elle,  tirées  de  la  même  masse  que  les  hom- 
mes? Ne  sommes-nous  pas  aussi  bien  qu'eux 
formées  à  l'image  de  Dieu?  C'est  le  même 
ouvrier  qui  a  fait  ces  deux  ouvrages,  et  la 
force  n'est  pas  plus  le  partage  de  l'homme 
que  celui  de  la  femme.  Est-ce  donc  une  si 
grande  merveille  qu'une  femme  courageuse? 
Sommes-nous,  encore  une  fois,  d'une  autre 
nature  que  les  hommes  ?  Quand  Dieu  voulut 
former  la  femme,  il  ne  prit  pas  de  la  chair, 
mais  une  cote.  Que  veut  dire  cela,  sinon  que 
la  lemme  ne  doit  pas  montrer  moins  de  fer- 
meté et  de  constance  dans  la  foi ,  ni  moins 
de  patience  dans  les  tourments  que  les  hom- 
mes? Après  qu'elle  eut  parlé  de  la  sorte, 
elle  s'élança  sur  le  bûcher,  qui  fut  pour  elle 
un  lit  nuptial,  d'où  son  âme  s'éleva  dans  le 
ciel,  et  alla  prendre  possession  du  bonheur 
dû  à  sa  fidélité  ;  tandis  que  son  corps  res- 
pecté par  les  flammes  fut  remis  entier,  et 
sans  aucune  atteinte  du  feu,  entre  les  mains 
de  ses  proches  ,  qui  le  placèrent  honorable- 


mont  dans  le  vestibule  de  ce  iemp»e.  Au 
reste,  ces  sacrées  relicpies,  en  sanctiliant  lo 
lieu  où  elles  furent  déposées,  saiiclitient 
aussi  ceux  tpie  le  désir  de  les  honorer  y  con- 
duit. 

«  Mais  la  terre  qui  reçut  ce  précieux  dépôt, 
comme  par  un  mouvement  de  reconnais- 
sance, lit  sortir  de  son  sein  une  fontaino 
d'une  eau  excellente.  Ou  plutôt  disons 
que  c'est  la  sainte  elle-même  cpii  ,  comme 
une  nourrice  i)leine  do  tendresse  pour  les 
habitants  de  cette  ville,  qu'elle  regarde 
comme  ses  chers  nourrissons,  leur  foui-nit 
un  lait  dont  la  source  agréable  et  salutaire 
ne  tarit  jamais.  Cette  eau  est  un  |)réservalif 
pour  ceux  qui  jouissent  d'une  parfaite 
santé,  un  breuvage  délicieux  pour  les  per- 
sonnes sobres,  et  un  remède  pour  les  ma- 
lades. Tel  fut  le  présent  qu'Elisée  fit  autre- 
fois à  ses  cliers  citoyens  de  J('richo ,  lors- 
qu'il fit  perdre  la  salure  aux  fontaines  de  la 
ville,  et  par  sa  bénédiction  changea  en  dou- 
ceur toute  leur  amertume.  Hommes ,  ne 
souffrez  ijas ,  je  vous  en  conjure,  que  les 
femmes  vous  dérobent  la  gloire  de  défen-r 
dre  avec  plus  de  générosité  que  vous  la  re- 
ligion de  Jésus-Christ.  Et  vous,  femmes,  no 
laissez  pas  aux  hommes  seuls  cette  gloire , 
mais  faites-vous-en  une  de  suivre  l'exemple 
que  je  viens  de  vous  proposer.  »  (Ruinart.) 

L'Eglise  célèbre  la  fête  de  sainte  Julitta 
le  30  ju'llet. 

JULITTE  (sainte),  martyre  avec  son  fils, 
saint  Quinc  ou  Cyr,  donna  sa  vie  pour  la 
foi,  en  l'an  de  Jésus-Chiist  304.,  dans  la 
ville  de  Séleucie,  sous  le  gouverneur  Alexan- 
dre. Voici  en  entier  ses  Actes  authentiques, 
tels  que  nous  les  trouvons  dans  une  lettre 
de  Théodore,  évêque  d'Icône. 

«  Vous  m'ordonnez  par  votre  lettre  ,  mon 
très-saint-Père,  de  vous  informer  des  parti- 
cularités du  mart}  re  de  saint  Cyr  et  de  sainte 
Julitte  :  vous  voulez  savoir  si  l'on  conserve 
leurs  actes  à  Icône,  d'où  l'on  vous  a  dit 
que  la  mère  et  le  fils  étaient  originaires. 
Vous  vous  plaignez  que  ceux  qui  vous  sont 
tombés  entre  les  mains  sont  peu  corrects, 
remplis  de  fables,  de  contes  frivoles  et  de 
plusieurs  choses  que  la  solide  et  austère 
bienséance  de  la  religion  chrétienne  n'admet 
point  ;  vous  les  croyez  supposés,  apocryphes 
et  indignes  de  toute  créance,  et  vous  sou- 
haitez enfin  que  je  vous  mande  si  l'on  peut 
facilement  recouvrer  leurs  véritables  Actes. 
Comme  je  ne  désire  rien  avec  plus  de  passion 
que  de  vous  donner  des  marques  de  l'atta- 
chement sincère  que  j'ai  pour  voîre  personne, 
je  n'ai  pas  eu  plutôt  votre  lettre,  que  je  me 
suis  mis  à  lire  avec  toute  l'exactitude  pos- 
sible les  Actes  de  ces  deux  martyrs;  j'y  ai 
trouvé  en  effet  toutes  les  marques  de  sup- 
position ;  je  les  crois,  comme  vous,  corrom- 
pus et  falsifiés.  J'ai  cru  y  reconnaître  l'ou- 
vrage d'une  main  profane  et  sacrilège,  et  si 
je  ne  me  trompe,  des  manioîiéens  ou  de 
quehiues  autres  semblables  hérétiques,  qui 
les  ont  gâtés,  ces  sales  insectes  les  ayant 
couverts  d'une  bave  infecte  et  empoisonnée. 
Cela  m'a  obligé  de  faire  de  nouvelles  enquô- 


i423 


JUL 


JUL 


i424 


los,  lesquelles  toutefois  m'auraient  été  inu- 
tiles ,  n'avant  jm  rien  découvrir  qui  me  sa- 
tisfit ,  si  Von  ne  m'avait  indiqué  quelques 
})ersonncs  de  qualité,  et  des  [)remièrcs  mai- 
sons d'isaure  (1),  par  le  moyeu  desquellesje 
pourrais  avoir  des  mémoires  certains  de  ce 
queje  désirais  savoir.  Je  me  suis  donc  adressé 
à  ces  hommes  vertueux,  que  j'ai  trouvés 
très-bien  instruits  de  toutes  les  circonstances 
de  cette  histoire;  ils  ont  eu  la  bonté  de  m'eu 
faire  le  récit  tel  qu'ils  l'avaient  ouï  iaire 
plusieurs  fois  à  des  seigneurs  de  Lycaonie, 
parents  très-proches  de  la  sainte.  Voici  donc 
ceque  Marcien,  |)ersonnage  d'une  haute  pro- 
bité, et  chancelier  de  l'empire  (2),  et  Zenon, 
moins  connu  par  la  place  honorable  qu'il 
remplit  dans  le  conseil  du  prince  que  par  sa 
sagesse  et  sa  vertu;  voici ,  dis-je,  ce  que 
ces  deux,  grands  hommes  m'ont  bien  voulu 
communiquer  touchant  les  illustres  martyrs 
Julitte  et  son  fils. 

«  Cette  femme,  dont  la  vie  n'a  pas  été  moins 
pure  que  la  mort  glorieuse,  était  du  sang 
royal.  Les  plus  anciennes  maisons  de  Lycao- 
nie font  gloire  de  la  reconnaître  pour  leur 
parente,  et  elles  s'assemblent  tous  les  ans  au 
jour  de  sa  léte  pour  la  célébrer  avec  une  ma- 
gnificence digne  d'une  sainte  et  d'une  i)etite- 
fille  de  roi.  La  persécution  qui  ravagea  l'E- 
glise sous  l'enquredeDioclétiense  lit  sentir 
partout  le  monde.  La  Lycaonie  n'en  fut  pas 
jdus  exem|)te  que  les  autres  provinces.  Do- 
miticn,  ([ui  en  avait  le  gouvernement,  était 
un  homme  féroce,  et  qui  se  plaisait  à  répan- 
dre le  sang  des  chrétiens.  Cela  obligea  Ju- 
litte h  quitter  Iconc  ,  et  h  se  retirer  à  Séleu- 
cie,  avec  Cyr  son  lils,  qui  n'avait  encore  que 
trois  ans,  et  deux  iilles  qui  la  servaient,  sans 
rien  emporter  de  ses  grandes  richesses.  Mais 
elle  trouva  ([ue  les  affaires  des  chrétiens  al- 
laient encore  plus  mal  à  Séleucie  qu'à  Icône, 
et  qu'Alexaiidre,  qui  en  était  gouverneur, 
était  encore  plus  cruel  (lue  Domitien.  Il  ve- 
nait de  recevoir  un  nouvel  édit  qui  ordon- 
nait que  tous  ceux  qui  refuseraient  de  sacri- 
fier aux  dieux  seraient  punis  du  dernier 
supplice,  après  avoir  passé  par  tous  les  au- 
tres. Julille,  se  souvenant  de  cette  i)arole  de 
sa  ut  Paul  :  Donnez  lieu  à  la  colère,  quitta 
Séleucie,  et  se  mit  en  chemin  pour  se  réfu- 
gier à  Tarse,  capitale  de  Cilicic.  Mais  il  ar- 
riva qu'Alexandre  partit  ce  jour-là  môme  de 
Séleu(;ie  et  prit  la  même  route  (jue  Julitte. 
i:il(;  fut  donc  reconnue  et  arrêtée  avec  son 
iils  qu'elle  portail  elle-même  dans  ses  bras. 
Ses  s(;rvaules  prirent  la  fuite  et  se  cachèrent. 
Aiexan(lr(!  lui  (hnnanda  son  nom,  son  pays 
et  sa  condition.  A  toutes  ses  demandes  elle 
ne  réi)ondil  autre  chose,  sinon:  Je  suis 
chrétienne.  C.ela  mit  le  gouvcMueur  en  co- 
lère;; il  conunanda  ([u'on  lui  ùtAl  son  enfant 
ni  (pi'on  la  fi.Ji»p.U  à  coups  de  nerfs  de  IxL'uf. 
A  l'ég.ird  du  |>etit  Cyr,  il  se  le  iil  doiuier. 
Rien  n'était  jihis  aimable  «[ue  c(!t  enfait;  un 
ceitaiu  an-  qui  marquait  son  illustre  ori- 
giiK!,  joint  à  son  iiuioieiice.  lui  attirait  l'in- 

(I)  Ou  Cl.niiliopolis,  vill«  capilalft  de  l'isaurie. 
<i)  Sou».  I»'  r<Kn«  d«  J>i»lini»»ii. 


clinalion  et  les  vœux  de  tous  ceux  qui  étaient 
présents.  On  eut  toutes  les  peines  du  monde 
a  l'arracher  des  bras  de  sa  mère.  Il  étendait 
vers  elle  les  siens  d'une  manière  tout  à  fait 
louchante.  On  ne  put  jamais  l'obliger  à  re- 
tirer ses  regards  de  dessus  elle,  et  par  ses 
gestes  et  les  mouvements  de  son  corps,  au- 
tant que  par  ses  cris  el  ses  pleurs,  il  faisait 
connaître  la  violence  qu'on  lui  faisait.  Les 
bourreaux  le  portèrent  au  gouverneur,  qui, 
le  prenant  par  une  main,  s'efforçait  de  l'a- 
paiser. Il  le  mit  sur  ses  genoux ,  essayant 
j)lusieurs  fois  de  le  baiser,  lui  souriant  et  lui 
faisant  mille  caresses.  Mais  l'enfant,  ayant 
toujours  les  yeux  tournés  vers  sa  mère,  re- 
poussait le  gouverneur  avec  ses  petites  mains, 
lui  égralignail  le  visage,  lui  donnait  des 
coups  de  pied  dans  l'estomac  ,  et  se  défen- 
dait enfin  avec  les  faibles  armes  que  la  na- 
ture lui  fournissait.  Et  lorsque  sa  mère,  au 
milieu  des  tourments,  s'écriait  :  Je  suis  chré- 
tienne, il  redisait  aussitôt  :  Je  suis  chrétien. 
Ce  qui  excita  de  telle  sorte  la  rage  insensée 
du  gouverneur,  que  celte  bêle  farouche, 
sans  avoir  aucun  égard  pour  un  âge  qui 
trouve  de  la  pitié  dans  les  âmes  qui  en  sont 
le  moins  susceptibles,  prit  cet  innocent  par 
un  pied  et  le  jeta  contre  terre.  Le  petit  mar 
tyr,  en  tombant ,  se  donna  la  tête  contre  les 
marches  du  tribunal,  qu'il  ensanglanta  de 
sa  cervelle,  qui  se  répandit  jusque  dans  le 
parquet ,  où  il  vint  expirer.  Julitte  le  vit  et 
rendit  grûces  à  Dieu  de  ce  qu'il  avait  cou- 
ronné son  fils  avant  elle. 

«  Cependant  le  juge  ,  honteux  et  tout  en- 
semble épouvanté  de  son  crime,  se  mit  à  dé- 
l)loier  la  destinée  de  l'enfant,  mais  sa  fu- 
reur n'en  fut  pas  moindre  envers  la  mère  ; 
cela  ne  fil  au  contraire  que  l'augmenter.  Car 
il  la  ht  étendre  sur  une  table  ,  la  menaçant 
de  ia  faire  écorcher  toute  vive;  mais  lui  fai- 
sant eu  effet  verser  de  la  poix  fondue  sur  les 
pieds ,  pendant  qu'un  des  bourreaux  lui 
criait  :  Julitte,  sacrifiez  ;  mais  elle  criait  en- 
core plus  haut  :  Je  ne  sacrifie  point  à  des 
démons  ou  à  des  statues  muettes  et  sourdes. 
J'adore  Jésus-Christ,  le  Fils  unique  de  Dieu, 
par  qui  toutes  choses  ont  été  créées.  J'ai  im- 
patience de  rejoindre  mon  fils.  Le  gouver- 
neur la  condamna  à  avoir  la  tête  tranchée, 
et  le  corps  de  son  fils  à  être  traîné  au  lieu  où 
l'on  jettt!  ceux  des  crimitu'ls.  Les  bourreaux 
s'approchèrent  de  Julitte  jjour  lui  couper  la 
tète;  elle  mit  les  genoux  en  terre,  el,  ayant 
obtenu  de  ces  hommes  quelques  moments, 
elle  fil  celle  prière  :  «  Je  vous  remercie,  mon 
Dieu,  de  ce  «jnevous  avez  bien  voulu  don- 
ner à  mon  fils  une  place  dans  votre  royau- 
me ;  ayez  la  bonté,  Seigneur,  d'y  vouloir 
aussi  recevoir  voire  servante  ,  tout  indigne 
(pi'elhî  «Ml  soit.  Accordez-moi  l'entrée  de  la 
chambre  nuptiale,  comme  vous  l'avez  accor- 
dée aux  vierges  sages,  aliii  <pie  mon  Ame  bé- 
nisse élernellement  votre  l'ère  ,  qui  est  le 
seul  Dieu  (jui  a  créé  et  cpii  conserve  loules 
choses  ;  (pi'elle  vous  bénisse  ,  Stîigneur  ,  et 
qu'elle  bénisse  le  Saint-Esorit.  »  Le  bour- 
reau lui  abattit  la  tète  dans  le  moment  que 
sa  bouche  prononça  Àwm.  Le  corps  fut  jeté 


F 


i4SS  JUS 

hors  de  la  ville ,  a\i  raôrae  enaroit  où  Ton 
avait  jeté  celui  do  son  cher  enlutU.  Le  len- 
demain les  deux  servantes  ,  qui  s'étaient  ea- 
rhées  durant  celte  exécution,  sortirent  de 
leur  r(>traile,  et  eurent  assez  de  courage  et 
de  résolution  pour  enlever  les  sacrées  reli- 
(lues  do  leur  maîtresse  et  do  leur  netit  maî- 
tre. Klles  les  enterrèrent  dans  un  cnam|)  ((ui 
touche  ^  la  ville.  Kt  queUiues  aimées  après, 
le  {irand  Constantin  ayant  tiré  de  captivité  la 
vérité  et  l'Eglise,  l'une  de  ces  servantes, 
qui  vivait  encore,  découvrit  le  lieu  qui  ren- 
fermait ce  précieux  dépôt.  Ce  lieu  devint  cé- 
lèbre dans  la  suite  par  la  piété  des  lidèles 
3ui  y  venaient  implorer  le  secours  de  ces 
eux  martyrs.  »  —  IG  juin. 

JULIUS,  proconsul  de  Bithynie,  au  m'  siè- 
cle, sous  les  conunencements  de  Dioclélien, 
fit,  étant  h  Pruse,  martyriser  saint  Patrice, 
évoque  de  cette  ville,  ainsi  que  les  saints 
Acace,  Ménandre  et  Polyène,  tous  les  trois 
rêlres  de  son  église.  (  Voy.  Patrice  de 
ruse.) 

JUNILLE  (sainte),  assistait,  avec  son  en- 
fant sur  ses  bras,  au  martyre  des  saints  Speu- 
sippe,  Eleusippe  et  Méleusippe,  à  Langres, 
en  180,  sous  le  règne  de  l'empereur  Marc- 
Aurèle.  L'histoire  ne  dit  pasqu'ellefût  chré- 
tienne auparavant,  ou  bien  si  elle  se  con- 
vertit à  la  vue  de  la  mort  des  saints  frères  et 
des  miracles  qui  l'accompagnèrent.  Ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'est  que,  remettant  son  en- 
tant à  une  autre  personne,  elle  s'écria  qu'elle 
était  chrétienne.  Aussitôt  on  la  saisit  et  on 
la  pendit  par  les  cheveux;  mais  ni  ce  sup- 
plice, ni  plusieurs  autres  qu'on  lui  fit  endu- 
rer, ni  les  prières  de  son  mari,  qui  essaya 
de  la  fléchir,  ne  purent  l'ébranler.  On  la  con- 
duisit au  village  d'Orbate,  où  on  lui  trancha 
la  tète. 

JUST  (saint),  était  soldat  sous  le  tribun 
Claude.  Ayant  été  témoin  de  l'apparition  mi- 
raculeuse d'une  croix,  il  crut  en  Jésus-Christ, 
et,  ayant  été  baptisé  ensuite,  il  donna  tous 
ses  biens  aux  pauvres.  Arrêté  par  le  préfet 
Magnèce,  ce  juge  ordonna  de  le  battre  à 
coups  de  nerfs  de  bœuf,  de  lui  mettre  un 
casque  brûlant  sur  la  tète,  et  de  le  jeter  dans 
un  brasier;  mais  n'en  ayant  reçu  aucune  at- 
teinte, pas  même  à  un  seul  de  ses  cheveux, 
il  rendit  l'esprit  en  continuant  de  confesser 
le  nom  de  Jésus-Christ.  L'Eglise  fait  sa  fête 
le  14.  juillet. 

JUST  (saint),  est  cité  dans  le  bréviaire  de 
Tolède  avec  saint  Abonde  ou  Abondance, 
comme  ayant  été  martyrisé  pour  la  foi  chré- 
tienne, sous  l'empereur  Numérien  et  sous  le 
juge  Olybre.  On  ne  sait  pas  dans  quel  pays 
il  a  souffert.  Le  Martyrologe  romain  dit  qu'ils 
furent  condamnés  au  feu,  mais  que  n'en 
ayant  souffert  aucune  atteinte,  ils  périrent 
par  le  glaive.  La  fête  de  ces  deux  saints  est 
célébrée  par  l'Eglise  le  ik  décembre. 

JUST  (saint),  martyr  en  Espagne,  souffrit 
avec  son  frère  Pasteur,  en  l'an  de  Jésus- 
Christ  30i,  sous  le  gouverneur  Dacien,  qui 
commandait  la  province  pour  l'empereur 
Dioclétien.  Tous  deux  étaient  fort  jeunes 
quiuid  ils  triomphèrent  des  tourments  que  la 


Jus 


i4iti 


rage  des  bourreaux  inventa  pour  les  vaincre. 
Dacien  était  un  des  plus  cruels  persécuteurs 
de  l'Eglise.  Itarement  la  fureur  sanguinaire 
des  tyrans  trouva  un  aussi  féroce  exécuteur 
de  ses  ordres.  Ce  tigr(î  avait  déjà  versé  le 
sang  d'un  grand  nombril  de  clnétiens,  cpiand 
il  vint  à  C()iiiplut(!,  ville  (lu'aujourd'lmi  on 
connait  sons  h;  nom  de  Alcala  d<;  Hénarès. 
Son  but  était  de  découvrir  les  servileuis  de 
Jésus-(^hrist  poui'  les  immoler,  s'ils  refu- 
saienl  de  sacrifier.  Il  fit  publier  dans  la  ville 
]vs  édils  sanglants  r(Midus  contr(!  (uix,  et  (it 
torturer  avec  la  plus  grande  cruauté  tons 
ceux  (pi'on  lui  détu)n(;a.  Just,  ([ui  avait  treize 
ans,  et  son  frère  Pasteur  se[)t,  avant  appris 
qu'on  tourmentait  ainsi  les  disciples  du  vrai 
Dieu,  se  sentirent  embrasés  de  l'aident  dé- 
sir de  partager  leurs  triomphes.  Ils  vinrent 
sur  la  place  i)ubli(iue,  (piittanl  l'école  où  ils 
étaient,  et  ayant  été  reconnus  comme  chré- 
tiens, furent  amenés  h  Dacien.  Ce  barbare 
persécuteur,  furieux  de  se  voir  bravé  par  des 
enfants,  et  croyant  (ju'il  allait  lacilement  ve- 
nir à  bout  de  leur  résolution,  les  fit  cruelle- 
ment fouetter.  Los  deux  jeunes  frères,  loin 
de  se  laisser  vaincre,  s'exhortaient  mutuel- 
lement au  combat.  Les  assistants  ne  coiu- 
})renaicnt  pas  comment,  dans  un  Age  aussi 
tendre,  pouvait  se  rencontrer  tant  de  force» 
de  courage  et  de  modestie.  Dacien,  lianteux 
de  se  voir  vaincu,  les  condamna  à  être  dé- 
capités :  ce  fut  dans  un  champ  près  do  la 
ville  que  la  sentence  reçut  son  exécution. 
Les  deux  martyrs  furent  enterrés  an  lieu  où 
ils  avaient  reçu  leur  couronne,  et  de[)uis,  la 
piété  des  fidèles  le  consacra  par  l'érection 
d'une  chapelle  construite  en  leur  honneur. 
Plus  tard  on  bûtit  dans  la  ville  d'Alcala  une 
église  sous  leur  invocation  ;  leurs  reliques  y 
furent  transportées.  Une  partie  de  celles  de 
saint  Just  fut  donnée  à  l'abbaye  de  Malmédy, 
au  diocèse  de  Cologne.  L'Eglise  célèbre  la 
fête  de  ces  deux  saints  le  6  août.  {Voy.  Pru- 
dence, hymn.  4,  alias  7.  Espana  sagrada^ 
t.  VII,  n°  13.  De  la  eglesia  de  Compluto,  c.  3, 
p.  171,  180,  et  append.  2,  ibid.,  p.  305.) 

JUST  (saint),  souffrit  la  mort  à  Triesle 
pour  la  défense  de  la  religion  chrétienne, 
sous  le  président  Manace,  durant  le  règne 
de  l'empereur  Dioclétien.  L'Eghse  fait  sa 
sainte  mémoiie  le  2  novembre 

JUST  (saint),  était  un  jeune  enfant.  Il  souf- 
frit le  maiiyre  dans  le  diocèse  de  Beauvais, 
par  ordre  du  président  Rictiovare,  durant  la 
jpersécution  du  cruel  Dioclétien.  Il  est  ins- 
crit au  Martyrologe  romain  le  18  octobre. 

JUSTAMON  (MadeleIx\e- Catherine  de), 
ursuline,  fut  guillotinée  à  Orange,  le  26  juil- 
let 1794,  avec  Thérèse  Cousolon,  supérieure 
des  Ursulines  de  Sisteron,  Claire  Dubac, 
Anne  Cartier,  ursuline  au  Pont-Saint-Esprit, 
Marguerite  Bonnet,  religieuse  du  Saint-Sa- 
crement. 

JUSTAMON  (Eléonore  de)  religieuse  de 
Sainte-Catherine  d'Avignon,  perdit  la  tête  sur 
réchafand  le  9  juillet  1794,  avec  Mad.deine 
Tailh'u,  Marie  deCenès-ChansoUe,  rehgieuse 
du  Saint-Sacrement  à  Bolène ,  et  Louise 
Eluse,  converse  au  même  couvent. 


4427 


JUS 


JUS 


44^ 


JUSTAMON  (sœur),  ui.-îuline  converse  a 
Perne,  fut  guillotinée  le  IG  juillet  1794,  à 
Orange,  avec  les  sœurs  Ganion  et  Marie  Dec- 
qui,  relii^ieuses  du  Saiit-Sacremc-it  à  Bo- 
lène,  Marie  Lage,  vrsuline  à  Bolène,  Jeanne 
Roussillon  et  Madeleine-Dorothée  de  Justa- 
nion,  du  môme  ordre. 

JUSTAMON  MAUKLEiNE-DoROTnÉE  de), 
ursulinc  de  Bolène,  fut  guillotinée  à  Orange 
le  16  juillet  179i,  avec  les  sœurs  Justamon, 
ursaline  converse  h  Perne,  Gardon  et  Marie 
Decqui,  religieuses  du  Saint-Sacrement  à 
Bolène,  Marie  Lage,  ursuline  à  Bolène,  et 
Jeanne  Roussillon,  du  même  ordre.  La  sœur 
Madeleine-Dorothée  de  Justamon,  montée 
.sur  le  char  qui  les  conduisait  à  la  mort,  dit 
h  ses  gardes  :  «  Nous  avons  plus  d'obligations 
à  nos  juges  qu'à  nos  pèies  et  à  nos  mères; 
ceux-ci  nous  ont  do;  né  une  vie  temporelle 
et  périssable,  nos  juges  nous  procurent  une 
vie  éternelle.  »  Un  de  ses  gardes  fut  touché 
de  ces  parolosjusqu'aux  larmes,  et  un  paysan 
voulut  lui  toucher  la  main,  parle  môme  prin- 
ci[)e  de  foi  qui  faisait  viire  à  la  femme  de  l'E- 
vangile, à  la  vue  de  Jésus-Christ  :  «  Qu'il  me 
soit  seulement  donné  de  toucher  le  pm  de 
sa  rohe.  «  (Tii'é  de  l'abbé  Carron,  Confesseurs 
de  la  foi,  t.  IL) 

JUSTE  (saint),  fut  martyrisé  àTroyes,  en 
môme  temps  que  saint  Claude,  saint  Jucon- 
din  et  cinq  autres  que  le  Martyrologe  ro- 
main ne  nomme  pas.  Leur  sacrilice  s'accom- 
plit sous  le  règne  de  l'empereur  Aurélien, 
et,  s'il  faut  en  croire  les  Actes  de  sainte  Ju- 
lie, en  sa  présence.  Leur  fête  a  lieu  le  21 
iuilh't,  comme  celle  de  sainte  Julie  :  proba- 
blement que  leur  martyre  eut  lieu  le  môme 
jour. 

JUSTE  (saint),  martyr,  se  convertit  à  la  foi 
chrétienne  en  môme  tera[)S  que  les  saints 
Ariston,  Crescentien,  Eutychien,  Urbain  et 
Vital.  Ils  y  avaient  été  déterminés  par  saint 
Tranquillin,  leur  ami  commun.  Ce  fut  à  saint 
Sébastien  qu'ils  durent  surtout  leur  conver- 
sion, puisque  ce  saint  o(li(  ier  du  palais  de 
l'empereur  Diocléticn  fut  l'instrument  i)rin- 
ciftal  de  la  conversion  de  Traiiquillin,  Us 
fuient  baptisés  par  h;  prôtre  saint  Polycar[)e. 
S'étant  rf.'tirés  en  Campanie,  dans  les  terres 
de  saint  Cliromai-e,  fpii,  pour  s'adonner  à  la 
pratique  des  vertus  chrétieinies,  avait  (juitlé 
sa  charge  de  prétl-t  de  Rome,  ils  fur(mt  mar- 
tyrisés avec  saint  Félix,  saint  Félicissime, 
sainte  Maiic(;,  inère  d(;  ces  deux  saints,  et 
sainte  Sym[jhorose.  L'I^glise  fait  la  fôte  de 
saint  Juste,  avec  celle  de  tous  ses  couqja- 
gnons,  le  2  juillet.  [Voy.  Séhastien.) 

JUSTE  (saint],  soulfrit  le  martyre  a  Rome, 
avec  les  saints  M  icaire,  Ruiin  et  Théophile. 
Nous  n'avons  aucun  détail  sur  eux.  L'Eglise 
fait  leur  fôte  le  28  février. 

JUSTE  (saint),  marlyi-,  r(!çut  la  couronne 
des  glorieux  roinljaltantsde  la  foi  (;ti  Sardai- 
gne,  avec  les  saintes  llénédine  et  Justitie. 
N»)us  manquons  de  détails  sur-  leur  (;om|)tt;. 
L'Kgli<;e  l'ail  hur  sainte  mémoiie  le  IV  mai. 

JI'STE  (saint),  murlyi',  soullVit  pour  la  loi 
en  AJriquo,  avec  les  saints  Donal  et  lléré- 
rtns.  Nous  manquons  de  détails  sur  eux.  L'E- 


glise fait    leur  fôte  immortelle  le  25  février. 

JUSTE  fsainte),  martyre,  fut  un  deslleurons 
de  la  glorieuse  couio'uiede  marlyrs  dont  la 
j)ersécution  de  l'empereur  AnloiinMarc-Au- 
rèle  décora  la  ville  de  Lyon,  dans  :'an née  177. 
Elle  soulfrit  avec  courage  pour  la  foi  chré- 
tienne, mais  ses  foi-ces  furtnit  au-dessous  de 
l'énergie  de  son  Ame  :  la  violence  des  tour- 
ments triompha  de  ses  forces  physiques;  elle 
neput  pas  supportei' jus(]u'au  bout  ceux  que 
les  pcrsécu'eurs  lui  réservaient.  l'.lle  s'étei- 
gnit dans  sa  jirison,  comme  saint  Pothin  et 
un  grand  nombre  d'entre  les  martyis  de  cette 
glorieuse  armée  du  Seigneur.  Dieu  la  mit  à 
l'ombre  de  son  éternité  bienheureuse,  pour 
la  soustraire  à  la  rage  de  ses  bourreaux.  L'E- 
glise honore  sa  mémoire  le  2  juin,  avec  celle 
de  ses  compagnons. 

JUSTE  (sainte),  martyre,  habitait  Séville, 
en  Esjîagne,  avec  sainte  Ruîine.  Toutes  deux 
étaient  irarchandes.  Leur  négoce  fournissait 
à  leurs  b  'Soins,  et  leur  permettait  de  faire 
d'abondantes  aumônes.  Toutes  deux  se  sanc- 
tiliaient  par  la  pratique  des  vertus  charita- 
bles que  l'Evangile  enseigne.  Dieu  voyait 
avec  faveur  leur  conduite  et  leurs  œuvres; 
il  leur  accorda  pour  récompense  la  palme  du 
martyre.  Les  païens,  ayant  voulu  leur  ache- 
ter certaines  choses  dont  ils  avaient  besoin 
pour  leurs  sacriiices,  elles  refusèrent  de  les 
leur  vendre.  Au  dernier  degré  d'irritation, 
ceux-ci  résolurent  de  les  perdre  :  ils  défon- 
cèrent leur  bouti(iue  et  les  traînèrent  devant 
le  juge.  La  persécution  de  Dioclélien  sévis- 
sait alors  avec  une  extrême  violence  :  les 
édits  se  succédaient  de  plus  en  plus  cruels 
et  meurtriers.  Le  juge,  ne  pouvant  contrain- 
dre les  deux  saintes  femmes  h  renoncer  Jé- 
sus-Christ, les  fit  étendre  sur  le  chevalet  et 
décliirer  avec  les  ongles  di;  fer.  La  sainte 
rendit  l'àme  sur  le  chevalet.  Rufine  fut  étran- 
glée. Les  corps  des  deux  saintes  furent  brû- 
lés. Leur  mort  arriva  en  l'année  30'i-,  L'Eglise 
célèbreleurfète  le  20  juillet,  Maldonat,  Adon 
et  Usuard  ont  publié  leurs  Actes. 

JUSTE  (sainte),  martyre,  est  inscrite  au 
Martyrologe  romain  le  lojuillet,  avec  sainte 
Julie,  les  saints  Catulin,  dont  saint  Augus- 
tin prononça  le  |)anégyii(pie,  Janvier,  Fl)- 
rence.  L'Eglise  célèbre  leur  mémoire  le  15 
juillet. 

JUSTIN  (saint),  l'un  des  sept  tils  de  saint 
Gétule  et  de  sainte  Symphoros(>,  eut  le  bon- 
heur de  inoui'a'  pour  Jésus-tMirist,  sous  le 
règne  de  l'ompin-eur  Adiien,  (jui  le  condamna 
h  ôlre  attachi'  à  un  pieu  et  à  avoir  les  reins 
rompus.  Sa  fcte  (!st  célébrée  par  l'Eglise  le 
17  juillet.  {Vujj.  Symimiouose.) 

JUSTIN  (saint),  natif  d'Auverns  reçut  do 
ses  i)arents  la  piété  et  les  exemph;s  les  plus 
propres  à  former  un  disci|)le  fervent  de  Jé- 
sus-Christ. Son  frère  aiiié,  lait  (a|»lif,  avait 
été  emmené  à  Amiens;  sanit  Justin  partit 
ave:  son  |)ère  pour  cette  ville,  alin  d'aller 
ra(  heler  le  prisonnier.  Après  avon-  réu.ssi, 
ils  partirent  d'Amiens,  où  la  persécution 
commençait  à  S(''vir  contre  les  chrétiens.  Les 
j)aie!is  les  avaient  reconnus,  ils  les  lireilt 
poursuivre.  Co  lut  seulumcul  au  boiug  d» 


i4S9 


-•US 


JUS 


1450 


I 


Louvres,  près  Paris,  que  les  soldats  envoyés 
après  eux  les  «Ueisniront.  T-o  jeune  Justin 
lit  radier  son  pC-re  et  son  frùre.  Kn  vain  les 
soldats  voulurent  savoir  de  lui  le  lieu  où  ils 
étaient  :  Justin  refusa  constauuuenl  de  lo 
dire.  Transportés  de  fureur,  ils  lui  coupù- 
rcot  la  léte.  Son  corps  l\it  enterré  h  Louvres. 
Les  reli(pies  de  saint  Justin  ont  été  ]>erdues 
dans  la  tourmente  révolulioinuiire.  La  mé- 
moire de  ce  jeuiuî  martyr  est  honorée  par 
rivalise  le  l'-'aoïU. 

JITSTIN  (saint),  docteur  de  l'Kj,dise,  apolo- 
giste, mai'tyi',  s'otfre  h  nous  avec  trois  au- 
réoles de  gloire  et  de  sainteté,  dont  uno 
seule  sullit  pour  atliier  notre  respect  et  no- 
tre vénération  sur  le  front  (ju'elle  illumine. 
Science  profonde  i)0\u-  enseigner  la  foi,  cou- 
rage intré[)ide  pour  la  défendre,  courage  as- 
sez grand  |)our  mourir  pour  elle,  saint  Jus- 
tin nous  olfrc  tout  cela  réuni  :  aussi  a-t-il 
été  avec  raison  regaiclé  constamment  par 
l'Eglise  comme  une  de  ses  j)almes  les  plus 
glorieuses,  comme  l'un  des  plus  beaux  tleu- 
rons  de  cette  couronne  de  saints  qui  envi- 
ronnent au  ciel  le  trône  de  celui  qui  mou- 
rut pour  le  salut  et  pour  l'exemple  de  tous. 

Saint  Justin  a  eu  la  gloire  d'écrire  deux 
A|)ologies  remarquables  pour  les  chrétiens. 
Il  est  le  plus  ancien  des  Pères  de  l'Eglise. 
Il  était  instruit  dans  les  sciences  et  dans  les 
lettres  :  avant  de  passer  pour  un  docteur 
éminent  parmi  les  chrétiens,  il  était  re- 
gardé comme  un  grand  philosophe  parmi  les 
nommes  du  siècle.  Tous  les  auteurs  des 
premiers  temps  qui  ont  parlé  de  lui,  le  ci- 
tent avec  orgueil  comme  une  des  lumières 
de  l'Eglise,  invoquent  à  tout  instant  son  au- 
torité dans  leurs  écrits.  Tatien,  son  disciple, 
Tertullien,  saint  Irénée  et  une  foule  d'au- 
tres célébrités  ecclésiastiques,  ne  parlent  de 
lui  qu'avec  le  langage  du  respect  le  plus 
gran-i  et  de  l'admiration  la  plus  vive. 

Justin  naquit  h  Néapolis ,  ou  Naplouse, 
capitale  de  la  province  de  Sainarie,  en  Pales- 
tine :  c'est  la  Siehem  de  l'Eciiture.  Son  père 
se  nommait  Prisque,  et  son  grand-père  lîac- 
chius.  Saint  Justin,  comme  saint  Paul,  était 
citoyen  romain,  sa  ville  natale  ayant  le  droit 
de  cité.  Quoique  Samaritain,  il  ne  fut  jamais 
circoncis  ;  c'est  lui  qui  nous  l'apprend  dans 
sa  première  Apologie.  Ce  fait  nous  prouve 
qu'il  n'était  pas  de  race  juive,  mais  qu'il  ap- 
partenait à  la  gentilité.  11  fut  élevé  dans  la 
religion  païenne,  et  en  étudia  la  philosophie, 
comme  il  le  dit  lui-même  à  Tryphon,  quand 
il  lui  raconte  comment  il  a  été  amené  à  em- 
brasser la  religion  chrétienne.  Nous  le  lais- 
sons parler: 

«  Ayant  dessein  de  me  rendre  habile  dans 
la  science  des  philosophes,  je  me  mis  d'abord 
entre  les  mains  de  l'un  d'entre  eux,  qui 
était  stoïcien.  J'y  demeurai  quelque  temps  ; 
mais  voyant  enfin  que  je  n'avançais  point 
dans  la  connaissance  de  Dieu,  que  cet  homme 
ignorait  jusqu'à  la  mépriser  et  ne  la  croire 
point  nécessaire,  je  lequitiai,et  en  allai 
trouver  un  autre,  du  nombre  de  ceux  que 
l'on  appelle  péripatéticiens,  et  qui  avait  as- 
sez bonne  opinion  de  lui-mèuie  pour  croire 


qu'il  était  des  plus  habiles  et  des  plus  sub- 
tds.  Il  mo  souCirit  avec  lui  durant  quelques 
jijurs  ;  mais  enlin  il  me  pria  de  lui  dire  ce 
(|u'il  |)Ouvait  espérer  (1*3  moi  pour  sa  récom- 
pensi!,  alin,  disait-il,  (pie  ma  compagnii;  pût 
être  utile  à  l'un  et  à  l'autre.  Cettt;  pensée 
me  sembla  si  basse  pour  un   philosophe , 

a  ne  je  l'abandonnai  aussitôt ,  connue  in- 
igne  d'en  i)orter  le  nom.  Mais  h;  désir 
que  j'avais  d  apprendre  ce  f)oint  |)rincipal  et 
essentiel  de  la  philosophie  ne  donnant  aucun 
repos  à  mon  esprit,  je  m'adressai  à  un  pytlia- 
goricien  qui  était  fort  célèbre,  et  qui  aussi 
n'avait  pas  peu  d'estime  de  sa  sullisanco. 
Quatid  je  lui  eus  parlé  du  dessein  que  j'avais 
de  me  rendre  son  disciple  et  de  me  mettre 
en  sa  compagnie  :  «dites-moi,  me  ré[)ondit-il, 
possédez- vous  parfaitement  la  musique, 
l'astronomie,  la  géométrie  ?  Et  croyez-vous 
pouvoir  rien  comprendre  dans  les  choses 
qui  mènent  à  la  béatitude,  si  vous  n'avez 
auparavant  appris  toutes  ces  sciences,  qui 
seules  peuvent  retirer  votre  esi)rit  des  objets 
sensibles,  et  le  rendre  capable  des  choses 
intellectuelles,  pour  pouvoir  contempler  en- 
suite cet  Etre,  qui  est  la  beauté  et  la  bonté 
souveraine  et  essentielle  ?  »  En  un  mot, 
après  m'avoir  hautement  loué  la  science  des 
mathématiques,  et  m'en  avoir  exagéré  la  né- 
cessité, il  me  renvoya,  sur  ce  que  je  lui 
avouai  que  je  ne  les  savais  pas.  Ce  refus  me 
toucha  sensiblement ,  comme  il  était  biea 
raisonnable,  vu  qu'il  me  faisait  perdre  toutes 
les  espérances  que  j'avais  conçues  de  lui  ;  et 
je  le  ressentais  assez  vivement ,  d'autant 
que  je  croyas  véritablement  que  (et  homme 
était  habile.  Mais,  considérant  d'autre  part 
combien  il  me  faudrait  employer  de  temps  à 
une  étude  si  dillîcile,  je  ne  me  pus  résoudre 
à  un  si  long  retardement.  »  (Tillemont.) 

Ce  discours  prouve  quelle  envie  notre 
saint  éprouvait  de  connaître  la  vérité  la  plus 
inqjortante  de  toutes,  la  connaissance  de 
Dieu.  Voyons  et  apprenons  de  lui  comment 
il  arriva  à  trouver  ce  qu'il  cherchait  avec 
tant  d'ardeur.  «  Dans  cette  inquiétude,  dit- 
il,  je  voulus  éprouver  si  je  ne  réussirais  point 
mieux  avec  les  platoniciens.  Ces  philosophes 
étaient  alors  très-célèbres  ;  et  par  bonheur 
l'un  des  principaux  d'entre  eux,  homme  in- 
telligent, s'était  depuis  peu  habitué  dans 
notre  ville  (par  oij  l'on  voit  que  ceci  se  passa 
dans  la  Palestine).  J'étais  donc  assidu  au- 
près de  lui,  continue  saint  Justin,  autant 
qu'il  m'était  possible  ;  j'avançais  et  je  pro- 
fitais tous  les  jours  de  plus  en  plus.  L'intel- 
ligenco  de  ces  êtres  incorjiorels  me  ravis- 
sait, et  la  contemplation  de  ces  idées  me 
donnait  comme  des  ailes  pour  m'élever  au- 
dessus  de  moi.  Je  m'imaginais  déjà  être  de- 
venu sage  en  peu  de  temps,  et  j'étais  assez 
peu  raisonnable  pour  espérer  de  voir  Dieu 
dans  un  moment  :  car  c'est  le  but  que  la 
philosophie  platonicienne  se  propose.  Etant 
rempli  de  cette  folle  espérance  de  connaître 
Dieu,  dans  peu  de  temps,  par  la  philosophie 
de  Platon,  il  me  vint  un  jour  en  pensée  de 
me  retiier  en  qu.-lque  lieu  écarté  de  fout  le 
tumulte  du  monde,  pour  y  jouir  à  mon  aise 


iiZi 


iUS 


JUS 


m'a 


d'une  parfaite  solitude,  et  m'occuper  h  la 
C()ii(om|ilatiou  dans  un  entier  recueille- 
ment. Je  m'en  allai  pour  ce  sujet  en  un  lieu 
assez  proche  do  la  mer.  Lorsque  j'étais  près 
d'y  arriver,  je  vis  à  quelijuos  pas  de  moi 
une  personne  qui  me  suivait  :  c'était  un 
vieillard  déjh  fort  ;1gé  ,  d'assez  bonne  mine. 
La  douceur  et  la  gravité  paraissaient  égale- 
ment sur  son  visage  ;  je  m'arrêtai  et  me  re- 
tournai vers  lui  pourvoir  qui  c'était,  et 
je  le  considérais  attentivement  sans  rien 
dire.  Alors  cet  homme,  commençant  à  me 
parler:  «  Est-ce  que  vous  me  connaissez? 
me  dit-il.  Je  lui  avouai  que  non.  D'oij  vient 
donc,  repartit-il ,  que  vous  me  regardez  si 
lixement  ?  —  Je  suis  surjiris,  lui  répondis- 
je,  de  vous  rencontrer  en  ce  lieu  ,  car  je  ne 
croyais  pas  y  devoir  trouver  personne.  — 
Ce  qui  m'y  amène,  dit  ce  vieillard,  c'est  l'in- 
quiétude que  j'ai  pour  quelques-uns  de  mes 
amis  :  ils  sont  allés  faire  un  voyage,  et  je 
viens  ici  pour  en  apprendre  des  nouvelles, 
et  voir  si  je  ne  les  trouverai  point  quelque 
part.  » 

La  conversation  s'étant  engagée,  on  parla 
philosophie.  Justin  se  fit  le  champion  de  la 
philosoj)hie  i)latonicienne  ;  mais  le  vieillard, 
dans  une  argumentation  tantôt  ironique  et 
gaie,  tantôt  solide  et  accablante,  le  pressa  si 
fort,  qu'il  l'amena  à  avouer  que  les  philoso- 
phes n'avaient  pas  connu  la  vérité.  Evidem- 
ment ce  vieillard  était  un  envoyé  de  Dieu 
près  de  Justin,  jiour  lui  ouvrir  la  voie  du 
salut.  «  Que  faut-il  donc  que  je  fasse  ?  lui 
dit  ce  dernier  ?  Quel  maître  suivrai-je  pour 
m'instruire  de  la  vraie  philosûj)hie,  puisque 
tous  ceux  que  j'ai  pris  pour  guides  tombent 
eux-mêmes  dans  le  précipice?  »  Ce  fut  alors 
que  le  vieillard  lui  pai'la  des  prophètes,  des 
grandes  vérités  qu'ils  avaient  annoncées,  et 
que  le  cours  des  événements  avait  démon- 
trées en  les  accomplissant.  11  lui  dit  que 
leurs  livres  existaient ,  qu'il  i)nuvait  ,  en 
les  lisant,  en  constatant  les  miracles  qui  s'y 
trouvaient  consignés,  arriver  à  connaître  la 
vérité  (]u'il  cherchait.  Il  lui  dit  qu'avant  tout, 
i.l  i'allait  qu'il  priât  Dieu  de  lui  ouvrir  la 
porte  de  1  intelligence!  et  de  la  lumière,  ajou- 
tant que  nul  ne  jiouvait  comprendre  les  vé- 
rités contenues  dans  les  Ecritures,  sans  la 
gnlce  de  Dieu  et  de  son  Christ. 

Après  cette  conversation,  Justin  se  sentit 
eird)rasé  d'amour  pour  les  pro[)hètes.  «  Voi- 
là, dit-il  h  Try[)non,  comment  je  suis  de- 
ver)u  philosof)he.  »  Evidemment,  j)ar  ces 
mots,  saint  Justin  voulait  dire  philosophe 
chrétien. 

Parmi  les  iviisons  qui  le  portèrent  h  eni- 
brassfir  le  chrislianisiue;,  saint  Justin  signale 
les  suivantes.  11  faut  encor-e  ici  le  laisser 
parl(M'  :  h.'  témoignage  (ju'il  rend  en  faveur 
des  chrétiens  est  trop  considérable  |)Our  le 
passer  sous  silence.  «  J'él;iis  autrefois  atta- 
ché, dit-il,  connue  beaucoup  d'autres,  à  la 
philo'^oijhie  de  IM.ilon  ,  cl  je,  n'ignorais  pas 
noM  pliis  tous  les  crimes  dont  on  accusait  les 
«luéiiens.  .Mais  !ors(pnj  je  vins  à  consichMcr 
le  peu  de  cr-aiiile  (pi'ils  avaient  pour  la  mort, 
et  géné-rali;m(;nt  i)oin-  toutes  les  choses  qui 


paraissaient  .es  p.us  terribles,  je  reconnus 
qu'il  était  impossible  qu'ils  fussent  dans  les 
vices  et  les  dérèglements  qu'on  leur  impu- 
tait ,  car ,  comment  une  personne  qui  ne 
cherche  que  les  plaisirs  ,  qui  aime  les  dé- 
bauches, qui  trouve  du  contentement  à  man- 
ger de  la  chair  d'un  homme,  pourrait-elle 
recevoir  avec  joie  une  mort  qui  la  doit  pri- 
ver de  tout  ce  qu'elle  trouve  d'heureux 
et  d'agréable  dans  le  monde  ?  Un  tel  homme 
ne  fera-t-il  pas  plutôt  tous  ses  elforts  pour 
prolonger,  autant  qu'il  |)ourra,  une  vie  où  il 
met  toute  sa  félicité,  et  pour  le  cacher  aux 
yeux  des  magistrats,  bien  loin  d'être  lui- 
môme  son  dénonciateur  et  son  bourreau  ?  » 

Un  passage,  du  reste  assez  obscur,  de  saint 
Epiphane,  nous  porte  à  croire  que  saint  Jus- 
tin avait  à  peu  près  trente  ans  quand  il  se 
convertit  :  ce  dut  être  en  132  ou  en  133, 
quelque  temps  avant  la  révolte  des  Juifs. 
11  continua  à  porter  le  pallium  ou  manteau 
des  philosophes.  Il  menait,  dit  saint  Epi- 
phane, une  vie  fort  austère.  Il  est  fort  pro- 
bable qu'il  était  prêtre,  cej)endant  les  preuves 
è  cet  égard  ne  sont  pas  de  nature  à  empor- 
ter conviction.  (P.  Bélouino,  Hist.  générale 
des  perséc.  de  VEgL,  vol.  l",  p.  223.) 

Il  avait  une  vénération  très-grande  pour 
les  Ecritures  :  à  chaque  instant  il  cite  les 
prophètes  dans  ses  écrits.  Infatigable  prédi- 
cateur de  l'Evangile ,  il  remplissait  cette 
mission  sainte  avec  un  dévouement  sans 
bornes,  une  patience  extraordinaire,  en  pré- 
sence des  obstacles  de  toute  nature  qui  lui 
étaient  suscités.  Il  habita  longtemps  Home, 
demeurant  sur  le  mont  Viminal,  auprès  des 
bains  de  Timiotée.  Home  était  le  lieu  ordi- 
naire de  sa  résidence,  bien  qu'il  fît  de  fré- 
quents voyages  pour  aller  porter  au  loin  la 
lumière  évangélique.  Ainsi  il  visita  la  Cam- 
panie ,  l'Egypte,  Ephèse ,  où  il  rencontra 
Tryphon.  A  Rome,  sa  maison  était  une  sorte 
d'athénée  chrétien,  où  le  saint  démontrait 
les  vérités  évangéliques  et  combattait  les 
juifs  et  les  gentils.  Athlète  de  l'Eglise  ,  il 
condjattait  pour  elle  par  ses  discours  et  par 
ses  écrits.  Les  plus  célèbres  de  ses  ouvrages 
sont  ses  deux  Apologies  et  son  Dialogue 
avec  Tryphon.  Entre  les  écrits  qu'il  com- 
})Osa  contre  les  païens,  il  en  est  un  intitulé  : 
Klenchus ,  ou  Réfutation  ;  cet  ouvrage  est 
perdu. 

Saint  Justin  écrivit  beaucoup  d'autres  ou- 
vrages, la  plupart  perclus  maintenant.  Voici 
la  nomenclature  des  ouvrages  (^ui  nous  res- 
tent de  lui  :  Discours  aux  Grecs; — Du  livre  de 
la  monarchie; — Première  Apologie  ; — seconde 
Apologie  ;  —  Dialogue  avec  Tryphon  ; —  Ept- 
tre  à  Diognètc  :  mais  ce  qui  a  surtout  rendu 
ce  saint  docteur  célèbre ,  ce  sont  ses  deux 
Apologies  en  faveur  des  chrétiens.  La  pre- 
mière et  la  plus  importante  fut  nrésenlée  à 
Antonin  le  Pieux  et  à  ses  deux  lils  adoplifs, 
]\lar(-Aurèle  et  Lucius  ('onu)iode.  Antoniu 
n'avait  pas  rendu  d'édils  s|ié(iau\  contre  les 
(  hi(Uietis  ;  mais  ,  vu  vertu  des  lois  et  des 
édits  anciens,  ils  claic^nt  persécutés  eu  tous 
lii'uv  suivant  le  capric(!  des  gonvcMueurs  k\o% 
l)rovincus.  Saiiil  Jusini  nous  représente  les 


i 


ii35 


JLS 


ils 


UU 


<hr6{icT\s  comme  des  victimes  fjui  nVtai^tit 
de.stiri('*esqu'.'i  Atre  imrnolfjcs  h  la  cru.'iiiK;  dos 
jifTsécuteiirs  :  il  nous  les  rijonlr»,'  coinrrir;  des 
objets  do  l'avcTsion  et  de  la  riial«''di(  lion  dos 
neupN'S,  On  consj»irait  à  les  df'qioiiiller  de 
leurs  biens,  de  leur  eiistence  ;  on  tendait  à 
les  exlorniinor  du  monde;  on  leur  .iltribuait 
tous  l«;s  crimes  Jes  plus  odieux,  les  plus  ré- 
voltants. S'avouer  cbrétien  écjuivalait ,  tant 
''■taient  eirorjées  les  idéos  du  siècle  contre 
b's  discipb's  de  Jésus-Cbrist,  h  se  dire  alliée, 
fniicnii  des  hommes  et  des  dieux,  adonné  à 
de  prétendues  infamies  qui  se  commettaient 
en  commun.  Les  païens  reprochaient  aut 
chrétiens  toutes  les  horreurs  des  carf/ocra- 
tiens,  des  adamites;  on  leur  reprochait  de 
manger  en  commun  la  chair  d'un  enfant 
massacré.  Toutes  ces  circonstancfs  portèrent 
saint  Justin  h  porter  son  Apologie  a  l'empe- 
reur et  h  demander  qu'on  la  rendît  iiublique. 
Il  s'y  déclare  coura|^eusement  chrétien,  ex- 
pose la  vraie  doctrine ,  réfute  les  erreurs , 
abat  les  calomnies.  Voy.  cette  Apologie  dans 
notre  I"  vol.  de  V/tist.  (jén.  des  persécutions.) 
Dieu  couronna  d'un  plein  succès  les  efforts 
du  saint  a|>ologiste.  Antonin  rendit  un  res- 
crit  cui  défendit  de  persécuter  davantage  les 
chrétiens 

Ainsi  l'Eglise  lui  fut  redevable  de  la  paix 
dont  elle  jouit  jusqu'à  Marc-Aurèle  :  sous  le 
règne  de  ce  prince,  saint  Justin  eut  à  Rome 
ses  célèbres  conférences  avec  le  philosophe 
Crescent  :  ce  philosophe,  vaincu  par  le  doc- 
teur de  l'Eglise ,  en  conçut  un  tel  sentiment 
de  haine,  qu'il  résolut  de'le  faire  mourir  otj  le 
dénonçant  :  c'est  du  moins  ce  que  nous  af>- 
prend  'fatien,  disciple  de  saint  Justin.  Ce  s-'jint 
docteur  nous  dit  dans  sa  seconde  A{»ologie, 
présentée  à  Marc-Aurèle,  qu'il  s'attendait  à 
mourir  par  le  ffiit  des  trahisons,  des  dénon- 
ciations de  Crescent.  Ces  manœuvres  du  phi- 
losophe vindicatif  n'eurent  leur  résultat 
qu'un  peu  plus  tard.  Saint  Ptolémée  ayant 
été  martyrisé  à  Rome,  et  Marc-Aurèle  ayant 
fait  mourir  un  grand  nombre  de  chrétiens 
dans  tout  l'empiie,  saint  Justin  lui  présenta 
.sa  seconde  Apologie  en  faveur  des  chrétiens. 
Il  demande,  dans  celle-ci  comme  dans  la  pre- 
mière ,  qu'elle  soit  rendue  publique  ;  mais 
cette  seconde  Apologie  n'eut  pas  le  résultat 
de  la  première  :  elle  ne  procura  point  la 
paix  à  l'Eglise.  Les  intrigues  et  les  dénon- 
ciations de  Crescent  prirent  acte  de  ce  fait 
même  pour  faire  marcher  saint  Justin  à  la 
mort. 

Pour  compléter  la  vie  de  saint  Justin  , 
nous  donnerons  ici  ses  Actes. 

«  Sous  le  règne  de  Marc-Aurèle,  quelques 
personnes  passionnées  pour  le  culte  des  ido- 
les obtinrent  de  l'empereur  qu'on  publiât  dans 
toutes  les  villes  de  l'empire  des  édits  contre 
ceux  qui  faisaient  profession  de  la  véritable 
religion.  Ces  édits  portaient  qu'en  quelque 
lieu  qu'on  trouvât  un  chrétien,  on  s'en  sai- 
sît, et  qu'on  lobligeàt  sur  l'heure  de  sacrifier 
aux  dieux.  Ce  fut  pour  lors  que  Justin  et 
ceux  qui  étaient  avec  lui  furent  arrêtés  et 
conduits  à  Rome ,  ou  on  les  fit  comparaître 
devant  le  tribunal  de  Ru;>lique,  préfet  de  la 


ville.  Ce  magistrat,  s'adressant  \  Justin,  lui 
dit  :  t  Ne  voulez-vous  pas  obéir  aux  dieux 
et  Ji  l'empereur?  >•  Justin  lui  réjjondit  : 
•  Quiconque  obéira  ;i  Jésus-(Jhrist,  notre  Sau- 
veur, ne  (>ourra  jamais  être  (  ondamné.  — 
Quelle  science  ou  quel  art  [irofessez-vous  , 
continua  le  (uéfet? — Jusqu'ici,  réniiqua  Jus- 
tin, j'ai  travaillé  à  acquérir  toutes  les  connais- 
sances naturelles  et  humaines,  et  il  n'y  a  point 
d"!  genre  d'érudition  où  ma  curiosité  ne  m'ait 
fait  faire  quelques  progrès;  mais  enfin  je  me 
suis  fixé  à  la  science  des  chrétiens,  quoi- 
qu'elle ne  soit  pas  du  goût  de  ceux  qui  n'en 
ont  que  pour  l'erreur.  —  Quoi  1  misérable  , 
reprit  Rustique,  cette  science  te  f>eut-elle 
plaire?  —  Oui,  sans  doute,  répliqua  Justin, 
parce  ou'elle  me  fait  marcher  avec  les  chré- 
tiens dans  la  voie  de  la  vérité,  et  qu'elle 
contient  une  doctrine  droite  et  pure.  — 
Quelle  est  cette  doctrine,  dit  le  préfet  ?  —  f^ 
doctrine,  répondit  Justin  ,  que  suivent  les 
chrétiens,  consiste  à  croire  qu'il  n'y  a  qu'un 
Dieu  qui  a  créé  toutes  les  chosos  qui  se  voient 
et  toutes  celles  qui  ne  tombent  pas  sous  le  sens; 
à  reconnaître  un  seul  Seigneur  qui  est  Jésus- 
Christ,  Fils  unique  de  Dieu,  prédit  autrefois 
et  annoncé  aux  hommes  par  les  prophètes  , 
qui  doit  venir  juger  tout  le  genre  humain. 
C'est  lui  qui  l'est  venu  publier  dans  le  monde; 
il  veut  bien  être  le  maitre  de  ceux  qui  ai- 
ment à  apprendre  de  lui  les  vérités  qu'il  en- 
seigne. Pour  moi  ,  qui  suis  un  homme  sans 
intelligence  ,  j'avoue  que  j'ai  trop  peu  de 
lumières  pour  pouvoir  parler  de  sa  divinité 
d"une  manière  qui  soit  di^ne  d'elle;  il  n'ap- 
partient qu'aux  prophètes  de  pénétrer  dans 
cet  abîme  de  grandeur,  et  ce  sont  eux  qui , 
par  l'inspiration  de  Dieu,  ont  prédit  l'avé- 
nernent  de  celui  que  je  viens  de  nommer  son 
fils,  et  ils  l'ont  prédit  plusieurs  siècles  avant 
qu'il  parût  sur  la  terre.  »•  Le  préfet  lui  de- 
manda où  les  chrétiens  s'assemblaient;  Jus- 
tin lui  répondit  qu'il  était  libre  à  chacun  de  se 
trouver  partout  où  il  pouvait.  «  Pensez-vous, 
continua-t-il,  que  nous  ayons  un  lieu  détermi- 
né où  nous  tenions  ordinairement  nos  assem- 
blées? Nullt^ment.  Sachez  que  le  Dieu  des 
chrétiens  n'est  pas  enfermé  dans  un  lieu  :  il  est 
immense,  aussi  bien  qu'invisible,  et  il  remplit 
le  ciel  et  la  terre  ;  ainsi  il  est  adoré  en  tous 
lieux,  et  chaque  fiJèle  lui  peut  rendre  hom- 
mage par-tout  où  il  le  rencontre.  —  Je  veux 
savoir,  reprit  le  préfet,  où  vous  vous  assem- 
blez tous,  et  particulièrement  le  lieu  où  tes 
disciples  te  vont  écouter?  —  Je  vous  dirai 
bien  où  je  demeure  ,  répondit  Justin  ;  j'ai 
logé  jusqu'ici  tout  proche  ,  chez  un  nommé 
Martin ,  et  vis-à-vis  le  bain  limiotinurn. 
Voici  la  seconde  fois  que  je  viens  à  Rome , 
je  ne  connais  aucun  autre  logis;  que  si  quel- 
qu'un a  voulu  me  venir  trouver,  je  ne  lui  ai 
pas  caché  la  doctrine  de  la  vérité ,  et  je  lui 
ai  volontiers  communioué  ce  que  j'en  sa- 
vais. —  Tu  es  donc  cnrétien ,  lui  dit  le 
préfet  ?  —  Oui,  je  le  suis  ,  répondit  Justin.  » 
Alors  le  préfet,  se  tournant  vers  Cariton , 
lui  dit  :  «  Et  toi,  es-tu  aussi  chrétien  ?  *  Ca- 
riton répondit  :  «  Oui ,  je  le  suis  ,  par  la 
grâce  de  Dieu.  »  Le  préfet  fit  avaccer  une 


1433 


ILS 


JUS 


4436 


femme  nommée  Caritaine  ,  et  lui  domanda 
si  elle  était  clirétienne,  et  elle  lui  dit  ((u'elie 
était  cliréticrme  par  la  misé.icunle  du  Sei- 
gneur. Le  i)rérel  ialerro^^e.i    Evelpiste  ,  qui 
lui   répondit  :  «  Je   suisesclavc  do  [■empe- 
reur, mais  je  suis  chrétien  et  allVanchi  de 
J'''Sus-Christ ,  et ,  par  un  effet  de  sa  bo  ité  , 
j'ai  la  même  espérance  (ju'ont  ceux  que  vous 
voyez,  et  je  vis  connue  eux  dans  la  mèinc 
attente.  »  Le  préf.'t  s'adressa  e-isuiteà  Hié- 
rax  ,  ot  lui  denianda  s'il  était  chrétien  :  «  As- 
surément, répondit  Hiérax,  je  suis  ciirélien; 
j'adore  le  même  Dieu  qui;  les  antres  ado- 
rent. —  Est-ce  Justin,  dit  le  préfet,  ([ui  vous 
a  fait  chréti 'n  ?  — Pour  moi,  dit  Hiérax,  j'ai 
toujours   été  chrétien   et  je   le   serai.  »   Un 
nommé   Péon ,   qui  était  présent ,  dit   tout 
haut  :  «  Je  suis  aussi  chrétien.  —  Et  qui  ta 
instruit,  répliqua  le  préfet?  —  Ce  sont  mes 
l)arents,  répo'idit  Péon.  »  Evtdpiste  ajouta  : 
«  J'écoutais  avec  i)laisir  les  instructions  de 
Justin,  mais  j'ai  aussi  appris  de  mes  i)aienls 
à  être   chrétien.    »  Le   i)iéfel  lui  dit  :  «  Où 
sont  tes  parents?»  —  Ils  so'U  enCappadoce  , 
repartit   Evelpiste.   Le  préfet  ht    la  même 
question  à  Hiérax,  qui  lui  fit  cette  réponse  : 
«  Notre  véritable  père,  c'est  Jésus-Christ,  et 
la  foi  est  notre  véritable  mère  ;  c'est  par  elle 
que  nous  croyons  en  lui.  A  l'égard  des  [)a- 
rents  que  j'ai  eus  sur  la  terre,  ils  sont  morts. 
Au  reste,  j'ai  été  tiré  de  la  Phrygie,  et  l'on 
m'a  amené  ici.  »  Le   i)réfet  demanda  h  Li- 
bérien ce  qu'il  disait,  et  s'il  était  aussi  chré- 
tien et  impie  envers  les  dieux.  Libérien  ré- 
pou'iit  qu'il  était  chrétien   et  qu'il  adorait  le 
vrai  Dieu.  Le  préfet ,  revenant  à  Justin  ,  lui 
dit  :  «  E;oute,  toi  qui  fais  l'orateur,  et  qui  te 
jiiques  d'éloquence  et  de   doctrine;  toi  qui 
crois  |)0ss^der  la  vraie  sagesse ,  quand  je 
t'aurai  fait  déchirer  à  coups  de  fouet  depuis 
la  tète  jusqu'aux  pieds,  penses-tu  monterau 
ciel  en  cet  état?  —  J'espère,  répondit  Justin, 
que  si  je  soutire  pour  Jésus-Christ  le  sup- 
plice dont  vous  me  lUi  nacez ,  je  recevrai  de 
lui  ce  ({uont  déjà  reçu  ceux  qui  ont  gardé 
si;s  i)réceples  ;  car  je*  sais  que  la  grâce  de 
Dieu  est  réservée  jusqu'à  la  lin  du  monde  h 
tous  ceux  qui  auront  ainsi  vécu.  —  Tu  t'i- 
magines donc,  lui  dit  le  préfet,  ({u'une  grande 
l'écompense  t'alt(nid  .ians  h;  ciel?— Je  ne  me 
l'imagine  pas,  répondit  Justin,  je  le  sais,  et 
j'en  suis  si  convaincu  qne  je  n'en  ai  pas  le 
moindre  doute.  »  Le  préfet  dit  :  «  Laissons 
tout  cela  ,  venons  au  [)oint  et  à  ce  (lu'il  y  a 
de  plus  pressé.  Assemblez-vous  tous,  et,  ani- 
més d'un  même  esprit,  préparez-vous  à  sa- 
crilicr  airx  iLieux.  w  Justin,  prenant  la  parole 
])0iir  tous,  dit  :  «  'loul  homme  dt;  bon  sens 
n'abandfuinera  jamais  la  véritable  |)iélé  j)onr 
courir  a|)rès  l'impiété  et  l'erreur.  »  Le  prélet 
dit  :  «  Si   vous   n'obéissez  à  notre    ordon- 
nance, vous  pouv(;/  vous  attendre  à  èlre  trai- 
tés sans  aucune  miséricorde.  «Justin  répondit: 
«  Nous   ne  souhaitons  rien  avec  plus  d'ar- 
fhrnr  que  de  soulliir  [jour  Notre -Seigneur 
Jésus-Clirist ,  et  d'aller  à  lui   par  les  lour- 
luents.  C'est  ce  qui  nous  doniuira  do  la  (;on- 
liance  devant  son  tribunal  teirible  ,  où  tous 
k'S)  houiuio.s  doivent  comi)arailre  pour  y  èlre 


jugés.  »  Tous  dirent  la  môme  chose  et  ajou- 
tèrent :  «  Faites  ce  que  vous  voudrez;  nous 
sommes  chrétiens,  et  nous  ne  sacriiions  point 
à  Vos  idoles.  »  Ce  que  le  prél'ei  ayant  ouï,  il 
prono'iga  cet'e  sente  ice  :  «  Que  tous  ceux 
qui  n'ont  pas  voulu  sacrifier  aux  dieux  ni 
obéir  à  rordonnancc  de  l'empereur  soient 
battus  de  verges  et  co  duitsnu  lieu  du  sup- 
plice pour  y  perdre  la  tète,  ainsi  que  les  lois 
l'oi'do mont.  »  Ces  saints  martyrs  furent  donc 
menés  au  lieu  où  l'on  exécutait  les  crimi- 
nels ;  et  là  ,  parmi  les  louanges  ,  les  actions 
de  grâces  et  les  bénédictions  qu'ils  donnaient 
à  Dieu,  ils  furent  d'aborl  fouettés  et  eurent 
ensuite  la  tète  trancliée,  confessant  leur  Sau- 
veur juscpi'au  dernier  soupir.  Après  leur 
mort,  (piehjues  lidèles  enlevèrent  secrète- 
ment'leurs  corps  et  les  enterrèrent  en  ud 
lieu  décent.  » 

L'Eglise  fait  la  fête  de  saint  Justin  le  1" 
juin 

JUSTIN  (saint),  confessa  sa  foi  à  Rome, 
sur  le  chemin  de  Tivoli,  durant  la  |;ersécu- 
tion  de  Valérien  et  de  Gallien.  Il  enterra 
le  corps  du  [)ape  saint  Xyste  ,  ceux  de  saint 
Laurent  ,  de  saint  Hi[)polyte  et  de  [dusieurs 
autres.  II  soulfrit  le  martyre  sous  rem[)e-' 
rcur  Claude.  L'Eglise  fait  sa  fètc  le  19  sep- 
tembre. 

JUSTIN  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la  foi 
à  Trêves.  {Voy.  Maxence  ,  pour  plus  de  dé- 
tails.) 

JUSTIN,  gouverneur  de  la  Thrace,  succéda 
à  Bassus  et  fut  appelé  après  lui  à  continuer 
l'atfaire  des  saints  Pliili|)[)e,  évoque  d'Héra- 
clée,  Sévère,  |)rêtre,  et  Hermès,  diacre.  11  se 
montra  d'une  cruauté  qui  contrasta  vive- 
ment avec  la  douceur  et  la  justice  qu'avait 
montrées  son  prédécesseur.  Il  condamna 
saint  Philip[)e  et  saint  Hermès  à  être  brûlés 
vifs.  Saint  Sévère  fut  mis  à  mort  trois  jours 
après.  (Voy.  les  Actes  de  saint  Puilu'pe  à  son 
article.) 

JUSTINE  (sainte),  donna  sa  vie  pour  Jé- 
sus-Christ, à  P.idoue,  en  l'an  de  l'ère  chré- 
tienne 30't,  sous  rein()ire  et  durant  la  persé- 
cution de  Dioclétien.  On  est  })eu  assuré  sur 
le  détail  de  ce  qui  la  concerne.  Ses  reli(iues 
ont  été  retrouvées  en  1177.  L'Eglise  célèbre 
sa  fête  le  7  octobre.  Ses  Actes,  (pii  sont  dans 
Mombrilius,  n'ont  rien  d'ancien  ni  d'authen- 
tique, mais  beai'coup  de  paroles,  et  un  mi- 
racle digne  de  Mélaphraste;  vi  (pioitpie  Tau-, 
leur  S(ï  prétende  témoin  o(.'ulaire  de  son  mar- 
tyre, les  faits  iiiême  (pi'il  rapporte  font  voir 
(pi'il  n'a  vécu  (pi'assez  longtemps  depuis.  Ce 
(|u'en  rap|)orle  Pierrtï  de  Nutdlibus  e.>t  encore 
moins  reeevable.  Elle  fut  enterrée  par  saint 
Prodosciine,  évê(pie  «le  Padoue. 

JUSTINE  (  sainte) ,  martyre  à  Nicométlio  , 
en  l'an  de  Jésus-t^hrist  JO'i-,  fut  mise  à  mort 
j)ar  l'ordiu!  exprès  de  l'empereur  Dioclétien. 
(Pour  plus  d(î  détails  ,  voy.  l'arlicle  de  saint 
Cyi'uien  dit  l(!  Mayicicn.) 

JUSTINI*:  (sainte),  martyre,  cueillit  la  pal- 
me du  m.u'tyrii  à  Aiiii<i(!  en  Paplilagonie.  On 
i,;nore  l'epcxpu!  où  (dio  soiiil'rit  ;  on  sait  seu- 
lement (pi'elhf  fut  toiturée  avec  Alevandra, 
<Maude  ,   Eu[)hrasiL  ,   iMalrt)ne  ,  Euphémie  , 


1457  JLY 

Théodose,  Dor[)hute  et  sa  sœur.  L'Eyliseho- 
noi-i'  loiii"  mémoire  le  20  mars. 
•  JIISI'INK  (sainte).  soiitlVil  le  martyre  ^ 
Mayeiue,  avecsi'iiit  Auré,  son  IVère,  cl  d'iui- 
tres  chrétiens  doit  les  noms  nous  so-it  i'i- 
couMiis.  Ils  étaient  ;"»  céléhier  les  divins 
mystères  dans  une  église,  lors(|n' Is  y  Cu- 
rent surpris  et  massacrés  p-ir  les  Huns,  (l'ii 
ravageaient  l'AlIcmaiAne.  Ils  sont  inscrits  au 
Mariyr(dogo  romain  \o.  Itijuin. 

JUSrJNi';  (sainte),  mailyre,  eut  le  i;lo- 
rieux  {irivilége  d(^  donner  sa  vie  [)0ur  la  dé- 
fense do  la  reliu;ion.  Klle  eut  pour  compa- 
gnons d(^  son  marlyre,  (jui  eut  lieu  en  Sar- 
daign(\  sainte  Hénédine  et  sai'it  Juste.  L'K- 
glise  t'ait  leur  mémoire  le  l'i-  mai 

JUN'MNAL  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre cl  uni'  épO(iue  (  l  dans  des  circonstjuccs 
qui  nous  sont  complètement  inco-inucs.  Il 
est  inscrit  au  Martyrologe  romain  le  7  mai. 

JUVI^NCK  (saint),  i-eçut  la  palme  du  mar- 
tyre r^  Home;  nous  ignorons  h  quelle  ép0(|ue 
et  dans  (luelles  circonstances.  L'Eglise  lait 
sa  l'été  le  1"  juin. 

JUVENTIN  (saint),  martyr, mourut  pour  la 
défense  du  christianisme,  en  l'an  de  Jésus- 
Christ  lHhi.  Ses  Actes  lui  sont  conununs  avec 
saint  Maximin  ;  les  voici  dans  leur  entier, 
d'après  Vflistoire  ecclésiastique  de  Théodo- 
ret,  liv.  III,  chap.  15. 

«  Julien  commençait  h  ne  plus  garder  de 
mesures  dans  la  guerre  qu'il  avait  déclarée  à 
Jésus-Christ  :  il  l'attaquait  avec  plus  d'au- 
dace ;  et  s'il  cachait  encore  ses  mauvais  des- 
seins sous  une  a[)parence  de  douceur  et 
sous  une  feinte  modération,  ce  n'était  que 
pour  les  l'aire  réussir  plus  sûrement.  E:i  ef- 
fet, il  ne  cherchait  qu'à  faire  tomber  les 
chrétiens  dans  les  pièges  qu'il  leur  dressait 
chaque  jour,  et  à  les  entraîner  avec  \-<i  dans 
l'impiété,  ete'isuitodans  le  malheur  éternd  : 
car  il  tit  souiller,  par  ses  abominables  sacri- 
fices, les  fontaines  (fui  étaient  dans  Antio- 
clie  et  dans  les  faubourgs,  et  i  articulière- 
ment  dans  celui  de  Daphné,  afin  que  tous 
ceux  qui  viendraient  y  puiser  de  l'eau  se 
souillassent  eux-mêmes  en  buvant  de  cette 
eau  impure.  Il  lit  la  même  chose  à  l'égard 
des  denrées  qui  se  vendaient  dans  les  mar- 
diés  publics,  et  le  pain,  la  viande  de  bou- 
cherie, les  fruits  et  les  légumes  étaient  ren- 
dus profanes  et  devenaient  une  nourriture 
«acrilége,  par  l'eau  lustrale  que  les  prêtres 
Ôes  faux  dieux  jetaient  dessus.  Cette  op- 
pression faisait  gémir  les  chrétiens,  et  toute 
l'*\5lise  était  dans  la  consternation.  Les  fi- 
dèles toutefois  ne  laissaient  pas  d'acheter 
ce  qui  leur  était  nécessaire,  et  ils  en  man- 
geaient sans  se  gêner  par  un  vain  scrupule  , 
se  souvenant  de  l'avertissement  que  donne 
l'Apôtre  :  Mangez  de  tout  ce  qui  s  expose  au 
marché,  sans  vous  informer  trop  curieuse- 
ment d  OM  //  vient,  pour  ne  pas  jeter  dans  vo- 
tre conscience  le  trouble  et  l'inquiétude.  Or, 
il  arriva  un  jour  que  deux  hommes  de  dis- 
tinction dans  lest  oupes  (car  ils  étaient  de 
la  compagnie  des  gardes  de  l'empereur),  se 
trouvant  à  un  festin,  se  mirent  à  déplorer 
en  termes  un  peu  forts  la  condition   des 


JUV  \m 

chrétiens,  et  la  violence  qu'on  exerçait  con- 
ti'(!  eux  ;  ils  se  seivirent  mènu!  fort  à  ])ropos, 
pour  expr  nier  lei.r  douleur,  des  [)aroles 
dont  s'él.dent  servis  autrefois,  à  H.ibylone, 
dans  une  pareille  conjom:lui'e,  les  trois  jeu- 
nes Hi'breux  ,  si  coinuis  <lans  l'hisloiio 
sainte.  «  Vous  nous  avez  livrés  (ilisaient-ils 
connue  ces  jeunes  Juifs),  à  un  prince  infi- 
dèle, h  un  apostat  qui  est  en  horreur  à  toute 
la  ((M're.  »  Cela  fut  rapporté  par  (pieUin'un 
des  conviés,  à  rem()ereui',  qui  ne  manqua 
pas  de  faire  aussitôt  venir  devant  lui  ces 
deux  gardes,  11  les  inliîrrogea  lui-même,  et 
il  voulut  appieidre  (h;  leur  propi-e  bouche 
ce  qu'ils  avaient  dit  de  lui.  Ces  braves  gens, 
bien  loin  de  s'elfrayer  d'une  semblable  de- 
mande, en  prirent,  au  contraire,  O'  casion  de 
parler  au  prince  avec  plus  de  liberté  ;  se 
sentant  donc  animés  d'un  zèle  généreux  et 
viainuijt  chrétien,  ils  lui  dirent  :  «  Sei- 
gneur, a\ant  i-eçn  l'un  et  l'autre  dans  le 
sein  de  l'Kglise  une  éducation  toute  sainte, 
et  n'ayant  jamais  obéi  qu'aux  lois  pleines 
de  piété  et  de  religion  du  grand  Constantin 
et  des  empereurs  ses  enfants,  nous  ne  pou- 
vons voir  qu'avec  une  douleur  sensible  que 
vous  remplissez  d'abimiinations  tout  l'em- 
pire, et  que,  par  des  sacrifices  impies,  vous 
souillez  les-biens  que  Dieu  fait  aux  hommes, 
et  les  choses  les  plus  nécessaii'cs  qu'il  leur 
fournit  pour  le  soutien  de  leur  vie.  C'est  sur 
ces  malheurs,  seigneur,  que  nous  versons 
des  larmes  en  secret  depuis  longtemps,  et 
que  nous  prenons  la  liberté  «l'en  réi)an(ire  en 
la  présence  de  Votre  Majesté.  »  A  ce  dis- 
cours, le  plus  doux  et  le  plus  modéré  de 
tous  les  hommes  (car  c'est  ainsi  que  ses  flat- 
teurs le  nomment),  ne  se  souvenant  plus  de 
faire  le  personnage  d'un  prince  clément,  se 
laissa  voir,  sans  aucun  déguisement,  dans 
tout  son  naturel.  Il  les  lit  tourmenter  si 
cruellement,  qu'ils  expirèrent  dans  les  sup- 
plices. Mais  les  couronnes  qu'ils  reçurent  en 
sortant  de  la  vie  les  consolèrent  bientôt 
de  la  perte  qu'ils  venaient  d'en  faire  dans 
un  temps  si  malheureux.  Cependant  Julien, 
pour  colorer  sa  cruauté  de  quelque  prétexte 
S[)écieux,  et  aussitôt  reprenant  sa  dissimu- 
lation ordinaire,  publia  que  la  religion  n'a- 
vait aucune  part  à  la  mort  de  ces  deux 
hommes,  et  qu'il  n'avait  puni  en  eux  que 
le  peu  de  respect  qu'ils  avaient  eu  pour  sa 
personne  et  pour  sa  dignité,  qu'ils  avaieni 
violée  par- l'insolent  discours  qu'ils  lui  avaient 
tenu.  Il  prétendait  par  là  leur  ravir  la  gloire 
du  martyre  :  au  reste,  il  est  juste  de  lais- 
ser à  la  1  ostéi'ité  les  noms  de  ces  deux  il- 
lustres guerriers.  L'un  se  nommait  Juven- 
tin,  et  l'autre  Maximin.  La  vdle  d'Antioche, 
voulant  rendre  à  leur  mémoire  les  hon- 
neurs qui  leur  sont  dus  pour  avoir  défendu 
la  vérité,  au  prix  même  de  leur  sang,  leur 
éleva  un  superbe  tombeau,  oij  l'on  voit  se 
renouveler  chaque  jour  la  dévotion  des  peu- 
ples (Ij. 

(l)  Saint  Chrysosîome  prononça,  dans Antiocbe, 
1111  discours  à  leur  lioiiiieur;  c'est  le  40«  dul"  vo- 
lume des  Œuvres  de  ce  saint  docteur. 


1439 


KAl 


KAt 


U4Ô 


«  Plusieurs  autres  personnages  considéra- 
Mes  ou  par  leur  charge  ou  par  leur  luérite, 
pour  avoir  parlé  avec  la  même  liberté,  eu- 
rent presque  le  môme  sort  et  remportèrent 
de  pareilles  couronnes.  De  ce  nombre  fut 
Valcntinien,  celui-là  même  qui  régna  peu  de 
temps  après.  Ce  grand  homme,  qui  pour 
lors  était  tribun  et  commandait  la  garde  du 
palais,  ne  put  cacher  le  zèle  (juil  avait  pour 
la  gloire  de  Dieu  et  i)Our  l'honneur  de  sa  re- 
ligion. Car,  un  jour  que  Julien  entrait 
connue  triomphant  dans  le  temple  du  Génie 
public,  et  que  deux  sacristains  rangés  aux 
deux  côtés  de  la  porte  i)uritiaient  avec  de 


Teau  lustrale  tous  ceux  qui  entraient  avec 
l'empereur,  Valenlinien,  qui  le  suivait  im- 
médiatement, ayant  aperçu  une  goutte  de 
cette  eau  sur  sa"  manche,  donna  de  toute  sa 
force  un  soulllct  au  sacristain  qui  la  lui 
avait  jetée,  lui  disant  hautement  qu'il  l'a- 
vait sali  et  non  pas  i)urihé.  Julien,  qui  fut 
témoin  de  l'action,  le  relégua  dans  un  chA- 
teau  bâti  au  milieu  d'un  désert.  Mais  h  peine 
un  an  et  quelques  mois  s'élaienl-ils  écoulés, 
que  Dieu  lui  donna  l'empire  pour  récom- 
pense de  cette  généreuse  confession.  »  —  25 
janvier  et  5  septembre. 


K 


KAM  (François),  néophyte  lOnquinois, 
fut  mis  à  mort  pour  la  foi,  en  1722,  au  Ton- 
quin,  avec  le  P.  Bucharclli,  jésuite,  Paul  Noi, 
Luc  Mai,  Thadée  Tho  ,  Philippe  Mi,  Luc 
Thu,  Emmanuel  Dien,  Pierre  Frien  et  Dao 
Ambroise,  néophytes  qui  mêlèrent  leur  sang 
à  celui  du  saint  missionnaire. 

KARÉKIN  (saint),  était  un  jeune  prince 
d'Arménie  qui  vivait  à  la  cour  du  prince 
Hazguerd,  roi  des  Arméniens.  Le  seul  nom 
de  Jésus-Christ  mettait  ce  prince  en  fureur, 
et  il  ne  pouvait  comprendre  qu'un  Dieu  se 
fût  laissé  maltraiter,  crucifier,  mourir  et 
ensevelir  ;  il  revenait  sans  cesse  à  ces  points 
de  notre  foi  qui  lui  fournissaient  un  conti- 
nuel sujet  de  moquerie.  —  «Mais,  lui  dit  un 
jour  notre  jeune  saint,  d'où  savez-vous,  mon 
roi,  toutes  ces  choses  touchant  Notre- Sei- 
gneur ? —  D'oùje  les  sais,  répondit  Hazguerd, 
ne  me  suis-je  pas  fait  lire  le  livre  de  votre 
croyance  erronée  ?  —  Et  pourquoi,  répondit 
le  jeune  prince,  n'avez-vous  fait  lire  que 
jusque-là  ;  si  vous  aviez  été  plus  avant,  vous 
auriez  vu  la  résurrection  ,  l'apparition  de 
Jésus  ressuscité  à  ses  disciples,  son  ascension 
au  ciel  où.  il  est  assis  à  la  droite  de  Dieu,  la 
I)romesse  de  son  second  avènement,  la  ré- 
surrection merveilleuse  du  genre  humain, 
le  jugement  dernier  et  la  récompense  équi- 
table !  »  Le  roi  se  prit  à  rire  et  dit  d'un  ton 
dédaigneux  :  «  Mensonge  (jue  tout  cela,  n)en- 
songe  1  »  Mais  notre  héros  chrétien  lui  re- 
partit sans  s'émouvoir  :  «  Si  vous  regardez 
coirnne  croyable  son  su|)plice  dans  le  teuips, 
vous  |)0uvez  croire  aven;  plus  de  certitude 
encore  à  sa  gloire  immortelle'  et  à  son  terrible 
avènement  dernier.  »  Le  roi  entra  aloi-s  dans 
une  furieuse  colère  et  lit  tomber  sa  i-age  sur 
Kaj'ékirj  ;  il  lui  lit  mettre  les  fers  aux  pieds 
(;t  aux  mains,  et  après  l'avoir  laissé  languir 
deux  années  dans  un  noir  cachot,  il  confis- 
qua ses  biens  et  lança  contre  lui  une  s(in- 
Uiticji  do  mort.  (E.  V.  trad.  (i.  Ci.  k,  pussim.) 

KATCHATCII  (saint),  diacre  du  uays  do 
Uiclulounik,  reçut  la  glorieuses  panne  du 
m?irtyr(!  sous  le  règrn;  du  cruel  lla/.guerd, 
loi  (le  l>ers(î,  (jui  voulait  forcer  les  Armé- 
niens loml)(';s  sous  sa  domination,  (st  dont 
notre  saint  et  ses  compagnons  faisaient  par- 


tie, à  embrasser  la  loi  de  Zoroastre.  Les 
compagnons  du  martyre  de  Katchatch  furent  : 
Sahag,[évêquedeRichdounik,  Joseph,  patriar- 
che de  Vaïotz-tzor  et  du  village  Holotzmanz, 
Léonce,  archiprôtre  de  Vanant,  du  village 
d'Itcavank,  Mouche,  prêtre  de  Halpage,  Ar- 
chen,  prêtre  de  Pakrévant,  du  village  d'Elé- 
heg,  et  le  bienheureux  chef  mage  de  la  ville 
de  Niuchahouh.  Excité  par  les  mages  et  par 
son  premier  ministre,  nommé  Mihir-Nerséh, 
Hazguerd  envoya  Tenchabouh,  pour  faire 
mourir  ces  saints  prêtres,  qui  étaient  renfer- 
més dans  la  ville  lorte  de  Niuchabouh  sous 
la  garde  du  chef  des  mages  en  môme  temps 
gouverneur  civil  du  pays  d'Abar.  Ce  mage, 
voyant  nos  saints  demeurer  fermes  dans 
leur  foi,  les  maltraita  beaucoup  et  les  fit  en- 
fermer dans  un  noir  et  humide  cachot  où 
deux  gamelles  de  soupe  épaisse  et  une  cruche 
d'eau  composaient  tous  leurs  aliments.  Eton- 
né de  les  voir  joyeux  et  bien  portants,  mal- 
gré leur  dure  captivité  et  la  grossière  nour- 
ture  qu'il  leur  faisait  donner  depuis  quarante 
jours,  le  mage  gouverneur  vint  une  nuit  rô- 
der autour  du  cachot,  soupçonnant  quequel- 
qu'un  de  ses  serviteurs  [)ortait  des  aliments 
aux  prisonniers,  protégé  par  les  ténèbres.  11 
s'api)rocha  doucement  du  soupii'ail  de  la  pri- 
son et  fut  témoin  d'un  prodige  étrange.  Cha- 
cun des  [)risotHiiers  brillait  d'un  éclat  mer- 
veilleux au  milieu  (!(!  l'obscurité  de  la  nuit. 
Il  fut  si  épouvanté  de  ce  nrodige,  (pie  bientôt 
il  renonça  aux  erreurs  (lu  magisme  et  se  fit 
insti'uire  pai'ses  |)i'isonniers  dans  la  religion 
des  (îhi'étiens.  Quand  Tenchabouh  arriva 
pour  exécuter  les  ordres  sanguinaires  d'Haz- 
guerd,  il  ne  fut  pas  peu  étonné  de  trouver 
1(!  mage  assis  au  milieu  des  j)risonniers, 
écoutant  leurs  discours  et  les  exhortant  lui- 
même  à  braver  la  mort  (ju'ils  allaient  souf- 
frir. Tenchabouh  avertit  le  roi  de  co  qui 
venait  de  se  passer  ;  celui-ci  lui  défendit  do 
l)utiir  imblicpuMuent  le  mage  gouverneur,  à 
cause  du  tort  (|ui  en  résulterait  pour  la  reli- 
gion de  Zoroastre,  mais  il  lui  ordoimait  de 
l'envoyer  secièleiiH'Ul  en  exil  dans  un  pays 
lointain,  au  nord  de  Khoiassan,  où  il  reçut 
la  palme  du  martyre.  Après  avoir  terminé 
cette  allaire,  le  miniiitrc  dos  cruautés  d'Haï- 


1 


i 


j 


1441 


KIL 


KOR 


1449 


gu(M(l  fil,  lam/^mo  nuit,  transporter  los  prA- 
trcs  niiiU'iiitMisdaiis  iiîi  ciidroit  (''cartùdu  dé- 
sert. Arrivés  au  lieu  de  l'exécution,  on  leur 
lia  les  pieds  et  les  mai>is,el  ils  lurent  traînés 
d'ahord  sur  un  sol  rocailleux  et  rempli  d'as- 
pérités. Knsuile  TiMicliabouli,  ayant  essayé 
vainement  de  les  faire  renoncer  h  leur  loi, 
ils  furent  décapités,  le  30  juillet  45V,  dans  lo 

grand  désert  du  i>a  vs  d'Aban,  au  département 
e  la  ville  royale  de  Niuchabouh. 
KHOUEN  (saint),  martyr  d'Arménie,  sous 
Hazguerd,  deuxième  du  nom,  roi  de  Perse. 
Voij.  pour  les  détails,  saint  Ahuauam,  confes- 
seur (Abraham  de  Niuchabouh). 

KILIEN  (saint),  évétjue  do  Wurlzbourg  et 
martyr,  mourut  en  l'an  de  Jésus-Christ  G89  ; 
il  est  quehiuefois  a|>pelé  Chilien  ou  Kuln.  Il 
appartenait  h.  une  lamillo  illustre  d'Ecosse, 
c'est-à-dire  d'Irlande,  et  très-bien  instruit 
des  saintes  lettres.  Etant  évéque,  quolcju'il 
fiU  extrêmement  aimé  de  son  clergé  et  do 
son  peuple,  le  désir  d'une  plus  grande  per- 
fection le  i)orta  à  quitter  son  pays  ;  et  il  per- 
suada à  quelques-uns  de  ses  disciples  de  l'ac- 
compagner. Ils  passèrent  en  Austrasie,  et 
s'arrêtèrent  à  Wurtzbourg  sur  le  Mein,  où 
commandait  alors  un  duc,  nommé  Gosberl, 
encore  i)aien.  L'agrément  du  lieu  et  le  beau 
naturel  des  habitants  invitèrent  Kilien  à  y  de- 
meurer. Il  le  proposa  à  ses  compagnons. 
«  Mais  auparavant ,  dit-il,  allons  à  Rome 
comme  nous  avons  résolu  dans  notre  pays  ; 
visitons  les  églises  des  saints  apôtres,  pré- 
sentons-nous au  pape  Jean,  et,  s'il  nous 
donne  la  permission ,  nous  reviendrons  ici 
prêcher  l'Evangile.  »  Ils  s'y  accordèrent  tous  ; 
mais,  étant  arrivés  à  Rome,  ils  trouvèrent 
que  le  pape  Jean  était  mort.  Saint  Kilien  fut 
très-bien  reçu  par  le  pape  Conon,  qui,  voyant 
sa  foi  et  sa  doctrine,  lui  donna  de  la  part  de 
saint  Pierre  le  (louvoir  d'instruire  et  de  con- 
vertir les  infidèles.  Il  retourna  à  Wurtzbourg, 
accompagné  du  prêtre  Coloman  et  du  diacre 
Totnan.  Ils  y  prêchèrent  ;  le  duc  Gosbert  les 
fit  venir  :  saint  Kilien  l'entretint,  le  conver- 
tit, le  baptisa  ;  et  un  grand  nombre  suivit 
son  exemple.  Gosbert  avait  épousé  la  femme 
de  son  frère  ;  mais  saint  Kilien  ne  voulut 
pas  lui  faire  de  peine  sur  ce  mariage,  juscju'à 
ce  qu'il  le  vît  bien  atïermi  dans  la  foi.  Alors 
il  lui  dit  :  «  Mon  cher  tils,  vous  serez  en 
tout  agréable  à  Dieu  si  vous  pouvez  en- 
core vous  résoudre  à  quitter  votre  femme, 
car  votre  mariage  n'est  pas  légitime.  »  Gos- 
bert lui  répondit  :  «  Vous  ne  m'avez  encore 
rien  proposé  de  si  difficile,  mais,  puisque 
j'ai  quitté  tout  le  reste  pour  l'arnour  de 
Dieu,  je  quitterai  encore  ma  femme,  quoi- 
qu'elle me  soit  très-chère,  s'il  ne  m'est  pas 
permis  de  la  garder.  »  Il  remit  à  exécuter 
cette  séparation  après  un  voyage  de  guerre 
où  il  était  pressé  d'aller.  Cependant  safemme, 
nommée  Geilane,  pensait  continuellement  à 
se  venger  ;  et,  prenant  le  temps  de  l'absence 
du  duc,  elle  envoya  de  nuit  un  de  ses  gens 
pour  égorger  le  saint  et  ses  compagnons.  Ils 
cliautaient  ensemble  les  louanges  de  Dieu; 
saint  Kilien  les  exhorta  à  soutenir  généreu- 
sement ce  combat,  qu'ils  désiraient  depuis 


si  longtemps,  et  ils  eurent  tons  la  tête  tran- 
chée. On  les  enterra  la  même  nuit  à  la  liAle  et 
en  cachettes  avec  leurs  coffres,  la  croix,  T'E- 
vangili!  (ît  les  ornements  pontificaux.  C'était 
l'an  G89,  le  8  juillet,  jour  au(iu(!l  J'Eglise  les 
honore  connue  martyrs.  (Af«r/f/r./?om.  8  juil.) 
Lo  duc  Gosbert  étant  revenu,  demanda  od 
étaient  les  serviteurs   de   Dieu.  Geilane  dit 
qu'elle  no  savait  ce  qu'ils  étaient  diîvenus  ; 
niais  le    meurtrier  se  découvrit   lui-même. 
Il  courait  de  tous  côtés,    et    disait  en  trem- 
blant que  Kilien   le   brûlait  d'un   feu   très- 
cruel.  Gosbert  assembla  tous  les   chrétiens, 
ses  sujets  ,  et  demanda   ce   que  l'on  devait 
faire  de  ce  misérable.  Mais  (jeilane  suscita 
un   homme    plus   éloquent  que  les  autres, 
qui  dit  :  «  Seigneur,  pensez  à  vous  et  à  tous 
tant  que  nous  sommes ,  qui  avons  reçu  le 
ba{)tênie  de  ces  étrangers  ;  et,    r)Our  éprou- 
ver si  leur    Dieu  est  aussi  puissant    qu'ils 
disent,  faites  détacher  ce  malheureux  et  le 
laissez    en  liberté ,  nous    verrons   si  leur 
Dieu  les    vengera.    Sinon,   ne   trouvez  pas 
mauvais  que  je  le  dise,  nous  voulons  servir 
la  grande  Diane  comme  nos  pères,  qui  s'en 
sont  bien  trouvés.  »  Ainsi   fut  fait,  mais   le 
meurtrier,  étant  délivré,  entra  en  fureur  et 
se  déchira  à  belles  dents  jusqu'à  la  mort.  Les 
chrétiens  en   louèrent  Dieu,  mais   sa  ven- 
geance s'étendit  plus  loin.  Geilane  fut  possé- 
dée du  malin  esprit,  qui   l'agita   tellement 
qu'elle   en  mourut  ;   le  duc  Gosbert  fut  tué 
par  ses  domestiques  ;  Hétan,  son  fils,    fut 
chassé  de  son  état  par  les  Français   Orien- 
taux ;  et  il  ne  resta  personne  de  cette   race. 
Saint  Kilien  est  honoré  comme  le  patron  de 
Wurtzbourg,  dont  toutefois  il  ne   fut  jamais 
évéque,   car  ce  siège  ne  fut  érigé   que  cin- 
quante ans  après. 

KOMAR,  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Ba- 
sile, fut  une  des  victimes  de  l'atroce  persé- 
cution que  le  czar  Nicolas  fit  subir,  en  l'an- 
née 1837,  à  tous  les  catlioliques  qui  ne  vou- 
lurent point  abandonner  leur  foi  pour  em- 
brasser la  religion  russe.  Après  avoir  subi 
mille  tortures,  ce  saint  martyr,  qui  était 
plus  que  septuagénaire,  fut  placé  sous  une 
pompe  dont  l'eau  qu'on  lâcha  sur  lui,  se 
congelant  au  contact  de  l'air ,  l'enveloppa 
bientôt  comme  d'un  manteau  de  glace  sous 
lequel  il  trouva  une  mort  affreuse.    [Voy. 

MiECZYSLAWSKA.) 

KORYCKA  (Catherine)  ,  l'une  des  reli- 
gieuses de  Saint-Basile,  établies  à  Minsk  en 
Lithuanie,  et  connues  sous  le  nom  de  Filles 
de  la  Sainte-Trinité,  qui  furent  expulsées 
de  leur  couvent  et  livrées  aux  persécutions 
les  plus  violentes,  dans  le  courant  de  l'an- 
née 1837,  par  le  czar  Nicolas  et  Siema.szlsO, 
évêque  apostat.  On  les  employa  à  la  cons- 
truction d'un  palais  à  Spas,  pour  Siemaszko. 
Un  éboulement  étant  survenu,  Catherine  Ko- 
rycka  et  quatre  de  ses  compagnes  furent  en- 
sevelies vivantes  sous  les  décombres,  sans 
qu'on  permît  à  celles  qui  étaient  témoins 
de  ce  malheur,  de  chercher  à  délivrer  les 
victimes.  Les  quatre  autres  sœurs  se  nom- 
maient, Euphémie  Gurzynska,  Clémentine 


1443 


LAC 


LAC 


14U 


Zél)rowska,  Elisabeth  Tysonnauz  et   Irène 
Kraiiifo.  (Voy.  Mieg/îyslawskv.) 

KKAiNTO  vIr^nk)  ,  rui.e  îles  roligieuscs 
de  S,iiiit-B;isilL',  établies  à  Minsk  en  Lilhua- 
nie,  et  connnes  sous  le  nom  de  Filles  de  la 
Sainte-Tiinilé,  qui  furent  expulsées  de  lour 
couvent  et  livrées  au\  jilus  violentes  persé- 
cutions, dans  le  courant  de  l'année  18;J7,  i)ar 
le  czar  Nicolis  et  Tévéïiue  a|>ostat  Sieniaszko. 
Un  ébouleinent  étant  survenu,  liène  Krainto 
et  quatre  de  ses  compagnes  furent  ens^-ye- 
lies  vivantes  sous  les  aé(;oml)res,  sans  i(u'on 
permit  à  celles  (]ui  étaient  témoins  de  ce 
mallieur,  de  cherchera  délivrer  les  victimes. 
Les  quatre  autres  sœurs  se  nommaient  Eu- 
})hémie  (lurzynska,  Clémentine  Zébrowska, 
Catherine  Rorycka  et  Elisabeth  Tysenhauz. 

{Voy.  MlECZTSLAWSKA.) 


RRYSZTALEWICZ  (Cléophe)  ,  l'une  des 
rel.  'icuses  Basiiienno^,  q^i,  dans  le  courant 
de  l'année  1837,  furent  si  v.olcmmcnt  [)ersé- 
culées  i)iu'  le  czar  Nicolas  et  Sieinaszko,  c\c- 
que  apostat.  On  les  employa  à  la  construc- 
tion d'un  palais  pour  c;' prv'lre  schismatique. 
U'i  |)an  de  muraille  étant  venu  à  s'écrouler, 
Cléophe  Krys/.lalew  icz  t>t  quatre  de  ses  compa- 
gne^ furent  écrasées.  (To;/.  MIECzYsl.A^vsKA  N 

,KL'LESZA  (Geneviève),  Tune  des  religieu- 
ses Basil  ennes  qui,  dans  le  courant  de  l'an- 
née 1837,  fiuent  si  violemment  persécutées 
par  le  czar  Nicolas  et  lévéquo  apostat  Sie- 
inaszko. On  les  cmjjloya  à  la  construction 
d'un  palais  pour  ce  prêtre  schisaialiipie.  Un 
pan  tic  muraille  étant  venu  à  s'écrouler,  Ge- 
neviève Kidesza  et  quatre  de  ses  comi)agnes 
furent  écrasées.  {Voy.  Mieczyslawsk.a.) 


t 


L 


LABRID  (le  bienheureux  Nicolas  de),  cha- 
noine de  Lyon,  et  trois  autres  ecclésiastiques 
étaient  allés  à  Rome   sous    le  pontificat  de 
Benoît  XIII,  mort  en  1730,  afin  de  prier  ce 
pontife  de  les  envoyer  en  mission  là  où  il 
lui  plairait.  «  Sa   Sainteté,   ajoute  Gumilla 
(His;oire  de  l'Orénoque,  t.  li,  pag.  277,)  ins- 
piiéc  du  Saint-Esprit,  l.s  institua  évoques 
pour  les  quatre  parties  du  monde.  Les  pa.ys 
de  rOrénoq  .e  étant  échus  à  M.  de  Labi  id, 
il  s'y  rendit,  et  en  attendant  l'expédiiion  de 
ses  bulles  et  l'agrément  de  sa  Majesté  Ca- 
tholique ,    le    gouverneur  de  la  Trinité  et 
de  la  (iuyane  leur  oifrit  un  logement  chez 
lui.  Cet  illustre  prélat  le  remercia  de  son 
odre  et  prit  le  parti  d'attendre  à  Cayenne 
les  dépécnes  de  sa  Sainteté.  Il  s'embarqua 
en  effet  dans  le  but  de   s'y   rendre  ;    mais 
son  zèle  lui  ayant  fait   changer  de  dessein, 
il  prit  une  autre  roule  et  vint  mouiller  dans 
la  rivière  d'Aquire,  où  les  Caraïbes  le  reçu- 
rent à  bras  ouverts  pour  mieux  cacher  leur 
trahison  ;  car  au  bout  de  quelques  jours,  ils 
mas.sacrèi-ent  deu\  [)rôlres  de  sa  suite  et  lui 
cou|)èrent  la  tête  d'un  coup  de  sabre,  lis  pri- 
rent les  ornemenis  et  brisèrtnit  un  crucifix 
d'ivoire  et  un  autel  (pii   avait  été   consacré 
parle  pape,  dont  le  nom  se  voit  encore  sur 
les  moi-ceau\.  Ce  prélat  est  enterré  h  côté 
du  njaîire-aulel  de  l'église  de  Saint-Joseiili 
de  Oi  una,  chrétienté  de  la  Trinité,  du  coté 
de  ri*>angil(;,  et  les  corps  de  ses  deux  com- 
pagnons sont  enterrés  de  rautr(!. 

LACHANOIJUACON ,  gouverneur  d'Asie 
sous  (Constantin  Coj)ionymc,  [)ersécuteur  de 
l'Eglise  callK^liipie  en  faveui-  des  icoiioc.las- 
t<;.s,  exerça  d'atroces  ci'uautés  contre  les  ca- 
tholiques de  son  gouvernenjent  ;  nous  en 
avcnis  pour  preuv(!  ce  liagmcMit  (pit^  nous 
trouvons  dans  I-i  vie  de  saint  Paul  abbé,  par 
Anaslase  :  «  Le  vi«;illard  Théosléricte,  jirô- 
tre  du    monastèi(i  de   l'élicite,  <pii  avait  le 

îUA  cou|)»'  et  la  barbe;  brûlée;  avec  la  poix  et 

la  n.'qdile,  s'avança  et  dit:  «  On  ne  |»cul  ra|)- 
•  porter  sans  géuiir  la  cruauté  du  gouverneur 

d'Asie  ,  que  l'on  nomme  Lachanodiacon.  » 


Saint  Etienne  lui  dit:  «Parlez,  mon  Père, 
vous  nous  encouragerez,  si  Dieu  veut  que 
nous  soutl'rions  aussi.  »  Théostéricte  reprit 
ainsi  :«  Le  soir  du  jeudi  saint,  comme  on 
célébrait  les  divins  mystères  ,  ce  gouver- 
neur entra  par  ordre  de  l'empereur  avec  une 
niulliUid  •  de  soldats,  fii  cesser  l'ofiice,  prit 
trente-lmit  moines  choisis,  qu'il  attacha  à 
des  pièces  de  bois  par  le  cou  et  par  les 
mains  ;  quant  aux  autres,  il  en  fit  déchirera 
coups  de  foui't,  il  en  fil  brûler,  il  en  ren- 
voya, après  leur  avoir  fait  |)0  sser  et  brûler 
la  barbe,  et  couper  le  nez,  dont  je  suis  du 
nombre.  Non  content  de  cela,  il  brûla  iemo- 
naslcre  depuis  l'écurie  jusqu'aux  églises  , 
réduisant  tout  en  cendres.  Il  emmena  les 
trente-huit  qu'il  avait  pris,  les  enferma  dans 
la  voûte  d'un  vieux  bain  près  d'Ephèse,  dont 
il  boucha  l'eiitrée  ;  puis  il  lit  miner  la  mon- 
tagne attenanie,  (jui  les  enterra.  » 

LACTANCE,  oraleui  et  défenseur  de  l'E- 
glise. Saint  Jérôme  nous  assure  que  Lac- 
tance  avait  aussi  le  nom  de  Eirmi>n,  sous 
lequel  il  est  maniué  par  saint  Eucher.  On  y 
ajoute  aujourd'hui  ceux  de  Lucius  Cœlius 
ou  plutôt  Ciecilius.  Ceux  q-ii  ont  étudié  son 
histoire  avec  ^dus  de  soin,  reconnaissent 
qu'on  n'a  rien  d"  certain  sur  son  pays, 
ni  sur  sa  f.uuille.  il  y  a  n>'a  nnoins  l)ien  plus 
d'appare  nce  (pi'il  était  d'Afiiejue,  comme  l'a 
cru  Baronius,  que  d'Ilalii;,  comme  quel- 
qu(;s  autres  le  prétendent;  car  il  fut  disci- 
l)le  d'Aiiuthe,  (pii  professait  la  rhétori(|ue 
dans  la  ville  d(;  Sieepie,  en  la  province  pro- 
coMSulaire  d'Al'ii(pie.  Et  saint  Jérôme  nous 
apprend  en  tiilel  (ju'il  étudia  en  Al'riepie,  où 
il  composa  un  écrit  étant  encore  tout  jeune, 
sous  h;  titre  de  lianqucl.  Ce  fui  au^si  d'Afri- 
(pie  qu'il  alla  à  Nicomédie.  Ou  peut  jvuei- 
combien  il  profita,  soit  par  les  instructions 
do  son  maître,  soit  par  t.on  projire  travail, 
puiscjuc  saint  Jérôuui  laiipe'lh;  le  {tins  sa- 
vant homme  île  son  temps.  Pour  son  style, 
il!  niéme  .saint  dit  qu'd  e.-l  romiue  un  lleuvi! 
d'éloquence,  comparable  ;i  (ncéron.  Saint 
Eucher  le  met  eiitic   les   hommes  les   idus 


« 


144S 


I.AC 


LAC 


1146 


élo(iuonts  qu'ait  eus  lo  cliii.sli;mismo.  Los 
ouvrages  (jui  lunis  on  rcsVMii,  iic  déiiienteiit 
poitil  rcsIiiiH'  que  ces  saints  en  ont  lailn  : 
et  l'un  voit  par  It'S  éloges  des  plus  savants 
liOinuies  (le  ees  derniers  temps  ,  ramassés 
dans  i't'diliun  de  tlallu'us,  (lu'il  est  l'rgardô 
comme  le  plus  éloquent  des  déle'Lseurs  do 
notre  religion,  et  eonnno  le  (^ieéron  des 
clu'éliens.  11  no  se  mit  néanmoins  jamais 
dans  le  barreau,  et  il  n'étudia  l'iMcKpience 
que  pour  se  rendre  capable  de  renseigner 
aux  autres.  C'est  ce  qu'il  lit  dans  la  Hitliynie, 
où  on  le  fit  venir  sous  DiocliHien,  poiu'  y 
protess(>r  la  rliét(iri(pie  latme  h  Niconn'-ilie, 
qui  était  alors  le  siège  de  la  cour  de  Dioclé- 
'iien.  11  y  fui  a|)pelé  d'Al'ri(|uo  avec  un  gi'am- 
niairien,  nonnné  Flavius  ou  Fannius,  au- 
teur de  (jnchpies  ouvrages  en  vers  sur  la 
médecine.  \'os-ius,  (jui  I  appelle  l\liemnius 
Fant)ius,  ou  Lavinus  selon  tfautics,  le  lait 
discipi(!  d'Arnol)©  et  contemporain  (U-.  Con- 
stantin ;  et  il  le  croit  auteur  d'un  poème  en 
vers  li(?xamèlres  sur  les  ]iOLds  et  les  mesu- 
res, attiibué  oïdinaijement  à  Priscicn.  Ce- 
pendant il  ne  cite  rien  à  ra[)[)ui. 

Lactatice  ]Mofessa  longtcm[)s  la  rhétori- 
que, soil  à  Nicomédie,  soit  en  AlVitjne,  en- 
seignant aux  jeunes  gens,  comme  ille  dit  lui- 
niùme,  non  h  pralifjuer  la  vertu,  mais  à  ètie 
ingénieux  à  eouvrii-  et  à  défendre  le  mal. 
Néanmoins,  cet  exei'cice  (]u'il  labaisse  si  lort 
et  qu'il  semble  presque  condamner  absolu- 
meii,  Jui  servit  beaucoup  dans  la  suite,  lois- 
qu"il  l'eûlquilté,  our défendre Li  vérité  et  l'in- 
sinuei- dan  s  les  esprits  avec  d'au  ta  ni  pliisd'elii- 
cacité,  que  les  ornements  do  léloquence  la 
rendaient  plus  claire  et  plus  agréable.  11  eut 
entre  ses  disciples,  un  nommé  Démétrion,  à 
qui  il  dédie  plusieurs  de  ses  ouvrages,  en 
lui  rendant  ce  témoignage,  qu'il  avait  été 
docile  il  recevoir  ses  instructions,  et  soi- 
gneux h  les  i)ratiquer  ;  qu'il  n'y  avait  pas 
seulement  en  lui  la  moindre  apparence  d'or- 
gueil et  de  vanité,  et  que  dans  l'embarras 
des  em|)lois  civils  oi^i  il  était,  la  pu.  été  de 
sa  conscietice  lui  faisait  souvent  élever  son 
esi)rit  aux  choses  du  ciel.  11  tiouva  |)eu  d'é- 
coliers à  Nicomédie,  parce  que  l'on  y  par- 
lait |)lus  grec  que  latin,  et  cela  lui  donna 
le  loisir  de  s'appliquer  à  écrire.  Nous  ne 
savons  pas  néanmoins  quels  livres  il  com- 
posa alors,  et  nous  ne  voyons  pas  que  nous 
en  ayons  aucun  qu'on  i)uisse  lapi-orter  au 
temps  où  il  professait  encore.  Nous  ne  pou- 
vons point  assurer  non  plus  s'il  avait  déjà 
embrassé  la  religion  chrétienne.  Nous  pou- 
vons dire  seulement  que  l'honneur  que  lui 
fit  JDioclétion  de  l'appeler  à  Nicomédie,  ne 
montre  pas  qu'il  ne  fût  pas  déjà  chrétien, 
puisque  non-seulement  ce  prince  souUVit  les 
chrétiens  durant  la  plus  grande  partie  de 
son  règne,  mais  qu'il  en  aima  même  plu- 
sieurs, et  son  [)akiis  on  était  rempli.  Ce  qu'on 
peut  dire  être  certain,  c'est  que  Laclance 
était  chrétien  dès  (]ue  la  persécution  com- 
mença, et  ainsi  dès  le  temps  qu'il  enseignait 
l'éloquence.  Nous  ne  trouvons  rien  de  par- 
ticulier sur  sa  conversion  ;  mais  il  ne  faut 
pas  oublier  un  endroit  de  saint  Eucher,  c^ui, 


parlant  do  lui,  de  saint  Cyprien,  de  saint 
llilaire  et  de  (juclques  autres,  leur  met  en 
la  bouche  ces  [)aroles  de  saint  Augustin  : 
«  Que  faisons-nous?  Les  ignorants  ravissent 
le  ciel,  et  nous,  avec  toulo  uoin'  science, 
nous  somnn.'S  si  stnpides  et  si  hébétés,  que 
nous  demeurons  toujours  ens(velis  eonnno 
des  bètes  dans  la  chair  et  dans  h;  sang.  » 
Voilii,  ajoute  saint  Kuclu'r,  C(^  (pie  ces  hom- 
mes habiles  et  élocjuents  s'étaient  sans  dc^itc 
dit  à  eux-mêmes,  et  animés  par  c(!tto  pen- 
sée, ils  ont  lait  aussi  violence  au  royaume 
d(î  Dieu.  On  voit  (pie  Lactanco  avait  in  par- 
ticuhèren)ent  Aliimtius  Félix,  Tertullien  et 
saint  (lyprien. 

11  professait  encore  l'éloquence  à  Nicomé- 
die, lois(iue  la  persécution  commença,  et 
que  l'on  y  abattit  le  temple  do  Dieu,  le  23 
février  de  l'an  .'ÎO.'Î.  11  y  était  aussi  lorsque 
la  i)ersécutioii  ('tait  da'is  sa  [)lus  grande  fu- 
reur ;  et  les  particularités  qu'il  manjuo  de 
ce  qui  se  passa  dans  la  même  ville,  en  311  et 
313,  font  juger  (ju'il  y  était  encore  alors. 
Ainsi  il  y  i)assa  tout  le  temps  do  la  persé- 
cution. C'est  ce  (pii  autorise  extrêmement 
tant  de  particularités  qu'il  nous  ap{)rend  de 
ce  temps-là  dans  ses  institutions,  mais  en- 
core plus  dans  l'ouvrage  qu'il  on  a  fait  ex- 
près, comme  nous  le  dirons  bientôt.  Nous 
voudrions  avoir  quelque  lumière  sur  ce  qui 
lui  |)eut  être  arrivé  durant  ces  dix  années 
qu'il  passa  au  milieu  des  ennemis  de  FEglise 
et  dans  le  siège  do  Satan.  Mais  tout  ce  que 
nous  en  trouvons,  c'est  qu'outre  les  cruau- 
tés barbares  qu'il. \  vit  exercer  contre  l'Eglise, 
il  eut  encore  la  douleur  de  la  voir  fouler  aux 
pieds  par  les  insultes  de  ses  ennemis;  car 
il  y  eut,  en  ce  temps-là,  deux  païens,  Hiéro- 
cle  et  un  philosoplie  inconnu,  qui  voulurent 
signaler  leur  impiété  par  une  entie[)rise 
aussi  vaine  qu'elle  était  à  contre-temps,  en 
prétendant  abattre  et  accabler  la  vérité  par 
leurs  livres,  comme  les  othciers  publics  y 
travaillaient  par  le  for  et  par  le  feu. 

Lactance  et  les  autres  chrétiens  qui  enten- 
diient  réciter  ces  ouvrages  à  leurs  auteurs, 
n'eurent  pas  de  peine  à  en  reconnaître  la 
faiblesse  et  à  s'en  moquer  en  eux-mêmes, 
si  le  temps  no  souffrait  pas  qu'ils  le  lissent 
ouvertement.  Les  païens  mômes  trouvèrent 
fort  mauvais  qu'on  voulût  insulter  à  des 
gens  ûvjh  accablés  par  la  violence.  Mais  Lac- 
tance, indigné  d'une  impiété  si  superbe,  ré- 
solut d'employer  tout  ce  qu'il  avait  d'esprit 
et  d'éloipience  à  réfuter  non-seulement  ces 
deux  écrivains,  mais  aussi  tous  les  autres 
qui  avaient  voulu  laisser  à  la  j)Ostérité  des 
monuments  de  leur  injustice  et  (ie  leur  haine 
contre  leur  créateur  et  contre  ses  adorateurs. 
Il  semble  néanmoins  qu'il  n'ait  exécuté  ce 
dessein  que  longteuq)S  depuis,  comme  nous 
le  verrons  en  parlant  de  ses  écrits,  après  que 
nous  aurons  achevé  ce  oui  nous  reste  à  dire 
de  son  histoire. 

Il  repassa  de  l'orient  dans  l'occident  pour 
y  instruire  un  disci[.«le  d'une  condition  bien 
l)Ius  relevée  que  tous  ceux  qu'il  avait  eus 
auparavant,  savoir  :  Crispe  César,  hls  de 
Constantin,  à  qui   il  montra  l'éloquence  la- 


1447 


LAC 


tiue  dans  les  Gaules.  Il  eut  cet  emploi  dans 
son  extrême  vieillesse.  Ainsi,  il   peut  ijien 
ne  l'avoir  quitté  que  par  sa  mort,  qui;  quel- 
ques-uns croient  être  arrivée  vers  l'an  325, 
et  vers  le  même  temps  que  celle  de  Crispe, 
plutôt  à  Trêves  qu'en  un  autre  lieu,  puisque 
c'était  alors  la  principale  ville  des  Gaules. 
Godefroy  croit  que  ce  fut  Lactance  qui,  étant 
alors  auprès  de  Constantin,  obtint  de  lui,  en 
l'an  315,  les  lois  célèbres  par  lesquelles  il 
abolit  le  supplice  de  la  croix,  défendit  de 
marquer  les  criminels  sur  le  front,  et  pour- 
vut à  la  subsistance   des  pauvres;  mais  il 
n'eu  rapporte  pas  de  preuve  qui  soit  bien 
considérable.  Ce  qui  paraît  plus  fondé,  c'est 
qu'encore   que,  selon  l'opinion  de  tout  le 
monde,  il  fût  précepteur  de  Crispe,  lorsqu'il 
publia  ses  Institutions,  et  peut-être  encore 
lorsqu'il  fit  une  bonne  partie  de  ses  autres 
ouvrages,  jamais  néanmoins  il  ne  parle  de 
cet  emploi  que  son  mérite  seul  lui  avait  fait 
obtenir,   ni  d'aucune  autre  chose  qui  pût 
le  relever  devant  les  hommes.  Il  est  encore 
important  de  remarquer  que  la  qualité  de 
précepteur  d'un  César  et  d'un  fils  aîné  d'un 
empereur  aussi  libéral  qu'était  Constantin 
ne  l'empêcha  pas  d'honorer  et  de  pratiquer 
la  pauvreté  chrétienne,  puisque  nous  appre- 
nons de  saint  Jérôme,  qu'il  était  tellement 
pauvre  qu'il   manquait  non-seulement   des 
chose*  délicieuses,  mais  souvent  même  des 
nécessaires.  Et  ce  Père  fait  cette  remarque 
en  même  temps  qu'il   dit  que  Constantin 
lui  donna  le  soin  de  son  fils ,  nous  donnant 
par  là  lieu  de  croire  qu'il  vécut  dans  la  pau- 
vreté au  milieu  môme  de  l'abondance  et  des 
délices  de  la  cour.  Lactance  témoigne  quel- 
quefois lui-même  qu'il  était  dans  l'extrême 
nécessité.  Ainsi  sa  bouche  parle  de  l'abon- 
dance de  son  cœur,  lorsqu'il  rend  à  la  pau- 
vreté évangélique  les  témoignagnes  si  glo- 
rieux que  nous  lisons  dans  ses  ouvrages,  et 
lorsqu'il  avertit  Démétrien,  son  disciple,  de 
mépriser  et  d'abandonner,  s'il  pouvait,  toute 
la  prospérité  du  siècle  pour  ne  pas  tomber 
dans  ses  pièges,   d'autant  plus   dangereux 
qu'ils  sont  plus  doux.  Mais,  ni  les  incommo- 
dités de  la  pauvreté,  ni  les  occupations  qu'il 
pouvait  avoir  d'ailleurs,   ne   l'erupèchèrent 
pas  de  consacrer  tout  son  esprit  et  toute  son 
éloquence  à  l'éclaircissement  de  la  vérité  di- 
vine, et  à  la  réfutation  des  vaines  subtilités 
des  philosophes  de  son  temps  ;  et  il  espérait 
le  pouvoir  faire,  non  par  ses  propres  Ibrces, 
mais  jiar  celles  qu'il  attendait  de  Dieu.  Il 
croyait  (ju'il  lui  serait  au  moins  i)lus  glorieux 
de  succomber  sous  le  poids  d'une  si  haute 
entreiirise,  <pie  de  manquer  de  /èle  pour  la 
défense  de  sa  religion;  et  il   était  persuadé 
que  son  travail  et  sa  vie  ne  pouvaient  avoir 
un  meilleur  objet  (jue  de   retirer  (piehjues 
per.'sonnes  de  l'erreur  et  de  les  conduire  au 
chemin  du  ciel. 

\'oila  tout  ce  que  nous  trouvons  pour 
riiisloire  de  ce  défenseur  de  la  loi  chré- 
tienne, laissant  h  de  pins  habiles  le  soin  dii 
l'eririclnr  jtar  les  excellentes  maximes  «;l  les 
sentiments  de  piété  (jui  se  lfonv(Mil  répan- 
dus dans  ses  ouvrages.  Nous  allons  maint<j- 


LAC  1448 

nant  faire  le  dénombrement  de  ses  écrits» 
suivant,  autant  que  nous  pourrons,  l'ordre 
des  temps. 

11  semble  que  le  premier  soit  son  Sympo- 
sion  ou  Banquet,  qu'il  écrivit,  comme  nous 
avons  dit,  étant  encore  tout  jeune.  Ayant  été 
appelé  d'Afrique  à  Nicomédie,  il  écrivit  son 
voyage  en  vers  hexamètres.  On  peut  encore 
rapporter  au  môme  temps  un  livre  qu'il 
composa  sous  le  titre  de  Grammairien.  Nous 
n'avons  aucun  de  ces  ouvrages.  Il  y  en  a  qui 
croient  que  le  poëme  du  Phœnix,  qui  est 
parmi  ses  œuvres,  et  qui  ne  peut  être  que 
d'un  païen,  est  une  des  premières  i)ro(luc- 
tions  de  sa  jeunesse.  Néanmoins  saint  Jé- 
rôme n'en  parle  point  :  et  après  tout,  cette 
pièce  n'est  pas  fort  digne  de  l'éloquence  et 
de  la  réputation  de  Lactance. 

Le  livre  intitulé  De  Vouvrage  de  Dieu,  ou 
De  la  formation  de  Vhomme,  que  nous  avons 
encore,  est  fait  pour  .prouver  que  l'homme  a 
été  créé  de  Dieu,  et  établir  sur  ce  principe  la 
foi  de  la  Providence.  11  a  été  écrit  peu  de 
temps  avant  les  livres  des  Institutions  où  il 
est  cité.  Il  semble  môme  que  ce  soit  le  pre- 
mier fruit  de  la  piété  de  son  auteur,  autant 
que  l'on  en  peut  juger  par  les  protestations 
qu'il  y  fait  de  consacrer  désormais  son  temps 
et  sa  plume  à  la  défense  de  la  vérité.  Et  en 
etîet,  H  semble  que  la  persécution  de  Dioclé- 
tien  n'était  pas  encore  passée.  Il  le  dédie  à 
Démétrien,  son  disciple,  à  qui  il  parle  comme 
h  un  chrétien,  qui  était  néanmoins,  ce  sem- 
ble, dans  les  emplois  civils,  hors  des  pays 
où  la  persécution  durait  encore. 

Les  Institutions  divines,  qui  est  le  grand 
ouvrage  de  Lactance,  suivirent  d'assez  près 
le  livre  De  la  formation  de  Vhomme,  divisées 
par  lui-même  en  sept  livres,  comme  nous  les 
avons  encore  aujourd'hui  ;  et  nous  en  avons 
aussi  un  abrégé  composé  par  l'auteur,  dont 
le  commencement  était  perdu  dès  le  temps 
de  saint  Jérôme.  Lactance  même  cite  cet  ou- 
vrage sous  le  titre  d'Institutions  divines.  Le 
nom  d'Institutions  se  donne  oïdinairemcnt 
par  les  Latins  aux  ouvrages  ciui  sont  pour 
former  une  personne  dans  quelque  science  : 
de  sorte  que  nous  le  pourrions  traduire  par 
celui  ûlnstructions,  s'il  n'était  ordinaire  de 
laisser  aux  livres  ces  sortes  de  titres  sous 
lesquels  ils  sont  plus  connus. 

Cliacun  de  ces  sent  livres  des  Institutions 
a  son  titre  iiarliculier,  ([ui  manpio  de  quoi 
il  traite.  L'ouvrage  entier  est  fait  pour  exé- 
cuter le  dessein  (jue  Lactance  avait  pris,  dès 
l'an  303,  de  répondre  ci  tous  ceux  qui  au- 
raient écrit  contre  le  religion  chrétienne,  et 
de  réfuter  non-seulement  tout  ce  qu'on  avait 
dit,  mais  encore  tout  ce  qui  pouvait  se  dire 
contre  l'Eglise.  En  ell'el,  il  y  combat  avec 
une  extrême  force  la  vanité  du  |)aganisme,  et 
il  y  détruit  avec  une  facilité  merveilleuso 
toutes  les  illusions  (le  l'idolAtrie.  Aussi,  saint 
Jérôme  l<'  relève  comme  un  ouvrage  excel- 
lent, et  les  plus  habiles  des  derniers  siècles 
en  ont  témoigné  uin>  estime  extraordinaire. 
On  peut  assurer  au  moins  cpu»  peisonne  n'a 
défendu  l'I'lglise  et  couil.atlii  l'idolAlrie  avec 
un  style  i)lus  beau  et  )>lus  éloquent. 


14 10  lAC 

Col  onvrngo,  on  Tt'lat  quo  nous  l'avons  au- 
iounl'liui,  no  paraît  i)as  avoir  6lé  lait  avant 
l'an  ."121.  C'ost  |)Our(|uoi,  il  ne  faut  pas  s6- 
tonnor  si  Lactanoo  l'adrosso  <^  Constantin 
th^jh  (k'u'larô  pour  la  religion  chrétionno.  11 
paraît  (pio  Laotanco  vivait  alors  dans  les  ter- 
res (1«!  ce  prince,  hors  de  la  Bitliynio,  ol  do 
tous  les  antres  pays  où  Lieinius  i)orso('utait 
enooro  les  chrtUiens.  Ainsi  l'on  pont  juger 
quo  c'est  un  l'ruit  iin  lonips  (pi'il  passa  dans 
les  (îanlcs  anpr(''S  iW  Crispe.  IMais  on  ci'oit 
((u'il  avait  |)aru  auparavant  on  Orient,  vers 
J'an  313,  aussitôt  anrès  la  (in  de  la  i)orso('U- 
tion,  ot  i)eu  après  l'ouvrage  De  la  formation 
de  I  homme. 

Saint  Jérôme  nous  assure  que  Lactance  a  fait 
un  livre  de  la  Persécution.  C'ost  tout  ce  qu(« 
nous  on  avons  su  jusqu'à  l'an  1G79,  quo  Ba- 
luzo  nous  l'a  donné  sur  un  manuscrit  ancien 
d'environ  800  ans  :  ot  dos  protestants  anglais 
foit  habiles  se  sont  liAtés  do  lo  faire  aussitôt 
réimprimer,  comme  une  pièce  très-authonli- 
quo  et  très-importante. Nous  no  croyons  pas 
en  ellet  (jue  personne  puisse  douter  que  ce 
ne  soit  \ni  véritable  ouvrage  de  Lactance,  et 
nous  y  apprenons  beaucoup  do  particulari- 
tés considérables  pour  l'histoire  ecclésiasti- 
que et  profane,  que  nous  ignorions  entière- 
mont,  ou  dont  nous  n'avions  qu'une  connais- 
sance moins  exacte. 

Lactance  n'entreprend  pas  d'y  faire  l'iiis- 
toiro  de  la  persécution,  mais  son  principal 
dessein  n'est  que  de  faire  adorer  la  justice 
divine  dans  la  punition  et  la  mort  de  Dio- 
clétien,  et  des  autres  princes  qui  avaient  été 
auteurs  de  la  i)orsécution.  C'est  pourquoi 
son  livre  est  intitulé,  dans  le  manuscrit  dont 
on  l'a  tiré  :  De  la  mort  des  persécuteurs.  Il  a 
eu  i)our  que  de  si  grandes  choses  ne  fussent 
oubliées  par  les  hommes,  et  que  ceux  qui 
voudraient  écrire  l'histoire  n'altérassent  la 
véiité  en  omettant  ce  que  ces  princes  avaient 
fait  contre  Dieu,  ou  ce  que  Dieu  avait  fait 
pour  les  punir.  Il  proteste  qu'il  n'a  rien 
ajouté  à  la  vérité,  et  qu'il  n'a  rien  mis  dont 
ceux  qui  ont  su  la  vérité  des  choses  ne  lui 
rendent  témoignage.  En  elTet,  il  no  dit  guère 
que  les  choses  dont  il  peut  avoir  été  témoin 
oculaire,  étant  demeuré  àNicomédie,  comme 
nous  avons  dit,  durant  tout  le  temps  de  la 
persécution.  Il  semble  par  le  commence- 
ment de  cet  ouvrage  qu'il  l'ait  fait  aussitôt 
que  Dieu  eut  rendu  la  paix  à  l'Eglise.  Néan- 
moins, il  le  conduit  jusqu'à  la  mort  funeste 
de  la  femme  et  de  la  fille  de  Dioclétien, 
quinze  mois  au  moins  après  la  mort  de  Ma- 
ximien, c'est-à-dire  au  plus  tôt  à  la  fin  de  314. 
Il  y  parle  toujours  assez  avantageusement  de 
Lieinius,  d'où  l'on  infère  que  ce  prince  ne 
commençait  point  encore  alors  à  |)ersécuter 
les  chrétiens.  Il  marque  néanmoins  diver- 
ses exécutions  qu'il  avait  faites,  où  il  paraît 
plus  de  cruauté  que  de  justice.  Il  dit  même 
qu'on  le  craignait  comme  cruel,  et  il  avait 
déjà  eu  guerre  contre  Constantin,  à  la  fin  de 
314. 

Baluze  croit  que  Lactance  fit  cet  écrit 
lorsqu'il  était  encore  en  Bithynie,  parce  qu'il 
l'adresse  à   un  confesseur  de  ces  pays-là, 

DlCTIO>N.    DES   PEnSÉCUTIONS.    I. 


LAC 


MU) 


nommé  Douât,  (jui  sortit  do  prison  au  mois 
de  mai  311,  a|)rès  y  avoir  domouré  six  ans. 
Ainsi,  il  y  avait  été  iiiis  on  305  ou  30G.  Il  y 
avait  éprouvé  tout  (;(•  que  la  |)orsécution 
avait  (!u  do  plus  terrible,  les  fouets,  les  on- 
gles, le  fer,  le  feu,  toutes  sortes  de  tour- 
monts,  premièrement  sous  Flaccin,  jiréfetdu 
Prétoire,  puis  sous  Hiéroclo,  gouverneur  de 
la  Hithynie,  l'un  des  plus  grands  onnomis 
qu'eiU  alors  l'Eglise,  et  enfin  sous  Priscilli(!M 
son  suc(;esseur.  Il  avait  été  appliqué  neuf 
fois  à  dillorentes  questions  et  avait  triomphé 
neuf  fois,  par  la  grandeur  do  sa  foi,  de  tout 
ce  quo  les  hommes  ot  les  démons  avaient  do 
force  el  do  malice.  Enfin  le  diable  si  souvent 
vaincu,  n'osant  plus  l'attaquer,  et  ne  voulant 
pas  qu'il  romportAt  la  couronne  du  martyre 
par  la  mort  à  la(iu(  lie  il  était  tout  prépaie, 
se  contenta  de  lo  faire  retcnirsix  ans  en  pri- 
son jusqu'à  ce  que  Dieu  l'en  tira  par  l'édit 
qu'il  contraignit  Maximien  Galère  de  pu- 
blier en  311,  pour  faire  cesser  la  persécution 
dont  il  avait  été  lui-mèrnerauteur.  Lactance 
attribue  la  paix  de  l'Eglise  aux  prières  que 
ce  confesseur  répandait  tous  les  jours  et  à 
toute  heure  en  la  présence  de  Dieu,  avec  les 
autres  confesseurs  qui  s'étaient  aussi  acquis 
par  les  mérites  de  leur  foi  une  couronne 
éternelle;  et  en  finissant  son  livre,,  il  le 
prie,  comme  un  homme  digne  d'être  écouté 
de  Dieu,  de  lui  demander  qu'il  conserve  à 
son  E  ,lise  la  paix  qu'il  lui  avait  donnée.  11 
l'assure  aussi  que  Dieu  lui  réserve  tout  en- 
tière la  couronne  du  martyre  dans  le  ciel, 
quoique  les  persécuteurs  eussent  eu  honte 
de  le  condamner  à  la  mort.  Le  nom  de  Do- 
nat  est  si  commun  entre  les  saints,  qu'il  est 
difiîcile  de  discerner  si  celui-ci  est  un  de 
ceux  c^ue  l'Eglise  honore.  Baluze  veut  que 
ce  soit  le  môme  Donat  à  qui  Lactance  adressa 
son  ouvrage  De  la  colère  de  Dieu.  Ce  livre,  en 
effet,  est  postérieur  à  celui  des  Institutions, 
et  par  conséquent  à  la  persécution  de  Dio- 
clétien, niais  Lactance  n'y  parle  point  à  ce 
Donat  comme  à  un  il  ustrè  confesseur.  Il  lui 
parle  même  comme  à  un  disciple,  qui  avait 
be>oin  d'être  instruit  et  fortifié,  pour  n'être 
pas  trompé  par  l'autorité  des  sages  du 
monde. 

Lactance  avait  promis,  dans  ses  Institu- 
tions, de  faire  un  traité  exprès  pour  montrer 
que  Dieu  n'est  pas  moins  juste  que  patient, 
qu'il  a  une  colère  et  une  justice  pour  punir 
les  péchés  des  hommes,  et  qu'on  ne  le  peut 
nier  sans  ruiner  absolument  la  vérité  et  la 
religion.  C'est  ce  qu'il  a  fait  dans  le  livre  De 
la  colère  de  Dieu,  dont  nous  parlons  et  que 
nous  avons  encore.  Saint  Jérôme  le  relève 
comme  un  très-bel  ouvrage,  écrit  avec  au- 
tant de  science  que  d'éloquence,  et  qui  peut 
seul  sufïire  pour  sa  matière.  Lactance  y  cite 
ses  livres  des  Institutions.  Il  témoigne,  dans 
l'un  et  dans  l'autre  ouvrage,  qu'il  avait  des- 
sein d'écrire  contre  toutes  les  hérésies.  Mais 
il  semble  qu'il  ait  été  prévenu  par  la  mort, 
puisque  saint  Jérôme  ne  parle  point  de  cet 
ouvrage,  qui  n'eût  pu  manquer  d'être  fort 
célèbre. 

Dans  le  livre  De  Vouvrage  de  Dieu,  il  dit 

4G 


i45l 


L.\C 


LAC 


1452 


qu'il  est  résolu  d'employer  tout  son  temps 
et  tous  ses  etlbrts  à  traiter  ce  qui  regarde  la 
vie  bienheureuse,  et  cela  co-itre  les  philoso- 
phes qui  prumeltent  d'éiablir  la  vérité,  mais 
sans  la  connaître,  et  qui  la  combattent  ;nu<[ 
d'îula-it  plus  dangereusement  que  leurs 
discours  éloquents  et  leurs  laisonnemenls 
subtils  les  rendent  plus  propres  à  tromper 
les  autres.  Il  dit  qu'il  les  veut  réfuter,  et  par 
les  lumières  de  la  religion  chrétienne,  et  par 
les  seniimonts  contraires  dont  ils  se  combat- 
tent les  uns  bs  autres.  Nous  n'avons  pas 
d'ouvrage  dont  le  titre  réponde  à  cetlt>  |)i'0- 
Diesse  ;  mais  on  croit  que  c'est  ce  (ju'il  fait 
dans  tout  le  corps  de  ses  Instilutions ,  et 
priicipalement  dans  le  dernier  livie. 

Saint  Jérôme  lui  attribue  deux  livres  à 
Asclépiade,  que  nous  n'avons  plus.  Lactarice 
moine  dit  qu'Asclépiade,  son  ami,  lui  avait 
dédié  un  écrit  oi!i  il  traitait  de  la  [)rovid  nce 
du  souveiain  D  eu,  et  dont  il  rap[)orie  un 
pssage.  Nous  n'eu  savons  r  en  dav;ui!age. 
Balaze  nous  a  d.mné  un  passage  sur  le 
dernier  jugeaient,  qu'il  croit  être  de  Lac- 
tan. e,  parce  qu'd  l'a  trouvé  dans  un  marms- 
cri  ,  en  ire  si  s  lnslitution&  et  so  i  livre  De  la 
colère  de  Dieu.  Il  est  bien  écrit. 

Pour  les  poésies  attribuées  à  Lactance , 
nous  avons  déjà  par-lé  de  celle  du  Fliœnix. 
Celle  oui  e^t  sui'  la  Pàque,  et  dont  on  chante 
encore  une  partie  dans  ({uniques  églises,  est 
aussi  parmi  les  œuv.-es  de  Fortunat,  et  les 
manuscrits  les  lui  attribuent.  Le  poème  de 
la  Fassioii  est  fnrt  beau  et  [)0urrait  être  attri- 
bué à  Lactance,  s'il  y  avait  quel(}ue  appa- 
rence que  l'on  mît  dès  ce  teQq)s-lh  un  cruci- 
fix au  milieu  des  églises,  comme  nous  fai- 
sons aujfturd'hui.  On  ne  le  li'ouve  dans 
aucun  manuscrit  de  ses  ouvrages.  On  a  en- 
core sous  son  nom  des  Notes  sur  Stace  et 
autres  choses  semblables,  que  Du  Pin  dit 
être  d'un  Lactance  Placide,  grannriairien. 

Lactance  ne  composa  pas  seulement  di- 
vers ouvrages  en  vers  et  en  prose,  mais  il 
écrivit  aussi  quantité  de  lettres.  Saint  Jérôme 
en  ('ompte  huit  livres,  dont  il  y  en  avait  qua- 
tre adressés  à  Probe,  deux  à  Sévère  et  deux 
à  Démétrien,  son  disciple.  Ces  lettres  étaient 
quelquefois  fort  long  les,  mais  d  y  en  avait 
peu  qui  traitassent  des  matières  de  notre 
foi  :  la  plupart  pai'Iaient  de  mesures,  de  la 
situation  des  [)ays,  de  ({uestioiis  philosophi- 
ques, et  n'étaient  propres  qu'à  des  avocats 
ou  à  des  gens  dut  lettres.  Ce  fut  ce  qui  en 
dégoûta  le  pape  Damase,  à  (pii  saint  Jérôme 
les  avait  données  à  lire.  Peut-être  que  Lac- 
tance en  avait  composé  uncj  grande  partie 
avant  sa  conversion,  et  lorsqu'il  enseignait 
la  rhétorique  ,  ce  ((ui  l'obligeait  de  tiaitin- 
C(;s  sortes  de  (paestions.   (jalla'us  ivippoite 

3u'il  se  trouvait,  il  n'y  a  pas  longli'iiips, 
eux  livres  manuscrits  des  épîtres  du  L.u;- 
tance  dans  un  couvcnit  d'Kgmond  o\t  Hol- 
iarid;',  niais  (pi'ils  oit  été  perdus.  Le  jug<'- 
iHOnl  qu'fin  l'ait  Damase  doit  nous  consrdcr 
de  celle,  i)erte. 

Pour  CM  (|iii  regarde  les  ouvrages  de  Lac- 
tJui':e.  en  j^énéral ,  nous  avons  déjà  parlé  do 
l'esliine  qu'on  en  fnisail  pour  l'éloipienco. 


Saint  lïérôme  dit  que  ses  Inati  tut  ions,  avec 
ses  deux  livres  De  la  Formation  de  Vhomme 
et  De  la  coh're  de  Dieu,  sont  l'abrégé  des 
Dialogues  de  Cicéron.  11  dit  autie  part  qu'il 
n'a  pas  eu  autant  de  bonheur  à  prouver  les 
vérités  chrétiennes,  que  de  facilté  à  détruire 
le  mensonge  et  l'impiété.  Saint  Sidoine  lui 
attribue  le  don  de  réfuter,  et  à  saint  Augus- 
tin celui  de  prouver  et  d'établir.  Quoiqu'on 
y  trouve  partout  d'excellentes  choses  pour  le 
dogme  et  la  piété,  on  y  rencontre  aussi  des 
fautes  que  d'autres  se  sont  donné  la  peine 
de  ramasser.  Ce  n'e>-t  pas  ici  le  lieu  d'exa- 
miner s'ils  ne  se  sont  point  trompés  quel- 
quefois eux-mêmes.  SaiiU  Jérôme  remarque 
l)articulièremcnt  qu'il  ne  reconnaissait  point 
la  personne  du  Saint-Esprit,  laquelle  il  disait 
devoir  êlic  rapportée  au  Père  ou  au  Fils. 
Cette  opinion  dé'testable  et  judaïque  se  trou- 
vait, dit-il,  en  divers  entlroits  drs  livr(;S  de 
Lactance,  et  principalement  dans  le  viu*  livre 
de  s(;s  épîties,  adressé  à  D:'métrien.  On  ne  la 
trouve  point  dans  ce  (ju  nous  reste  aujour- 
d'hui de  ses  écrits,  et  quel  jues-uns  cro  eut 
même  que  saint  Jérôme  a  pu  ne  pas  bien 
entendre  soi  sentiment  sur  ce  point.  Le 
même  Père  n'onl)lie  pas  aussi  d'y  rC; Tendre 
roi)inion  des  millénaires,  dont  Lactance  [.arle 
aussi  amplement  qu'aucun  autre. 

Pelage  en  avait  tiré,  sans  le  nommer  néan- 
moins, quelques  passages  q  i  semblent  ad- 
meitre  en  Jésjs-Clirist  un  combat  contre  les 
vices  et  contre  les  dés  rs  de  la  concuiiis- 
.cence.  Saint  xVugustin,  en  répon  iant  à  Pelage, 
sans  savoir  de  (jui  étaient  ces  passages,  a 
p  ine  à  y  trouv  r  un  bon  sens,  et  notre  des- 
sein ne  nous  permet  pas  de  nous  arrêter  à  y 
en  cherclier.  Il  y  en  a  (jui  croient  que  ses 
ouvrages  ont  été  alt.''rés  [)ar  des  héréli(|ues, 
et  qu'a.^'ès  tout  ce  n'est  pas  un  auteur  qu'on 
puisse  alléguer  sur  des  matières  cor.testées, 
parce  (ju'il  paraît  avoir  été  plus  orateur  que 
théologie  n,  avoir  été  peu  instruit  de  la  doc- 
trine de  l'Eglise,  et  avoir  traité  la  théologie 
d'une  manière  trop  philosophi(jue.On  trouve 
qu'il  avait  bien  lu  '['erti'illien,  et  qu'il  le  suit 
assez  souvent.  Les  fautes  et  les  erreurs 
qu'on  rencontre  dans  ses  ouvrages  les  ont 
fait  mettre  au  lang  des  a|)0cryphes  par  le 
concile  de  Rome,  sous  (iélase;  néanmoins 
elles  ne  doivent  pas  nous  empêcher  de  les 
lire,  comme  nous  en  assure  saint  Jérôme, 
pour  proliter  de  t-uit  de  vérités  saintes,  qui 
y  sont  déveloj)pées  d'une  manière  claire, 
vive,  graiiile,  iij,réable  et  éloquente.  (Tille- 
mont,  t.  VI,  p.  -io.'L) 

LADISLAS  DE  HONCUIE (le  bienheureux), 
fi'a  iciscaiii,  ."-oulVrit  le  martyre  dans  la  capi- 
tale' des  Hulgares,  avec  quatre  autres  bien- 
heureux d(ï  son  ordre,  nommés  Nicolas  de 
Hongrie,  (Jrégoire  de  Trau  en  Dalmalie, 
Antoine  de  Saxe  et  Thomas  de  Fobgiio. 
Bussarath,  prince  schisniaiiipie,  ipii  régnait 
nu  delà  du  Danulie,  surprit  la  ville,  ùélaient 
nos  sainis,  aidé  par  les  si  h  smatiques  (|ui 
riialiitaienl.  L'un  de  ces  m.iityrs  fui  massa- 
cré dans  l(î  pre.iii  •!'  tumulte,  et  les  (|ualro 
autres  l'iir.  lit  décapités  sur  le  bord  du  lleuve 
lo  l'A  février  Util).  L'en  iiuil  du  rivage  où. 


1453 


LAC 


t.AC 


u: 


gîoaiont  les  corps  (Jes  martyrs  fut  illmniné 
d'une  clarU^  s|)lovli(le.  On  y  enîendil  uno 
musique  qui  semblait  provenir  des  (  licL'uts 
c.'lesifs.  Oii;mi(1  ou  raconta  res  pn)(li;j;es  à 
hassaratli,  il  se  rendit  iniinédiatenient  sur 
les  lieux.  Mais  (|uoi  (ju'il  |)iU  l'aire,  son  clie- 
\al  u'()l)L^issaiil  ni  aux  eoups  ni  «\  l'éperon, 
refusa  d'ap  rocher  descorps  des  saints.  Alors 
descendant  de  rlieval,  il  voulut  s"approclier  ; 
mais  une  terrible a[)paritioM  lui  barra  le  elie- 
niin  ;  il  l'ut  obligé  de  se  retirer,  l'épouvante 
dans  le  cœur.  Les  moines  du  rile  yrec,  qui 
craijj;naient  iju'on  rendit  les  liouneuis  ac- 
coutumés parmi  les  catholiques  aux  reliques 
des  saints,  amenèrent  des  chiens  pour  lés 
dévoi'cr.  0i'3i>'l  ^'<^s  animaux  voulurent  ac- 
complir celte  horiible  curée  ,  la  main  de 
celui  (|ui  commande  à  toutes  choses  ici-bas, 
les  frappant  d'une  fa(jon  invisible  pour  les 
spectateui's,  les  ibrca  de  fuir  en  jetant  des 
hurlements  é()ouvantables.  L'un  d'eux,  ayant 
luordu  uu  de  Ces  corps  sacrés,  parut  aussitôt 
la  gueule  en  feu  aux  yeux  des  spectateurs 
rem;  lis  d'épouvante.  Ce  fut  alors  que  Dieu, 
Diettant  le  comble  à  ces  })rodiges,  lit  sortir 
le  fleuve  de  son  lit;  ses  vaj^ues  vinrent  sou- 
lever sur  la  rive  les  corps  que  tant  de  mira- 
cles avaient  gloriliés  et  les  placèrent  dans 
des  cercue  Is  qu'a|)portôrentdes  anges. Quand 
cet  ensevelissement  miraculeux  fut  terminé, 
le  fleuve  s'ouviit  f)Our  donner  aux  martyrs 
une  sépulture  non  moins  miracuhîuse  au 
sein  de  ses  Ilots.  Les  vénérables  reliques  n'ont 

pas  été  retrouvées Voilà  ce  que  raconte 

Wadding,  et,  d'après  lui,  Henrion.  Nous 
aimons  à  croire  que  des  faits  de  cette  nature 
ont  été  étayés  de  preuves  sudisantes  pour 
que  des  auteurs  recomiuandables  en  aient 
accepté  la  i-esponsabilité. 

LOECUMÉNIOUE  (saint),  n'est  pas  porté  au 
Martyrologe  :  c'est  à  tort.  C'était  un  homme 
de  profond  mérite.  Il  était  principal  b  blio- 
thécaire  à  Constantinople,  et  pieviail  soin, 
avec  douze  sous-bibliolhécaire?,  des  trente 
mille  volumes  que  peu  ."i  peu  les  empereurs 
avaient  amassés.  A  celte  époque,  où  les 
volumes  étaient  la  plupart  eu  rouleau,  sur- 
tout les  anciens,  trente  mille  volumes  pre- 
naient beaucouf)  plus  d'espa.  e  qu'aujour- 
d'hui et  demandaient  beaucoup  plos  de  soin. 
Il  n'est  donc  pas  étonnant  de  voir  treize 
hommes  occupés  à  celt"  bibliothèque.  D'un 
autre  côté  ils  faisaient  tous  des  couis  pujjlii.s 
et  gratuits ,  concernant  la  religion  ei  les 
sciences  profanes.  Léon  Tlsaurien,  qui  n'ai- 
mait ni  les  siences  ni  ceux  qui  h  s  culti- 
vaient, tit  d'abord  son  possible  i  our  gagner 
les  saints  bibliothécaires  à  son  opinion  tou- 
chant le  culte  des  images.  N'ayant  pu  y 
réussir,  il  fit  entouter  la  bibliothèque  de 
fascines  et  la  brûla,  avec  tous  ceux  qui 
étaient  employés  dedans. 

LAFORtjE  (Hemuette),  religieuse  du 
Saint-Sacremenr  à  Bolèue,  fut  jiuiliotinée  à 
Orange  le  13  juillet  179-V,  avec  Anastasie  de 
Rocard,  supérieure  des  Ursulines  de  Bolène  ; 
Marie-Anne  Lambert,  converse  au  même  cou- 
vent; la  sœur  sainte  Françoise,  converse  chez 
ks  Ursulines  à  Carpentras  j  Elisabeth  Vor- 


chière,  Alexis  Mincette,  religieuses  du  Saint- 
Sacrement  de  Holène. 

LACE  (Mabik),  ursuline  ?i  Bolène,  fut  guil- 
lotinée h  Orange  le  Ki  juillet  1704,  avec  les 
steuis  Ju'slamon.  ursuline  converse  à  J'erne* 
(laidon  et  MaiieDecqui,  religieuses  du  Saint- 
Sncr(nnenl  à  Bolène;  Jearnie  Uoussillon  et 
Madeleine  Dorothée  de  Justamon,  duuième 
ordre. 

LAINEZ  (François),  de  la  compagnie  de 
Jésus,  faisait  partie  des  missionnan-es  du 
royaume  de  Maduré.  Nous  le  laisserons 
paihîr  lui-même  dans  uu(!  lettre  qu'il  écri- 
vait en  1G93,  à  propos  du  marlyiedu  P.  Jeaa 

de  Brito  :  « Voilà,  mes  révérends  Pères, 

quelle  a  été  la  glorieuse  fin  de  not/e  cher 
confrère,  le  révérend  Père  Jean  de  Brito  ; 
il  sou[iirail  depuis  long(ern[)S  a[irès  cet  heu- 
reux terme,  il  y  est  entiti  arrivé.  Comme 
c'est  dans  les  mêmes  vues  que  lui  que  nous 
avons  quitté  rEuro])e  et  que  nous  sommes 
venus  aux  Indes,  nous  espérons  avoir  un 
jour  le  môme  bonheur  que  ce  serviteur  de 
Dieu.  Plaise  à  la  miséricorde  iiilinie  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  de  nous  en  faire  la 
grâce,  et  que  de  notre  coté  nous  n'y  met- 
tions aucun  obstacle.  La  chrétienté  de  Ma- 
ravas  se  trouve  dans  une  grande  désolation 
par  la  perle  de  son  saint  pasteur  ;  joignez 
donc,  je  vous  conjure,  vos  |>iières  aux  nô- 
tres, afin  que  le  sang  de  son  premier  martyr 
ne  lui  soit  pas  inutile,  et  qu'elle  letrouve, 
par  les  intercessions  de  ce  nouveau  fin^tec- 
leur,  d'autres  Pères  aussi  puissants  que  lui 
en  œuvres  et  en  piuoles,  qui  soutiennent  et 
qui  achèvent  ce  qu'il  a  si  glorieusement 
commencé.  Le  prince  de  Maravas,  nouvel- 
lement monté  sur  le  trône,  était  fort  attaché 
à  ses  fauses  divinités.  Les  brames ,  qui 
s'étaient  emparés  de  son  espr.t,  lui  repré- 
sentèrent qu'il  était  assez  inutile  de  relever 
leurs  temples  ahallus,  s'il  Le  délrtasait  celui 
du  Di  u  des  chrétiens,  qui  faisait  déserter 
tous  les  autres.  Ils  jtroOlèrent  d'un  accieent 
arrivé  à  un  seigneur  chrétien,  fort  puissant 
à  la  cour,  et  |)reinier  secrétaire  d'Etal,  pour 
aliéner  tout  à  fait  le  prince  de  notre  sainte 
rehgion. 

«  Ce  seigneur,  qui  portait  de  l'argent  à  une 
petite  armée  qu'on  avait  levée  pour  donner 
la  chasse  aux  vokurs,  s'était  cigagi'»  témé- 
rairement  dans  les  bois  a\ec  une  trop  petite 
escorte;  il  y  fut  attaqué  par  uie  trouve  de 
ces  voleurs,  qui  le  dépouillèrent,  lui  enlevè- 
rent l'argent  et  lui  donnèrent  plusieurs  coups 
de  poignard.  On  le  porta  tout  ensanglanté 
dans  sa  maison  où  je  me  rendis  au  plus  vite, 
et  où  je  n'eus  que  le  temps  de  le  confesser 
avant  sa  mort.  Les  brames  et  les  autres  en- 
nemis de  la  religion  dirent  sur  cela  au 
prince,  que  j'avais  eu  recours  à  mille  sorti- 
lèges pour  conserver  la  vie  à  cet  otîicier  de 
sa  cour;  mais  que,  par  ces  sor.iléges-là 
mêmes,  j'avais  avancé  sa  mort  ;  que  s'il  eût 
été  permis  aux  brames  de  faire  leurs  prières 
et  leurs  sacrifices,  l'Etat  n'aurait  pas  perdu 
un  ministre  si  tidèle.  Le  prince,  infiniment 
sensible  à  cette  [jerte,  avait  une  disposition 
naluielle  à  croire  ces  imposteurs  j  lï  donna 


m 


LAI 


LâÏ 


i4B0 


ordre  qiio  le  lendemain,  dès  la  pointe  du 
jour,  011  s'assurât  de  ma  personne  et  de  mes 
catéchistes,  qu'on  pillât  et  brùlAt  mon  église, 
qu'on  m'emprisonnât,  qifon  fouettât  mes 
catéchistes  et  qu'où  les  mît  à  la  torture  :  il 
défendit  néanmoins  qu'on  me  maltraitât,  se 
faisant  scrupule  de  violer  la  parole  qu'il 
m'avait  précédemment  donnée  de  me  mettre 
sous  sa  protection.  A  la  nouvelle  de  ces 
odieuses  vexations,  les  néophytes  me  pres- 
sèrent de  me  retirer;  je  ne  crus  pas  devoir 
céder  à  leur  conseil;  je  fis  appeler  vingt-cinq 
catéchumènes  qui  se  dis|)osaient  depuis 
longtemps  à  recevoir  le  baptême.  Après  les 
avoir  entretenus ,  je  les  remis  entre  les 
mains  des  catéchistes,  afin  qu'ils  continuas- 
sent à  les  préparer,  tandis  que  je  réciterais 
mon  ofTice. 

«  A  peine  avais-je  ouvert  mon  bréviaire, 
qu'un  brame,  un  capitaine  et  une  troupe  de 
soldats  parurent  dans  la  cour  de  l'église;  ils 
venaient,  disaient-ils,  p  )ur  me  conduire  au 
palais,  où  le  prince  voulait  m'entretenir. 
Nous  avons  coutume  de  porter  les  ornements 
d'autel  dans  des  paniers  assez  propres,  faits 
en  forme  de  coffres  et  couverts  d'une  peau 
de  daim  ou  de  tigre;  je  m'en  saisis  aussitôt 
et  je  déclarai  aux  envoyés  du  prince  que, 
leur  abandonnant  tout  le  reste,  je  ne  permet- 
trais à  personne  de  toucher  aux  meubles  qui 
servaient  aux  sacrifices  que  je  faisais  chaque 
jour  au  Dieu  vivant;  que  mes  catéchistes 
môme  n'y  pouvaient  pas  mettre  la  main; 
qu'ils  se  gardassent  bien  d'y  toucher,  s'ils 
ne  voulaient  éprouver  la  malédiclion  que  je 
lancerais  sur-le-champ  de  la  [)art  du  vrai 
Dieu,  auquel  ces  meubles  étaient  spéciale- 
ment consacrés.  Ces  paroles,  proférées  d'un 
ton  ferme,  les  intimidèrent,  car  il  n'y  a  rien 
que  les  Indiens  appréiiendent  davantage  que 
les  malédictions  des  gouroux  (docteurs  spiri- 
tuels). «  A  la  bonne  heure,  me  répondirent- 
ils,  mais  ouvrez-nous  ce  pugei  pclti  (c"(^st- 
à-dire  ce  '-offre  du  sacrifice),  et  montrez-nous 
ce  qui  y  est  renfermé,  afin  (jue  nous  en 
puissions  faire  le  ra|)|)ort  au  prince.  »  J'ou- 
vris le  coffre  et  je  leur  montrai  charjue  pièce, 
l'une  après  l'autre.  Leur  aviditi';  ne  iut  guère 
irritée  :  la  chasuble  et  le  devant  d'autel 
étaient  d'une  soie  de  la  Chine  fort  commune  ; 
le  calice  et  le  ciboire  auraicnit  [)u  les  frapper, 
parce  que  la  cou[)e  en  éta  l  de  vcrnuiil  doré 
et  le  reste  de  cuivre  doré;  mais  je  les  tins 
enVîT-Ioppés  par  respect,  et  je  ne  Icui-  montrai 
que  le  dessous  du  pied,  rpii  n'était  pas  doré  , 
de  sorte  (pi'jls  n'en  firent  pas  grand  cas.  Les 
ctiréticns  avaient  eu  soin  de  retii-er  de  l'église 
une  fort  belle  image  de  la  sa  nte  Viergn  et 
quelques  oriKMnen  s  de  peu  de  valeur.  Kniin 
les  soldats  priient  les  pelil(;s  |)i-ov.sioris  de 
riz  et  de  légumes,  avec;  les  pots  et  les  autres 
ustensd(;s  (}u'iis  troiivcrtMit  dans  ma  cabane; 
ils  enlevèrent  pareillinneni  deux  charges  de 
riz,  (|u'uji  i'i'rvent  chrétien  avait  mis  \\  la 
porte  de  l'église  pour  être  distribuées  aux 
jt.iuvre.s  ;  après  quoi  ils  m'ordoiMièrent  de 
les  suivre,  A  peiiK;  eûmes-nous  fait  ipjel- 
ques  pas,  qu<!  je  songeais  à  prend k;  le  chemin 
tre  la   capitale  ainsi  (pi'ils  me  l'avaient  dit; 


mais  ils  m'en  empêchèrent,  en  me  montrant 
leur  ordre,  qui  portait  de  me  mettre  en  prison 
à  une  lieue  de  l'église  ;  c'était  le  môme  endroit 
où  le  vénérable  Père  de  Brito,  dont  la  mort 
glorieuse  vous  est  assez  conn;:e,  fut  con- 
duit il  y  a  environ  vingt-trois  ans  ;  ce  souve- 
nir me  remplit  de  joie,  dans  l'espérance  du 
môme  bonheur.  Comme  ils  voulurent  me 
renfermer  dans  un  temple  d'idoles,  bâti  de 
briques  et  assez  vaste,  je  leur  répondis  qu'ils 
me  mettraient  plutôt  en  pièces  que  de  m'y 
faire  enter,  et  que  s'ils  m'y  entraînaient  par 
force,  je  renverserais  toutes  leurs  idoles. 
Cette  réponse  les  fit  changer  de  dessein  et 
ils  me  mirent  dans  un  réduit  fort  humide, 
qui  n'était  couvert  que  de  padle  et  qui  n'était 
fermé  que  par  un  retranchement.  Incontinent 
après,  ils  mirent  les  fers  aux  pieds  de  mes 
deux  catéchistes,  et  ils  firent  venir  plus  de 
deux  cents  soldats  pour  nous  garder,  dans 
l'appréhension  où  ils  étaient  que  les  chré- 
tiens ne  nous  enlevassent.  Je  me  présentai 
aux  soldats  pour  participer  aux  fers  de  mes 
catéchistes,  et  je  leur  dis  pour  les  y  engager 
qu'étant  leur  chef  et  leur  maître,  cet  hon- 
neur m'était  dû  préférablement  à  eux  ;  ils 
me  répondirent  qu'ils  avaient  défense  de 
mettre  la  main  sur  moi. 

Le  lendemain,  ils  préparèrent  plusieurs 
poignées  de  branches  de  tamariniers,  qui 
sont  aussi  pliantes  que  l'osier ,  mais  qui, 
étant  semées  de  nœuds,  causent  beaucoup 
plus  de  douleurs  ,  et  ils  conduisirent  les 
deux  catéchistes  sur  la  j)lace  publi(jue  ; 
ils  les  dépouillèrent  tout  nus,  ne  leur  lais- 
sant qu'un  simple  linge  qui  leur  entourait 
le  milieu  du  corps.  Deux  soldats  déchargè- 
rent de  grands  coups  sur  le  plus  âgé,  qui 
relevait  d'une  longue  et  dangereuse  mala- 
die :  la  force  de  son  esprit  sup[)léaà  la  fai- 
blesse de  son  corps;  il  supporta  ce  tourment 
avec  une  constance  invincible,  prononçant 
h  haute  voix  les  noms  sacrés  de  Jésus  e*t  de 
Marie  ;  et  [)lus  les  idolâtres,  qui  étaient  ac- 
courus en  foule  <i  ce  spectacle,  lui  criaient 
d'invoquer  le  nom  de  leur  dieu  Chiven,  plus 
il  élevait  la  voix  pour  invoipier  celui  de 
Jésus-Christ.  Les  bourreaux  s'étant  lassés 
sur  cette  victime,  deux  autres  prirent  leur 
place  et  exercèrent  la  môme  crnaulé  sur  le 
second  catéchiste,  dont  la  fermeté  et  la  pa- 
tience; furent  également  admirables.  Après 
ce  jtremier  acte  d'inhumanité,  on  leur  fit 
suulfrir  une  question  très-douloureuse;  les 
bourreaux  hmr  mirent  enli'e  les  doigts  de 
cha(iu(;  main  des  morceaux  d(î  bois  inégaux 
et  ils  leur  serrèrent  ensuite  les  doigts  Itès- 
élroitement  avec  des  cordes;  poui-  rendre  la 
douhiur  encoi'e  })Ius  vive,  ils  l(>s  forcèrent 
de  metln;  leurs  mains  ainsi  seri'ées  sous 
la  plante  de  leurs  j)ieds,  (pie  les  bourreaux 
pressaient  encrjre  avec  les  leurs  di!  toutes 
leurs  forces.  Quand  je  vis  ces  généreux  con- 
fesseurs entrer  dans  la  prison,  je  courus  au- 
devant  d'eux,  je  les  embrassai  tendrenieni, 
leiM'  baisai  ensuite  les  pieds  (>t  les  félicitai 
d'avoir  été  trouvés  dignes  de  souffrir  pour  lo 
nom  de  Jésus-Chi'ist. 

«  C<'pendanl  le  brame  écrivit  au  prince, 


1457  LAI 

jiour  lui  rendre  roiiiple  de  tout  ce  qui  séUxli 
passé.  Le  princ  l'ut  sui-j-ris  de  ei;  (pi'ou  avait 
trouvé  si  peu  de  chose  dans  mon  église;  on 
lui  avait  rapporté  qu'on  y  avait  vu,  le  jour 
d'une  fête,  un  dais  superbe,  qui  valait  plus 
de  niilic    pagodes,  c'esl-iVdire  plus  di;  cinq 
cenis  pistoles  :  cédais  n'était  pourtant  (|uu 
de  toile  peinte,  ornée  de  divers  festons   de 
pièces  de  soie  de  la  Chine.  11  se  douta  que 
l'avais  rei^u  (iuclqu'avis,etsonsou|)ron  tomba 
sur  le   gouverneur  de  sa  capitale,   (jui    est 
chrétien.  Le  |)rin(;e  envoya  un  nouvel  ordre 
flu  bianie  [)ar  lequel  il  lui  conunandait  de 
tourmenter  de  nouveau  mes  deux   catéchis- 
tes et  de  les  tenailler;  de  brûler  mon  église, 
d'envoyer   partout   des  soldats    pour  saisir 
les    autres   catéchistes   et  [lour   leur    faire 
souffrir  les  ménies  suj)[)lices.  L'oidre  portait 
aussi  de  me  resscirerplus  élroitement  que  ja- 
mais, sans  [)0urtant  user  de  violence  à  mon 
égai'd:  le  malheur  arrivé  à  son  prédécesseur 
q  ui  avait  fait  mourir  le  P.  de  Brito,  lui  faisait  a[)- 
})r*''lieniler  un  sort  semblable,  ei  c'est  runicpic 
raison  (jui  le  porta  à  cette  sorte  de  ménage- 
ment. 11  me  lit  dire  que  le  premier  ministre 
du  prince   devant  arriver  de  l'armée  sous 
peu  de  jours,  il  allait  suspendre  jusi|ue-là 
l'exécution  des  ordres   qu'il   avait  donnés. 
Le  piemier  ministre  arriva  en  ellet,  et  je  lis 
solliciter  une  audience.  Il  m'envoya  deux  de 
ses  principaux  ofliciers  pour  me  dire  qu'il 
ne  voulait  pas  jne  parler,  de  crainte  que  le 
prince  ne  s'imaginât  que  je  l'avais  gagné  par 
quelque  somme  d'argent;  mais  qu'il  permet- 
tait âmes  catéchistes  de  paraître  en   sa  pré- 
sence :  il  ordonna  sur-le-champ  qu'on  leur 
ôtàt  les  fers  et  qu'on  les  lui  amenât.  D'abord 
il  leur   marqua  le  déplaisir  qu'il  avait  des 
tourments  et   des  atlVonts  qu'on  leur  avait 
fait  souU". ir  .  «  Mais,  ajouta-t-il,  le  prince 
n'a-t-il  pas  raison  de  vous  punir  pour  avoir 
embrassé  une  loi  si  contraire  à  celle  du  pays 
et  pour  aider  un  étranger  à  la  prêcher  et  à 
pervertir  les  peuples?  Vous  êtes  de  la  même 
caste  que  moi  :  pourquoi  la  déshonorez-vous 
en  suivant  un   inconnu?  Quel  honneur  et 
quel  avantage  trouvez-vous  dans  cette  loi  ? 
—  Nous  y  trouvons,   répondirent  les    caté- 
chistes, le  chemin  assuré  du  ciel  et  de  la  fé- 
licité   éternelle.    —   Bon  I   ré  liqua-t-il   en 
riant,  quelle   autre  félicité  y  a-t-il  que  celle 
de  ce  monde?  Pour  moi,  je  n'en  connais 
point  d'autre;  votre  gourou  vous  abuse.  — 
Nous  le  saurons  un  jour  vous  et  nous,  ré- 
pondirent les  catéchistes,    quand  nous  se- 
rons dans  l'autre  monde.  — Hél  quel  monde 
y  a-t-il,  leur  demanda  le  ministre  ?   -   IJ  y 
a,  répliquèrent-ils,  le  ciel  et  l'enfer;  celui-ci 
pour  les  méchants,  celui-là  pour  les  bons.  » 
Comme  ils  voulaient  lui  expliquer  leur  foi 
plus  en  détail,  cetinlidèle  les  interrompit  en 
leur  disant  qu'il  n'avait  pas  le  loisir  d'entrer 
dans  un  long  discours;  mais  que  s'ils  pou- 
vaient don,  er  caution,  il  leur  permettrait  de 
le  suivre  à  la  cour,  où   il  tâcherait  d'apaiser 
la  colère  du  prince.  Un  chrétien,   capitaine 
d'une  compagnie  de  soldats,  s'olfrit  aussitôt 
à  être  leur  caution,  et  ils  furent  mis  en  li- 
berté. Ce  ministre  me  fit  dire  qu'il  s'oppo- 


LAI 


1458 


serait  à  la  ruine  <l<'  mon  église,  pourvu  que 
je  promisse  (luclqucs  milliers  d'écus  que  je 
pouv.'.is  tirer  aisément  d'un  grand  nomme  de 
disciples  cjue  j'avais  dans  le  royaume.  Je  ré- 
pon:ns  h  ceux  qui  me  lirenl  cette  proposi 
tion  de  sa  part,  qu'ils  pouvaient  dire  h  leur 
maître  et  au  piince  même,  <iue  je  n'avais  ap- 
porté   dans  le    Maravas   la    loi    de    Jésus- 
Christ    {jue  pour   la  leur  annoncer,   et  ma 
tête  pour  la  donner,  s'il  était  nécessaire,  en 
témoignage  de  la  vérité  de  celte  loi  ;  qu'ils 
n'avaient  qu'à  choisir  l'une  ou  l'autre,  mais 
que  je  ne  permettrais  jamais  que  mes  disci- 
ples rachetassent    i)ar  argent  ma  liberté   ni 
ma  vie.  «  Qu'il  sache  que  je  m'estime  plus 
heureux   dans  ma    prison    que   dans  mon 
église  et  dans  son  palais.  »  Cette  réponse 
étant  portée  au  ministre,  il  ne  dit  autre  chose, 
sinon  :  «  Hé  !    que  fera  le  prince  du  ci  âne 
d'un  étranger?  c'est  de  l'argent  qu'il   de- 
mande :  si  l'on  ne  promet  rien  je  ne  réponds 
tie  rien.  »  11  partit  ensuite  pour  la  cour  et  il 
permit  à  mes  deux  catéchistes  d'aller  voir 
leur  famille  avant  que  de  venir  l'y  trouver. 
Les  deux   catéchistes  allèrent  en  effet  dans 
leur  maison  où  ils  avaient  chacun  leur  mère. 
Celle  de  Xaveri   Moutton,   c'est  le  nom  du 
plus   ancien  catéchiste,  était  fort  âgée,  et  il 
s'attendait  à  la  trouver  toute  désolée,  mais 
il  fut  bien  surplis  quand  il  la  vit  se  jeter  à 
son  cou  avec  un  visage  épanoui  et  lui  dire 
en  l'embrassant:  «  C'est  à  présentque  jevous 
reconnais  véritablement  pour  mon  fils.  Quel 
bonheur  pour  moi  d'avoir  enfanté  et  nourri 
un  confesseur  de  Jésus-Christ  !  Mais,  mon 
cher  hls,  c'e.>t  peu  d  avoir  commencé  à  don- 
ner des  preuves  de  votre  constance,  il  faut 
persévérer  jusqu'à  la  tin  ;   le  Seigneur  no 
vous    abandonnera   pas    si    vous    lui    êtes 
fidèle.  » 

«  Sattianaden,  c'est  ainsi  que  s'appelle 
l'autre  catéchiste,  fut  reçu  par  sa  mère  avec 
les  mêmes  transports  de  joie  et  les  mêmes 
sentiments  de  piété;  il  était  marié  et  avait 
un  enfant  fort  aimable,  d'environ  trois  ans  : 
cette  bonne  chrétienne  le  prit  entre  ses  bras 
et  le  portant  au  c(ni  de  son  fils  :  «  Mon  en- 
fant, lui  dit-elle,  embrasse  ton  père  qui  a  souf- 
fert pour  Jésus-Christ;  0.1  nous  a  enlevé  le  peu 
que  nous  avions,  mais  la  foi  nous  tiendra 
lieu  de  tous  les  biens.  »  Le  prince,  qui  s'at- 
tendait à  un  riche  butin,  fit  de  sanglants  re- 
proches aux  brames  de  ce  qu'ils  l'avaient 
(  ngagé  dans  une  atlaire  capable  de  le  dés- 
honorer. Cepe.'idant,  pour  couvrir  son  ava- 
rice sous  des  dehors  de  zèle  pour  ses  divi- 
nités, il  protesta  qu'il  ne  voulait  plus  soullrir 
une  loi  qui  condamnait  les  dieux,  et  il  or- 
donna qu'on  fît  une  recherche  exacte  de  tous 
les  catéchistes,  atin  de  les  punir  sévère- 
ment. Ayant  appris  qu'on  avait  épargné  mon 
église,  il  donna  un  troisième  ordre  de  la  ré- 
duire en  cendres.  Une  troupe  de  gentils  fut 
chargée  de  cette  commission.  J'avais  fait 
écrire  au  haut  du  rétable  ces  paroles  en 
gros  caractères  :  Sarvcsurenukon  stosiram, 
qui  signifient  :  Gloire  et  louanges  soient  au 
souverain  Seigneur  de  toutes  choses.  »  Le 
capitaine,  qui  présidait  à  la  destruction  de 


1459 


LAI 


LA  M 


UGÛ 


î'-'ulise,  fit  d'obord  briser  cotlc  insmption, 
cfi.i,  dit-il,  que  îi;  nom  du  Diou  doschrÔLiens 
fOt  tout  .^  fait  anL'anli  :  l.-s  inateciau\  i'ai'ent 
transportas  ailleurs  et  iestiiiés  h  la  cons- 
tru'tion  d'un  leni|ili'  d'idoles;  le  reste  de- 
vint 1 1  proie  des  inii  lèles.  Le  prince  éîail  ré- 
solu de  livrer  tous  les  ch'-étieiis  à  deux  In- 
diens de  sa  cour,  qui  oirraient  de  nietlre 
vingt  mille  écus  au  trésor,  si  Ton  voulait 
leur  donner  le  pouvoir  de  tourmentera  leur 
gi  é  mes  néoj)h\tes  et  de  piller  leurs  maisons. 
La  cliose  était  "presque  conclue  ;  mais  le  |)re- 
mier  ministre,  par  un  trait  de  politicjue,  sauva 
les  c'irétiens,  afn  de  se  sauver  lui-même.  Il 
cr.ngnit  d'être  recherché  sur  l'administration 
des  finances,  et  il  savait  que  des  oUiciers  chré- 
tiens avaient  en  main  de  quoi  le  perdre. 
Pour  leur  fermer  la  bouche  et  gagner  en 
même  temps  leurs  bonnes  grâces,  il  entre- 
prit de  dissuader  le  prince  el  de  lui  montrer 
que  le  dessein  qu'il  méditait  était  contraire 
à  ses  véritab  es  intérêts.  Il  lui  représenta  que 
pour  vingt  mille  écus  qu'il  gagnerait,  il  s'es.- 
pcserdit  h  perdre  plus  de  vingt  mille  bons  su- 
jets; qu'il  y  avait  parmi  eu\  u  i  grand  nom- 
bre de  capitaines  et  de  soldats;  que  se  vcjyant 
pe.sécutés,  ils  abandonneraient  le  pays  et 
chercheraient  un  asile  da  is  l'Etat  voisin  qui 
était  actuelleme;  t  en  guerre  avec  le  M.tra- 
vas  ;  que  cette  désertion  grossirait  l'armée 
ennemie  et  entraînerait  peut-être  la  ruine  de 
son  Etat.  C?^s  raisons  firent  impression  sur 
le  prince,  il  renonça  à  son  premier  projet  ; 
mais  il  me  fit  dire,  qu'ayant  plus  de  cent 
m;lle  chrétiens  dans  le  Muavas,  (|ui  tous 
étaient  disposés  à  suivre  mes  ordres,  il  me 
serait  facile  d'en  tirer  vingt  mille  écus,  somme 
mo  iique  dont  il  se  con, enterait.  Toute  ma 
répo  !se  fi;t  qu'il  n'appartenait  pas  h  un 
étranger  comme  moi  d'imposer  une  ta\e  sur 
Ses  sujets;  que  la  loi  sainieque  j'enseignais 
prescrivait  l'ribéissance  et  la  lidélilé  qui  sont 
duesaux  souverains;  que  je  n'avais  ni  ne  vou- 
lais avoir  aucun  droit  sur  les  biens  de  mes 
dis.;iples,  el  queje  ne  soufrriraisjamais  qu'ils 
donnassent  une  obole  |)Our  aclietcr  ma  li- 
berté ;  qu'au  contraire,  si  je  possédais  des 
richesses  je  les  donnerais  volontiers  pour  ob- 
tenir la  gi-âce  de  mourir  dans  l'étroite  pri- 
son oiî  il  m'avait  fait  enfermer.  Enfin,  après 
plus  de  deux  mois  de  détention,  et  lorsque 
]e  m'y  attendais  le  moins,  un  officier  suivi 
de  (plaire  soldats  vint  me  tirer  de  ma  prison; 
il  était  chargé  de  me  conduire  sur  la  fron- 
tière du  Maravasel  de  m'intimer  l'ordre  de 
sortir  du  royaume  el  do  n'y  plus  rentrer, 
sous  peine  de  la  vie.  (ioinme  cet  ofiicier 
devait  sa  fortune  h  un  des  prt-miers  seigneurs 
du  palais,  (pji  était  chrétien,  il  ne  m'accom- 
[)agiia  qu'une  deini-lieu(!  au  sortir  de  la  pri- 
son, el  il  me  laissa  la  liixTlé  d'alhT  où  je  vou- 
divns.  »  (LeltrcH  édifidrites,  j).  'Ml,  vol.  IV.) 

Dans  l'an  u'e  lO.I*.),  le  I*.  Laincz  r(>venail 
d'un  vovage  dont  le  but  avait  été  d'assister 
les  chiéiiens  d'Outremeloiir,  lors(iu'on  le 
soumit  h  un  tourmenl  aussi  cruel  qu  lîxliaor- 
dinniic.  Le  1*.  Dolu,  de  la  compagnie  de  Jé- 
sus, dans  une  lettre  datée  du  V  octobre  1700, 
adressée  nu  I'.  Le  Gobicn,  raconte  que  no- 


tre sai'it  missionnaire  avait  obtenu  du  Durey 
(seigiieurj  n'Oulremelour  la  |)eruiission  do 
construire  une  egiis(î  sur  son  lerntoire,  aux 
environs  de  la  célèb.-e  Cang  houram,  dans  le 
royaume  de  Carnate.  Un  gouverneur,  solli- 
citJ-  par  quehpies  gentils,  arrêta  le  P.  Lainez 
et  lâcha  sur  lui  plusieurs  soldats  à  grande 
gueule  (c'est  leur  nom),  qui  le  mordirent  si 
cruellement  que  les  suites  de  ces  morsures 
'incomnifxJèrent  long-temps. 

LA  LANDE  (le  bi  nheureux),  missionnaire 
français,  accompagnait  le  P.  Jogues  chez  les 
Iio  [uois.  Le  17  octobre  lOiO,  tous  deux  fu- 
rent tués  à  coups  de  hache.  Leurs  tètes  fu- 
rent coupées,  exposée^  sur  la  palissade  du 
village,  et  on  jeta  leurs  corps  dans  la  ri- 
vière. 

LALLEMANT  (le  bienheureux  Gabriel), 
missionnaire  delà  compagnie  de  Jésus, cueil- 
lit la  j)alme  du  martyre  dans  le  Nouveau- 
Monde,  avec  le  P.  Jean  de  Brébeuf,  de  la  mê- 
me compagnie.  [Voy.  l'article  Brébklf,  pour 
plus  de  détails.) 

LAMBERT  (saint),  fit  martyrisé  à  Sara- 
gosse.  Nous  ignorons  les  détails  de  son  mar- 
tyre. Il  est  inscrit  au  Martyrologe  romain  le 
16  avril. 

LAMBERT  (saint) ,  évêque  de  Maestricht 
et  martyr,  était  né  d'une  illustre  famille 
dans  la  ville  même  de  laquelle  il  fut  depuis 
nommé  i)remier  pasleur.  Il  avait  eu  le  bon- 
heur d'avoir  des  parents  non- seulement 
chrétiens,  mais  encore  très-fervents.  Saint 
Théodard,  successeur  de  saint  Rema;;le,  abbé 
de  MalmeJy  et  de  Stavelo,  avait  été  promu 
à  l'évêohé  de  Maestricht  ;  ce  fut  entre  ses 
mains  que  les  parents  de  notre  saii.t  le  pla- 
cèrent, le  chargeant  du  soin  de  son  éduca- 
tion. Ce  saint  évêque,  plein  d'affeclion  pour 
son  jeune  élève  ,  ne  négligea  rien  (lour  for- 
mer son  esprit  et  son  cœur.  En  609,  saint 
Lambert  eut  le  malheur  de  perdre  son  maî- 
tre. Tliéodard  s'éfanl  mis  en  route  pour  al- 
ler trouver  çn  Austrasie  le  roi  Childéric  II, 
afin  d'obtenir  de  lui  la  restitution  des  biens 
de  son  église,  que  des  seigneurs  puissants 
dans  le  ji.iys  avaient  accaparés,  fut  tué  par 
ces  usurpateurs,  dans  la  foi  èl  de  Renaît  {Voy 
son  article).  Lambert  fut  choisi  pour  succé- 
der à  son  maître.  Ce  ne  fut  qu'avec  chagrin 
et  en  tremblant  qu'il  accepta  l'épiscopat, 
craignant,  comme  tous  les  saints,  de  ne  pas 
remplir  dignement  celte  fonction,  si  haute 
el  si  pleine  de  t)érils.  L'Austrasie,  comme 
nous  venons  di»  le  diie,  obéissait  «i  Childé- 
ric- II,  qui  avait  Wulfoade  |)our  maire  du  pa- 
lais. Thierri  111  régnait  en  Neustrie  et  en 
Bourgogne;  Ebroiii  av  dl  pris  sous  ce  prince 
la  charge  de  maire  du  palais;  mais  le  roi  et 
son  ministre  se  ixnidirenl  bientôt  si  odieux 
j)ar  leur  cruauté  el  leur  tyrannie,  (lu'on  so 
révolta  (îonlre  eux  :  ils  furent  ciiassés  , 
Thierri  fut  (enfermé  h  Saint-Dcni's.  Ebnnn  à 
Luxeuil.  Cliildéric  II,  ipii  d'aliord  avait  gou- 
verné avec  beaucoup  «Ici  sa,j,esse ,  ne  se. 
voyant  jiliis  d'ennemis  ^  craindre  ,  devint 
lui-même  un  tyran  exécrable,  s'abandonnant 
à  ses  liassions  ell'iénees,  et  foulant  aux  |iied5 
tout  ce  «lui  •'•lait  saint  el  sacré. 


1461 


LA  M 


I-AM 


U'.2 


En  673,  Bodilon  ,  qu'il  avait  fait  foiiellcr 

f>uhli(]ueiruMit  ,  souleva  rontie  lui  la  no- 
ilossft  et  l'assassina,  'l'hici  ri ,  sorlaiit  dts 
SaiMt-Dt'uis,  so  til  uouinicr  roi  do  Ncuslrie. 
I)aj;n|)iri  II  ,  lils  do  Si^t'bcit  ,  s'empara  de 
J'Austrasio.  Saint  Lniiltort,  qui  avail  olé  loit 
attaché  h  Childéric  fut  ohass  •  do  sou  siojjço. 
lîri  intrus,  noniiiu^  iMiaramoiid  ,  lut  mis  h  sa 
j)laro.  Le  saint  «^v(Viu('  s(>  retira  dans  lo  nio- 
iiasii^ro  do  Stavolo  ,  avec,  iloux  lidùli  s  do- 
mestiques qui  vouluront  s'associer  ù  son 
sort.  Il  y  di'moin'a  sopl  a'is.  Il  y  suiva't  la 
rOgle  dos  roli^ioi.x  comme  eût  pu  faiio  un 
simple  novico.  l'hrnm  avait  oui i lu  lo  mo-  \ 
naslèro  do  Luxouil  ol  iVuUt  i-cdovoiui  maire 
du  palais.  Après  l'assassinat  de  l)aj;oborl, 
voyant  Thioni  seul  maitr»;  do  toute  la  nio- 
narihi(>,  il  redoubla  ses  .  rinuilés  et  ses  vio- 
lences. 11  avait  npprimt^  l'église  de  Maos- 
tricht  on  haine  du  .saint  ;  il  le  tourmenta  lu  - 
même  avec  infiniment  do  cruauté.  Kulin  ,  la 
vcigoance  divine  frappa  ce  monstre  :  Her- 
menfi'ède,  un  seigneiu'  qu'il  avail  déponi  lé 
de  ses  biens,  et  q-Ti!  avait  môme  me  •  ué  û(} 
mort,  l'as-assina  ei  681.  Pepi-i  d'H.'rislal  , 
devenu  maire  du  palais  ,  s'appl.'<[ua  active- 
ment à  réparer  los  maux  (pie  la  uuauté  et 
la  tyiannio  d'Ebroïn  avaient  causés.  Il  ro'i- 
vo\'a  les  évéques  intrus  des  ditféronis  sièges 
qu^ils  occujiaient;  il  rétablit  partout  les  évé- 
ques légitimes.  Saint  Lambert  revint  à  iMaes- 
Iricht  m  681  ou  082. 

Rien  n'était  comparable  au  désordre,  à  la 
confusion,  qui  régnaient  alors  en  France, 
sous  le  gouvernement  de  ces  rois  qu'on  a 
n*^  rames  rois  /'arwe«t?/5.  Les  lois  étaient  sans 
force,  sans  autorité-;  la  force  brutale  seule 
avait  raison. 

Floury,  vol.  III,  p.  48,  va  nous  fournir  la 
suite  de  notre  récit  :  «  Après  donc  que  saint 
Lambert  eut  été  se;;l  ans  hors  de  son  siège 
do  .Maestricht,  retiré  dans  le  monastère  de 
Stavelo,  la  mort  d'Ebroin  donna  lieu  à  Pé- 
pin de  chasser  Pharamond,  usurpateur  de  ce 
siège,  et  d'y  rétablir  saint  Lambert,  h  la 
prière  de  tout  le  clergé  et  de  tout  le  peuple, 
vers  l'an  681.  Il  recommença  donc  à  s'ac- 
quitter de  ses  fonctions  avec  un  très-grand 
zèle;  et  trouvant  encore  des  païens  dans  la 
ïoxandrie,  petit  pays  voisin  de  Maestricht, 
il  s'ajipliqua  à  leur  conversion,  adoucit  leur 
barbarie  par  sa  patience,  et  abattit  plusieurs 
temples  et  plusieurs  idoles. 

«  Mais  doux  frères  ,  Gallus  et  Riokie,  pil- 
laient les  biens  de  l'église  de  Maestricht ,  et 
se  rendaient  insupportables  par  leurs  vio- 
lences. Les  amis  et  les  parents  de  saint  Lam- 
bert en  furent  tellement  indignés,  que,  se 
voyant  poussés  à  bout,  ils  les  tuèrent.  Les 
deux  frères  étaient  parents  de  Dodon,  do- 
mestique de  Pépn  ,  qui  possédait  cpiantité 
de  terres  et  de  soifs.  11  résolut  de  venger 
leur  mort  sur  l'évèque  môme;  et,  ayant  as- 
semblé quantité  de  gens  armés,  il  v.nt  l'at- 
taquer à  Leodium,  sur  la  Meuse,  alors  simple 
village,  aujourd'hui  la  grande  ville  de  Liège. 
Saint  Lambert  reposait,  après  matines,  quand 
un  de  ses  serviteurs  ,  nommé  Baldouèe,  qui 
était  de  garde  et  veillait  auprès  de  lui ,  sor- 


tit dehors,  ot  vil  rarmée  de  Dodon  qui  venait 
on  plusieurs  troupes.  l'tanl  arrivés,  ils  roni- 
pironl  les  palissades  el  les  |)Ortes,  <  t  monlè- 
ront  sur  le  loil.  Baldouéo  crjurul  avertir  le 
saint  évécpie,  (pii  coininençait  <'i  s'endormir. 
Dans  le  pr(niii(n  mou\  eiiunit,  il  prit  une  éj  éo 
poin-  se  déleiidre;  mais,  pons.mt  i\  Dion,  et 
se  oonliant  on  lui,  il  jota  répé(i  à  terre,  ai- 
mant mieux  mouiir(]ue  de  mellie  la  main 
sur  ce>  mochaids.  Auss  tôt  ils  onirèrent,  ot 
doinôrcnil  de  li  urs  lancs  conlro  les  mu- 
raille.-. Deux  neveux  de  l'évèque  loscl'assè- 
ront  à  coups  do  bàîon;  mai>  il  leur  dit  ,  et 
aux  aidros  ((ui  racoom()ac.iiaionl  :  «  Si  vous 
m'auiiiiz  vèrilablemc'H  ,  aimez  Jé.su.s-r,hr  st 
comme  mo  ,  el  lui  conft;>soz  vos  péchés; 
pour  moi,  il  est  lemjis  que  j'aille  vivre  a"cc 
lui.»  Vu  autre  de  ses  noveix  lui  dit  :  «N'cn- 
teiidoz-vous  pas  comme  ils  crii  nt  de  mcUre 
lo  feu  à  la  maison  pour  nous  b/ûhr  tous 
vifs  ?  »  Alors  saint  Lambert  dit  h  s(  s  nev(  ux  : 
«  Souvoruiz-vo  .-  que  vous  eus  coupabl.  s  de 
ce  ci'iiiie  ,  c'c.^  t-<i-dire  de  la  mori  dos  de  ux 
frères;  allez  mainon;  nit  on  ne-  voir  la  juste 
récom|)(njso.  »  Ensuite,  ayant  fait  soitir  l(jul 
le  monde  do  sa  cliambre,  ii  se  piosti  ina  les 
bias  éltndus  en  f^rnne  de  croix,  el  se  mit  à 
prier  avec  ollusion  de  larmes.  L  s  cnnouiis 
entrèrent  dans  la  maison,  passèrent  au  fil  de 
1  épée  lous  ceux  qu'ils  y  Irouvèionl,  el  un 
d'eux  ét;;nl  monté  sur  lo  toit  de  la  chambre 
où  était  le  saint  évoque,  lui  lança  un  dard 
dont  il  le  tua.  Ainsi  inooiul  saint  Lambirt, 
le  17  septembre,  l'an  708  ou  environ,  api  es 
quarante  ans  de  pontifn  al ,  depuis  l'an  t68 
qu'il  succéda  à  saint  Tliéodaru.  Son  corps 
fut  mis  dans  une  barque,  ot  rapporté  à  Maes- 
tricht, où  il  fit  enterré  dans  l'église  de  Saint- 
Pierre;  mais  depuis  il  fui  reportée  Liège, 
et  il  est  honoré  comme  martyr.  » 

LAMBERT  (Marie-Anne),  converse  au  cou- 
vent dos  Ursulines  de  Rolène  ,  fut  guilloti- 
née le  13  juillol  179i,  à  Orange,  avec  Anas- 
tasie  de  Rocard,  supérieure  du  même  cou- 
vent ;  la  sœur  Sainte-Françoise,  converse 
Chez  les  Ursulines,  à  Carpeiîtias  ;  El.sabolh 
Vorchière,  Alexis  Mincelle  el  Henriette  La- 
forge,  religieuses  du  Saint-Sacrement  à  Bo- 
lène. 

LAMBÈSE,  ville  de  Numidie,  en  Afrique  , 
célèbre  par  le  martyre  de  saint  Marien  et 
de  saint  Jacques,  sous  l'empire  de  Valérien. 
{Voij.  les  Actes  de  saint  Marien,  à  son  arti- 
cle.) 

LAMES  DE  FER,  lominœ  ,  plaques  qu'on 
faisait  rougir  pour  brûler  les  cotés  ,  les  bras 
dos  martyrs.  11  arrivait  souvent  qu'on  appli- 
quait ces  plajues  sur  les  bas  des  marlj,TS 
pour  éprouver  leur  courage.  On  leur  disait  : 
«  Si  vous  laissez  tomber  ces  plaques,  ce  sera 
le  signe  que  vous  aposlasiez.  »  On  faisait 
ainsi  de  la  paience  et  du  courage  dans  la 
résistance  à  la  douleur  le  signe  de  la  foi. 
Evid  mmenl,  les  martyrs  pouvaient  ne  pas 
se  conformer  <i  ces  .njonclions  de  leurs  bour- 
reaux, et  pour  cela  ne  pas  rencncer  leur  loi  ; 
mais  beaucoup  acceptaient  ce  défi,  beaucoup 
résistaient  à  la  douleur,  et  supportaient  , 
sans  les  laisser  tomber,  les  plaques  rougies 


ii6ô 


LAll 


LAR 


1404 


qu'on  leur  appliquait  sur  le  bras  tondu. 
Toute  l'antiquité  admirait  le  courage  dcMu- 
cius  Scévola  :  à  chaque  pas  ,  l'histoire  des 
martyrs  nous  montre  de  semljlables  héroïs- 
lues. 

LAMPSAQUE,  aujourd'hui  Cherdak,  ville 
de  Mysie  ,  sur  la  Propoiitide,  eut  la  gloire 
de  vo  r,  en  250,  sous  le  règne  de  l'empereur 
Dère,  le  martyre  des  saints  Pierre,  Paul,  An- 
dré et  Denise.  Ce  fut  le  proconsul  Optimus, 
.successeur  de  Quintilien,  qui  les  condamna. 
Paul  et  André  avaient  déjà  subi  un  interro- 
gatoire, quand  la  populace  se  soulevant,  en- 
toura la  maison  du  proco-isul,  demandante 
grands  cris  qu'on  lui  livrât  les  saints  mar- 
tyrs. Ils  furent  de  nouveau  interrogés  ,  et 
ayant  été  livrés  à  ce  peuple  furieux,  ils  fu- 
rent lapidés  par  lui  hors  de  la  ville. 

LANGRES,  Andomatunum,  puis  Lingones, 
ville  de  France  (Haute-Marne),  jadis  capitale 
ÛQS  Lingones.  C'est  dans  cette  ville  que,  sous 
le  règne  de  l'empereur  Marc-Aurèle,  saint 
Speusippe,  saint  Eleusippe  et  saint  Meleusip- 
pe,  tous  trois  frères  et  jumeaux,  furent  misa 
mort  par  l'ordre  des  magistrats,  qui  se  nom- 
maient Quadrat  ,  Palmace  et  Hermogène. 
Les  deux  greffiers  qui  les  assistaiint  se  con- 
vertirent, en  voyant  le  courage  des  saints 
martyrs  et  en  entendant  leurs  discours.  Le 
premier,  qui  se  nommait  Néon  ,  fut  lapidé 
pour  avoir  renversé  et  brisé,  dans  un  saint 
accès  d'indignation,  la  statue  de  Némésis;  le 
second,  qui  se  nommait  Tarbon ,  fut  pris 
par  les  persécuteurs  ,  et  termina  ses  jours 
par  un  glorieux  martyre,  mais  sur  lequel 
on  manque  de  détails.  En  4-11,  les  barbares 
ayant  fait  une  invasion  dans  les  Gaules,  mar- 
chaient sur  la  ville  de  Langres.  Saint  Didier, 
qui  en  était  évêque,  vint  au-devant  d'eux 
avec  tout  son  clergé,  alin  d'intercéder  pour 
son  troupeau,  mais  les  barbares  le  massa- 
crèrent 'avoc  tous  ceux  qui  raccompagnaient. 
(Voy.  Didier.) 

LAODiCE,  était  préfet  de  Rome  sousl'em- 
jjereur  Dioclétien.  Il  est  connu  dans  les  an- 
nales des  martyrs  par  les  souifrances  qu'il 
fit  endurer  aux  saints  Maur  et  Papias. 

L.VODICE,  était  proconsul  sous  l'empe- 
reur Dioclétien.  II  lit  endurer  plusieurs  tour- 
ments au  prêtre  Mace,  qui  confessait  coura- 
geusement la  religion  chrétienne. 

LAODICÉE.  Le  Martyrologe  romain  dési- 
gne par  ce  nom  seulement ,  sans  préciser 
davantage  ,  le  lieu  où  fut  mat  tyi'isé  ,  sous 
M;u'c-Aurèle,  saint  Sagaris,  évô(jùe.  Il  existe 
t.iiit  de  villes  de  ce  nom  ((pjatrc)  (pie  nous 
ne  [Kjuvons  savoir  de  la(|uelle  il  est  (jues- 
li(jn. 

L.\RGl!)  (saint) ,  l'un  des  coinpagnons  du 
saint  martyr  (^yriaqiH! ,  di.icre  de  l'Eglise 
romaine,  mourut  en  '.iO'.l,  à  Home,  sur  la  voie 
S'ilaria,  où  il  fut  cntern'.  \\s  furi'iil  vin.^t-six, 
d.uis  le  môme  jour,  mis'i  mort  au  même  (mi- 
drfjit.  L'Iv^lise  célèbr^^  leui-  tète  collective  le 
jour  de  leur  tiaiisl.ilion  ,  (pii  eut  lieu  le  8 
août.  (Voy.  CvuiAyui:.  Voy.  aussi  l'abbé 
Graiididi(;r ,  Ilintoire  de  llîglisc  de  Stras- 
bourg. ) 

LAKGK  (saint),  soulIVil  le  martyre  à  Aqui- 


liée,  avec  saint  Hilaire  ,  évêque,  et  les  saints 
Tatien,  diacre,  Félix  et  Denis.  Leur  sacrifice 
eut  lieu  sous  l'em|)ire  de  Numérien,  et  sous 
le  président  Béroine.  On  ne  dit  pas  quel  fut 
au  juste  leur  genre  de  mort.  11  est  certain 
qu'ils  subirent  la  peine  du  cheval<>t  et  di- 
vers autres  tourments.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  16  mars. 

LARGION  (saint),  reçut  la  palme  du  mar- 
tyre h  Augsbourg  ,  avec  les  saints  Quiria- 
que,  Crescentien,  Ninge,  Julienne  et  vingt 
autres  dont  les  noms  sont  ignorés.  Le  môme 
jour  et  dans  la  môme  ville  ,  sainte  Hilarie  , 
mère  de  sainte  Afie,  martyre,  qui  veillait  au 
tombeau  de  sa  lille,  fut,  |)Our  la  foi  de  Jé- 
sus-Christ, brûlée  au  même  lieu  [)ar  les  per- 
sécuteurs, avec  Digne,  Euprépie  et  Eunomiç, 
ses  servantes.  L'Eglise  fait  collectivement 
leur  glorieuse  mémoire  le  12  aoilt. 

LAROCHEFOUCAULT  (François-Joseph, 
et  PiERRE-Loiis  de),  évoques  de  Saintes  et 
de  Beauvais,  étaient  deux  frères.  Ils  furent 
arrêtés  tous  deux  dans  leur  apjiaitement. 
Les  révolutionnaires  en  voulaient  spéciale- 
ment à  l'évoque  de  Beauvais,  et  laissèrent  la 
liberté  à.celui  de  Saintes;  mais  il  leur  dit  : 
«  Messieurs,  j'ai  toujours  été  uni  h  mon 
frère  de  la  plus  tendre  amitié  ;  je  le  suis 
encore  plus  par  mon  attachement  à  la  même 
cause.  Puisque  son  amour  pour  la  religion 
et  son  horreur  pour  le  parjure  font  tout  son 
crime,  je  vous  supplie  de  croire  que  je  ne 
suis  pas  moins  coupable.  Il  me  serait  d'ail- 
leurs impossible  de  voir  mon  frère  conduit 
en  prison  et  de  ne  pas  aller  lui  tenir  comjia- 
gnie;  je  demande  à  y  être  emmené  avec  lui 
et  à  partager  son  sort.  »  Cet  aimable  et  hé- 
roi{|ue  prélat  conserva  dans  sa  prison  vo- 
lontaire toute  sa  gaité  habituelle.  Toujours 
riant,  toujours  prévenant,  il  se  jilaisait  sur- 
tout avec  son  frère,  à  accueillir  les  nouveaux 
prisonniers  avec  une  bonté,  avec  des  at- 
tentions qui  bientôt  faisaient  oublier  à 
ceux-ci  toutes  leurs  peines. 

Quand  les  révolutionnaires  eurent  enfoncé 
la  porte  du  jardin  des  Carmes,  un  grand 
nombre  de  prêtres  se  réfugièrent  dans  la 
petite  chapelle.  Là,  attendant  la  mort  dans 
un  profond  silence,  ils  olfraient  à  Dieu  leur 
dernier  sacrifice.  Les  brigands  déchargèrent 
sur  eux  leurs  fusils  et  leurs  pistolets  à  Ira- 
vers  les  barreaux.  Les  victimes  tombaient 
les  unes  sur  les  autres;  les  vivants  étaient 
arrosés  du  sang  de  leurs  frères  mourants. 
L'évêcfue  de  Beauvais  eut  la  jambe  fracassée 
d'une  balle  et  tomba  couune  moit 

Cependant  arrivaient  d'autres  assassins, 
et  avec  eux  un  commissaire  de  l;i  section. 
api)elé  Viclet,  (pii  appelait  les  i)rôtres  dans 
l'é-lise,  leur  promettant  (lu'ils  y  seraient  en 
sûreté.  Ce  coiinuissaire  faisait  de  grands  ef- 
forts pour  en  fermer  l'entrée  auv  brigands, 
(|ui  rugissaient  autour  comiiie  des  tigres  al- 
térés de  carnage.  Tout  à  coup  \\  se  fait  un 
silence  inattendu;  c'ét.iil  l'évêipie  de  Beau- 
vais, la  jambe  fracassée  dune  balle,  (pie  ses 
■pr()[)res.assa.s.sins  apportaient  avec  une  es- 
|)èce  (11!  com|t«s.sion  et  de  respect  ;  ils  le 
déposôrenl  dans   l'église  sur  des  matelas, 


I 


iiC'i 


LA  II 


LAU 


i4G6 


comino  s'ils  ciissonl  voulu  lo  ^lU'iir  do  sos 
blessures.  Sou  (lit;uo  IVèro,  l'évc^iue  do  Saui- 
tes,  ii^iuorait  eueure  so-i  sorl.  Eu  oiitraul 
da-is  ie  elKeur.  il  avait  dit  :  «  Qu'est  devcuu 
mon  frère?  Mou  Dieu,  je  vous  eu  prie,  ua 
nie  st^|)arez  («as  de  uioii  frère!  »  Averti  par 
un  des  |)rèlres,  qui  avait  eulendu  ces  paro- 
les, il  eourul  h  sou  frère  et  l'eudjrassa  teu- 
drouicut.  I.os  victiiues  élaieut  e'ieorcï  au 
nouihi-e  do  cent.  Le  conuuissairo  obtint  ([u'ou 
ne  les  égorî^'erait  point  dans  l'église;  il 
établit  sou  bureau  près  d'uuo  des  sorties. 
Pour  toute  preuve  ([ue  chacun  des  prêtres 
devait  être  mis  à  mort,  les  brigands  deniau- 
dèront  :  «  Avez-vous  fait  lo  serment  ?  — 
«  No'î,  répondirent  les  [)rùtros.  »  Un  d'en- 
tre eux  ajouta  :  «  11  on  est  parmi  nous  plu- 
sieurs cl  ([ui  la  loi  même  no  lo  deuiauilait 
pas,  parce  (ju'ils  n'étaient  point  fonctioiniai- 
res  publics.  —  C'est  égal,  reprirent  les  bri- 
gands, ou  le  serment,  ou  vous  mourrez 
tous!  »  Les  victimes  défilaient  devant  le  bu- 
reau du  commissaire ,  qui  prenait  leurs 
noms.  Les  prêtres  étaient  en  prières  dans 
l'église  ;  h  mesure  qu'ils  étaient  ai)polés,  ils 
se  lovaient  et  allaient  tranquillement  à  la 
mort,  les  uns  en  disant  leur  bréviaire,  les 
autres  en  lisant  l'Kcriture  sainte,  d'autres 
enlin  répétaient  ces  paroles  du  Sauveur 
ciucifié  :  Seigneur,  pardonnez-leur,  car  ils 
ne  savent  pas  ce  qu'ils  font  !  Parmi  les  der- 
nières victimes  furent  les  deux  frères  de  La- 
rochefoucault ,  évoques  de  Saintes  et  de 
Beauvais  :  le  second,  ayant  la  jambe  fracas- 
sée, pria  les  meurtriers  de  l'aider  à  se  ren- 
dre au  lieu  où  ils  l'appelaient;  ce  qu'ils  lui 
accordèrent,  en  le  soulevant  par  les  bras, 
avec  un  reste  d'humanité,  de  respect  même.  » 
(Rolirbacher,  Hist.  univ.  de  l'Eglise,  p.  519, 
passim.) 

LAUDANSKI  (l'abbé),  religieux  basilien, 
fort  âgé,  fut  une  des  victimes  de  l'atroce 
persécution  que  le  czar  Nicolas  fit  subir  en 
1837,  à  tous  les  catholic^ues  qui  ne  voulaient 
point  abandonner  leur  toi  pour  embrasser  la 
religion  russe.  11  avait  été  renfermé  avec  des 
religieuses  basilienncs  dans  un  couvent  en- 
levé à  d'autres  religieuses,  pour  passer  en- 
tre les  mains  d'une  conmiunauté  deCzernice 
ou  Filles-Noires,  recrutées  parmi  les  veuves 
de  soldats  russes  et  les  filles  de  mœurs  dé- 
réglées. Ces  filles  passaient  leur  temps  à 
s'injurier,  à  se  battre,  à  boire  de  l'eau-dG- 
vie  et  à  martyriser  leurs  malheureuses  vic- 
times. L'abbé  Laudanski  que  les  Filles-Noi- 
res employaient  aux  travaux  les  plus  rudes, 
ayant  succombé  un  jour,  sous  une  charge 
de  bois,  fut,  en  présence  des  religieuses, 
frappé  si  violemment  à  la  tête  par  un  diacre, 
qu'il  expira  aussitôt.  {Voy.  l'article  Mieczys- 

LAWSK.A.) 

LAURAGAIS,  petit  territoire  du  Langue- 
doc, oiî  vers  les  commencements  du  règne 
de  Dioclétien,  c'est-à-dire  à  la  fin  du  m' 
siècle,  saint  Papoul,  disciple  de  saint  Satur- 
nin de  Toulouse  et  compagnon  de  ses  tra- 
vaux évangéliques,  fut  martyrisé.  {Voy.  Pa- 
poul.) 

LAURE  (saint),  était  tailleur  de  pierres  en 


lllyrie.  11  souffrit  le  martyre  avec  un  de  ses 
conipajAnons  nommé  Klore.  Ces  denx  illus- 
ti'es  condialtants  d(!  la  foi,  après  le  martyre 
de  lenis  nuu'fres  saint  Pi(jcale  et  saint  Maxi- 
me, ayant  enduré  divers  t(jurments,  fui-ent 
jetés  (lans  un  |)uits  profbn<l  sous  le  prési- 
dent Licion.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  18 
août. 

LAURENT  (saint),  [)rêtro,  fut  martyrisé  à 
Novare  avec  des  enfants  dont  on  lui  avait 
confié  l'éducation.  Nous  ignorons  l'époque 
et  les  différentes  circonstances  de  son  mar- 
tyre. L'Eglise  honore  sa  sainte  mémoire  le 
30  avril. 

LAURENT  (saint),  diacre  et  martyr,  mou- 
rut sous  le  règne  de  Valérien,  peu  d(î  jours 
après  le  pape  saint  Sixte,  (jui  lui  avait  pré- 
dit, on  marchant  au  sup[)lice,  qu'il  ne  tarde- 
rait pas  à  le  suivre.  Ce  saint  pape  l'avait 
fait  archidia(;re  de  l'église  de  Rome,  et  lui 
avait  confié,  avant  de  mourir,  le  soin  du 
troupeau  (ju'il  ({uittait  pour  monter  au  ciel. 
Nous  copions  ses  Actes  dans  Ruinart.  Us  ont 
été  donnés  en  vers  par  Prudence  :  ordinai- 
rement cette  forme  prête  aux  embellisse- 
ments, à  l'exagération.  Nous  ne  croyons  pas 
que  cette  fois  l'auteur  ait  abusé  du  privilège 
des  poètes. 

«  Rome,  qui  durant  tant  de  siècles  as  ren- 
fermé dans  ton  enceinte  un  peuple  d'idoles, 
et  qui  par  un  heureux  changement ,  n'es 
plus  assujettie  qu'à  Jésus-Christ,  si  tu  le 
fais  maintenant  triompher  de  leur  culte  im- 
pie, c'est  en  suivant  les  traces  de  Laurent, 
son  illustre  martyr.  Souviens-toi  du  temps 
que  tu  mettais  ta  gloire  à  renverser  des 
trônes  et  à  faire  porter  des  chaînes  à  des 
rois  ;  qu'il  t'est  bien  plus  glorieux  d'avoir 
abattu  les  temples  où  régnait  l'idolâtrie,  et 
d'avoir  donné  des  fers  aux  dieux  mêmes  I 
Mais  il  manquait  quelque  chose  à  ton  bon- 
heur :  c'était  de  pouvoir  mettre  aux  pieds 
de  Jésus-Christ  leur  souverain,  l'infâme  Ju- 
piter. Tu  l'as  fait,  non  par  la  force  des  ar- 
mes ni  par  la  valeur  d'un  Cossus,  d'un  Ca- 
mille ou  d'un  César,  mais  par  le  sang  du 
généreux  Laurent,  de  ce  jeune  héros,  qui 
en  moui^ant  l'a  fait  vaincre.  Ce  fut  la  foi  qui 
combattit  avec  lui,  et  ce  fut  par  elle  qu'il 
remporta  la  victoire  ;  mais  il  lui  en  coûta  la 
vie,  et  ce  ne  fut  qu'en  mourant  qu'il  put 
triompher  de  la  mort.  Le  grand  prêtre  Sixte 
l'avait  prédit  du  haut  de  la  croix  où  il  était 
attaché,  lorsque  voyant  Laurent  qui  en  bai- 
gnait le  pied  de  ses  larmes  :  «  Cessez,  mon 
frère,  lui  dit-il,  cessez  de  pleurer  ;  dans 
trois  jours  vous  me  suivrez  :  je  ne  fais  que 
vous  montrer  le  chemin.  »  Les  dernières 
paroles  de  Sixte  furent  pour  Laurent  un  pré- 
sage assuré  de  la  vicloire.  Le  jour  prédit 
par  le  saint  pontife  parut,  et  lui  apporta 
une  couronne.  Quelle  voix  assez  forte  pourra 
chanter  une  mort  si  glorieuse  ?  de  quelles 
louanges  pourrai -je  en  rehausser  l'éclat? 
Mes  vers,  serez-vous  dignes  de  cet  honneur? 

«  Entre  les  sept  lévites  qui  approchent  le 
plus  près  de  l'autel  ,  Laurent  tenait  le 
premier  rang  par  son  mérite  ;  il  était  le 
chef  des  gardes  du  sanctuaire,  les  clefs  lui 


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en  étaient  confiées,  et  on  l'avait  choisi  pour 
être  le  dispensateur  tidèle  îles  riches  otlVan- 
des  que  la  piété  consacrait  cliasiue  jour  aux 
pieds  des   autels.    Koine  avait   pour  lors  un 
gouverneur  que  la  cru  tulé  et  l'avaricv-  pos- 
sédaient ép^fllement.  Ministre  inhumain  ii'un 
maître  furieux,  et  vil  es  l.ive  d"iine  passion 
basse,  il  ne  songeait  ipià  amasser  de  l'or  et 
à  répa  ulie  du  san^i;,  sans  qu'on    pûi   savo;r 
s'il  était  plus  avare  de  l'un  que  prodigue  de 
l'autre.  Il  pense  en  lui-même  de  (jneil  •  ma- 
nière il  pourra  se  icndre  u)aîlre  des  trésors 
qu'il  croit  runlermé-i  dans  les  lieux  sacrés. 
Il  fait  citer  Laurent  devant  lui  ;  il  le  presse 
de  lui  livrer  le  riche  dépôt,  et  cet  amas  de 
pièces  d'or  que  sou  imagination  lui  grossit. 
«  Je  sais,  lui  di  -il,   que  vous  vous   plai- 
gnez,  vous   autres    chrétiens,    qu'on    vous 
traite  avec  trop  de  rigueur,  et  qu'on  n'éj)ar- 
gne   guère  votre  vie.  Eh  bien  1  ct'ssez  do 
vous  plaindre,  cessez  de  nous  reproctier  no- 
tre dureté.  Vous  voyez  avec  quelle  douceur 
je  vous    parle  et  que  je  n'emploie  que  des 
prières  pour  obtenir  de  vous  ce  que  j'aurais 
droit  d'exiger  d'une  autre  sorte.  Réponde/, 
donc  à  mon  honnêteté,  et  donnez  do  tjonne 
grAce  ce  qu'on  vous  demande  avec  civilité. 
L'on  dit  que  vos  prêtres  o-^t  coutume  de  se 
servir  le  vases  d'or  pour  faire  1.  s  libatio  s; 
qu'ils  reçoivent    dans  des    coupes  d'argent 
le   sang    encore    fumant  des   victimes,   et 
que  les  lieux  oiî  vous  offrez  vos  sa>riiices 
sont  éclairés  par  un  grand  nombre  de  {lam- 
beaux de  cire,  que  dt-s  chandeliers  d'or  sou- 
tiennent. Outre  cela,  nous  savons  de  bonne 
pai't  que  les  frères  (car  on  dit  que  c'est  ainsi 
que  vous  vous  appelez'),  q  le  les  frères,  dis- 
je ,    n'ont  point  de  plus   grande  joie    que 
de  se  dépouiller  de  leurs  biens,  de  vendre 
leurs  fonds  et  leurs  domaines,  et  d'en  porter 
le  [)rix  aux   pieds  de  vos    pontifes;  et  cela 
monte,    dit-Oii,  h   des  sommes   immenses. 
Souvent  môme  le  fds,  déshérité  par  la  dévo- 
tion mal   régl.'-e  de  ceux  qui  l'ont  mis    au 
monde,  voit  avec  douleur  vendre   le   patri- 
moine de  ses  aïeux,  et,  réduit  à  la  dernière 
misère,  gémit  d'avoir  un  père  trop  homme 
de  bien.  Quel  abus  1  L'on  croit  honorer  la 
divinité  en  (Mant  le   pain  à  ses  propi-es  en- 
fants, pour  enrichir  des  étrangers.  J'3   suis 
informé  du  lieu  où  l'on  tient  toutes  ces  ri- 
chesses sous  la  clef,  vous  en  êtes  le  dé|»osi- 
taire;  il  faut  que  vous  me  la  remettiez  en- 
tie  les  mains,  et  que  vous  m'ouvriez  ce  ré- 
duit, obscur  oij  sont  cachés  ces   monceaux 
d'or  et  (l'argent  accumulés  par  des  voies  per- 
nicieuses et  fiar  des  [iicîstiges   encore   plus 
noirs  que  n'est  le  caveau  qui  les    renferme. 
L'Ktat  en  a  besoin,  le  [)ublic  les  redemande, 
et  le  trésor  épuisé  les  attend    f)Our  rournii- 
aux  frais  de  la   guerre,  et   pour    p<iy(M-  aux 
soldats  [)lusi(;urs  mont/es  (jui  leur  sont  dues. 
Ainsi    vous  accomplire/.  <i   la    lettre;   une  do 
vos  maximes,  qui    vous  ordonne  de  rendre 
à  chacun  ce  (pu   lui  a|)pai  lient.  I/emperiîur 
ne  redemande    que  ce  (jui    lui    est   <ïù  ;    il 
trouve  son  itriagc;  sur  voti'(;  or,  n'est-il    pas 
en  droit  de  la  reprendre?  Kl  vous  n'ignorez 
pas  (jii'on  doit  rendre  à  César  ce   qui  est  ài 


César.  C'est  encore  un  de  vos  dogmes  :  car, 
si  je  ne  me  trompe,  votre  Dieu  ne  fait  pas 
naître  monnaie,  et  je  ne  crois  pas  qu'il  ait 
apporté  beaucoup  de  philippes  d'or,  lors- 
qu'il est  venu  sur  la  terre  :  il  était  très-riche 
en  beaux  discouis,  mais  })Our  l'argent,  il 
n'en  était  pas  fort  chargé.  Fai  es  voir  au 
monde  que  vous  mettez  les  premiers  en 
])ra'ique  ce  que  vous  prêchez  aux  autres, 
et  que  vos  actions  sont  d'accord  avec  vos  pa- 
roles :  soyez  oi)ulents  en  maximes,  j'y  con- 
sens ;  possédez  de  grands  l/ésors  de  sain- 
teté, je  ne  vous  les  envie  pas  ;  mais  défai- 
tes-vous de  ces  trésors  corruptibles,  el  qui 
sont  SI  peu  dignes  de  votre  attache. 

«  Lorsque  le  [)réfet  eut  cessé  de  parler  ,  le 
saint    diacre   lui  répondit   sans  s'émouvoir 
qu'il    était  prêt  à  lui  obéir  :  qu'à  la  vérité 
l'Eglise  possédait  de  grandes  richesses  ;  que 
l'épargne    de  remi)ereur,  tout    maître    du 
monde   qu'il  était,    en  contenait  beaucoup 
moins,  quoique  toute  la  monnaie  qui  avait 
cours  dans  l'empire  fût  à  son  coin.  «  Je  ne 
refuse  pas,  ajouta-t-il,  de  vous  livrer  le  tré- 
sor du  Dieu  que  j'adore,  qui,  sans  faire  tort 
aux    autres    dieux ,   est   incomparablement 
[)luç  riche  qu'eux  ;  je  n'en  détournerai  rien  ; 
el  comptez  que  vous  verrez  tout.  Je  ne  vous 
demande  qu'un  peu  de  temps  pour  faire  un 
mémoire  exact  de  tant  de  précieux  meubles, 
et  pour  dresser  un  état  des  diverses  espèces.  » 
«  Qui  pourrait  exprimer  la  joie  que  res- 
sentit  le  préfet  ta   cette  promesse  qui  flat- 
tait si  agréablement  son  avarice?  La  douce 
es.pérance  de  posséder  hientôt  ces  immenses 
trésors  lui  avance  le  plaisir  de  la  jouissance  : 
il  destine  déjà  dans  son    logis  un  lieu  pour 
le  placer  stlrement.  Enfin  le  terme  des  trois 
jours  est  donné  au  saint  diacre,  et  il  est  ren- 
voyé  absous  sur  sa    |)arole,   loué,  caressé, 
comblé  d'honneurs.  Durant    cet   intervalle, 
il  parcourt  toute  la  ville,  et,  ramassant  tout 
ce  qu'il  trouve  de  mendiants  et  d'invalides, 
il  en  forme  un  groupe  :  il  met  à  la  lête  les 
aveugles,  qu'il  arme  d'un  bAton,   non   pour 
combattre,  mais  pour  se  conduire.  Les  boi- 
teux viennent  ensuite  d'un  jias  lent  et  iné- 
gal ;  les  uns  dont  les  genoux  sont  disloqués, 
traînant   avec  peine   leurs  jambes  inutiles 
sur  la  terre  ;  les  autres  n'en  ont  que  de  bois  ; 
ceui-ci  en  ont  une  plus  courte  que   l'autre, 
parce  que  le  pied  y  manque,  et  ceux-là,  ré- 
duits à  la  moitié  de  ce  qu  ils  furent  autrefois, 
j)araissent    moins    des    hommes  que    des 
Dustes.  Les    manchots   marchent  après  ;  ils 
ne  font  qu'un  même  corps  avec  ceux  qui 
sont  couverts  d'ulcères.  Tous  sont   connus 
de  Laurent,  et  tous  le  connaissent.  L'Kgliso 
(pii  les  nourrit  laisse  aux  diacres  le  soin  do 
pourvoir  aux   besoins  de  chacun  d'(!ux   en 
particulier;  il  en  fait  la  revue,  il  éciit  exac- 
leuienl  leurs  noms,  el  il  les  |)lace  au  devant 
de   l'église  sur  une  même  ligne,   mais  fort 
étendue. 

«  Le  jour  qui  semblait  au  préfet  si  long 
à  paraître,  avait  enlln  paru,  et  commençait 
même  à  pencher  vers  son  déclin,  et  h  exciter 
dans  l';inie  avare  de  ce  juge  une  fureur  in- 
quiète. 11  (leiuainle  le  diacic,  il  le  l'ait  cher- 


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cher  ;nn  lo  trouve,  oa  lo  lui  anièno  ;  il  ost 
somuié  iW.  toinv  sa  parole.  «  Je  suis  prêt  à 
l'accomplir  ,  dit  le  saiul  martyr,  (htiruv- 
vous  seulcmeut  la  peine,  seigneur,  de  me 
suivre.  Venez,  et  vous  serez  surprix  eu 
voyaut  les  ritliesses  que  notre  Dieu  pos- 
stVle  rj'ai  tout  lait  uu.'tlre  par  ordre,  \ou.s 
verrez  U'i  grand  vestibule  toul  rempli  do 
vases  d'or,  et  do  longues  galeries  où  sont 
rangés  par  piles  les  talents,  U\s  mines,  et  les 
sesterces.  »  Laurent  uuu'che  le  prenùer, 
l'inipat  ent  gouverneur  le  suit  ;  on  ai'riveau 
sacré  portique,  et  l'on  n'y  tiouvo  qu'une 
troupe  de  pauvres  cpii  semblent  avoir  ras- 
semblé en  un  môme  lieu  toutes  les  misères 
humaines.  Un  bruit  lamenlaljUî  s'élève  tout 
«i  coup  au  milieu  de  ces  malheureux.  ;  ils 
implorent  d'un  ton  de  voix  lugubre  et 
mêlé  de  sanglots  et  de  cris,  le  secours  des 
assistants.  Le  préfet  en  frémit  d'horreur;  et, 
lançant  sur  le  saint  diacre  un  regard  mena- 
çant, il  jetto  la  terreur  dans  tous  les  esj)i'its, 
hors  dans  celui  qui  seul  doit  craindre.  Mais, 
au  contraire,  se  tournant  vers  le  préfet:  «  Eh 
quoi  !  seigneur,  lui  dit-il,  vous  semblez  vous 
troublei';  trouvez-vous  ici  quelque  chose  qui 
vous  blesse?  Ces  haillons,  ces  plaies,  ces  ul- 
cères ,  tout  cela  vous  paraît-il  si  peu  consi- 
dérable ?  Cet  or  que  vous  recherchez  avec 
tant  de  passion,  qu'est-ce  autre  cliose  qu'un 
peu  de  boue  cuite  par  le  soleil,  et  tirée  des 
entrailles  de  la  terre  par  des  criminels,  ou, 
tont  au  plus,  un  peu  de  sable  qn'un  fleuve 
roule  sur  soa  lit  bourbeux,  et  qui  doit  le 
faible  éclat  dont  il  brille  au  feu  qui  le  puri- 
fie ?  Mais  de  quels  crimes  n'est  point  capa- 
ble ce  métal  infortuné?  11  dresse  des  embû- 
ches à  la  pudeur  ;  il  n'a  aucun  égard  à  la 
dignité  des  juges,  et  il  attaque  sans  respect 
leur  intégrité  ;  il  rompt  la  paix  la  mieux  éta- 
blie ;  il  corrompt  la  tidélité  la  mieux  éprou- 
vée ;  les  lois,  même  les  plus  saintes,  ne  sont 
pas  en  sûreté  devant  lui.  Pouvez-vous  aim-r 
ce  qui  est  le  poison  mortel  de  la  gloire  ? 
Mais  si  vous  voulez  que  je  vous  f.isse  voir 
un  or  pur,  un  or  véritablement  précieux,  le 
voilà  devant  vous  ;  jetez  les  yeux  sur  ces 
corps  accablés  de  maux  ;  c'est  parmi  ces 
maux  que  l'âme  conserve  une  santé  parfaite. 
Lorsque  la  douleur  affaiblit,  abat,  détruit  le 
corps,  l'esprit  se  fortitîe,  s'élève,  se  perfec- 
tionne ;  mais  si  le  corps  reprend  sa  vigueur, 
l'esprit  en  même  temps  perd  la  sienne.  Oui, 
s'il  m'était  permis  de  faire  un  choix,  je 
laisserais  détigurer  mon  corps,  pourvu  que 
mon  dme  ne  perdî!  rien  de  sa  beauté.  Il  n'y 
a  pour  cela  qu'à  comparer  les  maladies  de 
l'âme  avec  celles  du  corps,  et  les  chj-étiens 
avec  ceux  qui  ne  le  so;.t  pas.  Les  premiers 
portent  souvent  dans  un  corps  languissant, 
et  dont  les  traits  sont  à  demi  ell'acés,  une 
âme  toute  belle,  sans  aucune  tache,  sans  le 
moindre  défaut;  les  derniers  cachent  presque 
toujours  dans  un  corps  rempli  de  force  et 
d'euibon,  oint  une  âme  infixtée  de  lèpre,  à 
qui  l'erreur  a  fait  perdre  un  bras,  et  la  fraude 
les  deux  yeux.  Voulez-vous,  seigieur,  que 
je  vous  fasse  voir  ces  grands  du  siècle,  ces 
nommes  qui  font  dans  le  monde  une  si  belle 


hgurc?  Tout  brille  chez  eux,  une  mine  haute, 
un  visage  (leui'i,  un  habit  uiagnili(iue  ;  h; 
croirie/.-vous?  il  n'y  a  ii(Mi  eu  ces  hommes 
d(î  léel  ;  tnut  n'y  est  (jU(!  liction,  tout  n'y  est 
(pra|>pareTue,  tout  y  est  f.iux  :  gi-andenr, 
beauté,  ricliosc;  mais,  en  ell'et,  ils  sont  j»lus 
abjects,  plus  malades  et  |)lns  pauvres  (pie 
tous  ceux  (jui  sont  ici,  et  qui  vous  font  tant 
d'horreur  ;  rien  ne  m'est  plus  facile  (pie  d(; 
le  prouver.  L'or  et  la  soie  dont  l'un  (!st  cou- 
vert, et  le  char  superbe  où  il  est  traîné,  lui 
enlleut  le  cœur;  voilà  i'hydropisie  formée 
au  dedans,  et  (jui,  venant  à  iépaiidre  son  ve- 
nin dans  l'âme,  y  produit  une  enllure  mor- 
telle. L'avarice  cause  à  cet  autre  une  con- 
traction de  nerfs  ;  ses  mains  se  sont  rélré- 
cies  ;  ses  doigts  se  sont  retirés,  il  ne  peut  les 
étendre.  L'iiuf)ureté  couvre  l'âme  d(!  celui-ci 
d'un  ulcère  infect:  on  le  voit  aller,  en  cet 
état  qui  fait  bondir  le  cœur,  dans  tons  les 
lieux  de  |)rostiiu  ion,  [lour  y  mendier  une 
sale  volupté;  l'âme  de  celui-là  est  brûlée 
jour  et  nuit  de  la  soif  ardente  de  riioiuieur  ; 
c'est  une  lièvre  maligne  qui  allume  le  feu 
dans  ses  veines.  Un  autre  a  un  sang  brûlé, 
qui  lui  cause  une  continuelle  démangeaison 
de  parler;  il  ne  |)eut  rien  taire.  Ne  peut-on 
l)as  dire  que  son  âme  est  Iravaillée  d'une 
gale  S|)iritucl;e  ?  Un  autre  a  dans  l'âme  une 
tumeur  livide;  c'est  l'envie  qui  la  produit. 
La  médisance  enfin  forme  d  -ns  l'âme  de  ce 
dernier  un  cancer  qui  ne  se  nourrit  que  de 
la  réputation  d'autrui.  Vous-même,  seigneur, 
à  qui  Home  obéit  ;  vous,  qui  adorez  les  dé- 
mons et  méprisez  le  vrai  Dieu,  vous,  dis-jo, 
vous  êtes  atla(|ué  du  mal  royal.  Au  reste,  ces 
pauvres  qui  sont  l'objet  de  votre  mé[)ris,  et 
dont  la  misère,  bien  loin  de  voiis  toucher, 
ne  fait  qu'exciter  en  vous  un  orgueil  dédai- 
gtîeux  et  une  délicatesse  outrée;  ces  hom- 
mes, le  rebut  des  autres  hommes,  abandon- 
neront bient(jt  leurs  membres  à  demi  pour- 
ris ;  dans  peu  on  les  verra  se  dépouiller  d'une 
chair  sujette  à  la  corruption,  et,  déchargés 
de  ce  fardeau  incommode,  prendre  leur  es- 
sor vers  le  ciel,  pour  y  êlre  revêtus  de  lu- 
mière. Ces  méchants  habits,  dont  l'odeur 
forte  saisit  et  blesse  votre  odorat,  seront 
changés  en  vêtements  de  pourpre,  et  des 
couronnes  d'or  orneront  leurs  têtes.  xMais, 
s'il  m'était  [)errais  en  même  temps  de  retirer 
du  fond  de  l'abîme  ces  grands  du  monde,  et 
de  les  faii  e  paraître  à  vos  yeux,  quel  specta- 
cle d  horreur  pour  vous,  quel  sujet  de  con 
fusion  pour  eux  1  Vous  les  verriez  à  demi 
nus  ;  une  salive  acre  et  corrosive  leur  coule 
de  la  bouche ,  leurs  narines  sont  devenues 
des  égoûts,  d'où  sort  un  sang  noir  et  cor- 
rompu,  et  leurs  paupières,  jointes  par  une 
humeur  gluante  qui  en  distille  sans  cesse,  ne 
sont  plus  (jue  les  tombeaux  de  leurs  yeux 
éteints.  Sac  .ez,  seigneur,  qu'il  n'y  a  rien  de 
plus  horrible  à  voir  qu'une  âme  dans  le  pé- 
ché; la  lèpre  la  plus  invétérée  n'a  rien  qui 
en  approche  ;  c'est  un  ulcère  qui  renaît  tou- 
jours, et  qui  ne  se  ferme  jamais,  et  l'enfer 
n'exhale  point  de  vapeur  plus  mortelle.  Cette 
âme  qui,  ()endant  qu'elle  animait  le  corps  où 
le  ciel  l'avait  attachée,  nourrissait,  pour  ainsi 


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dire,  ses  yeux  de  la  beaut'  des  objets,  n'eu 
rencontre  plus  que  d'aflTrenx,  et  elle  en  de- 
vient un  qui  rej)résente  la  îaideur  môme. 

«Eh  bien!  seigneur,jc  vous  ai  tenu  parole; 
j'ai  étalé  à  vos  yeux  les  trésors  de  Jésus- 
Christ,  je  les  remets  entre  vos  mains;  les 
voilà;  mais  des  trésors  «iiii  ne  craignent  ni 
la  violence  du  feu,  ni  les  surprises  des  vo- 
leurs. Et  afin  que  vous  connaissiez  quelle 
est  la  grandeur  et  la  magnificence  du  Dieu 
que  nous  servons,  je  veux  bien  encore  y 
ajouter  ses  plus  belles  perles  :  elles  sont 
d'une  eau  admirable,  et  leur  éclat  éblouit. 
Ce>l  ce  chaste  et  innocent  troupeau  de  vier- 
ges que  vous  voyez;  ce  sont  les  joyaux  de 
l'Eglise,  ré[)ouse  de  notre  maître;  f'ile  s'en 
part-  parce  qu'elles  sont  nos  richesses  :  accep- 
tez-les, seigneur;  elles  peuvent  servir  plus 
que  toute  autre  chose  à  l'embellissement  de 
Rome,  porter  l'abondance  dans  les  coffres 
de  l'empereur  et  dans  les  vôtres.  » 

«  On  nous  joue  donc  ainsi!  s'écria  le  gou- 
verneur frémissant  de  rage;  on  ose  nous 
tourner  en  ridicule  en  noire  ])résence,  et 
l'insolent  respire  encore!  Tu  t'applaudis  de 
tes  belles  figures,  et  tu  crois  sans  doute  que 
j'aurais  écouté,  sans  aucun  ressentiment, 
celte  longue  suite  d'impertinences  outra- 
geuses  et  ce  tissu  de  mauvaises  plaisante- 
ries dont  tu  n'as  pas  craint  de  lasser  ma  pa- 
tience? Tu  fais  le  bouffon;  j'ai  moi-même 
donné  lieu,  par  ma  douceur  et  jiar  ma  mo- 
dération, à  tes  railleries  fades,  et  tu  as  cru 
pouvoir  à  mes  dépens  divertir  celte  belle 
assemblée.  Tu  penses  apparemment  que  les 
faisceaux  de  verges  qu'on  porte  devant  moi 
ne  sont  tout  au  jilus  qu'une  vaine  marque 
de  puissance,  et  que  les  haches  de  mes  lic- 
teurs ont  le  tranchant  émoussé.  11  faut  que 
tu  comptes  beaucoup  sur  ma  clémeiice,  ou 
que  tu  te  sois  nus  dans  l'imagination  que  je 
n'ai  ni  la  volonté  ni  le  pouvoir  de  punir  ton 
impudente  témérité.  Tu  médiras  sans  doute 
que  tu  ne  crains  i)as  la  mort,  et  qu'elle  doit 
i^iire  le  j)lus  doux  des  vœux  d'un  martyr. 
Je  sais  que  c'est  là  la  sotte  vanité  dont  vous 
autres  chrétiens  vous  vous  laissez  entêter; 
mais  n'ai  tends  [)as  (juc  je  satisfasse  mon 
envie  de  la  manière  que  tu  te  l'imagines. 
Une  mort  pronq)te  te  ferait  trop  de  |)laisir, 
et  ne  me  vengerait  pas.  Je  retiendrai  ton 
/^me  entre  la  vie  et  la  mort  ;  et  par  la  lenteur 
des  tourments  (pie  j(;  te  ferai  endurer,  je 
l'arrêterai  toutes  les  fois  (pi'elle  voudra  sor- 
tir de  ton  corps  :  en  vain  tu  ap|)elleras  la 
mort  à  ton  secours,  elle  ne  viendra  linir  tes 
douleur'S  que  loi'.s(pie  je  lui  en  donnerai  la 
permission.  Ou'ou  a'Iume  un  feu  lent,  (pi'on 
ait  soin  d'en  tempérer  l'aideur,  de  crainte 
que  la  llamme  s'élevanl  ne  lui  entriî  dans 
la  bouclii.',  (!t  n'ailh;  donner  au  cu'Mv  une 
rnort  trop  précipitée;  (pie  les  charbons  com- 
mencent à  perdre  hnu'  foi'ce,  et  (\wi  lem- 
chaleur  n'agiss(î  (ju(i  faiblement  et  p(Mi  à  peu 
•siu-  les  membres  à  d(;iui  brilles.  J'ai  de  la 
j(jie  (pie  l(!  chef  de  ces  conteurs  de  myst('r(îs 
soil  tombé  entre  mes  mains,  il  servira  du 
moins  d'exemjil.j  aux  autres.  INfonte,  misé- 
rable, monl(j  bur  ce  lit  de  f(;r,  il  est  digne 


d'un  scélérat  tel  que  tu  es;  et  Ih  tu  pourras 
me  soutenir  à  ton  aise  que  Vulcain  n'est 
qu'un  di(ni  imaginaire.  » 

«  Le  préfet  avait  à  peine  achevé  de  parler, 
que  deux  bourreaux  se  mettent  en  devoir 
de  dépouiller  le  saint  martyr  de  sa  tunique; 
ils  le  couchent  sur  ce  funeste  lit,  ils  l'y 
étendent,  ils  l'y  attachent.  Cejiendant  des 
rayons  de  lumière  environnent  sa  tête  sa- 
crée :  tel  parut  autrefois  le  grand  législateur 
des  Hébi'eux ,  lorsque,  descendant  de  la 
montagne,  il  se  présenta  devant  eux  ;  mais 
ce  peu|)le,  qui  durant  son  absence  s'était 
souillé  par  ladoration  du  veau  d'or,  ne  put 
soutenir  l'éclat  qui  rejailliss  dt  de  son  visage, 
qui  n'était  toutefois  qu'une  légère  trace  de 
gloire  que  la  présence  de  Dieu  y  avait  im- 
primée. Tel  aussi  parut  aux  Juifs  Etienne, 
le  premier  martyr,  lorsque  ujourant  pour 
Jésus-Christ,  il  ne  voyait  plus  le  ciel  qu'à 
travers  une  nuée  de  cailloux.  Au  reste,  cette 
lumière  surnaturelle  qui  partait  du  visage  du 
saint  diacre  n'était  aperçue  que  de  ceux  qui, 
purifiés  depuis  peu  de  jours  dans  les  eaux 
salutaires  du  baptême,  avaient  reçu  de  Jé- 
sus-Christ le  privilège  de  la  voir;  mais  elle 
était  cachée  aux  infidèles,  dont  les  yeux, 
couverts  d'un  voile  épais,  étaient  plongés 
dans  les  ténèbres  de  l'impiété.  C'est  ainsi 
que  le  peuple  de  Dieu  jouissait  de  la  clarté, 
tandis  que  les  Egyptiens  étaient  enve'oppés 
d'une  nuit  obscure.  La  même  dilférence  se 
trouvait  à  l'odeur  (pii  s'exhalait  du  corps  du 
saint  diacre;  c'était  pour  les  païens  une 
odeur  insupportable,  et  pour  les  chrétiens 
un  j)arfum  exquis  ;  et  le  môme  air  qui  por- 
tait à  l'odorat  des  premiers  la  vapeur  venge- 
resse et  mortelle  d'une  chair  qui  se  fond  sur 
le  feu,  faisait  en  même  temps  sur  celui  des 
derniers  une  impression  douce  et  agréable. 
Ainsi  le  feu  éternel  éclaire  les  élus  et  brûle 
les  réi)rouvés. 

«  Le  feu,  quoique  lent,  n'avait  pas  laissé 
de  faire  son  elfet  sur  le  corps  du  saint,  et, 
pénétrant  insensiblement  les  chairs  ,  eu 
avait  cuit  une  partie  ;  alors  Laurent,  se  re- 
levant un  peu  sur  le  gril  où  il  était  étendu  : 
«  Je  crois,  dit-il  au  juge,  (ju'il  faudrait  me 
retourner  sur  l'autre  côté  ;  je  suis  assez  rôti 
de  celui-ci;  faites-en  l'essai,  et  yoyez  si  vo- 
tre Vulcain  vous  a  servi  à  propos.  »  Le  gou- 
verneur commanda  qu'on  le  retournAt  ;  et 
quelque  temps  après  :  «  11  est  comme  il  faut, 
dit  le  saint  marlvr;  mangez  hardiment,  et 
goiltez  si  la  chair  des  chrétiens  est  meilleure 
rôtie  ([ue  ci-ue.  «  Puis,  levant  les  yeux  au 
ciel,  au  même  instant  (juc  son  cœur  et  sa 
pensée  étaient  toui'nés  vers  Home,  il  s'écria 
en  soupirant  :  «O  Jésus!  seul  Dieu  de  I  uin- 
vers,  lumière  éternelle,  auteur  de  toutes 
choses,  c'est  vous  (fui  avez  doiuié  à  Home 
tous  les  scej)tres  de  la  terre,  (pu  avez  voulu 
(pie  le  monde  (nitier  reconnôt  sa  i)uissanco 
et  fôl  soumis  h  s(!s  lois;  (|ue  tontes  les  na- 
tions, (pi(ii(pie  diverses  de  mtems  cl  do,  lan- 
gues, fusscMit  réunies  sous  un  seul  chef,  et 
ollVissent  les  m(>mes  sacrifices;  mais  vous 
aviez  V(:)S  desseins. 

«  Ces  desseins,  souveid  incoimus,  toujours 


147S 


LA« 


LAU 


im 


adorables,  avaient  en  vue  la  religion  de  vo- 
tre Fils,  le  nom  elirétien  et  Tunion  de    tout 
le  |)eu|tle,  et  ee  nom  saeré  en  devait  c^tre  le 
lien.  One  Uoin(%  (|ne  la  eapit;de  (i(!  l'univei-s, 
se  sunniettiiit   h  vous,  vous  sounu'tte   tout 
l'univers  ;  qu(î  tous  les  membres  de  eo  vaste 
eorps,  unis   h  leur  clieC  soient  unis   h  vous 
par  leur  chef;  que  Koriudns  devieinie   clu'é- 
tien,  ([ne   Numa  croie   it  l'Kvangile  ;  (pie  b; 
st'nat  n'adoreplus  les  (lieu\(iePhrvgie;et(pio 
les  P(^nafes  de  Troie,  cliass(''Sile  leurpalrie,no 
li'0uve?it  plus  de  retraite  dans  les  foyers  des 
Romains.    Ellacez  ,    Seiî,'neur,     celle    tache 
honteuse  (jui  (kMlgure  la   i)lus  belle  ville  du 
monde;    envoyez    votre  ange,  (|ui  lui  fasse 
conn.aitrc  ciue  vous  (Mes  le  vrai  Dieu,  et  (jue 
le  charitable  Ua|)hai''l    vienne  et    dissipe  le 
funeste  aviuiglenient  de   la  posIériK'  d'Iule. 
Rome  poss(''de  d(''ji^  ûv-i  gages  (I(>  celte  esp(';- 
rance,  des  otagt  s  fidèles   (pii  lui  rt'fxjndent 
de  vos  bontés,  et  les  princes  des  ap(Mrcs  en 
ont    déjà    [)ris   possession    en  vot.'e    nom  ; 
vous  vous  êtes  servi    de  l'un    pour  bannir 
l'erreur  du  milieu  des  nations,  et  leur   en- 
seigner la  viM'ité  ;  cl  vous  avez  choisi  l'autre 
pour    tenir    votre   place    sur   la  terre  et  lo 
faire  asseoir  dans  votre  trône.   Fuis   loin  de 
ces  murs,  infâme,  adultère,  détestable  Jupi- 
ter; délivre  Rome  de  ta  présence    et   son 
peuple  do  la  servitude.  Paul,  lo  grand  Paul, 
l'en  chasse,  et  le  sang  de  Pierre  crie  contre 
toi,  et  demande  an  ciel  vengeance   pour  l'a- 
voir ré|)andu  par  la   main  impie  de  ton  Né- 
ron. J'aperçois  un  prince  qui   met  son  dia- 
dème aux    pieds  de  Jésus-Christ.   Oui,  je  le 
vois  qui,  brûlant  d'un  saint   zèle,  court  ren- 
verser tes  autels    et  abolir  tes  abom.inables 
saci'ifices.  Le  voilà  qui  ferme  ton  temple  pour 
jamais  ;  ces    portes  d'ivoire  ne   s'ouvriront 
plus,  l'herbe  va  ci'Oître  sur  ces  degrés  foulés 
chaque  jour  par  les  pieds  sacrilèges  de   tes 
adorateurs;  des  verrous  d'airain    en  défen- 
dront l'entrée  à  tous  les  siècles  h  venir.  Le 
marbre   et   le  bronze  ne    seront   plus    des 
dieux  ;    le  sang    impur    des   victimes   n'en 
souillera  plus  la  blancheur  et  l'éclat,  et  Rome 
dans  ses  idoles  n'admirera  plus  que  1  art  in- 
nocent de  Phidias  et  de  Praxitèle.  » 

«  Laurent,  par  ces  derniers  mots,  mit  fin  à 
sa  prière  et  à  sa  vie,  et  son  âme,  rom[>ant  ses 
liens,  s'envola  vevs  le  ciel  avec  lo  son  de  sa 
voix.  Hippolyte  el  Justin,  gagnés  en  ce  mo- 
ment à  Jésus-Christ  nar  la  généreuse  liberté 
qui  avait  paru  dans  le  saint  martyr,  plièrent 
leurs  épaules  sous  les  sacrées  dépouilles  de 
son  corps.  Ils  s'étaient  sentis  touchés  d'un 
mouvement  subit  et  violent,  qui,  s'insinuant 
par  la  parole  du  saint  diacre  jusqu'au  fond 
de  leur  cœur,  y  avait  introduit  l'amour  de 
Dieu,  et  en  avait  banni  les  amusements  du 
siècle  et  le  culte  des  faux  dieux.  Rome 
même,  dès  ce  jour,  commença  à  y  renoncer  ; 
et  le  peuple  se  refroidissant  pour  ces  divi- 
nités ridicules,  leurs  temples  |)eu  à  peu  de- 
vinrent déserts;  on  les  abandonnait  pour 
courir  en  foule  à  celui  de  Jésus-Christ.  Ainsi 
Laurent,  combattant  pour  la  {^oire  du  vrai 
Dieu,  ne  se  servit,  pour  vaincre  l'ennemi, 
que    des  propres    armes  de    cet    ennemi 


i; 


même  :  le  démon  tomba  percé  du  coup  qu'il 
voulait  lui  poi-ter  ;  et.  sans  avoir  pu  jamais 
S(!  relever  d(!  sa  chute»  il  est  demeuré  ense- 
veli pour-  toujours  sous  les  trophées  de  cet 
invincible  martyr.  Sa  mort  fui  celle*  du  pa- 
ganisme, et  lo  feu  (pii  bi'tHa  son  corps  dé- 
ti'uisit  la  fauss(ï  religion  el  ses  temples.  La 
déesse  A'esta  se  voit  abandonnée  des  dieux 
domesfi(pi('s  rpii  empoilenl  avec  eux  le  fa- 
meux PdllddiiDH  :  les  cnfa'ils  de  Rojuulus  ne 
font  plus  de  libations  ;  les  vases  de  Numa 
demeurent  inutiles,  l'autel  du  Dieudes  clué- 
tiens  esl  assiégé,  l'église  retentit  d'Iiyniru^s 
cl  de  canli(jucs.  Le  sénat,  l'auguste  sénat  est 
sur|)ris  de  voir  ses  j)rincipau\  cl'iofs  se  dé- 
l)ouil!er  de  leur  pourpre,  pour  la  ineltre 
sous  les  pieds  des  ap(')tres.  On  ne  voit  plus 
fumer  le  sang  des  béliers  et  des  taureaux  ; 
de  plus  nobles  victiuies  sont  otrertcsau  Dieu 
vivant,  et  les  maisons  nalriciennes  lui  con- 
sacrent h  l'envi  leurs  illustres  héritiers.  Les 
rêlres  de  Jupiter  et  d'Ai)ollon  airachenl  do 
our  fionl  les  bandelettes  profanes  et  les  ru- 
bans de  soie  dont  il  était  naré,  pour  l'orner 
du  signe  do  la  ci-oix  ;  et  la  vestale  Claudia 
laisse  ét<indro  le  feu  sacré  pour  aller  révérer 
les  cendres  des  martyrs. 

«0  ville  trois  el  quatre  fois  heureuse  1  les 
dépouilles  do  la  terre  entière  ont  moins  ap- 
porté do  richesses  dans  tes  murs  que  n'ont 
fait  tant  de  saints  martyrs  en  te  laissant  leurs 
précieuses  dépouilles.  Oh  I  que  j'envie  le 
bonheur  de  tes  citoyens,  de  pouvoir  s'en 
approcher  à  toute  heure,  les  baiser,  les  ar- 
roser de  leurs  larmes,  se  prosterner  devant 
elles,  leur  donner  toutes  les  marques  d'un 
respect  religieux  et  sincère  !  Pour  nous  qui 
sonunes  relégués  sur  les  bonis  de  l'Lbre,  sé- 
parés de  riieui'ouso  Italie  par  les  Alpes  et  les 
Pyrénées,  h  peine  les  noms  de  tant  do  saints 
dont  Rome  esl  pleine  ont  pu  franchir  les 
cimes  élevées  de  ces  montagties  toujours 
couvertes  de  neige.  Et  qui  sait  parmi  nois  le 
nombre  des  tombeaux  dont  ses  cham[;s  sont 
couverts  ?  Mais  puisque  nous  sommes  privés 
de  ce  bien  et  qu'il  ne  nous  est  pas  permis  de 
baiser  les  pas  des  martyrs  et  les  précieuses 
traces  de  leur  sang,  nous  regarderons  lo  ciel 
où  ils  régnent,  nous  les  honorerons  dans  ce 
séjitur  de  la  gloire  ;  Ja  vue  en  est  du  moins 
comnmno  à  toutes  les  nations.  C'est  ainsi, 
ô  gi\}nd  saint  !  dont  ma  plume  vient  d'écrire 
les  combats,  que  nous  cherchons  les  lieux 
oiî  vous  vous  êtes  signalé  !  Home,  qui  fut  le 
lieu  do  votre  victoiie,  conserve  votre  corps  ; 
le  ciel,  qui  est  témoin  do  votre  îriom])ho, 
possède  voire  àme;  c'est  dans  ceite  éternelle 
cité,  qui  vous  a  accordé  lo  droit  de  bour- 
geoisie, que  vous  portez  la  couronne  civique. 
Il  me  srmble  vous  voir,  revêtu  d'une  robe 
tout  étincelante  de  pierreries,  obtenir  par 
un  mérite  encore  plus  éclatant  le  consulat 
de  la  Rome  du  ciel.  Celle  de  la  terre  recon- 
naît quel  est  votre  pouvoir  dans  cette  céleste 
jKitrie  ;  et  il  n'est  point  de  Romain  qui  n'en 
ait  fait  une  heureuse  expérience.  Qui  s'est 
jamais  adressé  à  vous,  el  n'en  a  pas  obtenu 
ce  qu'il  demandait  ?  Qui  peut  se  plaindre  d'en 
avoir  été  refusé  ?  Ainsi  puissiez-vous  être 


n: 


LAU 


LAtJ 


147G 


toujour»;le  protecteur  et  le  père  de  ceux  de 
celtv^  ville  côl(MM-e(]ue  vous  avez  élevés  avec 
tant  de  soin.  Mais  parmi  ceux  qui  iuiploie-it 
votre  secours,  un  j)oele  de  campagne  pour- 
rait-il espérer  de  vous  faire  entendre  ses 
vœux  et  ses  gémissements?  Obtenez-lui-ea 
1.'  panion.  Je  sais  qu'il  ne  mérite  pas  que 
Jésus-Christ  lui-même  daigne  l'éco.iter  ;  il 
n'ose  pas  non  plus  s'adresser  à  lui  ;  niais 
il  compte  beaucoup  sur  votre  intercession. 
Soyez  donc  favorable,  grand  saint,  au  pé- 
cheur Prudence.  » 

Nous  donnerons  encore  ici  un  extrait  des 
Offices  de  saint  Ambroise,  où  il  est  parlé  de 
saint  Laurent,  liv.  i,  c!).  il. 

«  Saint  Laurent,  voyant  que  l'on  condui- 
sait au  supplice  saint  Sixte,  son  évêque,  se 
mit  à  pleurer,  non  de  ce  que  ce  saint  jiape 
allait  mourir,  mais  do  ce  qu'il  ne  mourait  pas 
avec  lui.  «  Où  allez-vous,  lui  disait-il,  mon 
cher  père,  où  allez-vous  sans  votre  lils  ?  Où 
courez-vous,  prêtre  de  Jésus-Cluist,  sans 
votre  dacre?  vous  n'aviez  pas  coutume 
d'otfrir  de  sacrifice  sans  ministre.  Qu'ai-je 
donc  faitciui  ait  pu  vous  déplaire?  Ou'avez- 
vous  remarqué  en  moi  qui  me  rendît  in- 
digne d'être  appelé  votre  tîis  ?  Eprouvez  du 
moins  si  je  ne  mérite  plus  le  choix  que  vous 
aviez  fait  de  n>oi  pour  consacrer  avec  vous 
le  sang  du  Seigneur.  Vous  ne  voulez  pas 
que  je  joigne  mon  sacrilice  au  vôtre  ;  vous 
me  l'avez  permis  tant  de  fois  dans  la  célé- 
bration des  saints  mystères  1  Ah!  prenez 
garde  que  lorsqu'on  donne  de  si  grandes 
louanges  k  la  généreuse  fermeté  que  vous 
faites  [)araître,  l'on  ne  vous  accuse  en  même 
temps  de  ne  me  pas  rendre  toute  la  justice 
que  vous  me  devez,  ou  bien  l'on  croira  que 
vous  aurez  reconnu  en  moi  quelque  défaut. 
Mais  l'abaissement  du  disciple  ne  tournera 
jamais  à  la  gloire  du  maître  ;  et  quelque  il- 
lustre qu'il  soit,  il  triomphe  bien  plus  glo- 
rieusement par  la  victoi/e  que  remporte  son 
élève,  que  par  celle  qu'il  remporte  lui-même. 
Enlin  Abraham  olfril  son  lils,  saint  Pierre 
envoya  devant  lui  saint  Etienne.  Faites-en 
de  même,  moucher  père;  montrez,  par  ce 
que  peut  votre  fils,  ce  que  peut  un  père  tel 
que  vous,  et  que  sa  vertu  fasse  adanrer  la 
vôtre.  Olfrez  celui  (jui  est  le  lUs  de  votre  es- 
prit et  de  votre  charité,  faites  l'essai  de  sa 
loi,  afin  qu'étant  sûr  de  ne  vous  être  pas 
trom|)édans  le  jugement  (pie  vous  avez  poi-té 
de  lui,  vous  arriviez  à  la  gloire  (jui  vous  at- 
tend ,  accompagné  d'un  second,  cjui,  vous 
ayant  suivi  dans  le  combat,  méiite  de  vous 
suivre  dans  votre  triomp  e.  »  Saint  Sixti',  se 
tournaiit  alors  veis  saint  Laurent  :  «  Je  ne 
voi's  aljji.donin;  pas,  mon  lils,  lui  dit-il,  ce 
ri'("^t  f)a>)  moi  (pii  vous  laisse  ;  mais  le  (;i('l 
vous  léserve  h  de  plus  grands  r-ombals.  On 
nous  épargne,  nous  autres  vieillards.  Pour 
voi.s  qiii  êtes  dans  la  lieu.-  de  l'Age,  et  (pii 
avez  toute  la  vigeur  de  la  jeunesse,  une  vic- 
toiie  plus  éclatante  vcjus  attend.  Cessez  de 
vous  adligcr,  dans  tiois  jours  vous  me  sui- 
vre/.. Il  esl  de  la  bienséance  qu'il  y  ait  ipud- 
que  disl.Mice  entre  le  prêtre  et  le  diacre,  il 
pe   VOUS  aurait  pus  été   uvunlai5eu.v  de  com- 


battre sous  les  yeux  de  votre  maître,  comme 
si  vous  eussiez  bvsoiu  d'aide  pour  vaincre. 
Pourquoi  désirez-vous  de  partager  avec  moi 
les  tourments  que  je  vais  endurer?  Je  vous 
les  laisse  tous  par  ma  mort.  Ma  présence 
vous  était-elle  nécessaire  pour  vous  animer 
au  çombat?Nesavez-vouspasqueles  officiers 
font  marcher  devant  eux  les  soldats  timides, 
mais  qu'ils  se  font  suivre  par  les  plus  braves  ? 
C'est  ainsi  qu'Elie  laissa  Elisée  sur  la  terre, 
loi'squ'il  fut  enlevé  dans  le  ciel.  Je  vous 
laisse  donc  en  mourant  dépositaire  de  mon 
es[)rit,  et  je  vous  fais  héritier  de  toute  ma 
YcnHu.  »  Sainte  contestation,  agréable  dis- 
pute, digne,  certes,  de  deux  illustres  mi- 
nistres de  Jésus-Christ,  tous  deux  combat- 
tant à  qui  mouna  pour  lui  !  Combien  de 
fois  a-t-on  entendu  des  théâtres  profanes 
retentirdesapplaudisscmentsdes  spectateurs, 
lor.>que  la  scène  produisait  à  leurs  yeux  ces 
deux  fameux  amis,  Oresle  et  Pilade?  Pilade 
disait  ([u'il  était  Oreste  ;  Oreste  soutenait 
que  c'était  lui-même  qui  l'était.  Pilade  vou- 
lait, mourir  pour  son  ami;  Oreste  ne  pouvait 
souil'rir  (jue  son  ami  mourût  pour  lui  ;  mais 
ni  l'un  ni  l'autre  ne  méritaient  de  vivre,  puis- 
que l'un  et  l'autre  étaient  coupables  d'un 
parricide  ;  le  premier  en  était  l'auteur,  et  le 
second  en  était  le  complice.  Au  lieu  que 
c'est  ici  le  seul  amour  de  Jésus-Christ,  la 
religion  seule,  la  divine  charité  (jui  fait  par- 
ler saint  Laurent,  et  qui  lui  fait  demander 
la  moit  qu'il  ne  mérite  pas.  11  la  reçut  trois 
jours  après,  selon  ses  désirs,  et  suivant  la 
prédiction  du  saint  pontife.  » 

Saint  Hij)polyte  et  le  prêtre  Justin  enter- 
rèrent son  çori)s  clans  le  cimetière  de  Cyria- 
que,  au  champ  Yérau.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 

10  août. 

LAURENT,  chef  de  la  famille  des  Tcheon, 
était  âgé  de  soixante-deux  ans  en  17G9,  quand 
il  fut  alte  nt  par  la  persécution  qu'avait  sus- 
citée (ni  Chine  la  dénonciation  du  chef  com- 
missaire du  tribunal  des  matliématiques. 
Trente  ans  aui)aravant,  il  s'était  si^nali?  par 
sa  courageuse  résistance;  mais  cette  fois  on 
le  soumit  à  une  bien  dure  épreuve.  11  avait 
un  (ils  nommé  Jean  qu'il  aimait  beaucoup. 

11  l'aimait  mal,  piiis(iue  cet  amoui*  fut  l'oc- 
casion de  sa  cliute.  L'amour  d'un  père  pour 
son  tils  doit  avant  tout  s'inspirer  de  l'amour 
de  Dieu,  car  ce  dernier  doit  être  la  source  et 
la  règh;  de  tous  les  sentinunils  humains. 
Lors(|ue  l'amour  palin-iud  cesse  d'être  con- 
f(;rme  h  l'amour  clivin  et  de  le  suivre,  il  s'é- 
gare, et  le  cieur  doit  le  briser  :  c'est  ce  (|ue 
ne  lit  pas  malheureuseiiKnil  Laurent.  Ainsi 
qu'on  peut  le  voir  à  l'article  Jka>,  It;  vitnix 
Laurent,  (pii  avait  re(;,u  (•iii(piante-(piatio 
coups  de  biilon  sans  vouloir  abjurer,  ne  put 
teiiii-  aux  cruels  tourments  ipTon  faisait 
souil'rir  à  son  lils,  et  abjura  par  une  .fausse 
tendresse. 

LAl'KKN'l'lN  (saint),  oncle  pateiiiel  do 
saint  C.éléiin,  (pii  soullrit  pour  la  foi  sous 
Dèce,  fut  lui-même  martyrisé  sous  l'empire 
de  Sévères  en  Afrique,  avec  sainte  Célérine, 
a  (Mded(;  saint  Célériii,  et  saint  Ignace,  oncle 
maternel  du  mémo  saint.  Nous  avons  dans 


1477  tKl 

les  OKiivi-es  He  saint  Cypricn  une  oxcl lento 
Ifllre  h  la  loiian^H  lo  cos  saints  niailvts. 
L'Eglise   honore   Itui  mémoire  le  .'{  leviU'r. 

KAI'HK.NI'IN  (saint),  et  saint  PbllUiKN- 
TIN,  son  IVèit',  qui  n'étaient  (iu(3  de  jeunes 
cnfaMts,  apiés  avoir  sonUVrl  de  cruels  su|i- 
l)liees,  et  fait  de  grands  miracles,  durant  la 
t)ersé(;ution  de  Dùee,  sous  le  président  'li- 
l)uri  e,  [lérii-ent  par  le  glaive.  (  Extrait  du 
Maitijroluye  romain.)  L'ïv^isc  les  honore 
1(  3  juin.  Leur  martyre  eut  lieu  à  Are/zu, 
ville  de  Toscane. 

LAUUIAC,  aujourd'hui  bourg  do  Lorch, 
dans  la  hautti  Autriche,  est  célèbre  par  lo 
niarlyro  qu'y  endura  saint  Florien,  vers 
i'aïuiée  30/i-,  sous  Aquilin,  gouverneur  de  la 
Moiiqne. 

LATSIKU  (  CiERTRunE  «i:  ),  ursulino  do 
lloléne,  iuf  guillotinée  le  7  jUiKot  171)'i.,  avec 
Agnès  Koiissillon,  religieuse  du  mémo  ordre. 
AiTivée<  au  lieu  du  suppliei',  leur  joie  lut 
si  grand.',  cpi'el'es  baisèrent  l'iiibtiuaKnl 
qui  devait  leui'  domier  la  mort. 

LAZAUE  (saint),  diacre,  fut  martyrisé  à 
Trieste  dans  l'Istrie,  sous  le  rc^ue  de  l'em- 
pereur Marc-Aurèle.  Nous  manquons  do 
documents  (|ui  nous  permettent  d'en  dire 
davaniage  sur  son  compte. 

LAZARE  (saint),  soulfrit  le  martyre  en 
Peise,  sous  le  roi  Sapor.  il  eu  pour  compa- 
gno;  s  do  son  martyre  les  saints  Zanitas, 
Marotas,  Narsès  et  cinq  autres  dont  les  noms 
ne  nous  sont  point  co.  nus.  L'Egliso  honore 
leur  mémoire  le  27  mars. 

LAZARE  (saint),  martyr,  eut  le  glorieux 

Îrivilége  do  verser  son  sang  pour  la  foi  de 
!'su>-Christ,  en  Peise,  sous  lo  règne  de  Sa- 
por, vers  l'année  327.  (  Voy.  poui'des  détails 
plus  explicites,  les  Actes  de  saint.  Jonas  et 
de  saint  Harachise,  à  leurs  articles.  ) 

LAZARE  (  saint  ),  naquit  dans  le  pays  des 
Chazares,  dans  les  environsdu  mont  Caucase. 
Il  entra  de  bonne  heure  dans  un  couvent  do 
Constaninople,  où  il  apprit  \.\  peinture  dans 
les  moments  qu'il  dérobait  à  ses  exer- 
cices de  dévotion.  Nous  voyons  en  elfet  que 
depuis  les  édits  portés  par  les  iconoclastes 
proscrivant  les  images  et  l'art  qui  les  pro- 
duisait, les  supérieurs  de  plusieurs  couvents 
faisaient  cultiver  la  peinluie  dans  l'intérieur 
du  cloître,  afin  éi'empêcher  que  les  images 
fussent  entièrement  abolies.  Aussi  ce  fut  ce 
qui  l'exposa  à  de  grandes  persécutions. 
L'empereur  Théophile,  successeur  de  sou 
père  Michel  le  Bègue,  ordonna,  en  829,  que 
les  peintres,  qui  re/useraient  de  déchirer  ou 
de  briser  les  tableaux  des  saints,  fussent  mis 
à  mort.  No  re  saint  fut  donc  arrêté,  on  l'ap- 
pliqua à  la  torture  et  des  tourments  altroi'os 
lui  furent  intligés;  ensuite,  on  le  jeta  dans 
u«  cachot  souterrain. 

Ayant  été  mis  en  liberté,  il  recommença  à 
peindre  et  fut  arrêté  de  nouveau.  On  lui  ap- 
pliejua  des  lames  ardentes  Si.r  les  mains,  et 
le  fer  rouge  lui  clévora  la  chair  ju-qu'aux.  os. 
Ce  dernier  supplice  fut  -^i  hor,  ibh;  ([u"on  le 
crut  mort.  L'impératrice  Théudora,  saisissant 


MT 


li78 


C((  |)réte\te,  le  cacha  dans  l'église^  de  Saint- 
Jeaii-Uaptiste,  et  til  panser  ses  plaies.  Dans 
l'année  holi,  Michel  l'envoya  à  Kome  pour 
ollVir  au  pape  Uei  oit  ill  de  giands  [tré.sents 
destinés  a  l'église  des  A|)ôlres.  On  dit  (pi'il 
mourut  dans  celle  ville,  et  selon  les  méiio- 
loges,  on  Iranstéra  son  (îorps  à  Conslanlino- 
ple  dans  l'église  de  Sainl-Evandre.  Son  nom 
est  inscrit  au  Martyrologe  romain  le  23  fé- 
vrier. 

Lédan,  ville  du  pays  des  Huzites  dans  le 
royaume  de  Perse,  fui,  en  37(i  ou  .')77,  sous 
le  règne  de  Sa[)or  Longue-Vie,  témoins  du 
martyre  du  saint  évé(pie  de  Cascar,  Abdas, 
avec  vingt-huit  auties  chrétiens,  (ie  fut  un 
vendredi,  15  du  mois  yar,  (lue  ce  su|  plico 
eut  lieu.  Co  jour  coriespoud  au  1(»  du  mois 
de  mai,  auquel  la  fête  de  ces  saints  est  ins- 
crite nu  Maityroli)ge  romain. 

LI'XIKN,  qualilié  proconsul  do  l'Ombrie, 
fit  tiancher  la  tète  h  sai:it  Térenlicn  dans  la 
ville  de  Todi,  dont  ce  saint  était  le  f)remier 
évêijue,  et  est  encore  aujourd'hui  le  patron. 
Nous  ne  savons  rien  do  plus  do  ce  person- 
na.;e.  (  Ughelkis.  ) 

LEFÈVKE,  jésuite  français,  était  dans  la 
province  de  Keang-si  quand  éclata  la  persé- 
cuiioii  duFo  kien,en  ilkii.  Ignorant  qu'elle 
eût  éclaté, il  voulait  passer  diins  la  pi  ovincedc 
Riaiig-Nan.Les  mandarins  ayant  appris  qu'il 
était  dans  une  maison  où  il  résidait  le  plus 
oi-dinaireuiont,   tirent  tout  ce  qu'ils    purent 
[lour  le  découvrir.  Ils  vinrent  trois  investir 
cette  maison,  avec  environ   CO  soldats.   Lo 
Père  l'avait  quittée  depuis  trois  jours.  Ou 
saisit  et  on  mit  au  pillage  tout  ce  qui  s'y 
trouva.  La    maison,  fut  confisquée,  ensuite 
détruite  ;  beaucoup  de  chréticuis  furent  ar- 
rêtés dans  le  voisinage,  enchaînés  et  mis  eu 
prison.  Us  furent  frap[)és  à  coups  de  bâton 
et  mis  à  la  (|uestion.  Ce  fut  alors  qu'un  des 
chrétiens  do  ce  district,  courant  après  le  P. 
Lefevre,  l'atteignit  au  bout  de  trois  journées 
de  route,  lui  apprit  l'éditde  l'empereur,  qui 
ordonnait  la  recherche  des  missionnaires  et 
les   cruautés  qu'on    venait   de  commettre. 
«  Changez  de  route,  lui  dit-il,  retournez  sur 
vos  pas  ;  vous  n'avez  rien  de-  mieux  à  faire 
que  do  venir  clieichor  une  retraite  dans  ma 
maison  :  on  y  viendra  faire  des  visites  ;  mais 
où  n'eu  fera-t-on  pas?  Je  no  crains  que  pour 
vous,  et  je  m'e\i)Ose  volontiers  à   tous   les 
dangers  ;  j'espère  même  qu'ayant  un  emploi 
dans  le  tribunal,  je  pourrai  modifier  ces  vi- 
sites jusqu'au  point  do  vous  conserver  pour 
le   bien   de  la  chrétienté.  »  Les  parents  de 
ce  généreux  chrétien  refusaient  de  recevoir 
le  missio  maire  ;  mais  il   vainquit  leur  ré- 
sistance. Il  le  plaça  dans  un  petit  réduit  où 
peu  de  monde  de  la  maison  le  savait  caché. 
Pour  qu'il  vit  clair  dans  cet  endroit,  il  fal- 
lut faire  au  toit  une  ouverture  en  ùtant  une 
tuile,  qu'on  remettait  quanti  il  pleuvait.  On 
ne  visitait  le  Père  et  on  ne  lui  portait  à  man- 
ger que  vers  les  neuf  heures  du  soir.  Le  P. 
Lefèvre  entendait  quelquefois  des  gens,  des 
chrétiens,  qui  conseillaient  à    celte  famille 
de  ne  le  pas  recevoir,   en  supposant  qu'il 
vint  demander  asile.  Plusieurs  fois  on  visita, 


U79 


Lef 


LEF 


4480 


la  maison;  mais  comme  le  chrétien  à  qui 
elle  appartenait  avait  une  sorte  d'autorité 
sur  le  tribunal,  les  visites  se  faisaient  légè- 
rement. Le  P.  Lefèvre  passa  près  d'une  an- 
née dans  cette  espèce  de  prison. 

LÉGER  (saint),  évtVpu^  d'Autun,  martyr, 
naquit  en  GIG,  d'une  l'aniille  franç.-iise  fort 
illustre.  Tout  jeune  encore,  il  fut  "mené  par 
ses  parents  à  la  cour  du  roi  Clotaire  IL  Ce 
prince,  liis  de  la  trop  fameuse  Frédégondo, 
morte  en  597,  ne  fut  d'abord  roi  ijuc  de  la 
Neustrie.  Ayant  iait  Sigebert  prisonnier,  en 
61i,  et  ayant  fait  mourir  la  reine  Brunehaut, 
il  se  troliva  seul  maître  de  la  monarchie 
française.  Ce  fut  peu  de  temps  après  ces  évé- 
nements, que  saint  Léger  fut  contié  aux 
soins  de  Didon,  frère  de  sa  mère,  et  évèque 
de  la  ville  de  Poitiers,  ('e  saint  prélat  mit 
d'abord  son  neveu  entre  les  mains  d'un  ec- 
clésiastique recommandable,  puis  il  le  lit 
ensuite  venir  dans  son  palais,  i)Our  prendre 
lui-même  soin  de  son  éducation.  Notre  saint 
faisait  de  très-grands  et  de  très-rapides  pro- 
grès dans  l'étude  des  choses  sacrées.  Son 
oncle,  voyant  cela,  le  dispensa  de  l'applica- 
tion des  règles  canoniques,  et  l'ordonna 
diacre  à  l'âge  de  vingt  ans.  Bientôt  après,  il 
le  lit  archidiacre  et  lui  contia  le  gouverne- 
ment de  son  diocèse  à  la  mort  de  l'abbé  du 
monostère  de  Saint  -  Maxence  ,  où  saint 
Maixeul,  son  oncle,  le  nomma  pour  pren- 
dre sa  place.  Il  gouverna  ce  couvent  avec 
infiniment  de  sagesse  et  de  mérite.  A  la 
mort  de  Clovis  II,  roi  de  Neustrie  et  de  Bour- 
gogne, sainteBathilde,mère  du  jeune  roi  Clo- 
taireIII,f'it  nommée  régente:  elle  choisit, pour 
l'aider  dans  le  gouvernement  du  royaume, 
saint  Eloi  de  Noyon,  saint  Ouen  de  Rouen, 
et  saint  Léger.  En  6a9,  on  le  promut  à  l'é- 
vêché  d  Autun  ;  depuis  deux  ans  cette  ville 
n'avait  i)as  d'évôque  :  le  diocèse  était  dé- 
chiré par  les  dissensions  ;  il  y  avait  eu  en 
plusieurs  rencontres  du  sang  versé.  Léger 
pacitia  tout,  apaisa  tous  les  troubles.  Les  pau- 
vres furent  soulagés,  le  clergé  reprit  un  nou- 
vel éclat  par  l'instruction  que  lui  lit  acquérir 
le  saint  évèque.  Les  églises  furent  décorées, 
enrichies.  En  070,  un  synode  fut  assemblé  h 
Autun,  lequel  s'occu])a  de  plusieurs  ordon- 
nances concci'nanl  les  mœurs,  et  n'glementa 
ce  qui  regardait  les  moines.  Clotaire  III 
étant  mort,  en  069,  saint  Léger  se  rendit 
iunnédiatenient  h  la  cour.  La  noblesse  se 
déclara  pour  Childéric,  (pii  gouvernait  avec 
sagesse  l'Auslrasit;  ;  mais  Ebroin  se  déclara 
y)Our  Tliierry,  le  lit  i>roclani(!r  et  se  lit  son 
maiie  du  palais.  Bi(;ntùl  c(î  ministre  sut  se 
rendre  si  odieux,  ({ue  tout  le  mond(!  se  dé- 
clara contre  lui;  de  toutes  |)arts  on  se  soumit 
à  (Childéric.  Ce  prince  auiait  fait  mourir  le 
mair(!  du  palais,  si  saint  Léger  et  (piel(pies 
autres  évé(iues  n'eussent  obtenu  sa  grAce  : 
on  se  contenta  de  le  raser,  de  h;  retdcrmer 
dans  l'abbaye  de  Luxeuil.  Thierry  fut  envoyé 
dans  celli;  de  Saint-Denis. 

Tant  (ju(î  Childéric  suivit  les  conseils  de 
saini  Léger,  il  gouvei-na  avec  bonheur  et  sa- 
gesse ;  mais  ln(Milùt,  se  laissant  aller  îi  ses 
passions,  il  changea  de  conduite  :  il  en  vint 


jusqu'à  épouser  sa  propre  nièce.  Le  saint 
évèque  lui  en  fit  d'abord  secrètement  des 
remontrances  ;  m.:is  l'ayant  trouvé  indocile, 
il  le  reprit  publicpiement  et  le  condamna 
formellement.  La  hardiesse  de  l'évèque  dé- 
plut beaucoup  an  roi,  que  les  courtisans  ne 
manmièrent  pas  d'aigrii-.  Le  maire  du  palais, 
Wulfoald,  rendit  sa  tidélité  suspecte  ;  on 
l'exila  à  Luxeuil,  où  il  retrouva  Ebroïn,  qui, 
dans  sa  reconnaissance  du  service  qu'il  lui 
avait  rendu,  Itù  [)romit  une  lidéiité  à  toute 
épreuve.  Sur  ces  entrefaites,  Childéric  ayant 
été  assassiné  par  Bodilon,  (|n'il  avait  piii)li- 
quement  fait  fouetter,  laissa  le  trône  vacant 
en  673.  Safi^ume  et  son  jeune  iilsDagobeit 
eurent  le  môme  sort.  Dagobert  II,  banni  en 
Irlande,  fut  proclamé  roi.  Ces  événements 
permirent  à  saint  Léger  de  revenir  ci  Autun, 
et  à  Ebroin  de  sortir  de  Luxeuil. 

«  Ebroin,  voyant  Leudésie  reeonnu  maire 
du  palais  en  Neustrie,  ne  le  put  souffrir.  Il 
quitta  l'habit  monastique,  reprit  sa  femme, 
amassa  des  troupes  et  marcha  contre  le  roi 
Théodoric.  II  sur[)rit  Leudésie,  sous  prétexte 
dune  conférence,  et  le  fil  tuer;  puis  il  s'as- 
socia avec  deux  évoques  déposés  pour  leurs 
crimes.  Désiré,  surnommé  Diddon,  de  Chû- 
lons-sur-Saône,  et  Abbon,  ou  Bobon,  de  Va- 
lence. Ils  hrent  paraître  de  concert  un  pré- 
tendu fils  du  roi  Clotaire  III,  qu'ils  nom- 
mèrent Clovis,  publiant  que  Thierri  était 
mort,  et  sous  prétexte  de  le  faire  reconnaî- 
tre, Ebroïn  marcha  en  Neustrie  et  envoya 
en  Bourgogne  les  deux  évoques,  avec  \in- 
mer,  duc  de  Champagne.  Ils  marchèrent  h 
Autun  |)Our  prendre  saint  Léger,  qui  y  tra- 
vaillait à  rétablir  son  peuple,  après  les  dé- 
sordres que  son  absence  avait  causés.  Ses 
amis  et  son  clergé  lui  consedlèrent  ne  se  re- 
tirer, et  d'emporter  avec  lui  les  trésoi'S  qu'il 
avait  amassés,  pour  d.''tourner  les  ennenns, 
en  leur  faisant  perdre  l'espérance  d'en  pro- 
fiter. Mais  il  leur  dit  :  «  A  quoi  bon  traîner 
avec  moi  honteusement  ce  que  je  n'empor- 
terai i)as  au  ciel  ;  il  vaux  mieux  le  donner 
aux  p.^uvres.  »  Il  lit  donc  tirer  sa  vai3^elle 
d'argent,  qui  était  nombi'euse,  et  la  lit  met- 
tre en  pièces  à  coups  de  marteaux,  pour  la 
distribuer  par  les  mains  de  personnes  tidèles, 
réservant  ce  (|ui  était  à  l'usage  des  églises;  et 
cet  argent  servit  au  soulagement  deplusieurs 
monastères  d'hommes  et  de  tilles.  Ensuite  il 
oidonna  un  jeiine  de  trois  jours  et  une  pro- 
cession générale,  où  l'on  portait  la  croix  et 
les  reli(iues  dt'S  saints  autour  des  muradies 
de  la  vdle.  A  cha(iue  porte  il  se  pioslci- 
nait,  et  demandait  à  Dieu  avec  larmes  cpu', 
s'il  l'appelait  ,au  'martyre,  il  ne  permît  j>as 
(pie  son  lrou[)eau  fiU  réduit  en  capliviié.  La 
crainte  des  ennemis  avait  fait  accouru'  le 
piu|ile  de  foules  parts  dans  la  ville,  dont  ou 
avait  fermé  les  portes  et  mis  tout  en  élal  de 
défense.  Alors  le  saint  évèque  appela  tout 
le  monde  h  l'église,  et  demanda  pardon  h 
ceux  (pi'il  pouvait  avoir  oliensés  par  des  ré- 
primandes trop  vives. 

«  Peu  de  temps  après,  les  ennemis  ap- 
jdochèrent.  Ceux  de  la  vilhi  tirent  une  vi- 
gouieuso  défense,  et  l'on  c(uubatlit  just[u'au 


1481 


LtG 


LEG 


148i 


soir.  Mais  sninl  Léger,  voyant  lo  péril  où 
ils  s'exposaiont,  It'\ir  dit  :  «  N(!  ooiiibatli'/. 
pas  (lavaiila^c  ;  si  c'est  pour  moi  (ju'ils  sont 
venus,  j»î  suis  |»r(Hà  les  salisi'airo  ;  cnvovons 
un  (le  nos  Mws  savoir  co  ([uils  dcuiaii- 
dent.  »  Vu  al)l>i''  nouuur  Méroaldc  sorlil  cl 
s'adressa  h  Diddon,  (jui  répondit  (pi'ils  ne 
cesseraient  (ralta(pier  la  ville,  si  on  ne  leur 
livrait  Lé^ei-,  et  s'il  ne  prouiellait  lidélilé  au 
roi  Clovis,  assurant  avec  sennenl  (pie 'l'iiéo- 
doric  était  mort.  S:\int  Léj^er,  ayant  appiis 
coittî  réponse,  déclara  pultliipiement  qu'il 
soidl'rirait  plutôt  la  mort  (pu*  de  nian(pu'r  de 
fidélité  h  sou  pi-ince.  Kt  connue  les  i>niicniis 
j)ressaiciit  la  ville  par  le  l't-r  (.'t  par  le  l'eu,  il 
dit  adieu  »i  tous  les  frères,  el,  apiès  avoir 
piis  la  sainte  connuinuon,  il  uiaiclia  lianli- 
ment  vers  la  porte,  la  lit  ouvrir  et  s'oll'r.t 
aux  ennemis,  lis  lui  tire'il  arracluîrles  yeux, 
ce  qu'il  souIVrit  sans  se  laisst'r  lier  les  mains 
et  sans  pousser  aucun  gémissemeut,  ne  t'.ii- 
sant  ee[)enilanl  que  chanter  des  |)saumes. 
Vaimer  et  Diddon  donnèrent  à  lîohon  !'é- 
vôclié  d'.Xutun,  pour  le  récouq^enser  de  Va- 
lence, dont  il  avait  été  chassé,  et  lo  peu|)le 
Je  reçut  pour  éviter  la  ca|itivité.  Ainsi  ou 
n'emmena  personne  ;  mais  on  prit  cinq 
mille  sons  d'or  de  l'argent  de  l'église,  outre 
ce  que  donnèrent  les  ciloyeus. 

«  Vaimer  emmena  saint  Léger  chez  lui,  eu 
Champagne.  Diddon  el  Hohon  marchèrent 
avec  Adah'ic,  (pi'ils  voulaient  établir  palrice 
en  Provence.  Ils  croyaient  cul.  ver  en  pas- 
saut  saint  Genès,  archevêque  de  Lyon;  mais 
le  [X'uple,  rasscnd^lé  de  tous  colés,  défen- 
dit si  l.uen  cette  grande  ville,  (lu'ils  furent 
obligés  de  se  retirer.  L'arcbcvèciuc  mourut 
quel(pie  lenqis  après,  le  premier  jour  de  no- 
vtMubre  C77,  et  eut  pour  successeur  saint 
La:id)ert,  abbé  de  Fonlenelle,  après  saiiit 
Va!i(hille.  Avant  d'embrasser  la  vie  mo- 
iiasli(pie,  il  avait  été  en  grande  considéra- 
lion  à  la  cour  du  roi  Clolaire  111.  Saint  Ans- 
J)erl  lui  succéda  à  Fonlenelle,  el  en  fut  lo 
troisiènuj  abbé,  suivant  la  pro[)hélie  de  saint 
A'andrillc,  cpii  avait  marqué  ses  deux  pre- 
miers successeurs. 

«  Kbroui  avait  ordonné  qu'or;  tint  saint 
Léger  dans  le  i'ond  d'un  bois  et  qu'on  l'y 
laissai  mourir  de  faiui,  faisant  courir  le 
bruit  (pi'il  s'était  noyé.  .Mais  après  (j[u'il  eut 
longtemps  soulfi.nH  la  faim,  Vaimer  eut  com- 
passion el  le  lit  aujener  chez  lui.  Il  fut 
même  tellement  touché  de  S(;s  discours, 
qu'il  lui  rendit  l'argent  de  l'église  d'Autuu, 
cl  saint  Léger  l'y  renvoya  pour  être  dis- 
tribué aux  })auvres.  Vaimer  fut  fait  ensuite 
évèque  de  'i'royes  par  l'artiticc  d'Ebruin, 
qui  craignait  a[)paremmeut  sa  puissance;  et 
saint  Léger  fut  mis  dans  un  monasière  où 
il  demeura  deux  ans.  Ebroin,  étant  devenu 
maire  du  palais  de  Théodoric,  el  maîrre  ab- 
solu en  Neustrie  el  eu  Bourgogne,  feignit 
de  vouloir  venger  la  mort  du  roi  Childérie, 
el  en  accusa  saint  Léger  et  son  frère  Gairin. 
On  les  amena  en  la  [irésence  du  roi  et  des 
Seigneus.  Ebroïn  le  cliargea  de  reproches  ; 
mais  saint  Léger  lui  répondit  :  «  Tu  veux  te 
mettre  en  France  au-dessus  de  tous  ;  mais 
DicTiONN.  DES  Persécutions.  L 


tu  perdras  bientôt  celle  dignité  que  tu  mé- 
rites si  p(ni.  n  Ebroïn  le  (il  sépar(!r  ;  (  t  pre- 
mièrement on  ennnena  (lairi  i,  (pii  fut  atta- 
che h  un  poteau  et  la|)idé.  il  disait  cepen- 
dant :  «  Seigneur  Jésus,  (pii  êtes  venu  ap- 
peI(M-,  non  pas  les  justes,  mais  les  pécheurs, 
recevez.  l'Ame  de  votre  seiviteur,  ;i  cpji  vous 
ave/,  bien  voulu  accorder  une  mtxt  sembla- 
ble h  celle  des  martyrs.  »  Il  mourut  ainsi 
en  priant. 

«  On  n'osa  faire  mourii'  alors  saint  Léger, 
parc(!  cpi'il  n'avait  pas  été  déposé  par  les 
évê(|ues.  Mais  il  fut  traîné  dans  une  pièce 
d'eau,  dont  les  pierres  aignés  el  tranchantes 
lui  déchirer,  ni  la  plante  des  (;ieds  ;  outre 
les  yeux,  <p''il  avait  perdus,  on  lui  coupa 
les  lèvres  el  la  langue  pour  le  faire  tomber 
dans  le  désespoii'.  On  le  dépouilla  lion  eu- 
sement,  et,  a^près  l'avoir  liainé  nu  dans  les 
rues  bourbeuses,  on  le  mil  sur  un  méchant 
cheval,  el  on  chargea  le  comte  Varingue  de 
l'emmener  et  le  garder.  Ermenaire,  abbé  de 
Saint-Svmphorien  d'Autun,  qui  lui  succéda 
dans  Tépiscopat,  prit  soin  de  guérir  ses 
plaies,  et  depuis  le  saint  ne  lai  sa  pas  de 
parler;  ce  qui  passa  jiour  un  miracle.  Lo 
comte  Varingue  ,  l'ayant  emmené  en  so'i 
pays,  l'honora  comme  un  martyr,  et  lo  mit 
dans  le  monastère  de  Fescan,  fju'il  avait 
fondé.  Saii.t  Léger  y  fui  gardé  pendant  deux 
ans  ;  et,  se  trouvant  guéri  en  peu  tie  temps, 
il  instruisait  les  re  igieuses,  oifrail  tous  les 
jours  le  saint  sacrilice  et  priait  continuelle- 
ment. 

«  Il  écrivit  de  là  une  lettre  de  consolation 
à  sa  mère  Sigrade,  qui  s'était  rendue  reli- 
gieuse dans  le  monastère  de  Notre-Dame  de 
Soissons.  Il  lui  recommande  [)rincipalemcnt 
le  pardon  des  ennemis.  Aussi,  ayant  appris 
dans  sa  retraite  la  punition  de  quelques-uns 
de  ses  persécuteurs,  loin  de  s'en  réjouir,  il 
})leura  de  ce  qu'ils  étaient  morts  sans  péni- 
tence. En  effet,  le  roi  Théodoric  et  Ebroïn 
assemblèrent  un  concile  nombreux,  où  plu- 
sieurs évoques  furent  condamnés.  Diddon, 
qui  l'avait  été  de  ChAlons,  eut  la  tète  lasée, 
ceciui  était  un  signe  de  dégradation;  ensuite 
il  fut  banni  et  puni  de  mort.  Vaimer,  duc  de 
Chaujpagne,  et  depuis  évêque  de  Troyes, 
étant  tombé  dans  la  disgrâce  d'Ebroïn,  fut 
tourmenté  et  pendu. 

<(  Enlin  Ebroin  fil  amener  saint  Léger  au 
palais,  voiilant  le  faire  déposer  |)ar  le  juge- 
ment des  évoques,  afin  qu'il  n'eût  plus  la  li- 
berté d'oifrir  le  .»aint  sacrilice.  On  le  pressa 
encore  de  s'avouer  coupable  de  la  mort  du 
roi  Childéric;  mais  il  !e  na  toujours,  prc- 
ranl  Dicii  à  témoin  de  son  innocence.  On  lui 
déchira  sa  tunique  du  hauljusqu'en  bas,  ce 
qui  éiait  encore  une  cérémonie  de  di'posilion, 
et  on  le  mil  entre  les  mains  de  Chrodobert, 
comte  du  palais,  avec  ordre  de  le  faire  mou- 
rir. Ebroin,  prévoyant  qu'il  serait  honoré 
comme  un  martyr,  ordoiiiia  que  l'on  cher- 
ciiàt  un  puits  au  fond  d'un  bois  pour  >  jeter 
son  corps  el  le  couvrir,  en  sorte  qu'on  ne 
pût  le  retrouver.  Mais  Chrodobert  fut  tou- 
ché par  les  exnorta'iions  du  saint,  qui  savait 
se  faire  aimer  et  respecter  de  tout  le  monde. 

47 


14S5 


LEO 


LEO 


1484 


Ne  pouvant  donc  se  résoudre  à  le  voir  mou- 
rir, il  commanda  à  (juatre  (i(^  ses  domesli- 
gues  d'exécuter  l'ordre  qu'il  avait  reçu.  La 
femme  du  comte  eu  pleura  amèrement;  mais 
saint  Léger  la  consola  et  lui  dit  qu'elle  s'at- 
tirerait la  bénédiction  de  Dieu  si  elle  pre- 
nait soin  de  sa  sépulture. 

«  Les  quatre  exécuteurs  le  menèrent  dans 
la  forêt,  où,  ne  trouvant  point  de  puits,  ils 
s'arrêtèrent  etitin,  et  trois  sejetèrent  à  ses 
pieds  pour  lui  demander  pardon.  Il  pria 
pour  eux  ;  puis,  quand  il  avertit  qu'il  était 
temps,  le  quatrième  lui  coupa  la  tète  On 
dit  que  ce  meurtrier  fut  quelque  temps  après 
saisi  du  démon,  et  qu'il  se  jeta  dans  le  feu 
et  y  mourut.  La  femme  du  comte  Chrodo- 
bert  fit  enterrer  le  saint  dans  un  petit  ora- 
toire, en  un  lieu  nommé  Sarcin  en  Artois; 
mais  il  fut  depuis  transféré  au  monastère  de 
Saint-Maixent  en  Poitou,  dont  il  avait  été 
abbé.  La  forêt  où  il  fut  tué,  nommée  aupa- 
ravant Aquiline  ou  Iveline,  a  pris,  depuis 
plusieurs  siècles,  le  nom  de  Saint-Léger  ;  on 
abdti  en  son  honneur  un  très-grand  nombre 
d'églises.  On  rapporte  quantité  de  miracles 
faits  à  son  tombeau  ;  et  il  n'y  a  guère  de  saint 
plus  illustre  en  France.  L'Eglise  l'honore 
comme  martvr,  le  second  jour  d'octobre;  et 
il  mourut ,  comme  l'on  croit ,  l'an  678.  » 
(Fleurv,  t.  II,  p.  913,914.) 

LENTINI,  ville  de  Sicile,  à  22  kilom.  d'A- 
gosta,  a  été  illustrée  par  le  martyre  de  sainte 
Epiphane,  qui  y  souffrit  sous  l'impie  Dioclé- 
tien  et  le  président  Tertyle. 

LÉOCADIE  (sainte),  naquit  à  Tolède  en 
Espagne.  Son  nom  est  demeuré  célèbre  dans 
cette  vieille  terre  catholique.  Le  temps  de  la 
persécution  de  Dioclétien  étant  arrivé , 
sainte  Léocadie  fut  remarquée,  à  cause  du 
zèle  tout  particulier  qu'elle  faisait  voir  pour 
la  religion  chrétienne.  Un  nommé  Dacien, 
gouverneur,  implacable  ennemi  du  nom 
chrétien,  la  fit  arrêter  :  il  lui  fit  souffrir  d'hor- 
ribles tortures,  et  la  fit  ensuite  mettre  en 
prison.  Elle  y  mourut  des  suites  de  ses  bles- 
sures. On  ignore  en  quelle  année  précise 
eut  lieu  la  mort  de  la  sainte  :  suivant  les  opi- 
nions les  plu.'î  communes,  ce  fut  en  302  en- 
viron. Sainte  Léocadie  avait  été  embrasée  du 
désir  de  verser  son  sang  pour  la  foi,  en  ap- 
prenant la  mort  de  sainte  Eulalie.  Elle  ne 
cessait  de  demander  h  Dieu  la  grAce  de  mou- 
rir aussi  pour  lui.  Comme  on  vient  de  le 
voir,  sa  prière  fut  exaucée,  Tolède  a  choisi 
cette  saint(i  f)0ur  patronne  :  trois  des  églises 
de  celle  ville  sont  sous  son  invocation.  L'E- 
glise fait  la  fête  de  sainte  Léocadie  le  9  dé- 
cembre. (On  [)eut,  h  son  sujet,  consull(;r  le 
P.  Florès,  Spaàn  sagrada,  t.  VI,  p.  .'{13.) 

LÏ:;0(^K1TIE  (sainte),  cueillit  la  palme  du 
^jartyre  à  Cordoue,  durant  la  persécution 
d'Abdérarae  H.  Cette  jeui;e  musuliiKUHî 
avait,  dès  son  (îufance,  été  instruite  dans  la 
religion  chrétienne  par  une;  de  .ses  parentes 
qui  l'avait  lait  ba(>liser.  Son  père  et  sa  mère 
1  ay.uit  su,  la  tourmentaient  cruelleuKMit,  la 
foufliîiiii  jour  et  nuit,  dil  Fleurv  dans  sa 
tradu(;liond'l"jjloge,  pour  la  foirer  de  renon- 
cer li  sa  foi.  Elle  Ut  connaitro  sa  iii;illieui"ouse 


])Osilion  à  Euloge  de  Cordoue  et  au  prêtre 
Amulone,  leur  témoignant  le  désir  Qu'elle 
avait  de  se  réfugier  dans  un  lieu  où  elle  pût 
pratiquer  sa  religion  en  liberté.  Euloge  lui 
procura  les  moyens  de  sortir  de  chez  ses 
parents,  qu'elle  trompa,  au  point  même 
qu'elle  parlait  mal,  en  leur  présence,  de  la 
religion  chrétienne.  Elle  se  revêtit  de  ses 
plus  beaux  habits,  sous  prétexte  d'aller  à 
une  noce,  et  se  réfugia  chez  Euloge  et  sa 
sœur ,  qui  la  cachèrent  pendant  quelque 
temps,,  et  la  placèrent  chez  une  personne  de 
leurs  amis.  Les  parents,  au  désespoir,  firent 
des  recherches  inouïes  pour  la  retrouver,  et 
obtinrent  du  cadi  de  faire  arrêter  et  fouetter 
des  chrétiens,  même  des  religieuses  et  des 
prêtres,  sur  lesquels  ils  avaient  des  soup- 
çons. Euloge  ne  se  trouvait  ému  de  rien, 
faisait  souvent  changer  de  retraite  à  Léocri- 
tie,  et  passait  les  nuits  en  prières  pour  elle, 
tandis  qu'elle,  de  son  coté,  priait,  jeûnait  et 
couchait  sur  un  cilice. 

Une  nuit,  étant  venue  voir  Euloge  et  sa 
sœur,  elle  ne  put  retourner,  parce  que  la 
personne  qui  devait  l'accompagner  vint  trop 
tard,  et  qu'il  était  déjà  jour.  Le  cadi  en  étant 
averti,  envoya  des  soldats  entourer  la  mai- 
son, d'où  ils  tirèrent  Léocritie  avec  Euloge, 
et  les  amenèrent  en  sa  présence.  Il  demanda 
à  Euloge  pourquoi  il  tenait  cette  fille  chez 
lui,  et  Euloge  répondit  que  les  prêtres  ne 
pouvaient  refuser  l'instruction  ù  ceux  qui  la 
demandaient.  Le  cadi  le  menaça  de  le  faire 
mourir  à  coups  de  verges  ;  mais  Euloge  ré- 
pondit tiue  le  glaive  était  un  moyen  plus 
sûr,  et  commença  à  parler  hautement  con- 
tre le  prophète  et  sa  religion.  On  le  mena 
aussitôt  au  palais,  devant  le  conseil.  Un  des 
conseillers,  qui  Je  connaissait  particulière- 
ment, lui  dit  :  «  Si  des  ignorants  se  précipi- 
tent malheureusement  à  la  mort,  un  homme 
savant  et  vertueux  comme  toi  ne  doit  pas 
imiter  leur  folie.  Ci'ois-moi,  je  te  prie,  dis 
seulement  un  mot  à  présent,  puisqu'il  le 
faut  :  tu  reprendras  ensuite  ta  religion,  et 
nous  promettons  de  ne  te  point  rechercher.  » 
Euloge  lui  réj)ondit  en  souriant  :  «  Ah!  si  tu 
pouvais  connaître  les  récompenses  qui  at- 
tendent ceux  qui  conservent  notre  foi,  lu  re- 
noncerais à  ta  dignité  tcm])orelle.  »  Il  com- 
mença alors  à  leur  proposer  hardiment  les 
vérités  de  l'Evangile;  mais,  i)Our  ne  le  pas 
écouter,  ils  le  condamnèrent  aussitôt, à  per- 
dre la  tête.  Comme  on  le  menait  au  supplice, 
un  des  (.'unuqucs  du  roi  lui  donna  un  souf- 
fiet:  il  tendit  l'antre  joue  et  en  souffrit  pa- 
tienunent  un  second.  Quand  il  fui  arrivé  au 
lieu  de  l'exécution,  il  pria  à  genoux,  étendit 
les  mains  auci(!l,  fit  le  signe  de  la  croix  sur 
tout  son  corps,  et  piésenta  sa  têle  qui  fut 
|)romptem(!nt  coupée.  C'était  h  l'heure  de 
none,  ou  (rois  heures  après  midi,  le  samedi 
jl  mars  859.  Il  fut  enterré  .^  Sainl-Zoïle.  Léo- 
critie fut  aussi  décollée  cpialre  jours  après, 
et  j(!téedans  h!  Ileuve  Bétisi  ;  mais  elle  en  fut 
tiiée  et  enterrée  h  Sainl-Cenès  de  Tertios. 
l>'Fglise  honore  l'un  et  l'autre  le  jour  de  leur 
ni.irt,>re.  La  Vie  de  saint  Fulogo  a  été  écrite 
par  Àlvar,  son  ami,  et  depuis,  il  nous  restf 


I4S.S 


i,i;o 


Li:o 


N«(î 


peu   do  nionumt'nls   do    l'K^'lise  d'iîspagnu 
Suas  la  doiuiii.ilion  des  niusidiuaus. 

l.ÉON  (sainl),  mailyr,  mourut  pour  la  dé- 
fense de  noire  sainte  religion,  h  Uoiue,  avec 
les  saints  Al)oniiaii(-e,  Donat,  Nicrphore  et 
iieul'aulres,  dont  l'iîgliso  honore  la  MH'inoiie 
le  1"  mars.  (Pas  d'actes  aulhenticpics.) 

LÉON  (saint),  n)arlyr,  soutVril  dans  le 
iir  si(>(lt>,  probablement  sous  reni[)ire  de 
Diorlétien.  l).  lUiinarl  a  douné  ses  Actes, 
que  nous  transcrivons  textuellement,  (le 
saint  est  honoré  ^)ar  l'Kgliso  avec  saint  Paré- 
gorius,  le  18  de  lévrier. 

«  Saint  Parégorius  venait  do  répandre  son 
sang  h  Patare  (ville  de  Lyeie),  pour  la  cause 
de  Jésus-Christ,  et  saint  Léon,  qui  avait  été 
le  témoin  de  son  combat,  se  trouvait  pai'Iagé 
entre  la  joie  que  lui  causait  le  bonheur  de 
son  ami  et  la  douleur  de  n'avoir  |)n  encore 
se  signaler  comme  lui,  lorsque  l'intendance 
de  la  Lycie  fut  donnée  au  proconsul  Lollien. 
Ce  nouvel  intendant,  voulant  à  son  arrivée 
marquer  son  zèle  pour  le  culte  des  dieux, 
indiqua  une  fêle  solennelle  en  l'honneur  de 
Sérapis,  et  ordonna  que  tous  les  habitants  de 
Patare,  de  quelque  religion  qu'ils  fussent, 
s'y  trouveraient.    Plusieurs  chrétiens  obéi- 
rent, la  crainte  des  hommes  l'emportant  sur 
celle  des  jugements  de  Dieu.   IMais   Léon, 
bien  loin   de  marquer  la  moindre  complai- 
sance pour  l'intendant,  ne  voulut  pas  même 
qu'on  lui  parlât  de  cette  cérémonie  sacrilège. 
Pensant   alors  en  lui-même  à  ce  qu'il  avait 
à  faire  en  cette  rencontre,  il  sortit  de  son  lo- 
gis pour  se  rendre  au  lieu  oi!i  étaient  les  re- 
liques de  saint  Parégorius.  11  passa  devant 
le  temple  de  Sérapis,  où  l'on  oilrait  un  sa- 
crifice; ceux  qui  y  assistaient,  ayant  jeté  les 
yeux  sur  lui,  reconnurent  qu'il  était  chré- 
tien, à  sa  démarche,  à  son  visage  et  à  son 
habit.  Car  on  voyait  en  tout  cela  un  air  de 
modestie  qui  le  rendait  respectable.  Mais  on 
remarqua  particulièrement,  à  quelques  si- 
gnes qu'il  fit,  qu'il  avait  une  extrême  hor- 
reur pour  cette  fête  impie.  Il  s'était  exercé, 
dès  sa  jeunesse,  dans  les  pratiques  de  la  vie 
solitaire;  et  outre  les  autres  vertus  qu'il  y 
avait  acquises,  il  possédait  éminemment  la 
chasteté  et  la  tempérance.  Son  habit  était  une 
étoff'e  grossière,  faite  de  poil  de  chameau;  en 
un  mot,  il  avait  pris  pour  modèle  de  ses  ac- 
tions les  apôtres  et  saint  Jean-Baptiste.  Etant 
donc  arrivé  au  tombeau  de  saint  Parégorius, 
il  y  fit  sa  prière;  il  se  retira  ensuite  chez  lui, 
il  y  pria  à  son  ordinaire,  mangea  un  peu,  et 
y  demeura  le  reste  du  jour  renfermé,  repas- 
sant sans  cesse  dans  son  esprit  la  fin  glo- 
rieuse de  saint  Parégorius.  Tout  occupé  de 
ces  pensées,  il  s'endormit  et  vit  en  songe, 
comme  un  autre  Joseph,   ce  qui  devait  lui 
arriver.  Il  lui  sembla  donc  être  au  milieu 
d'un  torrent  ;  un  orage  eff'royable  obscurcis- 
sait tout  l'air,  et  l'eau  tombait  à  grands  flots 
des  nues  noires  et  épaisses  qui  passaient  sur 
sa  tête.  Ayant  aperçu  dans  le  même  torrent 
saint  Parégorius  qui  s'avançait  vers  le  mar- 
tyre, il  courut  à  lui,  malgré  la  rapidité  du 
torrent,  et  le  suivit.  S'étant  réveillé  après 
cette  vision,  il   n'eut  pas  de  peine  à  com- 


prendie  qu'il  aurait  le  même  sort  que  Paié- 
gorius;  il  on  ressentit  une  joie  qu'on  ne 
peut  ex[)iimer.  Cett(î  espéiancc;  au};menla  la 
dévotion  (pi'il  avait  pour  ce  bienheureux 
niaityr;  dallait  plus  souvent  h  son  tomlxMu; 
il  ccùnmença  à  se  nîgaider  comme  h;  fidèle 
compagnon  (his  travaux  de  Paié^orins,  et  h 
considérer  Parégorius  comme  soîi  préi;ur- 
seur  dans  la  gloire.  11  ne  cherchait  point  de 
chemin  détourné,  ni  uiie  route  secrète  {)Our 
aller  visiter  les  reli(pu»s  du  saint  ;  il  [)assait 
au  milieu  de  la  ville,  par  la  place  publique, 
à  la  vue  de  tout  le  j)euple.  Un  jour  (lu'il 
avait  pris  son  chemin  par  devant  le  'l'icnée, 
il  a|)erçut  ce  temple  illuminé  d'une  infinité 
de  flambeaux  ;  il  eut  compassion  de  ceux  qui 
les  avaient  allumés,  et,  animé  d'un  zèle  cha- 
ritable, il  éteignit  tous  ces  flambeaux,  les  mit 
en  pièces,  les  foula  aux  f)icds,  et  dit  :  «  Si 
«  vos  dieux  se  sentent  oflensés  de  l'insulte 
«  (pie  je  leur  viens  de  faire,  ils  n'ont  qu'c> 
«  m'en  punir,  je  ne  me  déroberai  point  à 
«  leur  ressentiment.  »  Il  poursuivit  ensuite 
froidement  son  chemin. 

«  Cependant   la  populace  s'assemble,  une 
troupe  d'impies  se  mêle  parmi  les  plus  sédi- 
tieux, on  murmure,  on  s'émeut,  on  crie,  on 
charge  Léon  de  malédictions.  Il  est  cause, 
dit-on,  que  la  déesse  Fortune  ne  regardera 
plus  Patare  de  bon  œil  ;  il  lui  a  fait  une  in- 
jure, dont  elle  ne  manquera  pas  de  se  venger 
si  on  ne  l'apaise.  Le  tumulte  augmeiitant,  et 
le  bruit  de  l'action  de  Léon  se  répandant  de 
rue  en  rue  et  de  quartier  en  quartier,  fut 
bientôt  porté  aux  oreilles  de  l'intendant,  qui 
envoya  en  même  temps  des  soldats  pour  ob- 
server le  saint  et  se  saisir  de  lui  à  son  re- 
tour. Ils  le  virent  rentrer  chez  lui;  et,  ayant 
investi  son  logis,  ils  le.prirent  sans  qu'il  fit 
la  moindre  résistance,  et  le  menèrent  à  l'in- 
tendant. Ce  magistrat  était  déjà  fort  altéré 
du  sang  des  chrétiens,   et   cette  généreuse 
hardiesse  du  martyr  ne  servit  pas  peu  à  l'al- 
lumer encore  davantage.  11  considérait  que 
la  chose  était  d'un  très-dangereux  exemple; 
qu'il  était  de  la  dernière  importance  de  ré- 
primer cette  audace  des  chrétiens,  contre  la- 
quelle les  dieux  mêmes  n'étaient  pas  en  sû- 
reté. Aussi,  dès  que  Léon  fut  en  sa  présence, 
il  s'emporta  fort  contre  lui.  «  Méchant  vieil- 
«  lard,  lui  dit-il,  ignorez-vous  le  pouvoir  des 
«  dieux,  lorsque  vous  osez  entreprendre  sur 
«  leur  religion?  ou  avez-vous  tellement  perdu 
«  l'esprit,  que  vous  croyiez  pouvoir  mépri- 
«  ser  impunément  les  ordonnances  de  nos 
«  divins  empereurs,  qui  sont  aussi  nos  dieux 
«  et  nos  sauveurs?  —  Seigneur  intendant, 
«  répondit  Léon,  vous  venez  de  parler  de  i  lu- 
'(  sieurs  dieux,  cependant  il  n'y  en  a  qu'un; 
«  c'est  Jésus-Christ  notre  Seigneur,  Fils  de 
«  Dieu,  et  le  Dieu  du  ciel  et  de  la  terre,  qui 
«  n'a  pas  besoin  que  les  hommes  lui  rendent 
«  un  pareil  culte.  Un  cœur  contrit  et  une 
«  âme  qui  sait  s'humilier,  voilà  ce  qui  peut 
«  plaire  à  Dieu.  Mais  ces  flambeaux,  ces  cier- 
«  ges,  ces  lampes,  que  vous  allumez  devant 
«  vos  idoles,  sont  toutes  choses  vaines  &ten- 
(■(  tièrement  inutiles  à  des  statues  de  bois. 
«  de  pierre  et  de  bronze,  qui  doivent  tout  c*? 


1487 


LEO 


LEO 


1488 


«  qu'elles  sont  au  sculpteur  ou  au  fondeur. 
«  Si  vous  connaissiez  celui  qui  est  le   vrai 
«  Dieu,  vous  ne  perdriez  pas  ainsi  votre  en- 
«  cens  h  par.''unier  une  souche  ou  une  pièce 
«  de  marbre.  Renoncez  donc  à  ce  culte  vain 
o  et  frivdle,  et  r(  servez  vos  louanges  et  votre 
«  admiration  pour  celui  (jui  est  le  vrai  Dieu, 
«  et  i)Our  Jésus-Christ,  sou  Fils,  le  Sauveur 
rt  du  mnnde  et  le  créateur  de  nos  âmes.  — 
«  Vous  ne  ré[)ondez  pas  juste,  repartit  l'in- 
«  tendant,  et,  au   lieu  de  vous  purger  des 
«  crimes  qu'on  vous  objecte,  vous  vous  amu- 
«  sez  à  nous    prêcher  voire   christianisiuc. 
«  Maisje  rends  grAces  aux  dieux  qui  ont  per- 
n  rais  que  vous  vous  décelassiez  vous-même, 
«  et  que  vous  vous  fissiez  connaître  pour  ce 
que  vous  èles:  choisissez  donc,  ou  d'ado- 
rer les  dieux  et  de  leur  oll'rir  le  sacriiice 
avec  tous  ceux  qui  sont  ici  présents,  ou  de 
souffrir  la  peine  que  mérite  votre  impiété. 
—  Je  vous  avou".  répliqua  le  martyr,  que 
j'eusse  souhaité  de  n'avoir  à  déj'lorer  la 
chute  d'aucun  de  ceux  que  je  vois  si  mal- 
heu'  e'isement  tombés  dms  l'erreur.  Hélas  ! 
quelle  douleur  doit  ôtre'la  mienne,  lors- 
que je  jette  les  yeux  sur  cette  multitude  de 
chrétiens  qui  se  sont  laissés  séduire.  Mais, 
de    peur    que    vous    ne   vous    imaginiez 
que  je  suis   de  ce  nombre,  je  vous  dé- 
clare que  je   suis  chrétien.   Je   conserve 
gravés    en   moi-même   les  préceptes   des 
apùtres,  qui  enseignent  tous  à  rendre   à 
Dieu  l'obéissance  qui   lui  est  due.  Si  donc 
vous   croyez  devoir  me  punir  à  cause  de 
cela,  ne  différez  pas  un  moment  ;  car  soyez 
persuadé  que  la  crainte  des  lourmenis  ne 
me  fera  jamais   manquer  à  mon  devoir. 
Je  suis  prêt  à  endurer  tous  ceux  que  vous 
voudrez  me    fîiire  souffrir.   Au    reste,   si 
quelqu'un  est  d'un  autre  sentiment,  il  peut 
se  borner  h  la  vie  présente,  sans  prétendre 
l  la  vie  future.  On  sait  que  ce  n'est  que 
par  le  chemin  des  souffrances  qu'on  y  ar- 
rive, suivant  celle  maxime   de  l'Ecriture: 
La  voie  qui  conduit  à  la  vie  est  étroite.  — 
Eh  bien!   dit  l'intendant,   si  elle   est   si 
étroite,  quittez  la  pour  suivre  la  nôtre  qui 
est  large  et  counnode.  —   Je  n'ai  pas  dit, 
reprit  Léon,  qu'elle  fût  si  resserrée  qu'on 
ne  pût  y  marcher  ;  et  ne  croyez  pas  qu'elle 
soit  déserte;  [)lusieurs  l'ont  parcourue,  et 
plusieurs  la  suivent  encore  tous  les  jours: 
elle  est  appelée  étroite,  parce  qu'on  y  len- 
contre  la  morlilicalion,  la  |)auvr(  té,  les  af- 
flictions, la  persécution;  mais  la  loi  adou- 
cit les  peines  ;  elle  fait  surmouler  les  dilli- 
eultés;  elle  aplanit  le   chemin,   l'élargit  et 
le  rend  aisé,  l'ounpi'ii,  enfin,  n(;  v()us  lais- 
a  sez-vous  j)as  convaincre  de  celle  vérité,  el 
«  que    ne   prononcez-vous    hardiment    (|ue 
a  cette   voie  étroite  est  cependant  Irès-com- 
o  nmde  pour  arriver  au  salut,  pnisipie    vous 
«  n'ignorez  |»as  (pi'une  multilu.ie  iimombra- 
«  ble  de  litjéles,   (]ui   ont  éie  justifiés  par  la 
«  même  foi  (pii  a  justifie;  rioti-e  père  Abra- 
"  hfun,  ont  marché  par  cette  voie,   el   repo- 
*  seul  maiiiten.intdans  le  sein  de  ce  père  «les 
«  croyants;  et  qu'au  conliaire   l'incrédulité 
«  rend  pénible,   rude  t-i  cmbarrassép,   relie 


«  par  laifuclle  vous  marchez  :  car,  les  vertus, 
«  qui  sont  si  aisées  ^  pratiquer  lorsqu'on  a  la 
«  foi,  sont  très-dil1iciles  à  acquérir,  et  de- 
«  viennent  en  (piel([ue  sorte  inaccessibles  à 
«  ceux  qui  sont  privt's  de  ce  secours.  » 

«  Comme  le  saint  discourait  ainsi  de  la  re- 
ligion chrétienne,  et  (ju'il  en  établissait  so- 
lidement la  véiité  et  les  maximes,  il  fut  in- 
terrompu par  des  cris  confus  que  poussaient 
à  l'envi  les  Juifs  et  les  païens.  «  Ne  souf- 
«  frez  pas  de  grâce,  seigneur,  disaient-ils  à 
«  l'intendant,  que  cet  homme  p 'rie  davan- 
«  tage,  imposez-lui  silence.  —  Je  lui  permets 
«  au  contraire,  dit  l'intendant,  de  parler  tant 
«  qu'il  voudra;  et  de  plus  jt;  lui  offre  mon 
«  amitié,  s'il  veut  reconnaître  nos  dieux.  » 
A  quoi  Léon  répondit  :  «  Seigneur  inlen- 
«  dant,  si  vous  avez  déjà  oublié  ce  que  je 
«  viens  de  dire,  vous  avez  raison  de  me 
«  jDermetlre  de  parler  encore;  mais  si  vous 
«  vous  en  souvenez,  comment  voulez-vous 
«  que  je  reconnaisse  pour  des  dieux  ce  qui 
«  n'est  rien  ?  »  Ces  dernières  paroles  du 
saint  mirent  l'intendant  si  fort  en  colère, 
qu'il  le  fit  cruelhnnent  fouetter.  Pendant  que 
les  bourreaux  le  déchiraient  impitoyable- 
ment, lintendant  lui  disait  :  «  Ce  n'est  là 
«  qu'un  essai  des  tourments  que  je  vous 
«  prépare  ;  si  vous  voulez  que  je  m'e  i  tienne 
«  a  l'essai,  il  faut  que  vous  adoriez  nos 
«  dieux  et  que  vous  leur  sacrifii  z.  Léon  :  O 
'<  jugelje  veux  bien  vous  redire  encorece  que 
«  je  vous  ai  déjà  dit  tant  de  fois  :  Je  necon- 
«  nais  point  vos  dieux,  et  je  ne  me  résoudrai 
«  jamais  à  leur  sacrifier.  L'intendant  :  Dites 
«  seulement  :  Les  dieux  ont  un  pouvoir  sou- 
«  verain;  et  je  vous  renverrai.  A  vous  dire 
«  vrai,  j'ai  pitié  de  votre  vieillesse.  Léon  : 
«  Oui,  je  consens  de  dire  que  les  dieux  ont 
«  un  pouvoir  souverain  pour  perdre  ceux 
«  qui  croient  en  eux.  Lintendant  :  Qu'on  le 
«  lie  comme  un  furieux  ,  et  qu'on  le  traîne 
«  à  travers  les  pierres  et  les  cailloux  jus- 
«  qu'au  torrent.  Léon  :  Il  m'importe  peu  de 
«  quelle  manière  je  meure  ;  je  ne  puis  que 
«  mourir  content,  puisque  le  ciel  doit  être 
«  ma  récompense.  L'intendant  ■  Obéissez  à 
«  l'édit,  et  dites:  Les  dieux  sont  les  conser- 
«  vateurs  du  monde  ;  ou  bien  je  vous  ferai 
«  mourir  sur-le-champ.  Léon  :  Vous  n'avez 
«  que  des  jiaroles,  venez-en  enfin  aux  ef- 
«  fets.  »  L(!  peuple,  ne  pouvant  nlus  se  con- 
tenir, comiuençail  à  s'émouvoir  :  l'intendant, 
apprélieiidant  que  cela  n'eût  des  suites,  fil, 
pour  satisfaire  le  jieuple,  traîner  le  saint 
martyr  dans  le  lonenl  pour  y  êtie  exécuté. 
Les  bourreaux  le  j)rirent,  l'attachèrent  par  un 
pied,  el  se  mirent  à  le  traîner  sur  les  cail- 
loux dont  la  terre  était  sinnée.  Pendant  cette 
longue  et  pénible  carrière,  le  s'iint  disait  : 
«  Je  vous  rends  grâces.  Père  de  Ji'sus-Christ, 
«  de  ce  (pie  vous  avez  la  bouté  de  me  rejoin- 
«  (Ire  si  promplriuenl  à  votre  s(Mvileur  Paré^ 
«  gorius.  Je  vous  oifr(!  ma  mort  avec  joie,  je 
«  vous  l'ollVe  pour  satisfaire  aux  pécliés  de 
'<  ma  jeunesse.  Je  remets  mon  âme  eiitn^ 
.'  les  mains  de  vos  anges.  Dans  peu  je  serai 
"  \'o\\\'\s  (Ml  liberté  ,  et  ma  destinée  ne  dé- 
"  pondiM  plus  de   l'injusiice  des  méchants» 


1489 


J.EO 


I  r.i) 


uuu 


H  Soyez-ltMir  toiitel'uis  pioiùce,  Seigneur,  ne 
«  vengez  pas  inn  ni  il  sur  ceux  qui  on  soiil 
((  les  ailleurs,  je  ileiiiarule  giîlee  pour  eux. 
•t  Qn'ils  vous  eonnaissent,  Soi>;neur,  |)uurle 
i(  Dieu  (le  l'univors  ;  niais  ([u'ils  (''prouvi-iil 
«  voire  clt5inenco  au  inonienl  où  ils  sor^jul 
«  i^(laii-(''s  de  voire  luniièie  :  accoidcz-inoi 
«  la  grAcotle  soullVir  paticiiinieiit  pour  voire 
«  gloire.  Aineu.  »  Kl  après  avoir  dil  une  s(;- 
coiide  l'ois  amen,  il  expira. 

((  Ou  préei[)ila  le  c  rps  du  saint  du  haul 
d'un  rocher  dans  une  [biulrièr(>  (jui  était  au- 
dessous,  sans  fiu'il  tïll  le  moins  du  monde 
endommagé.  H  l'ut  trouvé  clans  le  foml  de 
cet  abime  aussi  entier  ipie  si  on  l'y  eût  porté 
do'icemt'nt;  il  n'y  paraissait  (]ue  <pielciues 
légèi'es  égratignures  qu'il  s'i'tait  laites  en 
rou'anl  sur  les  pointes  du  rocher.  Ce  fut 
ainsi  ((ue  Léon  mérita  |)lus  d'une  couronne 
pour  avoir  vaincu  le  démon  :  mais  parce 
qu'il  est  juste  (jue  la  mémoire  des  exploits 
lAlorieux  des  saints,  et  les  grAces  dont  le  ciel 
les  favorise,  se  conserve  dans  les  siècles  sui- 
vants. Dieu  a  voulu  que  le  lieu  mémo  où  lo 
corps  de  saint  Léon  fut  précifiité  en  fût  un 
monument  éternel.  Ce  lieu,  avant  ce  lemps- 
là,  éiait  un  précipice  atfreux  dont  la  vue 
seule  éloignait  le  voyageur;  mais  depuis 
qu'il  a  servi  de  tombeau  au  saint,  il  est  de- 
venu entièrement  praticable,  le  terrain  s'est 
allermi,  on  y  peut  marcher  sans  courir  le 
moindre  hasard.  On  se  sent  même  dôiourné 
insensiblement  du  grand  chemin  par  je  ne 
sais  quelle  puissance  inconnue  pour  passer 
jiar  cet  endroit.  Enfin  on  a  vu  un  cnariot 
tiré  par  plusieurs  chevaux  ,  tomber  de  fort 
haul  dans  le  fond  de  cet  abîme,  sans  que  ni 
les  chevaux,  ni  le  chariot,  ni  les  conduc- 
teurs, ni  les  personnes  qui  étaient  dedans 
se  ressentisse-iit  d'une  si  dangereuse  chute. 

«  Le  corps  du  suinl  fut  aussitôt  relevé  par 
les  chrétiens,  qui  ne  pouvaient  assez  admi- 
rer l'éclat  plein  de  majesté,  et  mêlé  toutefois 
d'un  doux  souiire,  qui  sortait  de  son  visage, 
non  plus  que  la  couleur  vive  qui  n'avait 
point  abindonné  le  reste  de  son  corps.  11 
était  seulcme  Tt  couvei  t  d'un  peu  de  pous- 
sière, comme  le  sont  ceux  des  athlètes  au 
sortir  de  l'amphithécltre.  Les  frères  le  lavè- 
rent et  l'ensevelirent  avec  un  grand  soin; 
après  quoi  ils  se  retiré;  eut,  rendant  à  Dieu 
mille  actions  de  grâces  de  ce  (ju'il  avait 
donne  au  bienheureux  martyr  une  si  longue 
et  si  généreuse  persévérance,  et  le  priant  en 
même  temps,  de  les  faiie  jouir  un  jour  du 
môme  bonheu.'.  Puissions-nous  nous  en 
rendre  dignes  !  » 

LÉON  (saint),  reçut  le  martyre  â  Myrc  en 
Lycie  avec  sainte  jTulienne.  Tous  deux  sont 
inscrits  au  Martyroioge  romain  le  18  août. 
Nous  ne  possédons  aucun  document  authini- 
tique  relatif  à  ces  glorieux  combattants  delà 
foi  de  Jésus-Christ. 

LÉON  (saint) ,  confessa  la  foi  de  Jésus- 
Christ  à  Melun,  à  une  époque  et  dans  des 
circonstances  qui  nous  sont  inconnues. 
L'Eglise  fait  sa  lète  le  10  novembre. 

LEON  (saint),  évêque  et  confesseur,  souf- 
frit à  Sens  pour  la  défense  de  la  religion 


chrélit-nne  et  pour  riiDinieiir  de  .•>n  loi.  Nous 
ignorons  les  délails  de  son  ((jinbat.  11  est 
insci  il  au  Martyrcjlo.Ae  romain  le  '22  avril. 

LÉON  m,  dit  \'Is(tttiicii,  dit  aussi  l'/cono- 
claslf  ,  était  originaire  d"lsaur:e.  D'abord 
généial  sous  Anastasi!  II,  il  monta  sur  le 
lron((  im|)érial  en  717.  Dix  ans  a|»rès,  en 
727,  un  volcan  sous-marin  ayant  f;iit  une 
violente  éruption  dans  l'Archipel,  entre  les 
iles  Théra  et  Thérésia  ,  la  mer  y  présenta 
durant  (piel(|U(î  temps  ras[)ect  d'une  vérita- 
ble lempéte  :  des  pierres  furent  lancées  h 
d'(''normes  distances  sur  les  deux  continents 
d'Asie  et  d'Euiope,  et  une  île  nouvelle  sur- 
git tout  à  coup  auprès  de  celle  de  Théra. 
Léon  feignil  de  voir  dans  ce  fait,  assez  ordi- 
naire ce>  endant  dans  l'anli(iuilé,  la  marciue 
de  la  colèr(!  du  ciel  irrité  de  ce  que  les 
chrétiens  adorassent  les  images.  Il  traitait  C(î 
culte  d'idolàlrie.  liescr,  Syrien,  Constantin, 
évé(|ue  de  Nacolie  en  IMir)  gie,  le  soutenaient 
encore  dans  cette  o[)inion.  L'em[)ereur  ayant 
assemblé  le  peuple,  dit  i)ubliquement  que  le 
culte  des  images  était  une  idolâtrie.  Cer- 
main,  patriarche,  lui  résista  énergiquement, 
et,  soutenant  que  de  tous  temps  edesavaicnt 
été  en  honneur  dans  l'Eglise  ,  se  déclara 
j)rôl  à  mourir  pour  la  défense  de  leur  culte. 
Cette  entreprise  de  Léon  contre  les  images 
lui  attira  une  révolte  des  peuples  de  la  (jrèce 
et  desCyclades.  Il  en  demeura  vainqueur,  et 
ce  succès  le  rendi.  plus  audacieux  dans  son 
projet  hérétique.  N'ayant  pu  gagner  le  pa- 
triarche Cerm.iin,  quoiqu'il  employât  [)Our 
cela  menaces  ou  bien  douceur,  il  le  chassa 
de  Constantinople;  il  envoya  dans  le  palais 
épiscopal  des  soldats  qui  frappèrent  à  coups 
de  poings  ce  vénérable  vieillard,  quoique 
âgé  de  près  de  quatre-vingts  ans.  L'empe- 
reur lit  ordonner  Anastase  à  sa  place;  il  fit 
ôter  l'image  de  Jésus-Christ ,  laquelle  était 
placée  depuis  fort  longtemps  à  la  porte  du 
jjalais  nommée  la  pore  d'Airain  et  donnant 
sur  la  place  nommée  Calcopratea  (marché  au 
cuivie).  Il  envoya  pour  l'abattre  un  de  ses 
écuycrs  nommé  Jouin.  Celui-ci,  montant  à 
l'échelle,  frappait  l'image  à  coups  de  hache. 
Les  femmes  s'attroui/èrent,tirèient  l'échelle, 
firent  tomber  Jouin  et  le  tuer  ni  sur  place. 
L'image  n'en  fut  j)as  moins  ôtée  ;  on  mit  à 
sa  place  une  simple  croix  avec  une  inscrip- 
tion qui  relatait  l'enlèvement  de  l'image. 
Quant  aux  femmes  qui  avaient  tué  Jouin,  k 
la  demande  d'Anastase  elles  furent  punies 
du  dernier  supplice.  Léon  persécuta  ensuite 
violemment  les  gens  de  lettres  :  il  ferma  les 
écoles  qui  avaient  subsisté  depuis  le  grand 
Constantin.  Il  brûla  la  belle  bibliothèque 
amassée  pour  ses  prédécesseurs  et  conte- 
nant plus  de  trente  mille  volumes.  Le  bi- 
bliothécaire, nommé  Lœcuménique,  était  un 
homme  distingué,  d'un  mérite  rare;  il  avait 
sous  lui  douze  autres  bibliothécaires.  L'em- 
pereur n'ayant  pu  les  amener  à  son  senti- 
ment touchant  le  culte  des  images,  les 
brûla  tous  avec  le  monument  qui  contenait 
les  livres,  et  cju'il  fit  entourer  de  fascines. 
Le  pape  Grégoire  III,  dès  le  commencement, 
écrivit  à  Léon,  l'exhortant  à  cesser  ses  per- 


14»] 


LEO 


LEO 


un 


gr^^utions,  le  réprimandant  lorteuient,  et  en- 
t  n  il  assembla  à  Rome  un  concile  oi:i  on 
anathématisa  tous  ceu\  qui  ne  resteraient 
pas  d'accord  avec  TEglise  touchant  le  culte 
des  imagt's.  Léon,  furieux,  arma  une  grande 
flotte  qii'il  envova  contre  Tltalie,  mais  elle 
fit  naufrage  da'is  la  mtn-  Adriatique.  Après 
des  luttes  continuelles  contre  l'autorité  du 
pape,  et  n'avant  pas  cessé  de  persécuter  les 
catholi,|ues'et  de  poursuivre  partout  le  culte 
des  images,  Léon  mourut  en  TVl.le  18 juin, 
après  vingt-quatre  ans  de  règne. 

LÉON  IV,  fils  de  Constantin  Copronyme 
et  d'Irène,  fille  d'un  prince  tartare,  monta 
sur  le  trône  de  775  à  780,  épousa  une  autre 
Irène,  la  fameuse  impératrice  de  ce  nom.  H 
montra  d'abord  de  la  piété  et  mit  dans  les 
premiers  sièges  des  métropolitains  pris 
parmi  les  abbés.  Mais  en  780  il  fit  paraître 
son  aversion  pour  les  images.  En  ayant 
trouvé  deux  sous  le  chevet  de  l'impératrice 
Irène,  son  épouse,  il  lui  en  lit  de  grands  re- 
proches, et  lui  dit  :  «  Est-ce  ainsi  que  vous 
gardez  le  serment  que  vous  avez  fait  à  l'em- 
pereur, mon  père,  sur  les  mystères  les  plus 
terribles?  »  Elle  assura  qu'elle  n'avait  point 
vu  ces  images;  toutefois  l'empereur  l'éloigna 
de  lui,  et  n'eut  plus  de  commerce  avec  elle. 
Il  s'informa  d'où  venaient  ces  images,  et 
trouva  qu'elles  avaient  été  apportées  par  le 
papias ,  c'est-à-dire  le  concierge  du  palais, 
et  que  d'autres  grands  officiers  étaient  ses 
complices.  Il  fit  donc  arrêter  le  papias  avec 
Jacques,  protospataire,  ou  premier  écuyer, 
ïhéophane,  Léon  et  Thomas,  chambellans, 
et  quelques  autres  qui  honoraient  les  ima- 
ges. Il  les  fit  tondre,  fouetter  et  mener  hon- 
teusement à  travers  la  ville  dans  la  prison  du 
prétoire.  Théophane  y  mourut,  tous  les  au- 
tres embrassèrent  la  vie  monastique  après  la 
mort  de  l'empereur ,  qui  arriva  quelques 
mois  après.  Car,  comme  il  était  passionné 
pour  les  pierreries,  il  eut  envie  d'une  cou- 
ronne que  l'empereur  Héraclius  avait  mise 
dans  la  grande  église.  Il  la  prit  et  la  porta; 
mais  il  lui  vint  à  la  tète  des  charbons,  et  il 
fut  saisi  d'une  fièvre  violente  dont  il  mou- 
rut le  8  septembre  de  la  même  année  780,  au 
commencement  de  l'indiclion  quatrième, 
après  avoir  régné  cinq  ans.  Il  eut  pour  suc- 
cesseur son  fils  Constantin,  né  l'an  771,  in- 
diction neuvième,  le  U  janvier,  et  couronné 
à  la  prière  du  peuple  h;  jour  de  PAques,  ik 
avril  770.  Ce  jeune  prince  n'ayant  pas  encore 
dix  ans,  l'impéralrico  Irène,  sa  mère,  prit  le 
gouveriiemenl  de  l'empire;  et  connue  elle 
était  catholi(pie,  on  commença  sous  son  rè- 
gm;  h  parler  en  lihcrlé  pour  les  saintes  ima- 
ges, et  il  fut  permis  d'embrasser  la  vi(;  mo- 
nastique. »  (Fleury.  vol.  III,  p.  15V.) 

LÉON  (saint),  chambellan  h  la  cour  de 
J'euipen.'ur  d'Orient,  Léon  IV',  fut  arrêté  [lar 
ordre  de  ce  prince  iconof.lasle,  avec  le  pa- 
pias ou  portier  du  palais,  Théophane,  Tho- 
m.ns,  chambellans  ,  et  ([uelqutis  autres  qui 
h')Morai(!nt  les  images.  L'(Mupereur  l(;s  (it 
toiidnî,  foufiller  el  menei'  honteusement  |)ar 
la  ville  dans  la  prison  du  prétoire.  Théo- 
phane y  mourut ,  tous  les  autres  enibrassô- 


rent  la  vie  monastique  après  la  mort  de 
Léon  IV,  qui  eut  lieu  quekiues  mois  après, 
en  l'an  de  Jésus-Christ  780  [Votj.  Iconoclas- 
tes.) L'Eglise  fait  leur  fête  le  k  décembre. 

LEON  L'ARMÉNIEN,  \'  du  nom  ,  empe- 
reur d'Orient,  fut  proclamé  par  les  troupes 
en  813,  après  la  destitution  de  Michel.  II 
persécuta  violemment  les  catholiques,  en 
voulant  les  contraindre  k  ne  plus  vénérer  les 
saintes  images.  [Voy.  Iconoclastes.  Voij. 
aussi  NicÉPHORE,  patriarche.) 

LÉON  saint),  évèque  de  Rayonne,  apôtre 
des  Basques  et  martyr,  naquit  vers  l'an  856, 
à  Carentan  dans  la  Basse -Normandie.  Il 
était  peut-être  évoque  régionnaire  quand  il 
partit  avec  Gervais  et  Eîeuthère,  ses  frères, 
î)Our  prêcher  l'Evangile  à  Rayonne  et  dans 
le  pays  de  Labour,  qu'habitaient  les  Rasques, 
mais  il  est  sûr  qu'il  ne  fut  jamais  archevê- 
que de  Rouen  comme  plusieurs  auteurs  l'ont 
prétendu.  Ces  contrées,  où  notre  saint  vou- 
lait prêcher  l'Evangile,  avaient  été  chrétien- 
nes dès  le  commencement  de  l'Eglise,  mais 
les  Sarrasins  avaient  fait  disparaître  toutes 
les  traces  de  leur  foi  primitive.  Léon  arriva 
donc  dans  ce  pays  vers  l'an  900  :  il  y  répan- 
dit la  lumière  de  l'Evangile,  y  fonda  ime 
église  sous  l'invocation  de  la  Mère  de  Dieu. 
Ses  travaux  apostoliques  avaient  été  couron- 
nés di  succès,  et  il  espérait  étendre  encore 
davantage  les  conquêtes  de  la  foi,  quand  il 
fut  martyrisé,  avec  son  frère  Gervais,  par 
des  pirates  qui  avaient  fait  une  descente  sur 
la  côte.  Rayonne  conserve  précieusement 
les  reliques  de  notre  saint  dans  sa  cathé- 
drale, et  l'honore  ccnume  le  patron  du  dio- 
cèse. L'Eglise  fait  la  fête  de  saint  Léon  le 
1"  mars. 

LÉON,  ville  d'Espagne,  célèbre  i^ar  le 
martyre  des  trois  frères  Claude,  Luperque 
et  Victoire,  sous  les  empereurs  Dioclétien  et 
Maximien. 

LÉON  TACUENDOMI  CUNIÉMON(le  bien- 
heureux), fut  martyrisé  au  Japon,  en  1(513, 
dans  le  royaume  d'Arima,  avec  son  fils  Paul, 
Agé  (le  27  ans,  Léon  Faiuxida  Luguyémon, 
Marthe  sa  femme,  Adrien  Tacafaliiiiundo  , 
Jeanne  sa  femme,  sa  fille  Marie-Madeleine, 
vierge  vouée  au  Seigneur,  et  Jacques  son 
fils.  Agé  de  12  ans.  Tous  furent  condamnés, 
au  supplice  du  feu.  Tandis  que  l'on  faisait 
les  derniers  préparatifs,  noire  bienheureux 
monta  sur  l'échafaiid,  el,  s'adressant  h  la 
foul(!,  après  avoir  obtenu  silence  de  la  main, 
il  j)arla  en  ces  termes  :  «  Mes  frères,  voyez 
(piel  courage  la  foi  peut  donner  îi  de  faibles 
créatures  :  ces  ap[)rêts  terribles  d'un  snp- 
])lice  etfniyable,  vous  le  voyez  bien,  loin  de 
nous  tci'riiier,  nous  remplissent  de  joie.  Au 
milieu  dos  fiammes,  je  l'espère,  Dieu  aidant, 
cette  joie  augmentera  encore.  <Ve>l  aux  infi- 
dèles maintenant  à  voir  quelle  est  la  grati- 
d(;ur,  (pielle  est  rexcellciice  d'uno  religion 
([ui  peut  i»ro(luire  de  si  grandes  choses,  éle- 
ver si  piiissaunuenl  la  nature  au-dessus 
d'elle-mênu'.Ouanl  à  vous,  mes  chers  frères' 
en  Dieu,  ne  soyez  point  ellVayés  en  voyant 
ces  brasiers;  plus  ils  st^ronf  ardents,  plus  no- 
tre  vicloiro  sera  grande  el  prompte.  Quel- 


U05 


LEO 


LEO 


!«l 


ques  souffrances  b  subir  ront  nous  procu- 
l'er  une  couronne  de  gloire  et  des  trésors  de 
boiilieur  (jui  dureront  lYtoiiiité  !  »  La  foule 
lit  entendre  un  immense  aii|)lau(!iss('in('nt. 
Le  fV(''missement  (|ui  l'agitait  empôclia  lo 
saint  martyr  de  continuer  ;  il  descendit  et 
«lia  se  placer  au  poteau  au(iu(>l  il  (hîvaitôtre 
allnché.  Il  y  fut  lié,  et  bienh^t  ils  montèrent 
tous  au  ciel  chercher  la  palme  du  martyre. 
LÉONCIi,  homme  consulaire,  était  magis- 
tral ou  gouverneur  de  la  Toscane  sous  Tra- 
jan.  Les  Actes  de  saint  Césaire,  martyrisé  h 
Terraccine,  et  ceux  de  saint  Hyacinthe,  mar- 
tyrisé h  Porto,  le  citent,  ainsi  (pie  Luxurius, 
comme  ayant  été  i)ersécuteur  et  juge  des 
saints  dont  ils  font  mention.  {Voy.  Césaire, 
diH(M'e.) 

LÉONCE  (saint),  martyr,  eut  le  glorieux 
privilège  de  donner  sa  vie  pf)ur  la  défense 
do  la  religion.  Ce  fut  h  Alexandrie  qu'il  con- 
fessa Jésus-Christ  et  sous  l'empereur  Maxi- 
min.  Il  eul  pour  compagnons  df^sa  gloire  les 
saints  Hiéronide,  Sérapion,  Sclèsc,  Valérien 
et  Straton.  Ils  furent  jetés  à  la  mer.  L'E- 
glise fait  collectivement  \eut  mémoire  le  12 
soplemhre. 

LÉONCE  (saint),  frère  des  saints  Côme  et 
Dnmion,  fut  martyrisé  avec  eux  en  303,  sous 
l'empire  de  Diocléfien.  Sa  fête  arrive  llvec  la 
leur  le  27  sejitembre.  (Voy.  Come.) 

LÉONCE  (saint),  était  laboureur,  il  habi- 
tait la  Pamphylie,  du  t(;mps  de  l'empereur 
Diocléfien.  U  fut  arrêté  avec  huit  autres 
laboureurs  comme  lui,  parmi  lesquels  saint 
Alte  et  saint  Alexandre,  par  ordre  du  prési- 
dent Flavien  qui  les  fit  décapiter.  L'Eglise 
honore  leur  mémoire  le  1"  août. 

LÉONCE  (saint),  martyr,  l'un  des  quarante 
martyrs  de  Sébaste,  sous  Licinius.  {Voy. 
Martyrs  de  Sébaste.) 

LÉONCE  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
pour  la  foi,  vers  l'an  484,  pendant  la  persé- 
cution que  Hunéric ,  roi  des  Vandales,  fit 
subir  aux  catholiques.  Il  mourut  après  avoir 
lassé  ses  bourreaux.  L'Eglise  fête  sa  mé- 
moire le  6  décembre. 

LÉONCE  (saint),  martyr,  souffrit  pour  la 
foi  à  Nicopolis  en  Arménie,  avec  les  saints 
Maurice,  Daniel  et  d'autres  qui  nous  sont 
inconnus.  Ils  furent  d'abord  torturés  de  plu- 
sieurs manières,  sous  l'empereur  Licinius 
et  le  président  Lysias ,  et  achevèrent  leur 
martyre  dans  le  feu  où  ils  furent  jetés.  L'E- 
glise célèbre  leur  mémoire  le  10  juillet. 
^  LÉONCE  (saint),  fut  martyrisé  pour  Jésus- 
Christ,  avec  les  saints  Eusèbe  ,  Longin  et 
quatre  autres  dont  nous  ignorons  les  noms. 
Le  lieu,  la  date  et  les  différentes  circons- 
tances de  leur  martyre  sont  inconnus. 
Après  avoir  été  cruellement  tourmentés,  ils 
périrent  par  le  glaive  durant  la  persécution 
de  Dioclétien.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le 
24  avril 

LÉONCE  (saint),  archiprètredeVanaut,  du 
village  d'Itcavank,  souffrit  le  martyre  sous 
le  règne  d'Hazguerd,  roi  de  Perse,  qui  vou- 
lait forcer  l'Arménie,  dont  notre  saint  et  ses 
compagnons  faisaient  partie,  à  embrasser  la 
loi  de  Zoroasire.  Les  compagnons  du  mar- 


tyre de  Léonce  furent  Sahag,    véque  de  Rf- 
chdounick  ;  Joseph  ,   f»alriarche  de    Vaïolz- 
tznr,  et  du    village  d'Holotzmanz  ;  Mouche, 
prêtre  de  Hal|)age  ;  Atrlien,  prêtre   d.'  Pak- 
révant,(hi  village;  d'Lléheg  ;  Katchatch,  dia- 
cre du  pays  de  Kichdounick,  et  le  bienheu- 
reux chef  mage,  de  la  ville  de  Niuchabouh. 
Excité  par  l(>s  mages  (;t  par  son  pi-emier  mi- 
nistre, nonmié  Mihir-Nerséh,  llazguerd  en- 
voya   Tenchabouch    pour  faire   niouiir  ces 
saints  pi-êtres,  (pii  étaient  renfermés  dans  la 
ville^  forte  de  Niuchabouh,  sous  la  garde  du 
ch(d'  des  mages,  en  môme  temps  gouverneur 
civil  du  i)ays  d'Abar.  Ce  mage,  voyant  nos 
saints  demeurer  fermes  dans  leur  foi,  les 
maltraita  beaucoup  et  les  lit  renfermer  dans 
un  noir  et  humide  cachot,  où  deux  gamelles 
de  soupe  é{)aisso  et  une  cruche  d'eau  com- 
posaient tous  leurs  aliments.  Etonnés  de  les 
voir  joyeux  et  bien  [)ortants,   malgré  leurs 
souffrances  et  la  mauvaise  noufriturc  qu'il 
leur  ftiisait  donner,  le  mage  gouverneur  vint 
une  nuit  rôder  autour  du  cachot,  soupç*>n- 
nant  ({ue  quelqu'un  de  ses  serviteurs  portait 
des  aliments  aux  prisonniers.  Il  s'approcha 
du  soupirail  de  la  prison,  et  fut  témoin  d'un 
prodige   étrange  :    chacun  des   prisonniers 
brillait  d'un  éclat  merveilleux  au  milieu  de 
l'obscurité  de  la  nuit.  Il  fut  si  épouvanté  de 
ce  prodige  que  bientôt  il  ri^nonça  aux  erreurs 
du  magisme   et  se  fit  instruire  par  ses  pri- 
sonniers   dans    la   religion    des^  chrétiens. 
Quand  Tenchabouh  arriva  pour  exécuter  les 
ordres  sanguinaires   d'Hazguerd,  il  ne  fut 
pas  peu  étonné  de  trouver  le  mage  assis  au 
milieu  des  prisonniers,  écoutant  leurs  dis- 
cours et   les  excitant  à  braver  la  mort.  Il 
avertit  le  roi  de  ce  qui  se  passait  ;  celui-ci 
lui  défendit  de  punir  publiquement  ce  mage, 
à  cause  du  tort  qui  en  résulterait  pour  la  re- 
ligion de  Zoroastre,  mais  il  lui  ordonna  de 
l'envoyer  en  exil  dans  un  pays  lointain,  au 
nord  de  Khorassan,  où  il  reçut  la  palme  du 
martyre.  Après  avoir  terminé  cette  affaire, 
îe  ministre  dos  cruautés  d'Hazguerd  fit,   la 
même  nuit,  transporter  les  prêtres  armé- 
niens dans  un  endroit  écarté  du  désert.  Ar- 
rivés au  lieu  de  l'exécution,  on  leur  lia  les 
pieds  et  les  mains,  et  ils  furent  traînés  d'a- 
bord sur  un  sol  rocailleux  et  rempli  d'as- 
périt  's.  Ensuite,  Tenchabouh  ayant  vaine- 
ment essayé  de  les  faire  renoncer  à  leur  foi, 
ils  furent  décapités,  le  30  juillet  454 ,  dans 
le  grand  désert  du  pays  d'Abar,  .au  départe- 
ment do  la  ville  royale  de  Niuchabouh. 

LÉONID^i  (saint),  père  d'Origène,  fut  mis 
à  mort  à  Alexandrie,  sous  l'empire  de  Sé- 
vère ,  vers  l'an  202.  «  L'empereur  Sévère 
ayant  excité  une  persécution  contre  l'E- 
glise, il  se  trouva  dans  toutes  les  [)rovinces 
de  généreux  athlètes  de  Jésus-Christ,  qui 
combattirent  en  faveur  de  la  religion,  jus- 
qu'à répandre  tout  leur  sang  pour  sa  défense. 
Mais  ce  fut  principalement  à  Alexandrie 
qu'on  en  vit  couler  avec  abondance  ;  et  cette 
grande  ville  fut  comme  un  vaste  théâtre,  où 
les  plus  braves  combattants  de  l'Egypte  et 
de  la  Thébaïde  so  signalèrent  ;  Dieu  prési- 
dant à  ces  combats,  et  di-tribuant  des  cou  - 


im 


LEO 


LES 


149G 


rounes  à  tous  ceux  qui  pour  sa  gloire  per- 
daient la  vie  au  milieu  des  tourments. 
Parmi  CC'^  saints  martyrs,  on  remar(]ue  Léo- 
nide,  père  d'Origène,'  qui,  ayant  eu  la  tôto 
coupée,  laissa  son  lils  eu  bas  âge.  »  (Eu- 
sèbe.) 

Le  jeune  homme  allait  ti'ouver  son  père  en 
prison,  etrexhoil;iit  à  subir  coura  ;eusement 
le  martyre.  «N'allez  pas,  lui  disait-il,  chan- 
ger à  c  use  de  nous.  »  Après  qu'il  eut  été  dé- 
eapité.  on  confisq  la  ses  biens,  ce  qui  réduisit 
sa  famille  à  la  plus  conifdète  indigence.  Mais 
son  lils  avait  un  de  C(>s  héritages  qui  mettent 
celui  (jui  le  possède  au-dessus  des  plus  riches 
de  ce  monde,  des  plus  puissants  et  dos  plus 
considérés.  11  avait  le  génie,  ce  feu  sacré 
dont  il  tombe  si  rarement  des  étincelles  ici- 
bas,  et  qui  illumine  de  siècle  en  siècle  cer- 
tains fronts  [)rivilégiés.Ori  gène  fut  de  ces  bien- 
heureux. Suidas  prétend  que  saint  Léonide 
fut  honoré  du  caractère  épiscopal  ;  doin  Vin- 
cent ielaKueappuie  cetieopinionen  l'étayant 
de  l'autorité  de  deux  copies  du  Catalogue  des 
hommes  illustres  de  saint  Jérôme  ,  que  pos- 
sède la  bibliothèque  du  Vatican.  L'E^-^lise 
fait  la  fi^te  de  saint  Lî'-onide  le  22  avril. 

LÉONIDE  (saint),  obtint  la  palme  du  mar- 
tyre dans  la  Tliébaide,  sous  le  règne  de  l'em- 
pereur Dioctétien.  Il  eut  plus.euis  compa- 
gnons, mais  ils  nou<  sont  comj^lélem  nt  in- 
connus. L'Eglise  fiit  leur  fête  le  28  janvier. 

LÉONIDE  (saint),  martyr,  cueillit  la  [lalme 
du  martyre  avec  les  saints  Diomède,  Julien, 
Philippe,  Eutychien,  Hésique,  Philadelplie, 
Ménalipne  et  Pantagape.  Ils  accomplirent 
leur  martyre,  les  uns  par  le  feu,  les  auires 

Ear  le  glaive  ou  sur  la  croix.  L'Eglise  célè- 
re  leur  fêle  le  2  septembre. 

LÉONIDE  (saint),  souffrit  le  martyre  avec 
saint  Kleuthère.  On  ignore  le  lieu,  la  date  et 
les  circonstances  particulières  de  leurs  souf- 
frances. C'est  le  8  août  tiue  l'Eglise  honore 
la  samte  mémoire  de  ces  combattants  de  la 
foi. 

LÉONIDE  (sainte),  souffrit  les  plus  cruels 
tourments  pour  la  défense  de  la  foi,  h  Pal- 
myre  en  Syrie.  Elle  out  pt)ur  compagnes  de 
son  martyre,  les  siintes  Libye,  sa  sœur,  et 
Eutropie,  jeune  (ille  de  douze  ans.  On  n'a 
point  de  détails  sur  l'éfjoque  et  les  circons- 
tances de  leur  combat.  L'Eglise  les  honore 
collectivement  le  15  juin. 

LÉONISSA  (JosKPiL  Di:),  na(]uit  en  15oG  à 
Léonissa,  [)etite  ville  située  dans  l'Etat  ec- 
clésiasli<jue,  près  dOtticoli.  A  dix-huit  ans, 
il  entra  dans  le  couvent  (|u'y  possédaient  les 
ca[)ucins  et  rempla(;a  son  nom  d'Eufranius 
par  celui  de  Joseph.  Il  y  devint  le  modèle 
de  tous  les  religieux  par  sa  patience,  sa 
chasteté,  sa  doucc'ur,  son  obéissance  et  sa 
parfaite  humilité.  Trois  fois  dans  la  se- 
maine, sa  nourriture  était  du  i)ain  et  (h; 
l'eau  ;  des  planch(!S  lui  servaiinit  d(!  lit  dont 
le  chevet  était  un  tronc  d'arbre.  L'année 
1587,  ses  sn|)érieurs  l'envoyèrent  en  mis- 
sion dans  la  Turquie,  afin  d'instruire  les 
chiéti(;ris  de  l'éia,  i'aul)Ouig  d(i  Constantino- 
j^le.  Sur  ces  enlrelaili;s,  la  jKiste  ayant  t'ait 
des  ravages,   il   se  dévoua  enlièroinonl  au 


service  des  galériens,  et  bientôt  fut  atteint 
lui-même  de  ce  redoutable  fléau.  Mais  Dieu 
(jui  savait  combien  les  malheureux  en  avaient 
besoin  ne  lania  pas  h  lui  rendre  la  santé. 
Il  iTOtita  de  ce  bienfait  pour  travailler  à  la 
conversion  de  plusieurs  .ii)ostats,  et  en  ra- 
mena un  entre  autres  qui  était  pacha.  Les 
disciples  de  Mahomet,  furieux  de  la  sainte 
hardiesse  de  Léonissa,  le  mirent  deux  fois 
en  prison  et  le  condamnèrent  h  mort.  Il  fut 
attaché  à  un  gibet  avec  des  crochets  de  fer  qui 
lui  perçaient  la  main  et  le  pied  droits,  et  un  feu 
étoutfé  lut  allumé  au-dessous  de  lui  alin  de 
le  suffoquer;  pendant  trois  jours,  souteiui 
par  le  secours  de  Dieu,  il  supporta  ce  cruel 
supplice  et  fut  alors  détaché  du  gibet.  Le 
sultan  ayant  commué  la  première  peine  en 
exil,  notre  saint  s'embarqua  bientôt,  prit 
terre  à  Venise,  et  arriva  à  son  couvent  après 
deux  années  d'absence.  De  retour  dans  son 
pays,  il  continua  ses  travaux  apostoliques 
avec  beaucoup  d'ardeur,  et  Dieu  les  bénit 
comme  par  le  passé.  Au  déclin  de  sa  vie,  il 
fut  alfligé  d'un  cruel  ulcère  qui  nécessita 
deux  fois  des  opérations  chirurgicales,  sans 
qu'il  poussât  un  seul  soupir.  Il  mourut  le 
4  févriei' 1612,  connue  il  l'avait  prédit.  Après 
sa  mort,  son  visage,  fatigué  par  les  austéri- 
tés et  les  mortifications,  devint  d'une  beauté 
merveilleuse.  Le  p  ipe  Clément  XIII  le  béa- 
titia  en  1737,  et  il  fut  canonisé,  en  174.6,  par 
Benoît  XIV. 

LÉONIIA,  aujourd'hui  Lentz ,  ville  du 
pays  des  S  aves  (N'and/iles  occidentaux  d'au- 
trefois), où.  Godescalc,  prince  vandale  qui 
avait  converti  une  partie  de  la  nation,  tut 
mis  à  mon  par  les  païens. 

LÉOPARD  (saint),  était  un  des  officiers  de 
Julien  l'Apostat.  Il  eut  la  tête  tranchée  à 
Rome,  et  oans  la  suite  son  corps  a  été  trans- 
por;é  à  Aix-la-Chapelle.  L'Eglise  honore  sa 
sainte  et  glorieuse  mémoire  le  30  septem- 
bre. 

LÉOVIGILDE  (saint),  fut  martyrisé  à  Cor- 
doue,  par  les  Arabes,  avec  saint  Christophe. 
Ayant  été  emprisonnés  pour  la  défense  de 
la  foi  chrétienne,  ils  furent  décapités  et  brû- 
lés ensuite.  C'est  ainsi  qu'ils  reçurent  la 
couronne:  du  martyre.  L'Eglise  célèbre  leur 
sainte  mémoire  le  '10  août. 

LÉPIDE,  assesseur  dcPolémon,  mngistrat 
et  })rêtre  des  idoles  à  Sinyrne.  On  le  voit 
ligurer  dans  l'un  des  inli-rrogatoires  que 
saint  Pione  et  ses  compagnons  suninml 
avant  d'être  condanniés  h  mort  par  le  pro- 
consul Julius  IM'ociilus  0"intilianus,  sous  le 
règne  etdura!it  la  persécution  de  l'empereur 
Dèce.  [Voi/.  Piom;.) 

LESSIHIN,  prince  de  la  maison  impériale 
des  Tartares  Mantchoux,  était  le  sixième  lils 
du  régulo  Sounou,  qui  sei'vait  à  la  cour  de 
Pékin.  IMusiiurs  de  ses  frères  s'étaient  con- 
vertis au  christianisme  et  a\ai(Mit  été  bapti- 
sé;-;. Son  père,  (pii  les  avait  (liasses  de  sa 
présence,  fondait  sur  lui  désormais  l'e.spoir 
(1(!  sa  famille.  Lessiliin  éiail  l'homme  d(>  la 
(  our  le  plus  instruit  'ans  les  langues  lartare 
et  cliiiKtise,  cl  le  plus  reiiianiuabh»  par  la 
be.iiili''  de  son  espiil.   Successivement  l'em- 


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LLS 


LbZ 


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pereur  Kaiig-Hi,  jiislc  appréciateur  du  vrai 
mt^rito,  l'avait  |)r()mu  h  ciiKi  ou  siv  emplois 
considi'iahk's  ,  de  soi  le  quo  tout  le  inoiido 
admirait  la  ^ra'xh'ur,  in  supi'rioriti'  tir  ,^('■lue 
({u'il  l';illail  pour  suf.iro  ^  tant  d'occupa- 
tions. Mais  Lc^siliiu  avait  conçu  le  d  sseiti 
d'cuibrassor  le  cluistianisme,  et  s'instruisait 
en  secret  ne  lous  ses  do^nuss.  Il  discutait 
mémo  avec  les  adversaires  de  la  leli^iou 
chrtMiennc,  et  toujoui's  diî  mainère  h  les  con- 
foidre.  Ce  fut  dai  s  c's  dis|)ositions  d'esprit 
(lu'il  perdit  son  lils  uiii(ine  Ai^é  de  deu\  a'is. 
Cette  mort  im|)iévui',  (pii  le  frappait  dans 
ses  espéi-auces  les  plus  chères,  ébranla  son 
courajj;e,  obscurcit  son  iidelliyence.  Dans  la 
force  de  sa  douleur,  son  Ame,  noyée  sous 
les  larmes,  ne  raisonnait  plus.  11  se  prit  <\ 
murmurer  contre  Dieu  :  «  Où  donc  est  sa 
justice,  disait-il?  11  donne  aux  mécliants 
toute  la  prosi)érilé,  et  pour  ceux  ipii  l'ai- 
ment, il  garde  ces  infortunes  (pii  abreuvent 
l'existence  de  larmes  et  la  i'em[)lisse'it  d'a- 
mertume. Les  ennemis  de  son  nom  vont 
insulter  h  ma  disgiâce  :  ils  diront  dans  leur 
joie  dérisoire  :  «  Apj)rends-nous  donc  com- 
ment ton  Dieu  leprotege  etce  qu'il  a  l'ait  pour 
toi  ?  »  Le  P.  Parennin,  devant  qui  s'exhalait 
cette  douleur,  lui  dén\ontra  que  Dieu  n'é- 
tait responsable  à  persoiuie  de  sa  conduite  ; 
qu'il  avait  l'éternité  pour  réparer  l'injustice 
apparente  du  temps,  et  que  souventd'ailleurs, 
pour  nous,  qui  ne  savons  sonder  ni  la  plu- 
part des  elfets  et  des  causes,  les  coups  les 
plus  rigoureux  émanent  de  sa  miséricorde  à 
notre  égard.  Lessihin  avoua  qu'en  elfet  il 
aurait  eu  de  la  peine  <i  se  faire  chrétien 
avec  ses  cra[)lois  et  ses  dignités,  avec  l'assi- 
duité qui  ne  lui  laissait  presque  pas  de  mo- 
ments de  libres.  11  convenait  que  les  gran- 
deurs sont  un  écueil,  elle  bonheur  un  oreil- 
ler sur  lequel  s'endort  la  vigilance  de  l'âme. 
L'empereur  lui  fit  bientôt  voir  combien  il  est 
difticile  de  servir  deux  maîtres  à  la  fois.  Ce 
prince,  mécontent  de  son  frère,  le  neuvième 
ogo,  le  cùiid.imnaà  rendrede  grosses  sommes 
d'argent  qu'il  lui  reprochait  d'avoir  mal  ac- 
({uises  sous  le  règne  de  son  père,  et  à  partir 
ensuite  pour  l'armée.  11  chargea  le  prince 
Lessihin  d"e;i  poursuivre  le  remboursement. 
Vayo  ne  se  pri^ssait  ni  de  payer,  ni  de  [(artir, 
prétextant  qu'il  fallait  da  temps  pour  amas- 
ser tant  d'argent,  et  que  du  reste  il  était 
malade.  L'empereur  atlrihua  ces  lenteurs  à 
Lessihin,  et  lui  reprocha  d'y  mettre  de  la 
mollesse  ;  il  finit  par  lui  ordonner  de  le 
suivre  à  la  guerre.  Avant  de  partir,  ce  prince 
crut  devoir  prendre  congé  de  l'empereur.  Il 
alla  donc  au  palais  où  il  fut  très-mal  accueilli, 
et  reçut  l'ordre  soc  et  bref  de  partir  le  len- 
dema'in.  Cet  ordre  tomb.i  connue  un  coup  de 
foudre  au  milieu  de  ses  dernières  illusions  et 
les  détruisit.  Tous  les  liens  qui  l'attachaient 
encore  aux  choses  terrestres,  gloire  et  puis- 
sance, honneurs  et  richesses,  tout  fut  dé- 
truit. Arrivé  à  Siuim  lieu  situé  à  400  lieues 
de  Pékin),  avec  son  frère  Jo.>«eph,  il  acheva 
de  s'instruire  et  fut  baptisé  le  jour  de  Noël, 
par  le  jésuite  Jean  Mouram,  qui  avait  suivi 
le  neuvième  ago.  Il  prit  au  baptême  le  nom 


de  Louis.  Ils  écrivirent  h  leurs  faioilles  pour 
les  exhorter  à  se  faire  insiruir(^  et  i)aptiser. 
Les  princesses  leurs  épouses,  (jne  leur' belle- 
S(eur  .Mari(;  avait  déjà  instruites  et  (pli  n'at- 
tendaient (pie  la  permission  de  h'urs  maris, 
(Ml  usèrent  [)our  se  faire  b  tptiscr  iiiunédiat(!- 
iiU'iil.  Toute  la  famille  de  Sounou  a\;int  été 
bannie  par  remper(mr  Yoig-Clùng.  en  il'Iï, 
h  Veou-()u('',  le  prince  Lessihin  all.i  l'y  re- 
joiMdr(;.  (P(jur  c(î  (pii  con(,'erne  l<fs  détails  et 
la  lin  d(;  c(!  glori(;ux  exil,  v<)7j.  les  articles 
Soi  ivoL)  et  (]iiim:.). 

LJVIUS,  gouverneur  d'Alexandrie  en  202, 
sous  remj)ire  de  Sévère,  p(irséciita  violem- 
ment les  chrétiens,  en  vertu  de  l'édit  (jue  ce 
prince  venait  de  rendre  contre  eux.  Les  plus 
lemarquables  il'entre  c(iux  ipji  donnèrent 
alors  leur  vie  pour  la  foi  fiucnt,  i\  Alexan- 
drie, saint  Léonide,  père  d'Origène,  saint 
Plutarque,  saint  Sérénns,  saint  Héraclide, 
saint  Héron,  un  autre  Sérénus,  une  femme 
nommée  Héraïde,  un  soldat  nommé  Hasilide, 
et  plusieurs  autres.  On  voit  i)ar  les  Actes  de 
saint  Léonide  que  le  gouverneur  Létus  no 
se  contentait  pas  de  condamner  à  mort  les 
saints,  il  confisquait  leurs  biens  ,  ruinant 
ainsi  leurs  familles.  Ainsi  arriva-t-il  pour 
Oiigène. 

LLUCE  (saint),  martyr,  eut  la  gloire  de 
mourir  i)our  Jésus-Christ  en  Bithynie,  sous 
l'emp  re  de  Dèce,  avec  saint  Callinique  et 
saint  Thyrse.  Nous  ne  savons  rien  de  positif 
sur  ces  trois  saints  ;  ce  qu'on  en  raconte 
comme  détails  n'a  aucun  caractère  d'authen- 
ticité; mais  de  tout  temps  ils  ont  été  en 
très-grande  vénération  dans  l'Eglise,  qui 
célèbre  leur  fiMe  le  28  janvier.  Saint  Thyrse 
et  saint  Callinique  eurent  la  tête  tranchée  ; 
quant  à  saint  Leuce,  il  expira  comme  on 
cessait  de  le  tourmenter. 

LÉVIGILDE,  roi  des  Goths  d'Espagne,  fit 
mourir  pour  la  foi  catholii^ue  son  fils  Her- 
MÉNiGiLDE.  [Voy.,  pour  les  détails,  l'article 
de  ce  dernier.) 

LEZINIANA  (Alfonse  ou  Mathieu-Alo\- 
zo),  naquit  à  Nava-Del-Re,  bourgade  du 
royaume  d'Espagne.  11  entra  dans  l'ordre  de 
saint  Dominique  à  Ségovie.  Choisi  par  ses 
supérieurs  pour  aller  porter  le  (lambeau  de 
l'Evangile  dans  les  Indes  Orientales,  il  fut 
au  nombre  des  vingt-quatre  missionnaires 
qui  partirent  avec  le  P.  Cil  et  abordèrent 
aux  Philippines  à  la  fin  de  1730.  Deux  ans 
après,  il  |)énéira  dans  le  royaume  de  Ton- 
quin  avec  le  P.  Ponsgrau  ;  le  bonze  Tay-tinh, 
qiw  plus  tard  opéra  si  malheureusement 
pour  lui-même  l'arrestation  du  P.  Gil,  per- 
sécuta nos  deux  missionnaires.  Ayant  porté 
plainte  contre  quelques  chrétiens,  il  fut  en- 
voyé avec  des  soldats  pour  entourer  pendant 
la  nuit  quatre  des  princi,  aux  villages  et 
pour  s'emparer  des  missionnaires  qui  pour- 
raient s'y  trouver;  mais  malgré  qu'il  eût  pris 
beaucou|j  de  précautions  pour  faire  secrète- 
ment cette  expédition,  les  chrétiens  purent 
faire  évader  les  deux  dominicains.  C'était 
en  juillet  1732.  Le  bonze  se  dédommagea  de 
sa  décei)tioa  par  le  pillage.  Cinq  mois  durant, 
le  P.  LezJniaua  se.cacha  pour  laisser  s'élein- 


U99 


LEZ 


LEX 


1500 


dre  l'ardeur  de  ce  prêtre  idolâtre.  Ce  temps 
lui  lut  utile  pour  rétablir  sa  santé  altérée, 
étudier  la  langue  et  les  usages  de  la  contrée 
et  se  préparer  par  la  prière  à  de  nouvelles 
prédications.  Au  commeicoment  de  l'année 
suivante,  il  recommença  à  évangéliser  le 
Tonquin  méridional.  U  vit  pendant  dix  ans 
ses  ctforts  couronnés  de  succès.  Il  forma 
des  catéchistes  (lui  lui  furent  d'une  grande 
utilité  pour  l'instruction  des  indigènes. 
AjH'ès  l'arrestation  du  P.  Gil,  le  P.  Lezi- 
niana  établit  sa  résidence  à  Luc-lhuy.  Près 
de  11  il  y  avait  un  lettré  idolâtre,  qui  ga- 
gnait petitement  sa  vie  h  faire  l'école  aux 
enfants  chrétiens.  Il  venait  parfois  chez  le 
missionnaire  avec  ses  écoliers;  l'appât  du 
gain  porta  cet  homme  à  le  trahir.  Au  mois 
de  novembre  17i3,  le  chef  militaire  du  can- 
ton, sur  la  dénonciation  que  lui  fit  ce  lettré, 
arrêta  le  P.  Leziniana  au  moment  où  il  était 
à  l'autel.  Les  idolâtres  renversèrent  le  calice 
qui  venait  d'être  consacré;  ils  frappèrent  la 
dominicain  d'un  coup  de  sabre  à  la  tête,  et, 
l'ayant  attaché,  le  traînèrent  par  les  cheveux 
jusqu'à  un  village  voisin.  Un  mandarin  lui 
lit  mettre  au  cou  une  cangue  fort  lourde  qui 
le  serrait  étroitement.  Le  chef  militaire 
le  reçut  humainement ,  mais  ne  voulut  rien 
accorder  aux  chrétiens  qui  intercédaient 
pour  lui,  bien  qu'il  eût  accepté  une  forte 
somme  d'argent  qu'ils  lui  donnèrent.  Il  le 
garda  quatorze  jours  et  l'envoya  nuitamment 
dans  la  capitale,  où  il  arriva  le  21  décembre 
avec  le  catéchiste  Quoiii.  Dès  le  30,  il  vit  le 
P.  Gil  qui  allait  être  désormais  le  compa- 
gnon de  ses  souffrances.  11  fut  d'abord  confié 
à  la  garde  du  gouverneur  de  Kescho.  Au 
commencementdel7ii,  il  comparut  plusieurs 
fois  devant  le  tribunal  oii  on  voulut  le  faire 
marcher  sui-  la  croix  ;  mais  il  refusa  éner- 
giqueinent.  Répondant  aux  questions  du 
juge,  il  dit  que  les  chrétiens  adoraient  un 
seul  Dieu,  créateur  du  chl  et  de  la  terre, 
fuyaient  le  vice,  pratiquaient  la  vertu  ;  puis 
il  récita  le  Décalogue,  comme  résumé  de  la 
religion  chrétienne  dans  ses  commande- 
ments. 

Vint  le  tour  du  catéchiste.  On  voulait  sa- 
voir les  noms  de  ceux  chez  qui  le  mission- 
naire avait  logé,  s'il  avait  été  en  relation 
avec  les  rebelles  armés  contre  le  roi;  puis 
enfin  s'il  y  avait  d'autres  missionnaires  h 
Luc-thuy  ou  h  l'entour.  Ce  jeune  homme 
)é))ondll  avec  sagesse  et  prudence;  il  dit 
que  son  maître  fuyait  les  rebelles  ;  que  pour 
lui  il  ne  connaissait  qu'un  prédicateur, 
celui  qu'il  avait  l'honneur  de  servir.  Le 
ju^e  entra  eii  colère  à  celte  réponse  et  lui 
jtromit  la  liberté  s'il  voulait  fouler  la  croix 
aux  pi(!ds.  Il  rejeta  av(;c  horreur  cette  in- 
jonction, |)roteslant  (pi'il  aimait  mieux  mou- 
lii'. 

Le  Tonijuinois  chez  lequel  le  mission- 
ua'iva  habitait  h  Luc-t  niy,  imita  la  même 
réserve  et  la  même  piiidencfî.  lui  lin  de 
compte,  il  ne  fut  condamné  ipi'à  une  amende 
péeinnaire. 

(^n  lit  rentrer  l(!  I'.  J,cziinana,  et  on  voulut 
h  toute  force  savoir  où  il  avait  logé  pendant 


qu'il  prêcTiait  la  foi.  Mais  il  se  borna  à  des 
réponses  générales  :  jamais  les  missionnai- 
res ne  com})roroirent  ceux  qui  les  avaient 
servis.  Il  repoussa  les  reproches  d'impudi- 
cité  qu'on  faisait  aux  chrétiens,  ceux  de 
sortilège  qu'on  lui  adressait.  Peu  après  le 
tribunal  prononça  une  sentence  ainsi  libel- 
lée :  «  Attendu  qu'il  est  constant,  par  suite 
des  procédures  et  informations  qne  Mathieu, 
chef  de  la  religion  chrétienne  depuis  1732 
jusqu'à  l'époque  de  son  arrestation,  s'est 
rendu  très-souvent  au  bourg  nommé  Luc- 
thuy  dans  le  territoire  de  (iiao-thuy,  afin  d'y 
séduire  le  peuple  en  lui  prêchant  sa  religion  ; 
qu'on  a  trouvé  dans  son  domicile  plusieurs 
images  qui  sont  des  signes  de  cette  môme 
religion  interdite  dans  ce  royaume,  ledit 
Mathieu  est  condamné  à  avoir  la  tôle  Iran- 
chée  :  Ignace  Quoùi,  disciple  de  Mathieu  et 
chrétien  comme  lui,  est  condamné  à  garder 
les  éléphants.  Les  images,  meubles  et  autres 
objets  appartenant  à  Mathieu  et  servant  à 
l'exercice  de  sa  religion,  seront  brûlés.  On 
donnera  soixante  pièces  de  monnaie  au  lettré 
Phuongpour  le  récompenser  d'avoir  procuré 
la  prise  de  Mathieu.  » 

Leziniana  s'estima  infiniment  heureux  de 
pouvoir  mourir  pour  la  religion  chrétienne; 
il  en  rendit  grâces  à  Dieu.  Le  30  mai  1744  on 
le  transféra  dans  le  lieu  qui  servait  de  prison 
au  P.  Gil.  Jusque-là  les  deux  saints  avaient 
eu  peu  d'occasions  de  se  voir  ;  mais  on  les 
laissa  ensemble  nuit  et  jour.  Ils  pouvaient 
recevoir  la  visite  des  chrétiens  qui  s'adres- 
saient à  eux  et  célébrer  les  saints  mystères. 
Ce  fut  dans  cette  aimée,  le  19  juillet,  que 
l'oncle  du  roi  désira  avoir  avec  les  mission- 
naires une  conférence.  Un  instant  ils  Crurent 
qu'il  allait  se  convertir;  mais  ce  prince,  fout 
en  convenant  que  sa  religion  était  pleine 
d'absurdités  et  de  faussetés,  déclara  qu'il 
croyait  encore  moins  aux  mystères  d'amour 
de  la  religion  chrétienne.  Les  fléaux  dont  le 
Tonquin  était  frappé  firent  croire  au  roi  qu'il 
y  avait  quehiue  chose  de  surnaturel  dans  ces 
événements  et  (lu'ils  pouvaient  bien  être  une 
])unition  divine.  Imbu  de  cette  idée,  il  or- 
donna qu'on  examinât  de  nouveau  les  procès 
do  tous  les  condamnés,  recommandant  djé- 
largir  immédiatement  les  innocents  et  d'user 
d'indulgence  môme  envers  les  coupables. 
Les  chrétiens  agirent  auprès  des  juges  qui 
cassèrent  la  sentence  prononcée  contre  le 
P.  Leziniana  et  le  condamnèrent  simplement 
à  une  détention  perpétuelle.  La  sentence  du 
P.  (iil,  ainsi  qu'on  j)eut  le  voir  à  son  litre, 
avait  été  maintenue.  Le  roi,  trouvant  deux 
sentences  si  différentes  dans  deux  causes 
s(Mnblables,  l'cfusa  de  donner  sa  signature  et 
renvoya  devant  le  tribunal  suprême  avant 
([lie  cf!  tribunal  eût  pronunc('Mlélinilivement. 
L(i  bruit  s(!  répandit  (pie  l'un  des  dcMix  chré- 
tiens allait  êli'e  mis  à  mort  tandis  ipie  l'autro 
serait  épargné!  Le  secrétaire  du  tribunal 
donna  plus  de  consistance  à  cv.  bruit  on 
disant  aux  chrétiens  de  la  coin-  que  le  len- 
demain l(!  I*.  (îil  allait  C-lre  décapité.  Il  n'a- 
jouta rien  au  sujet  de  Leziniana.  On  vit  alors 
"une  chose  bien  digne  d'être  admirée.  Celui 


«SOI 


LEZ 


LIB 


li'Ui 


«'attendait  à  iiioiuir  manifestait  son  conten- 
tement, l'antre  an  contraire  n'avait  pas  assez 
do  larmes  |)Onr  sa  doulenr.  Le  premier,  ([ni 
recevait  les  télicitationsdn  second,  S((  voyait 
oblii^c  tie  le  consoler.  A  trois  heures  après 
mimiit,  1»^  P.  («il  ayant  célébré  la  sainte 
messe,  le  F.  Le/.iniana  la  célébra  h  son  tour 
pour  le  saint  martyr  qui  allait  marcher  an 
supplice,  et  (jne  les  soldats  vinrent  |>rcndr(î 
à  huit  heures.  Le  P.  Leziniaua,  phnn  d'une 
sainte  envie  pour  son  bonheur,  et  voulant 
an  moins,  s'il  ne  |iouvail  le  partager,  ac(;om- 
pagner  son  coni'rùre  jusqu'à  ses  dei'niers 
instants,  obtint  la  |)ermission  de  le  suivn;. 
lis  marchaient  l'un  près  de  l'autre,  e-itonrés 
et  suivis  d'une  Ibule  innnense  composée  do 
chrétiens  et  d'idolAlres.  Les  derniers  en 
voyant  c(>lui  des  deux  qui  marchait  h  la  mort, 
plein  d'unejoiesi  vive,etcelui  ipii  devait  sur 
vivre  si  douloureusement  atl'ecté,  se  disaient 
entre  eux  :  «  Qu'est-ce  donc  (}ue  ces  hommes 
si  ditïéi'ents  des  autres  :  la  vie  est  le  premier 
des  biens  et  ils  n'ambitionnent  que  la  mort.  » 
Quand  on  fut  arrivé  vis-à-vis  hi  palais,  le 
P.  Leziniana  apprit  que  le  tribunal  venait  d(! 
ratiiier  la  sentence  de  ses  premiers  juges 
en  cassant  celle  des  seconds.  Celui  qui  de- 
vait lui  notifier  l'arrêt  lui  ayant  demandé  s'il 
entendait  la  langue  du  Tonquin,  lui  dit, 
sur  sa  réponse  alïirmative  :  «  Parce  que  tu 
es  venu  d'un  royaume  étranger  pour  î)rôcher 
danscepays  lareligiondes  chrétiens,  le  roi  te 
condamne  à  perdre  aujourd'hui  la  tête. — J'en 
rends  grAcesàDieu,  dit  le  missionnaire. «Lors- 
qu'ils furent  arrivés  sur  le  lieu  du  supplice, 
ils  se  mirent  à  genoux,  prièrent  longtemps, 
et  s'administrèrent  réciproquement  l'absolu- 
tion. La  foule  était  dans  l'admiration  :  chré- 
tiens et  idolâtres,  saisis  de  respect,  montraient 
le  recueillement  le  plus  profond.  Une  vieille 
femme  païenne  était,  non  loin  de  là,  age- 
noudlée  devant  ses  idoles  et,  dans  la  dévote 
simplicité  de  sa  superstition,  elle  les  priait  de 
sauver  la  vie  de  ces  deux  étrangers  qui  ne 
pouvaient  être  des  scélérats  ni  des  criminels, 
a  en  juger  par  leur  air  si  doux  et  si  résigné. 
Les  bourreaux  venaient  de  les  attacher  cha- 
cun à  un  pieu.  Le  magistrat  qui  présidait 
au  supplice  était  debout  à  côté  :  les  bour- 
reaux n'attendaient  que  son  geste  pour  frap- 
per; leurs  sabres  s'abattirent  et  les  deux 
têtes  tombèrent  au  signal  qu'il  donna.  Les 
chrétiens,  faisant  irruption  dans  l'enceinte, 
s'emparèrent,  malgré  les  gardiens,  des  corps 
et  des  vêtements  des  saints  martyrs.  Ils  re- 
cueillirent jusqu'à  la  terre  que  leur  sang  gé- 
néreux avait  imprégnée.  On  remit  les  deux 
têtes  à  un  jésuite  tonquinois  nommé  Pierre 
Xavier,  qui  le  lendemain,  les  envoya  avec  les 
corps  au  bourg  de  Luc-thuy,  où  deux  (iomi- 
nicains,  Louis  de  Spinosa  et  Pie  de  Sainte- 
Croix,  les  enterrèrent  le  26  du  même  mois 
dans  la  maison  qui  leur  avait  servi  successi- 
vement de  demeure.  Bientôt  après  on  les 
transféra  dans  l'Eglise  de  celte  chrétienté. 
Cette  translation  eut  lieu  d'une  façon  très- 
solennelle!  Plusieurs  auguslins,  le  P.  Pons- 
grau,  vicaire  provincial  des  dominicains,  le 
'  P.   Hilaire  de  Jésus,  vicaire  apostolique  du 


Tonquin  et  évêque  de  Corée,  y  assistaient. 
On  V  chanta  le  Te  Deum  en  actions  de  grâces. 
!.  LiBANIUS, était  président  à  Myre  en  Lycie. 
Il  y  lit  maityriser  les  saints  Nicandre,  évêque 
(;t  Hermas,  prêlre.  Nous  ignorons  comj)lé- 
lement  à  (piehe  éporpie. 

LIBELLAI  lOUKS,  (sspèce  d'apostats  dont 
il  est  beaucoup  parlé  dans  saint  (^yprieri  et 
dans  les  auteurs  du  même  temps.  Ce,  fut  la 
pei'sécution  de;  Dèce  qui  les  produisit.  Ils 
existèrent  piincipalenuvit  (>n  Ahicjue.  Ce 
nom  d(!  libellatiqMcs  fut  donné  aux  chré- 
tiens (pii,  ticmblant  devant  la  perséculion, 
se  rendaient  auprès  du  inagisliat  et  obte- 
naient de  lui  à  prix  d'argent  de  n'èlre  pas 
inquiétés.  Ils  donnaient  au  magisli-at,  ou  lé 
magistrat  leur  donnait  un  billet  attestant 
qu'ils  avaient  sacrifié,  bien  (pi'ils  ne  l'eussent 
pas  fait  ;  ce  billet  était  lu  publi{pietnenl  :  le 
scandale  pour  les  fidèles  était  exactement  le 
même  que  si  le  fait  du  sacrifice  eût  été 
consommé.  Pour  les  païens  le  triomphe  était 
le  même.  Certes,  l'ignorance  a  ses  i)riviléges; 
et  la  criminalité  gît  bien  nlus  dans  l'inten- 
tion que  dans  la  matérialité  d'un  acte.  Il 
)eut  très-bien  se  faire  que  les  premiers  libel- 
atiques  fussent  réellement  innocents,  puis- 
qu'ils croyaient  l'être  en  ne  sacrifiant  pas  en 
fait  aux  idoles  ;  mais  bientôt  les  évoques 
fulminèrent  contre  eux,  et  notamment  saint 
Cyprien.  11  fut  hautement  proclamé  par 
l'autorité  é|)iscopale,  que  le  crime  des  libel- 
latiq^ues  était  une  véritable  apostasie.  Cette 
grossière  erreur  des  chrétiens,  qui  croyaient 
leur  conscience  parfaitement  couverle  par 
ce  mensonge,  nous  rappelle  malgr^é  nous  la 
théorie  si  ingénieusement  sotte  des  restric- 
tions mentales.  Beaucoup  encore  l'admet- 
tent de  nos  jours  et  s'y  prélassent  à  mer- 
veille. Vous  ne  voulez  pas  dire  la  vérité, 
eh  bien  1  prenez  un  biais,  mentez  tout  haut 
en  ajoutant  la  véiité  tout  bas  ;  et  vous  n'au- 
rez pas  fait  de  mensonge.  Ou  bien  encore  , 
ri^pondez  ou  parlez  en  termes  qui  prêtent 
à  l'équivoque,  qui  aient  un  double  sens  ; 
le  mensonge  ira  droit  à  la  personne  à  qui 
vous  parlerez,  mais  votre  conscience  à  vous 
se  rattrapera  sur  le  calembourg,  sur  le 
doubh»^  sens. 

LIBËKAT  (saint),  martyr,  était  abbé  d'un 
couvent  de  la  Byzacène,  près  de  Capse. 
Hunéric,  roi  des  Vandales  en  Afrique,  et 
défenseur  de  l'arianisme,  publia,  dans  la 
septième  année  de  son  règne,  des  édits 
con(re  les  catholiques,  leur  ordonnant  de 
détruire  tous  leurs  monastères.  Libérât  et 
ses  six  compagnons,  Boniface, diacre,  Servus 
et  Rusticus,  sous-diacres,  Rogat,  Septime  et 
Maxime,  simples  moines,  reçurent  l'ordre 
de  se  rendre  à  Carthage.  On  leur  fit  de 
magnifiques  promesses  pour  les  engager  à 
renier  leur  religion,  mais  ils  refusèrent  et 
furent  jetés  dans  un  noir  cachot.  Les  fidèles, 
ayant  gagné  les  gardes,  venaient  visiter  les 
saints  prisonniers  pour  écouter  leurs  ins- 
tructions. Hunéric,  informé  oe  ce  qui  se 
passait,  les  fit  resserrer  davantage  et  leur 
lit  subir  de  grandes  tortures.  11  se  décida 
enfin  à  les  faire  brûler  sur  mer.  Ils  se  ren- 


ÎSOÔ 


Lin 


Lie 


1504 


dirent  à  bord  du  bateau  avec  une  grande 
joie  ;  mais  Dieu,  pour  confondre  les  persé- 
cuteurs, ne  permit  pas  que  le  feu  s'allumât. 
Le  tvran,  furieux,  les  lit  assommer  à  coups 
de  rames  et  jeter  ensuite  à  la  mer,  qui  re- 
poussa leurs  cor{)s  au  rivage,  contre  ce  qui 
avait  coutume  d'arriver  sur  cette  ciHe.  Les 
catiioliques  les  enterrèrent  honorablement 
dans  le  monastère  de  Bigue,  près  de  l'église 
de  Saint-Célérin.  On  i)lace  leur  martyre 
en  483. 

LIBÉKAT  ^saint),  martyr,  était  un  médecin 
de  Carlhage,  qui  fut  exilé  avec  safeunne  par 
Hunéric,  roi  des  Vandales.  Avant  leur  exil, 
on  leur  tit  subir  la  prison  et  l'on  s'elforça  de 
les  attirer  vers  Tarianisme  par  la  ruse  et  les 
menaces.  Ce  fut  en  vain.  On  ne  sait  comment 
ils  moururent,  mais  l'Eglise  les  honore 
comme  martyrs.  Ecoutons  ce  qu'en  rapporte 
Victor  :  Libérât  exerçait  la  médecine  à  Car- 
tilage. Il  fut  arrêté  avec  sa  femme  et  on  les 
mit  tous  deux  dans  une  même  i)rison,  mais 
séparés,  en  sorte  qu'ils  ne  se  pouvaient  voir 
ni  se  parler.  Les  ariens,  qui  s'étant  déclarés 
contre  la  vérité  éternelle,  pouvaient  bien 
employer  le  mensonge  pour  soutenir  le 
mensonge,  vinrent  dire  à  la  femme  :  «  Cessez 
d'être  opiniâtre  puisque  votre  mari  a  obéi 
au  commandement  du  roi  et  est  maintenant 
chrétien  comme  nous.  Elle  répondit  :  «  que 
je  le  voie,  et  je  ferai  après  cela  ce  que  Dieu 
m'inspirera.  »  On  la  tira  donc  de  prison  et 
on  la  mena  à  la  place  où  elle  trouva  son 
mari  tout  auprès  du  tribunal,  au  milieu  d'un 
grand  nombre  de  personnes.  Dans  la 
ccovance  qu'elle  avait  que  ce  qu'on  lui  avait 
i-apporté  était  vrai,  elle  se  jeta  sur  lui,  le 
prit  à  la  gorge  et  l'étouffait  presque  en  lui 
disant  :  «  Misérable  et  réprouvé  que  vous 
êtes,  indigne  de  la  grâce  et  de  la  miséricorde 
de  Dieu  !  Quoi  !  pour  un  peu  d'honneur 
temporel,  voulez-vous  périr  éternellement  ? 
De  quoi  vous  serviront  vos  richesses  ?  Cet  or 
et  cet  argent  vous  empêcheront-ils  de  brûler 
dans  le  feu  de  l'enfer?  Elle  ajouta  encore 
d'autres  choses  semblables.  Mais  Libérât  se 
contenta  de  lui  répondre  :  «  D'où  vient  ce 
transport,  ma  femme  ?  Que  vous  ôtes-vous 
donc  persuadé,  ou  (pi'a-t-on  pu  vous  dire 
de  moi  ?  Je  demeure  ferme,  par  la  miséri- 
corde de  Dieu,  dans  la  foi  catholique,  et  rien 
ne  sera  jamais  capab  e  de  me  faire  départir 
de  cette  croyance.  Ainsi  la  fourberie  des 
hérétiques  fut  découverte,  et  ils  n'en  rem- 
portèrent que  là  juste  conl'usiuii  qu'ils 
mé.itaii'nt.  » 

Le  roi  commanda  ensuite  que  Libéral  AU 
mené  en  exil  avec  sa  femme  et  ses  enfants, 
qui  étaient  encore  tout  [)elils.  Mais  Timp  été 
arienne  s'avisa  de  sé()arer  ces  enfants  d'avec 
leurs  [)arents,  alin  d  ébranler  leur  vertu  par 
ces  sentiuients  si  tendr.-s  (jue,  la  naturiî  ins- 
pire aux  pères  pour  hmrs  enfants,  (^el  ordie 
fut  exécuté,  et  comme;  l>ibérat,en  se  voyant 
enlevei'  ceux  (|u'il  aimait  si  tendrement,  était 
près  de  verseï'  des  laruies,  sa  feumu;  les 
arrêta  et  les  lit  sécher  dans  le  même  moment 
sur  le  bord  de  ses  y(mx  par  cette  vive  r(!- 
montr.uKe  :  >•  Voule/.-vous  donc,  mon   cher 


mari,  perdre  votre  âme  par  l'amour  que 
vous  avez  pour  vos  enfants  ?  Ne  pensez  non 
plus  h  eux  (jue  s'ils  n'avaient  jamais  été  au 
monde;  Jésus-l'hrist  en  prendra  soin  comme 
étant  h  lui.  Car  ne  voyez-vous  qu'ils  crient 
de  toute  leur  force  qu'ils  sont  chrétiens  ?  » 
Malgré  leurs  avis  et  leur  résistance,  les 
ariens  les  rebaptisèrent  par  force.  Divers 
martyrologes  mettent  saint  Libérât  et  sa 
femnie  le  23  mars,  ajoutant  qu'ils  soutinrent 
immie  la  mort  ;  ils  leur  joignent  aussi  leurs 
enfants. 

LIBÉRÂT  (saint) ,  martyr,  reçut  la  cou- 
ronne du  martyre,  à  Rome.  Le  Martyroloj;e 
romain  ne  donne  aucun  détail  sur  le  lieu, 
la  date  et  les  circonstances  de  son  combat. 
L'Eglise  fa:l  sa  fête  le  20  décem;.re. 

LIBÉRIEN  (saint),  eut  la  gluire  de  mourir 
pour  la  foi  chrétienne  à  Rome,  sous  l'cnn- 
pire  de  Marc-Aurèle  ,  avec  saint  Justin  et 
les  autres  chrétiens  arrêtés  avec  lui.  Le  pré- 
fet Busticus  les  condamna  tous  à  la  peine 
du  fouet  et  à  la  décapitation.  L'Eglise  célèbre 
leur  fête  à  tous  le  13  avril.  {Voy.  Ji;stin.) 

LICINIUS.  Les  Actes  do  saint  Gélule  nom- 
ment ainsi  celui  qui  le  fit  ai-rèter  avec  saint 
Auiance  son  frère,  saint  Céréal  et  saint  Pri- 
mitif. Licinius  tit  battre  de  verges  les  qua- 
tre saints,  les  lit  torturer  de  diverses  façons, 
les  tint  ensuite  vingt-sept  jours  en  prison, 
et,  voyant  qu'ils  refusaient  de  sacrifier,  les  fit 
décapiter  sur  le  bord  du  Tibre,  à  5  lieues  de 
Borne,  le  10  juin  (sous  le  règne  d'Adrien). 
Voy.  Gétule. 

LICINIUS  (saint),  martyr,  donna  sa  vie 
pour  la  défense  de  la  religion,  avec  ses  com- 
pagnons saints  Carpophore,  Evantho,  Cas- 
sius,  Séverin,  Second.  Ils  furent  décapités  à 
Côme.  Le  Martyrologe  romain  ne  dit  pointa 
quelle  époque.  L'Eglise  célèbre  leur  mé- 
moire le  7  août. 

LICINIUS  (C.  Flavius),  empereur  romain, 
naquit  d^ns  la  Dace,  d'une  famille  de  [)ay- 
sans.  Il  fut  d'abord  simple  soldat  ;  peu  h  peu 
sa  vaillance  et  ses  talenis,  qui  l'avaient  fait 
remarijuer  de  son  compatriote  (lalèie,  le  fi- 
rent monter  en  grades  ;  enfin  Galère  l'associa 
h  remj)ire  en  307.  Il  eut  à  commander  la 
Pannonie,  la  Noii(jue  et  la  Rliéiie.  Connue 
Galère,  il  persécuta  les  chrétiens  jusqu'en 
l'an  311,  époque  à  laquelle  ce  i)i-ince,  frappé 
des  fléaux  de  Dieu,  fil  cesser  la  [)ersécution. 
Quelques-uns  ont  voulu  douter  que  Lici- 
nius eût  persécuté  les  chrétiens  dans  ses 
commeiKunnents.  Il  fallait  ([u'ils  connussent 
bien  mal  Galère  et  ses  exigences  lyrami- 
([ues  à  l'égard  de  ceux  qui  lui  étaient  sou- 
mis, ou  bien  ({ui,  sans  l'être  d  r.  clément, 
lui  avaient,  couune  Licinius,  de  grandes  obli- 
gations. Son  nom  se  trouvait,  erj  311,  sur 
l'édit  de  Galère  qm  mettait  lin  h  la  ]iersécu- 
tion. 

A  la  moit  d(ï  Galère,  Licinius  ajouta  .'i 
ses  Etats,  l'illyrie,  la  Grèc(>  et  la  Thi.ice.  Il 
lit  adiance  avec  Constantin,  ipii,  vu  313,  lui 
donna  (M)  maiiagt^  sa  s(eur  Coiislancie.  Co 
mariag(!  fut  célébré  h  Milan.  De  cette  ville,' 
les  deux  empereurs  datèrent  l'édit  remar-; 
(juable  «lu'ils  promulguèreiil  v\\  faveur  des. 


1505  Lie 

cliri^liens.  Peu  de  temps  après,  Licinius  vain- 
quit Maxiinin  on  iiivocpiant  le  Dieu  des  d\v6- 
ticMS  suivant  ipi'il  lui  avait  vU\  eu  soti;^e, 
coiumaudé  de  le  faire.  Sa  victoire  lui  sou- 
nut  loul  l'Orient,  lui  eidraut  i\  Nicouirdie, 
il  publia  l'i''dild(ï  Milan,  et  (Mii:;aH,t'a  les  chré- 
tiens à  lebAtir  leurs  églises.  Lactauco,  clans 
son  Histoire  de  la  mort  îles  pcrsenitnirs,  ([ni 
vajustpiW  la  tin  de  .'U'î-,  ditcpu»  Licinius  no 
cessa  |)as  ûc  se  montrer  lavorabhi  aux  chré- 
tiens. 8i)zoniéne  va  plus  loin  :  il  prétend  (pu> 
ce  [irince  end)rassa  le  christianisme  ;  il  ajoute 
que  quand  il  se  déclara  enneud  de  Lo.'is- 
tantin,  il  embrassa  le  pay;anisme  ;  Eusèbc 
est  (.lu  méuKï  avis  ;  l'auteur  des  '\ctes  de 
saint  Basilic  dit  la  môme  chose  plus  Ibrmel- 
lement  encore,  [)uis((u'il  prétend  que  Lici- 
nius avait  juré  h  Constantin  de  n'abantlon- 
ner  jamais  le  ciiristianisme.  Le  cardinal  No- 
ris  rejette  l'opinion  et  l'autorité  de  ces  au- 
teurs ;  il  prouve  par  tles  médailles  de  31^i-, 
et  par  d'autres  postéi-ieures,  (lue  Licinius  a 
toujours  été  atlorateur  des  idoh'S.  Les  chré- 
tiens quiétaienléloignésde  sa  cour  pouvaient 
croire  le  contraii'e,  en  voyantlaconduitequ'il 
tenait  à  l'égard  des  dise  pies  de  Jésus-Christ, 
et  surtout  à  cause  delà  manière  dont  il  avait 
vaincu  Maximin.  On  peutvoirparundiscours 
qu'il  lit  à  ses  ollic  ers,  et  que  cite  Eusèbe, 
qu'il  était  à  peu  près  indillerent  au  paganis- 
me et  au  christianisme. 

Licinius  était  donc  un  homme,  hélas! 
comme  tant  d'autres,  mù  |)ar  l'ambition,  par 
l'amour  des  choses  de  la  terre,  mais  vivant 
dans  l'oubli  des  choses  du  ciel.  Ai)rès  qu'il 
eut  été  vaincu  à  Cibahs  par  Constantin,  à  la 
fui  de  SU',  il  changea,  dit  Sozomène.  I!  est 
possible  que  Lic.nius  garda  au  fond  du  cœur 
naine  contre  Constantin  et  contre  les  chré- 
tiens que  ce  f.rince  aimait  ;  néanmoins  la 
bonne  harmonie  fut  app  rente  jusqu'en  317. 
Saint  Jérôme  ne  met  la  persécution  de  Lici- 
nius qu'en  320;  c'est  une  erreur  de  sa  part, 
comme  on  peut  le  voir  a  l'article  saint  Blaisb, 
martyr  et  évèquede  Sébaste.  Licinius  com- 
mença à  persécuter  les  c!  rétiens  dès  l'an  318. 
Insensé  qui, pour  satisfairela  haine  qu'il  gar- 
dait contre  son  beau-frère  Constantin,  s'en 
prenait  au  Dieu  des  chrétiens,  qui  lui  avait 
donné  la  victoire  et  toutes  ses  prospérités. 
Quand  nous  donnons,  au  commencement  de 
la  persécution  de  Licinius,  la  date  de  318, 
c'est  de  la  persécution  sanglante  que  nous 
voulons  parler.  Dès  auparavant  il  avait  com- 
mencé à  persécuter  les  chrétiens,  en  les 
chassant  dw  son  palais,  en  les  éloignant  des 
em|)lois;  il  en  bannit  un  giand  nombre,  et 
réduisit  les  autres  en  esclavage.  Il  fit  une  loi 
qui  défendait  aux  évêques  d'avoir  aucune 
communication  entre  eux,  de  tenir  aucune  as- 
semblée, d'ouvrir  aucun  concile  ou  synode. 
Ne  dirait-on  pas  que  Licinius,  en  cela,  pres- 
sentait et  ouvrait  la  guerre  philosoplnque 
que  de  notre  temps  il  était  réservé  à  l'Eglise 
d'endurer.  Nous  ne  pouvions,  dit  Eusèbe, 
enfreindre  celte  loi ,  sans  être  considérés 
comme  coupables  ;  nous  ne  pouvions  y  obéir 
sans  violer  les  lois  de  l'Eglise.  A  cette  époque 
surtout,  ce  que  dit  Eusèbe  était  vrai  ;  l'Eglise 


Lie 


15UG 


n'avait  pas  encore  ces  règles  certaines,  ces 
décisions  nombreuses  dont  h;  dépôt  est  h 
Home  et  (pu;  cluupie  évètpa;  pcnit  consulter 
pnin-  s'éclaiier.  Alors  toutes  les  dillicultés 
élaiimt  pour  ainsi  dire  nouvelles.  Les  con- 
ciles seuls  pouvaient  les  aplanir.  A  celte 
épo(pi(,',  défendre  les  réunions  des  évè(|ues 
était  donc  mm  tuMimie  insupportable  et  sa- 
crilège. Aujourd'hui  l'Eglise  peut  faire  plus 
de  con(;eî»sions  ^  cet  ('gard,  fiour  les  raisons 
que  nous  venons  de  donner. 

Luinius  lit  une  autre  loi,  qui  défendait 
aux  femmes  de  s'ass(Mnl)ler  avec  les  hom- 
mes })our  l'accomplissement  d.-s  devoirs  re- 
ligieux. Il  leur  était  int(Mdit  de  se  faire  ins- 
truire |)ar  des  hommes.  Il  fallait  (jue  ce  fus- 
sent des  femmes  (pii  leur  enseignassent  la 
religion.  On  se  mo({ua  d'un  (nupereur  qui  se 
faisait  ainsi  le  défenseur  ridicule  de  la  mo- 
rale et  de  la  chasteté,  (juand  il  était  de  noto- 
riété (|ue  lui-même  était  le  plus  dissolu,  le 
plus  débauché  des  hommes.  Non  c  mtent  d'a- 
voir édicté  ces  ordonnances  ri  iicules,  il  en 
lit  u!ie  autie  qui  commandait  ((ue  les  assem- 
blées des  lidèles  se  tinssent  hors  des  villes 
en  plein  air.  La  liberté  et  le  g/ and  air  des 
champs  éta'cnt  choses  plus  saines,  plus  com- 
modes, que  les  oratoires  et  les  églises  dans 
les  Cités,  .\insi  ce  tyran  prenait  aussi  pré- 
texte de  l'hygiène  pour  vexer  les  chrétiens. 
Quand  ces  derniers,  pour  écha[)peraux  dan- 
gers ou  aux  vexations,  s'exilaient  volontaire- 
ment, ou  bien  quand  cette  peine  avait  été 
j)rononcée  contre  eux,  Licinius  s'em[»arait 
de  leurs  biens  pour  lui-même.  Il  mettait 
aussi  la  m  lin  sur  les  propriétés  de  l'Eglise. 
Enfin,  lâchant  ia  bride  à  sa  fureur,  ce  prince 
finit  par  déclarer  guerre  à  outiance  au  chris- 
tianisme ;  il  fit  mourir  les  prêtres  et  les  évê- 
ques. Il  faisait  en  sorte  que  les  gouverneurs 
eussent  l'air  de  faire  mourir  les  chré  iens, 
de  leur  propre  autorité,  et  sans  que  lui-même 
intervint.  Ainsi  la  persécution,  visible  par 
les  effets,  n'était  pas  officiellement  avouée. 
Licinius  pouvait  toujours  répondre  aux  re- 
prochesde  Constantin,  qu'il  n'avait  donnéau- 
cun  ordre,  et  que  ce  qui  avait  lieu  n'arrivait 
que  par  accident  et  du  fait  des  gouverneurs 
des  provinces.  Licinius  avait  projeté  de  faire 
une  persécution  générale  ;  il  en  fut  empê- 
ché par  la  guerre  que  lui  fit  Constantin.  Il 
fut  obligé  de  se  défendre,  et  par  conséquent 
ne  put  [ilus  songer  à  la  persécution.  Plu- 
sieurs fois  Constantin  lui  avait  fait  promet- 
tre de  mieux  traiter  ses  sujets,  de  cesser  de 
les  inquiéter  pour  cause  de  religion.  Lici- 
nius faisait  tous  les  serments  qu'on  lui  de- 
mandait et  les  violait  tous.  Constantin  lui 
eût  fait  la  guerre  pour  cette  conduite  cri- 
minelle, si  Licinius  lui-même  n'eût  pris  les 
devants  en  commençant  les  hostilités.  Cette 
guerre  eut  pour  lui  le  succès  qn'elle  devait 
avoir;  vaincu  par  Constantin,  il  y  perdit  la 
couronne  et  la  vie.  Dans  sa  haine  contre  la  re- 
ligion, Licinius  prenait  tous  les  chrétiens 
pour  des  partisans  de  son  beau-frère ,  et 
par  conséquent  voulait  contraindre  tous 
ceux  qui  étaient  dans  ses  troupes  à  sacri- 
lier  aux  idoles.  Un  des  plus  grands   sujets 


im 


Lie 


Lie 


1508 


de  douleurs  qu'ait  eu  l'Eglise  dans  cette  per- 
sécution, ce  fut  de  voir  ua  de  ses  évoques, 
Eusèbe,  qui  alors  occupait  le  siège  de  INico- 
médie,  être  le  complice  des  cruautés  de  Li- 
cinius  contre  les  évèques  dont  les  opinions 
ne  concordaient  pas  avec  les  siennes.  Cons- 
tantin l'en  accusé  fi>rniellement  dans  une  let- 
tre qu'il  écrivit  à  rE^i,lise  de  Niconiédie.  Un 
autre  sujet  de  deuil  encore  pour  le  christia- 
nisme fut  la  faiblesse  d'un  grand  nombre  de 
fidèles,  qui  tombèrent  sans  même  avoir  rien 
eu  à  soutlrir,  ni  dans  leurs  personnes,  ni 
dans  leurs  biens. 

Les  plus  célèbres  martyrs  de  cette  persé- 
cution sont  les  quarante  martys  de  Sébaste. 
Nous  trouvons  à  Héraclée  en  ïhrace  le  mar- 
tyre de  saint  Ammon,  diacre,  et  de  quarante 
vierges  qu'd  instruisait.  Probablement  que  la 
cause  de  leur  martyre  fut  l'oubli  qu'ils  ti- 
rent de  la  défense  qu'avait  faite  Licinius  aux 
femmes  de  se  laisser  instruire  par  des  hom- 
mes. Licinius  lui-même  intervint  dans  les 
supplices  qu'eurent  à  endurer  ces  saintes 
femmes. 

Les  Grecs  mettent  encore  en  Europe,  nans 
la  province  de  Scythie,  le  martyre  de  saint 
Macrobe,  saint  Gordien,  saint  Zotique,  saint 
Lucien  et  saint  Héli  :  les  trois  derniers  déca- 
pités à  Tomes  par  commandement  du  juge 
Maxime,  et  les  deux  autes  brûlés  vifs.  Ils  y 
ajoutent  saint  Valérien,  qui  rendit  son  âme 
à  Dieu  en  pleurant  sur  le  tombeau  des  au- 
tres. Ils  font  la  fête  de  tous  ces  saints  le  13 
septembre,  auquel  jour  Baronius  s'est  con- 
tenté de  mettre  saint  Macrobe  dans  le  Mar- 
tyrologe romain.  Ce  saint  et  saint  Gordien 
étaient  officiers  de  Licinius  et  extrêmement 
aimés  de  lui.  Mais  les  trouvant  invincibles 
dans  leur  foi,  il  les  relégua  dans  la  Scythie 
où  ils  ajoutèrent  le  titre  de  martyrs  à  celui 
de  confesseurs. 

Entre  ceux  que  Licinius  chassa  de  sa 
cour.  Suidas  met  un  Auxence,  l'un  de  ses  se- 
crétaires, et  il  en  rapporte  une  histoire  qui 
est  Hgréable.  Mais  si  cet  Auxence  est  celui 
qui  fut  depuis  évê(jue  de  Mopsueste,  comme 
il  le  prétend,  nous  espérons  montrer  autre 
part  que  c'était  un  des  i)lus  méchants  des 
ariens,  et  que  tout  ce  qu'on  dit  à  sou  avan- 
tage doit  passer  au  moins  pour  très-suspect, 
comme  venant  de  Philostorge ,  historien 
arien. 

Nous  parlerons  aussi  autre  part  de  saint 
Paul,  évoque  de  Néocésarée,  sur  l'Euphrate, 
à  qui  Licinius  lit  estrojjier  les  deux  mains 
avec  un  fer  chaud,  et  de  saint  Arsace,  Perse 
de  nalion,  qui,  a[)rès  s'être  vu  réduit  à  i)ren- 
dre  soin  des  lions  que  l'cmpcM-enr  faisait 
nourrir,  devint  en  ce  tem))S-ci  un  saint  con- 
iesseur  de  Jésus-(^hrist,  et  fut  depuis  un  il- 
lustre solitaire  au  milicîu  de  la  ville  de  Ni- 
comédie.  Il  faut,  ce  semble,  mettre  au  com- 
mencement de  l'année  -i-I-i,  le  mai-tyre  cpie 
saint  Théogène  soullril  h(^y/.ie  plutôt  que  do 
s'engagcM-  à  porter  les  armes  sous  Licinius. 
Il  y  a  aussi  beaucoup  (ra|)paren(;e  ipie  c'est  h 
la  pfjrséeution  de  Li(;iiiius  (ju'il  faut  ra[)por- 
ter  le  iMapl}rt;  célèbre  (pK;  soulliit  saint  (ior- 
di»  à  C«^8»iée  «n  (^appadoce,  quoique  nous 


l'ayons  mis  sous  celle  de  Dioclétien,  pour 
suivre  Baronius. 

Je  ne  trouve  point  au  13  septembre  dans 
Canisius,  ni  dans  les  menées,  le  nom  de 
saint  Julien,  martyr  sous  Licinius,  que  Ba 
ronius  a  mis  dans  le  Martyrologe  romain, 
sans  en  rien  dire  davantage,  suivant,  dil-il, 
le  Ménologe  des  Grecs  (jui  en  font  la  fête  le 
même  jour.  Mais  le  Ménologe  d'Ughellus,  qui 
aparu  depuis,  marque  ce  jour-là  saint  Julien, 
prêtre  d'Ancyre,  dans  la  Galatie,  qui,  s'étant 
retiré  dans  une  forêt,  durant  la  persécution 
de  Licinius,  avec  quarante  autres  chrétiens, 
fut  reconnu  et  pris  par  les  païens,  loisqu'il 
allait  puiser  de  l'eau  dans  une  fontaine  pt)ur 
lui  et  ses  compagnons.  Le  juge  lit  ce  q.; 'il 
put,  par  divers  tourments,  pour  l'obliger  de 
découvrir  où  étaient  les  autres;  mais  il  ne 
le  voulut  jamais  faire,  se  contentant  de  dire 
qu'il  était" chrétien  lui-même,  et  il  eut  ainsi 
la  tête  tranchée.  C'est  visiblement  le  même 
que  celui  que  Canisius  et  les  menées  mettent 
le  l'2  septembre,  mais  sous  Dioclétien,  en 
quoi  ils  [)euvent  bien  avoir  raison,  et  sous 
le  gouverneur  Antoine.  Les  menées  en  font 
une  longue  histoire  mêlée  de  prodiges.  Et 
la  prière  qu'Us  lui  font  faire  en  mourant  est 
tout  à  fait  insoutenable.  Ils  ne  lui  donnent 
point  le  titre  de  prêtre. 

Le  Ménologe  de  Canisius  fait  encore  une 
hif-toire  pleine  de  prodiges  de  saint  Acace, 
décapité  à  Milet,  sous  Licinius  et  le  juge  Po- 
sidoine.  Les  menées  en  marquent  seule- 
ment le  nom  au  28  juillet ,  auquel  Ba- 
ronius a  mis  ce  saint  dans  le  Martyrologe 
romain. 

L'Eglise  de  Sébaste  fut  honorée  non-seule- 
ment par  les  quarante  martyrs,  mais  encore 
par  saint  Sévérien,  homme  d'épée,  qui  avait 
toujours  vécu  dans  la  guerre.  11  avait  de 
grands  biens,  mais  ayant  encore  plus  de  foi 
et  de  piété,  il  distribuait  avec  libéralité  ses 
biens  aux  pauvres,  particulièrement  à  ceux 
qui  soutiraient  pour  le  nom  de  Jésus-Christ. 
Ainsi,  sa  vertu  faisait  embrasser  le  christia- 
nisme à  beaucoup  de  païens,  et  soutenait 
divers  (idèies  que  leur  faiblesse  ou  la  crainte 
de  mani^uer  des  choses  nécessaires  aurait 
pu  tenter  de  l'abandonner.  On  crut  mônie 
qu'il  avait  été  la  principale  cause,  après 
Dieu,  de  la  générosité  invincible  que  les 
quarante  martyrs  avaient  léuioignée.  Ce 
furent  là  ses  mérites  devant  Dieu  et  ses  cri- 
mes devant  les  hommes.  Le  général  Lysias, 
à  qui  il  fut  déféré,  a.yant  envoyé  pour  le 
j)rendre,  il  vint  de  lui-même,  le  trouver.  Ly- 
sias le  lit  déchirer  avec  des  nerfs  di;  bœuf  et 
avec  les  ongles  de  fer,  ensuite  il  fut  mené  en 
prison,  où  il  demeura  ciiui  jours.  Lysias 
l'ayant  fait  comparaître  de  nouveau,  lui  lit 
meurtrir  tout  le  vis-ige  à  coups  di>  pierres,  et 
dé(;hirer  une  seconde  fois  les  cùtés  avec  les 
ongles  de  fer.  Ensuite,  il  lui  lit  allacherune 
|)ierre  au  cou  et  une  autre  aux  pieds,  et  le 
lit  jeter  en  cet  état  du  haut  d'une  muraille 
en  bas.  (Juehpies  fidèles  ordevèrenl  son 
cor[)s,  et  l'allèrenl  enterrer  en  son  pays,  qui 
n'est  [tas  nommé. 

Nous   n'avon-s  son  hislone  que  dans  les 


1509 


^IC 


Lie 


\h\b 


niéndos  des  Grocs,  qui  l'honoront  le  9  sop- 
tiMiibrc,  et  dans  ses  Actes,  tnuluits  dans  Su- 
rins, qui  sont  reconnus  pour  ôtre  de  Méta- 
l)hraste.  Néanmoins,  connue  ils  n'ont  rien 
de  mauvais  poiu- les  l'ails,  juscju'h  la  mort  du 
saint,  nous  avons  cru  en  pouvoir  tirer  cet 
abrégé.  Les  niiracles  (jui  suivent  sa  mort 
sont  un  peu  sus[)ects.  Baronius  l'a  mis  dans 
le  Martyrologe  romain. 

On  niet  encore  à  Sébasto,  sous  Licinius, 
le  martyre  de  saint  Eu(lo\e,  saint  Agape,  et 
huit  auires  soldats  consumés  par  le  l'eu,  lio- 
norés  le  2  novembre  dans  les  niénées,  qui 
portent  qu'ils  lurent  examinés  par  Auxane, 
magistrat  de  la  ville,  par  Marcel,  ollicier  des 
troupes,  et  |)ar  M-  Agricolai.is,  gouverneur 
de  l'Ai-ménie,  selon  les  Actes  des  quarante 
martyrs.  Le  Ménologe  d'Ughellus  dit  à  peu 
près  la  même  chose  des  sainis  Carlère,  Atli- 
que,  Stirace,  Eudoxe,  Tobie,  Agafjct,  Nico- 
politain,  brûlés  avec  un  grand  nouibre  de 
lidèles,  uiais  il  ne  leur  donne  point  d'auties 
juges  (jue  Marcel.  H  rap[)orle  ([uclques  parti- 
cularités de  la  confession  de  saint  Carlère. 
Le  Martyrologe  romain  le  met  à  la  tète  de 
tous  les  autres  le  même  jour,  2  novembre. 
Les  Grecs  disent  aussi  que,  sous  Licinius, 
Lysias  lit  mourir  par  lo  feu,  à  INicople  en 
Arménie,  quarante-cinq  chrétiens,  cnlva  les- 
quels étaient  les  i)lus  qualifiés  de  la  ville, 
nommés  Léonce,  Maurice,  Daniel  et  An- 
toine. Ils  en  font  leur  grand  olhce  le  10  juil- 
let. Baronius  les  a  suivis. 

Nous  avons  marqué  sur  l'histoire  de  saint 
Gurie  et  saint  Samone,  le  commencement  de 
la  vie  de  saint  Abibe,  diacre,  qui  était 
comme  eux  du  territoire  d'Edesse,  dans  la 
Mésopotamie,  né  dans  le  village  de  Thelsée. 
Les  deux  autres  ayant  été  couronnés  dès  le 
temps  de  Maximin,  vers  Tan  306,  Abibe,  que 
Dieu  avait  conservé ,  parcourait  toute  la 
ville  pour  y  encourager  les  chrétiens  et  les 
contirmer  dans  la  piété  par  les  instructions 
qu'il  tirait  des  Eci'iiures.  La  persécution  de 
Licinius  ne  l'empêcha  point  de  continuer  ce 
saint  exercice.  Lysanas,  gouverneur  du 
pays,  en  fut  averti,  et  le  manda  à  Licinius, 
qui  fut  ravi  d'avoir  cette  occasion  de  don- 
ner des  ordres  à  Lysanias  pour  persé- 
cuter les  chrétiens,  ce  qu'il  n'avait  pas  en- 
core fait  jusqu'al  rs,  et  lui  ordonna  particu- 
lièrement de  l'ail  e  mourir  Abibe. 

Le  saint  demeurait  alors  avec  sa  mère  et 

{)lusieurs  de  sa  famille,  dans  un  quartier  de 
a  ville  auquel  son  ministère  l'attachait  par- 
ticulièrement. Il  semble  qu'il  se  soit  caché 
aussitôt  qu'il  sut  l'ordre  que  Lysanias  avait 
reçu  ;  car  on  le  chercha  partout,  et  on  fut 
longtemps  sans  le  trouver.  Mais  enfin,  ayant 
peur,  disent  ses  Actes,  que  Dieu  ne  h-  punit 
d'avoir  perdu  l'occasion  du  martyre,  il  se 
vint  présenter  lui-même  à  Théotecne,  l'un 
des  premiers  officiers  du  gouverneur.  Théo- 
tecne l'exhorla  à  se  retirer  et  à  se  cacher, 
eu  l'assurant  qu'il  n'avait  rien  à  craindre 
pour  sa  mère  et  pour  ses  parents.  Mais  le 
saint  lui  dit  qu'il  ne  venait  se  déclarer  que 
parce  qu'il  était  résolu  de  souffrir  pour  Jé- 
aus-Ghrist,  et  qu'il  irait  plutôt  lui-même  se 


présenter  au  gouverneur;  de  sorte  que 
Théotecne,  craignant  (|u"on  ne  lui  fit  une  af- 
faire de  l'avoir  laissé  échapper,  h-  mena  à 
Lysanias,  et  lui  rapporta  connuent  Abibe 
s'était  venu  découvrir  lui-même. 

Lysanias  regarda  ce  courage  extraoniinaire 
comme  une  insolence,  conmm  une  insulte 
et  comme  une  marcjue  qui;  le  saint  ne  res- 
pectait guère  son  autorité.  C'est  pourriuoi  il 
commença  aussitôt  à  l'interroger  et  h  lui  de- 
maniler  |)our(pioi  il  ne  sacrifiait  pas  comme 
l'empereur  le  lui  ordonnait.  Le  saint  ré|ton- 
dit  ({u'il  no  cpiitterait  jamais  le  vrai  Dieu 
pour  adorer  les  ouvrages  des  hommes.  Et 
alors  Lysanias  le  fit  suspendre  i)ar  les  bras 
à  un  poteau  pour  lui  déchirer  les  côtés  avec 
les  ongles  de  fer,  ce  qui  lui  était  encore  un 
moindre  supplice  que  d'être  susjiendu 
comme  il  était.  Lysanias  ne  laissait  pas  de 
tAcher  en  même  temps  de  le  gagner  par  pro- 
messes et  {)ar  menaces,  et  il  lui  demanJait, 
comme  par  compassion,  quel  avantage  il 
trouvait  à  souffrir  tant  de  tourments;  ti  quoi 
le  saint  répondit  :  «  Nous  envisageons  moins 
le  présent  que  l'avenir,  où  nous  espérons 
trouver  une  gloire  qui  surpassera  de  beau- 
coup tout  ce  que  nous  pouvons  souU'rir  ici 
pour  l'acquérir.  » 

Le  juge,  le  voyant  invincible,  le  condamna 
enfin  à  mourir  par  le  feu.  Le  lieu  de  l'exé- 
cution était  hors  de  la  ville,  du  côté  du  sep- 
tentrion. Sa  mère  et  ses  parents  l'y  suivi- 
rent :  il  leur  donna  le  baiser  de  paix,  fit  sa 
prière,  souhaita  à  tous  les  assistants  la  bé- 
nédiction de  Dieu;  et,  le  feu  ayant  été  mis 
enfin  au  bûcher,  il  rendit  son  esprit  à  celui 
qui  le  lui  avait  donné.  Quant  le  feu  eut  été 
éteint,  ses  proches  prirent  son  corps,  l'em- 
baumèrent, le  revêtirent  d'ornements  pré- 
cieux, et  l'enterrèrent  auprès  de  saint  Gurie 
et  de  saint  Samone,  avec  qui  il  avait  été  si 
uni  durant  sa  vie  ;  et  on  marque  que  le  jour 
de  son  martyre  se  trouva  être  le  même  que 
celui  au(|ueï  ces  saints  avaient  souffert  seize 
ans  auparavant,  c'est-à-dire  le  15  novembre. 
C'est  pourquoi  les  Grecs  les  honorent  ce 
jour-là  tous  trois  ensemble  par  un  même 
office.  Baronius  les  a  mis  le  même  jour, 
mais  séparément.  Saint  Abibe  soufiVit  appa- 
remment en  l'an  322,  puisqu'on  marque  (]ue 
sa  mort  donna  U  repos  à  l'Eglise  par  la 
victoire  que  Constantin  remporta  sur  Lici- 
nius ,  en  323,  le  18  septembre.  Et  c'est  ce 
qui  nous  a  fait  mettre  seize  ans  entre  son 
martyre  et  celui  de  saint  Gurie. 

Nous  ne  trouvons  que  dans  les  livres  de 
l'office  des  Grecs  Ihistoire  de  saint  Théo- 
doie,  évêque  de  la  ville  de  Cyrinie,  appelée 
par  les  anciens  Ceraunia,  et  aujourd'hui  Ce- 
rines,  sur  la  côte  septentrionale  de  l'ile  de 
Chypre.  Ils  disent  que  le  saint  ayant  été  amené 
sous  Licinius  à  Sabin,  gouverneur  de  l'île, 
il  fut  fouetté,  déchiré,  mis  su.'  un  lit  de  fer 
tout  en  feu,  contraint  de  courir  avec  des 
clous  dans  les  pieds,  et  enfin  retenu  dans 
une  prison  dont  il  ne  sortit  que  par  l'auto- 
rité des.  édits  de  Consiaiitin  ,  le  19  janvier 
32V.  11  UKîurut  deux  ans  après,  le  2  mars 
326.  Les  Grecs  en  faisaient  la  fête  en  l'un  o*t 


4oH 


LIE 


UN 


1519 


«"1  l'autre  jour.  Néanmoins,  les  menées  la 
marquent  le  17  janvier  au  lieu  du  19,  auquel 
die  est  marquée  en  |>lusieurs  manuscrits  et 
dans  le  Méiiologe  d'U^iliclhis  ({ui  ajoute  quel- 
ques petites  nai'tlcularilés  à  som  histoire. 
Les  Grecs  en  lo  U  encore  une  troisième  fùte 
le  6  mai,  peut-être  à  cause  de  (Quelques  re- 
liques apportées  à  Constan<inoi)le,  et  Haro- 
nius  l'a  mise  ce  jour-là  dans  le  Martyrologe 
romain. 

Bol'andus  nous  a  donné  le  22  mai  les  Actes 
d'un  saint  Don.it,  qui,  après  avoir  confessé 
Jésus-Christ,  l'an  3,)'^  <à  Salones  en  Dahna- 
tie,  en  préscvice  de  Dioclétien  même,  vint, 
dit-on,  en  Egypte,  où  il  fut  fait  évêîjue  de 
Tlunuis  après  le  martyre  de  saint  Pliiléas, 
et  y  acquit  la  cour'onne  du  martyre  dans  la 
persécution  de  Licinius,  avec  saint  Macaire, 
prêtre,  et  saint  Théodon,  diacre,  ayant  été 
tous  trois  coui)és  en  pièces  et  jetés  ensuite 
dans  la  nn-r.  Bollandus  croit  que  ces  Actes 
sont  de  quelque  moine  grec  (|ui  les  a  ornés 
d'jjiarangues  et  d'autres  ampliticalioïis  à  la 
mode  de  ceux  de  sa  nation.  Il  les  croit  écrits 
dans  la  Dalmatie,  après  le  déclin  de  l'em- 
pire rouiaiu.  De  quelque  leaips  et  de  quel- 
que auteur  qu'ils  soient,  il  serait  aisé  de 
montrer  par  beaucoup  de  preuves  qu'ils 
sont  trop  pleins  d^;  fautes  pour  avoir  aucune 
autorité.  Je  ne  trouve  i)Oint  que  ceux,  dont 
ils  p  irlent  soient  honorés  |)ar  les  Grecs  ni 
par  les  Latins.  Bollandus  n'en  cite  rien  et  ne 
rend  môme  aucune  raison  pourquoi  il  les  a 
mis  le  ±2  mai. 

LIÈDE  (saint),  reçut  la  palme  du  martyre 
en  Espagne,  avec  saint  Vincent.  Il  sont  ins- 
crits au  Martyrologe  romain  le  1"  septem- 
bre. Nous  n'avons  aucun  document  authen- 
tique sur  eux. 

LIEOU-EUL,  catéchiste  des   Pères  portu- 
gais ,  commis    pour   conférer   le    baptême 
aux  enfants  abandonnés  et  transportés  dans 
les  hôpitaux  parordi-e  de  l'autorité,  fut  ar- 
rêté en  vaquant  à  ces  jjicuses   fonctions  et 
conduit  au  tribunal  du  gouverneur.  On  ne 
lui  trouva  pas  d'autre  crime  que  celui  d'être 
chrétien  :  mais  comme  c'en  était  un  d'api-ès 
la  déff'nse  faite,  vu  1723,  par  Young-Tching 
et  ensuite  par  Kien-Long  en  1730,  son  af- 
faire fut  renvoyée  au  tribu lud  des   crimes. 
11  y  fut  donc  conduit  ave(;  Tching-Tsi,  gar- 
dien de  rho[)ital,  et  Ly-Si-Eou,  leur  dénon- 
ciateur   connnun.    Ou-Che-San ,    mandarin 
rnantchou  ,  les  lit  conj|»araître.  11    ne    put 
modérer  sa  joie,  tant  il  désirait  (jne  quelque 
alfaire    conc.(;rnant   la    rcliguju  lui  fût  défé- 
rée. Lieou-Eul  répondant  à  toutes  les  (jues- 
lions  avec  beaucoup  de  sagesse,  le  juge    le 
lit  apj)li(iuer  à   la   (jueslion   pour    lui  faire 
avouer-  (jut)  c'était  h   force    d'argent  (pie  les 
liurojiéeiis  attiraient  les  C-him.ds  ii  leur  reli- 
gion. Uien  ne  put  lui  arracher  ce   grossier 
mensonge;.   Naschlem  ,   [irésident   rnantchou 
du  même  tribunal, h;  litremeliieà  la  torture 
et  aurait  poussi;  les  choses  [dus  loin  encore;  s'il 
n'eill  été  nommé,  sur  ces  enlicfaites,  Isong- 
lou  ou  gfmveineui'  gén/nal  de  Nankin.  Ou- 
Clie-San  jHjiirsuivait   cette;  alfaire  avec  une 
extrême  vivacité:  il  voulait  faire  mourir lo 


chrétien,  mais  il  avait  un  collègue  qui  fut 
d'avis  (lilïérent.  Cette  diversité  d'opinions 
fil  renvoyer  l'all'airc  à  Sun-Kia,  président 
chinois  de  ce;  tribunal,  qui  n'approuva  pas 
la  sévérité  déiiloyée  par  Ou-Clie-San.  Le 
chr-élien  ne  fut  cond.unné  qu'à  recevoir  cent 
coups  de  pan-t-ee  (b;\ton  dont  on  frappe  les 
condamné>),  à  porter  la  cangue  un  mois  du- 
rant, et  a[)ièscela  à  recevoir  encore  quarante 
coups  de  pan-tsée.  La  seiitence  fut  envoyée 
au  tribunal  du  gouverneur  de  Pékin.  Elle 
était  conçue  comme  on  peut  le  voir  à  l'arti- 
cle Chim:,  année  1737. 

LIEY  (saiiitj,  confesseur,  souffrit  dans  le 
diocèse  de  Troyes  pour  l'honneur  et  la  dé- 
fense de  la  religion  chi'étienne.  Nous  man- 
c^uonsde  dtHails.  L'Eglise  honore  sa  mémoire 
sainte  le  25  mai. 

LIFAUD  (saint),  confesseur,  fut  d'aboi^d 
un  des  f)remieis  magistrats  d'O  léans.  En- 
suite le  désir  de  mener  une  vie  plus  parfaite 
le  lit  enti'erdans  l'état  ecclf'siastique;  et  b  en- 
fui l'évoque  d'Orléans  l'ordonna  diacre.  Ce- 
pendant le  désir  qu'il  avait  de  deineur'er 
(ta  is  la  solitude  devii.it  si  vif,  qu'il  se  retir-a 
avec  Urbiciiis,  son  disciple, dan^  un  lieu  voi- 
sin de  la  monta,:;ne  et  du  chAteau  de  Meun,  ' 
sur  le  bord  de  la  Loii-e,  un  peu  au-dessous 
d'Orléans.  Ils  s'y  construisirent  deux  caba- 
nes en  jonc  et  vécurent  dans  la  f)rière  et 
dans  le  jeûne.  L'évoque  d'Orléans  ordonna 
prêtre  notre  saint,  et  lui  permit  de  fonder 
un  monastère.  Il  mourut  vers  le  milieu  du 
VI'  siècle;  mais  on  ignore  en  quelle  année. 
L'Egl.se  fait  sa  mémoire  le  3  juin. 

LiGOlKE  (s  int),  fut  martyrisé  pour  la  loi 
ie  Jésus-Christ  à  une  époque  qui  nous  est 
inconnue.  Il  fut  massacré  par  les  païens 
dans  le  désert  où  il  vivait.  L'Eglise  l'honore 
comme  martyr  le  13  septembr-e. 

LILIOSE  (sainte),  martyre,  reçut  la  cou- 
ronne du  martyre  à  (^ordoue  en  Espagne, 
du  tem[)s  de  la  persécution  que  les  Arabes 
tirent  souffrir  aux  c'aéliinis.  Elle  eut  pour 
comjiagnons  de  son  triomphe  sainte  N<italie 
et  les  saints  Georges,  Félix  et  Aurèle.  L'E- 
glise fiit  leurfcte  le  27  juif  et. 

LIMOGES,  chef-lieu  du  département  delà 
Haute-Vienne,  où  fut  martyrisé  la  vierge 
sainte  Vulère. 

LIN  (sainl),  pape  et  mar'fyr,  fut  le  succes- 
seur immédiat  de  saint  Pieri'e  sur  le  siège 
de;  Rome,  d'après  sainl  Irénée,  Eusebe, 
saint  Epiphane,  sainl  Optât  et  saint  Aujus- 
lin.  Il  occupa  la  chau-e  lie  Sairit-Pierr-e  de- 
puis l'an  ()5  jus([u'à  l'an  70.  Le  canon  de  la 
messe  de  l'Eglise  r'Omaine  le  nomme  parmi 
les  martyr-s.  Il  fui  enterré  sur  le  mont  X'ali- 
can,  [irès  du  tombeau  de  saint  Pierre».  Il 
est'  honoré  élans  TE^ise  le  23  seiitenn- 
bre. 

LINAUEZ  (PiKURK  de),  do  la  compagnie  ele 
Jésus,  fut  martyrisé  à  Axae'a,  le  8  février 
1571,  avec  les  bienilieur-eux  Jean-U.i|  tislo 
S.guivi,  Gabrie'l  (ioiiie/,  Saiu  lie/.  Savelli  et 
Christophe  llolundo.  Ils  avaient  pé'iétr-é 
élans  la  Floride,  eîoiiduils  par  un  naturel  du 
pays  nommé  Louis,  epii  avait  été  l)a|ilisé 
eu    Espagne;.    Nous   avons    vu,    A    l'arlido 


'«il 

I 


1515 


L!V 


Loris  «EQuinos,  que  ce  naturol  itii^'i:;.»!  lo 
massacra  avec  (Unix  de  sos  corniJagnoiis. 
Trois  jours  aprc'^s,  los  meurtriers  se  présen- 
tèrent devant  les  autres  missionnaires  «jui 
restaient,  ceux  (jui  sont  nommés  plus  liaut 
j)rélextant  avoir  hesoin  de  iiaelies  pour  abat- 
tre des  arbres.  A  peine  curenl-iis  désarmé 
les  missionnaires  qu'ils  les  massacrèrent 
(8  fcWrier  1571).  Ils  s'emparèrent  des  vases 
sacrés,  et  connuirent  un  grand  nond)re  de 
profanations.  (Societas  Jesu  usqnc  nd  snngui- 
nix  et  rilœ  profnsionfiti  milihtns,  p.  kW.) 

LlNtiUIN  (saini)  ou  Liminias,  eut  le  bon- 
heur do  donnei"  sa  vie  pour  la  foi  en  2GG 
environ,  dans  les  Gaules,  à  Clermont  ou 
bie'i  près  de  cette  ville,  avec  les  saints  Vic- 
toria et  Ca^^sius.  11  tomba  dans  la  persécu- 
tion que  Chroi'us,  roi  i\('S  Allemands,  lit  en- 
durer aux.  chrétiens  des(iaules,  ([uan<l  il  vint 
ravager  ce  pays  que  It^  faible  Valérien  ne  sa- 
vait pas  défendre.  Les  Actes  de  saint  Lin- 
guin  existaient  encore  du  tenq)s  de  saint 
Grégoire  de  Touis  :  depuis  ils  o-it  été  per- 
dus. La  mémoire  de  ce  saint  martyr  est  ho- 
norée par  l'Eglise  romaine  le  13  mai. 

LISBONNE  (JEAN-Fi:»NANDÈsDE),de  la  Com- 
pagnie de  Jésus,  faisait  partie  des  saints 
missionnaires  que  le  P.  Azevcdo  était  venu 
recruter  à  Rome  pour  le  Brésil.  (Foj/.  Aze- 
VEDO.)  Leur  navire  fut  pris  le  15  juillet  1571, 
par  des  corsaires  calvinistes  qui  les  massa- 
crèrent ou  les  jetèrent  à  la  mer.  Notre  bien- 
heureux subit  le  môme  sort  en  l'honneur  du 
nom  de  Jésus-Christ.  (Du  Jarric,  Histoire 
des  choses  j)lus  mémorables,  etc.,  t.  II,  p.  278. 
Tanner,  Societas  Jesu  usque  ad  sanguinis  et 
vitœ  profusionem  militans,  p.  166  et  170.) 

LISBONNE,  capitale  du  Portugal,  est  célè- 
bre dans  les  annales  des  martyrs  par  les 
souffrances  et  la  mort  qu'y  endurèrent  saint 
Vérissime  et  les  saintes  Maxime  et  Julie ,  ses 
sœurs,  durant  la  persécution  de  Dioclétien. 
LITTÉE  (saint),  évoque  et  qualifié  martyr 
au  Martyrologe  romain,  à  la  date  du  10  sep- 
tembre, jour  auquel  l'Eglise  célèbre  sa  feie, 
était  l'un  des  neuf  évoques  enfermés  dans 
les  mines,  et  h  qui  saint  Cyprien  écrivit  sa 
76'  lettre.  Il  avait  été  déporté  immédiate- 
ment après  sa  première  confession,  aussitôt 
après  avoir  été  cruellement  frappé  à  coups 
de  bâtons.  Cet  évèque  avait  assisté  au  grand 
concile  de  Carthage.  {Voy.  Némésien.) 

LIVIN  (saint),  évèque  et  martyr,  que  l'E- 
glise honore  le  12  novembre,  habitait  l'E- 
cosse. Il  vint  dans  la  Flandre  pour  prêcher 
l'Evangile  aux  idolâtres.  Avant  d'en»repr:n- 
dre  cette  sainte  mission,  il  voulut  se  sancti- 
fier d'une  façon  toute  particulière  :  à  celte 
fin,  il  se  tint  en  oraison  trente  journées  du- 
rant, au  sépulcre  de  saint  Bavon,  dans  la  ville 
de  Gand,  et  chaque  jour  il  y  célébra  la  sainte 
messe.  Quand  il  se  fut  aiiisi  consacré  solen- 
nellement à  Jésus-Christ,  il  commença  à 
prêcher  l'Evangile,  et  amena  à  la  vraie  reli- 
gion un  grand  nombre  de  païens  des  con- 
trées de  Houthera  et  d'Alost.  Toujours  il  fut 
très-fervent  à  saint  Bavon.  Comme  dans 
son  jeune  Age  il  avait  étudié  la  poésie,  il  fit 
une  pièce  élégiaque  en  l'honneur  de  ce  saint, 

DlCTIOJiN.     DES     PeRSÉCLTIONS.     I. 


LOIN  «514 

qui  n'était  desrendu  nu  tombeau  que  depuis 
peu  d'années.  Saint  l.iviii  fut  m.iityrisé  par 
les  païens  h  Esche  en  650.  lloubrai  fut  lo 
lieu  (pii  reçut  ses  d.'-pouilles  morl(!lles.  El- 
les v  furent  jusqu'à  ce  que  Tliierri,  évôquo 
de  Cambrai,  les  transféra  en  8V2.  Ereuibold, 
abbé  d(!  Sainl-Bavon,  en  emicliit  son  mo- 
nastènîcu  1007.  Après  plusieurs  translations, 
elles  furent  pillées  et  détruites  par  les  hé- 
rétiques au  XVI'  siècle. 

LIVIN  (le  bienheureux),  avait  pris  l'hab  t 
de  l'orde  do  Saint-François,  vers  raiméo 
13V5,  déierminé  par  les  pressantes  sollicita- 
tions du  frère  Adam,  C('lèbre  prédicateur.  Ils 
partirent  pour  la  Palestine,  et  vécurent  quel- 
que temps  dans  le  couve:;t  de  Sion,  où  no- 
tre saint  donna  de  grandes  marques  de  sain- 
teté. Bientôt  noire;  saint  fut  envoyé  au  Caire 
l)0ur  y  porter  des  secours  spirituels  cMix 
chrétiens  qui  s'y  trouvaient.  Dévoré  du  dé- 
sir de  verser  son  sang  pour  l'amour  de  Jé- 
sus-Christ, il  serendil'unjour  danslamagu,- 
fique  mosquée  de  Toulon  i,  où  le  sultan  lui- 
luôme  se  trouvait  en  cet  iiisiant.  Il  n'aVait 
jamais  appris  ni  su  l'arabe;  il  lit  néanmoins 
une  vive  allocution  en  cette  langue,  inspiré 
par  le  Saint-Esprit.  Le  sultan  inité  le  con- 
damna h  mort.  Il  eut  la  tôle  tranchée  sur  la 
place  publique  l'an  13^5.  (Wadding,  an.  13V5, 
n.  1-3.  Chron.  des  Frères  Mineurs ,  t.  II,  p.  5:65.) 
LŒCUMÉNIQUË  (saint).  L'ordre  alphabé- 
tique exigeait  que  l'article  de  ce  saint  fût 
placé  ici  :  une  erreur  de  rédaction  nous  l'a  fait 
transposer  ailleurs.  Voy.  ci-dessus,  col.  14-53. 
LOGNY,bourgsituésur  les  contins  du  pays 
Chartrain  et  de  l'Orléanais,  dans  la  Beauce, 
est  célèbre  par  le  martyre  de  saint  Lucain 
au  commencement  du  y'  siècle. 

LOLLIEN  (saint),  martyr,  mourut  en  con- 
fessant sa  foi,  sous  l'empire  de  Dioclétien, 
et  par  ordre  de  Galère,  avec  les  saints  Pa- 
ragrus  ,  H:M)ide  et  Romain  ,  nouvellement 
convertis  à  la  foi  chrétienne.  Saint  Hippar- 
que  et  saint  Philothée  partagèrent  égaleme-^t 
avec  lui  la  glorieuse  palme  du  martyre.  (Le 
lecteur  verra  les  circonstances  de  ces  com- 
bats h  l'article  Hipparque.) 

LONDRES  (  Augusta  Trinohantium,  Lon- 
dinum,  London),  capitale  de  l'Angleterre  et 
de  toute  la  monarch  e  anglaise,  est  la  ville 
la  plus  grande  et  la  plus  peuplée  de  l'Eu- 
rope. Le  premier  martyr  (jue  nous  y  trou- 
vions est  saiit  Augule,  nommé  aussi  Aule 
(  et  Ouil  en  Normandie),  sous  l'empire  de 
Dioclétien,  au  commencement  du  iV  siècle. 
LONGN  (saint),  martyr,  était  l'un  des  sol- 
dats qni  gaidaient  saint  Victur  dans  .«-a  pri- 
son à  Marseille.  Il  se  convertit  en  voyant 
la  lumière  miraculeuse  qui  éclaira  cette  pri- 
son durant  la  nuit.  Maximien  l'ayant  su,  le 
fit  venir  avec  saint  Victor  et  deux  autres 
soldats  également  convertis ,  Alexandre  et 
Félicien,  et  les  fit  décapiter.  L'Eglise  honore 
la  mémoire  de  ces  trois  saints,  avec  celle  de 
saint  Victor,  le  21  juillet.  {Voy.  Victor  de 
Marseille.) 

LONGIN  (saint),  évèque  et  martyr,  reçut 
la  mort  «our  la  défense  de  la  religion  avec 
les   saints    évèques   Vindémial  et  Eugène. 

48 


1515 


LOP 


LOP 


1516 


Ces  trois  saints  ayant  combattu  les  ariens 
et  les  ayant  confondus  par  leurs  discours  et 
les  miracles  de  l'un  d'eux,  saint  Vindémial , 
le  roi  Hunéric  les  fit  décapiter.  L'Eglise  ho- 
nore leur  sainte  mémoire  le  2  mai. 

LONOIN  (saint),  reçut  la  couronne  du  mar- 
yre  avec  les  saints  Eusèbo,  Néon,  Léonce,  et 
quatre  autres  qui  ne  sont  pas  connus,  et  dans 
des  circonstances  que  nous  ignorons.  Ils  fu- 
rent cruellement  tourmentés,  puis  périrent 
parle  glaive.  Ce  l'ut  durant  la  persécution  de 
l'impie  Diocléticn  qu'ils  soutinrent  le  mar- 
tyre. L'Eglise  lait  leur  fête  le  2'i-  avril. 

LONGIN  (saint),  souffrit  le  martyre  à  Cé- 
sarée  en  Cappadoce.  On  prétend  que  ce 
soldat  est  celui  qui  d'un  coup  de  lance  ou- 
vrit le  côté  de  Notre-Seigneur.  11  est  inscrit 
au  Martyi'ologe  romain  le  15  mars. 

LOPETIO  (le  bienheureux  François),  ap- 
partenait à  une  des  jurandes  fam  Iles  de  Sé- 
ville.  Ayant  embiassé  la  règle  séraphique, 
il  accompagna  le  bienheui'eux  Rodriguez 
Augustin  avec  un  autre  fiète  nommé  Jean 
de  Saille-Marie,  chez  les  Zacatèques  et  les 
Chichimè(|ues.  ils  s'avancèrent  ensuite  veis 
les  conliées  septentrionales  où  nul  mis- 
sionnaire n'était  encore  allé.  Ils  firent  envi- 
ron 500  milles  dans  le  nord  avec  une  es- 
corte de  douze  soldats  espagnols  :  ils  par- 
vinrent jusque  dans  la  contrée  (ju'ils  nom- 
mèrL'nl  Nouveau-'Viexique.  Cinquante  mille 
hommes  environ  habitaient  six  mille  mai- 
sons dans  le  lieu  où  ils  s'arrôlèreiit.  Ils  y 
furent  cordialement  reçus ,  et  furent  en- 
chantés de  cet  accueil.  Frère  Jean  de  Sainte- 
Marie  partit  pour  retourner  cliercfier  do 
nouveaux  missionnaires;  mais  les  naturels 
l'aya-U  guetté  au  passage  d'une  montagne 
firent  rouler  sur  lui  un  quartier  d-j  rociicr 
qui  l'écrasa.  Les  soldats  qui  l'escortaient  re- 
gagnèrent Mexico.  Ce  fut  par  eux  qu'on 
ap(>rit  les  découvertes  que  les  religieux 
venaient  de  faire.  Les  deux  autres  mission- 
naires continuaient  leui'S  prédications  au 
Nouveau -Muxit[ue.  Un  jour  qu'ils  prê- 
chaient, François  aperçut  des  naturels  qui 
se  disputaient  et  allaient  se  battre.  11  courut 
à  eux  p!)ur  les  réconcilier,  mais  ils  tournè- 
rent leur  fureur  contre  lui  et  le  percèrent  de 
leuis  tlèches.  Augustin,  resté  seul  après  la 
mort  de  ses  deux  compagnons,  n'en  conti- 
nua pas  moins  à  accomplir  sa  sainte  mis- 
sion; mais  bientôt  il  tomba  lui-même  vie 
lime  de  son  zèle.  11  fut  martyrisé  par  les  in- 
digènes. 

LOPEZ  (André  de),  de  l'ordre  des  Frères 
Prê(;heurs,  reçut  la  glorieuse  i)alme  du  mar- 
tyre en  1555,  av(!C  le  bienheureux  Domi- 
nique de  Vie,  religieux  du  même  ordre.  L(îs 
habitants  du  pays  de  Puclujtla,  irrités  do 
voir  le  progrès  de  l'Evangile  chez  leurs  voi- 
sins de  rancH.MUKi  Terre  de  Guerre,  iéunircnt 
une  nombreuse  armée,  cl  envahireni  la  nou- 
velle Terre  de  Paix ,  nïin  de  venger  leurs 
dieux  délaissés.  Nos  deux  saints  mission- 
naires j)érirent  dans  celle  invasion.  (  Fon- 
tana,  Monuiiwnta  Dominicana,  marque  leur 
glori(;ux  martyic;  en  1552.  ) 
LOPEZ  (  le   bienheureux  André  ) ,  était 


missionnaire  dans  la  colonie  de  Mamos,  que 
les  Franciscains  de  Pirétu  avaient  fondée 
près  de  la  ville  de  Guaya.  Les  Caraïbes , 
aftrès  avoir  saccagé  les  établissements  des 
Jésuites,  se  jetèrent  sur  la  colonie  dont  fai- 
sait partie  notre  bienheureux.  A  l'arrivée 
des  infidèles,  il  était  encore  à  l'autel.  Il  en 
descendit  à  la  hàle,  prit  un  crucifix,  et  ex* 
cita  son  peuple  à  la  défense.  Atteint  bientôt 
d'un  coup  de  fusil  à  la  jambe,  il  n'en  con- 
tinua pas  moins  ses  courageuses  exhorta- 
tions. Alors  un  Caraïbe  lui  déchargea  un 
grand  coup  de  sabre  sur  la  bouche,  en  lui 
disant  de  se  taire,  et  il  tomba  sur  le  carreau 
baigné  dans  son  sang.  Après  avoir  pillé  et 
saccagé  la  colonie,  les  infidèles,  s'étant  jetés 
sur  André  afin  de  le  dépouiller,  s'aperçurent 
qu'il  vivait  encore.  Ils  lui  déchargèrent  un 
second  coup  sur  la  tête,  lui  enlevèrent  sa 
robe  ,  et  a[)rès  avoir  allumé  un  grand  feu 
sous  un  arbre,  ils  l'y  pendirent.  Huit  jours 
après,  il  fut  retrouvé  sans  avoir  reçu  au- 
cune atteinte  du  feu  et  n'ofîi-ant  encore  au- 
cune marque  de  corruption.  Son  martyre 
arriva  vers  l'année  1733. 

LOPEZ  (  le  bienheureux  François),  de  la 
Coin[)agnie  de  Jésus,  soulfrit  le  martyre  en 
1568.  Quatre  jésuites  se  trouvaient  sur  un 
navire  portugais  qui  fut  attaqué  par  des  vais- 
seaux mahométnns.  Un  baril  de  poudre 
ayant  pris  feu  ù  bord  du  v  isseau  portugais, 
ils  sautèrent  et  se  jetèrent  h  la  mer.  Ayant 
abordé,  ()h, sieurs  furent  faits  prisonniers, 
notamment  notre  bienheureux.  Comme  il 
refusait  de  renier  sa  foi,  il  fut  massacré. 

LOPEZ  (le  bienheureux  Simon),  Portugais, 
de  la  Comp;ignie  de  Jésus,  faisait  partie  des 
soixante-neuf  missionnaires  que  1(î  bien- 
heureux Azevcdo  était  venu  recruter  à 
Rome  pour  le  Rrésil.  (Foy.  Azevedo.)  Leur 
navire  fut  pris  le  15  juillet  1571,  par  des 
corsaires  calvinistes,  qui  les  massacrèrent 
ou  les  jetèrent  à  la  mer  :  t<l  fut  le  martyre 
de  notre  bienheureux.  (Du  Jarric,  Histoire 
des  choses  les  plus  mémorables,  t.  11,  p.  278. 
Tanner,  Socictas  Jesii  iisque  ad  snnguinis  et 
vitœ  profusionem  militans,  p.   106  et  170.) 

LOiMiZ  (le  bienheureux  Antoine),  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  naquit  à  Ségovie.  A 
son  arrivée  au  Pérou,  ses  supérieurs,  au 
lien  de  l'appliquer  aux  missions,  selon  son 
vif  désir,  lui  firent  enseigner  Ja  théologie 
morale.  On  voulut  ensuite  le  préposer  comme 
recteur  à  la  conduite  de  ses  frères;  mais  il 
manifesta  si  fortement  son  désir  de  s'em- 
ployer aux  missions,  qu'on  l'envoya  à  Cuzco 
où,  en  1585,  il  avait  fait  sa  profession  solen- 
nelle. Il  pénétra  chez  une  [)eupladc  sauvagi), 
adonnée  au  vice  de  la  polygamie,  et  qui  fu- 
mait avec  avidité  les  feuilles  dune  cer- 
taine plante  (|ui  déterminait  l'ivresse  et 
tn.Miblail  leur  raison.  Notre  bienheureux, 
en  combatlant  ces  deux  vices,  s'attira  la 
haine  des  indigènes  ,  qui  rempoisonnèreiU 
en  15i)(),  h  l'Age  de  cincpiante-trois  ans.  Ses 
inenrlriers  remplis  de  remords  tardifs,  l'ho- 
norèi'etit  comme  martyr,  (Tanner,  Socictas 
Jrsii  usquc  ad  samjmms  cl  vitœ  profusionem 
nùlilans,  p.  h'ôli.) 


ir;i7 


LOU 


LUC 


4518 


LOnCiE (saint),  martyr,  versa  son  sang  pour 
lu  dri'c'iNe  de  la  rcilit^iou  en  Cappadoce,  avuc 
suinl  LuiiiiS,  uviVjuo,  et  saint  Al^salon.  Los 
marlvrulo^rs  no  (joniiciit  aucun  dôlail  sur 
ces  :>aiMts  aiurlyrs,  dont  l'Ki^liso  lait  la  llHo 
le  2  mars. 

LOUIS  (saint),  martyr,  versa  son  san^; 
i)()ur  la  foi,  dans  la  ville  de  C(trdouo,  (ju'd 
habilail.  11  eut  pour  conipat^nons  de  son 
mail  vie  le  pj'ôfro  Ainalour  et  le  solitaire 
Pien-e.  On  n  a  pas  do  ilotails  sur  hnir.s  com- 
bats. L'Kglise  les  lionore  le   30  avril. 

LOUIS,  riait  le  frère  d'un  Paraousti  ou 
chef  de  la  ville  d'Axaca,dans  la  Floride.  Cet 
indigène,  qui  avait  élu  baptisé  eu  Lspaguo, 
revint  dans  son  pays  avec  plusieurs  mis- 
sionuaires,  leur  alln-mant  ([u'ils  y  prêche- 
raient l'Evangile  avec  succès.  Ils  cutrèient 
à  Axaca  en  1570.  A  peine  arrivés,  Louis  les 
abaiidonîia  auv  horreurs  de  la  faim  et  de 
la  maladie ,  renia  sa  foi  et  retourna  au.v 
coutumes  barbares  de  sa  nation.  A[)rès  qua- 
tre mois  de  soutfranccs,  les  trois  PP.  Louis 
de  Quiros,  CJabiiel  de  Solis  et  Jean  Mondez 
allèrent  tiouvor  Louis  alin  de  l'engager  à 
revenir  au  milieu  d'eux.  Celui-ci  le  leur  pro- 
mit ;  mais  à  peine  étaient-ils  partis  ,  qu'il 
fondit  sur  eux  avec  une  troupe  de  Flori- 
diens  et  les  perça  h.  coui)s  de  flèches  le  4  fé- 
vrier 1571.  Cinq  jours  après,  les  meurtriers, 
Louis  à  leur  tète,  se  présentèrent  devant  les 
autres  missionnaires,  qui  restaient,  prétex- 
tant avoir  b(iSoin  de  haches  pour  abattre 
des  arbres.  A  peine  eurent-ils  désarmé  nos 
bienheureux  qu'ils  les  massacrèrent  (8  fé- 
vrier 1571).  Ils  pillèrent  la  cabane  qui  servait 
de  demeure  aux  missionnaires,  s'emparèrent 
des  vases  sacrés  ,  et  commirent  un  grand 
nombre  de  profanations.  L'année  suivante, 
don  Pedro  Menendez  de  Avilez  s'empara  d'une 
grande  partie  des  meurtriers,  qui  lurent  mis 
à  mort  après  avoir  été  baptisés,  grâce  aux 
sollicitations  d'Alfonse,  jeune  homme  qui 
avait  échappé  au  massacre  l'année  précé- 
dente. Pour  Louis,  il  s'enfuit  et  expia  dans 
les  austérités  de  la  pénitence  les  crimes 
dont  il  s'était  souillé.  Voici  les  noms  des 
saints  religieux  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
à  qui  il  procura  la  glorieuse  palme  du  mar- 
tyre :  Louis  de  Quiros ,  Cabriel  de  Solis, 
Jean  Mondez,  le  P.  Jean-Bapliste  Segura , 
Gabriel  Gomez ,  Pierre  de  Linarez ,  San- 
cliez  Savelli  et  Christophe  Uotundo. 

LOUIS  (le  bienheureux),  tils  adoptif  de 
Minami  et  de  Madeleine,  souffrit  le  mar- 
tyre au  Japon  en  l'année  1G02,  avec  sa 
mère  Madeleine,  Agnès,  femme  de  Ta- 
cuenda,  et  Jeanne,  belle-mère  de  cette  der- 
nière. Ou  peut  voir  à  l'article  Jeanne  le  dé- 
tail de  leur  martyre.  Notre  jeune  bienheu- 
reux était  à^^é  de  sept  ou  huit  ans  seu- 
lement, et  avait  été  adopté,  comme  nous  l'a- 
vons dit,  par  Mi  ^ami  et  Madeleine,  faute  de 
pro(;éaitUi  e.  Cet  enfant  était  dans  un  ravis^ 
semoni  qui  tenait  de  l'extase.  On  le  cruci- 
fia avec  sa  mère  vis-à-vis  l'un  de  l'autre.  Le 
bourreau,  ayant  voulu  percer  Louis  d'un 
coup  de  lance,  ne  fit  que  l'etlleurer.  Crai- 
gnant qu'il  eût  peur,  sa  mère  lui  dit  do 


prier  Marie  et  Jésus.  11  obéit,  re<;ut  un  6<f- 
Cond  coup  et  mourut  sur  llKune. 

LOUIS  (saini),  l'un  des  viu^t-six  martyrs 
du  Japon,  dont  riigliso  f;iil  la  iéic,  lo  5 '^16- 
vrier,  éi.iil  enfant  de  cIkiîui  cIk,'/.  le»  Francis- 
cains, ("e  fut  sur  sa  di-mande  qu'on  h;  prit 
avec  les  sa  nls  missionnaires  (pjand  on  vint 
les  arrêter.  Parc(î  cju'il  n'était  âgé  que  dq 
douze  ans,  on  voulait  le  laisser  aller.  (Koy. 
Maktvks  du  Japon.) 

LOUISlANK.  (Voy.  Canada.) 

LOUP  (saint),  évoque  et  confesseur,  versa 
son  sang  à  Vérone  pour  la  foi  et  [)our  la 
défense  de  la  religion  chrétienne.  On  ignore 
les  circonstances  de  son  combat.  L'Lglisa 
fait  sa  glorieuse  fête  le  2  décembre. 

LOUVENT  (saint),  abbé  de  Sainl-Privat  do 
Gabales  ou  de  Javouls  en  Gévaudan  ,  mar- 
tvr,  fut  accusé  j)ar  le  comte  de  Cabales  ou 
(le  Javouls,  nommé  imiocent,  d'avoir  in- 
sulté la  reine  Hrunohaut  dans  ses  discours, 
îitant  allé  se  disculpera  la  cour  d'Austrasie, 
il  confondit  sans  peine  ses  accusateurs,  qui 
résolurent  sa  mort,  innocent  s'empara  de  lui 
comme  il  revenait  à  son  couvent,  et  lui  fit 
subir  les  plus  indignes  traitements,  après 
quoi  il  le  laissa  aller  en  liberté.  Mais  ses  sa- 
tellites ayant  saisi  par  ses  ordres  notre 
bienheureux  ,  le  mirent  à  mort  sur  les  bords 
de  l'Aisne,  où  ils  jetèrent  son  corps.  Après 
sa  mort,  plusieurs  miracles  attestèrent  sa 
sainteté.  Le  22  octobre  on  l'honore  comme 
martyr  à  Châlons-sur-Marne,  où  une  {«artie 
de  ses  reliques  sont  conservées  précieu- 
sement. 

LOUVRES  en  Parisis,  bourg  près  Paris, 
où  saint  Justin  d'Auxerre  fut  martyrisé  par 
les  soldats  que  les  infidèles  d'Amiens  avaient 
envoyés  à  sa  poursuite,  après  qu'il  eut  quitté 
leur  ville,  où  il  était  venu  avec  son  père  pour 
racheter  son  frère  aîné,  qui  y  avait  été 
amené  captif. 

LUC  (saint),  évangéliste,  était  originaire 
d'Antioche,  en  Syrie,  gentil  et  païen  d'ori- 
gine. Plusieurs  croient  que  c'est  celui  que 
saint  Paul,  dans  l'Epître  aux  Romains,  ap- 
pelle Lucius,  en  rendant  son  nom  un  peu 
plus  latin,  et  cela  est  d'autant  plus  vraisem- 
blable, que  les  Actes  nous  assurent  que  saint 
Luc  était  alors  avec  saint  Paul  :  ainsi  il  était 
parent  de  cet  apôtre.  11  était  médecin.  Saint 
Jérôme  dit  même  qu'il  était  très-habile  dans 
cette  profession  ,  et  qu'il  n'eut  jamais  ni 
femme  ni  enfant.  Ses  écrits  font  juger  qu'il 
avait  une  g  ande  connaissance  de  la  langue 
grecque,  car  on  trouve  que  son  style  est  plus 
poli  et  ressent  plus  léloquence  humaine  que 
celui  dos  auaos  écrivains  canoniques  :  ce 
qui  pout  faire  juger  qu'il  était  plutôt  Grec 
que  Syrien.  On  lient  qu'il  savait  peu  l'hé- 
breu, et  même  beaucoup  ont  cru  qu'il  ne  le 
savait  pas  du  tout.  11  y  a  assez  d'app/irence 
quU  passa  du  paganisme  au  clirisliaiii>me 
sans  recevoir  la  circoncision,  et  aii.si  il  se- 
rait dilUcile  d'adm^^itie  ce  que  quelques-uns 
ont  dit,  qu'il  avait  éié  disciple  de  Jésus- 
Christ.  Aussi,  beaucoup  d'anciens  croient 
qu'il  a  été  seulement  disciple  des  apôtres, 
particulièrement  de  saint  Paul,  dont  saint  Je- 


151» 


LUC 


LUC 


1520 


rôme  l'appelle  h  fils  spirituel.  11  a  encore 
conversé  avec  les  autres  apôtros,  et  a  pris  un 
grand  soin  de  profiter  do  ce  qu'il  apprenait 
d'eux.  11  était  leur  disciple,  non-seulement 
pour  les  suivre  et  pour  les  accompagner, 
mais  encore  pour  prendre  part  à  leurs  tra- 
vaux, pour  prêcher  et  pour  annoncer  l'Evan- 
gile avec  eux,  .-urtout  ;tvec  saint  Paul,  dont 
il  était  insénarable,  étant  presque  toujours 
avec  lui,  car  il  aimait  le  travail,  souhaitait 
d'appren(Jre,  et  avait  beaucoup  de  patience. 
Aussi  sai'^l  Paul  l'appelle  son  hien-aimé.  Sa 
persévérance  à  ne  ])oiut  (juitter  cet  apôtre 
est  la  plus  grande  preuve  de  sa  vertu.  Les 
Grecs  disent  qu'en  le  suivant  il  a  éclairé 
(oute  la  terre,  et  (jue  le  Verbe,  qui  connaîî 
ce  qui  est  dans  les  cœurs,  l'a  choisi  pour 
être  avec  cet  apôtre  le  docteur  des  nations. 

Il  passa  certainement  avec  lui  de  Troade 
en  Macédoine,  dans  le  premier  voyage  que 
saint  Paul  tit  en  Grèce  vers  l'an  51.  Nous 
n'avons  {)oint  de  preuve  qu'il  Tait  suivi  au- 
paravant. Mais  de  la  manière  dont  saint  Iré- 
née  et  d'autres  Pères  en  parlent,  nous  avons 
lieu  de  présumer  que,  depuis  ce  temps-là,  il 
fut  le  compagnon  inséparable  de  tous  ses 
voyages.  Nous  ne  marquerons  néanmoins 
ici  que  ce  que  l'Ecriture  nous  apprend  expres- 
sément. Jl  accompagna  saint  Paul  de  Troade 
jusqu'à  Philippes,  en  Macédoine,  oil  il  de- 
meura quelques  jours.  11  ne  dit  point  ce 
qu'il  devint  ensuite  jusqu'à  ce  que  saint 
Paul  retourna  de  Grèce  à  Jérusalem  en 
l'an  58.  L'année  d'avant,  saint  Paul  envoya 
de  Macédoine  saint  Tite  à  Corinthe,  avec  une 
autre  personne  dont  il  parle  fort  avantageu- 
sement ;  et  l'opinion  la  plus  probable,  aussi 
bien  que  la  plus  commune,  est  que  c'était 
saint  Luc.  Nous  apprenons  donc  de  cet  en- 
droit que  saint  Luc  avait  été  associé  par  les 
Eglises  à  cet  apôtre,  pour  l'accompagner 
dans  ses  voyages,  et  recueillir  avec  lui  les 
aumônes  des  fidèles,  ce  que  saint  Paul  même 
avait  souhaité,  afin  d'avoir  un  témoin  irré- 
prochable de  so!i  entier  désintéressement. 
C'est  peut-être  pour  ce  sujet  qu'il  est  appelé 
l'apôtre  ou  le  député  des  Eglises.  Saint  Paul 
nous  assure,  au  même  endioit,  <iu'il  était  la 
gloire  do  Jésus-Christ,  et  qu'il  était  devenu 
célèbre  par  l'Evangile  dans  toutes  les  Egli- 
ses. Plusieurs  Pères  ont  expliqué  ceci  de 
l'Evangile,  qu'ils  croient  que  saint  Luc  avait 
déjà  écrit.  Mais  «piand  il  ne  l'aurait  écrit 
que  depuis  (uc  quoi  nous  parlerons  dans  la 
suite),  on  mérite  des  louanges  en  prêchant 
l'Evangile  .'uissj  l)ien  (pi'en  l'écrivant. 

Saint  Paul  suivit  bientôt  saint  Tite  et  saint 
Luc  à  Corinthe,  d'où  il  écrivit  aux  Romains, 
et  leur  fit  des  recommandations  de  Lucius, 
son  [)arcnt,que  plusieurs,  comme  nous  avons 
dit,  croient  êlra  le  même  nue  saint  Luc.  Un 
mois  ou  deux  après,  saint  Paul  s'en  alla  en 
Asie,  par  la  Macédoine,  et  saint  Luc  était  en 
sa  compagnie.  Il  partit  de  Philif)pes  avec 
saint  Paul,  et  alla  avec  lui  à  Troade;  saint 
Paul  voulant  aller  par  terre  jusqu'à  Asson, 
il  ordoima  à  saint  Luc  et  à  quelijues  autres 
d'y  aller  f)ar  mer;  et  saint  Paul  étant  alors 
rntré  daus  l«  vaissoau,  il*;  alIf^Tenl  ensemble 


jusqu'à  Césarée,  oii  saint  Luc  et  beaucoup 
d'autres  tâchèrent  en  vain  de  l'empêcher 
d'aller  à  Jérusalem.  Saint  Luc  y  alla  aveclui 
et  l'accompagna  encore,  lorsqu'après  son  ar- 
rivée il  alla  rendre  visite  à  saint  Jacques.  11 
le  suivit  aussi  depuis  Césarée  jusqu'à  Rome, 
lorsqu'après  son  appel  il  y  fut  conduit  par 
ordre  de  Festus,  pour  y  être  jugé  par  Néron. 
Il  était  à  Rome  lorsque  saint  Paul  écrivit  de 
là  à  Philémon  et  aux  Colossiens.  11  semble 
qu'il  n'était  pas  avec  lui  lorsque  cet  apôtre 
comparut  d'abord  devant  Néron,  la  seconde 
fois  qu'il  vint  à  Rome.  11  y  ét.iit  et.  était  le 
seul  de  ses  anciens  disci])les  qui  lui  tînt  une 
fidèle  compagnie,  lorsqu'il  écrivit  la  seconde 
leitre  à  Timothée,  un  i)eu  avant  son  mar- 
tyre, et  ainsi  il  l'a  accompagné  jusqu'à  la  fin 
de  sa  vie.  11  doit  avoir  beaucoup  survécu  à 
saint  Paul,  puisqu'on  assure  qu'il  n'est  mort 
que  dans  une  grande  vieillesse,  à  l'âge  d'en- 
viron 80  ou  8i  ans  ;  mais  on  sait  peu  ce  qu'il 
a  fait  durant  ce  temps-là.  Nous  n'en  trou- 
vons rien  que  ce  que  dit  saint  Epiphane, 
qu'il  reçut  la  commission  de  prêcher  l'Evan- 
gile, et  qu'il  le  prêcha  dans  la  Dalmatie,  dans 
les  Gaules,  dans  l'Italie  et  dans  la  Macé- 
doine. L'Eglise  des  Gaules  ne  conserve  au- 
cune mémoire  qu'il  y  ait  prêché  ;  ainsi,  s'il 
l'a  fait,  ses  prédications  n'y  ont  pas  eu  beau- 
coup de  suite.  Nicéphore  dit  qu'après  avoir 
été  à  Rome  avec  saint  Paul,  il  revint  en 
Grèce,  et  conduisit  beaucoup  de  personnes 
à  la  lumière  de  la  vérité.  Métaphraste  dit 
qu'il  prêcha  dans  l'Egypte,  la  Libye  et  la 
Thébaïde,  de  quoi  Fortunat,  entre  les  La- 
tins, ne  s'éloigne  pas;  et  on  prétend  qu'il 
ordonna  Abilius,  troisième  évêque  d'Alexan- 
drie, vers  l'an  86.  Le  Praedestinalus  du  P.  Sir- 
mond  dit  qu'il  condamna  à  Antioche  l'héré- 
sie des  Ebionites,  née -vers  le  temps  de  Do- 
mitien. 

Nous  avons  voulu  rapporter  tout  ce  que 
nous  savons  des  actions  de  saint  Luc  avant 
que  de  parler  de  ses  écrits  qui  rendent  son 
nom  si  célèbre  et  si  vénérable  dans  l'Eglise, 
c'esl-à-dire  de  son  Evangile  et  du  livre  des 
Actes  des  apôtres.  L'Evangile  fut  écrit  le 
premier,  et  apparemment  dès  l'an  53.  On 
convient  que  c'a  été  après  que  saint  Mat- 
thieu et  saint  Marc  avaient  déjà  écrit  l'E- 
vangile, et  lorsque  les  apôtros,  qui  pouvaient 
juger  de  son  ouvrage,  vivaient  encore.  Il 
était  alors  d;ms  la  Grèce,  vers  l'Achaïe  et  la 
Béotie.  11  le  composa  sur  ce  qu'il  avait  ap- 
pris, non-seulement  de  saint  Paul, mais  aussi 
des  autres  apôtres  qui  avaient  suivi  Jésus- 
Christ  depuis  le  commencement  do  sa  pré- 
dication. 11  l'entreprit  sur  ce  que  plusieurs 
autres,  qui  s'étaient  elï'orcés  d'écrire  l'Evan- 
gile, mais  sans  le  mouvement  de  la  grâce  et 
])0ussés  parleur  esprit  propre  plutôt  que  par 
celui  do  Dieu,  avaient  été  abandonnés  du 
secours  de  Dieu,  et  ainsi,  ou  n'avaient  pas 
achevé  leur  ouvrage,  ou  avaient  été  rojetés 
de  l'Eglise.  Mais  pour  lui,  ce  fut  l'esprit  de 
Dieu  nui  le  poussa  ou  même  qui  le  contrai- 
gnit d  écrire  ce  qu'il  voulait  alors  faire  ajou- 
ter à  ce  que  saint  Matthieu  et  saint  Marc 
avaient  d^jà  publié  sur  ro  sujet.  11  l'sdresso 


1521 


LUC 


LUC 


I5ii 


à  Théophile,  soit  qu'il  ontomJu  en  général 
parce  mot  tons  c'cux(|ui  aiment  Dieu  ou  (jui 
sont  aimés  de  hii  (selon  la  si-nilication  .lu 
terme  ^rec),  soit  ([u'il  l'adresse  à  une  per- 
sorme  particulière  (pii  porl;U  ce  nom,  connue 
ronl  cru  saint  Augustin  et  saint  Clirysos- 
tome.  Saint  Chrysoslome,  en  ellVt,  le  loue 
d'avoir  enlrepris"^cet  ouvrage  pour  un  seul 
homme.  11  y  en  a  qui  ont  cru  (pie  lorsipui 
saint  Paul  so  sort  de  ces  termes  :  Selon  mon 
Evan</ile,  il  parlait  (h;  l'I'IvangiU'  de  saint 
Luc.  Tertullion  r(Mnar(|ue  (jue  (pnd([ues-nns 
même  l'en  faisaient  auteur,  d'autant  plus 
qu'il  est  assez  raisonnable  d'atliihuer  au 
maître  les  ouvrages  pidjliés  par  les  disciples. 
On  lit,  dans  un  écrit  attribué  h  saint  Atlia- 
nase,  que  c'était  lui  qui  l'avait  dicté,  vi  (pie 
saint  Luc  l'avait  seulement  publié,  par  où 
l'on  n'a  peut-être  voulu  marquer  autre  chose 
que  ce  que  dit  saint  Irénée,  que  saint  Lu(>  a 
mis  par  écrit  l'Evangile  cpu;  saint  Paul  prê- 
chait. Saint  (Irégoire  de  Nazianze  dit  ((u'il 
l'a  écrit  sans  le  secours  de  saint  Paul.  liaro- 
nius  croit  que  c'était  saint  Paul  (jui  l'avait 
porté  à  l'écrire.  Origène  remar(iue  qu'il  a 
été  fait  pour  les  Gentils.  Les  Marciouites  ne 
recevaient  aucun  antre  Evangile  que  celui 
de  saint  Luc,  mais  après  l'avoir  tronqué  et 
corrompu.  Aussi,  ils  ne  lui  donnaient  le  nom 
ni  de  saint  Luc  ni  d'aucun  autre  auteur. 

Saint  Luc,  ayant  écrit  son  Evangile  sur  ce 
qu'il  avait  appris  des  autres,  écrivit  ensu'te 
le  livre  des  Actes  sur  ce  qu'il  avait  vu  lui- 
même,  dit  saint  Jérôme.  Il  a  intitulé  ce  livre  : 
Les  actes  ou  les  aclions  des  apôtres,  parce 
qu'il  voulait  que  nous  y  cherchassions,  non 
les  miracles  qu'ils  ont  fait,  mais  leurs  actions 
et  leurs  vertus  pour  les  imiter.  11  y  a  mis  ce 
qu'il  a  cru  suffire  pour  édifier  la  foi  des  lec- 
teurs, et  il  l'a  écrit  avec  tant  de  sincérité  et 
tant  de  grâce,  qu'entre  un  grand  nombre  de 
livres  qu'on  a  faits  sur  l'histoire  des  apôtres, 
le  sien  seul  a  été  reçu  de  l'Eglise  comme  di- 
gne de  foi,  et  on  à  rejeté  tous  les  autres. 
Aussi,  quoiqu'il  semble  ne  faire  autre  chose 
que  nous  raconter  une  histoire  et  représen- 
ter avec  simplicité  la  naissance  et  l'enfance 
de  l'Eglise,  si  néanmoins  nous  faisons  ré- 
flexion sur  celui  qui  en  est  l'auteur,  nous 
verrons  que  toutes  les  paroles  de  ce  méde- 
cin sacré  sont  autant  de  remèdes  contre  les 
langueurs  de  nos  âmes.  Ce  livre  peut  ne  nous 
être  pas  moins  utile  que  l'Evangile  même, 
soit  pour  le  règlement  de  nos  mœurs,  soit 
pour  l'établissement  de  la  doctrine.  Car  nous 
y  voyons  l'accomplissement  de  diverses  cho- 
ses que  Jésus-Christ  avait  prédites,  la  des- 
cente du  Saint-Esprit  et  le  changement  pro- 
digieux qu'il  a  opéré  dans  l'esprit  et  dans  le 
cœur  des  apôtres.  Nous  y  voyons  le  modèle 
de  la  perfection  chrétienne,  soit  pour  les 
simples  fidèles  dans  les  premiers  chrétiens 
de  Jérusalem,  soit  pour  ceux  qui  gouvernent 
l'Egiise  dans  la  vertu  incomparable  des  apô- 
tres et  surtout  dans  leur  union  et  leur  cha- 
rité parfaite.  Nous  y  apprenons  aussi  des 
dogmes   que  nous  ne  trouvons  dans  aucun 
autre  livre  de  l'Ecriture  avec  la  même  clarté. 
On  peut  dire  surtout  que  ce  livre  est  parti- 


culièrement la  preuve  de  la  résurrectio!»  d« 
Jésus-Christ,  de  la(|U(,-ll(î  toutes  les  autres 
V(''rités  de  la  religi(jn  suivent  sans  (joine. 
Saint  Chrysostome  y  admiie  encoi'(î  la  con- 
de.st(Mi(lan((ï  dont  les  .Mijôtrcvs  usaient  par 
l'inspiration  du  Saint-I<;spril,  eu  établissant 
beaucoup  riiumanilé,  la  résuriv-ciion  et  l'.is- 
cension  de  Ji'sus-Cln'isl,  ne  [)arlant  que  fort 
peu  de  sa  divinité,  de  peur  d<!  lebutei'  leurs 
auditeuis  en  les  accablant  par  des  vérités 
disproportioinn''es  à  leur  faililesse,  au  lieu 
de  les  laisser  croître  (X'U  h  [)eu  et  deversir 
assez  forts  j)our  se  nourrir  de  ce  »jui  les  au- 
i-ait  éloullV's  d'abord,  et  pour  être  ensuite  iti- 
cor[)oiés  à  l'Eglise  par  les  sacr(;mefds.  Un 
ancien  a  dit,  (pn-  connue  l'Evangib;  nous 
appi'cnd  les  aclions  de  Jésus-Cihi-ist.les  Actes- 
nous  apprennent  les  actions  et  la  conduitci 
du  Saint-Esprit. 

(^omme  saint  Luc  était  disciple  (h;  saint 
Paul,  il  déciit  principalement  ce  qui  le  re- 
garde; mais  il  le  fait  avec  une  entière  sim- 
plicité, sans  relever  jamais  ni  ses  actions,  ni 
ses  souffrances.  H  en  conduit  l'histoire  jus- 
qu'à la  seconde  année  que  cet  apôtre  de- 
meura à  llome,  c'est-à-(lirejusqu'(!n  l'an  63» 
d'où  nous  pouvons  juger  que  ce  fut  î\  Uonie 
qu'il  l'écrivit  dans  ce  temps-là  même.  Et  il 
ne  laut  pas  demander  pourquoi  il  n'a  pas 
achevé  de  faire  l'histoire  de  saint  Paul,  puis- 
que ce  qu'il  en  a  écrit  suf.it  pour  notre  ins- 
truction, si  nous  savons  en  profiter,  et  que 
le  dessein  do  ces  honniies  a[!Ostoliques  n'é- 
tait pas  d'écrire  beaucoup. 

Je  n:.'  sais  d'où  peut  être  venu  ce  qu'on  lit 
dans  un  écrit  attribué  à  saint  Athanase,  que 
ce  fut  saint  Pierre  qui  dicta  le  livi-e  des  Ac- 
tes à  saint  Luc.  Ce  livre  a  été  traduit  du 
grec  en  hébreu,  car  personne  ne  doute 
que  saint  Luc  n'ait  écîit , en  gr.c.  On  remar- 
que qu'il  suit  plus  le  style  oiuiriaire  <les  his- 
toires, et  que  son  expression  est  meilleura 
et  plus  grecque  que  celle  des  autres  écri- 
vains canoniques.  On  voit  aussi  qu'il  cite 
plutôt  l'Ecriture  selon  le  gi^ec  des  Se[)tantQ 
que  selon  l'hébreu  ;  ce  que  l'on  attr-ibue  à  ce 
que  les  anciens  auteui^s  ecclésiastiques  ont 
rcma.-qué,  qu'il  savait  mieux  la  langue  grec- 
que que  rhébraique.  Ce  fut  par  le  moyen  do 
son  Evangile  et  de  son  histoire  des  "Actes, 
que  de  médecin  des  corps  il  devint  médecin 
des  âmes;  et  il  exerce  celte  médecine  divine 
autant  de  fois  qu'on  lit  ses  ouvrages  dans 
les  églises.  Il  a  chassé  les  ténèbres  de  toute 
la  terre  et  a  mérité  qu'on  l'appelât  VEtoila 
de  VEijlise. 

Après  que  saint  Luc,  fortifié  par  la  pui.'Ç- 
sance  invincible  de  la  grâce,  eut  longtemps 
combattu  contre  le  démon  et  contre  lui- 
même,  et  qu'il  eut  arrosé  lEglise  par  ce 
fleuve  de  lumière  qu'on  trouve  dans  son 
Evangile  et  dans  son  histoire  des  Actes,  il 
alla  recevoir  la  couronne  de  ses  mérites.  Il 
mourut  en  Achaïe.  et  i)eut-ètre  à  Patres, 
ville  de  cette  province,  déjà  célèbre  -par  le- 
martyre  de  saint  André.  Toute  l'Eglise  grec- 
(jue  et  latine  en  fait  présenteruent  la  f:'te  lo 
18  O'tiobre.  Quelques  anciens  Marlyrolo.^es 
maïqueiit  ce  jour-là  une  translation  de  sou 


1523 


L13C 


LUG 


1524 


corps,  que  nous  ne  connaissons  pas,  et  met- 
tent sa  fête  le  21  seiUembrc  L'Eglise  d'Afri- 
que l'honorait  le  13  octobre.  Ni  S'iinl  Jérùiiie, 
ni  les  Martyrologes  grecs  ou  lalins  ne  nous 
apprennent  rien  de  parlieulier  sur  sa  mort, 
et  leurs  termes  portent  à  croire  qu'il  est 
mort  en  paiï.  Elle  de  Crète,  célèbre  par  ses 
coramentairessur  saint (Irégoirede  Nazianze, 
suppose  même  qu'il  est  constant  qu'il  n'est 
point  mort  par  le  martyre,  non  plus  que 
saint  Jean  l'évangéliste,  mais  qu'a[)rès  avoir 
beaucoup  soulTert  i)oar  Jésus-Christ  et  pour 
l'Evangile,  il  est  retourné  en  paix  vers  le 
Dieu  de  paix. 

Cependant,  saint  Gaudence  de  Bresce,  qui 
vivait  à  la  fin  du  iv'  siècle  et  qui  avait  beau- 
coup voyagé  dans  l'Orient ,  met  saint  Luc 
entre  ceux  qui,  après  avoir  prêché  le  royaume 
de  Dieu  et  sa  justice,  avaient  été  tués  par  tes 
impies.  Saint  Paulin  lui  donne  aussi ,  selon 
quelques-uns,  la  qualité  de  martyr,  et  le  ca- 
lendrier de  l'Eglise  d'Afrique  le  qualifie  po- 
sitivement évangéliste  et  marlijr.  Entre  les 
Grecs  ,  saint  Grégoire  de  Nazianze  reproche 
à  Julien  l'Apostat  de  n'avoir  point  respecté 
ces  victimes  immoU'^es  pour  Jésus-Clirist  , 
ces  glorieux  atliiètes  Jean,  Pie.re ,  Luc, 
Thècle  et  les  autres  (jui  ont  exposé  leur  vie 
pour  la  vérité;  qui  o  U  combattu  contre  le 
fer  et  le  feu  ,  contre  les  bêtes  et  les  tyrans, 
comme  si  leurs  corps  eussent  été  insensibles 
ou  qu'ils  n'eussent  point  eu  de  coips.  Quel- 
ques nouveaux  Grecs  ont  dit  encore  plus  po- 
sitivement que  saint  Luc  avait  été  martyrisé, 
et  assurent  qu'il  mourut  attaché  et  crucitié 
à  un  olivier.  Mai-,  s  il  n'est  pas  certain  que 
sa  mort  ait  été  honorée  par- le  martyre,  on 
peut  dire  néanmoins  que  sa  vie  a  été  un 
long  martyre,  et  que,  conmie  l'Eglise  le  dit 
de  lui,  il  a  sans  cesse  porté  sur  son  corps  la 
mortihcatio'i  de  la  croix.  Les  Grecs  et  les  La- 
tins mêmes  lui  d.'unent  le  titre  dapotre. 
Nous  ne  rapportons  |)oint  la  manière  mira- 
culeuse dont  les  nouveaux  Grecs  disent  que 
son  corps  fut  trouvé  par  ses  (disciples.  Il  suf- 
fit d'apprendre  de  saint  Gaudence  qu'il  fai- 
sait voir  par  les  merveilles  qu'il  opérait  qu'il 
vivait  toujours  à  l'égard  de  Dieu.  Ses  reli- 
ques furent  portées  d'Achaïe  à  Cou'tantino- 
ple  avec  celles  de  saint  André  ,  en  l'an  357  , 
et  mises  dans  la  basili(pie  dos  Apôtres.  On 
\{is  y  trouva  enterrées  dans  des  colfres  de 
tois,  lorsque  Juslinien  voulut  reb.Uir  cette 
église;  et  après  qu'elles  curent  été  exposées 
à  la  vénération  dt-s  peuples,  elles  furent  re- 
mises en  tirre  au  même  lieu.  On  prétond 
que  lorsque  le  c(>rf)s  de  saint  Luc  fut  ap- 
j)orté  à  (>onsta'ilin()ple,  Anatole,  eunuque  et 
chambellan  de  Constance, s'élanl  mêlé  parmi 
teux  fjui  hîhorlaient,  fut  aussitAt  guéri  d'u'i 
mal  ineurabledoiit  il  était  travaillé.  Il  y  avait 
desreliquesdesaiiitLucdansl  église  d(ï Saisit- 
Félix,  à  Noie, et  saint  l*aulin  en  mil  dans  celle 
qu'il  lit  bâtir  h  Eondi.  S;iint  (iandence  do 
Bresce  en  mit  aussi  dans  son  églis(;.  On  pré- 
tend (lue  saint  Grégoire  l(!(ir;uid,  revenant 
d(!  s;i  légation  di-t^onslantinople,  en  rapporta 
h  llonu;  lc(;h(;l  do  sainl  Luc  pour  !•'  mcttio 
dans  le  uionastère  (ju'il  y  avait  fondé  sous 


le  nom  de  ce  saint  et  de  saint  André ,  et  que 
ce  chef  se  conserve  encore  aujourd'hui  dans 
le  Vatican.  On  |)arle  encore  de  diverses  re- 
liiiues  de  saint  Luc,  ap|)orlées  àPaioue  et  en 
d'autres  endroit^  d'Italie  ,  mais  il  n'y  a  rien 
en  tout  cela  de  fondé. 

Personne  n'ig  lore  que  l'on  altribneaujour* 
d'huià  saint  l>uc  la  qualité  (hipe  ntre,et(pron 
prétend  qu'il  alaissé  plusieurs  portraitsde  sa 
main,  comme  de  saint  Pierre,  de  saint  Paulj 
de  Jésus-Cliiist  môme,  et  particulièrement 
celui  de  la  Vierge  que  Pulcliérie  mit  dans 
une  église  /{u'elle  avait  fa  t  b  itir  à  Constan- 
tino|)le.  Nous  aurions  omis  cette  particula- 
rité aussi  bien  que  plusieurs  autres  choses 
que  Nicéphore  dit  de  ce  saint,  si  Théo- 
dore le  Lecteur  ne  parlait  aussi  du  portrait 
de  la  Vierge  fait  par  saint  Luc,  et  envoyé  de 
Jérusalem  à  Pulchérie,  quoiq  le  [leut-être  cet 
historien  même,  qui  vivait  an  vr  siècle,  ne 
fût  guère  propre  pour  autoriser  une  c  iose 
dont  ni  Eusèbe  ni  aucun  autre  ancien  n'ont 
parlé.  Car  on  peut  aisément  avoir  pris  quelque 
peintre  nommé  Luc  pour  l'évangéliste.  Bol- 
lauiusdit  que  la  pieuse. crédulité  des  tidèles 
fait  saint  Luc  peiîitre,  à  cause  de  plusieurs 
images  qu'on  honore  comme  si  elles  étaient 
de  lui. 

Outre  l'Evangile  et  les  Actes  des  apôtres, 
saint  Clément  d'Alexandrie  et  saint  Jérôme 
disent  que  saint  Luc  a  traduit  en  grec  l'épî- 
tre  de  saint  Paul  aux  Hébreux.  D'autres  ont 
Cl  u  (ju'il  pouvait  même  l'avoir  composée  des 
pensées  et  des  paroles  qu'il  avait  retenues 
de  saint  Paul.  Estius  ne  s'éloigne  pas  tout  à 
fait  de  croire  qu'il  l'a  écrite  sur  la  matière  , 
l'ordre  et  les  pensées  que  saint  Paul  lui  avait 
fournies.  Le  même  saint  Clément  lui  a  en- 
core attribué  un  autre  ouvrage  qui  est  la 
dispute  de  Jason  et  de  Papisque.  Nonobs- 
tant cette  autorité  ,  saint  Maxime,  abbé  au 
Yir  siècle,  dit  qu'elle  a  été  mise  en  écrit  par 
Ariston  de  Pella,  qui  peut  avoir  vécu  du 
temps  de  T.  Anlonin,  vers  l'an  IW.  Et  as- 
surément do  la  manière  dont  saint  Jérôme  et 
Origène  parlent  de  cet  ouvrage,  il  n'y  a  nulle 
apparence  qu'il  ait  été  écrit  par  saint  Luc. 
Nous  ne  laisserons  pas  néanmoins  do  mettre 
ici  i)ar  occasion  ce  que  nous  en  avons  trouvé. 

Cet  ouvrage  était  une  conférence  de  Ja- 
son ,  Juif  d'origine  et  chrétien  de  religion  , 
avec  un  juif  d'Alexandi-ic  nommé  Papis([ue  , 
(pii  y  délendait  sa  supcM'slilion  avec  toute 
lobstinalion  ordinaire  aux  Juifs.  Cependant, 
Jason  le  convaiiupiit  si  bien  parles  [).issagos 
do  l'Ancien  reslamenl,  |)ar  la  clarté  avec  la- 
qnelhî  il  j)rouva  ([ue  les  prophéties  ont  été 
accomplies  en  Jésus-Christ  ,  cl  pai*  la  foice 
pleine  de  doucein-  avec  lacpielle  il  combattit 
sa  dunîté  ,  (pu;  Papiscpio,  éclairé  ;ni-dedans 
do  son  conir  par  l'infusion  du  Sainf-Lspril , 
reconnut  la  véiilé,  ou  plutôt  fui  admis  à  la 
connaître,  et,  touchi'î  d(;  la  crainte  du  Soi- 
gneur par  la  grAco  du  Seign(Mir  même  ,  il 
crut  en  Jé^ut-Chrisî,  Elis  do  Dimi,  et  pria  Ja- 
son de  lui  faii  0  obtenir  le  sceau  d(i  sa  foi  et 
d(;  sa  religion,  le  baptême.  Jason  y  rciprésen- 
tail  fort  ceft(!  véiilé,  lune  des  plus  impor- 
tantes pour  les  niu'urs  ,  a  (pic  DlOU  voit  pré- 


i 


1525  LUC 

sentutnent  et  jugera  un  jour  non-soulomont 
nos  actions  et  nos  paroles,  nviis  jusqu'h  nos 
pensées  ;  (pi'ainsi  nous  no  dcTons  ni  ii(!n 
penser  ni  rien  faire  (ju'il  puisse;  condaniiicr, 
mais  tout  faire,  juscpraux  nmindics  diodes, 
dans  le  dessein  et  dans  iiMlr^sir  de  lui  plaire. 
Celle  c<)il(''rence ,  qualiiiée  |)ar  ()i-i;èn(>, 
Contra'liction  ,  vl  Altfrcaliov  par  saint  .l(^- 
rùme  ,  fut  ùcrile  en  grec,  non  par  J.ison 
raônie  ,  mais  psr  saint  Lue  ,  si  on  N;  veut 
croire  sur  l'autorilé  do  saint  Clt'nnenl ,  ou 
par  Ariston,  ou  pai-  (]ueiqu(>  autre  qui  la  ju- 
gea lU^nv  de  |)asser  à  la  posh-rdé  et  e.ipablo 
a  éditier  ceux  qui  la  lii-aient.  (".(ds»;  Tlipicu- 
rie!i  en  parlait  avee  nn^ni'is  en  écrivant  con- 
tre les  chrétiens  vers  le  nnlieu  ou  la  (in  du 
II'  siècle  ,  h  quoi  Origène  répond  (pi'il  fi'y  a 
rien  dans  ce  livr(>  (pii  soit  digne  de  raillerie  ou 
de  mépris.  Il  en  appelle  à  tous  c(nix  (pii  vou- 
dront se  donner  la  peine  de  lire  l'ouvrage  , 
et  il  soutient  ipTils  uié])riseront  moins  le  li- 
vre que  celui  (pii  en  parle  si  désavanl.^geu- 
senuMit.  Il  dit  Uiannuiins  en  mftmc  temps 
que  c'était  un  des  moins  considérables  de 
ceux  qui  ont  été  faits  |)oiir  la  défense  de  no- 
tre religion  ,  et  il  avoue  qu'il  est  plus  capa- 
ble d'instruire  les  simples  que  de  satisfaire 
les  doctes.  Mais  il  paraît  réduire  ce  défaut 
cl  la  simplicité  du  style  et  aux  explications 
allégoriques  de  l'Ecriture  qui  apparemment 
n'étaient  pas  assez  naturelles  SaintJérômele 
cite  en  deux  endroits,  quoiqu'il  n'en  pnrle 
point  dans  ses  Hommes  illustres.  W  y  reprend 
une  opinion  qu'il  dit  être  de  quelques  au- 
tres anciens. 

Puisque  cet  ouvrage  a  été  connu  de  Celso 
l'Epicurien,  il  faut  qu'il  ait  été  écrit  au  |ilus 
tard  vers  le  milieu  du  ii°  siècle.  Pamélius 
prétend  môme  que  Jason,,quiy  soutenait  la 
vérité  de  la  religion  ,  est  le  parent  de  s;iint 
Paul,  dont  il  est  pailé  dans  le  chapitre 
xvi"  de  l'Epître  aux  Rumains,  et  dans  le  xvii° 
des  Actes.  Les  protestants  d'Angleterre  ont 
copié  cette  note  dans  leur  édition  de  saint 
Cyprien,  et  S[)enser,  dans  ses  notes  sur  Ori- 
gène, rapporte  la  même  pensée  sans  la  con- 
tester. Elle  paraît  venir  originairement  de 
Sixte  de  Sienne.  Cependant  la  simple  confor- 
mité du  nom  est  une  raison  bien  faible  pour 
avancer  une  chose  de  cette  importance.  Un 
chrétien  nommé  Celse,  jugeant  que  cet  écrit 
pouvait  être  utile  pour  vaincre  la  dureté  des 
Juifs  ,  encore  plus  ennemis  de  Jésus-Christ 
que  les  païens  mêmes,  le  traduisit  de  l'ori- 
ginal grec  en  latin,  en  faveur  de  ceux  qui  ne 
savaient  pas  le  grec ,  et  l'adressa  à  un  saint 
évêquenommé  Vigile,  qui  savait  l'une  et  l'au- 
tre langue,  afin  qu'il  jugeât  de  sa  traduction. 
Et  nousavons  encore  cettepréfaccparlaquelle 
il  la  lui  adresse  ;  car  pour  l'ouvrage  ,  nous 
ne  l'avons  plus  aujourd  hui  ni  en  latin  ni  en 
grec.  On  ne  sait  point  qui  est  ce  Celse  ,  ni 
l'évoque  Vigile,  sinon  qu'ils  vivaient  appa- 
remment durant  les  persécutions  de  l'Eglise 
et  avant  le  concile  de  Nicée.  (Tillemont,  t.  IL) 

LUC  (saint),  martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi  avec  les  saints  Apelle  et  Clément. 
On  ignore  à  quelle  époque  eut  lieu  leur  mar- 
tyre; le  Martyrologe  romainn'ea  dit  rieû,non 


LUC 


4526 


plus  que  des  circonstances  (jui  l'illustrèrent. 
L'lv.thse  vénère  la  mémoire  de  ces  saints 
maityrs  le  10  S"pteml)re. 

\  {':(]  (saint),  diacre  et  martyr,  mourut  pour 
la  d ''fens(ï  de  la  religion  chréliernu',  av  c  le 
diacre  Mncius,  et  les  trois  prêti-es  Parniène. 
Héliiiiénas  et  Chrysotèle.  Les  Ades  des  sninls 
Ahdon  et  Sennon  décrivent  le  martyre  de 
notre  saint  el  di  di.u^re  '.iucius.  L'Ivglisc  fait 
leur  fêle  le  22  avril. 

LUC.  MAI,  néophyte  tonifuinois  ,  fut  mis 
h  uiort  jiour  la  foi  ,  en  il'l-l ,  au  Torqr.in , 
avec  le  P.  Bnchai-elli  ,  jésuite,  Phili|)pe  Mi, 
Luc  Thu  ,  Ktnmannel  i)ien  ,  Pierre  Fri(,'U, 
Dao  Ambroise,  Tli.ulée  Tho  ,  Paid  Noi  et 
François  Kam,  néophytes,  qui  mêlèrent  leur 
sang  h  cv\\\\  du  saint  missioiniaire.  Comme 
on  a  pu  d('jh  le  voir  ailleurs,  cent  cinquante- 
trois  (  inéti(Mis  furent  condamnés  à  prendre 
soin  des  élé|)hants.  L'exemple  de  nos  saints 
martyrs  corrobora  leur  foi,  et  leur  lit  sujipor- 
ler  avec  courage  et  résignation  hiS  fonctions 
humiliantes  auxquelles  les  pcr-séculeurs  les 
conduimèrent  en  haine  tiu  christianisme. 

LUC  THU.  Voi/.  le  précédent. 

LUCAIN  (saint),  fut  martyrisé  en  B^auce, 
h  Logny,  sur  les  contins  du  pays  deCh;irtres 
et  de  l'Orléanais,  en  l'an  de  l'ère  chréiienne 
400,  sons  le  règne  d'Arcadius.  Ses  reliques 
furent  transportées  àParisdansl'églisedc  No- 
tre-Dame. Elles  y  furent  gardées  avec  grande 
dévotion  de  la  part  des  fidèles,  jusqu'en  l'an 
1793.  A  cette  é[)Ofpie  ell-es  eurent  le  sort  de 
tant  de  choses  vénérables,  qu'e)n[!orta  la 
tourmente  révolutionnaire.  Les  Parisiens 
avaient  saint  Lucain  en  très-grand:^  véné- 
ration. Dans  les  calamités  publiques  on  por- 
tait sa  chûsse  entre  celle  de  la  sainte  pa- 
tronne de  Paris  et  celle  de  saint  Marcel.  La 
mémoire  de  saint  Lucain  est  honorée  par 
l'Eglise  le  30  octobre. 

LUCAS  (saint),  diacre  de  l'église  d'.Emèse, 
fut  arrêté  avec  saint  Silvain,  son  évoque,  et 
livré  aux  bêtes  après  avoir  enduré  un  grand 
nombre  de  tourments.  Sa  fête  arrive  le  6  fé- 
vrier. (  Voy.  SiLVAiN  d'Emèse.) 

LUCE  (saint) ,  souffrit  le  martyre  à  Rome 
vers  l'année  166  ,  avec  saint  Ptolémée  et  un 
troisième  compagnon  dont  le  nom  est  ignoré. 
Dans  le  courant  de  l'année  166,  la  persécu- 
tion reprit  avec  violence  à  Rome ,  sous  le 
préfet  Urbicus ,  qui  fit  mettre  à  mort  ces 
trois  saints  de  la  façon  la  plus  inique.  Le 
généreux  athlète  de"  la  vérité  ,  saint  Justin, 
qui ,  comme  nous  l'avons  vu  ,  avait  l'ait  en- 
tendre à  l'empereur  Antonin  une  voix  pleine 
d'éloquence  et  de  courage  en  faveur  des 
chrétiens ,  ne  put  supporter  le  spectacle  de 
ces  horreurs  et  fut  justement  révolté  des  per- 
sécutions qu'on  faisait  endurer  aux  chrétiens 
dans  les  provinces.  Dans  le  feu  de  l'indi- 
gnation que  lui  avait  causée  la  conduite  d'Ur- 
bicus  ,  il  adressa  aux  empereurs  Marc-Au- 
rèle  et  Vérus  et  au  sénat  de  Rome  sa  seconde 
apologie.  On  retrouve  dans  cet  écrit  tout  le 
courage,  toute  l'éloquence  qui  brillaient 
dans  la  première.  Le  saint  n'y  entre  pas 
dans  d'aussi  grands  dévelo;:pements ,  car  il 
était  inutile  de  répéter  ce  qu'il  avait  déjà  dit  ; 


im 


LtC 


LUC 


1S28 


du  reste,  il  so  met  h  la  disposition  de  eeiix  qui 
auraient  des  (lue-lions  h  lui  i)Oser.  (Belouiiio, 
Histoire  drs  Persécutions  ,  t.  1",  p.  329.) 

Voici  le  passage  relatif  à  notre  sujet  :  «  II 
importe  ,  dit-il  ,  que  vous  connaissiez  la 
cause  du  fait  arrivé  dernicromcnt  sous  Ur- 
bicus.  Une  femme  avait  un  mar."  extrême- 
ment débauché;  fV.c  était  elle-même  de 
mœurs  peu  régulières.  Mais  devenue  chré- 
tienne ,  elle  ne  se  conienta  pas  de  changer 
de  conduite  ,  elle  voulut  encore  tirer  son 
mari  de  ses  criminelles  hibiludcs.  Elle  lui 
parlait  de  la  doctrine  de  Jésus-Christ,  elle 
lui  montrait  dans  l'avenir  les  feux  éternels 
réservés  à  ceux  qui  vivent  au  gré  de  leurs 
î'assicns  et  refusent  d'écouter  le  langage  de 
Ja  raison.  Mais  celui-ci ,  loi'i  de  renoncer  à 
ses  désordres  ,  s'y  plongea  de  plus  en  plus, 
au  point  d'a'iéner  entièrement  de  lui  le 
cœur  de  sa  femme;  elle  crut  ne  pouvoir  sans 
crime  rester  avec  un  mari  dont  les  passions 
Cifrénées  souillaient  le  mariage  et  ne  res- 
pectaient aucune  loi;  e'ie  résol  il  donc  de 
quitter  sa  couche  et  de  faire  romiire  ses 
liens.  Mais  ses  am's  l'eigagèrent  à  user  de 
patience  et  à  dilférer  encore.  Ils  lui  repré- 
sentaient que  sou  mari  nouvaii  cliangei'  ou 
du  moins  lui  donner  cet  esjjoir.  Elle  se  laissa 
gagier  et  se  fit  violence  pour  rester  avec  lui, 
mais,  dans  un  vovage  qu'il  lit  à  Alexandrie, 
il  lui  dt'clara  qu'il  ferait  pis  encore.  C'est 
alors  qu'elle  craignit  d'être  la  complice  im- 
pie et  sa'jrilége  de  ses  turpitudes,  si  elle 
continuait  à  partager  sa  table  et  soi  lit;  elle 
lui  envoya  donc  ce  que  vous  appelez  un  li- 
belle de  divorce. 

a  Ce  digne  mari ,  qui  aurait  àù  se  réjouir 
O.Q  ce  que  sa  femme  ,  qui  se  livrait  aupara- 
vant au  vin  et  à  tous  les  genres  d'excès  avec 
des  esclaves  et  des  ouvriers,  non-seul«'ment 
était  changée,  mais  voulait  le  changer  lui- 
même  ,  refusa  le  Iib3'le  et  l'accusa  d'êîre 
chrétienne.  Alors,  pri'ice,eile  vous  présenta 
à  vous-même  une  requête,  dema  dant  qu'il 
lui  fi)t  permis  de  r.'gler  ses  affaires  domesti- 
ques et  i)rûmeltanl  de  répondre  ensuite  h 
1  accusation.  Vous  consentîtes  à  sa  demande. 

«  Son  maii  ne  pouvait  f)lus  la  poursuivre; 
mais  alors  il  touriîa  sa  fureur  contre  un  cer- 
tain Ptolémd'C  (jui  l'avait  instruite  dans  la 
religion  chrétienne  et  (ju"Urbicus  fit  mettre  à 
mort.  .Mais  voici  comment  il  parvint  h  ses 
lins.  Il  pria  un  centurion  de  ses  amis  de  se 
saisir  du  la  personne  de  Ptolémée  pour  le 
jeter  en  prison,  et  de  se  borner  h  lui  deman- 
der s'il  était  chrétien.  i*lolémée,  qui  avait 
horreur  du  mensongii  et  de  la  moindre  dis- 
sinjulation,  n'hésite  pas  un  moment  à  répoii- 
dre  qu'il  (;sl  chrétien.  A  ces  mots,  leccrdu- 
rion  le  jette  dans  un  cachot,  d'où  on  le  tira 
après  lie  longues  soullrarices  pourle  conduira? 
devant  le  tribunal  d'Urbicus.  Ce)ui-vi  lui  fit 
Ja  même  ([uestion  et  en  obtint  la  même  lé- 
,oorise.  Plein  d'une  n<jbl;i  conliance  (pi'il 
avait  pirsée  à  l'école  d(;  Jésus-Christ,  Plolé- 
ni.'e  confessa  une  s(.'COnde  f  ;.>  le  nom  clii'.'- 
tieti,  car  nous  ne  pouvons  le  nier  eu  par»  illo 
circonslauecî  '|U0  {)our  deux  raisons  :  ou 
parce  qtit)  rjou"?  condanuions  la  chose  dont  il 


s'agit  ou  parce  qu'elle  nous  condamne  nous- 
mêmes  et  nous  force  à  rougir  ;  mais  rien  de 
semblable  ne  se  rencontre  dans  un  vrai 
chréiien.  Sur  la  sentence  d'UrJjicus,  Ptolé- 
mée  est  traîné  au  supplice.  Cette  injustice 
révolte  un  autre  disciple  nommé  Lucius  qui 
se  trouvait  là  par  hasard.  Il  interpelle  le  pré- 
fet en  ces  termes  :  «  Pourquoi,  condamnez- 
vous  un  homme  qui  n'est  accusé  ni  d'adul- 
tère, ni  de  vol,  ni  d'homicide  ni  de  rapt; 
qui  n'est,  en  un  mot ,  convaincu  d'aucun 
crime  et  qui  seulement  confesse  le  nom 
chrétien?  Croyez-moi,  Urbicus,  ce  jugement 
ne  s'accorde  pas  avec  les  intentions  ni  du 
pieux  empereur,  ni  du  philosophe  son  fils,  ni 
du  sacré  sénat.  »  Urbicus,  sans  autre  réponse, 
dit  k  Lucius  :  «  Tu  me  parais  aussi  faire  par- 
tie de  ces  gens-là?  —Oui,  certainement!  » 
s'écrie  Lucius.  Alors  le  préfet  commande 
qu'il  soit  aussitôt  conduit  au  supplice.  Et 
Lucius,  de  son  côté,  lui  rend  grâces  de  ce 
qu'il  le  délivrait  de  tels  maîtres,  et  lui  ou- 
vrait la  voie  pour  monter  vers  son  père,  le 
roi  des  cieux.  Il  en  survint  un  troisième  qui 
fut  livré  au  mémo  supplice.  »  (Saint  Justin, 
II'  Apologie,  cliap.  2.) 

LUCE,  sinqilc  fidèle  d'Afrique  ,  qui  eut  le 
malheur,  avec  un  prêtre  nommé  Félix  et 
Victorio  safcnmie,  de  renier  la  foi  chrétienne 
sous  l'empire  (Je  Dèce.  Bientôt  ces  trois 
chrétiens  pusillanimes  se  repentirent  de  la 
f.nite  qu'ils  avaient  commise  ;  une  seconde 
fois  ils  comparurent  devant  le  juge,  et  cette 
fois  ni  les  i)rières  ni  les  menaces  ne  purent 
ébranler  leur  courage.  Ils  furent  condamnés 
au  bannissement.  Leurs  biens  furent  confis- 
qués. 

LUCE  (saint),  martyr,  fut  mis  à  mort  à 
Cartilage  avec  les  sainisMontan,  Flavien,  Ju- 
lien, Victoric,  Primole,  Renus  et  Donatien. 
Ce  fut  en  251),  sous  l'empire  de  Valérien,  et 
sous  le  gouvei'nement  intérimaire  de  Se- 
lon. (Pour  jilus  de  détails,  il  faut  lire  les  Ac- 
tes de  saint  Montan  à  sun  article.)  L'Eglise 
fait  la  fête  de  tous  ces  saints  le  2i  février. 

LUCE  (sainte), communément  sainte  Lucie, 
vierge  et  martyre,  appartenait  à  une  des 
j)remières  familles  de  Syracuse, par  lafortuno 
et  par  la  noblesse,  deux  titres  que  la  vanité 
humaine  place  si  fort  au-dessus  de  l'égalité 
que  Dieu  a  mise  entre  les  hommes  h  leur 
naissance,  et  qu'il  rétablit  si  souverainement 
au  lomboau.  De  bonne  heure  la  jeune  fille 
])erdit  son  père.  Sa  mère,  qui  se  nommait 
Eutychie,  fit  elle-même  son  éducation,  forma 
son  esprit  et  son  cœur.  Déjh  bien  des  fois 
ce  conseil  est  sorti  de  ma  plume.  Mères, 
élevez  vos  filles  vous-mêmes  si  votre  |)0si- 
tion  vous  le  permet.  Tro[)  souvent  elles  pé- 
rissent loin  de  vous.  Abritez-les  longtemps 
sous  l'aile  de  voJre  amour,  (pi'iHles  y  gardent 
la  paix  du  C(L'U1'  <.'l  rinnoccucc,  cette  Heur 
du  jeune  û;:,e  (pii  se  fane,  hélas  !  si  vile  à 
l'air  ininur  du  uionde.  Dieu  nu^t  au  cieurdes 
mères  (les  trésors  d.-  sagt'ss(î  cl  d'insîiiK'tivos 
])révoyances  (lue  l'étrangèi-e  ne  peut  pas 
comprendre.  Une  bt)nu(;  mèr.'  est  le  plus 
grand  bien  (pi'on  puisse  avoir  dans  ce 
monde  :    c'est    elle  qui  sait    ensoigner  la 


1S29 


LUC 


Ll'C 


15S0 


vertu  sans  logique  et  sans  instruction,  par 
sini[)le  épaiicheini'Ut  du  cœnv  dans  lo  cœur. 
Celui  (pii'  le  louibilloii  ilu  inoiulo  enlraînc, 
que  les  j)assions  inaitrisonl,  ijue  roif^iioil- 
leuso  raison  égare,  qui  reste  sourd  h  toute 
autre  voix,  se  souvieut-toujours,  aux  heures 
suprêmes  do  la  vie,  des  ci-oyauees  puisées 
dans  l'amour  maternel.  Quand  Dieu  envoie 
un  rayon  de  sa  gr<loe  éclairer  le  coupable  ou 
le  niburaut,  iJ  luit  au  cœur  près  pie  tou- 
jours environné  des  souvenirs  d'enfance,  et 
ramenant  avec  lui  la  chère  image  de  celle 
qui  fut  l'ange  gardien  du  berceau. 

Eutychie  éleva  sa  fdle  près  d'elle,  et  lui 
inspira,  dès  ses  plus  jeunes  ans,  l'aniourdL'S 
vertus  évangél;(iues.  La  jeune  tilh;  pi-omit 
à  Dieu  de  se  consacrer  entièrement  à  lui  et 
de  n'avoir  pas  d'autre  amour  en  ce  monde 
que  celui-là.  Mystérieuse  [)romessc  déjeune 
lille  faite  dans  le  secret  du  cœur,  et  que  la 
mère  elle-même  ignora.  Toutes  les  jeunes 
filles  ont  ainsi  quelque  culte  ignoré. Les  pures 
amours  et  les  plus  chères  se  voilent  ainsi. 
Premiers  rêves  du  cœur,  ce  sont  ceux  qu'on 
chérit  le  plus  et  qu'on  revient  trouver  de 
souvenir  quand  on  n'est  plus  heureux,  quand 
on  a  feuille  à  feuille  semé  sur  la  route 
ses  illusions  et  ses  bonheurs. 

Eutychie  songeait  à  marier  sa  fille  :  pré- 
voyant instinctdesmères  !  elles  songentau'un 
jour,  si  Dieu  les  appelle,  elles  laisseront  leurs 
filles  isolées  dans  ce  monde.  Elles  se  sou- 
viennent de  leurs  joies  d'épouses,  de  leurs 
félicités  maternelles,  et  veulent  légut-r  à  des 
mains  qu'elles  prient  Dieu  de  choisir  le 
bonheur  de  leur  enfant.  Pauvres  mères,  si 
heui-euses  quand  Dieu  les  écoute,  si  navrées 
s'J  les  condamne  à  voir  soulfrir  celles  en 
qui  désormais  elles  vivent  tout  entières  1 
Eutychie  prévoyait  sa  fin  prochaine  ;  depuis 
quelque  temps  un  fiux  de  sang  que  rien 
n'arrêtait,  l'approchait  chaque  jour  du  tom- 
beau. Ne  songeant  qu'à  sa  fille,  elle  la  pres- 
sait de  prendre  l'époux  qu'elle  lui  avait 
choisi.  Luce,  épouse  du  Seigneur,  ne  voulait 
pas  contracter  d'autres  liens  sur  terre  :  fille 
dévouée,  elle  voulait  rester  près  de  sa  mère 
souHYante  et  lui  prodiguer  ses  soins.  Dieu 
l'inspira,  disent  ses  Actes  :  Elle  conseilla 
à  sa  mère  de  se  rendre  à  Catane,  au  tombeau 
de  sainte  Agathe,  pour  y  demander  sa  gué- 
rison.  Leurs  prières  furent  exaucées.  Ce  fut 
alors  que  Luce  fit  l'aveu  de  sa  promesse. 
Eutychie  ap[)rouva  cette  promesse,  et  lui 
permit  de  se  consacrer  entièrement  au  culte 
du  Seigneur.  Le  jeune  homme  auquel  Luce 
avait  été  promise  passa  de  l'amour  au  désir 
de  la  vengeance.  Rarement  l'amour  par- 
donne ;  quelques  cœurs  privilégiés  seu'e- 
ment  se  mettent  à  la  hauteur  de  l'amitié  si 
généreuse  et  si  riche  d'abnégations.  Ce 
jeune  homme,  qui  était  païen,  n'eut  pas  le 
courage  héroïque  du  sacrifice.  H  dénonça 
Luce  comme  chrétienne  au  gouverneur 
Paschase.  La  persécution  décimai^  l'Eglise 
et  peuplait  le  ciel.  I.e  sang  chiélien  coulait 
à  flots  sous  le  glaive  que  Dioctétien  et  ses 
collègues  avaient  tiré  contre  Jésus-Christ. 
Paschase  était  un   digne  ministre  de  tels 


maîtres.  11  comdamna  la  sainte  h  être  exposée 
ilans  un  lieu  de  |)roslitution.  Dieu  veillait 
sur  SCS  vierges;  souvent  d'infAries  juges 
prononcèrent  de  pareilles  sente-iccs  :  pre^tiue 
toujours  nous  voyons  dans  les  Actes  que  la 
|)rotection  divine  ne  iiermit  pas  qu'elles 
fussent  exécutées.  Sainte  Luc(!  fui  iiréservée. 
Personne,  disent  ses  Actes,  n'osa  s  approcher 
d'elle.  On  pensa  la  vaincre  par  l(;s  tortures; 
elle  fut  inébranlable,  et,  toute  déchirée  par 
les  bourreaux,  elle  fut  ramenée  en  prison, 
où  elle  mourut  nu  bout  de  quehiue  temps. 
0"e  devint  sa  mère  ?  les  Actes  n  en  disent 
rien.  Pauvre  bienheureuse  mère,  elle  dut 
sentir  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours  tout  ce 
(lue  Dieu  peut  mettre  dans  un  cœur  do 
douleurs  et  de  joies,  puisiju'elle  était  mère 
et  chrétienne,  puisqu'elle  était  seule  sur 
terre,  aspirant  le  ciel  où  son  enfant  l'appelait. 
Quelques  années,  le  corps  de  sainte  Luce 
resta  à  Syracuse,  puis  il  fut  porté  en  Italie. 
Othon  I"  le  donna  à  l'église  de  Saint-Vincent 
de  Metz.  La  fête  de  sainte  Luce  arrive  le 
13  décembre.  (Voy.  Acta  sincera  S.  Luciœ, 
V.  M.,  ex  oplimo  codice  fjrœco  nimc  prirnum 
édita  et  illustrota,  Palermis,  1G61,  in-4». 
Tauromenilani  Canonic.  Palermit.) 

LUCIE  (sainte),  était  fennne  de  qualité  et 
Romaine.  Ce  fut  sous  l'empereur  Dioclétien 
(ju'elle  périt  par  le  glaive,  après  avoir  souf- 
fert, avec  un  courage  héroïque,  de  longues 
et  ligoureuses  tortures.  Elle  eut  pour  com- 
pa-;non  de  son  triomphe  saint  Géminien. 
L'Eglise  fait  leur  fête  le  16  septembre. 

LUCIE  (sainte),  née  en  Campanie  :  ayant 
été  prise  en  sa  qualité  de  chrétienne,  elle 
fut  tourmentée  cruellement  par  le  lieute- 
nant Riccius-Varus,  qu'elle  convertit  à  Jé- 
sus-Chrisl.  On  leur  adjoignit  Antonin,  Sé- 
verin,  Diodore,  Dion  et  dix-sept  autres  dont 
nous  ignorons  les  noms.  Ils  sont  inscrits  au 
Martyrologe  romain  le  6  juillet. 

LUCIE  (saillie),  vierge  et  martyre,  répan- 
dit son  sang  pour  la  foi  à  Rome,  avec  vingt- 
deux  autres  saints  dont  les  noms  sont  igno- 
rés. L'Eglise  les  honore  comme  martyrs  le 
25  juin. 

LUCIEN,  nom  d'un  prétendu  gouverneur 
romain  de  la  Palestine,  à  qui  les  nouveaux 
Grecs,  et  d'après  eux  le  Martyrologe  ro- 
main, attribuent  la  mort  de  saint  Ananie, 
qui  bajUisa  saint  Paul  à  Damas.  Ils  préten- 
dent (lue  ce  gouverneur  aurait  condamné  co 
saint  ;i  être  lapidé.  A  l'ariicle  Akame,  nous 
démontrons  la  fausseté  de  celte  opinion  des 
Grecs.  Voy.  Aname. 

LUCIEN  (saint),  cueillit  la  palme  du  mar- 
tyre sous  l'empire  de  ïrajaû,  à  Durazzo, 
ville  d'Albanie,  et  eut  pour  compagnons  do 
son  martyre  saint  Pérégrin,  saint  Pompée, 
saint  Hésychius,  saint  Papius,  saint  Satur- 
nins et  saint  Germain.  (Pas  de  documents 
sur  cette  glorieuse  cohorte  de  martyrs.)  L'E- 
glise fc\it  leur  fête  le  7  juillet. 

LUCIEN  (saint),  martyr  et  apôtre  deBeau- 
vais,  vint  de  Rome  avec  saint  Quentin;  quel- 
ques anciens  ajoutent  avec  saint  Denis,  pour 
piêcher  la  foi  chrétienne  dans  les  Gaules. 
Après  avoir -porté  la  parole  divine  daus  plu- 


4531  LUC 

sieurs  contrées   avec   saint  Quentin,    dont 
quelques-uns  l'ont  fait  disciple,  il  vint  avec 
lui  jusqu'à  Amiens.   Ce  fut  tlans  celte  ville 
que  les  deux   saints   se   séparèrent,   saint 
Quentin  pour  y  rester,   saint  Lucien  pour 
aller  à  Beauvais  :  là  il   prouva  la  vérité  de 
l'Evangile  par  ses   prédications  et  ses  jnira- 
cles.    Sa  vie  se  partageait  tout  entière  entre 
les   travaux   de  raj^ostolaf,   le  jeûne  et  les 
prières.  Il  vivait  de  manière  à  ne  donner  à 
son  corps  que  ce  qui  lui  était  indispensab'e 
pour  vivre  :  des  herb-s,  de  l'eau,  c'était  sa 
nourriture.  On  prélenJ  que  pendantlecarème, 
il  ne  mangeait  que  deux  fois  par  semaine, 
pourtant  il  devait  être  vieux,  ayant  dû  ve- 
nir en  Gaule  vers   l'an  2'i-5.    Presque  tous 
ceux   qui  ont  parlé  de   lui  ne  lui  donnent 
pas  d'autre  qualité  que  celle  de  prêtre.  Le 
peuple  de  Beauvais,  qui  était  journellement 
témoin  de  sa  ve.lu,  des  miracles  qu'il  opé- 
rait, voulait  l'avoir  pour  évèquc.  Les  prin- 
cipaux de  la  ville  avaient  député  vers  saint 
Bieul,   évèfiue   de  Senlis,   pour    qu'il   vsnt 
l'ordonner.  Saint  Uioul  éiail  déjà  en    route 
quand  il  ap{)rit  (jue  le  saint  avait  été  marty- 
risé au  sein  d'une  émotion  populaire  susci- 
tée par  la   haine    de   ceux  des  principiux 
habitants   qui,    n'ayant   pas    été    convertis 
par  les  prédications  du  saint,  souIlVaient  im- 
patiemment de  voir  leur  vie  et  leurs  mœurs 
condaninées    par  les    vertus    de   ceux    qui 
étaient  devenus  chrétiens.  On  pense  que  Ju- 
lien,   vicaire  ou  môme  successeur  de  Ric- 
tius  Varus,  préfet  des  Gaules,  n'avait  pas  été 
étranger  à  la  mort  du  saint,   et  qu'il  avait 
excité  les  habilunls  de  Beauvais  à  s'en  dé- 
faire. L'Eglise  romaine  honore  sa  mémoire 
le  8  janvier.   Il    existe,    à  propos   de    saint 
Lucien,  une  tradition  populaire   pareille  à 
celle  qui  existe  par  rapport   à  saint  Denis  : 
on  raconte  que  ce  saint,  ayant  été  décapité, 
traversa  la  rivière  portant  sa  tète  entre  ses 
mains,  et  qu'il  marcha  justpi'au  lieu  où  se 
trouve  aujourd'hui  l'abbaye  qui  porte  son 
nom   à   un  quart  de  lieue  de  Beauvais. 

LUCIEN  (saint),  fut  martyrisé  pour  la  foi 
avec  saint  Marcien,  à  Nicom'édie,  sous  l'em- 
l>ire  de  Dèce.  Ils  eurent  pour  compagnons 
de  leur  martyre  les  saints  Flore,  Héraclo,  Tito 
et  un  autre  Flore.  Les  Actes  que  nous  don- 
nons ici,  et  qui  paraissent  Irès-authenliques 
et  tiès-édiliants,  ne  concernent  que  Lucien 
et  Marcien,  quoique  les  autres  saints  que 
nous  venons  de  nommei'  aient  été  certaine- 
ment martyrisés  avec  eux  et  dans  les  mô- 
mes circon.'^t.inces  ;  L'Eglise  fait  leur  fôte  à 
tous  le  20  octobre. 

«  Je  veux,  m. 'S  frères,  pour  votre  édifica- 
tion, vous  faire  h'  récit  du  martyre  de  saint 
Lucien  et  de  saint  Marcien.  ils  étai(;nt 
j>aiens,  et  si  dévoués  au  démon,  qu'ils  n'a- 
vaient point  de  plus  grjiiide  passion  que  de 
séduire  des  âmes,  pour  les  engager  dans 
son  ciilte  sacrilège.  Ils  se  servaient  pour 
cela  de  cette  science  ténébreuse  (pic  les  dé- 
mons ont  enseignée  aux  hommes;  car  ib 
él.'nenl  magiciens  de  piol'e.ssioti,  (!t  par  la 
lon;(!  (Je  bjurs  cnclianlemenls  et  la  veilu  do 
leurs  j^hiUros,  de  hjurs  anneaux  constellés 


LUC 


1532 


et  de  leurs  figures  talisraaniques,  ils  fai- 
saient obtenir  aux  uns  Faccomplisseraent  de 
leurs  amours,  et  donnaient  aux  autres  les 
moyens  de  satisfaire  leurs  haines.  Ainsi, 
quiconque  voulait  ou  se  faire  craindre,  ou 
se  faire  aimer,  n'avait  qu'à  s'adri'sscr  à  eux. 
Mais  D'eu  qui  prend  plaisir  à  ^'aire  luire  sa 
grâce  dans  l'obscurité  des  plus  grands  cri- 
mes, et  qui  aime  à  faire  connaître  son  nom 
à  ceux  qui  semblent  ôlr*-  les  plus  éloignés,  et 
qui  sont  on  eO'et  les  plus  indignes  de  cettedi- 
yine  fàv,'ur;  Dieu,  dis-je,  ojx'na  dans  un 
instant  la  conversion  de  ces  deux  fameux 
enchanteurs,  de  la  manière  que  je  vais  ra- 
conter, 

«  Il  y  avait  à  Nicomédie  une  jeune  per- 
sonne qui,  ayant  renoncé  au  mariage  et  em- 
brassé l'état  de  la  virginité,  s'était  consacrée 
à  Dieu  ;  elle  le  servait  avec  une  fidélité  ex- 
acte et  un  attachement  [)arfait.  La  beauté  de 
son  corps  ne  cédait  qu'à  celle  de  son  âme  ; 
mais  elle  effaçait  toutes  les  autres.  Tant  de 
charmes  joints  ensemble  lui  firent  conquen- 
dre  qu'il  n'y  avait  que  celui  qni  en  avait 
fait  l'assemblage  qui  en  méritât  la  posses- 
sion. Elle  se  donna  donc  tout  entière  à  lui, 
et  elle  le  priait  sans  cesse  qu'il  voulut  bien 
la  conserver  pour  lui  seul.  Nos  deux  magi- 
ciens la  virent,  et  cette  beauté  surprenante 
fit  sur  eux  son  effet  naturel  :  elle  les  éblouit 
d'abord,  et,  contre  son  intention,  leur  fit  con- 
cevoir de  l'amour  et  des  désirs,  mais  un 
amour  criminel  et  des  désirs  impurs.  Cepen- 
dant, comme  ils  désespéraient  de  les  pou* 
voir  satisfaire  par  les  voies  ordinaires,  ils 
eurent  recours  à  leur  art,  et  ils  iuq)lorèrent 
le  secouis^do  leurs  démons  ;  mais  ce  fut  en 
vain  :  l'enfer  ni  ses  noirs  artifices  ne  purent 
rien  sur  celle  que  le  ciel  protégeait.  Lucien 
et  son  comi)agnon  frémissaient  de  dépit,  en 
voyant  l'impuissance  de  leur  art  ;  et  leur 
confusion  était  d'autant  plus  grande,  que 
celle  qu'ils  attaquaient  ne  faisait  autre 
chose,  pour  se  défendre  et  pour  rendre 
leurs  ellorts  inutiles,  que  d'adresser  à  Dieu 
de  ferventes  prières.  Mais  eux  redoublant 
leur  conjuration,  et  épuisant  tout  ce  que 
leur  savoir  funeste  et  sombre  leur  fournis'- 
sait  d'enchantements  et  de  prestiges,  ils  ne 
cessaient,  jour  et  nuit,  de  consulter  leurs  dé- 
mons touchant  le  mauvais  succès  de  leur 
entreprise. 

«Ces  malins  esprits,  fatigués  de  leurs 
plaintes  continuelles  et  do  ces  évocations  si 
souvent  réitérées,  \va\v  lépondiront  enfin  en 
ces  termes  :  «  Tandis  que  vous  n'avez  formé 
«  des  desseins  (pie  sur  des  personnes  à  qui 
«  le  Dieu  du  ciel  était  inconini,  il  nous  a  été 
«  facile  de  vous  accorder  notre  assistance, 
«  lorsq  10  vous  nous  l'avez  demandée,  et 
«  nous  avons  toujours  lait  réussir  les  ('lioses 
«  à  votre  contentement.  Mais,  maintenant 
«  qu'il  nous  faut  attaijuer  un  ciDur  défendu 
«  par  la  chastiîté  ,  nous  y  trouvons  une  si 
«  grande  résistance,  que  nous  désespérons 
«  de  pouvoir  vous  le  soumettre.  Car  mifin 
«  nous  soniuïcs  obligés  de  vous  diri^ ,  (pie 
«  celte  p(MS(tnno  dont  la  beauté  vous  louche 
«  est  du  nombre  du  ces  vierges  qui  sont 


I 


ltiS5 


LUC 


LUC 


ISS* 


«  co.isaiTiîes  à  JtVsus-Clirist,  lo  Seigneur  ot  lo 
«  Dieu  do  tous  Icslioiniiit's,  el  l(M|uel  a  don-ié 
«  sa  Vi(*  pour  eux.  Vous  iw  sauciez  croii-o 
«  lo  soin  qu'il  prend  do  la  |)ri^serv(M'  do  tous 
«  nos  aililicos,  ol  <•((  qu'il  nou«<  lait  «(uillVir 
«  loul<'s  les  fois  quo  tous  voulons  ontio- 
«  prondro  (|uol(|uo  chos(î  conlro  clic.  Ainsi 
«  nous  cédons  malgré  nous  ;"»  uuo  puissance 
«  supériciu'c,  et  nous  soinintis  l'orccs  de  nous 
«  retirer  couverts  de  houle  el  do  cotdcssor 
«  notre  l'aihle^se.  «(Ici  iwcn  des  d6n\ons  sur- 
prit étrangouieut  nos  magiciens;  ils  en  lu- 
rent si  vivement  pénétrés  ,  qu'ils  on  tom- 
bèrent eounno  morts,  lo  visage  contre  terre. 
Ils  y  demeurèrent  (iMelipio  tem|)s ,  saisis 
d'étonneuuMit  et  do  crainte.  iMilin  ,  revenant 
à  eux  peu  à  [)eu,  et  ayant  locouvré  l'usage 
des  sons  ot  ilc  la  lumière,  ils  congédièrent 
les  démons;  puis,  se  regardant  l'un  l'autre  , 
ils  se  [)laignaiont  do  Nuir  mallunn'i'use  des- 
tinée. «Quoi!  disaient-ils,  ce  Jésus-Christ 
a  est  si  jiuissantl  tout  lui  obéit,  tout  lui 
«  code  :  ceux-là  mêmes  (jue  nous  croyions 
«  des  dieux  trembhvH  devant  lui.  Allez  , 
«  vaines  illusions  d'un  art  tiomueur,  char- 
«(  mes  impuissants  ,  détestable  magie ,  et 
«  vous,  osp'it  impur,  rentrez  tous  dans  l'a- 
rt bime  d'où  vous  n'étiez  sortis  que  pour 
«  nous  séduire.  C'est  à  Jésus  crucilié  (jue 
«  nous  voulons  être  désormais;  c'est  lui  (|ue 
«  nous  devons  craindre;  lui  seul  mérite 
«  qu'on  l'adore.  » 

«  Ce  fut  pour  lors  qu'on  vit  une  surabon- 
dance de  grâces  où  l'on  n'avait  trouvé  jus- 
que-là qu'une  abondance  de  péché  :  car, 
pleins  (l'uni  sainte  impatience ,  et  poussés 
d'un  mouvement  inconnu,  mais  divin  ,  ils 
coiu'ent  à  la  place  publitpie,  ils  allument  un 
grand  feu,  et  ils  y  jettent  leurs  livres,  leurs 
caractères  magiques  et  tout  ce  (]ui  servait 
à  l'exercice  de  leur  exécrable  science.  Celte 
action  d'éclat  jeta  la  surprise  dans  les  esprits; 
mais  eux  ,  élevant  leur  voix,  publiaient  la 
grâce  qu'ils  venaient  de  recevoir  du  Seigneur. 
«  Que  le  grand  Dieu  du  ciel  soit  béni,  di- 
«  saient-ils  ;  il  a  dissipé  les  ombres  de  la 
«  mort  qui  nous  environnaient,  et  il  a  ouvert 
«  nos  yeux  h  la  lumière  de  la  vie.  Malbeu- 
«  reux  que  nous  étions,  iious  courions  après 
«  des  fanlomes  q.e  les  détnons  formaient 
«  pour  nous  tromper  :  tout  cela  n'était  qu'il- 
«  lusion  et  que  mensonge.  Mais  nous  recon- 
«  naissons  niaintenant  le  Dieu  véritable ,  et 
«  nous  mettons  toute  notra  es[)érance  en 
«  lui.  »  En  parlant  ainsi,  ils  s'avancent  vers 
1  église ,  et  confessent  publiquement  leurs 
péchés.  Après  qu'ils  eurent  été  reçus  au 
nombre  des  fidèles  et  qu'ils  eurent  été  bap- 
tisés, ils  se  retirèrent  aans  un  désert,  où  ils 
commencèrent  à  pratiquer  les  exercices  les 
plus  laborieux  de  la  pénitence^  menant  une 
vie  si  austère  et  si  mortiliée,  qu'ils  ne  pre- 
naient tous  les  jours  qu'un  peu  de  pain  et 
d'eau. 

«  Ils  ne  laissaient  pas  de  quitter  quelque- 
fois leur  solitude  pour  aller  annoncier  aux 
gentils  Jésus-Christ,  le  Verbe  de  Dieu,  et  ils 
leur  découvraient  les  erreurs  grossières  de 
la  fausse  religion.  Chacun  était  dans  l'admi- 


l'ation,  et  on  se  disait  l'un  à  l'autre  :  «  Ne 
a  sont-co  pas  là  ces  honuiies  si  savatits  liins 
«  les  ujystèros  de  nos  dieux,  el  (pii  avaient 
«  d(;  si  l)oaijx  secrets  [lour  rions  faiie  jouir 
«  des  objets  de  nos  passions?  Kl  h  s  voilà 
«  nianitonanl  ({ui  [irèclienl  1(>  (wucilié,  dont 
«  ils  ont  autr  lois  dit  tant  de  mal.  »  Mais  c(?s 
admiiables  solilaires  i-épondaient  :  «  Croyez- 
«  nous,  nu'S  fièies  :  si  nous  avions  connu  un 
«  autre  chemin  potu-  arriver  à  la  félicnlé, 
«  nous  ne  serionsjamaiserrtrés  dans  celui-ci  ; 
«  suivez-donc  notre  exem|)le;  converiissoz- 
«  vous,  et  si  viMis  voulez  éviter  des  malheurs 
»<  éteiTiels,  reconnaissez  lo  mènu)  Dieu  que 
«  nous  confessons.  »  Ces  paroles  n'eurent 
pas  le  nu'»me  ctret  (|u'ils  (Ui  attendaient;  elles 
ïw  liiont  au  contraire  (pi'allumer  la  fureur 
parmi  ce  peuple.  On  se  jette  sur  eux,  on  se 
saisit  de  leurs  personnes,  on  les  traîne  devant 
le  pr-ocoiisul  :  car  la  persécution  excitée  par 
l'empereur  Décius  commençait  à  désoler 
i'Kglise.  Nos  deux  saints  pénitents  fur-erit 
donc  présentés  au  juge  :«  Voilà,  lui  dit-on, 
«  deux  hommes  qui  attaquent  à  présent  ce 
«  qu'ils  défendaient ,  et  qui  défendent  ce 
«  (pi'ils  attKpjaienl.  »  Alois  le  proconsul, 
s'auressanl  à  Lucien,  lui  demanda  son  nom; 
il  r  .pondit  :  «  Je  m'ap[)elle  Lueien.  Le  pro- 
«  consul  :  De  quelle  profession  es-tu?  Lwcie/i  ; 
«  Je  faisais  autrefois  profession  de  décrier  la 
«  r-eligion  chr-étienne  el  de  persécuter  ceux 
«  qui  la  suivaient;  maintenant,  quoique  in- 
«  digne,  je  fais  prufession  de  la  prêcher 
«  et  de  la  suivre.  Le  proconi^ul  :  De  quelle 
«  autorité  oses-tu  pi-êcher  celle  loi?  Lucien  : 
«  Chacun  a  vocation  pour  cela,  et  il  est  per*- 
«  mis  h  tout  homme  ,  i)ar  le  droit  naturel  et 
«  commun,  do  retirer  son  fi'ère  de  l'eneur 
«  où  il  le  voit  cnaagé;  et  ainsi  il  procure  la 
«  liberté  à  son  frère,  et  il  s'acquiert  auprès 
«  de  Dieu  un  nouveau  mérite.  » 

«  Le  proconsul  se  tourna  ensuite  vers 
Marcien  et  lui  dit  :  «  Comment  vous  nom- 
ce  mcz-vous?  Marcien  :  Je  me  nomme  Mar- 
te cien.  Le  proconsul  :  De  quelle  condition? 
«  Marcien  :  De  condition  l.bre  et  de  la  reli- 
«  gion  qui  ne  reconnaît  qu'un  Dieu.  Le 
«  proconsul  :  Qui  vous  est  allé  mettre  en 
«  tèto  d'abandonner  les  dieux  immortels  et 
«  vénérables  qui  vous  ont  comblé  de  biens  j 
«  el  (pli  vous  rendaient  les  dél  ces  de  ce 
((  peuple,  pour  vous  attacher  au  culte  d'un 
«  homuie  mort,  puni  du  dernier  supplice,  et 
«  dont  il  n'a  pas  eu  seulement  le  pouvoir  de 
«  se  garantir?  Marcien  :  C'est  celui-là  môme 
«  dont  vous  parle  ,  quia  eu  la  bonté  de  nous 
((  pariionner  nos  égarements,  comme  il  par- 
ce donna  autrefois  une  pareille  erreur  à  Paul, 
«  si  connu  dans  l'Asie;  qui  ,  de  persécuteur 
^(  de  l'Eglise,  devint  ensuite,  par  la  grâce  de 
«  cet  homme  attaché  h  la  croix,  l'apôtre  et 
«  le  jirédicateur  de  l'univers.  Le  proconsul  : 
«  Pensez  à  vous,  r^elournezà  la  religion  de  vos 
«  pères,  et  par  un  tetour  si  sage,  et  en  même 
«  temps  si  nécessaire,  rendez-vous  favorables 
((  les  dieux  du  ciel  et  les  maîli'es  de  la  terre, 
((  nos  invincibles  princes;  mais  surtout  son- 
ce  gez  qu'il  y  va  de  votre  vie.  Lucien  :  Le 
«  conseil  que  vous  nous  donnez  n'est  pas 


1535 


LUC 


LUC 


15Î6 


«  d'un  homme  fort  sage.  Pour  nous ,  nous 
«  rendons  grâces  à  Dieu  de  ce  qu'il  a  bien 
«  voulu  nous  retirer  du  milieu  des  ténèbres, 
«  pour  nous  élever  à  la  gloire  dojit  nous 
«  jouissons  présentement.  Le  proconsul  : 
«  Est-ce  ainsi  qu'il  prend  votre  défense  ,  ce 
«  Dieu  do'it  vous  faites  sonner  si  haut  le 
«  pouvoir?  Comment  a-t-il  soulfert  (jne  vous 
«  tuml)assiez  entre  mes  mains?  D'où  vient 
«  qu'il  n'accourut  pas  h  votre  secours?  Mar- 
«  cien  :  Et  c'est  là  le  bonîieur  des  chrétiens, 
«  de  perdre  ce  que  vous  appelée  la  vie  ,  et 
«  qui  n'en  est  en  ellet  ([ue  l'ombre,  pour  eu 
«  obtenir  une  véritable  et  éternelle.  Nous 
«  conjurons  de  tout  notre  cœur  le  Dieu  que 
«  nous  adorons  de  vous  accorder  la  grâce 
a  de  connaître  son  pouvoir  suprême ,  et 
«  surtout  cette  bonté  intiniecju'il  fait  paraître 
«  envers  ceux  qui  croient  en  lui.  Le  pro- 
«  consul  :  11  vous  en  donne  sans  doute  de 
«  rares  témoignages,  et  vous  avez  grand  sujet 
«  de  nous  vanter  si  fort  sa  bonté;  on  voit 
«  bien  qu'il  vous  aime ,  en  vous  laissant 
«  ainsi  entre  les  mains  de  la  justice!  Lucien  : 
o  Nous  avons  déjà  dit  que  c'était  en  cela 
«  (jue  consistait  la  gloire  des  chrétiens.  Oui, 
«  le  Seigneur  [)romet  une  vie  qui  n'aura  ja- 
«  mais  de  fin  à  celui  qui  aura  méi)risé  les 
«  menaces  du  démon,  et  qui  aura  foulé  aux 
«  pieds  les  plaisirs  ,  les  grandeurs  et  tous 
«  ces  faux  biens  qui  ire  font  que  passer,  et 
«  qui  tombent  en  un  moment.  Le  proconsul  : 
«  Idées  pures,  contes  en  l'air!  écoutez  :  Je 
«  n'ai  qu'urr  mot  à  vous  dire;  sacritiez  tous 
«  présentement,  c'est  la  volonté  de  Tempe- 
«  leur;  obéissez,  et  ne  me  forcez  pas  à  en 
«  venir  à  des  extrémités,  dont  vous  pourriez 
'<  bien  vous  repentir;  vous  n'avez  déjà  que 
«  ti'op  excité  mo  colère.  Marcien  :  Nous  voilà 
«  prêts  à  souffrir  tout  ce  que  vous  voudrez 
«  nous  faiie  endurer;  mais  nous  ne  sommes 
«  nullement  résolus  de  renoncer  au  Dieu 
a  vivant  et  véritable,  pour  être  jetés  ensuite 
«  dans  les  ténèbres  extérieures  et  dans  un  feu 
«  qui  ne  s'éteindra  jamais,  et  qui  est  destiné 
«  pour  briller  le  démon  et  ses  complices.  » 
«  Le  proconsul,  voyant  la  fermeté  de  ces 
génér-eux  chrétiens,  et  désespérant  de  la 
jjouvoir-  llécirir,  prononça  coirtre  eux  cette 
sentence  :  '<  Les  nommés  Lucien  et  Marcien 
«  ayant  été  par  noris  convaincus  d'avoir  violé 
a  et  tiarrsgressé  nos  lois  divines,  et  d'avoir 
«  ernt)rassé  les  vaines  sui)erstitions  du  chi-is- 
«  lianisrrrrj;  quoique  nous  ayons  err'ployé 
«  les  sollicitations  les  [)lus  [iressantes  pour 
«  les  porter  ii  obéir  aux  édits  de  nos  invin- 
«  cibles  eiirtieieurs  et  à  sacriiier  aux  dieux 
<(  immortels,  et  qu'eu  cas  de  lefirs  nous  les 
a  ayons  urr-nacés  du  suppliée;  lesdits  Lucien 
«  et  Marci(;n  n'ayarrt  aueiin  égard  à  toutes 
u  ces  choses,  mais  niépiisant  au  contraire 
«  avec  une  opiniâireté  invincible  nos  re- 
«  montrancf'S  et  nos  rrrcnaces.  norrs  les  avons 
«  condamnés  à  ètrr;  i>rûlés  tout  vifs.  »  L(;rs- 
(pj'ils  furent  arrivés  au  lierj  d(!  l'exécu- 
tion, leur-  voix  se  confondant  eirsembi  ■ ,  et 
n'en  faisant  iju'uim!,  ils  i-crnlir-ent  grâces  à 
Dieu,  (Ml  dis.int  :  «  Sei;-;neur'  Jésus,  (proique 
«  nos  (  œur.s  vous  louent  et  vous  bénissent 


«  avec  toute  l'ardeur  dont  ils  sont  capables, 
«  nous  avouons  qu'ils  ne  sauraient  vous 
«  louer  ni  vous  bénir  assez  de  ce  que  vous 
«  n'avez  pas  dédaigné  de  jeter  sur  nous  les 
«  yeux  de  votr-e  miséricorde.  Notre  misère 
«  ne  vous  a  point  l'ciit  horreur,  et ,  tout  in- 
«  dignes  que  noirs  fussions  de  vos  bontés , 
«  vous  avez  bien  voulu  nous  retirer  du  mi- 
«  lieu  des  erreurs  du  paganisme  et  de  l'a- 
rt bîme,  des  égarements  d'une  vie  criminelle, 
«  pour  nous  élever  à  cet  honneur  suprême  où 
«  nous  nous  voyons  aujourd'hui  en  mourant 
«  pour  votre  nom.  Agréez,  Seigneur,  que 
«  nous  remettions  nos  âmes  entre  vos  mains, 
«  et  recevez,  avec  nos  louanges,  notre  der- 
«  nier  soupir.  »  Comme  ils  achevaient  celte 
prière,  on  mit  le  feu  au  bûcher  qui  les  con- 
suma. 

«  Ainsi  moururent  ces  bienheureux  mar- 
tyrs, en  combattant  pour  Jésus-Christ,  qui, 
après  les  avoir  rendus,  participants  de  ses 
soutfi'ances ,  les  associa  à  la  jouissance  de 
sa  gloire.  » 

LUCIEN,  confesseur  à  Carlhage  en  l'an  250, 
sous  le  régne  de  l'empereur  Dèce,  souffrit 
courageusement  pour  la  foi  les  tourments  les 
l)lus  cruels  eC  la  prison.  11  jeta  i)lus  tard  du 
trouble  dans  l'Eglise,  en  prodiguant  les  bil- 
lets d'indulgence  aux  tombés.  On  lui  écrivait 
de  partout  pour  lui  en  demander.  Sa  condes- 
cendance était  d'abord  faiblesse,  elle  devint 
vraiment  coupable  quand  Lucien  continua  à 
délivrer  ces  brllels  malgré  les  admonesta- 
tions de  son  évêquc.  Cette  pratique  relâchée 
allait  directement  contre  l'autorité  des  évo- 
ques et  contre  la  discipline  de  l'Eglise.  Elle 
était  contraire  à  la  modestie  et  à  la  défiance 
de  soi-même  que  doivent  toujours  garderies 
plus  éminents  et  les  plus  saints  d'enire  les 
ministres  'lu  Seigneur  :  car  les  confesseurs 
qui  accordaient  de  semblables  billets  di- 
saient par  là  même  qu'ils  croyaient  leurs 
propres  mérites  assez  grands  aux  yeux  de 
Dieu  pour  racheter  de  leurs  fautes  ,  sans 
ciu'ils  fissent  les   pénitences  prescrites  par 

I  Eglise,  les  apostats  repentants  qui  deman- 
daient à  rentrx'r  dans  son  sein.  L'Ii  stoire 
nous  ofï're  à  ce  sujet  un  fait  d'humilité  trop 
édifiant  pour  que  nous  ne  le  racontions  i)as. 

II  contraste  d'une  manière  admii-able  avec 
l'orgueilleuse  assurance  de  Lucien.  Saint  Cé- 
lérin,le  célèbre  confesseur,  celui  que  depuis 
saint  Cyprien  fit  lecteur  de  son  Eglise,  avait 
confessé  la  foi  de  Jésus-Clu'isl,  aussi  coura- 
geusement que  Lucien.  La  couronne  qu'il 
avait  rem|)orlée  était  au  moins  égale  à  la 
sienne.  S.iint  Cyprien  ne  tarit  |)as  d'éloges 
sur  son  compte,  ijuand  il  le  nomme  dans  ses 
Lettres.  C(!  saint  confesseur'  avait  eu  le  riial- 
heur-  de  voir'  sa  pi'Ojir'C  samr  sacrifier  aux  \(\o- 
les,  avec  dcnix  autres  femmes  tpii  lui  étaient 
chères,  pr'obableriK-nl  à  titre  de  parentes  et 
o'amies.  Eh  bien,  le  saint  passe  les  jours  et 
les  nuits  (M1  prièr'cs  pour  oblmiii'  de  Dieu 
hnu'  pardon.  Lui  ne  croit  point  ses  jii'opres 
riiériles  assez  gr-ands  pour'  payera  Dieu  la 
r-.incrjn  d(;  hnirs  taules.  Il  ne  se  fail  point 
jugi*^  enli'O  elles  et  Dieu,  eu  leur'  donnant  un 
1)1  Ile!   d'uidulgence,    en  les  faisant  rentrer 


1537  LUC 

ainsi  cinns  lu  sein  do  l'R^liso.  Il  se  croit  in- 
digne (fini  si  grand  pouvoir.  Mais  ayant  ap- 
pris (jne  Lucien  et  d'autres  tonfi^sscMus  le 
faisaient  en  Afrique,  il  huir  écrit  pour  l'ob- 
tenir. Admirable  simplicité  d»î  la  foi,  (pii 
doute  lie  soi  et  non  des  autres.  Lucien  ne  lit 
pas  attendre  ce  que  saint  Cùlérin  lui  deman- 
dait, mais  en  rentrant  dans  le  sein  de  l'Eglise 
les  protégées  de  (lélérin  obtinrent  le  pardon 
do  Dieu  bien  [)lus  de  la  vertu  de  stss  prières 
et  connue  priv  de  ses  lai'mes  et  de  ses  souf- 
frances, ijue  du  billet  accordé  |)ai'  Lucien. 
Ce  conl'esseur  no  se  contentait  nas  d'en  ac- 
corder en  son  nom,  il  en  accorilait  au  nom 
des  antres.  Il  |)rétendait  iiuo  saint  Panl,  ce- 
lui qui  mourut  à  Cartilage  <i  cette  éjjoquc, 
en  sortant  de  la  (]uestioM,  lui  avait  oixlonno 
do  n'en  refuser  h  f)orsonne.  Saint  Cyprien 
conteste  la  vérité  de  cette  afiirmation.  Lu- 
cien en  signait  pour  ceux  qui  ne  savaient 
pas  éci'ire  :  ainsi  faisait-il  pour  le  jeune  Au- 
rèle,  celui  que  saint   Cyprien  éleva  ii  la  di- 

§nité  de  lecteur  dans  l'Eglise  de  Cartilage, 
ans  l'année  251,  et  probablemeni  plus  tard 
à  1.1  prôtrise.  11  eut  le  malheur  do  porter  si 
loin  ses  orgueilleuses  prétentions,  qu'il  écri- 
vit à  saint  Cyprien,  son  évoque,  une  lettre 
insolente,  dans  laquelle  il  lui  enjoignait  de 
respecter  ses  décisions.  (Foj/.  Cypuien.j 

LUCIEN  (  saint  ),  d'Antioche,  est  rais  par 
Eusèbe  entre  les  plus  illustres  membres  du 
clergé  qui  ont  soulfert  dans  la  grande  persé- 
cution commencée  sous  Dioclétien  et  conti- 
nuée durant  dix  ans  sous  ses  successeurs.  Il 
est  célèbre  non-seulement  dans  cet  historien 
qui  en  parle  fort  honorablement,  mais  aussi 
dans  Rnfin,  qui  ajoute  diverses  choses  à  ce 
qu'Eusèbe  en  rapporte  ;  dans  saint  Jérôme 
qui  loue  son  érudition,  son  éloquence  et  son 
ardeur  infatigable  pour  l'étude  de  l'Ecriture; 
dans  saint  Chiysostome,  qui  a  prononcé  pu- 
bliquement son  éloge,  et  dans  d'autres  au- 
teurs postérieurs. 

Nousavons  aussi  ses  Actes  que  Baronius  es- 
time et  tient  être  fort  légitimes,  les  attribuant 
à  Jean,  prêtre  de  Nicomédie.  Néanmoins,  non- 
seulement  il  faut  les  regarder  comme  étant  de 
Métaphraste,  selon  le  jugement  de  Léo  Alla- 
tius,  et  comme  Baronius  le  reconnaît  quel- 
quefois; mais  encore  comme  étant  mêlés  de 
fables,  ainsi  que  nous  ne  craignons  pas  de  le 
dire  après  un  homme  très-judicieux  et  très- 
habile.  Ils  renferment  diverses  fautes  con- 
tre la  vérité  de  l'histoire.  C'est  ce  qui  nous 
dispense  d'y  avoir  aucun  égard  quand  ils  ne 
seront  pas  conformes  aux  autres  auteurs,  et 
ce  qui  nous  permet  encore  de  ne  nous  y  ar- 
rêter que  fort  peu  dans  tout  le  reste. 

La  sincérité  ne  nous  permet  pas  de  taire 
que  saint  Lucien  a  eu  ses  adversaires  aussi 
bien  que  ses  vénérateurs,  et  que  d'illustres 
Pères  semblent  nous  donner  de  grands  su- 
jets de  douter  de  sa  sainteté,  en  voulant  que 
nous  doutions  de  la  pureté  de  sa  foi.  Néan- 
moins, on  jugera  sans  doute  que  tout  ce 
qu'on  a  pu  dire  contre  lui  doit  céder  non- 
seulement  à  l'avantage  qu'il  a  eu  de  répan- 
dre son  sang  pour  Jésus-Christ,  mais  encore 
à  la  vénération  que  l'Eglise  a  toujours  eue 


LUC  1538 

pour  lui  depuis  le  iv*  siècle  jus((u'h  présent. 

Il  n.ujuit  A  Samosales  (dans  la  Syrie  appe- 
lé(î  Luphralésienne),  d'inie  famille  honnête, 
disent  ses  Actes,  qui  ajoutent  (jue  son  pèro 
et  sa  mère  étaient  cliiétiens,  et  eurent  soin 
de  l'élever  dans  la  jtiété  jus(pi'h  l'Age  de 
douze  ans  ([u'il  les  |)eidit.  Mais  dans  la  ha- 
i-angue  (ju(!  Uulin  lui  fait  faire  h  sa  mort, 
il  se  met  au  rang  de  ceux  (pii  avaient  autre- 
fois adoré  les  idoles.  Bollaiidus  veut  ((u'on 
i'enlo'ule  non  de  lui,  mais  de  ses  ancêtres. Je 
ne  sais  si  cette  explication  ne  paraîtra  point 
un  peu  forcée. 

Après  la  mort  de  ses  parents,  continue 
Métaphraste  (ou  plutôt  après  sa  conversion), 
il  distiibua  toutes  ses  richesses  aux  pauvres 
et  s'appli(pia  h  l'étude  de  l'Ecriture,  sous  la 
condutl(,'  d'un  nommé  Macaire  qui  demeurait 
il  Edesse.  11  ne  négligea  pas  aussi  les  lettres 
humaines,  qu'il  savait  fort  bien,  dit  saint 
Chiysostome.  Saint  Jérôme  loue  même  beau- 
coup son  éloquence,  et  assure  que  les  scien- 
ces des  pliilosophes  paraissaient  dans  ses 
écrits  avec  les  lumières  de  l'Ecriture. 

Métaphraste  ajoute  que,  dès  qu'il  fut  bap- 
tisé, il  embrassa  la  vie  monastique,  et  il  fait 
ensuite  une  description  assez  particulière 
de  ses  diverses  austérités ,  voulant  sans 
doute  expliquer  ce  que  dit  Eusèbe  ,  qu'il 
possédait  avec  éminence  toutes  sortes  de 
bonnes  qualités  et  que  l'austérité  de  sa  vie 
était  admirable.  Métaphraste  dit  qu'il  était 
fort  habile  à  copier,  et  que  par  ce  travail  il 
gagnait  de  quoi  s'entrelenir  et  donner  l'au- 
mône. 11  se  donna  à  l'Eglise  d'Antioche,  dont 
il  fut  fait  prêtre. 

Il  était  Irès-estimé  pour  la  science  des  Ecri- 
tures, et  ses  Actes  disent  même  qu'il  en  ou- 
vrit une  école  h  Antioche  où  l'on  venait  de 
toutes  parts.  Un  des  grands  fruits  de  son  tra- 
vail sur  l'Ecriture  fut  la  correction  du  texte 
sacré,  tant  de  l'Ancien  que  du  Nouveau  Tes- 
tament, laquelle  portait  son  nom.  Presque 
tout  l'Orient  s'en  servait  depuis  Antioche  et 
jusque  dans  Constantinople  même.  Cette  édi- 
tion était  aussi  appelée  Commune  ou  Vulgate 
et  avait  souffert  diverses  corruption*,  selon 
les  lieux  et  les  temps.  Ainsi,  il  y  a  bien  de 
l'apparence  que  ce  qu'avait  fait  saint  Lucien 
étaii  de  rendre  celte  édition  vulgate  la  plus 
correcte  qu'il  avait  pu,  i)eut-être  en  y  mar- 
qua it  par  des  lignes  ce  qui  était  de  trop  et 
par  des  étoiles  ce  qu'il  y  fallait  ajouter  des 
autres  éditions.  Au  moins,  c'est  la  pensée 
de  M.  Valois  qui  se  fonde  sur  ce  que  ditsaint 
Jérôme,  que  ces  lignes  et  ces  étoiles  se  trou- 
vaient dans  presque  tous  les  exemplaires 
des  Ecritures. 

Outre  ce  travail,  saint  Lucien  composa 
divers  petits  ouvrages  sur  la  foi,  et  quelques 
lettres  fort  courtes.  Nous  avons  déjà  remar- 
qué l'estime  qu'en  faisait  saiid  J>rôme,  tant 
pour  l'éloquence  que  pour  l'érudition.  Baro- 
nius et  Boîlan  ius  semblent  entendre,  par  ces 
ouvrages  sur  la  fo',  des  apologies  que  saint 
Lucien  faisait  pour  défendre  la  pureté  de  sa 
f  )i  contre  ceux  qui  l'expliquaient  mal.  Il  n'y 
a  rien  qui  nous  détermine  à  ce  sens  plutôt 
qu'à  un  autre. 


1339  LUC 

Eusèbe  parle  d'une  1-  ttre  que  sfiint  Denys 
c'Aleiandrie  avait  écrite  à  >aiiil  Do'iys  de 
Koine(vers  Tan  -iGV),  toiulruit  u'i  Lucien, 
mais  il  ne  s'explique  ])a'^  davantage.  Sahit 
AIc\an<lre  d'Alcxa.idrie  a  assuré  de.  uis  que 
noire  saint  avait  été  lou^^lemps  séparé  de  la 
Gouimunion  de  rEjj,lisc  sous  trois  évèqties 
(Nous  voudrions  que  ces  deux  passigt's  , 
joints  ensemble,  nous  dom.issent  quelque 
lieu  de  dire  qnr  saint  Luci-  n  avait  été  ex- 
communié [VM-  Paul  de  Samosates,  et  que 
celte  exroinuuinicilion  n'était  pas  reçue 
sansdifiii-ulié  des  i)lus  grands  évôcjues,  puis- 
que le  second  évéque  de  riîglise  était  obligé 
d'avouer  que  celle  conjecture  a  moins  d'ap- 
parence ([ue  celle  de  M.  Valois),  qui,  se  fon- 
dant sur  les  termes  de  saint  Alexandre,  croit 
que  saint  Lucien  soutint,  avec  ini  peu  troj)  de 
chaleur,  le  parti  de  Paul  de  Samosates,  son 
compalriole  et  son  évèque,  dont  il  ne  pi'né- 
trail  pas  sans  doute  les  sentiments  aussi 
cacliés  cpie  pernicieux,  et  qje  ce  fut  ce  (jui 
le  tint  séparé  de  la  communion  de  ITg  ise 
sous  les  trois  successeurs  de  Paul,  Domnus, 
Tiinée  et  Cyrdle. 

C'est  l'endroit  le  plus  f^icheux  de  la  vie  de 
notre  saint,  sur  lequel  néanmoins  nous  ne 
nous  étendons  pas,  ayant  marqué  antre  part 
ce  que  nous  croyons  se  jiouvoir  dire  pour 
l'excuser;  car  nous  ne  prétendons  point  qu'il 
ait  pu  en  cela  être  sans  faute.  Mais,  telle 
qu'ait  été  sa  faute,  il  l'etfaça  en  rentrant  en- 
suite dans  l'Eglise,  et  en  y  donnant  des 
preuves  d'une  charité  parfaite,  lorsqu'il  livra 
son  âme  et  sa  vie  pour  Jésus-Christ.  Car 
l'endroit  même  de  saiiU  Alexandre,  qui  fuit 
sa  condamnation,  marque  assez  qu'il  fut 
enfin  reyu  dans  l'Eglise  ;  et  nous  en  verrous 
encore  des  preuves  qui  précédèrent  de  plu- 
sieurs années  son  martyre. 
.  Saint  Lucien  fut  donc  apparemment  sé- 
paré de  l'Eglise  à  la  fin  de  l'au  2G9,  lorsque 
le  concile  d'Aptioche  dé[)Osa  Paul,  et  mit 
Donuius  en  sa  place.  Domnus  ne  gouverna 
qu'environ  deux  ans,  et  Timée,  son  succes- 
seur, étant  mort  vers  280  ou  282,  saint  Cy- 
rille ,  qui  fut  élu  ;q)rès  lui,  gouvoïua  au 
jnoins  vers  297.  Mais  Tyran  lui  avait  assuré- 
ment succédé,  lorsque  la  persécution  de 
Dioclétien  commença  (au  mois  de  février 
^(KJj.  liaronius  a  mis  saint  Cyrille  dans  le 
Martyrologe  romain  au  22  juillet,  sur  l'auto- 
rité du  faux  Maityrologe  de  liède,  et  il  le 
qualiti<i  un  évêque  célèbie  eu  doctrine  et  en 
piété.  Ce  fut  sous  lui,  saus  doute,  <iue  saint 
Lucien,  après  avoir  été  beaucoui»  d'années 
séparé  de  l'Eglise  sous  tiois  évêqnes,  y  l'ut 
enlin  rétabli  au  bout  peut-être  de  dix  ou 
doiiiie  ans. 

il  y  a  (pjclque  sujet  de  croire  que,  durant 
cette  séjiaralion,  il  se  trouva  (jbiigi'î  de  ({uit- 
ibi  Aiilioche  pour  quelque  teinjts.  \n  moijis, 
sairjl  Epq»han(»  nous  appit'ud  (pi'il  a  de- 
nienré  à  Nierjinédie  avec  Euièbi-,  (pii-ej)  fut 
depu  s  fait  évéi^uo.  Il  était  encure  (;n  cette 
vide  en  l'an  '^y'.i,  au  coujmencenKîiil  d(!  la 
persécwlion,  lorsque  .'•ain.t  Anthime  et  l>e/iu- 
Wjup  rl'aiitres  y  soiilliirent  le  jnailyr<\Car 
la  Chronunie  cl'Aloxuudrio  rapporte  ces  ])a- 


LUC 


iua 


rôles  d'une  lettre  qu'il  écrivit  aux  fidèles 
d'Antioclie  :  «  Tonte  la  troupe  sacrée  des 
sai  us  marlyrs  vous  salue.  Il  faut  que  j'ajoute 
encore  que  le  pape  Anlhime  a  achevé  sa 
course  i).ir  le  mai-tyrc.  »  Cette  lettre  est 
uni  grande  marque  que  saint  Lucien  était 
alors  dans  la  comnuinion  des  Eglises  de  Ni- 
comédie  el  d'Antioche,  aussi  bien  que  dans 
celle  des  martyrs. 

11  nous  reste  enfin  h  parler  de  son  martyr.)  ' 
(jui  arriva  api  es  que  Maximin,  ayant  apaisé 
la  pei'sécution  malgré  lui  en  311,"  la  fit  revi- 
vre six  mois  après,  non  par  des  édits  qui 
condamnassent  tous  les  chiétiens  à  la  mort, 
mais  par  divers  artifices  qui  produisirent  le 
même  elfet.  Les  Act'js  de  saint  Lucien  por- 
tent que,  s'ét.iut  caché  pour  éviter  la  persé- 
cution, il  fut  découvert  par  un  prêtre  d'An- 
tii^che  nonnijé  Pancrace,  qui  était  sabellien 
e't  jaloux  de  sa  grande  réputation.  11  fut 
conauit  d'Antioche  à  Nicomédie,  où  l'empe- 
reur Maximin  élait  alois,  sur  la  fin  de  1  an 
311.  Mélaphra.ste  dit  ([ue  le  saint,  passant  par 
la  Cappadoce,  et  y  ayant  trouvé  quarante 
soldais  qui  avaient  renoncé  à  la  foi,  il  leur 
lit  concevoir  une;  telle  horre.ir  de  leur  faute, 
et  les  anima  tellement  à  s'en  relever,  qu'il^ 
embrassèrent  la  pénitence  et  confessèrent 
ensuite  Jésus-Christ,  en  sorte  que  plusieurs 
d'entre  eux  souil'rirent  un  glorieux  martyre, 
elles  autres  endurèrent  constamment  les  plus 
grands  tourments  de  la  quest:on.  L'on  ajoute 
que  queiques-uns  de  ses  disciples  qui  l'a- 
vaient suivi  à  Nicomédie,  ayant  aussi  re- 
noncé, furent  ramenés  à  la  péndence  et  4 
mglise  par  ses  exhortations.  Cela  se  doit 
entendre,  selon  Pinlostorge,  d'un  Alexandre 
et  du  sophiste  Asière,  (jui  se  rendit  depuis  si 
célèbre  dans  le  parti  des  ariens. 

Le  saint  fut  interrogé  par  le  gouverneur 
de  la  ()rovince,  et,  avant  que  de  rendre  té- 
moignage par  ses  soulfrances  h.  la  royauté 
céleste  de  Jésus-Christ,  il  le  fit  hautement 
par  une  illustre  apologie  de  sa  foi  qu'il  pro- 
nonça devant  ce  uiagisirat.  Rnliii  lui  fait  faire 
une  harangue  assez  longue.  Mais  la  manière 
dont  il  en  parle  fait  voir  qu'elle  est  de  lui  et 
non  du  sa.nit.  Il  fut  ensuite  mis  en  prison, 
où  on  le  fit  mourir,  mais  non  sur-le-champ 
comme  Rufin  semble  le  niartjuer  ;  car  saint 
Chiysostome  ténuùgne  c|u'il  y  fut  longtemps 
tourmenté  par  la  faim.  Quand  on  vilcju'il  no 
se  r(;ndait  pas  aux  pi-mmères  attaques  de  ce 
supplice,  on  en  augmenta  lu  violence,  en 
dicbsant  à  sa  vue  une  tal)Ie  fort  bien  cou- 
veilo  de  touîcîs  sories  de  viandes,  mais  of- 
fertes aux  idoiCS.  La  faim  le  pressait  au 
dedans  avec  de  grapiles  viohuic.Qs  de  so 
nourrir  de  ces  viandes  ipi'on  lui  présentait, 
mais  la  crainte  de  Du!u  lui  retenait  la  main, 
et  lui  faisait  sui'uionter  tous  les  ell'orts  de  la 
nature. 

Outre  ce  supplict^  ses  Actes  porlmil  qu'il 
fut  mis  ton'  nu  sur  des  pontivs  de  pois 
(tassés,  ayant  les  pieds  el  les  mains  tendus, 
en  sorte  (pj'il  ne  se  pouvait  itnnuer.  Nous 
lisons  1^1  peu  près  la  même  chose  dans  des 
coiunientairessur  Job,  aitribuéslaussenu'iilà 
Origèneol  qu'Erasme  montre  être  d'un  arien, 


I.'UI 


LUC 


LUC 


1512 


ajoutant   qu'ils   pourraient   bion  ôtre  d'un 
AJaxiinitin  dont   parle   saint    Augustin.   Oi's 
coiiMucntaiics  disent  (|n'il   diincura  douze, 
jours  en  cet   élal,  et  (ju'il  niourul  le   Uoi- 
zièiiio.  Mais  saint  (llnvsoslonie  nous  y|)|>ri'nd 
oncoro  d'anlrosparlirularitiVs  de  son  mai  lyre. 
La  conslanco  de  ee  saint,  dit-il,  demeurant 
inél)raidul)le,  on  l'amtuia  uno  seconde  lois\ 
devant  le  iugo,  où  on  lui  (il  sDullVir  h's  tour- 
ments de  la  (|ueslion.  Dujant  (lu'on  le  tour- 
nientail,  on  lui  (il  diverses  interrogalions,  lui 
demandant  d'où  il  élail,  chi  qiu'lle  ct)ndition, 
(juels  étaient  ses  parents.  Mais  il  ne  répondit 
^ulio  elioso  à    tout  cela,   sinon  (ju'il   élait 
chrétien,  parcii  tiue  ce  spul  mot  est  capable 
de  reîiverser  toutes  les  ai'inées  de  l'i^der,  et 
que  dans  (es  occasions  il  faut  do  la  loi,  non 
des  discours.  11  no  cessa  de  dire  (pi'il  élait 
chrétien   qu'en  cessant  de  vivre.  On  |)arle 
assez  diveisiMuent  de  sa  [uort.  ('e  (jui  pai'ait 
le  nueux  Ibndé,  c'est  qu'il  eut  la  lète  tranchée 
ou  périt  (le  quel(|ue  autre  siqiplice  de  cette 
nature,  dans  sa  {)rison,  ayiuit  été,  dit  saint 
Cln-ysustome,  lavé  etbafitisé  dans  son  sang. 
11  mourut  le  lend(!main  de  rEi)i|)hani(s 
selon  ses  Actes,  et  saint  (dn-ysosloine  témoi- 
gne aussi  que  l'on  faisait  sa  fête  ce  jour-là, 
c'est-à-dire  le  septième  de  janvier,  auquel 
les  manuscrits  reconnaissent  qu'il  pronon(;a 
le  [)anégyri()uo  de  ce  saint.  L'est  aussi  en 
ce  jour  que  les   Martyrologes  latins  mar- 
oueid  la  iùle  de  saint  Lucien.  On  la  trouve 
dans  ceux  de  saint  Jérôme,  dans  ceux  du 
l-V  siècle,  et  dans  t()us  les  autres  postérieurs. 
Les  Grecs,  qui  font  ce  jour-là  une  mémoire 
de  saint  Jean-Bapiisle,  liansfère'ît  celle  do 
saint  Luci(  n  au  15   octobre,  auquel  ils  en 
font  leur  grand  oUice.  Etant  mort  le  7  jan- 
vier après  la  nioitde  Galère,  on  ne  peut  met- 
tre son  martyre  qu'en  l'an  312,  sur  la  tin 
duqu'd  la  persécution  du  Dioclétieu  (init  en- 
tièrement. 

On  prétend  que  son  corps  fut  jeté  dans  la 
mer  avec  des  pierres  et  j-etrouvé  miraculou- 
ement  le  lendemain  on  quelques  jours 
afi'ès  sur  la  côte  de  Drepane  en  Bithynie. 
Saint  Jér(ime  nous  assure  au  moins  qu'dfut 
enterré  en  ce  lieu.  Ce  n'était  alors  qu'un 
bourg,  dont  Constantin  lit  peu  après  une 
ville  en  l'hoineur  de  ce  saint  martyr,  lui 
donnant  le  liom  d'Hélénople,  à  cause  de  sa 
mère.  Et  pour  honorer  davantage  saint  Lu- 
cien, il  exempta  de  tributs  toutes  les  terres 
âui  étaient  à  la  vue  de  cette  ville,  ce  qui 
lira  plusieurs  siècles.  Ce  fut  en  ce  lieu 
d'Hélénople  et  dans  l'église  des  Martyrs  qui 
y  était,  qu'après  une  longue  prière,  cet 
empereur  se  résolut  absolument  à  demander 
le  baptême,  et  reçut  l'imposition  des  mains, 
accompagnée  des  prières  de  l'Eglise. 

Nous  omettons  beaucoup  de  choses  qui 
sont  dans  les  Actes  de  saint  Lucien,  même 
ce  qu'd  y  a  de  plus  célèbre,  comme  ce  qu'on 
dit  qu'd  offrit  le  saint  sacrilice  sur  son  propre 
corps,  et  qu'après  sa  mort,  son  corps  ayant 
été  jeté  dans  la  mer,  fui  apporté  à  terre  par 
un  dauphin.  Plus  ces  choses  sont  considéra- 
bles et  nierveilleuses,  plus  elles  ont  besoin 
d'une  autorité  proportionnée  pour  être  crues 


et  encore  ))lus  pour  être  rnpporfées  connno 
cntyaliles.  Le  silence  do  saint  Chiysoslomo 
est  de  filus  une  gnindt;  conviction'  liv.  leur 
fausseté,  et  même  il  .«serait  furl  ditlicile  do 
les  accorder  avec  ce  (pTij  dii  (losilivemont. 
IMulostorge  |tarle  de  (îcs  histoires,  ce  (|ui 
fait  voir  ipi'elles  sont  anciormos,  mais  do'uio 
li(Mi  de  craindre  (pièce  no  soieni  des  (jetions 
des  ariens,  jiour  relever  un  marlyv  qu'ils 
croyai(;ht  ou  voulaient  faire  croire  avoic  été 
dans  leurs  sentiments.  Aussi  rauloriié  d(! 
l'Iiilostorge  n'empêche  pas  des  personnes 
trè>-judicieuses  et  très-sages  d'appeler  le 
sacrilice  de  saint  Lucien  un  sacrilice  pré- 
tendu. 

Métaphraslo  insère  dans  ses  Actes  le  mar- 
tyre (pie  deux  entants  soulfiirenl  à  Nicomé- 
d'io.  Il  est  bien  décrit,  s'il  pouvait  être  aussi 
constant.  BoUandus  ne  dit  point  qu'on  en 
trouve  rien  autre  part,  ni  que  les  Grecs  ou 
les  Latins  honorent  ces  enfants  entre  les 
martyrs,  quoique  Métaphrast(!  dise  que  l'é- 
gliSe  qu'on  avait  bAlie  sur  leur  tombeau  se 
voyait  encore  de  son  temps  auprès  de  Nico- 
médio  et  s'appelait  le  Martyre  des  onfanls. 

Florusjnintà  saint  Lucien  plusieurs  clercs 
et  diacres  d'Antioche,  qui,  api  es  a  voir  été  ti- 
rés sept  fois  de  la  prison  pour  être  menés 
devant  le  juge,  et  avoir  souffert  autant  de 
fois  les  tourments,  eurent  entin  la  tête  tran- 
chée. Mais  d'aut"r('S  Martyiologes  lisent  cçt 
endroit  d  une  autre  manière. 

11  ne  faut  pas  oublier  l'illustre  saint  Basi- 
lis()ue,  évoque  de  Comane  dans  le  Pont,  qui 
souffrit  à  Nicomédio  avec  saint  Lucien,  selon 
le  rapport  de  Pallade.  Mais  nous  en  avons 
parlé  plus  amplement  siir  un  autre  martyr 
de  même  nom,  qui  souifrit  à  Comane  même 
peu  d'années  auparavant. 

LUCIEN  (saint),  prêtre  et  martyr,  fut  jeté 
dans  la  mer  lié  dans  un  sac,  avec  saint  Cé- 
sa ire,  diacre,  en  l'année  300,  à  Terracine, 
sous  le  règne  de  Dioclétien,  pour  avoir  ma- 
nifesté l'horreur  que  lui  inspirait  le  sacrifice 
volontaire  que  de  temps  en  temps  des  jeu- 
nes hommes  de  cette  ville  faisaient  de  leur 
vie  quand  arrivait  la  fête  d'Apollon,  qui  en 
était  la  divinité  protectrice.  La  fête  de  ce 
saint  martyr  arrive  avec  celle  de  saint  Césair© 
le  1"  novembre.  {Vo7j.  Césaîbe.) 

LUCIEN  (saint),  reçut  la  glorieuse  paîmo 
du  martyre  en  Afrique,  pour  la  défense 
de  la  religion  chrétienne.  Saint  Fortunat 
mourut  avec  lui.  L'Eglise  fait  leur  fête  le 
13  juin. 

LUCIEN  (saint),, martyr,  répandit  son  sang 
pour  la  foi  avec  les  saints  Emile,  Félix  et 
Priam.  Leur  martyre  arriva  en  Sardaigne. 
L'Eglise  fait  leur  lête  le  28  mai. 

LUCIEN  (saint) ,  martyr,  sou  tîrit  la  mort  pour 
la  foi  à  Tripoli,  lient  pour  compagnons  de  ses 
souffrances  les  saints  Métrope,  Paul,  Zénobe, 
Théotime  et  Drusus.  On  n'a  pas  d  autres  dé- 
tails sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  fête  le  2i  dé- 
cembre. 

LCCILE  (sainte),  souffrit  le  martyre  à 
Rome  avec  son  frère  le  diacre  Némèse.  Ils 
furent  décapités  par  ordre  de  l'empereur 
Valérien,    le  25  août,    parce  qu'ils  étaient 


i3i5 


LUC 


LUC 


IhU 


inébranlables  dans  leur  foi.  Leurs  corps,  que 
le  pape  saint  Etienne  avait  fait  enterrer  et  à 
qui  saint  Xyste  avait  donné  en  ce  jour  une 
sépulture  pJus  lionoral)le  sur  la  voie  ap- 
pienne,  furent  depuis  transférés,  par  Gré- 
goire V,  dans  l'église  de  Sainte-Marie  la 
Neuve,  titre  d'un  cardinal  diacre,  avec  les 
saints  Symphrone,  Olympe,  tribun,  Exu- 
périe,  sa  femme,  et  Théodule,  leur  tils,  qui, 
s'étant  tous  convertis  par  les  soins  de  Sym- 
phrone  et  ayant  reçu  le  baptême  des  mains 
de  saint  Etienne,  obtinrent  la  couronne  du 
martyre.  Dans  la  suite  des  siècles,  Gré- 
goire"^ XIII,  les  ayant  trouvés  en  ce  lieu,  les 
lit  mettre  plus  honorablement,  le  8  décem- 
bre, sous  l'autel  de  la  môme  église.  Ils  sont 
inscrits  au  Martyrologe  romain  le  31  oc- 
tobre. 

LUCILLE  (sainte),  fut  martyrisée  à  Rome 
sous  le  commencement  de  Gallien  ,  avec 
sainte  Flore  et  les  saints  Eugène,  Antonin, 
Théodore  et  leurs  compagnons,  au  nombre 
de  dix-huit.  L'Eglise  latine  fait  leur  fôle  le 
29juillet. 

LUCILLIEN  (saint),  martyr,  était  prêtre 
des  idoles  à  Constantinople.  S'étant  fait 
chrétien,  il  fut  martyrisé  avec  quatre  en- 
fants, Claude,  Hypace,  Paul  et  Denis.  Après 
divers  supplices,  ils  furent  jetés  dans  une 
fournaise,  d'oiî  ils  sortirent  sains  et  snufs, 
le  feu  ayant  été  éieint  par  la  pluie.  Enfin 
Lucillien  fut  crucifié  et  les  enfants  décapités 
sous  le  président  Siiva.  L'Eglise  honore 
la  mémoire  de  ces  courageux  martyrs  le 
3  juin. 

LUCINE  ,  femme  de  Pinien ,  proconsul 
d'Asie,  était  fille  de  Sergius  Térentianus, 
deux  fois  préfet  de  Rome,  et  de  Plantine, 
fille  de  Gula,  qui  avait  l'empereur  Gallien 
pour  père.  Notker  l'appelle  Anicia  Lucina. 
On  pourrait  douter  si  elle  n'est  point  la 
même  que  Lucile,  parente,  dit-on,  de  saint 
ïiburce  ,  illustre  entie  les  martyrs;  mais 
rien  ne  nous  oblige  de  le  dire  ;  et  je  ne  sais 
même  s'il  serait  aisé  d'accorder  ensemble  ce 
qu'on  dit  de  l'une  et  de  l'autre.  Sainte  Lu- 
cine  fut  mariée  à  Fultonius  Pinianus,  qui 
pouvait  encore  avoir  W.  nom  de  Marcus.  Ba- 
ronius  croit  que  c'est  de  lui  qu'est  venu  ce 
Pinien,  si  célèbre  du  temps  de  saint  Augus- 
tin et  de  saint  Jérôme;  au  moins  il  es;  assez 
vraisemblable  que  c'était  de  la  môme  fa- 
mille,   r 

Pinien  fut  fait  proconsul  d'Asie  par  Dio- 
cléticn  et  Maximien  dès  l'an  !2htj,  ce  qui 
marque  qu'il  avait  été  consul  (quelques  an- 
nées aujjaravant ,  et  il  y  mena  sa  feunne 
avec  lui.  11  avait  pour  assesseur  un  nommé 
Quérémou,  qui  j)er.séculail  (ixlièmcrneiU  les 
chrétiens  ;  cet  homme,  ayant  été  al)andonné 
do  Dieu  au  démon,  tomba  de  son  chariot 
flcvant  tout  le  monde,  et  après  avoir  été 
horriblement  tourmenté  durant  (pielcpies 
heurt.'S,  il  expira  en  nivoquant  ceux  mômes 
qu'il  avait  fait  mourir.  La  vu»;  d'un  spectacle 
si  funeste  saisit  Pinien  d'elLroi,  et  h;  fit 
londj(;r  dans  une  maladie;  dont  tous  les  mé- 
decins n'altend.uent  plus  (pie  la  mort.  Lu(;ine 
crut  que  le  sang  des  chrétiens,  dont  il  s'était 


lui-même  rendu  coupable,  était  la  cause  de 
son  mal,  et  avait  ouvert  l'entrée  à  l'ennemi  : 
elle  fit  do  ic  chercher  tous  ceux  qui  étaient 
dans  la  prison  et  les  fit  ame:ier  secrètement. 
Ces  saints  étaient  Anthime  prêtre,  et  Sisinne, 
diacre,  avec  Max  me,  Bassus,  Fabius,  Dio- 
clèce  ou  Dioclétien  et  Florent;  elle  les 
conjura  d'obtenir  la  guérison  de  son  mari, 
leur  promettant  en  récompense  beaucoup  de 
présents  et  la  liberté.  Anthime  lui  dit  que  si 
Pinien  se  faisait  chrétien,  il  serait  assuré- 
ment guéri,  Lucine  lui  fil  porter  cette  parole, 
et  l'ayant  trouvé  dans  une  assez  bonne  dis- 
position, elle  fit  entrer  dans  sa  chambre 
Anthime  et  Sisinne,  nui  lui  firent  quelques 
discouis  tant  pour  l'exliorier  à  embrasser  la 
foi  que  pour  l'instruire;  et  à  la  fin  il  lui 
imposèrent  les  mains. 

Pinien  adressa  ensuite  sa  prière  à  Jésus- 
Christ,  en  témoignage  de  sa  foi  et  de  son 
espérance,  et  les  saints  Anthime  et  Sisinne 
ayant  fait  de  même  de  leur  côté,  la  chambre 
fut  rem'  lie  d'une  grande  lumière,  qui  dura 
une  demi-heure,  et  se  dissipa  peu  à  peu. 
Anthime  et  Sisinne  dirent  alors  à  Pinien  de 
se  lever,  et  il  se  trouva  parfaitement  guéri 
en  ce  moment.  Il  rendit  grAces  à  Jésus-Christ, 
fit  venir  les  autres  confesseurs  que  nous 
avons  nommés,  et  après  avoir  passé  se|.)t 
jours  avec  eux  à  prier  Dieu  et  à  recevoir 
leurs  in.vtructions ,  il  fut  baptisé  avec  sa 
femme  et  tous  ses  amis.  11  demeura  encore 
un  an  dans  sa  charge,  et  délivra  tous  les 
chrétiens  qui  étaient  dans  les  prisons  ou 
dans  les  mines  et  dans  les  autres  travaux. 

Il  semble  par  tout  ceci  qu'il  y  avait  eu  une 
persécution  considérable  dans  l'Asie  au 
commencement  de  Dioclétien,  au  lieu  qu'Eu- 
sèbe  témoigne  que  I  Eglise  jouissait  alors 
d'une  grande  paix;  mais  il  ne  faut  pas  pré- 
tendre que,  dans  les  règnes  des  païims  les 
plus  pacifiques,  il  n'y  ait  point  eu  du  tout 
de  martyrs  :  car  il  est  difiTicile  de  supposer 
que  les  gouverneurs  n'en  fissent  pas  quel- 
ques-uns quand  ils  en  avaient  la  volonté. 

Pinien  revint  de[)uis  en  Italie,  sur  la  fin 
de  l'an  287,  et  amena  avec  lui  les  confes- 
seurs par  qui  il  avait  été  converti,  avec  plu- 
sieurs auires  chrétiens;  et  comme  on  en 
faisait  du  bruit  dans  Rome,  il  les  mit  en 
ditlerents  endroits  de  ses  terres,  car  il  en 
avait  beaucoup.  Saint  Anthime,  prêtre,  de- 
meura caché  dans  celles  (pii  étaient  auprès 
de  Rome,  avec  M.xime,  Bassus,  et  Fabius; 
et  Sisinne  s'établit  dans  une  terre  (pie  Pi- 
nien lui  (ionna  près  d'Osme,  dans  la  Marche 
d'Ancône,  où  il  avait  avec  lui  Dioclèce,  Flo- 
rent et  beaucoup  d'autres.  Ceux-ci  vécui-ent 
trois  ans  en  cet  endroit  avec  beaucoup  de 
repos,  s'occupant  au  service  et  aux  louanges 
de  Dieu,  et  ils  y  furent  eniin  couronnés 
du  martyre,  lan  290.  (Jillcmont,  vol.  IV, 
p.  55'!..) 

LUCIOLE  (saint),  martyr,  versa  son  sang 
})Our  la  foi  avec  les  saints  Félix,  Fortunal, 
Marcie  et  leurs  compagnon.^,  dort  les  noms 
sont  inconnus,  aussi  bien  (jue  les  saints 
Cléonice,  Fulrope  et  Bù.>ilis(pie,  soldats.  Ils 
lrionq)hèreiit  heureusement  par  le  sup[)lice 


i545  LUC 

de  la  croix,  durant  la  iiorséciition  de  Maxi- 
mien,  sous  lo  président  Asclépiadt;.  ()n 
it;noro  le  lieu  où  arriva  leur  [glorieux  et  im- 
mortel martyre.  L'Ktjliso  célèbre  leur  sainte 
mémoire  le  3  mars. 

LUCIUS  (saint).  Voici  ce  qu'h  son  sujet 
nous  trouvons  dans  le  Martyrologe  romain  : 
«  A  Alexandrie,  les  saints  |)rôlri'S  et  diacres 
Caius,  Fauste,  Eusèbe,  Cliérémon,  I.ucius, 
et  leurs  compagnons,  dont  les  uns  lurent 
martyrisés  durant  la  pei-sécution  de  Valé- 
rien  ;  vt  les  autres,  en  servant  les  martyrs, 
reeurent  la  récompense  des  martyrs.  » 
L'iiglise  fait  leur  léle  le  V  octobre. 

LUCIUS  (saint),  martyr,  donna  sa  vie  pour 
la  foi  sous  l'empire  et  dui'ant  la  persécution 
de  Claude  11,  dit  le  Ciotldtpu',  avec  les  saints 
ïhéodose ,  Pierre,  Marc,  et  quarante-six 
autres  soldats ,  que  le  tyran  lit  décapitt.T 
aussitôt  a[)rès  que  le  pape  les  eut  baptisés. 
Ils  lurent  (MitcMxés  sur  la  voie  Salaria,  avec 
plusieurs  auties  martyrs,  au  nombre  de  plus 
de  cent  vingt.  L'Eglise  honore  leur  mémoire 
le  25  octobre. 

LUCIUS  (saint),  évoque  et  qualifié  martyr 
au  Martyrologe  romain,  à  la  date  du  10  sep- 
tembre, jour  auquel  l'Eglise  célèbre  sa  fête, 
était  l'un  des  neuf  évoques  enfermés  dans 
les  mines,  et  h  qui  saint  Cyprien  écrivit  sa 
76'  lettre.  Il  avait  été  déporté  immédiate- 
ment après  sa  première  confession,  aussitôt 
après  avoir  été  cruellement  frappé  à  coups 
de  bâton.  Cet  évêque  avait  assisté  au  grand 
concile  de  Carthage.  {Voy.  Némésien.) 

LUCIUS  fsaint),  pape  et  confesseur,  fut 
très-[)robabIement  martyr.  Sous  le  règne  de 
l'empereur  Gallus,  après  la  mort  du  pape 
saint  Corneille,  ce  fut  Lucius  qui  fut  élevé 
sur  la  chaire  de  saint  Pierre.  11  avait  confessé 
la  foi  avec  saint  Corneille.  Dès  le  commen- 
cement de  son  pontilicat,  il  fut  exilé  de 
Rome  ;  mais  au  bout  de  fort  peu  de  temps  il 
put  y  revenir.  Saint  Cyprien  lui  écrivit  à  ce 
sujet  une  lettre  de  laquelle  nous  allons  citer 
un  fragment. 

«  Cyprien  et  ses  collègues  à  leur  frère 
Lucius,  salut.  Il  n'y  a  pas  longtemps,  frère 
bien  aimé,  que  nous  vous  avons  félicité  du 
double  honneur  que  vous  accorda  la  divine 
miséricorde,  lorsque,  dans  votre  personne, 
elle  donna  pour  chef  à  son  Eglise  un  évêque 
et  un  confesseur.  Aujourd'hui  nous  ne  vous 
félicitons  pas  moins,  vous,  vos  compagnons 
et  tous  nos  frères,  de  ce  que  la  protection 
du  Seigneur  vous  a  ramené  parmi  les  siens, 
couronné  de  la  même  gloire  qu'au  jour  de 
votre  départ.  Le  pasteur  a  été  rendu  à  ses 
brebis,  le  pilote  au  gouvernement  du  vais- 
seau, le  conducteur  à  l'amour  de  son  peuple. 
On  le  voit  bien:  en  permettant  votre  exil,  le 
dessein  de  Dieu  était,  non  pas  que  l'Eglise 
restât  veuve  de  l'évêque  relégué  loin  d'elle, 
mais  que  l'évêque  reparût  dans  l'Eglise  plus 
grand  et  plus  honoré.  En  effet,  le  martyre 
des  trois  jeunes  hommes  de  Babylone  est-il 
moins  illustre  parce  que,  frustrant  la  mort 
de  ses  espérances,  ils  sortirent  sains  et 
saufs  de  la  fournaise  ?  Daniel  a-t-il  perdu  de 
son  illustration  parce  que,  jeté  comme  une 
DiCTiONN.   DES   Persécutions.  I. 


LUC 


1546 


proie  h  la  dent  des  lions,  la  protection  du 
Seigneiw  le  conserva  pour  la  gloice?  Non,  l'a- 
jouiiifiiient  du  marlyi'i',  Njin  d'allaiblir  dans 
les  cotil'esseius  le  mi-iiie  d(!  leur  triomphe, 
manifeste  les  merveilles  de  la  puissance  di- 
vine. Vous  reproduirez  h  nos  yeux  le  dé- 
voueiiuMit  de  ((îs  trois  généreux  et  illustres 
jeunes  honnnesloi'S{{u'ils  déilaièceiil  h  un  roi 
impie  (pi'ils  étaient  orèls  à  brûler  dîuis  les 
llammes  |)lutùl  (pie  cle  servir  s(!.s  dieux  on. 
d'adorer  l'imagc!  ([u'il  avait  faite.  Néanmoins, 
yj(mtaient-ils,  le  Dieu  (pi'ils  adoraj(!nt  et 
que  nous  adorons  aussi  était  assez  puissant 
pour-  les  arracher  à  la  foui-riaise  dévoraiiti.', 
et  les  délivier  des  mains  du  roi,  ainsi  (pie 
de  leurs  maux  présents.  Même  courage  dans 
votre  confession  ;  de  la  part  de  Dieu  môme 
protection.  Vous  étiez  disposé  h  braver  les 
tortures  les  plus  cruelles;  mais  le  Seigneur 
vous  les  a  épargnées,  afin  de  vous  réserver 
pour  son  Eglise.  »  (Belouino,  Histoire  des 
persécutions  de  l'Eglise,  t.  11,  p.  190.) 

Fleury  dit  (}ue,  (luehjue  tem[)s  après,  Lu- 
cius mourut  naturellement;  d'autres  disent 
qu'il  fut  martyrisé.  On  le  trouve  presque 
toujours  dans  les  auteurs  avec  la  qualifica- 
tion de  martyr. 

LUCIUS  (saint),  était  roi  dans  la  Grande- 
Bretagne.  Voici  ce  que  nous  trouvons  à  son 
sujet  dans  ïillemont  :  «  Une  des  choses  qui 
rend  célèbre  le  pontificat  d'Eleuthère,  c'est 
l'ambassade  qu'il  reçut  de  la  part  d'un  roi 
d'Angleterre.  Car  c'est  ainsi  que  nous  appe- 
lons par  avance  ce  qu'on  appelait  alors  la 
Bretagne.  L'Evangile  avait  été  porté  dans 
cette  île  dès  le  commencement  de  la  prédi- 
cation des  apôtres,  comme  saint  Gildas,  sur- 
nommé le  Sage,  semble  le  dire,  quoique  obs- 
curément. Mais  dans  le  temps  qu'EIeuthère, 
qui  était  un  homme  saint,  dit  Bède,  était  le 
chef  et  le  pontife  de  l'Eglise  romaine  sous 
les  empereurs  Marc-Aurèle  et  Commode,  son 
frère  (ou  plutôt  son  hls),  Lucius,  roi  des  An- 
glais, lui  écrivit  et  le  pria  instamment  de 
lui  envoyer  quelqu'un,  afin  qu'il  se  fit  chré- 
tien, et  il  obtient  aussitôt  l'effet  d'une  de- 
mande  si  sainte.  C'est  ce  que  nous  appre- 
nons de  Bède  ;  et  on  le  lit  aussi  dans  un 
pontifical  qu'on  prétend  avoir  été  fait  avant 
le  milieu  du  vi'  siècle.  Les  Anglais,  ajoute 
Bède,  ayant  reçu  la  foi  par  ce  moyen,  la 
conservèrent  toujours  pure  et  inviolable 
dans  une  paix  profonde  jusqu'à  la  persécu- 
tion de  Dioclétien.  Saint  Gildas,  qui  écrivait 
l'an  56i,  selon  Ussérius,  près  de  200  ans 
avant  Bède,  dit  que  la  foi  avait  été  reçue  en 
Angleterre  avec  beaucoup  de  tiédeur,  et 
qu'elle  y  était  néanmoins  demeurée  jusqu'à 
Dioclétien,  tout  entière  dans  les  uns  et  un  peu 
altérée  dans  les  autres.  Origène  dit  que  la 
vertu  du  nom  de  Jésus-Christ  avait  passé  les 
mers  pour  aller  chercher  les  Bretons  dans 
un  autre  monde. 

«  Pour  ce  qui  est  de  Lucius,  dit  Ussérius, 
l'opinion  la  plus  générale  est  que  ce  prince 
était  roi  d'une  partie  de  l'Angleterre  sou- 
mise aux  Romains  ;  car  il  montre  fort  bien 
que  c'était  une  chose  assez  ordinaire  aux 
Romains  d'avoir  même  des  rois  pour  instru 

49 


1547 


LUC 


LUC 


1548 


ments  de  la  servitude  des  peuples,  comme 
dit  Tacite,  de  rAngleterrc  mènu'.  VA  ee  sen- 
timent est  conforme  à  ce  que  ilit  Bôde,  que 
les  Anglais,  ayant  reçu  la  foi  par  la  conver- 
sion de  Lucius,  la  conservèrent  sans  trou- 
ble jusqu'à  Dioclétien  ;  car,  que  leur  eût  fait 
la  persécution  de  Dioclétien,  s'ils  n'eussent 
pas  été  soumis  à  l'empire  romain  ?  Baronius 
a  mis  Lucius  dans  le  Martyrologe  romain  au 
3  décembre. 

a  Ussérius  rapporte  jusqu'à  vingt-trois  opi- 
nionsditl'érontes  sur  le  temps  de  la  conversion 
du  roi  Lucius,  quoique  le  j)ape  Eleut  hère,  sous 
qui  tout  le  monde  le  met,  n'ait  gouverné  que 
quinze  ou  seize  ans  ;  mais  il  marque  assez 
clairement  que  cela  arriva  sous  Marc-Aurèle, 
au  commencement  d'Eleuthèrc,  et  ainsi  vers 
lan  177,  quoique  Bède  marque  l'an  167.  Us- 
sérius suit  ce  sentiment  comme  le  plus  pro- 
bable et  le  contirme,  parce  que  quelques 
Anglais  attribuent  cette  conversion  à  l'éclat 
de  la  victoire  que  Marc-Aurèle  avait  obtenue 
par  le  secours  des  chrétiens  en  17i.  L.'autro 
opinion  est  celle  de  Baronius  qui,  croyant 
que  la  paix  dont  l'Eglise  jouit  sous  Com- 
mode était  i)lus  propre  pour  cette  action, 
l'a  mise  la  deuxième  année  de  ce  prince, 
qui  est  la  cinquième  (i'Eleuthère,  de  Jésus- 
Christ  181.  Basnage  rejette  toute  cette  his- 
toire, mais  il  n'en  donne  aucune  raison  so- 
lide. Tout  ce  qu'on  peut  lui  accorder,  c'est 
que,  n'étant  pas  fondée  sur  des  pièces  an- 
ciennes el  originales,  elle  ne  peut  pas  pas- 
ser pour  être  tout  à  fait  certaine. 

«  Ceux  qui  sont  venus  depuis  Bède  ont 
ajouté  à  ce  qu'il  dit  de  la  conversion  de 
Lwcius  beaucoup  de  choses  moins  assurées, 
que  l'on  peut  voir  dans  le  livre  d'Ussérius 
des  Antiquités  de  l'Eglise  britannique,  et  q.ui 
sont  pour  la  plupart  ridicules  et  insoutena- 
bles. Nous  mentionnerons  les  plus  considéra- 
bles et  les  pius  universellement  reçues,  quoi- 
que nous  n'y  trouvions  rien  qu'on  puisse  dire 
être  établi  sur  des  fondements  un  peu  soli- 
des. Ces  auteurs  disent  donc  que  les  dépu- 
tés envoyés  à  Rome  par  Lucius  étaient  El- 
vanus  et  Medwinus,  dont  le  premier  ou  tous 
les  deux,  selon  quelques  autres,  ayant  été 
faits  évoques  par  Eleuthère,  servirent  beau- 
coup à  la  conversion  des  Anglais,  et  étant 
morts  après  beaucoup  de  travaux,  furent  en- 
terrés en  l'abbaye  de  Glastone,  nommée 
aussi  Avalone,  qui  est  dans  une  île  de  la  ri- 
vière de  Saverne,  au  diocèse  de  Wells.  Quel- 
ques nouveaux  martyrologes  en  marquent 
la  fête  le  1"  janvier. 

«  Ceux  qu  Eleuthère  envoya  de  sa  part  à 
Lucius  sont  nonunés  par  le  Martyrologe  ro- 
main et  par  Baronius,  Fugace  et  Damicn,  et 
fort  diiVéremment  par  les  écrivains  anglais. 
On  prétend  qu'ils  retournèrent  à  Uom.î  pour 
demander  au  [)apo  la  conliruiation  d(î  tout 
ce(pj'ils  avaient  fait,  et  qu'ils  retouirièrenl  en 
Angleterre  avec  plusieurs  nouveaux  conqm- 
gnoris.  On  ra[iporle  aussi  une  li^tlre  qu'on 
dilqii'El.ijlhere  écrivit  ahjrs  à  Lucius,  mais 
les  Anglais  mêmes  ne  trouvent  pas  riu'(!lle 
ail  btnuicoup  de  ra[)iwjrt  au  temps  '1  ''leu- 
tliér.;.  Ce   serait    bien  diliicile  à  souicnir, 


et  on  y  trouve  encore  d'autres  marques 
de  fimsseté.  Enfin,  selon  le  sentiment  d  Us- 
sérius, Lucius  ayant  régné  quelque  vingt- 
cinq  ans  depuis  son  baptême ,  mourut  à 
Glocester  où  il  fut  enterré.  D'autres  disent 
qu'il  quitta  son  royaume,  alla  prêcher  l'E- 
vangile en  Allemagne,  qu'il  soufl'rit  beau- 
coup à  Augshourg,  et  qu'enfin  ayant  été  fait 
évêque  de  Coire  (dans  le  pays  des  Grisons), 
il  y  fut  martyrisé.  Cette  opinion,  qui  assuré- 
ment est  la  moins  probable,  est  néanmoins 
celle  que  l'on  paraît  avoir  suivie  dans  le 
Martyrologe  romain,  le  3  décembre,  auquel 
on  a  mis  la  fête  de  saint  Lucius,  roi  des 
Bretons  ,  à  Coire  en  Allemagne  ,  sans  lui 
donner  néanmoins  la  qualité  d'évêque  ni  do 
martyr  ;  il  est  même  après  quelques  confes- 
seurs. On  dit  qu'il  tomba  entre  les  mains 
des  Grisons  ([ui  le  décapitèrent  dans  la  for- 
teresse de  Martiola,  vers  la  fin  du  ii*  siècle. 
Sa  fête  se  célèbre  avec  beaucoup  de  solen- 
nité dans  le  diocèse  de  Coire,  et  l'on  garde 
une  partie  de  ses  reliques  à  Augsbourg,  dans 
l'église  de  Saint -François.  »  (Tillemont, 
t.  III,  Vie  de  saint  Eleuthère,  passim.) 

LUCIUS,  qualifié  président  dans  les  Actes 
de  saint  Cyrille,  évêque  de  Gortyne  en  Crète, 
condamna  ce  saint  à  être  jeté  dans  le  feu  ; 
mais  ayant  vu  que  les  flammes  n'avaient 
brûlé  que  les  cordes  qui  l'attachaient,  et  que 
le  saint  sortait  sain  et  sauf  du  milieu  des 
flammes,  il  le  laissa  partir  sans  rien  lui  faire 
souilrir  davantage.  Peu  de  temps  après,  ayant 
ap[)ris  que  Cyrille  continuait  les  travaux  de 
son  saint  ministère,  qu'il  instruisait  et  con- 
vertissait les  infidèles,  il  le  fit  décapiter.  Tels 
sont  les  faits  que  nous  trouvons  dans  les 
Actes  de  saint  Cyrille  et  au  Martyrologe 
romain.  {Voy.  Cyrille,  évêque  de  Gortyne.) 

LUCIUS,  gouverneur  d'Ombrie  et  d'Etru- 
rie  pour  les  empereurs  Dioclétien  et  Maxi- 
mien, succéda,  en  304.,  à  Vénustien,  qui,  s'é- 
tant  converti  au  christianisme,  *avait  dû  re- 
noncer à  des  fonctions  qui,  dans  ces  temps 
malheureux,  transformaient  les  gouverneurs 
en  bourreaux  des  chrétiens.  11  fit  venir  à 
Spolète  saint  Sabin,  évoque  d'Assise,  à  qui 
Vénustien  avait  fait  coui)er  les  deux  mains, 
et  qui,  depuis  la  conversion  de  ce  gouver- 
neur, était  resté  dans  son  diocèse.  Il  ordonna 
qu'on  le  battît  cruellement  jusqu'à  ce  qu'il 
exi)iràt  sous  les  coups.  Cette  sentence  reçut 
son  exécution. 

LUCIUS  (saint),  fut  honoré  de  la  palme  du 
martyre  en  Afrique,  sous  la  persécution  des 
"Vandales.  Les  compagnons  de  ses  combats 
furent  les  saints  Qumtien  et  Julien.  Nous 
n'avons  aucun  détail  sur  leur  compte.  L'E- 
glise fait  leur  fête  le  23  mai. 

LUCIUS  (saint),  martvr,  versa  son  sang 
en  Afrique  f)0ur  la  défense  do  la  ndigiou 
avec  les  saints  Sylvain,  Rutule,  CIassi(iue, 
Secondin,  Fructulo  et  Maxime.  On  n'a  pas 
de  détails  sur  les  circonstances  de  leurs 
cr»nil).ds.  L'Eglise  fait  leur  glorieuse  fête  le 
18  lévrier. 

LUCIUS  (saint),  martyr,  «st  inscrit  au 
Martyrologe  roiuain  W.  15  février,  avec  les 


\U9 


i.ir. 


LYO 


iSSO 


Srtints  Saturnin,  Magnus  et  Lucius.  L'E^liso 
les  lioiiofo  (•{illcctivenit'iit. 

LlICIl'S  (.sailli),  était  sénaUMir.  Se  trouvant 
un  jour  au  martyre  do  saint  Théodore,  évo- 
que do  Cvrèno,  il  lut  si  touché  (kî  sa  cons- 
tance, qu'il  se  convertit  à  hi  foi  d(»  Jésus- 
Christ;  d  y  attira  aussi  le  {)rési(lent  DijAnicn, 
avec  ItMiuèl,  étant  allé  en  Chypre,  et  voyant 
qu'on  y  faisait  mourir  d'autres  chrétiens 
pour  la  confession  du  nom  de  Notre-Sri':;neur 
Jésus-Christ,  il  î^e  présenta  de  lui-inénns  et 
ayant  été  déca(>ité,  il  mérita  d(^  recevoir  la 
couronne  du  martyre.  L'Eglise  fait  sa  fête  le 
20  août. 

LUCIUS  (saint),  martyr,  était  évéijue  en 
Cap[>adoce,  où  il  sonlTrit  le  martyre  avec 
saint  Absalon  et  saint  Lorge.  On  n'a  [)as  do 
détails  certains  sur  leurs  souIVranees.  L'E- 
glise lionore  leur  mémoire  le  '2  mars. 

LUCIUS  (saint),  martyr,  souIVrit  ,^  Rome 
en  l'honneur  de  la  foi  avec  les  saints  Paul  et 
Cyriaqut'.  On  ignore  l'époque  et  les  circons- 
tances do  leur  martyre.  L'Eglise  fait  leur 
fête  le  8  février. 

LUCIUS  (saint),  reçut  la  glorieuse  palme 
du  martyre  pour  l'honneur  de  Jésus-Christ 
et  la  défense  de  la  religion  chrétienne.  11  eut 
pour  compagnons  do  son  martyre,  qui  arriva 
en  Lucanie,  les  saints  Hyacinthe,  Quint  et 
Félicien.  Nous  n'avons  pas  d'autres  détails. 
L'Eglise  fait  leur  fètc  le  29  octobre. 

LUCIUS  (saint),  martyr,  souffrit  pour 
Jésus-Christ ,  en  Afrique  avec  les  saints 
Faustin,  Candide,  Célien,  Marc,  Janvier  et 
Fortunat.  {Voy.  l'article  Faustin  pour  plus 
de  renseignements.) 

LUCIUS  (saint),  mart3'r,  souffrit  le  martyre 
à  Rome  avec  les  saints  Rogat,  Cassien  et 
Candide.  On  n'a  aucun  détail  authentique 
sur  eux.  L'Eglise  fait  leur  mémoire  le  1" 
décembre. 

LUCQUES,  ville  de  l'ancienne  Toscane. 
Son  premier  évoque,  nommé  Paul,  y  fut 
martyrisé  avec  plusieurs  autres,  sous  l'em- 
pire de  Néron. 

LUCRÈCE  (sainte),  vierge  et  martyre,  ac- 
complit son  martyre  à  Mérida  en  Espagne, 
sous  le  président  Dacien,  et  durant  la  per- 
sécution de  Dioclétien.  Nous  n'avons  aucun 
document  relatif  aux  diverses  circonstances 
de  son  combat.  L'Eglise  honore  sa  glorieuse 
mémoire  le  23  novembre. 

LUGLIEN  (saint),  martyr.  {Voy.  Luglius.) 

LUGLIUS  (saint),  martyr,  mourut  pour  lafoi 
chrétienne  vers  la  fin  du  \iV  siècle,  avec  son 
frère  Luglien.  Us  furent  mis  à  mort  tous  les 
deux  à  Lillers  en  Artois.  Tous  deux  étaient 
originaires  de  L'Irlande,  et  nés  dans  le  sein 
d'une  famille  illustre.  Luglius,  sans  être  at- 
taché à  aucun  siège,  était  évèque  :  il  en  avait 
tous  les  pouvoirs.  Son  frère  Luglien  était 
possesseur  d'une  seigneurie.  Tous  deux,  par 
esprit  de  dévotion,  quittèrent  leur  patrie,  et 
montèrent  sur  un  vaisseau  qui  faisait  voile 
pour  Jérusalem.  Une  tempête  les  fit  aborder 
à  Boulogne-sur-Mer.  De  là  ils  vinrent  à  Té- 
rouenne.  Us  résolurent  d'aller  parterre,  mais 
de  prêcher  l'Evangile  chemin  faisant.  Dans 
la  vallée  de  Ferfay  ils  furent   massacrés  par 


des  brigands.  Louis  relifpios  furent  gardées 
très-lnuglcmps  à  l.illcrs,  (jui  (hjitson  oiigine 
au  ciillfMju'on  leur  rendait  etijui  y  attirait  de 
nouihrcux  pèlerins  [Voy.  Fkrkay).  L'Eglise 
fuit  la  l'éle  do  ces  douK  saints  le  23  octobre. 

LIIFÈRE  (saint),  évê(pio  et  confesseur,  ver- 
sa son  sang  h  Vérone  pour  la  défense  de  la 
religion  chrétienne.  Nous  n'avons  aucun  dé- 
tail sur  lui.  L'I'^glise  fait  sa  mémoire  glo- 
rieuse le  15  noveiidire. 

LUPERQUE  (saint),  fut  martyrisé  à  Sara- 
gosse  en  Espagne,  par  les  ordres  de  Dacien, 
(pii  on  était  gouverneur,  en  l'an  de  Jésus- 
Christ  30'i-,  durant  la  persécution  de  Dioclé- 
tien ;  div-scpt  autres  furent  martyrisés  avec 
lui;  on  trouvera  hsur  nom  à  l'aiiicle  Dacikn. 
Les  dix-huit  martyrs  de  Saragosse  sont  très- 
honorés  ou  Espagne.  C'est  Prudenci'  qui 
rapporte  ce  (pi"on  sait  d'eux.  Us  sont  inscrits 
an  .Martyrolf)go  romain  sous  la  date  du  IG 
avril.  [Voy.  Prudence,  de  Cor.  hym.  '*;  Tille- 
mont,  vol.  V,  p.  229;  Vasseus,  Bclga.) 

L\JY*V.nQl]E  (saint) ,  soiiffril  le  martyre  à  I.éoii  eu  Es- 
pagne, avec  ses  deux  frères  Claude  et  Viclor.  (l'our  plus 
de  détails,  do»/- <'ladiji;.) 

LLPl'E  (saint),  ayant  passé  de  la  condition  d'esclave  à 
la  liberté  des  enfants  de  Jésus-Christ,  fut  encore  honoré 
de  la  couronne  du  martyre.  L'Eglise  fait  sa  fêle  le  23 
août. 

LUXORK  (saint),  martyr,  répandit  son  san?;  pour  la  foi, 
en  Sardaigne  ,  durant  la  pers(''Cution  de  Dioclétien.  Il  eut 
pour  compai;nons  de  son  martyre  les  sainis  Cisei  et  Omé- 
rin.  Us  [léi  ireiit  par  le  glaive,"  sous  le  président  Delphius. 
L'Eglise  célèbre  leur  sainte  mémoire  le  21  août. 

LlXUlllUS,  était  magistrat  ou  gouverneur  de  la  Tos- 
cane sous  Trajao.  Les  Aetes  de  saint  Césaire,  mailyrisô  a 
Terracine,  et  ceux  de  s;iini  Hyaciniiie,  maityrisé  à  l'orto, 
le  citent,  ainsi  que  Léonce.comme  ayant  été  fiersécuteur  et 
juge  des  saints  dontils  font  mention.  (  Voij.  Cksaire,  diacre.) 

LYBOSL:  (saint) ,  martyr  ,  mourut  eh  Afrique  pour  la 
défense  de  la  foi  avec  les  saiuls  Dominique,  Victor,  Pri- 
mien,  Crescent,  Second  et  Honorât.  On  ignoi  e  la  date  et 
les  circonstances  de  leur  martyre.  L'Eglise  honore  la 
sainte  mémoire  de  ces  glorieux  marlvrs  le  29  décembre. 

LYCARION  (saint),  fut  martyrisé  en  Egypte.  Ayant  été 
déchiré  de  coups,  fouetté  avec  des  verges  de  1er  embra- 
sées, et  tourmenté  cruellement  en  diverses  manières,  il 
accomplit  enlin  son  martyre  par  le  glaive.  L'Eglise  honore 
sa  mémoire  le  7  juin. 

LYDIE  (sainte),  martyre,  était  femme  de  saint  Philet, 
mai  tyr.  Elle  cueillit  la  palme  avec  lui  et  ses  enfants  Ma- 
cédo  et  Théoprépide.  Le  Martyrologe  nomme  encore  saint 
Amphiloque,  chef  de  milice,  et  saint  Cronidas,  greffier. 
L'Eglise  honore  la  sainte  mémoire  de  ces  glorieux  mar- 
tyrs le  27  mars. 

LYON,  LugdwnMnj,  chef-lieu  du  département  du  Rhône, 
était,  sous  les  Romains,  une  des  plus  importantes  villes 
des  Gaules  :  c'était  la  capitale  de  toute  la  Lyonnaise.  Cette 
ville  fut  la  patrie  de  Marc-Aurèle;  ce  prince  persécuteur 
voulut  sans  doute  que  sa  patrie  ne  fût  pas  oubliée  quacd 
il  lit  poursuivre  et  mettre  a  mort  les  chrétiens:  ce  fut 
sous  son  règne  que  la  ville  de  Lyon  fut  le  théâtre  de  celte 
gratide  persécution  dans  laquelle  périrent  saint  Pothin, 
son  évéque,  les  saints  Sanclus,  Mature  ,  Epagate,  Attale, 
Ponticus,  Alexandre  le  médecin,  Alexandre  le  Grec  et 
Epipode,  ainsi  qu'une  multitude  d'autres  dont  l'histoire 
ne  nous  a  pas  conservé  les  noms.  Les  femmes  ne  furent  pas 
épargnées  :  sainte  Biblis  et  sainte  Blandine  y  versèrent 
leur  sang  pour  la  foi,  après  avoir  été  horriblement  tourmen- 
tées. Nous  croyons  devoir  donner  ici  certains  piissagt  s  de 
la  lettre  que  lés  chrétiens  de  Vienne  et  de  Lyon  écrivi- 
rent aux  Eglises  d'Asie.  (Du  reste,  voyez  les  articles  des 
saints  et  des  saintes  nommés  ci-dessus.) 

«  Les  serviteurs  de  Jésus-Christ,  qui  demeurent  a  Vienne 
et  à  Lyon,  \illede  la  Gaule  Celtique,  à  leurs  frères  d'Asie 
et  de  Phrygie  qui  ont  la  même  foi  et  qui  espèrent  au 
même  Rédempteur  :  la  p.àx,  la  grâce  et  la  gloire  leur 
soient  (ioiuiées  par  la  inisériiorde  de  Ditu  le  Père  et  l'en- 
tremise de  Jésus-CLiisi  N(  tie-Seigue.r.  :Nos  paroles  ne 
pourront  jamais  e.xprinuT,  ni  notre  plume  dépeindre  tous 
les  maux  que  l'aveugle  fureur  des  gentils  leur  a  inspirés 


i551 


L\0 


LYS 


lo52 


contre,  les  saints,  ni  loiil  ce  que  leur  cruelle  animosiU'"  a 
rail  eiulurer  aux  bieniioureiix  m:irt\T^.  iNniro  oiuiomi 
coiiiiuuu  a  ramassé  loules  sns  tort;es  coiitre  no'is;  mais 
ayant  lornié  le  ilesseiii  d"  uotre  perle,  il  y  a  Irmai  lé  peu 
k  pt'u,  et  il  a  couuiieacé  ii'al)ord  ii  nous  faire  sentir  (jui'i- 
ques  niarciues  de  sa  haine;  car  etiliu  il  n'a  rien  oui)lié  de 
tout  ce  que  ces  noirs  arlilices  lui  oui  su  fournir  de  moyens 
pour  pordrp  les  serviteurs  de  Dieu;  ci  il  n'y  a  ni  alfronts, 
ni  injures,  ni  lourniouts  que  sa  tnaliguité  ne  lui  ail  fait 
employer  contre  eux.  Il  a  accouiumé  insensiblement  ses 
niinisires  à  les  liar,  ei  leurs  mauvais  traitenienis  onl  été 
couune  le  prélude  des  maux  liorri])les  oil  il  Irs  a  enfin 
précipités.  Non-siult-nient  ou  les  ciiassait  des  maisons,  des 
bains,  de  la  |)lace  publique,  mais  on  ne  soutFrait  pas  même 
qu'un  seul  pari\i  en  aucun  lieu.  Mais  la  grâce  de  Dieu  a 
combattu  pour  nous,  et  le  démon  a  été  lieureusement 
vaincu.  Celle  gràre  toule-puissanle  ayant  mis  les  plus  fai- 
bles hors  di-  l'aliaque  et  a  l'abri  du  péril,  elle  n'a 
ex()0sé  que  les  plus  braves  aux  traits  de  rennemi.  Ces 
généreux  soldais  de  Jésus-Christ,  comme  autant  de  fer- 
mes colonnes,  sont  demeurés  inébranlables  a  toutes  ces 
secousse-,  et  opposani  leurs  corps  à  l'impétuosité  de  ces 
coups,  ils  oni  eux  seuls  soutenu  vaillamnuinl  tout  le  fort 
du  combat.  S'étant  donc  avancés  vers  cet  implacable  en- 
nemi, et  l'ayant  joint  de  près,  ils  se  sont  vus  d'ahord  cou- 
verts de  toutes  sortes  d'opprobres;  mais,  foulant  aux 
pieds  tout  ce  qui  iiaraît  formidal)le  à  l'esprit,  ils  n'ont  eu 
en  vue  que  la  gloire  que  Jésus-Clirisl  leur  montrail;ils 
ont  marché  vers  elle,  monlrant  aux  homm>^s  par  leur 
exemple  à  ne  point  craindre  les  maux  de  celte  vie,  qui 
n'ont  aucune  pro;  ortion  avec  le  bonheur  de  l'autre,  ils 
oni  donc  essuyé  avec  une  co;istance  admirable  les  cla- 
meurs d'un  peuple  furieux,  s  s  emportements,  sa  férocité; 
ils  ont  soulieri  d'être  frappés,  traînés  sur  le  pavé,  dé- 
pouillés de  leurs  biens,  accalilés  sous  des  monceaux  de 
pierres,  jetés  dans  des  prisons  obscures;  en  un  moi,  ils 
ont  é|irouvé  tout  ce  qu'uup  p  ipulace  bruiale  et  livrée  à 
l'e'-ptit  de  haine  aurait  pu  entreprendre  contre  les  enne- 
mis les  [lins  conjurés  à  sa  ruine.  Il  y  eu  eut  plusieurs  qui, 
s'étant  drpuis  longtemps  préparés  a  tout  événement,  se 
monlrèrent  prêts  a  mourir,  et,  se  mettant  à  la  tête  des 
lidèles,  firent  avec  une  joie  (jui  éclatait  sur  leur  visage  et 
dans  le  son  de  leur  voix  la  confession  des  martyrs;  mais 
il  y  en  eut  d'antres  qui,  pour  ne  s'èlre  pas  exercés  à  ce 
combat,  et  pour  y  être  venus  sans  s'être  armés  de  force, 
du  moins  sans  s'être  cousuliés  sur  leur  faiblesse,  en  don- 
nèrent de  tristes  marques.  Il  s'en  trouva  environ  dix  qui, 
par  leur  déplorable  chute,  nous  causèrent  une  douleur 
incroyable,  et  firent  couler  des  pleurs  parmi  la  joie  que 
nous  ressentions  d'avoir  confessé  Jésus-Christ.  L'aiiliction 
l'ut  générale,  et  elle  passa  jusiju'a  ceux  qui,  n'ayant  pas 
encore  été  découverts,  se  tenaient  près  des  mariyrs  pour 
les  fortifier,  et  qui  ne  les  quiLlalenl  point  de  vue,  quoi- 
qu'ils s't  xposassenl  par  la  a  un  très-grand  danger. 

«  Frappés  d'une  mortelle  crainte,  nous  demeurions  dans 
une  incertitude  cruelle  touchant  la  suite  (lu'aurail  celte 
alFaire  :  non  que  les  tourments  ni  la  mort  nous  lissent  peur, 
mais,  n'osant  envisager  l'avenir  qu'avec  tiembleineul, 
nousappréheiubons  toujours  (jue  quelqu'un  des  noires  ne 
vl  it  à  tomber  a  nos  yeux.  Il  est  viai  (jne  le  nombre  de 
ceux  qui  étaient  tombés  fut  bii'iilôt  heureusement  rem- 
placé par  les  pins  consiiiéraliles  qu'on  arrêtait  tous  les 
jours;  de  sorte  i\\if  les  premiers  de  l'une  et  de  l'autre 
Kglis'',  et  qui ,  par  leur  industrie  et  leurs  travaux,  les 
av.iient  fondées,  furent  tons  mis  en  prison.  Il  y  eut  aussi 
de  nos  esclaves  qui,  (juoiciue  pai.iis,  fùn'nt  arrêtés,  le 
gouverneur  ayant  donne  des  ordres  très-précis  de  ne  lais- 
ser échapper  aucun  de  nous  ni  des  uôires.  Mais  ces  âmes 
basses  et  servies,  ces  perfides  serviteurs,  ou  effrayés  par 
la  vue  des  supplices  (pi'ils  voyaient  souffrir  ii  leurs  inaltres, 
ou  poussés  par  le  dé. non,  cet  esprit  de  mensonge,  ou  in- 
cités par  !es  soldats,  gens  peu  religieux,  rcnouvelèient 
contre  nous  les  anciennes  et  affreuses  calonmies  dont  les 
païens  ont  si  souvent  noirci  notre  réputation  et  l'inno- 
cence de  l'Lglise.  Ils  nous  reprochèrent  ces  rejias  san- 
glants de  Thyeste  et  ces  embrasseioents  in(;estueux  d'OE- 
dipe,  et  d'au  1res  forfaits  auxquels  nous  n'osons  penser  et 
(pie  nous  o.sons  encore  moins  écrire,  ni  croire  (ju'il  se 
I>uisse  trouver  un  seul  homme  (|ui  ose  les  conun'tire. 
Cependant,  a  peine  ces  lausses  accusations  eurent-elles 
été  répandues  parmi  le  |)eupl(!,  que  les  es[)rits  s(!  déchal- 
iièr<;nt  cjnire  nous  avec  tant  de  lurie,  (pie  si  jusqu'alors 
Il  s'était  rencontré  (|ueli|n'un  (jni,  par  (|uelipie  liaison  de 
sang  ou  d'amitié,  .se  liit  montré  modéré  i  notrw  égard, 


cette  déposition  forcée  de  crimes  imaginaires  l'aliénait 
aussitôt  et  le  rendait  uotre  plus  cruel  ennemi.  On  voyait 
s'accomplir  alors  celle  prédiction  de  Jésus-Christ  :  //  vien- 
dra un  /(  i»(;)s  iju'im  croira  faire  un  ace  de  retiçiion  en  voui 
faisant  muurir  ;  et  eu  effet,  ces  saints  martyrs  souffrirent 
des  tourments  si  horribles,  (jue  le  démon  se  promettait 
sans  doute  que  leur  constance  pourrait  enfin  être  vaincue 
ou  leur  foi  ébranlée.  «  (Hniuart.) 

Après  la  grande  persécution  (lue  l'Eglise  de  Lyon  souf- 
frit sons  Marc-Aurèle,  elle  demeura  en  paix  durant  un 
assez  long  intervalle.  Tout  le  règne  de  Commode  et  le 
commeucemenldeceluideSepiime-Sévèr('  furent  exempts 
de  persécutions.  Saint  Irènée  ,  (lui  avait  été  nommé  évo- 
que de  Lyon  après  la  mort  de  saint  Poihin,  avait  profité 
de  celte  paix  profonde  pour  faire  de  nombreuses  conquê- 
tes à  Jésus-Christ.  Saint  (Grégoire  de  Tours  dit  qu'il  amena 
la  ville  de  Lyon  près  lue  tout  entière  au  christianisme. 
Pendant  ce  tem|)S-lâ  aussi  la  foi  s'était  propagée  aux  pro- 
vinces voisines  :  des  évêques  avaient  été  nommés,  et  saint 
Irénée  avait  pu  deux  fois,  dans  des  circonstances  solen- 
nelles, assembler  des  conciles  provinciaux.  Dieu  voulut 
récompenser  de  si  grands  succès  et  couronner  la  vie  si 
remplie  et  si  belle  du  pasteur  par  le  triomphe  qu'il  lui  ré- 
servait ainsi  qu'ia  la  plus  grande  (lariie  de  sou  troupeau. 
En  rannée  20i',  sous  le  règne  de  l'empereur  Septime-Sé- 
vère,  l'Eglise  de  Lyon  eut  à  soutenir  un  combat  des  plus 
glorieux  :  saint  Irénée  fut  martyrisé  avec  la  plus  grande 
partie  de  .son  troupeau.  On  porte  a  18,000  le  nombre  de 
ces  généreux  martyrs. 

LVSIAS,  tribun  des  troupes  romaines  qui  étaient  pré- 
posées il  la  garde  du  temple  de  Jérusalem.  Ce  fut  lui  qui 
arracha  des  mains  des  Juifs  saint  Paul,  qu'ils  voulaient 
faire  mourir.  Voulant  connaître  le  sujet  de  leur  colère 
contre  lui,  il  allait  le  faire  meltt-e  à  la  question  et  le  faire- 
battre  de  verges ,  quand  saint,  l'aul  lui  dit  qu'il  était 
citoyen  romain.  Il  l'envoya  dans  la  tour  Anlonia,  et  ayant 
eu  avis  que  plus  de  quarante  Juifs  conspiraient  pour  le 
tuer,  il  le  fil  partir  pour  Cé»arée  avec  une  escorte  res- 
pectable, il  remit  aux  centurions  qui  le  conduisaient  une 
lettre  pour  le  gouverneur  Félix.  {Voy.  Padl.) 

LYSIAS,  lieutenant  de  Trajan,  fil  un  grand  nombre  de 
martyrs  a  Eiiesse,  eu  l'année  116.  Parmi  les  chrétiens  qui 
furent  martyrisés  par  ses  ordres,  Thisloire  a  conservé  les 
noms  de  saint  Barsiinée,  évcHpie  d'Edesse  ,  de  saint  Sar-. 
bêle  et  de  sainte  Uarbée.  11  est  certain  qu'un  grand  nom- 
bre de  chrétiens  sonllrirent  le  martyre  sous  ce  lieutenant 
de  Trajan.  Mallieureusemenl  les  écrivains  du  temps  ne 
nous  ont  pas  laissé  de  documents  certains  sur  ces  saints  et 
sur  le  {;enre  de  leur  morl. 

LYSIAS,  proconsul  de  Cilicie,  sous  les  commencements 
de  Dioclélien,  fil  mourir,  après  leur  avoir  fait  endurer  des 
supplices  atroces,  les  saintes  Doumine  elThéonille,  et  les 
saints  Claude ,  Astère  et  Néon.  H  montra  une  cruauté 
inouïe,  en  choisissant  pour  tourmenter  les  saints  tout  ce 
que  la  barbarie  la  plus  ralîinée  avait  pu  imaginer  d'hor- 
rible (Vo'j.  Claide).  En  lisant  les  Actes  des  saints,  victi- 
mes d(ï  ce  persécuteur  féroce,  on  vena  la  preuve  de  ce 
que  nous  disons  ici.  Ce  fut  aussi  cet  homme  cruel  qui  fil 
mourir  le  saint  vieillard  Marin,  en  le  faisant  exposer  au 
milieu  du  cirque,  oii  les  animaux  féroces  le  mirent  en 
pièces;  préal  iblement  il  l'avait  l'ail  déchirer  ii  coups  de 
fouets  plomliés,  et  lui  avait  fait  disloquer  les  membres. 
Il  condamna  a  être  décapités  les  s  lints  Côme  et  Damieu, 
qui  exerçaient  leur  profession  a  Eges.  Leurs  trois  trères. 
Antilime,  Léonce  et  Euprèpe,  furent  décai)ités  avec  eux. 
Voilà  tout  ce  que  nous  savons  sur  Lysias  ;  c'est  assez  pour 
nous  convaincre  ipie  ce  gouverneur  meltail  ii  accomplir 
les  ordres  des  |iersécuteurs  un  zèle  bien  vif  et  un  achar- 
nement bitni  grand. 

LYSl.MAtJlJE  (saint),  martyr,  l'un  des  quarante  martyrs 
deSéhasie,  sous  Liciiiius.  {Voij.  Mautvus  de  Sébaste.) 

LVSTl^E,  ville  de  la  Lycaouie ,  auN.-O.  d'Icône.  Saint 
Paul  y  étant  venu  avec  saint  Barnabe,  y  guérit  miracu- 
leusement uii  homme  perclus  de  ses  deux  jambes.  Les 
assistants,  émerveillés,  voulurent  adorer  les  deux  saints, 
les  prenant  pour  des  dieux.  Ils  ap|)elaienl  .saint  Paul, 
Mercure,  et  saint  liamabé,  Jupiter.  Les  deux  hommes  de 
Dieu  se  défendirent  de  ces  hommages  prolanes,  et  se  mi- 
rent il  prêcher  les  vérités  de  la  foi  a  cette  multitude  ; 
mais  (pielques  Juifs  dlcone  éianl  arrivés  changèrent  tel- 
lement les  dispositions  du  peuple,  (ju'il  .souffrit  (pielesJuifs 
lapidassent  saint  Paul.  Après  qu'ils  l'eurent  ainsi  lapidé, 
ils  le  traiiu-reul  hors  de  la  ville  elle laissèreui  pour  luorl. 
(Vuij.  Paul.) 


FIN    I)V     TO.MK     rKKMllill. 


l 


^XygV?VO^t;CV5^*'^.;grX5X^.;g^VJi/S''M4^  ; 


ETAT  DES  PUBLICATIONS  DES  ATELIERS  CATHOLIQUES  AU   l^r  MAI  1851. 


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ii.TOiii'OO^ol.  et  couleront  l,8U0  tr.  lous  les  Pères  se  trouvent 
lé  inrnoiiis  dans  l'édiliou  latine.  113  ont  paru,  cl  660  suuscripieiiis 

COUK-^'COMPLETS  D'ECRITURE  SAINTE  ET  DR  THEOLO- 
GIE, l'form's  unii^ucment  de  Commeulaires  et  de  Traités  par- 
tout reconnu-,  coiunie  lies  cliel's-dœuvre,  et  désignés  par  mie 
graude  partie  des  évêques  et  des  tlitologiens  de  l'Europe,  uni- 
versellomeiil  cous  diés  a  cet  eilet  ;  2'  pui)!iés  et  annotés  par  une 
société  iPecclésiasticpies  ,  lous  curés  ou  directeurs  de  séminaires 
dans  P;iris,  et  par  12  séraiuaircs  de  province.  Cliaque  Cours,  ler- 
miné  par  nne  tible  universelh;  analytique  et  parmi  grand  nombre 
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cril  aux  deux  durs  à  la  fuis  ou  à  chùcitn  d'eux  en  vanicuUer. 

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ORDltE.  >el  n  l'ordif  clironologique,  alin  d  •  prc.seuier,  comme 
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et  [)ar  uidro  yjpiiabi'îtnpi'^,  la  pir.s  claicp,  la  pins  varié-,  la  fins 
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ItES  ''O.N  r  :  ceux  d'Écrilnre   sainte,  —  de  l'Iiilologie   saci:ée, 

—  de  Litiirgio,  — de  Droit  canon,  —  (les  Héiésies.dos  scliisnii's, 
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sc^ieiice,  —  de»  Ordres  religieux  (hommes  et  femiiiei),  —  des 
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Législation,  lliéoricpie  et  pratique,  — de  Patrologie,  —  de  Rio- 
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siique,—  des  Croisades, — des  Missions,  — des  Légendes, — 
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la  s:iiiile  Vierge,  —  des  Indulgences,  — des  Prophéties  et  des 
miracles,  —  de  Pililiograpliie  catholique,  —  d'Erudition  ecclé- 
siasticpip,  —  de  Statihiic|ue  chrétienne, —  d'Economie  religieuse 
et  charitable, — des  Persécutions, — des  .Vtliées,  innédules, etc., 

—  des  Erreurs  soi;i.ilisles, — de  i'hilosophie  c-lholicpie, — de 
Physiologie  spiritualiste,  — d'Antiphilosophisnie,  —  de  Critique 
chrétienne, — des  Apologistes  involontaires,  —de  la  Chaire 
chrétienne,  —  d'Elocpience,  id.,  —  de  Littérature,  j'd.,  —  d'Ar- 
cli<''ologie,  id.,  —  de  PePiuire  el  di'  sculptuio,  i,/.,  —  de  Nu- 
misniiiiquc.  i/.j  —  (l'ilérallique,  tti.,  —  de  Mnsupie,  i(/  ,  — de 
Pal.'oiitoUgie,  td.,  —  dt^  liotani  jue,  id.,  —  de  Zo'  logie,  id.,  — 
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Kène,  Eusébe,  S.  Angusliii,  Montaigne,  Bacon,  (îrotius,  Desf  arles, 
Kicii»'li»iu .  Arnjuld.  d»'  «.hoiseul  du  Ple»8is-Pra&lih  ,  l'astal, 
Pélisïon,  ^i^ole.  Boyle,  Ros-,ii"i,  IJoi.rdaUme,  Locke,  l.ami,  Hnr- 
nel,  Maileliianche,  Le.iley,  I f.ibnil/,  la  Bruyère,  Féiielon,  Hiiel, 
(larke,  Duguei.  St:inhope,  Biyle,  Leclerc,  Du  Pin,  Jacqneloi, 
'lillotwjft,  De  liiller,  Sheilock,  Le  Moine,  Pope,  Lfland,  UaciiK'. 
Mibnii.ifj,  Dilion,Derliïin,d'AKuessean,  de  Polignac,  S.inriu.  Iluf- 
(ier,  NVarlJurion  loiiiniMiiine  Heu  ley,  Lilileloii,  Kabrnius,  Seed, 
Adds'iu,  De  B»  r  ih,  Jem  J.k  .pM-s  Roufiseau,  Para  du  Pliinias, 
Sia  liHias  1",  1  uryoï.  Nuibji ,  W«'»i,  Be,i,i/.èe,  B.-r^ie.r,  i;eidil, 
Ihoinas,  Bonuet,  do  CriUun,  Eiiler,  Delauiarre,  C^racciuli,  Jeu-' 


nings,  Duhamel,  S.  Lignori,  Butler,  Rnllei,  Var.vc.ai  gu  s,  Giié- 
nard.  Biair,  De  ro:np;gnan,  'îc  l  ni:,  l'orieus,  Gérard,  Die>sl)3ch, 
Jacques,  Lamonr-  ite,  Lahar|)e  Le  ("oz,  Dnvoisin.  De  la  Luzerne, 
Schmitl,  Pojnter,  Moore,  SiKlo  Pelhco,  Lingard,  li'iinati,  Man- 
/oni,  Perrone,  Paley,  Dorléans,  Campri  n,  l'éreniiès,  Wiseman, 
Riiikbnd,  Marcel  de  Serres,  Keith,  Chnlmers,  Dupiii  aine,  Sa 
Sainteté  Grégoire  .\YI,  Cattet,  Milner,  Sabatier,  Morris,  Bolgeni, 
Chassay,  Lombroso  et  Coiisoni  ;  conlenani  les  apologies  de  117 
ailleurs  répandues  dans  180  vol.  ;  traduites  pour  la  plupart  des 
diverses  langues  dans  lesquelles  elles  avaient  été  écrites;  re- 
produites IN  l'EGIiALEMKNT,  non  par  extraits;  ouwaue  éj/ale- 
ment  nécessaire  a  ceux  qui  ne  croin.i  pas,  i»  ceux  qui  doittlenl 
et  a  ceux    qui    croient.  18  vo'.  in-4".  Prix  :  lt)8  fr. 

DISSERTATIONS  SLR  LES  DROITS  LT  LE->  DEVOUAS 
DES  EVEgUI  S  ET  DES  PRETRES  DANS  L^EGLlSE.  par  le 
cardinal  d*»   la   Lt^zerne.  1  vol.  in-4"  de  1900  col.  Prix  ;  8  fr 

HISTOIRE  DU  CONCILE  DK  TRENTE,  pa--  le  cardinal  Palla-- 
vicini,  précéiiée  ou  suivie  du  Catéchisme  el  du  texte  du  même 
concile,  de  diverses  clisse  rt  a  lions  sur  son  autorilé  dans  le  monde 
catholique,  sur' sa  recepiion  en  Erauce  ,  et  sur  teiiles  les  objec- 
tions I  roteslanles,  jansi'nisies,  pailemeritaires  et  pliil(»'0|ihi(|ues 
au  quelles  il  a  été  en  biitie  ;  eniin  d'une  notice  sur  chacnn  des 
membres'qui  y  nrirent  pari.  5  vol.  in-l".  l'iix  :  18  ir. 

PERPETllTE  DE  LA  KOI  DE  L'EGLISE  CA'inoLIOCK. 
par  Nicole,  Arnauld,  Tenaudol,  etc.,  suivie  de  ia  Perpé^nté  de 
la  Foi  sur  la  confession  auriculaire  par  Denis  de  Sainie-Marlhe, 
el  des  13  Lettres  de  Sc^ieffmacher  sur  presque  toutes  les  matiè- 
res controversées  avec  les  Protestants;  4  voi.  in-i'.  Prix    21  fr. 

OEUVRES  TRES-  COMPLETES  DE  SAlNTKTHLKt  SE,ei.lou- 
rées  de  vignettes  à  chaque  pa-^e  ;  précédées  (*u  poriraii  de  la 
sainte,  du  fac-similé  do  .son  écrqnre,  de  sa  Vie  par  Ville  ore;* 
suivies  d'un  grand  nombre  de  lettres  inéoiies,  des  niéditalioiis 
sur  ses  vertus  par  le  cardinal  Lambruschini,  de  son  éloge  par 
Possuet  el  par  Era  Louis  de  Léon.chi  discours  sur  le  non-(piié- 
tismede  la  Sainte  par  Villel'ore;  des  OELVRES  COMPLl':TESde 
S.  Pierre  d'Alcaniara.de  S.  Jeau-de-Ia-(  roix  el  du  bienheureux 
Jean  d'Avila;  formant  ainsi  'a  le  ut  bien  complet  de  ia  plus 
célèbre  Ecole  ascétique  (rEspagn;-.  I   vol.  in-i".  Prix   :  24- fr. 

CATECHISMES  philoso;  hiques,  poléur.q'jes,  tusion<iuea,  dog- 
matiques, nicraux,  chsciplinaiies,  i  giioni-mes,  pratiques,  ascél'- 
ques  el  mystiques,  de  Feller,  Aimé,  Schellmai  lier.  Rohrbacher, 
Pey,  Lefrançois,  Allet/.,  Almeyda,  Fîenry,  l'omey,  Itellarmin, 
Meusv,Chaliorie.r,  Goilier,  Surin  et  Olier.  2  vol.  in-i".  Prii  l.ï  fr. 

PRyELECl  lONCS  TliEOLOGlC^,  de  PERRUNF,  2  forts  >oL 
in-*".  Prix  :  12  fr. 

OEUVRES  TRES-COMPLETES  DE  DE  PÎŒSSY,  évêqae  de 
Boulogne.  2  vol.  in-4°.  Prix  :  12  fr. 

OEUVRES  DU  COMTE  JOSEPH  DE  MALSTRF,  savoir  :Con- 
sidéraiions  sur  ,a  France; — E-sai  s.ir  le  f.rincipe  générateur 
des  conslilulions  polilicpies  e!  des  autres  ins'.ltu  ions  liumalnes, 

—  Délais  de  la  justice  divine  dans  h  puniiion  des  cou[ables;  — 
Du  Pape  et  de  l'Egli^e  gallicine.  l  faible  vol.  in  4".    l'nx    5  fr. 

MONUMENTS  INEDIIS  }sLR  L'APOSTolAf  DK  hAiNTK 
MARIE-MADELEINE  KN  PROVENCE,  el  sur  les  smres apôtres 
de  cette  contrée,  S.  Lazare,  S.  Maxirnin,Ste  Mrihe  et  les 
saintes  Maries  Jarol'é  et  Salomé,  etc.,  par  M.  Fallon,  de  St- 
Sulpice,  2  tons  vol.  m-^"  enrjcliis  d  ■  500  gravures  Prix  ;  "20  fr 

OEUVRES  COMPLETES  DE  RlAMBOLUG.angmeniéesdeplu- 
sieurs  traités  inédits,  annotées  par  M.  Fojssel,  l'vol.  in-8".  Pr  7fr. 

INSTITUTIONES  CATHOLIC-E  IN  MODUM  CATECHESEOS, 
jiarPouGKT,  12  vol.  in-^o.  Prcx  :  25  fr. 

MANUEL  EC(  LESIASTIQUE  ou  REPERTOIRE  offrant,  par 
ordre  alphabétique  el  en  6i0  pages  blanchies  à  Scoloniifs,  tout 
autant  de  lilres  avec  divisions  t;t  sous-divisions,  sur  le  dogme,  la 
morale  et  la  discipline;  ouvrage  h  l'aide  ducpiel  il  e->l  im[iossible 
de  perdre  dé.sormais  nue  seule  bonne  pensée,  soit  qu'elle  sur- 
vienne enclasse.ii  l'égliic,  en  voyagu,  dans  le  monde,  la  conver- 
sation, la  lecture,  eic.  1  vol.   relié,  in-lol  ,  i  rix  :  6  Ir. 

On  peut  demander  tous  ces  volumes  veliés.  Le  prix  de  la  re- . 
liure  est  de  2  fr.  ou  de  1  Ir.  75  c.  pour  les  in  4°;  de  1  fr.  10  c. 
ou  de  1  fr  jiour  les  iu  8".  Dans  le  iiremier  cas,  elle  esi  pleine  ; 
dan<  le  second  elle  est  mi-p  eine. 

Le  onzième  exemplaire  d'un  même  cm  rage  est  donné  pour 
prime  à  celui  qui  en  prend  dix  ensemble  ou  succcsNivemenl. 

Les  souscripteurs  à  20  volume-,  à  la  fois,  parmi  les  ouvrages 
ci-des>;us,  jouissent,  lùN  FRANCE,  de  quatre  avantages  :  le  pre- 
mier est  de  pouvoir  souscrire  sans  allianclur  leur  lettre  de 
souscription  ;  le  second  est  de  ne  payer  Irs  volumes  qu'après  leur 
arrivée  au  clief-lieu  d'arrondissement  ou  d'évéché  ;  le  troisième 
est  de  recevoir  les  ouvrages  frinuo  chez  noire  rtirre^pondant  (U 
le  leur,  ou  d'être  remboursés  du  port;  le  <|U3iilèiue  est  de  ne 
verser  les  fonds  (lu'a  leur  propre  doii.icile  et  sans  Irais. 

CANONS  D'AUTEL,  pour  les  Morts,  en  feuilles,  noir,  7  fr.; 
id  ,  coloriées,  15  fr  ;  id.;  sur  cari(ni,  lo  d  i.oir,  12  ir.;  id.  colo- 
riées, W)  fr. —  ii.  avec  cad  es  noirs,  sujet  trur,  4."  Ir  ;  ùL.sujrt 
colorié,  M  fr.  —  id.,  avec  cadres  dorés,  exira-ri(.hes,i.Ujeluoir, 
t)5  IV.;  id  colorié,  60  fr. 

C-mons  d'auiel,  piuir  la  Sainte  Vierge,  (i  fr.  —  10  fr.  —  12  fr 

—  lii  Ir.  —44  fr.  —  50  fr.  —  51  fr.  —  57  Ir. 


K.r^r€,>1^^5^^çl^i^o^^tL?4^^J^^ 


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COû   BELGUINJf 
ACC#  1318591 


PA  GICTICN:MAI 


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